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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


ST. JOHN’S, le mardi 23 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 13 heures, pour l’étude du projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour, et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez. Je suis sénatrice du Québec et présidente du comité.

Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter.

La sénatrice McCallum : Mary Jane McCallum, du territoire visé par le Traité no 10, au Manitoba.

Le sénateur Ravalia : Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Simons : Paula Simons, du territoire visé par le Traité no 6, en Alberta.

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

La présidente : En ce qui concerne notre premier groupe de témoins cet après-midi, nous accueillons Keith Sullivan, président de la Fish Food and Allied Workers Union, et, à titre personnel, Brett Favaro, chercheur scientifique à l’Institut des pêches et de la mer de l’Université Memorial de Terre-Neuve, et Gail Fraser, professeure agrégée de la Faculté d’études environnementales de l’Université York.

Bienvenue. Nous avons hâte d’entendre vos déclarations.

Keith Sullivan, président, Fish Food and Allied Workers Union : Mesdames et messieurs, merci d’être venus à Terre-Neuve-et-Labrador et de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui. La Fish Food and Allied Workers Union représente environ 15 000 hommes et femmes de la province qui travaillent principalement dans le secteur des pêches. Environ 10 000 sont des pêcheurs côtiers de la province. Nos membres travaillent et vivent dans presque l’ensemble des 500 collectivités de la province. On trouve nos membres dans les moindres recoins de la province. La plupart de ces collectivités ont toujours été des collectivités de pêche, et c’est la principale raison pour laquelle des gens sont là et continuent d’y être, dans la plupart des cas. Évidemment, l’environnement marin est quelque chose qui est très important pour les gens avec qui je travaille chaque jour.

Les membres de la FFAW sont extrêmement préoccupés au sujet de l’expansion continue des activités pétrolières et gazières dans des zones traditionnellement réservées à la pêche. Il y a évidemment des répercussions sur la pêche commerciale et le gagne-pain des gens. Aujourd’hui, ma déclaration portera principalement sur quelques éléments différents liés au projet de loi. Pour commencer, je vais m’attarder aux types de projets désignés en vertu de la loi, à l’évaluation des répercussions socioéconomiques de ces projets, aux rôles des comités, conseils consultatifs et comités de révision et à l’inclusion des évaluations régionales dans la loi. Je veux aussi parler de ce que signifie vraiment la tenue de consultations significatives et de la façon dont les principaux intervenants sont pris en considération dans le cadre d’une telle consultation.

Il y a de nombreuses références dans le projet de loi aux projets désignés exigeant une évaluation environnementale complète. Il y a d’importantes préoccupations associées aux travaux sismiques dans notre environnement marin. Il est absolument crucial que de tels programmes sismiques soient considérés comme des projets désignés en vertu de la loi. Nous comprenons les répercussions des campagnes de forage et de la production commerciale future, mais une bonne partie des préoccupations — surtout au cours des dernières années, vu l’élargissement des travaux sismiques —, concernent les répercussions associées aux importantes zones de sondage sismique à l’échelle océanique et l’impact réel que de telles activités peuvent avoir sur les gens qui comptent sur l’océan pour gagner leur vie.

Les pêches sont vulnérables à l’industrie pétrolière et gazière, particulièrement aux déversements de pétrole. Il est évident que la préoccupation qui arrive tout juste au deuxième rang concerne les travaux sismiques. Très peu de travail a été fait à cet égard. On ne sait pas beaucoup de choses des répercussions sismiques sur l’environnement marin, que ce soit pour les poissons, le phytoplancton ou d’autres choses du genre.

L’objectif de la loi consiste à assurer la durabilité et à protéger les conditions environnementales, sanitaires, sociales et économiques. Malheureusement, il y a très peu de choses dans le projet de loi pour garantir la prise en considération des répercussions socioéconomiques sur les autres utilisateurs de l’océan, comme les pêcheurs, particulièrement lorsqu’il est question d’exploration pétrolière et gazière en mer. Dans le cadre de ces initiatives en haute mer, les entreprises n’ont pas à tenir compte des activités de pêche, ce qui est évidemment notre principale préoccupation. Lorsque vous rencontrez des représentants de l’industrie de la pêche, il y a certaines relations. Lorsque vous les rencontrez à nouveau, parfois, cela a eu pour résultat la tenue d’un plus grand nombre de séances d’information.

Les pêcheurs investissent de façon importante pour œuvrer au sein de l’industrie. C’est une industrie en changement. C’est un secteur difficile. L’océan ne leur appartient pas, mais nous voyons des entreprises de sondages sismiques passer sur les mêmes zones de l’océan année après année dans de nombreux cas, et obtenir des baux pour des parcelles précises de l’océan. On tient vraiment peu compte des pertes économiques potentielles pour l’industrie de la pêche associées aux activités pétrolières et gazières, et il n’y a assurément aucune indemnisation à cet égard.

Lorsque vient le temps de prendre des mesures pour prévenir les pertes, les promoteurs n’ont pas évalué la situation de façon équitable et ne sont pas allés assez loin. En fait, les considérations liées aux mesures d’atténuation devraient être obligatoires. Ce devrait être obligatoire, pas discrétionnaire, de réduire au minimum les répercussions sur l’industrie de la pêche durant les activités d’exploration pétrolière et gazière en haute mer. On ne tient aucunement compte des périodes où les saisons de pêche sont ouvertes ni des endroits où il y a des concentrations de frayères de poissons. En ce moment, on ne tient pas pleinement compte de toutes ces choses.

Je vais maintenant passer aux rôles des organismes de réglementation, comme l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et la composition probable de certaines commissions d’examen, et de certains comités d’expert et conseils consultatifs. La préoccupation, c’est que les personnes nommées ne seraient pas représentatives du grand public. Ce serait probablement des personnes qui ont un préjugé favorable à l’égard de l’industrie examinée. Dans notre cas, ici, on parle de l’industrie pétrolière et gazière. Ces préjugés seraient très problématiques si l’on veut des évaluations justes et raisonnables fondées sur les préoccupations du public et, particulièrement, celles des intervenants touchés au sein de l’industrie de la pêche.

La FFAW est favorable à l’inclusion d’évaluation environnementale régionale pour tenir compte des répercussions cumulatives. En même temps, il ne fait aucun doute que les répercussions cumulatives sont très difficiles à mesurer. Les évaluations régionales ne devraient pas exclure les projets extracôtiers d’une évaluation environnementale. Ce sont des projets réalisés sur de grands espaces. Qu’il s’agisse d’une évaluation environnementale stratégique ou qu’on se demande ce à quoi une évaluation régionale pourrait ressembler, il est évident que l’environnement change très rapidement. Nous constatons des changements au sein des écosystèmes. Il devrait aussi y avoir un suivi relativement à certains projets précis.

Toute la question de la consultation significative est une amélioration comparativement à ce que prévoyait la LCEE de 2012. C’est assurément mieux. On obtient plus de rétroaction du public. Cependant, les pêcheurs, qui ont tendance à être les plus touchés par les développements extracôtiers, n’obtiennent pas une place plus importante que les autres membres du public dans le cadre des consultations. La FFAW recommanderait des amendements au projet de loi afin de définir plus clairement les attentes et les exigences en matière de consultation significative, y compris la confirmation de l’organisme d’évaluation fédérale selon laquelle les commentaires des intervenants ont été pris en considération par le promoteur dans le cadre du processus d’examen et de quelle façon ils l’ont été. Parfois, nous formulons des commentaires qui semblent rentrer par une oreille et sortir par l’autre, et on n’y donne jamais suite. Essentiellement, une telle modification permettrait d’accroître la transparence du processus.

Les pêcheurs s’opposent aussi au fait d’être considérés comme de simples membres du public ou, parfois, comme un groupe d’intérêt spécial. Nos membres ont besoin d’un océan sain et équilibré du point de vue écologique pour participer à l’économie. Les préoccupations liées au travail et à la vie des gens dont les moyens de subsistance sont entièrement fondés sur la zone géographique visée devraient avoir droit à une considération accrue et ne pas être simplement réunies avec le grand public. Encore une fois, c’est bien que le public puisse participer, mais il faut aussi s’assurer que les gens qui seront assurément touchés plus directement par les projets bénéficient d’une attention supplémentaire. Un ajout essentiel à la loi serait une mesure obligeant les promoteurs à consulter efficacement l’industrie de la pêche ou d’autres intervenants qui seront évidemment touchés directement durant les étapes de planification initiale, et ce, en plus de tenir compte des activités de l’industrie de la pêche.

Nous savons que la valeur du poisson sauvage augmente. Ce sera une composante cruciale de notre économie pour les années à venir. Pour que cette ressource soit florissante, nous avons besoin, dans un premier temps, d’un environnement réglementaire sain, puis d’un certain équilibre. C’est la raison pour laquelle les projets pétroliers et gaziers doivent faire l’objet d’examens exhaustifs. Le processus d’évaluation environnementale est très important pour nos membres. Nous avons besoin de mécanismes législatifs et stratégiques pour nous assurer que les voix des personnes les plus touchées seront entendues dans le cadre du processus lorsque les décisions sont prises.

Je vais m’arrêter ici. Je comprends que j’ai probablement dépassé d’une minute ou deux le temps qui m’était alloué. Je serais heureux de répondre à vos questions.

Gail Fraser, professeure agrégée, Faculté d’études environnementales, Université York, à titre personnel : Je suis une biologiste formée dans le domaine des sciences. J’ai réalisé des enquêtes au sujet des évaluations environnementales relativement aux répercussions sur les oiseaux marins dans l’industrie extracôtière de Terre-Neuve. Je me suis principalement intéressée aux projets de production pétrolière plutôt qu’aux projets exploratoires.

Les évaluations environnementales sont des documents techniques détaillés. Par conséquent, les questions que je me suis posées sont très pointues. Je formule des prédictions, j’y donne suite et je me demande quels en sont les résultats. Je me suis concentrée sur les oiseaux marins, une composante importante de l’écosystème de Terre-Neuve cernée dans les évaluations environnementales. Les évaluations environnementales visent à prévoir les répercussions d’un projet sur l’environnement. Nous sommes conscients qu’on ne peut pas tout inclure dans l’environnement. Par conséquent, on met l’accent sur certaines caractéristiques importantes de l’environnement pouvant être touchées négativement.

Le contrôle et le suivi environnemental sont des programmes d’évaluation environnementale postérieurs visant à évaluer si, oui ou non, les prévisions formulées dans l’évaluation environnementale étaient bonnes. À la lumière de ma recherche sur les évaluations environnementales, je dirais que la Loi sur l’évaluation d’impact adoptée par le Parlement est un bon début, mais qu’il faudrait la renforcer pour assurer la protection à long terme de la biodiversité marine à Terre-Neuve-et-Labrador. Le Nord-Ouest de l’Atlantique est reconnu à l’échelle mondiale pour sa biodiversité, et cette biodiversité soutient une économie diversifiée.

Je veux formuler quatre points principaux sur le projet de loi. Premièrement, je veux parler d’intégrité scientifique. J’ai été heureuse de voir qu’on parle d’intégrité scientifique dans l’objet de la loi. Ce devrait être un principe clé dans le cadre de tout le processus. Les approches scientifiques sont des moyens fondamentaux d’atteindre des objectifs liés à la durabilité. J’aimerais que la loi indique précisément que les consultants qui rédigent des évaluations environnementales doivent respecter les principes d’intégrité scientifique. Ces principes incluent aussi la transparence et l’accès à l’information et aux données recueillies qui sont utilisées pour faire des prévisions dans le cadre d’évaluations environnementales ou les mettre à l’essai. À cet égard, les lois liées aux accords de l’Atlantique de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse incluent des dispositions sur la confidentialité et la communication qui pourraient aller à l’encontre des principes de l’intégrité scientifique.

Deuxièmement, je veux parler de contrôle et de suivi. Je fais un suivi des prédictions jusqu’à leur terme, et bon nombre de mes travaux sont liés à cet aspect de la question. Il y a des pratiques exemplaires internationales en matière d’évaluation environnementale qui prévoient l’inclusion d’une solide composante de suivi. Si nous n’examinons pas les prévisions formulées dans l’évaluation environnementale, nous ne pourrons pas connaître les répercussions. On pourrait renforcer le suivi de l’évaluation environnementale dans le projet de loi. Plus précisément, il convient d’intégrer clairement les principes de l’intégrité scientifique dans le cadre des programmes de contrôle et de suivi. Certaines prévisions sont extrêmement incertaines. Nous avons une assez bonne idée de ce qui se produira, mais l’environnement marin est complexe. Il est très vaste, et nous ne savons pas ce qui se produira. Au bout du compte, on formule les meilleures suppositions possible. Les prédictions très incertaines doivent faire l’objet de programmes de contrôle et de suivi. Vous pensez peut-être que c’est une évidence, mais ce n’est pas ce qui s’est produit dans le passé.

Le public devrait avoir le droit de formuler des commentaires en ce qui a trait à la conception de la phase de suivi. Toutes les données recueillies dans le cadre des programmes de suivi devraient être accessibles au public rapidement en plus d’être archivées de façon permanente par l’organisme responsable. Les données recueillies dans le cadre des programmes de suivi devraient servir à étayer les projets futurs. La surveillance des programmes de suivi devrait idéalement relever d’un conseil consultatif indépendant qui inclut des experts en écologie de partout au Canada.

Le troisième point que je veux soulever concerne les effets cumulatifs. Il est essentiel de comprendre les effets cumulatifs de multiples activités industrielles dans l’écosystème marin. D’après ce que j’ai compris, il serait ici question des évaluations environnementales régionales. Dans d’autres domaines, c’est ce qu’on appelle la planification de l’espace marin, mais je crois que c’est essentiellement là l’objectif. Je crois que c’est nécessaire. Les évaluations environnementales stratégiques ont été réalisées, mais la prise en considération d’autres industries ne relève pas de la compétence de l’OCTNLHE. Dans le cadre des évaluations régionales, nous devrions cerner les zones qui doivent être interdites à tous — à toutes les industries —, comme les zones de protection marine et les refuges marins. Je le mentionne précisément parce que, il y a un an, l’OCTNLHE a présenté un appel de soumissions relativement à un refuge marin qui excluait les pêches.

Le dernier point concerne les organismes de réglementation conjoints fédéraux-provinciaux dans le secteur pétrolier et gazier. À mon avis, ces derniers ont déjà beaucoup d’influence sur la phase postérieure à l’évaluation environnementale : ils approuvent les plans de protection environnementaux, les plans d’intervention en cas de déversement de pétrole et les plans de surveillance des effets sur l’environnement et supervisent la réalisation des projets. À la lumière de ma recherche sur des questions très précises, j’ai fait valoir qu’il semblait y avoir certaines indications de détournement de la réglementation dans le cadre des activités de l’office. Les responsables font ce que l’industrie leur demande plutôt que de faire ce qui est dans l’intérêt supérieur de la protection de l’environnement.

Par conséquent, j’ose espérer et je tiens à faire valoir que les organismes de réglementation pétroliers et gaziers ne devraient pas présider les examens des commissions et qu’ils ne devraient pas compter plus de deux membres au sein des commissions. Merci.

Brett Favaro, chercheur scientifique, Institut des pêches et de la mer, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel : J’ai déjà témoigné devant le comité au sujet du développement durable et des changements climatiques, et, aujourd’hui, je parle en faveur du projet de loi C-69.

Je vais commencer par présenter l’état de la biodiversité et des habitats au Canada. La biodiversité — la richesse vivante que tous les Canadiens ont l’obligation de protéger — est un cadeau dont nous assurons l’intendance pour la génération actuelle et les générations futures. Nous dépendons de la biodiversité à divers égards : notre gagne-pain, notre culture et, en fait, notre eau propre, notre air et notre alimentation. Le Canada a une plus grande responsabilité que la plupart des autres pays. En effet, un seul pays possède une plus grande superficie que le nôtre, et nous possédons la plus grande zone sauvage vierge. Lorsqu’on fait mal les choses du point de vue de la conservation, c’est la terre entière qui perd au change. Les pertes se feront sentir pendant des générations, pas seulement le temps d’un trimestre dans une année financière.

L’un des principaux objectifs du droit environnemental consiste à permettre aux gens de réaliser des projets rentables tout en réduisant au minimum les préjudices pour la biodiversité. Si quelqu’un veut affaiblir le droit de l’environnement, il commence souvent en affirmant que les lois actuelles sont trop rigides et que, en fait, la biodiversité est surprotégée. Est-ce vrai au Canada? Permettez-moi de décrire trois articles que j’ai rédigés en collaboration avec d’autres personnes.

Premièrement, les espèces menacées d’extinction au Canada voient rarement leur statut de conservation s’améliorer. Dans un article de 2014, nous avons constaté que, dans le cas de 369 espèces menacées d’extinction pendant assez longtemps pour avoir fait l’objet de plus d’une évaluation, la situation de 31 p. 100 s’était détériorée d’une évaluation à l’autre. En outre, le sort de seulement 14 p. 100 d’entre elles s’était amélioré.

Deuxièmement, selon les données les plus récentes accessibles, le Canada perd des habitats halieutiques. Pour un sous-ensemble de projets relativement auxquels nous avons pu obtenir des données, pas moins de 67 p. 100 ont eu le droit de détruire plus d’habitats de poissons qu’ils ne devaient en rétablir. Ces décisions ont été prises en vertu de la Loi sur les pêches avant qu’elle soit affaiblie par les changements apportés en 2012.

Troisièmement, de 2007 à 2011, il y a eu seulement 21 déclarations de culpabilité en vertu de la Loi sur les pêches pour des dommages causés à des habitats du poisson : quatre déclarations de culpabilité par année dans le deuxième pays au monde au chapitre de la superficie où nous savons assurément que les habitats de poissons se détériorent.

Il est évident que notre régime juridique ne surprotège pas ces ressources. Ce sont des recherches que j’ai publiées. Une multitude d’autres scientifiques, d’ONG, de groupes autochtones et d’organismes gouvernementaux ont aussi constaté que le Canada est dans le pétrin, et ce, qu’on parle des populations de poissons ou de vertébrés ou de quasiment n’importe quelle autre mesure écologique.

Je sais que nous sommes ici pour parler du projet de loi C-69 et pas de la Loi sur les pêches ni de la Loi sur les espèces en péril. Cependant, le droit environnemental a un objectif commun : protéger ce qui est important tout en permettant les activités industrielles. Nous pouvons seulement prendre des décisions sages lorsque nous comprenons globalement que les ressources vivantes du Canada n’ont pas été protégées autant qu’elles auraient dû l’être pour qu’on puisse assurer leur préservation. Il est évident qu’il faut accroître le niveau de conservation.

Est-ce important pour les Canadiens? Certains collègues et moi avons commandé un sondage pour répondre à cette question. Nous avons demandé à un échantillon représentatif de Canadiens si la conservation des espèces au Canada était importante pour eux, et 89 p. 100 d’entre eux ont dit oui. Lorsque nous avons demandé si le développement industriel devrait être limité de façon à protéger les espèces, 80 p. 100 ont répondu oui. Même lorsque nous demandions aux Canadiens s’ils étaient favorables au fait de limiter les droits de propriété privée dans l’intérêt de la conservation des espèces, 63 p. 100 étaient encore une fois d’accord. Même lorsque nous avons délibérément formulé nos questions de façon à mettre l’accent sur les coûts personnels, plutôt que sur les avantages de la protection des espèces, une majorité des répondants étaient toujours favorables à la conservation.

Cela nous amène au projet de loi C-69. Je vais formuler quelques points principaux. Premièrement, le projet de loi C-69 inclut des dispositions exigeant l’établissement d’un registre public concernant l’évaluation environnementale. C’est essentiel. Le registre devrait contenir le plus de renseignements qu’il est légalement possible de communiquer. Peu importe qu’une personne veuille plus de protection, comme c’est le cas de la plupart des Canadiens, ou moins de protection, ce qui semble être le cas de certains groupes de l’industrie, il est dans l’intérêt de tout le monde d’agir de façon transparente. En effet, certaines des recherches dont je vous ai parlé ont seulement été rendues possibles parce que des gens ont présenté des demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, un système inefficient et lourd.

Ensuite, le cadre d’évaluation d’impact du projet de loi C-69, qui exige qu’on tienne compte des répercussions socioéconomiques d’un projet, est logique. Trop souvent, nous acceptons l’affirmation selon laquelle un projet donné produira un nombre astronomique d’emplois sans données probantes à l’appui. L’heure est venue de quantifier à la fois les avantages et les coûts de façon concrète et fondée sur des données probantes. De plus, tandis que la crise du climat empirera, la perception de ce qui est dans l’intérêt du public continuera de changer. Les décisions que nous prenons maintenant auront littéralement une incidence quant à savoir si nos petits-enfants vivront dans une civilisation organisée. Un cadre d’évaluation d’impact doit permettre — et idéalement, exiger — que nos représentants élus tiennent compte des répercussions climatiques au moment d’évaluer les activités proposées. Ce peut sembler extrême, mais, franchement, la réalité est extrême. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations Unies a décrit ce qui doit se produire : 50 p. 100 de réduction des émissions d’ici 2030 pour rester en deçà des seuils de réchauffement sécuritaires. J’aimerais que cette réalité soit au moins reconnue quelque part dans la loi.

Enfin, et c’est le dernier point que je soulève, en tant que spécialiste des sciences de la mer, je dois respectueusement demander au comité de rejeter les demandes d’exempter les forages exploratoires du processus d’évaluation environnementale. L’océan n’est pas une baignoire. Un coin de plancher océanique n’est pas interchangeable avec un autre. Les habitats critiques comme les coraux et les éponges sont habituellement essentiels à des populations halieutiques saines et, par conséquent, aux pêches. En outre, leur emplacement est irrégulier. Le fait de forer à un endroit peut causer beaucoup de dommages, tandis que forer légèrement à côté de cet endroit pourrait être relativement bénin. C’est la raison pour laquelle une évaluation est nécessaire.

Je conclus en rappelant mon soutien à l’égard du projet de loi C-69, tout en soulignant qu’il n’est pas parfait. Il reste beaucoup de décisions discrétionnaires. Il est plus ambigu au sujet des changements climatiques qu’il ne devrait l’être, vu l’urgence permanente à laquelle nous sommes confrontés. La loi pourrait être renforcée, mais, dans sa version actuelle, c’est un premier pas positif vers l’avant et il faut l’adopter le plus rapidement possible. Merci.

La présidente : Avant de passer aux questions, je rappelle aux sénateurs et aux témoins que nous étudions le projet de loi C-69, et seulement ce projet de loi. Assurez-vous que vos questions et vos réponses sont liées au mandat du projet de loi et pas à celui d’autres lois.

Cela dit, nous allons commencer par le sénateur Woo.

Le sénateur Woo : J’ai été averti.

La présidente : Vous avez été averti.

Le sénateur Woo : Je serai précis en reprenant la référence de M. Favaro au forage extracôtier et en faisant un lien avec le témoignage de M. Sullivan, aussi. M. Sullivan dit que toutes les activités extracôtières devraient faire l’objet d’une évaluation et qu’une évaluation stratégique ou régionale ne devrait pas être suffisante pour exclure un projet précis d’une évaluation d’impact.

Je me demande si vous incluez ici le forage exploratoire aussi, dans la mesure où une évaluation régionale pourrait viser une zone où des activités de forage exploratoire pourraient avoir lieu. Une telle chose serait-elle suffisante pour exempter un projet précis d’une évaluation d’impact?

Je crois que je connais la réponse de M. Favaro, mais il pourra peut-être répondre lui aussi après M. Sullivan.

M. Sullivan : Lorsque je pense aux évaluations régionales ou stratégiques dans de grandes zones et au fait que l’environnement change, je ne crois pas que ce soit assez de tout simplement dire que cette zone a été visée, que cette immense zone a fait l’objet d’une évaluation et que, par conséquent, des projets précis peuvent être exemptés.

Le sénateur Woo : Même lorsqu’il est question de forage exploratoire?

M. Sullivan : Même dans ce cas-là, oui. Soyons clairs : je crois qu’il pourrait y avoir des préoccupations et des considérations liées au forage exploratoire aussi.

Le sénateur Woo : Monsieur Favaro, vous avez déjà communiqué votre point de vue très clairement.

M. Favaro : J’ai réalisé certaines recherches avant ma comparution d’aujourd’hui, des recherches au sujet de forages exploratoires. Selon le principe de précaution, nous ne devrions pas faire des choses dangereuses en l’absence de données probantes, mais je me dis qu’on pourrait aussi obtenir certaines données probantes.

J’ai effectué une recherche de la littérature relativement aux forages exploratoires. J’ai trouvé beaucoup d’articles sur ce sujet, dont un que je veux citer. C’est un article qui concerne les champs de gaz Minerva à Port Campbell, en Australie, et il s’intéresse précisément à la zone avant et après le forage d’un puits exploratoire. Les chercheurs ont constaté une réduction de 71 à 88 p. 100 de l’abondance des espèces invertébrées qui étaient courantes précédemment et qui vivaient à cet endroit. Ces espèces sont la base de la chaîne alimentaire et sont nécessaires à la poursuite des pêches. Ces répercussions ont persisté jusqu’à 11 mois après le forage. Ce ne sont pas des choses qui n’ont pas de répercussions. Cela ne signifie pas qu’il faut les interdire pour toujours, mais cela signifie qu’il faudrait les évaluer.

Le sénateur Woo : Pourquoi une évaluation régionale ne permettrait-elle pas d’aborder ces enjeux de façon à ce qu’on puisse, en un sens, obtenir le feu vert pour réaliser des activités de forage opératoire dans toute une zone?

M. Favaro : Je n’essaie pas d’éluder la question. Je crois que Mme Fraser peut vous répondre.

Mme Fraser : Le problème, c’est que les évaluations à grande envergure ne tiennent pas compte du caractère hétérogène du plancher océanique. Il peut y avoir une zone où il n’y aura pas d’impact, mais on parle de quelque chose de beaucoup plus précis lorsqu’on envisage un forage exploratoire.

Je veux dire quelque chose. Le golfe du Saint-Laurent est un endroit très inhabituel parce qu’il est à la jonction de beaucoup de frontières provinciales. Tout puits foré dans le golfe du Saint-Laurent devrait faire l’objet d’une évaluation détaillée.

Le sénateur Woo : J’ai une brève question de suivi sur les effets cumulatifs, l’un des facteurs mentionnés à l’article 22. Il a été dit par un certain nombre de témoins qu’il est difficile d’évaluer les effets cumulatifs, particulièrement lorsqu’on tente de prédire les activités futures qui pourraient avoir lieu.

Que pensez-vous d’inclure les effets cumulatifs en tant que facteur précis de l’évaluation des projets individuels, plutôt que de limiter le facteur des effets cumulatifs aux évaluations stratégiques et régionales? Devrait-on éliminer ce facteur de l’évaluation des projets individuels?

Mme Fraser : Je ne sais pas si je peux vous fournir une réponse solide à cette question. De ce que j’ai lu des évaluations environnementales stratégiques et des évaluations environnementales individuelles, les évaluations environnementales individuelles traitent toujours de façon déficiente des effets cumulatifs. Elles concernent en fait l’industrie visée alors que, ce qu’on veut, c’est connaître les effets cumulatifs des pêches, du tourisme, du secteur pétrolier et gazier, de tout ce qui se produit dans l’océan. Je dirais que les évaluations environnementales de projets individuels que j’ai examinées jusqu’à présent n’ont pas fait du bon travail en ce qui concerne les effets cumulatifs.

La présidente : Je vais intervenir et dire que lorsque nous essayons d’évaluer l’effet cumulatif, il y a l’aspect spatial et l’aspect temporel. Pourrait-on s’entendre pour dire que, pour certains types de projets, il est important de voir les effets cumulatifs dans le temps et dans l’espace? Dans d’autres, pourrait-on le faire dans le cadre de l’évaluation stratégique que propose ma collègue?

M. Sullivan : Oui, j’imagine que beaucoup de réponses reposent sur ce que nous avons vu dans le passé. Selon notre point de vue, nous avons déjà examiné l’évaluation environnementale stratégique. À mon avis, il pourrait y avoir beaucoup de ressemblances dans les régions, particulièrement sur le plan spatial. Nous avons reçu des avis, d’une personne qui s’intéresse particulièrement aux espèces de poissons et à l’habitat du poisson, sur la façon dont ils s’inscrivent dans l’évaluation environnementale stratégique et dont ils sont associés à des projets individuels. Généralement, il n’y a rien d’assez important pour justifier qu’on en tienne réellement compte. C’est bien, mais cela n’a tout de même pas d’effet.

On doit changer quelque chose dans le processus pour pouvoir mesurer l’effet cumulatif. J’espère que l’évaluation régionale pourra en tenir compte et, du moins, se concentrer sur ce qui est nécessaire. C’est ce que j’espère, parce que jusqu’ici, il n’y a pas eu de considération réelle, ou du moins, cela n’a pas été apparent.

La sénatrice Simons : J’ai été très intéressée par les propos de M. Sullivan au sujet des répercussions possibles des travaux sismiques sur les fonds marins. Il a laissé entendre qu’on ne savait pas beaucoup de choses à ce sujet. Je me demandais si M. Favaro ou Mme Fraser pourraient nous parler un peu de ce qu’ils connaissent, le cas échéant, au sujet des conséquences du forage sismique.

M. Favaro : Il y a un an ou deux, on a publié en Australie, je crois, un article où l’on a utilisé l’imagerie acoustique pour essentiellement mener une expérience. On a effectué des essais sismiques dans l’océan et examiné ce qu’il était advenu des communautés de phytoplancton. On a constaté que, une fois que vous avez fait sauter une zone, il y a une absence de phytoplancton, ces minuscules créatures microscopiques et parfois macroscopiques qui forment la base du réseau trophique. Les essais sismiques avaient essentiellement percé un trou dedans.

Des recherches ont été menées juste ici, à St. John’s, où l’on a examiné l’effet des activités sismiques sur le crabe des neiges. Je sais qu’on a observé un crabe des neiges à pleine maturité et qu’on n’a pas constaté de grand effet. Ce à quoi on fait allusion ici, c’est l’absence de données probantes. Certaines données probantes donnent à penser qu’il pourrait y avoir un problème. Le premier principe donne à penser qu’il pourrait y avoir un problème. Nous savons, par exemple, que le son est très important pour le poisson. Nous commençons de plus en plus à comprendre comment le poisson communique réellement avec d’autres poissons et écoute les indices sonores sous-marins pour déterminer toutes sortes de choses biologiques différentes. Il va sans dire que le son devrait compter.

Mme Fraser : Oui, certaines études effectuées en Norvège ont révélé que le poisson va quitter une zone après une activité sismique. Cela peut avoir une incidence sur les prises qui pourraient être obtenues. Par rapport au son, ce qui me semble insensé, c’est que des navires sismiques de plusieurs entreprises repassent au-dessus des mêmes zones, recueillent des données, puis les vendent aux entreprises pétrolières et gazières. Ces passages causent des effets énormes sur l’environnement maritime. Les baleines sont hypersensibles au son.

Il semble y avoir un problème avec la façon dont les données sont recueillies pour faire avancer l’exploitation pétrolière et gazière. Nous créons beaucoup plus de répercussions sur l’environnement maritime que ce que nous devons faire en réalité.

M. Sullivan : Il semble qu’on ait fait la promotion des activités sismiques à Terre-Neuve-et-Labrador pendant un certain nombre d’années. Nous en voyons davantage maintenant. Les chiffres récents du phytoplancton ont baissé. De nouveau, c’est une des relations de cause à effet. Je n’en suis pas certain, mais nous essayons de précipiter les travaux, particulièrement sur les espèces importantes pour le commerce, et des choses initiales sur la capturabilité du crabe. Certes, on doit faire beaucoup plus d’études, mais celles-ci sont coûteuses. Cela a été fait à plus de 200 kilomètres d’ici avec un navire sismique. Ce qu’il en coûte pour effectuer des recherches raisonnables rend la chose difficile.

D’autres poissons comme les poissons pélagiques sont plus sensibles en raison de leur ouïe et de leur structure osseuse. Les mammifères marins sont très sensibles aux travaux sismiques également. Essentiellement, je ne crois pas que quiconque devrait être surpris que cela influe à tout le moins sur les profits des pêcheurs. Il y a des répercussions effrayantes pour beaucoup de poissons de fond, mais beaucoup plus encore que nous ignorons.

Le sénateur Manning : J’ai quelques questions. La première est pour M. Sullivan. Vous avez parlé dans votre déclaration du processus de consultation pour l’industrie de la pêche concernant l’évolution de la situation. Que voyez-vous dans le projet de loi C-69 qui donnerait à l’industrie de la pêche une voix plus forte pour exprimer ses préoccupations au sujet de développements futurs contrairement à ce qu’elle peut faire aujourd’hui dans le cadre du processus en place?

Je veux poser mes deux questions maintenant. Monsieur Favaro, la législation essaie d’élargir le processus de consultation, mais au final, la décision appartient au ministre. Nous tous autour de la table comprenons, j’en suis sûr, la dynamique des politiques et qui peut se trouver au bureau du ministre à ce moment-là. Avez-vous des préoccupations liées à ce processus? Serait-ce mieux que, au bout du compte, le groupe prenne la décision au lieu de demander au ministre de donner son consentement final?

M. Sullivan : C’est une amélioration, puisque l’on tient compte du public, mais en même temps, je crains que les commentaires et les considérations des gens directement touchés, ou le plus touchés, seraient dilués. Les pêcheurs qui seront le plus touchés par les exploitations extracôtières seront regroupés avec le grand public.

La préoccupation tient à la façon dont les gens le plus touchés recevront une juste considération. Le projet de loi est une amélioration, mais je crois tout de même que c’est une lacune importante, quand, même dans le passé, les pêcheurs n’ont pas fait l’objet d’une considération pleine et entière. Il s’agirait notamment, très tôt au cours des phases de planification, de mobiliser les pêcheurs et les groupes de pêcheurs. C’est une partie importante qui pourrait être mise en évidence de manière explicite dans le projet de loi.

Il s’agit juste de comprendre que, dans le public, il y a quelques groupes, appelons-les ainsi pour le moment, qui sont plus touchés que d’autres. Cela devrait être pris en considération. Il y en a d’autres si vous parlez de choses qui se trouvent sur terre. Si vous parlez de choses dans l’eau près de Terre-Neuve-et-Labrador, il ne fait aucun doute que les gens qui gagnent leur vie dans l’industrie de la pêche seront touchés.

Le sénateur Manning : J’ai une question supplémentaire rapide à laquelle je connais peut-être la réponse, mais je vais tout de même la poser. Dans les membres du groupe de témoins, aimeriez-vous voir quelqu’un de l’industrie de la pêche qui est directement touché par ce processus?

M. Sullivan : C’est une excellente suggestion, si c’est ce que vous proposez. Oui, absolument.

Le sénateur Manning : Je voulais juste le dire aux fins du compte rendu.

M. Sullivan : C’est bon, nous nous arrêterons ici.

M. Favaro : On m’a demandé, aussi, ce que je pensais du pouvoir discrétionnaire du ministre. La West Coast Environmental Law a tenu une séance d’information approfondie à ce sujet où elle a soulevé des préoccupations liées aux pouvoirs discrétionnaires accordés. J’imagine que le pouvoir discrétionnaire s’inscrit dans le processus et la décision, parce que le projet de loi énonce toutes les choses différentes que vous pouvez prendre en considération comme des répercussions socioéconomiques.

En tant que personne vraiment préoccupée par les changements climatiques, je ne crois pas qu’il devrait être optionnel de tenir compte des changements climatiques, du moins pour les projets où c’est un facteur important. C’est mon avis personnel. Toutefois, je crois qu’il y a une anecdote par rapport au pouvoir discrétionnaire. Je reconnais que ce serait un changement très important à cette étape-ci si la loi ne prévoyait pas de pouvoir discrétionnaire. Cependant, je crois que l’anecdote concerne la transparence et ce volet du registre public. Peu importe où vous vous situez dans l’éventail des croyances sur cette question, je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que le fait de rendre ces choses transparences facilitera l’évaluation de l’application de cette loi et celle de nos lois environnementales en général.

Lorsque le ministre prend une décision, celle-ci devrait être mise en ligne et assortie d’une explication, avec les données sous-jacentes, les données probantes sous-jacentes et le suivi sous-jacent qui démontre la surveillance et ce type de choses. Cela contribue à l’aspect du pouvoir discrétionnaire, parce que les gens comprennent au moins les décisions qui sont prises. S’ils ne sont pas d’accord avec elles, dans notre démocratie, ils peuvent aller de l’avant et les exprimer en se fondant sur des preuves.

Le sénateur Ravalia : Ma question porte sur la biodiversité et l’écologie marines relativement à l’intégrité des pêches et l’intégrité scientifique dans des pays qui ont des littoraux et des économies semblables aux nôtres, si nous devions examiner la Norvège et le Royaume-Uni, par exemple.

Avez-vous des preuves que nous avons tiré de ces autres administrations des leçons que nous pourrions peut-être appliquer à notre propre situation ici?

Mme Fraser : Je pourrais vous donner un exemple au chapitre du suivi. Je crois que ces administrations ont tendance à être plus transparentes. Nous avons fait de grands progrès. La situation s’est améliorée depuis que j’ai commencé à poser des questions.

Je vais vous donner un exemple de ce qui se passe en Norvège. Un projet est approuvé, et la conception de suivi est en ligne. Les données sur les taux de sédiments ou quoi que ce soit d’autre sont affichées quotidiennement, tout comme le fait de savoir s’ils excèdent les projections particulières. Tout est là. Vous pouvez voir les répercussions du projet, ce qui est mesuré et comment cela se rattache à l’évaluation environnementale.

Au début de ma carrière, je demandais combien de déversements de pétrole se produisaient par plateforme. Cette information n’était pas divulguée; pas du tout. Maintenant, c’est beaucoup mieux, mais je crois que vous pouvez vraiment effectuer un suivi très solide qui mobilise le public et lui fait comprendre les effets possibles.

Avez-vous quelque chose au sujet de la Norvège?

M. Sullivan : Oui, je crois que cela concerne un peu moins les détails du portrait d’un processus d’évaluation environnementale en Norvège, et plutôt certains des résultats finaux. Si l’on songe à l’industrie de la pêche plutôt qu’à l’industrie pétrolière et gazière, évidemment, l’industrie pétrolière est importante pour l’économie de ce pays. C’est probablement un euphémisme; c’est la même chose que la pêche.

Il y a des régions en Norvège où il n’y a pas de développement industriel pétrolier et gazier. Les pêcheurs peuvent faire de la pêche durable dans cette région. Nous opposons cela à ce que nous avons vu ici durant la dernière année ou les deux dernières années, avec de grandes zones comme les refuges marins, des zones fermées aux pêcheurs, qui ne peuvent pas mettre le moindre hameçon à l’eau. Toutefois, nous pouvons provoquer des explosions sismiques, peut-être percer des trous dans le fond et les draguer. Ce sont deux approches différentes à l’égard des ressources et de l’environnement maritime. Du point de vue de l’industrie de la pêche, nous voyons cela comme étant très problématique.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Favaro, permettez-moi d’exprimer quelques frustrations liées au fait que, clairement, les sondages révèlent un grand appui à l’égard des questions environnementales, et je ressens la même chose. Je crois que nous nous dirigeons vers une crise très grave, comme population mondiale menacée par des changements climatiques. Et je ne crois pas que nous en fassions assez.

En même temps, nous voyons les sondages. Quand nous posons des questions à des gens dans un questionnaire, bien sûr, ils se diront en faveur, ils iront dans la rue et se feront entendre de toutes les manières possibles. Regardez les sondages, où, de plus en plus, on demande ceci : « Si ça coûte 20 $ par mois, êtes-vous toujours en faveur? » Le montant augmente très rapidement pour atteindre 100 $ par mois, et les 86 p. 100 baissent à 20 ou à 25 p. 100. C’est très frustrant. En d’autres mots, ils sont tous en faveur si cela ne les touche pas ou que ça ne leur coûte rien.

Comment vous attaquez-vous à ce problème?

M. Favaro : C’est une excellente question. J’avais une note d’information photocopiée. Au cinquième point, j’ai la citation de l’article que nous avons réalisé. Nous avons commandé un sondage à Ipsos pour faire un échantillonnage représentatif des Canadiens. Nous avons délibérément essayé d’arriver à ce que vous proposez. Nous avons posé à des gens une série de questions qui sont devenues de plus en plus personnelles. Par exemple, qu’arriverait-il si vous n’aviez pas le droit de couper un arbre sur votre propre propriété? Nous avons en fait formulé les questions de deux manières différentes. Nous avons essayé de les amener aussi loin que possible. Nous avons fait ressortir le manque de liberté qu’ils auraient sur leur propre propriété. C’est à partir de là que nous avons vu un genre de plafonnement, où une petite majorité a répondu qu’elle souhaiterait protéger une espèce particulière. L’exemple que nous avons fourni était le tétras des armoises. Nous avons sélectionné une espèce en péril au Canada et constaté qu’on la soutenait, oui. La recherche en sciences sociales comporte un problème. Vous pouvez toujours obtenir une réponse légèrement différente, selon votre point de vue.

La raison pour laquelle j’en parle, c’est que cela représentait une page à laquelle j’avais participé dans ce document de recherche, mais ce n’est certainement pas la seule. Au cours des dernières semaines, on a publié un article selon lequel on avait demandé à 2 000 Canadiens le pourcentage de masse terrestre du Canada qui devrait être réservé à la conservation. Pouvez-vous croire que, en moyenne, on devrait réserver 50 p. 100 du territoire? Si nous essayons de penser aux mécanismes qui permettent de faire cela en tant que scientifiques, ce serait difficile, mais les gens ont tendance à se prononcer très fortement en faveur de la conservation.

Le sénateur Massicotte : Tant que cela n’entraîne pas de conséquences pour eux.

M. Favaro : Non. Même s’il y a une conséquence pour eux; nos recherches révèlent que l’appui était moins fort, mais il y avait tout de même une majorité qui était généralement en faveur.

Le sénateur Massicotte : Pour moi, en disant 50 p. 100, vous diminuez immédiatement la crédibilité de l’exercice.

M. Favaro : C’est un article différent. Ce n’était pas le nôtre. Je donne juste un autre exemple.

Le sénateur Massicotte : Oui, je vous en remercie. Quoi qu’il en soit, je pense que nous disons la même chose.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Sullivan, pourriez-vous nous donner quelques renseignements sur la perte dans l’industrie de la pêche liée à l’industrie pétrolière et gazière? Je ne fais pas référence à quoi que ce soit d’autre, que ce soient les changements climatiques ou autre chose : je parle précisément de l’industrie pétrolière et gazière.

M. Sullivan : Je dirais que je n’ai pas nécessairement un document en main, mais nous savons que nous avons des plateformes pétrolières et gazières à des endroits où les gens ne peuvent pas pêcher. Les gens doivent naviguer autour d’elles. Cela exige du temps, de l’énergie et de l’argent. Cela suppose des coûts. Les répercussions inconnues du pétrole et du gaz, particulièrement des activités sismiques comme je l’ai dit plus tôt, ces choses sont très difficiles à mesurer. Il y a beaucoup d’inconnues. Si nous devons faire plus de travail sur ces choses, nous devons reconnaître qu’il y a certaines répercussions. Nous devons vraiment essayer de comprendre davantage à quel niveau se situent ces répercussions.

Je ne suis pas sûr, je suis désolé. Je n’ai pas de détails particuliers ici. S’il y a quoi que ce soit que je pourrais vous présenter qui vous guidera, je pourrai certainement vous le faire parvenir.

Le sénateur Neufeld : Ce serait très bien. Vous pouvez juste le fournir à la greffière pour que nous recevions tous l’information.

Je poursuis. Une fois, on m’a amené dans le golfe du Mexique, et j’ai atterri sur une plateforme. On nous a montré les environs. J’ai remarqué qu’il y avait des navires de pêche qui partaient du rivage et se rendaient jusque de l’autre côté de la plateforme. J’ai demandé au gars qui nous montrait les installations : « Qu’est-ce qui se passe? Est-ce qu’il y a plus de gens qui s’en viennent ici? » Il a répondu : « Non, la flottille pêche près de la plupart des plateformes, parce que c’est là que se trouvent les meilleurs poissons. » Je ne crois pas que c’était scientifique, mais c’est ce que la personne qui avait travaillé sur ces plateformes pendant la plus grande partie de sa vie m’a dit. Ce n’était pas un représentant de l’industrie; c’était un travailleur à qui j’ai vraiment parlé.

De là, nous avons pris l’avion jusqu’à un navire de forage. Au centre du navire, là où l’on fait le forage, j’ai regardé en bas pour voir s’il y avait des poissons. Bien sûr, il y avait toutes sortes de poissons qui nageaient en bas. C’est ce que j’ai vu dans le golfe du Mexique.

Trouvez-vous que c’est différent ici? Trouvez-vous qu’il est difficile pour la flottille de pêche de contourner les plateformes et qu’elles sont une nuisance, je crois comme vous l’avez dit, ou quelque chose du genre? Pourriez-vous clarifier cela un peu pour moi?

M. Sullivan : Il n’y a pas énormément de plateformes maintenant, mais elles ont toutes des zones d’exclusion sécuritaires. Certaines sont de tailles différentes. Pour quelques-unes d’entre elles, il se peut que vous ne puissiez pas vous en approcher à moins de 5 kilomètres. Des zones d’importance sont fermées à la pêche, et les flottilles doivent donc les contourner plutôt que de passer directement à travers la zone. Par mesure de sécurité, aucun navire n’est autorisé près de ces plateformes de forage.

Je ne sais pas ce qui se passe dans le golfe, s’il est utilisé en quelque sorte à la manière d’un récif, mais généralement, les débris et les boues de forage issus de ces plateformes auraient probablement des effets néfastes pour l’environnement. Certaines espèces s’en tirent peut-être un peu mieux là-bas, mais je dirais que cela réduit la biodiversité. Comme nous l’avons vu avec le déversement de pétrole de Husky cette année, la plus grande préoccupation est la suivante : quelles sont les répercussions d’un grave déversement? Comme je l’ai dit plus tôt, ce qui s’est passé dans le golfe du Mexique a éliminé la pêche là-bas pendant un certain temps. Qu’est-il arrivé à nos pêcheurs? Ont-ils fait faillite?

En ce moment, vous entendez dire que l’industrie pétrolière et gazière n’a pas d’incidence sur les pêches. Bien franchement, c’est assez offensant. C’est une déclaration irresponsable. Nous pourrions discuter de son importance et de tout ce qu’elle représente, mais il y a assurément quelques répercussions.

Le sénateur Neufeld : Les boues ou les fluides de forage ne sont pas déversés par-dessus bord. Ils sont contenus.

J’ai une question pour vous, madame Fraser. La Norvège, le Royaume-Uni et le golfe du Mexique ont tous été étiquetés. Des personnes nous ont dit que ces pays étaient considérés comme la norme d’excellence. En ce qui concerne les puits d’exploration, la moyenne pour l’évaluation d’un puits en Nouvelle-Écosse est de 698 jours. Cette information vient juste de nous être transmise. À Terre-Neuve-et-Labrador, c’est une moyenne de 905 jours. Pourtant, vous pouvez vous rendre sur la côte américaine du golfe du Mexique, et c’est 96 jours. En Norvège, c’est 79 jours, et je sais que la Norvège est habituellement citée comme ayant fixé la norme d’excellence. Je sais qu’il faut 18 jours au Royaume-Uni pour évaluer les puits d’exploration.

S’il nous faut près de 700 jours, qu’est-ce que nous ne faisons pas? Si on compare cela à 79 jours, c’est difficile pour moi de comprendre ce qui se passe. Est-ce qu’il y a juste une poignée de gens qui brassent du papier, ou qu’est-ce qui se passe?

Mme Fraser : Merci de poser la question, mais je ne suis pas certaine de pouvoir y répondre complètement.

Il y a une chose pour laquelle j’aurais aimé voir une ventilation des données. Quels sont les cas où l’évaluation environnementale s’effectue sans interruption et où on demande au promoteur de fournir des données supplémentaires? Dans la proposition qu’il met de l’avant, il manque des éléments d’information clés, ce qui ralentit alors le processus. Ce n’est pas juste le gouvernement qui ralentit le processus; c’est aussi le promoteur. Le promoteur doit retourner chercher les données qui sont demandées.

J’aimerais voir cette répartition. Si vous avez tout le nécessaire, combien de temps faut-il? Je ne sais pas si le puits dont vous parlez en Nouvelle-Écosse où les données de Terre-Neuve comprennent le golfe du Saint-Laurent. Comme je l’ai dit, le golfe du Saint-Laurent est un lieu où il est politiquement délicat de creuser un puits. Si ce puits connaît une éruption, toutes les provinces limitrophes seront touchées. Toutes les pêches locales et les industries de tourisme seront touchées par une décision prise par un office des hydrocarbures à Terre-Neuve. J’aurais aussi aimé voir les délais concernant les forages exploratoires. Lesquels se faisaient dans le golfe du Saint-Laurent plutôt qu’à l’extérieur de cette zone?

À bien des égards, je comprends qu’il faut beaucoup de temps, mais je soulignerais aussi que ces trois régions, la Norvège, le Royaume-Uni et le golfe du Mexique, contiennent des centaines de plateformes. Elles ont largement dépassé leur maturité. En comparaison, à Terre-Neuve, nous en avons quatre, et beaucoup de questions écologiques périphériques n’ont pas été abordées par l’industrie. Comment la Norvège se serait-elle comparée il y a 30 ans? À quelle vitesse effectuait-elle ses évaluations environnementales comparativement à aujourd’hui?

M. Favaro : J’aimerais ajouter quelques données précises concernant la Norvège.

Pêches et Océans Canada, dans un rapport du Secrétariat canadien de consultation scientifique en 2018, a publié un document sur l’examen des énoncés des incidences environnementales pour le projet de forage exploratoire au large des côtes de la passe Flamande et de l’Est de Terre-Neuve-et-Labrador. On examinait essentiellement l’énoncé des incidences environnementales des promoteurs. Très rapidement, le rapport a conclu que les études de préforage seraient effectuées à l’aide d’un écosondeur multifaisceaux et d’un sonar à balayage latéral à une résolution de 0,5 m x 0,5 m. Cette échelle n’était pas assez fine pour détecter les types de communautés de corail et d’éponge que l’on retrouve dans cette région et qui sont acoustiquement invisibles à l’aide de ces méthodes. Le rapport indiquait aussi que les promoteurs avaient respecté les pratiques exemplaires norvégiennes, mais que ces pratiques étaient inappropriées pour les types d’habitats particuliers que les promoteurs étaient susceptibles de rencontrer dans les eaux qu’ils examinaient dans le cadre de l’étude.

C’est un exemple de la façon dont une évaluation environnementale peut améliorer un projet. Le MPO n’a pas dit : « Ne creusez jamais ces puits ». J’oublie ce qu’il a dit exactement. Je sais qu’il a dit d’utiliser des véhicules téléguidés pour étudier le fond marin et quelques autres choses. Il a aussi dit que cette pratique exemplaire en Norvège n’en serait pas une ici et qu’il nous faudrait donc modifier notre pratique de manière à obtenir un résultat valide.

Le sénateur Neufeld : C’est l’avis d’une personne.

M. Favaro : C’est un organisme, Pêches et Océans Canada.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés. Ma question est semblable à celle posée par M. Ravalia.

En 2015, la commissaire à l’environnement et au développement durable a soulevé des préoccupations relativement aux mesures prises par le gouvernement fédéral à l’égard des processus d’évaluation environnementale et de consultation du public. Une préoccupation importante tient à plusieurs aspects de la performance environnementale du Canada, y compris des faiblesses dans le domaine de la surveillance, de la recherche, de la gestion de l’information et de la production de rapports sur la biodiversité.

Seriez-vous en mesure de soumettre des recommandations? Vous avez parlé un peu de quelques-uns des problèmes que vous avez connus avec les prédictions, soit un degré élevé d’incertitude et la collecte de données. Comment se fait la collecte de données? Comment rassemble-t-on les données pour parvenir à des conclusions? Pourriez-vous nous présenter des recommandations qui nous aideraient à mieux comprendre ces faiblesses et à nous assurer qu’elles ne continuent pas de mettre en danger la biodiversité marine dans cette région?

Mme Fraser : Oui, je serai ravie de le faire.

La présidente : Vous avez tous les trois parlé de changements climatiques, mais le groupe de témoins qui vous a précédé ne se souciait pas des changements touchant l’eau, la glace, les précipitations et les icebergs. Quel est votre avis?

Nous avons récemment lu un rapport selon lequel, dans certaines régions du Canada, le climat change plus vite que dans d’autres régions. Devrions-nous nous inquiéter de ce qu’apportent les changements climatiques? Quels changements climatiques avez-vous observés?

M. Favaro : Les changements climatiques m’empêchent littéralement de dormir la nuit. La compréhension de ce qu’il faut faire à ce sujet et de la façon de contourner ce phénomène est un problème qui façonne assurément ma carrière tout entière. Vous avez raison. Environnement et Changement climatique Canada a produit un rapport montrant qu’en moyenne, le réchauffement a doublé au Canada. Selon le rapport, les océans qui entourent le pays se sont réchauffés et deviennent plus acides et moins oxygénés, ce qui correspond aux changements observés à l’échelle planétaire au cours du dernier siècle.

Pêches et Océans Canada a produit un rapport sur l’état de l’océan Atlantique, lequel, encore une fois, fait état de la désoxygénation, de l’acidification, de l’élévation du niveau de la mer, d’une diminution de l’abondance du phytoplancton, d’une réduction du gros zooplancton nutritif et d’une augmentation du petit zooplancton, qui est moins nutritif. Tous ces phénomènes ont une incidence sur la pêche.

Est-ce que je pense que cela devrait être inclus? Oui, il faudrait absolument l’envisager. Est-ce que je sais si les changements climatiques toucheront une plate-forme de forage en particulier? Je n’étais pas certain de savoir si c’est là, précisément, que vous vouliez en venir, mais nous savons que les tempêtes vont empirer. Il s’agit certainement d’éléments dont les gens devront tenir compte dans la façon de mener ces activités.

Mme Fraser : L’un des défis qui se posent déjà consiste à déterminer l’effet de l’industrie par rapport à autre chose. Plus l’environnement est variable, plus il est difficile de savoir si la réduction du phytoplancton est due aux essais sismiques. Quoi qu’il en soit, ce sera de plus en plus compliqué.

M. Sullivan : Je suppose que je serais un peu choqué qu’un témoin affirme qu’il n’est pas du tout préoccupé par les changements climatiques. Je ne suis pas certain de savoir quel était le contexte.

La présidente : Vous avez mentionné le fait que le mode de conception n’a pas changé. On continue à appliquer la période de 100 ans. Je viens du Québec, où il y a de nombreuses averses, alors les événements qui, autrefois, survenaient une fois tous les 100 ans se produisent maintenant tous les 50 ans ou plus fréquemment.

M. Sullivan : Oui. Nous sommes très préoccupés pour toutes sortes de raisons diverses, et nous observons des changements dans l’environnement. Sont-ils tous dus au changement climatique? S’agit-il de divers cycles que nous avons observés normalement dans le passé? Est-ce une combinaison des deux?

Nous observons des changements dans la composition du phytoplancton. Nous voyons des augmentations chez certaines autres espèces. Nous constatons l’introduction de certaines espèces subtropicales. Tout cela a de graves conséquences sur notre façon de gérer nos pêches. Que ce soient les énormes quantités d’activité sismique ou d’autres changements dans notre écosystème qui ont des répercussions sur le phytoplancton et le zooplancton lorsque nous mettons en œuvre les projets majeurs, d’une manière ou d’une autre, c’est nous. Nous travaillons et vivons. Qu’il s’agisse de l’industrie pétrolière et gazière ou de la pêche, si nous vivons à Terre-Neuve-et-Labrador, nous devons être très préoccupés par ce que supposeront les changements dans notre climat et notre environnement pour nos entreprises et en être pleinement conscients. C’est important pour nous.

La sénatrice Simons : Un témoin d’un groupe précédent nous a laissé entendre que, lorsqu’une espèce revêt une importance culturelle pour une population autochtone, cela devrait déclencher une évaluation de la même manière que si l’espèce était en péril.

À vous écouter parler du rôle des pêches à Terre-Neuve-et-Labrador, je me suis demandé ce que vous penseriez d’une expansion de la définition de ce qui est culturellement important au-delà des populations autochtones. Si une espèce revêt une importance culturelle pour une collectivité, ce fait devrait-il déclencher une évaluation de plus haut niveau, sur le plan non seulement économique, mais aussi culturel?

M. Sullivan : Je pense certainement qu’il s’agit d’une considération importante. La plupart des facteurs que j’ai examinés ont concerné l’aspect économique, la valeur associée aux espèces faisant l’objet d’une pêche commerciale, l’environnement et la façon dont les espèces sont touchées, même si elles ne sont pas pêchées à des fins commerciales. Il est équitable de tenir compte des espèces revêtant une importance culturelle. Les gens parlent d’un habitat important pour la morue. Je suis certain que cela tient à cœur à de nombreuses personnes.

La plupart des facteurs dont j’ai tenu compte étaient liés aux moyens de subsistance et à l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador, surtout en ce qui concerne les pêches renouvelables qui, parfois, ne sont pas prises en compte au même titre que les retombées d’un champ de pétrole, que les gens considèrent comme étant plus immédiates et plus importantes. Je pense certainement qu’il s’agit d’une notion intéressante, mais ce n’était pas nécessairement là-dessus que je me concentrais principalement.

La présidente : Je vous remercie infiniment de votre témoignage, et je vous remercie, chers collègues, de vos questions.

Nous accueillons Andrea Hoyt, responsable de l’évaluation environnementale du gouvernement du Nunatsiavut. Merci beaucoup de votre présence. Vous disposerez d’une certaine période pour faire votre déclaration préliminaire, puis nous poserons ensuite des questions.

Andrea Hoyt, responsable de l’évaluation environnementale, gouvernement du Nunatsiavut : Je travaille au Labrador, à notre bureau de Makkovik. Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd’hui afin de discuter du projet de loi C-69.

Le gouvernement du Nunatsiavut est le gouvernement inuit régional établi au moyen de l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Labrador qui a été signé en 2005. Notre gouvernement possède la compétence relative à l’évaluation environnementale des projets réalisés sur des terres appartenant aux Inuits dans le Nord du Labrador. Il a un rôle à jouer dans les évaluations environnementales fédérales et provinciales de projets menés dans la région visée par le règlement de la revendication des Inuits du Labrador située à l’extérieur de nos terres et de projets réalisés à l’extérieur de la région visée par le règlement de notre revendication, mais qui ont des conséquences sur nos droits et notre territoire. Tout projet qui appartient à ces catégories pourrait requérir de multiples évaluations environnementales sous les régimes actuels.

Nous participons aux examens des lois environnementales depuis 2016. J’ai le privilège de siéger au comité consultatif multipartite de la ministre McKenna sur l’évaluation environnementale depuis deux ans et demi. Le gouvernement du Nunatsiavut a présenté un mémoire. Nous avons également témoigné devant le Comité permanent de l’environnement et du développement durable, pas plus tard qu’il y a un an, concernant les amendements à apporter au projet de loi C-69.

L’Association des Inuits du Labrador a négocié avec les gouvernements fédéral et provincial pendant trois décennies afin de régler la revendication territoriale du Labrador au Nunatsiavut, et, tout au long de cette période, l’évaluation environnementale se faisait à l’échelon de ces deux ordres de gouvernement. L’accord sur les revendications territoriales a été signé à un moment où le régime d’évaluation environnementale du Canada était celui d’avant l’adoption de la LCEE 2012, lequel prévoyait un examen préalable de tous les projets qui touchaient des terres fédérales ou nécessitaient de l’argent fédéral ou une approbation fédérale, alors que les grands projets faisaient l’objet d’un examen environnemental plus rigoureux.

L’accord sur les revendications territoriales renvoie à un processus d’évaluation environnementale qui n’existe plus et ne prévoyait pas que ce processus fédéral serait décimé en quelques années seulement. La LCEE 2012 a réduit de façon marquée le nombre de projets assujettis à une évaluation environnementale fédérale, et leur nombre est passé de milliers par année au Canada à moins d’une centaine. Cette loi a retiré le mécanisme permettant aux Canadiens d’apporter leur contribution à l’étude de nombreux projets qui pourraient les toucher, en plus de limiter considérablement le mécanisme permettant aux Inuits du Labrador, par l’intermédiaire du gouvernement du Nunatsiavut, de contribuer à un bon processus décisionnel relativement à des projets qui pourraient avoir une incidence sur les droits des Inuits.

Le gouvernement du Nunatsiavut a déjà déclaré officiellement qu’il est préoccupé au sujet du projet de loi C-69. Dans notre mémoire écrit adressé au Comité permanent de l’environnement et du développement durable, nous avons soulevé des préoccupations majeures au sujet du consentement et de la faiblesse du libellé relativement à la mise en œuvre de la DNUDPA. Nous avons soulevé des préoccupations au sujet de la façon dont la coopération et la substitution étaient inscrites dans le projet de loi, mais n’allaient pas assez loin pour garantir que chaque projet ferait l’objet d’une évaluation. Nous avons fait des suggestions concernant la façon d’améliorer les dispositions du projet de loi portant sur la durabilité, le principe de précaution et l’intérêt public afin de nous assurer que de bonnes décisions étaient prises et de veiller à ce que ces décisions et leurs motifs soient transparents, par-dessus tout.

Le gouvernement du Nunatsiavut a soulevé des préoccupations au sujet de la façon dont l’étape préparatoire serait mise en œuvre. Les détails de cette étape, qui ont le potentiel d’améliorer la façon dont l’évaluation d’impact est mise en œuvre, ne figurent pas dans le projet de loi C-69. Il est inquiétant que les principaux produits livrables, y compris un plan de mobilisation et de partenariat visant les Autochtones, ne soient pas décrits dans le projet de loi. Il est difficile d’examiner le projet de loi et de formuler des commentaires à son sujet si on ne dispose pas d’une liste de projets, car nous examinons un projet de loi en ne sachant pas vraiment ce qu’il englobera. Toutefois, nous savons qu’il ne vise pas à rétablir la portée d’avant l’adoption de la LCEE 2012, où tous les projets requérant des fonds, des approbations ou des permis fédéraux ou qui étaient réalisés sur des terres fédérales faisaient l’objet d’un examen public.

L’évaluation environnementale est essentiellement un outil de planification. Il s’agit d’un mécanisme permettant aux gouvernements, à leurs partenaires, aux citoyens, aux collectivités autochtones et aux autres administrations de se pencher sur les projets proposés; d’étudier les répercussions qu’ils pourraient avoir, ainsi que la façon d’atténuer les conséquences négatives et d’amplifier les conséquences positives; puis de trancher la question de savoir si la contribution du projet, tout compte fait, l’emportera sur ses coûts. Au moment de l’évaluation d’impact, on devrait également tenir compte de la façon dont les avantages et les coûts sont distribués et se demander si certains groupes profitent disproportionnellement d’un projet, alors que d’autres en assument disproportionnellement les coûts. Dans le passé, le développement industriel a profité aux grandes entreprises, aux actionnaires et à quelques employés, alors que les collectivités locales et, souvent, les Autochtones du Nord ont assumé les coûts environnementaux et sociaux.

L’évaluation d’impact doit prévoir une surveillance, que les prédictions concernant les impacts et l’efficacité des mesures d’atténuation soient exactes ou visent la gestion adaptative, afin que l’on puisse adapter ces mesures et améliorer continuellement la façon dont un projet est exécuté. Vous avez déjà entendu parler du projet de Muskrat Falls aujourd’hui, de certaines des préoccupations à l’égard de l’évaluation environnementale qui a été effectuée, des renseignements sur lesquels elle s’appuyait et, par conséquent, sur lesquels l’octroi de l’approbation du projet était fondé, ainsi qu’au sujet de la manière dont le projet a été mené et de l’absence de gestion adaptative. Ce projet, qui a été évalué sous le régime préalable à l’adoption de la LCEE 2012, continuera de représenter un boulet financier dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador pour les générations à venir. Les Inuits qui vivent en aval du projet subiront des taux accrus de méthylmercure dans leurs aliments traditionnels pour de nombreuses générations à venir. Toute modification des lois régissant l’évaluation environnementale au Canada devrait tenir compte de la façon dont une telle situation pourrait être évitée dans l’avenir et du fait que le projet de loi proposé contribuera ou non à l’amélioration d’un processus décisionnel fondé sur de meilleures données scientifiques, sur les connaissances traditionnelles et sur des partenariats respectueux avec les Autochtones.

Au moment où vous étudierez les amendements à apporter au projet de loi, veuillez ne pas instaurer de limites aux éléments à examiner dans le cadre d’une évaluation d’impact, lesquels sont prévus à l’article 22. De longues consultations ont été tenues auprès d’un vaste éventail de personnes et d’organisations depuis deux ans et demi, d’abord par l’entremise du groupe d’experts qui a tenu des audiences en 2016 et formulé d’excellentes recommandations il y a deux ans, puis dans le cadre des séries de consultations auprès des ministères fédéraux et de la ministre, par le truchement du processus parlementaire et, maintenant, du processus du Sénat. La liste des facteurs est un guide raisonnable permettant à l’agence et aux promoteurs d’étudier le projet et la façon dont il pourrait interagir avec l’environnement et les gens.

Veuillez ne retirer aucun de ces facteurs. Il est inutile que l’agence restreigne l’évaluation générale, que ce soit en établissant la portée du projet ou celle des facteurs. À l’étape de la planification précoce, lorsque les études n’ont pas encore été effectuées et que les consultations ne sont pas encore terminées, il serait très risqué d’écarter des possibilités. Nous vivons dans un monde qui évolue rapidement et, compte tenu de toutes les incertitudes inconnues, l’agence ne devrait pas limiter les facteurs de façon préventive.

Le projet de loi C-69 ne va pas assez loin pour ce qui est d’établir un processus qui garantira que les mauvais projets ne soient pas mis en œuvre et d’aider les bons projets à s’améliorer. Il n’assure pas la réconciliation avec les Autochtones ni ne crée de mécanismes pour assurer le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ou garantir la tenue de consultations significatives tout au long du processus, afin que les groupes autochtones n’aient pas à recourir aux tribunaux encore et encore. Le projet de loi ne fait pas passer l’évaluation environnementale du cadre de l’atténuation des pires impacts négatifs à celui de l’utilisation de l’évaluation d’impact comme outil de planification en vue d’une véritable durabilité.

J’essaie de penser aux petits-enfants de mes enfants et de mes petits-enfants. Nous devons tous réfléchir à la façon dont les décisions concernant la mise en valeur sont prises et dont les projets sont menés. Nous devons prendre les meilleures décisions au sujet des activités qui ont lieu dans notre pays et de la façon dont ces projets se déroulent. Je suis ouverte à toutes les questions.

La sénatrice Simons : Merci beaucoup, madame Hoyt. Notre comité était de passage à Winnipeg, non pas la semaine dernière, mais la précédente. Les choses commencent à être un peu floues. Nous avons entendu le témoignage très convaincant d’un professeur de droit autochtone qui a soutenu que, en incluant la consultation dans la mesure législative sans définir la forme que cette consultation des Autochtones doit prendre, nous créons dans les faits une mesure législative qui pourrait davantage prêter le flanc aux contestations juridiques parce qu’on y mentionne l’obligation de consultation, sans jamais en définir la forme.

Je me demande si, du point de vue de la collectivité inuite que vous représentez, vous croyez que c’est le cas, et qu’on doit davantage définir ce qui constitue un modèle de consultation appropriée dans le projet de loi.

Mme Hoyt : C’est une excellente question, et il s’agit d’un sujet qui, à mon avis, pose des difficultés aux Autochtones, ainsi qu’aux différents ordres du gouvernement.

Dans sa forme actuelle, la mesure législative ajoute officiellement une étape préalable à la planification. Il est possible que cela soit très efficace pour créer un processus de consultation approprié auprès des collectivités qui sont touchées par un projet donné. À mes yeux, le fait d’être trop directif quant à la forme que doit prendre une consultation pose problème, vu la diversité des collectivités et des habitants au pays. Je ne crois pas qu’il serait utile d’être plus normatif.

La limite de 180 jours me préoccupe quelque peu. Dans les cas de projets de petite envergure et circonscrits sur le plan géographique, je peux comprendre qu’il s’agit d’une période suffisante, si assez de travail a été réalisé à l’avance pour établir le fondement; mais, dans le cas d’un projet important qui touche de nombreux groupes différents, il pourrait être difficile de respecter ce délai.

La sénatrice Simons : J’ai une question simple portant sur le contexte, parce que je suis de l’Alberta et que c’est véritablement un nouveau territoire en ce qui me concerne. Quelle est la grandeur du territoire que votre nation occupe? Je suis désolée, j’aurais pu simplement faire une recherche sur Google, mais je vous laisse la faire. Je cherche à avoir une idée de l’étendue du territoire visé par votre accord de règlement.

Mme Hoyt : Je devrais savoir cela par cœur, mais ce n’est pas le cas. Pour faire image, c’est environ le quart du Labrador.

La sénatrice Simons : C’est ce que je voulais savoir.

Mme Hoyt : C’est un territoire d’une certaine importance.

La sénatrice Simons : C’est tout.

Le sénateur Manning : Madame Hoyt, j’ai quelques questions à vous poser.

Pourriez-vous expliquer le processus de consultation qui existe actuellement? S’il y avait une proposition de projet touchant votre territoire, de quelle façon le gouvernement du Nunatsiavut participerait-il à ce processus? Quelles consultations seraient tenues dans le cadre actuel, par rapport à ce que vous souhaiteriez voir grâce à l’adoption du projet de loi C-69?

Mme Hoyt : Selon le texte législatif actuel, quand une description de projet est présentée, cela déclenche le processus et entame aussi le délai. Le gouvernement fédéral doit venir nous consulter. Le gouvernement provincial, s’il est touché, doit aussi venir nous consulter.

Aucune mesure d’harmonisation n’est en place actuellement. Il y a quelques années, une proposition de projet de mine près de la frontière entre le Labrador et le Québec a été présentée. Dans les faits, les installations de la mine commençaient du côté du Québec. Elles s’agrandiraient ensuite sur le territoire du Labrador. Il y avait une route qui traversait le Nunatsiavut et un port dans le Nord du Labrador. Le projet devait être visé par cinq ou même six différentes évaluations environnementales simultanées. Nous avons consulté beaucoup de responsables pour tenter de trouver une façon d’harmoniser les processus. Il n’y en avait pas. Le projet n’avançait pas; rien ne se passait. L’entreprise a finalement fait faillite, et le projet a été abandonné.

Le sénateur Manning : Je crois qu’il serait juste d’affirmer que vous n’êtes pas satisfaite du degré de consultation prévu selon la réglementation et les règles actuelles.

Mme Hoyt : Les exigences à l’égard des consultations ne sont pas très clairement définies actuellement. Le processus dépend en grande partie de l’entité qui mène les consultations. C’est pourquoi, au bout du compte, nous avons recours aux tribunaux quand elles sont insuffisantes ou que les accommodements en matière de consultation sont insuffisants.

Le sénateur Manning : Vous avez soulevé une préoccupation semblable à celle qui avait été soulignée par d’autres témoins en ce qui concerne la liste de projets, et le fait que nous discutons de l’adoption de mesures législatives sans être tout à fait certains de ce qui figure sur cette liste.

Craignez-vous que certains des projets qui auront lieu au Labrador glissent entre les mailles du filet et ne soient pas visés par ce processus en ce moment? Quelles sont vos inquiétudes par rapport à votre propre territoire?

Mme Hoyt : Pour ce qui est de notre territoire, en raison des dispositions de notre accord de revendication territoriale, nous préférerions revenir à la liste de projets en vigueur avant l’adoption de la LCEE 2012, qui visait tous les projets touchant des terres de la Couronne ou nécessitant des fonds ou l’approbation du gouvernement fédéral. Cela nous permettait de connaître tous les projets qui étaient en cours. Très peu de choses nous échappaient. Il y avait trois différents niveaux d’évaluation, mais la plupart du temps deux d’entre eux s’appliquaient. Un examen préalable était réalisé pour tous les projets. Si on cernait des préoccupations importantes à propos d’un projet, il faisait l’objet d’un examen. Ce processus d’examen préalable était un mécanisme qui nous permettait de connaître les projets proposés et aussi de nous exprimer à leur égard.

La liste de projets actuellement en vigueur sous le régime de la LCEE 2012 est plutôt limitée et arbitraire. Nous aimerions que la liste de projets soit fondée sur des éléments logiques, comme les effets possibles ou des critères mesurables et sensés. Nous souhaiterions aussi qu’on s’assure qu’il existe une façon d’ajouter un projet à la liste, si celui-ci soulève des préoccupations importantes chez les membres de notre nation. Nous habitons dans une région d’une beauté spectaculaire et relativement intacte, et le peuple du Nunatsiavut dépend énormément du territoire et de ses ressources. Si un projet réalisé aux abords de Toronto était lancé où nous vivons, son importance serait peut-être beaucoup plus grande. Nous aimerions avoir la possibilité d’ajouter un projet dans une telle situation.

Le sénateur Woo : Vous avez évoqué certaines préoccupations concernant les dispositions relatives à la substitution d’un accord. Pourriez-vous nous parler davantage de ces préoccupations?

Mme Hoyt : Nous sommes heureux de constater que le projet de loi C-69 comporte des options d’harmonisation et de substitution. Pour notre part, ces dispositions sont beaucoup plus applicables que celles que contient la LCEE 2012. Ce que nous souhaitons, c’est qu’il y ait un peu plus de précision quant à la façon dont cela pourrait s’appliquer. Dans le cadre de notre accord de revendication territoriale, nous n’avons pas de processus qui prévoit un régime de gestion conjointe, comme c’est le cas pour la région des Inuvialuit ou du Nunavut. Nous n’avons pas cela encore.

Le sénateur Woo : Ne pourriez-vous pas négocier un protocole d’entente ou un protocole relatif à la substitution avec le gouvernement fédéral? Le gouvernement de la Colombie-Britannique l’a fait, par exemple.

Mme Hoyt : Oui, nous croyons que cela serait possible. Toutefois, cela ne nous aiderait pas à régler le problème lié au gouvernement provincial et aux multiples évaluations environnementales. Mais, en effet, c’est une possibilité.

Le sénateur Woo : Le gouvernement provincial peut aussi négocier un protocole d’entente avec le gouvernement fédéral.

Mme Hoyt : Oui, en théorie, nous pourrions tous négocier ensemble et nous entendre sur un processus.

Le sénateur Woo : C’est exact. Ce serait la solution à adopter.

Pourriez-vous parler un peu plus des éléments qui figurent dans l’article 22? Vous faites valoir que tous les éléments devraient demeurer dans la liste. De quelle façon appliqueriez-vous l’élément lié aux changements climatiques dans votre territoire? Quelles mesures utiliseriez-vous pour évaluer si un projet aide le Canada à respecter ses engagements découlant de traités internationaux sur les changements climatiques?

C’est ce que contient le libellé actuellement. On ne fait pas référence seulement aux changements climatiques de façon générale, il y a aussi un lien avec le respect des obligations et des traités internationaux.

Mme Hoyt : Les changements climatiques et les mesures touchant la façon de mettre en œuvre les engagements du gouvernement fédéral ne font pas partie de mon champ d’expertise. Si cela vous convient, je vais vous revenir pour cette question. Je vais consulter les bonnes personnes.

Le sénateur Woo : Merci.

Le sénateur Ravalia : Madame Hoyt, ma question concerne les projets qui ont peut-être déjà été réalisés depuis l’adoption de la LCEE 2012 et qui, à votre avis, ont eu des effets économiques ou environnementaux néfastes, comme vous êtes d’avis que la mesure législative actuellement en vigueur ne protège pas suffisamment votre environnement et vos collectivités.

Mme Hoyt : Dans les faits, aucune évaluation environnementale n’a été menée au Nunatsiavut sous le régime de la LCEE 2012. La dernière évaluation environnementale importante qui a eu lieu était liée au projet de Muskrat Falls, et elle a été entamée avant l’adoption de la LCEE 2012.

Le sénateur Ravalia : Y a-t-il d’autres projets proposés dont la réalisation pourrait être touchée, d’après vous?

Mme Hoyt : Deux projets de mines ont été proposés. Les deux sont suspendus pour des raisons économiques. Peut-être que l’incertitude relative au régime d’évaluation environnementale compte parmi les raisons économiques, mais je soupçonne que c’est davantage lié aux prix des métaux sur les marchés internationaux et à d’autres choses.

Le sénateur Patterson : Je suis heureux de votre présence ici, madame Hoyt. Je viens de l’administration voisine de la vôtre, au nord ou plus haut sur la côte.

Selon l’accord de revendication territoriale, le gouvernement du Nunatsiavut a le pouvoir d’adopter des lois portant sur la protection de l’environnement et les évaluations d’impacts. Le gouvernement du Nunatsiavut examine-t-il la possibilité d’exercer ce pouvoir de la même façon que l’ont fait les gouvernements du Nunavut et des Inuvialuit?

Mme Hoyt : Notre régime est très différent, parce que les dispositions concernant la cogestion ne sont pas formulées de la même façon dans la mesure législative. La partie qui porte sur l’évaluation environnementale dans notre accord prévoit une possibilité en ce sens, mais rien n’y est dicté.

Nous nous sommes inspirés de dispositions juridiques qu’ont les Inuits pour créer notre propre loi sur la protection de l’environnement, qui comprend les évaluations environnementales effectuées sur les territoires des Inuits du Labrador. Cela vise des terres privées, mais des mécanismes plus englobants et harmonisés n’existent pas actuellement. Les autres ordres de gouvernement n’ont pas signifié leur intérêt pour conclure un accord global d’harmonisation. Cela se fait à la pièce, projet par projet, et, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas réussi à conclure un tel accord.

Le sénateur Patterson : L’Association des Inuits du Labrador a négocié un accord exhaustif sur les effets et les bénéfices avec les responsables de la mine de Voisey’s Bay. J’imagine que vous avez participé à ces négociations. D’après ce que je comprends, il existe une entreprise de surveillance environnementale appartenant à des Inuits qui mène des activités à cet endroit, et on a consenti des efforts importants en matière de formation et d’emploi.

Comment vont les choses de façon générale? Je sais qu’il s’agit d’un gros projet, mais pouvez-vous nous dire comment se passent les choses? Avez-vous pu bien faire entendre votre voix en matière d’atténuation des effets environnementaux et d’amélioration des avantages que procure ce projet?

Mme Hoyt : Le projet à Voisey’s Bay est un très bon exemple de la façon dont les accords portant sur les évaluations des impacts environnementaux et des bénéfices ont permis d’améliorer un projet qui avait déjà un bon potentiel. C’est une mine rentable. En raison des dispositions figurant dans l’accord de revendication territoriale et du contexte politique et économique de l’époque, les responsables ont négocié des ententes avec les deux groupes autochtones qui exigeaient des occasions d’affaires et des emplois pour les gens de la région. Cela s’est réalisé et, comme vous dites, le processus de surveillance a été effectué par une entreprise appartenant à des Inuits. Je crois que les gens sont tout à fait convaincus que les activités menées à Voisey’s Bay le sont de la meilleure façon possible et que tout problème qui survient est traité de la manière la plus efficace possible.

C’est un très bon exemple du bon fonctionnement d’une évaluation environnementale. Au contraire, le projet de Muskrat Falls est un bon exemple d’un mauvais fonctionnement, pour des raisons que vous avez déjà entendues.

Le sénateur Patterson : Le projet de Muskrat Falls est situé à l’extérieur de votre territoire, n’est-ce pas?

Mme Hoyt : Oui, et c’est une situation intéressante parce qu’il a été établi qu’il était situé à l’extérieur, mais il a des effets à l’intérieur de notre territoire.

Le sénateur Patterson : Bonne réponse.

Vous avez parlé du caractère sacro-saint des critères décrits à l’article 22 du projet de loi. Voici ce que j’ai à vous dire à ce sujet : il est très difficile, voire impossible, d’être contre ou de critiquer les analyses comparatives entre les sexes ou les engagements du Canada dans la lutte contre les changements climatiques. C’est difficile à faire.

Nous avons entendu la semaine dernière à Winnipeg les témoignages de quelques experts, d’une spécialiste de l’analyse comparative selon les sexes et de plusieurs témoins. L’un d’entre eux a dit : « Oh, c’est facile de déterminer le genre. Il y a 11 points dans une analyse comparative entre les sexes. Vous pouvez le vérifier sur le site web. » J’ai vérifié, et j’ai effectivement trouvé qu’il existe 11 points. J’ai posé la même question sur la définition au témoin suivant, et elle a répondu : « Non, C’est impossible à délimiter. Elle va plus loin que les 11 points ».

Ce que je dis, c’est que c’est bien beau de parler d’introduire ces concepts complètement nouveaux dans le processus d’évaluation environnementale, mais ils ne sont pas définis. De fait, ce matin, un témoin était en faveur du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause et de la durabilité a dit que ces concepts ne sont pas assez bien définis. Nous devons apporter de la clarté aux définitions.

La question que je vous pose, étant en faveur de les laisser tels quels, est la suivante : le flou de définition pose-t-il problème, et nous expose-t-il à un grand risque de contestation? Cela pourrait nuire aux promoteurs, mais également aux intervenants, qui peuvent être bloqués dans leur travail par des contestations selon lesquelles ces définitions n’ont pas encore été judiciairement établies.

Êtes-vous d’accord pour dire qu’il peut être risqué d’intégrer ces nouveaux facteurs mal définis dans le projet de loi?

Mme Hoyt : D’abord, je tiens à dire que je ne suis pas avocate; je suis biologiste. Il est problématique de voir que certains termes sont définis dans le projet de loi et que d’autres ne le sont pas. Quand vous parliez plus tôt du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, c’était assez bien défini. La partie sur le consentement et le veto, a été bien débattue. Il ne s’agit pas d’un obstacle majeur.

Il faut garder ces facteurs dans l’évaluation environnementale et l’évaluation des impacts, en discuter et prendre une décision en s’appuyant sur les informations les plus complètes possible; cela donnera de meilleures décisions. Si vous ne les gardez pas, vous ferez tout de même face à des contestations judiciaires à un moment donné. Il y aura des contestations même si vous excluez ces facteurs.

Il s’agit d’un facteur important pour ce qui est des répercussions du projet sur l’environnement et sur les collectivités. Les décisions doivent être prises en fonction de l’objectif du projet, et il est préférable que les facteurs aient une portée générale. Si certains facteurs ne sont pas pertinents ou qu’ils ne le sont pas beaucoup, vous donnez alors l’information à l’échelon approprié pour régler le problème le mieux possible. Si on supprime ces facteurs du projet de loi, cela signifie qu’on ne pourra pas examiner l’ensemble du projet et toutes ses répercussions.

Le monde évolue trop rapidement. Nous parlons de tempêtes qui ne survenaient qu’une fois par siècle et qui, maintenant, surviennent chaque année. Nous parlons des effets cumulatifs observés dans le monde entier et du transport sur grandes distances de polluants. Il est difficile de traiter ces choses dans le cadre d’un projet, mais vous ne pouvez pas les ignorer car elles existent.

Le sénateur Patterson : Les revendications territoriales des Inuits du Labrador indiquent que 3 p. 100 des redevances provinciales sont reversées aux Inuits, pour certains projets. Je me demandais comment cela se passait. J’ai entendu dire qu’il a été difficile pour les Inuits du Labrador de toucher cet argent.

Mme Hoyt : Cela ne relève pas de ma compétence; en tant que responsable de l’évaluation environnementale, je ne peux pas répondre à cette question.

La sénatrice McCallum : J’aimerais continuer à parler du sujet soulevé par M. Patterson.

En 2016, le gouvernement du Canada a entrepris l’examen des processus fédéraux d’évaluation environnementale avec l’objectif d’introduire de nouveaux processus plus solides, d’intégrer des données scientifiques, de protéger l’environnement, de respecter les droits des Autochtones et de soutenir la croissance économique. L’intention est d’en arriver à un processus d’évaluation environnementale inclusif et transparent, qui fait participer à la fois les collectivités autochtones et non autochtones.

Je cherche l’interprétation des mots que je viens de lire. Ma langue est le cri et, étant donné la façon dont j’ai été élevée sur mon territoire, mon interprétation va au-delà de ce que l’anglais veut dire. C’est la seule façon pour moi de l’interpréter. Le meilleur lien que je puisse faire, c’est avec la Colombie-Britannique et ses processus d’évaluation environnementale.

Ce processus a une portée plus étendue que les évaluations environnementales fédérales. Il vise le risque d’avoir des effets négatifs sur le plan environnemental, économique, social, patrimonial et de la santé qui pourraient survenir pendant le cycle de vie d’un projet.

Quand vous examinez tout cela, vous voyez que l’analyse comparative entre les sexes porte sur l’injustice sociale dont ont été victimes les gens qui vivent dans les collectivités, y compris les femmes, victimes de viols dans les camps de travail. Je parle aussi du barrage, notamment du fait que les gens n’ont pas profité des avantages de l’électricité que le barrage a permis de produire. Cela a profité à Winnipeg, mais pas là où ils vivaient. Ils vivaient sans électricité, sans égouts et sans eau courante. Cela a eu un effet sur leur santé et sur leur accès aux soins de santé et à la sécurité alimentaire. Cela a tellement bouleversé leur vie, parce que tout cela vient d’ici. Avec ce projet de loi, les gens imposent des limites et disent : « Vous ne pouvez pas examiner cela. Vous ne bougez pas. » C’est impossible à faire. Il y aura des conséquences imprévues si vous vous limitez à cela.

Vous dites avoir examiné la phase de planification préliminaire, qui était très importante pour vous. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, en reprenant le contexte que je viens de décrire? Je ne sais pas si cela vous aidera à nous parler de toute la planification.

Mme Hoyt : Je crois que nous avons la même préoccupation, à savoir que la phase de planification préliminaire est limitée. Elle est limitée dans le temps. Son but est multiple. Au Nunatsiavut, traditionnellement, les Inuits ont un point de vue très holistique sur l’environnement, les répercussions sur l’environnement et les gens. C’est un tout. Il est très difficile de faire la distinction entre ce qui doit relever de la compétence fédérale et de la compétence provinciale, et de dire que mon territoire commence ici et le vôtre commence là.

Une phase de planification préliminaire obligatoire permet aux promoteurs qui ont peut-être moins d’expérience ou moins de volonté de travailler avec les gouvernements, les collectivités et les groupes autochtones. Elle fournit certains paramètres pour ce qui doit être fait. Au cours des trois dernières années de ce processus, il a sans cesse été dit que les bons promoteurs font déjà ces choses. Ils ont déjà examiné toutes les répercussions. Ils ont déjà utilisé des recherches solides. Ils ont déjà communiqué leurs données. Ils sont ouverts. Ils travaillent avec les collectivités. Ils s’y prennent à l’avance, et cetera. Si tous les éléments sont en place, la phase de planification préliminaire de 180 jours sera alors probablement suffisante pour les rassembler. S’ils ne sont pas en place, peut-être que les 180 jours nous permettront de réunir tous les éléments afin d’effectuer une bonne évaluation environnementale.

Je sais que l’industrie veut des certitudes et des échéanciers. Les entreprises veulent savoir 15 ans à l’avance si elles obtiendront une approbation. Le but d’une évaluation environnementale et d’une évaluation des impacts est de pouvoir prendre une décision. Il ne s’agit pas d’approuver automatiquement ce qu’une entreprise a jugé rentable.

La phase de planification préliminaire est très utile. C’est bien qu’elle figure dans le projet de loi. Personne ici ne sait comment elle sera mise en œuvre ou comment elle fonctionnera en pratique. Pour un projet qui est très compliqué, 180 jours, c’est assez optimiste.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Massicotte : Merci d’être ici avec nous et merci d’avoir patiemment répondu à toutes les questions.

Vous avez mentionné plus tôt la Déclaration des Nations Unies. Je suppose que vous faites référence aux dispositions relatives au consentement. Vous dites qu’elles sont très claires et qu’il y a unanimité sur la définition de ces mots. J’ai lu la plupart des arrêts de la Cour suprême. J’ai lu la déclaration et le répertoire. J’ai rencontré des chefs autochtones et aussi le parrain du projet de loi.

Éclairez-moi un peu. Où pourrais-je trouver la définition selon laquelle consentement ne signifie pas approbation?

Mme Hoyt : Je crois avoir dit que consentement ne veut pas dire veto.

Le sénateur Massicotte : Dans le dictionnaire, consentement signifie approbation. Si vous avez le droit d’approuver un projet, je suppose que vous avez le droit de ne pas l’approuver. Non veut dire non.

Mme Hoyt : On a écrit quelques excellents articles sur la question. De l’arrêt Delgamuukw jusqu’aux autres tribunaux, il y a eu des discussions sur ce que cela signifie, et dans quelle mesure le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, permet d’établir un équilibre entre les droits. Je ne peux pas mieux le définir que toutes ces personnes, mais c’est une question en évolution.

Le sénateur Massicotte : Je pense les avoir tous lus.

La Cour suprême a clairement indiqué que les droits ne sont pas absolus. C’est une question de degré et de certitude. Si une chose vous appartient clairement, la Cour suprême dit que vous avez le droit d’accorder votre consentement. Toutefois, si vous partagez simplement un territoire ou peut-être des droits de pêche et de chasse, il n’est alors pas question de consentement. Il est plutôt question de véritables consultations. La Cour suprême affirme que cela dépend de la preuve et de la certitude des droits. La Cour suprême ne parle de consentement qu’à deux ou trois reprises.

Bien des pages ont été écrites, notamment par les avocats qui contribuent à ce projet de loi, pour donner une définition du mot consentement. Les Nations Unies ont accusé un retard de six mois parce que la plupart des nations voulait que le consentement soit « demandé ». Les collectivités autochtones ont dit : « Non, ce n’est pas suffisant. »

Je ne comprends pas vraiment, et j’aimerais que l’on m’éclaire. Si votre interprétation est juste, je dis : « Bien, faisons simplement une petite modification. Clarifions les choses. Ce sera alors fait, et tout le monde sera content. » Puis, les Autochtones disent : « Non, non, ne le faites pas, car nous sommes satisfaits de ce qui y est dit en ce moment, puisque cela signifie que vous devez demander notre approbation. »

C’était plus un commentaire.

La présidente : Quelle est votre question, monsieur Massicotte?

Le sénateur Massicotte : Je vous fais simplement part de mon raisonnement pour voir ce que je peux en apprendre, car je tâtonne à cause de cette question. J’ai lu beaucoup de choses à ce sujet, et je n’y vois toujours pas clair.

La présidente : Je crois qu’elle a répondu que consentement ne signifie pas veto.

Le sénateur Massicotte : Je sais aussi qu’elle n’est pas juriste.

La présidente : C’est ce que vous avez dit, n’est-ce pas?

Mme Hoyt : Oui.

Le sénateur Massicotte : Eh bien, c’est bon pour vous.

La présidente : Merci beaucoup.

Dans notre dernier groupe de témoins, nous accueillons M. William Montevecchi, professeur distingué, John Lewis Paton, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel; et Kieran Hanley, directeur général de l’Association des industries de l’environnement de Terre-Neuve-et-Labrador.

William Montevecchi, professeur distingué, John Lewis Paton, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel : Je m’appelle Bill Montevecchi. Je suis chercheur scientifique à l’Université Memorial de Terre-Neuve. J’étudie les oiseaux de mer. Certains de mes documents de recherche sur les risques des plateformes extracôtières pour les oiseaux de mer ont été présentés au comité. En tant qu’ancien membre et directeur de Nature Canada et Nature NL, j’appuie les mémoires qu’ils ont présentés au comité, avec cinq autres organismes environnementaux.

J’aimerais aborder, au cours des prochaines minutes, trois sujets clés dont vous avez déjà entendu un peu parler : premièrement, la nécessité de prendre des décisions transparentes fondées sur des données scientifiques; deuxièmement, le besoin de renforcer le cadre réglementaire; et, troisièmement, les approches préventives que nous pouvons prendre relativement au milieu océanique et à l’exploitation des océans.

Les oiseaux marins sont le principal indicateur de la santé des océans. Nous avons déjà soulevé la question vers la fin des années 1990, à l’époque où des projets pétroliers ont été lancés dans la région des Grands Bancs. Des scientifiques du Canada et de l’étranger ont rencontré des représentants de l’Association canadienne des producteurs pétroliers — l’ACPP — et leur ont présenté un rapport proposant des protocoles simples, mais rigoureux pour la surveillance des oiseaux de mer sur les plateformes de forage en mer. Le document remis au comité est intitulé Montevecchi et coll. 1989, chapitre III même si l’on reconnaît les préoccupations et que l’on prend des engagements à propos des oiseaux marins dans toutes les évaluations environnementales concernant l’exploitation pétrolière en mer, jamais les plateformes de forage n’ont embauché d’observateurs désignés et qualifiés.

La plus importante population d’oiseaux de mer nicheurs de l’Est du Canada est l’océanite cul-blanc, un oiseau minuscule qui est également le plus vulnérable. J’en ai même apporté un avec moi; je veux que le comité voie à quoi il ressemble. Je crois que c’est important. Voici un spécimen de la plus importante population d’oiseaux de mer nicheurs de l’Est du Canada. Vous n’en savez probablement pas énormément à son sujet. C’est un petit oiseau, environ de la taille d’un merle. C’est un petit albatros. Je vais vous parler de cet oiseau et de sa situation. Vous devez comprendre que nous parlons d’un animal en chair et en os.

Ce sont des oiseaux nocturnes, et ils sont attirés par la lumière des torches et des éclairages. Avant, leur habitat marin était sombre, mais à présent, ces oiseaux sont exposés à un risque très élevé. Au cours des trois dernières décennies, depuis qu’on utilise des torches et des éclairages au large des côtes canadiennes, leur population a en fait chuté de moitié. Plus de trois millions d’oiseaux de cette espèce sont disparus. Cette baisse de la population s’explique par le déclin de leurs plus grandes colonies sur la côte Est de Terre-Neuve, très près du lieu de la séance. L’océanite cul-blanc fait maintenant partie des espèces vulnérables, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature.

Il faut mettre en place un processus rigoureux et indépendant de surveillance des oiseaux de mer sur les plateformes de forage en mer ainsi que sur les engins de forage afin de remplacer le mécanisme inadéquat et aléatoire de déclaration volontaire qu’utilisent les sociétés pétrolières sous le régime de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Aucune mesure concrète n’a été prise, mais nous pouvons agir proactivement et réduire au minimum les risques que représentent les torches, les éclairages et les produits chimiques pour les oiseaux de mer. J’ai mis en relief quelques dispositions du projet de loi C-69 qui sont robustes et qui pourront nous aider dans cette entreprise. J’ai aussi ciblé quelques-unes des modifications proposées, car je crains qu’elles ne donnent trop de pouvoirs à l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.

Il y a un dernier point que je veux aborder, puisque le sujet semble revenir tout le temps sur le tapis. C’est à propos du moment où les évaluations sont menées. Il est évident que cela a une très grande importance. Après l’explosion et l’incendie de la plateforme Deepwater Horizon en 2010, dans le golfe du Mexique, le pétrole a continué de fuir de la tête de puits pendant 87 jours parce que le bloc obturateur de puits ne s’est pas activé comme il l’aurait dû en cas d’urgence. Ensuite, le bloc obturateur de secours qui aurait dû s’activer après la défaillance du premier a également fait défaut. On a conclu, à la lumière des preuves recueillies, qu’il y avait eu des pressions visant à accélérer le lancement de la production, et que les travaux d’ingénierie avaient été faits sans tenir compte de la diligence raisonnable. D’ailleurs, le président Obama a mis cela en évidence dans sa réaction initiale à la catastrophe. Il a qualifié de scandaleuse la relation étroite entre l’organisme de réglementation et l’industrie.

Une mesure importante a été prise en conséquence. Aux États-Unis, les compétences réglementaires en matière d’exploitation ont été séparées de celles concernant la sécurité et l’environnement. On a aussi demandé, au Canada, la mise en place d’un organe indépendant chargé de la sécurité. L’Office a rejeté cette recommandation, et bon nombre de personnes jugent que c’est une erreur.

Nous avons connu, en novembre 2018, le plus grand déversement causé par une plateforme pétrolière dans les eaux canadiennes; la société Husky Oil avait décidé de reprendre l’exploitation alors qu’il y avait une tempête en mer et que les vagues atteignaient 30 pieds de haut. Les autres exploitants étaient demeurés inactifs. Encore une fois, le temps a été le facteur déterminant, au détriment de la prudence. L’Office a soutenu la décision d’Husky de reprendre la production pendant la tempête.

On dit que le temps, c’est de l’argent, mais nous devons cesser de laisser ce proverbe orienter nos décisions économiques, parce qu’il menace nos océans. La meilleure façon de mener des évaluations environnementales vraiment exhaustives et de protéger nos océans, c’est de prendre le temps nécessaire. Merci de votre attention.

Kieran Hanley, directeur général, Association des industries de l’environnement de Terre-Neuve-et-Labrador : Je tiens à vous dire que nous sommes reconnaissants d’avoir l’occasion de témoigner devant vous aujourd’hui. L’Association des industries de l’environnement de Terre-Neuve-et-Labrador, l’AIETNL, est une association sans but lucratif d’entreprises favorables au développement des technologies propres et à la croissance de l’économie verte dans notre province. Nos membres fournissent des technologies propres qui atténuent les risques environnementaux et améliorent les résultats en matière d’environnement de l’ensemble de l’industrie. Nos membres sont des professionnels de l’environnement; ils interviennent aux étapes de la conception, de la mise en œuvre et de la surveillance des projets ainsi que du respect des cadres réglementaires.

Notre association estime que le projet de loi C-69 améliorera le cadre réglementaire actuel. Un des témoins précédents a mentionné que le but ultime de la durabilité était de trouver un équilibre entre les considérations économiques, environnementales et sociales et de veiller à ce que le résultat net soit des plus avantageux pour le Canada. Puisque le projet de loi C-69 adopte ce point de vue holistique et met l’accent sur la durabilité, l’AIETNL appuie vivement ces objectifs globaux. Nous soutenons les nouvelles mesures précises qui sont prévues, y compris l’ajout des répercussions des changements climatiques dans les facteurs à prendre en considération pendant l’évaluation, l’accroissement des possibilités de consulter le public tout au long des processus et le renouvellement de l’engagement à prendre des décisions fondées sur des données probantes.

Cependant, l’AIETNL a quelques préoccupations quant à la façon dont les dispositions du projet de loi C-69 seront mises en œuvre concrètement ainsi que sur ses conséquences sur la croissance économique de Terre-Neuve-et-Labrador. Notre province possède d’immenses ressources naturelles, et leur exploitation contribue en grande partie au bien-être économique et social de notre population. Dans le secteur de l’environnement, les industries de l’exploitation pétrolière et gazière en mer et de l’exploitation minière, par exemple, sont les premiers moteurs de notre économie et des sources clés d’innovation et de technologies propres.

L’Association examine attentivement les possibilités de croissance propre dans ces industries. Il s’agit d’une priorité, et c’est pourquoi nous nous sommes rendus en Norvège, le mois dernier, afin de voir comment les technologies propres pourraient être développées et utilisées dans les activités d’exploitation pétrolière et gazière extracôtières. La Norvège est un chef de file mondial dans ce domaine. Nous avons appris énormément de choses, entre autres qu’il est possible pour le Canada d’adopter des technologies propres dans ce secteur d’activités. Nous avons également appris que la Norvège s’est dotée d’un cadre réglementaire unique au monde qui établit un équilibre entre les considérations économiques et environnementales.

Récemment, il fallait plus de 900 jours pour réaliser une évaluation environnementale pour les projets d’exploration extracôtière au Canada. En Norvège — le pays le plus progressiste du monde en matière de réglementation verte de l’exploitation extracôtière —, ce processus prend une fraction de ce temps. Nous devons nous demander pourquoi. Nous connaissons déjà les risques pour l’environnement et les difficultés liées aux activités dans cette industrie et dans les autres industries similaires; les approches utilisées pour atténuer les risques et les répercussions ont déjà fait leurs preuves. Le gouvernement et le secteur privé gaspillent de précieuses ressources ainsi que du temps à mener des évaluations dont nous connaissons déjà l’issue. Cela retarde considérablement les projets et décourage les promoteurs. Pourtant, ces projets pourraient contribuer énormément à la durabilité économique et sociale. Le processus ne permet en rien d’améliorer les résultats environnementaux. L’Association est d’avis que les activités courantes et que l’on connaît bien, comme l’exploitation extracôtière, ne devraient pas faire partie des projets désignés. Il serait préférable, dans des cas comme celui-ci, de faire porter nos efforts collectifs sur la recherche de nouvelles solutions à des problèmes connus.

Je dois souligner que le projet de loi C-69 prévoit effectivement des délais plus courts pour les évaluations. Il reconnaît la valeur des évaluations environnementales régionales et stratégiques, et il ajoutera à la loi la capacité d’en réaliser. En théorie, ces engagements permettront, au bout du compte, de renforcer les certitudes et d’entreprendre des activités proactives dans le cadre de projets représentant un intérêt national. Nous soutenons vivement cet ajout. Cependant, le projet de loi prévoit également un processus de mobilisation précoce qui pourrait entraîner des retards importants; il accorde aussi de nouveaux pouvoirs discrétionnaires au ministre, ce qui pourrait créer de l’incertitude chez les promoteurs.

Mais par-dessus tout, nos membres réclament clairement une certitude accrue au chapitre du processus d’évaluation environnementale. Nos spécialistes de l’environnement qui travaillent au Canada et à l’étranger disent que la longueur du processus d’évaluation environnementale ne reflète pas nécessairement son efficacité. Nous devons imposer des normes en matière de protection de l’environnement. L’industrie s’adaptera. Faisons en sorte que le processus d’approbation des projets soit direct, prévisible et efficient. Voilà le compromis qui nous permettra de créer un processus d’évaluation environnementale digne de la confiance de chacun.

Dans cette optique, notre association recommande de préciser le libellé de la loi afin d’améliorer la définition du processus de mobilisation précoce et de dissiper les craintes relativement au recul des échéances et, pour Terre-Neuve-et-Labrador spécifiquement, d’atténuer les préoccupations par rapport au pouvoir discrétionnaire du ministre dans le processus décisionnel en clarifiant le rôle de l’Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers dans les évaluations environnementales afin qu’il reflète la vision d’une gestion conjointe des ressources, comme cela a été conclu dans l’Accord atlantique.

Un cadre réglementaire efficace doit équilibrer les facteurs économiques et les facteurs environnementaux et sociaux tout en établissant un processus clair et prévisible pour la prise des décisions. L’association estime que le projet de loi C-69, tel qu’il est rédigé, est un pas dans la bonne direction. Il obtiendrait probablement davantage de soutien si les problèmes liés à la certitude étaient réglés. Merci de votre temps.

Le sénateur Woo : Pour commencer, monsieur Hanley, j’aimerais revenir sur ce que vous avez dit en dernier, sur le fait de clarifier le rôle de l’Office. En partie, le raisonnement qui sous-tend ce projet de loi est qu’on veut que des organismes différents s’occupent de l’évaluation, de la réglementation, de la surveillance, et cetera. C’est la logique du projet de loi. M. Montevecchi a effleuré le sujet quand il a parlé du golfe du Mexique.

Pouvez-vous nous expliquer un peu plus en détail ce qui serait, selon vous, un rôle approprié pour l’Office? J’aimerais surtout savoir si vous croyez que l’Office devrait avoir plus de poids dans la commission d’examen, par exemple. Un de ses membres devrait-il pouvoir assumer la présidence de la commission? À mes yeux, on se rapproche du conflit d’intérêts potentiel que M. Montevecchi a mis en relief en parlant des États-Unis. Que demandez-vous, au juste, quand vous dites qu’il faut clarifier le rôle de l’Office?

M. Hanley : Au départ, quand l’Accord atlantique a été conclu, il était prévu que la ressource allait être gérée conjointement. Présentement, le libellé du projet de loi n’est pas clair quant au pouvoir du ministre de prendre une décision définitive, et nous aimerions que cela soit clarifié.

Le sénateur Woo : Donc, vous êtes davantage préoccupé par le processus décisionnel que par la composition de la commission.

M. Hanley : C’est exact.

Le sénateur Woo : Dans ce cas, abordons la question des forages exploratoires. Je crois comprendre que vous aimeriez exempter les forages exploratoires du processus d’évaluation d’impact. Pourtant, le dernier groupe de témoins ainsi que d’autres personnes nous ont dit que chaque forage exploratoire présentait des caractéristiques uniques et devait être évalué individuellement.

Vous faites partie d’une industrie qui réalise des évaluations environnementales. Je me demande donc pourquoi vous préconisez une approche sui generis relativement aux forages exploratoires, au lieu de demander des évaluations ponctuelles pour chacun.

M. Hanley : Je vais être honnête, ce n’est pas moi personnellement qui réalise les évaluations environnementales. D’après les commentaires de nos membres, il semble qu’il y ait suffisamment de points communs entre les divers programmes exploratoires. Peut-être serait-il possible de ne pas soumettre les nouveaux projets exploratoires au processus intégral. Je crois que c’est manifeste, quand on sait qu’il faut 900 jours, environ, pour ce processus. Selon les dernières données que nous avons sur la Norvège, leurs processus prennent moins de 100 jours. Je ne sais pas quel serait le nombre idéal, mais nous ne sommes pas suffisamment compétitifs, et, selon nos membres, ce serait une occasion à saisir.

Le sénateur Woo : Selon vous, est-ce que les évaluations régionales ou stratégiques seraient une bonne façon de sortir de cette impasse? Est-ce que ce serait un compromis envisageable relativement aux forages exploratoires?

M. Hanley : Ce serait certainement une possibilité, oui.

La présidente : J’ai une question supplémentaire à ce sujet, étant donné que vous réalisez des évaluations d’impact. Avez-vous des données sur les répercussions sur le benthos, le phytoplancton et les activités sismiques? Vous avez dit qu’il y a des similitudes, alors je voulais savoir si vous aviez cette information.

M. Hanley : Nos membres y auraient certainement accès. Les membres qui nous fournissent de l’information auraient ces renseignements, définitivement. Je ne suis pas un scientifique. Je suis seulement ici pour les représenter. Si vous voulez d’autres renseignements sur ce genre de choses, je pourrais vous les faire parvenir.

La présidente : Merci.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Montevecchi, faites-nous profiter de vos connaissances. Vous nous avez parlé de la catastrophe qui s’est produite dans le golfe du Mexique. Il s’est dit énormément de choses sur les causes du désastre, mais cela fait presque 10 ans maintenant que c’est arrivé.

M. Montevecchi : Oui, c’était en 2010.

Le sénateur Massicotte : Quelles sont les conséquences actuelles sur l’environnement de cette catastrophe?

M. Montevecchi : C’est une excellente question, mais je n’ai pas vraiment de réponse à vous donner. C’est une question complexe, et je ne veux pas donner de réponse qui soit floue. Je peux cependant vous dire quelles ont été les conséquences pour nous ici. Prenons les 10 oiseaux les plus souillés par les hydrocarbures. Ce sont les oiseaux tropicaux, c’est-à-dire les pélicans, les goélands et les sternes. Le fou de Bassan, de Cape St. Mary’s, arrive au troisième rang. Nous n’avons pas observé de perturbations ou de conséquences négatives de cette catastrophe dans la population. Je ne dis pas qu’il n’y en a pas eu, mais je voulais surtout illustrer la distance sur laquelle la catastrophe du golfe du Mexique s’est répercutée et la menace qu’elle a fait peser sur nos animaux.

On a dit avoir tiré énormément de leçons de la catastrophe du golfe du Mexique. C’était un forage en eaux profondes. Nous forons nous aussi en eaux profondes, dans l’Atlantique Nord. Je peux même vous dire que, moins de quatre semaines après l’explosion de la plateforme du golfe du Mexique, nous avons entrepris le forage exploratoire le plus profond de l’histoire du Canada, dans le bassin Orphan. Nous n’avons jamais foré aussi profondément. À cette époque, les États-Unis avaient imposé un moratoire sur le forage en eaux profondes. Ils ont fait marche arrière depuis, mais pendant ce temps, on forait le puits le plus profond du Canada. Aucun observateur d’Environnement Canada ou d’observateur indépendant n’était présent.

Il y a un message que je veux faire passer à propos de l’exploration. Conformément à l’Accord atlantique, les activités exploratoires des compagnies pétrolières sont confidentielles. Lorsqu’il y a un incident de pollution, la société pétrolière n’est pas obligée de le déclarer. Gardez cela à l’esprit. Un incident de pollution aurait pu se produire dans le bassin Orphan, et nous ne le saurions pas. Nous n’aurions pas le droit de le savoir. Je trouve cela très choquant. J’espère que cela répond à votre question.

La sénatrice Simons : Je suis sûre que vous n’êtes pas au courant de ceci à Terre-Neuve : en Alberta, les gens se plaignent parce que notre fonds du patrimoine n’est pas comparable au gigantesque fonds équivalent dont dispose la Norvège. Maintenant que je suis ici, je réalise que vous vous comparez vous aussi à la Norvège. Nous envions tous ce pays qui semble tellement merveilleux.

Dans vos notes d’allocution, monsieur Montevecchi, vous recommandez certaines modifications précises. Vous parlez de la participation du public et de la prise en compte de l’information scientifique, au regard surtout des alinéas 6(1)h) et 6)(1)j). Peut-être pourriez-vous nous expliquer. Quelle modification, précisément, voudriez-vous qu’on apporte au libellé relativement à la participation du public et à la prise en compte de l’information scientifique?

M. Montevecchi : C’est manifestement quelque chose dont nous avons besoin. J’ai parlé des oiseaux, parce que c’est mon domaine de spécialité. Je veux mettre en relief à quel point cela n’a pas de sens. Cela fait 20 ans que ça dure. En 1999, on a donné un protocole à l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Il n’y avait pas que moi; il y avait une équipe de scientifiques du monde entier. Nous savons comment faire les choses. Nous savons que nous pouvons le faire, mais cela nous est interdit.

Je veux que vous compreniez que l’information scientifique n’a pas été prise en considération. Plus tôt, quelqu’un a dit que la science devrait compter, que les approbations devraient être fondées sur des données scientifiques. Nous n’avons pas pu réaliser de suivi scientifique. Nous ne pouvons rien vous dire. Nous ne savons rien. Trois millions d’oiseaux de cette espèce ont disparu. Nous savons qu’ils sont attirés par les torches. Nous savons qu’ils sont attirés par l’éclairage extracôtier. Nous ne pouvons pas dire de façon concluante, sur le plan scientifique, combien ont été touchés ni combien sont morts.

Ce n’est pas si simple à faire, mais nous savons que nous en sommes capables. Si nous ne le faisons pas, c’est parce que l’organisme de réglementation ne l’exige pas. Je doute que les sociétés pétrolières veulent que cela se fasse. Elles seraient obligées de rendre des comptes. Pourquoi accepte-t-on ce processus de déclaration volontaire pour des entreprises pétrolières? Pourquoi l’organisme de réglementation l’accepte-t-il? Cela relève de l’organisme de réglementation. Ce n’est pas fait et cela n’a jamais été fait.

Pour répondre à votre question, si j’en suis capable — et je veux éviter de trop dévier du sujet —, la seule chose dans les dispositions qui aurait permis de renforcer l’aspect scientifique se trouvait à l’alinéa 6(1)n). Il est écrit, jusqu’ici, que l’information scientifique allait être encouragée. Les mots ont de l’importance. Dans les autres dispositions, on utilise « veiller à ». Puis, à l’alinéa n), c’est soudainement « encourager ».

L’on encourage depuis 20 ans. Cela n’a aucun effet. Nous voulons que ce soit assuré. Voilà ce que je peux dire pour essayer de répondre à votre question.

La sénatrice Simons : Dans les endroits où le comité s’est rendu, d’autres témoins déplorent, comme vous, le fait qu’aucun suivi n’est obligatoire. Les approbations sont conditionnelles. Nous établissons les conditions, mais qu’en est-il de la surveillance? Je ne suis pas sûre de savoir si cela devrait être inscrit dans la loi ou dans le règlement. Nous n’avons pas de projet de règlement, présentement, alors je ne sais pas où ce serait. Il est logique, cependant, qu’il y ait un suivi transparent permettant de déterminer les conséquences et de voir si l’évaluation disait vrai, peu importe de quel projet il s’agit.

Le sénateur Manning : Pour ne rien vous cacher, je connais M. Montevecchi depuis de nombreuses années. Comme lui, j’aime beaucoup Cape St. Mary’s. Au fil des ans, il a fait un travail incroyable là-bas pour les colonies d’oiseaux marins.

Monsieur, j’aimerais revenir sur un point que vous avez abordé. Nous devrions faire en sorte que les membres potentiels de la commission d’examen soient approuvés par les membres du comité d’experts prévu à l’article 157. Cela a toujours été une préoccupation. Comme l’ont dit les témoins précédents — vous avez été ici toute la journée —, il faut que ceux qui subissent les conséquences négatives, que ce soit dans l’industrie de la pêche, dans le secteur environnemental ou dans le monde des oiseaux, aient droit de parole sur l’établissement de la réglementation, l’établissement des règles et le suivi qui est fait pour s’assurer que les règles sont respectées.

Êtes-vous satisfait du niveau de participation que le projet de loi C-69 prévoit actuellement pour vous et pour les autres spécialistes du domaine?

M. Montevecchi : Bien sûr que non. Nous n’avons jamais été satisfaits. Nos demandes tombent dans l’oreille d’un sourd. Ce n’est pas non plus que nous ne collaborons pas avec les sociétés pétrolières ou avec l’Association canadienne des producteurs pétroliers. Nous avons aussi essayé de travailler avec l’Office Canada-Terre-Neuve. Je ne fais pas non plus de l’obstruction.

Ce que vous avez dit est éminemment important. D’ailleurs, cela faisait partie de nos recommandations. Un comité d’experts devrait approuver les membres de la commission. Cela aiderait énormément. Je vous mets au défi de trouver, au sein de l’Office, un biologiste ou quelqu’un qui connaît un tant soit peu l’océan. Je doute que vous y arriviez, et pourtant, c’est l’organisme chargé de la réglementation. Je sais qu’un comité d’experts a la responsabilité d’approuver des experts techniques, et je crois qu’on pourrait facilement le faire pour les membres de la commission. Il serait bien utile que les membres soient des gens qui connaissent quelque chose, qui sont des experts, plutôt que des gens commodes ou qui connaissent des gens. Je recommande que les membres de la commission soient approuvés par le comité d’experts.

Le sénateur Manning : Vous avez aussi mis l’accent, dans votre déclaration, sur le besoin de renforcer la réglementation. Pouvez-vous nous dire un peu plus en détail ce que vous voulez dire par le besoin de renforcer la réglementation?

M. Montevecchi : Pouvez-vous répéter?

Le sénateur Manning : Un sujet que vous avez abordé était le besoin de renforcer la réglementation. Pouvez-vous préciser un peu ce que vous voulez dire exactement?

M. Montevecchi : Vous voulez dire, à propos du renforcement de la réglementation?

Le sénateur Manning : Oui.

M. Montevecchi : Je vous ai donné des exemples qui illustrent parfaitement les lacunes. Nous avons le mandat de protéger les animaux, mais nous n’en sommes pas capables. On peut installer une foreuse à cinq centimètres et forer à deux kilomètres de profondeur dans l’océan. On peut faire pratiquement tout ce qu’on veut. Nous pouvons compter les oiseaux. C’est possible. Bien sûr que nous pouvons le faire, mais dans mon exemple, je voulais illustrer que la réglementation n’est pas adéquate. C’est balayé du revers de la main. Il n’y a pas de conséquences, alors il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Pourtant, nous devons nous inquiéter. C’est notre responsabilité. Nous devons assumer notre responsabilité, mais nous n’avons pas pu, et c’est parce que les données essentielles que nous avons proviennent des déclarations volontaires des sociétés pétrolières. Il n’y a aucun observateur indépendant sur les plateformes.

Je vais vous avouer quelque chose. Il y a des gens qui travaillent sur les plateformes qui viennent à mon bureau. Il y a des observateurs qui travaillent sur les plateformes qui viennent à mon bureau. Ils disent que le système ne fonctionne pas, que le nombre des observations ne suffit pas. C’est arrivé. C’est vrai. Voilà ce qui se passe. Nous devons faire plus que louanger la réglementation et l’organisme chargé de l’appliquer. C’est cet organisme-là qui pose problème. Nous devons faire mieux. Il y a un énorme problème, mais on ferme les yeux là-dessus. On ferme les yeux sur un énorme problème.

Je ne veux pas dire que vous fermez les yeux. Je ne veux pas que vous croyiez que j’exagère, mais il y a un problème, et nous devons le régler. Le système est défaillant, et il doit être réparé.

Le sénateur Manning : Il faut que mes collègues sachent que , dans l’industrie de la pêche, nous permettons à des observateurs indépendants de monter à bord des bateaux de pêche de 45 pieds et plus pour s’assurer du respect de la réglementation et des règles. Selon vous, devrions-nous modifier le projet de loi afin qu’il y ait obligatoirement des observateurs indépendants sur les plateformes pétrolières? Faut-il que ce soit prévu dans la loi?

M. Montevecchi : Absolument, je vous remercie de poser cette question. C’est exactement ce dont nous avons besoin. Si le patron d’un bateau de pêche est reconnu coupable de surpêche, ce n’est pas à lui que nous allons demander de combien de poissons il a dépassé son quota. S’il dit : «Oh, seulement cinq tonnes », nous n’allons pas le croire. C’est pour cette raison que nous avons des observateurs.

Pour vous expliquer comment cela fonctionne, revenons à notre exemple. Husky est responsable du déversement de pétrole qui s’est produit en novembre. L’entreprise a rapporté que 250 000 litres s’étaient déversés. Aux nouvelles du matin, sur les ondes de CBC/Radio-Canada ou de VOCM, on rapporte que 250 000 litres se sont déversés. C’est la société pétrolière qui est responsable du déversement qui nous dit combien de litres se sont déversés dans la mer; n’oublions pas que les vagues atteignaient 30 pieds. Elle n’était même pas en mesure de dire si le tube était connecté ou non ou si du pétrole s’échappait ou non. Pourtant, on accepte l’information qu’elle nous donne.

Je peux vous donner cette information, si vous le voulez. Il y a eu un déversement beaucoup plus petit à la plateforme de Hibernia, pendant l’hiver 2015-2016. Selon le rapport, 6 litres se sont déversés. C’était une procédure normale d’exploitation, pour autant que je sache. Puis, on a rapporté que 60 litres s’étaient déversés. Plus tard, on a parlé d’un déversement de 6 000 litres. Vous voyez le genre de rapport qu’on nous donne. Comment pouvons-nous savoir que c’était bien un déversement de 6 000 litres? Peut-être que c’était 60 000 litres.

Il y a des moyens d’apprendre la vérité. Nous avons des satellites. Nous pouvons avoir recours à l’imagerie par satellite. Nous pouvons vérifier la superficie de la nappe de pétrole. Lorsqu’il y a des vagues de 30 pieds, la marée noire va se répandre dans toutes les directions de toute façon. Je ne veux pas dire que la société pétrolière a menti, je ne dis pas non plus qu’elle s’est trompée. Tout ce que je dis, c’est qu’on serait naïf de demander cette information aux responsables. Si nous n’acceptons pas l’information que donnerait un capitaine de bateau de pêche, pourquoi acceptons-nous l’information d’une société pétrolière? Voilà pourquoi nous ne savons pas combien il y a d’oiseaux. Nous n’avons pas l’information, alors nous restons là à ne rien faire. Si nous n’avons pas l’information, c’est qu’il n’y a pas de problème, n’est-ce pas? Nous n’avons tout simplement pas accès à l’information. J’espère qu’il n’y a aucun problème, mais comment en être sûr sans information?

La présidente : Nous avons beaucoup entendu parler de ce que vous dites concernant le manque d’information, de données et de transparence. Ce sont des mots clés qu’ont utilisés les deux derniers groupes de témoins.

La sénatrice McCallum : Ma question s’adresse à M. Hanley. Vous avez dit qu’il fallait trouver de nouvelles solutions à des problèmes connus. C’était direct et prévisible, et vous avez utilisé un autre mot.

M. Hanley : Efficient.

La sénatrice McCallum : Voilà le contexte. Au cours des 50 dernières années, l’activité humaine a contribué au déclin du fonctionnement écologique à un rythme et à un taux sans précédent. Les humains ont dépassé les limites du taux de perte de biodiversité, de perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, de changements liés aux systèmes terrestres et de changement climatique. Un changement indirect rapide ou une modification de l’état sont des propriétés émergentes de nombre de systèmes adaptatifs complexes vivants.

Des exemples à l’échelle mondiale de changements rapides de l’état incluent les cinq grandes extinctions de masse survenant lorsqu’un nombre anormalement élevé d’espèces disparaissent simultanément, la diminution de l’étendue de la glace de mer en Arctique et la potentielle libération catastrophique de méthane à la suite du dégel du pergélisol. La science ne peut pas prédire de tels changements, car il n’y a pas de données antérieures. Toutefois, la croissance infinie de la consommation des ressources dans un système limité comme la Terre n’est pas durable.

Pourriez-vous me dire ce que vous entendez lorsque vous utilisez des mots comme problèmes connus, direct, prévisible et efficient?

M. Hanley : Oui, en plus de ce que vous avez dit, je parlais des problèmes connus et des solutions limitées. Pour utiliser l’exemple de M. Montevecchi, s’il est prouvé que les torches et l’éclairage attirent les oiseaux de mer, nos membres seraient les personnes qui essaieraient de trouver une solution. Comment pouvons-nous atténuer cette préoccupation environnementale précise?

C’est ce que je voulais dire. Lorsque nous avons des problèmes connus, nous pouvons envisager des solutions connues.

Le sénateur Patterson : Monsieur Montevecchi, j’ai trouvé votre exposé très intéressant. Nous comprenons bien qu’il n’y a pas de données scientifiques adéquates pour évaluer la fréquence de la mortalité d’oiseaux de mer sur les plateformes extracôtières dans l’Est du Canada. Vous avez expliqué cela très clairement. Également, aucun observateur ne se trouve sur ces plateformes. Vous avez également affirmé qu’il manque trois millions d’oiseaux de mer. Savez-vous pourquoi?

M. Montevecchi : C’est ce que nous voulons savoir. Un des documents que j’ai présentés au comité est un article qui présente un survol de la situation et qui figurera dans la revue BirdWatch, publiée par Nature Canada. Nous avançons essentiellement quatre hypothèses qui pourraient expliquer la cause du déclin de cette espèce. Premièrement, la prédation de la colonie de nidification. Deuxièmement, la pollution par le mercure dans l’océan, peut-être à cause du taux élevé de mercure dans l’organisme des poissons myctophidés. Troisièmement, le changement climatique, qui pourrait avoir une incidence sur la nourriture des oiseaux de mer. Quatrièmement, les torches et l’éclairage en mer, mais également l’éclairage sur les navires et près de la côte et l’éclairage artificiel de nuit. Voilà les quatre hypothèses.

Je peux vous garantir qu’Environnement et Changement climatique Canada et nous, à l’Université Memorial, travaillons sur ces quatre hypothèses. Il est difficile d’analyser tout cela, mais l’éclairage en mer ressort comme un problème que nous pourrions régler immédiatement. Nous savons cela depuis longtemps et nous n’avons rien fait à cet égard. C’est le problème que nous devons réellement examiner et régler parce qu’il est peut-être la cause principale du déclin de cette espèce. Je crois qu’un certain nombre de choses lui nuisent. Cependant, nous pourrions et devrions avoir de l’information sur ce problème, mais nous n’en avons pas.

C’est probablement en raison de quatre éléments : la prédation, les effets du changement climatique sur la nourriture, ce qui aurait des répercussions sur la chaîne alimentaire, la pollution par le mercure dans l’océan et les torches et l’éclairage en mer.

Le sénateur Patterson : Vous avez dit que nous pouvions faire quelque chose concernant l’éclairage en mer. Que pouvons-nous faire? Voulez-vous interdire les plateformes de forage? Proposez-vous d’éteindre l’éclairage et les torches sur ces plateformes?

M. Montevecchi : Nous pouvons faire beaucoup de choses. Les torches doivent être éteintes régulièrement de toute façon. Les oiseaux se désintègrent lorsqu’ils s’en approchent. Nous savons que le meilleur moment pour les éteindre, c’est en septembre et en octobre lorsque ces oiseaux et tous les oiseaux de Terre-Neuve migrent vers les Grands bancs. Nous pouvons prendre nombre de mesures.

Il y a beaucoup d’éclairage sur les plateformes qui ne sert pas à assurer la sécurité des travailleurs sur les plateformes. L’éclairage est projeté vers le ciel. Il n’est pas nécessaire de faire cela. Nous pouvons installer des déflecteurs sur les lumières, fermer les stores des fenêtres sur la plateforme et modifier la longueur d’onde de la lumière.

Cela a été fait sur la côte de la Hollande. Une des plateformes de forage gazier à cet endroit dispose d’un éclairage vert qui fonctionne très bien pour les travailleurs et attire moins les oiseaux. C’est presque ce qui est dommage avec la situation ici. Nous pouvons faire beaucoup de choses. Comme je l’ai dit, nous aurions dû prendre des mesures. Nous aurons la possibilité d’agir aussi longtemps que les plateformes, les torches et l’éclairage sont encore utilisés en mer.

Le sénateur Patterson : C’est très intéressant. Vous nous avez dit dans votre exposé que la population mondiale d’oiseaux attirés par l’éclairage a essentiellement diminué de moitié au cours des 30 dernières années, depuis qu’on utilise les torches et l’éclairage au large des côtes du Canada. Vous n’affirmez pas que les torches sont la seule cause de la réduction de la population mondiale d’oiseaux. Je crois comprendre que vous dites que c’est une des quatre hypothèses. C’est bien cela?

M. Montevecchi : Oui, c’est tout à fait exact. Je crois que c’est celle-là qui m’inquiète personnellement. Je devrais être en mesure de répondre à votre question à l’heure actuelle. Je devrais pouvoir vous dire qu’il y a peu de conséquences. Il pourrait y en avoir beaucoup et il pourrait y avoir une conséquence générale. Oui, c’est une des quatre hypothèses. Nous sommes là depuis 20 ans. Pourquoi ne suis-je pas en mesure de vous répondre? Voilà la véritable question.

Le sénateur Patterson : Madame la présidente, merci d’avoir été indulgente avec moi.

Monsieur Montevecchi, j’ai été très étonné de vous entendre dire que l’Accord atlantique protège les sociétés pétrolières, qui n’ont pas à signaler les déversements de pétrole. Vous ai-je bien entendu? Je dis cela parce que, selon mon expérience, c’est une chose à laquelle on ne peut pas se soustraire. Habituellement, des lois exigent le signalement de déversements de pétrole terrestres. Bien honnêtement, j’espérais que nous pourrions entendre des représentants de l’office extracôtier pendant notre séjour ici et leur poser cette question. Je sais que ce n’est pas votre domaine.

La présidente : Un instant. Je crois qu’il a dit qu’ils signalent les déversements, mais le problème, c’est la quantité de pétrole. Ils les signalent, mais c’est la quantité qui est différente.

Le sénateur Patterson : Je trouve cela très intéressant et surprenant. Pouvons-nous obtenir des données ou de la documentation à ce sujet? C’est important.

M. Montevecchi : Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai dit deux choses, en réalité. J’ai parlé de déclaration volontaire du déversement de pétrole et de la sous-déclaration, dont nous sommes bien au courant. Concernant la deuxième, j’ai dit que, en raison des dispositions de confidentialité de l’Accord atlantique, tout incident de pollution qui se produit au cours de l’exploration n’a pas à être signalé à Environnement Canada. C’est ce que j’ai dit, ou du moins j’espère que c’est ce que j’ai dit, et c’est ce que je crois comprendre.

Vous avez raison, sénateur. Oui, les déversements doivent probablement être signalés, mais je n’en suis même pas certain. Ce serait signalé à l’office, mais Environnement Canada ne serait pas au courant de cela.

L’autre chose que j’ai dite, et il s’agit d’une procédure opérationnelle normale pour l’exploration, c’est que, lorsqu’on fore le puits le plus profond, aucun observateur indépendant n’est sur place. Il n’y a pas d’observateurs d’Environnement Canada qui surveillent l’activité. Si les sociétés pétrolières n’ont pas à signaler un incident de pollution à Environnement Canada, je dirais que nous ne saurons simplement pas qu’il y en a un.

La présidente : Nous pouvons poser la question à l’office et à Environnement Canada concernant ce point.

Le sénateur Patterson : Ce serait une bonne chose.

La présidente : C’est ce que nous ferons.

Le sénateur Neufeld : Je suis désolé d’être arrivé en retard. J’avais certaines choses à régler. J’ai une question sur les torches et l’éclairage et les observateurs indépendants sur une plateforme. D’où je viens, les torches et l’éclairage sont surtout utilisés sur la terre. En Alberta et en Colombie-Britannique, il y a beaucoup de torches et d’éclairage. Dites-vous que, sur chaque site industriel, il devrait y avoir des observateurs indépendants, ou parlez-vous seulement de plateformes en mer?

M. Montevecchi : Je suis à Terre-Neuve, alors je vais parler de plateformes extracôtières. C’est une bonne idée d’avoir une autre personne sur place lorsqu’il y a des observateurs indépendants qui signalent eux-mêmes un incident dont on peut être tenu responsable. Ce n’est pas particulièrement une bonne justification pour l’obtention de données. La proposition que l’on a faite à l’Association canadienne des producteurs pétroliers en 1999, c’était qu’on pouvait envoyer des observateurs quatre fois par année, chaque saison, peut-être pendant une semaine. Il s’agirait de quatre vérifications ou d’une vérification par saison parce que les saisons sont différentes.

Le nombre d’observateurs sur les bateaux de pêche est très faible. Il n’y en a pas assez, mais le système de rotation ne prévoit pas un observateur par bateau. L’observateur serait périodiquement sur les bateaux, mais les propriétaires de bateaux ne sauraient pas à quel moment il se pointerait sur le quai. Ce système fonctionnerait. Je ne dis pas qu’il faudrait un observateur sur chaque plateforme. Ce n’était pas mon intention.

Le sénateur Neufeld : Qu’en est-il de ce qui fait l’objet d’une évaluation environnementale? Si vous prenez l’industrie côtière et infracôtière en général, il y a beaucoup d’éclairage. Il y a toutes sortes de choses. Regardez l’éclairage d’un immeuble d’habitation de 40 étages. Il est également allumé la nuit. Voilà certaines choses auxquelles je songe.

Je comprends ce que vous dites. Ma belle-fille était observatrice sur des bateaux de pêche sur la côte Ouest. Jusqu’où devons-nous nous rendre? Je sais que vous parlez de Terre-Neuve. S’il s’agit de la zone extracôtière de Terre-Neuve, alors il y a peut-être d’autres endroits où cela devrait se faire. Je ne suis pas certain de cela.

M. Montevecchi : La réponse à savoir jusqu’où nous devrions aller, nous l’aurons lorsque nous aurons assez d’information sur les effets. C’est ce que nous devons faire. Nous n’avons pas de réponse à l’heure actuelle.

Je conviens avec vous que l’éclairage pose problème. Nous n’y réfléchissons pas. Nous pouvons en parler. L’éclairage des immeubles est important. Habituellement, un nombre énorme d’oiseaux sont tués pendant leur migration en raison des torches et de l’éclairage sur la terre. C’est épisodique. Comment pouvons-nous remédier à cela? Il est possible pour nous d’y penser. Nous pouvons éteindre les lumières sur les immeubles, cesser les projections de lumière vers le ciel et faire beaucoup de choses.

Nous parlons d’une situation qui touche un animal nocturne. Son environnement était opaque, sombre et brumeux. Il est maintenant très éclairé. Les oiseaux sont attirés par cela, comme le seraient nombre d’animaux nocturnes. La réponse à la question, c’est que nous pouvons régler le problème. Nous ne le ferons pas en plaçant un observateur à chaque endroit où il y a de l’éclairage en raison de développement industriel. Nous le ferons en prenant des mesures efficaces et draconiennes. Si vous regardez le chapitre III du rapport que nous avons présenté en 1999, il vous expliquera exactement comment y arriver. Je ne dis pas que c’est la seule solution qui existe. Avec quatre visites, une par saison, qui durent environ une semaine, je pourrais vous donner d’excellents renseignements sur la situation en mer, mais c’est impossible parce que nous n’avons pas accompli ce travail. On ne nous a pas permis de le faire.

La présidente : Sur ce, je remercie chaleureusement nos témoins de leurs témoignages très intéressants ainsi que vous, chers collègues, de vos questions.

(La séance est levée.)

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