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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 4

Le mercredi 20 mars 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 20 mars 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Français]

DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR

La période des questions

Le délai d'attente des réponses prises en délibéré par le gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma déclaration d'aujourd'hui pourrait tout aussi bien être une question adressée au leader du gouvernement. Elle sera une affirmation basée sur des chiffres provenant de la 1ère session de la présente législature. Les sénateurs de ce côté de la Chambre vous ont adressé 537 questions. De ces 537 questions, vous en avez prises 334 en délibéré, soit 62 p. 100 d'entre elles. De ces 334 questions prises en délibéré, il en reste 74 auxquelles vous n'avez pas répondu. Certaines datent de plus d'un an, entre autres, une du 15 décembre 1994 et une du 28 février 1995.
[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

La treizième conférence des présidents des parlements du Commonwealth

Dépôt du rapport

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la treizième conférence des présidents des parlements du Commonwealth, qui s'est tenue à Nicosie, à Chypre, du 3 au 6 janvier 1996

[Français]

L'Assemblée internationale des parlementaires de langue française

Dépôt du rapport de la réunion de la section canadienne, tenue à Hanoi, au Vietnam

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, ainsi que le rapport financier concernant la réunion du bureau de l'AIPLF, tenue à Hanoi, au Viêtnam, les 4 et 5 février 1996.

[Traduction]

Le contrôle des armes à feu

Présentation d'une pétition

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par 51 citoyens canadiens. Les pétitionnaires déclarent humblement que le projet de loi C-68, qui concerne les armes à feu et autres armes, est une mesure injustifiée et superflue qui vise inutilement des Canadiens respectueux de la loi et attaque les fondements mêmes des principes démocratiques de notre pays.

PÉRIODE DES QUESTIONS

La Défense nationale

La recherche et le sauvetage-La décision de reporter l'achat des hélicoptères de remplacement-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre ont été choqués par la révélation ahurissante de son collègue, le ministre de la Défense nationale, qui a reporté d'une autre année sa décision concernant l'achat d'hélicoptères embarqués. Les hélicoptères Sea King qui composent la flotte d'hélicoptères embarqués actuelle sont vieux et décrépits. Ils exigent 30 heures de travaux de maintenance par heure de vol, ce qui représente un coût annuel de 42 millions de dollars. Non seulement la maintenance de ces appareils coûte beaucoup trop d'argent aux contribuables, mais ces appareils ne sont tout simplement pas sûrs.

Honorables sénateurs, est-il logique de reporter une décision qui pourrait assurer à nos militaires un équipement efficace et sûr? Madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous dire les possibles raisons invoquées par elle et son gouvernement pour justifier cette décision qui risque en fait d'avoir des conséquences terribles?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue doit savoir que le ministre de la Défense nationale a participé, comme la plupart des ministres, à l'élaboration des mesures budgétaires du gouvernement au cours des trois dernières années. Il est clair que le gouvernement réaffirmera son engagement à remplacer le matériel, y compris certainement les Sea King. Je sais que le sénateur n'est pas d'accord, mais le ministre de la Défense nationale et le gouvernement ont confiance en la fiabilité des hélicoptères Sea King pour le moment et aucune décision n'a encore été prise quant à leur remplacement. Je ne crois pas, cependant, que le ministre de la Défense nationale ait l'intention de retarder indûment sa décision.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement dit que le ministre de la Défense nationale a confiance en la fiabilité des Sea King. De novembre 1993 à juin 1994, il s'est produit 47 incidents avec les Sea King, sans

compter le nombre de ces appareils qui se sont écrasés au cours des 18 derniers mois. Pensons seulement à l'écrasement qui s'est produit près de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, en avril dernier, qui a causé la mort du pilote et du copilote. Le leader du gouvernement au Sénat et le ministre de la Défense nationale essaient de convaincre les Canadiens que les Sea King sont sûrs et que nous devrions leur faire confiance, mais c'est absurde. Madame le leader du gouvernement au Sénat, qui siège au Cabinet en compagnie du ministre de la Défense nationale, tentera-t-elle de faire comprendre à son collègue l'urgence de la situation? Peut-elle prendre dès aujourd'hui cet engagement à notre égard, à l'égard du Sénat et à l'égard de nos militaires?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je transmettrai certainement le point de vue du sénateur à mon collègue, le ministre de la Défense nationale, à la première occasion.

L'invitation lancée au ministre d'accompagner l'équipage dans une mission de recherche et de sauvetage-La position du gouvernement

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question complémentaire sur ce sujet s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Des habitants des Maritimes m'ont posé une question à laquelle je n'ai pas pu encore répondre. J'aimerais la poser à mon tour à madame le leader du gouvernement en espérant qu'elle sera en mesure de me donner une réponse pour les gens de ma région. Elle porte sur la sécurité des hélicoptères Sea King et sur nos inquiétudes à tous à leur égard.

Le premier ministre accepterait-il une invitation à accompagner l'équipe de recherche et de sauvetage à l'occasion de l'une de ses missions au-dessus de l'Atlantique? Cela ne pourra pas être lors d'une urgence, car il lui serait impossible d'arriver à temps. Toutefois, serait-il prêt à accepter une invitation à accompagner le personnel de recherche et de sauvetage de l'Atlantique dans un simulacre de mission de secours, par gros temps, dans l'Atlantique nord. Ça ne servirait à rien de sortir par beau temps. S'il sortait en pleine tempête, il pourrait faire l'expérience directe et avoir une bonne appréciation des conditions terrifiantes dans lesquelles les membres de cette équipe doivent travailler. J'aimerais avoir une réponse à cette question, s'il vous plaît.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de toute évidence, étant donné la question, je ne suis pas en mesure de répondre tout de suite à mon honorable collègue, ni de me prononcer au nom du premier ministre. Je comprends les inquiétudes dont les habitants des Maritimes ont fait part à l'honorable sénateur et je vais transmettre leur question au premier ministre. Ma collègue comprendra qu'il s'agit d'une requête hors de l'ordinaire. Le premier ministre choisira peut-être de m'envoyer à sa place, qui sait.

Le sénateur Robertson: Aucun chef digne de ce nom ne demanderait à son personnel de faire ce qu'il ne serait pas prêt à faire lui-même.

(1420)

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je suppose que ma collègue peut me considérer comme un membre du personnel du premier ministre. J'ignore s'il choisirait de me déléguer pour participer à une telle mission. Toutefois, cela mis à part, je tiens à assurer à l'honorable sénateur que c'est une question que ce gouvernement a vraiment à coeur. Je vais transmettre ses questions et celles du sénateur Comeau directement au ministre de la Défense nationale. Je transmettrai également la question de l'honorable sénateur au premier ministre et à son cabinet.

Les droits de la personne

L'état actuel des relations sino-taiwanaises-Le recours aux forums multilatéraux pour transmettre les inquiétudes du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat. Auparavant, je voudrais toutefois lui rappeler que dans le livre blanc sur la politique étrangère, que le gouvernement a publié en février 1995, il est dit:

Les efforts du Canada en vue de promouvoir le respect des droits de la personne seront fondés sur toute une variété de moyens, dont le dialogue et la coordination, par le truchement de forums multilatéraux.

L'honorable ministre peut-elle nous dire quels efforts son gouvernement a faits et quelles mesures il a prises afin de recourir aux forums multilatéraux comme la francophonie et le Commonwealth pour faire connaître sa grande inquiétude face à l'escalade dangereuse dans le détroit de Taiwan et à l'aggravation de la situation des droits de la personne en Chine?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement a fait part de ses inquiétudes face au sujet de l'escalade dans le détroit de Taiwan directement aux autorités chinoises. Nous avons exprimé à l'ambassadeur de Chine ici à Ottawa notre profonde inquiétude à cet égard. Nous en avons aussi informé Beijing et Taipei. Nous continuons d'être inquiets et nous exprimons nos inquiétudes d'une façon très ferme.

Le sénateur Di Nino: Est-ce que la ministre pourrait nous obtenir des copies des instances présentées par notre gouvernement? Cela me rassurerait, car j'ai quelques inquiétudes dans ce domaine.

La ministre admettra certainement que son gouvernement, en ne liant plus le commerce et les droits de la personne, nuit à la capacité du Canada de faire valoir d'une manière le moindrement crédible ses inquiétudes, ses critiques et ses condamnations découlant de la violation des droits de la personne par nos partenaires commerciaux, en particulier par les tyrans qui gouvernent la Chine et ne respectent ni les normes internationales en matière de droits de la personne, ni même les principes démocratiques les plus fondamentaux.

N'êtes-vous pas d'accord avec cela, madame la ministre?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, non, je ne suis pas d'accord. Je pense que nos contacts avec la Chine ont au contraire accru notre capacité de parler avec eux et d'exprimer dans les termes les plus vifs possibles notre inquiétude et notre stupéfaction devant les activités auxquelles ils se livrent actuellement.

Je ne peux pas garantir à mon collègue que je lui donnerai un morceau de papier exprimant ces inquiétudes car, comme je lui ai déjà dit, elles ont été transmises directement et oralement. Je vérifierai. Toutefois, je peux lui assurer qu'elles ont été faites dans les termes les plus vigoureux et de la façon appropriée.

L'état actuel des relations sino-taiwanaises-La reconsidération des sanctions commerciales-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais approfondir le sujet et poser une question complémentaire au leader du gouvernement au Sénat. Le dialogue constructif et la diplomatie discrète sont assurément la voie par où nous devons commencer pour promouvoir le respect des droits de la personne, et je respecte le premier ministre d'avoir choisi une telle voie.

La ministre pourrait-elle nous dire, à la suite des interventions qui, selon elle, ont été faites auprès des autorités chinoises, quels progrès ont été accomplis, alors qu'on sait que les Chinois pratiquent actuellement, dans le détroit de Taiwan, non pas la diplomatie discrète, mais plutôt l'intimidation pour sauver la face? Pourquoi poursuivons-nous une politique qui ne porte pas fruit?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suppose que nous pourrions argumenter sur la question de savoir si, oui ou non, cette politique porte fruit. Le jeu qui se joue dans le détroit de Taiwan est très difficile et comporte de gros risques. Dans les interventions auprès de la Chine, ce n'est pas seulement la voix du Canada qui se fait entendre, mais également celles de citoyens et de dirigeants du monde entier.

Il appartient à chacun de nous de juger si notre politique est efficace ou non. Pour le moment, bien que la tension reste vive, il n'y a pas eu d'engagement. Compte tenu de l'histoire de cette région et du fait qu'il n'y a pas encore eu d'engagement, on peut dire que la Chine est sensible aux pressions internationales qui s'exercent sur elle au sujet de ses activités.

Évidemment, le Canada n'ira jamais jusqu'à prétendre qu'à lui seul, il a empêché une invasion ou un engagement de se produire dans le détroit de Taiwan, mais il a fait clairement entendre sa voix dans le concert des nations pour que la Chine sache que de telles activités ne sont pas acceptables.

La remise à l'étude du mode de sélection utilisé pour protéger les entreprises canadiennes faisant affaire outre-mer-La position du gouvernement

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de pays qui ont précisé qu'ils n'utiliseraient pas d'autres moyens pour défendre leur position sur les droits de la personne en Chine, alors que, en fait, nous avons déclaré que nous n'envisagerions même pas d'avoir recours à des sanctions commerciales ou à d'autres moyens.

Ma question ne porte pas particulièrement sur le fait que la situation ne s'est pas aggravée en ce qui concerne le détroit de Taiwan. En fait, les Chinois font exactement ce qu'ils ont dit: ils cherchent à intimider leur voisin, tout comme ils l'ont fait durant la conférence des Nations Unies sur les femmes, à Beijing. En d'autres mots, ils ont toujours le même programme, ils continuent d'avoir recours de plus en plus à l'intimidation et ne tiennent aucun compte des règles internationales ni des influences extérieures.

Dans ces circonstances, je demande plus particulièrement pourquoi le gouvernement canadien croit que ses ouvertures portent fruit alors qu'en fait, rien ne donne à penser que les Chinois ont changé d'opinion au sujet des mesures agressives qu'ils ont prises et continuent de prendre.

Comme question complémentaire, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire sur quoi le gouvernement du Canada se fonde pour décider quelles organisations commerciales et sociétés il faut appuyer, lorsqu'il doit décider entre poursuivre nos échanges commerciaux avec la Chine et continuer de commercer avec Taiwan? Que fait-on de ces bateaux et avions qui ont du mal à livrer leurs produits sur le territoire asiatique? Comment le gouvernement choisit-il de défendre les échanges commerciaux avec un pays plutôt qu'avec un autre?

La situation est semblable au problème qui se pose dans le cas des sociétés canadiennes qui font affaire avec Cuba. Si nous prenons certaines mesures pour soutenir nos échanges commerciaux avec Cuba, il y a alors des conséquences pour nos produits sur le marché américain. Comment le gouvernement canadien va-t-il aider les entreprises qui sont implantées aux États-Unis, s'il y a une baisse de nos échanges commerciaux avec les Américains à la suite de la décision du gouvernement canadien de maintenir nos relations commerciales avec Cuba? Sur quelles lignes directrices ou quels principes se base-t-on pour faire ces choix?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur m'a posé un certain nombre de questions dans son intervention. J'aimerais les lire dans le compte rendu pour bien les comprendre et lui donner la meilleure réponse possible.

Le Développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-L'authenticité d'un projet de rapport sur un amendement législatif-La position du gouvernement

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je voudrais poser au leader du gouvernement au Sénat une question faisant suite à certaines questions qu'on a posées hier à propos de la réforme de l'assurance-chômage.

(1430)

Le leader du gouvernement a dit hier que le ministre Young sollicite les suggestions et les recommandations de la Chambre des communes et du public afin de les examiner et, peut-être, de les incorporer dans ses nouvelles propositions d'amendement au projet de loi initial déposé au cours de la session précédente. Elle nous a fait croire que le ministre était à l'écoute.

Or, nous apprenons dans un article publié dans l'édition du 18 mars du Citizen d'Ottawa que le gouvernement a conçu un plan de communication visant à faire accepter les changements résultant de la réforme de l'assurance-chômage. Il est très intéressant d'apprendre que le ministère en est arrivé à la conclusion qu'il est impossible de faire cesser les manifestations et qu'il a donc préparé un barrage médiatique d'environ 2 millions de dollars pour convaincre les Canadiens que les propositions de réforme de l'assurance-chômage sont pertinentes.

Abstraction faite de la proposition absurde d'établir le profil psychographique des chômeurs chroniques, le plan de communication comporte un élément que j'ai trouvé intéressant:

Le premier ministre Brian Tobin de Terre-Neuve et le premier ministre Frank McKenna du Nouveau-Brunswick approuveront rapidement la réforme dès que le ministre Young aura publié ses propositions d'amendement.

Honorables sénateurs, voilà qui contredit ce que le leader du gouvernement a affirmé hier. À mon avis, il n'y a que deux conclusions que l'on puisse tirer de cet article, et je voudrais savoir laquelle est juste. Si le ministre est à l'écoute alors que deux premiers ministres des provinces de l'Atlantique sont prêts à approuver la réforme, cela veut dire qu'il n'écoute pas, que les amendements sont déjà prêts et que l'on s'adonne à un simulacre de consultation puisqu'ils savent en quoi consistent les amendements. Sinon, les deux premiers ministres sont prêts à approuver les amendements sans savoir en quoi ils consisteront. Je demande à madame le leader du gouvernement au Sénat de nous dire laquelle de ces deux conclusions est juste.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le ministre a affirmé clairement que ce qu'on a publié dans le journal fait partie d'un certain nombre de projets qui ont pu être préparés par des fonctionnaires de son ministère. Ces projets ne sont pas de lui. Je n'en parlerai pas davantage, car je ne veux tout simplement pas faire de spéculations à propos de ce qu'on a pu lire dans les journaux, étant donné que le ministre a nié que cela soit un projet qu'on lui ait soumis à lui ou à ses hauts fonctionnaires.

Quant à savoir s'il est à l'écoute, oui, il l'est. Les audiences du comité de l'autre endroit serviront en effet à entendre de la part des témoins qui y comparaîtront les préoccupations et les suggestions qu'ils exprimeront au sujet d'un projet de loi très complexe et très vital qui aura des incidences sur la vie de beaucoup de travailleurs canadiens.

Le ministre Young sollicite également les suggestions des gens de sa région et de sa province. Il n'y a rien d'arrangé à l'avance, sénateur Tkachuk. Toutes ces suggestions seront réunies et étudiées, et les changements qui seront proposés découleront de l'information et des opinions recueillies par le comité et par le Parlement.

Le sénateur Tkachuk: Honorables sénateurs, le gouvernement semble trouver acceptable que les ministres ne sachent pas ce qui se passe dans leurs services. Si les fonctionnaires du ministère de la Justice accusent l'ancien premier ministre d'actes criminels sans preuves, c'est d'accord pourvu que le ministre n'en sache rien.

Je crois qu'un fonctionnaire du ministère de M. Young a dit que le premier ministre de Terre-Neuve, Brian Tobin, et celui du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, appuieraient rapidement le régime une fois que les amendements de M. Young seraient rendus publics. Ou bien ces fonctionnaires mentent à leur ministre, ou bien ils ont discuté avec les collaborateurs de ces premiers ministres et ont reçu l'assurance de leur accord. Il n'y a pas à sortir de là, à moins que ces fonctionnaires racontent des histoires à leur ministre, ce qui témoigne d'une irresponsabilité que le ministre devrait châtier.

Si le ministre ne savait rien, madame le leader du gouvernement peut-elle me dire qui a rédigé ce rapport? Si les auteurs n'ont pas parlé aux deux premiers ministres, ils devraient être sévèrement punis pour avoir donné de fausses informations à leur ministre. Ou bien c'est peut-être le ministre Young qui n'est pas de la plus grande franchise et a effectivement vu le rapport. Le problème prendrait alors une autre dimension.

Madame le leader demandera-t-elle au ministre qui a rédigé le rapport? Nous tenterons d'obtenir cette information par d'autres moyens. Je vous avertis que nous invoquerons les dispositions sur la liberté d'information pour que vous n'ayez pas à faire appel à la GRC cette fois-ci encore.

Le sénateur Fairbairn: Je remercie le sénateur de son aide et de son intervention. Je vais tenir compte de ses questions.

Le sénateur s'est occupé au fil des ans du travail du gouvernement. Il sait que, dans l'administration, les fonctionnaires sont invités à proposer des idées et des plans et qu'ils s'appuient sur des hypothèses pour faire certaines de leurs propositions.

En temps utile, lorsque les politiques sont formulées et les décisions prises, des programmes de communication et autres sont élaborés.

J'espère que mon collègue ne laisse pas entendre que ces incidents sont d'une grande gravité ou, encore, qu'il ne leur accorde pas une importance exagérée.

En fait, cette question n'est pas encore résolue. M. Young a été clair. Il écoute les opinions. Lorsqu'il aura entendu les suggestions qu'on voudra bien lui faire et que, avec ses collègues et le premier ministre, il se sera prononcé et aura décidé de quelle manière on peut améliorer cette loi, il cherchera des moyens concrets d'expliquer les propositions et de les faire connaître.

Cette étape viendra plus tard. Ce n'est pas pour tout de suite.

La réforme de l'assurance-chômage-La demande de charger un comité spécial d'étudier le projet de loi sur l'assurance emploi-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je tenterai une nouvelle expérience aujourd'hui. J'ai deux questions à poser, ni l'une ni l'autre ne sera précédée d'un préambule, mais je m'attends à ce qu'on réponde simplement oui ou non à mes questions.

Premièrement, puisque la ministre a eu 24 heures pour réfléchir à la question que je lui ai posée hier, est-elle prête à s'engager aujourd'hui, au nom de son parti au Sénat, à prendre les mesures nécessaires pour demander à un comité existant ou à un comité spécial de faire une étude préalable du projet de loi C-111, oui ou non?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai dit hier, nous surveillerons l'évolution de l'étude qui sera effectuée à l'autre endroit. Nous discuterons de la situation, comme nous le faisons toujours, avec nos collègues d'en face. Je ne peux répondre oui ou non à l'honorable sénateur aujourd'hui. Je peux toutefois lui dire que nous suivrons ce dossier de très près, parce qu'il revêt une importance particulière pour les Canadiens. Il m'est impossible de lui donner une réponse catégorique aujourd'hui.

Le sénateur Simard: Il est évident que la réponse est non, honorables sénateurs.

Le sénateur Fairbairn: Non, honorables sénateurs, je ne peux tout simplement pas fournir de réponse catégorique aujourd'hui.

Le sénateur Simard: Votre réponse sera consignée au compte rendu. Les sénateurs et tous ceux qui consulteront le document verront que votre réponse est en fait négative.

[Français]

La réforme de l'assurance-chômage-Incitation au ministre à la modération vis-à-vis les bénéficiaires du Nouveau-Brunswick

L'honorable Jean-Maurice Simard: Est-ce que la ministre peut s'engager aujourd'hui à inviter son collègue le ministre du Développement des ressources humaines, M. Douglas Young, à modérer ses transports, à revenir à la raison et à retrouver son calme? En plus d'écouter les citoyens du Nouveau-Brunswick - ce qu'il nous a dit aujourd'hui en cette Chambre -, le ministre devrait cesser d'accuser les travailleurs du Nouveau-Brunswick d'être des abuseurs du système de la cagnotte de l'assurance-chômage, d'être des profiteurs, et d'être des mercenaires travaillant pour les syndicats lorsqu'ils organisent des manifestations. La ministre peut-elle nous répondre par oui ou non?

[Traduction]

(1440)

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais faire précéder ma réponse d'un préambule. Le ministre du Développement des ressources humaines écoute non seulement les habitants de sa province, le Nouveau-Brunswick, où il a des responsabilités très spéciales, mais aussi ceux des autres provinces de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario et du reste du pays, dont il est aussi responsable. Il défend ce projet de loi avec passion parce qu'il veut s'assurer que ce sera la solution la meilleure et la plus juste pour les Canadiens qui ont des problèmes d'emploi, qui ont du mal à obtenir de la formation et à décrocher un emploi. Doug Young s'efforce de rendre ce projet de loi le plus positif, le plus pertinent et le plus utile possible pour les Canadiens, dont, évidemment, les Néo-Brunswickois, ses électeurs. Il accorde une attention particulière aux travailleurs saisonniers.

Telle est la réponse que je fais à mon honorable collègue. Elle est beaucoup plus large qu'un simple oui ou un simple non, parce qu'il n'y a pas moyen de répondre par oui ou par non. C'est un problème qui assaille non seulement le Canada, mais tous les autres pays du monde, qu'ils soient industrialisés ou en voie de développement. Assurer un revenu aux Canadiens est le problème fondamental de notre pays et, en définitive, la solution de ce problème tient en partie à la force de l'unité canadienne. C'est un gros problème auquel il n'y a pas de solution simple.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, comme à ma première question, madame le leader du gouvernement répond un non éloquent à ma deuxième question. Elle n'invitera pas son collègue à revenir à la raison et à cesser d'accuser tous les opposants au projet de loi sur l'assurance-chômage. Il devrait pourtant les écouter et leur donner l'espoir que le projet de loi sera amélioré.

Malheureusement, le compte rendu montrera que la réponse à mes deux questions est non.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je pense que le compte rendu montrera que l'honorable sénateur est très sélectif en déduisant de ce que j'ai dit la réponse qu'il veut personnellement entendre. Je n'ai pas répondu non. Mon collègue, M. Young, n'a pas perdu la raison. Il se préoccupe grandement, énergiquement et très sincèrement de ceux qu'il représente et de ceux qu'on lui a demandé de servir à titre de ministre du Développement des ressources humaines. C'est pour cette raison qu'il essaie d'améliorer le projet de loi.

[Français]

Le transfert aux provinces de la responsabilité de la formation de la main-d'oeuvre-Les commentaires du ministre-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question porte sur l'ineffable Douglas Young. La Presse d'hier matin nous apprend que le ministre Young était questionné sur sa lettre à la ministre Harel, au sujet du sempiternel problème du transfert des responsabilités fédérales de la main-d'oeuvre.

Le sénateur Hervieux-Payette: La formation.

Le sénateur Nolin: La formation de la main-d'oeuvre. Et je vous rappelle que dans votre discours du Trône, votre gouvernement a déclaré que vous alliez quitter ce champ d'activités que vous reconnaissiez être une responsabilité provinciale. Et je pense que tous les Canadiens - et surtout les politiciens des juridictions provinciales - vous louent pour cet effort. Je vous rappellerai aussi que dans votre discours du Trône - et le sénateur Bacon l'a bien fait remarquer dans son discours -, votre gouvernement avait l'intention d'établir un partenariat efficace avec vos collègues des juridictions provinciales. Je pense que vous devriez rappeler, comme l'a fait remarquer le sénateur Simard, le ministre Douglas Young à l'ordre et lui demander de relire le discours du Trône, et peut-être de relire le discours du sénateur Bacon. Voici ce qu'il dit, et vous allez comprendre pourquoi il est ineffable. Le journaliste fait référence à M. Douglas Young:

Ce dernier s'oppose à un transfert inconditionnel au Québec des fonds de l'assurance-chômage destinés à la formation et à la réinsertion, parce qu'Ottawa veut s'assurer qu'ils seront utilisés honnêtement...

Qu'est-ce que cela veut dire? Dites-nous donc cela simplement aujourd'hui. Êtes-vous solidaire de votre collègue Douglas Young lorsqu'il prétend que le gouvernement du Québec est malhonnête? On peut ne pas s'entendre avec le gouvernement du Québec sur son point de vue constitutionnel, sur ses visées constitutionnelles, mais de là à traiter un gouvernement provincial de malhonnête ou de laisser insinuer qu'il est malhonnête, il y a une marge. Êtes-vous solidaire de cela?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Je ne ferai pas d'observations sur les accusations de l'honorable sénateur parce que je n'ai pas lu les mots auxquels il fait allusion. Il est clair, d'après le budget, le discours du Trône et les propos tenus par une variété de gens, que l'offre sur la formation de la main-d'oeuvre est sans équivoque. Le ministre du Développement des ressources humaines a également été très clair à cet égard.

Le transfert de la totalité de la caisse d'assurance-chômage est une toute autre question. J'estime que cela aussi est clair pour chacun des gouvernements avec lesquels nous en avons discuté.

Le sénateur Nolin: Madame, je suis d'accord avec vous là-dessus, mais vous n'avez pas répondu à ma question.

La Presse d'hier, à la page B-1, la première page du deuxième cahier, fait expressément allusion à votre collègue, le ministre Young. Ce dernier n'a pas dit qu'il ne respecterait pas les engagements énoncés dans le discours du Trône, ni que le gouvernement fédéral ne transférerait pas au Québec ou à d'autres provinces la responsabilité de la création d'emplois. Il laisse plutôt entendre qu'elles sont malhonnêtes et qu'il veut garder la main haute sur l'argent parce qu'il ne pense pas que les provinces le dépenseront...

[Français]

...d'une façon honnête. C'est cela que je vous demande. Est-ce que vous vous dissociez de cela ou réaffirmez-vous cet extrait du discours du Trône? Appuyez-vous ce que le ministre Douglas Young a déclaré à plusieurs journalistes publiquement lundi et qui a été rapporté dans La Presse mardi matin? C'est tout ce que je vous demande. Est-ce que vous appuyez cela, oui ou non?

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'assure à mon collègue que la première chose que je ferai, c'est de lire l'article de La Presse.

Les relations entre le Canada et les États-Unis

L'effet de la loi Helms-Burton sur les relations avec Cuba en matière de commerce et d'aide-La position du gouvernement

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'ai quelques questions pour madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle pourrait peut-être les étudier en même temps que celles posées aujourd'hui par le sénateur Andreychuk.

Est-ce que l'adoption de la loi Helms-Burton par le Congrès américain changerait quelque chose à la politique du Canada à l'égard de Cuba? Est-ce que cela changerait quelque chose à la politique du gouvernement en matière d'aide étrangère? Que représentent pour le Canada ses relations avec Cuba et quels sont les enjeux en cause? Quelles instructions le gouvernement va-t-il donner aux Canadiens qui font affaire avec Cuba?

(1450)

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai heureuse de demander des réponses aux questions posées par le sénateur Atkins. Je m'empresse de dire que le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international ont, d'un commun effort, combattu aussi énergiquement que possible la loi Helms-Burton. Ils ont exercé toutes les pressions qu'ils ont pu pour persuader le président des États-Unis d'utiliser les dispositions de renonciation contenues dans la loi.

Honorables sénateurs, je demanderai des réponses aux questions posées par l'honorable sénateur.

Le sénateur Atkins: Madame le leader du gouvernement pourrait-elle également nous informer de la politique que le gouvernement entend suivre à l'égard des Canadiens qui projettent de se rendre à Cuba pour affaires ou pour des vacances?

Le sénateur Fairbairn: J'ajouterai cette question aux autres.

La Santé

La décision de l'OCDE d'interdire la vente de l'hormone de croissance bovine-L'étiquetage des produits contenant cette hormone-La position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorable sénateurs, j'ai fait inscrire à l'ordre du jour une question détaillée concernant l'évaluation de l'impact sur la santé de l'homme de l'hormone de croissance bovine rBST et l'absence de données essentielles relevées par le Dr Samuel Epstein, de l'University of Illinois School of Public Health, dans une évaluation similaire réalisée aux États-Unis. Toutefois, je voudrais poser oralement aujourd'hui d'autres questions sur ce sujet.

Premièrement, je poserai une question que j'ai déjà soulevée et à laquelle je n'ai toujours pas eu de réponse satisfaisante. Le gouvernement du Canada va-t-il suivre l'exemple de l'OCDE et interdire la vente de produits mis au point par génie génétique, jusqu'à l'an 2000 ou jusqu'à ce qu'on ait déterminé l'impact de ces produits sur la santé de l'homme?

Deuxièmement, comme le Globe and Mail le rapportait le mois dernier, un autre produit mis au point par génie génétique a été mis en vente sur le marché l'an dernier sans étiquette et à l'insu des organismes de réglementation de l'environnement et des consommateurs. Les critères imposées dans le projet de règlement d'Agriculture Canada concernant l'étiquetage des aliments produits au moyen de la biotechnologie sont peu stricts.

Ma deuxième question est la suivante: Si Santé Canada décidait ultérieurement d'homologuer la rBST, le gouvernement permettra-t-il aux consommateurs de faire un choix éclairé en exigeant l'étiquetage détaillé et dans un endroit bien en vue du lait provenant de vaches traitées avec cette hormone?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai heureuse de chercher à obtenir la réponse à ces questions.

Le budget

Les pensions alimentaires pour enfants-Les modifications aux lignes directrices-La prétendue amélioration de la situation financière des familles touchées-Demande de statistiques

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, hier, j'ai posé une question au leader du gouvernement au Sénat en ce qui concerne les changements proposés, annoncés dans le budget, aux pensions alimentaires pour enfants. Dans sa réponse, le leader du gouvernement mentionnait le fait que le supplément au revenu gagné doublerait, passant de 500 $ à 1 000 $ par année pour quelque 700 000 familles canadiennes, dont un tiers sont des familles à parent unique. De ce fait, environ 11,6 millions de dollars seraient transférés chaque année du gouvernement aux familles à parent unique. Toutefois, on estime que le gouvernement économisera environ 240 millions de dollars par année avec les changements proposés aux déductions fiscales concernant les pensions alimentaires pour enfants.

Ma question est celle-ci: comment madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle dire que les modifications apportées au supplément au revenu gagné compenseront la perte pour les parents uniques, en particulier ceux à faible revenu, et que les familles à parent unique seront dans une meilleure situation du fait des changements apportés aux déductions fiscales concernant les pensions alimentaires pour enfants?

En plus, est-ce que le leader du gouvernement peut dire sans hésitation, et produire des chiffres à l'appui, que tous les parents uniques à faible revenu qui reçoivent des pensions alimentaires pour enfants seront dans une meilleure situation financière du fait des changements proposés? Des experts ont étudié cette question et ont déclaré que ces familles recevraient moins. Est-ce que mon honorable collègue a des chiffres prouvant le contraire?

Ce que le gouvernement a réellement fait, c'est enlever de l'argent aux personnes qui en ont vraiment besoin. Le gouvernement essaie de reconstruire le système par l'intermédiaire du régime fiscal. Si le gouvernement a des chiffres précis, est-ce que mon honorable collègue pourrait nous les communiquer?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme j'ai dit au sénateur Andreychuk hier, je vais essayer d'obtenir du ministre de la Justice plus de détails sur cette importante question.

J'ai indiqué hier que les économies réalisées grâce aux changements proposés retourneront directement dans le système pour aider les enfants des familles à faible revenu. C'est clair dans le budget et c'est clair dans les documents. En ce qui concerne les chiffres exacts, je ferai de mon mieux pour les obtenir pour mon honorable collègue.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'honorable P. Derek Lewis propose: Que le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur les juges, soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous entretenir du projet de loi C-2, qui propose une modification mineure à la Loi sur les juges dans le but de faciliter le processus de détermination d'une rémunération juste et adéquate pour les juges.

Sur ce point, je suis sûr que tous les sénateurs savent que l'article 100 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit que les salaires, allocations et pensions des juges nommés par le gouvernement fédéral sont fixés et payés par le Parlement. Pour aider le Parlement à s'acquitter de cette tâche, une modification à la Loi sur les juges adoptée en 1981 a établi un processus prévoyant un examen périodique et une vérification du niveau adéquat des salaires et autres sommes payables en vertu de la loi ainsi que du niveau adéquat de l'ensemble des avantages sociaux accordés aux juges.

En vertu de ce processus, tous les trois ans, le ministre de la Justice forme une commission indépendante, composée de trois à cinq commissaires, et chargée faire enquête sur ce qui constitue un niveau adéquat. La Loi sur les juges prévoit que ces commissions triennales présenteront au ministre un rapport assorti de recommandations, dans les six mois suivant leur nomination. À son tour, le ministre doit déposer le rapport au Parlement dans les dix jours de séance suivant sa réception.

Ces commissions sont nécessaires pour une raison évidente. Elles fournissent au Parlement des conseils objectifs et indépendants sur la détermination d'une rémunération juste pour les juges fédéraux. Le processus contribue à maintenir le respect envers l'indépendance de la magistrature. Il aide à assurer la permanence des postes et la sécurité financière des juges.

En pratique, toutefois, les membres des commissions ont trouvé la période de six mois très courte, car ils siègent à temps partiel et ont du mal à s'acquitter de leurs responsabilités de manière satisfaisante à leurs yeux. Cela est facile à comprendre si l'on songe que les commissaires doivent publier des avis dans les journaux, solliciter, recevoir et étudier des mémoires et des interventions venant de divers groupes, tenir des audiences publiques, examiner tous les faits pertinents et enfin, préparer et traduire un rapport. Ils doivent faire tout cela en six mois.

Les commissions subissent donc des pressions énormes durant le temps qui leur est alloué pour la préparation de leurs rapports.

Il semble que certaines organisations comme des associations de juges, l'Association du Barreau canadien et d'autres organismes témoignant devant les commissions considèrent que cette période de six mois est trop courte. En fait, j'ai appris que les associations de juges trouvent qu'il est très difficile de préparer des mémoires adéquats durant le temps qui leur est alloué. Le président en exercice de la commission, l'Association du Barreau canadien et certaines organisations judiciaires appuient tous l'extension de la période, qui serait prolongée de six autres mois.

(1500)

La mesure dont nous sommes saisis, honorables sénateurs, le projet de loi C-2, prolonge le délai. En vertu de cette mesure, le délai dans lequel les commissions triennales sont tenues de transmettre leur rapport passerait de six à douze mois. Cette modification allégerait les pressions que subissent actuellement les commissions. C'est tout ce que fait le projet de loi. Je crois comprendre que la modification de la Loi sur les juges n'augmentera pas les coûts des commissions.

Les membres de la commission triennale actuelle ont été nommés à compter du 30 septembre 1995 et, par conséquent, conformément aux dispositions présentement en vigueur, ils devraient remettre leur rapport d'ici le 30 mars 1996. À cet égard, je signale aux honorables sénateurs le paragraphe 1(2) du projet de loi, en vertu duquel il est entendu que le paragraphe 26(2) de la même loi, édicté par le paragraphe (1), s'applique au rapport que doivent transmettre les commissaires dont la nomination a pris effet le 30 septembre 1995.

J'exhorte donc les honorables sénateurs à examiner et à adopter sans tarder le projet de loi C-2.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-2, pour confirmer l'appui de notre parti à ce projet de loi. Effectivement, c'est une loi qui modifie la Loi sur les juges. De tout évidence, nous devrons agir avec une certaine célérité puisque le mandat de la commission triennale se termine à la fin mars. Si la loi est adoptée, nous devrons prolonger ce mandat de six mois et en même temps modifier la loi pour que toutes les commissions triennales futures soit nommées pour une période non pas de 6 mois, mais bien de 12 mois.

Nous aurons le loisir lors des séances du comité des affaires juridiques et constitutionnelles, j'en suis convaincu, d'entendre les témoins du gouvernement pour satisfaire chacune de nos questions quant à l'augmentation des coûts et quant aux raisons qui ont amené les commissaires à temps partiel, comme le disait le sénateur Lewis, à ne pas être capables de remettre leur rapport au ministre de la Justice dans le délai requis de six mois.

[Traduction]

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je ne doute pas que le projet de loi parte de bonnes intentions et je serais le dernier à critiquer les juges. Cependant, chaque fois qu'une mesure du genre nous est présentée, je me demande pourquoi nous traitons une institution différemment des autres.

Je veux parler de la rémunération et des avantages sociaux des parlementaires. Il existe une disposition législative prévoyant la formation, après chaque élection générale, d'une commission chargée de réviser la rémunération et les avantages sociaux des parlementaires. Les deux ou trois dernières commissions de ce genre ont étudié la question pendant quelques mois, puis ont présenté un document contenant quelques recommandations très sérieuses et d'autres moins.

Je ne vois pas en quoi les parlementaires sont si différents des juges du Canada, qu'il s'agisse des juges de la Cour suprême, de la Cour fédérale ou des cours provinciales. Nous avons des familles et des obligations, nous payons l'impôt sur le revenu comme tout le monde, nos taxes municipales augmentent, le coût de la vie ne diminue pas et ainsi de suite. Je suis convaincu que tous les honorables sénateurs vivent la même chose que moi.

Pourquoi y a-t-il une commission chargée d'examiner le traitement des juges? J'imagine que c'est parce qu'un comité composé de personnes objectives peut présenter, au nom des contribuables, des recommandations raisonnables sur la rémunération des juges. Pourquoi applique-t-on des critères différents aux parlementaires?

La première commission sur la rémunération des parlementaires créée en vertu de la loi remonte aux années 1970. Elle a recommandé que les membres des commissions invitent, entre autres, des représentants de monde ouvrier à participer à l'examen de la rémunération et des avantages sociaux des parlementaires. Avec le temps, on a fini par oublier cette recommandation qu'on n'avait pas toujours suivie. On choisit plutôt d'anciens parlementaires pour examiner la rémunération et les avantages des députés élus et des sénateurs nommés.

Tous les honorables sénateurs savent que notre traitement est gelé depuis un certain nombre d'années, tout comme nos indemnités réputées non imposables. Je trouve la pilule dure à avaler. C'est comme si notre situation ne changeait pas, comme si nous n'avions pas besoin d'augmentation de traitement. Par contre, nos honorables juges, qui, je le reconnais, sont des personnes très indépendantes et objectives, et qui jouent un rôle très important dans notre système, reçoivent habituellement ce à quoi ils ont droit. Ce n'est cependant pas toujours le cas des parlementaires. Je suis profondément troublé de constater que l'on aborde le cas des juges et celui des parlementaires différemment et qu'on leur applique des critères différents.

C'est ainsi que les députés ont parfois obtenu sous la table des améliorations à leurs indemnités ou à leurs avantages sociaux, dans le secret des délibérations de leur comité de la régie interne. Or, lorsque le Sénat a tenté d'apporter des changements financiers, il a provoqué un tollé dans la population. Nous avons même déjà été rappelés pour rejeter une loi qui avait été adoptée quelques semaines plus tôt.

C'est tout à fait insensé. Si une commission peut être constituée pour examiner le traitement, les avantages sociaux et les pensions des juges au Canada, nous devrions pouvoir constituer une commission objective et sérieuse qui ferait la même chose pour les parlementaires.

Je l'ai déjà dit au Sénat. Je crois dans la justice et l'équité. Je ne crois pas que les députés et les sénateurs aient eu droit à un traitement équitable dans l'opinion publique.

Nous devons toujours, pour une raison ou une autre, payer les pots cassés. Je ne me souviens pas combien de fois mon traitement a été gelé depuis le début de ma carrière parlementaire, il y a 28 ans. J'ai réussi à me tirer d'affaire, mais les parlementaires doivent avoir un traitement de base décent si nous voulons que les gens viennent en politique. Nombreux sont ceux qui refusent de le faire parce que les règles de base sont constamment remaniées. Il s'ensuit que l'opinion publique reflétera la qualité des personnes qui seront amenées à la vie parlementaire.

Il serait peut-être possible d'attirer des gens plus compétents à la Chambre des communes. Les législateurs pourraient peut-être produire de meilleures lois. Qui acceptera de renoncer à un traitement de 200 000 $ ou 300 000 $ par année pour devenir un parlementaire et travailler pour presque rien? S'il est possible de créer une commission pour l'un des pouvoirs de gouvernement, ce devrait l'être aussi dans le cas du Parlement.

(1510)

Le sénateur Lewis: Honorables sénateurs, bien que j'appuie en principe les propos du sénateur Corbin et que je ne veuille nullement en diminuer la portée, j'aimerais rappeler que le salaire des juges et autres agents de la Couronne, tout comme celui des parlementaires, est également gelé depuis plusieurs années. Ce projet de loi en soi ne touche pas à leur salaire. En fait, bien que le dernier rapport que j'aie soit celui que la commission triennale a présenté en mars 1990, il m'a été donné à entendre que le suivant, le dernier d'ailleurs, ne recommandait aucun changement.

Par ailleurs, les juges et autres se trouvent dans une situation légèrement différente de celle des parlementaires. Le salaire des juges est fixé par le Parlement. Bien entendu, la rémunération des parlementaires est entièrement laissée à leur discrétion.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Lewis, le projet de loi est renvoyé au comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le budget des dépenses de 1996-1997
Le budget des dépenses de 1995-1996

Autorisation au comité des finances nationales d'étudier le budget des dépenses principal de 1996-1997 et le budget des dépenses supplémentaire (B) de 1995-1996

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) propose:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier pour en faire rapport les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997, à l'exception du crédit 10 du Parlement et du crédit 25 du Conseil privé; et les dépenses projetées dans le Budget des dépenses supplémentaire (B) pour l'exercice se terminant le 31 mars 1996.

(La motion est adoptée.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (orientation sexuelle). - (L'honorable sénateur Milne).

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, c'est avec conviction que je prends part au débat en deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (orientation sexuelle).

Je suis heureuse de me joindre à d'autres du Nouveau-Brunswick pour l'important débat sur ce projet de loi dont l'objet est d'inscrire dans la Loi canadienne des droits de la personne ce que les tribunaux ont déclaré être l'état actuel du droit. Le projet de loi S-2 ajouterait expressément, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'expression «orientation sexuelle» à la disposition énonçant l'objet de la loi, à la disposition énonçant les motifs de distinction illicite et et à la liste des motifs de distinction illicite figurant à l'alinéa 16(a) concernant les programmes de promotion sociale.

Pour vous éclairer davantage sur ce sujet, honorables sénateurs, permettez-moi de vous lire un extrait d'un éditorial du Montreal Gazette d'hier:

Il semble que le gouvernement libéral qui a promis un tel geste ait été effrayé par ceux qui affirment qu'il ouvre la porte toute grande à la reconnaissance légale des mariages entre homosexuels ou, comme certains ont osé le prétendre, à la légalisation de la pédophilie. Modifier la loi sur les droits de la personne n'aurait pas cet effet. Il s'agirait simplement de reconnaître qu'il ne faut pas harceler les homosexuels et les lesbiennes, pratiquer la discrimination à leur égard ou leur refuser des avantages sociaux et ce, en raison de leur orientation sexuelle. Et puis il accorderait à ceux dont les cas relèvent de la compétence de la Commission des droits de la personne la possibilité de saisir cette commission.

Tous les honorables sénateurs se rappellent qu'en 1977, le Québec est devenu la première province canadienne à inclure l'orientation sexuelle dans sa charte des droits de la personne. Depuis, la Commission québécoise des droits de la personne a signalé que, grâce à cette protection juridique, il était plus facile pour les gens d'afficher leur homosexualité, car on avait ainsi éliminé les risques de chantage et protégé les homosexuels contre des agressions physiques puisqu'ils pouvaient maintenant compter sur l'appui des autorités.

Le 2 décembre 1986, l'assemblée législative de l'Ontario a adopté un projet de loi pour faire en sorte que plusieurs lois se conforment à l'article 15 de la Charte. Il s'agissait notamment d'inclure l'orientation sexuelle dans la Loi sur les droits de la personne. Le 12 février 1987, l'assemblée législative du Yukon a adopté une loi sur les droits de la personne complète, qui englobait l'orientation sexuelle. Le 10 décembre 1987, le Manitoba a également inséré l'orientation sexuelle dans sa loi sur les droits de la personne.

Les commissions des droits de la personne de toutes les autres provinces et de tous les autres territoires au Canada ont recommandé d'inscrire l'orientation sexuelle dans la législation sur les droits de la personne. À la suite de ces initiatives, deux tiers des Canadiens sont déjà protégés contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Dans son livre intitulé The Law of the Charter - Equality Rights, Dale Gibson, un auteur constitutionnel bien connu, prétend que l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés protège contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Il affirme également que toute loi sur les droits de la personne qui omet certains motifs de distinction illicite inclus de façon implicite ou explicite dans l'article 15, ou qui les définit de façon restrictive, risque d'être inconstitutionnelle.

Je crois que nous avons au Sénat le devoir de préserver le droit et d'agir pour l'améliorer lorsque l'occasion se présente. Avec les retards actuels à l'autre endroit, nous avons, honorables sénateurs, cette occasion. En fait, c'est une nécessité. Certains honorables sénateurs se rappellent peut-être que ce projet de loi, lorsqu'il s'agissait du S-15, a reçu en 1993 l'appui unanime du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui était présidé alors par le sénateur Beaudoin. Pour dire les choses clairement, le projet de loi S-2 est l'équivalent de l'ancien projet de loi S-15, qui a reçu l'appui unanime du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et que le Sénat a adopté le 3 juin 1993.

Il y a trois ans, les membres de ce comité étaient les sénateurs Berntson, Cogger, DeWare, Doyle, Keon, Murray et Rivest, du Parti progressiste-conservateur, et les sénateurs Cools, Frith, Hastings, Lewis et Neiman, du Parti libéral. Le projet de loi a reçu l'appui de ces sénateurs, peut-être parce qu'il avait reçu l'appui enthousiaste à la fois de Mme Mary Dawson, sous-ministre adjointe au droit public, du ministère de la Justice, et de M. Maxwell Yalden, président de la Commission canadienne des droits de la personne.

Dans le Citizen d'Ottawa de dimanche dernier, il y avait un article à la une sur l'opinion de M. Yalden à ce sujet. Le rédacteur de l'article laissait entendre que M. Yalden avait abandonné le langage diplomatique que son bureau utilise habituellement lorsqu'il discute de la politique gouvernementale. Il se rappelait que, il y a quelques semaines, il avait entendu le ministre de la Justice, Allan Rock, admettre que le gouvernement ne modifiera pas la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y englober expressément la protection des gais et des lesbiennes.

M. Yalden aurait dit:

Depuis que je suis président de la commission, il doit y avoir une demi-douzaine de ministres de la Justice qui ont tous promis...

... de modifier la loi et les...

...libéraux devraient se faire dire qu'ils sont drôlement fautifs...

(1520)

Trois ans ont passé depuis la comparution de M. Yalden devant le comité sénatorial permanent de la justice et des questions juridiques. M. Yalden avait exposé la réaction de la commission comme suit:

[...] nous sommes doublement contents [...] de constater que le sénateur Kinsella présente un projet de loi d'initiative parlementaire qui ajouterait l'orientation sexuelle comme motif de discrimination illicite...

Le Parlement doit légiférer sur cette question importante [...] Les Canadiens devraient connaître le contenu de leurs lois sans avoir à lire le compte rendu des tribunaux.

Il avait ajouté:

Si le Parlement ne modifie pas la Loi canadienne sur les droits de la personne, à notre avis, il abdique sa responsabilité. C'est aussi simple que cela.

Honorables sénateurs, les Canadiens oublient souvent que les sénateurs sont des parlementaires, même s'ils ne sont pas des parlementaires élus.

Je suis d'avis que les sénateurs peuvent et devraient agir pour défendre et, en fait, promouvoir les droits des minorités. Ce serait une autre occasion pour le Sénat d'éviter le sectarisme politique qui domine à l'autre endroit et de mettre en valeur la règle de droit.

Il va sans dire qu'en 1993, l'ensemble des lois et la jurisprudence qui traitent de cette question avaient contribué à convaincre les sénateurs qu'ils devaient appuyer ce projet de loi.

Dans la jurisprudence, honorables sénateurs, on relève ce qui suit: dans l'affaire Haig c. le Canada, la Cour d'appel de l'Ontario a décidé que le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés protégeait les individus contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Cette décision a été reprise par la section de première instance de la Cour fédérale du Canada, le 27 octobre 1992, dans l'affaire Douglas c. le Canada. Dans l'affaire Haig, la Cour d'appel de l'Ontario a ordonné que la Loi canadienne sur les droits de la personne soit interprétée, appliquée et administrée comme si les motifs de discrimination illicites incluaient l'orientation sexuelle.

Une autorité en droit, Mme Mary Dawson, sous-ministre adjointe, secteur du droit public, ministère de la Justice, a dit de ces modifications:

Nous sommes d'avis que le moment est bien choisi et que les modifications sont bonnes, [...] d'après nous, elles tiennent bien compte de l'état du droit actuel, étant donné que la Charte...

Quand la Charte renferme déjà une liste de huit ou dix motifs et que l'orientation sexuelle est un motif important, pourquoi ne pas l'inclure aussi? Je crois que la jurisprudence indique clairement que, de toute façon, ce motif est inclus...

Honorables sénateurs, à titre de parlementaires, nous devons voir à ce que les gouvernements ne négligent pas les droits des Canadiens, qu'ils soient membres de la majorité ou d'une minorité.

Le projet de loi n'a pas de caractère partisan. C'est une mesure qui s'impose. Il s'agit d'une mesure simple et directe qui préservera l'ordre et la stabilité et qui protégera les Canadiens contre les excès et même contre les lacunes du gouvernement.

Le leadership dans ce dossier fait défaut, même si on peut lire ceci à la page 81 du livre rouge:

L'égalité pour tous exclut la haine et le harcèlement.

...un gouvernement libéral prendra des mesures [...] pour renforcer les actions [...] qui encouragent la tolérance et la compréhension mutuelle.

Bien qu'il ne s'agisse pas là d'une promesse explicite, tous les sénateurs reconnaîtront peut-être que le projet de loi S-2 correspond à l'engagement du Parti libéral du Canada que je viens de citer.

Je signale aux honorables sénateurs le rapport annuel de la Commission canadienne des droits de la personne, rendu public hier. Voici ce qu'il dit à ce sujet, page 15:

Si le gouvernement fédéral a l'air d'esquiver la question des droits des homosexuels à la non-discrimination [...] les droits à l'égalité d'autres groupes peuvent également être remis en question. La cohérence est peut-être le croque-mitaine des esprits étroits, mais les droits de la personne, de par leur nature, ne sont pas divisibles.

Je me rappelle un éditorial du Citizen d'Ottawa qui décrivait les efforts déployés par un gouvernement précédent pour faire ce qu'exigeait la loi dans ce dossier. Voici ce que, le 3 novembre 1992, le Citizen suggérait au ministre de la Justice de l'époque de faire:

Affronter les députés d'arrière-ban bien pensants, cesser de parler pour ne rien dire et se mettre au travail.

Il ne m'appartient pas, honorables sénateurs, de laisser entendre que ces députés d'arrière-ban qualifiés de «bien pensants» ont fait dérailler le ministre actuel de la Justice, ou que ce dernier «parle pour ne rien dire» sur un élément fondamental des droits de la personne. Je me permets cependant de rappeler une chose au gouvernement: il s'engage à défendre activement les droits de la personne sur la scène internationale, mais il a un rôle à jouer au Canada également à cet égard. Il devrait s'occuper activement des problèmes de droits de la personne au Canada, car c'est bien de cela dont il s'agit en l'occurrence.

Je suis évidemment impatiente de participer aux délibérations du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, dont la présidence a maintenant été confiée au sénateur Carstairs. J'espère que le comité invitera M. Yalden, de la Commission canadienne des droits de la personne, à témoigner à ce sujet. Enfin, je vous recommande de tout coeur d'approuver les dispositions de la mesure à l'étude.

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, le débat est ajourné.)

La Nouvelle-Écosse

La situation du secteur houiller du Cap-Breton-Avis d'interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Lowell Murray, ayant donné avis le mercredi 28 février 1996:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la situation du secteur houiller du Cap-Breton et sur la politique à cet égard de la Société de développement du Cap-Breton.

-Honorables sénateurs, j'ai assez bien préparé ce discours pour pouvoir vous dire qu'il aura un début, un milieu et une fin.

Cela étant dit, je dois informer mes collègues sénateurs que, même si je crois être en mesure de vous présenter le début et le milieu de mon exposé dans les quinze minutes qui me sont accordées, je devrai ensuite me plier à la règle de Robertson. Je demanderai donc l'indulgence des honorables sénateurs pour pouvoir présenter la péroraison de mon exposé aujourd'hui.

Même si j'ai vécu la plus grande partie de ma vie adulte loin de ma région natale, le Cap-Breton, j'ai toujours entretenu des liens étroits avec ce magnifique coin de notre pays, comme le savent certains sénateurs, et je me suis toujours intéressé à son développement. En attirant cet après-midi l'attention du Sénat sur cette question importante, je n'ai pas l'impression d'empiéter sur le territoire de quelqu'un d'autre. Au moins trois générations de ma famille ont participé, d'une façon ou d'une autre, à l'exploitation des mines de charbon du Cap-Breton.

Quoi qu'il en soit, certaines politiques gouvernementales et certaines questions de gestion publique préoccupent tous les Canadiens, peu importe la région qu'ils habitent.

À la mi-janvier, la Société de développement du Cap-Breton a annoncé qu'elle mettait à pied temporairement 1 200 employés et qu'elle avait l'intention d'éliminer de façon permanente 400 emplois au printemps et 400 autres sur une période de trois ans. Il n'y aurait plus que 1 400 travailleurs dans les mines de charbon du Cap-Breton d'ici 1998.

Je rappelle que le taux officiel de chômage au Cap-Breton pour la période allant de décembre à février s'établissait à 19,8 p. 100. On dénombrait 13 000 chômeurs. Le taux réel de chômage est beaucoup plus élevé que les statistiques officielles, parce que le taux d'activité de la main-d'oeuvre au Cap-Breton est beaucoup plus faible que partout ailleurs au pays. Il est nettement inférieur au taux pour le reste de la Nouvelle-Écosse. Il est de 13 points de pourcentage inférieur au taux d'activité enregistré pour l'ensemble du Canada.

Le taux réel de chômage se situe probablement entre 31 et 36 p. 100, et le nombre réel de chômeurs varie entre 22 000 et 29 000, tandis que le nombre de personnes en âge de travailler est de 126 000.

(1530)

Je n'ai pas l'intention, aujourd'hui, de parler des misères humaines et sociales qu'entraînera la réduction qui semble s'annoncer dans le secteur houiller du Cap-Breton. Ce sera un autre coup dur pour une économie déjà chroniquement déprimée. Certains d'entre vous connaissent les villes minières au moins aussi bien que moi, et vous possédez des connaissances de première main sur la question. Pas la peine d'insister, donc.

Ce que je voudrais faire aujourd'hui, honorables sénateurs, c'est demander au leader du gouvernement au Sénat de prendre l'initiative d'une motion ordonnant à un de nos comités - un comité permanent, un sous-comité ou même un comité spécial, au besoin - d'examiner la situation de la Société de développement du Cap-Breton et son avenir.

L'avenir de Devco est aujourd'hui en jeu, car la direction et le gouvernement fédéral, unique actionnaire, étudient les diverses possibilités qui s'offrent à eux. Un plan quinquennal était censé être approuvé par Devco et présenté au gouvernement ce mois-ci. Son contenu n'a pas été divulgué.

Il existe toutefois un document public intitulé Corporate Update, daté de novembre 1995, et que la Devco a fait parvenir au gouvernement en janvier. Il existe également une étude réalisée par une firme d'experts miniers, la John T. Boyd Engineering, de Pennsylvanie. Le gouvernement aurait commandé cette étude, dont certains éléments ont été rendus publics. Des membres de la direction, des fonctionnaires fédéraux et des ministres ont fait des déclarations ces derniers mois, et des mises à pied ont été annoncées en janvier. Tout cela semble reposer sur une grande hypothèse générale, soit que la seule façon de rendre l'industrie houillère du Cap-Breton rentable est de la réduire considérablement.

Honorables sénateurs, cette hypothèse doit être contestée. Elle doit être mise en doute. Elle doit être défendue et expliquée devant un comité parlementaire, ne serait-ce parce qu'elle diffère tellement de ce que nous dit la société Devco depuis au moins 15 ans, sous la direction des gouvernements successifs.

Je reconnais tout de suite que le secteur houiller du Cap-Breton a rarement été profitable pour le gouvernement fédéral depuis 1968, lorsque la Devco a été créée pour reprendre la Dominion Steel and Coal Company. Année après année, le gouvernement a subventionné les pertes d'exploitation et a avancé le capital d'investissement. Au cours de la dernière décennie, la subvention a atteint 600 millions de dollars. Cela n'a manifestement rien de comparable avec le soutien fédéral du secteur de l'énergie nucléaire, qui s'élève à deux milliards de dollars pour les dix dernières années, ou même de l'aéroport Mirabel, où quatre milliards de dollars ont été engloutis en 20 ans, mais c'est quand même une somme importante et un souci pour les ministres des finances.

Notre collègue, le sénateur MacEachen, était ministre du gouvernement Pearson qui a décidé, en 1968, de mettre la main sur les gisements houillers du Cap-Breton. Il a joué un rôle important dans la décision et il est resté au courant de la situation pendant toutes ses années au gouvernement. Il est sans aucun doute le parlementaire qui connaît le mieux l'historique de cette société.

Il se rappellera que, lorsque la Société de développement du Cap-Breton a mis la main sur les mines, en 1968, il y avait quatre houillères en exploitation et 6 500 travailleurs. Il n'y a plus aujourd'hui que deux mines et, à compter de la fin de mai, quelque 1 800 travailleurs.

En dix ans seulement, à la fin de mai, la société aura licencié plus de 1 600 employés, augmenté la production et amélioré considérablement la productivité par rapport à ce qu'elle était dans les débuts de la société. La société d'État assume encore le coût des préretraites et des retraites anticipées survenues au moment des compressions de personnel initiales et subséquentes. La Devco a eu sa part de catastrophes naturelles, de tragédies, d'incendies, d'inondations, d'effondrements de galeries, voire d'accidents mortels.

Les rapports annuels de la société ont souvent fait allusion à l'incidence de forts taux d'absentéisme et d'accidents, deux problèmes complexes et graves qui, sans être endémiques dans l'industrie du charbon en général, sévissent assez fréquemment dans cette industrie.

Les observateurs qui émettent des avis sur la Devco font invariablement allusion aux coûts élevés des activités minières, quoique les documents publiés au fil des ans par la société et le gouvernement comprennent fort peu d'analyses, comparatives ou autres, centrées sur ce problème. La United Mine Workers Union conteste les pratiques de gestion de la société, qui, à son avis, sont à l'origine du problème de coût, et a fait un certain nombre de propositions pour améliorer la situation. D'autre part, le rapport des consultants en génie, John T. Boyd Engineering, auquel j'ai fait allusion plus tôt, traite en termes plus généraux des problèmes liés à la culture d'entreprise de l'industrie du Cap-Breton; je suppose qu'ils sont d'avis que les problèmes des coûts et de la productivité n'ont pas été causés uniquement par la gestion.

Quoi qu'il en soit, au fil des ans, la Devco a également été touchée par les fluctuations de l'économie intérieure et internationale, celles du taux de change du dollar canadien ainsi que celles des prix et des marchés. Tous ces problèmes sont bien connus et, pour la plupart, ont été signalés année après année par la Devco au gouvernement, au Parlement et au public. Je les mentionne maintenant parce que, jusqu'à tout récemment, la politique de la Devco, énoncée constamment et presque sans exception année après année, consistait à dire que ces problèmes étaient surmontables dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler une stratégie d'expansion pour l'avenir de la société.

Je faisais partie du gouvernement qui, en 1990, a décidé que les subventions fédérales à la Devco seraient éliminées dans les cinq années qui suivaient et que la société devrait être financièrement autosuffisante en 1995-1996. La Devco a réagi en disant que cela exigerait une stratégie d'expansion. C'était l'entente que nous avions, et c'est également, je présume, l'entente qu'a le gouvernement Chrétien qui n'a rien changé à l'objectif d'autosuffisance qui avait été imposé à la Devco par l'ancien gouvernement. La stratégie d'expansion était axée surtout sur la capacité de la Devco de tirer parti des débouchés croissants sur les marchés d'exportation et ce, de façon compétitive et rentable.

Le marché intérieur de la Devco se compose presque entièrement d'un seul consommateur: la Nova Scotia Power Incorporated. Les ventes à cette société ont été très stables ces dix dernières années, de l'ordre de 2 millions de tonnes par année. Le prix auquel la Nova Scotia Power, qui était encore il n'y a pas très longtemps une société d'État provinciale, achète son charbon à la Devco a fait l'objet de nombreuses controverses. Il existe entre la Devco et la Nova Scotia Power un accord de 33 ans, renouvelable tous les cinq ans en ce qui concerne les prix. Notre collègue, le sénateur Buchanan, qui a été premier ministre de la Nouvelle-Écosse pendant un certain temps et qui a été mêlé de près à ces questions, peut le confirmer. Cet accord remonte à 1978.

(1540)

La dernière fois qu'il a été renouvelé, une action en justice a été intentée, mais la nouvelle direction de la Devco s'est entendue, me dit-on, avec la Nova Scotia Power sur une réduction du prix de 18 p. 100. Ce règlement intervenu entre les deux sociétés a lui-même donné lieu de la part du syndicat des mineurs à de sévères critiques à l'endroit de la Devco.

Le volume des ventes à l'exportation de la Devco a fluctué davantage que les ventes sur le marché intérieur. Toutefois, ces sept dernières années, les exportations n'ont jamais représenté moins de 25 p. 100 du tonnage total vendu. Les rapports annuels de la société ne précisent pas la proportion des recettes générées respectivement par les ventes à l'exportation et les ventes sur le marché intérieur. De même, sauf un commentaire de la rédaction à l'occasion, ils ne contiennent aucune donnée précise concernant l'instabilité des prix sur les marchés d'exportation. Je ne sais pas quelle proportion des ventes à l'exportation a été faite sur ce que l'on appelle le marché libre et quelle proportion résulte de contrats fermes sur plusieurs années. Quelle que soit l'expérience en ce qui concerne les prix à l'exportation, elle n'était pas propre à décourager la société et à tempérer son opinion sur l'avenir et sur l'importante contribution prévue des marchés d'exportation pour rendre Devco viable sur le plan commercial; pas avant ces derniers temps, tout au moins. Même aujourd'hui, les déclarations de la société sur cette question sont parfois contradictoires.

Honorables sénateurs, je pourrais citer ad nauseam les rapports annuels de la Devco au cours des 15 dernières années où l'on trouve une opinion optimiste, voire exubérante, sur les chances de succès commercial, en partie à cause des ventes à l'exportation. Toutefois, juste quelques citations suffiront.

Le rapport pour l'année financière 1981-1982 parle avec certitude de l'augmentation de la demande de charbon et parle d'un plan stratégique sur 25 ans basé sur le fait que le gisement de charbon de Sydney pourrait produire plus de 10 millions de tonnes de charbon annuellement d'ici la fin du siècle. On y dit que «les vastes investissements exigés seront rentables». L'année suivante, le rapport annuel parlait de la mise en exploitation de trois nouvelles mines de charbon et de l'expansion des débouchés extérieurs ayant un effet bénéfique sur la balance des paiements du Canada.

En 1984, la société soulignait l'urgence absolue de préserver les contrats de vente de charbon à l'étranger qui avaient été soigneusement négociés et élargis au cours des dix années précédentes; pour ce faire, la Devco se devait de garantir ses sources d'approvisionnement.

Année après année, les rapports annuels continuent dans la même veine, annonçant des tendances positives devant aboutir à l'autosuffisance financière et à la viabilité commerciale. En 1989, alors que la Devco vendait 35 p. 100 de sa production à l'étranger, le rapport annuel proclame l'intention de poursuivre vigoureusement ce marché et de s'y implanter plus fermement afin de réduire la dépendance de la Devco à l'égard de la commission de l'énergie de la Nouveau-Brunswick, son plus gros client sur le marché intérieur.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, j'ai le regret de devoir informer l'honorable sénateur que son temps de parole est écoulé. Bien entendu, il pourrait poursuivre s'il avait le consentement unanime de la Chambre. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Je remercie les honorables sénateurs de leur générosité.

Il faut dire que tout prouvait, à première vue, que le sauvetage de la Devco reposait sur une stratégie d'expansion. Les preuves à l'appui étaient notamment la productivité accrue dont j'ai parlé plus tôt et la réalisation d'un petit profit ou de l'atteinte du seuil de rentabilité durant les années de ventes à l'exportation relativement élevées.

Au cours des années 80, le gouvernement a appuyé la stratégie d'expansion de la Devco, notamment en investissant plus de 80 millions de dollars dans la mise en valeur d'une mine de charbon à Donkin. Cette mine n'a jamais été exploitée. Dans le rapport annuel de l'exercice financier 1991, la Devco a renoncé, du moins temporairement, à sa vision de croissance pour l'avenir. La société a radié les biens de Donkin de ses immobilisations «en raison des faibles perspectives d'utilisation». Dans le même rapport annuel, la Devco annonce que «la conjoncture des marchés internationaux et les coûts d'exploitation n'annoncent rien de bon pour l'avenir de la houillère Lingan».

Dans le rapport annuel suivant, celui de 1992, la Devco a parlé de faibles marchés charbonniers intérieurs et de prix en baisse sur les marchés d'exportation et a conclu que la fermeture de Lingan au plus tard en 1993 s'imposait «pour éviter les graves répercussions financières que ces revirements des marchés auraient autrement» sur la Devco.

Dans ce même rapport, la Devco dit que la société expédiait du charbon à 16 pays. En effet, le rapport annuel de cette année-là, et de l'année suivante, montre que les ventes d'exportation avaient augmenté de façon spectaculaire, passant de moins d'un million de tonnes au cours de l'exercice 1991 à plus de 1,8 million de tonnes pendant chacun des exercices 1992 et 1993. Quant à la houillère Lingan, qui avait produit plus de 900 000 tonnes par année, elle a été obligée de fermer quatre mois avant la date prévue, en raison d'inondations - c'est du moins l'explication qu'a donnée la direction. Des responsables syndicaux allèguent que la société a délibérément inondé la mine.

Quelle que soit la vérité au sujet de Lingan, il semble évident, du moins à mon avis, que la Devco avait décidé de réduire sa capacité de production à un moment où les marchés d'exportation s'amélioraient et où le marché intérieur était, au pire, stable. Dans le rapport annuel de 1994, trois ans après que la Devco ait commencé à se plaindre des marchés et des prix en baisse, et un an après des exportations records, nous trouvons cette observation:

En raison de la fermeture prématurée de Lingan [...] et de difficultés géologiques imprévues à Phalen, la quantité de charbon destiné à la vente a été plus faible que l'année précédente.

En réalité, depuis au moins dix ans, sinon plus, la société Devco vend chaque tonne de charbon qu'elle produit. À mon avis, les rapports indiquent qu'elle en aurait vendu davantage si la production minière avait été plus forte. Pourtant, au cours de l'exercice 1995, pour lequel nous avons un rapport, la société a produit 1,1 million de tonnes de moins qu'au cours de l'exercice 1992. Pourquoi? Se serait-on trompé en mettant un terme au projet Donkin? À qui la faute? Se serait-on trompé en réduisant la capacité de production, du moins en ce qui concerne le moment de la réduction? À qui la faute? Pouvons-nous croire que la politique que nous proposons est la bonne?

J'admets que, lorsque la société Devco a mis un terme au projet Donkin et annoncé la fermeture prochaine de la mine Lingan, elle a parlé de «marchés intérieurs déprimés et de prix en baisse sur les marchés mondiaux». Cette allusion aux «marchés intérieurs déprimés» contredit les rapports des exercices en question. On constate que le marché intérieur a été remarquablement stable.

Sur les marchés d'exportation, les ventes de charbon ont atteint un niveau record en 1992 et en 1993. Il n'est pas inconcevable que le produit ait été vendu à perte, mais le bilan ne semble pas en avoir souffert, car il s'est considérablement amélioré ces années-là. Plus révélateur encore, on relevait dans les rapports annuels de 1994 et 1995 les signes d'un regain d'intérêt pour le projet Donkin. Trois ans après que la Devco eut écarté l'exploitation de Donkin en raison de la piètre conjoncture, le rapport annuel de 1994 laissait entendre que cette mine pourrait peut-être remplacer la mine Prince et annonçait qu'un examen fouillé de la réserve Donkin avait débuté.

(1550)

Dans son rapport annuel de 1995, la société Devco annonce que l'économie mondiale est en grande partie sortie de la récession, que les marchés du charbon sont plus équilibrés qu'il y a un an et que «l'autosuffisance peut durer si tout le monde coopère vraiment, chose qui s'impose également si l'on veut que la mine Donkin, actuellement en cours d'évaluation, ait quelque chance de devenir réalité».

Ces allusions dans les rapports annuels de 1994 et de 1995 m'ont porté à croire que la Devco revenait à la stratégie coûteuse des années précédentes. Cela ne devait pas durer. Le rapport annuel de la société pour 1995 a affiché un modeste bénéfice d'exploitation pour chacun des trois derniers exercices financiers - 5,4 millions de dollars en 1993; 10,1 millions en 1994; et 13,7 millions en 1995.

Pour autant que je sache, les chiffres des bénéfices pour 1993 et 1994 sont authentiques. Après un examen attentif, les 13,7 millions de dollars de bénéfices pour 1995 se sont révélés être le fruit de prodiges de comptabilité de la part de la direction de la Devco, d'après ce que j'ai entendu dire. Quoi qu'il en soit, je crois savoir que ces bénéfices se sont depuis transformés en pertes de 7 millions de dollars.

Le processus d'examen des livres est un mystère pour moi. On ne sait pas trop si c'est une initiative du gouvernement ou de la société. De toute façon, il y a une nouvelle administration sous la présidence de Joe Shannon. Sa politique favorite consiste manifestement à imposer des compressions draconiennes, à «réduire les effectifs» du secteur, comme il dit.

Dans la mise à jour qu'elle a présentée au gouvernement en janvier, la société Devco réclame 750 000 $ pour évaluer le projet de la Donkin. Ce serait la troisième ou la quatrième évaluation du genre. Toutefois, il est clair que la Devco fermerait progressivement la houillère Prince, située sur la côte nord du Cap-Breton. Il semble en outre que l'avenir à long terme de la mine Phalen est loin d'être assuré.

La Devco et le gouvernement songent-ils à réduire à une mine le secteur houiller du Cap-Breton? Cela semble possible, voire probable. Dans sa mise à jour, la société estime que les besoins annuels de la Commission d'énergie de la Nouvelle-Écosse sont de 2,2 millions de tonnes et que ces besoins pourraient être satisfaits par la Phalen ou peut-être par la Donkin à elle seule. Au paragraphe intitulé: «Évaluation de la société», on déclare sans donner aucune précision que le marché de l'exportation n'est pas rentable. Au paragraphe intitulé: «Hypothèses quant à la meilleure option», on projette de réduire le volet exportation. On est loin de la stratégie d'expansion qui a dominé les 15 dernières années. Dans une conférence de presse qu'il a accordée le mois dernier, M. Shannon lui-même a adopté une tactique un peu plus positive. Il a dit ceci:

Nous pouvons vendre du charbon sur le marché international, mais nous devons et pouvons réduire nos prix pour être concurrentiels.

Les parties du rapport de la firme d'experts-conseils Boyd Engineering qui ont été rendues publiques confirment ce que j'ai dit à propos des marchés d'exportation. Les auteurs du rapport ne sont pas du même avis que la Devco et, apparemment, que le gouvernement. Dans leur rapport, les experts-conseils de la firme Boyd confirment une déclaration faite précédemment:

Les expéditions sur les marchés d'exportation ont diminué ces deux dernières années à cause d'une production minière insuffisante et non d'une incapacité de négocier des contrats de vente.

Un peu plus loin dans le même rapport, les auteurs disent ceci:

La SDCB a réussi à trouver des marchés d'exportation pour son charbon métallurgique et thermique... La fiabilité des fournisseurs est souvent un facteur décisif quand on conclut des contrats de vente, et la SDCB doit être perçue comme un fournisseur possédant cette qualité. Une absence sur le marché international ou l'incapacité de la société de fournir les tonnages convenus auront des effets préjudiciables sur son potentiel de vente dans l'avenir.

Il est également dit ceci:

On a récemment réduit l'effectif chargé des ventes, celui-ci comprenant actuellement le directeur de la commercialisation et un secrétaire. Compte tenu du volume de ventes actuel et à venir, il ne semble pas nécessaire d'accroître le personnel. Le directeur de la commercialisation devrait continuer de communiquer avec les clients actuels et éventuels, de leur rendre visite et de participer à des conférences internationales ayant un lien avec le charbon, afin de commercialiser le charbon de la SDCB... La SDCB doit être en mesure de répondre aux appels d'offre qui seront lancés à court terme sur les marchés internationaux.

Le rapport de la firme Boyd arrive à la conclusion suivante:

Le charbon métallurgique de la SDCB est généralement bien accepté sur le marché international. Le charbon thermique destiné à l'exportation a une plus forte teneur en soufre que celui offert par les autres fournisseurs du monde entier; cependant, le personnel de la SDCB qui est chargé de la commercialisation a réussi à vendre le produit à des clients pouvant utiliser un charbon contenant une plus forte teneur en soufre.

La société a toujours eu pour position qu'elle avait besoin des marchés d'exportation afin de réaliser les économies d'échelle lui permettant de répondre aux exigences du marché intérieur sur le plan des prix. Cette position semble avoir changé.

Le gouvernement pourrait bien financer la proposition d'évaluation du projet Donkin, mais ce sera avec beaucoup d'hésitation. L'honorable Anne McLellan qui, en tant ministre des Ressources naturelles, est responsable de la Devco, a dit, le 7 février, lors d'une entrevue accordée à Brian Underhill, du Chronicle-Herald de Halifax, ce qui suit:

Je suis certainement disposée à envisager la possibilité de faire une étude afin de savoir, une fois pour toutes et, espérons-le, à la satisfaction de tous, quelle est la situation réelle à Donkin et ce que révèle l'analyse coûts-avantages.

Mes excuses, honorables sénateurs, mais cela équivaut à faire une étude pour confirmer la sagesse de la décision déjà prise par le gouvernement. Quoi qu'il en soit, en disant qu'elle est disposée, selon ses propres termes, «à envisager la possibilité de faire une étude», elle ne semble guère appuyer sans réserve le projet Donkin.

Mais il y a plus inquiétant. Le Chronicle-Herald du 24 février cite le rapport de Boyd Engineering, les consultants engagés l'automne dernier:

Il n'y a presque aucune chance que Donkin puisse être développé en tant que houillère exerçant son activité en vertu de n'importe quelles normes commerciales aux cours actuels du charbon.

Cette déclaration contraste vivement avec l'affirmation de la direction de la Devco dans le bulletin de la société adressé au gouvernement en janvier et selon laquelle Donkin-Morien était «peut-être le dernier gisement houiller économique viable avec la technologie d'aujourd'hui». C'est certainement contraire au point de vue positif sur Donkin dans les rapports annuels de 1994 et de 1995.

Honorables sénateurs, le texte que je viens de lire soulève plus de questions que ce que je suis prêt à énumérer cet après-midi. J'espère que vous conviendrez que, avant que des décisions irréversibles soient prises au sujet de l'avenir de la Devco, les représentants de la société et du gouvernement devraient comparaître devant un comité parlementaire pour rendre des comptes sur l'état actuel de cette industrie du Cap-Breton et défendre leur politique ainsi que leurs plans d'avenir. D'autres témoins, notamment des porte-parole des mineurs capables de jeter un peu de lumière sur le passé, le présent et l'avenir de la Devco, devraient aussi être invités devant ce comité. Il nous faut savoir quels sont les objectifs visés et aussi - et surtout - quels sont les prévisions financières et économiques sur lesquelles s'appuient les plans concernant la Devco. Si la dernière stratégie a échoué, il nous faut savoir pourquoi, pas seulement pour trouver un bouc émissaire - surtout pas pour trouver les responsables des erreurs du passé -, mais pour être certains que, cette fois-ci, le gouvernement et la société ne se trompent pas, qu'ils prennent les bonnes décisions pour garantir l'avenir de la société. Nous devons bien cela aux habitants du Cap-Breton qui seront directement touchés. De plus, en tant que parlementaires, nous devons connaître la vérité sur cette société d'État.

Pendant des années, la Société de développement du Cap-Breton a défendu une position, et on nous propose maintenant une toute autre chose en ce qui concerne la stratégie et l'orientation future de cette société. Il y a un problème de crédibilité en l'espèce.

Je garantis aux honorables sénateurs que je ne veux pas exempter les gouvernements, y compris celui que j'ai servi, de toute critique. Loin de moi cette idée. Il se peut que les gouvernements n'aient pas fait preuve de toute la diligence voulue pour superviser les affaires de la société. Il se peut qu'il y ait un conflit entre l'intérêt immédiat de l'actionnaire, le gouvernement, qui consiste à atteindre ses objectifs en matière de déficit pour n'importe quelle année, et l'intérêt à long terme de la société. Il est possible, comme l'un des consultants l'a laissé entendre, que la société ait trop d'employés et qu'elle manque de dynamisme.

Peu importe la vérité, nous devons faire de notre mieux pour l'établir. Nous ne devrions pas accepter la stratégie de la Société de développement du Cap-Breton, même si elle a l'aval du gouvernement, sans poser des questions très rigoureuses et obtenir des réponses satisfaisantes.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur MacEachen, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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