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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 125

Le jeudi 25 mars 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 25 mars 1999

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Projet de loi de 1999 sur les services gouvernementaux

L'étude en comité plénier

L'ordre du jour appelle:

Le Sénat en comité plénier pour l'étude du projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, conformément à notre entente, je demanderais à Son Honneur de quitter le fauteuil afin que nous nous constituions en comité plénier pour étudier ce projet de loi.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je demanderais, si c'est possible, vu l'endroit où le président siège, que les sénateurs qui sont derrière ou trop loin changent de fauteuils afin qu'ils soient plus près des témoins et puissent être vus par la présidence. Je ne crois pas que le Règlement le permette.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): C'est une procédure acceptable, honorables sénateurs.


Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Peter A. Stollery.

Le président: Honorables sénateurs, le Sénat est maintenant constitué en comité plénier pour étudier le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux.

Certains témoins ont accepté de comparaître devant nous. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à les entendre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je demanderais que l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor, soit invité à prendre part aux délibérations du comité plénier.

(Conformément à l'article 21 du Règlement du Sénat, l'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor, et ses collaborateurs, M. Pierre Hamel, avocat-général, Secrétariat du Conseil du Trésor, et M. Alain Jolicoeur, dirigeant principal des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor, prennent place dans la salle du Sénat.)

(0910)

Le président: Honorables sénateurs, je pense que je devrais présenter les témoins au Sénat. M. Pierre Hamel, avocat-général, Secrétariat du Conseil du Trésor, et M. Alain Jolicoeur, dirigeant principal des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'aimerais rappeler qu'il est inutile pour le président, les témoins ou les sénateurs de se lever en comité plénier. Ils peuvent rester à leur place pour prendre la parole.

Le président: Merci, sénateur Kinsella, pour cet important rappel.

Monsieur le ministre, voudriez-vous commencer?

[Français]

L'honorable Marcel Massé, président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'infrastructure: Honorables sénateurs, vous savez tous maintenant que le gouvernement a pu conclure une entente de principe avec l'Alliance de la fonction publique du Canada, mardi en fin de soirée. Une entente de principe constitue une étape importante du processus de négociation, mais il faut que l'entente soit ratifiée. D'ici à ce qu'elle soit ratifiée par les membres du syndicat, le gouvernement ne peut attendre les résultats de ce vote pour agir. Il y a toujours urgence d'agir en fonction des intérêts des contribuables tout en respectant ceux de nos employés. Cette entente de principe me paraît équitable et généreuse, mais elle ne garantit pas que les grèves tournantes prendront fin. Nous en avons encore eu la preuve hier. Des incidents inacceptables et malheureux se sont encore produits hier à de trop nombreux endroits au Canada constituant la pire journée de grève tournante en six semaines.

Nous avons une obligation envers les Canadiennes et les Canadiens. Nous devons continuer notre travail si nous voulons assurer les Canadiens du retour à la normale des services assurés par les cols bleus ainsi que du maintien de ceux fournis par les agents correctionnels dans les pénitenciers.

Au cours des derniers mois, nous avons signé de nombreuses ententes collectives avec plus de 87 p. 100 de nos employés. Aujourd'hui, le gouvernement vous demande d'imposer un retour au travail et une convention collective à ses 14 000 cols bleus. Nous vous demandons aussi l'adoption de mesures qui pourraient s'avérer nécessaires pour que les quelque 4 500 agents correctionnels demeurent à leur poste et reprennent la négociation le plus rapidement possible. Pour le gouvernement, il y a urgence d'intervenir à ce moment-ci.

[Traduction]

Les Canadiens et le gouvernement ne peuvent plus accepter que les perturbations dans les aéroports du pays continuent de gêner les voyageurs. Nous ne pouvons pas non plus accepter qu'il soit aussi difficile de percevoir les impôts et la TPS.

Il faut que les honorables sénateurs sachent que, à cause de ces grèves, plus d'un million de contribuables vont subir un retard dans le remboursement de leurs impôts. Les piquets de grève et l'interruption des services ont considérablement perturbé les opérations de la Défense nationale, de la Garde côtière et de Travaux publics.

[Français]

La grève s'attaque aussi à nos exportations de grain et menace un secteur important de l'économie canadienne, notre excellente réputation internationale ainsi que nos relations commerciales internationales. L'impact produit par cette situation sur les fermiers de l'Ouest est très sérieux. Ils ne peuvent plus acheminer leur grain vers les marchés étrangers. Leurs revenus sont détruits au moment où le prix du grain est au plus bas et où ils seront bientôt prêts à semer leurs champs.

La Commission canadienne du blé révélait avoir perdu une vente de 9 millions de dollars et avoir dû laisser tomber plusieurs autres ventes potentielles parce que les livraisons ne pouvaient être assurées. Si le Parlement n'autorise pas le gouvernement à forcer le retour au travail, nous risquons de perdre de nouveaux contrats sur les marchés étrangers. Cela ferait perdre des emplois en plus d'entacher la réputation internationale du Canada dans un monde où la prospérité passe par le commerce extérieur.

[Traduction]

Monsieur le président, la tension accrue aux piquets de grève a donné lieu à des actes de vandalisme et à de regrettables incidents. On a dû demander à la police d'intervenir et le gouvernement a dû recourir à des injonctions pour faire appliquer la loi au nom de tous les Canadiens.

[Français]

Les impasses dans les négociations, les demandes salariales, les arrêts de travail et les grèves tournantes, les interruptions de service, le danger à la sécurité publique, voilà autant d'éléments qui poussent aujourd'hui le gouvernement à vous demander de lui donner les moyens d'agir rapidement.

[Traduction]

Dans l'intérêt public, le gouvernement doit exercer ses responsabilités tout en tenant compte des principes à la base de bonnes relations de travail et de la bonne gestion des affaires du pays. C'est un équilibre délicat entre le processus de négociation auquel nous croyons et la nécessité de veiller à l'intérêt public.

Il incombe au gouvernement et au syndicat de ne pas abuser des rapports de pouvoirs inhabituels qui sont les leurs dans le cadre de la négociation des conditions de travail dans la fonction publique.

[Français]

Le différend entre l'employeur et le groupe des agents correctionnels est d'une nature différente et constitue un danger particulièrement préoccupant pour la sécurité publique.

[Traduction]

Nous voulons assurer la sécurité du public, mais nous désirons aussi faire en sorte que ces employés reçoivent les mêmes avantages que ceux qui ont déjà signé une convention collective.

[Français]

Le projet de loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux mettra immédiatement un terme aux grèves tournantes des sept groupes d'employés cols bleus. Il assurera les Canadiens qu'en cas de rejet de l'entente de principe, ces employés de l'État auront quand même une nouvelle convention collective. Il permettra finalement aussi au gouvernement, compte tenu de la nature même du travail des 4 500 agents correctionnels, de pouvoir leur imposer une convention collective si cela s'avérait nécessaire.

Le gouvernement, à l'instar de nos concitoyens, ne peut plus tolérer les interruptions de travail et leurs conséquences sur la population et les services que leur offre le gouvernement du Canada. Je vous demande donc de voter en faveur de ce projet de loi pour permettre au gouvernement d'agir le plus rapidement possible dans l'intérêt de tous et de toutes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le ministre, je veux répéter ce que j'ai déjà dit quand des projets de loi semblables nous ont été présentés, à savoir qu'une loi de retour au travail est une mauvaise loi. C'est le signe que le processus de négociation ne fonctionne pas. C'est le cinquième projet de loi de ce type qui nous est présenté depuis 1993. Nous en avons eu également sous les gouvernements précédents. Ces projets de loi semblent être plus la règle que l'exception. Le gouvernement partage sûrement mon point de vue, mais peut-être pas de façon assez convaincue.

Qu'y a-t-il dans le processus de négociation qui provoque ce trop grand nombre de lois de retour au travail? Qu'y a-t-il qui cloche? N'y a-t-il pas moyen de corriger le problème?

(0920)

M. Massé: Monsieur le président, au cours des deux dernières années, 80 p. 100 de nos employés ont accepté des règlements négociés. Nous sommes donc parvenus à nous entendre avec une forte majorité de nos employés, sur le plan des conditions de travail.

Je suis d'accord pour dire que le principe du système en place veut que les conditions de travail fassent l'objet d'une entente entre l'employeur et les employés. Je suis d'accord pour dire que nous devrions avoir aussi peu que possible de lois de retour au travail. Nous ne devrions avoir recours à une loi de retour au travail qu'en cas d'échec du processus de négociation, et cela ne devrait être qu'exceptionnel.

Dans le cas des cols bleus, nous avons une entente de principe. Si cette entente est ratifiée, près de 97 p. 100 de nos employés auront réglé leurs problèmes dans le cadre de conventions collectives.

Nous sommes parvenus à une entente avec les négociateurs au sujet des 4 500 agents de correction. L'entente a été entérinée par le syndicat, qui a recommandé à ses membres de l'approuver. Malheureusement, elle a été refusée par une faible majorité de 57 p. 100 des membres.

Mis à part ces deux groupes qui, comme je le disais, représentent seulement 13 p. 100 de nos employés, le système a raisonnablement bien fonctionné.

Certains se diront que les deux parties se livrent à des petits jeux, autrement dit que le syndicat a intérêt à vérifier si les augmentations de 2,5 p. 100 et de 2 p. 100, qui ont constitué la norme durant ces négociations, devraient être maintenues comme telles. Puisque nous serons en négociation dans six mois, ils décideront peut-être de mettre le système à l'épreuve, en attendant jusqu'à la onzième heure du jour précédant l'adoption d'un projet de loi de retour au travail, avant d'accepter.

J'ignore quelles étaient les intentions des syndicats dans ce processus, mais ils l'ont mis à l'épreuve. Le gouvernement peut confirmer qu'il a l'intention d'appliquer équitablement à tous les groupes l'entente de base qui prévoit des hausses de 2,5 p. 100 et de 2 p. 100 et qui a été signée pour 80 p. 100 de nos employés.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je regrette que vous n'ayez pu me dire que vous-même comme employeur et le ministère du Travail avez cherché à déterminer les lacunes du processus afin de diminuer la nécessité d'un recours à une loi de ce genre, sauf bien sûr si la lacune est attribuable à la nature humaine et dans ce cas les lois n'y peuvent rien.

Nous accordons un droit à quelqu'un puis, lorsque ce droit ne nous convient plus parce que quelqu'un estime que d'autres en ont abusé, on le leur retire. Le droit de grève est un droit fondamental. C'est le seul moyen de pression efficace que les syndicats peuvent utiliser lorsque les autres moyens ne donnent pas de résultat. L'employeur a l'avantage. Il peut tout simplement retirer ce droit lorsqu'il estime que les employés sont allés trop loin. Il y a là un déséquilibre qui pèse trop d'un seul côté.

Vous disiez qu'on a eu recours à des injonctions. Je pense ici aux manutentionnaires du grain de la côte Ouest. Le gouvernement va-t-il demander d'autres injonctions pour faire obstacle aux tactiques visant à nuire au bon déroulement des activités? Jusqu'où êtes-vous allé pour obtenir des injonctions dans ce but?

M. Massé: Un certain nombre d'injonctions ont été obtenues dans le cas des bureaux de Revenu Canada en Colombie-Britannique et cela a permis d'améliorer le service. Les résultats n'ont pas été aussi bons dans les provinces de l'Est, où la loi a été interprétée de façon légèrement différente.

Dans le cas des manutentionnaires céréaliers, nous avons essayé un certain nombre de moyens, y compris les injonctions. Il y a une façon de passer outre à ceux qui pèsent le grain. Cependant, une fois que cela a été fait, les membres de l'Alliance de la fonction publique du Canada ont formé une ligne de piquetage et le refus des travailleurs d'autres syndicats de traverser cette ligne de piquetage a empêché que le travail ne soit effectué. Une injonction n'aurait pas été utile dans ce cas-là. La seule solution consiste à leur ordonner de reprendre le travail et à les empêcher d'établir des lignes de piquetage.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avez-vous essayé d'obtenir des injonctions contre les employés et leurs partisans bloquant l'accès aux aéroports?

M. Massé: Nous n'avons pas eu beaucoup de succès avec les injonctions. Nous avons essayé d'obtenir des injonctions en ce qui concerne certains pénitenciers et nous avons remporté la première manche, mais perdu la seconde. C'est intéressant, car normalement, les travailleurs font pression en refusant d'offrir leurs services. Cependant, lorsque les travailleurs empêchent les passagers d'atteindre un aéroport, je crois qu'ils vont trop loin. C'est lorsque la grève s'étend à des domaines comme celui-là que nous en concluons que les choses sont allées trop loin et qu'il est temps d'adopter une loi de retour au travail.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cependant, s'il est adopté, le projet de loi ne garantira pas que ces tactiques ne se poursuivront pas, car elles vont au-delà des pressions utilisées normalement dans le cadre d'une grève. C'est le problème.

Quelles sont les grandes différences, le cas échéant, entre le règlement imposé dont nous avons les détails et le règlement négocié?

M. Massé: Lorsque nous sommes parvenus à un projet de règlement avec l'AFPC, il était entendu qu'aucune des deux parties ne révélerait publiquement les détails pour que le syndicat ait le temps de parler à ses membres. En fait, j'ai entendu ce matin à la radio que l'AFPC recommandait à ses travailleurs d'accepter l'entente paraphée il y a quelques jours.

On ne connaît pas tous les détails de l'entente, mais je vais répéter ceux que j'ai entendus à la radio et que M. Bean a dévoilés. Il a signalé que plutôt que des augmentations de 2,5 p. 100 et 2 p. 100, on passait à 2,75 p. 100 et 2 p. 100. C'est une augmentation du salaire de base. De plus, les modifications dans les zones avantagent les provinces de l'Atlantique où se trouvent les travailleurs les moins bien rémunérés. Cela les amène au niveau de la sixième province, qui est le Québec, sauf erreur, parmi les dix régions.

Le sénateur Lynch-Staunton: On nous demande d'évaluer l'importance d'une entente de principe, mais nous n'avons rien en main pour nous permettre d'en discuter. Si l'on se fie à ce que vous venez de nous dire, il semble que l'entente de principe soit plus alléchante que celle qui serait imposée. Est-ce juste?

M. Massé: Oui. Selon nos calculs, l'entente de principe ajoute environ 1 p. 100 au montant qui aurait été imposé par la loi. Ce n'est pas un montant énorme, mais pour ce qui est de la négociation, c'est une entente assez généreuse. Nous l'avons fait parce que c'était à l'avantage des gens qui gagnent le moins d'argent dans ce cas-ci. Cela compense à notre avis l'augmentation des coûts que cela entraîne pour le gouvernement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il serait donc juste de dire que, si j'étais un membre du syndicat, j'aurais avantage à appuyer l'entente de principe plutôt que de me voir imposer une entente moins généreuse. Est-ce exact?

M. Massé: Oui, c'est exact.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si c'est le cas, pourquoi donc doit-on adopter cette loi à toute vitesse? Pourquoi alors ne pas suivre le processus normal et attendre la ratification de l'entente de principe, ratification qui devrait être assurée puisque cette entente est plus généreuse? Il semble que le vote doive avoir lieu la semaine prochaine, est-ce exact?

M. Massé: Le vote aura probablement lieu la semaine prochaine. Toutefois, nous ne sommes pas certains que l'entente sera ratifiée. Cela ne se fera pas tout de suite. Entre-temps, les grèves tournantes continuent. Comme je l'ai dit hier, elles ont atteint leur paroxysme au cours des 10 dernières semaines. Elles continuent à créer des problèmes pour l'économie. Le syndicat a indiqué que la ratification aurait lieu dans une semaine. Toutefois, normalement, les syndiqués ont une période de deux à six semaines pour ratifier une entente. Par ailleurs, nous ne sommes pas assurés qu'elle sera ratifiée et nous ne pouvons permettre que la crise se prolonge.

(0930)

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai une dernière question, de nature générale, à laquelle vous n'allez pas répondre. Je ne vois pas comment des grèves tournantes, si elles sont bien faites, puissent justifier une loi d'urgence. Je comprends que des manoeuvres perturbatrices, qui sont une extension des grèves tournantes, puissent malheureusement conduire à la situation que nous connaissons aujourd'hui.

N'accorde-t-on pas le droit de grève trop généreusement? Les mesures législatives du genre de celle dont nous sommes saisis aujourd'hui sont toujours le résultat d'un recours excessif au droit de grève. La disposition fondamentale au coeur de ce projet de loi supprime le droit de grève, forçant les travailleurs à reprendre le travail sous peine de sanctions.

M. Massé: Comme vous l'avez dit, je me contenterai de commenter vos propos. Le droit de grève est un élément essentiel de la négociation collective. Dans la vaste majorité des cas, nous parvenons à régler les litiges par la négociation collective. Le droit de vote n'est clairement pas absolu. Quand il est sur-utilisé et qu'il conduit à des abus et à des excès, comme c'est malheureusement le cas dans la situation actuelle, il doit être restreint dans l'intérêt de tous. Nous pensons que c'est ce qui s'est produit dans le cas présent. Songeons, entre autres, aux perturbations à l'aéroport Dorval et au transport du grain.

Je ne pense pas qu'il faille supprimer le droit de grève dans le cas présent. Toutefois, si les syndiqués en abusent, le gouvernement a le devoir de mettre fin aux abus et de prendre des mesures de façon à minimiser, restreindre ou empêcher le mauvais usage du droit de grève.

Le sénateur Murray: Comme l'a fait remarquer le sénateur Lynch-Staunton, il n'y a probablement pas un seul Parlement qui n'ait pas eu au moins une fois, généralement plusieurs, à intervenir dans des situations similaire à celle-ci. Nous sommes appelés à mettre fin à une grève, à empêcher une grève ou un lock-out dans le secteur sous contrôle fédéral quand le gouvernement juge que l'intérêt national est en jeu ou qu'il y serait porté atteinte par la prolongation ou la prise de moyens de pression d'une sorte ou d'une autre.

Nous devrions tous être aux aguets pour voir si les projets de loi qui nous sont renvoyés innovent le moindrement. Nous avons l'habitude des projets de loi qui prescrivent l'arbitrage d'un conflit de travail. Nous en avons eus.

Il arrive moins souvent qu'on demande au Parlement d'imposer un règlement aux parties en cause, mais c'est arrivé.

Cette fois, on nous demande de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir d'imposer, dans les faits, des conditions de travail. On tourne le fer dans la plaie en disant que le gouverneur en conseil agirait sur la recommandation du Conseil du Trésor, c'est-à-dire de l'employeur.

Je n'ai aucun souvenir de dispositions de ce genre. Je vous invite, monsieur le ministre, à citer des précédents au paragraphe 7(1) de ce projet de loi.

M. Massé: Il n'y a aucun précédent. C'est une première. Je le dis parce que cette mesure a été déposée à l'intention du groupe des CX, celui dont font partie les agents de correction. Ces fonctionnaires ont été déclarés comme fournissant des services essentiels. Il fallait le faire pour éviter le risque d'une émeute dans une prison, ce qui aurait compromis la sécurité des détenus ou de la population en général. On ne peut tolérer que des gardiens de prison fassent la grève et laissent les détenus sans surveillance.

On a donc convenu de déclarer que tous les fonctionnaires des Services correctionnels fournissent des services essentiels. Mais, à cause d'une échappatoire dans l'application de la loi, de 500 à 600 de ces gardiens de prison n'ont pas été désignés. Il pourrait donc y avoir une grève.

Dans ce cas-ci, nous ne supprimons pas le droit de grève. En théorie, l'objectif consistait à déclarer qu'ils fournissaient tous des services essentiels. Ce groupe n'a pas le droit de grève.

Alors, dans ce cas-ci, nous empêchons l'exercice d'un droit de grève. En fait, nous empêchons l'exercice d'un droit de grève qui n'existerait pas, en un sens, s'il n'y avait pas cette échappatoire dans la loi.

Le sénateur Murray: Ce n'est pas de cela que je parlais, monsieur le ministre. Mon argument, c'est que, au lieu de recourir à l'arbitrage pour imposer un règlement, ou au lieu de venir exposer les détails du règlement au Parlement en nous demandant de les approuver, vous conférez au gouverneur en conseil le pouvoir d'imposer un règlement aux syndicats et, comme je l'ai dit, vous tournez le fer dans la plaie en disant que le gouverneur en conseil ferait cela sur la recommandation du Conseil du Trésor. Voilà le précédent. J'espère qu'on examinera les circonstances particulières à ce groupe ainsi que l'échappatoire invoquée avant que nous en ayons terminé. J'ai l'impression qu'elles n'ont aucun rapport avec ce que je dis. Je crois que l'on crée un mauvais précédent.

M. Massé: À ce sujet, les conditions que nous aurions prévues dans la convention collective des cols bleus étaient celles que la commission de conciliation avaient retenues dans son rapport. Elles étaient compatibles avec une longue liste de conventions. Comme vous le savez, ces conventions prévoient des centaines de conditions qui ont toutes été négociées, et dont beaucoup ont été acceptées.

Quant aux conditions qui n'avaient pas été acceptées, la commission de conciliation nous avait fait une recommandation. Elles n'étaient pas facultatives dans le cas des cols bleus.

Comme nous avons un accord de principe, il est donc fort possible que les conditions imposées seront celles dont l'employeur et les employés conviendront.

Quant aux CX, nous aurions imposé et pourrions devoir imposer dans la loi les conditions énoncées dans la première convention signée par l'employeur et leurs représentants. Vous vous souviendrez que dans le cas des CX, nous avions conclu une entente. Et cette entente n'avait pas seulement été acceptée par les négociateurs du groupe CX, elle avait aussi été appuyée par l'AFPC et soumise à un vote de ratification. Elle n'avait cependant pas été adoptée.

Ainsi, je répète qu'en l'occurrence, l'entente qui serait imposée n'aurait pas été voulue par le Conseil du Trésor, mais c'est seulement parce que l'entente de principe n'aurait pas été ratifiée.

Le sénateur Murray: Bien sûr, je vous crois sur parole, monsieur le ministre. Mais le projet de loi ne dit rien de tout cela, et je me préoccupe beaucoup du précédent que nous créons ici. Je m'interroge à ce sujet et me demande si, la prochaine fois qu'une telle situation se présentera, un article semblable, voire identique, traitera de circonstances très différentes et qu'on citera le précédent créé en 1999 et le projet de loi C-76.

(0940)

Un dernier point avant de conclure. Vous avez déclaré avoir accepté les rapports de la commission de conciliation dans ce conflit. Est-ce exact?

M. Massé: Nous avons accepté le rapport concernant les cols bleus, mais il sera remplacé si la convention paraphée est ratifiée, et cette dernière est plus généreuse que celle dont il est question dans le rapport de la commission de conciliation.

Dans le cas des CX, nous n'avons pas accepté le rapport de la commission de conciliation.

Le sénateur Murray: Je suis sûr que vous pouvez citer également un précédent dans ce cas, où le gouvernement a rejeté le rapport de la commission de conciliation.

M. Massé: Les exemples sont nombreux. Le rejet par le syndicat lui-même du rapport de la commission de conciliation au sujet des cols bleus est l'inverse de notre rejet du rapport de la commission de conciliation au sujet des CX.

Le sénateur Kinsella: Le sénateur Murray a fait mention de l'article 7, qui porte sur les employés des services divers. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que, si ce projet de loi est adopté, le pouvoir énorme et sans précédent qui sera attribué au Conseil du Trésor pour qu'il rédige en fait la convention collective et la transmette au gouverneur en conseil, fait planer une grave menace sur le processus de négociation collective. Il n'y a aucune intervention d'une tierce partie.

Comme le sénateur Murray l'a souligné, dans des projets de loi semblables présentés précédemment, soit que l'on recourait à l'arbitrage obligatoire, soit que le Parlement agissait comme tierce partie en définissant les modalités de la nouvelle convention.

Pour ce qui est d'abord de l'article 7, puisqu'il traite d'une situation différente, pourriez-vous réitérer votre position au sujet des employés des services divers et commenter le fait que le Conseil du Trésor reçoive ce pouvoir de définir unilatéralement les modalités de leur convention?

M. Massé: Monsieur le sénateur, on me dit qu'il existe peut-être un précédent dans les provinces où l'on a suivi exactement cette procédure. Dans notre cas, l'arbitrage est effectivement le processus habituellement suivi. Nous avons cependant suspendu en 1996, par voie législative, le recours à l'arbitrage parce que nous voulions nous assurer que les conventions que nous avions avec nos employés ne viennent pas détraquer la nouvelle discipline budgétaire que nous imposions dans l'ensemble de l'administration fédérale. Vous vous rappelez sans doute que nous avions bloqué les salaires des employés durant plusieurs années, et nous ne pouvions pas laisser des décisions arbitrales contredire cette loi, qui s'appliquait à tout le monde.

Dans le cas présent, j'ai exposé aux Communes - et je le répète ici - quelles sont les conditions de travail que le gouvernement imposera, de sorte qu'il ne nous soit pas possible de repartir à zéro et de rédiger une convention entièrement nouvelle à notre guise.

Je ferai cependant remarquer que non seulement nous restons en contact avec les syndicats, mais nous continuons à employer ces travailleurs à long terme, de sorte que la possibilité que nous abusions du droit de mettre en place une convention collective qui serait préjudiciable aux travailleurs ou aux syndicats demeure faible. Nous sommes constamment en négociation avec nos partenaires, les représentants des employés. Nous avons en effet déjà entamé le processus de renégociation des conventions collectives qui expireront à la fin de mai ou au début de juin. Vous avez raison en théorie de dire que cette disposition donne au gouvernement un pouvoir discrétionnaire, mais comme nous participons à ce processus continu, la mesure à l'étude ne se prêtera vraisemblablement pas à un abus de pouvoir.

Le sénateur Kinsella: Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il est maintenant confirmé officiellement qu'il s'agit d'un changement très sérieux et fondamental aux relations de travail dans la fonction publique, et il me semble qu'il existe des circonstances atténuantes en l'occurrence, à savoir la convention à laquelle vous avez fait allusion plus tôt concernant le groupe des manoeuvres.

Je passe maintenant à l'article 20 de la partie 2, concernant les agents de correction. C'est de cela que vous avez surtout parlé dans votre réponse au sénateur Murray.

Songez un instant, monsieur le ministre et honorables sénateurs, à ce second groupe d'employés de la fonction publique, c'est-à-dire les agents des services correctionnels. Ceux-ci sont visés par une partie distincte du projet de loi. Ma première question a trait au principe. Pourquoi avez-vous jugé nécessaire d'avoir deux parties distinctes dans cette loi de retour au travail, une qui s'applique aux employés des services de l'exploitation et l'autre qui vise les agents des services correctionnels, au lieu d'avoir une mesure générale qui s'applique aux deux groupes?

M. Massé: Pour une raison d'ordre technique. Les cols bleus ont le droit de se mettre en grève depuis le 16 décembre et ils se sont effectivement prévalus de ce droit. Par conséquent, il était nécessaire, dans leur cas, d'adopter une loi de retour au travail et de mettre immédiatement fin aux effets des grèves.

Dans le cas des agents de correction, nous savions qu'ils auraient le droit d'aller en grève à compter de demain, vendredi. Nous avons continué à négocier avec ces groupes parce que nous pensons qu'il existe encore une possibilité de règlement, non pas en leur accordant ce qu'ils demandent, mais parce que nous sommes déjà venus très près d'en arriver à une entente avec eux. Toutefois, nous savions que nous ne pouvions les laisser aller en grève, pas même pour une journée, parce qu'ils assurent un service essentiel. Par ailleurs, ils ne pouvaient pas encore légalement faire la grève et nous tenons toujours compte du fait qu'une entente pourrait être conclue. Par conséquent, nous avons inclus une disposition portant que nous pourrions appliquer la loi à leur endroit en ayant recours à un décret du conseil. Si quelque chose survient, nous devons pouvoir réagir immédiatement afin d'empêcher ces employés de débrayer.

Le sénateur Lynch-Staunton: Lorsque vous parlez de la possibilité que les agents de correction débraient, faites-vous allusion aux 4 700 ou aux 738 qui n'ont pas été désignés?

M. Massé: Je fais allusion aux 500 à 600 agents qui, en vertu de l'échappatoire qui existe, ont le droit de faire la grève. Il faut se demander ce qui se passerait si ces agents débrayaient. Ceux-ci jouiraient-ils de l'appui de leurs collègues? Les autres agents refuseraient-ils de franchir les lignes de piquetage? Nous ne le savons pas et c'est pourquoi nous devons être en mesure de les empêcher d'aller en grève.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si une personne est désignée comme assurant un service essentiel, elle doit se présenter au travail, qu'il y ait ou non des lignes de piquetage. Oui ou non?

M. Massé: En principe, oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi supposez-vous que si ces quelque 600 ou 700 agents allaient en grève, les autres 4 500 ne se présenteraient pas au travail?

M. Massé: Premièrement, même si seulement les 500 ou 600 en question allaient en grève, cela poserait des problèmes énormes. Nous ne pouvons laisser ces employés se mettre en grève. Ils sont tous désignés comme employés essentiels, parce qu'ils sont tous nécessaires.

(0950)

Le sénateur Kinsella: Soyons très précis à ce sujet.

Tout d'abord, combien y a-t-il d'agents de correction au Service correctionnel du Canada?

M. Massé: Il y en a 4 500.

Le sénateur Kinsella: Sur ces 4 500 agents, combien sont déjà désignés comme essentiels?

M. Massé: Tous le sont, sauf 500 ou 600.

Le sénateur Kinsella: Cela fait donc 4 000 agents de correction qui sont désignés comme essentiels. Autrement dit, ils ne peuvent pas quitter le travail, faire la grève, et cetera. Dans quel document sont-ils ainsi désignés? Quel document définit ce qui est essentiel?

Le président: Pendant que le ministre consulte ses collaborateurs, je vous signale, sénateur Kinsella, qu'il vous reste environ dix minutes. N'oubliez pas que le sénateur Lawson a aussi une question à poser.

Le sénateur Kinsella: Pourquoi cette limite de temps?

Le sénateur Stollery: Je crois que le ministre doit nous quitter à 10 heures.

Le sénateur Kinsella: Le ministre est chargé de ce projet de loi que nous commençons tout juste à étudier. Que voulez-vous dire, le ministre doit nous quitter?

Le sénateur Carstairs: Le sénateur Kinsella a été mis au courant de cette contrainte et il l'a acceptée hier.

Le sénateur Kinsella: Nous avons accepté que les fonctionnaires restent.

Le sénateur Carstairs: C'est juste, et les fonctionnaires resteront.

Le sénateur Lynch-Staunton: Certains d'entre nous ne sont pas au courant de l'entente. Le ministre doit nous quitter à 10 heures, et nous l'acceptons. Les fonctionnaires pourront continuer à répondre sur les faits et donner de l'information, mais ils ne pourront pas répondre de la politique. Combien de temps peuvent-ils rester? Nous ne voulons pas les retenir trop longtemps non plus. Ils ont d'autres responsabilités.

Le sénateur Carstairs: Ils resteront raisonnablement longtemps.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si cela leur convient, cela est satisfaisant pour nous.

M. Massé: Tous les 4 500 employés sont, en principe, désignés. À l'heure actuelle, 4 000 sont désignés comme «services essentiels». On doit leur adresser une lettre dans un certain délai, entre autres choses. À l'heure actuelle, ces 500 employés ne sont pas désignés. Ces dernières semaines, même certains gardiens de prison qui étaient désignés comme services essentiels ont trouvé qu'il était trop difficile de franchir les lignes de piquetage. Quand des lignes de piquetage ont été dressées par les cols bleus, un certain nombre de gardiens de prison se sont joints à eux. Cela a entraîné des retards considérables, par exemple pour les gardiens de prison qui étaient à l'intérieur de la prison et qui devaient être relevés.

Autrement dit, nous avons déjà éprouvé des difficultés à cause de cela et le syndicat représentant les CX a déclaré que dès qu'ils auraient le droit de grève, ils l'utiliseraient.

Le sénateur Kinsella: Je reviendrai sur cette question avec les intéressés plus tard. Je voudrais maintenant poser au ministre une question sur la politique.

Le président: D'abord, je voudrais permettre au sénateur Lawson de poser quelques questions.

Le sénateur Lawson: Pour donner suite à ce qui a déjà été dit, au lieu de ce projet de loi rétrograde, pourquoi n'a-t-on pas présenté un projet de loi désignant les six cents qui restent comme services essentiels?

M. Massé: Si l'on tentait de faire adopter un tel projet de loi maintenant, ce serait trop tard. Ils auront le droit de grève vendredi.

Le sénateur Lawson: Quand avez-vous découvert qu'ils n'étaient pas désignés comme essentiels?

M. Massé: Les problèmes avec les désignations existent toujours. Il y a quelques semaines, nous avons conclu un accord sur deux établissements comptant 300 employés. À ce moment-là, il était tellement clair que nous serions forcés d'imposer une loi de retour au travail tout de suite que le syndicat a accepté d'exempter ces 300 gardiens immédiatement. Toutefois, il n'a pas accepté d'exempter les 500 ou 600 autres. Même si nous avons continué de légiférer, il est devenu clair que, pour ces employés, ce n'est pas la loi qu'il faut changer. En fait, nous devons empêcher ceux qui disposent du droit de grève de la faire maintenant. Nous avons donc dû utiliser la loi de retour au travail pour ces 500 ou 600.

Le sénateur Lawson: Vous dramatisez tous les incidents, qu'il s'agisse des grèves tournantes ou du reste. Les négociations sont divisées en deux parties: avant le règlement et après le règlement. Combien de grèves y a-t-il aujourd'hui, après que vous ayez accepté une entente? Y en a-t-il une seule?

M. Massé: Hier a été la pire journée des grèves tournantes.

Le sénateur Lawson: Quand l'entente provisoire est-elle intervenue?

M. Massé: L'entente a été conclue avant-hier. Le lendemain du jour où cette entente est intervenue a été la pire journée des 10 semaines de grèves tournantes.

On vient de me dire que des piquets de grève ont été dressés aujourd'hui devant tous les établissements pénitentiaires au Québec. En d'autres mots, nous n'avons pas d'entente. Le syndicat a refusé de prendre l'engagement qu'il n'y aurait plus de grèves tournantes après l'entente et il y a eu des grèves.

Le sénateur Lawson: Il y a eu des négociations, mais vous n'avez pas réussi à obtenir du syndicat l'engagement de recommander un règlement? Ai-je bien compris?

M. Massé: Non. Nous avons demandé cela, mais le syndicat a refusé de mettre fin aux grèves jusqu'au moment de la ratification.

Le sénateur Lawson: Avez-vous pensé que c'était une réaction normale de la part du syndicat compte tenu de la loi qui leur pend au-dessus de la tête et qui leur impose un règlement de toute manière?

Monsieur le ministre, au cours de 40 ans de carrière, j'ai négocié beaucoup de contrats de travail. Nous n'avons jamais quitté une table de négociation sans nous engager à recommander un règlement. Nous sommes presque toujours parvenus à un règlement. De votre côté, vous vous présentez devant le syndicat pour négocier, mais vous lui dites: «Nous allons négocier de bonne foi afin de parvenir à un règlement, mais nous avons en poche la loi la plus dure jamais vue. Cela ne s'est jamais fait auparavant, mais nous allons vous tenir à la gorge juste pour nous assurer que vous allez voter comme il faut voter».

Si j'avais participé à ces négociations, je vous aurais envoyé promener et je vous aurais dit: «Comment osez-vous contester l'intégrité de notre organisation et refuser de négocier de bonne foi?» Ce à quoi il vous faut penser, monsieur le ministre, ce n'est pas à ce règlement. Vous parlez des futures négociations dans tous les ministères du gouvernement. Ayant été longtemps négociateur, je peux vous dire que, en affirmant que c'est ainsi que vous entendez régler la situation actuelle, vous êtes en train de réduire à néant tout espoir d'avoir un jour des négociations de bonne foi.

C'est une chose quand il n'y a pas de règlement. Toutefois, une entente étant intervenue au sujet du règlement, comment osez-vous priver les travailleurs de leur droit reconnu par la loi de faire la grève, alors que vous n'avez pas besoin de cette mesure législative? Comment osez-vous agir de la sorte et utiliser cette mesure législative? S'il est un cas où celle-ci ne s'impose pas, c'est bien celui-ci.

Vous avez appris ce matin que le syndicat va recommander à ses membres d'accepter l'entente. Vous mettez en péril tout le processus de négociation avec le gouvernement dans l'avenir en adoptant ce genre de tactique qui consiste à leur imposer un règlement simplement pour avoir la satisfaction de savoir que vous pouvez leur forcer la main en cas de non-ratification de celle-ci. Je crois que vous commettez une grave erreur et je pense que vous n'avez pas de motif valable pour présenter cette mesure législative à ce stade-ci. Au mieux, mettez le projet de loi en suspens jusqu'à ce qu'intervienne un règlement. Attendez et voyez si le syndicat réagit de bonne foi, conclut un règlement et le met aux voix en vue de le faire ratifier, puis discutez ensuite de ce que vous entendez faire. Le syndicat a laissé tomber la période habituelle de six à huit semaines réservée au règlement et à la ratification et a déclaré qu'il accomplirait la tâche en une semaine. Si ce n'est pas là un geste de bonne foi, je me demande ce qu'il faudra pour vous convaincre.

Mettez le projet de loi en suspens. Ne le présentez pas au Sénat. Dans certaines circonstances, je l'appuierais. Toutefois, je ne peux l'appuyer lorsqu'un règlement a été négocié entre les parties.

M. Massé: Monsieur le président, il y a au moins 20 questions. Le syndicat pense manifestement comme nous. J'en veux pour preuve le fait que cela ne l'a pas empêché de négocier avec nous. Nous avons un accord qui a été paraphé il y a deux jours. Le syndicat connaissait la réaction de ses membres. C'est pourquoi, lorsque nous lui avons demandé si les grèves étaient ou pouvaient être interrompues, il a répondu «non». Il a été honnête. Les événements d'hier lui ont donné raison.

Dans le cas des CX, un accord est intervenu avec le négociateur. Son acceptation a été recommandée par le syndicat, mais il n'a pas encore été ratifié. Le syndicat sait exactement ce qui peut se produire, c'est-à-dire qu'il se peut qu'il ne soit pas ratifié. Il nous faut une loi de retour au travail parce que, premièrement, il y a une période de transition entre le moment où l'accord est paraphé et celui où il est ratifié. Deuxièmement, personne, pas même le syndicat, ne peut donner l'assurance qu'il sera ratifié. Ainsi, l'un des deux syndicats visés par le projet de loi ne l'a pas ratifié.

(1000)

La situation est claire. Nous ne rêvons pas en couleurs. Nous connaissons les faits, et le syndicat aussi. Nous savons que nous devons mettre fin à ces grèves dès maintenant. Autrement, il n'y a absolument aucun moyen d'être certains que le public sera protégé.

Le sénateur Lawson: La réponse simple est de nous dire carrément: «En tant que gouvernement, nous ne sommes pas en faveur de la négociation collective parce qu'elle comporte des risques, et nous voulons être certains que nous ne serons pas exposés à ce genre de risques à l'avenir.» Privez tous les travailleurs de leur droit à la négociation collective. Ayez au moins l'honnêteté de le dire franchement. Vous voulez vous assurer qu'il n'y aura pas d'incidents. C'est ce que vous êtes en train de faire, petit à petit.

Nous ne vivons pas dans un monde parfait, et cela fait partie du prix de la libre négociation des conventions collectives.

Le président: Honorables sénateurs, il est 10 heures, et on m'informe que le ministre doit nous quitter.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le ministre, puis-je poser une dernière question afin d'être certain que je vous ai bien compris?

Avez-vous dit que l'équipe de négociation des agents de correction avait accepté une entente, mais que celle-ci avait été rejetée lors du vote? Est-ce exact?

M. Massé: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puis on a eu recours à la conciliation, et vous avez rejeté le rapport de conciliation.

M. Massé: C'est exact.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si ce projet de loi est adopté, avez-vous l'intention d'imposer aux agents de correction l'entente conclue au départ entre les deux équipes de négociation?

M. Massé: Si nous ne pouvons pas l'améliorer par la négociation. La réponse à votre question est oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Alors pourquoi ne pas le préciser dans la loi pour que les agents de correction sachent exactement à quoi s'attendre, comme les autres travailleurs visés?

M. Massé: Nous le leur avons dit. Nous l'avons dit publiquement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il n'en est pas fait mention dans le projet de loi. D'après le projet de loi, vous pouvez faire tout ce que vous voulez.

M. Massé: Nous ne voulons pas en faire mention dans le projet de loi au cas où les contrats actuels feraient l'objet de nouvelles négociations.

Le sénateur Lynch-Staunton: On pourrait préciser que l'entente conclue à l'origine pourrait servir de fondement. Au moins, les personnes visées sauraient ce qu'elles peuvent obtenir, alors que le projet de loi actuel prévoit que le Conseil du Trésor et le gouvernement peuvent faire tout ce qu'ils veulent. On nous donne des assurances, mais celles-ci sont loin d'être prévues dans la loi. Je pense qu'il devrait y avoir quelques garanties.

M. Massé: À mon avis, le fait que nous ayons publiquement et clairement donné des indications en ce sens pendant le débat montre bien que c'est ce que nous avons l'intention de faire. Nous avons pensé, en l'occurrence, que nous devions nous laisser une certaine marge de manoeuvre.

Le président: Honorables sénateurs, je sais que le ministre doit partir. En votre nom, je le remercie d'être venu nous rencontrer ce matin. Nous avons d'autres témoins à entendre.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, j'ai quelques questions à poser aux collaborateurs du ministre.

Pour en revenir au mécanisme qui permet de désigner, dans la fonction publique, des employés assurant des services essentiels, pourriez-vous expliquer aux honorables sénateurs les dispositions qui sont prévues à cette fin dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et dans d'autres instruments? En particulier, comment cela s'applique-t-il aux agents des services correctionnels visés?

M. Alain Jolicoeur, dirigeant principal des ressources humaines, Direction des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Lorsqu'on décide qu'un employé doit être désigné parce qu'il est essentiel au fonctionnement du service, il faut l'en aviser au moyen d'une lettre officielle. C'est, en gros, la marche à suivre.

Le sénateur Kinsella: D'où vient le pouvoir de faire pareille désignation?

M. Jolicoeur: Il découle de la loi. S'il y a discussion ou mésentente, c'est la Commission des relations de travail dans la fonction publique qui tranche.

Le sénateur Kinsella: Publie-t-on une liste des employés désignés?

M. Jolicoeur: Je ne sais pas si elle a été publiée. Je sais que les deux camps ont une liste et que les employés doivent être informés au moyen d'une lettre officielle. Je ne suis pas sûr qu'elle a été publiée. Je ne le crois pas.

Le sénateur Kinsella: L'agent négociateur saura qui a été désigné comme essentiel, et l'employeur sait qui a été désigné comme essentiel.

M. Jolicoeur: C'est exact.

Le sénateur Kinsella: Si, au moment de la désignation, il survient un différend entre le Service correctionnel du Canada et le Conseil du Trésor, d'un côté, et l'agent négociateur, de l'autre, la question litigieuse sera soumise à l'arbitrage, n'est-ce pas?

M. Jolicoeur: Elle sera soumise à la CRTFP, qui rendra une décision. Elle sera d'abord renvoyée à un comité d'examen des désignations, puis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Le sénateur Kinsella: Avons-nous raison de croire qu'une tierce partie intervient dans la désignation d'un service essentiel?

M. Jolicoeur: Oui.

Le sénateur Kinsella: Parmi les agents de correction, combien ont été désignés essentiels et combien ne l'ont pas été?

M. Jolicoeur: Même si tous les employés ont été désignés, ils n'ont pas reçu leur lettre de désignation à temps, car il faut livrer ces lettres dans un certain délai. D'autres problèmes se posent, je crois, du fait que d'autres emplois sont créés. Des gens passent d'un emploi à l'autre et il faut s'assurer que tous ces nouveaux emplois sont correctement désignés et que tous les employés reçoivent leur lettre à temps. Ce travail d'administration a posé des problèmes et toutes ces choses n'ont pas été effectuées à temps.

Le sénateur Kinsella: Quand le processus a-t-il été enclenché? De quelle nature est le processus administratif dont vous parlez?

M. Jolicoeur: Il s'agit de bien s'assurer que tous les nouveaux emplois sont acceptés tels que désignés et de livrer à temps les lettres aux employés.

Le sénateur Kinsella: Quand dites-vous que le processus de désignation a commencé? Il y a deux ans, trois ans, ou la semaine dernière? Quand, à peu près?

M. Jolicoeur: On me dit que le processus a été amorcé au début de 1997.

Le sénateur Kinsella: Donc, il y a environ deux ans.

Du point de vue de l'employeur et particulièrement des représentants du Service correctionnel du Canada, combien faut-il d'agents de correction pour faire fonctionner un service de correction sécuritaire et bien géré?

M. Jolicoeur: Je ne sais pas. Je ne gère pas le Service correctionnel du Canada, mais je crois comprendre que tous ses postes étaient censés être désignés. C'est ce qui avait été accepté, si je ne m'abuse, par l'autre partie.

Le sénateur Kinsella: Participiez-vous aux négociations à la table 4?

M. Jolicoeur: Pardon?

Le sénateur Kinsella: Les négociations avec les agents de correction se déroulaient à la table 4, n'est-ce pas?

M. Jolicoeur: Oui.

Le sénateur Kinsella: Participiez-vous à ces négociations?

M. Jolicoeur: Je n'étais pas assis à la table, mais j'ai certainement participé au processus de négociation.

Le sénateur Kinsella: Pouvez-vous dire aux honorables sénateurs en quoi consistaient les dernières propositions que le gouvernement ou l'employeur a faites à ce groupe d'employés avant que les négociations à la table 4 ne soient rompues?

M. Jolicoeur: Dans le cadre du processus de négociation, nous en étions arrivés effectivement à un accord avec l'autre partie à la table, accord qui prévoyait un contrat de deux ans avec des augmentations de salaire de 2,5 p. 100 la première année et de 2 p. 100 la deuxième année et l'ajout d'un niveau supplémentaire à chacune des échelles de salaire.

Le sénateur Kinsella: Quelle a été la recommandation de la commission de conciliation?

(1010)

M. Jolicoeur: La décision à l'étape de la conciliation se résume essentiellement à l'accord provisoire conclu, plus quatre éléments. Sauf erreur, les quatre éléments comprennent, premièrement, une entente de formation; deuxièmement, une étude de comparabilité des salaires des agents de correction et des agents de la GRC; troisièmement, la création d'un échelon supplémentaire au sommet de chaque échelle de rémunération et, quatrièmement, l'abolition de l'échelon inférieur.

Le sénateur Kinsella: Quelle est la différence entre l'offre déposée sur la table et la recommandation de la majorité des membres de la commission de conciliation?

M. Jolicoeur: En ce qui concerne la feuille de paye, l'entente conclue à la fin de la période de deux ans représentait une augmentation générale de 7 p. 100, alors que l'application du rapport de la commission de conciliation représenterait un coût d'environ 10,5 p. 100 à la fin de la période de deux ans. La comparaison est donc de 7 p. 100 contre 10,5 p. 100.

Le sénateur Kinsella: Cela signifie-t-il un écart de 3 p. 100 sur la feuille de paye?

M. Jolicoeur: Cela représente effectivement un écart de 3 p. 100 sur la feuille de paye.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, les honorables sénateurs avaient besoin de connaître l'écart entre les deux côtés. Les fonctionnaires nous ont été très utiles en nous disant qu'il est d'environ 3 p. 100.

Ma question de principe se rapporte à la question que posait le sénateur Murray. Lorsque l'État utilise ses pouvoirs pour imposer un règlement, cela a pour effet d'empêcher l'exercice d'un droit de négociation collective. Cette pratique est acceptable selon les valeurs canadiennes, mais à condition de n'entraîner qu'une violation minimale du droit en cause.

Si l'écart entre les deux parties n'est que de 3 p. 100, comme on nous l'a dit, ne serait-il pas indiqué d'amender le projet de loi de manière à recommander que le rapport majoritaire de la commission de conciliation constitue l'accord? Comment réagiriez-vous à cette proposition?

M. Jolicoeur: J'aimerais apporter un éclaircissement. Quand nous parlons de passer de 7 p. 100 à 10,5 p. 100, cela correspond à une hausse de coût de 50 p. 100 dans le projet de loi. La différence entre 7 p. 100 et 10,5 p. 100 est 3,5 p. 100, soit la moitié de 7 p. 100. En ce qui a trait à l'augmentation de coût réelle, la proposition de la majorité de la commission de conciliation représenterait une hausse de 50 p. 100.

Nous disons essentiellement que d'après le rapport de la commission de conciliation, si on le compare à la convention précédente ou à d'autres conventions signées avec ce groupe, le groupe coûtera 50 p. 100 plus cher au gouvernement. C'est une différence appréciable.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, j'interrogerai le témoin plus tard au sujet des droits nationaux. D'autres sénateurs ont peut-être des questions à poser.

Le sénateur Murray: Monsieur Jolicoeur, j'ai entendu M. Massé dire, à la radio, que si ces 500 employés ne sont pas désignés, c'est à cause d'une échappatoire qu'il y a dans la convention. Si j'ai bien compris votre description de la situation, il ne s'agit pas vraiment d'une échappatoire au sens que l'on donne habituellement à ce terme. Sauf erreur, vous avez dit qu'il y avait eu un genre de confusion administrative. Est-ce vrai?

M. Jolicoeur: La vérité, c'est que les lettres n'ont pas toutes été livrées dans les délais. Il est admis qu'il faudrait que tous ces postes soient désignés - et ce serait possible en vertu de la loi - , mais si toutes les étapes de la procédure ne sont pas parfaitement respectées, ils ne le sont pas tous. Et c'est cela qui s'est produit.

Le sénateur Murray: Vous dites que les lettres n'ont pas toutes été livrées dans les délais. Expliquez-moi ce que cela veut dire, je vous prie. Faut-il expédier une lettre à chaque employé?

M. Jolicoeur: On m'a dit que la CRTFP demande à l'employeur de faire parvenir une lettre à chacun des employés désignés.

Le sénateur Murray: Je suppose qu'il doit aussi écrire à leur unité de négociation.

M. Jolicoeur: Oui, l'employeur a une liste des personnes à aviser.

Le sénateur Murray: Vous avez également dit que quelques nouveaux postes ont été créés et que pour une raison ou une autre, ils n'ont pas été désignés. Est-ce vrai?

M. Jolicoeur: Quand on parle de désignation, la fonction publique est comme une cible mobile. Son organisation et ses structures changent constamment. Il est essentiel de veiller à ce que la procédure stricte prescrite dans la réglementation s'adapte aux changements. Lorsque des changements se produisent, il faut prendre des mesures pour assurer la mise à jour des listes d'employés désignés afin que les lettres réglementaires puissent leur être expédiées.

Le sénateur Murray: Ce sont bien les postes qui sont désignés, et non les personnes qui les occupent, n'est-ce pas?

M. Jolicoeur: C'est exact, les postes sont désignés.

Le sénateur Murray: Donc, quelqu'un a oublié ou ne s'est pas préoccupé de désigner un certain nombre de nouveaux postes qui ont été créés pour remplacer les précédents?

M. Jolicoeur: C'est une partie du problème, en effet.

Le sénateur Murray: Qui sont ces gens, M. Jolicoeur? S'agit-il de ceux qu'on appelait les «gardes», s'agit-il de cuisiniers ou de préposés à l'entretien? Qui sont-ils?

M. Jolicoeur: Vous parlez de la table 4?

Le sénateur Murray: Je parle des 500 dont les postes n'ont pas été désignés.

M. Jolicoeur: Ce sont des gardiens de prison.

Le sénateur Murray: Ce sont tous des gardiens de prison? Comment se fait-il que ces postes aient été changés? Un gardien reste un gardien, non? Vous pouvez maintenant les appeler agents de correction, conseillers ou peu importe, ce n'est tout de même que le titre qui change, pas le poste.

M. Jolicoeur: L'élément fondamental de la fonction publique, c'est le poste. Chaque poste est désigné par un numéro et c'est là-dessus que repose le processus. Le poste A, B, C ou D, ou encore le poste 1, 2, 3 ou 5. Lorsque de nouveaux postes sont créés ou que de nouveaux numéros de poste sont attribués aux postes existants, il faut enclencher un processus pour qu'ils soient désignés.

Le sénateur Murray: Si on a décidé qu'il fallait cinq nouveaux gardiens à, disons, Joyceville, se peut-il que, par omission, leurs postes n'aient pas été désignés?

M. Jolicoeur: C'est une possibilité. Je ne parle pas au nom de l'organisme, et je ne connais pas tous les détails. Mais cela découle peut-être d'une réorganisation ou restructuration ou encore d'une intégration à un autre groupe. C'est peut-être tout un ensemble de mesures administratives qui entraînent la création de nouveaux postes.

Le sénateur Murray: Je n'insisterai pas indûment sur ce point, monsieur le président, mais j'aimerais savoir si tous les postes qui n'ont pas été désignés sont des postes de gardiens?

M. Jolicoeur: C'est ce que j'ai cru comprendre.

Le sénateur Murray: Et ils sont répartis un peu partout au pays et non concentrés dans un quelconque établissement, n'est-ce pas?

M. Jolicoeur: C'est exact. À l'heure actuelle, ils sont répartis un peu partout au pays. Comme le ministre l'a souligné, il y en avait une forte concentration dans deux établissements, mais cela a été réglé avec le syndicat.

Le sénateur Murray: Le Conseil du Trésor est responsable de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Quelles mesures prend-on pour s'assurer que la situation dont nous parlons ne se reproduira pas? Vous nous avez dit qu'il y avait une entente entre le syndicat et l'employeur pour que tous les postes à Service correctionnel Canada soient désignés.

M. Jolicoeur: Oui. Tous les postes de gardien de prison doivent être désignés.

Le sénateur Murray: C'est l'entente qui avait été conclue, mais il semble que, pour une raison quelconque, 500 de ces postes n'aient pas été désignés. Je peux voir les problèmes que cela pourra entraîner.

Qui en est responsable, et qu'avez-vous fait pour vous assurer que cela ne se reproduira pas? Il faudra sûrement modifier vos procédures administratives.

M. Jolicoeur: Nous discutons du processus applicable avec tous les intéressés pour nous assurer que cette situation ne se reproduira pas.

Le président: Honorables sénateurs, les deux fonctionnaires du Conseil du Trésor ne devaient pas être ici en ce moment. Je dis cela uniquement parce que les représentants du syndicat attendent. Nous devrions à mon avis en tenir compte et mettre fin à cette partie de nos travaux le plus rapidement possible. Nous ne voulons pas offusquer les représentants du syndicat à qui on avait dit qu'ils comparaîtraient devant nous ce matin.

Le sénateur Lynch-Staunton: Un délai a-t-il été fixé? Devons-nous nous arrêter à midi? Ne pouvons-nous poursuivre ce processus au cours de l'après-midi, au besoin?

Le sénateur Carstairs: Il n'y a aucune restriction si ce n'est que le sénateur Kinsella a mentionné que nous devrions être en mesure de terminer vers 11 h 15.

Le président: Je ne veux pas dire pour autant que nous soyons soumis à un délai fixe.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si je comprends bien, deux gardiens pourraient travailler côte à côte dans le même établissement pénitencier, avoir les mêmes conditions de travail, toucher le même salaire, et être l'un désigné et l'autre pas? C'est aussi ridicule que cela?

M. Jolicoeur: À ce que je comprends, c'est actuellement le cas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y a combien de temps que cette situation dure?

M. Jolicoeur: Je l'ignore. Les changements administratifs qui se sont produits ces deux dernières années ont eu lieu à des moments différents. Il n'y a pas eu une mesure, mais une série de mesures.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je suppose que cela va continuer encore quelque temps.

[Français]

Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais avoir une appréciation générale de la politique salariale du gouvernement. On parle de hausses salariales de 2,5 p. 100, la première année, et de 2 p. 100 la deuxième année.

M. Jolicoeur: C'est exact, les augmentations salariales, suite aux conventions collectives, sont de 2,5 et de 2 p. 100.

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce coulé dans le béton ou est-ce une base sur laquelle on peut ajouter? N'y a-t-il pas eu des conventions collectives signées où l'on a fait des ajustements de salaires avec des ajouts de plus de 4 p. 100?

M. Jolicoeur: Il y a eu deux différences principales: à certains endroits, on a eu des problèmes de rétention et pour les gens en informatique, on a des augmentations additionnelles. C'est là où il y a eu la plus grande différence. L'autre grande différence en nombre, c'est dans les cas des groupes avec lesquels on avait signé une entente avec l'Alliance de la fonction publique qui était couverte par la plainte de parité salariale. Cette demande du syndicat et notre entente avec ces groupes leur ont valu des augmentations beaucoup plus élevées.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans le cas de la Gendarmerie royale du Canada et des Forces armées canadiennes, cela a été annoncé dans le budget. Dans d'autres cas, ils ont eu des augmentations plus élevées que 2,5 et 2 p. 100, n'est-ce pas?

M. Jolicoeur: La Gendarmerie royale du Canada et les Forces armées canadiennes ne sont pas couvertes par des conventions collectives et leurs employés ne sont pas des employés du Conseil du Trésor.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avec qui la négociation se fait-elle?

M. Jolicoeur: Ce n'est pas un processus de négociation dans leur cas. Les augmentations sont déterminées par le gouvernement. Pour les forces armées, un rééquilibre a dû être fait entre les forces armées et la fonction publique. Cela a suscité des augmentations supplémentaires.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour revenir aux augmentations salariales de 2,5 et de 2 p. 100, quand tout sera complété, on verra peut-être des augmentations en moyenne beaucoup plus élevées que ces deux chiffres. Ce sera peut-être 3,5 et 4 p. 100. Avec toutes les conventions signées à ce jour et avec l'application de cette loi, on présume que cela va être la fin des négociations avant que les autres ne commencent. Quelle sera l'augmentation de la masse salariale pour les deux années dont on parle?

M. Jolicoeur: L'augmentation de la masse salariale sera légèrement plus élevée que 2,5 et 2 p. 100, étant donné les exceptions faites pour les groupes à prédominance féminine à l'Alliance de la fonction publique. Pour les informaticiens, on a un problème très important de rétention et l'augmentation sera un peu plus élevée que 2,5 et 2 p. 100, étant donné la demande de donner des augmentations salariales plus élevées au groupe féminin.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ma dernière question a un aspect politique et si vous ne voulez pas y répondre, je comprendrai. Le gouvernement a accordé des augmentations substantielles à ses gérants, ses sous-ministres, et cetera, qui vont jusqu'à 20 p. 100 dans certains cas, en plus des bonis. Quelle est la justification d'accorder à cette catégorie d'employés des augmentations bien au-delà de celles qui sont accordées aux cadres inférieurs?

M. Jolicoeur: Je vous remercie de poser la question parce que la réponse me permet de clarifier les faits. Sur une période de quatre ans, les augmentations aux cadres et exécutifs de la fonction publique représentent 7,96 p. 100, un pourcentage inférieur aux augmentations salariales de tous les groupes dont on a discuté ici, et de beaucoup inférieur aux augmentations salariales déjà signées avec l'Alliance de la fonction publique. Par exemple, pour la table 1, sur une période de deux ans, ces augmentations seront moins élevées. Elles le seront beaucoup moins au bout de quatre ans parce qu'il y aura une autre ronde de négociations avec les groupes dont on vient de parler qui va nous amener - vous me permettrez de ne pas être précis - au-delà des 7,96 p. 100 accordés aux cadres.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle est cette période de quatre ans?

M. Jolicoeur: Elle commençait en 1997, suite au gel qui avait été imposé.

Le sénateur Lynch-Staunton: De 1997 à 2001, et à la fin de 2001, l'augmentation durant ces quatre ans serait de 7,96 p. 100?

M. Jolicoeur: Oui, pour les cadres.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les syndicats vont invoquer cet argument. On peut leur répondre que leurs augmentations sur cette même période de temps, si elles sont toutes acceptées, vont dépasser les 7,96 p. 100.

M. Jolicoeur: C'est déjà dépassé dans certains cas en deux ans. Ils vont être rapides à mettre en perspective l'augmentation de certains cadres en particulier. On vous a donné l'augmentation moyenne générale des cadres.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'entendez-vous par «cadre»? À partir de quel niveau un employé est-il considéré comme un «cadre», et jusqu'à quel niveau?

[Français]

M. Jolicoeur: Cette hausse de 7,96 p. 100 inclut les positions de niveau EX-1. En général, le niveau de directeur varie d'une organisation à l'autre, jusqu'au niveau DM-3, le plus haut niveau de sous-ministre de la fonction publique.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il y a sous-ministre et sous-ministre adjoint, si cela existe toujours.

M. Jolicoeur: Il y a trois niveaux différents de sous-ministres, puis il y a des postes de sous-ministres adjoints, EX-4 ou EX-5, des postes de directeurs généraux, EX-2 ou EX-3 et des postes de directeurs, qui sont dans la majorité des cas au niveau EX-1. L'ensemble de toutes ces augmentations, sur une période de quatre ans, est de 7,96 p. 100.

Le sénateur Lynch-Staunton: Combien sont-ils dans cette catégorie de gestion?

M. Jolicoeur: Entre 3 000 et 3 500.

[Traduction]

Le sénateur Forrestall: Je ne vois pas où c'est précisé dans le projet de loi, mais d'après ce que je comprends, le but de cette mesure législative est d'imposer le retour au travail et de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'autre interruption des services pour quelque raison que ce soit. Est-ce plus ou moins exact?

M. Pierre Hamel, avocat-général, Secrétariat du Conseil du Trésor, Services juridiques, ministère de la Justice: Puis-je demander à l'honorable sénateur de répéter sa question? Je n'ai pas bien compris.

Le sénateur Forrestall: Je ne sais pas exactement où cela se trouve dans le projet de loi C-76, mais d'après ce que je comprends, cette mesure législative a pour but d'imposer le retour au travail et d'interdire totalement l'interruption des services dans certaines conditions et tant que certaines choses n'auront pas été faites. Est-ce bien cela?

M. Hamel: Les deux parties du projet de loi sont semblables et exigent un retour immédiat au travail et le maintien immédiat des services. En ce qui concerne la partie 2, pour les agents de correction, l'entrée en vigueur ne suit pas immédiatement l'adoption du projet de loi, mais elle est fixée par décret. La partie 1 entrera en vigueur 12 heures après la sanction royale et elle s'applique aux cols bleus. La partie 2 n'entre en vigueur qu'après la prise d'un décret. Ce qui entre en vigueur ainsi, ce sont, par exemple, les dispositions de la partie 2 figurant aux articles 16, 17, 18, et cetera.

Le sénateur Forrestall: J'ai parcouru tout cela. Cela ne signifie pas grand-chose, car si vous laissez passer un «et» ou une virgule, vous perdez tout le sens. Ce qui m'inquiète, c'est la situation qui se produit lorsque des autorités compétentes à l'intérieur d'organismes de négociation déterminent que le lieu de travail n'est pas sûr. Quelle protection y a-t-il pour les hommes et les femmes qui refusent d'assurer leurs services à la suite d'une telle directive? Y a-t-il une disposition dans ce projet de loi pour permettre aux gens d'arrêter le travail s'il y a danger pour eux?

M. Hamel: Les dispositions du Code canadien du travail portant sur la santé et la sécurité qui s'appliquent à la fonction publique ne sont pas remplacées par les dispositions de ce projet de loi.

Le sénateur Forrestall: Ce projet de loi n'a pas préséance sur ces dispositions?

M. Hamel: Non.

Le président: Je voudrais simplement rappeler aux honorables sénateurs que nous avons des témoins de l'Alliance de la fonction publique qui attendent.

Le sénateur Kinsella: Monsieur le président, je voudrais formuler deux observations. Tout d'abord, nous ne sommes pas tellement en retard. Cependant, nous avons tous appris que notre institution ne fonctionne pas de façon parfaitement scientifique. En ce qui concerne les prédictions, j'ai généralement pour principe de parler en tant qu'historien plutôt que prophète. Cela dit, je ne pense pas que nous nous écarterons beaucoup de notre horaire.

Je voudrais que vous me parliez de la question des taux nationaux qui touche principalement les cols bleus de la partie 1 du projet de loi. Corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois comprendre que l'entente de principe réduirait le nombre de taux dans tout le Canada de 10 à 7. Est-ce exact?

M. Jolicoeur: Ce nombre passe à sept.

Le sénateur Kinsella: Je crois comprendre que l'agent négociateur cherchait à obtenir qu'il n'y ait qu'un seul taux à l'échelle nationale. Est-ce exact?

M. Jolicoeur: Oui. Nous avons conclu une entente de principe selon laquelle il y en avait sept mais, au début du processus, l'autre partie espérait obtenir qu'il n'y en ait qu'un.

Le sénateur Kinsella: Par conséquent, le gouvernement croit qu'il doit y avoir différents taux de rémunération pour les cols bleus, pour différentes régions du Canada. À votre avis, pourquoi cela ne s'appliquerait qu'aux cols bleus? Pourquoi aurions-nous des taux variables, selon les régions, pour les cols bleus qui travaillent pour le gouvernement du Canada, alors que ce n'est pas le cas pour les travailleurs des autres catégories?

M. Jolicoeur: En tant que représentant du gouvernement, je crois qu'il faudrait davantage de taux régionaux que ce n'est le cas actuellement. Je ne sais pas quelle sera la politique du gouvernement dans les années futures mais, pour le moment, on considère que ces taux régionaux sont nécessaires. Vous savez peut-être que nous avons dû apporter des rajustements régionaux pour d'autres groupes, par exemple, tout récemment, pour la GRC, dans l'Ouest. Nous l'avons fait pour les avocats, à Toronto. Il se pourrait très bien, dans les années à venir, que nous devions faire davantage de rajustements régionaux.

Certains sont très prompts à dire qu'il faut relever l'allocation salariale dans certaines régions parce que le coût de la vie y est plus élevé, mais, aussitôt que c'est fait, ils s'empressent de dire que c'est injuste, parce que l'allocation n'a pas été accordée à ceux qui habitent dans des régions où le coût de la vie est moins élevé. Il y a ici un choix de politique à faire. Tout le monde est d'accord pour qu'on paie davantage lorsque les besoins sont là, mais personne ne veut qu'on paie moins lorsque les besoins sont moindres. Il faudra étudier cette question dans les années à venir.

Le président: Honorables sénateurs, je crois que nos témoins ont terminé. Nous les remercions d'avoir comparu et d'être restés pour répondre aux questions.

Là-dessus, j'invite les prochains témoins, M. Daryl Bean et Mme Nycole Turmel.

(Conformément à l'ordre du Sénat, M. Daryl T. Bean et Mme Nycole Turmel, de l'Alliance de la fonction publique du Canada, prennent place dans la salle du Sénat.)

Le président: On me dit, monsieur Bean, que vous avez une déclaration à faire. Je vous en prie.

M. Daryl T. Bean, président national, Alliance de la fonction publique du Canada: Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de nous accueillir. J'aurais bien voulu que ce soit dans des circonstances différentes. Je crois que c'est la troisième fois que je dois faire un exposé comme celui-ci.

Nous avons donc un bref exposé à faire, que nous nous partagerons, moi et notre vice-présidente exécutive nationale, Mme Turmel.

(1040)

Peu après 23 h 30, il y a deux jours, le président du Conseil du Trésor, Marcel Massé, a lancé un débat parlementaire sur le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux, en disant que l'entente intervenue entre l'alliance et le Conseil du Trésor, quelques heures plus tôt, témoignait du respect et de l'engagement du Conseil du Trésor envers la libre négociation collective. Je tiens à assurer aux honorables sénateurs qu'il n'en est rien.

Bien qu'une entente soit intervenue à la onzième heure entre l'alliance et le Conseil du Trésor à l'égard de 14 545 cols bleus membres de l'AFPC, il s'agissait de la onzième heure dans un processus législatif extrêmement sévère, et non de la onzième heure dans des négociations. Pendant cette série de négociations entre le Conseil du Trésor et l'AFPC, l'équipe de négociation de la table 2 s'est réunie.

Le Conseil du Trésor a systématiquement refusé de prendre au sérieux les aspirations justifiées de nos membres. Malgré les preuves convaincantes d'un écart important et grandissant entre les salaires de nos cols bleus et ceux de travailleurs exerçant des fonctions identiques dans le secteur privé, le Conseil du Trésor a comparu devant une commission de conciliation indépendante et a présenté des hausses salariales de 2 p. 100 et de 2 p. 100 sur deux ans.

En janvier dernier, les cols bleus membres de l'AFPC ont dit que c'en était trop et ils ont déclenché une grève légale dans un effort pour convaincre le Conseil du Trésor de prendre leurs problèmes au sérieux. Après neuf semaines entières de grève, le gouvernement a présenté un projet de loi de retour au travail qui aurait imposé des conditions bien pires que celles prévues dans les propositions inacceptables qu'il avait présentées à notre équipe de négociation il y a moins de deux semaines.

On peut comprendre que, devant l'imposition d'un ensemble de conditions d'emploi malheureusement insatisfaisantes, notre équipe de négociation ait été obligée d'examiner les propositions que le gouvernement a présentées à la onzième heure et qu'elle ait consenti à recommander l'ensemble de ces propositions à nos cols bleus en grève.

Les honorables sénateurs et tous les Canadiens devraient comprendre que, s'il y a ratification, cette série d'événements donnera lieu à une convention collective, plutôt qu'à des conditions d'emploi imposées par voie législative, mais cette situation va carrément à l'encontre du principe de la libre négociation collective.

Par définition, la «négociation collective libre» ne peut jamais comprendre des conditions d'emploi imposées par voie législative, ni par la menace de salaires et de conditions de travail déterminés par voie législative. Par définition, la «libre négociation collective» ne peut jamais exister lorsqu'un gouvernement peut recourir à sa majorité pour dicter - comme il a tenté de le faire dans ce cas-ci - la durée de la convention collective.

Dans un contexte où les employeurs ont beaucoup plus de pouvoir que les travailleuses et travailleurs dans presque tout processus de négociation, le pouvoir de légiférer des employeurs du secteur public constitue une atteinte à la notion de négociation collective engagée librement. Cela, les membres de l'AFPC travaillant pour le gouvernement du Canada - et appartenant aux groupes suivants: manoeuvres et hommes de métier, services divers, services hospitaliers, équipages de navires, chauffage et force motrice, gardiens de phare et pompiers - ne le savent que trop. Depuis quatorze longues années, les interventions du gouvernement visant à restreindre et bloquer les salaires et à rogner la sécurité d'emploi, allant même jusqu'à revenir sur sa décision de signer des conventions collectives, ont réduit à néant les relations en matière de négociation entre l'alliance et le Conseil du Trésor en ce qui concerne les travailleuses et travailleurs représentés à la table 2.

La dernière fois que deux groupes, nommément les équipages de navires et les services hospitaliers, ont négocié une convention collective remonte à 1985, il y a 14 ans. La date d'expiration de leurs conventions, décembre 1987, a marqué le début d'une décennie d'interventions législatives avec l'adoption de la Loi sur la reprise des services gouvernementaux, en 1989. Six, je répète six, conventions collectives distinctes imposées par la loi, des prolongations de conventions collectives et des dispositions législatives annulant des tranches de conventions collectives pour ces groupes et, en fait, pour tous les membres de l'alliance, ont suivi. Faut-il s'étonner que les travailleurs de la fonction publique soient frustrés et en colère?

Nous pourrions passer beaucoup de temps à revoir ce triste bilan; cependant, les membres de l'AFPC, tant les cols bleus que ceux du groupe des Services correctionnels, veulent vous faire entendre leur colère, leur mépris et leur frustration à l'égard de la position du gouvernement en matière de négociation et de son recours ultime au projet de loi C-76, punitif et très offensant. Les sénateurs et, à la vérité, tous les Canadiens qui veulent prendre connaissance des assauts dont ont été victimes, par voie législative, les travailleurs du secteur public fédéral peuvent revoir nos commentaires sur le projet de loi C-49, qui a mis fin à la grève des services hospitaliers et des équipages de navires en 1989, et sur le projet de loi C-29, qui a mis fin à la grève générale de l'AFPC en 1991.

Selon les dires du président du Conseil du Trésor, la grève de la table 2 a provoqué une urgence nationale sans précédent. Au cours du débat d'urgence sur le transport des céréales, jeudi dernier, le ministre Massé a accusé les grévistes de l'alliance de tenir en otage «les agriculteurs des provinces de l'Ouest, les contribuables dans le cas de Revenu Canada ou les voyageurs à l'aéroport de Dorval». Mais qui tient-on véritablement en otage, je me le demande? Affichant une arrogance et une insensibilité renversantes, le ministre a utilisé six fois le terme «otage» pour essayer de brouiller les cartes et de porter le blâme sur les membres de l'AFPC, qui comptent parmi les travailleurs les moins bien rémunérés de toute la fonction publique.

Au cours du débat sur le projet de loi C-76 à la Chambre des communes, j'ai entendu plusieurs députés dire: «Honte!», quand le ministre a tenté de défendre son gouvernement et sa propre participation aux événements qui ont amené le gouvernement à s'attaquer, par voie législative, aux membres de l'AFPC. Je dis: «Honte!» Honte! au ministre 14 545 fois - pour chacun des cols bleus représentés par l'AFPC. Je répète «Honte!» au nom de 4 700 agents du groupe des services correctionnels. Honte! pour votre incapacité de négocier de bonne foi depuis deux ans. Honte! pour avoir présenté le projet de loi forçant le retour au travail de nos membres visés par les négociations à la table 2. Honte! pour avoir présenté par anticipation le projet de loi forçant le retour au travail de nos membres visés par les négociations à la table 4. Honte! pour l'incapacité et le refus du ministre et de son gouvernement de comprendre les conditions de travail auxquelles nos fonctionnaires sont confrontés chaque jour. Honte! pour l'indifférence totale du ministre face aux données statistiques qui font état d'un écart salarial considérable entre nos cols bleus et nos agents du groupe Services correctionnels et leurs homologues des secteurs public et privé partout au Canada.

Je tiens même à mettre publiquement en doute l'intégrité du président du Conseil du Trésor. Je ne le fais pas à la légère. Le fait est cependant que, tout au long de la présente série de négociations, le ministre a fourni au public et au Parlement de l'information conçue, au mieux, pour induire en erreur.

Considérez les faits suivants: le ministre a soutenu et continue de soutenir que son gouvernement a établi une formule de hausse salariale de 2,5 p. 100 et 2 p. 100 et qu'il a négocié avec la très grande majorité des travailleurs du secteur public fédéral, dont plus de 100 000 membres de l'AFPC.

Le président du Conseil du Trésor sait que ce n'est pas vrai. Il sait, par exemple, que le règlement au nom des 90 000 membres de l'AFPC du groupe de l'administration des programmes comportait un rajustement salarial spécial.

Honorables sénateurs, si vous doutiez le moindrement que le ministre le savait, je vous renvoie à l'imprimé d'ordinateur d'un document du site Web du Conseil du Trésor intitulé: «Faisons le point sur les négociations avec l'AFPC».

Ce document montre que la vaste majorité des travailleurs de ce groupe ont en fait obtenu de 10 à 20 p. 100 en général, non 2,5 p. 100 et 2 p. 100.

Le président du Conseil du Trésor doit sûrement savoir aussi que nos négociateurs sont parvenus à un règlement négocié concernant 10 000 membres du groupe des techniciens divers, qui comportait une augmentation de traitement de 4 p. 100 en plus des hausses salariales de 2 p. 100 et 2 p. 100. Il ne s'agissait pas de 2,5 p. 100 et 2 p. 100, mais 2,2 p. 100 et 4 p. 100.

Cela n'est pas tout. Il y a d'autres exemples concernant les syndiqués de la fonction publique fédérale. Les cadres supérieurs de la fonction publique ont obtenu des hausses de 4 p. 100 à 19,35 p. 100. Les agents de la GRC, les juges, les militaires ont tous obtenu, grâce au président du Conseil du Trésor, des hausses de traitement dépassant 2,5 p. 100 et 2 p. 100 et, dans la majorité des cas, plusieurs fois supérieures à cela.

Les assertions inexactes du président du Conseil du Trésor en matière de règlements salariaux sont déjà déplorables; elles palissent cependant en comparaison avec la description dénaturée qu'il donne de la grève des travailleurs de la table 2 et avec ses assertions entièrement suspectes et non vérifiées concernant la grève imminente des travailleurs de la table 4.

[Français]

Mme Nycole Turmel, vice-présidente exécutive nationale de l'Alliance de la fonction publique du Canada: Les sénateurs et la population canadienne doivent être mis au courant du fait que les 728 travailleurs et travailleuses des Services correctionnels auront le droit de déclencher la grève le 26 mars 1999, à compter de minuit et une minute. S'il en est ainsi, c'est parce que le gouvernement en a décidé sciemment et de plein gré, et non parce qu'une «erreur administrative» s'est produite.

J'ai bien dit une décision prise sciemment et de plein gré.

Il est vrai que la désignation erronée d'un grand nombre de postes d'agentes et d'agents des Services correctionnels peut être attribuée à des erreurs administratives ou à des inepties. Cependant, le gouvernement a effectivement anticipé une audience prévue cette semaine devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique pour trancher la question de la désignation de ces postes et a invité l'alliance à négocier le contenu d'une liste de postes désignés et non désignés. Dans le cadre de cette démarche, le Conseil du Trésor a approuvé une liste de 728 postes non désignés. Je voudrais bien spécifier, les termes sont justes, que ce sont 728 postes non désignés.

Pourquoi le gouvernement a-t-il agi ainsi? S'il ne négociait pas délibérément de mauvaise foi lorsqu'il a accepté de plein gré une liste considérable de postes CX non désignés, c'est donc qu'il est arrivé à la conclusion que la participation de ces 728 postes non désignés à une grève ne nuirait pas à la santé et à la sécurité des agentes et agents des services correctionnels, des détenus dans les pénitenciers fédéraux ou du public canadien.

Comment le président du Conseil du Trésor peut-il alors expliquer cette déclaration dans son communiqué en date du 24 mars? Je cite:

En outre, les agents correctionnels qui n'ont toujours pas de convention obtiendront le droit de grève à compter du 26 mars, avec les conséquences possibles pour la sécurité au sein des établissements correctionnels ainsi que pour la population canadienne.

Comment peut-il expliquer les commentaires qu'il a répétés à maintes reprises pendant le débat aux Communes sur le projet de loi C-76 et selon lesquels une grève des agentes et agents correctionnels présentait un potentiel élevé de crise?

N'a-t-il d'autre choix que de reconnaître que le processus de négociation qu'il a entamé au nom de ce gouvernement était une supercherie?

N'a-t-il d'autre choix que de reconnaître que la signature de son conseiller juridique sur une entente approuvée aux niveaux les plus élevés du Conseil du Trésor était sans valeur?

N'a-t-il d'autre choix que de reconnaître qu'il était prêt à négocier et à signer n'importe quoi, sachant qu'il pourrait avoir recours à des motions de forme et à la majorité dont dispose son gouvernement aux Communes et au Sénat pour faire annuler son entente avant la prise de mesures de grève légale?

J'ai entre les mains une liste des noms et numéros de postes des 728 agentes et agents de correction non désignés et je défie le ministre d'écrire à chacun et d'expliquer comment il pourrait, en toute conscience, retirer leur droit fondamental de recours à la grève de façon si arbitraire et cavalière. On a les 728 noms et numéros de postes entre les mains.

J'aimerais que le président du Conseil du Trésor explique aussi quelles seront à l'avenir les répercussions de ses actions en ce qui touche les désignations du groupe CX, et en particulier de sa loi préventive ordonnant le retour au travail.

Comme bon nombre de sénateurs le savent trop bien, les travailleuses et les travailleurs du gouvernement que l'on prive du droit à la grève par voie législative peuvent recourir à l'arbitrage exécutoire dans le cadre d'une démarche où intervient une tierce partie; cette démarche est conçue de façon à assurer une certaine impartialité et équité à des groupes de travailleuses et de travailleurs qui ne peuvent, en vertu de la loi, exercer leur droit fondamental de faire la grève.

Au cours de la présente ronde de négociations, le gouvernement, sur la recommandation du Conseil du Trésor, a suspendu la méthode de règlement des différends par voie d'arbitrage pour la plupart des travailleuses et travailleurs du secteur public fédéral, y compris le groupe CX. Il a bien l'intention de récidiver lors de la prochaine ronde de négociations.

Les décisions du président du Conseil du Trésor semblent indiquer que lui, son gouvernement et une majorité des parlementaires ne sont pas disposés à permettre une grève, même limitée, des agentes et agents des Services correctionnels. Par conséquent, lui et son gouvernement doivent sûrement reconnaître que l'intervention d'une tierce partie est la seule façon équitable de résoudre le litige actuel.

Comme par hasard, il existe bel et bien un rappel majoritaire d'un comité indépendant - un bureau de conciliation - mis sur pied par la Commission des relations de travail dans la fonction publique et qui a entendu les positions du syndicat et de l'employeur au début de mars 1999. Dans ce rapport, on a jugé que la position syndicale en ce qui touche les principaux points en litige était la plus convaincante.

De fait, le rapport majoritaire rédigé par Paul G. Gardener, le président indépendant auquel a souscrit le représentant de l'alliance, Renaud Paquet, prévoit l'ajout d'un échelon de rémunération à chacune des années d'une convention de deux ans, en plus d'une augmentation conjoncturelle générale de 2,5 p. 100 et de 2 p. 100 sur une période de deux ans.

Il y a lieu de souligner à ce point que lorsque l'équipe de négociation de la table 4 de l'Alliance de la fonction publique du Canada a accepté à l'unanimité les modalités et conditions d'emploi décrites dans le rapport du bureau de conciliation, les augmentations conjoncturelles étaient inférieures aux augmentations requises pour réaliser la parité avec les agentes et agents de la GRC. Mais encore une fois, le rapport majoritaire du bureau de conciliation a abordé en partie cette question lorsqu'il a recommandé la création d'un comité mixte syndical-patronal chargé de «comparer les fonctions, conditions de travail et taux de salaire des fonctionnaires faisant partie de cette unité de négociation et des agents de la GRC en uniforme ainsi que des agents de correction provinciaux.»

Mis à part son acharnement à priver les agentes et agents des services correctionnels du droit de recours à la grève comme moyen de résoudre l'impasse actuelle, le Conseil du Trésor n'a pas encore accepté de donner suite à la recommandation du rapport majoritaire du bureau de conciliation, et il a même voté contre tout amendement au projet de loi C-76 en ce sens.

En fait, comme en témoigne le projet de loi C-76, la manière dont le gouvernement aborde les modalités et conditions d'emploi des membres des tables 2 et 4 est complètement différente de l'une à l'autre.

Dans le cas de la table 2, un document complet renfermant les modalités et les conditions d'emploi a été rendu public à l'occasion de la présentation du projet de loi C-76. Ce document a par la suite été amélioré et sera présenté à nos membres de la table 2 pour qu'ils l'examinent.

En ce qui concerne la table 4, le gouvernement n'a pas encore donné de véritables indices sur la nature des modalités et conditions d'emploi qu'il a l'intention d'imposer, sinon sous le couvert de quelques observations ampoulées de la part du président du Conseil du Trésor voulant qu'il imposera les modalités et conditions d'emploi d'un accord de principe rejeté en janvier 1999, ainsi que des éléments non précisés du rapport du bureau de conciliation.

Les sénateurs doivent comprendre que s'il s'agit là de la véritable position du gouvernement, celle-ci constitue non seulement une insulte à la majorité des agentes et agents de correction qui se sont prononcés contre l'accord de principe, mais aussi un affront à l'équipe de négociation et à tous ceux et celles qui croient au processus démocratique de prise de décision.

Pour qu'il n'y ait pas d'équivoque, indépendamment de ce que le président du Conseil du Trésor en pense, l'équipe de négociation a recommandé l'acceptation de l'accord de principe parce qu'elle a estimé que l'offre, quoique pécuniairement insuffisante, valait mieux que le risque de s'en remettre à une tierce partie.

On comprend facilement ce choix si l'on tient compte du fait que les trois membres du bureau de conciliation de la table 2 venaient de remettre des rapports individuels, dont aucun ne pouvait constituer la base d'une entente. Cette situation qui, en fait, équivalait à un refus d'établir un bureau de conciliation à la table 2, a eu l'effet d'une douche froide sur l'équipe de négociation de la table 4, précisément parce que les deux groupes possédaient de bonnes données sur la rémunération et des comparaisons avec d'autres secteurs. Les deux groupes n'avaient aussi éprouvé que de la déception dans leurs efforts pour régler les points en litige durant les négociations à la table.

Par ailleurs, le président du Conseil du Trésor peut bien invoquer le hasard pour expliquer que le gouvernement a vainement tenté de présenter le projet de loi C-76 le jour même, le vendredi 19 mars, où le rapport du bureau de conciliation a été rendu public, mais un tel argument dépasserait sûrement les bornes de la vraisemblance.

Dans les faits, le Conseil du Trésor aurait été mis au courant du contenu du rapport avant qu'il ne soit rendu public, et les hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor en auraient informé le ministre. Par conséquent, la rédaction et la présentation du projet de loi C-76 constituent également un affront au bureau de conciliation indépendant et à la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

[Traduction]

M. Bean: Le point irréfutable, c'est que le gouvernement et le représentant en chef du président du Conseil du Trésor pour les négociations collectives ont passé deux ans à faire la sourde oreille aux demandes salariales légitimes de quelque 4 700 agents des services correctionnels. Le gouvernement a rejeté du revers de la main les arguments raisonnables et bien fondés de l'équipe de négociation de la table 4. Il n'a tenu aucun compte des travailleurs qui lui ont écrit, lui ont envoyé du courrier électronique ou des messages par télécopieur, à titre individuel. Il n'a tenu aucun compte des lignes de piquetage d'information ainsi que des grandes manifestations organisées par l'AFPC et le Syndicat des employés du solliciteur général, une de ses composantes, des bureaux syndicaux locaux et des syndiqués. En présentant le projet de loi C-76, il n'a délibérément tenu aucun compte de l'avis indépendant de la majorité des membres de la commission de conciliation, qui a examiné les deux positions et a jugé que celle du syndicat était plus raisonnable.

Avant de conclure, je voudrais dire sans ambages que l'écart final entre la position du syndicat et celle de l'employeur à la table de négociation pour la table 2 n'était que de 3,1 p. 100, alors que l'écart entre l'entente provisoire rejetée et le rapport majoritaire de la commission de conciliation pour la table 4 était de 4 p. 100 pour les agents correctionnels. J'ai entendu les observations faites plus tôt sur les 3,5 p. 100 de la paie, et c'est peut-être vrai. Dans l'ensemble de la liste de paie du gouvernement, c'est relativement peu. En outre, c'est le montant minimum nécessaire pour inverser l'écart salarial qui ne cesse de se creuser entre ces travailleurs et leurs collègues du secteur privé.

L'intransigeance du gouvernement à la table de négociation et au sein du processus de la commission de conciliation indépendante ainsi que durant le présent processus législatif est difficile à comprendre et nous pousse à poser la question, pourquoi légiférer? Pourquoi légiférer sur les conditions de travail? Pourquoi légiférer sur la durée? Dans le contexte actuel, la réponse à ces questions n'est pas la responsabilité financière, ni toute notion de relations patronales-syndicales constructives. La seule motivation et la seule vraie réponse, selon les 21 000 membres de l'AFPC représentés aux tables 2 et 4, c'est que le gouvernement agit encore de façon punitive.

Une fois de plus, le projet de loi C-76 le prouve. Depuis 1991, l'AFPC et le mouvement syndical tout entier se sont habitués à l'adoption de plus en plus fréquente de lois de retour au travail prévoyant des peines qui visent à briser le syndicat. Si les employés non désignés des tables 2 et 4 étaient mis à l'amende aux termes du projet de loi C-76, le syndicat et ses membres seraient passibles de plus de 10 millions de dollars par jour. Pis encore, le projet de loi C-76 permet au gouvernement de percevoir des amendes élevées à même les cotisations syndicales.

Le projet de loi C-76 oblige aussi le syndicat, l'agent négociateur, ainsi que ses dirigeants et représentants à aviser les employés que toute déclaration, toute autorisation ou tout ordre de grève qui leur a été communiqué avant l'entrée en vigueur dudit projet de loi est nul. Autrement dit, le gouvernement ordonne à chacun d'entre nous et au syndicat dans son ensemble d'aviser les syndiqués que notre avis les autorisant à faire la grève est nul. Ils avaient le droit de faire la grève et ils ont exercé ce droit. Il n'est pas nul. C'est non seulement offensant, mais cela semble certes, à première vue, contrevenir à la Charte. Si nécessaire, nous allons certainement invoquer aussi celle-ci.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bienvenue, monsieur Bean, et merci pour un exposé très vigoureux. Monsieur Bean, je vous ai écouté présenter énergiquement de fermes convictions et cela m'a rappelé la dernière fois que je vous ai entendu, il y a huit ou neuf ans, lorsque 20 000 de vos amis les plus intimes et vous-mêmes êtes venus tenir devant cet immeuble des propos désobligeants à l'égard d'un certain projet de loi que notre gouvernement parrainait alors. Si j'en juge par la frustration que vous avez exprimée aujourd'hui, je pense que nous n'avons guère progressé au chapitre des relations entre le gouvernement et ses employés.

(1110)

Quel que soit le gouvernement au pouvoir, une loi de retour au travail est tout simplement une mauvaise loi. Elle confirme, une fois de plus, qu'il y a une rupture dans le processus de négociation habituel, une rupture qui convainc l'employeur qui a le gros bout du bâton de demander au Parlement de retirer à ses employés leur droit fondamental. Mais ce n'est pas de cela dont nous discutons aujourd'hui, bien qu'il soit certainement difficile de ne pas y penser.

Ce qui me frappe dans votre exposé conjoint, c'est que l'interprétation que vous faites de certains événements va diamétralement à l'encontre de celle que le ministre et ses collaborateurs en ont faite il y a une heure à peine. J'espère qu'avant la fin de nos travaux, il sera possible de rapprocher les deux camps ou les esprits. Si, dans le cadre des négociations, une partie continue de dire noir alors que l'autre dit blanc, l'impasse sera inévitable.

Quant au projet de loi lui-même, je crois que vos membres seront appelés à voter sur une entente de principe le 6 avril, est-ce exact?

M. Bean: Oui. Il y a une entente de principe pour le groupe de la table 2, les cols bleus, qui sera soumise aux membres. Nous avons de la difficulté à préparer les tables de rémunération parce qu'elles représentent 30 pages. De toute évidence, nous ne pouvons pas demander à nos membres de voter sans leur soumettre les tables de rémunération. Hier encore, nous attendions ces 30 pages de tables de rémunération. Dès que nous les recevrons, nous les imprimerons avec un document d'accompagnement et les soumettrons à nos membres.

Nous espérions que tout serait fait la semaine prochaine, mais le retard dans la production des documents pourrait nous empêcher de respecter ce délai.

J'ai entendu une question sur la possibilité de suspendre la mise en vigueur de la loi. Si cela se faisait, nous accélérerions le vote. Nous ne pourrions probablement pas tout faire la semaine prochaine, mais nous pourrions avoir les résultats au tout début de la semaine suivante. La congé de Pâques crée un problème. Si la mise en vigueur de la loi n'est pas suspendue, nous prendrons probablement une semaine de plus pour la ratification de l'entente de principe. Nous pourrions accélérer le processus si la loi était suspendue.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous recommanderez à vos membres d'approuver l'accord de principe. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste l'entente de principe et comment elle se distingue de l'entente imposée qui nous est soumise? Certaines caractéristiques rendent-elles l'une des deux ententes supérieure à l'autre ou sont-elles semblables?

M. Bean: L'entente de principe est nettement meilleure que la loi spéciale ou les conditions que nous imposerait la mesure législative. Elle prévoit des augmentations de salaire de 2,75 p. 100 en 1997, de 2 p. 100 en 1998 et une bonification de 5 cents l'heure au 4 février 1999.

Le Conseil du Trésor a surtout changé de position en ce qui concerne le remaniement des zones et l'élimination de trois zones. Il voulait éliminer une zone inutilement, puisque le taux de rémunération dans cette zone était identique à celui d'autres zones. Sur papier, il aurait éliminé une zone, mais, en fait, il n'aurait rien fait.

Il voulait également associer la Saskatchewan au Canada atlantique. Cela n'est pas très logique, car il nous semble que, géographiquement, la Saskatchewan est très différente du Canada atlantique.

Nous avons réussi à faire accepter que le Canada atlantique soit associé au Québec et que les trois provinces des Prairies soient réunies, à une exception près: le parc national de Banff sera associé à la Colombie-Britannique. La situation était tellement ridicule que, dans certains cas, les travailleurs travaillaient un jour en Colombie-Britannique et étaient rémunéré selon un taux et, le lendemain, travaillaient en Alberta et étaient rémunérés selon un autre taux. Nous sommes finalement parvenus à corriger la situation. Voilà pourquoi l'entente de principe est nettement supérieure à l'entente qui nous serait imposée par la loi.

Le sénateur Lynch-Staunton: Puisque vous dites que l'entente de principe est nettement supérieure à l'entente qui vous serait imposée, on peut donc s'attendre à ce que vos travailleurs votent en faveur de l'entente de principe que vous leur proposerez. On peut alors se demander pourquoi il faut adopter le projet de loi, puisque l'entente imposée ne semble pas du tout nécessaire.

Lorsque nous nous éloignons des arguments concernant les droits des travailleurs et l'arrogance de l'employeur, il reste que cette mesure législative s'appuie sur le fait que les grèves tournantes, aussi légales soient-elles, ont engendré des situations très déplaisantes. Hier encore, on a bloqué l'accès à l'aéroport de Dorval assez longtemps pour que les gens manquent leur avion. Je parle des situations que je connais. La circulation au centre-ville de Montréal a été paralysée hier matin à l'heure de pointe. Je sais qu'il y a eu des perturbations à l'aéroport de Halifax. Je peux comprendre la frustration des travailleurs, mais ils ne nous aident pas à comprendre leur problème lorsqu'ils se livrent à ce genre d'excès, causant des dommages aux biens et aux personnes et forçant la police à intervenir. Malheureusement, cela donne un ton particulier à tout ce débat et force le Parlement à adopter une mauvaise loi pour mettre fin à ces excès, s'il n'y avait pas d'excès ou si ceux-ci étaient limités. J'ose espérer que le gouvernement serait un peu plus patient et suspendrait l'étude de cette mesure législative. Cependant, le président du Conseil du Trésor nous a dit ce matin que les grèves tournantes et leurs conséquences avaient été plus prononcées que jamais hier. Cette révélation est venue après l'annonce d'une entente négociée.

Je peux comprendre l'argument du ministre. J'aimerais que vous le contredisiez si vous le pouvez, mais je sais qu'il est impossible de garantir que tous les employés vont rester dans le droit chemin.

Lorsque le ministre dit que rien ne garantit que le règlement sera accepté, ce n'est pas un aussi bon argument que le suivant. Si nous suspendons l'application de la loi, rien ne garantit que les excès ne se poursuivront pas. J'aimerais avoir vos commentaires ou ceux de Mme Turmel à ce sujet.

M. Bean: Nous avons déjà convenu de ne plus faire de piquetage aux points d'entreposage des céréales afin que les expéditions puissent se poursuivre.

Dès le départ nous avions pour objectif de nuire le moins possible au grand public canadien, aux agriculteurs et aux autres groupes. C'est pourquoi nous avons mené une grève tournante. Autrement, nous nous serions livrés à ces activités sur une base continue, plutôt que sur une base tournante ou ad hoc.

En exerçant le droit de grève de cette façon, nous espérions réussir à forcer le gouvernement à négocier, et non à légiférer. Nous en avons assez des accords fixés par la loi. Il est malheureux que dans certains cas, notamment en deux occasions à Dorval sur une période de dix semaines, des particuliers aient subi des inconvénients. C'est un fait: si vous déclenchez une grève qui ne dérange personne, vous risquez de devoir la prolonger indéfiniment. Pourquoi l'employeur voudrait-il encore vous parler?

(1120)

Oui, il fallait causer un minimum d'inconvénients. Je sais bien que pour les gens qui veulent prendre un avion ce n'est pas minime, mais bien d'autres grèves, et pas toujours par nos membres, ont empêché des gens de prendre l'avion.

Les sénateurs devraient comprendre que le degré de frustration est très élevé, et à bon droit. Je n'exprime ici que la pointe de l'iceberg. Certains d'entre vous peuvent trouver mes propos offensants, je m'en excuse. Mais je ne fais qu'exprimer un tant soit peu la frustration qui règne. Mettez-vous à la place des travailleurs les moins rémunérés de la fonction publique fédérale qui n'ont pas mené à terme la négociation d'une convention collective depuis 1989. Deux groupes, les équipages de navire et les services hospitaliers, sont sans convention collective négociée depuis 1985. Une convention leur a été imposée par la voie de l'arbitrage et une autre leur a été refusée dans le contexte de la grève de 1991. Ils sont restés à la table de négociations pendant près de deux ans. Je ne peux pas croire que n'importe qui d'entre vous ne serait pas frustré dans ces circonstances.

Quand vous prendrez votre décision, pensez aux travailleurs qui sont sans convention collective négociée depuis 14 ans et qui n'ont eu aucune augmentation salariale depuis six ans. Je pense que si vous étiez à leur place, vous seriez aussi mécontents.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je me rends compte de cela, M. Bean, et je crois que les autres sénateurs et les Canadiens aussi, même si nombre d'entre eux ont également eu à pâtir d'un gel des salaires.

Cependant, ce n'est pas selon moi une raison d'exprimer sa frustration aux dépens d'innocents spectateurs. Le différend que vous avez est un différend avec le gouvernement du Canada. Si vous voulez employer des moyens pacifiques et légaux pour fermer Revenu Canada, très bien. En revanche, le fait que les membres de votre syndicat se prêtent à des actes de vandalisme et à des manifestations importunes entraînant des heurts avec la police ajoute une nuance au débat. Je suis sûr que, si cette loi n'est pas adoptée, il va y avoir une vague de protestations dans tout le pays, même si c'est pour la mauvaise raison, à savoir des perturbations excessives.

Le sénateur Carstairs: Monsieur Bean, vous avez dit que l'intention de l'AFPC n'était pas de faire du tort aux producteurs de grain de l'Ouest. Pourtant, le syndicat a publié le 12 mars un bulletin qui dit, en fait, que vous allez empêcher l'acheminement du grain dans l'Ouest. Si le but n'était pas de faire du tort aux producteurs de l'Ouest, quel était-il? Il y a seulement 70 peseurs de grain parmi vos 14 500 membres. Pourquoi viseriez-vous ce groupe?

Parlant de hausse de salaire, quand les agriculteurs canadiens ont-ils reçu une hausse de salaire pour la dernière fois? Pourquoi les avez-vous ciblés en particulier?

M. Bean: Tout d'abord, j'ignore tout à fait d'où vous tenez cette déclaration. Elle n'est certainement pas de moi. Je ne vais pas m'excuser d'avoir dit que nous pourrions, de temps à autre, dresser des lignes de piquetage près des établissements à grain. Tous ceux qui ont oeuvré dans le domaine des relations de travail savent que, si vous faites la grève sans exercer de pressions sur qui que ce soit, la grève s'éternisera. Nous avons effectivement, à certains moments, ciblé le grain et ralenti les expéditions de grain. Je ne vais pas m'en excuser. Nous avons entravé le moins possible l'expédition des grains, tout en attirant l'attention du gouvernement.

Le sénateur Murray: Je voudrais poser quelques questions au sujet des employés des services correctionnels qui n'ont pas été désignés. Quelqu'un d'entre vous a-t-il entendu la discussion que nous avons eue avec le président du Conseil du Trésor et les fonctionnaires plus tôt aujourd'hui?

M. Bean: Oui, je l'ai entendue.

Le sénateur Murray: Vous vous souviendrez que la discussion a eu lieu en grande partie avec les fonctionnaires.

Il y a un écart entre ce que les fonctionnaires nous ont dit et ce que vous nous avez dit aujourd'hui. Il y a beaucoup plus qu'une différence d'opinion ou même d'interprétation des mêmes faits. Je constate plutôt un écart important. Je tiens à le dire immédiatement, à l'intention du leader du gouvernement au Sénat. En temps voulu, nous lèverons la séance pour aller manger et, au retour, nous continuerons de siéger en comité plénier ou nous passerons au débat en troisième lecture. La décision ne m'appartient pas. Toutefois, à moins que les témoins ne nous fournissent des éclaircissements satisfaisants, je recommande vivement au gouvernement de rappeler les fonctionnaires ici, à 14 heures, pour qu'ils nous expliquent la contradiction entre ce qu'ils nous ont dit et ce que nous disent actuellement les représentants syndicaux.

Je ne veux pas trop insister sur la question, mais les fonctionnaires nous ont parlé de 500 à 600 employés non désignés. Je vois le chiffre de 728, à la page 4 du document que j'ai sous les yeux. Quel est le nombre juste?

M. Bean: Il y a 728 employés qui ne sont pas désignés. Nous avons la liste des employés et leurs postes.

Le sénateur Murray: S'agit-il du même groupe de personnes dont nous parlions plus tôt aujourd'hui avec les fonctionnaires?

M. Bean: Oui, et c'est une entente que le Conseil du Trésor a signée il y a à peine quelques jours. Cela remet en question la validité d'un processus qui les amène à signer, une journée, une entente selon laquelle 728 postes ne sont pas désignés et qui permet que, le jour suivant, ils se fassent supprimer leur droit de grève.

Je veux expliquer brièvement le processus de désignation au gouvernement fédéral. Ce processus a toujours eu pour effet de créer plus de postes désignés que d'employés. Au sein du groupe des services correctionnels, les postes désignés ont déjà représenté jusqu'à 116 p. 100 de l'effectif. Cela se produit, bien sûr, parce qu'il y a des postes vacants. Si un poste est vacant, comment peut-on le considérer essentiel à la sécurité du public?

(1130)

Le sénateur Murray: Je croyais avoir compris ce matin - et j'espère ne pas avoir mal compris - qu'il existait une entente globale selon laquelle tous les postes de gardien à Service correctionnel Canada devaient être désignés. Y a-t-il vraiment eu une telle entente avec vous ou avec votre agent négociateur?

M. Bean: Quand on a effectué l'examen, en 1997, on s'était entendu, en fonction de l'effectif de l'époque, pour qu'un certain nombre de postes soient désignés, représentant quatre-vingt-dix et quelque pour cent de la totalité, et non tous les postes.

Le sénateur Murray: Vous parlez des gardiens?

M. Bean: Les agents de correction, oui. Par la suite, il s'est passé trois choses. Premièrement, certaines fonctions administratives ont changé, certains postes ont été modifiés et certains d'entre eux n'étaient plus visés. Deuxièmement, Service correctionnel Canada a oublié, dans un certain nombre de cas, de remettre le formulaire 13, un formulaire de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, aux employés désignés. Troisièmement, de nouveaux postes ont été créés qui n'étaient pas prévus dans l'entente. C'est ainsi que nous nous sommes retrouvés avec 728 postes qui ne sont pas désignés.

Le sénateur Murray: C'est compatible avec ce que les fonctionnaires nous ont dit. Le ministre a parlé d'échappatoire. Les fonctionnaires ont décrit une chose que j'appellerais plutôt une erreur administrative. Ce que vous nous avez dit jusqu'à maintenant ne contredit pas ce que nous avions entendu avant. Mais on ne nous avait pas parlé de ces employés-là. Vous dites que cela fait 728 postes en tout.

M. Bean: C'est exact.

Le sénateur Murray: Vous dites aussi qu'ils pourront faire la grève légalement à minuit et une minute, mais vous affirmez que c'est en raison d'une décision que le gouvernement a prise sciemment et délibérément, et non d'une quelconque erreur administrative inexplicable.

M. Bean: Quand je dis cela, je parle du fait que le 22 ou le 23 mars, le conseiller juridique du Conseil du Trésor a signé un document permettant de ne pas désigner 728 postes dans le secteur correctionnel.

Comme, au Parlement, il faut faire attention au choix des mots, je dirai simplement qu'il me paraît moins qu'honnête de signer un document disant que le gouvernement peut se passer de 728 employés non désignés et assurer quand même les services essentiels pendant une grève pour affirmer le lendemain, dans un projet de loi, que si ces 728 employés non désignés ne se présentent pas au travail, il y aura une catastrophe. Une telle façon d'agir a quelque chose de répréhensible. Je vous laisse le soin de juger de ce qu'il y a de répréhensible à signer un accord, puis à dire le lendemain, dans une mesure législative, que cet accord va causer un problème très grave.

Je peux vous dire ce que, de mon point de vue, le gouvernement considère comme un grave problème. C'est qu'on risque d'avoir à payer des heures supplémentaires à des agents de correction qui devront demeurer au travail plus longtemps. Le problème, ce n'est pas que les pénitenciers n'auront pas à leur disposition des agents de correction. Il ne réside pas non plus dans le fait qu'il y aura une émeute parce que 728 employés ne sont pas désignés. Le véritable problème, c'est que le gouvernement va subir des coûts, qu'il devra payer des heures supplémentaires. C'est ce qui explique cette disposition.

Le sénateur Murray: Soumettez-vous cette cause à la Commission des relations de travail dans la fonction publique? Vous affirmez que le gouvernement a devancé une audience de cette commission prévue pour cette semaine pour déterminer si ces positions seraient désignées ou non en invitant l'alliance à négocier une liste approuvée de postes désignés et non désignés. Vous dites également que, durant ce processus, le Conseil du Trésor a accepté une liste de 728 postes qui ne seraient pas désignés.

Qui a organisé l'audience de la Commission des relations de travail dans la fonction publique à cet égard? Est-ce que c'était votre initiative ou celle du gouvernement?

M. Bean: Les deux parties. Nous avions demandé une audience et le Conseil du Trésor avait fait de même. Ce qui s'est produit depuis, c'est qu'un accord a été conclu entre les deux parties, et la Commission des relations de travail dans la fonction publique a accepté l'accord comme valide et ne remet pas en question la non-désignation de ces 728 membres. Les deux parties avaient des plaintes, mais pour des motifs différents.

Le sénateur Murray: Cette non-désignation devait durer cependant, si je ne m'abuse, tant que la Commission des relations de travail dans la fonction publique n'aurait pas pris une décision. Est-ce exact?

M. Bean: La commission a souscrit à cette entente entre les deux parties. Elle considère qu'elle respecte la loi et elle a accepté que 728 personnes ne soient pas désignées.

Le sénateur Murray: Il n'est pas nécessaire de les désigner?

M. Bean: En effet.

Le sénateur Murray: Est-ce votre position?

M. Bean: Oui. Comme je l'ai signalé, depuis toujours, il y a plus de postes désignés que d'employés et il est évident qu'il y a un problème dans le système. Nous disons cela depuis des années. Si un poste est vacant, il est évident qu'il ne peut être essentiel. Nous avons eu des postes dans d'autres groupes déclarés essentiels pour la sécurité du public une journée alors que le titulaire du poste recevait un avis de licenciement le lendemain. Il y a des lacunes dans le système.

Tout le monde - syndicat, Conseil du Trésor et Commission des relations de travail dans la fonction publique - s'est entendu pour dire qu'il était inutile de désigner ces 728 postes. Il n'y a aucun doute sur ce que cela signifie. Le service sera assuré par les agents de correction. Cependant, il se peut - j'insiste, il se peut - qu'on doive exiger des heures supplémentaires.

Le sénateur Murray: Mis à part la dynamique des négociations en cours et les relations entre les syndicats et l'employeur, il semble qu'on se retrouve dans la situation qui a été décrite ce matin: un agent de correction peut fort bien être désigné, et son compagnon de travail ne pas l'être. En principe, à long terme, il faudrait que les agents de correction soient tous désignés ou qu'ils ne le soient pas. N'êtes-vous pas de cet avis?

M. Bean: Non. Je vous répondrai qu'il n'est pas essentiel que tous les agents soient désignés. En ce qui concerne les travailleurs de la table 2, je ne suis pas sûr des chiffres, mais entre 40 et 50 p. 100 d'entre eux sont désignés. Cela peut vouloir dire que, dans un établissement, on a désigné un plombier ou un menuisier pour assurer les services d'urgence, mais on n'a pas besoin de cinq plombiers ni de cinq menuisiers. Ce peut être la même chose pour les agents de correction. Ils peuvent maintenir le service.

Le sénateur Murray: Il faudrait donc en désigner un nombre suffisant pour garantir la sécurité dans l'intérêt du public?

M. Bean: C'est juste. Je conviens avec vous que quelque chose ne va pas dans le processus. Vous pourriez tous être là à vous demander comment un poste peut être essentiel à la sécurité du public si ce poste n'est pas occupé. Dans le groupe initial, il y a une centaine de postes vacants.

Le sénateur Murray: Cela répond à mes préoccupations. Les faits exposés par M. Bean ne vont pas à l'encontre de ce que nous avons entendu. Ce qui s'est passé, comme cela arrive parfois, c'est que certains faits ne nous ont pas été expliqués ce matin.

M. Bean: Monsieur le président, j'ajouterais une chose. Nous parlions tout à l'heure de 1989.

(1140)

En 1989, le gouvernement a fait une erreur importante en ne désignant pas un certain nombre de postes comme essentiels, dont ceux du groupe Équipages de navire. Au cours de la grève de 1989, notre syndicat a dû verser des indemnités quotidiennes et payer des chambres d'hôtel à des membres d'équipage qui devaient sortir pour effectuer des opérations de recherche et sauvetage, même si, légalement, nous n'étions pas tenus de le faire. En réalité, nos membres prennent leurs responsabilités très au sérieux. S'ils accomplissent des missions de recherche et de sauvetage aujourd'hui parce qu'ils ne sont pas en grève, il ne faut pas penser qu'ils resteront les bras croisés et qu'ils laisseront cinq personnes se noyer par exemple parce qu'une grève a été déclarée. Ils se rendent sur place. Nous dépensons 400 000 $ de l'argent de nos membres pour maintenir les services essentiels, même si nous ne sommes pas tenus par la loi de le faire.

J'aimerais souligner que notre syndicat n'est pas du genre à tirer profit de toutes les failles ou erreurs administratives. Nous nous préoccupons de la sécurité du public et nous continuerons de le faire.

Le président: J'aimerais vous rappeler que nous entendrons Mme Viviane Mathieu, du Syndicat des employés du solliciteur général, tout de suite après la déposition des témoins actuels.

Le sénateur Lawson: M. Bean, j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre le principe de la négociation collective. Nous avons entendu le ministre se plaindre des grèves tournantes et des dommages et des désagréments qu'elles entraînent. Certaines des questions semblaient faire part de préoccupations relativement à des dommages et des désagréments attribuables au vandalisme et à d'autres actions de ce genre.

J'ai l'impression qu'on vous a dit que vous aviez le droit de faire la grève à deux conditions préalables, la première étant que vous ne deviez pas l'exercer, et la seconde que, si vous le faisiez tout de même, vous ne deviez pas déranger qui que ce soit.

Cela m'amène à ma question principale. Lorsque le Parlement vous a accordé le droit de négociation et le droit de grève, il vous a donné le droit, dans le cas présent, de faire sortir 14 500 fonctionnaires. Pourquoi n'avez-vous pas agi de façon tout à fait modeste, vous limitant à faire sortir ces 14 500 fonctionnaires?

M. Bean: Je suis certes d'accord avec votre première récapitulation. Nous avons le droit de faire la grève, à condition que nous ne l'exercions pas ou, si nous l'exerçons, que nous ne devions causer d'inconvénients à personne. Ce ne sont pas 14 000 membres qui ont le droit de faire la grève, car dans le groupe de la table 2 - le projet de loi diffère de ceux que vous avez l'habitude d'étudier - des employés sont désignés pour assurer la sécurité de la population. Je ne me rappelle pas le chiffre exact, et je ne veux pas vous induire en erreur, mais je crois qu'environ 7 000 membres n'avaient pas le droit de faire la grève et n'ont pas exercé le droit de grève.

Nous n'avons pas retiré les quelque 7 000 employés qui ont le droit de faire la grève, car nous savions que, si nous le faisions, le gouvernement présenterait un projet de loi les obligeant à retourner au travail. Nous avons tenté d'exercer des pressions sur le gouvernement, tout en limitant les inconvénients causés à la population canadienne et aux agriculteurs. Nous ne nions pas que nous avons causé certains inconvénients et que des agriculteurs ont perdu un peu d'argent. Je vais m'excuser auprès des agriculteurs qui perdent de l'argent. Je ne m'excuserai pas pour le fait que nous avons exercé notre droit de grève de manière à attirer l'attention du gouvernement. Nous avions espéré que le recours à des grèves tournantes et ciblées amènerait le gouvernement à négocier sérieusement.

Le sénateur Lawson: Le ministre a dit qu'hier avait été la pire journée jusqu'à présent. Quel est le nombre total de travailleurs qui étaient en grève hier, ou n'importe quel autre jour?

M. Bean: Je ne crois pas que nous ayons jamais dépassé les 4 000. Pour l'instant, je ne peux pas vous dire précisément combien étaient en grève hier, mais je ne pense pas que ce soit plus de 4 000.

Le sénateur Lawson: Il semble à première vue que le syndicat ait agi de façon responsable et en demeurant conscient des inconvénients ressentis par le public. Je vous en félicite. C'est moi qui ai proposé que l'on suspende le projet de loi car j'ai de graves réserves à son égard.

Au cours du débat à la Chambre des communes, l'autre soir, des députés parlaient de grèves paralysantes et de mesures d'intimidation allant jusqu'aux coups. Le ministre Massé s'est levé pour dire que la grève n'était ni paralysante ni insoluble. Il a dit que l'appel à la raison lancé par le gouvernement avait été entendu et qu'un accord provisoire avait été conclu avec les cols bleus. La Chambre s'est alors levée et a applaudi ce règlement, et à juste titre.

Pourquoi sommes-nous donc ici en train de débattre ce projet de loi? J'ai suggéré qu'il soit suspendu. Pensez-vous, avec votre expérience des négociations et puisque vous avez recommandé l'adoption de l'accord, qu'il y ait des chances raisonnables qu'il soit ratifié par les syndiqués?

M. Bean: Dans les circonstances, je n'ai aucun doute que la majorité des membres ratifieront l'accord provisoire. Cela ne fait aucun doute.

Le sénateur Lawson: Je n'étais pas au courant de l'amende de 10 millions de dollars par jour. C'est honteux, d'autant plus qu'il existe un accord. Quel effet cela peut-il avoir d'ici la ratification sur la conduite de vos membres? Pensez-vous qu'il serait plus facile d'obtenir la ratification de l'accord si le projet de loi était suspendu, ou est-ce que ce serait plus difficile?

M. Bean: Il m'est difficile de répondre car je ne peux pas parler à la place de 21 000 membres. Disons que cela ne facilite pas le processus. En réalité, nos membres sont frustrés et en colère car ils ont été privés de leur droit à la négociation collective, à des augmentations de salaire, et cetera. Je ne vais pas me répéter.

On ne facilite nullement le processus quand on prévoit des amendes excessives. La partie de ce projet de loi qui choque le plus est celle qui prescrit que le particulier qui décide de défier la loi et de comparaître devant le tribunal est passible d'amendes; il n'a pas d'autre solution. Je ne le recommande à personne, mais même si un syndiqué reconnaît qu'il a sciemment défié la loi et déclare que, comme la plupart des Canadiens, il est prêt à passer quelques jours derrière les barreaux pour des idées auxquelles il croit fermement, ce projet de loi ne lui donnera pas ce choix. Il devra payer l'amende. Sinon, il devra s'attendre à la saisie de son salaire, de sa maison, de son automobile ou à la perte de tous ses biens.

Je n'ai pas l'habitude d'enfreindre la loi, mais je sais qu'il y a des situations où il faut le faire. Même l'ancien premier ministre Trudeau l'a admis. Quand on enfreint une loi qu'on juge injuste, on poursuit un but légitime. Martin Luther King a dit qu'on manifeste le plus grand respect pour la loi quand on l'enfreint en étant prêt à verser l'amende prévue.

Le fait est qu'il arrive parfois que, par conviction, on revendique le droit d'enfreindre la loi et qu'on soit prêt à acquitter l'amende. Ce sera impossible avec ce projet de loi.

Le sénateur Lawson: On a comparé la négociation collective à un mariage. Peu importe ce qui arrive, le couple envisage un avenir à long terme. Que fait un tel projet de loi pour les relations à long terme et fondées sur la bonne foi que vous essayez d'entretenir avec l'employeur?

(1150)

M. Bean: L'employeur ne peut s'attendre à ce que l'un ou l'autre de ces groupes de négociation fassent preuve de beaucoup de bonne foi. Nous avons conclu des ententes de principe pour environ 100 000 employés. Même si nos membres ne sont pas extrêmement satisfaits ou heureux de ces ententes de principe, ils les ont au moins jugées acceptables.

Je ne dis pas à nos membres ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas; c'est le rôle de la démocratie. Nos membres votent. J'accepte le résultat des votes. Nous avons conclu une entente de principe pour les agents de correction. L'équipe de négociation l'appuyait, les leaders syndicaux l'appuyaient, mais 59 p. 100 des travailleurs visés l'ont rejetée. C'est ce qu'on appelle la démocratie et nous la respectons.

Si le gouvernement veut nous imposer cette même entente de principe, ce ne sera plus, à mon avis, 59 p. 100, mais probablement 100 p. 100 des travailleurs qui la rejetteront, car ils ne seront pas heureux de se faire imposer une convention que la majorité a rejetée.

Le sénateur Kinsella: Les témoins ont-ils des observations à faire à propos de l'OIT, l'Organisation internationale du travail, et de sa série de conventions, particulièrement des conventions ratifiées par le Canada? L'imposition par le Canada d'une convention collective, nous a dit le ministre, est sans précédent, du moins à la connaissance du ministre. Êtes-vous au courant d'un précédent? De façon plus générale, quelle serait, à votre avis, la position de l'OIT dans cette affaire?

M. Bean: Par le passé, nous avons déposé un certain nombre de plaintes auprès de l'OIT en ce qui concerne les lois forçant le retour au travail de nos membres, la privation du droit à la négociation collective, et cetera. L'OIT nous a donné raison dans tous les cas. Dans un cas, elle a même envoyé une mission au Canada. C'est assez inhabituel. Elle a envoyé une mission au Canada dans les années 80 et a condamné le gouvernement canadien. Il y a eu, je crois, quatre plaintes depuis 1991, auxquelles nous n'étions toutefois pas parties, et l'OIT a donné gain de cause aux plaignants les quatre fois.

Le problème, évidemment, c'est que l'OIT ne peut rien faire légalement. Elle ne peut que ternir la réputation du Canada parmi les États de l'ONU. Elle ne peut imposer aucune peine ni ordonner quoi que ce soit au gouvernement canadien. Elle doit s'en tenir à des propos diplomatiques. Elle trouve toujours une façon diplomatique de dire à un pays ce qu'il doit faire, de lui rappeler qu'il doit respecter les conventions de l'OIT.

Je trouve assez ironique que, il y a quelques mois seulement, le gouvernement ait à nouveau souscrit aux conventions de l'OIT sur les libres négociations, le droit de grève et le reste. Il ne fait aucun doute que l'OIT condamnera ce projet de loi.

Le sénateur Kinsella: Connaissez-vous un précédent de ce genre d'atteinte aux droits des travailleurs canadiens à des négociations libres?

M. Bean: Il n'y a pas de précédent concernant les agents de correction, qui se font imposer une loi avant même d'avoir officiellement le droit de grève. Il n'existe aucun précédent permettant au président du Conseil du Trésor d'imposer lui-même les règles, car c'est ce que fait le gouverneur en conseil. On n'a jamais vu un ministre imposer les conditions de travail des agents de correction. On a déjà vu le Parlement imposer des conditions, mais il n'a jamais donné carte blanche à un ministre placé en situation de conflit d'intérêts, et c'est bien le cas selon nous puisque le ministre est l'employeur et également le gouvernement aux négociations.

Le sénateur Kinsella: Il est vrai qu'il n'y a aucune tierce partie pour superviser le processus. Pour les travailleurs non spécialisés, ceux de la table 2, nous savons quels seront les effets de la loi. On pourra dire qu'une tierce partie est intervenue si l'entente négociée est signée. Ce n'est pas le cas pour les employés de la table 4. C'est pourquoi j'ai tenté de savoir du ministre et des fonctionnaires du Conseil du Trésor ce qu'il y avait sur la table lorsque les négociations ont été rompues, quelles étaient les offres recommandées par le rapport majoritaire de la commission de conciliation auquel mon collègue a fait allusion, et quel était l'écart entre ce qui avait été négocié et ce qui était recommandé. Pourriez-vous expliquer clairement aux honorables sénateurs à quel point les positions étaient rapprochées et quelles étaient les recommandations de la tierce partie?

M. Bean: Le rapport contient également des recommandations sur l'élimination d'un échelon, parce que c'est là une mesure de grande portée. Nos collègues qui prendront la parole après nous pourront vous donner le nombre d'échelons à franchir - je crois que c'est 7, mais je n'en suis pas sûr - avant qu'un agent de correction atteigne l'échelon le plus haut, qui est le niveau de travail. Un échelon a été ajouté en 1998 et le comité de conciliation a recommandé d'éliminer l'échelon le plus bas.

Il y a également un petit nombre d'autres recommandations importantes que le gouvernement a dit jusqu'ici pouvoir accepter, dont la lette du commissaire du Service correctionnel en matière de formation, l'exigence de plus de formation et de plus de discussion au niveau local et au niveau national. Il a fait savoir également qu'il pouvait accepter la recommandation du bureau de conciliation en vue de la mise sur pied d'ici trois mois d'une équipe conjointe syndicale-patronale chargée d'étudier la comparaison du travail des agents de correction avec celui des agents de la GRC et de faire rapport d'ici neuf mois.

M. Jolicoeur m'a téléphoné pour me faire savoir que la partie patronale pouvait tout accepter sauf l'augmentation d'échelon de salaire de 4 p. 100 en 1998 et qu'elle tâcherait de trouver un changement quant au moment où l'augmentation d'échelon est abandonnée en 1998.

(1200)

Le sénateur Kinsella: Si le projet de loi était adopté, croyez-vous que le Conseil du Trésor, en imposant la nouvelle convention collective, rédigerait une convention collective qui comporte les dispositions que vous venez d'exposer?

M. Bean: C'est certainement ce qu'on nous a laissé entendre. L'ennui, c'est que nous n'avons rien d'officiel à cet égard.

Je rappelle aux sénateurs que le Conseil du Trésor a dit qu'il accepterait le rapport de la commission de conciliation pour la table 2. Quand nous avons vu le projet de loi, il ne ressemblait plus au rapport de la commission de conciliation. En fait, le projet de loi incluait six mois de plus avec une hausse de 1 p. 100. Voilà pourquoi je crains que l'on ne donne un chèque en blanc au Conseil du Trésor.

Le sénateur Kinsella: On pourrait peut-être amender le projet de loi à l'article 20, concernant les agents de correction, afin d'avoir quelque chose de semblable à l'article relatif au cas où il y a entente de principe. Sinon, le gouvernement possède ce pouvoir, même s'il s'agit d'un pouvoir extraordinaire. Si nous apportions à la partie 2 un amendement prévoyant une entente de principe fondé sur - en fait constitué par - le rapport majoritaire de la commission de conciliation, pensez-vous que vos membres l'accepteraient?

M. Bean: Oui, je pense que les membres se prononceraient en faveur, car l'équipe de négociation a unanimement accepté le rapport majoritaire de la commission de conciliation.

Nous n'avons pas eu beaucoup de commentaires négatifs de la part des agents de correction pour dire qu'ils trouvent cela inacceptable.

J'ai déjà vécu ce genre de situation auparavant. Je sais qu'on hésite à amender le projet de loi parce qu'il devra alors être renvoyé à la Chambre des communes et que celle-ci est sur le point de suspendre ses travaux pour le congé de Pâques. Je préférerais que le projet de loi soit amendé, parce que nous aurions alors une garantie, au lieu d'un chèque en blanc.

Je sais toutefois - pour avoir vécu cette situation avec M. de Cotret, ici au Sénat - que la Chambre haute peut obtenir du ministre un engagement à mettre en application les dispositions du rapport de la commission de conciliation. C'est possible de faire cela. J'ai vécu cette expérience avec M. de Cotret, et les sénateurs de l'opposition ont usé de leur influence pour obtenir du ministre qu'il s'engage, envers le Sénat, à faire cela.

Le sénateur Kinsella: Nous allons étudier cette possibilité.

Vous pourriez peut-être rappeler aux honorable sénateurs la date d'expiration de la nouvelle convention collective.

M. Bean: La date d'expiration serait juin 1999.

Le sénateur Kinsella: C'est dans quelques mois à peine.

Honorables sénateurs, nous sommes en train d'étudier une proposition sans précédent, qui exclut totalement un tiers dans un différend et qui risque probablement de contrevenir à la convention de l'OIT. L'écart entre les parties n'est pas si grand. Nous avons un moyen à notre disposition, soit une lettre du ministre. De plus, le contrat arrive à échéance dans quelques mois.

Monsieur Bean, à quel risque ou préjudice l'employeur s'exposerait-il en refusant cette approche?

M. Bean: Le seul risque qu'il courrait, c'est une augmentation salariale supplémentaire de 4 p. 100 pour les agents de correction, augmentation qui, selon M. Jolicoeur, représente 3,5 p. 100 sur la paye. Je pense que c'est cela le risque.

Le sénateur Kinsella: Si c'est à cela que se résume le risque, nous sommes obligés, compte tenu des valeurs chères aux Canadiens, d'examiner le principe selon lequel le fait de priver un Canadien d'un droit est justifiable, dans une société juste et démocratique, seulement lorsqu'on porte atteinte le moins possible à ce droit. Dans cette optique, le 4 p. 100 constituerait-il un fardeau minimal ou maximal?

M. Bean: Étant donné que la situation économique du gouvernement s'est considérablement améliorée - en fait, il affiche un excédent - une hausse de 4 p. 100 pour 4 700 personnes est loin d'être un fardeau maximal. Je dirais plutôt que c'est un fardeau minimal.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais revenir aux préoccupations exprimées au sujet des manifestations qui accompagnent les grèves tournantes. J'estime, monsieur Bean, que plus vos membres feront de grèves tournantes, moins ils s'attireront la sympathie de la population, aussi justifiés soient leurs griefs et leurs sentiments de frustration. Vous avez minimisé l'importance de ces événements en les qualifiant d'incidents isolés, disant qu'il n'y avait pas vraiment de quoi trop s'inquiéter lorsqu'on bloque l'aéroport de Montréal deux fois en 10 semaines, ou quelque chose dans ce genre-là.

Depuis, j'ai eu la chance d'obtenir une copie du bulletin de grève de la table 2 pour le 39e jour, qu'a publié l'Alliance de la fonction publique du Canada. Il est daté du 12 mars 1999 et se lit comme ceci:

Willow Park (N.-É.) - L'équipe volante a entouré un plein autobus d'employés et a empêché une équipe de travail d'entrer.

Halifax (N.-É.) - ... À Woodlawn, des piqueteurs ont empêché des membres du groupe «Équipages de navire» de prendre l'autobus pour aller rejoindre un navire à Shelbourne. Les membres d'équipage sont montés dans l'autobus à raison d'un à l'heure et, à 14 h 30, l'autobus n'était pas parti.
Il s'agit ici d'une publication de l'Alliance de la fonction publique du Canada, et non du National Post.

Saint John (N.-B.) - Les syndiqués ont réussi à ralentir le travail des bureaux de Revenu Canada.

Summerside (I.-P.-É.) - Pour la deuxième journée d'affilée, les piqueteurs de la table 2 à Summerside ont fermé le centre fiscal. [...] L'appui de la table 1 a été extraordinaire!
Bagotville (Qué.) - La section locale 10501 de l'UEDN a quitté le travail, paralysant les cuisines de même que les services de conciergerie et de transport. Cela a eu une incidence sur l'arrivée inattendue de touristes allemands obligés de s'arrêter à Bagotville à cause de la tempête.
Cela les fait jubiler, je suppose.

Région de la capitale nationale - Aujourd'hui, les membres de la table 2 ont fermé la Tour Vanier où sont logés plusieurs ministères fédéraux - Revenu Canada, DRHC, Affaires étrangères.

Plusieurs milliers d'employés ont été renvoyés chez eux pour la journée. Le moral était élevé.

Winnipeg (Manitoba) - Mercredi, les bureaux de l'impôt sur la rue Broadway étaient complètement fermés - une journée très réussie. Jeudi, nos membres ont fait du piquetage devant l'entrepôt de l'impôt sur la rue Weston et les bureaux de Revenu Canada sur la rue Stapon...

Edmonton (Alberta) - Canada Place a encore été la cible d'activités de piquetage réussies. Les membres ont prolongé les heures de piquetage [...] pour empêcher les livraisons. Le président de l'AFPC, Daryl Bean, s'est joint aux piqueteurs et a parlé de l'état des négociations à la table 2. Bon moral.
Vancouver (C.-B.) - Deux silos à grain du port de Vancouver ont fait l'objet de lignes de piquetage par des membres de la table 2 travaillant à la Commission canadienne des grains, au garage et aux magasins de la GRC, et aux bureaux de Pacific and Douglas Border Crossing and Taxation. Les deux silos à grain sont fermés pour toute la durée de la grève. Tous les jours, les membres ajouteront un autre silo à grain sur leur liste d'endroits à piqueter jusqu'à ce que tout le grain acheminé sur la côte ouest soit immobilisé!
(1210)

Comment pouvez-vous vous attendre, après avoir approuvé ce genre de comportement, à ce que nous ne soyons pas convaincus que le seul moyen de mettre un terme à tous ces excès est d'adopter ce projet de loi, même si nous le trouvons mauvais?

Je ne comprends pas pourquoi vous ne pouvez pas envoyer un bulletin de grève - celui-ci est tiré de votre page Web - et arrêter ces manifestations et admettre que vous êtes en train de perdre la sympathie des contribuables canadiens. Sinon, une mauvaise loi sera adoptée et le ressentiment entre l'employeur et les employés continuera.

Vos membres sont, en un sens, inconsciemment responsables, en partie du moins, de la présentation de ce projet de loi dont nous sommes saisis. Je le dis en me fondant sur ces bulletins et d'autres que je n'ai pas lus, mais qui, je n'en doute pas, sont de la même eau.

M. Bean: Il ne fait pas de doute que ces informations sont assez exactes. Pour ce qui est des lieux d'entreposage du grain, comme nous l'avons l'ai déjà dit, il y a eu une injonction, mais nous avions déjà arrêté avant l'injonction. C'était le 12 mars, comme vous l'avez dit, si je ne m'abuse. Nous avions déjà arrêté le piquetage là-bas, et les activités liées au grain ne sont pas arrêtées maintenant, et elles ne le sont pas depuis la semaine dernière.

Oui, nous avons provoqué des retards chez les gens qui voulaient entrer dans des immeubles. Oui, nous avons provoqué des retards chez les membres de l'AFPC, conformément à la loi et aux directives du Conseil du Trésor. En effet, une directive du Conseil du Trésor précise ce qu'un employé doit faire lorsqu'il arrive devant une ligne de piquetage. Il doit téléphoner à son superviseur et demander qu'on l'accompagne pour franchir la ligne de piquetage. Nous avons manifestement eu recours à ce moyen. Peut-être trouvez-vous ces gestes choquants, mais si nous ne pouvions y recourir pour exercer des pressions sur le gouvernement, il serait impossible de régler une grève.

Très peu des arguments invoqués par le gouvernement justifient l'adoption de cette loi. Le transport des céréales est assuré par suite d'un engagement de notre part de ne pas faire de piquetage et d'une injonction. Voilà pour celui-là.

Oui, nous avons fait du piquetage à Revenu Canada. Il se peut que nous piquetions de nouveau aujourd'hui devant certains des bureaux de ce ministère. L'argument selon lequel cette mesure provoque une accumulation de déclarations n'est pas fondé. Dans les faits, le traitement des déclarations est plus avancé cette année qu'à la même période l'an passé.

Comme je l'ai mentionné, il se peut que vous trouviez choquant le fait que des piqueteurs se soient rendus deux fois en dix semaines à Dorval. J'espère sincèrement que vous pouvez comprendre leur frustration et leur colère. Il m'est impossible de contrôler tous les membres. Il y a eu très peu de violence, et je ne pourrais jamais tolérer la violence à quelque moment que ce soit. En fait, dès que je prends connaissance d'actes de violence, je communique immédiatement avec le coordonnateur régional de la grève afin que cela ne se reproduise plus.

Il y a cependant eu des situations malheureuses. J'espère que vous pouvez comprendre la frustration et la colère des gens, mais cela ne justifie pas la violence. Je vous demande de vous mettre à la place des travailleurs les moins bien rémunérés. Je comprends pourquoi vous soulevez la question et je respecte la question.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je respecte votre réponse, sauf que je ne crois pas que vous devriez officiellement admettre certains de ces excès en vous en vantant et en les sanctionnant.

Le sénateur Stewart: Je vais poser un tout autre genre de question. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que la rémunération d'un nombre considérable de vos membres est inférieure à la rémunération versée dans certaines parties du secteur privé, où s'exercent les forces ordinaires du marché.

Pour quelle catégorie d'employés, que ce soit des gens de métier ou des professionnels, le contraste entre le secteur public et le secteur privé est-il le plus évident?

M. Bean: C'est chez les cols bleus que le contraste est le plus évident. La différence varie entre 20 et 40 p. 100.

Le salaire moyen des gens de métier, ceux qu'on appelle les cols bleus, est de 14,83 $ l'heure. Je suis certain que, si vous avez déjà fait appel à un plombier, à un menuisier ou à un électricien, il n'est pas allé chez vous pour 14,83 $. Voilà la réalité.

Les pompiers dans la fonction publique fédérale gagnent environ 37 000 $. La plupart des grands centres paient leurs pompiers environ 50 000 $. À mesure que Transports Canada a transféré les pompiers des aéroports aux administrations aéroportuaires locales, nous avons obtenu des augmentations de 20 à 30 p. 100 pour les pompiers et les gens de métier parce qu'ils accusaient un retard énorme par rapport à l'équivalent. Lorsque ces travailleurs sont transférés à l'administration aéroportuaire locale, leur salaire doit être augmenté en fonction de l'équivalent. La hausse la moins élevée pour ce groupe est probablement d'environ 15 à 20 p. 100. C'est ce que nous avons négocié.

Le sénateur Stewart: Ce n'est pas un problème exclusivement canadien. Je me rappelle qu'il y a quelques années, quelqu'un avait dit au comité des banques qu'à Londres, certains secteurs du gouvernement de Grande-Bretagne étaient devenus un véritable laboratoire de formation pour les gens qui, une fois qu'ils étaient bien formés, quittaient pour le secteur privé afin de bénéficier de meilleurs salaires et de plus grands avantages sociaux.

Observez-vous chez vos membres ce genre de mouvement vers le secteur privé?

M. Bean: Oui, il y a un fort mouvement vers le secteur privé. Mais, étant donné la crise de l'emploi, d'autres viennent les remplacer.

Il y aussi le cas du groupe technique auquel ne s'applique pas la formule 2,5 et 2. Outre les augmentations de 2,2 et 4 p. 100 sur deux ans, les techniciens et certains travailleurs relevant de la Commission du blé touchaient ce qu'on appelle des indemnités finales, qui variaient entre 200 et 500 $ par mois, un moyen qu'on avait imaginé pour mieux les retenir. Il en est de même pour les informaticiens, les vérificateurs et certains groupes de l'Institut professionnel. En raison des graves problèmes de rétention et de recrutement qu'ils représentent, on leur versait une indemnité finale.

(1220)

Le sénateur Stewart: Je soulève la question parce qu'il fut un temps où l'on croyait qu'un emploi au sein de la fonction publique présentait un double avantage: une rémunération supérieure et une plus grande sécurité d'emploi. En ce qui concerne la rémunération, la situation semble avoir changé du tout au tout.

Selon vous, y a-t-il des raisons qui justifieraient un taux de rémunération inférieur dans la fonction publique?

J'aime taquiner les ministres en leur rappelant qu'ils ne sont pas au même niveau que les vice-présidents de banques, tandis que le premier ministre touche un salaire qui n'aurait rien d'exceptionnel dans le monde des affaires.

Que se passe-t-il en réalité? Je vous pose la question. Existe-t-il d'autres considérations qui justifieraient un taux de rémunération inférieur dans la fonction publique?

M. Bean: À la fin des années 70 ou au début des années 80, une formule dite «de Gauthier» recommandait que le taux de rémunération applicable aux employés spécialisés de la fonction publique soit fixé à 90 p. 100 de celui en vigueur dans le secteur privé. Le raisonnement était que les employés spécialisés au service de la fonction publique jouissaient d'une meilleure sécurité d'emploi et avaient du travail toute l'année. De toute évidence, la sécurité d'emploi a disparu avec l'introduction du Programme de prestation de rechange des services, qui veut dire qu'un grand nombre de services ont été privatisés et que l'on s'approvisionne auprès d'autres organismes à l'extérieur.

L'autre raison pour laquelle les gens restent à la fonction publique fédérale, c'est le régime de pension. C'est un bon régime de pension, mais il ne faut pas oublier que les travailleurs cotisent 7,5 cents par dollar qu'ils gagnent et que l'employeur cotise autant.

En réalité, une personne travaillant pour une compagnie privée qui cotiserait un montant équivalent de 7,5 p. 100 toucherait aussi une bonne pension.

Le régime de pension est un important incitatif. Il incite les travailleurs, notamment les employés âgés, à rester dans la fonction publique. Les gens savent que, quand ils vont prendre leur retraite, ils toucheront une pension décente.

Le président: Je vous remercie tous les deux d'avoir comparu ce matin.

M. Bean: Je remercie les honorables sénateurs. Je leur sais gré de la manière directe qu'ils ont d'aborder la question. J'espère que vous comprendrez que je parle ici au nom des travailleurs et que j'exprime une partie de leur frustration et de leur colère. Je peux vous garantir que si certains d'entre eux étaient ici, ils exprimeraient ces sentiments de façon très différente.

Le président: Que l'on fasse venir les autres témoins.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pendant que nous attendons les témoins, le leader du gouvernement pourrait-il commenter les propos de M. Bean, qui a rappelé une situation similaire à celle-ci où une mesure législative d'urgence était examinée au Sénat, apparemment à la veille d'un départ en congé de la Chambre? Le ministre de l'époque, M. de Cotret, avait fait remarquer qu'il appuyait l'amendement, mais que, de toute évidence, il ne serait pas adopté parce que la Chambre aurait ajourné avant que le message ne soit parvenu à l'autre endroit.

À l'époque, le Sénat se satisfaisait d'une lettre du ministre, qui était l'équivalent d'un amendement. La lettre n'avait pas la force d'un amendement, mais le ministre respectait sa parole.

Ce qui manque, dans ce projet de loi, c'est une certaine indication de ce que les agents de correction peuvent raisonnablement attendre en fait de règlement. Le projet de loi n'aborde pas la question. On y dit simplement que le Conseil du Trésor en décidera et que le gouvernement prendra le règlement. Le ministre a indiqué aujourd'hui que le règlement convenu par les parties à la table, mais refusé par les agents de correction, servirait de base à l'élaboration de l'entente finale. Il a hésité à l'inscrire dans la loi proposée, parce qu'il craignait que cela ne limite sa marge de manoeuvre en ne lui permettant pas d'améliorer le règlement, le cas échéant. Il a dit tout cela publiquement. C'est donc ainsi qu'il procédera.

Sa déclaration publique prendrait un caractère plus officiel si nous pouvions obtenir une lettre du ministre confirmant ses propos. Les agents de correction et leurs représentants sauraient, si ce projet de loi était adopté, qu'il est accompagné d'une lettre précisant le minimum qui leur sera accordé en vertu du règlement, à la fin du conflit.

Je demande au ministre s'il peut faire part de mes observations au ministre Massé. Ce serait utile d'avoir un tel document.

Le sénateur Graham: Je ne crois pas que nous puissions négocier ici.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je fais juste une suggestion, et vous pourriez peut-être lui en faire part durant le déjeuner.

Le sénateur Graham: Je m'en charge.

[Français]

Le président: Monsieur Bélanger et madame Mathieu, vous avez un mémoire à nous présenter, vous pouvez donc continuer.

Mme Viviane Mathieu, agent correctionnel: Je travaille comme agent correctionnel depuis plus de 15 ans dans des établissements fédéraux. J'ai travaillé dans les établissements Leclerc, Montée Saint-François et Donnacona. En plus d'être agent correctionnel, je suis également mère de famille, et comme vous pouvez le voir, je suis Canadienne et très impressionnée de devoir faire une présentation ici. J'espère que vous serez indulgents avec moi.

Dans tous ces établissements où j'ai travaillé, j'ai dû être confrontée à plusieurs événements critiques et dramatiques de toutes sortes. J'ai été prise en otage, j'ai dû intervenir avec des détenus qui étaient mourants ou ensanglantés. Les 4 700 agents correctionnels du Canada ont vécu les mêmes choses.

M. André Bélanger, président, Syndicat des employés du solliciteur général - AFPC: Je suis agent de correction 2, j'ai 25 ans de services au sein du Service correctionnel du Canada. Je travaille au Centre régional de réception à Sainte-Anne-des-Plaines, qui est un établissement à sécurité maximum et qui comporte également une unité spéciale de détention, c'est-à-dire que c'est la seule unité - unique au Canada - pour les détenus récalcitrants. Dans notre langage, nous appelons cela le «super maximum».

En tant qu'agent de correction, nous représentons l'un des maillons du système judiciaire. Nos fonctions premières sont avant tout de protéger la société, assurer la sécurité des établissements, des détenus et du personnel qui y 9uvre.

Les agents de correction sont des travailleurs par poste, c'est-à-dire qu'ils travaillent par roulement sur trois quarts de travail: le matin, le jour et le soir. Ils ont un horaire de travail de 7/3, 7/4, c'est-à-dire sept jours de travail, trois jours de repos et sept jours de travail, quatre jours de repos, soit un total de 56 heures par semaine en sus des heures supplémentaires qu'ils sont appelés à effectuer.

Mme Mathieu: Les établissements correctionnels sont des minivilles où les habitants sont des criminels, c'est-à-dire des gens qui ont passé à travers le système judiciaire, des gens du crime organisé, des gens extrêmement violents. Près de 77 p. 100 des personnes incarcérées le sont pour avoir commis des crimes violents. Après avoir passé par le système judiciaire, lorsque les individus entrent au pénitencier, leur comportement agressif et violent ne change pas. Cependant, au quotidien, nous devons travailler avec eux. Nous devons intervenir auprès de ces gens qui sont rebelles, récalcitrants, qui nous font des menaces et toutes sortes de pressions indues au jour le jour. Nous devons vivre dans un tel climat quotidiennement.

Par exemple, dans les établissements où j'ai travaillé à travers le Canada, nous retrouvons trois agents correctionnels pour à peu près 100 détenus. Nous subissons constamment la pression des détenus. Nous sommes confrontés à des situations critiques régulièrement.

M. Bélanger: Il faut aussi attirer votre attention sur d'autres dangers tels les risques d'exposition aux maladies infectieuses comme le VIH, l'hépatite C et l'hépatite B. Il est reconnu que la population carcérale représente un taux d'infection 15 fois plus élevé que n'importe où ailleurs dans la société canadienne à cause des comportements à risque des détenus.

Par ce fait même, cela accroît le danger de contamination des agents de correction lorsque nous devons intervenir dans des situations d'agression, d'automutilation ou lorsque des détenus récalcitrants nous lancent des crachats, de l'urine et des excréments au visage. Certains profitent de leur état pour nous menacer avec des lames de rasoir contaminées ou d'autres objets contondants ou encore pour nous mordre. Nous pouvons nous contaminer lorsque nous effectuons des fouilles, par exemple, en nous piquant sur certains objets ou sur des machines à tatouage fabriquées par les détenus et qu'ils viennent d'utiliser.

Mme Mathieu: Nous ne pouvons pas vous montrer d'objets comme ceux que l'on vient d'énumérer. Je ne veux pas faire de sensationnalisme, mais ce qui est sûr, c'est que quotidiennement, nous retrouvons des objets qui peuvent attenter à la vie de tout le monde.

Ce que nous disions aussi au sujet des hépatites, c'est que nous avons actuellement deux agents correctionnels à travers le Canada qui ont contracté le VIH sur leur lieu de travail, suite à une blessure. Plusieurs agents correctionnels doivent prendre des cocktails d'AZT parce qu'ils ont été contaminés d'une façon ou d'une autre. Les possibilités qu'ils soient séropositifs sont énormes. C'est ce que nous vivons au quotidien.

En tant que professionnels, nous devons exécuter nos fonctions en exerçant un contrôle sûr, sécuritaire et humanitaire sur une population carcérale qui est violente et dangereuse pour nous et pour l'ensemble de la société. Par le biais du système judiciaire, la société a emprisonné ces gens, sauf qu'ils n'arrêtent pas leur comportement violent. Nous devons faire des interventions cliniques auprès d'eux. Nous devons les aider à devenir des citoyens respectueux des lois, qui pourront réintégrer la société et avoir des comportements socialement acceptables.

Nous sommes toujours dans un balancier dans le sens que, d'une part, nous devons assurer la sécurité de tout le monde et faire de la répression, et, d'autre part, nous devons effectuer des interventions positives et proactives auprès des détenus pour les aider à devenir des citoyens respectueux des lois.

Pour toutes les tâches que nous faisons, nous devons quotidiennement nous servir de plusieurs lois, de la Charte canadienne des droits de la personne, du Code criminel, de la Loi sur les langues officielles, de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et cetera.

Nous devons intervenir de façon très professionnelle dans des cas de réanimation cardio-vasculaire. Nous devons aussi menotter les détenus, utiliser des gaz chimiques ou le poivre de Cayenne. Nous devons toujours le faire dans le respect de la Charte et dans le respect de ce que tout citoyen a le droit d'avoir. Les détenus continuent d'être des citoyens même s'ils sont incarcérés et ils ont des droits fondamentaux. Nous devons nous appliquer à les faire respecter.

M. Bélanger: Finalement, nos membres ont rejeté l'accord de principe parce qu'ils ont perçu que notre employeur ne reconnaissait pas la valeur du travail accompli dans des conditions aussi stressantes et difficiles.

Nous adhérons unanimement au rapport majoritaire du bureau de conciliation. Nous considérons que les trois recommandations en ce qui a trait à la formation, au taux de rémunération proposé et à la mise sur pied d'un comité mixte pour comparer les fonctions, les conditions de travail et les taux de rémunération des agents de correction vis-à-vis les membres en uniforme de la Gendarmerie royale du Canada, constituent un pas dans la bonne direction vers la reconnaissance de la valeur du travail que nous effectuons.

L'ajout d'un échelon supplémentaire contenu dans le rapport de conciliation a un coût limité, soit environ 4 p. 100 pour l'ensemble des agents de correction, comme vous l'avez entendu plus tôt.

Mme Mathieu: Bien que nous croyons que le rapport majoritaire du bureau de conciliation soit un pas dans la bonne direction, nous avons parlé précédemment d'argent, c'est vrai. Mais d'abord et avant tout, les agents correctionnels veulent se faire reconnaître pour le travail difficile qu'ils font quotidiennement et courageusement.

Nous vous prions d'amender le projet de loi C-76 pour inclure le rapport majoritaire du bureau de conciliation pour que les agents du bureau correctionnel se sentent respectés dans le processus de négociations, qui a été si long et si pénible pour nous.

Nous vous implorons de bien vouloir amender le projet de loi. Nous sommes tous et toutes des travailleurs et des travailleuses, des pères et des mères de famille. Nos conditions de travail influencent régulièrement nos familles, notre voisinage et notre entourage. Au fil des années, nos proches ont dit: «Assez, c'est assez!» Il faut que nos conditions de travail changent. Il faut faire la comparaison avec les membres de la GRC. Nous sommes un corps policier et nous voulons être respectés comme tel. Nous vous remercions de nous avoir écoutés et nous sommes maintenant disponibles pour répondre à vos questions.

Le sénateur Kinsella: Je remercie les témoins pour leur présentation très claire. Il est important pour tous les Canadiens et les Canadiennes de reconnaître le travail fondamental des agents correctionnels du Canada.

Ce matin, nous avons parlé de 728 de vos collègues qui ne sont pas désignés. Pouvez-vous nous décrire, grosso modo, qui sont ces travailleurs et quel travail ils font?

M. Bélanger: Je travaille au Centre régional de la réception. Sept agents sur un total de 160 seront en grève légale à cet établissement. Nous avons la liste des désignations, et c'est un portrait similaire que l'on retrouve dans tous les autres établissements à travers le Canada. Comment voulez-vous que sept personnes en grève légale sur 160 représentent un danger pour la société ou les détenus?

On aurait préféré régler nos différends devant un arbitre; malheureusement, le gouvernement a manqué de sagesse. Depuis des années, le gouvernement savait très bien qu'au moment où les agents de correction auraient la possibilité de faire la grève, il désignerait leurs postes en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Comment voulez-vous qu'en tant que travailleurs, nous puissions faire reconnaître nos droits et négocier de bonne foi avec l'employeur pour trouver un terrain d'entente? On ne voulait pas faire la grève.

On occupe des fonctions importantes et même essentielles au sein de la société canadienne. Même si vous permettiez qu'on aille en grève, on parle de sept ou huit personnes par établissement, une dizaine pour certains autres. Depuis le début des moyens de pression, il était entendu que si jamais il y avait un incident dans un établissement, peu importe que nous soyions en grève légale ou non, nous allions entrer au travail et accomplir nos tâches habituelles. La société canadienne peut compter sur nous.

Mme Mathieu: Nous avons à coeur d'effectuer ce travail si ardu. Nous l'avons d'ailleurs démontré. Nous avons souvent laissé traverser une ligne de piquetage, pour faire sortir des détenus à l'extérieur.

Le sénateur Kinsella: Dans votre établissement, quel travail font ces sept employés non désignés?

M. Bélanger: Ce sont des agents de correction 2, comme moi. Il y aura possiblement des agents de correction 1. Ces agents occupent des postes de contrôle ou des postes de sécurité statique à l'intérieur de l'établissement. Mais il en reste tout de même 160 pour faire le travail. Nous remplissons à peu près tous les mêmes fonctions, à quelques différences près.

Mme Mathieu: Nous sommes tous aptes à combler tous les postes. Cela ne crée pas vraiment de problème à l'interne. La sécurité n'est mise en danger d'aucune façon. Nous ne le permettrions pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quelle formation faut-il pour devenir candidat à de tels postes? Une fois embauché, existe-t-il une formation additionnelle fournie par l'employeur pour devenir agent correctionnel?

M. Bélanger: Lorsque j'ai été embauché au Service correctionnel, en 1974, on exigeait une cinquième secondaire. Par contre, la nature du travail est différente aujourd'hui. La norme scolaire minimale est encore la cinquième secondaire pour un agent de correction 2, sauf que plusieurs maintenant détiennent des diplômes collégiaux ou universitaires. Une des qualités de base pour exercer notre métier consiste en un bon jugement. Le milieu carcéral étant en évolution constante, les techniques d'entrevue se sont raffinées. Nous devons maintenant faire des évaluations des détenus, les inciter à participer à des programmes, et cetera.

Les nouveaux employés ont déjà acquis une partie de ces connaissances lorsqu'ils ont étudié au collègue ou à l'université. Nous avons acquis ces connaissances avec l'expérience et grâce à une formation dispensée par l'employeur.

Nous avons fait beaucoup de demandes pour recevoir plus de formation. Par exemple, en ce qui a trait à la Loi sur les services correctionnels et la mise en liberté sous condition, entrée en vigueur en octobre 1992, j'ai reçu un cours de formation sur la loi et sur la mise en application des règlements, au mois de janvier 1999.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ma question concernait plus précisément la formation après l'embauche. N'y a-t-il pas habituellement une période de formation, comme un entraînement sur la manutention des armes, par exemple, ou des cours sur la psychologie du monde carcéral?

Mme Mathieu: Pour être embauchés, nous devons avoir un diplôme de secondaire V. Par la suite, l'employeur nous envoie au collège du personnel, où nous suivons une série de cours sur la manutention des armes à feu ou sur les moyens de contrainte, et autres. Cet entraînement dure six à huit semaines, selon l'expérience. Par la suite, en établissement, il peut y avoir des mises à jour. On a parlé longuement à la table de négociations de la formation. Souvent, les mises à jour ne sont pas encadrées. Cela fait 20 ou 25 ans que l'on doit administrer la Loi sur les services correctionnels et le Code criminel. Pour cela, nous n'avons jamais eu de formation adéquate. C'est la raison pour laquelle nous retrouvons des doléances de ce genre dans le mémoire présenté par l'Alliance de la fonction publique, au bureau de conciliation.

Le sénateur Lynch-Staunton: En ce qui concerne la question du statut des 728 agents non désignés, d'après le Conseil du Trésor, c'est une erreur administrative. On devrait lire: «Tous vos membres auraient dû être désignés». Le ministre nous a dit que le mot «tous» devrait apparaître et qu'il faudrait envoyer une lettre à chacun des membres lorsqu'il est indiqué comme étant un agent désigné. C'est le processus. C'est la position qui est désignée et non l'individu.

M. Bean nous a montré un document signé récemment entre le gouvernement et l'alliance confirmant que les 728 sont des agents non désignés. Il nous a montré un document, et j'ai les 728 noms correspondant à cette position. Il y a une contradiction flagrante entre ce que l'on a entendu ce matin et ce que monsieur nous a montré et expliqué. De quoi s'agit-il? Est-ce que ce sont des fonctions permanentes non désignées grâce à un document signé entre l'employeur et l'employé ou une erreur administrative? Est-ce que ces 728 personnes seront désignées?

Mme Mathieu: C'est extrêmement complexe. L'entente entre le Conseil du Trésor et l'Alliance de la fonction publique dont parlait M. Bean tout à l'heure dit que ces gens ne sont pas essentiels aux services que nous devons rendre à la population. Cette entente a été signée il y a quelques jours. En même temps que le Conseil du Trésor signait ce document, il déposait une loi pour dire qu'il s'était peut-être trompé. C'est ce que nous comprenons. Il nous enlève le droit de grève.

M. Bélanger a sept agents non désignés et sur 212 agents correctionnels, j'en ai une dizaine qui ne sont pas désignés. Ces agents peuvent poser quelques actions au cours d'une grève, mais cela n'entravera pas de façon majeure le déroulement des opérations dans l'établissement. C'est comme cela partout au Canada. Le Conseil du Trésor s'était entendu avec l'alliance pour dire que ces postes n'étaient pas désignés obligatoirement. Nous ne comprenons pas. Les membres trouvent que c'est extrêmement injuste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous comprends. Il y a eu un manque d'information de la part du Conseil du Trésor. Pourquoi ne nous a-t-il pas dit qu'il avait signé un document, et que les deux parties étaient d'accord, qu'il avait commis une erreur et qu'il avait l'intention de la corriger? S'il avait eu la franchise de nous dire que cela était regrettable, on aurait eu au moins les faits. On nous a dit que le processus administratif était compliqué, qu'il fallait envoyer des lettres et signifier des procédures, et cetera. Cela fait 3 ans que ce processus dure. Les gens du Conseil du Trésor devraient venir nous expliquer cette contradiction.

On nous a dit qu'il fallait légiférer de cette façon, c'est-à-dire enlever le droit de grève à ceux qui ne l'ont pas encore exercé et ajouter à la liste ceux qui en ont le droit pour retirer le droit de grève. La raison que l'on nous donne est la suivante: si les 728 agents dressent des lignes de piquetage, ils vont attirer la sympathie de leurs collègues désignés. Ils travaillent ensemble. Une fois le conflit réglé, cela pourrait causer des problèmes entre collègues. On nous a suggéré que les 728 agents en grève, même si c'est un petit nombre par pénitencier, inciteraient ceux qui devraient traverser la ligne de piquetage à ne pas le faire même si la loi exige qu'un employé désigné doit se rapporter au travail - ligne de piquetage ou non, grève ou non. Avez-vous des commentaires à ce sujet? Est-ce que l'appréhension du gouvernement est bien fondée?

Mme Mathieu: Nous sommes des professionnels. Cela fait déjà un bout de temps qu'il y a des lignes de piquetage. Les gens qui devaient entrer au pénitencier ont fait leur travail de façon adéquate et au-delà.

Les détenus n'arrêtent pas d'être agressifs envers nous parce que nous négocions une convention collective. Ils sont peut-être encore plus difficiles. Ils vont mettre l'accent là-dessus et ils vont être de plus en plus hargneux.

En plus, nous ne laisserons pas dans la misère nos collègues de travail s'il y a des lignes de piquetage. Nous avons le sens du devoir et un sens civique important. Nous administrons et nous gérons les lois au quotidien. Nous savons qu'à partir du moment où nous sommes désignés, nous devons entrer au travail. C'est vrai qu'il y a déjà eu des retards, mais ils étaient minimes. Nos gens le savent. À partir du moment où ils sont désignés, ils travaillent et font le travail qu'ils ont à faire. Nous ne comprenons pas l'attitude du gouvernement. Nous trouvons une telle loi injuste et injustifiée. Nous avons toujours bien fait ce métier extrêmement difficile et périlleux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous demandez d'inclure dans la loi que le rapport du bureau de conciliation soit appliqué.

Mme Mathieu: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je doute que le gouvernement accepte. Nous leur ferons cette suggestion. Le gouvernement nous dira qu'en retournant le projet de loi amendé à la Chambre des communes, il n'aura pas le temps de le faire adopter parce que le Parlement ajourne pour deux semaines. Est-ce qu'une lettre du ministre responsable donnant son assurance que l'entente finale du bureau de conciliation serait un engagement formel de la part du ministre vous suffirait?

Mme Mathieu: Nos membres vont décider. Si le Conseil du Trésor veut nous rencontrer, cet après-midi ou demain, et accepter que les propositions du rapport du bureau de conciliation soient incluses dans notre convention collective, nous nous engagons à les présenter à nos membres. Ceux-ci décideront s'ils veulent les accepter. Connaissant mes agents, je crois qu'ils vont les accepter.

[Traduction]

(1250)

Le président: Nous pouvons maintenant commencer l'étude article par article du projet de loi. Nous avons entendu tous nos témoins.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourrions-nous marquer une pause avant?

Le président: Je m'en remets aux honorables sénateurs.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministre donne peut-être suite à la suggestion que le président du Conseil du Trésor dépose une lettre dont la teneur serait conforme à celle qui a été suggérée et qui s'inspirerait du précédent établi dans l'affaire de Cotret. Cela nous permettrait peut-être d'accélérer le processus.

Le sénateur Graham: Je lui ai déjà demandé de prendre cette requête en considération, et il l'étudie en ce moment.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous devrions donc attendre qu'il prenne cet engagement. Il sera peut-être plus facile alors d'obtenir la réponse.

Le sénateur Carstairs: Je propose de commencer l'étude article par article tout de suite. N'oublions pas que nous n'en sommes qu'à l'étape de l'étude en comité. Nous pouvons faire le débat de troisième lecture plus tard.

Le sénateur Murray: Nous pourrions vouloir amender des dispositions du projet de loi en comité. L'engagement ou l'absence d'engagement du président du Conseil du Trésor pourrait nous en inspirer. Pourquoi ne pas attendre d'être revenus de la pause du dîner?

Le sénateur Graham: Ne pourriez-vous pas proposer des amendements à l'étape de la troisième lecture?

Le sénateur Carstairs: C'est ce que j'ai suggéré.

Le sénateur Graham: Nous pouvons faire l'étude article par article tout de suite.

Le sénateur Kinsella: Je suggère d'ajourner la séance du comité plénier jusqu'à 14 heures et de la poursuivre après le dîner. Il se sera peut-être passé des choses dans l'intervalle. Quoi qu'il en soit, le comité plénier terminerait son travail et ferait rapport de la question au Sénat. Nous pourrions alors expédier le débat de troisième lecture. Nous sommes là depuis 9 heures ce matin.

(1300)

Je recommande que nous ajournions la séance du comité jusqu'à 14 heures, que nous revenions et que nous continuions.

Le sénateur Carstairs: Très franchement, ce n'est pas ma recommandation, honorables sénateurs. Comme il est devenu habituel que l'autre côté propose ses amendements à l'étape de la troisième lecture, je me demande pourquoi ils insistent pour le faire à cette étape-ci. Je ne me souviens pas qu'on ait, du moins récemment, jamais proposé des amendements à un projet de loi à l'étape de l'étude en comité plénier. On a toujours attendu la troisième lecture pour faire cela. Je pense que nous serions beaucoup plus efficaces cet après-midi si nous pouvions passer au projet de loi C-76 une fois que nous en serons à l'ordre du jour; je suis toutefois prête à ce que nous le traitions comme le premier point inscrit au Feuilleton. Les honorables sénateurs pourront alors présenter leurs amendements et j'espère que d'ici là nous aurons une indication du ministre sur la possibilité d'obtenir une telle lettre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, c'est le président du Conseil du Trésor qui veut que ce projet de loi soit adopté à toute vitesse. Cela ne devrait pas lui prendre tout l'après-midi pour décider si une lettre de ce genre est une possibilité ou non. J'espère que nous le saurons d'ici 14 heures, faute de quoi, il fait preuve envers le Sénat d'une indifférence qui sera contreproductive.

Une heure de plus permettra à ceux d'entre nous qui sont ici depuis 9 heures de revenir un peu reposés et peut-être un peu moins irritables.

Le sénateur Graham: Cela ne serait pas une mauvaise chose.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous avons plusieurs autres choses à régler avant la sanction royale, principalement des projets de loi de crédits. Je suggère donc que nous revenions à 14 heures et que nous procédions comme d'habitude; nous passerons alors au projet de loi C-35, puis au projet de loi C-74, après quoi nous nous constituerons en comité plénier et nous terminerons l'étude du projet de loi C-76.

Cela vous convient-il?

Le sénateur Kinsella: D'accord

Le sénateur Lynch-Staunton: D'accord.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous devons lever la séance et faire rapport de l'état de la question au Président.


L'honorable Eymard G. Corbin (Son Honneur le Président suppléant): Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux, fait rapport de l'état de la question en ce qui concerne le projet de loi et demande la permission de siéger plus tard aujourd'hui.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, le comité plénier demande la permission de siéger plus tard aujourd'hui. La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président suppléant: En ce cas, honorables sénateurs, je quitte le fauteuil, et la séance du Sénat est suspendue jusqu'à 14 heures.

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)

Le Sénat reprend sa séance à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

(1400)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le projet Wall Street

La promotion de produits provenant de groupes minoritaires

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour vous parler d'une initiative qui a vu le jour aux États-Unis, qui fonctionne bien et qui contribue à améliorer le sort des groupes de noirs dans ce pays. Il s'agit du projet Wall Street, qui a vu le jour en 1968, lorsque le regretté Martin Luther King fils a lancé la Campagne pour les pauvres.

Tout au long de sa vie, Martin Luther King a lutté pour l'égalité raciale et la participation à l'économie. Il estimait que tout le monde devait pouvoir profiter des possibilités découlant des succès économiques des États-Unis.

Le projet Wall Street, dont le révérend Jesse Jackson a annoncé le lancement le 15 janvier 1997, vise à mettre les sociétés américaines au défi de s'ouvrir aux fournisseurs qui appartiennent à des minorités et à mettre un terme au déficit commercial de plusieurs milliards de dollars qu'elles affichent par rapport aux minorités de partout en Amérique. Le projet fait appel au pouvoir de l'argent, à la recherche et à la coordination à grande échelle, afin de faciliter la vente par les minorités de produits et services aux grandes sociétés américaines, et de créer des ouvertures dans ces grandes sociétés américaines, notamment pour la communauté noire.

Dès le départ, le mouvement a misé sur la communauté des investisseurs de Wall Street, l'industrie automobile centrée à Détroit et le secteur commercial qui se déplace aujourd'hui du Midwest vers Silicon Valley, en Californie.

Ce qu'il y a de génial dans le message envoyé aux grandes sociétés américaines, c'est sa simplicité. On dit aux grandes entreprises que la communauté noire et les minorités vont acheter leurs produits, à la condition qu'elles investissent dans ces communautés et créent des ouvertures, surtout en gestion, pour les membres de ces communautés. L'exemple de AT&T est instructif à cet égard. Sa prochaine émission d'obligations d'une valeur d'un milliard de dollars sera cogérée par des firmes de placement dirigées par des membres de minorités et une autre émission d'obligations d'une valeur de 200 à 300 millions de dollars sera entièrement gérée par de telles firmes. En retour, AT&T investira dans des régions urbaines, des centre-villes pauvres.

L'initiative la plus excitante est celle qui a été annoncée tout dernièrement par le révérend Jackson. Le projet Wall Street est centré sur Silicon Valley et l'industrie de la haute technologie. Les conseils d'administration des grandes entreprises informatiques comptent rarement des Américains d'ascendance africaine. Le projet prévoit l'acquisition d'actions des 50 principales sociétés de Silicon Valley, afin d'établir une nouvelle relation avec la communauté informatique. Comme le dit le révérend Jackson, les membres du mouvement pourront ainsi, en tant qu'actionnaires, remettre en question les pratiques de gestion de ces sociétés, notamment leurs politiques d'exclusion.

Le projet vise aussi à utiliser les Églises comme point de départ pour mettre en place des clubs de placement et des associations de consommateurs. Ces groupes permettront aux gens d'apprendre comment faire des placements judicieux en achetant des actions et ainsi mettre fin au cycle d'endettement. Jusqu'à maintenant, le projet a permis d'étendre le marché pour les groupes minoritaires, du fait qu'ils réussissent à négocier avec les grandes sociétés américaines.

Honorables sénateurs, ce modèle s'appliquerait facilement au Canada. Il prouve aux minorités qu'il est possible de toujours gagner en faisant des affaires. Il sensibilise les entreprises au fait qu'il existe un groupe économique puissant dans la communauté noire. Au Canada, il faciliterait l'accès à la gestion d'entreprise pour les minorités visibles.

Terre-Neuve et le Labrador

Le cinquantième anniversaire de l'entrée dans la confédération

L'honorable Joan Cook: Honorables sénateurs, sur le coup de minuit, le 31 mars 1949, Terre-Neuve et le Labrador sont devenus la onzième province du Canada. À l'âge de 14 ans, après une nuit de sommeil ordinaire, je me suis réveillée Canadienne.

En fin de semaine dernière, j'étais chez moi, à St. John's, et j'ai pu participer à un symposium organisé par la société historique de Terre-Neuve. Son président, Bill Bradley, est le petit-fils du premier sénateur de Terre-Neuve, le regretté Gordon F. Bradley. La population de la province a alors eu l'occasion de se remémorer les circonstances qui ont conduit à ce virage majeur de son histoire.

L'idée de s'unir au Canada remonte à 1864, lorsque deux représentants de la province, Fredrick Carter et Ambrose Shea, ont assisté à la conférence de Charlottetown. À l'époque, la province avait décidé que Terre-Neuve était tournée vers l'est, vers la Grande-Bretagne, et non vers l'ouest, vers le Canada. Par la suite, la participation à la confédération n'a jamais été envisagée sérieusement avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le monde avait alors changé et Terre-Neuve ne faisait pas exception.

Donc, honorables sénateurs, suivant un processus qui, j'oserais dire, ne s'était jamais vu dans l'histoire récente, le regretté Joseph R. Smallwood est devenu le premier premier ministre de la province.

Honorables sénateurs, célébrer notre cinquantième anniversaire au sein de la Confédération canadienne donne la possibilité de réfléchir à ce que veut dire notre appartenance au Canada et également à ce que nous avons apporté à ce pays. Une tradition d'autonomie et de dur labeur s'est transmise à une génération de Terre-Neuviens et de Labradoriens qui ont mis cet héritage à contribution pour saisir les nouvelles possibilités offertes par l'économie mondiale et s'affirmer tant sur la scène nationale que sur la scène provinciale, à l'échelle rurale.

Il convient de signaler que le dur coup que fut le moratoire sur la pêche à la morue de 1992 a permis l'émergence d'une industrie de la pêche de moindre envergure, mais étrangement plus riche, avec des débarquements qui ont atteint les 380 millions de dollars l'an dernier.

Nous célébrons 50 années remarquables d'appartenance à la nation canadienne. Nous avons apporté avec nous un esprit et un charme incroyables, une culture riche et des siècles d'histoire. Même le Parlement du Canada est enrichi chaque jour par l'union de Terre-Neuve et du Canada. Notre musique et nos chansons sont jouées au carillon de la tour de la Paix. Ces chansons folkloriques font partie de la tradition musicale que nous avons apportée en cadeau au Canada.

Surtout, honorables sénateurs, nous avons apporté notre esprit de générosité, notre cran et notre détermination, qui contribuent énormément à la grandeur de notre pays.

Ainsi, c'est dans cet esprit que dans l'hymne national du Canada, nous disons en anglais: «O Canada, we stand on guard for thee», et dans notre hymne provincial, nous chantons: «God guard thee Newfoundland».

Des voix: Bravo!

Les instituts canadiens de recherche en santé

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, la semaine dernière, le mercredi 17 mars, les Instituts canadiens de recherche en santé ont tenu leur réunion inaugurale. Plus tard ce soir-là, j'ai assisté à un dîner pour célébrer l'occasion. Il y avait là les principaux scientifiques et professionnels de la santé du pays.

Je suis heureux de voir que, à la suite du dépôt du budget le mois dernier, le gouvernement a agi si rapidement pour nommer un conseil d'administration provisoire pour cette très importante initiative. Les 31 membres qui forment le conseil d'administration représentent un large éventail de scientifiques et de professionnels de la santé au Canada.

L'établissement des Instituts canadiens de recherche en santé est probablement l'un des événements les plus importants dans le domaine de la santé depuis la Loi canadienne sur la santé. Les Instituts canadiens de recherche en santé forment une large coalition nationale pouvant fournir aux gouvernements fédéral, provinciaux et régionaux une solide base de connaissances scientifiques pour leur permettre d'établir la politique et de planifier en matière de santé.

En coordonnant et en favorisant les initiatives de recherche nationales fondées sur la population, la recherche épidémiologique et des données scientifiques, les Instituts canadiens offriront une planification objective à long terme dans le domaine de la santé, qui sera basée sur la recherche scientifique, afin d'assurer et de promouvoir une meilleure santé pour tous les Canadiens.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer cette importante initiative qui prendra forme au cours de la prochaine année.

Terre-Neuve et le Labrador

Le Cinquantième anniversaire de l'entrée dans la Confédération

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, comme l'a dit le sénateur Cook, la province de Terre-Neuve et le Labrador célébreront le 31 mars le cinquantième anniversaire de leur entrée dans la Confédération avec les autres provinces du Canada.

Au même titre que d'autres sénateurs, je parlerai de cet événement pendant le débat de cet après-midi. Le 31 mars, il y aura bien sûr partout dans la province des cérémonies pour marquer cette occasion. Pendant le reste de l'année, des festivités se dérouleront aussi à la grandeur de la province dans le cadre de Soiree '99.

Terre-Neuve accueillera tout au long de l'année quiconque veut participer aux célébrations du 50e anniversaire de l'entrée dans la Confédération. Une cérémonie se déroulera aussi sur la Colline du Parlement le 31 mars. À 11 heures, il y aura notamment sous la tour de la Paix un spectacle offert par des groupes de musique de la Prince of Wales Collegiate de St. John's. Ces groupes comprennent une fanfare, une chorale de concert, un orchestre de jazz et une chorale de chambre. Ils interpréteront aussi des airs traditionnels de Terre-Neuve. Ils participeront après leur spectacle à une réception à Rideau Hall pour marquer le 50e anniversaire.

Un monde sans armes nucléaires

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je tiens à attirer votre attention sur une publicité très inhabituelle qui paraîtra dans le numéro du 5 avril de la revue Maclean's, qui sera en kiosque lundi prochain. Cette publicité fait suite à un sondage effectué en 1998 par l'organisme spécialisé Angus Reid et montrant que 93 p. 100 des Canadiens veulent un monde sans armes nucléaires.

Cette publicité est unique en son genre dans la mesure où plus de 1200 personnes et organismes ont versé 30 $ chacun pour que leur nom y apparaisse. Il ne recevront pas de reçu d'impôt et n'auront pas droit à une déduction fiscale pour leur contribution. Ils ont apporté leur contribution parce qu'ils croient au message et veulent que le gouvernement l'entende. Ils prient instamment le gouvernement du Canada de faire preuve de leadership au sein de l'OTAN et aux Nations Unies afin que l'on progresse dans l'élimination des armes nucléaires.

L'arsenal militaire mondial comprend plus de 35 000 bombes nucléaires, et 5 000 d'entre elles sont sous un régime d'alerte élevée. Il ne pourrait y avoir de solution médicale en cas de guerre nucléaire. Les armes nucléaires sont des armes de destruction de masse. Ces gens veulent que le gouvernement donne à nos enfants et à nos petits-enfants un monde libéré de la terreur des armes nucléaires.

L'initiative a été lancée par les Physicians for Global Survival in Canada en vue de sensibiliser davantage le public à l'importance des questions nucléaires. Je félicite ce groupe ainsi que tous les particuliers et tous les organismes qui ont participé à cet effort.


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur l'extradition

Rapport du comité

L'honorable Lorna Milne, présidente du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant:

Le jeudi 25 mars 1999

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

VINGT-TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-40, Loi concernant l'extradition, modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel, la Loi sur l'immigration et la Loi sur l'entraide juridique en matière criminelle, et modifiant ou abrogeant d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 10 décembre 1998, étudié ledit projet de loi et en a fait rapport sans amendement, deux sénateurs s'étant abstenus.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LORNA MILNE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant que l'on aborde le rapport, je me dois de signaler au Sénat que le rapport porte une mention plutôt rare dans nos procédures. Il précise: «deux sénateurs s'étant abstenus». Ce n'est donc pas un rapport en bonne et due forme. Selon la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, au moment d'étudier un projet de loi, un comité de la Chambre ne peut faire rapport à la Chambre que du contenu du projet de loi.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Qu'on le retourne, alors.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Nous ne pouvons l'examiner.

Son Honneur le Président: Je m'en remets au Sénat.

Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

Le sénateur Milne: À la prochaine séance.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Butts, propose: Que la troisième lecture de ce projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre honneur, j'aimerais qu'on m'explique. Je croyais que vous veniez de nous dire que le rapport était irrecevable. Nous avons suggéré de le renvoyer, puis vous allez de l'avant avec le projet de loi. Je ne comprends pas.

Le sénateur Kinsella: Suivez les règles.

Son Honneur le Président: Je me suis contenté d'attirer l'attention du Sénat, comme c'est mon obligation de le faire lorsque nous nous apercevons qu'une chose n'est pas en règle. Cependant, c'est au Sénat de décider ce qu'il y a lieu de faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Votre Honneur, vous avez dit que, à votre avis en tant que Président, que nous respectons, ce rapport était irrecevable. Vous avez vous-même décidé qu'il était irrecevable. La seule conclusion est donc de le renvoyer au comité pour qu'il le revoie.

Le sénateur Kinsella: Exactement.

Son Honneur le Président: Je n'avais pas l'intention de décider de quoi que ce soit car on ne me l'a pas demandé. J'ai mis en garde le Sénat contre le fait que les rapports de comité ont de plus en plus tendance à s'écarter des règles. C'est aux sénateurs de décider si nous voulons faire appliquer les règles.

Sauf si quelqu'un veut proposer une autre motion, l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Butts, propose: Que la troisième lecture de ce projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Le sénateur Lynch-Staunton: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Le budget des dépenses de 1999-2000

Présentation et impression du rapport provisoire du comité sénatorial permanent des finances nationales

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatorzième rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales sur l'examen du Budget principal des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2000.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui et qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure en annexe dans les Journaux du Sénat d'aujourdhui, p. 1418.)

Le sénateur Stratton: Puis-je demander la permission d'étudier le rapport maintenant?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Stratton: Comme je l'ai dit hier, le comité des finances nationales s'est réuni hier soir afin d'examiner brièvement le Budget principal des dépenses pour 1999-2000, c'est-à-dire de ce que le gouvernement dépensera au cours du prochain exercice. Nous avons examiné le budget autant que nous avons pu le faire, compte tenu du peu de temps dont nous disposions. À si bref délai de préavis, le représentant du Conseil du Trésor n'avait pas eu le temps de très bien se préparer. Le comité a toutefois l'intention de se réunir au moins deux fois en avril et en mai pour examiner le rapport.

Hier soir, le comité a aussi convenu de choisir certains ministères et de faire un examen plus approfondi de leurs budgets. Voilà essentiellement les questions que nous avons étudiées.

(1420)

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je tiens à insister sur ce qu'a dit le sénateur Stratton. C'est un rapport provisoire. Le comité poursuivra son étude assez détaillée du Budget principal des dépenses. Le rapport provisoire a été présenté pour faciliter l'adoption du projet de loi C-74 plus tard dans la journée.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter le rapport?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

La Cour suprême du Canada

Articles concernant des remarques d'un juge de la Cour suprême-Avis d'interpellation

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1) et (2) et 57(2) du Règlement du Sénat, je donne avis que, dans deux jours, je signalerai à l'attention du Sénat:

a) le compte rendu par Janice Tibbetts du discours que le juge de la Cour suprême du Canada Frank Iacobucci a prononcé le 24 mars 1999 paru dans le Ottawa Citizen du 25 mars 1999 sous le titre «Supreme Court judge defends judicial activism»;

b) le compte rendu par Erin Anderssen du discours que le juge Frank Iacobucci a prononcé le 24 mars 1999 paru dans le Globe and Mail du 25 mars 1999 sous le titre «Supreme Court judge rejects proposal to grill nominees - Iacobucci warns against importing U.S. system of selecting jurists»;
c) le compte rendu par Sheldon Alberts du discours du juge Frank Iacobucci paru dans le National Post du 25 mars 1999 sous le titre «Judge defends decisions affecting social policies - Rare Public Speech»;
d) la réaction du professeur Robert Martin, faculté de droit, Université Western Ontario, à ce que le juge Iacobucci aurait déclaré selon l'article de Sheldon Alberts paru dans le National Post du 25 mars, à savoir:
«Il compare la cour à un groupe de professeurs qui font subir des examens terminaux aux assemblées législatives et le Parlement à une dissertation d'étudiant qu'il s'agit de corriger.»
e) les commentaires publics concernant l'activisme judiciaire au Canada;
f) la question des déclarations publiques des juges;
g) le principe et le concept de l'indépendance judiciaire des juges canadiens;
h) le rôle du Parlement en ces matières.

La santé

Protection de la conscience des travailleurs de la santé-Présentation d'une pétition

L'honorable Raymond J. Perrault: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter au Sénat une pétition qui a été signée par 150 médecins praticiens et étudiants qui oeuvrent dans le domaine des soins de santé au Canada et par bon nombre de Canadiens majeurs qui se préoccupent de la question. Cette pétition porte sur la protection de la conscience dans les actes médicaux.

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources naturelles

La fin du moratoire touchant certaines réserves pétrolières et gazières au large des côtes-Refus d'une demande de séance d'information-La position du gouvernement

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les médias parlent beaucoup aujourd'hui de la fin possible du moratoire, vieux de 28 ans, touchant l'exploitation pétrolière et gazière au large des côtes, une question qui touche tout particulièrement la côte de la Colombie-Britannique, l'environnement, les pêches et le développement économique de la côte.

J'ai écrit au ministre des Ressources naturelles, M. Goodale, il y a six mois, lui soulignant que, compte tenu des rapports publiés sur les pressions exercées en vue de lever le moratoire, à titre d'ancien ministre de l'Énergie et de sénateur de la Colombie-Britannique, j'aimerais qu'on m'informe sur la question. Une copie de cette lettre a été transmise à l'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, parce que cette question touche une zone contestée dans l'entrée Dixon.

Au mois d'octobre, nous avons reçu une note du chef de la correspondance du ministre accusant réception de notre lettre. Cinq mois plus tard, comme je n'avais toujours pas reçu de réponse, j'ai écrit à la sous-ministre Jean McCloskey, qui avait travaillé pour moi comme agent commercial, en lui demandant si, en l'absence de réponse du ministre Goodale, et vu que cette question n'avait rien de privé, elle pouvait organiser une rencontre, d'autant plus que le réseau des communautés côtières organisait une conférence pour le mois d'avril.

Les demandes que nous avons présentées au cabinet du ministre en février et en mars sont restées sans réponse.

Finalement, le 19 mars, nous avons reçu un coup de téléphone nous prévenant que nous allions recevoir une lettre de M. Goodale au début de la semaine indiquant qu'il n'y avait rien de nouveau dans le secteur des ressources pétrolières et gazières au large de la Colombie-Britannique et qu'il n'avait rien à nous dire.

Il y a eu des articles dans les médias à ce sujet. L'industrie prétend que l'on pourrait extraire 20 billions de pieds carrés de gaz naturel et 9,6 milliards de barils de pétrole du bassin de la Reine-Charlotte. Comme la seule personne qui ne soit pas au courant ou qu'on ne veuille pas mettre au courant est le sénateur de la Colombie-Britannique, le ministre pourrait-il avoir l'obligeance de faire en sorte que cette information nous soit communiquée, à moins qu'il ne s'agisse d'un accord secret conclu par les libéraux?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, en toute déférence pour le sénateur Carney, je suis sûr qu'il n'y a aucun accord secret. Je vais me renseigner auprès du ministre pour qu'il vous donne une réponse le plus tôt possible.

Que je sache, le moratoire n'a pas été levé. Je sais qu'il a été question sur la côte est de la possibilité de lever le moratoire dans certaines régions qui intéressent le sénateur Comeau. Étant donné que madame le sénateur est un ancien ministre du Commerce, qu'elle a été une distinguée présidente du Conseil du Trésor et titulaire de nombreux autres portefeuilles qu'elle a occupés avec distinction sous le gouvernement précédent, je vais exhorter mon collègue et les autres responsables à lui donner dans les meilleures délais une réponse satisfaisante.

Entre-temps, je vais me renseigner moi-même sur la levée du moratoire.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, le ministre ne convient-il pas qu'une attente de six mois est excessive, lorsqu'on cherche à se renseigner sur une question qui a une certaine importance pour les côtes de la Colombie-Britannique? Pourrais-je vous demander d'intervenir auprès de vos collègues du Cabinet pour qu'ils ne fassent pas attendre la moitié d'une année les sénateurs qui veulent des renseignements concernant leur région?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, peu importe qu'il s'agisse d'une lettre ou d'autre chose, six mois, c'est long.

La défense nationale

Les répercussions des événements au Kosovo sur les casques bleus canadiens en mission en Bosnie-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, nous sommes en situation de guerre depuis 24 heures. Nous n'avons pas tellement pensé aux membres des Forces armées canadiennes qui sont en mission en Bosnie. Nos soldats là-bas courent de grands dangers, puisque la guerre au Kosovo pourrait facilement s'étendre jusqu'à la Bosnie, et nos soldats canadiens se retrouveraient alors en pleine guerre ouverte.

Quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour renforcer les unités des Forces armées canadiennes en mission en Bosnie à l'aube de ce qui nous apparaît une guerre inévitable et peut-être même imminente?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, les événements qui ont lieu au Kosovo pourraient, en fait, avoir des répercussions encore plus dramatiques sur la Bosnie, si des mesures n'avaient pas été prises hier.

(1430)

Je tiens à assurer au sénateur Forrestall et à tous les honorables sénateurs que notre ministre des Affaires étrangères, notre ministre de la Défense nationale, leurs collaborateurs et nos représentants dans cette région du monde surveillent très attentivement la situation. Ils sont très conscients de la position dans laquelle se retrouvent nos représentants en Bosnie et des conditions qui prévalaient déjà. Je tiens à donner à tous les honorables sénateurs l'assurance que la sécurité de nos troupes demeurera l'une de nos priorités aujourd'hui comme demain.

La possibilité de déploiement de forces terrestres en ex-Yougoslavie-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, comme d'habitude, nous devons nous informer auprès des médias. Si nos collègues veulent obtenir d'une source fiable des renseignements sur l'évolution de la situation en ex-Yougoslavie, je leur recommande de regarder la BBC. Ses journalistes ne font pas du mauvais travail et ont au moins 24 heures d'avance sur nous.

Je le répète, c'est la presse, et non le ministre, qui nous a appris que des membres des Forces canadiennes seraient déployés au Kosovo pour y mener des opérations militaires. Le Sun d'Edmonton a dit aux Canadiens que le gouvernement y envoyait 200 soldats du Lord Strathcona's Horse, 200 du 1er Bataillon des services, 34 du 1er Régiment du Génie et du personnel navigant du 408e Escadron tactique d'hélicoptères. La presse dit maintenant que le 3e Bataillon, Princess Patricia's Canadian Light Infantry, est en attente.

Quelles troupes terrestres des Forces canadiennes sont envoyées au Kosovo? Nous préparons-nous à une guerre terrestre avec la Serbie?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la réponse à la question concernant la participation du Canada à une guerre terrestre est négative.

La possibilité de déployer des forces terrestres de l'OTAN, dont 800 Canadiens, pour appliquer l'accord de Rambouillet a été écartée pour le moment, en attendant l'issue de la campagne aérienne.

Les affaires étrangères

Les frappes aériennes dans l'ex-Yougoslavie par les forces de l'OTAN-Les critères concernant une intervention militaire du Canada hors du cadre des Nations Unies-La politique du gouvernement

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, nous reconnaissons tous que le bombardement de la Serbie est une affaire grave pour le monde, et certainement pour le Canada. Autant que je sache, depuis la création des Nations Unies, le Canada n'a jamais participé à une intervention armée qui n'ait été approuvée par les Nations Unies. Nous sommes tous au courant des purifications ethniques et des massacres qui ont précipité cette intervention, mais je voudrais demander au leader du gouvernement au Sénat quels critères sont maintenant établis pour que le gouvernement canadien fasse une intervention militaire hors du cadre des Nations Unies.

Nous savons que des massacres sont commis dans d'autres pays, surtout en Afrique, où nous ne sommes pas intervenus. J'estime que nous nous devons d'expliquer à la population ce que nous, Canadiens, allons faire pour renforcer la capacité des Nations Unies d'affronter de telles crises.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Roche a fait une observation intéressante sur une question importante et urgente. J'avais espéré intervenir, avant que nous ne partions en congé, sur son interpellation au sujet de la participation du Canada au Conseil de sécurité. Je compte le faire dès notre retour. Peut-être est-ce là une des questions que nous pourrons étudier à ce moment-là.

Quant à la situation qui existe aujourd'hui, je souligne que le Canada participe avec ses alliés aux opérations militaires de l'OTAN au Kosovo. Comme je l'ai dit à d'autres occasions, nous espérions que la situation se réglerait par voie diplomatique par l'intermédiaire des Nations Unies, de l'OSCE et du groupe de contact. Cependant, le Canada et ses alliés ne pouvaient pas rester passivement à l'écart pendant que l'offensive actuelle du gouvernement serbe risquait d'aboutir à ce qu'on ne peut que qualifier de catastrophe humanitaire.

Le président Milosevic est responsable de la situation actuelle. Il peut mettre un terme au bombardement de l'OTAN simplement en déclarant un cessez-le-feu au Kosovo, en réduisant les forces de sécurité serbes dans la région aux niveaux convenus en octobre et en engageant son gouvernement à accepter l'accord proposé au cours des négociations de Rambouillet. Cet accord prévoit l'autonomie du Kosovo à l'intérieur des frontières de la Yougoslavie.

Il est important de reconnaître et de souligner que le Canada n'est pas seul dans ces dossiers. Il agit de concert avec d'autres pays. À cet égard, une coalition appropriée avait été formée pour faire une différence au Kosovo. Il est regrettable que des circonstances similaires n'aient pas permis à la communauté internationale d'organiser une réaction efficace aux problèmes ailleurs dans le monde, notamment en Afrique, comme le sénateur Roche et d'autres sénateurs l'ont mentionné. Cependant, je suis d'avis que ce n'est pas une raison suffisante pour ne rien faire au Kosovo.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, sans vouloir argumenter inutilement avec le leader du gouvernement, dont je respecte l'opinion, je ne suis pas satisfait de cette réponse et je ne pense pas non plus que beaucoup de Canadiens la trouveraient satisfaisante.

Militairement parlant, le Canada s'est tenu à l'écart dans le cas des massacres survenus dans d'autres parties du monde. Je le demande encore une fois, quel est le critère pour que les militaires canadiens interviennent si nous devons le faire en l'absence d'un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies? Est-ce quand un certain nombre de gens se font tuer ou quand il s'exerce une certaine forme de massacre particulièrement atroce? A-t-on songé que cette intervention risque de faire rompre les relations avec la Russie, qui proteste énergiquement contre cette façon de contourner les Nations Unies?

Le Canada a mené une campagne acharnée pour obtenir un siège aux Nations Unies parce que nous voulions changer quelque chose. L'OTAN va-t-elle devenir le facteur déterminant dans la politique étrangère canadienne, ou si ce seront les Nations Unies?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, les circonstances changent. Il serait évidemment préférable de toujours agir sous la direction et sous l'égide des Nations Unies. Le secrétaire général de l'ONU a lui-même approuvé cette intervention. Il serait cependant impossible d'obtenir l'unanimité au sein des Nations Unies ou du Conseil de sécurité étant donné le pouvoir de veto que détient la Russie. La Russie a fait savoir, non pas qu'elle approuverait le bombardement, mais qu'elle agirait uniquement à l'égard de toute décision prise à la suite de la conférence de Rambouillet sous les auspices de l'OTAN et du groupe de contact.

Cependant, je ne crois pas qu'on puisse jamais jouer à un jeu de chiffres quant au nombre de vies qui sont en danger. Il s'agit d'un très grave problème humanitaire. Comme le Canada, sur la scène mondiale, se targue d'être le meilleur pays du monde, nous avons des responsabilités envers les autres pays. Nous ne pouvons pas laisser aux États-Unis, au Royaume-Uni ou à nos autres alliés le soin d'accomplir, en l'occurrence, la sale besogne.

Je puis assurer aux honorables sénateurs que nous sommes très sensibles à la situation et que les décisions ont été prises après avoir été très longuement et mûrement réfléchies.

Je pense, sénateur Roche et honorables sénateurs, que nous devrions, en l'occurrence, appuyer cet effort. Nous devrions appuyer nos troupes. Entre autres, nous devrions appuyer nos pilotes qui participent actuellement aux événements dans cette partie du monde.

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, j'étais prêt à accepter les sept huitièmes de ce que le ministre vient de dire. Je ne dis pas qu'il l'a fait intentionnellement, mais je ne voudrais certainement pas qu'on pense, à la lecture du compte rendu de nos travaux, que je n'appuie pas les Forces armées canadiennes dans leur mission difficile et dangereuse. Évidemment, je les appuie; là n'est pas la question. La question est de savoir sur quels critères on se fondera dorénavant pour établir la paix dans le monde.

Le sénateur Graham: Je comprends.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le ministre a dit que nous essayons de résoudre un problème humanitaire. Peut-il expliquer en quoi le fait de bombarder un État souverain et de mettre en danger la vie de civils permettra de résoudre un problème humanitaire?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, si le sénateur Lynch-Staunton a une meilleure solution, il devrait peut-être la proposer.

Il y a eu des négociations longues et difficiles par l'entremise du groupe de contact. Il y a d'autres pays visés. Le Canada est l'un des 18 pays membres de l'OTAN.

La décision a été sanctionnée par le secrétaire général des Nations Unies. Hier après midi et hier soir, le président Clinton a expliqué clairement les conséquences auxquelles on s'exposerait ultérieurement en n'intervenant pas maintenant. À mon avis, l'intervention est justifiée. Il aurait peut-être fallu intervenir il y a longtemps. Nous intervenons actuellement avec nos alliés de l'OTAN pour éviter que d'autres tragédies importantes ne se produisent dans l'avenir.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je n'ai évidemment pas d'autre solution à proposer, mais je ne crois pas que la voie dans laquelle nous sommes en train de nous engager soit la bonne.

Quels résultats l'OTAN espère-t-elle obtenir en effectuant ces bombardements? Apparemment, nous faisons cela pour démanteler certaines installations militaires. En quoi cela garantira-t-il que les Kosovars puissent retourner chez eux et regagner leur foyer pacifiquement? N'est-ce pas là l'objectif que nous voulons atteindre? En quoi le fait de bombarder un prétendu ennemi permettra-t-il d'atteindre cet objectif?

Le sénateur Graham: Dans un monde parfait, on aurait des réponses parfaites.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne parle pas d'un monde parfait; je parle des Balkans.

Le sénateur Graham: Les gens qui sont sur place dans cette partie du monde, qui s'y connaissent mieux que moi - et peut-être pas mieux que le chef de l'opposition - sont de cet avis, et je les appuie.

Si on examine la carte de l'Europe pour voir où se situe cette région, on constate que c'est une véritable poudrière et qu'elle peut entraîner d'autres pays dans le conflit, ce qui aurait des conséquences désastreuses.

Le bombardement ramènera-t-il M. Milosevic à la raison? Le ramènera-t-il à la table? Je ne sais pas. Espérons-le.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le bombardement va se poursuivre, quelles qu'en soient les conséquences.

Les frappes aériennes par les forces de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie-Le fait que le premier ministre ne se soit pas adressé à la population canadienne-La position du gouvernement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, le ministre nous a informés hier que le président des États-Unis s'est adressé à la population américaine à ce sujet et que le premier ministre du Royaume-Uni a parlé à la population du Royaume-Uni. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer pourquoi le premier ministre du Canada n'a pas personnellement informé la population canadienne au sujet de ce qui se passe dans les Balkans, de la raison pour laquelle des Forces canadiennes y ont été déployées et de la raison pour laquelle la question n'a même pas été débattue au Parlement?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la question a été débattue au Parlement lors d'une occasion précédente. Je crois savoir que, durant la période des questions à l'autre endroit, où il est le chef du gouvernement, le premier ministre a répondu aux questions portant sur cette situation.

Le développement des ressources humaines

Les modifications apportées à la Loi sur l'assurance-emploi-Demande de détails complémentaires

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la réponse qu'on m'a donnée sur une question que j'ai posée le 17 février au sujet du fonds d'assurance-emploi, de l'accumulation du surplus de ce dernier et du caractère suffisant des réductions budgétaires et des cotisations. Dans sa réponse, le gouvernement a dit:

Le compte d'assurance-emploi est intégré aux opérations générales du gouvernement depuis 1986, tel que le recommandait le vérificateur général. En vertu du système actuel, tout excédent qui s'y accumule est utilisé temporairement par le gouvernement.

L'honorable leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire quels sont les usages temporaires que le gouvernement fait de ces excédents? Pendant combien de temps ces fonds sont-ils empruntés? Sont-ils retournés et combien reste-t-il à remettre?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, de toute évidence, je devrai tenter d'obtenir les renseignements voulus pour pouvoir répondre à cette question.

La défense nationale

L'incendie à bord d'un avion Aurora en Nouvelle-Écosse-la position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'aimerais savoir si le leader du gouvernement a entre les mains une note d'information sur l'incendie qui est survenu à bord d'un avion Aurora plus tôt aujourd'hui. Peut-il nous dire ce qu'il sait de cet incident?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne sais rien d'un incendie survenu à bord d'un avion Aurora. L'honorable sénateur est-il certain qu'il s'agissait bien d'un avion Aurora?

Le sénateur Forrestall: Cet incendie serait survenu à bord de l'avion au large de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. L'avion a survolé Yarmouth et a réussi à rentrer à Greenwood. Aucun rapport de l'incident ne fait état de blessés, mais lorsqu'un incendie se déclare à bord d'un avion, il y a de quoi s'inquiéter. J'ai pensé que le leader du gouvernement au Sénat aurait peut-être les derniers renseignements sur l'incident puisqu'il est survenu ce matin.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis sincèrement désolé qu'un tel incident soit survenu et je regrette de ne pas avoir de réponse à donner à la question. Je ne peux rien vous apprendre sur cet incident, mais je tenterai de vous communiquer des renseignements dès que je le pourrai.

Le sénateur Forrestall: Le leader du gouvernement essaiera-t-il de nous donner une réponse vers la mi-avril?

Le sénateur Graham: J'essaierai de vous donner une réponse plus tard aujourd'hui.

[Français]

L'éducation postsecondaire

La Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire-Nouveaux développements dans les initiatives du gouvernement fédéral-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Claude Rivest: Honorables sénateurs, hier, des milliers d'étudiants québécois manifestaient dans les rues de Montréal, de Québec et ailleurs dans la province pour protester contre le gouvernement du Québec et le manque de ressources financières accordées au monde de l'éducation. Ils ont terminé leur démonstration en face du bureau de M. Monty, le responsable de la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire.

Plusieurs centaines de millions de dollars appartenant à l'ensemble de la collectivité québécoise sont gelés parce que le Très honorable premier ministre du Canada, M. Chrétien, a décidé de s'ériger un monument à l'occasion du millénaire et de faire fi, en prenant cette initiative, des volontés exprimées par la totalité du monde de l'éducation au Québec. Les fédéralistes, les souverainistes, les étudiants, les professeurs, les chercheurs des universités et des collèges étaient tous opposés à cette initiative. Mais, caprice du prince, il a voulu le faire.

En ce moment, il n'y a pas de négociations entre le gouvernement du Québec et le gouvernement canadien. Plusieurs centaines de millions de dollars sont disponibles. Est-ce que les Québécois vont avoir leur part dans cette initiative prise par le gouvernement canadien?

[Traduction]

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Absolument.

Honorables sénateurs, je suis content que le sénateur Rivest soulève cette question. Au début de l'an 2000, les étudiants du Québec recevront manifestement leur juste part. Les 300 millions de dollars de bourses seront versés chaque année par la Fondation canadienne des bourses du millénaire. C'est un moyen pour le gouvernement fédéral de récompenser directement les étudiants méritants dans toutes les provinces.

[Français]

Le sénateur Rivest: Le ministre du Développement des ressources humaines, Pierre Pettigrew, avait indiqué dans une déclaration il y a quelques semaines qu'il étudierait ce dossier et qu'il communiquerait avec le ministre de l'Éducation du Québec pour essayer de trouver une solution. Le gouvernement du Québec refuse, en raison de sa juridiction en matière d'éducation, de négocier avec M. Monty. Le ministre Pierre Pettigrew s'était offert comme médiateur afin de trouver une solution. Est-ce que le ministre pourrait dire aux honorables sénateurs s'il y a eu des développements dans les initiatives du ministre Pettigrew?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je crois savoir que des discussions ont eu lieu et que le ministre Pettigrew a fait savoir qu'il serait en contact avec les hauts fonctionnaires au Québec et les représentants de la Fondation des bourses du millénaire.

Vous devez comprendre que la Fondation des bourses du millénaire est indépendante du gouvernement. Toutefois, si cela peut aider, le ministre Pettigrew est disposé à demander à un représentant de son ministère de faciliter les discussions entre les niveaux compétents. Le sénateur Rivest sait beaucoup mieux que moi quel niveau conviendrait dans la province de Québec. M. Pettigrew serait prêt à favoriser les discussions entre les représentants du Québec, les programmes de prêts et bourses du ministère de l'Éducation, ou du ministère québécois pertinent, et les représentants du Fonds des bourses du millénaire.

Je me suis entretenu avec le ministre Pettigrew et il m'a assuré qu'il le ferait volontiers. Il l'a peut-être déjà fait, toutefois. Je vais me renseigner.

La Fondation des bourses d'études du millénaire-L'examen des principes adoptés par l'assemblée nationale du Québec-La position du gouvernement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question supplémentaire là-dessus.

Pourquoi la fondation a-t-elle rejeté, si c'est le cas, la proposition présentée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec aux termes de laquelle on utiliserait le processus actuel au Québec pour choisir les bénéficiaires de ces bourses et les chèques envoyés porteraient la feuille d'érable? Qu'y a-t-il de mal là-dedans?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, trois principes ont été avancés, si je ne m'abuse, dans la motion Gautrin, qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec en mai ou juin dernier. Je crois comprendre que ces trois principes peuvent être respectés par la loi qui a créé la Fondation des bourses du millénaire.

Le sénateur Murray: Comment cela se produirait-il? La fondation déléguerait-elle ses responsabilités à l'organisme compétent au Québec?

Le sénateur Graham: Je ne crois pas que la fondation déléguerait les responsabilités à l'organisme compétent au Québec. Il incomberait à la fondation elle-même de mener ses négociations, comme je l'ai précisé plus tôt dans ma réponse au sénateur Rivest.

Je vais me renseigner davantage. Je crois comprendre que le ministre Pettigrew a signalé qu'il aiderait à faciliter les discussions entre la fondation et les autorités compétentes au Québec.

Je ne crois pas que ce soit un aussi gros problème que ce qu'on veut nous faire croire.

Le sénateur Murray: Bien.

[Français]

Le sénateur Rivest: Si les trois principes de la résolution de l'Assemblée nationale sont respectés par l'initiative des bourses du millénaire, est-ce que le ministre pourrait nous expliquer pourquoi Jean Charest et Lucien Bouchard sont en complet accord pour dire que ces principes ne sont pas respectés par cette initiative?

[Traduction]

Le sénateur Graham: Je dois poursuivre là-dessus. Je ne peux comprendre pourquoi ils ont le sentiment que les trois principes ne sont pas respectés alors qu'on m'a donné des garanties qu'ils pourraient être respectés par la loi créant la fondation.

Les affaires étrangères

Les frappes aériennes par les forces de l'OTAN dans l'ex-Yougoslavie-Les motifs de la décision d'intervenir-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Je reconnais qu'on devait agir au Kosovo. Nous appuyons totalement nos troupes.

À la suite des délibérations qui ont eu lieu, le ministre a fait allusion, si je ne m'abuse, au fait que la décision de participer était liée à la position stratégique du Kosovo et au fait que c'était une région qui pourrait être le théâtre d'une conflagration.

Ma question a trait à un commentaire qu'a fait le sénateur Roche lorsqu'il a demandé sur quoi seraient fondées les futures décisions. Ces décisions seront-elles basées sur les atteintes à la dignité humaine qui ont cours ou sur un emplacement stratégique? Le ministre peut-il nous éclairer sur la façon dont on décide quand auront lieu des interventions de ce genre?

J'étais préoccupé moi aussi lorsque nous étions témoins de ce qui se passait au Rwanda et d'autres horreurs dans l'histoire de l'humanité et que personne n'agissait. Trouvera-t-on un moyen d'éviter que le monde reste passif lorsqu'il y aura des scénarios comme celui du Rwanda?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas que l'on puisse mettre l'accent sur un point de référence particulier, qu'il s'agisse d'un aspect humanitaire ou d'un emplacement stratégique dans le pays, où ce que soit dans le monde.

Je crois que les interventions de l'OTAN ont pour objet d'appuyer les visées politiques de la communauté internationale. Comme je l'ai mentionné, notre objectif est d'aider à éviter une plus grande crise humanitaire en veillant à ce que la République fédérale de Yougoslavie s'acquitte de ses obligations. Elle doit notamment respecter un cessez-le-feu, mettre fin à la violence à l'endroit de la population civile et observer intégralement les limites imposées à ses forces de sécurité, obligations qu'elle a convenu de respecter en octobre dernier. Un des objectifs consiste aussi à encourager la République fédérale de Yougoslavie à signer un accord de paix sur le Kosovo.

Le solliciteur général

Le traitement réservé aux protestataires par la GRC à la conférence de l'APEC-L'exonération du journaliste de la CBC par suite des accusations portées par le cabinet du premier ministre-La situation relative à des excuses au journaliste en provenance du cabinet du premier ministre-La position du gouvernement

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat.

Il y a quelques jours, l'ombudsman de la CBC a déposé un rapport qui exonérait totalement Terry Milewski, de la CBC, et son reportage sur la situation de l'APEC.

Vous vous souvenez peut-être que l'ombudsman avait réagi à une lettre du cabinet du premier ministre, signée par M. Donolo, je crois, qui contenait des plaintes et des accusations contre M. Milewski.

Maintenant que M. Milewski a été exonéré de tout blâme, le ministre pourrait-il nous dire si le cabinet du premier ministre, le premier ministre ou un membre de son cabinet a présenté des excuses à M. Milewski?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je l'ignore. Le cabinet du premier ministre et les personnes responsables n'approuvent peut-être pas entièrement le rapport, mais ils l'ont certainement accepté, ce qui m'apparaît correct.

Le sénateur Di Nino: J'ai une autre question sur le même sujet. Le ministre peut-il promettre de s'informer, au nom du Sénat, si le cabinet du premier ministre ou le premier ministre lui-même a l'intention de présenter des excuses à M. Milewski, ce qui me semblerait indiqué?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je fais toujours valoir énergiquement les doléances du sénateur Di Nino aux personnes à qui elles sont destinées.

La défense nationale

L'incendie à bord d'un avion aurora en nouvelle-Écosse - la réponse du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je profite de l'occasion pour revenir à une question soulevée par le sénateur Forrestall au sujet de l'avion Aurora. On m'a informé que l'avion s'est posé en toute sécurité. Il y avait seulement de la fumée.

Je lis la note directement et je suis conscient des conséquences qu'il peut y avoir à procéder ainsi.

Onze hommes prenaient place à bord de l'appareil et aucun n'a été blessé. Si j'ai d'autres renseignements, je vous les communiquerai plus tard.

Le sénateur Di Nino: Dieu merci, il n'est rien arrivé cette fois-ci.

L'honorable J. Michael Forrestall: Je remercie le ministre de cette information et je lui donne la possibilité de retirer le mot «seulement». D'où croyez-vous que vient la fumée? Selon vous, qu'est-ce qui produit de la fumée?

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à deux questions. J'ai d'abord la réponse à une question que l'honorable sénateur Terry Stratton a posée au Sénat le 9 mars 1999, concernant le refus de la Société canadienne d'évaluation du crédit de rétablir la cote triple A et l'effet du vieillissement de la population sur l'économie. Je suis aussi très heureuse de présenter les réponses aux questions que l'honorable sénateur Kinsella et l'honorable sénateur Consiglio Di Nino ont posées au Sénat le 18 mars 1999 concernant le projet de loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada, le coût de la rédaction des discours à l'appui du projet de loi et l'application de la TPS au service de rédaction de ces discours.

Le budget

Le refus de la Société canadienne d'évaluation du crédit de rétablir la cote triple A-L'effet du vieillissement de la population sur l'économie-La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Terry Stratton le 9 mars 1999)

La réduction du fardeau de la dette publique est un des meilleurs outils dont dispose le gouvernement afin de relever les défis du vieillissement de la population.

La réduction du ratio de la dette au PIB permettra la réallocation de ressources fiscales présentement affectées au paiement des intérêts. De ce fait, la capacité du gouvernement de faire face aux futures augmentations de coûts sera grandement accrue.

Comme l'explique le Plan de remboursement de la dette, le gouvernement est déterminé à réduire le ratio de la dette au PIB.

Déjà, le plan a porté ses fruits. En 1997-1998, le ratio a diminué par la marge la plus importante enregistrée en un an depuis 1956-1957, chutant de 70,3 à 66,9 p. 100.

Le Plan financier contenu dans le Budget 1999 prévoit que le ratio de la dette au PIB diminuera en deçà de 62 p. 100 en 2000-2001.

Toutefois le gouvernement ne juge pas bon de fixer des objectifs, à court ou à long terme, pour ce qui est du ratio de la dette au PIB.

Il serait très difficile de fixer des objectifs fermes à brève échéance étant donné les variations du PIB nominal, sur lesquelles le gouvernement n'a pas de contrôle. L'an dernier, par exemple, le gouvernement a révisé ses estimations historiques du PIB.

Un objectif de long terme poserait également problème car ni les universitaires ni les gens d'affaires ne peuvent s'entendre sur ce que constituerait un ratio de long terme approprié.

Par contre, tous s'entendent pour dire que le ratio de la dette au PIB doit diminuer davantage et voilà effectivement ce que réussit le Plan de remboursement de la dette.

L'Agence canadienne de cotation des titres a donné au Canada une solide cote double A, si bien que les économies d'intérêt conséquentes au relèvement de notre cote au niveau triple A seraient négligeables.

Les cotes de crédit ne sont qu'un des facteurs des frais d'emprunt pour le gouvernement. Plus important est le niveau de confiance des investisseurs dans les politiques et les données économiques fondamentales du Canada. La confiance des investisseurs s'est améliorée considérablement au cours des dernières années, avec le renversement radical de notre situation financière, le maintien d'un faible taux d'inflation et une croissance économique régulière.

La question est rendue plus complexe par le fait que le Canada est noté par plusieurs agences de cotation de crédit, et que notre cote varie légèrement de l'une à l'autre. Certaines agences de cotation donnent même au Canada des cotes différentes pour les emprunts en devises nationales et les emprunts en devises étrangères. En fait, deux agences de cotation - Standard and Poor's et Dominion Bond Rating Service - donnent au Canada la cote triple A pour les emprunts intérieurs.

La meilleure façon de rétablir la cote triple A du Canada est de maintenir les politiques mises en 9uvre par le présent gouvernement pour réduire le fardeau de la dette publique et encourager une solide croissance non inflationniste.

Les finances nationales

Le projet de loi sur l'Agence des douanes et du revenu du Canada-Le coût de la rédaction des discours à l'appui du projet de loi et l'application de la TPS-La position du président

(Réponse aux questions posées par l'honorable Noël A. Kinsella et l'honorable Consiglio Di Nino le 18 mars 1999)

Aucun discours n'a été rédigé pour le sénateur Carstairs, ou pour tout autre sénateur, par des entrepreneurs externes chargés des discours.

Le discours de la deuxième lecture, préparé pour le sénateur Carstairs afin d'être prononcé au Sénat le 10 décembre 1998, a été rédigé par des employés de Revenu Canada avec la collaboration du personnel du sénateur.

Une question supplémentaire a également été soulevée au sujet de l'affichage de ce discours sur la page hôte de l'Internet de Revenu Canada. Le discours a été affiché par erreur et Revenu Canada regrette ce malentendu. D'après la politique du ministère, on n'affiche que les discours du ministre du Revenu national. Le disccours préparé pour le sénateur Carstairs a été retiré du site Web.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi de crédits no 1 pour 1999-2000

Troisième lecture

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-74, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2000, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les mesures spéciales d'importation
La Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose: Que le projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur les mesures spéciales d'importation et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, soit lu une troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de 1999 sur les services gouvernementaux

L'examen en comité plénier

L'ordre du jour appelle:

Le Sénat en comité plénier pour l'étude du projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande à Son Honneur de bien vouloir quitter le fauteuil afin que nous nous formions en comité plénier pour étudier le projet de loi C-76, article par article.

Son Honneur le Président: Je quitte donc le fauteuil et confie la présidence du comité à l'honorable sénateur Stollery.


(Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Peter A. Stollery.)

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, avant de passer à l'étude de chaque article, je voudrais demander au ministre s'il a des informations à nous communiquer après s'être informé auprès du président du Conseil du Trésor au sujet d'une suggestion qui avait été faite plus tôt.

Le sénateur Graham: J'ai deux lettres: la première, du ministre Massé, m'est adressée et je me ferai un plaisir de déposer; j'en remettrai aussi une copie au chef de l'opposition officielle. Cette lettre, dont une copie conforme a été communiquée à M. Bean, est datée d'aujourd'hui et dit:

Cher sénateur Graham,

Je vous écris pour confirmer que, si cela devient nécessaire de légiférer pour imposer une convention collective aux groupes des services correctionnels, cette convention collective ne représentera pas moins que ce qui était offert dans l'entente provisoire qui avait été conclue le 19 décembre 1998, mais qui avait été rejetée par la suite par les syndiqués.

J'ai aussi une lettre adressée à M. Daryl Bean qui vient d'Alain Jolicoeur, dirigeant principal des ressources humaines au Secrétariat du Conseil du Trésor. La lettre, qui est datée d'aujourd'hui, dit ceci:

Cher M. Bean,

La présente vise à confirmer que l'employeur est prêt à accepter les recommandations du rapport majoritaire de la commission de conciliation pour le groupe CX concernant la formation et l'étude de compatibilité avec la GRC et à discuter du moment propice pour supprimer le premier échelon de chaque niveau de rémunération.

La lettre est signée par Alain Jolicoeur.

Je crois que ce sont là les trois points qui sont soulevés, et je serai heureux de fournir des copies de cette lettre aux sénateurs.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous pourrions peut-être tous en avoir une copie maintenant.

Le sénateur Graham: Je n'en ai reçu qu'une. Voulez-vous avoir la vôtre maintenant, sénateur Lynch-Staunton?

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, je l'aurai en même temps que les autres.

Le président: Honorables sénateurs, nous allons commencer maintenant l'étude article par article du projet de loi C-76.

L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 3 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 4 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 5 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 6 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 7 est-il adopté?

Le sénateur Kinsella: Avec dissidence.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, je veux parler de cet article. J'ai pris note de la lettre que M. Massé a envoyée à mon collègue et de celle que M. Jolicoeur a envoyée à M. Bean, lettres dont des copies ont été distribuées ou sont en train d'être distribuées aux honorables sénateurs. Toutefois, je tiens à dire clairement que je m'oppose à la façon de procéder prévue à l'article 7.

Le Parlement est toujours très hésitant à adopter des mesures législatives de ce genre. Nous le savons tous. Néanmoins, les gouvernements doivent faire appel à leur jugement lorsqu'ils croient que la continuation ou le déclenchement de moyens de pression peut nuire à l'intérêt national. Depuis mon arrivée au Parlement, nous avons eu à étudier une ou plusieurs mesures législatives de ce genre au cours de pratiquement toutes les législatures.

Il arrive que nous puissions imposer un règlement aux employés d'une entreprise privée sous réglementation fédérale. En principe, c'est assez déplaisant. Mais en d'autres circonstances, y compris en l'occurrence, on nous demande d'intervenir contre certains de nos propres employés, contre des gens directement employés par le gouvernement.

(1510)

Habituellement, le gouvernement qui cherche à faire adopter un projet de loi de ce genre présente une mesure prévoyant l'une ou l'autre de deux démarches. Premièrement, la nomination d'un arbitre ou d'un conseil d'arbitrage dont la décision sera contraignante pour les deux parties. Le Parlement a été prié d'adopter une disposition de ce genre. Deuxièmement, mais c'est moins fréquent, le gouvernement se présente au Parlement avec les détails d'un règlement imposé et lui demande de l'adopter tel quel.

C'est ce qui est arrivé, comme on nous l'a rappelé, au début des années 90, lorsque le gouvernement de l'époque a adopté un programme d'austérité financière et qu'il a, en conséquence, imposé aux syndicats concernés des augmentations salariales limitées.

Cette fois-ci, c'est différent dans la mesure où le gouvernement demande au Parlement de lui conférer ou, si vous préférez, de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir d'imposer un règlement, sur la recommandation du Conseil du Trésor, qui se trouve être l'employeur. Ce matin, M. Massé a dû reconnaître qu'une disposition de ce genre dans un projet de ce genre est sans précédent.

Le précédent que nous créons aujourd'hui est mauvais. Comme je l'ai dit, j'ai vu les lettres que le ministre et ses fonctionnaires ont envoyées aux syndicats et dont nous avons reçu copie. Je suppose qu'elles calment jusqu'à un certain point les craintes que nous pourrions avoir. Mais si le gouvernement tenait à ne pas soumettre le syndicat à l'arbitrage, il aurait été de loin préférable qu'il impose le règlement et qu'il en donne les détails dans le projet de loi.

Je sais bien qu'un jour, dans quelques années, un gestionnaire ambitieux se pointera au Cabinet en brandissant ce projet de loi de retour au travail qui donne au Cabinet et au gouverneur en conseil le pouvoir d'imposer un règlement. Un ministre réticent lui répondra sans doute que ça lui semble un peu irrégulier, mais notre gestionnaire pourra lui répondre «les libéraux l'ont fait en 1999». Ce sera toujours un argument irréfutable.

Voilà ce qui risque de se produire quand on accepte de créer des précédents de la sorte. Je n'ai pas l'intention de proposer un amendement à cet article, bien que d'autres pourraient vouloir le faire. J'aimerais simplement intervenir à ce moment-ci pour faire part de mes préoccupations, de mes objections et de ma grande réticence relativement au précédent que nous sommes en train de créer avec cet article.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que ce matin, mon bureau a reçu des appels de 37 agents de correction de la Colombie-Britannique en rapport avec cet article. Ils voudraient que l'on y inclue la décision majoritaire du rapport de conciliation. Puisqu'ils ne sont pas ici pour défendre leur proposition, ils m'ont demandé de le faire en leur nom.

Il est intéressant de constater que la plupart de ces agents de correction viennent du Kent Institute, de Chilliwack, de Matsqui, d'Abbotsford et de New Westminster. Il semble donc que certains aspects de cette mesure législative touchent tout particulièrement ce groupe d'agents de correction. Ce problème pourrait être reconnu. Je pourrais faire lecture de leurs noms ou, si vous me le permettez, joindre leurs noms à mes remarques. Je m'en remets à la présidence à ce sujet.

Je suis d'avis qu'il est important de souligner qu'il y a 37 personnes d'une même région de la Colombie-Britannique, celle du delta du Fraser, qui sont tellement préoccupées par cet article du projet de loi qu'ils ont pris la peine de téléphoner à mon bureau pour me demander d'intervenir en leur nom.

Le président: Avec votre permission, je suggère que les noms soient joints au compte rendu. Sénateur Graham?

Le sénateur Graham: Oui, je suis tout à fait d'accord.

(Le texte du document figure à l'annexe, p. 2994.)

Le sénateur Graham: À ce sujet, le sénateur Carney, et d'autres aussi peut-être, a rencontré des représentants de l'AFPC. Je les ai moi-même rencontrés à trois occasions en divers endroits en Nouvelle-Écosse. J'ai correspondu avec eux et j'ai répondu à tous les appels qui m'ont été transmis. J'ai consciencieusement transmis toutes leurs doléances au président du Conseil du Trésor, qui est responsable de ces questions.

Le sénateur Carney: Avec tout le respect que je vous dois, comment avez-vous pu le faire si vous n'aviez pas le projet de loi devant vous? Nous venons tout juste de le recevoir.

Le sénateur Graham: Je parlais des doléances générales qui ont été faites.

Le sénateur Carney: Je ne parle pas de doléances générales. Je parle du fait que ce projet de loi, le C-76, qui nous a été remis à la dernière minute hier, a suscité chez ces gens des réserves au sujet de cette disposition particulière. Bien sûr, comme je n'avais pas le texte, je n'ai pas pu voir en quoi cette disposition pouvait préoccuper ces gens.

Le sénateur Graham: Je ne fais qu'une remarque générale.

Le sénateur Carney: Je vous remercie. Je fais une remarque précise.

[Français]

Le sénateur Rivest: Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs et du ministre à la signification de notre régime de relations de travail dans le secteur public canadien. Nous sommes tous des partisans pour ces travailleurs de la libre négociation des conditions de travail. C'est probablement vrai pour un certain nombre de provinces. Lorsque ces travailleurs utilisent les articles du Code du travail pour se donner un pouvoir de négociation en utilisant des mesures discutables qui peuvent compromettre la santé et la sécurité publiques, le gouvernement a certainement le devoir d'intervenir. Ces paramètres étant établis, je me demande comment le gouvernement - qui est censé avoir un esprit très libéral et très généreux - peut dire, d'une part, qu'il entend respecter le principe de la négociation des relations de travail pour les employés du secteur privé et, d'autre part, dans un projet de loi, dire que pour les employés du secteur public, il y a l'article 7, selon lequel le gouverneur en conseil fixe des conditions d'emploi applicables aux fonctionnaires et la durée de l'application de ces conditions d'emploi.

Il y a une incohérence totale entre le discours, les bonnes intentions, les principes que le gouvernement pense vouloir suivre, auxquels il continue soi-disant de croire et les gestes législatifs qu'il pose. À mon avis, le gouvernement n'a pas démontré qu'il y avait un danger pour la santé et la sécurité publiques. Il y a eu des inconvénients malheureux, on en convient. C'est une question de jugement. Le gouvernement a pris sa décision, mais dans l'ensemble du régime de travail des employés du secteur public et parapublic, il n'y a plus de libre négociation des conditions de travail. Il n'y a plus de droit de grève et de droit de recourir à des moyens de pression pour se donner une augmentation de salaire.

Compte tenu de cette expérience vécue par le gouvernement canadien comme dans d'autres secteurs, il serait important de penser à toute cette formule. Pouvons-nous nous demander si le Parlement canadien croit encore - comme il devrait continuer de le croire - au respect et à l'octroi de la libre négociation des conditions de travail pour l'ensemble des employés de l'État? L'article 7 est d'une brutalité qui contredit les bonnes intentions que le gouvernement dit vouloir maintenir.

[Traduction]

(1520)

Le président: L'article 7 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Non. Non, le vote!

Le président: Tous ceux qui sont en faveur de l'article 7?

Le sénateur Murray: Demandez-leur de se lever.

Le président: Non, je ne pense pas qu'on se lève en comité plénier. Je pense que le greffier fera le décompte.

Que ceux qui sont en faveur de l'article 7 veuillent bien se lever. Nous ferons le décompte. Nous ne consignons pas les noms.

Que ceux qui sont contre l'article 7 veuillent bien se lever. Y a-t-il des abstentions?

Ceux qui sont en faveur de l'article 7, 30; ceux qui sont contre, 26.

Je déclare l'article 7 adopté.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 9 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 10 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 11 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 12 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 13 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 14 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 15 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 16 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 17 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 18 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 19 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 20 est-il adopté?

Rejet de la motion d'amendement

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Monsieur le président, je propose: Que le projet de loi C-76 soit modifié, à l'article 20, à la page 8:

a) par substitution, aux lignes 8 à 19, de ce qui suit:

20.(1) Le gouverneur en conseil fixe les conditions d'emploi des fonctionnaires compte tenu de la décision majoritaire dont il est fait compte rendu dans le Rapport du Bureau de conciliation au président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique concernant les employés de l'employeur faisant partie des unités de négociation représentées à la table 4, soit les groupes des services correctionnels (surveillants et non-surveillants);
b) par substitution, aux lignes 25 et 26, de ce qui suit:
(2) Les conditions d'emploi fixées au titre du paragraphe (1) constituent une nouvelle; et
c) par le changement de la désignation numérique des paragraphes (4) à (6) à celle des paragraphes (3) à (5) et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
Le président: Puis-je avoir copie de l'amendement, sénateur Kinsella?

Le sénateur Kinsella: Oui, il est en train d'être déposé sur le Bureau.

Le président: J'ai la motion d'amendement. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de la distribuer.

Le sénateur Kinsella: J'aimerais commenter la motion d'amendement.

Honorables sénateurs, comme nous l'avons appris en comité plénier, non seulement cette disposition est-elle sans précédent - tout comme l'article qui vient de faire l'objet d'un débat et d'un vote est sans précédent - mais, contrairement à l'article 1 du projet de loi, cet article a fait l'objet d'un accord entre les parties tard l'autre soir. On s'attend à ce que - et je pense que les honorables sénateurs peuvent se fier à la parole du président du Conseil du Trésor agissant en sa qualité d'employeur, et de celles des représentants de l'unité de négociation - cet accord qui touche les travailleurs visés par la partie 1, à savoir les employés des services de l'exploitation, soit ratifié.

Le problème à propos des employés touchés par la partie 2 du projet de loi, c'est que nous n'avons aucune idée de ce que seraient les conditions d'emploi, à part la lettre générale que nous avons reçue et qui énonce certains paramètres. Cependant, le processus prévu va à l'encontre des conventions de l'Organisation internationale du travail. Je crois aussi qu'il va à l'encontre d'une valeur canadienne très importante, à savoir que, lorsqu'on empiète sur un droit des Canadiens en utilisant le pouvoir de l'État, on doit le faire avec une précision de chirurgien afin d'en réduire l'impact au minimum. Si l'État doit ainsi empiéter sur le droit de négociation des travailleurs canadiens en l'occurrence, on ne devrait pas lui donner un marteau-pilon pour tuer une mouche.

Par ailleurs, un bureau de conciliation, agissant comme un tiers, a examiné et entendu les instances des deux parties. C'est un facteur. La convention collective vient à expiration en juin. Nous, les parlementaires, devrions exercer ce rôle de tiers pour maintenir un degré d'équité dans le processus de négociation collective dans le secteur public.

Cet amendement se rapporte directement à la convention que le bureau de conciliation, après avoir entendu les parties, a jugé être une façon équitable de procéder. L'écart avec les offres que le gouvernement, en tant qu'employeur, a présentées à la table des négociations n'est pas si grand. Je crois que nous ferions ce qui s'impose au nom de l'équité en amendant le projet de loi de manière à prévoir des dispositions précises quant à ce que devrait être la convention collective.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je profite de cet amendement pour faire une observation. Je me demande si le gouvernement met du sel sur la plaie ou s'il provoque sciemment ses fonctionnaires, parce que, tandis que nous achevons l'étude du projet de loi de retour au travail, le gouvernement annonce pour les militaires des hausses salariales allant de 14,4 p. 100 à 18,1 p. 100. Je voudrais bien savoir pourquoi il décide de faire cette annonce justement aujourd'hui. Les soldats reçoivent une hausse de 14,4 p. 100; les autres militaires du rang, 17,28 p. 100; la plupart des sous-lieutenants et des lieutenants, 18,1 p. 100; les capitaines, les majors et les lieutenants-colonels, 12,05 p. 100 rétroactivement au 1er avril 1997 et leurs diverses indemnités, que ce soit pour des opérations en mer ou dans les airs, augmentent de 16,84 p. 100.

(1530)

La mesure dont nous sommes saisis concerne un groupe d'employés qui n'ont pas eu droit à des négociations collectives depuis des années et dont les salaires sont gelés depuis 1991, mis à part de légers rajustements. Pour ces employés, il est question de hausses de 2, 3 ou 4 p. 100. Au même moment, voici un groupe nombreux d'employés, qu'on appelle les forces armées, qui, sans la moindre négociation, touchent des augmentations, qu'ils méritent sans contredit, de 14,4 p. 100. Le gouvernement crée des catégories d'employés et exerce ainsi une discrimination. C'est répréhensible.

C'est d'autant plus répréhensible qu'il choisit pour faire son annonce le jour même où ce projet de loi est étudié. D'après moi, c'est de la provocation indue, non souhaitable et injustifiée, qui ne peut qu'envenimer les relations entre un employeur et ses employés.

Le président: Merci. Je mets la motion aux voix. Que tous les sénateurs qui sont pour la motion d'amendement veuillent bien se lever. Que tous les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien se lever.

Merci. Vous pouvez reprendre vos sièges. Je déclare la motion rejetée par 35 voix contre 26.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et les abstentions?

Le président: Y avait-il des abstentions? J'ai oublié de le demander. La procédure n'est pas souvent appliquée à la Chambre des communes, de sorte que je n'y ai pas pensé. Je déclare la motion rejetée.

L'article 20 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 21 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 22 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 23 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 24 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 25 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 26 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 27 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: L'annexe 1 est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le président: L'annexe 2 est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le président: L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi sans propositions d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.


Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux, a étudié le projet de loi et m'a chargé d'en faire rapport sans propositions d'amendement.

Des voix: Avec dissidence.

Troisième lecture

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Avec la permission du Sénat, dès maintenant.

Son Honneur le Président: Permission accordée?

Des voix: Adopté.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, je voudrais proposer un amendement. Je peux comprendre ce qui a poussé le gouvernement à proposer une loi pour forcer le retour au travail. Je peux comprendre qu'il s'inquiète des agriculteurs et des travailleurs du secteur céréalier, mais la question a été réglée par les syndicats. Ils ont pris l'engagement de ne plus dresser de piquets de grève au détriment des agriculteurs.

Lorsque le projet de loi a été présenté aux Communes et que le ministre a annoncé que, grâce aux négociations collectives, une entente de principe avait été conclue, l'étude du projet de loi aurait dû s'arrêter aussitôt. Dès ce moment, ce projet de loi est devenu non une mesure forçant le retour au travail, mais une attaque directe contre le syndicat, une attaque de front contre la libre négociation collective.

Je propose cet amendement plus par déception que par colère. J'ai entendu de nombreux libéraux, dont le premier ministre et l'ancien premier ministre Trudeau, défendre avec passion la libre négociation collective. J'avais été invité à assister à une rencontre avec l'ancien premier ministre Pearson, lorsqu'il songeait à accorder le droit de négociation aux employés des postes et qu'il consultait des gens à cet égard. Lors de cette rencontre, beaucoup se sont prononcés en faveur de ce droit et bien d'autres s'y sont vigoureusement opposés. L'ancien premier ministre Pearson a dit que la libre négociation collective faisait partie de la politique du Parti libéral et de son gouvernement, et il a accordé ce droit.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un projet de loi jamais vu auparavant, qui crée un dangereux précédent et qui constitue une attaque contre le syndicat et contre la libre négociation collective. Je crois que le ministre fait fausse route, et je crains que le gouvernement libéral n'ait été induit en erreur ou ne fasse fausse route. Ce projet de loi n'est pas nécessaire.

Nous avons obtenu un engagement. Vous avez entendu M. Bean, de l'AFPC, dire ce matin que les membres du syndicat recommandaient l'adoption de l'accord de principe et que, dans une semaine, si l'application de cette mesure législative était suspendue, les membres approuveraient l'accord. Pourquoi risquer de créer un dangereux précédent lorsque c'est inutile? Qu'on donne une chance à la négociation collective.

 

Rejet de la motion d'amendement à la majorité

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, pour aider mes amis du Parti libéral et du gouvernement, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Cochrane:

Que le projet de loi ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'il soit lu une troisième fois dans trois mois à compter d'aujourd'hui.

Les greffiers me disent que le projet de loi peut être renvoyé au comité pour une période de trois mois ou de six mois. Je voudrais donner assez de temps au syndicat pour qu'il puisse respecter l'engagement qu'il a pris en toute bonne foi et recommander l'accord à ses membres et pour que le processus de négociation collective puisse avoir la chance de fonctionner, ce qui effacerait la tache horrible qui ternit la réputation du gouvernement et éviterait une attaque contre la libre négociation des conventions collectives.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs. Y a-t-il entente sur la durée de la sonnerie? Les whips me disent que le timbre devrait retentir pendant 30 minutes, ce qui signifie que le vote aura lieu à 16 h 10.

(1610)

(La motion d'amendement du sénateur Lawson, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Balfour, Beaudoin, Buchanan, Carney, Coch rane, Cogger, DeWare, Di Nino, Doody, Forrestall, Keon, Kinsella, Lavoie- Roux, Lawson, LeBreton, Lynch-Staunton, Murray, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roberge, Rossiter, St. Germain, Tkachuk, Wilson-26

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams, Bacon, Bryden, Butts, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Cook, Cools, Corbin, Ferretti Barth, Fitzpatrick, Fraser, Graf stein, Graham, Gustafson, Hays, Hervieux-Payette, Johnstone, Joyal, Kroft, Losier-Cool, Maheu, Mal oney, Mercier, Milne, Moore, Pearson, Perrault, Poulin, Robichaud (L'A cadie-Acadia), Robichaud (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Sparrow, Stewart, Stollery, Taylor, Watt-38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucune
 

Son Honneur le Président: Je déclare la motion d'amendement rejetée.

Le vote porte maintenant sur la motion principale. Quelqu'un veut-il prendre la parole au sujet de la motion principale?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avant que nous ne nous prononcions sur la motion principale, je tiens à faire valoir quelques points.

D'abord, en ce qui concerne les exécutants ou cols bleus, ce projet de loi demeure nécessaire, même si une entente est intervenue entre le Conseil du Trésor et les dirigeants de l'AFPC.

Comme je l'ai expliqué hier et comme M. Massé l'a répété aujourd'hui, tant que cette entente n'aura pas été ratifiée par les syndiqués, ceux-ci ont légalement le droit de poursuivre les activités de grève dans lesquelles ils sont engagés depuis janvier. Ce projet de loi est donc nécessaire pour s'assurer que les arrêts de travail ne se poursuivent pas au cours de la période de ratification. En fait, depuis que l'entente est intervenue, mardi soir, les grèves se sont intensifiées.

Par exemple, hier, il y avait des piquets de grève aux bases du MDN à Halifax et à Greenwood. Il y avait 150 piqueteurs à la base de Valcartier. Il y avait aussi d'imposants piquets de grève à plusieurs établissements correctionnels. Dans l'Atlantique, il y avait des piquets de grève à l'établissement à sécurité maximale de Dorchester, à l'établissement à sécurité minimale de Westmoreland et à l'établissement à sécurité moyenne de Springhill. Au Québec, il y en avait au complexe de Laval, qui comprend trois établissements, à sécurité maximale, moyenne et minimale; à l'établissement à sécurité moyenne de Cowansville, et à l'établissement à sécurité moyenne de Drummondville.

Dans les Prairies, il y avait des piquets de grève au pénitencier de la Saskatchewan, un établissement à sécurité maximale, à l'établissement à sécurité minimale de Riverbend, à l'établissement à sécurité maximale d'Edmonton, et à l'établissement à sécurité moyenne de Bowden.

Ce ne sont pas des agents de correction qui sont en grève et qui font du piquetage, mais des employés des services de l'exploitation, dont certains sont employés à l'intérieur des établissements.

Il y a aussi eu d'imposants piquets de grève aux bureaux de Revenu Canada aux endroits suivants: St. John's, à Terre-Neuve; Sydney, en Nouvelle-Écosse; Jonquière, au Québec; London, en Ontario; Winnipeg, au Manitoba; de même que Vancouver et Victoria, en Colombie-Britannique. En réalité, à Victoria, plus de 300 piqueteurs ont bloqué l'accès aux bureaux de Revenu Canada, malgré une ordonnance du tribunal qui limitait le piquetage.

Comme nous l'avons mentionné tout à l'heure, il y avait même du piquetage hier, à l'aéroport de Dorval.

Les grèves tournantes des employés des services de l'exploitation, qui ont causé de grandes perturbations d'un océan à l'autre, se poursuivent. Elles se sont intensifiées et se poursuivront certainement si le projet de loi n'est pas adopté ou s'il reste en suspens.

Le deuxième point que je veux faire valoir concerne la position des agents de correction. Comme chacun le sait, ils pourront légalement faire la grève à compter de minuit demain. Les dispositions du projet de loi C-76 qui ordonnent leur retour au travail n'entrent pas automatiquement en vigueur au moment de la sanction royale. Elles n'entreront en vigueur que par le biais d'un décret du conseil, décret qui sera pris seulement si la situation le justifie.

Voici ce que je veux dire: si les agents de correction restent à la table de négociation au lieu de se mettre en grève, le décret du conseil ne sera pas pris. Cependant, s'ils font une grève à un établissement correctionnel et que cette grève met en danger la sécurité de la population, des autres employés ou des détenus de l'établissement, les dispositions ordonnant le retour au travail entreront en vigueur à la suite de la prise d'un décret du conseil.

Le sénateur Lawson a proposé que l'étude du projet de loi soit suspendue pour l'instant. J'ai le plus grand respect pour les opinions du sénateur Lawson sur des questions de ce genre. Toutefois, ce que je propose, c'est que les dispositions concernant les agents de correction soient suspendues ou qu'elles ne soient pas appliquées, à moins que cela ne soit nécessaire, et cela ne dépend que des agents eux-mêmes. S'il n'y a pas de moyens de pression pouvant entraîner une situation dangereuse, les dispositions ne seraient pas appliquées, les négociations se poursuivraient et, c'est à espérer, un accord négocié serait conclu.

Honorables sénateurs, nous avons entendu que les agents de correction demandent que le rapport de conciliation traitant de leur situation soit pleinement mis en oeuvre. Des témoins ont même proposé que le projet de loi C-76 soit modifié par l'incorporation de ce rapport.

Le gouvernement ne peut acquiescer à cette demande parce qu'il ne peut accepter le rapport de conciliation, bien qu'il soit disposé à l'utiliser comme base de discussion pour certaines questions faisant l'objet de négociations.

Je voudrais souligner que notre rejet du rapport de conciliation n'indique absolument pas que nous négocions de mauvaise foi. Il est tout à fait normal pour une des parties, voire les deux, de rejeter un rapport de conciliation.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous donner un exemple pertinent et d'actualité. L'Alliance de la fonction publique a rejeté le rapport de conciliation déposé le 8 décembre 1998 au sujet des cols bleus. Les négociations se sont poursuivies et ont abouti, plus tôt cette semaine, à un accord qui, selon M. Bean lui-même, est plus généreux pour ses membres que le rapport de conciliation. Par conséquent, je tiens à souligner de nouveau, honorables sénateurs, que ce n'est pas un signe de mauvaise foi lorsqu'une des parties rejette un rapport de conciliation. Cela fait partie intégrante du processus normal de négociation collective.

Pendant que j'y suis, je tiens aussi à signaler qu'en vertu de la loi, un accord négocié aura toujours préséance. Les paragraphes 7(6) et 20(6) précisent clairement que, s'il y a un accord négocié entre les parties, les dispositions du projet de loi autorisant l'imposition d'une convention collective ne s'appliquent pas et n'ont pas d'effet. Le gouvernement privilégie un accord négocié, et cela se reflète dans la loi.

Honorables sénateurs, cette mesure législative visait au départ à régler une situation très difficile. En dépit de l'accord conclu mardi avec les cols bleus, la situation demeure très difficile, particulièrement à court terme. J'estime que nous ne nous acquitterions pas des responsabilités qui nous incombent comme législateurs si nous permettions au Sénat de s'ajourner sans avoir d'abord adopté cette loi.

L'honorable Edward M. Lawson: Honorables sénateurs, j'accepte l'argument du leader du gouvernement selon lequel le rejet d'un rapport de conciliation par l'une ou l'autre des parties n'est pas une preuve de mauvaise foi. Là n'est pas la question, cependant. Lorsque le syndicat et l'employeur ont convenu d'un projet de règlement, c'était une négociation de bonne foi, bien qu'elle ait pu être influencée par la menace d'une loi de retour au travail qui aurait dû être retirée.

J'ai été mêlé à de nombreuses grèves et je connais les émotions que ressentent les travailleurs. Lorsque le gouvernement a dit que, en dépit de l'entente de principe intervenue, il allait matraquer les travailleurs avec la loi, il s'en est pris à l'intégrité des membres du syndicat et de ses dirigeants. Quels moyens cela laisse-t-il aux travailleurs pour manifester leur colère?

M'appuyant sur mon expérience, je peux dire que, si le gouvernement avait accepté de bonne foi l'entente intervenue et avait retiré son projet de loi, les arrêts de travail et le piquetage auraient cessé presque partout, sinon partout.

À tout moment de notre histoire, je sais que si la possibilité de parvenir à un tel règlement s'était présentée, n'importe quel ministre du Travail aurait rapidement retiré son projet de loi. Je crois que le geste du gouvernement aura des effets négatifs sur toutes ses futures négociations collectives avec ses employés. À bon entendeur salut!

Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais apporter une correction. Je ne pense pas que M. Bean ait déclaré que le projet de règlement était meilleur que le règlement recommandé dans le rapport de conciliation que le syndicat a rejeté. Il a déclaré qu'il était meilleur que le règlement imposé par le projet de loi.

Le leader du gouvernement pourrait-il préciser le statut des 728 postes d'agents de correction désignés? Nous avons entendu des témoignages contradictoires à ce sujet. Ce matin, on nous a dit que la situation était attribuable à un cafouillage administratif, qu'il y avait eu une erreur et que ces 728 postes auraient dû être désignés. Plus tard, M. Bean a déclaré - ce qui a été plus ou moins confirmé par le représentant des agents de correction - que le gouvernement et le syndicat avaient signé une entente officielle établissant que ces 728 postes n'étaient pas désignés.

Il y a une contradiction. L'employeur affirme que c'est le résultat d'une confusion, d'une mauvaise gestion et d'un excès de paperasserie. M. Bean nous a montré un document qui, selon lui, a été signé par les deux parties seulement quelques jours avant, lequel confirme que les postes des 728 agents de correction ne sont pas désignés.

Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire exactement quel est le statut de ces employés? Si le document était signé, pourquoi le gouvernement le renie-t-il maintenant?

Le sénateur Graham: Je crois savoir qu'il s'agit d'une erreur administrative.

Le sénateur Lynch-Staunton: Si c'est le cas, que vaut le document que M. Bean nous a montré et qui, selon lui, contenait une liste de 728 postes d'agents de correction et avait été signé seulement quelques jours avant par le gouvernement du Canada et le syndicat? Il ne s'agit pas d'une erreur administrative.

Le sénateur Graham: C'est ce que j'ai compris, honorables sénateurs. Je devrai obtenir plus de précisions à ce sujet. Je ne crois pas que cela influe sur ce dont nous parlons maintenant, mais la question mérite des éclaircissements. J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'une erreur administrative ou d'une erreur d'écriture.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je saurais gré au leader de se renseigner, car cette question a un impact sur ce dont nous discutons. Si les 728 postes avaient été désignés, le projet de loi ne contiendrait pas de partie 2. Cette partie, qui prévoit des mesures extrêmement radicales, retire le droit de grève à des employés qui ne l'ont pas encore exercé et met dans le même panier des employés qui ont le droit de grève et d'autres qui ne l'auront plus. Cette partie du projet de loi ordonne également au Conseil du Trésor d'imposer un règlement unilatéralement, sans consultation. C'est ce dont parle le sénateur Lawson. Cette situation est sans précédent.

Nous avons cette lettre d'accord, qui définit les bases de l'entente. Les 728 employés sont assujettis à la loi de retour au travail la plus radicale qu'on ait jamais vue, et plus précisément aux dispositions de la partie 2 du projet de loi. Il est important d'obtenir des éclaircissements à ce sujet, car je soupçonne qu'il s'agit de beaucoup plus que d'une simple erreur administrative.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'usage à la Chambre veut que, lorsqu'un sénateur désire interroger quelqu'un qui vient de prendre la parole, il le fasse immédiatement après son intervention. Le sénateur Graham a pris la parole, puis le sénateur Lawson a parlé. Le sénateur Lynch-Staunton s'est ensuite levé et il a posé des questions au sénateur Graham, qui n'était pas le dernier orateur.

Allons-nous appliquer le Règlement cet après-midi, ou allons-nous le modifier?

Le sénateur Kinsella: Je voudrais poser une question au sénateur Graham. Le sénateur Lynch-Staunton s'est levé avec l'intention de faire précisément cela, mais c'est au sénateur Lawson qu'on a donné la parole. Le sénateur Lynch-Staunton n'a posé ses questions qu'après. Je voudrais quand même interroger le sénateur Graham.

Dans son intervention, à l'étape de la troisième lecture, il a déclaré que le gouvernement avait des raisons de rejeter le rapport majoritaire de la commission de conciliation au sujet des agents de correction. Le leader du gouvernement voudrait-il nous dire quelles étaient ces raisons?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le gouvernement a rejeté le rapport parce qu'il le trouvait un tantinet généreux. Au début, les agents de correction demandaient des augmentations allant de 17 à 19 p. 100. Comme je l'ai expliqué à l'étape de la troisième lecture, il est normal que l'une ou l'autre partie rejette le rapport d'une commission de conciliation, mais ce rapport pourrait certainement constituer un excellent point de départ pour d'autres négociations.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'aimerais faire une intervention à l'étape de la troisième lecture. Je pense que le problème du Sénat est que l'on écoute rarement ce que les gens d'expérience ont à nous apporter. Je ne me sens pas obligé de faire de longs discours sur tous les sujets. Par exemple, si l'on parle de certains sujets internationaux, j'écoute ceux qui, dans mon esprit, peuvent avoir une expérience internationale. Si l'on parle de transport, j'écoute la présidente du comité des transports, des gens en qui j'ai confiance. Je peux me tromper, mais dans le cas de Mme Bacon, je ne me trompe pas. Si l'on veut me parler des Premières nations, j'écoute toujours ce que le sénateur Adams, le sénateur Watts et notre excellente amie, le sénateur Chalifoux, peuvent avoir à dire. C'est cela, le Sénat. Je vais donc vous éviter un très long discours sur ces questions de droit.

[Traduction]

Je pourrais parler longtemps, comme le Règlement m'y autorise, mais comme je fais confiance aux sénateurs qui m'ont précédé et à leurs connaissances, je m'abstiendrai de répéter ce qu'ils ont dit certainement mieux que je ne pourrais le faire. Je crois que je ne pourrais pas exposer les choses mieux que ne l'a fait le sénateur Lawson. Voilà mon intervention. Je veux porter au compte rendu que je suis en tout point de son avis.

Les sénateurs doivent apprendre à voter et à exprimer leurs opinions d'une façon qui soit respectueuse des autres. C'est cette civilité qui fait la beauté du Sénat.

Certaines des interventions que j'ai entendues aujourd'hui m'ont fait grande impression. Je reviens tout juste d'une séance d'information donnée par tous les diplomates arabes à l'occasion de la visite du président Yasser Arafat. Nous pourrions apprendre tellement plus de choses en les écoutant qu'en écoutant ce que j'ai à dire au sujet de ce projet de loi!

Je répète que je partage sans réserve les vues du sénateur Lawson. C'est pour cela que j'ai voté comme je l'ai fait, et c'est pour cela que je voterai avec la majorité au vote de troisième lecture. Je vois déjà ce qui va se passer. Si certaines personnes sont nerveuses, attention! Le Règlement prévoit que nous pourrions siéger demain.

Mon collègue dit que je serais peut-être seul. Attention! Un jour, je pourrais le forcer lui aussi à siéger seul. Cependant, je n'irai pas jusque là dans l'utilisation du Règlement.

Merci à nouveau, sénateur Lawson, de nous avoir fait part de votre grande expérience.

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, je ne parle pas en tant qu'expert dans ce domaine, mais je crois qu'il y a un autre côté à ce que le sénateur Lawson a déclaré. Nous avons tous deux participé à des négociations à de nombreuses reprises. Pour ma part, j'ai parfois représenté l'organisation de mon collègue. Cependant, il y a des faits intéressants dans ce cas-ci. Il n'y a aucune garantie que les gens agiront toujours de bonne foi.

Mon collègue a laissé entendre que si le gouvernement avait agi différemment et déclaré qu'il avait en main un projet de règlement et que la Chambre pouvait alors prendre deux semaines de vacances, cela aurait été un signe de bonne foi. Les travailleurs auraient cessé de faire du piquetage et il n'y aurait plus eu de menaces. J'ai été placé dans des situations où cela s'est produit et le résultat a été semblable à ce que mon collègue a dit. Cependant, dans d'autres situations, il y a eu un geste de bonne foi de la part de l'agent négociateur et de l'employeur et cela n'a pas donné de bons résultats.

Honorables sénateurs, dans cette situation, nous avons déjà des preuves qu'une unité de négociation de l'AFPC, si je ne m'abuse, les agents de correction, a négocié de bonne foi et conclu un projet de règlement avec l'employeur. Les dirigeants syndicaux et l'équipe de négociation ont recommandé aux membres d'accepter l'accord et ceux-ci l'ont rejeté.

En toute bonne foi, j'en suis persuadé, M. Bean a déclaré que son syndicat avait conclu une entente de principe et qu'il était prêt à recommander l'acceptation de cette entente par ses membres. Lorsqu'on l'a interrogé là-dessus, il a déclaré qu'il avait confiance, ou quelque chose du genre, dans l'acceptation de la recommandation. Je n'ai pas demandé à M. Bean s'il était prêt à parier son poste là-dessus, car cela aurait été injuste. De plus, on ne s'attendrait pas de sa part à ce qu'il fasse cela, car un syndicat est une organisation démocratique, et ses membres ont le droit d'avoir le dernier mot.

Je prétends qu'il faut que les deux parties cherchent à parvenir à une entente et négocient de bonne foi. Il arrive souvent à ce stade-ci d'un conflit que les deux parties aient un long passé derrière elles.

Honorables sénateurs, l'employeur et le syndicat doivent décider de ce qu'il y a de mieux à faire à la 11e heure, peu importe les circonstances qui nous ont amenés là. Mon opinion est que le gouvernement, indépendamment de l'employeur, d'après les faits qu'il a devant lui, doit agir dans l'intérêt du public. Toutefois - avec tout le respect que j'ai pour le système de négociation collective auquel nous souscrivons tous - il y a des moments où l'intérêt du public passe avant tout et nous devons le protéger.

Le sénateur Lawson a son opinion quant à ce qui aurait pu être fait pour protéger la tradition qu'est la négociation collective. J'interviens à ce stade pour dire qu'il y a d'autres considérations en jeu. Si, en fait, la situation s'était aggravée et si, en fait, les membres de l'AFPC rejetaient cette entente de principe au lieu de la signer, la situation dans laquelle nous nous trouvons pourrait très bien continuer pendant encore plusieurs jours, plusieurs semaines ou plusieurs mois avant d'être réglée.

Mon honorable ami a-t-il raison, honorables sénateurs? Je l'ignore. Je tiens seulement à m'assurer que cette Chambre comprend bien que rien ne garantit que les gens agiront toujours de bonne foi et dans l'intérêt du public, voire parfois de leurs propres membres.

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, j'ai une question à l'intention du sénateur Bryden.

Le sénateur Lawson a indiqué qu'un délai de trois mois était nécessaire et que nous ne pouvions pas reporter le projet de loi d'un mois. C'est du moins ce que j'ai compris. Je crois que c'est la norme, mais j'interviens pour avoir l'avis de quelqu'un qui a plus d'expérience que moi dans ce domaine.

Honorables sénateurs, il y a un élément de confiance dans tout ceci. Comme j'ai déjà négocié et représenté les travailleurs - pas autant que le sénateur Lawson ou le sénateur Bryden à titre d'avocat - , je puis dire aux honorables sénateurs une chose: je n'ai jamais reçu autant d'appels téléphoniques à propos d'un projet de loi - exception faite du projet de loi C-49, qui m'avait valu d'être inondé de lettres - que j'en ai eus à propos du projet de loi C-76. Cet élément de confiance est comparable à celui qui existe entre un homme et une femme dans le mariage. Le même élément de confiance doit exister entre l'employeur et l'employé au cours des négociations.

Si mon collègue estime que ces grèves tournantes ont duré assez longtemps et qu'il y va de l'intérêt public, je crois que nous aurions pu retarder la mise en oeuvre de cette loi, ce qui aurait témoigné de notre bonne foi; et même s'ils n'avaient pas ratifié le règlement négocié qui est sur la table, nous n'aurions pas perdu la confiance des travailleurs et travailleuses de ce pays. Nous n'aurions pas sapé le droit de grève ou le droit de négocier.

Même si l'on dit qu'un délai de trois mois est nécessaire, nous aurions peut-être pu retarder cette mesure d'un mois, ou de deux ou trois semaines. Je crois que M. Bean a dit qu'il lui faudrait deux semaines pour la ratification de l'entente. Puis-je avoir vos observations à cet égard, honorable sénateur?

Le sénateur Bryden: Voici mes observations, honorables sénateurs.

Je ne connais pas assez bien le contexte et les détails. Le sénateur St. Germain a parlé de relation de confiance, un peu comme la relation entre mari et femme. Une confiance de ce genre doit souvent se développer sur un certain temps. La même chose est vraie de l'abus de confiance. Comme la plupart d'entre nous, je ne connaissais pas toutes les circonstances qui ont engendré la situation que nous connaissons aujourd'hui.

L'honorable sénateur a fait valoir plusieurs considérations intéressantes, mais personnellement, avec mon expérience dans ce domaine et à titre de parlementaire, je ne suis pas prêt à tenter de juger de la situation à la place du gouvernement, étant donné ma connaissance limitée des événements.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je crois que j'ai le devoir de dire quelques mots à ce sujet.

La grève des manutentionnaires céréaliers tombe à un très mauvais moment pour les agriculteurs. Nous avons eu un hiver très difficile. Les activités des silos étaient arrêtés et, à bien des endroits, elles le sont toujours. Il semble que les manutentionnaires ont choisi de faire la grève au moment le plus difficile pour les agriculteurs. Je crois comprendre qu'il y a sept navires qui attendent d'être chargés. Cela entraînera des frais de stationnement pour les agriculteurs. En outre, l'économie agricole, dans le secteur du grain, est probablement dans le pire état qu'elle ait connu en plusieurs années.

Aujourd'hui, honorables sénateurs, je n'ai pas d'autre choix que d'appuyer la loi de retour au travail à l'intention des employés du gouvernement. Je me demande pourquoi le syndicat choisit un moment où les temps sont durs pour les agriculteurs, particulièrement pour ce qui est de l'acheminement du grain. C'est sur ces réflexions que j'appuie mes décisions au Sénat, aujourd'hui.

Le sénateur Lawson: Puis-je répondre au sénateur Bryden?

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Lawson, mais vous avez déjà parlé.

À moins que d'autres sénateurs ne veuillent prendre la parole, je vais maintenant passer à la motion d'adoption en troisième lecture.

Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 45(1)b) du Règlement, l'honorable sénateur Graham, appuyé par l'honorable sénateur Carstairs, propose que le projet de loi soit maintenant lu pour la troisième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Devrai-je dire avec dissidence?

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

[Français]

La Sanction royale

Avis

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:

RIDEAU HALL

Le 25 mars 1999

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que l'honorable John Major, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa qualité de Gouverneur général suppléant, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 25 mars 1999, à 17 heures, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du Gouverneur général,
Judith A. LaRocque

L'honorable
    Président du Sénat
        Ottawa
[Traduction]

Projet de loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Perrault, c.p., que le projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, hier, j'ai fait ajourner le débat sur la motion de renvoi du projet de loi au comité. J'aimerais dire une ou deux choses.

De ce côté-ci de la Chambre, nous avons hâte que ce projet de loi soit assigné dès aujourd'hui à un comité. C'est avec plaisir que j'ai remarqué que tous les sénateurs qui ont pris part au débat d'hier manifestaient un grand intérêt pour cette mesure législative. Cela prouve l'importance et la complexité du projet de loi, qui pourrait avoir des conséquences extrêmement graves sur le plan commercial. Par ailleurs, il soulève des graves questions culturelles et de communication ainsi que de très importantes questions juridiques et constitutionnelles.

Honorables sénateurs, ma collègue, le sénateur Carstairs, et moi avons utilisé les méthodes de consultation habituelles et convenons tous deux que, si le plus grand nombre possible de sénateurs étudiaient en détail les diverses dimensions du projet de loi, l'étude du projet de loi ne pourrait qu'en être grandement améliorée.

Les honorables sénateurs de notre côté tiennent à ce que ce projet de loi soit renvoyé au comité dès aujourd'hui et reconnaissent qu'il existe, certainement dans le Règlement, la tradition selon laquelle tous les honorables sénateurs ont le droit d'assister aux délibérations de tout comité chargé d'étudier un projet de loi et d'exprimer leur opinion. Nous espérons que tous les honorables sénateurs qui s'intéressent à cette question et qui possèdent des connaissances spéciales dans le domaine des banques et du commerce, du droit constitutionnel ou encore du secteur des communications et de la culture assisteront aux travaux du comité des transports et nous feront profiter de leur savoir.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Perrault, propose que le projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer à autre chose, je voudrais vous faire lecture de l'alinéa 62(1)i) du Règlement, qui pourrait éclairer nos délibérations ultérieures.

Je cite:

Sauf dans les cas prévus ailleurs au Règlement, sont sujettes à débat les motions:

i) de renvoi d'une question, sauf une loi proposée, à un comité permanent ou spécial.

Autrement dit, le renvoi d'un projet de loi n'est pas sujet à débat. Par conséquent, selon le Règlement, nous n'aurions pas dû tenir l'exercice auquel nous venons de nous plier. J'apporte cette précision qui pourrait éclairer nos débats ultérieurs.

Régie interne, budgets et administration

Adoption du trente-deuxième rapport du comité

L'ordre du jour appelle:

Étude du trente-deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (politique d'accréditation de la sécurité), présenté au Sénat le 23 mars 1999.-(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le rapport soit adopté.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir certaines explications sur le contenu de ce rapport.

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, je n'ai pas le rapport en main, mais je présume que c'est du rapport sur la sécurité dont on parle. Il s'agit tout simplement de s'assurer que tous respectent les règles et les directives, c'est-à-dire qu'ils effectuent des enquêtes de sécurité avant d'engager des employés.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Privilèges, Règlement et procédure

Étude du neuvième rapport du comité-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à l'adoption du neuvième rapport du Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (sénateurs indépendants), présenté au Sénat le 10 mars 1999.-(L'honorable sénateur Robertson).

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, au nom du sénateur Robertson, je ferai appel au leadership des deux partis pour essayer de nous entendre afin de prendre une décision sur cette question qui traîne depuis trop longtemps.

[Traduction]

Je ne compte pas faire de discours aujourd'hui. J'en avais prévu cinq pour aujourd'hui, et c'est le deuxième que je ne ferai pas.

J'espère que les chefs des deux côtés finiront par s'entendre. Je sais qu'il y a eu une discussion animée entre les sénateurs, mais je crois que c'est maintenant terminé. Nous devrons prendre une décision à ce sujet. Dans mon cas, cela fait presque six ans que cela dure. De nouveaux sénateurs, dont les sénateurs Wilson et Roche, sont prêts à participer aux travaux des comités, tout comme le sénateur Lawson, comme nous l'avons vu aujourd'hui.

J'exhorte le sénateur Lynch-Staunton et le sénateur Carstairs à voir s'ils ne pourraient pas faire quelque chose pour accélérer le processus. Je suis disposé à discuter de la question avec le sénateur Robertson.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Robertson, le débat est ajourné.)

La Loi sur la taxe d'accise

Projet de loi modificatif-Étude du rapport du comité-report du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Cochrane, tendant à l'adoption du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, avec un amendement), présenté au Sénat le 9 décembre 1998.-(L'honorable sénateur Carstairs).

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, il y a aujourd'hui onze jours que cet article est inscrit au nom du sénateur Carstairs. Madame le sénateur Carstairs pourrait-elle me dire quand elle ou un sénateur de son parti voudra y répondre?

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je comptais en traiter cette semaine, mais, malheureusement, j'ai dû m'occuper d'autres problèmes. J'en traiterai dès notre retour de vacances.

(Le débat est ajourné.)

La revue des politiques sur les armes nucléaires

Motion-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Roche, appuyée par l'honorable sénateur Lavoie-Roux:

Que le Sénat recommande au gouvernement du Canada d'exhorter l'OTAN à entreprendre une revue de ses politiques sur les armes nucléaires lors de la conférence au sommet de l'OTAN qui aura lieu du 23 au 25 avril 1999.-(L'honorable sénateur Roche).

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons examiné sérieusement la motion du sénateur Roche et notre groupe parlementaire a décidé d'appuyer cette motion.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

Les agressions sexuelles

La récente décision de la Cour suprême du Canada-Interpellation-Suspension du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cools, attirant l'attention du Sénat sur:

a) le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire d'agression sexuelle opposant Sa Majesté la Reine à Steve Brian Ewanchuk, rendu le 25 février 1999, jugement qui a renversé le jugement de la Cour d'appel de l'Alberta confirmant l'acquittement prévu par le tribunal de première instance;

b) les intervenants dans cette affaire, c'est-à-dire le procureur général du Canada, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et le Centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle d'Edmonton;
c) le remplacement, par la Cour suprême du Canada, de l'acquittement prévu par les deux tribunaux de l'Alberta par une condamnation;
d) les nombreux motifs concordants du jugement rendu par madame la juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, qui condamnent la décision prise par le juge John Wesley McClung de la Cour d'appel de l'Alberta et la décision de la majorité de la Cour d'appel de l'Alberta;
e) la lettre du juge John Wesley McClung qui a été publiée dans le National Post le 26 février 1999 en réponse aux déclarations que madame la juge Claire L'Heureux-Dubé a faites à son endroit dans les motifs concordants de son jugement;
f) les nombreux commentaires et débats publics sur cette question, dans tout le pays;
g) les questions d'activisme judiciaire et d'indépendance judiciaire au Canada aujourd'hui.-(L'honorable sénateur Grafstein).
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le sénateur Cools a indéniablement rendu un service au Sénat et au Canada en remettant en question de façon exhaustive le rôle de l'appareil judiciaire. Bien sûr, elle a du coup soulevé la question du rôle du Sénat. Dans le débat public en cours, tant l'appareil judiciaire que le Sénat sont l'objet d'une confusion et d'une indifférence à l'intérieur de l'appareil judiciaire et au Parlement. La confusion est entretenue et encouragée par des médias mal informés.

Honorables sénateurs, je voudrais passer en revue les similitudes et les différences existant entre le Sénat et la magistrature. Les juges et les sénateurs sont nommés par des ministres. Selon la coutume, les précédents et l'usage, les sénateurs sont nommés en vertu de la prérogative du premier ministre, tout comme le sont les membres de la Cour suprême du Canada, les juges en chef des cours provinciales, les juges de la Cour fédérale et, bien sûr, les autres juges nommés sur l'avis et avec le consentement du Cabinet dans son ensemble.

Cependant, des considérations différentes se rapportent aux juges et aux sénateurs. Les deux catégories ont des pouvoirs législatifs différents. Les sénateurs adoptent des lois d'application générale. Les juges tranchent les différends entre des parties. Dans le cas des juges, selon l'usage et la coutume, le premier ministre sollicite maintenant l'avis du barreau et, de façon moins transparente, des juges eux-mêmes. Dans le cas des sénateurs, le premier ministre cherche à satisfaire à des critères démographiques, sexuels, régionaux et politiques correspondant à ses préoccupations. Les sénateurs et les juges bénéficient de l'indépendance grâce à la permanence de leurs fonctions prévue par la Constitution. Une fois qu'ils jouissent de cette indépendance, ils exercent des fonctions publiques entièrement différentes dans le cadre de notre système de gouvernement.

En vertu de la Constitution et selon l'usage, les sénateurs sont invités à s'engager activement dans la vie de leur région et de leur collectivité et sont libres de s'engager dans la vie politique pour mieux refléter leurs intérêts régionaux et nationaux. Ils sont invités à polir leurs compétences particulières et leur expérience dans l'étude des projets de loi. Les nominations au Sénat doivent ajouter une dimension différente au Parlement. La nomination des sénateurs leur permet de se situer à l'écart, de réfléchir à tête reposée, indépendamment de l'autre endroit, à la volonté publique exprimée par les projets de loi adoptés aux Communes.

Aux termes de la Constitution et par la tradition, les sénateurs sont incités à diverger d'opinion sur des questions de fond. Ils sont encouragés à diverger d'opinion sur les grandes orientations si celles-ci semblent aller à l'encontre de l'intérêt national. Telle était la vision des pères de la Confédération.

S'il est vrai que l'indépendance du Sénat ajoute une dimension différente à l'examen public des mesures législatives, le Sénat doit cependant rendre des comptes à l'autre endroit en demandant son budget annuel. Il est toujours prêt à accepter un examen minutieux. Il est toujours ouvert à une critique de fond, si ses amendements ne sont pas approuvés par l'autre endroit.

Les divergences de vues entre les deux Chambres du Parlement sont inévitables, mais il y a possibilité de dégager un consensus. Plus le Sénat manifeste d'indépendance dans son examen de la politique et des mesures législatives du gouvernement, plus la critique est vive de la part du gouvernement, de l'autre endroit et des médias.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je quitte maintenant le fauteuil pour accueillir Son Excellence le Gouverneur général suppléant.

(Le débat est suspendu.)

(Le Sénat s'ajourne à loisir.)


[Français]

Sanction royale

L'honorable John Major, juge puîné de la Cour suprême du Canada, en sa capacité de suppléant du Gouverneur général, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président. Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:

Loi modifiant la Loi sur la sécurité ferroviaire et une autre loi en conséquence (Projet de loi C-58, Chapitre 9, 1999)

Loi modifiant la Loi sur les allocations aux anciens combattants, la Loi sur les pensions, la Loi sur les avantages liés à la guerre pour les anciens combattants de la marine marchande et les civils, la Loi sur le ministère des Anciens combattants, la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), la Loi sur la prise en charge des prestations de la Commission de secours d'Halifax et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-61, Chapitre 10, 1999)

Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces (Projet de loi C-65, Chapitre 11, 1999)

Loi modifiant la Loi sur les mesures spéciales d'importation et la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Projet de loi C-35, Chapitre 12, 1999)

Loi prévoyant la reprise et le maintien des services gouvernementaux (Projet de loi C-76, Chapitre 13, 1999)

Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information (Projet de loi C-208, Chapitre 16, 1999)

Loi modifiant la Loi constituant en personne morale l'Office épiscopal catholique romain du Mackenzie (Projet de loi S-20)

L'honorable Peter Milliken, vice-président de la Chambre des communes, s'adresse ensuite à l'honorable suppléant du Gouverneur général en ces termes:

Qu'il plaise à Votre Honneur.

La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.

Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur les projets de loi suivants:

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 1999 (Projet de loi C-73, Chapitre 14, 1999)

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2000 (Projet de loi C-74, Chapitre 15, 1999)

À ces projets de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.

Il plaît à l'honorable suppléant du Gouverneur général de donner la sanction royale aux projets de loi.

La Chambre des communes se retire.

Il plaît à l'honorable suppléant de Son Excellence le Gouverneur général de se retirer.


Le Sénat reprend sa séance.

[Traduction]

L'agression sexuelle

Le jugement récent de la Cour suprême du Canada-Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cools, attirant l'attention du Sénat sur:

a) le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire d'agression sexuelle opposant Sa Majesté la Reine à Steve Brian Ewanchuk, rendu le 25 février 1999, jugement qui a renversé le jugement de la Cour d'appel de l'Alberta confirmant l'acquittement prévu par le tribunal de première instance;

b) les intervenants dans cette affaire, c'est-à-dire le procureur général du Canada, le Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada et le Centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle d'Edmonton;
c) le remplacement, par la Cour suprême du Canada, de l'acquittement prévu par les deux tribunaux de l'Alberta par une condamnation;
d) les nombreux motifs concordants du jugement rendu par madame la juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, qui condamnent la décision prise par le juge John Wesley McClung de la Cour d'appel de l'Alberta et la décision de la majorité de la Cour d'appel de l'Alberta;
e) la lettre du juge John Wesley McClung qui a été publiée dans le National Post le 26 février 1999 en réponse aux déclarations que madame la juge Claire L'Heureux-Dubé a faites à son endroit dans les motifs concordants de son jugement;
f) les nombreux commentaires et débats publics sur cette question, dans tout le pays;
g) les questions d'activisme judiciaire et d'indépendance judiciaire au Canada aujourd'hui.-(L'honorable sénateur Grafstein).
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je reprends là où je me suis interrompu.

Plus le Sénat fait un examen indépendant de la politique gouvernementale et des mesures législatives, plus il fait l'objet de critiques de la part du gouvernement, de l'autre endroit, et plus les médias s'acharnent. Tel est le sort réservé au Sénat parce que, en vertu de la Constitution, les sénateurs sont nommés. Vous noterez, honorables sénateurs, qu'on critique rarement le travail que fait le Sénat. Les critiques portent essentiellement sur le processus de nomination.

Je m'égare, honorables sénateurs. Je voulais m'en tenir au rôle de la magistrature dont parle notre collègue, le sénateur Cools, et surtout au rôle de la magistrature depuis la Loi constitutionnelle et la charte de 1982. Les critiques de la Loi constitutionnelle de 1982 ont vu se concrétiser leurs plus terribles prédictions dans les décisions récentes de la magistrature. Au lieu de retenir la théorie de la suprématie du gouvernement, la Loi constitutionnelle de 1982 a conféré à la magistrature le pouvoir de préserver l'administration de la justice et d'accorder des pouvoirs soigneusement définis concernant la Charte. Toutefois, compte tenu de la disposition de dérogation, les pouvoirs prévus à l'article 33 demeurent ceux du Parlement.

(1720)

En ce sens, le Parlement continue d'avoir la suprématie. Bien entendu, le Parlement a entièrement le pouvoir d'infirmer par voie légistative les décisions de la magistrature relativement à des questions étrangères à la Charte. Entre-temps, le règlement des différends sur la division des pouvoirs demeure la compétence absolue de la magistrature.

Les partisans d'une extension du pouvoir judiciaire sont allés plus loin que la Loi constitutionnelle de 1982. Les partisans du judiciaire ont exercé des pressions pour faire constitutionnaliser la Cour suprême. C'est ce qu'auraient donné les propositions constitutionnelles du lac Meech et de Charlottetown, qui ont heureusement été rejetées. Deux tendances - une défense excessive d'intérêts politiques par des juges qui étendent leur territoire au-delà de la Constitution, et des pressions pour la constitutionnalisation de la magistrature en tant que corps complètement indépendant du gouvernement - ont étrangement mené à l'expansion déplorable de la part des juges de leurs cogitations publiques malavisées, de leurs pressions de couloir et, pire encore, de leur comportement excessif qui se manifeste dans le langage activiste de leurs jugements et de leurs déclarations extrajudiciaires.

Pourquoi cela est-il inacceptable dans notre système de gouvernement responsable soigneusement structuré? Je commencerai en citant les sages propos d'un vieil ami et constitutionnaliste, Peter Russell, du département des sciences politiques de l'Université de Toronto. Dans un article datant de quelques années et intitulé: «Judicial Free Speech: Justifiable Limits», le professeur Russell dit ceci:

L'essence même de la liberté de parole dans une société démocratique est le droit de prendre part au débat public sur les questions politiques du jour. Certes, au coeur même de la citoyenneté démocratique se trouvent la défense de points de vue politiques et la dissidence, la défense de ses idées politiques et la critique des autres, l'appui ou le rejet des politiques, des partis et des gouvernements. C'est précisément ce genre de discours politique qui est si essentiel à une société libre et démocratique qui devrait être refusé aux juges.

Pourquoi? La réponse peut être formulée d'une manière que connaissent trop bien les juges canadiens: cette limite à leur liberté de parole est raisonnable et peut se justifier dans une société libre et démocratique. Je m'explique.

L'objectif de cette limite est le maintien d'un pouvoir judiciaire indépendant et impartial - un objectif d'une importance capitale dans une société démocratique. La liberté repose sur la jouissance de droits dans le respect des lois. En outre, quand surviennent des différends à propos de ces droits, la liberté exige qu'ils soient jugés par une tierce partie qui ne soit liée à aucune des parties au litige et qui ne prenne parti pour aucune d'entre elles. Telle est la fonction des juges. Pour ce faire, les juges doivent être le plus possible indépendants et impartiaux.

L'indépendance et l'impartialité des juges ne peuvent être absolues. Les juges, individuellement et collectivement, sont dépendants à bien des égards d'autres composantes de l'État pour, entre autres choses, leur nomination, leur soutien matériel et celui de leurs institutions, et pour l'application de leurs jugements. Quoi qu'il en soit, toute démocratie libérale s'efforce de maximiser leur indépendance en établissant des pratiques et des arrangements institutionnels qui protègent les juges de toute ingérence extérieure, directe ou indirecte, dans l'exercice de leurs fonctions judiciaires.

Honorables sénateurs, en retour de leur indépendance, les juges doivent faire preuve d'autodiscipline tant dans leur salle d'audience que dans la société, ce qui n'est pas exigé des sénateurs. Tous les sénateurs sont tenus par le Règlement du Sénat d'éviter le vocabulaire blessant, cru et insultant, et doivent retirer les paroles non parlementaires en présentant des excuses. Ces règles conviendraient mieux aux juges qui ont des opinions divergentes, particulièrement aux juges de la Cour suprême du Canada qui divergent d'opinion avec des juges des tribunaux inférieurs et utilisent un langage excessif ou lancent des attaques presque personnelles en renversant les décisions de ces tribunaux inférieurs.

Comme le disait le grand Benjamin Cardozo, un grand juriste américain qui a siégé à la Cour suprême des États-Unis et qui était un modèle à suivre pour tous les magistrats, les juges doivent développer un «tempérament judiciaire» entièrement tourné vers l'impartialité et l'acceptation publique de l'indépendance des tribunaux.

Par conséquent, honorables sénateurs, le contrôle de soi et le langage mesuré sont des caractéristiques du «tempérament judiciaire». Je cite à nouveau Peter Russell:

Si les juges étaient libres, à l'extérieur de la cour, de prendre position pour ou contre des modifications de la politique gouvernementale, ou d'appuyer ou de contester des politiciens, des partis politiques ou des gouvernements, il est douteux qu'ils puissent conserver quelque crédibilité que ce soit en tant qu'arbitres impartiaux. Quelles que soient les questions d'intérêt public au sujet desquelles des juges prennent position publiquement, ils auront toujours des opposants, qui s'attendront à une audition impartiale lorsqu'ils se présenteront devant un tribunal. Des questions de nature juridique peuvent être soumises au jugement de la cour. À l'extérieur de ce domaine d'exclusion les juges ont toute liberté d'écrire, de parler ou d'exprimer autrement leur opinion personnelle. Ils peuvent rédiger, ce qu'ils font souvent, des ouvrages biographiques ou historiques sur le droit, par exemple. Les analyses de questions juridiques d'intérêt immédiat, cependant, sont beaucoup plus contestables puisqu'elles peuvent donner à penser que le juge a déjà pris position sur un sujet avant que la justice n'en soit saisie. Les juges devraient éviter comme la peste toute adresse ou tout essai visant à réexpliquer ou à «clarifier» des jugements qu'ils ont déjà rendus en cour. Au lieu de clarifier la loi, des écrits de ce genre constitueraient plus vraisemblablement des textes de base parallèles aux décisions judiciaires elles-mêmes et seraient, de ce fait, une source de confusion.

Hors du domaine juridique, il y a de nombreux champs d'activité où les juges sont entièrement libres de s'engager. L'art, l'histoire, la littérature, la musique, la philosophie, la religion, la science et les sports sont autant de domaines où des juges canadiens se sont illustrés, certains plutôt mal que bien. Espérons qu'ils pourront continuer de s'exprimer dans ces domaines tout aussi librement que n'importe quel autre citoyen!

Honorables sénateurs, un autre illustre juriste américain, Felix Frankfurter, lui aussi juge à la Cour suprême des États-Unis, qui était habité par un étrange esprit d'activisme politique, quoique caché, interprétait néanmoins la Constitution américaine de façon stricte. Le 11 janvier 1943, il écrivait des paroles révélatrices dans son journal intime:

Lorsqu'un prêtre entre au monastère, il laisse ou devrait laisser derrière lui tous ses désirs terrestres. Un tribunal, s'il n'est pas lui aussi un monastère, n'a pas sa raison d'être.

J'espère que les honorables sénateurs ne m'en voudront pas de citer ce texte, rédigé en 1943, qui n'emploie que le masculin. Je convaincrai sans doute mieux tous les honorables sénateurs de la justesse des réflexions de Felix Frankfurter en substituant le mot «religieuse» à «prêtre» et le mot «couvent» à «monastère».

Honorables sénateurs, que pouvons-nous faire quand on peut conclure, après un examen impartial de la controverse entre le juge McClung et la juge L'Heureux-Dubé et de leurs décisions respectives, que les deux juges ne se sont pas conformés aux normes de retenue judiciaire - le juge McClung dans sa lettre manifestement peu judicieuse, et la juge L'Heureux-Dubé dans le langage peu judicieux ou excessif utilisé dans sa décision? C'est avec prudence que je dis «peu judicieux» ou du moins «excessif» parce que, pour être juste, cela allait au-delà de la retenue que de préconiser la possibilité d'accuser le juge du tribunal inférieur d'outrage au public. Si la décision de la juge L'Heureux-Dubé peut vraisemblablement miner la confiance du public dans ce tribunal inférieur, l'impartialité de ce dernier sur d'autres questions pourrait être mise en doute. C'est s'aventurer en terrain dangereux.

J'ai consulté plusieurs ouvrages sur les façons de limiter la conduite peu judicieuse: le rapport exhaustif et convaincant préparé par un de mes anciens camarades de classe, le professeur Martin L. Friedland, pour le Conseil canadien de la magistrature et intitulé A Place Apart: Judicial Independence and Accountability in Canada; un excellent ouvrage intitulé The Judiciary in Canada, de Peter H. Russell; une étude peu connue mais intéressante du juge Jules Deschesne intitulée Masters In Their Own House: A Study on the Independent Judicial Administration of the Courts; et un excellent ouvrage récent du professeur W.A. Bogart intitulé Courts and Country. Tous les principes énoncés par Peter Russell que j'ai cités sont amplifiés dans ces ouvrages bien documentés. Les juges doivent être indépendants en donnant une impression d'impartialité absolue. Ils doivent se tenir à l'écart de l'arène politique. Ils doivent être prudents et judicieux dans leur conduite extrajudiciaire et prudents et tempérés dans leurs jugements écrits.

Un homme de loi qui fut aussi mon enseignant, le juge en chef du Canada, Bora Laskin, aujourd'hui décédé, était intransigeant sur ce point: les juges doivent se contenter de laisser parler leurs décisions; ils ne doivent pas commenter ou rabaisser leurs décisions. Ce n'est pas là l'attitude qui a été adoptée ces derniers temps par les doyens des juges, que ce soit à la Cour suprême du Canada ou ailleurs. Il s'agit manifestement là d'une question qui a soulevé beaucoup de passion.

Je vais vous citer la note no 14 en bas de la page 322 du livre du professeur Friedland intitulé A Place Apart: Judicial Independence and Accountability in Canada. Il y est question de la liberté d'expression judiciaire. Vous me pardonnerez de citer la note de bas de page au complet. Je suis sûr que des juges voudront la réexaminer.

Les juges de la Cour suprême McCLachlin, Sopinka et Wilson en sont des exemples récents.

Il s'agit de la question de l'utilisation de la liberté d'expression. Le professeur Friedland attire notre attention sur la note 14 à la page 322 de son superbe traité:

Voir A. Wayne MacKay, «Judicial Free Speech and Accountability: Should Judges Be Seen but Not Heard?» (1993), 3 N.J.C.L. 159, à la p. 180; voir aussi Sean Fine, «More Judges Dare to Break Silence Away From Bench», Globe and Mail (13 novembre 1993). Comparez les déclarations du juge en chef Bora Laskin et du juge Sopinka, dans MacKay, à la p. 173:

Dans un discours du juge Sopinka intitulé «Must a Judge be a Monk?»

Ce document a été adressé à l'Association du Barreau canadien le 3 mars 1989. À la page 8, le juge Sopinka dit:

J'appuie les critères justifiant une certaine restriction de la liberté d'expression, mais le grand public doit aussi comprendre que les juges ont des points de vue sur les questions et doivent avoir la conviction que la magistrature peut faire abstraction de ses vues politiques personnelles lorsqu'elles menacent d'entrer en conflit avec son devoir d'impartialité au moment de rendre une décision.

C'était l'hypothèse sur laquelle il se basait pour intervenir ainsi. On ajoute:

Par opposition, dans un discours qu'il a prononcé devant l'assemblée annuelle de l'Association du Barreau canadien à Toronto, en septembre 1982 et qui portait sur la liberté d'expression des juges, le juge en chef Bora Laskin a déclaré ce qui suit: «Il doit y avoir une position, soit celle de l'abstention absolue, sauf peut-être lorsque le rôle du tribunal lui-même est remis en question. Autrement, un juge qui a des vues politiques tellement arrêtées qu'il doit les faire connaître ferait bien de démissionner. Il ne peut parler en tant que juge.»

Au chapitre 9 de Courts and Country intitulé «The Charter: Invigoration of Rights, the Enfeebling of Democracy», le professeur Bogart cite à nouveau le regretté juge John Sopinka:

À l'heure actuelle, au Canada, nous avons des juges qui acceptent régulièrement de faire des allocutions. À mon avis, on doit encourager cette pratique car cela fournit une excellente tribune à la population pour en apprendre davantage sur les juges et les tribunaux qui régissent leur vie. En tant que gardiens de la Charte des droits, les juges s'acquittent à l'heure actuelle d'un service public suprême.

«Gardiens», «service public suprême». Voilà des mots puissants.

L'auteur ajoute ceci au sujet de cette situation:

Comment pouvons-nous évaluer la prétention d'un «service public suprême» relativement aux citoyens ordinaires dans leur vie quotidienne alors que d'autres essaient de leur offrir des soins de santé, d'éduquer leurs enfants, de garder leurs rues et leurs parcs sûrs et propres et d'établir un travail sûr et équitable, tout cela sous l'égide de divisions du gouvernement autres que les tribunaux?

Le professeur Bogart déclare:

Carrément, «deux modèles très différents de démocratie s'opposent».

Je ne continuerai pas mes citations, mais j'invite tous les sénateurs à lire ce chapitre, car il nous en apprend beaucoup. Il y a, honorables sénateurs, une grande division parmi les juges et au Canada en général au sujet du rôle des juges dans la défense de causes.

Soit dit en passant, le professeur Friedland, le regretté juge Sopinka et moi étions camarades de classe à la faculté de droit de l'Université de Toronto. Nous étions tous des étudiants du regretté Bora Laskin, ce qui ne fait que montrer que des amis peuvent avoir des divergences d'opinion.

L'examen du rôle du Conseil canadien de la magistrature, cela m'a rappelé mes propres origines. Mon bon ami, le professeur Friedland, m'a rappelé que j'ai participé indirectement au débat politique qui a conduit à l'établissement de ce conseil. Les honorables sénateurs se rappellent sûrement que l'ancien premier ministre, le très honorable John Turner, qui était à l'époque ministre de la Justice et procureur général et qui était probablement l'un de nos plus grands ministres de la Justice depuis la Confédération...

Son Honneur le Président: Sénateur Grafstein, je suis désolé de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.

Le sénateur Grafstein: Ai-je la permission de poursuivre, Votre Honneur?

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée?

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, on m'a demandé d'interrompre par trois fois mes discours, et j'y ai consenti dans un esprit de coopération. Je n'ai pas d'objection à ce que le sénateur poursuive le sien, car il y a des gens qui peuvent croire qu'on leur en veut personnellement, mais j'aimerais savoir à quoi je dis oui. S'agit-il d'un long oui? Entre gens civilisés, nous pouvons permettre au sénateur de terminer son discours, mais tout à l'heure, plusieurs d'entre nous nous ont fait couper court aux nôtres.

Le sénateur Grafstein: J'ai besoin de plusieurs minutes.

Son Honneur le Président: Permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Veuillez poursuivre.

Le sénateur Grafstein: Je vous remercie, sénateur Prud'homme et les autres.

À l'époque où il était ministre de la Justice, John Turner avait été saisi d'un problème semblable à propos de l'affaire Landreville. Je ne vais pas m'éterniser là-dessus, toujours est-il qu'il y avait une controverse quant à la question s'il fallait, oui ou non, destituer le juge Landreville. J'étais alors un des conseillers bénévoles du ministre. M. Turner a découvert que les modalités de destitution des juges n'étaient pas définies dans la Constitution et que l'enquête devait être confiée à un seul juge. À l'issue de l'enquête, il s'est dit que ce n'était pas ainsi qu'il fallait procéder. C'est pour cela que M. Turner a créé le Conseil canadien de la magistrature, composé des pairs des juges et chargé de déterminer si, oui ou non, un juge doit être destitué par le Parlement pour conduite incompatible avec sa qualité de juge - autrement dit pour comportement contraire à la Constitution.

La question que le sénateur Cools pose est la suivante: quelle est la méthode appropriée pour critiquer des juges dont le comportement serait en contradiction avec l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1876 et justifierait leur révocation? En 1994, la Conférence canadienne des juges a dit ceci:

La conférence considère qu'il convient que l'actuelle pratique du Conseil de la magistrature consistant à exprimer sa désapprobation d'un comportement allant à l'encontre d'une bonne conduite aux termes des articles 91 et 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 soit modifiée.

En fait, les juges ont conclu que la critique et même la censure exercées par le Conseil de la magistrature constituent une méthode appropriée pour maîtriser la conduite des juges, tant dans le cadre de leurs fonctions officielles que dans leur vie personnelle. Si l'on se fie au débat tenu au Parlement quand le projet de loi a été présenté, il est clair que M. Turner voulait que le Conseil de la magistrature ait un mandat plus large, qu'il ne se limite pas au pouvoir de destitution ou de radiation des juges par le Parlement.

Le sénateur Cools dit avec raison qu'elle doute de l'indépendance du Conseil canadien de la magistrature, puisque ce conseil ne compte que des membres de la Cour suprême et des juges de rang élevé. La Cour suprême peut faire l'objet d'une plainte, comme c'est le cas avec la récente controverse mettant en cause les juges McClung et L'Heureux-Dubé. En examinant les conseils provinciaux de la magistrature, on constate que le Conseil canadien de la magistrature est le seul qui soit composé uniquement de juges. Contrairement à tous ses homologues provinciaux, le Conseil canadien de la magistrature ne compte pas de vérificateurs ou de représentants indépendants de la profession parmi ses membres.

Donc, pour assurer son impartialité, on pourrait conclure qu'une plainte devrait nécessairement, comme je l'ai fait valoir au sénateur Cools, exiger que les juges visés se retirent de toute enquête sur la plainte en question. Toutefois, même cela ne suffirait pas à satisfaire à des critères objectifs d'impartialité.

Je conclus, honorables sénateurs, que l'une des réformes que le gouvernement pourrait envisager de faire pour donner suite à l'excellente exégèse du sénateur Cools pourrait consister en un amendement prévoyant que le Conseil canadien de la magistrature doive régler les différends de façon transparente et nommer à ces commissions d'enquête des non-juges aussi bien que des juges d'autres cours.

Honorables sénateurs, notre pays a la très grande chance d'avoir une magistrature hors du commun, composée de juges nommés, comme les sénateurs, et qui sont intègres en apparence et en esprit. Ces juges s'acquittent pour la plupart avec diligence des fonctions que leur assigne la Constitution. La vaste majorité d'entre eux pratiquent la retenue, tant au tribunal que dans le privé, et ont un tempérament posé et critique. Néanmoins, la ministre de la Justice et procureur général et son gouvernement pourraient devoir envisager d'apporter des modifications au Conseil canadien de la magistrature. Le public croirait ainsi davantage à l'impartialité et à l'indépendance des magistrats, et cela permettrait d'établir plus soigneusement les paramètres dans lesquels il conviendrait de critiquer les jugements qu'ils rendent et leur conduite dans le privé.

Honorables sénateurs, j'ai réfléchi à la possibilité que le Sénat crée un comité de la magistrature qui exercerait un contrôle parlementaire sur ces questions. Le temps est peut-être venu de donner suite à cette idée.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Grafstein de l'adresse éclairée qu'il vient de livrer sur ce sujet fort important. J'aurais une question à lui poser.

(1740)

Je me rends compte qu'au Royaume-Uni, le texte législatif prime. Cela rend les choses bien différentes de ce qui se passe ici au Canada, où l'examen judiciaire existe depuis 1867 sur les questions fédérales et plus récemment sur les questions reliées à la Charte.

Mon collègue a-t-il eu la chance de se pencher sur ce qui se passe en Angleterre dans le cas des juges qui ne reconnaissent pas les limites de leur compétence?

Le sénateur Grafstein: Le sénateur Stewart soulève un point important. Je n'ai pas étudié cette question à fond en ce qui a trait à la conduite des juges. Je ne peux vous donner que des renseignements anecdotiques que j'ai tirés des lectures que j'ai faites de déclarations, livres et articles rédigés par divers juges.

On se rend vite compte que le système judiciaire britannique présente un autre volet de la question, c'est-à-dire que les juges siègent à la Chambre des lords. On les exhorte en quelque sorte à ériger de véritables barrières autour de leurs actes susceptibles d'avoir des répercussions sur les questions qui pourraient leur être présentées. Cependant, ils ont un système vraiment mixte.

Cela dit, il n'en demeure pas moins qu'il existe une position philosophique, tant tacite qu'écrite, que les juges devraient faire preuve de discrétion à l'égard des questions politiques qui pourraient avoir un lien avec leurs fonctions judiciaires.

Comme je le disais, le système britannique est loin d'être parfait. Pour moi, il ne fait aucun doute que, au Canada, la magistrature navigue prudemment entre le fait qu'elle est indépendante et impartiale et le fait que, par ailleurs, elle relève du Parlement. Notre système est unique.

Le principe anglais et américain de modération et de discrétion judiciaires, qui vient de la common law, était bien établi au Canada jusqu'en 1982. Depuis 1982, les juges se sont attribué un rôle politique qui n'est pas approprié ni prévu par la Constitution.

C'est pourquoi, après mûre réflexion, j'ai conclu que la meilleure façon d'aborder le problème, s'il dépassait la compétence du Conseil de la magistrature, était d'en confier la surveillance au Parlement.

Honorables sénateurs, j'en ai parlé à plusieurs universitaires qui m'ont tous dit: «C'est une excellent idée, à part une chose. Le problème que pose la suggestion de confier ce dossier à un comité judiciaire est qu'on risque d'inviter une descente en règle des juges. Nous risquons d'utiliser nous-mêmes un langage politique sans modération et de ternir l'image de la magistrature». C'est pourquoi ils se sentaient plus à l'aise avec la proposition de confier le dossier à un comité sénatorial plutôt qu'à un comité mixte.

J'espère que le sénateur Cools va trouver ce que je vais dire raisonnable. Si nous devons critiquer les juges, ce que je crois que nous sommes autorisés à faire, nous devons nous-mêmes faire preuve de discrétion et peser nos mots. Je n'arrête pas de me dire que si nous voulons nous aventurer sur ce dangereux terrain et critiquer les juges pour leur manque d'impartialité, nous devons le faire avec grande délicatesse et discrétion. Je suis d'avis que, au fil des ans, c'est ce que nous sommes arrivés à faire dans cet endroit.

Je souhaite que le sénateur Cools, que j'ai félicitée au début de mon discours, fasse preuve d'une modération quand elle critique les juges, semblable à celle qu'elle attend d'eux dans l'exercice de leurs fonctions.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Français]

Transports et communications

Autorisation au comité de permettre la diffusion de ses délibérations

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion:

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé, pour l'étude du projet de loi C-55, Loi concernant les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers de périodiques, à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le rôle du Conseil de la magistrature

Les commentaires dans les médias-Interpellation-Suite du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné avis le jeudi 18 mars 1999:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat:

a) sur la lettre à la rédaction du National Post, le 13 mars 1999, intitulée «Fair Hearing» et signée par le juge en chef de la Colombie-Britannique Allan McEachern, président du comité sur la conduite des juges du Conseil canadien de la magistrature, en réponse à l'éditorial du 10 mars 1999 dans le National Post intitulé «Hardly Impartial» à propos de M. le juge John Wesley McClung, de Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé et du Conseil canadien de la magistrature;

b) sur la controverse publique qui se poursuit concernant le juge John Wesley McClung de la Cour d'appel de l'Alberta et de Mme la juge Claire L'Heureux-Dubé de la Cour suprême du Canada, et sur les rapports dans les médias à leur sujet;

c) sur l'entrevue et les commentaires du juge en chef Allan McEachern tels que rapportés dans l'article «Judges Must be Cyber-Warriors» paru le 26 février 1999 dans le Lawyers Weekly;

d) sur la question des déclarations publiques des juges dans les médias;

e) et sur la notion et les principes de l'indépendance judiciaire et sur les droits du Parlement à cet égard.

- Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de la lettre que le juge en chef de la Colombie-Britannique, M. Allan McEachern, a adressée au rédacteur en chef du National Post le 13 mars 1999, intitulée «Fair Hearing», à propos du juge John Wesley McClung, de la Cour d'appel de l'Alberta, de la juge Claire L'Heureux-Dubé, de la Cour suprême du Canada, et du Conseil canadien de la magistrature.

Le juge en chef McEachern est le président du comité de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature et un juge important et compétent. Dans sa lettre, il dit ceci:

Fait plus important, le juge en chef Lamer ne prend pas part à l'examen des plaintes portées contre les juges de sa cour ou de toute autre cour. En fait, les décrets du conseil l'interdisent en toutes circonstances, sauf lorsqu'il estime que sa participation est dans l'intérêt public. Même dans ce cas, après avoir pris en considération l'intérêt public, il se récuserait probablement, si sa participation risquait d'inspirer une crainte raisonnable de partialité.

Honorables sénateurs, le juge en chef McEachern est un excellent juge et un excellent homme. Le fait est cependant que les Canadiens s'attendent à ce que leurs juges se comportent en juges et non en politiciens.

Nos principes et notre régime parlementaire canadien de gouvernement démocratique responsable ont établi que la participation des juges aux controverses publiques et politiques est non souhaitable et interdite. Il est inadmissible que les juges prennent position sur la place publique. Le fait que beaucoup d'excellents juges sont maintenant compromis et dans une terrible situation est la faute de certains juges. Il s'agit d'un nouveau problème, un problème postérieur à la Charte des droits et libertés.

On comprend le mieux le problème actuel d'activisme judiciaire en méditant sur les réflexions mûres et rétrospectives de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau à propos de la décision que la Cour suprême avait rendue sur le renvoi de 1981 concernant le rapatriement de la Constitution canadienne.

En 1991, lors de l'inauguration de la bibliothèque de droit Bora Laskin, à l'Université de Toronto, un Pierre Trudeau très perspicace a parlé de cette décision et de ses répercussions constitutionnelles, juridiques et politiques, ainsi que du rôle du gouvernement du Québec. Il nous a dit que, si la Cour suprême n'avait pas fait de la politique et avait rendu la décision juridique à laquelle les Canadiens étaient en droit de s'attendre au lieu d'une décision politique,

... l'avenir du Canada aurait été mieux assuré.

À propos du rôle de la Cour suprême dans cette décision, M. Trudeau a déclaré:

... ce n'est pas un rôle auquel devrait aspirer une cour de justice qui s'efforce de rester au-dessus des courants ordinaires de la vie politique.

M. Trudeau nous a exposé une critique grave et solennelle de la cour en disant:

... les juges ont manipulé de façon flagrante les témoignages qu'ils avaient entendus de manière à parvenir au résultat souhaité. Ils ont ensuite rédigé un jugement qui a tâché de poser une feuille de vigne de légalité sur leur conclusion préconçue.

Ce sont des paroles étonnantes dans la bouche d'un ancien premier ministre: «une feuille de vigne de légalité sur leur conclusion préconçue».

Honorables sénateurs, dans sa lettre, le juge en chef McEachern rassure le public à propos de la justice, du processus et de la forme appropriée du Conseil canadien de la magistrature, mais sa lettre elle-même ne respecte pas la forme appropriée.

(1750)

Il cherche, on peut le comprendre, à obtenir la confiance du public dans son intégrité et celle des membres du Conseil de la magistrature qui étudient les plaintes. Il demande la confiance du public envers le juge en chef Antonio Lamer. Mais le vrai problème lui échappe. Le problème, c'est que la confiance même qu'il réclame, et sur laquelle le système repose, a été minée, et qu'elle l'a même été par certains juges, à cause de leurs incursions incessantes et persistantes dans les choix d'orientation politique et le domaine de la politique.

La lettre publique du juge aggrave même le problème, et c'est ce qui a suscité ma réaction. Le juge en chef McEachern prouve qu'il y a vraiment quelque chose qui cloche dans le pouvoir judiciaire, au Canada, et que des mesures correctives s'imposent. Le juge en chef McEachern exacerbe la confusion qui règne actuellement au sujet de la différence entre principes et intérêt, entre juridique, judiciaire et politique.

Honorables sénateurs, permettez-moi maintenant de traiter de l'état du pouvoir judiciaire au Canada. Depuis une dizaine d'années, l'activisme judiciaire fait rage et domine. Les juges se sont mêlés allègrement de tous les aspects de la politique d'intérêt public et ils se sont substitués aux parlementaires pour décider de cette politique et établir où se situe l'intérêt public. Les juges sont devenus des législateurs judiciaires et même des dispensateurs des largesses du Trésor. Ils ont fait dépenser des millions de dollars aux contribuables, au mépris du principe voulant qu'on rende compte au Parlement des dépenses publiques, et au mépris du principe du consentement des administrés. Certains juges se sont faits législateurs, ils sont devenus les parlementaires suprêmes, sans avoir de comptes à rendre à personne.

L'origine de la controverse qui a éclaté dans la conscience nationale, c'est le fait que de nombreux juges ont outrepassé les limites fixées par la Constitution, les limites imposées au pouvoir judiciaire, et se sont prévalus de la Charte canadienne des droits et libertés et d'autres idéologies pour envahir le champ de compétence des instances politiques et parlementaires. Après s'être résolument engagés sur le terrain politique, ils demandent maintenant pitié, ils veulent se soustraire aux conséquences, aux critiques politiques, publiques et journalistiques, sous prétexte qu'ils appartiennent aux tribunaux supérieurs. Ils ne peuvent pas non plus plaider la confiance dans l'intégrité personnelle des juges. Le problème réside dans l'état du pouvoir judiciaire au Canada. L'activisme judiciaire a été vigoureux en droit de la famille et en droit pénal, et il a remodelé le Canada en fonction de la vision de quelques juges. C'est ainsi qu'on en est arrivé à la situation qui met en cause les juges McClung et L'Heureux-Dubé.

Honorables sénateurs, le 4 mars 1999, j'ai dit au Sénat que la Cour suprême avait critiqué de nombreuses décisions du juge McClung. Dans une de ces décisions, celle rendue dans l'affaire Vriend c. l'Alberta, le juge McClung a dit ceci:

Comme je l'ai dit, les mesures de protection précieuses et historiques prévues dans nos lois ne servent à rien lorsque les juges choisissent de faire de la piraterie parlementaire. La retenue judiciaire dans l'utilisation du pouvoir législatif n'est pas un sujet récent.

Le juge McClung parle de la piraterie des juges dans les affaires parlementaires et de l'érosion du corps politique, des institutions et de la justice elle-même qui en résulte. En tant que sénateur, j'ai un rôle spécial à jouer dans la surveillance du comportement des juges. Il est de mon devoir d'assurer l'indépendance des juges et de protéger ceux-ci contre toute attaque personnelle ou politique. Je crois que les juges doivent respecter les mêmes principes.

Je remarque que, lorsque la Cour suprême a été saisie de la décision du juge McClung dans l'affaire Vriend, elle l'a critiquée sévèrement. Je remarque aussi que l'avocat du gouvernement de l'Alberta, John McCarthy, a été traité très durement. Le 4 novembre 1997, le juge Frank Iacobucci a dit ceci à M. McCarthy durant son témoignage, comme on peut le lire à la page 115 de la transcription:

Nous en déduisons qu'il existe une nouvelle doctrine, appelée la doctrine McCarthy. Cette omission d'accomplir un devoir d'ordre législatif n'est pas prévue dans la Charte.

La «doctrine McCarthy» tient son nom de l'avocat du gouvernement de l'Alberta, du conseiller du procureur général de l'Alberta, du conseiller de la population de l'Alberta.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'activisme judiciaire, je relève dans le Ottawa Citizen d'aujourd'hui un article concernant un discours du juge Iacobucci et intitulé: «Un juge de la Cour suprême se porte à la défense de l'activisme judiciaire». Je reviendrai sur cette question.

Honorables sénateurs, la Cour suprême a amené cet activisme judiciaire, invoquant la Charte comme s'il s'agissait d'un commandement et l'utilisant à la fois pour se protéger et pour attaquer. Dans une déclaration aux médias, le juge en chef Lamer déclare que le Parlement a donné cet ordre. Un éclaircissement s'impose. La Charte n'impose rien de tel. De plus, le Parlement n'a pas ordonné aux tribunaux et aux juges de s'engager comme ils l'ont fait, il n'avait pas l'intention qu'il en soit ainsi et il n'avait pas même prévu qu'il en serait ainsi. En fait, les interventions des juges dans la fonction législative, avec les jugements et les conséquences négatives inévitables, ne peuvent être décrites que comme étant un coup d'état judiciaire. Il s'agit d'une usurpation judiciaire du pouvoir et de la fonction d'ordre législatif. C'est une diminution des droits à la représentation des citoyens canadiens dans les politiques gouvernementales. C'est du vandalisme constitutionnel.

Ce déséquilibre qui en résulte dans le corps politique, une pathologie, réside au coeur de la controverse entourant le jugement concordant d'une activiste féministe, le juge L'Heureux-Dubé, dans l'affaire Ewanchuk et l'attaque qu'elle porte contre le juge McClung, un traditionaliste. Bien des juges ont livré des combats victorieux dans leur activisme judiciaire au sein des tribunaux, parfois avec le soutien de certains politiciens et procureurs généraux qui ont permis aux tribunaux de devenir les instruments de la politique gouvernementale, tout en ayant l'assurance que leur groupe parlementaire ne serait pas enclin à les tenir responsables de leurs actes devant le Parlement.

Dans un discours prononcé devant l'Association du Barreau canadien, dont un extrait a paru dans la livraison du 27 août 1998 du Ottawa Citizen, dans un article intitulé «Sus aux bonzes judiciaires», l'ancien ministre de la Justice et procureur général, John Crosbie, a décrit ainsi cette piraterie judiciaire:

[...] au Canada, les juges sont les bonzes du gouvernement et les organes législatif et exécutif en deviennent les jouets.

Leurs victoires au sein de la magistature derrière eux, bien des juges poursuivent cet activisme judiciaire au-delà des tribunaux et jusque sur la place publique, dans la presse quotidienne, posant pour la galerie et rendant des jugements. Je fais remarquer que le juge en chef McEachern cherche à préserver le rôle du juge en chef Lamer dans le fonctionnement du Conseil de la magistrature. La magnanimité et l'intégrité du juge en chef McEachern sont louables, mais l'opinion publique sait ce qu'elle entend et ce qu'elle voit, et elle porte son propre jugement.

La population voit et entend fréquemment le juge en chef Lamer se prononcer publiquement sur la politique gouvernementale, et même sur des projets de loi d'intérêt public. Par exemple, dans un article paru le 29 août 1997 dans Lawyers Weekly, le juge en chef Lamer a émis l'opinion suivante au sujet d'un vote unanime du Sénat sur le projet de loi C-42 de 1996:

À mon avis, cette critique n'était pas valable, et j'estime que la plupart des membres du Sénat n'étaient pas d'accord sur cette critique...

Maintenant, le juge en chef McEachern ajoute sa voix à l'intérêt manifesté par le juge en chef Lamer pour la controverse actuelle. Il présente le juge en chef Lamer comme le défenseur de l'intérêt public. C'est là où réside le problème; l'intérêt public est une question politique, et non une question judiciaire ou juridique. Le juge en chef McEachern demande qu'on ait confiance, mais sa lettre attise la méfiance.

Honorables sénateurs, la lettre envoyée par le juge en chef McEachern donne des résultats contraires aux objectifs louables qu'elle visait. Le problème tient à l'intervention des juges canadiens sur la scène politique, ce que réprouve les Canadiens. À cause de cet activisme agressif et parfois idéologique, la relation qui s'impose entre le Parlement et la magistrature a été perturbée et est maintenant minée et affaiblie. Au sein même de l'appareil judiciaire, les relations qui doivent exister entre les juges eux-mêmes et les tribunaux ont été perturbées, comme le prouve cette controverse. Inévitablement, en raison de toutes ces perturbations, les relations qui devraient exister entre les juges et les parties à un litige, entre les juges et les accusés, ont aussi été perturbées. Voilà ce qui est au coeur de la controverse. Peut-il y avoir justice pour le citoyen - l'accusé, le plaignant, le défendant - devant nos tribunaux et devant certains juges? Ces questions nous hantent. L'accusé dans l'affaire R. c. Ewanchuk a-t-il obtenu justice? L'activisme, l'idéologie, le féminisme idéologique ont-ils un rôle à jouer? Dans l'affirmative, quel est ce rôle et qui peut répondre à ces questions?

Honorables sénateurs, la lettre du juge en chef McEachern prouve que la population sait qu'elle a droit à un appareil judiciaire efficace et impartial, ne participant à aucune croisade idéologique ou politique. Le Conseil de la magistrature a été créé aux termes des articles 58 à 65 de la Loi sur les juges. Ceux qui ont rédigé ces dispositions n'ont jamais pensé aux interventions reliées à la Charte ni aux batailles judiciaires idéologiques que se livrent les magistrats ou les citoyens. Ils n'ont jamais pensé que les décisions des tribunaux deviendraient des instruments idéologiques ou donneraient lieu à des batailles judiciaires provoquées par les décisions ou livrées devant nos tribunaux. Le Conseil de la magistrature est un mandataire du souverain, de l'exécutif, et non du peuple. Il est sous l'influence de deux membres de l'exécutif, le ministre de la Justice et le juge en chef de la Cour suprême. La lettre du juge en chef McEachern le prouve bien.

(1800)

Le juge en chef du Canada fait partie du Conseil privé du Canada et, auparavant, il faisait également partie du Conseil privé du Royaume-Uni, et il agit en tant que suppléant du Gouverneur général, sanctionnant les projets de loi au Sénat. Le Conseil de la magistrature défend les intérêts de l'exécutif et du Cabinet pour ce qui est de l'administration de la justice. Le Conseil de la magistrature ne défend pas les intérêts de la population ni les intérêts représentatifs de la population, mais seulement les intérêts de l'exécutif en matière d'administration de la justice. Le Parlement seul défend les intérêts représentatifs de la population.

C'était la raison d'être politique et constitutionnelle qui sous-tendait l'Acte d'établissement de 1701 et l'article 99 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribuait la défense des intérêts de la population ainsi que de ses intérêts représentatifs au Parlement, par opposition aux intérêts de l'exécutif dans le comportement des juges. Le paragraphe 99(1) prescrit ce qui suit:

... les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, je regrette de devoir vous interrompre, mais il est 18 heures. À moins que l'on consente à ne pas voir l'heure, je serai forcé de quitter le fauteuil.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois qu'il y a consentement à ne pas voir l'heure.

Son Honneur le Président: Veuillez continuer, sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le Conseil de la magistrature n'a pas la compétence pour trancher le différend opposant les décisions et les idées des juges McClung et L'Heureux-Dubé ou pour régler des plaintes connexes, parce que ce n'est pas le rôle du Conseil de la magistrature de représenter la population dans cette affaire. Les dispositions concernant les juges qui évaluent des juges ne sont pas conformes aux rôles attribués aux juges en vertu de la Charte actuelle, rôles politiques que certains ont remplis à tort. Le Conseil de la magistrature, tel que constitué et dirigé par le juge en chef Lamer, ne défend pas les intérêts de la population en ce qui a trait aux relations entre les juges - seul le Parlement peut le faire.

Honorables sénateurs, comme le disait M. Trudeau, les Canadiens ont le droit d'attendre des juges des jugements fondés sur le droit et non sur les valeurs subjectives, les préférences ou les croyances des juges en ce qui concerne l'intérêt public.

Pour terminer, je vais faire valoir mon point sur le caractère politique de cette controverse. J'ai dit que le militantisme judiciaire est agressif en droit de la famille et en droit criminel. À propos du droit de la famille et des parents qui n'ont pas la garde des enfants, habituellement les pères, la juge L'Heureux-Dubé, de la Cour suprême, a expliqué ainsi, en 1993, son jugement dans l'affaire Young c. Young:

Le rôle du parent ayant un droit d'accès est donc «celui d'un observateur très intéressé, donnant amour et appui à l'enfant dans l'ombre.» (Pierce v. Pierce), [1977]5 W.W.R.572 (C.S.C.-B. jugement en délibéré)

Honorables sénateurs, aucune loi promulguée par le Parlement fédéral ni aucune jurisprudence ni règle de droit n'a jamais autorisé que l'on relègue les bons pères au statut d'«observateurs» de la vie de leurs enfants, après le divorce. Des juges de tout le pays imposent leur volonté à tout le Canada et dirigent le Canada à partir de leur siège. Le juge John Wesley McClung, de la Cour d'appel de l'Alberta, qui n'a pas voulu joindre les rangs des militants, l'a bien exprimé lorsqu'il a rendu son jugement, en 1996, dans l'affaire Vriend c. Alberta:

C'est à cause du spectre de juges qui en feront trop un jour au plan constitutionnel en donnant force de loi à tous nos nouveaux droits en fonction de leurs propres valeurs; l'appétit judiciaire vient aussi en mangeant.

Honorables sénateurs, les juges ne devraient pas être des cyberguerriers, ni des guerriers de quelque sorte que ce soit. La guerre sous toutes ses formes est de la politique, habituellement de la mauvaise politique.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Sparrow, le débat est ajourné.)

Terre-Neuve et le Labrador

Le cinquantième anniversaire de l'entrée dans la Confédération-Interpellation

L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, le 31 mars, jour excitant pour nous tous, marque le 50e anniversaire de l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération canadienne - une date différente de ce qui avait d'abord été prévu. Comme le déclare S.J.R. Noël dans son ouvrage sur l'histoire politique de la province intitulé Politics and Newfoundland:

L'accord devait entrer en vigueur le 31 mars 1949. Il devait à l'origine entrer en vigueur le 1er avril, soit au début de l'exercice financier, mais la date a été modifiée afin d'éviter que l'anniversaire de l'entrée dans la Confédération ne soit associé au poisson d'avril.

La célébration de cet anniversaire, qui est différent de la Confédération célébrée ailleurs au Canada, comporte un volet humain très particulier. La plupart des provinces ont adhéré à la Confédération au XIXe siècle ou au plus tard en 1905, dans le cas de l'Alberta et de la Saskatchewan. Cependant, parce que l'adhésion de Terre-Neuve et du Labrador est si récente, bien des citoyens de notre province qui vont célébrer cet événement sont nés avant notre entrée dans la Confédération.

Marjorie Doyle, animatrice à la radio de la CBC, nous l'a rappelé dans un article publié récemment dans le Globe and Mail. Voici ce qu'elle écrit:

Tout Terre-Neuvien de plus de 50 ans...est né Terre-Neuvien. Ceux qui ont 65 ans étaient des adolescents au moment de l'adhésion de Terre-Neuve à la Confédération. Ceux qui ont 70 ans et plus ont voté... Réfléchissez un instant à ce qu'ont vécu les gens de Terre-Neuve ce soir-là... certains se sont prononcés en faveur, d'autres se sont prononcés contre, les deux camps étant plongés dans l'incertitude. Imaginez qu'ils sont allés au lit le soir en tant que Terre-Neuviens et qu'à leur réveil, le lendemain matin, ils étaient des citoyens d'un nouveau pays.

Ils ont pris une décision capitale en renonçant à leur statut autonome au sein du Dominion et en adhérant au Canada en 1949, une décision qu'ils ont mis plus de huit décennies à prendre. Terre-Neuve a en effet flirté avec la Confédération dans les années 1860 et elle a envoyé des représentants à la conférence de Québec, mais elle a finalement décidé de ne pas y adhérer. M. Rand Dyck a résumé la situation dans son livre Provincial Politics in Canada. Voici ce qu'il a écrit:

La séparation géographique de Terre-Neuve, la non-pertinence de questions comme les chemins de fer, les raids des Fenians et une possible invasion américaine, sa grande fierté nationale et sa tendance à regarder à l'est vers la Grande-Bretagne plutôt qu'à l'ouest vers le Québec étaient tous des facteurs qui n'étaient pas propices à tout mouvement d'adhésion à la Confédération... L'élection d'un gouvernement anti-Confédération à Terre-Neuve en 1869 a effectivement mis un terme à toute velléité de ce genre pour de nombreuses années.

Honorables sénateurs, les temps changent. Terre-Neuve a fait une demande d'adhésion à la Confédération en 1894, mais cette dernière a été rejetée par le Canada à ce moment-là.

Quarante ans plus tard, en 1934, Terre-Neuve était virtuellement en faillite - à l'instar de provinces canadiennes comme l'Alberta et la Saskatchewan - , et la Grande-Bretagne a suspendu son statut au sein du dominion et imposé une commission de gouvernement dirigée depuis Londres.

Les années de la commission de gouvernement, de 1934 à 1949, ont été considérées comme une bienveillante dictature. La commission était formée de trois commissaires de Terre-Neuve et de trois commissaires venant de Grande-Bretagne ainsi que d'un gouverneur, qui était nommé par la Grande-Bretagne.

En 1934, sir Murray Anderson, qui avait été gouverneur dans le gouvernement du dominion, est resté en place comme premier gouverneur de la commission de gouvernement. Les Britanniques ont assuré une administration compétente et accordé une aide financière considérable à la colonie, mais il y avait fort peu de contacts entre la commission et la population, peu de politiques innovatrices, et la pauvreté sévissait toujours.

Le nombre de personnes vivant d'aide d'urgence a augmenté jusqu'en 1939 et l'insatisfaction de la population envers la commission augmentait sans cesse. Apparemment, les commissaires n'étaient pas tous parfaitement heureux de leur rôle non plus. Noel cite un des premiers commissaires britanniques, T.L. Lodge, qui a publié en 1939 un livre intitulé Dictatorship in Newfoundland. Voici ce que Lodge écrivait au sujet de cette commission envoyée sur place par la Grande-Bretagne:

Je ne tenais pas particulièrement à aller à Terre-Neuve. Le Trésor a exercé sur moi autant de pression qu'il en exerce habituellement lorsqu'il veut nommer quelqu'un à un poste de peu d'importance, et j'ai donc fini par accepter.

La situation à Terre-Neuve a beaucoup changé à partir du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Une entente américano-britannique a conduit à l'aménagement de trois bases militaires américaines sur l'île, ce qui a évidemment entraîné des travaux de construction et des dépenses de consommation. Plusieurs bases canadiennes ont aussi été construites. En outre, le prix du poisson a augmenté et Terre-Neuve s'est tout à coup retrouvée, sinon prospère, du moins solvable. En 1942, Terre-Neuve a enregistré un excédent budgétaire. Imaginez un peu. Le gouvernement a commencé à améliorer les services.

En 1946, l'économie allant mieux en raison de l'effort de guerre, et surtout, ce qui est ironique, grâce aux dépenses associées aux bases militaires américaines, un congrès national a été convoqué pour formuler des recommandations sur la forme que devait prendre le futur gouvernement de Terre-Neuve. Le débat continue de faire rage quant à savoir si ce congrès était un moyen sérieusement offert à la population de Terre-Neuve et du Labrador pour qu'elle puisse prendre des décisions d'importance nationale ou s'il s'agissait simplement d'un moyen pour la Grande-Bretagne et le Canada d'imposer leurs décisions tout en sauvant les apparences.

Quelques historiens prétendent que Joey Smallwood avait été choisi avant même la fin de la guerre pour diriger un mouvement en faveur de l'entrée dans la Confédération et qu'il avait reçu une aide financière du Parti libéral du Canada. Il est cependant indéniable que, à la fin de la guerre, la Grande-Bretagne se trouvant elle-même dans une situation financière difficile, elle tenait beaucoup à se débarrasser de la colonie. Au cours des deux guerres mondiales, le Canada avait appris l'importance stratégique de Terre-Neuve.

Quoi qu'il en soit, le congrès a eu lieu et les 45 délégués ont proposé un référendum visant à choisir entre un gouvernement sous forme de commission et le retour à un gouvernement responsable et au statut de dominion. Par un vote de 26 contre 16, les délégués ont décidé de ne pas inclure l'union au Canada parmi les options. Smallwood a tourné en dérision ces «29 dictateurs» et organisé une pétition populaire pour protester contre leur décision. La Grande-Bretagne a tiré prétexte de cette pétition pour inclure l'union au Canada sur le bulletin de vote.

Honorables sénateurs, vous connaissez le résultat. Il a fallu tenir deux référendums, mais à la fin, les électeurs de Terre-Neuve ont opté pour la Confédération par une faible majorité de 52,3 p. 100 des voix. En fait, durant le premier référendum, le rétablissement du gouvernement responsable avait recueilli 44,5 p. 100 de la faveur populaire, contre 41,1 p. 100 pour l'option confédérative. Lorsque le gouvernement à commission continue a été rayé de la liste des choix lors du deuxième scrutin, l'option confédérative l'a emporté.

Jack Pickersgill racontait par ailleurs que le premier ministre Mackenzie King a tout d'abord hésité à accepter une déclaration de foi aussi peu convaincue envers le Canada. Pickersgill, qui était secrétaire du premier ministre à l'époque, lui a alors fait remarquer que la marge de victoire de l'option confédérative était plus importante que la marge par laquelle M. King avait lui-même gagné ses élections. La Confédération l'a emporté.

Si le résultat fut si serré, ce n'était pas tant à cause de l'antipathie des opposants au projet confédératif envers le Canada, mais plutôt à cause de l'apathie générale. Je suis redevable à un excellent article publié dans l'édition d'août-septembre 1996 de la revue The Beaver, par C.J. Fox, intitulé «A Glorified Stall: Newfoundlanders Rant and Roar Over Confederation, 1946-48».

M. Fox est le fils de James Fox, le juge en chef de la Cour suprême de Terre-Neuve, qui a présidé la convention nationale en 1946 mais est malheureusement décédé avant la fin. Voici ce que le fils a écrit:

Pour de nombreux Terre-neuviens du début des années 1940, le Canada semblait une entité lointaine et insipide même si ses soldats avaient assumé une présence quelque peu indisciplinée dans la colonie après qu'Ottawa ait enfin été convaincue de la valeur stratégique et de la vulnérabilité de l'île. La face de Terre-Neuve était encore tournée vers la Grande-Bretagne, le dos au Golfe, et sur nos rares autoroutes nous conduisions à gauche.

Il y avait cependant une autre force qui se faisait de plus en plus sentir à nos portes, rejetant dans l'ombre le facteur canadien. C'était les États-Unis, dont les fils à l'uniforme impeccable - ce qui contrastait avec la tenue terne des Canadiens et leurs camions à la partie avant ridiculement surélevée - arrivaient en masse. (Le gouverneur) Walwyn se plaignait que les Terre-Neuviens étaient si entichés de la monnaie, de la propreté et de l'efficacité américaines qu'une bonne partie de la population cherchait à se faire bien voir davantage des États-Unis que du Canada.

Fox cite ensuite ce qu'écrit David McFarlane à propos de cette période de l'histoire de Terre-Neuve dans son livre The Danger Tree:

Aux yeux de ceux qui étaient contre la Confédération, le Canada était un endroit immense et incompréhensible, à des lieues de les intéresser. C'était un pays sans attrait, à moitié bâti - trop grand pour avoir un sens et pas assez peuplé pour sa taille pour être important. Il était peuplé de gens qui n'avaient pas le courage de se joindre aux Américains et qui n'avaient suffisamment de bon sens pour être de loyaux sujets de la Couronne britannique... Le Canada anglais avait tissé avec les Français au Québec des liens maladroits qui auguraient mal de l'avenir et les politiciens basés en Ontario s'exprimaient dans un langage pédant et d'une voix monocorde.

Devant l'indifférence manifestée par les Canadiens du sud et de l'ouest, le mouvement en faveur de l'adhésion au Canada avait désespérément besoin d'un champion. Il en trouva un. La campagne menée par Joey Smallwood a été sans aucun doute un facteur important.

Une partie de son succès est attribuable à son expérience en tant que présentateur radiophonique et à la décision de la commission de lui confier la transmission des travaux du congrès.

Grâce à ses talents d'orateur, Joey Smallwood avait un charisme exceptionnel avec lequel ne pouvaient rivaliser ses opposants qui étaient contre l'adhésion à la Confédération. Il était considéré comme un nouveau messie, notamment dans les villages isolés. J'avais 12 ans à l'époque, et je me souviens très bien que des maisons de notre localité étaient tapissées de photos de Joey Smallwood.

Honorables sénateurs, la victoire des tenants de Joey Smallwood et de l'adhésion à la Confédération ne tenait pas qu'à ses talents d'orateur, et c'est sur cette note que j'aimerais conclure. Qu'est-ce que Joey Smallwood avait à offrir aux Terre-Neuviens? À quoi a-t-il employé ses talents d'orateur? Lorsqu'il a parlé des avantages de la Confédération, il a promis des allocations familiales. Il a promis des pensions pour les gens à la retraite. Il a promis que le gouvernement fédéral engagerait des dépenses importantes à Terre-Neuve pour des travaux publics. Mais surtout, il a promis des nominations politiques. Je cite de nouveau Rand Dyck.

Sa campagne a été financée, en partie, par le Parti libéral du Canada; Joey Smallwood avait demandé l'aide de ses collecteurs de fonds et il n'a pas hésité à faire miroiter des postes de sénateurs et autres en échange de contributions locales.

N'allez pas penser que c'est simplement là le jugement d'un universitaire cynique. Pendant les débats lors du congrès, Joey Smallwood a fait face à son ennemi juré, Peter Cashin, le chef des opposants à l'adhésion à la Confédération. M. Cashin a accusé M. Smallwood d'offrir des postes de sénateur canadien en appât aux tenants éventuels de la Confédération, et a exigé une explication. M. Smallwood lui a fait cette réponse:

J'aime bien M. Cashin. Il m'amuse. Il me fascine... Je n'ai plus de postes de sénateur à offrir. Je regrette, mais je lui donne ma parole que, si jamais je deviens premier ministre du Canada, je veillerai à lui obtenir quelque chose. Je veillerai à ce qu'il obtienne un poste qui corresponde bien à son expérience parlementaire. Je le ferai gentilhomme huissier de la verge noire. Je donnerais n'importe quoi pour le voir sur son trente et un, portant ces mignons pantalons noirs et coiffé du tricorne.

Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne veut prendre la parole, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

Sécurité des transports

Autorisation au comité spécial de reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition), au nom du sénateur Forrestall, conformément à l'avis donné le 17 mars 1999, propose:

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 18 juin 1998, la date de présentation du rapport final du Comité spécial du Sénat sur la sécurité des transports, soit reportée au 30 novembre 1999.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, cette motion est inscrite au Feuilleton depuis un certain temps au nom du sénateur Forrestall. Je crois que le sénateur Forrestall savait que j'avais un certain nombre de questions à lui poser.

Cependant, si nous n'adoptons pas au moins une partie de cette motion aujourd'hui, le sénateur et son comité violeront l'ordre du Sénat, car ils ne disposent actuellement que d'un report jusqu'au 31 mars 1999. Or, nous ne siégeons pas à cette date-là.

Adoption de la motion d'amendement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je recommande donc, et j'en fais la motion, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck:

Que la motion ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'on la modifie en remplaçant les mots «30 novembre» par les mots «15 avril».

J'aurai ainsi l'occasion d'interroger le sénateur Forrestall.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter l'amendement?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous revenons à la motion principale telle que modifiée.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion telle qu'amendée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifée est adoptée.)

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 13 avril 1999, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 13 avril 1999, à 14 heures.)

ANNEXE

Document déposé par l'honorable Pat Carney au cours de l'étude en comité plénier
du projet de loi C-76, Loi prévoyant la reprise et le maintien
des services gouvernementaux

Le 25 mars 1999, l'honorable Pat Carney, c.p., a reçu 37 appels téléphoniques d'agents d'établissements correctionnels fédéraux en Colombie-Britannique demandant que le projet de loi C-76, qui permet au Conseil du Trésor de rédiger des conventions collectives, soit amendé de façon à inclure la décision majoritaire figurant dans le rapport de conciliation. Leurs noms suivent:

Joanna Schultz
Bernice Draft
Lisa Munro (Fernie, C.-B.)
Jean Despecier (Aggasis, C.-B.)
Gilles Brouillette
Mike Riddell
Ivan Garbellia - Établissement de Kent
Morgan Andreassen (New Westminster, C.-B.)
Carol Goldie - Établissement de Matsqui
Shawn Dinger (Chilliwack, C.-B.)
Ernie Dombrowski - Établissement de Matsqui
Roseline Hussey - Établissement de Matsqui
Brenda Scott - Établissement de Matsqui
Randy Rast - Établissement de Matsqui
Allan Serdar - Établissement de Matsqui
Ovid Mac - Établissement de Matsqui
Cheryl Sharp (Abbotsford, C.-B.)
Robert Lambert - Établissement de Matsqui
Andrew Vukusic - Établissement de Matsqui
Blair Davis - Établissement de Matsqui
Randy Diangra - Établissement de Matsqui
Dan Fyse - Établissement de Matsqui
Mike Hickman - Établissement de Kent
Andrew Marshall - Établissement de Matsqui
Rick Lindman - Établissement de Matsqui
George Pool - Établissement de Matsqui
Brian Krueger - Établissement de Matsqui
Norm Thibault - Établissement de Matsqui
Wally Van Vugt - Établissement de Matsqui
David Zeswick - Établissement de Kent
Bab Sanger - Établissement de Kent
Paul Greenhall - Établissement de Kent
Robert Walinski
Walter Grehenko
Mol Army (Elbow Lake, C.-B.)
David Laughlin (Chilliwack, C.-B.)
Mark Bussey - Établissement de Kent


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