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Journaux du Sénat

47 Elizabeth II, A.D. 1998, Canada

Journaux du Sénat


Numéro 62 - Appendice «C»

Le jeudi 14 mai 1998
14h00

L'honorable Eymard G. Corbin, Président intérimaire


COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

RAPPORT SUR LE PROJET DE LOI C-4

INTRODUCTION

Le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé et d'autres lois en conséquence, a été renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts le 26 février 1998. Ayant convenu de la nécessité de rencontrer le plus grand nombre possible de personnes et d'organismes, le Comité a décidé de tenir des audiences dans les Prairies. Pendant les mois de mars, avril et mai 1998, il s'est réuni à Ottawa ainsi qu'à Brandon, Regina, Saskatoon, Calgary, Edmonton et Winnipeg pour obtenir les opinions et les recommandations d'un large éventail de groupes et de particuliers sur ce projet de loi. En tout, 92 agriculteurs, 34 organisations agricoles et trois ministres provinciaux de l'Agriculture ont comparu devant le Comité de même que le ministre responsable de la Commission canadienne du blé et des représentants tant de la Commission que d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le Comité tient à remercier tous les participants de leurs observations réfléchies et stimulantes.

Pendant les audiences, le Comité s'est aperçu que quelques dispositions du projet de loi étaient fortement contestées, entre autres : la structure de l'autorité de la Commission, en particulier la nomination du président directeur général et la procédure d'élection des administrateurs; le fonds de réserve; le processus d'inclusion et d'exclusion des produits agricoles relevant de la Commission; et diverses questions liées à la commercialisation, y compris le programme de rachat de la Commission et la possibilité d'un système mixte de mise en marché, dont il a été souvent question dans le contexte du Régime de mise en marché hors-commission déclarée de la Commission ontarienne de commercialisation du blé.

Les audiences ont également révélé que la notion de loi habilitante n'est pas bien comprise. Plusieurs témoins ont déclaré que selon eux le projet de loi C-4 n'atteindrait pas ses objectifs. Est-ce parce que, contrairement aux autres projets de loi, le C-4 n'expose pas en détail les propositions. Ou est-ce parce qu'il créerait une nouvelle entité juridique, une «entreprise mixte», dont les Canadiens n'ont qu'une expérience limitée? Quoi qu'il en soit, la compréhension insuffisante des possibilités et des limitations d'une loi habilitante a suscité un manque de confiance chez les agriculteurs et d'autres parties intéressées.

C'était particulièrement clair lorsque les agriculteurs ou les représentants d'organisations syndicales parlaient des pouvoirs du conseil d'administration proposé. En tant que loi habilitante, le C-4 remettrait tous les pouvoirs de la Commission entre les mains du conseil d'administration, dont la majorité des membres seraient élus par les agriculteurs des Prairies. Le conseil aurait pour fonctions, entre autres, d'établir des règlements concernant l'administration et la gestion de la Commission.

Des objections ont également été soulevées concernant les détails du fonds de réserve proposé, détails que là encore le C-4, en tant que loi habilitante, ne précise pas. Il appartiendrait au conseil d'administration proposé de décider, entre autres, s'il convient ou non d'établir le fonds de réserve.

Le Comité comprend l'incertitude qui entoure une loi habilitante et se demande si une meilleure «campagne d'information» sur la notion de loi habilitante n'aurait pas apaisé en partie les inquiétudes. Il reconnaît également qu'une loi habilitante donnerait au conseil d'administration proposé la haute main sur la Commission et sur son évolution et croit que cette indépendance et cette flexibilité doivent être protégées. Cependant, après avoir tenu de nombreuses audiences dont il est ressorti que les questions suivantes étaient les plus controversées, le Comité formule des recommandations destinées à orienter le conseil d'administration proposé. Il espère que ces recommandations contribueront à rétablir la confiance entre les producteurs de blé et d'orge et leur office de commercialisation.

STRUCTURE DE LA COMMISSION

Les articles 2 et 3 contiennent plusieurs dispositions concernant la structure administrative de l'organisme actuellement connu sous le nom de Commission canadienne du blé. Le projet de loi C-4 prévoit que la direction et l'administration des affaires de la Commission seraient assurées par un conseil d'administration de 15 membres, dont le président du conseil et le président. Quatre administrateurs seraient nommés par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre. Le président serait nommé lui aussi par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre mais après consultation des autres administrateurs et il exercerait ses fonctions à titre amovible pour la durée que fixe le gouverneur en conseil. Les dix autres administrateurs seraient élus. Le conseil désignerait l'un des administrateurs à titre de président du conseil et fixerait sa rémunération. La rémunération du président et des administrateurs serait fixée par résolution du conseil.

À l'exception du président, les administrateurs occuperaient leurs fonctions pour une durée maximale de quatre ans et ne pourraient exercer plus de trois mandats. Les administrateurs nommés et élus auraient les mêmes attributions et, sauf décision contraire du gouverneur en conseil, occuperaient tous, à l'exception du président, leurs fonctions à temps partiel. Dans l'exercice de leurs fonctions, les administrateurs agiraient avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la Commission et avec le soin, la diligence et la compétence d'une personne prudente et avisée.

Le conseil d'administration pourrait établir des règlements administratifs concernant l'administration et la gestion des affaires de la Commission, notamment : la tenue d'assemblées annuelles ou toute autre méthode utilisée par lui pour rendre compte de ses activités aux producteurs; l'appréciation périodique du rendement professionnel du président; et les modalités suivant lesquelles le conseil peut recommander au ministre la révocation du président du conseil.

Enfin, sur la recommandation du ministre, le gouverneur en conseil pourrait régir par règlement l'élection des administrateurs. En fait, le ministre responsable de la Commission canadienne du blé a publié un avant-projet de réglementation de la procédure d'élection qui traite de questions comme les circonscriptions électorales, les personnes habilitées à voter, les qualifications exigées des candidats, la limitation des dépenses électorales et les conflits d'Intérêts.

A. Le président directeur général

La nomination du président directeur général (pdg) par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre et après consultation des autres administrateurs se justifie dans la mesure où, comme le gouvernement continuerait de garantir les versements initiaux et les emprunts, les contribuables canadiens ont droit à une certaine protection. Toutefois, la nette majorité des témoins entendus par le Comité soutenaient que le conseil proposé doit pouvoir nommer et révoquer le président. Ils soulignaient en outre que, pour qu'il soit pleinement responsable devant les producteurs des Prairies, le pdg. ne devrait pas faire partie du conseil d'administration. À leur avis, si la Commission appartient vraiment aux producteurs et doit travailler à leur avantage, il faut que ce soit non pas le ministre, mais le conseil proposé qui décide de la nomination et de la révocation du président.

Le Comité partage ce point de vue en partie seulement dans la mesure ou il croit que les agriculteurs des Prairies et les contribuables canadiens ont besoin de protection. À son avis, cette double protection pourrait être assurée si le président était nommé par le gouverneur en conseil sur recommandation du ministre, mais seulement après que ce dernier ait conduit une consultation approfondie avec les autres membres du conseil proposé. Par conséquent, le Comité propose les amendements suivants :

Page 3, article 3: Remplacer les lignes 15 à 17 par ce qui suit :

« neur en conseil en conformité avec l'article 3.09. »

Page 5, article 3:

a) remplacer les lignes 17à 21, par ce qui suit :

«Nomination

3.09 (1) Le président directeur général est nommé par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre. Il exerce ses fonctions à titre amovible pour la durée que fixe le gouverneur en conseil.

Conditions

(2) La recommandation du ministre est subordonnée à la réalisation des conditions suivantes :

a) le ministre a consulté le conseil au sujet des conditions à remplir par le titulaire et du candidat qu'il se propose de recommander;

b) le conseil a fixé la rémunération à verser au titulaire et en a informé le ministre.

Président
directeur
général provisoire

(3) Par dérogation aux autres dispositions du présent article, le gouverneur en conseil peut combler le poste à titre provisoire et fixer la rémunération du titulaire; le mandat de ce dernier expire au plus tard à l'anniversaire de l'entrée en vigueur du présent paragraphe.

Rémunération

3.1 (1) Le président directeur général reçoit la rémunération à laquelle il a droit en vertu de l'alinéa 3.09(2)b) ou du paragraphe 3.09(3), selon le cas. »

Sur la question de savoir si le président devrait faire partie du conseil d'administration proposé, le Comité ne s'est pas entendu. Cependant, la majorité de ses membres ont décidé de ne pas recommander de changement pour le moment; ils croient qu'il est monnaie courante dans le milieu des affaires que le président fasse partie du conseil d'administration.

B. Le processus électoral

Pendant les audiences qu'il a tenues dans l'Ouest du Canada, le Comité a entendu toutes sortes d'opinions sur la façon d'élire les dix membres du conseil d'administration proposé. Plusieurs témoins, peut-être à cause du succès qu'ils ont obtenu avec cette méthode, ont recommandé un système de délégués. Ils soutiennent que, étant donné les responsabilités des dix administrateurs élus, un tel système assurerait la collecte et la diffusion d'information entre les administrateurs et les producteurs.

Les membres du Comité ainsi que plusieurs témoins ont constaté que la désignation des circonscriptions électorales pourrait faire problème. Tout le monde n'est pas en faveur du maintien des circonscriptions actuelles du comité consultatif de la CCB, et d'autres découpages ont été proposés. Comme il croit que les administrateurs de toutes les provinces des Prairies doivent pouvoir contribuer de façon significative aux décisions concernant la Commission, le Comité recommande qu'aucune province des Prairies ne soit représentée par une majorité des administrateurs de la Commission canadienne du blé.

RECOMMANDATION

Afin qu'aucune province des Prairies ne dispose d'une majorité des dix membres élus du conseil d'administration proposé de la Commission canadienne du blé, le Comité recommande que les circonscriptions électorales soient délimitées de façon que cinq des administrateurs élus puissent provenir de la Saskatchewan, trois de l'Alberta et deux du Manitoba.

C. Habilitation à voter

Certains témoins entendus par le Comité dans l'Ouest se sont inquiétés de savoir qui serait habilité à voter. Chaque détenteur d'un carnet de permis devrait-il avoir droit à une voix? Ou les votes devraient-ils être répartis en fonction de la superficie d'ensemencement de chaque producteur? Certains agriculteurs estimaient que les voix devraient être pondérées selon le volume de production.

Depuis au moins 1988, date de la parution de son rapport intitulé Le financement de la ferme familiale jusqu'à l'an 2000, le Comité a cependant pris parti pour l'exploitation familiale. Il estime donc que chaque détenteur d'un carnet de permis devrait avoir droit à un vote, quelle que soit la superficie ensemencée, car si le régime électoral était lié à la superficie, les grandes« fermes constituées en sociétés agricoles » pèseraient trop lourd dans le processus électoral.

D. Plafond des dépenses des candidats

Certains témoins penchaient pour une limitation des dépenses que les aspirants administrateurs pourraient engager pour leur campagne électorale, afin que la victoire ou la défaite des candidats ne dépende pas de leur situation financière.

Le Comité est lui aussi d'avis que le règlement d'application de la future Loi devrait plafonner les dépenses de campagne de sorte que l'argent ne soit pas le facteur déterminant du succès ou de la défaite. Le Comité ne souhaite toutefois pas se prononcer sur un montant précis. Le premier élément à considérer au moment d'élire ou de nommer les administrateurs doit être la mesure dans laquelle les compétences et l'expérience de chacun sont susceptibles de contribuer à la gestion et l'administration d'une Commission dont le chiffre d'affaires atteindrait 6 milliards de dollars. Le Comité estime essentiel que les administrateurs, qu'ils soient nommés ou élus, possèdent collectivement l'éventail complet des qualités requises pour que la CCB remplisse son mandat.

E. Le vérificateur général et l'accès à l'information

La méfiance des agriculteurs des Prairies à l'égard de la CCB, accusée de manquer de transparence et de ne pas rendre suffisamment compte de ses actes, est clairement ressortie des audiences du Comité. Plusieurs témoins ont recommandé que la CCB soit visée par la Loi sur l'accès à l'information, étant entendu que les renseignements commerciaux exclusifs seraient protégés, et que le vérificateur général devienne le vérificateur de la Commission.

Le Comité pense que le fait d'accorder un rôle au vérificateur général renforcerait la transparence et l'imputabilité de la CCB aux yeux des producteurs des Prairies et, peut-être, de l'ensemble des contribuables canadiens. Certains membres du Comité craignaient que l'ajout d'un autre palier de vérification n'alourdisse la structure et n'aille à l'encontre de l'espoir et de la conviction qu'un conseil d'administration élu n'améliore grandement la transparence et l'imputabilité de la Commission. Le Comité estime toutefois que, au moins pendant les premières années, le vérificateur général devrait avoir la possibilité de procéder à une vérification qui contribuerait à redonner confiance en la nouvelle Commission. C'est pourquoi il propose les modifications suivantes :

Pages 9 et 24: nouvel article 8.1 et article 36:

a) à la page 9, ajouter après la ligne 42 ce qui suit :

« 8.1. Dans les deux ans suivant la date d'entrée en vigueur du présent article, le vérificateur général peut entreprendre la vérification des comptes et opérations financières de la Commission pour les exercices qu'il juge à propos de vérifier. Son rapport de cette vérification est transmis à la Commission et au ministre. »;

b) à l'article 36, page 24, remplacer la ligne 3 par ce qui suit:

« articles 8.1, 11, 27 et 32 de la présente loi entrent ».

Enfin, le Comité tient à signaler que, d'après le ministre responsable de la Commission canadienne du blé, les membres du conseil d'administration auront accès à l'ensemble des données et des chiffres concernant la Commission, y compris aux états financiers vérifiés. Par exemple, ils pourront examiner les prix auxquels le grain a été vendu, les bonifications réalisées, les coûts d'exploitation et les résultats des évaluations opérationnelles. Le ministre croit que, forts de ces informations détaillées sur la CCB et sur la concurrence, les administrateurs seront bien placés pour décider quels renseignements devraient être rendus publics et lesquels devraient demeurer confidentiels pour des raisons commerciales. Le Comité a la certitude que les administrateurs du futur conseil exerceront toute la prudence nécessaire au moment de divulguer des renseignements, notamment du fait qu'ils seront tenus, dans l'exercice de leur autorité et de leurs fonctions, d'agir honnêtement et de bonne foi, dans le meilleur intérêt de la Commission.

F. Responsabilité

Plusieurs témoins se sont dits préoccupés par le fait que le conseil d'administration serait responsable devant la CCB, et non pas devant les agriculteurs des Prairies. Certains ont suggéré que le futur conseil rende des comptes aux deux. Même si le projet de loi stipule que les administrateurs agiront au mieux des intérêts de la Commission, le Comité est d'avis que le fait d'être élu rendra aussi le conseil d'administration responsable vis-à-vis des agriculteurs des Prairies.

LE FONDS DE RÉSERVE

L'article 6 du projet de loi prévoit la création d'un fonds de réserve qui serait utilisé pour : a) garantir les ajustements aux versements initiaux; b) couvrir les pertes pouvant éventuellement découler d'un versement anticipé de mise en commun; et c) couvrir les pertes pouvant éventuellement découler de la vente au comptant.

Le fonds de réserve aurait pour principal objectif d'assouplir le fonctionnement de la CCB. En 1996, le Groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest a recommandé que la CCB soit autorisée à effectuer des achats au comptant et à clore plus tôt les comptes de mise en commun, ce qui s'est traduit, dans le projet de loi C-4, par la création du fonds de réserve.

Les témoins ont exprimé diverses inquiétudes à propos du fonds de réserve : les ventes au comptant risqueraient de détruire le système de mise en commun de la CCB et de nuire au marché intérieur des aliments pour animaux; le gouvernement fédéral pourrait devoir continuer à garantir les ajustements aux versements initiaux; et le fonds de réserve ne serait qu'une nouvelle façon d'imposer une retenue à la source aux agriculteurs.

Des témoins ont exprimé le souhait que la CCB fasse preuve de plus de souplesse, sans toujours établir un lien entre cette souplesse et le fonds de réserve. Le Comité pour sa part estime que, de fait, le fonds offrirait une meilleure marge de manoeuvre opérationnelle au conseil d'administration, en lui donnant la possibilité d'offrir davantage d'options de commercialisation aux agriculteurs. Pour certains d'entre eux, cela n'irait peut-être pas assez loin. Néanmoins, les choix de mise en marché offerts par le fonds nous paraissent une formule appropriée pour la période de transition.

Le ministre responsable de la Commission canadienne du blé a fait remarquer que le fonds de réserve pourrait être alimenté par des sources de revenu autres que les retenues à la source directes; par exemple, par les intérêts perçus sur les ventes de grain à crédit, ou encore par la vente d'éléments d'actifs de la Commission. C'est au conseil d'administration qu'incomberait la gestion du risque associé aux trois fins pour lesquelles le fonds pourrait servir. C'est aussi lui qui déciderait comment ce fonds serait financé. Le Comité croit fermement néanmoins que les agriculteurs devraient disposer d'une certaine protection quant aux sommes qu'ils seront appelés à verser. Au cours des audiences, les discussions ont mis en lumière qu'une telle protection pourrait être assurée en plafonnant le montant du fonds.

RECOMMANDATION

Afin d'atténeur l'incertitude que ressentent les agriculteurs au sujet du fonds de réserve, le Comité recommande que le règlement prescrive l'établissement de son solde maximum à 30 millions de dollars.

Comme le fonds de réserve pourrait servir à trois fins différentes, les résultats financiers de chaque activité devraient être présentés de façon transparente afin que les agriculteurs sachent exactement sous quelle rubrique les sommes ont été créditées et comment elles ont été utilisées. Si tout l'argent était versé dans un seul compte, un interfinancement pourrait se produire entre les diverses utilisations. Il est essentiel, tant pour les agriculteurs que pour les autres intéressés, que les résultats financiers correspondant à chacune des utilisations du fonds soient transparents.

RECOMMANDATION

Pour faire en sorte que les résultats financiers concernant chacune des utilisations du fonds de réserve soient présentés de façon transparente, le Comité recommande l'éstablissement de comptes séparés pour chacune des trois activités financées.

INCLUSION ET EXCLUSION DE CERTAINS GRAINS

La Loi sur la CCB contient déjà une clause d'exclusion à l'alinéa 46b). Pendant le débat sur le projet de loi C-72, le prédécesseur du projet de loi C-4, au cours de la dernière législature, il a été souvent dit que, par souci d'équité et d'équilibre, il serait aussi bon d'ajouter une clause d'inclusion à ce projet de loi.

L'article 24 du projet de loi C-4 fournirait aux agriculteurs un moyen de soustraire de façon générale à l'application de la loi toutes les variétés, catégories ou classes de blé (ou d'orge). L'article 26 étendrait l'application des dispositions pertinentes de la loi à tout autre grain qui pourrait être ajouté au mandat de la CCB. La définition de « grain » qui figure dans la Loi sur la CCB inclut le blé, l'avoine, l'orge, le seigle, le lin, le colza et le canola.

Durant les audiences du Comité, les clauses d'inclusion et d'exclusion étaient sans doute celles contre lesquelles les témoins en avaient le plus. Certains d'entre eux ont expliqué au Comité qu'ils appuieraient le projet de loi si ces clauses étaient supprimées.

Des considérations commerciales, dans le contexte notamment des ventes de canola au Japon, ont souvent été invoquées pour réclamer le retrait du projet de loi de la clause d'inclusion. Cette préoccupation remonte au rapport publié en 1996 par le Groupe d'experts sur la mise en marché du grain de l'Ouest, dont les auteurs signalaient que l'Office d'alimentation du Japon préfère importer du blé d'organismes centraux de commercialisation, mais que « les triturateurs japonais de graines oléagineuses préfèrent la situation actuelle où ils traitent avec des fournisseurs privés et sont heureux, dans l'ensemble, du système canadien de mise en marché ».

Le 16 février 1998, le ministre responsable de la CCB a proposé, en Chambre, de supprimer du projet de loi C-4 les clauses d'inclusion et d'exclusion, à condition de s'entendre sur une motion stipulant que « le ministre responsable de la CCB ne pourra chercher à modifier le mandat de la Commission de manière à l'élargir ou à le limiter sans avoir procédé à un vote démocratique parmi les producteurs intéressés ni avoir consulté le nouveau conseil d'administration de la Commission ». Présentée à l'étape de la troisième lecture, cette proposition exigeait le consentement unanime et, celui-ci ayant été refusé, elle n'a jamais été déposée.

Si les clauses d'inclusion et d'exclusion étaient rayées du projet de loi C-4, il faudrait procéder ensuite par des modifications législatives pour ajouter des grains au mandat de la CCB ou en enlever. Le Parlement devrait donc élaborer des textes législatifs appropriés, mais la modification du projet de loi garantirait par ailleurs que l'apport du futur conseil d'administration et des producteurs de grain touchés serait pris en considération.

Le Comité propose donc les modifications suivantes :

Pages 17 et 18, Article 24 :

a) à la page 17, supprimer les lignes 27 à 36;

b) à la page 18, supprimer les lignes 1 à 17;

c) changer la désignation numérique des articles 25 à 36 à celle des articles 24 à 35 et changer les renvois qui en découlent.

Page 18, Article 26:

a) à la page 18, remplacer les lignes 37 à 39 par ce qui suit :

1995, ch. 31, art. 4

« 26. L'article 47 de la même loi et les intertitres le précédant sont remplacés par ce qui suit :

PARTIE V

AUTRES GRAINS

Application des parties III et IV

Application à l'orge

47. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, sur la recommandation du ministre, étendre à l'orge l'application de la partie III ou de la partie IV, ou des deux.

Réserves

(2) En cas d'application du paragraphe (1), les dispositions de la partie en cause sont réputées édictées de nouveau dans la présente partie, sous réserve de ce qui suit :

a) le terme « orge » est substitué au terme « blé »;

b) le terme « produits de l'orge » est substitué au terme «produits du blé »;

c) le paragraphe 40(2) ne s'applique pas.

Entrée en vigueur

(3) L'extension du champ d'application de la partie III ne peut entrer en vigueur qu'au début d'une campagne agricole.

Définitions

(4) Pour l'application du présent article, « produit de l'orge » s'entend de la substance obtenue par la transformation ou la préparation industrielle du grain en cause, seul ou mélangé à d'autres substances et que le gouverneur en conseil désigne, par règlement, comme produit de ce grain pour l'application de la présente partie.

Restriction

(5) Le ministre ne peut faire la recommandation mentionnée au paragraphe (1) à moins que les conditions suivantes soient réunies :

a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;

b) les producteurs d'orge ont voté - suivant les modalités fixées par le ministre - en faveur de la mesure.

Obligation du ministre

47.1 Il ne peut être déposé au Parlement, à l'initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie ou grade de blé ou d'orge, ou le blé ou l'orge produit dans telle région du Canada, à l'application de la partie IV, que ce soit totalement ou partiellement, de façon générale ou pour une période déterminée, soit d'étendre l'application des parties III et IV, ou de l'une d'elles, à un autre grain, à moins que les conditions suivantes soient réunies :

a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;

b) les producteurs de ce grain ont voté - suivant les modalités fixées par le ministre - en faveur de la mesure. ».

b) à la page 19, supprimer les lignes 1 à 36;

c) à la page 20, supprimer les lignes 1 à 36.

SYSTÈME MIXTE DE MISE EN MARCHÉ

Au cours des audiences que le Comité a tenues dans l'Ouest du Canada, bon nombre de témoins ont indiqué une préférence pour un système mixte de mise en marché, une formule de dérogation ou un système d'adhésion volontaire à la CCB. Sous des formes différentes, l'idée est essentiellement la même en ce sens que la CCB perdrait le monopole de la vente. La notion du système mixte de mise en marché, tout en prenant des formes diverses pour une variété de groupes et de personnes, remonte au début des années 80. Elle a cependant été modernisée en 1994 par la Western Canadian Wheat Producers' Association, qui l'a définie comme un « système dans le cadre duquel la CCB et les négociants en grain du secteur privé chercheraient tous deux à se procurer le grain des agriculteurs pour l'écouler sur les marchés d'exportation et le marché interne ».

La récente proposition de la Commission ontarienne de commercialisation du blé d'autoriser, uniquement à destination des États-Unis, les producteurs de blé de l'Ontario à vendre leur récolte hors-commission a retenu l'attention de bien des partisans d'un système mixte de mise en marché. Il ne s'agit pas réellement d'un système mixte, cependant. Sous le régime de l'Ontario, le producteur doit déclarer au début de la saison la totalité de la surface ensemencée en blé d'hiver ou en blé de printemps dont il a l'intention de commercialiser la récolte en dehors du système de mise en commun et de vente au comptant de la Commission.

À la différence de la CCB, qui exporte environ 90 p. 100 du blé produit dans l'Ouest du Canada (10 p. 100 aux États-Unis et 80 p. 100 outre-mer), l'Ontario écoule environ 45 p. 100 de sa production moyenne annuelle de 1,2 million de tonnes sur le marché interne et en exporte 30 p. 100 aux États-Unis et 25 p. 100 outre-mer. Les États-Unis sont souvent considérés comme un marché résiduel pour le blé de l'Ontario.

Bon nombre de producteurs de blé de l'Ouest ont réclamé aux membres du Comité les mêmes privilèges que leurs homologues de l'Ontario. Quels que soient les efforts déployés pour expliquer et démontrer les énormes divergences économiques qui existent entre les producteurs de blé de l'Ontario et ceux de l'Ouest, il n'y a guère de chance de clore ce débat.

Sans aborder la question du système mixte de mise en marché, le projet de loi C-4 habilite le futur conseil d'administration à recommander des changements susceptibles d'aboutir à un système de commercialisation semblable si les producteurs de blé de l'Ouest lui font comprendre que c'est ce qu'ils désirent. Le Comité sénatorial tient à souligner qu'en Ontario la décision a été prise par les administrateurs élus, sur recommandation des délégués, et qu'il sera possible d'en faire autant si le projet de loi est adopté.

Plusieurs témoins ont confié par ailleurs au Comité que le programme de rachat de la CCB n'était pas assez souple pour que les producteurs, et en particulier les producteurs de grains biologiques, puissent en tirer profit. Le Comité incite le futur conseil d'administration d'examiner le programme de rachat et d'en faciliter l'administration.


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