Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 85
Le mardi 18 décembre 2001
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de Loi de crédits no 3 pour 2001-2002
- Projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
- Projet de loi de crédits no 3 pour 2001-2002
- Projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
- Les travaux du Sénat
- La Loi du traité des eaux limitrophes internationales
- Projet de loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
- La Loi du traité des eaux limitrophes internationales
- Projet de loi antiterroriste
- La Sanction royale
- Les travaux du sénat
- L'ajournement
- Sanction Royale
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le mardi 18 décembre 2001
La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LE SÉNAT
DISSOCIATION DES REMARQUES D'UN SÉNATEUR À PROPOS DE PREMIERS MINISTRES D'ISRAËL
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le vendredi 14 décembre 2001, le sénateur Prud'homme a soulevé une question concernant la création d'un État palestinien. Il a demandé si le gouvernement du Canada userait de ses bons offices pour mettre fin à la violence au Moyen-Orient. Je suis d'accord avec le sénateur Prud'homme quand il dit que le gouvernement du Canada croit à un État palestinien et devrait user de ses bons offices pour préserver la paix.
Toutefois, le sénateur Prud'homme a fait dans son préambule une remarque à laquelle je ne puis m'associer. Il a dit:
Alors que l'on voit le boucher du Liban, maintenant premier ministre d'Israël, imiter deux autres bouchers ayant eux aussi occupé le siège de premier ministre, Menahem Begin et Yitzhak Shamir [...]
Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec cette façon de caractériser ces trois hommes, et je me dissocie entièrement, ainsi que le gouvernement du Canada, de ces remarques.
Le sénateur Prud'homme: C'est un boucher de toute façon.
Le sénateur Finestone: Non. C'étaient les Libanais chrétiens.
LA SOIRÉE DES MILLE BANQUETS
ACTIVITÉ DE FINANCEMENT POUR ÉLIMINER LES MINES ANTIPERSONNEL
L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, pour mon dernier acte au Sénat, j'aimerais — c'est un cadeau inespéré — vous faire part des résultats estimatifs qui ont été communiqués au premier ministre hier soir à la réception pour les ambassadeurs. Les résultats estimatifs de la soirée des mille banquets sont les suivants: 25 000 personnes dans 31 pays à travers le monde ont participé à cette soirée qui a permis de recueillir jusqu'ici 2 millions de dollars. Nous devrions être fiers du rôle que le Sénat a joué dans l'organisation d'une soirée qui a ajouté à ces résultats. Pour un premier effort, les Canadiens peuvent être très fiers de cette initiative.
Je puis dire aux honorables sénateurs, non sans grande fierté, que lors de mon dîner avec Colin Powell, ce dernier a témoigné, de par ses propos, du soutien et du respect réels qu'inspirent aux États-Unis la façon dont le Canada a agi en chef de file mondial pour effectuer des opérations de déminage et débarrasser le monde de ces horribles mines terrestres, dont on sait les dangers pour les soldats et la population, et les effets destructeurs pour l'environnement et pour la vie des individus.
Soit dit en passant, l'initiative a vu le jour en 1984, grâce à M. Chrétien et à André Ouellet, à l'époque porte-parole de son parti pour les affaires étrangères. Elle a été menée par Lloyd Axworthy et aujourd'hui, c'est John Manley qui s'en charge avec beaucoup d'efficacité et une grande compétence. J'ai eu l'insigne honneur de servir de conseillère en la matière.
J'ai oublié de mentionner le président de la Fondation des mines terrestres du Canada, M. Frank O'Dea, à l'origine de cette initiative humanitaire et à qui tout le mérite en revient.
LE SÉNAT
HOMMAGE AUX MEMBRES DU PERSONNEL
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, comme cette séance pourrait être notre dernière avant les Fêtes, je voudrais saluer le travail extraordinaire accompli par les membres de notre personnel pour assurer le bon fonctionnement de cette institution. Ils étaient tous à pied d'oeuvre de bon matin pour veiller à la bonne organisation de notre travail. Les sénateurs trouveront sur leur pupitre un nouveau Feuilleton et les Journaux du Sénat. Nos pages ont travaillé tard hier soir et ils sont revenus ce matin pour préparer notre salle.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Kenny: Ils auront compris, après cette ovation, toute l'estime que nous avons pour eux. Je voulais tout simplement rappeler la chance que nous avons que des personnes de cette qualité travaillent avec autant d'assiduité pour notre compte.
[Français]
LE BILAN DE LA LÉGISLATION
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, quelle coïncidence de prendre la parole après le sénateur Kenny, qui en a profité pour remercier le travail des employés du Sénat. Je me joins à lui pour leur transmettre, à mon tour, toutes mes félicitations.
Nous allons bientôt ajourner pour la période des Fêtes. Avant de se péter les bretelles et de se dire que nous sommes bons et que nous avons bien travaillé, je voudrais que nous réfléchissions ensemble sur notre travail en tant que sénateurs.
J'aimerais faire remarquer à ceux qui ne seraient pas habitués à lire les Journaux du Sénat qu'on y retrouve, une fois par semaine, le progrès de la législation.
Permettez-moi, honorables sénateurs, de faire un bref résumé du travail que nous avons accompli depuis la fin janvier sur les projets de loi émanant du gouvernement, tant du Sénat que de la Chambre des communes. Au total, 37 projets de loi ont été examinés; de ces 37 projets de loi, 12 émanaient du Sénat et les autres provenaient de la Chambre des communes. Sur six des projets de loi du Sénat, nous avons adopté 37 amendements alors que deux amendements ont été apportés à deux projets de loi de la Chambre des communes.
Avant que les honorables sénateurs ne se disent qu'ils font un bon travail pour les Canadiens, je tenais à les aider dans cette réflexion et à leur conseiller d'examiner de temps en temps le bilan de la législation. Les honorables sénateurs pourront s'apercevoir que nous pourrions en faire encore plus que ce que nous prétendons être capables de faire.
(0910)
LES COMMENTAIRES AU SUJET DE PREMIERS MINISTRES D'ISRAËL
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, en réponse aux propos assez surprenants du sénateur Carstairs, je n'ai fait que rapporter l'histoire.
Je ne sais pas comment on appelle un homme qui tue des femmes et des enfants et qui, lors d'un massacre dans un village appelé Derr Yassin, a chassé tous les villageois.
Je ne sais comment on appelle un homme qui, dans les années 1945, 1946 et 1947, a fait sauter l'hôtel King David, rempli de jeunes militaires britanniques. Et pourtant, ces deux hommes sont devenus premiers ministres. L'un s'appelait Yitzhak Shamir et l'autre, Menahem Begin. On les a reçus, on les a acclamés et ils ont été embrassés par les autorités.
Ce n'est pas moi qui ai dit «le boucher du Liban», c'est l'interprétation qu'on lui donne. On l'a appelé «le boucher» lors de son invasion du Liban, où il y a eu 17 000 victimes.
Je regrette que vous ne regardiez pas vendredi soir prochain à Radio-Canada ce que notre «bon gouvernement du Canada» fait des tortionnaires libanais qui s'occupent des droits humains au Liban et qui ont torturé leurs propres collègues libanais, qui se sont enfuis en Israël et que le gouvernement vient de récupérer. Que font-ils à Montréal, à Toronto, à Hamilton et à Ottawa?
[Traduction]
J'encourage tous les sénateurs à regarder cette émission qui sera diffusée à la télévision vendredi soir. Malheureusement, c'est vendredi soir prochain.
[Français]
Je voulais terminer la saison sur une note très élogieuse, et je vais quand même le faire. Je regrette cet aparté de la part du sénateur Carstairs.
[Traduction]
Je regrette de m'être laissé distraire. Je suis venu ici pour rendre hommage à l'une de nos collègues, une importante éditorialiste en son temps, et pour souligner son courage. On n'en parlera pas dans les grands journaux, bien sûr, mais on peut le lire dans Le Devoir. De façon générale, les gens n'aiment pas Le Devoir, mais on y trouve tous les détails pertinents dans le numéro d'hier.
J'aimerais féliciter madame le sénateur Fraser, l'ancienne rédactrice en chef, ainsi que deux de ses collègues qui ont également occupé ce poste, pour avoir dénoncé «la mainmise de ce jeune arrogant» David Asper, qui domine à l'heure actuelle une bonne partie de la presse au Canada. Les sénateurs qui s'y intéressent peuvent lire tout cela dans le Daily News de Halifax, le Evening Telegram de St. John's, le Guardian de Charlottetown, la Gazette de Montréal, le Ottawa Citizen, le Windsor Star, et ce, page après page.
Son Honneur le Président: Je suis désolé de faire savoir à l'honorable sénateur Prud'homme que la période à laquelle il avait droit dans le cadre des déclarations de sénateurs est maintenant écoulée.
Le sénateur Prud'homme: J'aimerais féliciter madame le sénateur Fraser de s'être levée, d'avoir signé et d'avoir dénoncé cette «mainmise».
LA PRESSE
LES ÉDITORIAUX DE PROPRIÉTAIRES DE JOURNAUX
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je vais finir ce que le sénateur Prud'homme a commencé à ce sujet. C'est un jour bien triste pour le journalisme et pour la liberté d'information au Canada lorsque le propriétaire d'un journal peut dicter l'orientation que doivent prendre les éditoriaux. Non seulement la dicte-t-il, mais en même temps, il insiste pour que les rédacteurs des éditoriaux qui travaillent pour le Ottawa Citizen respectent la consigne nationale émise à Winnipeg par la maison Asper. Je trouve tout cela méprisable et je crois que c'est le prix que nous devons payer pour la concentration de la propriété des moyens d'information. Le Sénat doit s'intéresser à cette question et inviter Keith Davey à se pencher sur tout le dossier de la concentration de la presse, sinon cet abus de pouvoir va se poursuivre. Nous devons prendre conscience de cet enjeu et faire le travail que le sénateur Nolin voudrait que nous fassions au cours de la nouvelle année.
Le sénateur Cools: Ramenez Conrad Black.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
LE SÉNAT
LE BILAN DE LA LÉGISLATION
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'ai fait l'énoncé de notre travail de la dernière année. Est-ce l'intention du gouvernement d'empêcher le Sénat de faire son travail au cours de la prochaine année?
Lorsqu'on examine les statistiques des projets de loi émanant de la Chambre des communes, deux projets de loi sur 29 ont fait l'objet de deux amendements. Il y a donc 27 projets de loi qui ont été adoptés sans qu'on puisse les amender, ni en comité ni en Chambre. Est-ce l'intention du gouvernement de poursuivre cette politique?
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est très clair que le Sénat fait un excellent travail au chapitre de l'examen des projets de lois. En effet, le Sénat fait des observations réfléchies et pertinentes sur nombre de ceux-ci. Il agit en tant qu'organisme de contrôle pour assurer la qualité des mesures législatives. Lorsque c'est le Sénat qui reçoit d'abord un projet de loi une première fois, comme cela a été le cas pour 12 projets de loi qui ont vu le jour dans cette Chambre, alors, bien sûr, il fait comme la Chambre des communes et adopte une approche beaucoup plus proactive.
[Français]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, 11 projets de loi ont été examinés par le Sénat et dans quatre de ces projets de loi, nous avons proposé et adopté 35 amendements.
Le projet de loi S-11, qui examinait la Loi canadienne sur les sociétés par actions, a été étudié par le Comité permanent des banques et du commerce et le comité a proposé et adopté 17 amendements, dont un à l'étape de la troisième lecture.
Par la suite, le Comité des finances nationales, en étudiant le projet de loi S-23, modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence, a adopté 11 amendements, dont deux amendements ont été adoptés à l'étape de la troisième lecture en Chambre. En somme, avec ces deux projets de loi, 31 amendements sur 35 ont été adoptés.
La ministre croit-elle vraiment à l'efficacité du Sénat?
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, nous devons garder à l'esprit que lorsqu'un projet de loi est étudié par la Chambre des communes, il fait également l'objet d'un processus d'amendement. Lorsque c'est la Chambre qui reçoit d'abord un projet de loi une première fois, elle propose souvent des amendements que le Sénat aurait pu présenter si la mesure législative y était d'abord arrivée.
(0920)
De la même façon, lorsque c'est le Sénat qui reçoit un projet de loi en premier lieu, il propose des amendements qui auraient pu être présentés par la Chambre si c'était elle qui l'avait d'abord reçu.
[Français]
ORDRE DU JOUR
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais que nous abordions en premier lieu, sous les «affaires du gouvernement», l'article no 2, soit la troisième lecture du projet de loi C-45.
[Traduction]
PROJET DE LOI DE CRÉDITS No 3 POUR 2001-2002
TROISIÈME LECTURE—REJET DE LA MOTION D'AMENDEMENT—SUSPENSION DU DÉBAT
L'honorable Isobel Finnerty propose: Que le projet de loi C-45, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2002, soit lu une troisième fois.—(Conformément à l'ordre adopté le 17 décembre 2001, toutes les questions pour disposer du projet de loi seront mises aux voix à 12 h 30).
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'attire l'attention du Sénat sur la situation à laquelle nous faisons face dans le cas du projet de loi C-45. Il y a manifestement une erreur dans le document et nous pensons que cette erreur devrait être corrigée.
Une voix: Ce n'est pas grave.
Le sénateur Kinsella: Si des erreurs évidentes ne sont pas corrigées, les Canadiens auront l'impression que le Parlement est inutile. Quand le Parlement dit que deux plus deux font cinq et ne se corrige pas, à quoi sert-il?
À deux reprises, il a été souligné que nous considérons cette mesure comme un projet de loi de crédits et que nous allons collaborer pour qu'il soit adopté, afin que le gouvernement ait les fonds nécessaires pour exercer ses activités.
Nous avions d'abord proposé de nous former en comité plénier pour entendre le ministre et ses fonctionnaires, afin de corriger l'erreur. Nous avions aussi essayé de proposer que le montant de 50 millions de dollars, qui ne devrait pas y figurer, soit soustrait. Aucune de ces propositions n'a donné lieu à une réaction favorable d'en face. Nos vis-à-vis préfèrent perpétuer l'erreur.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Forrestall:
Que le projet de loi C-45 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au comité plénier du Sénat.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Puisque deux sénateurs ne se sont pas levés, je déclare la motion rejetée avec dissidence.
Nous revenons maintenant à la troisième lecture du projet de loi C-45.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, selon moi, le sénateur Kinsella a adéquatement fait ressortir le problème que nous avions soulevé plus tôt. Malheureusement, les sénateurs seront convoqués à voter sur un projet de loi de crédits rempli de failles. Nous abdiquons notre responsabilité en n'amendant pas ce projet de loi, que nous avons le droit d'amender. Nous ne modifierions pas les crédits comme tels, mais nous apporterions une correction au projet de loi. Nous n'avons pas le droit d'augmenter les crédits, et il n'a pas encore été décidé si nous pouvons les réduire. Certaines autorités estiment que oui et d'autres que non.
Notre but, relativement au projet de loi C-45, était d'apporter une correction au projet de loi de crédits. Bon, cela a été refusé.
Honorables sénateurs, au moment du vote, je dirai: «Avec dissidence». Il y a au moins un autre aspect du projet de loi C-45 qui devrait nous déranger tous — le remboursement au Conseil du Trésor d'une avance de 152 millions de dollars que le ministre des Transports avait annoncée dans le but d'indemniser les transporteurs aériens et tous ceux qui ont été touchés par la fermeture, pendant quatre ou cinq jours, des aéroports au Canada après les tragiques événements du 11 septembre. Selon moi, personne ne s'oppose au versement d'une indemnité. Ce qui me dérange, toutefois, c'est que le ministre ait pu annoncer unilatéralement, dans un communiqué, sans qu'aucun débat n'ait été tenu au Parlement, que 152 millions de dollars seraient alloués aux demandeurs que lui et ses hauts fonctionnaires estimeraient admissibles.
Comparez cela à ce qui s'est produit aux États-Unis, où ils se sont entendus sur ce qu'il est convenu d'appeler un programme de renflouement. Un accord n'a été conclu qu'après d'intenses discussions entre les deux grands partis au Congrès et l'administration Bush. Ils se sont entendus et ont adopté au Congrès un projet de loi de crédits qui a été signé par le président.
Comparez cette procédure, qui correspond à une approche responsable de l'utilisation des deniers publics, à celle qui a cours au Canada, où un ministre peut invoquer un article de la loi pour convaincre le Conseil du Trésor qu'il a le pouvoir d'obtenir une avance de 152 millions de dollars pour un programme dont le Parlement n'a jamais eu l'occasion de discuter, encore moins d'approuver. La seule fois où il est possible d'en parler, c'est lorsque l'argent doit être remboursé au Conseil du Trésor par l'entremise des prévisions budgétaires et, maintenant, du projet de loi de crédits.
Reportez-vous au débat à ce sujet ayant eu lieu à la Chambre des communes. Les honorables sénateurs ne le pourront pas, car il n'y a pas eu de débat. La Chambre des communes a discuté un soir des problèmes liés à l'industrie aérienne. On n'a fait que mentionner au passage le programme de renflouement que le ministre avait annoncé hors de la Chambre. Cela devrait nous inquiéter que, de plus en plus, les ministres réussissent à interpréter les lois dont ils sont responsables de l'application de façon à convaincre le Conseil du Trésor de consentir sans cesse plus d'avances pour des programmes et politiques qui n'ont jamais été présentés au Parlement.
Honorables sénateurs, cette situation devrait préoccuper la Chambre des communes car, après tout, elle a pour principale responsabilité de contrôler les dépenses. Dès qu'elle n'y parvient pas, elle ne maîtrise plus rien. C'est aussi simple que cela; le Parlement est en train de perdre ce pouvoir.
Nous exerçons au Sénat un contrôle limité sur les dépenses publiques, ce qui est fort acceptable car, en bout de piste, cette tâche incombe aux élus. C'est pourquoi je ne voterai pas contre un projet de loi de crédits, mais je ferai certainement valoir mon opposition en disant «avec dissidence», une façon de protester qui n'est pas consignée comme tel.
Je soulève ce problème, honorables sénateurs, pour faire ressortir une tendance grandissante qui demeure non contrée. Non seulement y a-t-il dans le projet de loi de crédits des erreurs qui devraient être corrigées, mais le président du Conseil du Trésor nous a dit qu'elles le seront dans le prochain budget supplémentaire des dépenses. On laisse entendre que les sénateurs ne devraient pas s'en mêler et qu'il faut laisser le Conseil du Trésor tranquille: «De quel droit osez-vous mettre votre nez dans mon projet de loi?»
S'ils ont l'intention d'inclure la correction voulue dans le prochain Budget supplémentaire des dépenses, ils devraient retirer cette mention du projet de loi C-45. Toutefois, il semble qu'ils ne puissent agir de la sorte parce que le projet de loi est imprimé et que la Chambre des communes a ajourné pour la période des Fêtes: «Ce n'est qu'un projet de loi de crédits; ce n'est que l'argent des contribuables; ce ne sont que des fonds sur lesquels le Parlement devrait exercer un pouvoir direct.» Eh bien, ce ne sont que des fonds qui échappent lentement à l'autorité du Parlement.
(0930)
Je veux parler d'une autre question qu'a soulevée la vérificatrice générale. C'est un autre exemple de la perte de contrôle du Parlement sur les fonds publics. Au cours des huit dernières années, près de 10 milliards de dollars ont été soustraits au contrôle direct du Parlement et transférés à des fondations et à des agences autonomes qui ne sont pas responsables devant le Parlement. J'inclus les 2 milliards de dollars annoncés dans le dernier budget qui seront consacrés à une fondation pour l'infrastructure stratégique. J'exclus la somme de 500 millions de dollars pour un fonds destiné à l'Afrique, car je ne sais pas s'il s'agira d'un organisme distinct ou d'un fonds au sein du ministère — plus 1,25 milliard de dollars consacrés à un fonds pour l'innovation, somme qui se trouve dans le Budget supplémentaire des dépenses. La vérificatrice générale n'a aucun contrôle sur ces fonds qui appartiennent aux contribuables.
Je ne critique pas l'objectif auquel ces fonds sont destinés. Mon objection est qu'ils sont versés à des sociétés privées à but non lucratif qui ne sont pas responsables devant le Parlement, mis à part le fait qu'elles doivent présenter un rapport annuel, dans lequel elles peuvent dire ce qu'elles veulent. Le contrôle du Parlement sur ces fonds est limité à l'obligation qu'ont ces sociétés d'engager les services d'un vérificateur agréé qui n'est pas le vérificateur général. Le vérificateur général fait beaucoup plus que de dire «deux et deux font quatre». Le vérificateur général s'assure que l'argent est dépensé aux fins pour lesquelles il a été alloué.
Le gouvernement a trouvé le moyen d'échapper à la surveillance du vérificateur général en soustrayant des sommes énormes aux pouvoirs du Parlement et en les transférant à ces sociétés privées — à hauteur de 10 milliards de dollars sur une période de huit ans. Pensez seulement aux intérêts sur cette somme, qui devraient figurer dans le budget actuel, car celle-ci appartient aux contribuables canadiens. Comme l'a fait remarquer la vérificatrice générale, ces fondations n'ont pas besoin d'une infusion unique massive de fonds.
Le gouvernement a décidé que, puisqu'il avait accumulé des surplus énormes dans le passé, plutôt que de rembourser la dette, il était politiquement plus acceptable de créer des programmes tels que le Fonds des bourses du millénaire et la Stratégie pour le développement durable. Toutes ces initiatives ont un objectif louable. Toutefois, soustraire ces fonds, ces politiques et ces programmes à la surveillance du Parlement signifie que, lorsqu'il y aura un changement de gouvernement, il sera difficile pour le nouveau gouvernement de modifier ce qui est déjà en place.
Ce que je veux faire chaque fois que j'interviens dans ce dossier, c'est amener les parlementaires à comprendre que, en approuvant ces dépenses sans même un minimum de contestation, ils permettent aux ministres de convaincre le Conseil du Trésor que leur autorité est telle qu'ils peuvent avoir accès à des avances temporaires. En permettant cela, nous abdiquons nos responsabilités — encore plus à la Chambre des communes qu'ici. Toutefois, quelqu'un doit dénoncer cette tendance qui, si elle se maintient, confirmera que nous sommes tous en train de perdre toute pertinence.
[Français]
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, dans le cas des travaux de réfection des routes, nous allons nous retrouver avec un conseil de direction nommé par le gouvernement, qui décidera quelles ententes seront conclues avec la province de Québec et pour quels réseaux routiers.
Je me souviens de l'époque Duplessis. C'était l'époque du patronage, mais M. Duplessis était élu par le peuple. Il faisait du patronage et il n'en était pas gêné. Aujourd'hui, on va pas mal plus loin que cela, on fait faire du patronage par les fonctionnaires. C'est un désastre!
[Traduction]
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, en ce qui concerne le troisième point soulevé par le chef de l'opposition, soit celui des fondations qui surgissent à grands frais pour les contribuables, je tiens à lui assurer, ainsi qu'au Sénat, que le Comité sénatorial permanent des finances nationales s'est déjà engagé à étudier toute cette question de façon très détaillée après le congé de Noël. Nous avons commandé des travaux de recherche sur la question, et j'espère que mon honorable ami viendra participer aux travaux avec nous lorsque le comité étudiera la question.
Voyons maintenant le deuxième point soulevé par le chef de l'opposition au sujet des 160 millions de dollars que le ministre des Transports a trouvés pour indemniser les transporteurs aériens des pertes subies dans les jours suivant les attentats terroristes du 11 septembre. Lorsque le comité a étudié le budget supplémentaire, nous avons posé des questions à ce sujet aux fonctionnaires du Conseil du Trésor. Comme d'habitude, ils ont donné la réponse la plus complète possible, proposant de fournir de plus amples renseignements plus tard.
Hier, j'ai reçu une lettre datée du 13 décembre portant la signature de la présidente du Conseil du Trésor, Mme Robillard. J'ai demandé au greffier de remettre copie de la lettre aux membres du comité. Comme mon collègue est membre d'office du comité, il recevra la lettre sous peu. Précisons que Mme Robillard présente la chronologie des événements. Le 1er octobre, le ministre Collenette a présenté une proposition portant sur un programme d'au plus 160 millions de dollars à un comité spécial du Cabinet. Le comité a proposé au Cabinet l'approbation de cette proposition, qui a été effectivement approuvée le 2 octobre. Elle cite ensuite l'article pertinent de la Loi sur l'aéronautique qui accorde un tel pouvoir selon le gouvernement. Elle dit:
[...] que cette loi donne au ministre des Transports le pouvoir d'accorder de l'aide financière aux transporteurs aériens en vertu des alinéas 4.2 a) et l) qui se lisent comme suit:
4.2 Le ministre est chargé du développement et de la réglementation de l'aéronautique, ainsi que du contrôle de tous les secteurs liés à ce domaine. À ce titre, il peut:
a) favoriser les progrès de l'aéronautique par les moyens qu'il estime indiqués; [...]
l) offrir son concours, financier ou autre, aux personnes et aux administrations ou organismes dans les domaines liés à l'aéronautique;
La ministre dit enfin, se fondant sur ce pouvoir et sur l'avis juridique concernant sa pertinence, que le Conseil du Trésor a autorisé la demande ministérielle visant l'établissement d'un programme de subvention globale pour accorder de l'aide aux transporteurs aériens canadiens, surtout aux exploitants aériens, pour les pertes subies durant la fermeture temporaire de l'espace aérien canadien.
Je voulais donner ces précisions, honorables sénateurs, non pas parce que je considère que le dossier est clos. Bien au contraire, le comité voudra se pencher sur cette question après Noël. Entre temps, je ferai peut-être faire des recherches quant à ces dispositions de la Loi sur l'aéronautique. Il serait intéressant de savoir quelle était l'intention du gouvernement en place et du Parlement lorsque ces articles de la loi ont été débattus et adoptés.
Il serait aussi intéressant de voir s'il existe un précédent pour la dépense d'une somme aussi colossale, soit 160 millions de dollars, à titre d'aide d'urgence aux compagnies aériennes en vertu de cet article de la Loi sur l'aéronautique. Nous allons déterminer s'il existe des précédents à cet égard et si le pouvoir est solide, ou s'ils agissent simplement sur la foi d'avis juridiques imaginatifs.
De toute façon, je croyais qu'il était opportun de faire consigner cette explication, ainsi que mes commentaires et mon assurance que le comité se penchera sur cette question après le congé de Noël.
(0940)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Finnerty propose, appuyée par l'honorable sénateur Taylor, que le projet de loi soit maintenant lu une troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Il y aura un vote par appel nominal. Conformément à l'ordre adopté hier, le vote par appel nominal aura lieu à 12 h 30.
Il nous reste peu de temps pour discuter d'autre chose avant l'appel du timbre, à 9 h 45, pour la tenue du vote différé sur le projet de loi C-7.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, selon un ordre du Sénat,nous devons en finir avec les projets de loi C-6, C-7 et C-45 à 12 h 30. En conséquence, si un vote est nécessaire, il pourrait se tenir à 12 h 30, précédé d'un appel du timbre de 15 minutes. Si d'autres votes sont appelés, nous pourrions tout faire en même temps.
Je croyais que c'était ce qui était convenu. Si nous votions maintenant, je n'aurais rien contre cela.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ajouterai une précision. En vertu de l'article 38 du Règlement, tous les votes sur ces projets de loi auront lieu au plus tard au moment convenu. En conséquence, comme nous sommes saisis de la motion, si les deux whips sont d'accord pour que le timbre se fasse entendre pendant cinq minutes, nous pourrions disposer de la question dans cinq minutes.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais faire une suggestion. Comme nous voterons à 10 heures, il y aurait un appel du timbre de cinq minutes avant ce vote, et un appel du timbre de 15 minutes pour le vote de 10 heures. À 10 heures, nous pourrions voter à la fois sur le projet de loi C-7 et sur le projet de loi C-45. Nous pourrions en finir avec ces deux questions.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que l'on vote sur le projet de loi C-7, tel que convenu, à 10 heures aujourd'hui et, tout de suite après, sur le projet de loi C-45?
Honorables sénateurs, un appel du timbre de 15 minutes est nécessaire. Comme il est presque 9 h 45, avec le consentement des sénateurs, je propose une sonnerie pour la tenue d'un vote à 10 heures, d'abord sur toutes les questions concernant le projet de loi C-7, puis sur toutes les questions relatives au projet de loi C-45.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, en ce qui concerne le projet de loi C-7, le vote ne portera pas sur toutes les questions, mais sur un seul des amendements. Nous voterons ensuite sur toutes les questions concernant le projet de loi C-45.
Son Honneur le Président: Je remercie le leader du gouvernement d'avoir apporté cette précision. Le vote portera sur l'amendement proposé au projet de loi C-7, puis sur toutes les questions concernant le projet de loi C-45. Le vote aura lieu à 10 heures.
Comme il est presque 9 h 45 et qu'une sonnerie de 15 minutes est nécessaire, avec votre consentement, je demande que les sénateurs soient maintenant convoqués pour le vote.
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.
(Le débat est suspendu.)
(1000)
PROJET DE LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
TROISIÈME LECTURE—REJET DE LA MOTION D'AMENDEMENT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pearson, appuyée par l'honorable sénateur Bryden, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, tel que modifié,
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, que le projet de loi, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié de nouveau, à l'article 2:
a) à la page 2, par adjonction, avant la ligne 8, de ce qui suit:
«2. (1) La présente loi a notamment pour objet d'harmoniser le droit du Canada avec la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et doit être interprétée de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de cet objet.»;
b) par le changement de la désignation numérique des paragraphes 2(1) à (3) à celle de paragraphes (2) à (4) et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Comeau, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roche, Spivak, Stratton, Tkachuk—23
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Banks, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Finestone, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hubley, Jaffer, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbesten, Sparrow, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—44
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Hervieux-Payette—1
PROJET DE LOI DE CRÉDITS No 3 POUR 2001-2002
TROISIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finnerty, appuyée par l'honorable sénateur Taylor, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-45, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2002.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant voter sur le projet de loi C-45.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Finestone, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Roche, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Sparrow, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—50
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Comeau, Di Nino, LeBreton, Nolin, Oliver, Tkachuk—6
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Doody, Forrestall, Johnson, Keon, Kinsella, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton—16
(1010)
[Français]
PROJET DE LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—REPORT DES VOTES
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pearson, appuyée par l'honorable sénateur Bryden, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, tel que modifié.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je suis persuadé qu'une modification aux paragraphes 76(1)b) et 76(1)c) du projet de loi C-7 est nécessaire.
Advenant l'adoption du projet de loi C-7 sans cet amendement, un jeune contrevenant pourra purger une peine dans un établissement correctionnel provincial pour adultes. Cela porte atteinte au régime de détermination de la peine propre aux adolescents. La Cour suprême a reconnu plusieurs fois la nécessité d'un système de justice distinct pour les adolescents.
Il n'y a pas de doute qu'un des objectifs de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents doit être de protéger la société. Doit-il être le premier? Cela fait passer les besoins de l'adolescent au second plan. L'absence de toute notion d'équilibre entre les besoins de l'adolescent et la protection de la société fait en sorte que le régime de détermination de la peine propre aux adolescents sera de moins en moins distinct de celui des adultes. Or, la Cour suprême a reconnu à maintes reprises la nécessité d'un système de justice distinct pour les adolescents, comme je l'ai dit.
[Traduction]
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je propose donc, appuyé par l'honorable sénateur Bolduc:
Que le projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 76,
a) à la page 79, par substitution, aux lignes 14 à 17, de ce qui suit:
«b) soit dans une aire réservée d'un établissement correctionnel provincial pour adultes, à l'écart de tout adulte qui y est détenu ou sous garde;
c) soit, dans le cas d'une peine de deux ans ou plus, dans une aire réservée d'un pénitencier, à l'écart de tout adulte qui y est détenu ou sous garde.»;
b) à la page 80, par substitution, aux lignes 17 à 21, de ce qui suit:
«b) soit dans une aire réservée d'un établissement correctionnel provincial pour adultes, à l'écart de tout adulte qui y est détenu ou sous garde;
c) soit, dans le cas d'une peine de deux ans ou plus, dans une aire réservée d'un pénitencier, à l'écart de tout adulte qui y est détenu ou sous garde.».
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Conformément à l'ordre adopté, le vote aura lieu à 12 h 30.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puisque, sur le point précédent, il a été convenu de voter avant 12 h 30, je propose que le vote ait lieu maintenant. Je laisse le soin aux whips de décider de la durée du timbre.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai raté l'entente convenue. Le document que j'ai en main mentionne que, conformément à l'ordre adopté le 17 décembre, toutes les questions seront mises aux voix pour disposer du projet de loi à 12 h 30. Je crois maintenant comprendre qu'il fallait lire «au plus tard à 12 h 30».
L'honorable Terry Stratton: Je propose que nous ayons un appel du timbre de 15 minutes dès maintenant.
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, ne pourrions-nous pas modifier le Feuilleton de façon à ce qu'on lise «au plus tard à 12 h 30» plutôt que «à 12 h 30»? Je suis confus.
Son Honneur le Président: Tous, sauf le sénateur LaPierre et moi-même, comprennent clairement que le vote peut avoir lieu à n'importe quel moment.
Par conséquent, une entente a été conclue entre les whips afin que le timbre sonne durant 15 minutes. Le vote se tiendra donc à 10 h 35.
Convoquez les sénateurs.
(1030)
(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Comeau, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roche, Spivak, Stratton—24
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Banks, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hubley, Jaffer, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Sparrow, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—43
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Finestone, Hervieux-Payette—2
(1040)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous reprenons l'étude de la motion principale.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, ceux qui ont observé la tournure du vote de ce matin ont dû remarquer les hésitations profondes des sénateurs du Québec. Peu d'entre eux voteront en faveur du projet de loi, plusieurs voteront contre et d'autres, pour des raisons qui leur appartiennent, ne seront pas présents lors du vote.
J'ai toujours pensé que le Sénat représentait les régions. La thèse selon laquelle, dans une fédération, il faut tenir compte des opinions des uns et des autres a été bien établie et bien défendue. J'ai tenu compte des opinions profondes des sénateurs Watt et Moore lorsque j'ai voté sur les amendements qu'ils avaient proposés. J'ai écouté attentivement leurs appréhensions concernant les Premières nations. C'était très important pour eux. J'ai été très sensible à leurs inquiétudes, je le suis encore et je le serai toujours. C'est la définition d'un bon sénateur de comprendre le rôle du Sénat et d'être à l'écoute et à la défense des minorités, quelles qu'elles soient.
Je dois donc — je ne cesserai de le répéter — regretter le vote que nous tiendrons éventuellement sur le projet de loi C-7. Je le regretterai encore plus que le vote que nous tiendrons plus tard sur le projet de loi C-36, et sur lequel je m'opposerai. Si j'avais à voter pour l'un des deux, je voterais en faveur du projet de loi C-36. Le projet de loi C-7 ne reflète pas du tout les objectifs de la fédération. On peut, à l'intérieur de chacune des régions du Canada, avoir une opinion favorable ou défavorable, mais cela n'implique pas du tout la sensibilité que nous devons éprouver pour nos concitoyens des Premières nations et pour nos amis multiculturels — mot que je déteste. Cela ne devrait avoir aucune influence sur ce que nous représentons dans les régions.
Le projet de loi C-7 ayant été longuement étudié, je me pose de sérieuses questions sur le rôle du Sénat. Les sénateurs canadiens n'ont pas souvent la chance d'examiner en profondeur ce que la Chambre des communes a souvent refusé d'étudier. Un des rôles primordiaux du Sénat est d'être à l'écoute des régions, de prendre des initiatives sur la question des droits de la personne — comme l'a fait le sénateur Finestone — et d'être à l'écoute des sujets les plus sensibles qui animent les Canadiens. Je suis convaincu que ce projet de loi sera critiqué devant les tribunaux. Ce matin, nous avons raté une occasion unique de jouer notre rôle de sénateur, celui d'être à l'écoute des appréhensions, des nuances et des différences. Nous n'avons pas tous les mêmes réactions face à certains problèmes sociaux. J'ai toujours pensé que dans une fédération, on devait avoir la connaissance et la sensibilité de comprendre pour donner le meilleur exemple au reste de l'humanité.
Honorables sénateurs, quelle est l'utilité de se promener partout dans le monde et de célébrer la gloire du Canada, comme je le fais dans divers pays et comme l'a fait le sénateur Finestone à l'Union parlementaire internationale? Partout, on nous demande ce qu'est ce pays où nous réussissons à rassembler des gens avec des intérêts aussi différents. On nous demande comment nous y parvenons. Nous y parvenons grâce à une sensibilité quotidienne. On nous demande ce qui nous anime dans ce pays. Un pays se crée tous les jours. Cependant, il peut se détruire aussi rapidement.
Le projet de loi C-7 nous donne une occasion unique de démontrer la sensibilité des sénateurs et leur compréhension du système fédératif. Pourquoi certains d'entre nous sont-ils fédéralistes alors que bien des sirènes musicales les attireraient ailleurs pour agir sur un plan politique différent de celui de la politique fédérale? C'est parce que nous croyons que pour nos libertés fondamentales, il est préférable d'avoir deux niveaux de gouvernement, le provincial et le fédéral.
Ce respect de la personne humaine et de ses différences est si important à nos yeux pour nous que non seulement nous voulons deux niveaux de gouvernement, nous voulons aussi deux Chambres et ce, pour avoir plus de protection et de sécurité sur le plan fédéral. C'est ma façon d'expliquer le rôle du Sénat aux professeurs et aux étudiants des collèges et des universités lorsque j'y suis invité.
La première question qu'on nous pose est la suivante: que fait le Sénat? Nous leur expliquons alors que nous avons l'occasion de corriger la législation. Nous sommes des gens de réflexion! Nous prenons notre temps et nous n'acceptons pas de nous laisser bousculer par l'institution!
Qu'est-ce qui arrive? La cloche sonne et nous devenons une faible réplique de ce que j'ai connu pendant 30 ans en tant que député, alors que j'ai vu et revu des députés qui avaient des convictions profondes se faire écraser aussitôt que sonnait le timbre les convoquant pour le vote. On nous permettait de nous amuser en donnant notre opinion et soudainement, lorsque le débat était terminé, on passait au vote.
(1050)
Voilà pourquoi je ne présenterai pas d'autres amendements sur le projet de loi C-7, qu'on nous demande d'appuyer. Je voterai contre. Lorsque le projet de loi retournera à la Chambre des communes, j'espère que les députés auront le temps de réfléchir. Qui sait, un remaniement ministériel est peut-être en vue. Tout le monde veut devenir ministre de l'autre côté. Il y aura probablement un nouveau ministre de la Justice qui verra à faire les changements appropriés qui reflèteront la fédération et les vues de toutes les régions dans ce projet de loi plutôt que les vues d'une seule région qui, comme par hasard, est la région d'origine de la ministre.
Le sénateur LaPierre: Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivé au Sénat et que j'ai pris connaissance du projet de loi C-7, je suis allé voir les députés du Québec qui ont étudié, pendant près de 100 heures, le projet de loi. Après avoir étudié, discuté et subi des pressions extraordinaires, ils en sont venus à la conclusion qu'en apportant certains amendements, ils pouvaient en arriver à appuyer ce projet de loi.
Je n'ai pas à mettre mon siège en jeu. Ces gens sont prêts à mettre leur siège en jeu pour adopter un projet de loi qui, selon leur conscience, leur apparaît satisfaire les Québécois et les Canadiens. Ils l'ont fait. Je suis satisfait. Cependant, ce qui me frappe, honorables sénateurs, c'est la mission que nous donne le sénateur Prud'homme de représenter les régions, mais aussi de représenter l'ensemble du bien-être du Canada. Si on voit ces questions par le trou de la serrure de nos régions, ne comprenez-vous pas qu'à un moment donné, cela peut faire un tort immense au Commonwealth et à l'ensemble de la population? Ne serait-il pas possible de penser que les députés mettent leur siège en jeu aux prochaines élection, et qu'ils ont accepté ce droit? Le sénateur Prud'homme n'a pas le droit de leur faire des procès d'intention, parce qu'ils ont voté en connaissance de cause et selon leur conscience. J'accepte leur conscience. Il me semble, honorables sénateurs, que le sénateur Prud'homme, avec son grand coeur, pourrait faire la même chose.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur LaPierre a mal compris mon intervention. Premièrement, la définition du Sénat est d'être, d'abord et avant tout, le représentant de nos régions. C'était l'objet du débat.
Deuxièmement, le sénateur LaPierre dit avoir consulté les députés, et je lui rends grâce de l'avoir fait. Je suis obligé de constater qu'une majorité de députés du Québec de l'autre Chambre ont voté contre ce projet de loi.
Le sénateur LaPierre: C'est le Bloc québécois.
Le sénateur Prud'homme: Soit on accepte la démocratie pour ce qu'elle nous a donné, soit on ne l'accepte pas. Le sénateur LaPierre est en train d'écarter du revers de la main la moitié des députés du Québec qui ne pensent pas comme lui.
Il est vrai que, dans ma grande générosité, lorsque j'ai eu à choisir entre l'intérêt particulier et l'intérêt général lors du débat sur la Loi sur les mesures de guerre, j'ai fait mon devoir malgré le fait que je ne le voulais pas. J'ai contribué à mettre en prison 450 de mes concitoyens du Québec, mais je pensais que c'était pour le bien général du Canada.
Le sénateur LaPierre a raison de dire qu'entre le bien de notre région et le bien de l'ensemble des citoyens, il faut décider. Ce n'est pas seulement la moitié des députés du Québec de l'autre Chambre qui ont voté contre le projet de loi. Je ne veux pas être mesquin ni méchant, mais je constate que le sénateur LaPierre a complètement tort en disant que plus de la moitié des sénateurs du Québec...
Le sénateur LaPierre: Je n'ai pas dit cela!
Le sénateur Prud'homme: Non, mais moi je le dis. Je suis un archiviste épouvantable. Je puis vous dire, honorables sénateurs, qu'il y a une infime minorité des sénateurs du Québec présents ici alors que nous sommes très nombreux ce matin. J'en ai vu sortir de la Chambre. Ils ne sont pas présents en ce moment. J'en ai vu d'autres qui ont eu, je ne peux pas dire le courage, mais qui ont préféré rester assis et voter contre le projet de loi ou s'abstenir. C'est la réponse que j'aimerais donner au sénateur LaPierre. Il n'y a pas de contradiction.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, c'est à regret que je signale au sénateur Prud'homme que son temps de parole est écoulé.
Le sénateur Prud'homme: Ainsi, ma réponse est terminée.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Setlakwe désire-t-il prendre la parole?
[Français]
L'honorable Raymond C. Setlakwe: Honorables sénateurs, les propos que je viens d'entendre m'obligent à prendre la parole pour souligner que j'ai longtemps réfléchi à ce projet de loi. J'en suis venu à la conclusion qu'avec les amendements très appropriés apportés par l'autre Chambre, il existe un principe fondamental que je ne peux pas ignorer. Au pays, en droit pénal, il ne peut pas y avoir deux conceptions de la loi. On ne peut pas avoir un pays qui conçoit le droit criminel d'une façon dans une partie du pays et qui le conçoit d'une autre façon dans sa base fondamentale dans une autre partie du pays. C'est ce qui m'amène à voter avec plaisir en faveur de ce projet de loi.
Une autre question sous-jacente me préoccupe également. J'ai remarqué qu'au Québec, il y a très peu de jeunes Autochtones en prison alors que dans d'autres parties du pays, il y en a beaucoup. C'est peut-être cela plus qu'autre chose qui fait notre différence fondamentale dans notre approche vis-à-vis ce projet de loi.
Je me demande si on ne pourrait pas, de temps à autre, avoir un esprit plus ouvert les uns envers les autres plutôt que de se chicaner continuellement sur des projets de loi qui, dans le fond, tentent d'améliorer la situation des Canadiens.
[Traduction]
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Prud'homme a-t-il une question à poser?
Le sénateur Prud'homme: Oui.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Setlakwe accepte-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Setlakwe: Bien sûr.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'éprouve une extraordinaire admiration pour le sénateur Setlakwe, qui est le senior de mon parti d'adoption, le Parti libéral. Il y était bien avant moi.
Le sénateur Setlakwe, dans la deuxième partie de son allocution, répond exactement à l'intervention que j'ai voulu faire. Comment se fait-il qu'au Québec, le pourcentage de jeunes délinquants autochtones est moindre, et de beaucoup, qu'en Saskatchewan? C'est parce qu'il y a une conception différente de l'administration de cette loi. C'est ce que nous aimerions voir se poursuivre.
J'ai participé à des débats à l'autre endroit sur l'abolition de la peine de mort. J'ai toujours dit que je préférais un droit criminel national plutôt que quelques petits droits criminels régionaux. Je vous prie de croire que l'avortement serait interdit dans huit provinces et que la peine de mort existerait probablement dans sept provinces si ces sujets devaient relever des provinces.
Le sénateur Setlakwe a raison dans la première partie de son allocution, lorsqu'il dit que le droit criminel s'applique intégralement à travers le Canada. C'est dans son interprétation et son administration que nos opinions diffèrent.
(1100)
Vous en avez donné l'exemple le plus vibrant qui a permis aux amendements du sénateur Watt d'être adoptés à 41 contre 40, sans aucune abstention. Nous avons une sensibilité particulière vis-à-vis certains groupes. Le Québec n'a aucune leçon à donner ni à recevoir sur cette question.
[Traduction]
Le sénateur Setlakwe: Honorables sénateurs, voici les situations que j'essaie de décrire. Les Autochtones qui sont incarcérés ailleurs au Canada ne vivent pas nécessairement dans les réserves. Or, au Québec, la plupart d'entre eux vivent dans les réserves. Toutefois, lorsqu'ils quitteront la réserve, les mêmes problèmes se poseront au Québec qu'ailleurs au pays. C'est pour cette raison que nous pourrions à ce moment-là faire preuve d'une plus grande indulgence que maintenant, tant au Québec que dans les autres parties du Canada.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Setlakwe lorsqu'il dit qu'on ne devrait avoir qu'un seul système de droit pénal au Canada. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a longuement discuté de l'amendement du sénateur Grafstein. Cet amendement visait à éliminer une disposition du projet de loi C-7 qui permet à une province de modifier l'âge de l'application de la loi. L'argument du sénateur Grafstein était le suivant: au Canada, la loi devrait s'appliquer de façon générale pour tout le monde. Je vous cite l'article 61:
Le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province peut, par décret, fixer un âge de plus de quatorze ans mais d'au plus seize ans pour l'application des dispositions de la présente loi relatives aux infractions désignées.
Les infractions désignées sont les plus graves. C'est pour cette raison que le sénateur Grafstein a déposé son amendement. Il entendait niveler l'application de la loi. Cela nous est apparu valable. Le comité a donc accepté son amendement, mais la Chambre l'a rejeté. Est-ce que l'honorable sénateur était d'accord avec un des amendements du rapport visant à éliminer cet article que je viens de lire?
Le sénateur Setlakwe: Non, tout simplement parce que les amendements adoptés à l'autre endroit répondent aux exigences et aux besoins des parties du pays qui les réclament. Ces modalités ajoutent une souplesse à la loi. Cela permet à des provinces d'appliquer la loi, selon leur bon entendement, dans un cadre juridique qui s'applique à l'ensemble du pays.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, un jeune Gatinois de 14 ans, selon un décret québécois, ne relèverait pas de la loi fédérale alors que, de l'autre côté du pont, un jeune d'Ottawa, en vertu d'un décret ontarien, serait sous l'emprise de cette même loi fédérale. Comment expliquer cette anomalie? C'est ce que le sénateur Grafstein tentait de corriger.
Le sénateur Setlakwe: C'est une discrétion accordée aux tribunaux, c'est tout.
L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, puisqu'il semble que nous en sommes arrivés au test de la légitimité régionale, en tant que sénateur du Québec, je voulais simplement signaler à la Chambre que j'ai participé aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a fait une étude approfondie de ce projet de loi. Je n'ai pas pu assister à toutes les séances du comité à cause des travaux du Comité spécial sur le projet de loi antiterroriste. J'ai lu les comptes rendus de ce qui avait été dit. Plus important, sans doute, j'ai lu et relu le projet de loi.
[Traduction]
C'est un projet de loi très difficile à lire. Il aurait pu être beaucoup mieux écrit. Toutefois, je suis maintenant persuadée, après m'être penchée sérieusement sur ce projet de loi pendant des mois et des mois, qu'il s'agit là d'un bon projet de loi, et plus important encore, qu'il est meilleur à bien des égards que la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne vous donnerai qu'un seul exemple.
La Loi sur les jeunes contrevenants permet de juger un enfant devant un tribunal pour adultes, ce que la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ne permettra pas de faire.
Pour ce qui est du système québécois, il est clair que le gouvernement du Canada croit en la philosophie générale adoptée par les gouvernements successifs du Québec qui tend à aider les jeunes sans avoir recours à l'emprisonnement, d'une façon qui permet d'aider les jeunes à remettre leur vie sur les rails.
Dans ce domaine comme dans bien d'autres, nous devons nous rappeler que nous vivons dans une fédération et qu'il existe des différences entre les différentes régions de la fédération. Je n'avais pas réellement compris, avant d'avoir l'honneur de participer aux travaux de ce comité, les écarts qu'il y a entre les diverses régions à ce sujet. Le gouvernement du Canada peut bien adopter ce projet de loi, mais ce sont les provinces qui sont chargées d'administrer la justice. Il est vrai que certaines provinces ne partagent pas la philosophie du gouvernement du Québec, que je partage entièrement, et il a été précisé très clairement que c'était également le point de vue du gouvernement du Canada. On doit rédiger une loi qui poussera ces provinces au maximum, sans pour autant mener à un état de chaos et de rébellion. C'est à mon avis ce que le présent projet de loi peut faire.
Ce projet de loi n'est pas parfait. Bien sûr qu'il ne l'est pas. Comme on le dit si souvent, aucun effort humain n'est parfait, mais pour ce qui est de ce projet de loi, je suis d'avis qu'il est bon. Je crois que le gouvernement du Québec pourra continuer dans la même voie. S'il y a des changements, ce ne sera que pour pousser un peu plus dans l'admirable voie que le Québec a déjà adoptée. À titre de Québécoise, je serai très heureuse d'appuyer ce projet de loi.
L'honorables A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je vous rappelle ce que le sénateur Wilson nous a dit au sujet du comité et de son rapport. Après avoir assez longuement étudié le projet de loi, après en avoir dialogué et débattu, enfin, après s'être concerté dans la meilleure tradition parlementaire, le comité a décidé que 13 amendements étaient nécessaires pour qu'il soit acceptable. La majorité des membres du comité étaient de cet avis. Dans une démocratie, c'est généralement la majorité qui l'emporte. Cependant, c'est l'avis de la minorité qui a été retenu.
Les honorables sénateurs ont décidé d'aller contre la décision du comité. Je ne vois donc pas comment je puis appuyer ce projet de loi. La ministre a dit que le seul amendement qui a été adopté était une demi-mesure. Peut-être a-t-elle raison, peut-être que l'amendement que nous avons adopté en ce qui concerne les Autochtones n'est pas suffisant. Nous le savions en comité, mais nous nous sommes dit que ce serait l'un de 12 amendements qui permettrait à cette mesure législative d'être efficace. Si la Chambre ne veut pas tenir compte des souhaits de la majorité des membres du comité, le projet de loi ne sera pas acceptable.
J'ai dit hier, citant les propos du professeur Waller, que nous avions besoin d'une stratégie de prévention de la criminalité. Selon le professeur Doobs, aucun système de justice ne permet de prévenir la criminalité. Nous avons besoin d'une stratégie de mise en oeuvre efficace. C'est ce dont parlait le sénateur Fraser. Si les provinces refusent de partager les ressources ou n'ont pas la volonté collective nécessaire pour mettre cette loi en oeuvre, les enfants qui auront affaire au système de justice seront encore plus défavorisés qu'ils ne le sont à présent en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants.
(1110)
Kim Pate, qui représente la Société Elizabeth Fry, travaille avec les jeunes au quotidien. Elle a clairement cerné la question lorsqu'elle a dit que, si le gouvernement fédéral et les provinces n'arrivent pas à s'entendre — et je signale que, dans le cas qui nous occupe, les provinces s'en vont dans différentes directions —, le projet de loi ne donnera pas les résultats escomptés.
Je trouve curieux que le droit pénal soit ce que la collectivité estime être les exigences minimales à respecter. Si une province va dans une direction et que d'autres provinces optent pour une tout autre approche, comment peut-on dire que l'on exprime la volonté collective? Cette initiative sera certainement vouée à l'échec, si nous ne réussissons pas à arriver à un certain consensus. J'entends par là la mise à disposition de ressources financières. Si nous négligeons de prévoir des fonds aux fins de ce projet de loi, son application sera vouée à l'échec. Les sommes consacrées à l'heure actuelle sont insuffisantes. Ce sont des demi-mesures.
La Loi sur les jeunes contrevenants aurait pu nous permettre d'atteindre l'objectif visé et elle renfermait certaines dispositions intéressantes. Ce que l'on reproche aujourd'hui à cette loi, ce sont les modifications que l'on y a apportées sous le prétexte de régler les problèmes observés dans le cadre du système de justice pénale pour les jeunes.
Par conséquent, l'une des 13 recommandations, que j'estime absolument indispensable et que nous avons expliquée au comité, concerne la mise en place d'un processus d'examen. Nous devons nous assurer que les provinces prennent au sérieux le système de justice pénale pour les jeunes et qu'elles y consacrent les ressources nécessaires. Nous devons également veiller à ce que le gouvernement fédéral y aille de sa propre contribution financière. Nous devons nous assurer que les enfants ne soient plus les victimes d'une bureaucratie, mais plutôt qu'ils profitent des ressources nécessaires.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Par conséquent, je propose:
Que le projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié,
a) à la page 150, par adjonction, immédiatement après la ligne 41, de ce qui suit:
«Examen de la loi
158.(1) Trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi et à la fin de chaque période subséquente de cinq ans, le ministre de la Justice procède à un examen complet de l'application de la présente loi et fait déposer devant les deux Chambres du Parlement un rapport assorti de ses recommandations, s'il y a lieu, quant aux modifications qu'il juge utile d'apporter à celle-ci.
(2) Le ministre est tenu de consulter, aux fins du rapport visé au paragraphe (1), le procureur général de chaque province, les personnes, les groupes ou catégories de personnes ou les organismes nommés ou désignés sous le régime de la présente loi ou d'une loi provinciale, ainsi que les représentants des peuples autochtones du Canada.
159. (1) Dès que le rapport du ministre de la Justice a été déposé devant les deux Chambres du Parlement, un examen complet du rapport et des dispositions et de l'application de la présente loi est entrepris par les comités, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, que le Parlement désigne ou constitue pour déterminer si les objectifs de la présente loi sont réalisés dans les diverses provinces du Canada.
(2) Dans les six mois suivant la fin de l'examen visé au paragraphe (1) ou dans le délai supérieur que le Parlement autorise, le comité présente à celui-ci un rapport de l'examen assorti, s'il y a lieu, des modifications qu'il recommande d'apporter.»;
b) Par le changement de la désignation numérique des articles 158 à 200 à celle d'articles 160 à 202 et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
Honorables sénateurs, nous devons nous convaincre nous-mêmes et convaincre les provinces et le gouvernement fédéral qu'il n'y a rien de plus important qu'un enfant, que nous mettrons en place une stratégie en matière de prévention du crime chez les jeunes et qu'elle sera efficace.
Son Honneur le Président: Avant que l'honorable sénateur Andreychuk ne poursuive, je dois vous poser la question suivante, honorables sénateurs: Vous plaît-il d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Andreychuk veut-elle poursuivre?
Le sénateur Andreychuk: J'ai fait mes derniers commentaires, et je suis certaine qu'ils ont été consignés.
Je veux simplement que les sénateurs comprennent qu'il est extrêmement important de prendre les jeunes au sérieux et de nous assurer que nous ne partirons pas aujourd'hui, comme nous l'avons fait en 1995, année où la Loi sur les jeunes contrevenants est entrée en vigueur, en pensant que nous aidons les enfants alors qu'il n'en est rien. Je pense qu'un tel examen fait appel à notre conscience et à notre sens des responsabilités.
L'honorable Marcel Prud'homme: Madame le sénateur accepterait-elle une question?
Son Honneur le Président: Le sénateur Andreychuk accepterait-elle une question?
Le sénateur Andreychuk: Oui.
Le sénateur Prud'homme: L'amendement de l'honorable sénateur n'est-il pas le même que celui qu'a présenté le sénateur Joyal au comité?
Le sénateur Andreychuk: Oui, en effet, et j'étais tout à fait en faveur de cet amendement.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, conformément à l'article 38 du Règlement, je suggère que nous regroupions les votes sur les amendements et sur le projet de loi et que ces votes aient lieu à 12 h 30, si cela vous convient.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, il est certain que je pensais que nous allions agir de cette façon. Par contre, est-ce que je comprends bien que sur le projet de loi, nous venons d'entendre le dernier amendement?
Il y a un autre amendement, donc nous aurons deux amendements et la troisième lecture du projet de loi.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il s'agit d'une pratique que nous acceptons souvent. Il faut toutefois le consentement. Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: L'amendement du sénateur Andreychuk sera traité à 12 h 30, conformément à l'ordre adopté hier ainsi qu'aux suggestions faites des deux côtés.
Nous reprenons le débat sur le projet de loi C-7 modifié.
(1120)
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le discours du sénateur Setlakwe m'incite à réintroduire un amendement que le comité avait accepté. Il s'agit de l'amendement du sénateur Grafstein qui vise à retirer du projet de loi l'article 61, que je vais vous lire une deuxième fois:
Le lieutenant-gouverneur en conseil d'une province peut, par décret, fixer un âge de plus de quatorze ans, mais d'au plus seize ans pour l'application des dispositions de la présente loi relative aux infractions désignées.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Andreychuk:
Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié de nouveau:
a) à l'article 61, à la page 68, par la suppression des lignes 24 à 29;
b) aux pages 68 à 169, par le changement de la désignation numérique des articles 62 à 200 à celle d'articles 61 à 199 et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
L'honorable Consiglio Di Nino: Le sénateur Nolin accepterait-il de me fournir une clarification?
Le sénateur Nolin: Oui.
Le sénateur Di Nino: Cet amendement a-t-il été présenté au comité?
Le sénateur Nolin: Oui, il l'a été.
Le sénateur Di Nino: Y a-t-il eu un vote au comité? Si oui, l'amendement a-t-il été rejeté ou adopté?
Le sénateur Nolin: Le sénateur Grafstein a proposé l'amendement, qui a été débattu au comité. Il a été agréé par la grande majorité des membres du comité. Il n'a pas été adopté à l'unanimité. Ce n'était pas étonnant, puisque le sénateur Grafstein avait annoncé son amendement plusieurs semaines avant la dernière séance du comité chargé de l'étude article par article du projet de loi. Son argument était très simple. Le Code criminel, qui fait autorité et sur lequel repose le pouvoir du Parlement en matière pénale, sous-tend le projet de loi C-7. Étant donné qu'il s'agit d'une compétence exclusive du Parlement, les provinces ne devraient pas avoir le droit de modifier la manière dont la loi fédérale est appliquée dans les provinces. C'était l'argument du sénateur Grafstein.
Le sénateur Di Nino: L'honorable sénateur Nolin a mentionné plus tôt que l'amendement avait été proposé au comité et qu'il avait été adopté. Est-que le rapport du comité renferme l'amendement?
Le sénateur Nolin: Oui, le rapport comprend l'amendement.
Le sénateur Di Nino: Il figure dans le rapport du comité.
Le sénateur Nolin: Il figure dans le rapport, au point no six des amendements.
[Français]
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je voudrais, pour ceux qui liront les Débats du Sénat plus tard, qu'ils puissent bien comprendre le déroulement de ce qui est arrivé aujourd'hui. Madame le sénateur Andreychuk a eu la gentillesse de me répondre clairement que l'amendement qu'elle a présenté n'était effectivement pas son amendement; c'est un amendement qui avait été rédigé. C'est son amendement, évidemment, mais on peut dire que c'était un amendement Joyal-Andreychuk. Maintenant, le sénateur Nolin, qui a travaillé pendant quatre mois — je le sais parce que je connais le personnel qui a travaillé pour lui sur ce projet de loi — croyait dans sa grande naïveté qu'il pourrait peut-être le bonifier. Il fait face à la réalité aujourd'hui. Il se rend compte que tout le travail que l'on peut faire est presque inutile lorsque la décision finale est prise par les autorités gouvernementales. Je voudrais qu'il nous assure, de même que le sénateur Andreychuk, qui nous a confirmé que c'était un amendement Joyal-Andreychuk, que c'est bien un amendement Grafstein-Nolin que vous partagez?
Le sénateur Nolin: C'est exactement cela.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les honorables sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Il y aura vote par appel nominal à 12 h 30, tel que convenu en cette Chambre.
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'appelle maintenant le point no 4 au Feuilleton, la reprise du débat en troisième lecture du projet de loi C-6.
LA LOI DU TRAITÉ DES EAUX LIMITROPHES INTERNATIONALES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—REPORT DU VOTE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales,
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Oliver: Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1 de la page 5, par l'adjonction, après la ligne 13, de ce qui suit:
«(3) Le gouverneur en conseil ne peut prendre un règlement aux termes du paragraphe (1) que si le ministre a fait déposer le projet de règlement le même jour dans les deux Chambres du Parlement et que, selon le cas:
a) chaque Chambre a adopté une résolution autorisant la prise du règlement;
b) aucune des deux Chambres n'a adopté dans les 30 jours de séance suivant le dépôt, une résolution s'opposant à la prise du règlement.
(4) Pour l'application de l'alinéa (3)b), «jour de séance» s'entend d'un jour où l'une ou l'autre Chambre siège.—(Conformément à l'ordre adopté le 17 décembre 2001, tous les votes pour mettre fin à l'étude du projet de loi auront lieu à 12 h 30.)
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du projet de loi C-6, à l'appui de l'amendement proposé par le sénateur Murray. L'honorable sénateur a parlé avec éloquence du dossier et de la nécessité de cet amendement.
(1130)
À l'étape du comité, pratiquement tous les témoins ont fait ressortir le besoin de modifier cette mesure législative, et le sénateur Murray a mentionné en particulier un témoin très respecté pour ses compétences en matière de rédaction législative, qui enseigne maintenant à l'Université d'Ottawa. L'article 13 interdit le captage d'eau. Pourtant, le paragraphe 13(4) prévoit que le paragraphe (1) ne s'applique pas dans les cas d'exception prévus par règlement.
Je tiens à réitérer ce que j'ai dit en comité à l'appui de l'amendement proposé par le sénateur Murray: nous sommes d'avis que les règlements ne sont plus des formalités. La plupart des projets de loi sont «éviscérés», si j'ose dire. L'essentiel de ce qui était autrefois la prérogative du Parlement en matière de législation se trouve maintenant dans les règlements.
Il y a lieu de s'inquiéter lorsque l'enjeu est aussi fragile que l'interdiction d'exporter de grandes quantités d'eau, comme c'est le cas dans ce projet de loi. Le ministre Manley a indiqué qu'il n'envisageait pas l'exportation d'eau en vrac. Je veux bien. M. Manley a la réputation d'être un homme de parole. Je crois qu'il respectera l'intention de ce projet de loi. Ce n'est donc pas une question de confiance ou de manque de confiance. Le fait est que le gouvernement prend beaucoup trop de place par le truchement de la réglementation. Nous ne savons pas pendant combien de temps ce projet de loi existera, de sorte que dans l'avenir n'importe quel gouvernement aura carte blanche pour faire comme il l'entend au chapitre de l'exportation de grandes quantités d'eau.
Je n'ai rien à redire contre l'administration actuelle du ministre Manley, et je reconnais que ce n'est pas là son intention. Cependant, nous ignorons ce que les gouvernements à venir penseront et feront. Auront-ils le même point de vue? Envisageront-ils l'environnement de la même manière?
Honorables sénateurs, nous devons mettre un terme à cette érosion du contrôle parlementaire qui se produit lorsqu'on s'en remet aux règlements pour presque tout. Il est temps que nous récupérions la responsabilité d'appliquer les lois. Les règlements ne doivent porter que sur des questions techniques. Nous ne devons pas céder à l'argument voulant qu'il soit toujours plus efficace de recourir à la réglementation. Il ne faut pas confondre la commodité avec l'efficacité et une procédure parlementaire correcte.
J'appuie l'amendement du sénateur Murray. L'eau finira par avoir une importance comparable à celle qu'a eue le pétrole dans la dernière décennie. Nous allons maintenant entendre le point de vue d'une personne beaucoup plus avertie dans ce domaine.
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, au cours des audiences du comité sur le projet de loi, j'ai écouté attentivement le témoignage du ministre, de ses collaborateurs et d'autres personnes. J'interviens pour donner mon appui à l'amendement du sénateur Murray, mais d'autres amendements ont également été proposés. Je tiens aussi à faire quelques observations générales sur le processus et le projet de loi. Le ministre a déclaré au comité:
En adoptant le projet de loi C-6, le Parlement imposera légalement une prohibition non équivoque du captage d'eau à grande échelle [...] Elle concrétise une approche globale, écologiquement saine, respectueuse des compétences constitutionnelles et conforme aux obligations commerciales internationales du Canada.
Comme le sénateur Andreychuk, je ne doute pas de la parole du ministre. Il est vraiment convaincu de ce qu'il dit. Cependant, au comité, les témoins ont dit le contraire à tous points de vue. Le projet de loi est ambigu et n'est pas complet. Il ne traite pas directement des effets environnementaux de l'exportation d'eau en vrac. En fait, les mots «environnement» et «écologie» ne se trouvent même pas dans ce texte législatif. Son assise constitutionnelle est mal assurée et il est clair que c'est un effort en vue de contourner nos obligations commerciales internationales au lieu d'y faire face. C'est ce qu'ont dit tous les témoins, sauf le ministre et son personnel.
On pourrait soutenir que tous les témoins avaient été convoqués à la demande de mes collègues au comité. C'est exact. Pourquoi aucun expert de l'extérieur n'a-t-il été convoqué pour témoigner en faveur du projet de loi, comme cela aurait pu être le cas?
L'objectif de ce projet de loi fait partie d'une approche à trois volets visant à protéger les bassins hydrographiques contre l'exportation d'eau en vrac. En ce qui concerne les deux autres volets, le gouvernement se fie aux études de la Commission mixte internationale et à l'éternelle bonne volonté des provinces. Même à l'heure actuelle, cette bonne volonté n'est pas certaine. Une province veut obtenir des redevances pour l'exportation d'eau lorsque les exportations deviendront plus rentables. Une autre attend patiemment pour voir comment les choses évolueront. Les autres gouvernements provinciaux vont-ils renverser leurs politiques actuelles? Il serait naïf de croire qu'aucune province ne voudra exporter de l'eau lorsque l'eau deviendra une marchandise rentable. Ce sera le pétrole du XXIe siècle.
En ce qui concerne les eaux transfrontalières, que contrôle clairement le gouvernement fédéral, ce projet de loi ne traite pas des zones riveraines. Il n'indique pas à quels bassins les dispositions s'appliqueront. C'est le ministre qui décidera. Le projet de règlement énumère trois bassins: les Grands Lacs, la baie d'Hudson et la rivière Saint-Jean.
Un témoin a suggéré que rien à l'ouest du Manitoba ne serait protégé. Qui plus est, la protection assurée aujourd'hui par le présent gouvernement par l'intermédiaire du règlement peut être éliminée l'an prochain par ce même gouvernement où à n'importe quel moment par tout gouvernement futur sans en référer au Parlement. Les amendements règlent ce problème.
Le ministre prétend que ce projet de loi est respectueux de l'environnement. Ses fonctionnaires parlent de la nécessité pour le projet de loi de protéger nos ressources en eau douce dans leur état naturel. Ils parlent de l'approche environnementale du gouvernement en ce qui concerne l'interdiction des exportations d'eau. Or, ce projet de loi n'est en rien une mesure législative environnementale. Comme l'ont fait remarquer de nombreux témoins, le projet de loi ne contient aucune référence à l'environnement, aucune.
Dans le projet de règlement, nous ne trouvons aucune référence à l'environnement dans les définitions et aucune référence à l'environnement dans le contexte du captage d'eau, c'est-à-dire de l'exportation massive. Le seul moment où il est question de l'environnement est dans le contexte de l'obtention d'une licence, licence qui pourrait concerner l'exportation d'eau si le ministre en décide ainsi et si la Commission mixte internationale est d'accord. Si le ministre prend la décision d'octroyer une telle licence, le projet doit être «compatible avec la gestion des ressources, de l'environnement et de l'économie du Canada». Je suggère très respectueusement que la gestion de l'environnement est quelque chose de très différent de la protection de l'environnement.
M. Nigel Bankes, professeur de droit à l'Université de Calgary et spécialiste de la Commission mixte internationale et du traité relatif aux eaux limitrophes, a parlé des failles du projet de loi du point de vue de l'environnement et de la Constitution. Il a dit que, sous sa forme actuelle, le projet de loi ne protégeait pas l'environnement et ne reposait pas sur un fondement constitutionnel solide. Il empiète sur l'autorité constitutionnelle des provinces en ce qui concerne l'eau en tant que ressource naturelle. Au lieu de nous donner un projet de loi qui protégerait l'environnement ou même un projet de loi commercial qui serait constitutionnellement valide, le gouvernement a fondé sa politique sur le Traité relatif aux eaux limitrophes de 1909 et sur la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales, qui ne parlent ni l'un ni l'autre de l'environnement.
Comme l'a fait remarquer le président en comité, il y est question du niveau ou du débit naturels des eaux limitrophes. En 1909, ces mots n'avaient rien à voir avec la protection de l'environnement. Ils étaient là pour protéger la navigation et le transport maritime. On retrouve ces mêmes mots dans le projet de loi C-6.
Le problème sur le plan constitutionnel vient de l'article 13, qui porte sur la prohibition, et qui va au-delà du traité. Le traité n'interdit pas les projets qui modifieraient le niveau ou le débit naturel des eaux limitrophes. L'article III du traité crée plutôt un régime réglementaire qui exige l'approbation du gouvernement et de la CMI pour tout nouveau projet modifiant le niveau ou le débit de l'eau. Des dizaines de projets de ce genre ont été approuvés.
Le paragraphe 13(2) du projet de loi, interdit l'exportation massive d'eau, non seulement si elle modifie le niveau ou le débit naturel de l'eau, mais également si elle est «réputée» avoir cet effet. Autrement dit, il n'est pas nécessaire de fournir des preuves scientifiques ou concrètes. Si le gouvernement le dit, c'est que c'est vrai.
(1140)
Ces reconductions du traité privent le gouvernement de son droit de se prévaloir de l'article 132 de la Loi constitutionnelle. Cet article confère au Parlement le pouvoir d'adopter des lois de mise en oeuvre d'un traité international. Le projet de loi C-6 ne fait pas que mettre en oeuvre un traité; il apporte du nouveau.
En outre, la disposition de présomption, qui dit que la réalité ne compte pas, peut être intéressante du point de vue administratif. Les gouvernements peuvent faire passer ce qui est noir pour mauve à des fins administratives, mais les tribunaux disent qu'ils ne peuvent pas le faire pour des motifs constitutionnels.
À titre d'exemple, le professeur Bankes cite l'arrêt Sutherland concernant l'Accord de transfert des ressources naturelles. D'éminents membres du comité ont contesté sa position. Toutefois, le conseiller juridique du gouvernement n'a pas réagi à la préoccupation principale, notamment en ce qui concerne la disposition de présomption.
Si le gouvernement ne peut invoquer l'article 132 de la Loi constitutionnelle, sur quoi pourra-t-il se fonder pour résister à une contestation constitutionnelle? Un sénateur a proposé que le gouvernement exerce son pouvoir en droit pénal. Le projet de loi C-6 prévoit de lourdes peines d'emprisonnement et de fortes amendes, de sorte qu'il n'y a pas de problème constitutionnel. L'éminent sénateur a soutenu que le ministère avait fait ressortir très éloquemment la pertinence du droit pénal relativement au traité. En guise de réponse, le professeur Bankes s'est reporté à un arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Hydro-Québec, qui a élargi la notion de droit pénal.
Nous devons examiner attentivement cet important arrêt. D'abord, il reconnaît que la Constitution confère au Parlement des pouvoirs étendus pour légiférer en matière pénale. Cependant, prévoir une lourde peine ou une forte amende dans un projet de loi ne le rend pas nécessairement conforme à la Constitution. Outre la Charte, il y a une autre qualité qui est rattachée au plein pouvoir du Parlement en matière pénale.
Citant le juge Estey, le juge La Forest a écrit que «... la seule réserve dont a été assorti le plein pouvoir du Parlement en matière de droit criminel est qu'il ne peut pas être utilisé de façon déguisée [...] il ne peut pas permettre au Parlement, simplement en légiférant de la manière appropriée, d'empiéter spécieusement sur des domaines de compétence législative provinciale exclusive.»
Si l'eau dans son état naturel relève des provinces, comment le Parlement peut-il légiférer sur le plan pénal? Comment détermine-t-on que le Parlement agit de façon déguisée?
Le juge La Forest s'est fondé sur une décision du juge Rand dans laquelle ce dernier dit ce qui suit:
A-t-on légiféré sur l'interdiction [...] en visant l'intérêt public de manière à ce qu'on puisse dire que cela est lié au droit pénal? La paix, l'ordre, la santé et la moralité publics: ce sont-là les fins habituelles, mais non exclusives, que sert le droit.
Dans sa décision majoritaire sur la contestation de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement par Hydro-Québec, le juge La Forest a établi que la protection d'un environnement sain était également une raison d'intérêt public légitime.
Partout dans ce projet de loi, le gouvernement laisse entendre qu'il y a un but environnemental. Pourtant, selon la façon dont le projet de loi est rédigé, le gouvernement le lie uniquement à un traité historique visant à promouvoir la navigation commerciale. On pourrait peut-être soutenir que la navigation commerciale est une question d'intérêt public, et la navigation relève certainement du gouvernement aux termes de la Constitution. Toutefois, si un projet d'exportation d'eau est jugé comme pouvant nuire à l'un ou l'autre, mais qu'on arrive en fait à démontrer qu'il ne nuira à ni un ni l'autre, la loi pourra-t-elle résister à une contestation?
Honorables sénateurs, un amendement voulant que le mot «environnement» soit utilisé dans l'une des dispositions et que cela s'applique expressément à ce projet de loi a été présenté au comité. L'amendement a été rejeté par le comité et il a été rejeté ici aussi.
Le professeur Bankes a proposé une solution. Il a proposé qu'on modifie le projet de loi pour donner au ministre le pouvoir de rejeter des projets qui menaceraient l'intégrité de l'écosystème du bassin hydrographique. Autrement dit, il voudrait clairement donner au projet de loi un caractère environnemental. Comme je l'ai dit, un amendement dont le but était semblable, mais dont le libellé était quelque peu différent, a été présenté au comité de même qu'au Sénat. Il a été rejeté, ainsi que tous les amendements visant à établir l'intention ferme du Parlement d'empêcher les exportations d'eau en grandes quantités.
Dans l'opinion dissidente du juge Lamer dans l'affaire Hydro-Québec, il y a une autre mise en garde dont nous ne devrions pas faire fi. Parlant de l'utilisation de pouvoirs relevant du droit pénal, le juge Lamer a écrit ceci: «Ce serait un crime singulier dont la définition a été laissée à l'entière discrétion du pouvoir exécutif.» Pourtant, c'est exactement ce que nous avons dans le projet de loi C-6, avec son recours extraordinaire à la réglementation pour déterminer ce qui constitue des exportations en grandes quantités, les cas où la loi s'applique et les exceptions permissibles.
Le projet de loi C-6 est-il solide sur les plans environnemental et constitutionnel? On a de bonnes raisons de penser que ce n'est pas le cas. Et comme si nous avions besoin d'autres preuves, les fonctionnaires n'ont pas encore décidé si la Loi sur les traités des eaux limitrophes sous sa forme modifiée sera assujettie à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Pour l'instant, elle ne l'est pas.
Avec ce projet de loi, honorables sénateurs, nous donnons au ministre le pouvoir d'autoriser des projets, y compris ceux où des exceptions sont accordées relativement à des exportations d'eau, sans qu'une évaluation environnementale ne soit nécessaire.
Ce projet de loi est-il conforme aux obligations commerciales du Canada? Des experts dans le domaine qui ont témoigné devant le comité ont dit très clairement que, en évitant toute mention des exportations d'eau, nous n'échappons pas à nos obligations commerciales. En fait, ils ont laissé entendre qu'un projet de loi imposant une interdiction formelle à l'égard des exportations d'eau serait préférable.
Honorables sénateurs, gardant le meilleur pour la fin, ce projet de loi est-il une façon ambiguë d'interdire les prélèvements massifs d'eau? Il est ambigu à l'extrême. Il réserve au ministre et à ses conseillers politiques et ministériels le soin de prendre pratiquement toutes les décisions importantes en ce qui concerne les exportations d'eau. Il se tait sur tout, depuis la définition de prélèvement massif aux types d'exemptions qui peuvent être accordées. Le Parlement n'a rien à dire. Il n'a pas la possibilité de dire quoi que ce soit au cours des années à venir.
Les fonctionnaires ont fait valoir au comité qu'ils avaient besoin de ces pouvoirs pour faire face aux nouvelles circonstances au fur et à mesure. L'effet, toutefois, est qu'il n'est plus nécessaire de consulter le Parlement pour changer de cap ou prendre des décisions au sujet de l'eau douce du Canada. L'idée qu'un ministre et ses conseillers aient une telle liberté d'action est contraire à l'idée de la démocratie parlementaire. Cela fait partie, comme l'a fait remarquer le sénateur Raynell Andreychuk en comité, d'une tendance croissante et dangereuse à écarter les parlementaires du processus d'adoption des lois. Rien qu'au cours de cette session, nous avons assisté à un recours extraordinaire aux pouvoirs réglementaires. Nous le voyons dans le cas de ce projet de loi, comme nous l'avons vu dans celui du projet de loi C-5 sur les espèces en péril, du projet de loi C-11 sur l'immigration et la protection des réfugiés, et des deux projets de loi antiterroristes, le projet de loi C-36 et le projet de loi C-42.
Honorables sénateurs, c'est choquant pour les Canadiens, qui croient qu'il est important de voter pour les députés afin qu'ils les représentent et d'écrire aux sénateurs dans l'espoir qu'ils modifieront les mauvaises lois adoptées à la hâte par la Chambre des communes. Le projet de loi C-6 est certainement une de ces lois, car elle témoigne d'un effort en vue de faire du Parlement une institution encore plus superflue.
En approuvant ce projet de loi, honorables sénateurs, nous agissons à l'encontre de nos intérêts et des intérêts de nos successeurs dans cette Chambre et à la Chambre des communes. Sommes-nous ici pour siéger à des comités, pour écouter des experts érudits, puis pour nous croiser les bras, sans même envisager le moindre amendement? Si nous sommes ici pour permettre que le principe du projet de loi, qui devrait se trouver dans le projet de loi, se trouve simplement dans un règlement, alors pourquoi sommes-nous ici?
Au sujet d'une autre question, M. Radwanski a déclaré au comité que, si les principes d'un projet de loi sont insérés dans le règlement et non dans le projet de loi, nous ne devrions pas adopter le projet de loi. Il faisait référence aux droits de la personne, mais j'estime qu'il s'agit là d'une observation exacte qui s'applique à tous les projets de loi. Je dirais en outre que nous devons trouver une solution à ce problème. J'espère que nous trouverons une solution à la tendance de tout insérer dans le règlement et non dans le projet de loi. J'appuie le sénateur Murray et son amendement.
L'honorable Nicholas W. Taylor: J'ai une question à poser, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président: Je suis désolé, honorables sénateurs, mais le greffier adjoint m'a informé que le temps accordé au sénateur Spivak pour son intervention et pour les questions et les observations est écoulé.
Le sénateur Corbin: Madame le sénateur Spivak demande-t-elle une prolongation pour que des questions puissent lui être posées?
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Spivak demande-t-elle la permission de continuer?
Le sénateur Spivak: Je demande la permission de continuer.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, dans la mesure du possible, nous tentons de limiter les interventions à 15 minutes. Cependant, je consens à ce qu'on pose une question et que le sénateur Spivak y réponde.
Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, par souci de brièveté, je tâcherai de poser une question concise.
J'ai peut-être mal compris l'argument de madame le sénateur lorsqu'elle a dit que les eaux dans leur état naturel étaient du ressort des provinces. Lorsque nous parlons d'eaux limitrophes, le terme signifie justement que les eaux sont transfrontalières. Le gouvernement fédéral n'a-t-il pas entièrement voix au chapitre en ce qui concerne les produits transfrontaliers, même les produits de compétence provinciale comme le pétrole ou le gaz? Si les eaux sont transfrontalières, le gouvernement fédéral doit avoir son mot à dire.
L'honorable sénateur Spivak a déclaré que l'eau, en son état naturel, est du ressort des provinces, ce qui est vrai lorsque l'eau est effectivement à son état naturel. Il est cependant question d'exporter de grandes quantités d'eau. Comment se fait-il que le gouvernement fédéral soit tenu à l'écart?
Le sénateur Spivak: Je ne sais trop comment répondre à cette question. Dans cette politique à trois volets, les provinces se sont entendues pour ne pas exporter de l'eau en quantités massives. Le gouvernement du Canada a toutefois pleine souveraineté sur les eaux navigables et sur les échanges commerciaux. Il conviendrait d'examiner la question plus à fond, et nous espérons en avoir la possibilité, pour faire la lumière sur tous ces avis divergents concernant le dossier de l'eau et déterminer si l'on peut considérer l'eau comme un produit. Dans le cas où nous en ferions l'objet d'une transaction commerciale, devient-elle un produit? La question n'est pas aussi clairement tranchée qu'il le faudrait. C'est dans ce contexte que je suis intervenue.
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, dans mon intervention au sujet de cet amendement, je mettrai de côté mon rôle de parrain du projet de loi C-6. Je suis amené à dire quelques mots sur cet amendement en qualité d'observateur du phénomène dont nous sommes témoins en ce qui concerne ce projet de loi.
À ce jour, je continue d'être déconcerté par le travail de sape que les sénateurs d'en face ont réservé à ce projet de loi essentiellement très simple. Cette initiative qui nous est proposée nous permettrait d'instaurer officiellement des pratiques en place depuis 90 ans déjà. Les sénateurs d'en face ont mal interprété le projet de loi. À mon avis, ils ont dénaturé l'objet et la simplicité du projet de loi et de la réglementation connexe. Si nous devions donner suite à leur recommandation de mettre de côté cette réglementation et d'en intégrer les éléments dans la loi, nous entraverions la capacité de l'exécutif et de l'administration d'appliquer au quotidien et de façon appropriée les dispositions du traité et du projet de loi. Il est important d'en tenir compte. Si les dispositions réglementaires étaient prévues dans le projet de loi, nous nous retrouverions sans aucune réglementation. Je trouve la proposition ridicule.
Je souscris entièrement aux préoccupations légitimes exprimées par les sénateurs d'en face en ce qui concerne le passage perçu des pouvoirs législatifs aux pouvoirs réglementaires. C'est une source de préoccupations depuis les débuts du Parlement.
Au cours de mes premières années sur la colline du Parlement, à la fin des années 60, j'ai siégé avec un député de l'autre endroit du nom de Joe Clark. Nous avons fait partie des mêmes comités. Il soulevait constamment la question des pouvoirs réglementaires et il n'était pas le seul à le faire. J'ai parlé une fois de ce problème et d'autres députés en ont fait état aussi.
S'il existe une perception selon laquelle nos prérogatives parlementaires traditionnelles diminuent parce qu'elles migrent vers les règlements, nous devrions dans ce cas-là faire quelque chose. Toutefois, à mon avis, ce projet de loi simple est mal choisi pour lancer ce genre d'attaque.
Conformément à l'alinéa 86(1)d) du Règlement, les honorables sénateurs ont établi le Comité mixte d'examen de la réglementation auquel ils nomment huit sénateurs. Je ne sais pas combien de députés font partie de ce comité. Si ce problème est rendu aussi grave qu'on nous demande de le croire, ce comité a la responsabilité d'examiner cet aspect en profondeur et de présenter un rapport assorti des recommandations pertinentes aux deux Chambres.
Les sénateurs d'en face ont fait de ce projet de loi un fourre-tout pour leurs préoccupations générales concernant les questions de commerce et d'environnement. Ce n'est pas là l'objet de ce projet de loi. Ce dernier est fondé sur le traité et il est simple. Les sénateurs d'en face ont tout fait pour présenter ce projet de loi sous un jour qui n'est pas le sien.
Les préoccupations des sénateurs sont légitimes et je partage certaines d'entre elles. Toutefois, comme c'est fréquemment le cas dans les séminaires sur l'environnement au pays, les gens s'emportent tellement qu'il leur arrive d'être emportés par leur propre diatribe.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Corbin: J'en appelle à tous les honorables sénateurs. Soyons francs. Les sénateurs d'en face ont dit que c'est un bon projet de loi. C'est effectivement un bon projet de loi.
Le sénateur Tkachuk: C'est un mauvais projet de loi!
Le sénateur Corbin: Les honorables sénateurs ont aimé les explications que j'ai données au sujet du projet de loi; c'est ce que tous ont dit. Le sénateur Carney l'a dit. Ils estimaient que j'avais accompli un excellent travail. Puis, en comité, ils l'ont totalement dénigré. Il faut que vous vous décidiez, honorables sénateurs. Il faut que vous fassiez confiance au libellé du projet de loi et à l'objectif du projet de règlement.
(1200)
Songez à l'aspect commercial de la question et à l'eau comme denrée commerciale. J'aimerais lire un passage d'un livre intitulé Water, de Marq de Villiers. À la page 278, on peut lire ceci:
L'Association canadienne du droit de l'environnement estime que le Canada a cédé à la pression des Américains quand il a renoncé à faire exempter de l'application de l'ALENA la vente d'eau en grande quantité. D'une certaine manière, toutefois, l'histoire est encore plus bizarre que cela. Même Pat Carney, qui était ministre du Commerce du Canada du temps des négociations, semble avoir cru que l'eau était exemptée et n'a pu cacher sa surprise quand elle s'est aperçue qu'il n'en était rien. L'histoire a été racontée par Brian McAndrew, journaliste du Toronto Star.
Voici un extrait de cet article:
Le premier indice que l'eau n'était après tout pas exemptée est apparu quand une question a été posée à l'un des conseillers principaux en matière de politique au service de Pat Carney.
«Elle est exemptée; c'est écrit noir sur blanc», a répondu le conseiller.
Mais après avoir essayé de trouver le passage en question dans le texte, le conseiller est revenu bredouille. «Je ne sais pas ce qui s'est passé. Nous en avons parlé. Cela devrait être là.»
Le deuxième indice est apparu lorsque la même question a été posée à Carney trois mois plus tard lors d'une réunion dans sa circonscription.
«L'eau ne fait pas partie de l'accord. C'est précisé dans l'accord», a-t-elle répondu. Elle a elle aussi dû chercher dans le texte de l'accord où cela se trouvait. Après avoir consulté l'un de ses collaborateurs, elle a dit: «Cela y était pourtant.»
Que se passe-t-il? Il s'agit d'une tentative de régler, par le biais du traité relatif aux eaux limitrophes, des questions qui auraient dû l'être par l'ALENA, un autre traité. C'est une magouille de la pire espèce; c'est un détournement du sens du traité et de ce projet de loi.
Honorables sénateurs, je vous supplie d'appuyer ce projet de loi. Enterrons la hache de guerre et consacrons notre énergie à administrer un traité qui sert très bien les intérêts du Canada et des États-Unis depuis des années.
L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je tiens à remercier mon honorable collègue pour son évaluation claire et éloquente de la situation. Je me souviens très bien des propos de Pat Carney. Je me souviens très bien du débat du temps où l'Accord de libre-échange était sur le tapis. J'avais très peur qu'on ne répète la même erreur. Je suis heureuse de voir qu'il n'en est rien.
Ceux qui se demandent si cela vaut la peine d'être membre du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation du Sénat et de la Chambre des communes devraient se départir de tout doute, car ce comité peut apporter des changements importants et substantiels. Ce fut un plaisir pour moi de servir au sein de ce comité. Ceux qui s'intéressent à ce que les règlements peuvent accomplir par rapport à l'esprit de la loi peuvent accomplir du bon travail au sein de ce comité.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Finestone. Comme son excellente mémoire lui permet de remonter au moins jusqu'en 1988, je lui pose une question concernant un événement plus récent, en l'occurrence la signature, en 1994, par le Canada, les États-Unis et le Mexique, de l'ALENA et d'un protocole y afférent, protocole qui contenait une déclaration très claire sur le fait que les questions liées à l'eau ne sont pas abordées dans l'ALENA. Madame le sénateur se rappelle-t-elle qui a signé cette déclaration au nom du Canada?
Le sénateur Finestone: Il y a de fortes chances pour que je m'en rappelle.
Le sénateur Murray: Jean Chrétien, ça vous dit quelque chose?
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur le projet de loi C-6?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Le vote porte sur l'amendement proposé par l'honorable sénateur Murray.
Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Non.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Par consentement, la mise aux voix aura lieu à 12 h 30 aujourd'hui.
L'honorable Terry Stratton: Si je comprends bien, nous allons maintenant nous prononcer sur les amendements au projet de loi C-7, sur le projet de loi C-7 lui-même ainsi que sur les amendements au projet de loi C-6 et sur le projet de loi C-6 lui-même.
Le sénateur Carstairs: C'est bien cela.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-ce d'accord pour que le timbre retentisse cinq minutes plus tôt que prévu et qu'il retentisse pendant 20 minutes plutôt que 15?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous avons l'intention de voter sur les projets de loi C-7 et C-6, dans cet ordre. Le projet de loi C-7 pourrait faire l'objet de trois votes: premièrement, la motion d'amendement du sénateur Nolin; deuxièmement, la motion d'amendement du sénateur Andreychuk et enfin l'étape de la troisième lecture du projet de loi modifié. Nous passerons ensuite au projet de loi C-6 avec la mise aux voix de la motion d'amendement du sénateur Murray suivie de la mise aux voix de la troisième lecture du projet de loi.
PROJET DE LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
TROISIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pearson, appuyée par l'honorable sénateur Bryden, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-7, Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, tel que modifié.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, que le projet de loi, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié de nouveau,
a) à la page 150, par adjonction, après la ligne 41, de ce qui suit:
«Examen de la loi
158.(1) Trois ans après l'entrée en vigueur de la présente loi et à la fin de chaque période subséquente de cinq ans, le ministre de la Justice procède à un examen complet de l'application de la présente loi et fait déposer devant les deux chambres du Parlement un rapport assorti de ses recommandations, s'il y a lieu, quant aux modifications qu'il juge utile d'apporter à celle-ci.
(2) Le ministre est tenu de consulter, aux fins du rapport visé au paragraphe (1), le procureur général de chaque province, les personnes, les groupes ou catégories de personnes ou les organismes nommés ou désignés sous le régime de la présente loi ou d'une loi provinciale, ainsi que les représentants des peuples autochtones du Canada.
159. (1) Dès que le rapport du ministre de la Justice a été déposé devant les deux chambres du Parlement, un examen complet du rapport et des dispositions et de l'application de la présente loi est entrepris par le comité, soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, que le Parlement désigne ou constitue pour déterminer si les objectifs de la présente loi sont réalisés dans les diverses provinces du Canada.
(2) Dans les six mois suivant la fin de l'examen visé au paragraphe (1) ou dans le délai supérieur que le Parlement autorise, le comité présente à celui-ci un rapport de l'examen assorti, s'il y a lieu, des modifications qu'il recommande d'apporter.»;
b) Par le changement de la désignation numérique des articles 158 à 200 à celle d'articles 160 à 202 et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur Andreychuk, que le projet de loi C-7 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 61, à la page 68,
a) par la suppression des lignes 24 à 29;
b) par le changement de la désignation numérique des articles 62 à 200 à celle d'articles 61 à 1999 et par le changement de tous les renvois qui en découlent.
(La motion d'amendement du sénateur Nolin est rejetée à la majorité.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Boldu, Buchanan, Comeau, Di Nino, Doody,Finestone, Forrestall, Grafstein, Johnson, Joyal, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Moore, Murray, Nolin, Oliver, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Roche, Spivak, Stratton, Tkachuk, Watt—31
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Banks, Biron, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hubley, Jaffer, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—43
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
(La motion d'amendement de l'honorable sénateur Andreychuk, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Comeau, Di Nino, Doody, Finestone, Forrestall, Grafstein, Johnson, Joyal, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Moore, Murray, Nolin, Oliver, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Roche, Spivak, Stratton, Tkachuk, Watt—31
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Banks, Biron, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hubley, Jaffer, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu , Mahovlich , Milne , Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—43
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
Son Honneur le Président: Le prochain vote porte sur la motion de troisième lecture du projet de loi C-7.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu une troisième fois, est adopté.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Banks, Biron, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hubley, Jaffer, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Morin, Phalen, Poulin, Poy, Robichaud, Roche, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—47
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Comeau Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—24
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Grafstein, Joyal, Pitfield—3
(1250)
LA LOI DU TRAITÉ DES EAUX LIMITROPHES INTERNATIONALES
PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Corbin, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales,
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Oliver, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 1, à la page 5, par adjonction, après la ligne 13, de ce qui suit:
«(3) Le gouverneur en conseil ne peut prendre un règlement aux termes du paragraphe (1) que si le ministre a fait déposer le projet de règlement le même jour dans les deux Chambres du Parlement et que, selon le cas:
a) chaque Chambre a adopté une résolution autorisant la prise du règlement;
b) aucune des deux Chambres n'a adopté, dans les trente jours de séance suivant le dépôt, une résolution s'opposant à la prise du règlement.
(4) Pour l'application de l'alinéa (3)b), «jour de séance» s'entend d'un jour où l'une ou l'autre Chambre siège.».—(Conformément à l'ordre adopté le 17 décembre 2001, toutes les questions pour disposer du projet de loi seront mises aux voix à 12 h 30.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous passons maintenant au vote sur le projet de loi C-6, plus précisément sur l'amendement proposé par le sénateur Murray.
(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Comeau, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roche, Spivak, Stratton, Tkachuk—25,
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Morin, Phalen, Pitfield, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—50
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous passons maintenant au vote sur la troisième lecture du projet de loi C-6.
(La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Bryden, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Morin, Phalen, Pitfield, Poulin, Poy, Robichaud, Roche, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—51
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Comeau, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—24
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
(1300)
[Français]
PROJET DE LOI ANTITERRORISTE
TROISIÈME LECTURE—ADOPTION DE LA MOTION D'ATTRIBUTION DE TEMPS
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 17 décembre, propose:
Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à la troisième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme;
Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour le débat sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette aux voix sur-le-champ et successivement toute question nécessaire pour disposer de ladite motion; et
Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.
— Honorables sénateurs, je me dois de vous informer que nous n'avons pas réussi à conclure une entente pour disposer de toutes les étapes du projet de loi C-36.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, nous n'avons pas réussi, après maintes tentatives, à nous entendre sur la marche à suivre pour disposer du projet de loi C-36. Ce projet de loi revêt une certaine importance. Nous avons fait l'étude préalable de ce projet de loi. Nous avons tenu un débat exhaustif à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons procédé à l'étude article par article en comité. Nous avons tenu un débat sur le rapport du comité. Bien sûr, nous avons commencé le débat en Chambre. À plusieurs reprises, nous avons traité du projet de loi. Des amendements ont été proposés. On a réussi à faire sonner le timbre à maintes reprises. Un certain soir, nous auraions pu avoir quatre heures de débat: nous avons eu trois heures de timbre et une heure de discours.
Honorables sénateurs, des efforts nobles ont été faits, de part et d'autre de la Chambre, pour en arriver à une entente. Nous n'avons pu le faire. Je me vois donc dans l'obligation, afin de faire adopter ce projet de loi, de proposer cette motion.
[Traduction]
Des voix: Quelle honte!
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, nous en sommes arrivés à l'étape où le gouvernement impose le bâillon à cette Chambre, comme il l'avait imposé à l'autre endroit.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une honte!
Le sénateur Kinsella: Lorsqu'on jette un regard autour de cette vénérable enceinte, on voit la représentation de ceux qui ont lutté pour les libertés des Canadiens. Malheureusement, ces toiles n'ont pas réussi à transmettre le message et à faire comprendre que nous n'avons pas obtenu la liberté par accident, mais bien grâce aux décisions et aux gestes délibérés que les Canadiens ont posés depuis 1867.
Lorsque le couperet tombe sur un projet de loi, cela nous oblige à nous demander, et j'espère que la population canadienne en fait autant, ce qui a conduit les parlementaires dans cette impasse. Si nous nous retrouvons dans cette situation, ce n'est pas parce que ce côté-ci n'a pas reconnu que nous traversons une période de crise ou de tension. Il est difficile de choisir le mot juste car on nous a rappelé, à tous les échelons de la hiérarchie politique, qu'il n'y a pas d'urgence et que le projet de loi C-36 n'est pas une mesure d'urgence. On fait état, cependant, de la tragédie du 11 septembre, et d'autres arguments sont invoqués à l'appui de pouvoirs spéciaux pour le gouvernement, bien qu'on n'aie pas démontré de prime abord la nature de la menace, au Canada, qui justifierait qu'on accorde ces pouvoirs au gouvernement parce qu'il n'a pas les pouvoirs ou les ressources suffisants pour s'occuper des criminels, comme les auteurs de la tragédie du 11 septembre. Les uns après les autres, les témoins qui ont comparu devant le comité et les personnes qui ont écrit à ce sujet dans la presse ou ailleurs ont souligné, avec raison, que les auteurs des crimes reliés ou pouvant être reliés aux événements tragiques du 11 septembre peuvent être poursuivis en vertu des lois nationales actuelles.
Cependant, les sénateurs de ce côté-ci étaient tout à fait disposés à faire preuve de bonne foi et à collaborer, puisque nous avons adopté le projet de loi C-36 à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons accepté le principe de pouvoirs accrus pour l'État. Par contre, nous avons bien précisé que cet accroissement des pouvoirs devait s'accompagner de garanties supplémentaires pour prévenir tout abus de ces pouvoirs spéciaux. Nous étions à la recherche d'un certain équilibre, et nous avons constaté avec bonheur que le comité spécial du Sénat chargé d'étudier la teneur du projet de loi C-36 au départ avait produit un rapport unanime, qui a été adopté par le Sénat. Ce rapport expliquait où il y avait lieu de modifier le projet de loi pour instaurer l'équilibre entre la protection des droits de la personne et les libertés fondamentales des Canadiens, d'une part, et, d'autre part, les pouvoirs supplémentaires que l'État avait réclamés avec succès, puisque nous avions adopté le projet de loi en deuxième lecture. Nous avons accepté le principe.
Le gouvernement est prêt à imposer le bâillon pour clore le débat et faire mettre le projet de loi aux voix, comme il l'a fait aux Communes. Tous les Canadiens savent compter. Nous savons que le Sénat est dominé par les libéraux. Il est dommage que les principes libéraux défendus par Pierre Elliott Trudeau et Lester B. Pearson aient été abandonnés et qu'on n'en trouve plus trace chez les parlementaires libéraux d'aujourd'hui. Ils ont laissé tomber les Canadiens. Le recours à des moyens comme la clôture et l'utilisation de leur domination massive au Sénat expliquent l'exaspération que ressentent les sénateurs. Ils accomplissent un travail important dans les comités législatifs en faisant des études spéciales, mais ils se font ensuite laminer par la majorité.
Voilà ce qui est en jeu dans la motion dont nous sommes saisis. Le gouvernement utilise son pouvoir pour se donner des pouvoirs plus grands encore. Ce n'était pas nécessaire. Un rapport commun avait été adopté par le Sénat, puisque celui-ci a adopté le premier rapport du comité spécial chargé d'étudier la teneur du projet de loi C-36.
(1310)
Honorables sénateurs, je sais que tous les sénateurs doivent s'inquiéter — le feu jaune doit clignoter — à savoir quels gens deviendront les cibles de ce pouvoir extraordinaire dont disposeront les policiers, les agents de la paix fédéraux et provinciaux, les agents des services secrets, les agents du SCRS et les agents militaires. Quelles seront leurs cibles au Canada? Ma crainte, c'est que nous n'ayons pas à regarder bien loin. Nous n'avons pas besoin de beaucoup d'imagination pour identifier un grand nombre de Canadiens qui deviendront des cibles, qui seront harcelés, qui seront victimisés et qui, franchement, perdront leur liberté à cause des pouvoirs que l'État acquerra en vertu de cette loi.
Honorables sénateurs, nous n'avons pas besoin de retourner bien loin en arrière pour voir quand c'est arrivé dans le passé. C'est arrivé au début des années 70 dans les rues de Montréal. Je ne crois pas qu'il y avait mauvaise volonté de la part de qui que ce soit, mais beaucoup de Canadiens ont perdu une grande part de leur liberté. Il suffit de multiplier le nombre de jours de captivité par les centaines de personnes qui ont été détenues en vertu des pouvoirs extraordinaires prévus dans la Loi sur les mesures de guerre.
Remontons un peu plus loin en arrière, honorables sénateurs, et regardons ce qui est arrivé aux Canadiens d'origine japonaise. Il n'y avait pas nécessairement mauvaise volonté de la part de qui que ce soit. À ce moment-là, il n'y avait pas de charte des droits. Si nous trouvons le bien dans le mal, comme saint Augustin le dit parfois dans La Cité de Dieu, peut-être est-ce là une des façons dont les Japonais ont contribué à promouvoir la liberté au Canada. Leur liberté à eux leur avait été enlevée.
Qui sera ciblé d'ici les prochaines années? En tant que parlementaires, au Sénat ou à l'autre endroit, à qui devons-nous nous assurer de donner notre numéro de téléphone pour éviter de devenir les prochains detenidos ou desaparecidos du Canada, phénomène bien connu dans certains pays de l'hémisphère sud du continent? Cela peut arriver au Canada. Ce n'est pas une émission de télévision américaine. Cela s'est produit au cours de notre vie. Nous l'avons vu dans les rues de Montréal dans les années 70 et ailleurs au Canada dans les années 40.
Je crains particulièrement la victimisation des Canadiens d'origine arabe à laquelle risque de donner lieu une mauvaise administration de ces pouvoirs. Je me fais du souci pour les membres des minorités visibles. Je m'inquiète pour ceux qui, du fait de leur religion, sont amenés à prendre un aspect différent, que ce soit par le port d'un turban dans le cas des sikhs notamment, ou encore d'autres coiffures arborées par les adeptes de nombreuses autres religions. La chose s'est déjà produite dans le passé et je crains qu'elle ne se reproduise.
Je trouve regrettable que le gouvernement ne voie pas ce qu'il en est. L'octroi de ces pouvoirs supplémentaires à l'État n'a pas soulevé la moindre objection. Nous réclamons un tant soit peu de créativité...
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Kinsella, en vertu du Règlement, les leaders adjoints disposent de 10 minutes pour parler de cette motion, et le temps qui vous a été imparti est écoulé.
L'honorable Consiglio Di Nino: Avant de commencer, combien de temps m'accorde-t-on, honorables sénateurs?
Son Honneur le Président: En temps normal, j'alterne les intervenants de part et d'autre de la Chambre. Le sénateur Di Nino accepte-t-il que je donne la parole au sénateur LaPierre?
Madame le sénateur Carstairs souhaite-t-elle intervenir?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je désire effectivement intervenir.
Son Honneur le Président: En vertu du Règlement, le leader du gouvernement au Sénat et le chef de l'opposition au Sénat disposent d'une demi-heure.
L'honorable Marcel Prud'homme: J'invoque le Règlement!
Son Honneur le Président: Le sénateur Prud'homme invoque le Règlement.
Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Di Nino a posé une bonne question lorsqu'il a demandé de combien de temps il disposait. Nous en sommes à deux heures et demie et personne ne peut parler plus de 10 minutes. Cela veut dire que nous pourrions avoir 150 interventions de 10 minutes chacune, si je ne me trompe pas.
Son Honneur le Président: C'est exact. L'alinéa 40(2)c) dit, en ce qui concerne ce débat, qu'aucun sénateur ne peut parler plus de dix minutes. Il y a toutefois une exception. Le leader du gouvernement au Sénat et le chef de l'opposition au Sénat peuvent parler pendant au plus 30 minutes.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je suis curieuse. Peut-être nous tient-on en suspens, peut-être le meilleur est-il à venir, peut-être le réserve-t-on pour la fin. Lorsqu'il a donné avis de sa motion hier soir, le sénateur Robichaud a d'abord informé le Sénat qu'il n'a pas été possible d'en arriver à une entente. Dans la mesure où la raison d'être de cette motion semble être la difficulté de parvenir à une entente, j'aurais pensé que, suite aux observations du sénateur Robichaud, on nous aurait donné des détails, sinon des explications et au moins les raisons pour lesquelles l'opposition a eu du mal à en arriver à une entente. J'aurais pensé qu'on aurait donné au leader de l'autre côté la possibilité de nous expliquer où était la difficulté chez ses collègues.
Le sénateur Prud'homme: Est-ce un discours?
Son Honneur le Président: Je pense que c'est une intervention, et le sénateur Carstairs a demandé la parole.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a commencé par exprimer certaines préoccupations au sujet de la motion pour limiter le débat, mais le sénateur Cools a raison de dire qu'il a alors commencé à débattre le principe de la mesure législative. Pour le moment, nous examinons les motifs qui justifient l'attribution du temps. J'aimerais aborder cette question et, non, je ne vais pas y consacrer les 30 minutes qui me sont attribuées.
Il est très important, honorables sénateurs, que nous constations que jusqu'ici, à l'étape de la troisième lecture, 20 sénateurs sont intervenus. C'est un nombre d'interventions plus élevé qu'à l'habitude, à l'étape de la troisième lecture d'un projet de loi. Aujourd'hui, nous n'en sommes pas au deuxième, troisième, quatrième ou cinquième jour du débat, nous en sommes au sixième jour. Cinq heures et 17 minutes de discours véritables ont été consacrées au débat à cette étape de l'étude du projet de loi.
Paradoxalement, jeudi soir dernier, les sénateurs d'en face ont fait retentir le timbre pendant quatre heures alors qu'ils n'ont consacré que deux heures et trente et une minutes au débat.
Des voix: C'est une honte!
Le sénateur Carstairs: En tout, neuf heures et dix-sept minutes ont été consacrées à la troisième lecture du projet de loi C-36, interventions et sonnerie du timbre comprises.
Il me semblerait logique et raisonnable d'affirmer que si les honorables sénateurs avaient été véritablement intéressés par le débat, ils n'auraient pas laissé retentir le timbre pendant quatre heures. Ils se seraient levés pour prendre la parole.
Au cours des cinq derniers jours où nous avons siégé, les sénateurs d'en face ont proposé l'ajournement du débat à sept reprises. Le vendredi 14 décembre dernier, le débat aurait pu se poursuivre, mais le whip de l'opposition a demandé le report du vote sur la motion d'amendement du sénateur Lynch-Staunton au lundi 17 décembre, mettant ainsi fin au débat dans cette Chambre.
(1320)
Ce que nous proposons dans cette motion, c'est d'ajouter jusqu'à 6 heures de plus au débat, de sorte que, si chaque sénateur disposait de 15 minutes, 24 sénateurs de plus pourraient intervenir. Si les sénateurs jettent un coup d'oeil sur les résultats du vote par appel nominal qui a eu lieu ce matin, ils remarqueront que l'opposition avait 23 sénateurs, je crois, soit le nombre maximal. Douze sénateurs du Parti conservateur ont déjà pris la parole au sujet du projet de loi en troisième lecture. De ces 12 sénateurs, neuf sont présents aujourd'hui. Ils ont vraisemblablement dit ce qu'ils voulaient dire. Il reste donc au plus 14 sénateurs du Parti conservateur qui sont présents aujourd'hui et qui ont le droit de se prononcer sur ce projet de loi.
Allons-y. Que les discours soient prononcés. Présentons la motion d'attribution de temps. Commençons le débat sur la teneur du projet de loi C-36.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Di Nino: Honorables sénateurs, de toutes les délibérations qui ont lieu dans cette Chambre, celle-ci me perturbe le plus. Mon ami, le sénateur Kinsella, a dit que cette mesure était la «guillotine». On l'a appelée clôture et attribution de temps. Je dis également qu'elle bâillonne le Parlement.
Curieusement, lors du premier discours que j'ai prononcé au Sénat, il y a environ 11 ans, j'ai tenu des propos semblables. J'ai été énormément impressionné par les hommes et les femmes de cette Chambre, car ils possèdent une grande compétence et une vive intelligence. Leurs expériences et leurs talents sont exceptionnels et inestimables. Je les tiens en haute estime. Je parle des sénateurs qui siègent à mes côtés et de ceux qui siègent en face de moi.
Il est troublant de constater que ce qu'anticipait Andrew Coyne dans un article paru dans le National Post du 18 novembre pourrait fort bien se produire sous nos yeux. Il parlait de la mort du Parlement, voire de la mort de la démocratie. Permettez-moi de lire des extraits de cet article. Il a cité les propos suivants de M. Gray qui défendait l'utilisation de la guillotine par le gouvernement dans l'autre endroit:
«Le Parlement est non seulement un endroit pour les débats, il est aussi un endroit pour la prise de décisions.»
Je suis d'accord avec lui. M. Coyne poursuit:
Or, en vérité ce n'est ni l'un ni l'autre, et ce depuis quelque temps déjà. N'ayant eu que peu ou pas l'occasion de débattre des mesures législatives ou de présenter des motions d'amendement, les députés ministériels seront au poste lorsqu'ils seront convoqués à voter aujourd'hui et adopteront le projet de loi sans déroger à leur habitude, c'est-à-dire par pure soumission à la discipline de parti.
La guillotine et le vote par soumission à la discipline de parti sont inadmissibles dans le meilleur des cas. Mais il est tout simplement incroyable qu'on puisse appliquer ces tourniquets parlementaires à des projets de loi comme celui-ci — il a été rédigé précipitamment, mais son effet est permanent; il aura de nombreuses répercussions sur les droits des citoyens et risquera d'entraîner toutes sortes d'abus.
Je tiens à lire aux honorables sénateurs quelques commentaires que d'autres Canadiens inquiets ont formulés. Patricia Winston, de Montréal, a écrit ceci:
Plus nous en savons sur ce projet de loi, plus il devient clair que les mesures qu'il renferme, élaborées précipitamment en réaction à une menace incertaine mais lourde d'émotion, peuvent très bien s'avérer une menace encore plus grande. Les libertés et les droits civils ont été acquis de haute lutte par plusieurs générations, si bien qu'il est très inquiétant de constater les premiers signes d'effritement de leur exercice.
Dans un article paru dans le Toronto Star qui, pour ceux qui ne le savent pas, est qualifié d'organe de propagande libéral dans cette région, on a dit que le projet de loi C-36 donnera:
[...] à des ministres des pouvoirs sans précédent de rendre arbitrairement des ordonnances provisoires ayant plus de choses en commun [...]
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur LaPierre intervient-il pour soulever un recours au Règlement?
L'honorable Laurier L. LaPierre: Je pensais que Son Honneur avait dit que nous devons discuter de la motion du sénateur Robichaud et non du projet de loi proprement dit. Ai-je tort? Si je suis dans l'erreur, je vais reprendre mon siège et m'excuser. L'honorable sénateur traite certes du projet de loi C-36.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai indiqué que nous avons beaucoup de latitude dans ces discussions et, à mon avis, le sénateur Di Nino n'est pas hors contexte.
Le sénateur Di Nino: Si l'honorable sénateur LaPierre désire prendre la parole, pourquoi n'attend-il pas que j'aie terminé? Veuillez faire preuve de cette courtoisie à mon égard, et je ferai de même à votre endroit.
Le sénateur LaPierre: Je vous écoute avec beaucoup d'intérêt.
Le sénateur Di Nino: Je vous en remercie et je l'apprécie.
Permettez-moi de citer de nouveau le Toronto Star. Selon cet article, le projet de loi C-36 donnera:
[...] à des ministres des pouvoirs sans précédent de rendre arbitrairement des ordonnances provisoires ayant plus de choses en commun avec la loi martiale et les républiques de bananes qu'avec les traditions démocratiques du Canada.
M. Telegdi, député libéral de l'autre endroit, a dit ce qui suit:
[...] le projet de loi à l'étude confère des pouvoirs extraordinaires au solliciteur général, aux tribunaux et à la police. Il doit, à tout le moins, contenir des dispositions relatives à la responsabilité de ces autorités. Je rappelle que la motion portant création d'un comité de surveillance parlementaire ne fera pas l'objet d'un vote, parce qu'elle a été jugée irrecevable. Je le déplore, parce que cette mesure aurait permis de protéger l'un des piliers de la démocratie, à savoir la responsabilité envers la Chambre des communes. Cette responsabilité est absolument nécessaire, parce que sans elle nous perdrons une composante indispensable du processus démocratique. Si nous ne protégeons pas ce processus, il disparaîtra.
M. Telegdi a tenu ces propos parce qu'il vient d'un pays communiste où les expériences vécues lui ont sans doute donné une leçon qu'il n'a pas été donné à la majorité d'entre nous de recevoir.
Honorables sénateurs, le Canada a attiré des millions de personnes de partout dans le monde. Une des raisons pour lesquelles ces personnes viennent ici, comme nous l'avons fait, ma mère, mon père et moi en 1951, c'est qu'elles respectent la démocratie et le processus démocratique. La clôture ne respecte pas la démocratie, ni le processus démocratique.
Dans un article paru dans le Ottawa Citizen le 15 décembre, on mentionne que le nom de Jane Russow, ancienne dirigeante du Parti vert, a été inscrit sur une «liste d'évaluation de la menace» par la GRC, qui se préoccupait de ce qu'elle ferait durant les manifestations liées à l'APEC. On y dit notamment que:
Ces allégations sont déposées alors que le Parlement étudie une mesure législative qui faciliterait l'écoute électronique, l'arrestation et l'interrogation de personnes soupçonnées de terrorisme. Certains critiques craignent que la nouvelle loi serve à menotter les activistes qui luttent contre la mondialisation et les autres manifestants, une accusation que nie le gouvernement libéral.
Le gouvernement peut bien nier cette accusation, mais nous commençons déjà à voir certains résultats même si la loi n'a pas encore été adoptée.
Le 15 décembre, un article paru dans la Gazette de Montréal sous le titre «Le Canada sévit» nous apprenait que dix personnes sont maintenant détenues parce qu'elles sont considérées comme des risques pour la sécurité.
Les critiques face à ce projet de loi fusent de toutes parts, compte tenu de ce qui se passe. Je crois que cela risque même d'empirer. Tous les gens du milieu juridique et tous ceux qui se préoccupent de nos intérêts sont opposés à cette mesure.
Permettez-moi de revenir à l'article de la Gazette de Montréal. Pour ceux qui refusent de croire qu'on peut établir des profils, j'aimerais donner quelques statistiques citées dans l'article du journal. Sur les dix personnes qui sont détenues pour des raisons de sécurité, il y a huit Arabes, un sikh et un Tamoul.
Pour conclure, honorables sénateurs, j'aimerais vous dire pourquoi je suis d'avis que ce que nous faisons est mal. Dans cette optique, j'aimerais vous lire un article qui a paru dans le Record de Kitchener-Waterloo:
Jamais l'importance de la mission de second examen objectif du Sénat n'a-t-elle été plus évidente que maintenant. Jamais non plus le Sénat, cette institution si ignorée, si calomniée et si rejetée pour sa soit-disant inutilité, n'a-t-il eu une meilleure occasion de prouver qu'il vaut les dépenses qu'il entraîne alors qu'il étudie le projet de loi C-36 portant sur la lutte contre le terrorisme, qu'il en discute et qu'il tente d'y apporter des améliorations.
Pour le bien de la nation, cette dangereuse mesure législative, conçue dans la panique, rédigée à la hâte et déposée par un gouvernement majoritaire serrant les poings, devrait être rejetée sous sa forme actuelle et renvoyée à la Chambre des communes pour que les députés la bonifient.
(1330)
M. John Reid, commissaire à l'information du Canada, a déclaré que le projet de loi confère au gouvernement le pouvoir d'empêcher la communication de renseignements pouvant être de nature délicate en politique.
Son Honneur le Président: Je dois aviser le sénateur Di Nino que ses dix minutes sont écoulées.
Le sénateur Di Nino: Merci.
Le sénateur Carstairs: Le vote.
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Y a-t-il un sénateur du côté du gouvernement qui voudrait prendre la parole?
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je désire participer au débat. Ceux qui me connaissent savent à quel point je suis opposé à l'imposition de la clôture. Je ne vais pas, pour le moment, traiter directement du projet de loi, mais je crains de ne pas avoir l'occasion d'intervenir — deux ou trois minutes, tout au plus — avant que le projet de loi C-36 ne soit mis aux voix par le Sénat.
Honorables sénateurs, il y a eu 31 ans en octobre dernier, j'ai commis une erreur terrible dans ma vie publique. Pour ceux que cela intéresse, ma vie publique, sous diverses formes, remonte à environ 47 ans. Mes collègues et moi étions convaincus, à l'époque, qu'il y avait une insurrection appréhendée au Canada, et j'ai commis une grave erreur de jugement.
Peu de temps après, j'ai appris que quelque 500 personnes avaient été incarcérées en vertu du pouvoir extraordinaire que nous avions donné au gouvernement aux termes de la Loi sur les mesures de guerre, et pratiquement aucune de ces personnes n'a été accusée. Je connais des familles qui ignoraient alors où se trouvaient leur époux, leurs fils ou leurs filles, leurs soeurs ou leurs frères. Ces Canadiens n'ont pu bénéficier de l'aide d'avocats et je sais que leurs droits de citoyens ont été gravement bafoués.
À mon avis, le projet de loi C-36 est excessif.
Honorables sénateurs, au cours de toutes ces années de vie publique, de novembre 1957 à aujourd'hui, mon mentor a été le très honorable Robert L. Stanfield. Ce dernier a dit que la Loi sur les mesures de guerre avait été la pire, non pas l'unique, mais la pire erreur de sa vie publique. Honorables sénateurs, je ne commettrai pas cette faute deux fois. Je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour présenter des excuses aux Canadiens et pour déclarer mon refus d'appuyer ce projet de loi excessif et radical.
Jusqu'à maintenant, ce ne sont que des mots d'apaisement que nous avons entendus de la part de nos amis du Sud. Je ne tolère pas le terrorisme, mais les droits des Canadiens me préoccupent beaucoup. Je me prononcerai contre ce projet de loi et je le ferai, non pas le coeur lourd, mais avec une impression d'indulgence.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, habituellement, je n'interviens pas au sujet de dossiers comme celui-ci à moins que je ne sois directement concerné. Cependant, ce projet de loi me trouble même si je suis l'exemple typique du protestant de race blanche et d'origine anglo-saxonne. J'interviens en cette qualité et j'en possède toutes les caractéristiques de telle sorte qu'on pourrait bien se demander pourquoi je m'occupe de cette question. Honorables sénateurs, je me préoccupe du sort réservé aux minorités. Je suis inquiet car cette mesure législative vise directement des gens que nous connaissons et que nous aimons, mais qui sont directement ou indirectement ciblés à cause des événements du 11 septembre.
Honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui parler de l'époque où je fréquentais l'école secondaire; j'y ai rencontré un jeune Japonais qui est devenu mon ami puis, plus tard, mon associé en affaires. En fait, deux Japonais sont devenus mes associés en affaires. J'aimerais vous raconter leur histoire à cause de ce qu'ils ont vécu durant la Seconde Guerre mondiale. Je n'oublierai jamais ce qui leur est arrivé.
Ces deux jeunes venaient de familles heureuses habitant la côte ouest. Leurs parents était des pêcheurs assez prospères. En fait, la famille de l'ami dont je parle est au Canada depuis une génération de plus que la mienne. Pour cette raison, je dirais qu'il est aussi Canadien que moi, sinon plus.
Comme le savent les honorables sénateurs, le gouvernement leur a carrément déclaré: «Vous devez partir, et la totalité de vos terres et de vos biens seront confisqués.» Ce fut vraiment tragique. Un des deux jeunes est devenu travailleur agricole dans une ferme près de Steinbach au Manitoba. Il a été traité comme un serf dans son propre pays.
Les enfants ne portent pas trop attention à ce genre d'histoire. Toutefois, lorsqu'il me l'a racontée, j'étais consterné. Chaque membre d'une minorité ici, au Sénat, et partout au Canada doit penser à cette histoire et à ce qui pourrait arriver — l'internement et les conditions auxquelles ces gens ont dû faire face. Heureusement, mon ami était jeune à l'époque et n'a pas eu à recommencer sa vie puisqu'elle était à peine commencée. Finalement, il a vu cela comme quelque chose de bénéfique parce que, autrement, il serait encore pêcheur sur la côte ouest. Sa famille s'est fait enlever pratiquement tout ce qu'elle avait et a dû recommencer à zéro.
Honorables sénateurs, lorsque nous nous rendons compte de l'énormité de ce qui est arrivé et lorsque nous comprenons pourquoi c'est arrivé, nous croyons que cela ne pourrait plus se produire à notre époque. Je dirai que c'est faux, que cela pourrait fort bien se produire de nouveau avec ce projet de loi. Si j'étais membre d'une minorité au Canada aujourd'hui, je serais troublé et inquiet parce que je verrais le projet de loi C-36 comme une mesure qui me vise, peut-être pas directement, mais en tant que membre d'une minorité. Cela me trouble profondément, et je ne peux simplement pas l'accepter si je me fonde sur l'histoire du Canada, sur ce que j'ai appris et sur ce que j'ai vécu.
Honorables sénateurs, pensez à cela lorsque vous voterez. Comme vous le savez, je voterai contre le projet de loi à cause de cette simple histoire vécue.
Il faut reconnaître que, à notre époque, ce n'est pas un très gros problème, sauf pour les quelques personnes qui seront emprisonnées et qui disparaîtront. Cependant, si nous connaissons des temps beaucoup plus difficiles que maintenant, vous pouvez compter que les choses se passeront bien plus mal que ce que vous et moi pouvons imaginer aujourd'hui.
(1340)
Je me souviens du référendum sur l'Entente de Charlottetown. Soudain, avant qu'on ait eu le temps de s'en apercevoir, le racisme est apparu. Dans les réunions qui ont eu lieu dans ma région des Prairies, il y en avait à coup sûr. Honorables sénateurs, le racisme se cache juste sous la surface des choses, attendant l'occasion de se manifester. Ce qui m'inquiète, c'est que ce projet de loi lui permettra d'émerger beaucoup plus rapidement.
Honorables sénateurs, nous devrions imposer des conditions à la mise en oeuvre de cette mesure législative. Nous devrions ajouter une vraie disposition de caducité. La dernière chose qu'on souhaite, c'est de se faire enlever ses droits lorsqu'on est emmené dans un camp d'internement, sans aucun recours. Voilà ma crainte. On nous dit que cela n'arrivera pas, mais je suis fondamentalement en désaccord là-dessus.
Le sénateur Di Nino: J'aurais une question à poser au sénateur Stratton. Au début de son intervention, il a dit quelque chose qui a retenu mon attention. Il a dit qu'il était anglo-saxon et demandé pourquoi il devrait s'en préoccuper. Si nous considérons ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays, nous pouvons probablement dire que nous sommes pour le monde un brillant exemple de la façon dont on peut vivre ensemble sans toutes les frictions occasionnées par la race, la couleur et les croyances religieuses, à cause de tous les mariages mixtes, et cetera. Je suis persuadé que le sénateur Stratton a constaté cela. Il est peut-être anglo-saxon, mais ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants, son gendre ou sa bru feront des générations montantes un groupe moins facilement identifiable que par le passé. N'est-il pas d'accord?
Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je suis l'incarnation même du Blanc anglo-saxon et protestant, bien que j'aie des racines celtiques. La plupart de mes enfants et de mes petits-enfants sont blonds et ont les yeux bleus.
Le sénateur Di Nino: Pour l'instant, en tout cas.
Le sénateur Stratton: Oui, pour l'instant. Dans leur intérêt, j'espère sincèrement que la tolérance régnera et qu'ils n'auront pas à vivre avec cette peur terrible dont je viens de parler.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je lis avec beaucoup de surprise le communiqué de presse no l64, émis par le ministère des Affaires étrangères du Canada le 14 décembre 2001:
[Traduction]
«Le Canada fait rapport au Conseil de sécurité des Nations Unies sur les mesures prises contre le terrorisme.»
[Français]
En vertu de la résolution 1373 du CSNU, le Parlement fait rapport au comité qui, à New York, s'occupe de l'antiterrorisme et qui surveille la mise en oeuvre de la résolution 1373 du Conseil de sécurité.
Je vais aller directement à ce paragraphe et vous dire pourquoi nous commettons une erreur grave dans un pays démocratique et reconnu comme tel partout dans le monde. Le ministre a été très heureux — je parle d'un excellent ami, M. Manley — de rapporter que le Canada a pris des mesures depuis le 11 septembre et avant cette date.
Je peux vous lire le texte en anglais, j'ai les deux versions. Il est principalement axé sur des articles du projet de loi C-36.
[Traduction]
[...] la Loi sur la sécurité publique (projet de loi C-42) et le projet de loi visant à modifier la Loi sur l'aéronautique (projet de loi C-44), ainsi que sur la mise en oeuvre du règlement des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme. Une fois que les textes de loi actuellement déposés au Parlement auront été adoptés, le Canada présentera un autre rapport au comité.
Toutefois, d'après le communiqué, cela doit être fait avant le 27 décembre 2001.
[Français]
Je viens de découvrir la raison de cette panique. Pourquoi devons-nous appliquer la guillotine, et ce, le plus vite possible? Pour que le Canada puisse se péter les bretelles aux Nations Unies et dire: «Voici, toutes les mesures que nous avons prises sont maintenant loi. Nous les avons imposées à une Chambre des communes récalcitrante. Nous les avons imposées à un comité du Sénat. Maintenant, nous pouvons vous dire que le travail a été bien fait.»
J'ai observé ce qui s'est passé lorsque la Chambre des communes a envoyé ce projet de loi pour pré-étude au Sénat, sous l'habile direction du sénateur Fairbairn. Je n'ai pas été sans remarquer, ayant assisté à toutes les réunions ou presque, la composition libérale du comité. Il y avait sept libéraux, présidés habilement par le sénateur Fairbairn, cinq conservateurs et un indépendant, moi, qui ne suis pas membre d'un parti politique organisé. J'étais le treizième d'un comité de douze membres. Ils ont fait un travail remarquable.
Je me souviendrai encore de la force de caractère du sénateur Bacon. Son propos, lorsque le temps fut venu de parler de la clause de temporisation, a été, net et précis. Elle n'a pas l'habitude de se répéter comme je le fais. Elle a réfléchi et elle a été catégorique.
Un fait remarquable s'est produit par la suite. Lorsque le projet de loi est revenu de la Chambre des communes, le même comité s'est réuni. À ma grande surprise, quatre des sept membres du comité avaient été remplacés. Je ne sais pas encore quelles conclusions tirer de ces changements. Ces gens avaient, selon leur devoir, bien examiné en pré-étude le projet de loi, avant même qu'il ne soit soumis à la Chambre des communes.
(1350)
Ces sept sénateurs libéraux, après de vigoureux débats à huis clos, étaient convaincus qu'il fallait présenter le rapport qui avait été présenté et adopté en cette Chambre.
Voilà que le couperet de la guillotine se présente à nouveau, mais sous un angle nouveau. Je pensais que cette façon d'agir, qui veut que l'on remplace les membres des comités dès qu'ils ont le malheur de déplaire au parti au pouvoir, au ministre, au sous-ministre ou au whip, n'existait qu'à la Chambre des communes, que j'ai quittée il y a huit ans déjà.
Aujourd'hui, le gouvernement nous demande à nouveau d'adopter ce projet de loi. Bien qu'il y ait des réticences, nous ne prendrons pas le temps requis pour parvenir à un consensus, et nous devrons nous en remettre aux tribunaux. Par courtoisie, je tiens à vous prévenir que la Gouverneure générale aura peut-être une surprise lorsqu'elle viendra donner la sanction royale plus tard.
Je prendrai la parole lorsque les six heures de débat s'achèveront. Je tiens à ce qu'on inscrive mon profond désaccord quant à cette résolution d'imposer la clôture.
[Traduction]
Je dis ouvertement, devant le sénateur LeBreton et les autres honorables sénateurs que je n'ai pas consultés, que j'aurais préféré que nous ajournions avant que le sénateur Robichaud n'ait le temps de faire ce qu'il allait faire, pour manifester notre immense mécontentement. Nous aurions alors attiré l'attention des Canadiens sur le Sénat. Nous nous serions levés et nous aurions calmement quitté le Sénat, mais sans tomber dans la vulgarité dont j'ai été témoin lors du débat sur la TPS au Sénat, il y a plusieurs années, et qui a quasiment fait perdre aux Canadiens tout le respect qu'ils pouvaient encore avoir pour le Sénat.
Honorables sénateurs, ce geste aurait pu être spectaculaire. Les responsables de l'opposition officielle pourront envisager ma proposition quand le moment de la troisième et dernière lecture sera venu. Je serai prêt à ne pas prononcer le discours que j'ai préparé, qui contient d'excellentes citations de Canadiens de toutes les provinces qui nous supplient de reconsidérer, et je ne répèterai pas ce que mon ami, le sénateur Forrestall, a dit des événements d'il y a 31 ans. J'espère que mes collègues vont réfléchir, mais je crains qu'il ne soit trop tard.
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président pro tempore: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix: Le vote!
Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président pro tempore: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président pro tempore: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président pro tempore: À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président pro tempore: Conformément au paragraphe 40(1)c) du Règlement, tout vote par appel nominal demandé à cet égard ne sera pas reporté et aura lieu conformément aux dispositions du paragraphe 66(1) du Règlement, qui prévoit que le timbre d'appel sonne durant 60 minutes, sauf contre-ordre avec la permission du Sénat.
Le sénateur Rompkey: Je pense que l'on s'est entendu pour qu'il retentisse pendant 15 minutes.
Le sénateur Stratton: C'est exact.
Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président pro tempore: Le vote aura lieu à 14 h 10. Convoquez les sénateurs.
(1410)
(La motion, mise aux voix, est adoptée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Bacon, Banks, Biron, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Cordy, Day, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Morin, Pépin, Phalen, Pitfield, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Watt, Wiebe—47
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Buchanan, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—20
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
[Français]
TROISIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le projet de loi C-36 contient plusieurs lacunes dont une fort importante; cette lacune, en effet, pourrait laisser croire qu'une personne serait reconnue coupable d'avoir facilité la commission d'un acte terroriste en l'absence de mens rea. Or, pour commettre un crime, en droit criminel, — et nous apprenons cela dans toutes les facultés de droit en première année — il faut non seulement avoir l'actus reus, c'est-à-dire commettre un crime, mais aussi avoir la mens rea, c'est-à-dire l'intention de commettre un crime.
Comme l'explique l'Association du Barreau canadien dans son mémoire du 27 novembre 2001, il est nécessaire «que toutes les infractions du projet de loi comprennent une mens rea complète», c'est-à-dire l'intention de commettre un crime.
Le juge en chef Lamer, dissident, mais pas sur cette question dans l'arrêt Bernard (1988), a expliqué la nature fondamentale de l'exigence de la mens rea:
La personne qui a causé un préjudice doit l'avoir fait dans un état d'esprit blâmable, sans quoi on ne saurait justifier une déclaration de culpabilité et l'imposition d'une peine avec tout ce que cela peut avoir d'infamant. C'est toujours au ministère public qu'il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable l'existence d'un état d'esprit coupable.
Autrement dit, un «soupçon» ne suffit pas pour arrêter quelqu'un. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, nous devons corriger cette lacune du projet de loi C-36 et prévoir une mens rea complète lorsqu'il est question de faciliter la commission d'un acte terroriste.
[Traduction]
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: En conséquence, honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Andreychuk:
Que le projet de loi C-36 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 4,
a) à la page 29, par substitution, à la ligne 40, de ce qui suit:
«83.19 Est coupable d'un acte criminel»;
b) à la page 30, par suppression des lignes 1 à 11.
C'est la ligne où on lit:
(2) Pour l'application de la présente partie, il n'est pas nécessaire pour faciliter une activité terroriste:
a) que l'intéressé sache qu'il se trouve à faciliter une activité terroriste en particulier;
b) qu'une activité terroriste en particulier ait été envisagée au moment où elle est facilitée;
c) qu'une activité terroriste soit effectivement mise à exécution.
Ainsi, une personne peut être condamnée même s'il n'y a pas d'intention criminelle.
(1420)
Son Honneur le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Cet amendement fera l'objet d'un vote conformément à l'article 39 du Règlement.
L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, avec le consentement de la Chambre, nous devrions regrouper les votes portant sur le projet de loi C-36 et sur les amendements.
Son Honneur le Président: Je pensais que nous avions déjà convenu de cela. Par souci de prudence, recommençons. Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de l'amendement au projet de loi C-36 proposé par l'honorable sénateur Murray et appuyé par l'honorable sénateur Buchanan.
D'entrée de jeu, je déclare que la seule fois de ma vie où je ne me suis pas opposé à des mesures telles que le transfert et la déportation ou à l'application de lois rigoureuses remonte à la Première Guerre mondiale — je n'étais pas encore né — à l'occasion de la déportation des Ukrainiens. Ceci dit, le secret de cette déportation a été bien gardé. En 1980, lorsque Patrick Watson était président de la société Radio-Canada, un jeune Ukrainien venait d'apprendre de sa grand-mère que sa famille avait été déportée. Ces gens avaient tellement honte qu'ils avaient gardé le secret.
J'ai dénoncé la déportation des Japonais et j'ai été suspendu du secondaire pendant une semaine. J'ai manifesté aussi sur la rue du Pacifique, à Sherbrooke, à l'intersection des rues Drummond et du Pacifique. Il y avait là un camp où on internait des Allemands, des Autrichiens et d'autres prétendus indésirables. Ces personnes étaient à Sherbrooke et le gouvernement les rendait corvéables à merci. J'ai dénoncé cela. En outre, honorables sénateurs, je n'étais certainement pas en faveur de la Loi sur les mesures de guerre.
Je dois vous dire que ce projet de loi va tellement à l'encontre de mes idées que j'étais enclin à voter contre. Toutefois, je me suis assis et j'ai examiné les lois antiterroristes d'autres démocraties nettement plus éloignées que nous géographiquement de la cible que constituent les États-Unis. J'ai examiné les lois antiterroristes d'Israël, de l'Allemagne et de la France. J'ai aussi examiné la loi du modèle des parlements, celui du Royaume-Uni, où se trouvent toutes les libertés du système parlementaire, comme tout le monde me le répète. La loi antiterroriste du Royaume-Uni est beaucoup plus stricte que la nôtre.
La Grande-Bretagne a bien sûr une longue expérience du terrorisme associé aux créatures d'Irlande du Nord, qui sont de connivence avec Jeremy Adams, qui ne cesse de débiter des platitudes, et Ian Paisley, le diable personnifié. La Grande-Bretagne sait ce qu'est le terrorisme. Je le comprends. Je comprends aussi qu'habitant à proximité des États-Unis, je ne dois prendre aucun risque.
Le projet de loi est-il une mesure de protection suffisante? J'aurais préféré que la clause de caducité s'applique à l'ensemble des dispositions. Toutefois, elle s'applique aux deux dispositions les plus rigoureuses de ce projet de loi, ce qui me satisfait déjà.
Je n'attache pas beaucoup d'importance au fait qu'un examen soit prévu au bout de trois ans, cinq ans ou un an. J'en sais suffisamment à ce sujet. Toutefois, je ne partage pas le pessimisme de certains, nombreux, qui pensent que c'est donner carte blanche pour créer un mouvement raciste dans notre pays et pour cibler un nombre considérable de citoyens. J'ai confiance dans la loyauté, la compassion et surtout la détermination des Canadiens qui ont fait de la diversité une condition de notre nation. J'ai confiance en cela.
Je m'oppose à la motion du sénateur Murray. Je ne veux pas me réfugier derrière un fonctionnaire sur lequel je n'ai, en fin de compte, aucun contrôle. Je ne veux pas abdiquer, en faveur d'un individu sur lequel je n'exerce aucun contrôle, la responsabilité de l'application ou de la surveillance des dispositions du projet de loi.
Je le répète, je tiens à ce que, au moyen de différents mécanismes, le Sénat prenne à sa charge la surveillance de l'application de ce projet de loi. Créons un site Web si attrayant qu'il attirera les gens et leur permettra de signaler et de décrire ce qui les chagrine dans cette initiative. Organisons sur ce site des séances de clavardage. Nous pouvons les animer nous-mêmes. Nous sommes près d'une centaine. Organisons des audiences publiques et des forums de discussion partout au Canada.
Devenons les pivots de cette initiative pour que, en dernière analyse, les Canadiens puissent dire: «Nous avons le Sénat pour veiller sur le maintien de nos droits et libertés en dépit du terrorisme et des actions qu'il aura fallu prendre pour protéger nos enfants et nos petits-enfants.» C'est à nous qu'il incombe d'agir, pas à d'autres.
Mon ami, le sénateur Prud'homme, n'a de cesse de me dire qu'ils se font dicter leur conduite là-bas. C'était peut-être vrai dans le temps, mais aujourd'hui, il en va autrement. Peu importe. Je n'accepterai pas que le sénateur Carstairs me dicte mon vote. Je m'assieds, je réfléchis et j'agis en conséquence.
Je tiens à ce projet de loi, car je sais qu'il nous offre une protection. Je tiens cependant à faire partie de la solution à tout danger qu'il est susceptible de comporter. Libre à vous d'en sourire ou d'en rire, ou encore de vous replier sur la logique aristotélicienne, si vous voulez. Au bout du compte, nous en serons tous tenus responsables, que nous ayons voté pour ou contre.
Je propose donc que les honorables sénateurs votent en faveur du projet de loi et établissent ensuite un mécanisme dans le cadre duquel nous accomplirons notre destinée en étant responsable de nos gestes.
Vive le Canada!
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur LaPierre: Non, j'ai dit tout ce que j'avais à dire, honorables sénateurs.
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'interviens également au sujet du projet de loi C-36 et plus particulièrement en ce qui concerne l'amendement du sénateur Murray. Je ferai preuve de clémence en étant bref, car le débat au Sénat et à l'autre endroit a été raisonné, intense et très riche d'enseignement.
Lorsque nous analysons la situation internationale sur le plan du terrorisme, nous constatons qu'il y a présentement 30 guerres sauvages faisant rage dans le monde. Des observateurs ont dit que 28 d'entre elles sont nourries par un fanatisme xénophobe alimenté par des haines paranoïdes où des innocents ne sont pas à l'abri et sont plutôt ciblés quotidiennement.
Pourquoi? Parce que toute épuration ethnique est effectuée au nom de palais imaginaires de la pureté. Dans les rayons poussiéreux de l'histoire, on spolie même le martyre. On a toujours défini le saint martyre comme étant un anathème à l'anéantissement des innocents.
Les conventions de Genève, qui datent de près de 100 ans, sont désormais en loque en raison de ces atrocités asymétriques ayant pour objet de détruire des civilisations, des valeurs communes forgées dans le sang et intégrées dans la Charte des Nations Unies.
Des sociétés civiles sont la cible de terrorisme. Notre société civile, ouverte et fondée sur le pluralisme et l'égalité est la proie des tentacules du terrorisme international qui déploie les mesures modernes qu'il abhorre — réseaux et technologie modernes pour prendre des otages et, pire encore, s'en prendre à nos libertés, au pays et à l'étranger.
(1430)
Comment peut-on alors appuyer une disposition de réexamen alors que le terrorisme international fait peser un danger manifeste? Si nous pouvions garantir la présence d'une disposition de réexamen dans le cas du terrorisme international, nous pourrions l'invoquer et réduire les pouvoirs de police généreux et spéciaux ainsi que les pouvoirs ministériels accordés en vertu de ce projet de loi. Malheureusement, à mon avis, pendant le reste de mon mandat au Sénat, je ne crois pas que j'aurai le bonheur de voir quelque accalmie que ce soit sur le plan du terrorisme international et de sa portée mondiale, savoir les réseaux mondiaux dont les ramifications s'étendent jusque dans les coins plus sombres de la planète.
Le terrorisme international, qui a mis de l'avant son caractère militant le plus méprisable, bafoue la condition humaine et la ramène bien en-deçà du critère de «la règle de droit».
Voici donc où nous en sommes, honorables sénateurs. Nous devons méditer sur le recours excessif, s'il en est, aux généreux pouvoirs policiers et ministériels, qui sont particulièrement difficiles à surveiller au moment où la guerre contre le terrorisme international redevient souterraine, comme c'est et ce sera le cas, et ne fait plus les manchettes. Il reste que nous n'aurons pas un moment d'arrêt pour extirper les éléments infectés, avant qu'ils sapent les bases de notre société et étouffent nos libertés individuelles.
En tant que parlementaires, que pouvons-nous faire? Comment les parlementaires peuvent-ils surveiller les généreux pouvoirs policiers et ministériels? En vertu d'un amendement de l'autre endroit, le procureur général et le solliciteur général doivent faire rapport, chaque année, aux deux Chambres, précisant de manière quantitative et statistique le recours aux pouvoirs policiers.
Initialement, le projet de loi C-36 incluait une révision par les comités des deux Chambres au bout de trois ans. Un comité sénatorial pouvait être formé auparavant à des fins de surveillance plus étroite, mais l'expérience m'a malheureusement montré que les budgets, les travaux et les priorités changeantes ne laissent guère de temps pour le nécessaire. Par conséquent, notre position est plutôt tendancieuse et litigieuse.
Se fier aux tribunaux n'est ni entièrement satisfaisant ni salutaire, parce que bon nombre de sénateurs croient sincèrement en la séparation des pouvoirs. Il serait préférable qu'un haut fonctionnaire du Parlement non lié au gouvernement établisse que le Parlement assure une vigilance externe et constante afin de protéger notre société civile, surtout lorsque dominent l'extrémisme et le fanatisme. Je me prononcerai donc en faveur de l'amendement du sénateur Murray, qui est soigneusement adapté à la proposition que j'ai faite au comité, qui l'a approuvée à l'unanimité. Ce faisant, bien sûr, j'appuierai le projet de loi C-36.
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé des problèmes généraux qui m'inquiètent dans le projet de loi C-36, mais c'est évidemment la dernière occasion que j'ai d'exprimer publiquement d'autres préoccupations que ce projet de loi m'inspire.
J'affirme toujours que le gouvernement du Canada était au courant de la menace terroriste avant le 11 septembre et qu'il existe bien d'autres lois pour soutenir et protéger notre pays et aider nos alliés. Le gouvernement a non seulement donné suite au projet de loi C-11, mais aussi au projet de loi sur l'immigration pour prendre de nouvelles mesures.
Dans les projets de loi C-36 et C-11, qui traitent de certaines questions semblables, le problème est celui des ressources et de la formation. Après le 11 septembre et dans son récent budget, le gouvernement a débloqué de nouvelles ressources pour faire le travail. Les problèmes initiaux du SCRS et de la GRC tenaient au manque d'effectifs. Dans une déclaration faite récemment à la presse, la GRC a dit que, même avec l'accroissement de son budget, elle doit, à cause du problème du terrorisme, consacrer son temps, son attention et ses ressources à la lutte contre le terrorisme. Bien d'autres problèmes de criminalité dans nos collectivités devront attendre, à moins que d'autres ressources ne soient débloquées.
Honorables sénateurs, il ne faut pas penser que le projet de loi C-36 soit le seul moyen de lutter contre le terrorisme. Ce qu'il nous faut, c'est un dispositif complexe aux ressources multiples. Bien des éléments existaient avant le 11 septembre; d'autres ont été mis en place après les événements tragiques survenus ce jour-là. Le projet de loi C-36 n'est qu'une des nombreuses mesures législatives qui existent déjà ou sont en préparation.
Il est vraiment regrettable que ce soit en toute hâte que le projet de loi C-36 a traversé les étapes de l'étude à la Chambre des communes et qu'il est maintenant examiné dans cette Chambre. Il est dommage que nous n'y consacrions pas davantage de temps, particulièrement pour l'analyser article par article. J'estime que nous pourrions améliorer ce projet de loi.
J'étais heureux d'entendre le sénateur LaPierre parler d'une disposition de temporisation. Toutefois, ses déclarations auraient du être faites au début, lorsque nous nous sommes prononcés sur une disposition de temporisation, parce que moi et d'autres sénateurs aurions accepté le projet de loi C-36, s'il avait comporté une telle disposition. Le dilemme vient du fait qu'aucune disposition de temporisation n'est prévue pour les questions qui l'exigeraient et qui devraient faire l'objet d'une réévaluation. Par conséquent, le Sénat ne doit pas s'en remettre au gouvernement, mais exercer ses responsabilités; en d'autres termes, il doit servir de contrepoids au pouvoir exécutif. Dans cette perspective, je désire aborder les trois points suivants.
En premier lieu, je demeure toujours extrêmement préoccupé quant aux soi-disant entités, à la façon dont les listes sont établies et à la radiation d'un nom de cette liste. La radiation semble plus facile parce que quiconque est nommé sur cette liste dispose d'un certain pouvoir judiciaire, qu'il s'agisse d'une organisation ou d'une personne, pour faire radier son nom de cette liste. Néanmoins, comment une personne peut-elle savoir si son nom est inscrit sur cette liste? Les dégâts sont déjà faits, comme nous l'ont répété à tour de rôle des témoins. Quiconque a travaillé dans le secteur de la justice pénale ou dans des secteurs connexes vous dira que lorsqu'une personne a été accusée, il lui est très difficile de blanchir sa réputation. L'atteinte demeure, même si elle était injustifiée. En d'autres termes, même s'il a été admis par la suite que les allégations étaient non fondées, le mal est fait. Le Canada se démarque de bien d'autres sociétés parce que chez nous le citoyen compte. Nous n'envisageons pas toujours le bien collectif, nous avons plutôt tendance à tenir compte des droits individuels face au bien collectif. Nous devons éviter de porter inutilement atteinte à un citoyen canadien, quel qu'il soit.
Lorsque je siégeais à la Commission des droits de la personne, j'ai entendu les récits horribles de personnes originaires d'autres pays. Ces pays ont répondu en disant que c'est le prix à payer. Ce qui fait que le Canada est un pays où tous veulent vivre et où tous les citoyens, dont je fais partie, sont reconnaissants de vivre, c'est que chaque personne compte. Nous avons tous les moyens de nous défendre. Je crains que ce projet de loi nous affaiblisse à ce niveau. Là encore, la question n'est pas de savoir si on doit réduire les moyens de défense dont nous disposons, mais plutôt si nous avons atteint le juste équilibre. À mon humble avis, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas réussi le test. Nous nous sommes arrogés un pouvoir et nous avons demandé aux gens de nous faire confiance et de croire que nous apporterions les correctifs nécessaires en cas d'injustice. Je ne crois pas que ce soit là la façon dont un Parlement et une société adulte devraient agir.
(1450)
De même, dans notre empressement à nous pencher sur d'autres articles, nous ne nous sommes pas vraiment penchés sur les retombées sur les oeuvres de charité. Le Canada s'enorgueillit de ses bénévoles, de ses organismes de charité et des activités non gouvernementales que nous appuyons. En fait, nous consacrons une bonne partie de nos fonds d'aide aux ONG oeuvrant partout au monde. Nous avons entendu, au comité spécial, des témoignages soulignant que l'ardeur diminue au niveau des oeuvres de charité et que les gens risquent de donner moins d'argent et de moins contribuer aux campagnes d'aide à l'étranger, particulièrement pour les groupes culturels. Je trouve cela malheureux et nous devons nous pencher de nouveau sur cette question.
Honorables sénateurs, j'aimerais me pencher à ce moment-ci sur la définition d'«activité terroriste». Je suis tout à fait d'accord avec la définition, qui stipule:
a) Soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou à l'étranger — qui, au Canada, constitue l'une des infractions suivantes:
Le projet de loi énumère toutes les conventions des Nations Unies. Je crois que ces définitions sont appropriées, bien que personnellement, je me demande pourquoi personne dans tout le système des Nations Unies n'a été en mesure de préparer une définition du terrorisme.
Cependant, nous avons inséré dans le projet de loi une autre activité terroriste. Le projet de sous-alinéa 83.01(1)b)(i)(A) dit:
au nom — exclusivement ou non — d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique.
Autrement dit, nous disons que le motif compte, qu'il soit religieux, idéologique ou politique. À mon avis, nous ne devrions pas insérer ces motifs dans ce projet d'article, surtout étant donné que nous avons tâché de séparer la religion de l'État. Voilà que nous en parlons en même temps. Comme certains procureurs nous l'ont souligné, cette disposition limitera le genre d'activité terroriste dont un accusé pourra être inculpé au Canada, car elle ne sera que de nature politique, religieuse ou idéologique, et nous devrons faire la preuve du motif. Comment faire la preuve du motif? C'est extrêmement difficile. Qu'en est-il du motif que constituent le trafic de stupéfiants, le crime international, la contrebande de personnes, ou tout simplement l'appât du gain?
Les procureurs ont dit que nous serons moins en mesure de nous attaquer au terrorisme parce que nous avons inséré ce projet d'article. Le droit pénal ne porte pas sur le motif; il porte sur l'intention. Les autres articles proposés soulignent très délibérément et correctement l'intention, et nous savons comment faire la preuve d'une intention. Je n'ai pas le temps d'aborder les aspects de la question sous l'angle du droit pénal; j'estime cependant que cette disposition n'est pas appropriée, car, lorsqu'une personne est accusée pour le motif de la religion islamique, tous ceux qui pratiquent cette religion se sentent visés. Qu'en est-il lorsque tout le monde s'intéresse à une cause politique?
Honorables sénateurs, je souhaiterais disposer de plus de temps. Ce projet de loi étant extrêmement important, j'espère que vous avez tous lu les délibérations du comité, où nous avons examiné cette disposition de façon détaillée. À mon avis, c'est la disposition la plus fondamentale et il faudrait retirer cet article du projet de loi pour protéger la société, pour assurer notre sécurité contre le terrorisme, tout en réduisant les conséquences indirectes.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je propose, appuyée par le sénateur Beaudoin:
Que le projet de loi C-36 ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 4, en remplaçant les lignes 37 à 41 à la page 13 par ce qui suit:
«en vue — exclusivement ou»
Son Honneur le Président: La Chambre a entendu la motion d'amendement. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Non.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés:
Son Honneur le Président: Le vote aura lieu à la suite des autres votes sur le projet de loi C-36, conformément à l'ordre adopté par le Sénat.
Le sénateur Andreychuk: Je crois qu'il me reste encore un peu de temps et je voulais soulever un autre point.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur veut-elle prendre la parole au sujet de son amendement?
Le sénateur Andreychuk: Puis-je continuer?
Son Honneur le Président: On vient de me rappeler que j'aurais dû laisser parler le sénateur Andreychuk avant de mettre la motion aux voix.
Madame le sénateur Andreychuk a-t-elle la permission de parler de son amendement? La motion a déjà été mise aux voix et fera l'objet d'un vote. Est-on d'accord pour que le sénateur Andreychuk fasse quelques remarques supplémentaires?
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je pense qu'il y aurait consentement pour permettre à l'honorable sénateur Andreychuk de terminer ses remarques en utilisant la période de temps qu'il lui restait sur son discours original.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Andreychuk peut continuer pour ce qui reste du temps qu'elle aurait eu si elle avait continué à parler pendant les 15 minutes qui lui étaient allouées.
Le sénateur Andreychuk: J'avais cru comprendre que je devais attendre le vote avant de continuer. C'est du moins ce que j'ai conclu d'après les procédures de ce matin.
Honorables sénateurs, en fait nous sommes liés aux Américains. Nous partageons ce continent et nous partageons leurs inquiétudes, comme ils devraient partager les nôtres. Je veux bien qu'on réagisse et qu'on réponde à leurs difficultés et j'ose croire qu'ils seront aussi sensibles à nos préoccupations.
Ce qui me trouble dans la définition qu'on donne de l'expression «activité terroriste», c'est qu'on l'a empruntée aux Britanniques. Les Américains ne parlent pas de religion. En fait, dans leur propre texte législatif, ils prennent la peine de souligner qu'aucun groupe, particulièrement les musulmans et les Arabes, ne devra être ciblé de quelque façon que ce soit et qu'une telle attitude ne sera pas tolérée. Nous avons emprunté cet article à la législation britannique et nous l'avons ajouté à notre propre mesure législative. Avec tout le respect que je leur porte, je précise qu'ils affichent une histoire où perdure depuis 20 ans un conflit entre Irlandais protestants et catholiques en Irlande du Nord. Ils ont donc le droit de choisir leurs définitions, mais il semble tout à fait inadéquat et inutile d'inscrire une telle définition dans nos lois alors que tant de choses nous lient aux États-Unis. En outre, elle cible les minorités.
Les minorités nous rappellent constamment que la sécurité de tous est assurée uniquement lorsque la sécurité des minorités l'est aussi. Dès qu'une minorité se sent vulnérable, nous le sommes tous. Le rôle d'une société canadienne multiculturelle est de dire à chacun de ses citoyens: «Vous êtes important, autant que n'importe quel autre, et vous ne serez aucunement ciblé ou sali.»
Honorables sénateurs, j'estime que le projet de loi C-36 renferme des éléments subtils qui font tiquer les minorités, ce que l'on peut éviter. Les minorités viennent au Canada pour échapper aux abus. Nous ne devons pas miner leur sécurité quand elles viennent chez nous. Elles viennent pour avoir une vie meilleure. Lorsqu'un policier frappe à leur porte, les membres des minorités se sentent un peu nerveux. Nombre d'entre eux sont ici depuis 30 ou 40 ans, mais ressentent toujours la même chose. C'est peut-être ce qui explique pourquoi M. Telegdi s'est opposé au projet de loi C-36 et pourquoi nous sommes inondés de lettres de membres de minorités qui nous disent: «Il ne faut pas que cela nous arrive.»
(1450)
Nous devrions, en fait, modifier ce projet de loi. Nous aurions dû y ajouter une disposition de réexamen, mais je plaide pour que les minorités ne soient pas oubliées dans l'application de cette loi. Sauf tout le respect que je dois aux sénateurs qui sont d'avis qu'on doit continuer de jouer un certain rôle, j'estime qu'on aurait dû y prévoir une disposition de réexamen et un rôle de surveillance. Sinon, les honorables sénateurs pourraient-ils nous dire comment nous allons protéger les Canadiens?
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Madame le sénateur croit-elle qu'on trouvera des preuves étayant son argument voulant que les minorités visibles au Canada ont toutes les raisons de ne pas nous faire confiance, comme le sénateur LaPierre est prêt à faire? Si l'on examine le rapport annuel de toutes les commissions de droits de la personne au Canada, n'est-il pas vrai que l'on trouve dans ces rapports des centaines de plaintes de discrimination raciale sur lesquelles lesdites commissions ont fait enquête? Sont-ce là des preuves probantes sur lesquelles se fonder pour ne pas faire confiance?
Le sénateur Andreychuk: Je remercie le sénateur de sa question. Nous avons nos lois en matière de droits de la personne au Canada qui régissent les relations entre voisins pour que nous nous respections les uns les autres. Cependant, comme nous l'ont dit la Commission canadienne des droits de la personne et les autres commissions faisant partie de notre étude sur les droits de la personne, il importe également de faire de la sensibilisation au Canada et dans le monde. Chaque vague d'immigrants qui sont venus au Canada ont dû trouver le moyen de s'intégrer au tissu et à la mosaïque du Canada. L'intolérance ne vient pas toujours du sectarisme et des préjugés. Elle peut venir aussi de l'incompréhension et du manque d'instruction.
Son Honneur le Président: Je suis désolé, mais je dois aviser le sénateur Andreychuk que la période de 15 minutes plus une est écoulée.
Le sénateur Kinsella: Nous demandons quelques minutes de plus. Ne l'arrêtons pas au milieu de sa réponse. La règle de la guillotine a été imposée, mais nous avons la possibilité de six heures de débat. Nous n'en avons utilisé qu'une. Nous pouvons sûrement faire preuve d'un peu de considération.
Son Honneur le Président: Le microphone du sénateur Kinsella n'était pas ouvert. Je dois expliquer pourquoi je suis intervenu à ce moment-là. J'ai dû interpréter la description de la permission du sénateur Robichaud, qui voulait qu'on donne le reste du temps à madame le sénateur pour terminer son intervention et répondre aux questions et interventions. C'est pourquoi j'ai interrompu le sénateur comme je l'ai fait.
Demandez-vous qu'on prolonge votre temps de parole, sénateur Andreychuk?
Le sénateur Andreychuk: Juste pour terminer deux phrases.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord?
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, dans les circonstances, nous accordons une minute supplémentaire au sénateur Andreychuk afin qu'elle puisse répondre à la question du sénateur Kinsella.
[Traduction]
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. La règle de la guillotine a été imposée. Nous savons quand le débat se terminera. Nous tentons de prendre la parole sur quelques derniers points. De quoi avez-vous peur? Qu'on laisse le sénateur Andreychuk répondre à ces questions. Accordons-lui encore quelques instants.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, nous voulons simplement que le débat se poursuive. Comme nous le rappelle l'opposition, le temps est limité et nous aimerions donner la chance à tous les honorables sénateurs qui désirent prendre la parole de le faire. Comme l'honorable sénateur Andreychuk a disposé de tout son temps de parole avant de proposer la motion, nous avons divisé son discours en deux. En lui permettant de conclure, nous démontrons beaucoup de flexibilité.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Le sénateur Andreychuk veut-elle conclure sa réponse?
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, nous voulons constamment nous assurer que tout le monde est bien traité au Canada. C'est pourquoi nous avons toute une série de mécanismes pour protéger les droits de la personne et les libertés civiles. Nous ne devons pas court-circuiter ces mécanismes qu'il a fallu des années pour mettre en place et dont le Canada est fier.
Ce projet de loi contient plusieurs éléments qui semblent cibler inutilement les minorités, qu'il s'agisse de la définition d'activité terroriste ou de la définition d'organisme de bienfaisance ou d'autres organisations. Ces éléments ne sont pas nécessaires si les terroristes constituent notre cible. La définition est trop large et nous devrions la revoir.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, je parlais du projet de loi C-36, en particulier du premier amendement sur les clauses de caducité, quand j'ai été grossièrement interrompu. J'aimerais terminer mon discours.
J'étais membre du comité qui a étudié ce projet de loi et j'aimerais remercier le sénateur Fairbairn et le sénateur Kelleher d'avoir présidé le comité. J'ai été président et vice-président de plusieurs comités, et j'ai été impressionné par la façon dont nous avons été traités. Nous avons toujours eu l'impression d'être traités équitablement. Tout s'est passé exceptionnellement bien et sans trop de tensions entre les membres. Nous étions tous d'accord, mais ici, personne n'est d'accord sur quoi que ce soit. Nous ne comprenons pas très bien. Toutefois, cela a été un réel plaisir de travailler avec les membres du comité, y compris avec les deux groupes de libéraux qui ont participé au début et à la fin de l'étude.
Au lieu d'un plan cohérent pour contrer le terrorisme, le gouvernement nous présente ce projet de loi. Au lieu de proposer un plan pour assurer la sécurité et la sûreté des Canadiens, il essaie de faire adopter une mesure législative draconienne qui intégrera dans le tissu social les pouvoirs temporaires qui lui sont aujourd'hui nécessaires. Nous avons raison d'être suspicieux.
La disposition de caducité a été acceptée à l'étape de l'étude en comité, mais elle a été modifiée lors de son passage au Sénat. Nous voici maintenant face à une résolution que tous les membres du gouvernement appuient, mais qui n'a rien d'une disposition de caducité. Il s'agit d'une simple résolution. Il n'y aura ni débat ni étude en comité. Le public n'aura pas non plus l'occasion de participer. Aucune disposition de caducité ne s'appliquera à la loi d'origine. Il n'y aura qu'une résolution, présentée par un gouvernement majoritaire et adoptée par les deux Chambres sans la participation des citoyens canadiens.
Face à une telle situation, il n'est pas étonnant que les sénateurs de l'opposition se demandent si le Parlement protégera les droits des Canadiens, si le Sénat protégera dans une certaine mesure les droits des Canadiens, quand ils voient comment une majorité dirigée par le whip traite les droits des Canadiens. Or, c'est ce qui se produit maintenant en vertu du projet de loi C-36.
Comme les libéraux le constatent aujourd'hui et, comme ils l'ont constaté après l'adoption du projet de loi C-68 sur l'enregistrement des armes à feu, l'adoption d'une mesure législative ne résout pas tous les problèmes. L'enregistrement des armes à feu n'a pas résolu la violence criminelle comme l'avait affirmé la ministre de la Justice de l'époque. Cette mesure a plutôt créé un bourbier administratif qui, à ce jour, a coûté plus de 500 millions de dollars aux contribuables, et la fin du compte n'est même pas en vue. Le projet de loi C-68 a suscité une réaction défensive chez nombre de Canadiens qui n'avaient rien à se reprocher. J'ai entendu dire qu'un grand nombre de Canadiens, vraisemblablement des milliers, refusent de se conformer à cette loi et que le gouvernement a réduit son estimation du nombre d'armes d'épaule disponibles au Canada.
(1500)
Nous nous souvenons des propos alarmistes du début selon lesquels il y avait au Canada 12 millions d'armes d'épaule qui n'étaient pas enregistrées. On nous dit maintenant qu'il y en a 2 millions, et il se pourrait qu'on ait sous-évalué le chiffre original afin que les pourcentages donnent une bonne impression.
J'entends parler sans cesse d'accès aux tribunaux. J'ai des nouvelles pour les honorables sénateurs: les gens n'aiment pas s'adresser au tribunal. Je sais qu'il y a beaucoup d'avocats qui disent que la charte va nous protéger, que les tribunaux vont nous protéger. Mais les gens n'aiment pas s'adresser aux tribunaux. Les gens de Yorkton ne disent pas: «Oh, la Charte des droits va nous protéger. Il ne faut pas craindre la police.» Je ne crois pas.
C'est un affront au Parlement. C'est notre responsabilité. Les gens ordinaires ne veulent pas avoir recours au tribunal. Ils s'attendent à ce que les parlementaires protègent leurs droits. Ils n'ont pas les moyens d'avoir recours au tribunal. Si nous omettons de protéger leurs droits, comme nous le faisons certes dans le cas du projet de loi C-36, par défaut ou par négligence, les tribunaux deviennent le dernier recours.
Les tribunaux n'existent certes pas pour nous protéger contre le Parlement. Ils sont là pour nous protéger contre les excès du Parlement.
N'étant pas avocat, je vois la loi en termes beaucoup plus généraux et philosophiques. Parfois les détails m'échappent car je ne suis pas érudit et je n'ai pas étudié les interprétations et les applications passées de la loi. Nous savons tous que la loi façonne notre vie et, certes, nous en subissons ou en observons les conséquences.
En comité, j'ai été frappé de voir combien de sénateurs semblaient s'en remettre à la Charte des droits pour nous protéger contre notre propre intransigeance. Ils devraient tous lire la Constitution de l'ex-URSS. À première vue, on croirait que tous ces artistes, écrivains et citoyens ordinaires qui ont été envoyés dans les goulags, principalement pour avoir parlé de démocratie et de liberté et y avoir réfléchi, méritaient d'aller en prison. Leur Constitution leur garantissait tous les droits imaginables, y compris le droit à ne pas avoir faim, tant qu'ils étaient prêts à faire la queue dans les rues de Moscou ou des villages de Russie par des froids de 30 sous zéro. Elle leur garantissait la liberté et le droit au travail, tant qu'ils ramassaient la cuillère ou le balai que le gouvernement leur ordonnait d'utiliser, à la pointe du fusil. Ceux qui détenaient le pouvoir et qui gouvernaient ce pays avaient perdu tout respect pour la loi. Ils avaient des lois formidables. Leur Constitution garantissait des droits formidables. Son interprétation et sa mise en oeuvre ne servaient pas à assurer la justice pour les simples citoyens, ce qui est notre raison d'être, mais plutôt à maintenir la domination du parti au pouvoir, en l'occurrence le Parti communiste.
La loi, pour autant que je le sache, moi qui suis un parlementaire qui n'est pas avocat, doit être respectée. C'est pourquoi la règle de droit est sacro-sainte.
Dans les Prairies, j'ai constaté que la loi sur l'enregistrement des armes à feu n'est pas respectée. Quand les gens pensent que l'idée n'est pas de les protéger, mais que, pour des raisons d'efficacité et de rapidité, leurs droits sont sacrifiés, il n'y a pas de révolution au pays, mais seulement une lente érosion de la règle de droit. On ne s'en aperçoit même pas. On commence simplement à l'accepter. L'histoire montre que c'est précisément ce qui se passe. Ce sont les hommes de bonne foi et les parlementaires qui disent: «Faites ceci. Tout ira bien. Vous pouvez avoir confiance en nous. Tout ira très bien.» Et cela se produit simplement, nous le savons tous.
La population se préoccupe moins de la règle de droit. Quand ils savent que l'État est de leur côté, les gens prennent les choses en mains. C'est le genre de choses qu'un politicien comprend parce que, honnêtement, c'est l'essence de la politique. Si nous sommes ici, c'est justement pour protéger la population, et non pour nous protéger.
Honorables sénateurs, je vais me prononcer contre le projet de loi, espérant que mes craintes ne sont pas fondées et que je n'aurai jamais à dire: «Je l'avais bien dit.»
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis restée assise ici toute la journée, pour pouvoir revenir, avec le recul des semaines et des mois écoulés, sur les arguments que j'ai entendus.
Le projet de loi C-36 me trouble terriblement. Comme le sénateur Andreychuk et bien d'autres sénateurs, j'aurais pu me prononcer en faveur de cette mesure, si seulement elle avait prévu une bonne disposition sur la surveillance et une disposition de caducité.
Comme mon collègue, le sénateur Forrestall, j'étais là aussi au début des années 70. Pour sortir de mon bureau du quatrième étage de l'édifice du Centre, je devais enjamber le jeune caporal qui était assis près de ma porte, une mitraillette sur les genoux. Je travaillais avec M. Stanfield à l'époque. L'opinion publique était exacerbée durant la Crise d'octobre, comme elle l'a été dans le sillage des attentats horribles qui ont été perpétrés à New York, à Washington et en Pennsylvanie, le 11 septembre.
L'enlèvement de M. Cross et l'assassinat de M. Laporte sont des actes horribles qui ont eu lieu au Québec. J'entends encore la population qui disait: «Faites quelque chose!» Les gens paniquaient. Le gouvernement et le premier ministre de l'époque ont fait adopter la Loi sur les mesures de guerre. Personne n'a oublié le fameux «Regardez-moi bien aller!» du premier ministre Trudeau. Deux années plus tard, «Regardez-moi bien aller» s'est lui-même vu mordre la poussière. Deux brèves années avaient suffi pour que l'opinion publique se retourne contre le gouvernement.
Le sénateur LaPierre dit qu'il a confiance dans le système. Il nous demande d'être les gardiens de cette mesure législative. Le concept est séduisant. Toutefois, si le sénateur LaPierre se croit capable de convaincre ses collègues qu'il a raison, il doit aussi croire à la fée des dents.
J'ai aussi été frappée de voir le sénateur Carstairs faire des remontrances aux sénateurs de ce côté-ci pour ce qu'elle estimait être un débat trop long. Elle a dit combien de fois le timbre avait retenti il y a quelques soirées. Ce seul commentaire est un affront à la démocratie.
De notre côté de la Chambre, nous avons livré une bonne bataille. Je suis ici parce que c'est mon devoir de parler au nom des centaines de personnes qui m'ont envoyé des courriels et qui m'ont écrit à ce sujet.
Honorables sénateurs, je suis très fière de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre. Tant au comité que pendant les séances du Sénat, ils se sont conduits de façon très constructive. Nous avons toujours formé une opposition constructive. Nous n'avons jamais fait preuve d'obstruction. Les cloches et les votes font partie des processus démocratiques de cette Chambre.
Nous n'avons pas sonné le cor dans les oreilles de nos collègues d'en face, pas plus que nous leur avons joué de la guimbarde au visage. Aucun sénateur n'a fait la grève de la faim à l'extérieur du Sénat faire valoir son point de vue. C'est à cause d'actes de ce genre que le Sénat a si mauvaise réputation. Les gens se rappellent des actes de ce genre. De ce côté-ci de la Chambre, nous devons au moins nous attribuer le mérite d'avoir essayé.
Nous savons compter. Il y a 60 sénateurs assis en face, alors qu'il n'y en a que 30 de notre côté, en plus des 5 sénateurs indépendants. Je remercie les sénateurs indépendants de leur appui dans ce dossier.
Comme le sénateur Tkachuk, j'espère ne jamais être en mesure de dire: «Je vous l'avais bien dit.» J'espère avoir tort au sujet de ce projet de loi. À mon avis, d'ici peu, le public canadien se préoccupera de ce qu'il a vu se produire au Parlement. Je crois qu'il n'aimera pas ce qu'il verra.
(1510)
Je me demande combien de fois le Parlement devra commettre une erreur aussi terrible avant que la population ne se réveille enfin. Qu'on songe à l'histoire de cette institution. Nous avons renvoyé à une mort certaine un grand nombre de Juifs qui étaient arrivés par bateaux sur nos côtes pour échapper à l'oppression nazie; nous avons interné les Japonais; nous avons invoqué la Loi sur les mesures de guerre; nous avons piétiné les droits des étudiants lors du sommet de l'APEC; et maintenant, le projet de loi C-36 accordera des pouvoirs extraordinaires au gouvernement, aux ministres et à la police. Soit dit en passant, tous ces actes ont été commis sous un gouvernement d'allégeance libérale. Force est de me demander ceci: ne sommes-nous pas en droit de contester quelques-unes de ces décisions?
Honorables sénateurs, pendant le déroulement du processus, j'ai rencontré trois jeunes avocats musulmans qui ont comparu devant le comité chargé d'étudier le projet de loi C-36. Ils m'ont énormément impressionnée. Ce sont d'excellents jeunes hommes. Je me suis entretenue avec eux pendant 15 minutes, dans la rue, en face de l'édifice Victoria. J'ai été frappée par leurs propos. Ils ont tous exprimé les mêmes préoccupations que celles auxquelles nous tentons de répondre dans cette Chambre. Mon bon ami Goldy Hyder est l'ancien chef de cabinet du très honorable Joe Clark et est musulman. Il m'a parlé de certaines choses qui se passent dans la collectivité.
Nous sommes aux prises avec un dilemme, car, bien sûr, nous abhorrons tous les actes terroristes, mais nous devons protéger nos citoyens tout en protégeant les droits fondamentaux de tous. Quelqu'un dira peut-être que nous devons voter une fois sur deux questions et ça me préoccupe, mais tôt ou tard, il faut mettre de côté l'esprit de parti. Je suis aussi sectaire que n'importe qui, mais j'ai appuyé le gouvernement sur des questions comme le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, car j'estime que c'était ce qu'il convenait de faire.
Honorables sénateurs, je vous exhorte à au moins reconnaître ce qu'ont dit les témoins devant le comité. Je pense notamment à ces jeunes musulmans qui ont comparu devant le comité. Les comités sénatoriaux offrent aux témoins une tribune de choix où exprimer leur opinion et ces derniers ont raison de croire que leur déposition peut avoir un effet déterminant sur l'issue d'un projet de loi donné. Soyons honnêtes avec eux dès le début et disons-leur qu'ils sont de merveilleux témoins; que nous avons lu leurs mémoires; que nous souscrivons à tout ce qu'ils ont dit; mais que tout ce qu'ils ont dit ne compte pas, et que nous n'en avons que faire, car c'est essentiellement le message que nous leur envoyons.
Honorables sénateurs, je n'ai pu voter quand la Loi sur les mesures de guerre a été invoquée parce que je faisais alors partie du personnel politique. Cependant, je me souviens que le caucus de M. Stanfield a forcé ce dernier à appuyer cette loi parce qu'il estimait que l'opinion publique était très favorable à la loi et qu'il estimait que ç'aurait été suicidaire sur le plan politique de ne pas l'appuyer. Comme mon collègue, le sénateur Forrestall, l'a dit: c'est une décision que M. Stanfield regrette encore aujourd'hui.
Je voterai contre le projet de loi C-36. Ainsi que le sénateur Tkachuk l'a dit, j'espère me tromper, mais je pense bien ne pas avoir tort sur ceci: le gouvernement regrettera amèrement le jour où il a adopté le projet de loi C-36.
L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, l'étude préalable et l'examen des mesures antiterroristes proposées par le gouvernement dans la version initiale du projet de loi C-36 ont été assez mouvementés pour ceux qui ont siégé au comité sénatorial spécial chargé d'examiner le projet de loi, soit depuis la création du comité le 17 octobre.
Le fait d'avoir été brutalement confrontés aux actes terroristes du 11 septembre qui ont fait plusieurs milliers de morts aux États-Unis, et aux dangers subordonnés qui se posent pour le Canada en tant que pays allié et voisin, le long de la plus longue frontière non défendue, a été un choc incroyable pour les Canadiens, le gouvernement et le Parlement. Ce projet de loi, l'un des plus complexes et des plus problématiques dont a jamais été saisi le Parlement, était décourageant, voire inquiétant pour certains.
Honorables sénateurs, à ce stade tardif du débat, je voudrais dire à quel point j'ai trouvé exceptionnels les sénateurs qui ont passé 58 heures autour d'une table à interroger 76 témoins, puis à discuter. Ensemble, ils ont mis leur formidable expérience à profit pendant l'examen des divers aspects du projet de loi, notamment la sécurité, le droit pénal, le droit constitutionnel, les droits de la personne, les relations internationales, les communications et, bien sûr, la vie politique.
Certains ont fait valoir le point de vue de groupes et d'organisations d'un peu partout au Canada, qui craignent d'être particulièrement touchés par cette mesure législative. Je remercie le sénateur Jaffer et le sénateur Andreychuk pour leurs idées.
J'ai présidé le comité en partenariat avec notre fantastique vice-président, le sénateur Kelleher. Notre travail consistait à gérer la tache intense, compliquée, parfois très animée de veiller à avoir un choix représentatif de témoins et de s'assurer que les membres du comité puissent échanger des questions et réponses avec eux. Ce n'est pas facile quand il y a urgence. Je remercie le sénateur Kelleher, nos collaborateurs, les documentalistes de la Bibliothèque du Parlement, ainsi que Mme Heather Lank, la formidable greffière de notre comité, pour leur temps et leurs efforts.
Dans tous les témoignages et le jargon juridique, un fait demeure constant: le terrorisme est réel, il est présent parmi nous, avec les risques qu'il comporte, à l'extérieur comme à l'intérieur de nos frontières, et il ne va pas disparaître. Sous une forme ou sous une autre, il a toujours été indissociable de l'histoire et il a souvent culminé dans des guerres, comme les Afghans le constatent aujourd'hui.
Un autre fait est profondément troublant. Le sénateur Furey en a dit un mot hier. Divers rapports ont signalé des signes précurseurs laissant présager des incidents aux États-Unis. Cependant, personne, dans les services de sécurité et de renseignement, ne s'en est saisi. Cela confirme une inquiétude que j'ai depuis longtemps: les Canadiens et leurs alliés n'ont pas pris assez au sérieux leurs préoccupations ou leur coopération au sujet de ce genre de problème, notamment en sol canadien.
Jusqu'à un certain point, nous avons laissé tomber nos gardes. Nous étions peut-être au courant du danger, mais nous ne nous sommes pas été bien préparés à réagir, peut-être à cause de l'euphorie provoquée par la fin de la Guerre froide et la destruction du mur de Berlin. Peu importe les raisons, les ressources n'ont pas été à la hauteur des besoins.
Voilà qui m'amène à ce que je considère comme l'essentiel du projet de loi C-36. Cette mesure vise non seulement à maintenir et à renforcer un système qui sanctionnera ceux qui ont commis des crimes horribles et des atrocités, mais aussi à faire quelque chose d'infiniment plus difficile. Il s'agit d'établir par voie législative un régime qui empêchera les terroristes de passer aux actes, qui empêchera des kamikazes de décoller bord d'avions qui iraient s'écraser contre des immeubles ou des installations vulnérables, qui empêchera l'explosion de bombes dans des lieux de travail ou de culte, qui arrêtera à la source la collecte et l'acheminement de fonds qui servent à financer les actes de violence qui bouleversent la vie des gens.
Et surtout, comme l'ont dit tant de sénateurs, nous devons accomplir tout cela en assurant l'équilibre entre ces mesures et la protection des droits et des libertés que nous tenons pour acquis. Ces droits et libertés font que le Canada est envié dans tous les coins de la planète et ils invitent les gens à venir au Canada pour enrichir l'âme et l'avenir de ce pays. Nous voulons que ces gens viennent chez nous, nous voulons que nos portes restent ouvertes, nous voulons que nos citoyens et leurs familles soient en sécurité et nous voulons transmettre un message qui, étayé par la loi, les mesures de sécurité et la volonté politique du Canada, fera savoir clairement que le Canada ne tolérera pas les gestes de ceux qui, volontairement et en pleine connaissance de cause, facilitent la perpétration d'actes terroristes.
(1520)
Dans toute la mesure de nos capacités et de nos possibilités, nous devons faire savoir que le Canada n'est pas un refuge sûr pour les apprentis terroristes, tout comme il n'est pas un terrain d'entraînement ou une escale pour ceux qui voudraient attaquer ou déstabiliser notre voisin, les États-Unis d'Amérique. Les outils pour accomplir cette tâche se trouvent en partie dans le projet de loi C-36.
Est-ce que j'ai aimé la version originale de ce projet de loi? Non. Pas plus que j'ai apprécié le contexte dans lequel nous avons été contraints de le produire. Voilà pourquoi j'ai adhéré au consensus qui, dans le rapport sur l'étude préalable demandée par le gouvernement, a recommandé certains amendements au projet de loi. Nous avons formulé 22 recommandations pressant le gouvernement de tenir compte de nos arguments. Tout cela, avant même que le Comité de la Chambre des communes sur la justice et les droits de la personne n'amorce ses travaux.
Honorables sénateurs, ne vous y trompez pas. Madame le procureur général et le gouvernement ont sérieusement étudié les recommandations du comité spécial et ont contribué aux changements effectués par la suite. Huit de nos propositions ont été acceptées, quatre l'ont été en partie, et plusieurs nouveaux changements ont été apportés qui portaient sur certains aspects de nos préoccupations. Les autres recommandations n'ont pas été étudiées, ou ont été rejetées à l'autre endroit. Le projet de loi qui nous a été renvoyé par la suite était essentiellement une mesure législative différente. Je crois qu'il était bien supérieur au texte original.
En dépit de craintes légitimes, parfois exprimées avec fougue, le projet de loi en soi n'enlève rien aux libertés et droits fondamentaux. La Charte des droits et libertés n'a été ni compromise ni niée. La disposition d'exemption n'a pas été invoquée. À plusieurs reprises, madame le procureur général s'est donnée beaucoup de mal pour expliquer que les dispositions du projet de loi s'inscrivent dans le droit fil de la Charte.
À tous les niveaux de notre société, qui est riche par son multiculturalisme, les Canadiens continueront de bénéficier des droits que leur reconnaît la Charte. Toutefois, comme des sénateurs n'ont pas manqué de le rappeler ces jours-ci, certains des témoins entendus par le comité craignent qu'il n'en soit rien s'il est donné suite aux dispositions prévues dans ce projet de loi. Ces témoins ont non seulement besoin d'être rassurés, ils veulent que nous leur apportions la preuve concrète que l'on tiendra compte de leurs préoccupations.
Nous sommes préoccupés par toutes les craintes exprimées dans ce débat par le sénateur Kinsella, le sénateur Andreychuk et d'autres. Il ressort nettement de ces craintes notre volonté collective d'établir un équilibre entre les besoins en matière de sécurité et la garantie des libertés. C'est précisément pour cette raison que les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre ont voulu annexer quelques observations au rapport final du comité. Ils ont proposé, entre autres choses, d'accélérer la formation des agents chargés d'assurer la paix et la sécurité sur le terrain. Nous voulons que le gouvernement accorde la priorité à cela. Nous avons appris au comité que pareille formation était déjà dispensée.
Bien que nous ayons salué les annonces récentes de rallonge de fonds et les crédits prévus dans le budget de la semaine dernière, nous réclamons qu'il n'y ait pas de plafond si d'autres ressources étaient rendues nécessaires. Nous souhaitons que les gens au sein des collectivités ethniques et culturelles qui sont inquiets et qui ont vécu certaines expériences particulières puissent, d'une façon quelconque, communiquer leurs inquiétudes à nos services de police et de sécurité. Nous voulons aussi que leurs représentants aient un moyen leur permettant d'aider les agences d'examen gouvernementales à aller au-delà des statistiques et à fournir au Parlement et au public des renseignements qualitatifs sur la manière dont les pouvoirs conférés par le projet de loi sont exercés plutôt que de se limiter à des chiffres sur les arrestations, les audiences et les détentions.
Deux de nos nombreuses préoccupations ont fait l'objet d'abondantes discussions dans cette Chambre. La première est la disposition de caducité s'appliquant à tous les aspects du projet de loi sauf les dispositions qui renvoient à des conventions internationales; nous recommandions dans notre étude préliminaire que le délai soit de cinq ans. J'étais d'accord avec une telle disposition à l'étape de l'étude préliminaire en raison des préoccupations entourant la détention préventive et l'investigation. Par conséquent, je ne me suis pas opposée à la décision du gouvernement de faire porter la disposition de temporarisation sur ces deux aspects seulement du projets de loi. Nous voulons voir comment ces aspects seront abordés et s'il y aura lieu de reconduire la disposition.
Honorables sénateurs, qu'il n'y ait aucun doute quant à la capacité du Sénat d'étudier une résolution et d'en débattre. Bien que l'on ne puisse modifier les résolutions, elles peuvent occuper le centre du débat lors d'audiences en comité où nous recevons des témoins et dans le cadre de débats ultérieurs. En fait, j'ai moi-même présidé un des comités qui ont été saisis des résolutions de Terre-Neuve. Ce fut l'un des rôles les plus difficiles que j'aie eu à jouer de toute ma vie.
Honorables sénateurs, il y a un processus en place. Au terme de ce processus, si une Chambre ou l'autre devait se prononcer contre ces dispositions, c'en serait fini de ces mesures.
J'estime également que les nouvelles modalités du projet de loi destinées à favoriser un examen et une surveillance accrus dans le cadre de rapports seront appliquées de manière à respecter les intentions exprimées par le gouvernement, soit informer le public et le Parlement et maintenir l'équilibre dans la protection des citoyens. Durant notre étude préalable, j'ai aussi appuyé l'idée de nommer un haut fonctionnaire du Parlement. Le gouvernement ne l'a pas fait, bien qu'il ait ajouté d'autres mesures comme la présentation de rapports annuels par les procureurs généraux du fédéral et des provinces, ainsi que la tenue d'un examen parlementaire. Notre rapport ne prédisait pas très bien comment le haut fonctionnaire s'acquitterait de ses fonctions.
Bien que des sénateurs siégeant en face aient soutenu avec vigueur que les mécanismes d'examen applicables aux fonctions de police et de sécurité ainsi qu'au gouvernement proprement dit ne soient pas suffisants ou appropriés dans certains cas, j'estime qu'on devrait leur permettre de faire leurs preuves. Dans le contexte de ce projet de loi, je ne partage pas le point de vue voulant qu'on ne peut faire confiance aux autorités gouvernementales et du domaine de la sécurité, et que ces autorités pourraient camoufler toute preuve d'abus des pouvoirs. Je ne crois tout simplement pas cela, honorables sénateurs, et je suis loin d'être naïve.
L'écoute des témoins et les maintes questions posées à des fonctionnaires m'ont aussi convaincue qu'il existe des motifs réels et sérieux de se préoccuper des différends liés à la question de savoir s'il est possible ou souhaitable qu'un commissaire fédéral se charge de surveiller les activités des personnes exerçant bon nombre des pouvoirs prévus dans ce projet de loi qui sont de compétence provinciale. Il n'est pas simple dans notre pays d'intervenir dans d'autres sphères de compétence sans provoquer des répercussions qui pourraient facilement saper l'objet même de la mesure adoptée.
Honorables sénateurs, on trouve en cette Chambre des sénateurs ayant une longue expérience et le sens des responsabilités qui se sont dits sceptiques que le processus de surveillance proposé dans le projet de loi modifié puisse être empreint d'ouverture et de sincérité. Je reconnais humblement que je participe à notre système parlementaire depuis près de 40 ans, que j'ai fait des observations, rédigé des articles et donné des conseils s'y rapportant et que, par choix, j'ai surveillé de près ses points forts et ses points faibles. J'adore cet endroit et je respecte le système.
J'ai assisté avec tristesse au cours des dernières décennies à une diminution du rôle du Parlement aux yeux du public en raison des contraintes de temps, attribuables à l'exécutif et aux communications. Toutefois, il conserve ses points forts. Je crois fermement que le Parlement du Canada compte parmi ses pouvoirs et responsabilités la possibilité d'agir comme chien de garde de ce processus crucial de sécurité.
À mon avis, les personnes chargées de la mise en oeuvre de ce projet de loi demeureront longtemps sous le feu de puissants projecteurs. Les erreurs et les échecs ne pourront être facilement camouflés. Je le dis avec toute la force dont je suis capable et en faisant appel à mon expérience personnelle: ne sous-estimez jamais le Sénat du Canada.
(1530)
Son Honneur le Président: Je regrette, mais la période de 15 minutes attribuée au sénateur Fairbairn pour intervenir, faire des observations et poser des questions est maintenant écoulée.
Le sénateur Fairbairn: Comme le dirait le sénateur Andreychuk, il me reste quelques phrases.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je termine en faisant un commentaire désabusé. Depuis la Confédération, le Sénat a fait l'objet de critiques et de moqueries de la part des citoyens qui ne nous connaissent pas, ne savent pas qui nous sommes et ne comprennent pas ce que nous faisons. En dépit de cela, je peux affirmer que, dans les faits, le Sénat possède une feuille de route remarquable au chapitre de ses contributions et de ses initiatives concernant des questions que d'autres institutions refusent de traiter ou négligent d'aborder, mais qui ont néanmoins des répercussions profondes sur la vie des Canadiens. Je regarde autour de moi et je vois, de part et d'autre de cette Chambre, des sénateurs qui ont mené des campagnes importantes, d'un océan à l'autre au Canada, et que, dans bien des cas, ils ont non seulement changé la vie de nombreux citoyens, mais aussi le regard que ces citoyens jettent sur eux-mêmes et sur leur avenir.
Voici l'une de ces questions. Je ne considère pas l'engagement du Sénat simplement comme une option viable au titre de la mise en oeuvre continue de cette mesure législative. Si j'adopte le point de vue du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, j'estime qu'il est de notre devoir de chercher un mécanisme pour faire preuve de la volonté, de l'équité, de l'objectivité et de la ténacité nécessaires pour que cette mesure législative serve bien les citoyens qu'elle vise à protéger. Nous pouvons nous pencher là-dessus quand nous le voulons. Nous n'avons pas à attendre trois ans. Il est possible de le faire, dans cette Chambre, au moyen d'une entente collective, quel que soit le mécanisme. Le choix nous appartient, et il nous incombe de prendre une décision.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter madame le sénateur Fairbairn pour son excellent discours. Je suis très intrigué par la recommandation qu'elle a faite à la fin de ses remarques. Est-ce qu'elle serait d'avis que nous devrions demander le consentement unanime du Sénat pour donner au Comité sénatorial permanent des droits de la personne le pouvoir d'assumer le genre de surveillance dont elle a parlé?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, cela ne dépend pas de moi. Ce serait une question extrêmement importante qui pourrait être discutée par les responsables des deux côtés du Sénat. J'ai mentionné le Comité des droits de la personne parce qu'il en a déjà été question. Le Sénat pourrait envisager un autre mécanisme ou un autre comité, mais pour ma part j'appuierais ce dont conviendraient les responsables de cette Chambre.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai ici une lettre adressée à un sénateur. Elle dit ceci:
Je vous remercie de votre lettre dans laquelle vous exprimez votre satisfaction à l'égard de la nature radicale du projet de loi C-36. Je vous sais gré de cette occasion de réfuter votre explication.
Vous dites que «le projet de loi C-36 est une mesure législative révolutionnaire» et «qu'un grand nombre de dispositions mettront à l'épreuve les limites de la Charte des droits et libertés». Or, vous refusez les amendements nécessaires qui protégeraient les droits fondamentaux des Canadiens.
En outre, votre empressement à adopter ce projet de loi avant Noël suscite la question suivante: «Pourquoi si vite?» Le Canada n'a pas besoin de ces lois aujourd'hui. L'opposition ferme et généralisée à ce projet de loi qui s'est manifestée ces deux derniers mois en est la manifestation évidente. À notre avis, cette loi n'est pas nécessaire, mais si vous voulez vraiment l'adopter, au moins modifiez-la d'abord. Protégez l'application régulière de la loi en ajoutant une clause de caducité globale et des dispositions prévoyant une surveillance parlementaire indépendante.
Enfin, ce que les Canadiens méritent réellement, c'est qu'on les écoute. La ministre de la Justice et le cabinet du premier ministre ne les ont pas écoutés en ce qui concerne le projet de loi C-36. Vous êtes membre de la Chambre de second examen objectif. S'il vous plaît, amendez ce projet de loi. Les Britanniques l'ont fait. Autrement, que pourrez-vous répondre en toute bonne conscience quand on vous demandera pourquoi vous avez voté comme vous l'avez fait, si ce n'est: «Je ne faisais qu'obéir aux ordres».
Cette lettre, qui vient du Congrès ukrainien canadien, est adressée à l'honorable Lorna Milne, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Madame le sénateur,
S'il vous plaît, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour entraver l'adoption du projet de loi C-36 (et celle aussi du projet de loi C-35). D'autres vous ont présenté des arguments détaillés sans fin. Je n'ai qu'une chose à vous dire: le genre de réaction autodestructive que représente le projet de loi C-36 est exactement ce qu'Oussama ben Laden espérait provoquer par ses attaques terroristes.
Les attaques n'étaient pas que des fins en soi, mais elles étaient aussi des moyens de faire dévier les démocraties vers des réactions totalitaires et des querelles internes. Le gouvernement canadien désire-t-il vraiment contribuer si généreusement au succès à long terme des projets d'un fanatique?
Cette lettre vient de M. Michael Wilson, professeur retraité de la Saskatchewan.
Respectés politiciens et sénateurs du Canada,
Je suis Canadienne. Je suis née au Canada. J'y suis depuis ma naissance, il y a 25 ans. Je parle couramment l'anglais...
Je chéris les droits et les libertés dont je jouis au Canada. Mais l'adoption éventuelle du projet de loi C-36 me rend nerveuse quant à mon avenir, ainsi qu'à celui de ma famille et de mes amis.
Pourquoi? Surtout parce que je suis musulmane. Je porte des vêtements qui m'identifient comme musulmane. Je porte un mouchoir de tête. Lorsque les gens me voient, ils présument souvent que je ne parle pas l'anglais ou que je viens d'immigrer au Canada. Je ne peux pas comprendre la violence des attentats du 11 septembre. Ma religion n'enseigne ni la violence ni le terrorisme. Ma famille mène une vie paisible et nous contribuons autant que possible à la société canadienne.
Il n'est un secret pour personne que les musulmans sont surveillés de plus près et que les profils raciaux semblent devenir une réalité. Les milliers de personnes comme moi au Canada et moi-même allons-nous désormais être soupçonnés simplement en raison de nos croyances, de notre habillement ou de la couleur de notre peau? Je crains beaucoup que le projet de loi C-36 ne nous rende la vie très difficile. Il supprimera des libertés civiles fondamentales.
Je vous exhorte tous à réexaminer les torts que causera ce projet de loi.
Cette lettre vient de Winnipeg, où je me rendrai pour m'entretenir avec ce groupe de personnes.
Honorables sénateurs, nous entendons dire que le FBI demande davantage d'argent pour venir au Canada. Il n'a pas demandé l'autorisation au Canada. Il demande au Congrès de l'argent pour y venir. Nous n'avons pas dit si nous accepterons ou non, mais il demande déjà la permission pour mieux se positionner.
Honorables sénateurs, ces lettres font valoir tous les arguments que vous avez entendus. Cependant, je sais que c'est inutile. Lorsque je suis arrivé au Sénat, je pensais que nous écouterions les arguments de chacun. Je suis arrivé ici en ayant de fortes opinions, mais j'étais disposé à écouter les fortes opinions des autres. Lorsque je ne connais pas bien la question à l'étude, comme l'agriculture, j'insiste pour écouter le sénateur qui en parle.
(1540)
J'écouterais tous les genres d'experts, et le Sénat semble en avoir en abondance. C'est exactement ce que nous devrions faire, car cela va dans le sens des intérêts du Canada. Toutefois, il semble que chaque projet de loi reçu témoigne désormais d'une idée arrêtée. à quoi sert-il alors de tenir des débats?
Quelle est leur utilité? Honnêtement, comment pouvons-nous nous rendre dans les universités et collèges? Pour ce qui est de Son Honneur, comment peut-il continuer à recevoir des enseignants comme il le fait si bien et à inviter des sénateurs à participer à des discussions avec eux? Leur première question, c'est: «Que faites-vous au Sénat»? Nous leur répondons que nous modifions le rôle de la Chambre des communes et que nos comités analysent les mesures législatives proposées. À quoi sert-il de faire venir ici tous ces Canadiens aux frais des contribuables — et c'est la chose à faire — où ils sont accueillis si chaleureusement? À quoi sert-il au sénateur Beaudoin de mettre des mois à préparer des amendements? Pourquoi le sénateur Nolin et tous ces libéraux travailleraient-ils jour et nuit avec les meilleurs employés, les meilleurs chercheurs et les meilleurs témoins si, en bout de piste, nous disons: «Fini les folies, adoptons le projet de loi»?
Honorables sénateurs, je vais vous lire quelque chose de connexe. Je n'en révélerai l'auteur qu'à la fin; il se peut que vous soyez étonnés. Ce document vient de Toronto et porte la date du 17 décembre 2001.
Dans un vigoureux communiqué [...] a exhorté Ottawa à dire non aux demandes des États-Unis qui veulent établir un détachement du Bureau fédéral d'enquête (FBI) à Toronto, ainsi qu'à refuser le stationnement de soldats américains au Canada.
«L'idée de recourir à des soldats pour contrôler la frontière Canado-américaine est déjà assez repoussante», a dit M. X, «mais leur permettre d'être stationnés au pays est tout à fait inacceptable. La coopération est une chose et nous l'appuyons intégralement, mais l'occupation est une autre chose et c'est notre principale préoccupation.»
«Une invasion du FBI est tout aussi intolérable», a ajouté M. X. «En premier lieu, le gouvernement du Canada cède aux pressions des États-Unis qui le pressent d'adopter une mesure législative faisant du pays un État policier et, ensuite, il étudie une demande des États-Unis visant à permettre à leurs policiers d'intervenir dans la façon dont cette mesure législative draconienne sera mise en oeuvre. La réponse qu'Ottawa doit donner à Washington est un «Non!» poli, mais très ferme.»
Les mesures adoptées par les États-Unis depuis le 11 septembre vont bien au-delà de ce qui s'impose aux fins de la sécurité. Ils cherchent à établir un empire dont les préoccupations dépassent largement le cadre de la sécurité. En réalité, les critères géopolitiques passent avant tout.
«C'est pourquoi nous devons dire non au FBI. Initialement, il se préoccuperait peut-être de sécurité, mais il se livrerait bientôt à de l'espionnage industriel et tiendrait Washington au courant de toute activité canadienne qui pourrait être principalement dans l'intérêt du Canada», a soutenu M. X. «C'est une des fonctions de la police américaine et des activités de la CIA partout dans le monde, et nous avons déjà plus que notre compte à ce chapitre au Canada.»
Même avant les événements du 11 septembre, la guerre de propagande en faveur d'un périmètre commun, d'une union douanière et de l'adoption du dollar américain s'est intensifiée dans le but de pousser encore davantage le Canada dans les tentacules de son voisin. «Depuis le 11 septembre, sous le couvert des événements tragiques survenus ce jour-là, une guerre tous azimuts a été lancée contre notre souveraineté», d'ajouter M. X.
«Il est temps qu'Ottawa trace une ligne à ne pas dépasser. Nous ne voulons pas de périmètre commun, pas d'union douanière, pas d'union monétaire, aucun détachement du FBI en sol canadien et pas de troupes américaines chez nous. Autrement, aussi bien agiter le drapeau blanc et nous rendre.»
En lisant ces propos, je me suis demandé de qui ils pouvaient bien être. Puis, je me suis souvenu. C'est celui que j'ai appuyé dans la campagne à la direction du Parti libéral en 1968, M. Paul Hellyer, dont le dévouement envers le Canada n'a certes rien à envier à celui de quiconque ici présent. Cet homme a été ministre de la Défense nationale. Il a été élu dans les années 40. Il a été ministre à l'âge tendre de 25 ans, avant la trentaine. Voilà un homme qui a réfléchi, qui a pris le temps. Certains diront: «Oh, c'est Paul. Encore une autre rengaine.»
J'ai reçu tellement de courriels et de lettres. J'ai 740 pages de messages. J'ai dit à mes collègues: «Si vous n'avez pas le temps de préparer un discours, puisez dans ce que vous avez dans votre ordinateur. Prenez une phrase dans chacune des lettres que vous avez reçues.»
De la sorte, je puis dire à Son Honneur que toutes les villes, toutes les provinces, tous les groupes de Canadiens, depuis les syndicats agricoles jusqu'aux syndicats d'enseignants, en passant par les défenseurs des libertés fondamentales et les juristes, tous seraient représentés dans ces extraits. Comment tous ces gens peuvent-ils avoir tort? Comment donc?
En fin de compte, je ne crois pas que les Canadiens aient tort. C'est l'une des raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, il est très évident que mes paroles n'auront pas une grande influence sur les intentions de vote.
Le sénateur Taylor: Essayez tout de même.
Le sénateur Lynch-Staunton: Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est important de souligner officiellement que bon nombre de ceux qui comptent appuyer ce projet de loi entretiennent toutefois certaines appréhensions et craintes.
Tout d'abord, j'aimerais me joindre à mes collègues pour féliciter le sénateur Fairbairn de l'excellent travail qu'elle a fait les deux fois où elle a présidé le comité. Elle a fait preuve de justice, de patience, de compréhension et de fermeté mesurée, ce qui a aidé au bon déroulement des choses. Je la remercie encore une fois de son bon travail.
Ceci dit, elle a précisé que le comité avait siégé 58 heures, surtout pour entendre le témoignage de nombreux témoins. En outre, nous avons consacré des heures à débattre de la question, comme ce fut le cas à l'autre endroit. Néanmoins, on nous demande encore de nous lancer dans l'inconnu et de faire un acte de foi qui exige malheureusement une foi aveugle.
Je ne connais personne au pays, y compris les fonctionnaires du ministère de la Justice et d'autres ministères qui ont travaillé à la préparation de ce projet de loi, qui pourrait nous expliquer clairement la signification et l'interprétation exactes de tous ses articles. Cette personne n'existe pas.
Ce projet de loi modifie 22 lois différentes. Dans bon nombre de cas, la formulation de certaines dispositions donne lieu à des interprétations différentes. Plus d'une fois, devant le comité, lorsqu'on a demandé d'expliquer diverses dispositions controversées, la ministre ou ses fonctionnaires ont dû répondre quelque chose comme «Oui, on pourrait l'interpréter de cette façon, mais ce n'est pas là notre intention.»
Voilà le genre de foi aveugle auquel on s'attend de nous! Certaines interprétations données par le ministère pour nous rassurer pourraient ne pas être maintenues, puisque la loi restera en vigueur pour on ne sait combien de temps et que nous ignorons qui sera chargé de la mettre en vigueur.
À cet égard, j'attire de nouveau votre attention sur la Loi sur les mesures de guerre, qui a vraiment sa place dans le présent débat. Cette loi ne devait rester en vigueur que pour la durée de la crise causée par la Première Guerre mondiale. Or, elle est restée en vigueur pendant plus de 75 ans. Comme on l'a rappelé plus d'une fois dans cette Chambre, en 1970, en vertu d'un règlement découlant de la Loi sur les mesures de guerre, telle que proclamée en octobre, près de 500 Canadiens ont été arrêtés en temps de paix sur le simple soupçon qu'ils appartenaient à une organisation illégale.
La Loi sur les mesures de guerre n'avait pas été adoptée pour être invoquée en temps de paix. Pas du tout. En analysant la réaction de certains à l'époque, M. Trudeau, des années plus tard, aurait dit avoir été estomaqué par le nombre d'arrestations. Il n'a jamais pensé que tel serait l'effet de la loi. M. Turner, qui était alors ministre de la Justice, était contre cette loi, mais a perdu au Cabinet. Je crois que c'est M. Jamieson qui, dans ses mémoires, a écrit que certains des arguments présentés en faveur du recours à la Loi sur les mesures de guerre, comme l'accusation selon laquelle le FLQ avait des caches d'armes et de dynamite, étaient erronés. Le Cabinet avait reçu de fausses informations.
(1550)
Honorables sénateurs, je ne vise personne à cet égard. Que ce soit les autorités fédérales, provinciales ou municipales n'a rien à voir. Le fait est que des décisions ont été prises en temps de crise sur la foi de renseignements erronés et pour les mauvaises raisons. Aux termes du projet de loi C-36, les juges peuvent accepter des preuves par ouï-dire. C'est une première dans notre système judiciaire. En vertu de ce projet de loi, toutefois, des preuves par ouï-dire peuvent, dans certains cas, être données devant un tribunal pour étayer une accusation portée contre une personne. C'est donc inédit; mais, n'ayez crainte, nous dit-on, cette disposition sera utilisée uniquement dans les cas exceptionnels.
On nous dit que, dans le projet de loi, grâce aux amendements, il y a des dispositions d'examen en bonne et due forme comme l'examen judiciaire et divers organismes existants, auxquels on fera appel pour veiller à ce que les dispositions les plus préoccupantes soient appliquées comme le gouvernement l'avait prévu. L'un des organismes qui aura cette fonction d'examen, nous a-t-on dit, est la Commission des plaintes de la GRC. Pourtant, honorables sénateurs, cette commission attend que des plaintes lui soient présentées. Elle ne fait pas de surveillance. Certains des autres organismes mentionnés ont plus ou moins la même responsabilité limitée.
On a mentionné la Commission des droits de la personne. Cette commission ne fait qu'entendre des plaintes. Elle n'a rien à voir avec la surveillance d'une mesure législative. Sauf erreur, elle attend qu'une plainte de discrimination soit déposée.
On a également parlé d'une révision judiciaire. Oui, il y a un élément de révision judiciaire, ce qui est rassurant, mais la révision judiciaire a lieu en grande partie après le fait. Un exemple dans la version initiale du projet de loi était l'expression «terroriste inscrit». L'expression ayant été jugée excessive, le gouvernement a trouvé l'argument valide et l'a remplacée par «entité inscrite». Cependant, la définition qui correspond au terme entité est «Personne, groupe, fiducie, société de personnes ou fonds, ou organisation ou association non dotée de la personnalité morale», de sorte que la modification est superficielle.
Plus important encore, sans fournir le moindre avertissement ou la moindre preuve publique, sans comparaître devant un tribunal pour prouver son dire, le solliciteur général peut décider d'inscrire une entité. Si l'entité en question a des raisons de croire qu'elle ne devrait pas être inscrite, elle n'a qu'un seul recours qui est de s'adresser au solliciteur général pour être radiée de la liste. Celui qui inscrit l'entité est celui-là même à qui il faut demander la radiation. Le solliciteur général rend sa décision dans un délai de 60 jours, sans expliquer le moindrement pourquoi l'entité avait été inscrite. Ce n'est qu'à ce moment que le judiciaire intervient. L'entité inscrite dont l'appel est rejeté par le solliciteur général, qui n'est nullement tenu d'expliquer pourquoi l'entité est inscrite, devient une non-personne, voit ses éléments d'actif saisis, son compte bancaire gelé et sa réputation ternie, et peut alors recourir aux tribunaux. Si l'entité ou le gouvernement perd la cause, il y a le droit d'appel. On ne peut pas parler d'une révision judiciaire, ni de protection de l'innocent.
Comme me l'a signalé le sénateur Tkachuk, on a vu un cas où les États-Unis et les autorités européennes avaient compilé une liste commune, et secrète, de gens soupçonnés de terrorisme. La Finlande a par erreur affiché cette liste sur son site Web et les noms y sont restés pendant assez longtemps pour devenir publics. Un des hommes figurant sur la liste avait été arrêté en Floride parce qu'il partageait l'appartement de l'un de ceux qui se trouvaient à bord d'un des avions le 11 septembre. Il s'agissait d'un Allemand parfaitement innocent, d'un étudiant qui était tout simplement le colocataire du terroriste. Il était sur la liste, il a été arrêté et harcelé, il a fait l'objet d'une enquête et ses avoirs ont été gelés. Sa réputation a été détruite. Les services policiers, après avoir constaté qu'ils s'étaient trompés, ont présenté des excuses et c'est tout ce qu'il a reçu à titre de compensation. Tel qu'il est rédigé, ce projet de loi peut permettre qu'une telle chose se produise, car ses dispositions ne protègent aucunement les innocents. Voilà un exemple, mais je pourrais en citer bien d'autres.
Enfin, le sénateur Fairbairn nous a rappelé que, dans le rapport final du comité, la majorité faisait appel au gouvernement pour demander que les responsables de l'administration et de l'application du projet de loi disposent des ressources requises et reçoivent la formation que nécessitera leur tâche. On est donc porté à penser qu'ils n'ont pas pour le moment accès à la formation et aux ressources nécessaires. Ce projet de loi ne sera pas mis en oeuvre uniquement par la GRC; toutes les provinces, tous les procureurs généraux, tous les corps policiers du Canada pourront être appelés à participer à l'exécution de l'éventuelle loi. Comment formera-t-on tous ces gens pour qu'ils comprennent les énormes pouvoirs que ce projet de loi leur confère et pour qu'ils les emploient dans le but prévu?
Honorables sénateurs, ils n'ont pas la formation nécessaire maintenant. Ils ont peut-être bien les ressources, mais ils n'ont certainement pas la capacité d'exercer correctement ce qu'on nous demande de leur accorder, tout comme, en 1970, les autorités policières n'avaient aucune formation et aucune compréhension de ce que la Loi sur les mesures de guerre signifiait en temps de paix. Quelqu'un proche du pouvoir leur a dit: «Voici une liste.»
Le sénateur Prud'homme: Même les gens de Gastown, à Vancouver.
Le sénateur Lynch-Staunton: On leur a dit: «Voici une liste, frappez à leur porte et allez les arrêter au milieu de la nuit. Vous pouvez les garder à vue pendant 21 jours.» Si je me souviens bien, sur les quelque 480 personnes qui ont été arrêtées, seules 18 ont finalement été reconnues coupables, et pas toutes en vertu de la Loi sur les mesures de guerre. La crise du FLQ a été résolue, pour ce qui est de trouver qui étaient les ravisseurs, les assassins et les membres des cellules principales, non pas grâce à la Loi sur les mesures de guerre, mais grâce au travail de la police, comme c'est le cas lorsqu'on applique le Code criminel, la Loi sur les mesures d'urgence et d'autres mesures. On a tous les outils nécessaires. Ceux qui manquent sont dans le projet de loi C-36 risqueraient d'être utilisés à l'excès. C'est pourquoi je voterai contre le projet de loi.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à mon honorable collègue. J'aimerais reprendre la suggestion qui a été faite par le sénateur Fairbairn qui voudrait que l'on donne immédiatement au Comité sénatorial permanent des droits de la personne le mandat de procéder à l'examen parlementaire dont nous semblons tous convenir qu'il est très important. Le chef de l'opposition se rallierait-il à cette idée?
Le sénateur Lynch-Staunton: Si l'honorable sénateur Kinsella a l'autorisation de présenter pareille motion, je serai ravi de l'appuyer; nous pourrions ainsi régler la question dès à présent, avant d'ajourner pour le congé des fêtes de fin d'année.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Le vote.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je demande l'autorisation de présenter une motion ayant pour effet de confier au Comité sénatorial permanent des droits de la personne le contrôle parlementaire envisagé et souligné par mesdames les sénateurs Carstairs et Fairbairn.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: Je vais à présent mettre aux voix, mais dans l'ordre inverse, les amendements qu'il est proposé d'apporter au projet de loi C-36.
Les sénateurs sont-ils d'accord pour que le timbre retentisse et se sont-ils entendus sur l'heure à laquelle aura lieu le vote?
L'honorable Bill Rompkey: Je crois comprendre que les sénateurs sont d'accord pour que le timbre retentisse pendant 15 minutes.
Son Honneur le Président: Comme il est 16 heures précises, les sénateurs sont-ils d'accord pour que le vote ait lieu à 16 h 15, le timbre devant retentir pendant 15 minutes à compter de maintenant?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.
(1610)
(La motion d'amendement du sénateur Andreychuk, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Di Nino, Doody, Eyton, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—24
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Pépin, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—45
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
(1620)
(La motion d'amendement du sénateur Beaudoin, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkin, Beaudoin, Bolduc, Di Nino, Doody, Eyton, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—24
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cook, Cools, Corbin, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Losier-Cool, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Pépin, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—45
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant voter sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray.
(La motion d'amendement du sénateur Murray, mise aux voix, est rejetée.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Bolduc, Di Nino, Doody, Eyton, Forrestall, Grafstein, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Pitfield, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—25
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cools, Corbin, Day, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Fraser, Furey, Gauthier, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Pépin, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—42
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Aucune.
(1630)
Son Honneur le Président: Nous passons maintenant au vote sur la troisième lecture du projet de loi C-36.
(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Austin, Bacon, Banks, Biron, Bolduc, Callbeck, Carstairs, Chalifoux, Christensen, Cools, Corbin, Day, De Bané, Eyton, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Fraser, Furey, Gauthier, Grafstein, Graham, Hervieux-Payette, Hubley, Jaffer, Joyal, Kenny, Kirby, LaPierre, Léger, Maheu, Mahovlich, Milne, Moore, Pépin, Poulin, Poy, Robichaud, Rompkey, Setlakwe, Sibbeston, Stollery, Taylor, Tunney, Wiebe—45
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk, Atkins, Beaudoin, Di Nino, Doody, Forrestall, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Meighen, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Spivak, Stratton, Tkachuk—21
ABSTENTION
LES HONORABLES SÉNATEURS
Pitfield—1
[Français]
LA SANCTION ROYALE
AVIS
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante:
RIDEAU HALL
Le 18 décembre 2001
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, se rendra à la Chambre du Sénat aujourd'hui, le 18 décembre 2001, à 16 h 45, afin de donner la sanction royale à certains projets de loi.
Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
Le secrétaire de la Gouverneure générale,
Barbara Uteck
L'honorable
Le Président du Sénat
Ottawa
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais que tous les points inscrits à l'ordre du jour soient reportés à la prochaine séance du Sénat tout en conservant leur place respective, excepté les avis de motion du gouvernement, tel que convenu plus tôt aujourd'hui.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, hier, j'avais indiqué à la Chambre que je me prononcerais aujourd'hui sur la motion du sénateur De Bané en ce qui a trait à la situation au Moyen-Orient. Je vois qu'il y a davantage de classe de notre côté qu'il peut y en avoir chez certains de l'autre côté, mais je vais accepter la motion du sénateur Robichaud. Il ne faudrait tout de même pas que je sois pris en faute puisque j'ai dit hier que je parlerais de la motion du sénateur De Bané. Je voulais le faire aujourd'hui, mais je suis prêt à acquiescer à la demande du côté du gouvernement.
Son Honneur le Président: Comme le sénateur Prud'homme ne refuse pas le consentement, plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
(La motion est adoptée.)
[Français]
L'AJOURNEMENT
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 5 février 2002, à 14 heures.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne à loisir.)
(1700)
SANCTION ROYALE
Son Excellence la très honorable Adrienne Clarkson, Gouverneure générale du Canada, prend place au pied du trône. La Chambre des communes, priée de se présenter, arrive avec son vice-président. Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale aux projets de loi suivants:
Loi portant mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République du Costa Rica. (Projet de loi C-32, Chapitre 28, 2001)
Loi portant constitution du Tribunal d'appel des transports du Canada et modifiant certaines lois en conséquence (Projet de loi C-34, Chapitre 29, 2001)
Loi mettant en oeuvre des accords, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et la Slovénie, l'Équateur, le Venezuela, le Pérou, le Sénégal, la République tchèque, la République slovaque et l'Allemagne, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu (Projet de loi S-31, Chapitre 30, 2001)
Loi modifiant la Loi sur le transport aérien (Projet de loi S-33, Chapitre 31, 2001)
Loi modifiant le Code criminel (crime organisé et application de la loi) et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-24, Chapitre 32, 2001)
Loi modifiant la Loi sur l'expansion des exportations et d'autres lois en conséquence (Projet de loi C-31, Chapitre 33, 2001)
Loi visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet (Projet de loi C-40, Chapitre 34, 2001)
Loi modifiant la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada (Projet de loi C-38, Chapitre 35, 2001)
Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (poète officiel du Parlement) (Projet de loi S-10, Chapitre 36, 2001)
Loi modifiant le Code criminel (programme d'utilisation d'antidémarreurs avec éthylomètre) (Projet de loi C-46, Chapitre 37, 2001)
Loi modifiant la Loi sur l'aéronautique (Projet de loi C-44, Chapitre 38, 2001)
Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales (Projet de loi C-6, Chapitre 40, 2001)
Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme (Projet de loi C-36, Chapitre 41, 2001)
L'honorable Bob Kilger, vice-président de la Chambre des communes, s'adresse ensuite à Son Excellence la Gouverneure générale en ces termes:
Qu'il plaise à Votre Honneur,
La Chambre des communes du Canada a voté certains crédits requis pour permettre au gouvernement de pourvoir aux dépenses du service public.
Au nom de la Chambre des communes, je présente à Votre Honneur le projet de loi suivant:
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2002 (Projet de loi C-45, Chapitre 39, 2001)
À ce projet de loi, je prie humblement Votre Honneur de donner la sanction royale.
Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de donner la sanction royale au projet de loi.
La Chambre des communes se retire.
Il plaît à Son Excellence la Gouverneure générale de se retirer.
Le Sénat reprend sa séance.
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de proposer l'ajournement, je veux remercier mes collègues de l'autre côté, qui nous ont offert leur plus grande coopération. Cette collaboration a grandement facilité notre travail.
Je veux remercier ceux et celles qui, de près ou de loin, facilitent aussi notre travail par leur dévouement, tant ceux et celles que nous voyons sur le parquet de la Chambre que ceux et celles que nous voyons dans les bureaux de l'administration ou des sénateurs. Joyeux Noël à tous.
[Traduction]
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je veux associer les sénateurs de ce côté-ci aux paroles du leader adjoint du gouvernement.
Au nom de mes collègues de ce côté-ci et en mon nom personnel, je souhaite beaucoup de joie à mes collègues en cette saison de paix.
Nous sommes impatients de voir le Sénat du Canada poursuivre son important travail en 2002.
À vous et à votre personnel, honorables sénateurs, ainsi qu'à tous ceux qui nous aident à nous acquitter de nos fonctions, nous offrons nos meilleurs voeux pour 2002.
[Français]
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je veux me joindre aux bons témoignages qui ont été rendus à l'égard de tout notre personnel.
[Traduction]
Je désire également offrir mes meilleurs voeux au sénateur Carstairs. J'ai appris quelque chose d'Orville Phillips, qui a dit: «Nous pouvons nous quereller à mort ici, Marcel» — et il a été ici pendant 35 ans — «mais n'oubliez pas que, lorsque nous passons le seuil de cette porte, nous sommes des amis et nous pouvons nous parler.»
Joyeux Noël. À ceux qui ne professent pas la foi chrétienne, je souhaite une bonne et heureuse année.
[Français]
(Le Sénat s'ajourne au mardi 5 février 2002, à 14 heures.)