Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 118

Le mercredi 10 mars 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 10 mars 1999

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne au Tibet

Le 40e anniversaire du soulèvement contre l'occupation chinoise

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, il y a près d'un demi-siècle, un sombre nuage s'abattait sur le monde. Les dirigeants de la nouvelle République populaire de Chine décidaient d'annexer le Tibet, un pays pacifique, non préparé et indépendant. À la suite de l'invasion du Tibet par l'armée chinoise, Sa Sainteté le dalaï-lama, alors très jeune, tenta ainsi que ses conseillers de vivre avec leurs oppresseurs. Toutefois, les actions de l'armée chinoise, qui se livrait notamment à des tortures, des exécutions et la destruction de biens religieux, ainsi que la présence croissante de troupes dans tout le pays, rendirent cette cohabitation impossible.

Il y a quarante ans aujourd'hui, le 10 mars 1959, le peuple tibétain se soulevait encore une fois à la défense de sa culture, de sa liberté, de sa religion et de sa patrie. Cette révolte fut brutalement réprimée. Des milliers de personnes furent tuées et des milliers d'autres mutilées. Des familles furent déchirées, des écoles et des monastères saccagés et incendiés tandis que la communauté mondiale assistait sans rien faire à toute cette violence. En plein milieu de l'agitation et du chaos, Sa Sainteté le dalaï-lama et un groupe de partisans fuirent leur patrie. Armés de peu de choses à l'exception de leurs vêtements et de leur foi, ils entreprirent la difficile traversée de l'Himalaya pour se rendre en Inde, où ils résident encore à ce jour.

Durant les années qui ont suivi l'invasion et l'occupation du Tibet par les Chinois, des centaines de milliers de Tibétains ont été tués, détenus ou envoyés dans des camps de travail forcé. Une politique officielle de génocide culturel a été instituée. Le tibétain n'est plus la langue officielle et l'immigration chinoise systématique est en train d'étouffer la population locale, ce qui fait qu'aujourd'hui, les Tibétains sont une minorité dans leur propre pays.

Chaque année, Amnistie Internationale, Asia Watch et d'autres organisations similaires rapportent de nouveaux cas de répression et d'abus. Nous entendons aussi parler à présent de destruction massive de l'environnement due à la déforestation généralisée et de la possibilité d'une catastrophe encore plus grande par suite de la décision des autorités chinoises de déverser les déchets nucléaires au Tibet.

Tout cela se passe dans un silence assourdissant. Au Canada, le gouvernement reste muet. Le ministre des Affaires étrangères parle d'exercice en douceur du pouvoir, tandis que le premier ministre hausse les épaules en prétendant que le Canada est trop faible pour pouvoir faire une différence. À un monde d'ici, les Tibétains souffrent, attendent et espèrent.

Le décès de Gerhard Herzberg

Hommages

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, le mercredi 3 mars 1999, les Canadiens ont perdu un héros national lorsque le Dr Gerhard Herzberg, lauréat d'un prix Nobel et l'un des plus éminents scientifiques du Canada, nous a quittés à l'âge de 94 ans.

Le Dr Herzberg a commencé sa brillante carrière dans les circonstances les plus ingrates qui soient. Déjà meneur mondial en physique moléculaire en 1935, à l'âge de 30 ans, il est forcé de quitter l'Allemagne nazie comme réfugié et accepte pour dix ans un poste de professeur à l'Université de la Saskatchewan. Après un séjour préétabli de trois ans à l'Université de Chicago, il revient au Canada en 1948 et devient directeur de la division de physique du Conseil national de recherches.

C'est au domaine de la spectroscopie atomique et moléculaire que le Dr Herzberg a le plus apporté, mais son talent et son ingéniosité ont profité à toutes les disciplines. Après avoir fait connaître le Conseil national de recherches dans le monde entier dans les années 60, il remporte le premier prix Nobel de chimie du Canada en 1971 «pour sa contribution à la connaissance de la structure électrique et de la géométrie des molécules en général et des radicaux libres en particulier».

Ses découvertes ont été largement appliquées à l'étude des étoiles et des planètes, de la composition de la haute atmosphère, de la structure des petites molécules ainsi que des causes du cancer.

Comme ses collègues et admirateurs l'ont remarqué, il était un géant dans son domaine. Pour Herzberg, la science constituait un aspect fondamental du caractère et de la personnalité d'une nation aussi déterminant pour son identité que les beaux-arts, la musique ou la littérature. Chaud défenseur du CNR, Herzberg s'est toujours opposé aux compressions budgétaires décrétées par les gouvernements.

Honorables sénateurs, le Dr Herzberg a travaillé sans relâche pour le progrès scientifique. Il était presque octogénaire quand il a fait sa dernière grande découverte, celle de l'hydrogène triatomique. Il n'a pris sa retraite du Conseil national de recherches qu'il y a quatre ans, à l'âge de 90 ans. Ses apports intellectuels ont été des événements marquants dans le monde de la science et de la recherche. Son talent, sa gentillesse et son ingéniosité sont devenus la norme pour tous les scientifiques.

Partout au Canada, les Canadiens ont rendu hommage à sa carrière en donnant son nom à des établissements d'enseignement et à des parcs. Un astéroïde porte même son nom. J'invite les honorables sénateurs à commémorer avec moi son oeuvre en offrant nos condoléances à son épouse, Monika, et à leurs enfants, Paul et Agnes. Continuons de développer et de soutenir la recherche scientifique, selon l'esprit de Gerhard Herzberg, qui croyait que «l'unique but de la science est de servir la gloire de l'esprit humain».

La protection de la vie privée

La surveillance électronique-Les préoccupations exprimées au sujet d'un projet de loi adopté récemment

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, nous avons adopté hier, à l'étape de la troisième lecture et sans débat, le projet de loi omnibus C-51. Qu'est-ce qu'un projet de loi omnibus? C'est un projet de loi qui permet d'apporter des améliorations. En l'occurrence, le projet de loi C-51 modifie le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Chacun des quelque 12 articles que contient le projet de loi vise à améliorer les lois pénales.

Le projet de loi C-51 met à jour plusieurs aspects importants de la politique publique. Les honorables sénateurs se souviendront toutefois que lorsque le commissaire à la protection de la vie privée a comparu devant le comité plénier, il y a deux semaines, j'avais soulevé la question de l'ampleur de son mandat. J'avais demandé au commissaire s'il estimait que son mandat englobait l'examen de toutes les lois relatives à la vie privée. Le commissaire à la protection de la vie privée a dit que c'est ce à quoi visait son mandat, mais il a ajouté qu'en vertu de la loi actuelle, son bureau dispose de ressources très limitées.

Je précise que le commissaire ne nous a pas fait part de son point de vue au sujet du projet de loi. Les honorables sénateurs se souviendront que les précédents obligent le Sénat à vérifier si les projets de loi dont il est saisi sont conformes à la Constitution et à la Charte des droits et libertés. C'est ce que nous avons fait.

Le commissaire à la protection de la vie privée nous a cependant rappelé que les droits à la vie privée ne sont pas inclus dans la Charte des droits et libertés. Je crois qu'il incombe au Sénat, dans le cadre de ses responsabilités publiques, de s'opposer au nombre grandissant de violations injustifiées de la vie privée. C'est pourquoi j'ai fait la recommandation suivante, qui a été incluse dans le projet de loi. Cette recommandation stipule, en partie:

Le comité accepte les amendements proposés, qui prévoient l'enlèvement autorisé par un juge des dispositifs de surveillance électronique après l'expiration de la période prescrite de surveillance. Les amendements proposés ajoutent une mesure de précision au processus d'autorisation, qu'on ne trouve pas dans la loi actuelle.

Le rapport poursuit ainsi:

Comme certains membres du comité s'interrogent sur le niveau de précision donné, le comité propose que le gouvernement réexamine cet aspect plus à fond et fasse une étude de la politique ou de la loi concernant le respect de la vie privée, qui comprend la question de la surveillance électronique.

Honorables sénateurs, dans ce contexte, il y a deux éléments qui ne se trouvent pas dans le projet de loi et qui méritent d'être examinés. On a fait remarquer que, même si la loi prévoit maintenant l'essentiel concernant le retrait des dispositifs de surveillance électronique, et l'on sait que la police cherche généralement à enlever ces dispositifs dès que possible après la fin d'une enquête, il n'y a rien de précis pour le retrait des dispositifs qui ont été installés secrètement et dont on n'a plus besoin. On pourrait étudier la possibilité de prévoir une telle disposition, mais en tenant compte des besoins concrets aux fins de la protection des techniques d'enquête.

On a aussi fait remarquer que, même si les conditions permettant l'installation de ces dispositifs ou la réalisation d'une surveillance autorisée sont précisées dans la loi, l'amendement précise que «seul le juge ou juge de paix qui a autorisé l'installation peut autoriser le retrait des dispositifs, selon les modalités qu'il estime opportunes». On pourrait envisager de préciser davantage les conditions régissant le retrait, sans doute quand on en saura plus sur l'application judiciaire des nouvelles dispositions à des cas réels.

Honorables sénateurs, ce projet de loi ne constitue pas une solution pleinement satisfaisante sur la question de l'ampleur de la protection de la vie privée. De toute évidence, on aurait dû accorder plus de temps à l'examen de ce projet de loi omnibus pour permettre à tous les sénateurs de s'assurer raisonnablement que chaque aspect de la surveillance gouvernementale a été soigneusement examiné à tête reposée par le Sénat.

Peut-être que nous en faisons trop, trop vite. Par exemple, le projet de loi C-51 proposait des modifications aux définitions des paris et des exceptions. Des témoins nous ont dit que ces dispositions étaient presque incompréhensibles, qu'elles étaient rédigées dans un style ampoulé et qu'elles devaient être améliorées. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps d'étudier la possibilité de proposer des amendements.

J'espère seulement que, à l'avenir, le gouvernement accordera au Sénat et à l'autre Chambre davantage de temps pour se pencher sur les questions touchant le libellé des textes législatifs, notamment lorsqu'il s'agit de sujets aussi complexes que la protection de la vie privée.

Honorables sénateurs, rapidité n'est pas nécessairement synonyme d'efficacité.


AFFAIRES COURANTES

Privilèges, Règlement et procédure

Présentation du neuvième rapport du comité

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le neuvième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure concernant les sénateurs indépendants.

Le mercredi 10 mars 1999

Le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a l'honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité recommande que les sénateurs indépendants soient nommés membres à part entière des comités du Sénat, aux conditions suivantes:

1. Que les sénateurs indépendants feraient une demande au comité de sélection;

2. Que le comité de sélection soit autorisé à désigner des sénateurs indépendants pour faire partie de comités. Dans ce cas, il désignera également un autre sénateur non indépendant pour faire partie de ce comité, ce qui augmentera de deux membres le nombre habituel de membres;

3. Qu'un sénateur indépendant ne pourrait pas être membre de plus de deux comités;

4. Que seulement un sénateur indépendant soit permis pour chaque comité; et

5. Qu'en cas d'absence, le sénateur indépendant ne pourrait pas se faire remplacer au comité.

Votre comité recommande également que le greffier du Sénat soit autorisé à apporter au Règlement du Sénat les changements corrélatifs nécessaires pour mettre en oeuvre cette proposition.

La présidente,
SHIRLEY MAHEU

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

L'honorable Marcel Prud'homme: Maintenant.

Le sénateur Maheu: Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit étudié à la prochaine séance.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est proposé par l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Fitzpatrick, que ce rapport soit inscrit à l'ordre du jour pour étude à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, on dit que la patience finit par payer. Est-ce que nous avons l'assurance maintenant que la prochaine séance veut bien dire la prochaine séance? Autrement, nous pourrions débattre de la question aujourd'hui.

Son Honneur le Président: Je regrette, honorable sénateur Prud'homme, la question a été remise pour étude à la prochaine séance du Sénat. Je pensais que vous aviez une question à poser. Nous aurons un débat à la prochaine séance du Sénat.

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi sur la sanction royale

Première lecture

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le projet de loi S-26, sur les modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de mardi prochain, le l6 mars 1999.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

La fermeture de la BFC Cornwallis-Le déplacement des vitraux commémoratifs de la chapelle St. George-La position du gouvernement

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Lorsque les libéraux ont fermé la BFC Cornwallis, les vitraux commémoratifs de la chapelle St. George située à Cornwallis, en Nouvelle-Écosse, qui rappelaient les 24 navires de guerre que la Marine royale du Canada a perdus durant la bataille de l'Atlantique, ont été retirés et envoyés à Halifax, où ils ont été entreposés jusqu'à ce qu'ils soient installés dans la chapelle de Shannon Park. Selon l'explication fournie, les vitraux ont été retirés de la chapelle de Cornwallis afin qu'ils puissent être admirés par un grand nombre de fidèles.

La chapelle St. George est maintenant devenue un musée militaire et les habitants du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse et ceux qui ont servi à Cornwallis réclament que les vitraux commémoratifs retrouvent leur place légitime, dans la chapelle de Cornwallis.

Le ministre de la Nouvelle-Écosse demandera-t-il à ses collègues du Cabinet de veiller à ce que les vitraux commémoratifs soient renvoyés à la chapelle St. George de Cornwallis, leur place historique légitime?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de toute évidence, il me faudra consulter des gens pour m'informer au sujet du déplacement de ces vitraux très importants. Je sais que le déplacement des vitraux de la chapelle St. George de Cornwallis a fait, à l'occasion, l'objet de certaines discussions. Je serai heureux de m'informer et de fournir une réponse à cette question dès que possible.

Le Service correctionnel

Les quotas appliqués aux libérations de détenus-La propension à la récidive-Demande de précisions au sujet de la recommandation du commissaire

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, hier, j'ai demandé au leader du gouvernement au Sénat si le gouvernement fédéral avait ordonné aux gardiens de pénitenciers fédéraux d'augmenter le nombre de détenus libérés d'ici la fin de l'année. L'honorable leader du gouvernement a répondu que non. J'ai ensuite demandé si le gouvernement était en faveur d'un système de contingentement qui permettrait de libérer les établissements correctionnels pour faire des économies. Le sénateur Graham a répondu par la négative.

Malgré la réponse de mon honorable collègue, je ne suis pas convaincu que le solliciteur général fédéral ne cherche pas à appliquer ce genre de système pour vider nos prisons. Les éléments de preuve qui montreraient le contraire sont loin d'être convaincants. Je cite en exemple un passage d'une lettre signée par M. Ole Ingstrup, commissaire du Service correctionnel du Canada. Il écrit dans cette lettre de juin 1998:

Une analyse de notre population carcérale et des délinquants qui se trouvent dans la collectivité nous donne à penser qu'environ la moitié de nos délinquants devraient être en établissement et l'autre moitié faire l'objet d'une surveillance dans la collectivité.

Il ajoute:

Parvenir à ce partage moitié-moitié d'ici l'an 2000 sera un lourd défi à relever au plan professionnel, mais la tâche n'est pas impossible...

De deux choses l'une, honorables sénateurs. Ou bien le gouvernement fédéral n'appuie pas le travail de son commissaire chargé du Service correctionnel et ne tiendra nul compte des conseils de M. Ingstrup, ou bien il exercera des pressions sur les directeurs d'établissements fédéraux pour qu'ils vident les prisons de façon à réaliser des économies, conformément à la recommandation.

Le leader du gouvernement pourrait-il expliquer la position du gouvernement sur les deux passages que je viens de lire afin de clarifier la position et les recommandations de M. Ingstrup?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je l'ai dit hier, le gouvernement n'a pas de système de quota.

Le sénateur Oliver: Hier, le leader du gouvernement a déclaré:

À mon avis, la réinsertion graduelle des délinquants jugés prêts est la meilleure façon de protéger la population.

Pour des raisons évidentes, il me serait bien difficile de trouver une seule personne opposée à la protection de la population. Cependant, le leader du gouvernement peut-il donner l'assurance que tous les individus libérés de prison avant d'avoir purgé toute leur peine en vertu d'une forme ou d'une autre de système de quota ne récidiveront pas?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, mon vis-à-vis comprendra certainement qu'il serait impossible de donner une telle assurance. Je suis étonné que le sénateur puisse formuler une telle question, lui qui est aussi versé et expérimenté en droit.

Le sénateur Carstairs: À l'entendre, on croirait un réformiste.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter quelque chose à la question précédente. L'Association canadienne des policiers est irritée par l'attitude du gouvernement dans ce dossier.

Les finances nationales

Le rejet par le ministre du projet de fusion des grandes banques-Les effets sur la compétitivité internationale des banques canadiennes-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais parler maintenant des cotes de crédit, comme je l'ai fait hier. Cette fois-ci, il s'agit des banques:

L'agence torontoise Dominion Bond Rating Service a abaissé la cote sur la dette à long terme de la Banque Royale du Canada, de la Banque Canadienne Impériale de Commerce, de la Banque de Montréal, de la Banque Scotia et de la Banque Toronto-Dominion...

Il semble que cela résulte du rejet des projets de fusion et que cette décision se répercutera sur nos emprunts personnels et sur les emprunts des entreprises. Le ministre des Finances avait-il pris cela en considération lorsqu'il a rejeté des projets de fusion?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsque le ministre des Finances a rejeté les projets de fusion, il a tenu compte des intérêts des Canadiens. Si le sénateur a tâté le pouls des Canadiens sur la question, il aura sans doute constaté que la majorité s'opposaient à la fusion des banques.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, les décisions ont été prises pour les mauvaises raisons. Les Canadiens s'inquiètent de la fermeture de succursales bancaires dans les petites villes rurales et les villages du pays. Si vous avez ce problème, vous y faites face. Ces fermetures auront lieu que nous le voulions ou non. Elles se produisent à l'heure actuelle. Si c'est la raison pour laquelle le ministre des Finances a refusé ces fusions, c'était une décision à très courte vue, car cela n'a absolument rien donné.

Le ministre des Finances prend-il en compte les répercussions que cela a sur les taux de prêt et sur la compétitivité de ces banques sur la scène internationale?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le ministre des Finances tient toujours compte de questions de ce genre. Il a une vue très réaliste du système bancaire, non seulement au Canada, mais également sur la scène mondiale.

Le point de vue pessimiste du sénateur Stratton au sujet des fermetures dans tout le pays n'est pas partagé par les Canadiens. En fait, les Canadiens craignaient en général que les fusions n'entraînent la fermeture de petites banques dans les petites villes du pays.

Je tiens à ajouter également que le secteur bancaire continue d'être un secteur extrêmement rentable et sain de notre économie. Il suffit de voir les derniers rapports trimestriels pour constater que les profits des cinq grandes banques totalisent 1,7 milliard de dollars, soit une augmentation de 33 p. 100 par rapport au trimestre précédent.

J'espère que le sénateur Stratton pourra partager mon optimisme au sujet de notre industrie bancaire et de notre économie en général.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je m'en voudrais de ne pas reprendre mon collègue sur ce point. Tout cela est bien beau, mais il n'a toujours pas répondu à la question sur la concurrence internationale. Nos banques sont très petites lorsqu'on les compare à d'autres. Pour pouvoir entreprendre certains des grands projets dont elles ont besoin pour survivre sur les marchés internationaux, elles doivent pouvoir compter sur un certain niveau d'influence, et je dois dire que c'est loin d'être le cas à l'heure actuelle.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, même après une fusion, nos banques seraient toujours assez petites à l'échelle internationale.

(1430)

La réforme du secteur financier est prioritaire pour le gouvernement. Nous voulons maintenir un système financier efficace et concurrentiel au niveau international. C'est pourquoi nous avons constitué le groupe de travail Mackay en 1996, dont le rapport a été étudié par le comité sénatorial permanent des banques et du commerce. En conséquence de ce rapport et d'autres consultations publiques sur le sujet, le gouvernement entend prendre le plus rapidement possible des mesures en vue de présenter un projet de loi qui permettra d'accroître l'efficacité, la compétitivité et la vigueur de ce secteur des plus importants.

[Français]

Le refus du ministre des Finances d'autoriser la fusion des principales banques canadiennes-Les conséquences de cette décision sur l'évaluation de la cote de crédit-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je voudrais revenir sur le sujet soulevé par le sénateur Stratton. La décision d'une agence de cotation importante au Canada de modifier la cote des principales banques canadiennes a été fondée sur la décision du ministre des Finances de ne pas autoriser la fusion de quatre des plus importantes banques au Canada. Est-ce que le ministre des Finances avait prévu cette attitude des agences de cotation lorsqu'il a pris sa décision?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, M. Martin n'a pas de boule de cristal. La décision mentionnée a été prise par l'agence Dominion Bond Rating Service, et le ministre des Finances ne pouvait pas la prévoir.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je présume que vous poserez la question au ministre des Finances. Pourquoi ne pas lui demander à la même occasion s'il n'y a pas d'autres mauvaises nouvelles à anticiper? La décision de l'agence de cotation est très claire. Elle a été prise à cause de la décision du ministre des Finances. Peut-on prévoir d'autres décisions négatives pour les Canadiens?

[Traduction]

Le sénateur Graham : Absolument pas, honorables sénateurs. En réalité, je suis très optimiste, tout comme le ministre des Finances d'ailleurs. On se rappellera qu'à l'arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, le déficit atteignait 42 milliards de dollars et le ratio dette/PIB explosait. Or, nous avons éliminé le déficit en seulement quatre ans, soit beaucoup plus vite que tout le monde l'avait prévu, y compris l'agence Dominion Bond Rating Service, et nous avons mis le ratio dette/PIB sur une pente constamment descendante.

Affaires juridiques et constitutionnelles

État d'avancement du projet de loi S-7 modifiant le Code criminel-La question à la présidente du comité permanent

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à l'honorable sénateur Milne, en sa qualité de présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et porte sur le projet de loi S-7, que parrainait notre ancien collègue, le sénateur Haidasz. Cette mesure a été lue pour la deuxième fois au Sénat et a été renvoyée au comité en décembre 1997.

Qu'entend faire le comité à l'égard de ce projet de loi?

L'honorable Lorna Milne: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est actuellement saisi des mesures suivantes: le projet de loi C-40, Loi concernant l'extradition; le projet de loi S-7, dont parle le sénateur Murray et qui est une mesure d'initiative parlementaire du sénateur Haidasz; le projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel relativement au détournement de la justice; et le projet de loi S-17, Loi modifiant le Code criminel relativement au harcèlement criminel, parrainé par le sénateur Oliver. Cette semaine et la semaine prochaine, nous devrions terminer nos audiences sur le projet de loi C-40, Loi concernant l'extradition.

Nous devons également nous pencher sur plusieurs autres projets de loi quand nous aurons terminé avec le projet de loi concernant l'extradition. Nous porterons alors notre attention sur le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur Oliver. Une fois terminée l'étude du projet de loi du sénateur Oliver, le sénateur Cools s'attaquera à l'étude du projet de loi S-12. Ensuite, nous étudierons le projet de loi S-7, sauf si le gouvernement nous renvoie un autre projet de loi entre-temps.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je conviens que les projets de loi du gouvernement ont la priorité, mais le sénateur vient de donner une liste de projets de loi d'initiative parlementaire dont le comité est saisi. Est-ce que l'une de ces mesures ne daterait pas d'avant décembre 1997? Sinon, pourquoi le projet de loi S-7, parrainé par le sénateur Haidasz, n'aurait-il pas préséance, du moins sur les projets de loi d'initiative parlementaire dont le comité est saisi?

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, comme je suis relativement nouvelle en cet endroit, je ne suis pas tout à fait certaine de la procédure exacte, mais avec l'accord du comité directeur, notre comité a toujours étudié les projets de loi présentés par un sénateur à titre privé, le plus rapidement possible, compte tenu de l'urgence des initiatives ministérielles, et dans l'ordre dans lequel les gens qui les parrainent veulent que nous en soyons saisis.

Le sénateur Oliver nous a pressés d'étudier son projet de loi. Nous avons acquiescé et les audiences ont déjà commencé. Le sénateur Cools désire que nous étudiions son projet de loi quand nous aurons fini avec celui du sénateur Oliver. À ce que je sache, le projet de loi du sénateur Haidasz n'a toujours pas d'autre parrain. Nous attendons qu'il en trouve un.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je ne savais qu'il en fallait un second. En tant que président d'un autre comité, j'ai eu l'occasion d'étudier l'un des projets de loi du sénateur Haidasz après qu'il ait quitté le Sénat. Nous lui avons demandé de comparaître à titre de témoin et, au moment opportun, nous avons fait rapport du projet de loi au Sénat.

Je ne pense pas me tromper en disant que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà tenu au moins une audience sur le projet de loi S-7; le sénateur Haidasz et quelques fonctionnaires y ont été entendus.

Si je comprends bien, le comité n'est actuellement saisi d'aucun projet de loi antérieur au projet de loi S-7. J'exhorte le comité à examiner ce projet de loi, d'une façon ou d'une autre, et d'en faire rapport au Sénat. Les options consistent à en faire rapport sans proposition d'amendement, avec des propositions d'amendement, ou avec une recommandation pour qu'il soit retiré. Je ne suis pas certain qu'il nécessite un autre parrain.

Comme le sénateur le sait probablement, le projet de loi suscite un certain intérêt au sein de la population. Certains d'entre nous ont reçu des lettres de diverses personnes qui s'intéressent à cette question.

Le sénateur Milne: Je remercie le sénateur Murray de son intérêt. Il a bien raison lorsqu'il dit que le sénateur Haidasz a comparu devant le comité avant de prendre sa retraite, bien que nous n'ayons entendu aucun ministériel traiter de ce projet de loi. Il figure sur la liste et nous l'examinerons dès que possible.


ORDRE DU JOUR

Le budget des dépenses de 1998-1999

Renvoi du crédit 25C du Budget supplémentaire des dépenses (C) au comité mixte des langues officielles

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 9 mars 1999, propose:

Que le Comité mixte permanent des langues officielles soit autorisé à étudier les dépenses projetées au crédit 25c du Conseil privé contenu dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Motion autorisant le comité sénatorial permanent des finances nationales à étudier les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (C)

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 9 mars 1999, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999, à l'exception du crédit 25c du Conseil privé.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

(1440)

La violence familiale

Interpellation-Fin du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carstairs, attirant l'attention du Sénat sur la violence familiale dans notre société et, en particulier, sur la nécessité de prendre des mesures coopératives pour trouver des solutions aux divers aspects de cette forme de violence.-(L'honorable sénateur Callbeck).

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, avant de commencer cet important débat, je tiens à remercier madame le sénateur Carstairs pour son leadership et son dévouement en ce qui concerne la question sociale critique de la violence familiale. Son engagement est ferme et constitue un exemple pour nous tous. Sa motion met en lumière un problème qui, dans la conscience collective nationale, est souvent laissé dans l'ombre.

Les cas de violence familiale au Canada ne sont pas un sujet dont nous pouvons nous enorgueillir en tant que citoyens de l'un des plus grands pays du monde. Les statistiques alarmantes sur la violence familiale ne sont pas largement diffusées, pas plus que ses conséquences néfastes à long terme sur la société dans son ensemble ne sont bien comprises. Et pourtant, je crois que la plupart des Canadiens savent qu'elle existe et qu'elle peut être meurtrière.

On a dit, il y a longtemps, que la paix sociale dépend de la paix familiale. La société ne pourra jamais surestimer les torts épouvantables que la violence familiale nous cause à tous. Sa présence parmi nous nous rappelle que de trop nombreux foyers, qui devraient être des refuges dans un monde impitoyable, sont plutôt des endroits où des gens, pour la plupart dépourvus et très jeunes ou très vieux, vivent en craignant pour leur vie. Même ceux d'entre nous qui ont suffisamment de chance pour vivre à l'abri de pareille violence en paient aussi le prix. Nous en payons le prix parce que nous devons côtoyer des gens qui ont appris la haine. Le prix à payer, c'est la violence exercée contre des innocents et, sur le plan financier, c'est la nécessité d'élaborer des systèmes de justice et de sécurité.

Comme mes collègues les sénateurs Carstairs, Spivak, Robertson et Cohen l'ont déjà expliqué avec beaucoup d'éloquence, les tentacules de la violence familiale peuvent atteindre tous les segments de notre société, sans égard au revenu, à la culture, au sexe ou aux capacités intellectuelles. La violence survient dans notre voisinage, chez nos amis, nos collègues de travail et, parfois même, dans notre famille. Elle est très réelle, comme en témoignent chaque année les milliers de dossiers qui en résultent dans les urgences de nos hôpitaux ainsi que les milliers d'appels dans les centres d'aide et d'écoute, de poursuites en justice et d'appels à la police par le biais du service 911.

Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, durant une année seulement, la Transition House Association a reçu 6 845 appels, la Child Abuse Line, 1 201 appels et Victims Services ont ouvert 757 dossiers, dont 108 cas d'agression sexuelle, 242 cas de femmes battues et 46 cas d'autres types de violence familiale. On comptait 207 dossiers policiers de violence familiale où des enfants étaient témoins et 130 femmes et 159 enfants ayant besoin d'un refuge et d'être en sécurité.

Ces données témoignent des cas connus de violence faite aux enfants, aux conjoints et aux personnes âgées dans une province seulement. Il suffit de multiplier ces données par douze pour avoir une meilleure idée de l'omniprésence de ce problème dans les autres provinces et dans les territoires du Canada. Toutefois, ce portrait pourrait même ne pas être très juste, compte tenu du grand nombre de cas, selon les experts et divers organismes, qui ne sont jamais déclarés. En ce qui a trait seulement aux cas de violence faite aux enfants, par exemple, nous savons qu'il y a eu une très forte hausse depuis dix ans tant du nombre de rapports sur des cas de négligence et de violence possibles que du nombre d'enfants ayant besoin de protection. Et ce ne sont que les cas déclarés. Combien de cas ne sont jamais déclarés et combien d'autres échappent par inadvertance aux professionnels? Nous ne le savons pas.

Il est clair que nous avons un problème social qui est tangible et généralisé, un problème qui fait partie intégrante des collectivités dans lesquelles nous vivons. À bien des égards, c'est comme avoir un animal sauvage dangereux aux alentours. Nous savons qu'il est là, qu'il rôde en silence et qu'il prend d'innocentes victimes, mais nous ne savons pas exactement comment le faire sortir de sa cachette et l'attraper. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas réussi. Et il est là depuis longtemps, depuis des générations semble-t-il, ce qui est un des aspects les plus troublants. Par exemple, la majorité des détenus dans nos pénitenciers aujourd'hui ont eux-mêmes été victimes de violence dans leur propre foyer. Quelque 80 p. 100 des femmes qui sont en prison au Canada ont été victimes de violence physique ou sexuelle, habituellement dans leur enfance. Bref, de façon générale, ceux qui ont été victimes de violence sont devenus les agresseurs, perpétuant le seul mode de vie familiale qu'ils aient probablement jamais connu.

Cet effet boule de neige est un des aspects les plus difficiles et les plus frustrants du problème de la violence familiale. Son cycle répétitif et punitif dans la dynamique familiale est puissant et implacable, passant de génération en génération, des mères et des pères aux fils et aux filles, et aux petits-enfants. Ralentir ou même arrêter sa progression au sein des familles est une tâche colossale, particulièrement lorsqu'on tient compte de questions comme la protection de la vie privée et les droits personnels.

En outre, le problème ne se résume pas simplement à la présence au sein de la société de quelques personnes perturbées qui ont besoin de techniques nouvelles ou plus efficaces de maîtrise de la colère et d'une thérapie sexuelle. Les gestes qu'elles posent sont le résultat d'une culture qui, comme on le sait maintenant, a toléré pendant de longues années l'inceste, la violence à l'égard des enfants et la violence conjugale. Bon nombre des agresseurs, comme je l'ai souligné, ne font que s'en remettre au seul comportement ou aux seuls mécanismes d'adaptation qu'ils connaissent. Peu d'entre eux, s'il en est, ont eu un modèle d'éducation familiale positif.

En tant que société, nous avons beaucoup hésité à intervenir dans ces situations nettement dangereuses, sauf lorsque la demande émanait de la victime ou que la preuve d'une agression était flagrante. Même en pareille situation, les ressources juridiques et financières destinées à effectuer une intervention efficace ne sont souvent pas suffisantes pour assurer une solution sans danger et à long terme aux personnes en cause. Encore la semaine dernière, on m'a parlé d'un couple qui habite dans un immeuble d'Ottawa et qui a des altercations terribles à toutes les heures du jour et de la nuit. En arrière-plan, il y a un enfant d'un an qui geint constamment. Les autres locataires se sont plaints, le propriétaire a menacé d'expulser le couple, la police est venue, mais n'a pu porter des accusations. Tous se sentaient impuissants face à cette situation. Après une dispute particulièrement violente, le couple a quitté l'appartement, vendredi dernier, à minuit. Personne ne sait où cette famille se trouve. Elle est disparue dans la nuit.

(1450)

C'est là un triste exemple d'une famille en crise. Nous nous préoccupons du bien-être de l'enfant et de celui des conjoints. Nous nous demandons comment ce jeune bébé, et ses frères et soeurs s'il en a un jour, traiteront leurs propres enfants ou leur conjoint. Nous savons pertinemment qu'il ne s'agit pas d'un incident isolé dans une ville particulière du Canada.

Heureusement, il y a de plus en plus de personnes et d'organismes compatissants au pays qui dénoncent ces situations et qui s'attaquent à ce défi de société avec détermination et sincérité. Ces intervenants travaillent sans relâche et les progrès qu'ils accomplissent pour ce qui est de sensibiliser la population, de fournir des abris aux victimes de la violence, de réunir des fonds de recherche et de mettre en place des programmes de prévention sont une source d'inspiration pour nous tous. Toutefois, il s'agit d'un travail extrêmement difficile et le taux de succès continue d'être éclipsé par le nombre de victimes qui ont besoin d'aide.

C'est la raison pour laquelle cette interpellation est si importante. Celle-ci porte que nous, honorables sénateurs, hommes et femmes, de quelque région ou parti politique que ce soit, voulons que l'on s'attaque à ce problème énorme et destructif et que l'on contribue à apporter des changements. La motion nous permet aussi de donner notre appui collectif, au niveau national, aux efforts que les collectivités, oeuvres sociales, fondations, gouvernements et personnes très spéciales font déjà pour essayer de briser le cycle de la violence qui se perpétue d'une génération à l'autre, cycle qui n'est que trop évident.

Honorables sénateurs, il importe de mentionner brièvement certains des efforts qui sont faits et de souligner quelques-unes des approches véritablement innovatrices qui sont employées.

On compte maintenant cinq centres de recherche sur la violence familiale au Canada. Ces centres travaillent en collaboration pour ce qui est de partager l'information, de dispenser une formation et de mener une enquête scientifique, de façon à obtenir les meilleurs résultats possibles. Je tiens à féliciter le sénateur Carstairs pour son leadership et pour l'appui qu'elle fournit à l'un de ces centres, à l'Université du Manitoba.

Des mécanismes juridiques révisés, tels que des tribunaux et des procureurs spéciaux ainsi que diverses approches novatrices sont actuellement mis en place dans plusieurs provinces. La GRC et les corps policiers locaux intensifient leur participation à la vie communautaire et reçoivent une formation qui en font des mécanismes de réponse efficaces. Nous disposons d'un réseau de maisons de transition qui s'étend à tout le pays. Dans les collectivités autochtones et autres, des approches appropriées et compatibles du point de vue culturel sont à l'essai. Dans les pénitenciers, les détenus qui ont été victimes ou auteurs de violence familiale, ou les deux, participent à des programmes de formation au rôle de parent et pour un meilleur style de vie. Des partenariats formés de professionnels de la santé, de leaders communautaires et de travailleurs sociaux sont à mettre sur pied des programmes de traitement et de prévention en ce qui concerne le viol, l'inceste et l'agression sexuelle. Divers paliers de gouvernement appuient bon nombre de ces initiatives, quand ils n'en sont pas les instigateurs.

L'engagement renouvelé du gouvernement fédéral en faveur de la réduction de la violence familiale s'est traduite concrètement par l'injonction de 7 millions de dollars dans le cadre de l'initiative fédérale de lutte contre la violence familiale. Cette vaste stratégie, qui fait appel à plusieurs ministères, vise à sensibiliser davantage le public aux problèmes liés à la violence familiale et à le faire participer à la recherche de solutions. Elle renforce les capacités de réponse du système judiciaire et du système de logements, et appuie les efforts de recherche et d'évaluation en vue de déterminer les interventions les plus efficaces en la matière.

Au niveau provincial, nous assistons de la part des gouvernements à une réponse et à un engagement similaires. Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, une stratégie quinquennale de lutte contre la violence familiale a été mise en place. C'est la réponse du gouvernement et de la collectivité pour lutter contre la violence au sein des familles de l'île et bâtir sur les efforts des communautés qui s'emploient à lutter contre ce problème depuis deux décennies. La création du comité d'action du premier ministre, formé de représentants de 16 collectivités et de sept gouvernements, constitue l'un des éléments clé de cette initiative.

Grâce au leadership de ce comité et à celui de son président, l'honorable Marion Reid, des ressources ont pu être allouées à la Transition House Association pour les travailleurs de première ligne, ainsi qu'au Rape/Sexual Centre de l'Île-du-Prince-Édouard, qui continue de fournir de précieux services de soutien. En outre, d'importants efforts ont été entrepris en vue d'éduquer et de sensibiliser le public, entre autres la production de guides des ressources disponibles, et la mise au point de nouveaux programmes très intéressants à l'intention des avocats et d'autres professionnels du système judiciaire qui n'ont peut-être jamais reçu de formation au sujet de la violence familiale.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Callbeck, je suis désolé de vous interrompre, mais les 15 minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de poursuivre?

Le sénateur Callbeck: Oui, s'il vous plaît. J'ai presque terminé.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Callbeck: Merci, honorables sénateurs.

Le travail du comité s'est démarqué, dernièrement, comme un exemple de meilleure pratique en matière de partenariats contre la violence familiale dans une publication nationale des ministres responsables de la Situation de la femme des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Je tiens à remercier publiquement le président, les membres et le personnel du comité de leur contribution valable pour l'apport de solutions à cet important problème social.

Je veux aussi souligner aujourd'hui la contribution des travailleurs de première ligne qui oeuvrent, d'un océan à l'autre, dans les centres de crise, les hôpitaux, les postes de police, les écoles, les prisons et les centres de services sociaux. Ce sont eux qui, quotidiennement, réparent les dégâts de la violence familiale, avec calme et empathie. Pourtant, malgré tous les efforts mis en branle et toutes les percées réalisées sur bien des fronts, nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Parfois, chaque pas en avant paraît bien minime. Une telle absence de progrès importants nous laisse frustrés et désemparés.

C'est peut-être parce que les Canadiens ne désirent pas vraiment s'attaquer à ce que beaucoup considèrent encore comme le problème de quelqu'un d'autre. Peut-être craignent-ils de se prononcer trop clairement pour la préservation du droit de chacun à la protection et à la sécurité de sa personne, droit pourtant expressément garanti dans la Charte canadienne des droits et libertés, de peur que cela ne dérange leur vie d'une façon ou d'une autre. Ou peut-être ne voient-ils pas encore pleinement le prix terrible que tous les membres de la société en viennent un jour à payer lorsque la violence éclate dans le foyer ou au sein de la famille d'un voisin.

Il semble étrange, honorables sénateurs, que des citoyens qui ont pu être aussi convaincants et efficaces lorsqu'il s'est agi d'empêcher la construction de routes ou d'interdire l'usage du tabac presque partout soient également aussi incapables de lancer une campagne collective à grande échelle contre la violence familiale et ses effets beaucoup plus destructeurs sur les collectivités.

Je crois que chaque sénateur est en mesure de contribuer à sensibiliser la population à ce problème, à rendre les citoyens moins complaisants et à susciter dans tout le pays une plus grande volonté d'extirper la violence familiale de notre tissu social. En tant que membres de l'assemblée représentative nationale, nous sommes aussi en mesure non seulement de diriger la destruction du mur du silence et la mise au jour du problème qu'il occulte, mais aussi de rendre nos concitoyens plus conscients de l'ubiquité de ce problème et de leur révéler ses innocentes victimes et les dommages qu'il cause à l'échelle plus large de la société.

Nous pouvons et devons tous participer activement à l'élaboration de stratégies encore plus efficaces et concertées contre la violence familiale. Nous pouvons et devons être les porte-parole des personnes vulnérables, des victimes fragiles qui ne peuvent pas s'exprimer. Nous pouvons et devons être les porte-parole en faveur de la paix dans les familles.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, le débat sur cette interpellation est terminé.

(1500)

[Français]

La semaine internationale de la femme

La participation des femmes aux institutions législatives-Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Serge Joyal, ayant donné avis le jeudi 4 mars 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la Semaine internationale de la femme, et sur la participation des femmes aux institutions législatives au Canada, au niveau fédéral et provincial, et particulièrement au Sénat du Canada.

- Honorables sénateurs, le lundi 8 mars était le jour réservé à travers le monde pour réfléchir sur la condition faite aux femmes dans notre société. Cette semaine est en fait la Semaine internationale de la femme. Vous me permettrez aujourd'hui d'attirer votre attention et de faire le point sur un aspect particulier de la présence des femmes dans la vie publique canadienne, à savoir leur participation dans les assemblées législatives provinciales et au Parlement du Canada et, surtout, leurs perspectives d'avenir.

J'ai choisi cet aspect parce que je suis d'avis que c'est au Sénat du Canada que la présence des femmes a le plus progressé au cours des cinq dernières années et je crois que, si la volonté politique continue de s'affirmer aussi clairement, le Sénat du Canada pourrait, à court terme, devenir la première Chambre au pays, et peut-être même au monde, où la parité hommes-femmes serait enfin atteinte.

Il y a déjà plus de 29 ans, soit depuis 1970, que la Commission royale d'enquête sur le statut de la femme au Canada, la commission Bird, du nom de Mme le sénateur Florence Bird, a publié ses recommandations sur la participation des femmes au processus politique. Laissez-moi vous rappeler la principale recommandation contenue au chapitre 7, à la page 341, la recommandation 28. Je voudrais vous la lire.

[Traduction]

Il y a un certain nombre de mesures possibles. Nous en proposons une. En conséquence, la Commission recommande que deux femmes compétentes de chaque province soient nommées au Sénat à mesure que les sièges deviennent vacants, et que l'on continue à nommer des femmes jusqu'à ce que la répartition des membres soit plus équitable.

[Français]

Où en sommes-nous aujourd'hui, à la veille du millénaire? Avant de nous attarder au Canada, considérons un instant la place des femmes dans les parlements comparables au nôtre à travers le monde. Je puiserai ces informations dans l'Atlas des femmes dans le monde, publié aux éditions Autrement en 1995 et remis à jour récemment.

D'abord un constat: il n'y a pas un seul parlement au monde, après 4 000 ans de civilisation, où les femmes aient atteint la parité. Les pays où elles enregistrent la participation la plus élevée sont la Suède, à 40,4 p. 100, la Norvège, à 39,4 p. 100, et le Danemark, à 33 p.100. Suivent l'Allemagne, à 26,2 p. 100, l'Autriche, à 23,5 p. 100, ensuite le Canada, à 19,9 p. 100, la Grande-Bretagne, à 18,2 p. 100, les États-Unis et l'Italie, à 11 p. 100, la France, à 6,4 p. 100 et le Japon, à 2,7 p. 100.

C'est donc dire que le Canada fait moitié moins bien que la Suède et presque deux fois mieux que les États-Unis. Nous sommes donc dans la moyenne, ni les meilleurs, ni les pires.

Mais est-ce satisfaisant? En fait, comme le déclarait lundi dernier Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé, de la Cour suprême:

[Traduction]

Je cite:

Beaucoup de pays du tiers monde considèrent que le Canada est un leader moral dans les questions d'égalité des sexes et de prévention de la violence faite aux femmes.

[Français]

En outre, nous avons enchâssé dans nos textes constitutionnels, en 1982, la Charte des droits et des libertés, loi fondamentale de notre pays, proclamant fermement l'égalité des sexes à l'article 28. Je voudrais citer cet article de notre Charte, puisque c'est la pierre angulaire de tout notre système canadien.

[Traduction]

L'article 28 dit ceci:

Indépendamment des autres dispositions de la présente charte, les droits et libertés qui y sont mentionnés sont garantis également aux personnes des deux sexes.

[Français]

De plus, nous avons enchâssé à l'article 15 une clause dite de «droits à l'égalité» qui, au paragraphe 2, reconnaît les mesures d'action positive pour redresser la situation des personnes soumises à un état d'infériorité dû, entre autres, à leur sexe, leur race ou leur origine ethnique. Je cite:

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

C'est donc là un instrument formidable proclamé en 1982, qui nous distingue très nettement de la France, où une telle mesure serait jugée inconstitutionnelle par les tribunaux français ou encore des États-Unis, où l'égalité formelle des sexes entre homme et femme n'est pas reconnue par la Constitution américaine.

Nous vivons donc dans un système de droit constitutionnel qui aurait dû nous permettre de progresser beaucoup plus rapidement que nous ne l'avons fait depuis 17 ans. Bien qu'en effet, les mentalités aient évolué et que l'image des femmes en politique soit devenue familière à un grand nombre d'entre nous, il y a en fait un mythe qu'il m'apparaît important de dénoncer. Ce mythe consiste à croire que le progrès se fait constamment, que nous sommes sur une courbe de croissance naturelle et continue et qu'un jour, on ne peut dire quand, la parité ou une présence sensiblement égale des femmes et des hommes en politique sera atteinte.

Honorables sénateurs, c'est un mythe entretenu par la tranquillité des bonnes consciences. Comme le déclarait la semaine dernière la professeure Manon Tremblay, chercheure à l'Université d'Ottawa, et je cite:

Il faut cesser de penser que chaque élection amènera son lot de femmes. C'était faux au Québec jusqu'à récemment et c'est faux en Ontario, où le nombre de femmes a régressé.

Regardons un instant où nous en sommes dans les assemblées législatives des provinces et de la Chambre des communes, assemblées élues dites démocratiques, mais dont la représentativité est certainement discutable quant à la présence des femmes.

Commençons par l'Ontario, à tout seigneur, tout honneur, la province la plus populeuse. En Ontario, il y a 18 femmes sur un total de 130 sièges, soit 13,8 p. 100. C'est moins qu'en 1987, où on en dénombrait 19, soit 14,7 p. 100. Au Québec, vous avez 29 femmes sur un total de 125 sièges, soit 23 p. 100, qui siègent à l'Assemblée nationale. Il y a 10 ans, en 1989, c'était 21 femmes, soit 16,8 p. 100 du total. Au Manitoba, vous avez 11 femmes sur 56 sièges, soit 19,6 p. 100. C'était 12,3 p. 100 il y a 10 ans. La situation dans les Maritimes est beaucoup plus faible, très près de celle de l'Ontario. Ainsi, au Nouveau- Brunswick, il y a 7 femmes sur 55 sièges, soit 12,7 p. 100. En Nouvelle-Écosse, vous avez sept femmes sur 52 sièges, soit 13,5 p. 100. À l'Île-du-Prince-Édouard, vous avez 4 femmes sur 27 sièges, soit 14,8 p. 100 et à Terre-Neuve, vous avez 9 femmes sur 48 sièges, soit 18,8 p. 100.

Nous pouvons constater qu'après 30 ans, nous sommes très loin de la parité dans les assemblées législatives des provinces. En fait, nous pouvons dire que la situation stagne dans au moins cinq provinces et qu'elle progresse très faiblement, sinon imperceptiblement, dans les autres.

Nous ne sommes certainement pas engagés dans une courbe de croissance continue, irréductible et constante. Nous avons atteint une sorte de plafond invisible, et au mieux, la présence des femmes stagne autour de 20 à 25 p. 100. Il y a là une barrière au-delà de laquelle les progrès semblent illusoires, voire bloqués.

Qu'en est-il du Parlement canadien? Considérons la Chambre élue, la Chambre des communes. Il y a présentement 62 femmes élues sur un total de 301 sièges, soit 20,6 p. 100. En 1993, il y avait 53 femmes, soit 18 p. 100. Je ne m'attarderai pas à la représentation des femmes par parti politique. Encore là, des conclusions très intéressantes pourraient en être tirées mais je n'en ai pas le temps aujourd'hui.

Je vous rappelle que le Parti réformiste, qui décrit notre Chambre, le Sénat, comme non démocratique, compte 3 femmes sur un total de 59 sièges, soit 5 p. 100 de ses élus. Ce n'est certainement pas un parti représentatif de la population dont il soutient être le porte-parole.

Qu'en est-il du Sénat? Le Sénat compte 31 femmes sur un nombre total de 104 sièges, bientôt 105 sièges, soit 30 p. 100. C'est plus qu'aucune des assemblées élues au Canada, tant au provincial qu'au fédéral.

Le Sénat est une Chambre dont les membres sont nommés. Considérons un instant d'où provient ce résultat, plus encourageant que ce que nous constatons dans les autres assemblées élues au Canada.

Suite à la publication du rapport Bird en 1970, en 16 ans, le premier ministre Trudeau a nommé 81 sénateurs, dont 12 femmes, soit 14,8 p. 100 des nominations. En 9 ans, le premier ministre Mulroney a nommé 57 sénateurs, dont 13 femmes, soit 22,8 p. 100 des nominations. En moins de 6 ans, le premier ministre Chrétien a nommé 31 sénateurs, dont 18 femmes, soit 58,1 p. 100 des nominations.

C'est de loin la réforme la plus importante de la composition de notre Chambre depuis l'abaissement de l'âge de la retraite à 75 ans en 1965, réforme apportée par le premier ministre Pearson.

Il convient de souligner l'effort et le choix délibéré fait par le premier ministre actuel pour appliquer le principe de la parité dans ses nominations au Sénat.

Peut-on escompter que par la voix des nominations de femmes, nous puissions un jour, dans cette chambre, avoir atteint ce qui n'a été atteint dans aucun autre parlement démocratique, soit la parité entre les hommes et les femmes?

[Traduction]

(1510)

Voyons ce que donnerait l'application du principe de parité aux nominations de sénateurs au cours des six prochaines années civiles, soit jusqu'en 2005. Supposons que le premier ministre nomme un nombre égal de femmes et d'hommes. Si 6 des 11 sièges qui deviendront vacants cette année étaient comblés par des femmes, nous aurions 34 femmes sénateurs sur 105.

En plus des 11 sièges à combler cette année, 28 vacances surviendront au cours des six prochaines années. Parmi ceux qui prendront leur retraite durant cette période, 8 sont des femmes. En supposant que le Sénat compte 34 femmes à la fin de la présente année, dont 8 partiront à la retraite d'ici six ans, et que les 28 prochains sièges vacants soient comblés par 14 femmes et 14 hommes, le nombre de femmes au Sénat passerait à 40 le 14 novembre 2005, soit 38 p. 100 de l'effectif total.

En 2006, 5 autres sénateurs, dont 2 femmes, prendront leur retraite. Si ces derniers sont remplacés par 3 femmes et 2 hommes, le nombre de femmes sénateurs passera à 41, ou 39 p. 100 de l'effectif.

Selon cette méthode, nous obtenons les résultats suivants pour les années subséquentes. En l'an 2010, si 48 sièges sont occupés par des femmes, leur pourcentage passera à 45,7 p. 100. Il faudrait attendre 2013 pour que le nombre de femmes sénateurs atteigne 43, ou 50,47 p. 100 du nombre total de sièges, c'est-à-dire la parité.

Ces résultats reposent sur l'hypothèse que le premier ministre continuera de nommer des femmes en nombre égal à celui des hommes mais qu'il préférera nommer une femme à un homme en cas de nombre impair. Si on décidait de favoriser davantage la nomination de femmes, la parité serait évidemment réalisée plus rapidement.

Je rappelle aux honorables sénateurs que si le taux de remplacement reste à son niveau actuel, il faudra attendre 2013 pour atteindre la parité au Sénat.

[Français]

En d'autres mots, à la fin du prochain mandat du gouvernement du Canada dans l'hypothèse actuelle, nous aurions 40 femmes au Sénat, soit 38 p. 100 des sièges.

Honorables sénateurs, la conclusion est évidente. Sans une volonté politique clairement exprimée et appliquée à chaque occasion qui se présente, nous ne pourrons, d'ici 10 ans, dans ce scénario optimiste, atteindre la parité. C'est dire qu'il faut faire la meilleure des hypothèses, 40 ans après le rapport Bird, pour que cette Chambre, dont les membres sont nommés, atteigne la parité.

Qu'en sera-t-il de la Chambre des communes, l'autre Chambre ou l'autre bras de notre Parlement? Comment arriver à éliminer ou à réduire l'exclusion des femmes du processus politique ou mieux, comment éliminer ce déficit démocratique que constitue une absence significative des femmes du processus législatif dans notre pays?

Je voudrais vous référer à l'excellent rapport publié par l'Union interparlementaire en août 1998, donc l'été dernier. Ce rapport s'intitule:

[Traduction]

«From Rhetoric to Reality: Women's Political Participation, Accountability and Leadership».

[Français]

D'abord, il faut certainement constater que le mode de scrutin ou le système électoral qui est le nôtre, soit le vote uninominal à un tour, est plus susceptible qu'un autre de perpétuer la discrimination systémique à l'égard des femmes. Je pourrais poser la question autrement: quel est le système électoral le plus perméable à la présence des femmes dans la Chambre élue?

Honorables sénateurs, je voudrais vous soumettre que notre système électoral devrait être réévalué dans le contexte plus large de la représentation des femmes, des minorités et des régions. En effet, la Grande-Bretagne vient à peine de conclure une étude, présidée par lord Jenkins et publiée le 29 octobre 1998, il y a à peine quelques mois, intitulée «Report of the Independent Commission on the Voting System».

À travers 17 recommandations, le rapport conclut au mérite de l'adoption d'un système électoral mixte, en partie uninominal et en partie proportionnel. C'est la conclusion ou une conclusion semblable que propose le rapport de l'Union interparlementaire publié en août 1998.

[Traduction]

Les études effectuées dans le monde par l'Union interparlementaire nous amènent à être plutôt prudents, mais on peut affirmer sans crainte de se tromper que le système de représentation proportionnelle est celui qui peut le plus conduire à l'élection de femmes, pourvu qu'un certain nombre de garanties soient mises en place, soit: premièrement, l'inclusion d'au moins un pourcentage donné de femmes sur chaque liste électorale; deuxièmement, l'inclusion de femmes à un poste élu sur chaque liste fermée; troisièmement, une alternance entre les hommes et les femmes sur chaque liste; quatrièmement, l'établissement du principe voulant qu'un certain pourcentage des listes soient dirigées par des femmes.

Il ne fait aucun doute qu'au-delà du système électoral, il y a la volonté politique des dirigeants des partis nationaux. La culture de chaque parti en matière d'égalité des sexes est en jeu.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Joyal, je regrette de devoir vous interrompre, mais votre temps de parole est écoulé. Lui permet-on de poursuivre, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Joyal: Quels sont les changements fondamentaux que nos partis politiques sont disposés à mettre en place pour éliminer la discrimination systématique que notre culture électorale véhicule à l'égard des femmes?

Les partis sont-ils prêts à s'engager à avoir un nombre sensiblement égal de femmes et d'hommes aux élections générales, surtout dans les comtés où leurs chances de remporter l'élection sont raisonnables? Voilà autant de questions qui interpellent nos collègues de l'autre Chambre, pour que leur Chambre dite démocratique devienne aussi représentative que la nôtre.

En cette Semaine internationale de la femme, n'attendons pas la veille d'une élection ou une année d'élection pour croire que nous réussirons à infléchir 4 000 ans d'exclusion systématique des femmes des lieux du pouvoir politique. Ceux qui, disent-ils, sont animés par un grand souci de démocratisation de nos institutions politiques devraient consacrer autant de temps à amender la composition de la Chambre élue qu'ils en mettent à attaquer la Chambre nommée qui, celle-là, est engagée très certainement sur la voie d'une meilleure parité et ce, dans un avenir prévisible.

[Traduction]

L'honorable John G. Bryden: Le sénateur Joyal pourrait-il répondre à une question?

Le sénateur Joyal: Avec plaisir.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, je ne voudrais pas me lancer dans un débat sur la représentation proportionnelle comme méthode pour égaliser les choses. Cela pose également des problèmes, comme essayer de garder un gouvernement au pouvoir suffisamment longtemps pour qu'il puisse prendre des mesures utiles.

(1520)

Au Canada, nous avons un Parlement, mais deux Chambres. Pour pourvoir à un équilibre plus rapidement, l'une des deux Chambres qui peut prendre des mesures pour remédier à la situation, c'est-à-dire le Sénat, pourrait, pendant une période raisonnable, à l'avenir, accueillir simplement des femmes. Ainsi, le Parlement du Canada finirait par avoir un jour 105 plus 35, ce qui nous rapprocherait bien davantage d'un équilibre. Je pense que cela aurait des conséquences intéressantes. Mon collègue a-t-il envisagé cela?

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, le sénateur propose une réforme très draconienne du mode de nomination. J'ai signalé que l'actuel premier ministre, dans sa sagesse, a nommé un nombre égal de femmes et d'hommes. En fait, il a nommé plus de femmes, car il a utilisé le nombre impair au profit des femmes. C'est la raison pour laquelle 58 p. 100 des personnes nommées dans cette enceinte sont des femmes. Pour renverser la tendance, le premier ministre devrait faire savoir très clairement qu'il ne nommera que des femmes au Sénat jusqu'à ce qu'on ait atteint l'égalité. C'est ce qu'il pourrait faire.

Par contre, si l'on tient compte des résultats que l'on veut obtenir, c'est-à-dire un juste équilibre, tous les sénateurs comprennent bien que le terme «juste équilibre» prévoit une marge de manoeuvre de 5 p. 100 d'un côté ou de l'autre. Le nombre varie et il faut en tenir compte. La pratique actuelle, qui veut que l'on nomme le même nombre d'hommes que de femmes, a des conséquences sur les délais en cause. Il nous faudrait attendre jusqu'à l'an 2013 pour atteindre l'équilibre. Je ne sais pas combien d'entre nous seront toujours ici en 2013.

Il y a des limites au processus actuel de nomination. À mon avis, c'est fondamentalement une question de volonté politique. S'il y a une volonté politique, mes collègues sont prêts à accepter bon nombre de choses, c'est-à-dire un plus grand nombre de femmes au Sénat. Si l'autre endroit peut afficher de meilleurs résultats au chapitre de l'égalité entre les sexes, je crois que le Sénat pourrait constituer un modèle de représentation au chapitre de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la représentation des régions et des minorités. Nous avons déjà tenu compte de la représentation des régions. Nous devons faire quelque chose pour rétablir l'équilibre entre les hommes et les femmes, et je suis persuadé que le premier ministre en est conscient. Dans les nominations qu'il fait, il consacre de plus en plus de place aux femmes. Nous pouvons donc nous attendre à ce qu'il nomme davantage de femmes. Je ne tente pas par là de me montrer critique de quelque façon que ce soit. Toutefois, j'aimerais souligner à mes collègues que si nous ne modifions pas notre façon de faire, nous n'atteindrons pas l'équilibre avant au moins 16 ans.

Le sénateur Grafstein: Sans l'intervention de Dieu.

Le sénateur Joyal: Oui. Honorables sénateurs, nous faisons tous les jours une prière à Dieu au début de nos rencontres. Parfois il nous écoute, et parfois il ne nous écoute pas.

Le sénateur Carstairs: Elle écoute.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, la crédibilité de notre institution nous préoccupe tous vivement. S'il fallait que le Sénat devienne la seule Chambre du Parlement du Canada où il y a autant de femmes que d'hommes, bien des gens réfléchiraient de nouveau avant de vouloir l'abolir. Le Sénat serait au moins considéré comme une institution où l'égalité existe. Espérons qu'il en soit ainsi.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je me dois de saisir l'occasion de mentionner que le Manitoba a déjà atteint la parité. En effet, il est représenté au Sénat par trois femmes et trois hommes.

(Sur la motion du sénateur Pépin, le débat est ajourné.)

Le budget de 1999

L'exposé du ministre des Finances-Interpellation-Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir à l'interpellation no 61:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, attirant l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances à la Chambre des communes le 16 février 1999.-(L'honorable sénateur Graham, c.p.).

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Joyal pour son excellente présentation sur le rôle des femmes en politique et sur la voie que nous devrions tous emprunter. Il est rafraîchissant d'entendre de tels propos venant d'un des hommes d'en face. Bienvenue à bord et bravo!

Honorables sénateurs, je le répète et je le répéterai encore: un trop grand nombre de Canadiens vivent dans la pauvreté. Le problème consiste à aller au-delà des solutions traditionnelles pour faire appel à la créativité, l'imagination et l'action. Les progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté dans les années 50, 60 et au début des années 70 stagnent depuis 1975 et ce, en dépit d'une main-d'oeuvre plus instruite et d'une croissance importante de l'économie et des emplois.

Deux des symptômes les plus visibles de la pauvreté sont le nombre des sans-abri et des banques d'aliments. Il n'y avait aucune disposition dans le budget concernant les sans-abri. Il n'y avait rien pour mettre un terme à la nécessité d'avoir des banques alimentaires. Il n'y avait rien pour rétrécir le fossé entre les nantis et les démunis au Canada. Il n'y avait rien pour contrer les attaques du régime fiscal contre les Canadiens qui gagnent un revenu modeste.

Honorables sénateurs, le mois dernier, la banque d'aliments de Toronto a marqué son quinzième anniversaire. Les banques d'aliments devaient représenter une solution temporaire offerte par des bénévoles. Elles sont plutôt devenues une industrie en croissance.

Il y a une douzaine d'années, le Toronto Star notait ce qui suit dans un éditorial publié le 9 février 1987:

Les banques d'alimentation, qui ont débuté comme une mesure ponctuelle pendant la récession du début des années 80, sont devenues une forme secondaire d'aide sociale et une échappatoire bon marché pour les gouvernements.

Mais aussi longtemps qu'il y aura des gens prêts à donner des aliments et des organismes disposés à les distribuer, les gouvernements fédéral et provinciaux pourront esquiver les pressions les forçant à s'attaquer aux causes de la pauvreté: taux de chômage élevé, insuffisance des prestations d'aide sociale et pénurie critique de logements abordables.
Honorables sénateurs, cet article, qui date de 1987, aurait pu paraître dans n'importe quel journal d'aujourd'hui.

Sue Cox, directrice exécutive de la banque d'alimentation de Toronto, écrit ce qui suit dans un article publié le 24 février de cette année dans le Toronto Star en regard de l'éditorial:

... Mais le nouveau budget fédéral, annoncé comme étant axé sur les soins de santé, ignore les liens qui existent entre une bonne nutrition et la santé. Il n'a rien à offrir aux plus pauvres des pauvres.

Honorables sénateurs, un autre article publié le même jour dans le même journal rapporte les propos suivants de Mme Cox:

Ce qui est triste, c'est que de tout temps, année après année, tous les gouvernements, tous les partis politiques ont pris des décisions qui n'ont fait qu'empirer la situation.

Honorables sénateurs, ne pensez-vous pas qu'il est temps de commencer à prendre des décisions qui amélioreront la situation? Maintenant que nous avons remis de l'ordre dans les finances du pays, ce budget est l'endroit par où commencer.

Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de tourner mon attention vers un secteur que le budget a négligé et où les besoins sont pourtant criants, je veux parler du logement.

(1530)

Honorables sénateurs, voici ce que le ministre des Finances a dit:

La crise du logement s'aggrave à un rythme affolant, et le gouvernement ne fait rien.

Honorables sénateurs, il est évident que je ne lis pas un extrait du budget de cette année. Je ne lis pas non plus un extrait des budgets que le ministre a présentés antérieurement. Je cite le mot d'introduction de Paul Martin dans le rapport de 1990 du groupe de travail du caucus libéral sur le logement. Permettez-moi de répéter ces propos:

La crise du logement s'aggrave à un rythme affolant, et le gouvernement ne fait rien.

M. Martin était exaspéré par les compressions imposées aux programmes de logement, à un moment où un grave problème de déficit obligeait le gouvernement à prendre des mesures draconiennes. Pourtant, malgré son indignation, il n'a rien fait pour rétablir ces programmes dans son premier budget, ni dans son deuxième, ni dans son troisième, ni dans son quatrième, ni dans son cinquième, ni dans son dernier budget, le sixième.

Quelques jours après le dépôt du budget, à quelques rues de la colline du Parlement, Lynn Maureen Bluecloud, une sans-abri de 33 ans, une autochtone enceinte de cinq mois, a été trouvée morte dans un petit parc situé à l'angle des rues Nicholas et Laurier. Elle était morte d'hypothermie. Mme Bluecloud avait un problème de toxicomanie. Aussi, j'imagine que certains vont dire qu'il s'agit d'un problème non pas de logement, mais bien de drogue. Cependant, il est rare que quelqu'un dorme dans la rue ou dans les buissons par choix.

Qu'il y ait ou non un problème de toxicomanie en cause, dans presque tous les cas, le problème des sans-abri nous ramène au nombre insuffisant de logements abordables et de mécanismes adéquats pour y faire face. Le problème des sans-abri est réel, mais le gouvernement ne fait rien pour le régler. Il y a des gens qui vivent en marge de la société, qui dorment dans la rue, qui s'entassent dans des refuges et qui élèvent leur famille dans des hôtels délabrés.

Il y a deux mois, les auteurs du rapport Golden, qui a été rendu public à Toronto, ont exhorté le gouvernement fédéral à constituer un fonds de 300 millions de dollars afin d'encourager la construction de nouveaux logements pour les personnes à faible revenu. Ils ont aussi formulé plusieurs recommandations sur divers sujets, comme les coûts des terrains et les taxes foncières.

Honorables sénateurs, je vous conseille la lecture d'un article de David Lewis Stein qui a été publié dans le Toronto Star du 24 février. L'article s'intitule: «À la recherche de vraies solutions à la misère des sans-abri» et décrit les problèmes de logement d'un homme d'Oshawa. M. Stein écrit:

Il est 5 heures, et les hommes sans-abri reçoivent un souper chaud. Daniel, un manoeuvre grisonnant de 41 ans, m'explique pourquoi il ne peut pas se débrouiller avec les 520 $ d'aide sociale que reçoit un célibataire.

Une chambre coûte 325 $ ou 350 $ et, bien souvent, il n'y a ni réchaud, ni frigo. Il faut donc manger dans les restaurants, mais il ne reste que 200 $ par mois pour l'alimentation. Et si on veut laver ses vêtements? Un lavage au Laundromat coûte 3 $. Mais comment chercher un emploi si on n'a pas de vêtements propres? On se sent rejeté du monde.
M. Stein poursuit:

Alors que faut-il faire? Le problème des sans-abri a donné lieu à de belles manifestations d'idéalisme.

John Andres, un jeune conseiller en investissement qui est passionné, a lancé Project Warmth il y a trois ans. Cette année, il s'attend à distribuer 30 000 sacs de couchage.
Pensez-y, honorables sénateurs: trente mille sacs de couchage, cela veut dire 30 000 personnes qui sont sans logement.

L'auteur ajoute:

Mais, pour régler le problème des sans-abri, il faut plus que de la compassion. Il faut plus que des gestes symboliques de la part des politiques provinciaux et fédéraux... Il faut que notre façon de voir les choses change.

Enfin, M. Stein cite Keith Ward, le commissaire au logement de Peel:

Lorsque les gens sont mal logés, leur santé en souffre. Lorsque des enfants sont mal logés, leur éducation en souffre. Nous en sommes en train de créer une situation cauchemardesque.

Honorables sénateurs, je ne suis pas la seule à m'interroger sur le fait que le budget ne propose aucune solution au problème. Le Toronto Star, pourtant bien connu pour son soutien indéfectible au parti au pouvoir, disait dans un éditorial du 19 février:

Les sans-abri méritent d'avoir une place dans le budget du gouvernement libéral. Mais ce dernier ne leur a même pas consacré une note de bas de page. C'est plus qu'une déception. C'est une disgrâce.

L'article se poursuit en ces termes:

Un groupe de travail de Toronto a proposé des mesures sensées que chacun des ordres de gouvernement pourrait prendre pour accroître le stock de logements abordables. Parmi ses propositions, on compte un rabais de TPS aux constructeurs de logements abordables et la mise à la disposition de terrains fédéraux pour des projets semblables.

Le gouvernement libéral aurait pu adopter ces idées, envoyant du même coup aux provinces et au secteur privé le signal que le nombre actuel de sans-abri était inacceptable.

Au lieu de cela, il a dit que cette question le préoccupait, mais s'est bien gardé de joindre le geste à la parole.

Depuis le budget, les députés libéraux ne cessent de prétendre qu'ils ne sont pas aveugles à ce grave problème social.

Compte tenu du peu d'attention qu'ils ont accordé à cette question dans le budget, les propos sonnent creux.

Les bons sentiments et les belles paroles ne sont guère utiles aux sans-abri, qui veulent plutôt de l'argent et des actes. Le gouvernement libéral ne leur a donné ni l'un ni l'autre. Il devrait avoir honte.

Si les Canadiens ont de la difficulté à nourrir et à loger leur famille, c'est que leurs revenus sont insuffisants. Le régime fiscal ne leur vient pas assez en aide. L'inflation est en train de gruger lentement, mais sûrement, les avantages fiscaux dont jouissent maintenant les Canadiens à faible revenu. Comme le ministre des Finances dispose maintenant de surplus, le temps est venu d'indexer pleinement le régime fiscal au coût de la vie.

Songeons, par exemple, au crédit d'impôt au titre de la TPS. Ce dernier a été créé en 1991 pour veiller à ce que les contribuables à faible revenu ne paient pas plus d'impôts après l'entrée en vigueur de la TPS. À cette époque, le crédit valait 190 $ par adulte et 100 $ par personne à charge. Aujourd'hui, il vaut 199 $ par adulte, et 105 $ par personne à charge, soit environ 5 p. 100 de plus qu'en 1991. Cependant, le problème, c'est que le coût de la vie a augmenté d'environ 10 p. 100 depuis 1991.

L'inflation gruge la valeur du crédit. Ce n'est pas beaucoup, honorables sénateurs, mais j'estime que le gouvernement peut sûrement faire mieux que rogner sur ce qui revient à ses citoyens les plus démunis. Peut-être que le temps est venu aussi non seulement d'indexer pleinement les crédits, mais encore d'envisager sérieusement une augmentation de ceux-ci.

Je vais vous donner un autre exemple de raisons pour lesquelles il faut rétablir une pleine indexation. Le gouvernement fait tout un plat de la modeste amélioration qu'il apporte cette année à la prestation fiscale pour enfants, qui est effectivement quelque chose de positif. Toutefois, lorsqu'elle sera entièrement en vigueur, dans deux ans, le seuil de récupération plus élevé réduira les recettes fiscales de 300 millions de dollars. Autrement dit, les travailleurs à revenu modeste se trouveront plus riches de 300 millions de dollars. Jusque-là, tout va bien.

L'automne dernier, pourtant, dans sa mise à jour économique et financière, le ministre des Finances nous a dit que la pleine indexation à l'inflation de la prestation fiscale pour enfants augmenterait celle-ci de 325 millions de dollars après deux ans - 300 millions de dollars dans le présent budget moins une inflation de 325 millions de dollars donne un déficit de 25 millions de dollars. Autrement dit, dans deux ans, le régime de la prestation fiscale pour enfants distribuera 25 millions de dollars de moins, dans l'ensemble, aux familles à revenu modeste et faible qu'il ne l'aurait fait si la valeur de la prestation et les seuils de récupération étaient pleinement indexés à l'inflation.

D'autres modifications doivent être apportées à la fiscalité pour aider les travailleurs à revenu modeste et faible. L'exemption personnelle de base a été augmentée de 675 $ et c'est une bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, c'est que le Canada continue de percevoir des impôts auprès de personnes qui ne gagnent pas beaucoup plus que 7 000 $ par année. Le seuil d'imposition des Canadiens à faible revenu est encore plus bas que dans la plupart des pays occidentaux et ils payent jusqu'à 60 cents par dollar en impôt et en avantages perdus. Cela excède le taux marginal d'imposition des Canadiens à revenu élevé. Puisque l'on nous dit constamment que les hauts taux d'imposition marginaux sur les revenus de plus de 60 000 $ dissuadent les Canadiens de chercher à accroître leur revenu, que penser des taux marginaux encore plus élevés qui frappent ceux qui ne gagnent que la moitié de ce revenu?

Il y a ensuite les cotisations à l'assurance-emploi, qui sont à toutes fins utiles un impôt uniforme sur la première tranche de 39 000 $ de revenus. Encore là, le ministre des Finances va chercher tout ce qu'il peut dans les poches de ceux qui ont le moins les moyens de payer. Le gouvernement prélève 2,55 $ sur chaque tranche de revenu de 100 $ même s'il n'en coûte que 2 $ pour faire fonctionner le régime. Le travailleur qui gagne 20 000 $ nets d'impôt par année doit verser au gouvernement environ 75 $ de plus qu'il n'en faut compte tenu des besoins du régime.

Honorables sénateurs, je le répète, le budget ne règle pas certains problèmes fondamentaux.

Avant de terminer, je voudrais parler brièvement d'un groupe d'étude que je coprésiderai avec Diane St-Jacques, la députée de Shefford. Notre collègue, le sénateur Lavoie-Roux, a accepté de faire partie de ce groupe, tout comme Jean Dubé et Norman Doyle, de l'autre endroit.

(1540)

Notre tâche consistera à examiner les causes de la pauvreté, la nature de la pauvreté, la situation des sans-abri ainsi que les problèmes de santé qui affligent les sans-abri et les pauvres. Nous examinerons aussi l'efficacité des programmes sociaux actuels.

Honorables sénateurs, les solutions traditionnelles ne donnent pas les résultats escomptés Il nous faut des solutions efficaces et il est temps de les trouver.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Graham, le débat est ajourné.)

L'enrôlement dans la Marine royale du Canada

L'expérience des Noirs-Interpellation

Permission ayant été accordée de revenir à l'interpellation no 62:

L'honorable Calvin Woodrow Ruck, conformément à l'avis d'interpellation donné le 2 mars 1999:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur l'expérience des Noirs concernant l'enrôlement dans la Marine royale du Canada.

- Honorables sénateurs, je vous prie d'être patients. Comme l'indique ma canne blanche, je suis aveugle au sens de la loi. Je souffre aussi parfois de perte de mémoire. Je vous remercie de rester pour mon discours. La séance a été longue, et je m'efforcerai d'être bref.

Retournons en arrière dans le temps. L'époque dont je parle était un peu avant la Première Guerre mondiale. C'était en 1910. Le gouvernement de sir Wilfrid Laurier, comme le reste du monde, se préparait à la Première Guerre mondiale. D'après ce que j'ai lu dans les livres d'histoire, une des premières étapes a été la création d'une force navale. Il semble que, à cette époque-là, le Canada n'avait pas de force navale. Le gouvernement de sir Wilfrid Laurier a donc fait adopter une loi qui créait, du moins sur papier, une force navale que nous appelions naguère fièrement la Marine royale canadienne.

Regardons maintenant le règlement qui a été pris peu de temps après l'adoption de la loi. Le premier article du règlement disait explicitement que toutes les recrues devaient être de race blanche.

Lorsque j'ai lu ce document pour la première fois, je suis retourné en pensée à l'époque où je fréquentais l'école, probablement au niveau élémentaire. Je me suis demandé, si j'avais été dans la classe au moment où le passage a été lu aux élèves, qu'elle aurait été son incidence sur moi et sur les autres membres des minorités. On sait bien sûr qu'au Canada, les minorités comprennent les membres des Premières nations. La loi les excluait également car elle prévoyait que toutes les recrues devaient être de race blanche. Elle excluait aussi les citoyens d'ascendance japonaise ou chinoise ainsi que les membres de la communauté noire, une communauté qui a depuis longtemps des racines au Canada. Notre présence au Canada remonte aux années 1500 ou 1600. Nous sommes dans ce pays depuis longtemps.

Il a fallu de nombreuses années avant que la loi ne soit sérieusement remise en question. Le pouvoir ne voyait de toute évidence rien à redire au sujet de la disposition prévoyant que toutes les recrues devaient être de race blanche. En effet, de nombreuses années plus tard, au moment du déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, les membres des groupes minoritaires ont afflué de nouveau aux centres de recrutement et, dans de nombreux cas, ont été refusés. La loi proprement dite n'a pas été remise en question sérieusement avant 1942, au moment où la Seconde Guerre mondiale s'étendait à tous les pays.

Un incident s'est produit à Winnipeg, au Manitoba, et impliquait un jeune Noir, Piercey Haynes. Bien des années auparavant, celui-ci avait quitté la Guyane britannique avec ses parents pour s'installer au Canada, plus précisément à Winnipeg. Il était bien connu à Winnipeg et l'on pensait beaucoup de bien lui. Il avait fait de la boxe pendant ses études secondaires et, en 1942, il décida d'entrer dans la marine, pour la simple raison qu'un grand nombre de ses amis et anciens camarades d'école faisaient de même. Pour une raison quelconque, un grand nombre de jeunes dans l'Ouest canadien choisissaient de s'enrôler dans la marine. Certains disent que c'est parce que les habitants de l'Ouest étaient des marins d'eau douce et qu'ils étaient curieux de découvrir l'eau salée.

Piercey Haynes et de nombreux autres jeunes se rendirent au bureau de recrutement. Celui-ci parla à l'officier responsable, un capitaine, qui refusa de l'envoyer dans la marine et qui lui proposa plutôt l'armée. Piercey Haynes répondit que s'il n'était pas assez bon pour la marine, il n'était pas assez bon non plus pour l'armée. Il poursuivit ses démarches et écrivit une lettre au secrétaire responsable de la Marine, le regretté Angus L. Macdonald qui, comme moi, était de la Nouvelle-Écosse et plus précisément du Cap-Breton. M. Macdonald répondit par lettre à Piercey Haynes et lui expliqua que la disposition en cause de la Loi du service naval avait été incluse dans l'intérêt des personnes faisant partie de minorités. Il précisa que des recherches poussées avaient permis d'établir que lorsqu'un groupe minoritaire et un groupe majoritaire étaient ensemble, le groupe minoritaire en souffrait.

Piercey Haynes n'accepta pas ce genre de raisonnement. Il voulait entrer dans la marine. Il devait bien y avoir des officiers pour veiller à ce que tous les membres de la marine soient sur un pied d'égalité. Il persista et continua à écrire des lettres, et le Conseil de la marine se réunit à plusieurs reprises pour tâcher de régler cette affaire. Finalement, les membres du conseil décidèrent de réviser la Loi du service naval en supprimant cet article et en ouvrant la marine aux Canadiens en bonne santé, sans distinction de race, de couleur ou de religion. Les femmes étaient bien sûr les seules à ne pas pouvoir y entrer à cette époque. Cela a maintenant changé dans une certaine mesure.

Piercey Haynes contacta de nouveau Angus L. Macdonald, qui lui conseilla de se représenter à la station navale. Il y retourna, muni d'une lettre de M. Macdonald. Le capitaine responsable, le même qu'auparavant, refusa même de regarder la lettre. Il y avait là de l'insubordination. Peu de temps après, ce capitaine fut destitué de ce poste, et Piercey Haynes put entrer dans la marine. Il a passé quatre ou cinq ans dans la marine pendant la guerre. Pour une raison ou une autre, il n'est jamais allé en mer. Il est resté longtemps à Halifax, où il a travaillé comme musicien, à divertir d'autres militaires. Quand la guerre a pris fin, quatre ou cinq autres Noirs étaient entrés dans la Marine royale canadienne.

Les lois en matière de droits de la personne ont contribué dans une large mesure à changer cette attitude. Aujourd'hui, les noirs, les autochtones, les Indiens, les Chinois, les Japonais, tout le monde peut entrer dans les Forces canadiennes, indépendamment de la race. Nous avons fait de grands progrès. Je ne ressens aucune animosité. Je ne suis pas ici pour embarrasser quiconque au sujet de ce qui s'est passé en 1910. Avec les lois que nous avons en matière de droits de la personne, une telle chose ne pourrait se reproduire. Les Noirs et les autres groupes minoritaires sont fiers de servir leur pays. Ils l'ont prouvé lors de la Seconde Guerre mondiale, malgré tous les obstacles.

J'ai écrit une histoire des Noirs durant la Première Guerre mondiale. Il est pénible de lire la façon dont les Noirs ont été tenus à l'écart de l'armée durant cette guerre. Finalement, le gouvernement a décidé de créer un bataillon entièrement noir pour servir à l'étranger. Lors de mes recherches, je suis tombé sur une citation du chef d'état-major général, le major général Willoughby Gwatkin. Alors qu'on lui demandait ce qu'il pensait de l'idée d'engager des Noirs dans l'armée, il a répondu:

Le nègre civilisé est vain et imitateur. Au Canada, ce n'est pas par loyauté que les Noirs veulent s'engager dans l'armée. En France, ce n'est pas une bonne idée d'avoir un bataillon, un corps expéditionnaire canadien noir. Il prendrait la place des Blancs et il serait difficile de lui trouver des renforts.

Il a également déclaré que l'homme blanc moyen ne s'associerait pas avec un Noir, question d'égalité. N'empêche que les Noirs ont encore fait leur part lors de la Seconde Grande guerre et, Dieu nous en préserve, si jamais une guerre éclatait - ce que je ne souhaite pas - les Noirs seront encore fiers et empressés de faire la queue devant les stations de recrutement afin de s'enrôler.

(1550)

Nous voyons le Canada comme notre pays également. Nous ne considérons pas que le Canada est un pays pour les Blancs seulement. Nous savons que ce n'est absolument pas le cas. Les choses ont changé. Nous avons fait beaucoup de progrès. Nous avons pas mal de Noirs dans nos forces en temps de paix dans les trois armes.

Le même problème s'est produit dans l'Aviation royale du Canada durant la Seconde Guerre mondiale. On ne voulait pas engager des Noirs, mais en fait, les obstacles sont tombés car certains Noirs étaient suffisamment forts et loyaux pour faire connaître leur choix. Avant la fin de la guerre, un grand nombre de Noirs faisaient partie de l'Aviation royale.

Je vais vous raconter l'histoire d'un homme de la Nouvelle-Écosse appelé Allan Bundy. Il a demandé à faire partie de l'aviation mais sa requête a été rejetée. Il est rentré chez lui et a oublié tout cela. Enfin, un agent de la GRC a frappé à sa porte car il n'avait pas répondu à une demande d'engagement dans l'armée. Il a demandé à l'agent de la GRC de l'arrêter, et il lui a dit qu'il n'entrerait pas dans l'armée s'il n'était pas suffisamment bon pour faire partie de l'aviation. Ainsi, l'agent ne l'a pas arrêté.

Après un certain temps, le quartier général l'a avisé qu'il était accepté dans l'Aviation royale du Canada. Il a reçu son entraînement en Ontario. Il est finalement devenu pilote et il a été envoyé outre-mer. Là-bas, un autre problème s'est posé. Aucun Blanc ne voulait voler avec lui. En tant que chef d'équipage, il avait besoin d'un autre pilote pour l'aider à bord du biplace. Enfin, un homme s'est porté volontaire pour servir avec lui. Pour une raison étrange, Allan Bundy et cet homme qui a servi avec lui ont tous deux survécu et sont revenus d'outre-mer. D'autres hommes qui pensaient qu'Allan Bundy n'était pas assez bon pour être un chef d'équipage ne sont malheureusement pas revenus en vie.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Ruck d'avoir fait cet exposé qui nous a fait connaître l'histoire des préjugés qui ont eu cours au Canada, et aussi d'avoir rappelé certains noms qui font certes partie de mon héritage.

Je vois à la tribune aujourd'hui le député Gordon Earle, qui représente maintenant une circonscription de la Nouvelle-Écosse. Pendant un certain temps, il a exercé avec beaucoup de distinction les fonctions de protecteur du citoyen pour le Manitoba. Je suis persuadée que lui et le sénateur Stratton ont probablement dû connaître Piercey Haynes. Il est certain qu'à toutes les assemblées politiques et à toutes les activités de financement qui ont été tenues en mon honneur, Piercey Haynes jouait du piano. Il venait ensuite se joindre à nous pour le repas, mais je ne pense pas que le sénateur Stratton serait stupéfait d'apprendre que Piercey Haynes était libéral.

Par ailleurs, au cours de son exposé, le sénateur a fait allusion au regretté Angus L. Macdonald. Il a évidemment occupé le poste de secrétaire à la Marine mais, avant cela, il avait été premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Il est par la suite redevenu premier ministre en 1945, et mon père est devenu son vice-premier ministre et son ministre, d'abord, du Commerce et de l'Industrie et, par la suite, de la Santé. Mon père l'a par la suite remplacé comme premier ministre de la Nouvelle-Écosse.

Ce fut un après-midi nostalgique pour moi que de vous écouter, sénateur Ruck. Mais le plus important, c'est le message que vous nous avez livré. Malheureusement, jusqu'à très récemment, la vie n'a pas été juste ni équitable pour ceux d'entre nous qui ne sont pas Blancs. Bien souvent, il n'y a pas eu de justice non plus pour les femmes, mais il me semble hors de tout doute que ceux qui ont le plus souffert de cette forme de discrimination, ce sont les Noirs et les autochtones.

Permettez-moi de parler un instant des Canadiens de race noire. J'ai grandi à Halifax, où un grand nombre de Noirs vivaient dans un quartier appelé «Africville». Malheureusement, il était situé sur la décharge de Halifax.

Les Noirs, soutenait-on, n'avaient que des droits de squatters sur Africville parce que c'était leur quartier. Lorsqu'ils ont été forcés de partir, cela ne s'est pas fait dans une grande dignité, et ils n'ont pas reçu l'indemnisation qui aurait dû leur être versée.

Ils ont beau avoir grandi dans une ville comme celle-là, les gens ignorent souvent que d'autres membres de cette collectivité souffrent beaucoup de discrimination. Ayant moi-même grandi dans cette ville, j'y ai rarement rencontré un Noir. Et quand la chose s'est présentée, il s'agissait de Suzie Biggs qui, à la mort de mes grands-parents, tous deux victimes directe et indirecte de l'explosion du port de Halifax, est venue travailler pour mon père, qui devait s'occuper de neuf jeunes frères et soeurs. Suzie Biggs était Noire. Suzie était la figure maternelle de cette famille.

Je me souviens de Suzie parce qu'elle travaillait encore pour mes parents quand j'étais toute petite. Je me rappelle toujours tendrement que ses enfants appelaient mes parents grand-papa et grand-maman. Ils ne ressemblaient pas à leurs grands-parents, certes, mais papa et maman les considéraient comme les meilleurs petits-enfants qu'ils auraient pu avoir. Le neveu de Suzie Biggs et fils de Beatrice Adams était Wayne Adams, qui devint député de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse.

Tout cela m'est revenu à la mémoire aujourd'hui, et je le dois au sénateur Ruck. Je vous remercie beaucoup. J'espère que le simple fait que vous siégez dans cette enceinte, en compagnie du sénateur Cools et du sénateur Oliver, nous rappellera fréquemment que des Noirs ont été l'objet de discrimination dans notre société. J'ose espérer que le cas est beaucoup moins fréquent aujourd'hui, mais je sais que cela existe encore. Nous devons tout mettre en oeuvre pour que vos enfants et vos arrières-petits-enfants soient moins témoins de la discrimination qui s'est exercée contre vous et Piercey Haynes.

L'honorable Shirley Maheu (Son Honneur le Président suppléant): Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le débat sur cette question sera considéré comme clos.

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


Haut de page