Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 76

Le mardi 23 septembre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mardi 23 septembre 2003

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

NOUVEAU SÉNATEUR

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'informer le Sénat que le greffier a reçu du registraire général du Canada un certificat établissant que l'honorable Mac Harb a été appelé au Sénat.

PRÉSENTATION

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'un sénateur attend à la porte pour être présenté.

L'honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l'appelant au Sénat. Le sénateur, en présence du greffier, prête le serment prescrit et prend son siège:

L'honorable Mac Harb, d'Ottawa, présenté par l'honorable Sharon Carstairs, c.p., et l'honorable Jean-Robert Gauthier.

Son Honneur le Président informe le Sénat que l'honorable sénateur susmentionné a fait et signé la déclaration d'aptitude prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.

(1410)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que nous accueillons aujourd'hui notre nouveau collègue au Sénat, l'honorable Mac Harb. Beaucoup de sénateurs connaissent Mac pour le travail qu'il a fait au nom de ses électeurs dans la région d'Ottawa. Avant d'être élu député, il a travaillé dans le secteur privé et a occupé pendant un certain temps le poste de maire adjoint de la ville d'Ottawa.

Le sénateur Harb a certes gagné le respect et l'admiration de la communauté libanaise ici, mais il est peut-être mieux connu pour son enthousiasme à l'égard du Canada comme sa patrie d'adoption. Nous sommes heureux d'avoir parmi nous un collègue chez qui la flamme patriotique est aussi vive, et nous vous souhaitons la bienvenue, sénateur Harb.

Des voix: Bravo!

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, au nom des collègues, de mon caucus et en mon nom personnel, je souhaite aussi la bienvenue à notre nouveau collègue et je lui souhaite beaucoup de succès dans ses nouvelles responsabilités. L'arrivée d'un autre ancien député de la Chambre des communes — qui, dans ce cas, a également de l'expérience au niveau municipal — m'a poussé à faire de petites recherches qui, je crois, sauront intéresser les sénateurs et les gens de l'autre endroit également.

Des 101 sénateurs qui siègent aujourd'hui dans cette enceinte, 24 ont déjà été élus à la Chambre des communes et deux se sont présentés comme députés, mais n'ont pas été élus. Treize sénateurs ont occupé une charge publique à l'échelon provincial ou territorial et un seul n'a pas fait été élu membre d'une assemblée législative provinciale. Onze sénateurs ont été élus à l'échelon municipal, et le sénateur Harb est l'un d'entre eux. Peut-on s'étonner alors que le Sénat possède davantage d'expérience législative que tout autre assemblée élue au Canada?

On trouve ici une continuité d'expérience unique et constante parce que rares sont ceux qui sont tentés de quitter cette enceinte volontairement. En effet, des 855 sénateurs nommés depuis la Confédération, 12 seulement ont démissionné pour briguer les suffrages lors d'élections et uniquement quatre d'entre eux ont été élus. Madame le sénateur Carstairs se rappelle certainement que son prédécesseur est l'un de ces candidats défaits.

Il est possible de tirer de nombreuses conclusions de cet aperçu, mais la mienne est fort simple: la participation au Sénat est une expérience unique et enrichissante. Qui plus est, en dépit de tous les avis contraires, au Sénat, il est possible de faire une contribution individuelle directe et identifiable au processus législatif. Le sénateur Harb n'aura plus à composer avec l'atmosphère restrictive de l'autre Chambre qui ne permet pas souvent ce genre de contribution. Je souhaite au sénateur Harb beaucoup de succès dans ses nouvelles fonctions.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, comme on le dit si bien au Québec: «Je me souviens.» En effet, je me souviens d'avoir siégé avec le sénateur Harb lorsqu'il était député à la Chambre des communes. Pour moi, c'était mon dernier mandat, pour lui son premier. Je joins mes paroles à celles des sénateurs Carstairs et Lynch-Staunton dans ce qu'ils ont dit précédemment.

[Traduction]

Nous avons parmi nous non seulement des sénateurs de grande expérience, mais aussi la seule femme ayant été élue chef de parti et premier ministre de sa province. Je parle de madame le sénateur Callbeck. Nous avons également parmi nous l'ancien chef du Parti libéral du Manitoba, en la personne de madame le sénateur Carstairs.

Nous constituons un groupe de gens assez exceptionnels. Il faut constamment rappeler les propos du sénateur Lynch-Staunton qui estime qu'on trouve dans cette enceinte un haut degré d'expérience qui n'est malheureusement pas toujours bien utilisée. Dans mon discours sur les associations parlementaires, notamment au sujet de la Russie et d'autres endroits, les honorables sénateurs pourront se rendre compte que notre expérience n'est pas toujours utilisée à bon escient. Toutefois, compte tenu de la sagacité et de l'expérience du sénateur Harb, nous verrons peut-être un changement attribuable à une plus grande détermination. Il faut utiliser le talent de chacun des sénateurs au service d'une seule chose.

[Français]

Il saura bien servir ce que j'appelle l'un des meilleurs pays au monde, comme le dirait celui qui va bientôt nous quitter: le Canada.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE DÉCÈS DU TRÈS HONORABLE LORD WILLIAMS OF MOSTYN

HOMMAGES

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'interviens pour rendre hommage au très honorable lord Williams de Mostyn, leader de la Chambre des lords et lord gardien du Petit Sceau, qui était venu nous rendre visite récemment.

On se rappellera de lord Williams pour ses nombreuses réalisations et sa carrière réussie en tant qu'avocat, procureur général et puis leader de la Chambre des lords. On l'a présenté comme le réformateur de la Chambre des lords et comme Tony Blair l'a déclaré, on se rappellera de lui comme d'un excellent homme politique doté d'un jugement remarquable.

Beaucoup à la Chambre des lords vont se rappeler de lui pour sa sagesse et ses excellents conseils. Cependant, je me rappelle également de lui en tant qu'ancien enseignant. En fait, son père était un enseignant à l'école confessionnelle du village local et il a par la suite ouvert la première école publique où on parlait le gallois.

Lord Williams a suivi les traces de son père. Il a fréquenté des écoles publiques et obtenu une bourse au Queens' College, à Cambridge, où il a étudié l'histoire. Il est retourné dans le nord du pays de Galles et a enseigné à l'école secondaire avant d'entreprendre ses études de droit.

L'année dernière, j'ai eu l'honneur d'organiser une visite pour Sa Seigneurie dans ma province, le Nouveau-Brunswick, afin que lord Williams puisse voir de lui-même comment la seule province officiellement bilingue du Canada fonctionnait. Il a rencontré le président de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick ainsi que des représentants du système scolaire et de simples citoyens pour parler de la façon de vivre dans deux langues. Sa mission visait à voir quelles informations et technologies il pouvait ramener chez lui et appliquer dans sa terre natale, le pays de Galles. C'était une véritable démonstration de son attachement à sa première langue.

Tout au long de sa vie, lord Williams a conservé de fortes attaches avec le pays de Galles. Il a été pro-chancelier de l'Université du pays de Galles, chargé de cours du Collège universitaire du pays de Galles a Aberystwith, professeur honoraire au Collège universitaire du pays de Galle du Nord, et il a également été président du Collège de musique et d'arts dramatiques du pays de Galles.

En plus de ces réalisations, lord Williams était surtout connu pour sa force de caractère. Dans les hommages rendus par des membres du Parlement britannique, y compris dans les observations du premier ministre Tony Blair, on a constamment utilisé des mots comme «étincelle, pétillement, spirituel et chaleureux» pour le décrire. Ses contributions étaient nombreuses tant en actes qu'en paroles, et je suis persuadé que son absence va grandement se faire sentir alors qu'il repose maintenant en paix avec saint David, le patron de son cher pays de Galles.

Il existe en gallois une expression qui veut dire bonsoir, mais qui est également utilisée pour faire ses adieux à un ami décédé. Je l'utilise aujourd'hui en l'honneur d'un homme à qui la survie du gallois tenait à coeur et qui a fait la promotion de cette langue toute sa vie: «Nos da.»

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, je me joins à mes collègues pour rendre hommage au regretté lord Williams of Mostyn, décédé subitement samedi dernier, à son domicile de Gloucestershire, à la suite de ce qui semble être une crise cardiaque.

[Français]

Considéré par plusieurs comme un brillant avocat dont la logique et le radicalisme étaient modérés par un esprit vif, il avait été nommé leader de la Chambre des lords en juin 2001. Il se gagna rapidement le respect de ses collègues de tous les partis en raison de sa cordialité, sa rigueur et son souci du bien public.

[Traduction]

J'ai eu, moi aussi, la chance de rencontrer lord Williams à plusieurs occasions, tant ici, à Ottawa, qu'à son bureau, à Westminster, où je me suis rendu en compagnie de l'honorable Peter Milliken. Je l'ai également côtoyé à l'occasion de l'installation du président argentin, Néstor Kirchner.

À mon avis, lord Williams personnifiait le parlementaire idéal. Il était intelligent, bien informé, persuasif et il était doté d'une personnalité et d'un sens de l'humour qui mettaient les gens à l'aise tout en les incitant à prêter grandement attention aux sujets de discussion. Résolu à réformer la Chambre des lords, cet homme de principe croyait en la nécessité de renforcer les mécanismes d'examen parlementaire, d'enrayer la violence faite aux enfants, de promouvoir le gallois — comme certains l'ont signalé — et d'aider les femmes à accroître leur représentation au Parlement.

[Français]

Étant donné la grande vigueur et l'enthousiasme qu'il a manifestés tout au cours de sa vie, son décès a été un choc pour ceux qui le connaissaient et l'admiraient. Bien que nous soyons en deuil, nous nous consolons en sachant qu'il a fait une contribution aussi remarquable que durable à son parti, à son pays et, plus particulièrement, au Parlement.

(1420)

[Traduction]

Honorables sénateurs, je joins ma voix à celle du sénateur Kinsella, notamment, et je sais que je parle en notre nom à tous lorsque j'exprime nos plus sincères condoléances à la femme, aux enfants, aux amis et aux collègues parlementaires de lord Williams.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je tiens également à souligner la disparition d'un véritable ami du Sénat du Canada. Lord Williams de Mostyn, leader du gouvernement à la Chambre des lords, n'avait que 62 ans au moment de son décès, samedi. Le printemps dernier, il a consacré beaucoup de temps à notre Comité du Règlement, dans le souci de nous aider à établir un nouveau code de déontologie pour les sénateurs.

En avril, il a comparu devant notre comité dans le cadre d'une téléconférence à partir de Westminster. Il y a eu de nombreux votes ce jour-là à la Chambre des lords, et chacun d'entre nous se rappelle des nombreuses fois où lord Williams a dû se lever précipitamment pendant notre téléconférence, franchir en toute vitesse les centaines de mètres le menant de l'autre côté de Westminster pour aller voter et revenir ensuite à la course nous consacrer encore quelques minutes de son temps. Il s'est éclipsé plusieurs fois pendant les quelques heures qu'a duré la téléconférence, mais chaque fois qu'il revenait il se montrait vraiment intéressé à nous fournir toute l'aide qu'il pouvait.

Lord Williams a tellement aimé son expérience en avril qu'il a insisté pour venir au Canada en juin afin de nous aider encore un peu plus. Nous avons été ravis heureux de l'accueillir. J'ai eu la chance de le recevoir à dîner lorsqu'il est arrivé. Pendant les quelques heures que nous avons passées à table dans un cadre non protocolaire, il s'est révélé un homme remarquable. Il insistait pour repérer la majorité des plats canadiens au menu et, si je me rappelle bien, il a commandé ce soir-là du bison sauvage.

Nous avons parlé notamment de l'incapacité de George W. Bush à communiquer avec Cuba, bien que ce soit Nixon qui, le premier, a établi les communications entre les États-Unis et la Chine. Lord Williams s'est aussi livré à une imitation impromptue de Michael Jackson, et je ne l'oublierai jamais.

Son témoignage devant notre comité a été tout aussi convaincant. En sa qualité d'architecte du nouveau programme d'éthique de la Chambre des lords, il a été en mesure de fournir beaucoup d'informations et d'idées qui ont eu une grande incidence sur notre étude.

Il était également très au courant de ce qui se passe au Canada et il a pu discuter facilement des raisons pour lesquelles les différences entre nos deux chambres aboutiraient à des régimes différents. Ce fut effectivement une prestation remarquable.

Dans l'allocution qu'il livrait à la suite de la mort de lord Williams of Mostyn, le premier ministre britannique Tony Blair le décrivait comme un orateur superbe et captivant, qui avait souvent utilisé son talent et son humour pour désamorcer des situations difficiles à la Chambre des lords.

Ceux d'entre nous qui l'ont rencontré, le printemps dernier, ont pu observer à loisir sa vivacité d'esprit et son humour, et ils ne sont nullement étonnés du respect qu'il imposait à Westminster. Il manquera beaucoup à ses amis canadiens.

LES DROITS DES MÉTIS EN TANT QUE PEUPLE AUTOCHTONE DISTINCT

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, le vendredi 19 septembre dernier a marqué une date importante dans l'histoire des peuples autochtones au Canada. Dans un jugement unanime, les neuf juges de la Cour suprême ont reconnu que le peuple métis était une nation autochtone distincte à qui la Constitution reconnaît le droit de chasser pour se nourrir.

Pour la première fois, 21 ans après la proclamation de la nouvelle Constitution en 1982, les 250 communautés métisses de l'Ontario, des Prairies, de la Colombie-Britannique et des Territoires du Nord- Ouest, qui comptent environ 300 000 personnes, ont été reconnues comme un peuple autochtone à part entière. Autrement dit, il n'existe pas de hiérarchie dans les droits autochtones. Les Indiens, les Métis et les Inuits sont tous sur un pied d'égalité.

Bien que le jugement reconnaisse expressément aux Métis le droit, garanti par la Constitution, de pratiquer la chasse pour se nourrir près de Sault Ste. Marie, la décision unanime du tribunal n'impose aucune restriction aux droits que les Métis pourront revendiquer dans l'avenir à l'égard des terres et des ressources naturelles ou en matière d'autonomie politique.

Cette percée majeure vient de changer l'histoire canadienne. En effet, la cour a établi trois critères pour définir qui a le droit de réclamer le statut de Métis.

[Français]

Longtemps relégués dans les limbes de l'histoire, vu comme ni tout à fait Autochtones, ni tout à fait de descendance européenne, les Métis étaient en quelque sorte les parias des peuples fondateurs.

Repoussés par les uns et les autres, condamnés à l'anonymat culturel, leur rébellion contre le gouvernement au XIXe siècle, conduite par Louis Riel, pour se voir reconnaître des terres où s'établir et chasser, ne semblait trouver racine ni dans des droits ancestraux ni dans la puissance du vainqueur.

[Traduction]

Aujourd'hui, les Métis, descendants des Indiens, des explorateurs français, des négociants écossais de fourrures ou d'autres possèdent à part entière un statut distinct et les droits qui s'y rattachent. Les pratiques qui leur sont propres sont protégées par la Constitution. En reconnaissant les Métis comme un peuple autochtone distinct dans la Constitution, en 1982, nous avons mis en place le cadre qui allait leur permettre de retrouver leur identité, leur fierté et la possibilité de jouer un rôle important dans la société canadienne diversifiée.

Saluons M. Steve Powley, un Métis de Sault Ste. Marie, qui a livré pendant dix ans une bataille judiciaire contre les gouvernements du Canada, de l'Ontario, du Québec, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve-et du Labrador, pour faire reconnaître les droits de son peuple. Tous ces gouvernements ont nié aux Métis, devant la Cour suprême, le droit à une protection intégrale de la Constitution, en dépit du fait que l'article 35 de la Constitution les reconnaît pleinement comme un peuple autochtone.

Ce jugement ouvre un nouveau chapitre de l'histoire canadienne, un chapitre positif qui devrait être caractérisé, du moins espérons-le, par la négociation de bonne foi, le règlement des revendications légitimes et le plein exercice, par le gouvernement fédéral, de son rôle de fiduciaire à l'égard des droits constitutionnels des Métis du Canada.

L'honorable Thelma J. Chalifoux: Honorables sénateurs, vendredi fut une journée de grande célébration pour la nation métisse du Canada. Pendant plus de 100 ans, nos chefs ont négocié et se sont battus pour que tous les Canadiens reconnaissent notre nation comme une nation autochtone distincte.

C'est grâce au gouvernement provisoire de Louis Riel que la Loi sur le Manitoba fut adoptée. En lisant cette loi, les sénateurs constateront qu'il s'agit d'un traité entre le Canada et la nation métisse de l'ouest du Canada.

En 1982, Harry Daniels, ancien président du Conseil national des autochtones du Canada, a obtenu que la nation métisse soit incluse dans la Constitution en tant que nation autochtone distincte. Le 2 mars 1992, Yvon Dumont, chef des Métis, obtenait gain de cause auprès de la Cour suprême du Canada, laquelle reconnaissait, dans sa décision, la nation métisse en tant que nation autochtone légitime au Canada.

M. Steve Powley joint maintenant les rangs de ces grands chefs métis puisqu'il a obtenu gain de cause auprès de la Cour suprême, qui reconnaît aux Métis des droits de pêche et de chasse ancestraux. Ma famille n'a donc plus à cacher la nourriture qu'elle se procure pour la subsistance de ses membres.

Ce jour est vraiment un jour glorieux. Les membres de l'équipe métisse qui a remporté cette cause sont parmi les meilleurs et les plus talentueux de la nation métisse et du Canada. Félicitations à tous. La nation métisse a remporté une autre bataille. Dommage qu'elle doive se battre devant les tribunaux plutôt qu'au Parlement.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2003-2004

DÉPÔT DU BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2003-2004 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2004.

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ DES FINANCES NATIONALES À ÉTUDIER LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2004.


(1430)

[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'EFFET SUR LE PRIX DES VIEILLES VACHES DE BOUCHERIE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'ESB. En fait, j'ai plusieurs questions qui porte sur les sujets abordés par les ministres de l'Agriculture des provinces et du fédéral lorsqu'ils se sont rencontrés lundi.

Premièrement, il y a la question de la chute du prix que les producteurs de bétail touchent pour leurs vieilles vaches d'élevage ou de boucherie, qui constituent généralement environ 10 p. 100 du troupeau total d'un éleveur. La valeur de ces animaux est tombée encore plus bas que celle des animaux engraissés ou des animaux d'embouche destinés aux parcs d'engraissement. Cette situation cause des difficultés encore plus grandes à ces producteurs qu'à ceux qui ont d'autres catégories de bovins. De tels animaux iraient normalement à l'abattoir et raporteraient entre 700 $ et 1 000 $ chacun. Toutefois, ces vaches se vendent maintenant pour environ 200 $, quand le producteur peut trouver un marché. En fait, on rapporte que ces animaux se vendent seulement 50 $.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si une indemnisation supplémentaire sera octroyée aux producteurs de bétail au titre de ces vieilles vaches de boucherie? Dans la négative, pourrait-elle nous dire quelles sont les raisons de son gouvernement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur pose des questions auxquelles le gouvernement se fait, bien entendu, un plaisir de répondre cet après-midi. Dans le cadre du programme de rétablissement de l'ESB, les producteurs du Canada ont reçu une aide de quelque 500 millions de dollars depuis le mois de juin. Depuis que ce programme d'indemnisation a été annoncé, la frontière américaine a été rouverte à la viande de boeuf désossée. Une aide supplémentaire est offerte aux producteurs de bovins sous forme de financement transitoire et par le biais du programme de gestion des risques qui s'inscrit dans le nouveau cadre stratégique pour l'agriculture. Nous espérons que toutes les provinces y souscriront très bientôt.

L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'INDEMNISATION DES AGRICULTEURS DU MANITOBA

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je remercie madame le ministre de sa réponse. Elle a parlé de 500 millions de dollars. Elle vient du Manitoba. Je me demande si elle peut répondre à la plainte du gouvernement manitobain concernant la répartition des indemnités versées par le fédéral en relation ave l'ESB . D'après le gouvernement du Manitoba, les fonds fédéraux destinés à faire face à la crise de l'ESB ont été répartis de manière inéquitable. Le ministre de l'Agriculture du Manitoba prétend que le «Manitoba a reçu moins de 2 p. 100 des fonds liés à l'ESB alors que la province représente 11 p. 100 de l'industrie».

Autrement dit, des 500 millions de dollars d'aide d'urgence dont le ministre vient de parler, le Manitoba n'a reçu que 6 millions. Selon le gouvernement manitobain, la province aurait plutôt dû recevoir quelque 33 millions de dollars. Comment madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle justifier cette répartition apparemment peu appropriée?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme je l'ai expliqué ici même la semaine dernière, le Manitoba, et jusqu'à un certain degré la Saskatchewan, se trouvent dans une situation réellement désavantageuse en ce qui a trait au bétail et à la crise de la vache folle parce que la plupart de ces éleveurs n'exportent pas d'animaux abattus. La plupart des animaux de ces provinces traversent la frontière sur pied. Comme le sénateur n'est pas sans le savoir, les bovins sur pied ne sont toujours pas acceptés aux États-Unis. L'entente signée par le gouvernement fédéral et celui de toutes les provinces, y compris celui du Manitoba, confie l'administration de ce programme aux éleveurs de bétail. Ces derniers administrent le programme et je crois que les éleveurs du Manitoba et de la Saskatchewan ont le droit de se plaindre du fait que leur association ne les représente pas adéquatement.

LES ANCIENS COMBATTANTS

LES DÉPENSES DES MEMBRES DU TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Mercredi dernier, deux de mes collègues de l'autre endroit ont posé des questions sur les anciens combattants. La première question, posée par Mme Elsie Wayne, portait sur les compressions effectuées dans le Programme pour l'autonomie des anciens combattants, qui auront pour conséquence d'abandonner à leur sort, dans le but d'économiser quelque 13 millions de dollars, les veuves de ceux qui ont donné leur vie pour notre pays. Même si le gouvernement en place est prêt à gaspiller de l'argent pour des fiascos comme le registre des armes à feu, le cafouillis à DRHC et le scandale des commandites, on a invoqué les restrictions financières pour justifier ces compressions.

La deuxième question, posée par Gerald Keddy, député de South Shore, portait sur les dépenses réclamées par Denise Tremblay, membre du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) et ancienne secrétaire du bureau de circonscription du premier ministre à Saint-Maurice au Québec, qui a réclamé plus de 158 000 $ en dépenses personnelles. M. Keddy a posé la question suivante:

Comment le premier ministre justifie-t-il ces dépenses extravagantes alors qu'on refuse de verser à des veuves des prestations mensuelles de moins de 100 $?

Le secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants a répondu ce qui suit:

C'est une excellente question, monsieur le Président. Je crains de ne pas avoir une réponse à la hauteur pour l'instant, mais je compte bien répondre au député dès que possible.

Comme madame le leader du gouvernement est habituellement informée des questions qui ont été posées à l'autre endroit, pourrait- elle dire au Sénat si le gouvernement a trouvé une réponse qui justifierait ces dépenses extravagantes engagées par un membre du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), alors que des veuves se voient refuser moins de 100 $ par mois, montant qui leur permettrait généralement de continuer d'habiter chez elles?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureuse de répondre aux deux questions du sénateur, mais je dirai d'abord que ses renseignements ne sont pas exacts. Au lieu d'effectuer des compressions, le gouvernement du Canada s'est engagé à verser quelque 65 millions de dollars, au cours des cinq prochaines années, pour permettre à plus de 10 000 conjoints survivants de conserver à vie les services d'entretien ménager et d'entretien paysagiste après le décès de l'ancien combattant. Il n'y a pas eu de compressions; il y a eu une forte augmentation.

En ce qui concerne Mme Tremblay, elle a été nommée pour la première fois le 2 juillet 2001 au Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Ses fonctions lui demandent de tenir des audiences au niveau de la révision dans divers endroits du pays pour entendre les appels de membres actifs de la Force régulière qui désirent obtenir des prestations ou des pensions d'invalidité. Les dépenses mentionnées par le député constituent le total des frais de déplacement engagés par Mme Tremblay pendant la période allant de sa nomination initiale jusqu'en août 2003, soit une période de 26 mois. Comme tous les membres du tribunal, elle est appelée à mener ces audiences dans les endroits où elles sont prévues.

LE PATRIMOINE

LES DÉPENSES DE L'ADJOINT EXÉCUTIF DE LA MINISTRE

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, ma question complémentaire porte aussi sur les dépenses excessives. La semaine dernière, nous avons été informés des habitudes de table de Charles Boyer, ancien adjoint exécutif de Sheila Copps. En deux ans, il a réussi à dépenser 31 000 $ en frais de représentation et de restaurant et la ministre a approuvé toutes ces dépenses. Contrairement aux directives du Conseil du Trésor, ces dépenses ont été remboursées même si M. Boyer n'avait pas indiqué les noms de ses invités. Puisque, de toute évidence, madame le leader du gouvernement au Sénat dispose de réponses préparées à l'avance, pourrait-elle dire au Sénat comment cet individu a pu dépenser 31 000 $ en frais de restaurant en deux ans, avec la bénédiction d'une ministre qui était parfaitement au courant, en procédant d'une manière non conforme aux lignes directrices du Conseil du Trésor?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, une enquête est en cours au sein du ministère pour vérifier si les dépenses de M. Boyer étaient légitimes et il a indiqué lui-même qu'il remboursera, avec intérêts, tout montant correspondant à une dépense qui sera jugée illégitime.

Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, étant donné que madame le leader nous offre de nous procurer cette information, je précise que l'une des additions s'élève à 209 $ et a été signée à 22 h 30 la veille du jour de l'An. Cette histoire fait les manchettes depuis deux semaines, alors madame le leader a sûrement été bien informée à ce sujet. Pourrait-elle dire au Sénat exactement quelles affaires gouvernementales M. Boyer réglait à 22 h 30 la veille du jour de l'An? Est-ce que le gouvernement insistera pour qu'il fournisse les noms de ses invités, qu'il explique l'objet de ses repas d'affaires ou qu'il rembourse aux contribuables les sommes dépensées, comme madame le leader affirme qu'il a promis de le faire?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question. Toutes ses dépenses font l'objet d'un examen et si certaines d'entre elles sont jugées illégitimes, M. Boyer a convenu de les rembourser avec intérêts.

(1440)

LE CONSEIL DU TRÉSOR

L'EXAMEN DES COMPTES DE FRAIS

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Je connais M. Boyer depuis un certain temps. Il a commencé comme stagiaire à mon bureau dans sa jeunesse. Je connais également Mme Tremblay. Je n'ai rien contre l'idée d'un examen des frais à compter d'aujourd'hui, mais, pour être juste, il faudrait en arriver à un certain équilibre. Si nous lançons une chasse aux sorcières, il sera très difficile de l'arrêter. Pourquoi ne pas remonter à la fin des années 80 et aux années 90 pour enquêter sur toute personne qui a eu un compte de frais et avoir une meilleure compréhension de ces comptes et pas seulement pour s'occuper de deux ou trois personnes? La presse est très heureuse d'aller à la chasse aux renseignements de ce genre, mais il faudrait aussi que l'examen s'étende à d'autres gens, faisant partie d'autres gouvernements à d'autres moments. Si nous ne mettons pas un terme à ce processus maintenant, nous ne pourrons plus arrêter l'analyse des comptes de frais.

Honorables sénateurs, je tiens à dire clairement que je ne cherche à excuser aucune dépense extravagante d'aujourd'hui. Toutefois, pour assurer l'équilibre, nous devons envisager de réaliser une étude sur les dix ou quinze dernières années.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur soulève une question importante, car les chasses aux sorcières sont rarement utiles dans une démocratie politique. Cela étant dit, il incombe à toute personne qui dépense des deniers publics de le faire avec prudence et sagesse.

LE PREMIER MINISTRE

LE PROJET DE LOI SUR LE FINANCEMENT POLITIQUE—LA SOLLICITATION DE BANQUES POUR LE FINANCEMENT D'UNE RÉCEPTION D'ADIEU

L'honorable W. David Angus: Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat découle de la tentative inconvenante que son parti a récemment faite auprès des banques du Canada afin de les amener à offrir chacune 25 000 $ pour financer une réception d'adieu en l'honneur du premier ministre. Apparemment, les banques ont refusé, ce dont je les félicite. N'est-ce pas là un exemple classique de deux poids, deux mesures, puisque le même premier ministre a menacé de déclencher des élections à moins que le projet de loi C-24 ne soit adopté?

Est-ce que madame le leader du gouvernement peut nous expliquer pourquoi le premier ministre tenait tant à supprimer les dons des sociétés quand son parti juge parfaitement acceptable de solliciter 25 000 $ de chaque banque pour financer sa réception d'adieu?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le Sénat a déclaré avec un enthousiasme débordant que le projet de loi sur le financement politique déposé par le premier ministre constituait un pas dans la bonne direction dans le domaine du financement des partis politiques de notre grand pays.

Pour ce qui est des gens désireux de contribuer au financement d'une réception d'adieu en l'honneur du premier ministre, je considère personnellement qu'il s'agit de célébrer 40 ans de distinction et de grands services à la population du Canada.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, c'est à l'usage que l'on juge de la qualité des choses. Mes recherches révèlent que le projet de loi C-24 est farci d'échappatoires, tout comme madame le leader du gouvernement l'a reconnu. Peut-elle confirmer, si le Parti libéral tente à nouveau de recueillir des fonds auprès des sociétés pour financer une grande réception en l'honneur de Jean Chrétien, à Shawinigan, début janvier, lorsque le projet de loi C-24 sera entré en vigueur, que de telles contributions seraient encore légales et que les banques ou d'autres sociétés auraient encore le droit de faire de tels dons?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne suis pas du tout d'accord avec l'honorable sénateur quand il dit que je reconnais l'existence d'échappatoires dans cette mesure législative. Bien au contraire, je ne crois pas du tout qu'elle en contienne. Je pense que c'est une très bonne loi. Toutefois, l'honorable sénateur a dans une certaine mesure raison de dire qu'elle ne couvre pas tous les événements qui peuvent survenir dans le fonctionnement des partis politiques. Par exemple, la loi permet de consacrer d'importantes sommes à des réunions de mise en candidature. Par conséquent, est- ce une bonne loi? Est-elle absolument parfaite? Aurons-nous des raisons de vouloir l'améliorer à l'avenir? Le temps nous le dira.

Le sénateur Angus: Honorables sénateurs, cette mesure législative apparemment si importante — mais que beaucoup de mes collègues et moi-même n'approuvons pas — vient à peine d'être adoptée que le gouvernement tente déjà de trouver des moyens de tourner ce projet de loi si cher au cœur du premier ministre parce qu'il devait donner plus de transparence aux collectes de fonds politiques. Avec toutes ses échappatoires, le projet de loi est tout aussi transparent que l'affaire Shawinigate.

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

LE PROGRAMME D'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU—DEMANDE DE FONDS DANS LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le ministre. Elle concerne le Budget supplémentaire des dépenses (A) dans lequel le gouvernement demande une rallonge de 10 millions de dollars pour le programme d'enregistrement des armes à feu, ce qui porte le total cumulatif de l'année à 111 millions de dollars. Est-ce que madame le leader peut nous expliquer pourquoi ce programme, qui devait à l'origine coûter au total 2 millions de dollars, ne peut pas se suffire des 100 millions de dollars que nous lui avons attribués en juin dernier, il y a à peine trois mois?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, ou bien je suis mal renseignée ou bien c'est mon honorable ami qui l'est. J'ai expressément posé cette question. On m'a dit qu'il n'y avait pas de nouveaux crédits. Il s'agit d'un simple virement d'un ministère à un autre. Le Budget supplémentaire des dépenses (A) ne prévoit pas de nouveaux crédits.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, dès que le Budget supplémentaire des dépenses parviendra au comité, nous déterminerons comment se fera la redistribution. Nous voudrons nous assurer qu'un ministère a réduit son budget pour transférer 10 millions de dollars à ce programme.

Je voudrais poser une autre question ayant rapport avec l'enregistrement des armes à feu. Dans un discours prononcé à Whitehorse le 10 mai au sujet du coût du programme d'enregistrement et de la façon dont sont traités les gens du Nord, Paul Martin a dit: «Je ne crois pas que l'examen qui a été fait soit suffisant, loin de là. Je ne crois pas que les solutions retenues compte tenu de la complexité de l'affaire conviennent vraiment. Je ne crois pas non plus que le programme conçu pour contrôler les coûts soit allé assez loin.»

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si le solliciteur général et le ministère de la Justice élaborent des solutions pouvant permettre au nouveau chef du Parti libéral, M. Martin, d'agir rapidement pour maîtriser les coûts et améliorer la façon dont les gens du Nord sont traités dans le cadre de ce programme?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai mentionné qu'il s'agissait d'un virement d'un ministère à un autre. L'honorable sénateur sait que l'administration de ce programme est passée du ministère de la Justice au solliciteur général. Le virement de 10 millions de dollars découle du transfert de responsabilités d'un ministère à l'autre.

En ce moment, le premier ministre du Canada est le très honorable Jean Chrétien.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LES ÉTATS-UNIS—LA PARTICIPATION AU SYSTÈME DE DÉFENSE ANTIMISSILE—DEMANDE D'INFORMATION

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Des entretiens entre le Canada et les États-Unis sur une éventuelle participation canadienne au système de défense contre les missiles balistiques que les États-Unis prévoient implanter se poursuivent depuis plusieurs mois, mais il ne filtre aucune information qui permettrait aux Canadiens de comprendre ce qui se passe.

Madame le ministre peut-elle dire au juste quelle serait la participation du Canada? Elle répondra certainement qu'elle ne peut le faire parce que les États-Unis n'ont pas présenté de demande officielle, mais les Canadiens et surtout les contribuables ont le droit de savoir de quoi on discute — participation militaire, appui politique, coûts financiers. Le gouvernement va-t-il présenter un rapport provisoire sur ces entretiens pour que les sénateurs puissent se prononcer sur leur efficacité?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur le sait, le gouvernement américain réalisera son projet de défense antimissile avec ou sans la participation du Canada. Le but de nos entretiens avec les États-Unis est de voir si les conditions permettent une participation canadienne, tout en poursuivant notre objectif, qui est de protéger les Canadiens, de préserver le rôle essentiel du NORAD dans la défense de l'Amérique du Nord et de garantir la sécurité. De plus, nous avons dit clairement que, si ce programme menait à l'arsenalisation de l'espace, nous ne l'appuierions pas.

LES ÉTATS-UNIS—LA PARTICIPATION AU SYSTÈME DE DÉFENSE ANTIMISSILE

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, madame le ministre ne pense-t-elle pas que les Canadiens ont droit au moins à un rapport provisoire sur l'objet des discussions qui se poursuivent depuis plusieurs mois?

En 1987, le gouvernement canadien de l'époque a refusé que le Canada participe à ce qu'on appelait l'Initiative de défense stratégique. Il n'y a eu aucune répercussion sur le Canada. Si le Canada a pu dire non pendant la guerre froide, pourquoi ne peut-il pas le faire aujourd'hui? Quelles représailles les États-Unis exerceront-ils contre le Canada s'il décidait de ne pas se joindre au programme de défense antimissile?

(1450)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne crois pas que des mesures punitives sont en cause. Je ne pense pas que les États-Unis prendront de telles mesures. La question est plutôt de savoir si le NORAD, qui a bien servi nos deux pays, continuera de bien les servir si ceux-ci vont dans des directions différentes. C'est la raison pour laquelle des discussions ont lieu.

LA JUSTICE

LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME SUR LES MÉTIS—LA DÉFINITION DE LA CULTURE EN VUE DE DÉTERMINER L'ADMISSIBILITÉ AUX REVENDICATIONS DES AUTOCHTONES

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Vendredi, les juges de la Cour suprême ont rendu une décision unanime reconnaissant à une petite bande métisse de l'Ontario le droit de chasser à des fins de subsistance, sans permis et en dehors de la saison de la chasse. On s'attend à ce que cette décision ouvre la porte à la reconnaissance aux Métis d'autres droits semblables reconnus aux Autochtones et concernant, par exemple, le financement fédéral, les droits de pêche et l'accès à d'autres ressources naturelles.

Voici ma question: pour le gouvernement fédéral, quelle est la définition actuelle de «Métis»? Le mot «Métis» est-il défini du point de vue culturel?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est opportun que le gouvernement du Canada étudie très attentivement la décision rendue la semaine dernière par la Cour suprême du Canada. Nous avons déjà entendu aujourd'hui certains appuis enthousiastes par rapport à cette décision. Il s'agit toutefois d'une décision très complexe, et il faudra du temps au ministère de la Justice pour bien l'évaluer.

Dans une certaine mesure, c'est aux Métis qu'il appartient de définir le peuple métis. Cependant, il y a dans ce jugement des lignes directrices très claires sur ce qu'est un Métis, de l'avis de la Cour suprême.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, la Cour suprême a donné, comme madame le ministre le sait, une définition plutôt étroite du mot «Métis». Elle définit celui-ci en fonction de sa communauté, ce qui est plutôt intéressant, tout comme l'effet que cela aura sur le projet de loi C-6, par exemple.

Ainsi, en 2002, le Ralliement national des Métis a adopté une résolution stipulant que les gens doivent prouver leur appartenance à la lignée des Métis des Prairies pour pouvoir faire partie du conseil. Si l'on utilisait cette définition particulière pour déterminer qui a droit à quoi, cela exclurait les Métis de la côte est et ceux du Nord.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire qui établira la définition du mot «Métis» qui sera utilisée pour déterminer l'admissibilité aux revendications autochtones?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne m'attarderai pas davantage là-dessus, car ce jugement est tout récent; alors qu'il n'a été rendu qu'à la fin de la semaine dernière. Le ministère de la Justice n'a pas encore eu le temps de l'examiner en profondeur et ainsi, il serait prématuré de répondre à ce type de question détaillée à ce stade-ci.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je comprends cela. Cependant, il faut examiner les répercussions du jugement de la Cour suprême en question en fonction du projet de loi C-6, la Loi sur le règlement des revendications particulières, qui est proposé et j'espère que le gouvernement fera cela et envisagera de retirer le projet de loi C-6 ou d'appuyer des amendements de fond corrigeant ses lacunes, surtout en ce qui concerne les retards.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le Sénat du Canada a déjà accepté quatre amendements au projet de loi C-6, amendements qui, selon moi, améliorent de façon marquée le projet de loi.

LA SANTÉ

LES INSTITUTS DE RECHERCHE EN SANTÉ DU CANADA—LE PROGRAMME DE FINANCEMENT DES CHERCHEURS DE NIVEAUX INTERMÉDIAIRE ET SUPÉRIEUR

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, les Instituts de recherche en santé du Canada ont récemment décidé de mettre un terme au programme d'aide salariale pour les chercheurs de niveaux intermédiaire et supérieur. Le Journal de l'Association médicale canadienne signale que cela pourrait faciliter l'exode des cerveaux du Canada et envoyer un message négatif au sujet du financement de la recherche dans ce pays.

Nos expériences récentes avec le SRAS, le virus du Nil et la maladie de la vache folle montrent la nécessité d'appuyer la recherche scientifique au Canada. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si le gouvernement fédéral s'inquiète des conséquences de la fin de ce programme et s'il entend prendre des mesures pour veiller à ce que le financement de la recherche au Canada reçoive un fort appui, au moins à court terme, en attendant que le gouvernement puisse apporter des ajustements?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur le sait, le budget de cette année donnait beaucoup d'argent frais aux Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. Il s'agit d'un organisme indépendant qui a pris une décision dans ce cas-ci et le gouvernement ne juge pas approprié d'intervenir en l'occurrence.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, c'est vrai, et les actions du gouvernement ont certainement été accueillies favorablement par les chercheurs. Cela ne fait aucun doute.

Cependant, il y a des problèmes attribuables à la façon dont le financement est versé sous forme d'allocations annuelles qui ne sont pas renouvelées automatiquement. Si on pouvait faire des rajustements à cet égard, le genre de mesures draconiennes que les IRSC ont dû prendre pourraient être évitées. On a proposé entre autres que des fonds supplémentaires soient mis à la disposition des chaires de recherche du Canada afin que les chercheurs puissent poursuivre leur travail en attendant un autre genre de rajustement.

Madame le ministre peut-elle nous dire si elle croit que cela serait possible?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne sais pas si ce sera possible, mais je vais certainement transmettre cette intéressante suggestion à la ministre de la Santé.

Je veux dire également que je suis heureuse d'avoir appris aujourd'hui que les IRSC ont engagé la somme de 12 millions de dollars sur cinq ans au titre de la recherche sur les soins palliatifs.

LA VENTE DE PRODUITS PHARMACEUTIQUES AUX AMÉRICAINS

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, étant donné les prix prohibitifs dans leur propre pays, de plus en plus d'Américains achètent des médicaments d'ordonnance à des pharmaciens canadiens. Bien qu'il soit compréhensible que les Américains veuillent acheter des médicaments à meilleur marché, il est important de se rendre compte que les pharmacies n'ont pas les ressources pour approvisionner à la fois le Canada et les États-Unis. Selon l'Association des pharmaciens du Canada, le fait de fournir des médicaments aux acheteurs américains et aux Canadiens pourrait exercer des pressions énormes sur notre système et même conduire à une pénurie de médicaments et de pharmaciens.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si Santé Canada s'inquiète de l'augmentation rapide des achats de médicaments au Canada par des Américains et de l'effet que cela pourrait avoir sur le système?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, les pharmacies sont régies par les lois provinciales. Dans ma province, par exemple, on crée de plus en plus de sites Web pour encourager les Américains à acheter leurs produits pharmaceutiques au Canada, et c'est devenu un marché important au Manitoba.

J'attire l'attention de l'honorable sénateur sur le fait que le Canada risque de connaître une pénurie de médicaments. Je n'ai pas été expressément saisie de la question, mais, dans les faits, les pharmacies qui pratiquent ce genre d'activités relèvent de la compétence des provinces.

Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, les achats transfrontaliers de produits pharmaceutiques canadiens soulèvent de nombreuses autres questions, dont une des plus importantes est la réaction des fabricants de médicaments. Une des plus grandes sociétés pharmaceutiques du monde, en l'occurrence Pfizer, a avisé 50 pharmacies canadiennes soupçonnées d'exporter aux États-Unis qu'elles devront passer leurs commandes de médicaments directement à l'entreprise et non aux grossistes. Les pharmacies qui achètent dans le but de revendre aux États-Unis ne seront plus approvisionnées.

Vos affirmations au sujet des provinces sont relativement vraies, mais le gouvernement fédéral a un rôle à jouer ici. Le gouvernement fédéral s'inquiète-t-il du fait que les sociétés pharmaceutiques vont tenter de faire diminuer les achats en provenance des États-Unis en réduisant le nombre de produits disponibles dans les pharmacies canadiennes et en augmentant les prix?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, de toute évidence, on craint que certaines sociétés pharmaceutiques ne fassent plus directement affaire avec les grossistes au Canada. Cela dit, les médicaments semblent encore facilement accessibles pour les Canadiens, et, c'est triste à dire, mais le fait qu'un si grand nombre d'Américains se tournent vers le Canada pour obtenir des médicaments à des prix apparemment substantiellement inférieurs à ceux qu'ils paieraient pour les mêmes produits aux États-Unis montre l'efficacité de notre système et peut-être l'absence de système au sud de la frontière.

Comme l'honorable sénateur fait état d'une importante préoccupation, et que, par la même occasion, elle signale la possibilité d'une pénurie de médicaments, j'aborderai la question avec la ministre de la Santé.

(1500)

[Français]

DÉPÔT DES RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON

ANCIENS COMBATTANTS ET SECRÉTAIRE D'ÉTAT (SCIENCES, RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT)—LA LOI SUR LES CARBURANTS DE REMPLACEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose les réponses aux questions nos 76 et 77 inscrites au Feuilleton — par le sénateur Kenny.

MINISTRE D'ÉTAT ET LEADER DU GOUVERNEMENT À LA CHAMBRE DES COMMUNES—LES NORMES DE RÉGIE D'ENTREPRISE

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 117 inscrite au Feuilleton — par le sénateur Stratton.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de M. Donald Maracle, chef des Mohawks de la baie de Quinte; de Roberta Jamieson, chef des Six Nations de la rivière Grand; de Sharon Stinson-Henry, chef des Mnjikaning; et de Greg Cowie, chef de la Première nation de Hiawatha de Scugog. Ce sont tous des invités de l'honorable sénateur Watt.

Honorables sénateurs, souhaitons-leur la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!


[Français]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Joseph A. Day propose: Que le projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le grand plaisir de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-25, la Loi sur la modernisation de la fonction publique.

Ce projet de loi concerne, comme vous savez, l'une des ressources les plus précieuses de notre pays, notre fonction publique. Qu'ils travaillent dans nos collectivités ici au pays ou à l'étranger, les fonctionnaires s'emploient à protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes, à améliorer la qualité de leur environnement, à assurer leur sécurité et à accroître leur bien-être. La fonction publique est, en outre, composée d'une main-d'oeuvre diversifiée et compétente, capable de servir la population dans les deux langues officielles. C'est pourquoi je suis fier que les législateurs de ce pays fassent preuve d'un leadership remarquable en veillant à ce que cette noble institution puisse continuer à répondre aux besoins changeants des Canadiens et des Canadiennes.

La dernière grande réforme des lois régissant la fonction publique entreprise par le gouvernement du Canada remonte à plus de 35 ans. Je tiens donc à féliciter ceux et celles qui ont travaillé pour faire de ce projet de loi une réalité. Je sais, en effet, que la ministre Robillard, l'ancien sous-ministre Ran Quail, la sous-ministre adjointe Monique Boudrias et toute leur équipe de spécialistes juridiques et politiques n'ont ménagé aucun effort pour donner corps à ce projet de loi de grande envergure.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un projet de loi qui conserve les meilleurs aspects de notre système actuel et améliore ceux qui ne convenaient plus. Par exemple, le Conseil du Trésor demeure le principal employeur de la fonction publique. Il acquiert une nouvelle responsabilité de reddition de comptes au Parlement en matière de gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Il présentera un rapport annuel sur la gestion des ressources humaines.

La Commission de la fonction publique conserve son pouvoir de nomination des titulaires de postes venant de l'extérieur ou de l'intérieur de la fonction publique. Il est question de déléguer partiellement ou totalement ce pouvoir de dotation aux sous- ministres ou administrateurs généraux, comme on les appelle dans le projet de loi. La commission conserve le droit d'établir les modalités de cette délégation des pouvoirs de dotation aux administrateurs généraux. Par ailleurs, la Commission de la fonction publique conserve le pouvoir d'annuler toute délégation qui ne serait pas correctement employée.

En outre, la Commission de la fonction publique disposera de nouveaux pouvoirs qui lui permettront de procéder à des enquêtes et à des vérifications relativement aux questions touchant la fonction publique.

Le projet de loi C-25 a été élaboré après de vastes consultations auprès des intéressés, notamment des administrateurs généraux, des employés, des gestionnaires, des conseils fédéraux-régionaux, des organisations de jeunes, des professionnels des ressources humaines et des agents de négociation.

Le projet de loi C-25 est équilibré. C'est une mesure habilitante. Ce projet de loi sur la modernisation de la fonction publique est composé...

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai écouté très attentivement...

Son Honneur le Président: Madame le sénateur invoque-t-elle le Règlement?

Le sénateur Cools: Oui, Votre Honneur.

J'ai écouté attentivement le moindre mot prononcé par mon collègue, le moindre mot qui est sorti de sa bouche. Le fait est que le projet de loi est un projet de loi pas mal important et qu'il représente un engagement important de la part du ministre.

J'ai écouté avec une attention particulière, parce qu'il me semble qu'on a omis une importante consultation. Je fais état des propos que le sénateur Day vient de tenir au sujet des vastes consultations qui ont eu lieu avant l'élaboration du projet de loi C-25 et qui ont fait intervenir la moindre personne intéressée par le projet de loi ou le but de cette mesure.

Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement sur un point très précis. Les intérêts d'une personne très importante sont visés dans ce projet de loi. Que je sache, cette personne n'a pas été consultée. Je parle de Sa Majesté la reine et de sa représentante au Canada, la gouverneure générale, Son Excellence Adrienne Clarkson. Plus particulièrement, ce projet de loi touche la prérogative royale. Il touche le droit de la souveraine de recevoir l'allégeance de ses sujets.

Je suggère que l'on rappelle aux honorables sénateurs que, du point de vue de la procédure, il va à l'encontre du Règlement de tenir un débat qui touche la prérogative royale sans avoir consulté Sa Majesté et sans lui avoir demandé la permission de tenir un tel débat.

Il y a deux ans, certains sénateurs ont soulevé ce point précis relativement au projet de loi C-20, le projet de loi sur la clarté, au Sénat. Après plusieurs jours de discussions, le sénateur Boudreau, alors leader du gouvernement, s'est enfin levé pour présenter le consentement royal. Il ne s'agit pas de la sanction royale, mais bien du consentement royal.

(1510)

J'ai pris connaissance du projet de loi C-25. À titre d'exemple, dans la première édition de ce document que nous avons reçue, je note que l'on a soigneusement intégré la recommandation royale qui correspond aux initiatives financières de l'État et qui montre essentiellement que les ministres et l'État lui-même prennent l'initiative de présenter à un moment donné une proposition de crédits budgétaires. Toutefois, je n'ai rien vu concernant l'autre aspect à prendre en considération, soit le consentement royal, dans le cadre duquel Sa Majesté, par l'entremise de son représentant, doit accorder au Sénat la permission de soulever un débat et d'y tenir compte de son intérêt.

Pour appuyer mon propos, je vous renvoie à l'article 9 de l'AANB de 1867 et en particulier à la partie III, intitulée «Pouvoir exécutif». On y dit ce qui suit:

À la reine continueront d'être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada.

Honorables sénateurs, nous devons nous rappeler que l'AANB n'a pas créé le pouvoir que la reine exerce sur le Canada et qu'il ne lui a pas donné force de loi. L'AANB déclare simplement que ce pouvoir continue parce qu'il existait avant la Confédération.

Je cherche à prouver que le serment d'allégeance que les Canadiens doivent prêter à la reine est antérieur à l'AANB. Selon moi, il est antérieur à toute loi moderne. Je soutiens également qu'il est très bien établi dans la lex parliamenti, ou droit du Parlement, qu'aucune question ne devrait faire l'objet d'un débat au Sénat sans que l'on ait au préalable obtenu l'autorité ou la permission de la représentante de Sa Majesté au Canada.

Les honorables sénateurs doivent comprendre que le projet de loi C-25 cherche à modifier la Constitution du Canada. La Constitution s'inscrit dans de nombreuses lois et est aussi tout un recueil de doctrines. Elle énonce et défend très clairement le principe de l'allégeance à la reine. Nous nous souviendrons que le plus récent sénateur, le sénateur Harb — je m'habituerai bientôt à lui donner le titre de «sénateur»; j'ai failli dire M. Harb, illustre député d'Ottawa- Centre à la Chambre des communes — a été accueilli au Sénat il y a à peine une heure; il a été accompagné jusqu'au Bureau et il a prêté le serment d'allégeance, comme nous l'avons tous fait.

C'est une question qui, à mon avis, est loin d'être simple. Le serment d'allégeance ne doit pas être considéré comme un ornement. C'est un engagement profond qui repose sur une structure morale profonde et qui nous guide sur la manière dont nous devons mener nos affaires à titre de parlementaires.

Honorables sénateurs, j'ai discuté de cette question au Sénat à de nombreuses reprises déjà. Pour ajouter du poids à mes paroles, j'aimerais citer quelques énoncés de la lex parliamenti sur la question du consentement royal. Je citerai d'abord l'alinéa 726.1) de la sixième édition du Beauchesne qui prévoit que:

La présentation de projets de loi (voire à l'occasion d'amendements) touchant les prérogatives [...] doit s'accompagner d'une déclaration d'un ministre attestant qu'on a obtenu à cet égard le consentement royal — qu'il ne faut pas confondre avec la sanction royale donnée aux projets de loi.

Le paragraphe 726.2) prévoit que:

L'usage veut que le consentement royal soit signifié dès le commencement du débat. Son défaut rend nulles et non avenues les délibérations antérieures en vue de l'adoption du projet de loi.

Ces extraits parlent du commencement du débat. Nous en sommes actuellement à la troisième lecture. Pour ce qui est du projet de loi, nous en sommes donc rendus assez loin dans le débat.

Le paragraphe 727.1) prévoit que:

Le consentement de la Couronne est indispensable chaque fois qu'il s'agit de questions mettant en cause ses prérogatives. Bien que le consentement puisse être signifié à n'importe quelle étape des délibérations précédant l'adoption définitive du projet de loi, l'usage à la Chambre veut qu'il le soit lors de la présentation de la motion portant deuxième lecture. Il peut être présenté sous forme de message spécial, mais aussi, et c'est le procédé habituel, sous forme de déclaration de vive voix d'un ministre. On constatera également qu'il est possible qu'un projet de loi franchisse toutes ses étapes, sauf la dernière, sans que le consentement royal ait été signifié. Dans le cas cependant où le consentement ferait encore défaut au dernier stade, le président refuse de mettre la question aux voix.

Honorables sénateurs, il y a plusieurs références à ce sujet, que ce soit dans les ouvrages de Bourinot, Todd, Erskine May ou autres, ou même dans ceux des véritables autorités parlementaires qui sont ont tous été députés de toute façon. Au Canada, les grandes autorités parlementaires ont été des gens comme les premiers ministres sir John A. Macdonald ou R. B. Bennet, pour ne nommer que ceux-là.

Honorables sénateurs, il est très important que nous comprenions que toute tentative de notre assemblée ou d'un ministre visant à modifier la relation entre la souveraine et sa fonction publique doit recevoir le consentement de Sa Majesté. Autrefois, nous parlions en anglais de «civil service». Des expressions telles «civil service» et «civil list» étaient toutes parlementaires. Nombre de ces mots perdent leur sens parlementaire et leur signification, mais nous parlions de «civil service». Les mesures visant à modifier cette relation tout à fait fondamentale entre les fonctionnaires et les souverains ne sont pas simples, et elles ne peuvent se prendre au moyen d'un simple projet de loi. Son Excellence la gouverneure générale du Canada doit intervenir.

La notion de serment est complexe en ce que le serment d'allégeance est étayé par le serment à la souveraine, qui est le serment du couronnement, qui est...

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je suis désolé de vous interrompre, mais je tiens à signaler aux honorables sénateurs que nous n'avons aucune règle sur la durée d'intervention autorisée pour soulever un rappel au Règlement ou en discuter.

Le sénateur Cools: Je voudrais dire...

Son Honneur le Président: Permettez-moi d'intervenir, car...

Le sénateur Cools: En toute déférence, j'ai la parole. Il enfreint le Règlement.

Des voix: À l'ordre, à l'ordre!

Le sénateur Cools: Vous ne pouvez pas vous servir de vos fonctions pour couper la parole à un sénateur sans raison, comme vous venez de le faire.

Des voix: À l'ordre, à l'ordre!

Le sénateur Cools: C'est inadmissible. Cela ne se fait pas.

Son Honneur le Président: Notre Règlement laisse au Président le soin de décider à quel moment il juge avoir compris l'objection à partir de ce qu'il a entendu. La tradition veut, toutefois, que l'on n'entende pas seulement le sénateur qui formule l'objection, mais aussi les autres sénateurs qui souhaitent prendre la parole à ce sujet.

Je signale que cela fera bientôt 14 minutes que nous débattons du rappel au Règlement de madame le sénateur Cools. Quand on écoute attentivement, on se rend compte que l'information qu'elle me fournit — car c'est à moi de décider s'il y a matière à rappel au Règlement — est pleine de répétitions. Je lui demanderais de bien vouloir conclure l'explication de son recours au Règlement. Je donnerai ensuite l'occasion aux autres sénateurs de prendre la parole, puis déciderai ce qu'il convient que je fasse.

Le Sénateur Cools: Honorables sénateurs, la plupart d'entre nous connaissent bien le Règlement. Rien, absolument rien, ne justifie ce dont nous venons d'être témoins. Aucune limite n'est fixée. Un sénateur formule son objection, puis les autres sénateurs participent au débat. Il convient de rappeler aux honorables sénateurs que le rôle du Président du Sénat est différent de celui du Président de la Chambre des communes.

Des voix: À l'ordre!

(1520)

Le sénateur Cools: Je parle du Sénat. Le paragraphe 18(1) du Règlement ne confère pas ce genre de pouvoir. J'étais ici lorsque le paragraphe 18(1) a été adopté, et je connais très bien les raisons pour lesquelles il l'a été.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, il y a quelque chose de tout à fait répréhensible dans le fait que le projet de loi C-25 vise à supprimer et abroger le serment d'allégeance. On ne peut tout simplement pas supprimer le serment d'allégeance exigé des employés de la fonction publique canadienne. Je crois que nous ne devrions pas poursuivre davantage l'étude de ce projet de loi, tant que le gouvernement ne nous aura pas informés que la question de l'allégeance, qui est extrêmement importante, a été discutée avec la représentante de Sa Majesté et que cette dernière a signifié le consentement royal.

Honorables sénateurs, j'ai été très troublée par ce qui s'est produit et par ce que j'ai lu dans les journaux au sujet de la gouverneure générale, Mme Clarkson. Je crois fermement, honorables sénateurs, en cette institution qu'on appelle la monarchie constitutionnelle. Je crois que l'une des raisons pour lesquelles on soumet Son Excellence à ce genre de traitement, c'est que, dans l'opinion publique comme dans les milieux journalistiques, tout ce système et les rôles qui s'y rattachent sont dévalorisés. Nos contemporains se croient autorisés à s'en prendre à Son Excellence. Je trouve cela tout à fait inacceptable.

Honorables sénateurs, je tenais à soulever la question pour que nous comprenions les conséquences de ce que nous faisons chaque fois que nous retirons une brique de ce qu'on appelle l'édifice constitutionnel canadien.

Son Honneur le Président: Sénateur Cools, je regrette de vous interrompre de nouveau, mais vous avez cité correctement le paragraphe 18(1). Je voudrais, pour les fins du compte rendu, rappeler aux honorables sénateurs ce que stipule le paragraphe 18(3):

Lorsque le Président doit se prononcer sur une question de privilège ou sur un rappel au Règlement, il lui appartient de juger si les arguments présentés sont suffisants. Le Président communique alors sa décision au Sénat et poursuit les travaux interrompus, ou passe à la question suivante, selon le cas.

Je voudrais le faire maintenant, honorables sénateurs. Je crois très bien comprendre votre rappel au Règlement, sénateur Cools, et je vous donnerai un bref droit de réponse.

Cependant, si d'autres sénateurs désirent faire une observation à cet égard, je les invite à le faire maintenant.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie les sénateurs de reconnaître mon droit d'intervenir dans ce dossier.

Le sénateur a manifestement des inquiétudes au sujet du droit au consentement, qui constitue un aspect important de notre régime parlementaire. Le sénateur Cools a soulevé cette question au comité en faisant un rappel au Règlement. À ce moment-là, il a été jugé irrecevable. Elle le fait encore une fois aujourd'hui, et elle est en droit de le faire.

Cependant, j'estime qu'il est important de souligner que le projet de loi C-25 renferme deux nouvelles lois, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Il modifie également deux autres lois, la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion.

Le projet de loi reconnaît la nécessité de moderniser le régime de la dotation et des relations de travail et précise les pratiques. Le projet de loi prévoit également la mise sur pied de services de gestion des conflits au moyen de dispositions sur les griefs et crée la Commission des relations de travail dans la fonction publique. La Loi sur l'emploi de la fonction publique que prévoit le projet de loi C-25 a pour effet d'abroger le serment d'allégeance, un serment d'allégeance qui, par exemple, n'est pas prêté au Royaume-Uni. Il n'est pas prêté en Australie. Il s'agit du premier projet de loi au Canada qui l'abroge dans le cas des membres de la fonction publique.

Le serment d'allégeance est un aspect bien couvert par la loi — non par une prérogative, mais par la loi. Nous en avons au moins deux exemples, la Loi sur les serments d'allégeance et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, laquelle renferme actuellement une disposition sur le serment. Il n'existe aucune prérogative concernant les serments d'allégeance puisque, bien franchement, honorables sénateurs, des lois antérieures ont abrogé cette prérogative il y a quelque temps. Par conséquent, le consentement royal n'est pas nécessaire parce que le projet de loi C-25 ne touche aucune prérogative royale.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, étant donné qu'un certain nombre de questions de procédure importantes sont apparues jusqu'ici dans le débat au sujet du rappel au Règlement qu'a soulevé le sénateur Cools, au nom de l'opposition, je tiens à préciser que nous sommes d'accord sur l'interprétation du paragraphe 18(3) qu'a donnée Son Honneur. À notre avis, cette interprétation est fort exacte. Nous apprécions particulièrement la procédure qu'a adoptée le Président, à savoir que, lorsqu'il y a rappel au Règlement, bien qu'il puisse en avoir entendu suffisamment sur la question, il accorde à l'opposition ou à d'autres sénateurs la possibilité de se faire entendre.

Concernant le rappel au Règlement en soi, quand j'ai consulté la 6e édition de Beauchesne au sujet du consentement royal, j'ai trouvé le commentaire 729. On ne l'a pas cité. Voici ce qu'il dit:

Nul consentement royal n'est requis, à moins que ne soient en cause les biens personnels de Sa Majesté et non ceux dont elle peut disposer au nom de ses sujets.

Son Honneur devra sans doute répondre en premier à la question de savoir si la fonction publique appartient à Sa Majesté. La fonction publique appartient-elle à Sa Majesté, au sens où elle ferait partie de ses biens personnels, et quelle est la relation entre la fonction publique et Sa Majesté? Une fois qu'on aura répondu à cette question, la réponse à la question de savoir si le consentement royal est requis sera beaucoup plus claire.

C'est une question intéressante. Son Honneur trouvera peut-être utile de consulter les pages 604 et 605 de la 22e édition d'Erskine May. Elles contiennent plusieurs points intéressants extraits d'ouvrages de procédure portant sur le consentement royal accordé à des projets de loi qui touchent la prérogative royale. Bien entendu, il faut d'abord répondre à la question de savoir si ce projet de loi touche les biens ou la prérogative de la Couronne. Si c'est le cas, le consentement de la reine est requis tel que prescrit ici. Il faudra également prendre en considération les décisions rendues au Sénat sur cette même question.

Ce rappel au Règlement est sérieux. Avant de décider si le processus est conforme aux règles, il faudra répondre à des questions préliminaires. Si je comprends bien, d'après Erskine May, le consentement peut être signifié n'importe quand, y compris à l'étape de la troisième lecture. En effet, des amendements qui touchent la Couronne peuvent être apportés par le comité ou au cours des dernières étapes.

J'espère que cela vous aura été utile.

Son Honneur le Président: Avant de donner la parole au sénateur Cools pour un commentaire final, y a-t-il d'autres sénateurs qui aimeraient intervenir?

Je donne donc la parole au sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Je remercie les sénateurs de leurs interventions. Je tiens à préciser que la question concernant la prérogative royale que j'ai soulevée n'a rien à voir avec les biens personnels de Sa Majesté. Je me permettrai de faire respectueusement remarquer que ces références à ses biens personnels concernent d'autres prérogatives.

Le droit de la prérogative est probablement le plus complexe de tous les droits; c'est le moins bien compris et le moins bien connu. Et pour cause: le gouvernement tient à le garder secret. Ces questions sont entourées d'un grand secret ici, probablement plus que dans n'importe quel autre pays du Commonwealth, et les visiteurs des autres pays du Commonwealth sont toujours étonnés de voir comment ces instruments fonctionnent dans notre pays.

(1530)

Je parlais du droit du souverain, en l'occurrence la reine, de recevoir l'allégeance. Après tout, l'allégeance, c'est le lien qui lie le sujet au magistrat suprême, c'est-à-dire la reine. C'est ce phénomène qui confère au souverain la prérogative d'assujettir ses sujets à l'impôt, de les envoyer à la guerre, de procéder à des nominations en leur nom, de conférer des grades et de nommer des sénateurs. C'est de ces prérogatives dont je parle, et en particulier de l'allégeance.

L'allégeance existait avant les lois. Le sénateur Carstairs se trompe complètement à cet égard, car l'allégeance existait avant les lois. Au Canada, l'allégeance est issue d'une concession royale. Il convient de rappeler que le Canada que nous connaissons est issu d'une conquête. Si on lisait les articles de la capitulation qu'ont signés le marquis de Vaudreuil et le major-général Amherst, on constaterait qu'ils traitaient de ces questions et qu'ils établissaient clairement que les gens deviendraient des sujets du roi. Par la suite, ces questions ont été inscrites dans une loi, mais cette loi ne faisait que confirmer, déclarer et répéter que c'était là une situation de droit.

Honorables sénateurs, je voudrais faire une mise au point. Je ne sais pas de quoi parlait madame le sénateur Carstairs lorsqu'elle a dit que j'ai invoqué le Règlement en comité. Je tiens à dire aux honorables sénateurs que je n'ai pas fait de recours au Règlement, que le président n'a pas rendu de décision, que je n'ai pas demandé qu'il en rende une et que je ne sais pas de quoi parlait madame le sénateur Carstairs lorsqu'elle a fait cette déclaration trompeuse concernant un recours au Règlement que j'aurais fait. Je voudrais dire clairement que je n'ai pas fait de recours au Règlement en comité.

En fait, nous avons un monarque constitutionnel. Dans notre régime, c'est le monarque qui exécute la Constitution. Le monarque est la source de tous les pouvoirs. On ne peut tout simplement pas abroger le droit du souverain de recevoir l'allégeance ou la loyauté au moyen d'un projet de loi. Si on veut le faire au moyen d'un projet de loi, comme avec la recommandation royale, alors, aux termes des règles qui régissent les rapports de Sa Majesté avec le Parlement, le représentant de Sa majesté doit participer au processus et autoriser la tenue du débat à ce sujet. Je dis simplement que cela fait partie de la prérogative qui donne le ton, qui définit la nature et le caractère de la mentalité publique.

Son Honneur le Président: C'est une question importante sur laquelle on ne doit pas se tromper et je vais la prendre en délibéré. Le sénateur Kinsella a cité Erskine May et je vais citer le commentaire 727 de la sixième édition de Beauchesne à la page 221, où on dit:

On constatera également qu'il est possible qu'un projet de loi franchisse toutes les étapes, sauf la dernière, sans que le consentement royal ait été signifié. Dans le cas cependant où le consentement ferait encore défaut au dernier stade, le Président refuse de mettre la question aux voix.

C'est également l'objet d'une décision plutôt longue donnée au sujet de ce qui était alors le projet de loi S-20 le 25 octobre 2001 et qu'on retrouve à la page 1487 du hansard. Il est clair que le débat peut avoir lieu, car le consentement royal n'est nécessaire qu'à la dernière étape. Ainsi, je dois examiner la question avant la dernière étape et c'est ce que je ferai.

Reprenons le débat; le sénateur Day a la parole.

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, nous parlions du projet de loi C-25, et j'étais sur le point de vous expliquer les divers aspects de ce projet de loi, qui touche principalement les ressources humaines dans la fonction publique. Pendant nos audiences, divers témoins étaient portés à inclure d'autres questions dans le projet de loi. Cependant, la décision a été prise de faire en sorte que cet ensemble de dispositions reste centré sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Le projet de loi C-25 est cependant une mesure législative globale qui comprend plusieurs aspects et quatre grandes lois, comme ma collègue, le sénateur Carstairs, l'a mentionné un peu plus tôt. La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui est proposée est un aspect important du projet de loi. Elle renferme une période de transition proposée au cours de laquelle l'ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique sera éliminée progressivement. La loi proposée permettra des relations patronales-syndicales plus constructives et coopératives afin de soutenir un lieu de travail plus sain et productif.

La nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique proposée remplacera la Loi sur l'emploi dans la fonction publique actuelle qui serait éliminée graduellement. La nouvelle loi donnera une plus grande souplesse en matière de dotation et de gestion dans la fonction publique, avec des garanties renforcées pour maintenir une fonction publique non partisane fondée sur le mérite. La nouvelle loi couvrira cette partie des fonctionnaires qui ne peuvent être nommés que par la Commission de la fonction publique. Il s'agit de déléguer des pouvoirs de la Commission de la fonction publique aux gestionnaires pour qu'ils puissent gérer et rendre des comptes dans la gestion de la fonction publique.

Il y aura également des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques, si vous jugez bon d'adopter ce projet de loi. Ces modifications visent à clarifier les rôles et à renforcer l'obligation de rendre compte pour les institutions et les personnes responsables de gérer la fonction publique. Il y a des modifications à la Loi sur le Centre canadien de gestion prévoyant la création d'un nouvel établissement d'apprentissage pour la fonction publique qui s'appellera l'École de la fonction publique du Canada. Il y aura donc plus de cohérence en ce qui a trait à la formation et au perfectionnement des fonctionnaires, ce qui les aidera à poursuivre leur développement professionnel et à répondre aux besoins de l'organisation. Nous venons d'apprendre la semaine dernière que la formation en langue seconde serait également assurée dans le cadre de cette initiative.

Honorables sénateurs, il y a de nombreuses dispositions qui traitent de la transition au nouveau régime pour les quatre secteurs que je viens mentionner.

Les deux Chambres ont étudié le projet de loi C-25 de façon approfondie. À la Chambre des communes, le Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a entendu 54 témoins. Quant au Comité sénatorial des finances nationales, il a entendu 39 témoins. Nous avons discuté de toutes les préoccupations qui ont été exprimées.

Je veux féliciter notre président, le sénateur Murray, et tous les membres du Comité des finances.

(1540)

Au cours des délibérations du Comité sénatorial permanent des finances nationales, la ministre Robillard est venue dès notre première audience. De plus, après avoir écouté et lu toutes les déclarations faites par les différents témoins, elle est revenue pour donner des explications sur les questions restées en suspens. Cela témoigne du degré d'importance qu'elle accorde à ce projet de loi du gouvernement.

Lors de sa comparution, la semaine dernière, Mme Robillard a abordé beaucoup des questions soulevées par les membres du comité et les témoins. Je voudrais passer en revue certaines de ces questions, et notamment la protection du mérite, l'équité en matière d'emploi, les langues officielles, la zone nationale de sélection, les droits de la personne liés au travail et la divulgation ou dénonciation des fautes commises en milieu de travail. Ce sont les questions soulevées au cours de nos audiences et dans les discussions que j'ai eues avec les honorables sénateurs. Il est important de discuter des points qui pourraient nous laisser mal à l'aise.

Honorables sénateurs, le mérite continue d'être la pierre angulaire de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. En fait, l'article 30, à la page 126 du projet de loi, est ainsi libellé:

Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

Comme l'a dit Mme Robillard devant le Comité des finances nationales la semaine dernière:

En définissant clairement une nouvelle approche du mérite, nous serons en mesure de nous écarter des moyens procéduriers rigides et normatifs...

— moyens établis par suite de diverses décisions judiciaires rendues dans le passé —

... pour nous orienter vers un régime plus adapté à nos réalités opérationnelles. Définir le mérite ne revient pas à le diluer. Nous n'avons pas du tout l'intention de compromettre des valeurs importantes telles que l'impartialité politique...

Mme Robillard a indiqué qu'en accordant aux gestionnaires plus de latitude en matière d'embauche, il n'est pas question d'accepter des compromis quelconques sur le principe du mérite. Les Canadiens pourront toujours compter sur une fonction publique compétente, professionnelle et impartiale, capable de les servir dans les deux langues officielles.

En ce qui concerne l'équité en emploi, honorables sénateurs, les Canadiens s'attendent également à ce que leur fonction publique reflète la diversité des gens qu'elle dessert. Le projet de loi renferme des dispositions qui renforcent la capacité de la fonction publique d'attirer et de garder un effectif représentatif. Le paragraphe 34(1), à la page 127 du projet de loi, est ainsi libellé:

En vue de l'admissibilité à tout processus de nomination sauf un processus de nomination fondé sur les qualités du titulaire, la Commission peut définir une zone de sélection en

fixant des critères géographiques, organisationnels ou professionnels, ou en fixant comme critère l'appartenance à un groupe désigné au sens de l'article 3 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Cela confère expressément ce droit au gestionnaire responsable du processus d'embauche et à la Commission de la fonction publique.

En ce qui concerne une zone nationale de sélection, je sais que cette question a fait l'objet de discussions entre les honorables sénateurs et qu'elle se pose depuis un certain temps dans les deux Chambres du Parlement. Notre fonction publique doit également profiter des compétences et de l'expérience de Canadiens venant de tous les coins du pays. Nous croyons que tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, doivent avoir accès à l'emploi dans la fonction publique. Comme l'a dit la ministre lors de sa comparution devant le Comité des finances nationales:

[Français]

Nous sommes d'accord pour dire que cette idée est en théorie très bonne. La difficulté ne réside pas dans le principe mais dans son application.

[Traduction]

Nous devons donc parvenir à réaliser l'équilibre entre les éléments souvent peu compatibles de l'accessibilité, de l'utilisation responsable des fonds publics et de la rapidité de la dotation. Tandis que nous faisons ces choix difficiles, d'excellents progrès ont été réalisés.

Le concept d'une zone nationale de sélection — qui s'étend donc à tout le pays — sert déjà pour la dotation de postes de niveau élevé, notamment dans le groupe de la direction. La zone nationale de sélection s'applique également au recrutement postsecondaire et aux programmes de recrutement d'étudiants. C'est là un bon point de départ.

Mme Robillard a proclamé en outre son appui au plan de quatre ans établi par la Commission de la fonction publique pour élargir le rôle de la zone nationale de sélection. Au nom de tous les Canadiens qui veulent contribuer au niveau professionnel à la fonction publique du Canada, je me félicite moi aussi de cette approche.

La Commission de la fonction publique rendra compte tous les ans des progrès qu'elle réalisera dans l'extension de l'utilisation de la zone nationale de sélection. Elle se servira d'ordinateurs et de haute technologie à cet égard pour que tous les Canadiens aient la possibilité de poser leur candidature à l'ensemble des postes de la fonction publique. D'excellents progrès sont réalisés. De plus, madame le ministre et la Commission de la fonction publique sont déterminées à poursuivre dans ce sens.

[Français]

En ce qui concerne les langues officielles, il existe, par ailleurs, un autre principe cher aux Canadiens et aux Canadiennes: la dualité linguistique. Dans le préambule de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique du projet de loi C-25, le gouvernement réitère son engagement à l'égard des langues officielles. En plus des droits consentis aux Canadiens et aux Canadiennes ainsi qu'aux employés de la fonction publique dans la Loi sur les langues officielles, le projet de loi prévoit que l'omission d'évaluer un candidat dans la langue officielle de son choix constitue un motif de plainte.

L'article 16 de la Loi sur les langues officielles prévoit en outre que peu importe la langue officielle choisie par l'employé, le tribunal doit être en mesure de comprendre cette langue sans l'aide d'un interprète. Je tiens ici à rassurer ceux et celles qui étaient préoccupés par cette question que la Loi sur les langues officielles s'appliquera bel et bien au nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique.

[Traduction]

Au chapitre des droits de la personne, le projet de loi C-25 atteint un autre objectif très valable en milieu de travail. Il permettra aux employés d'obtenir que les questions relatives aux droits de la personne liés au travail soient traitées de la même façon et avec autant d'efficacité que les différends concernant la discipline, les conditions d'emploi ou les questions de dotation. Cela rendra les gestionnaires et les agents de négociation plus sensibles aux droits de la personne liés au travail.

Des préoccupations ont été exprimées au sujet de la responsabilité de la Commission canadienne des droits de la personne par rapport au projet de loi C-25. Selon certains, la Commission de la fonction publique ne peut pas jouer le rôle prévu dans la mesure législative, la Commission canadienne des droits de la personne étant la seule à posséder les compétences voulues pour s'occuper des droits de la personne.

(1550)

Je reconnais que ces préoccupations sont attribuables à notre désir à tous d'assurer la protection des droits fondamentaux des fonctionnaires. Toutefois, en accordant aux arbitres de griefs et aux membres du Tribunal de la dotation de la fonction publique le pouvoir de faire respecter les droits de la personne, on améliorera la protection de ces droits en milieu de travail.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-25 offre à la Commission canadienne des droits de la personne l'occasion de jouer un rôle similaire à celui qu'elle assume lorsqu'elle doit se présenter devant les tribunaux. Elle partage ses connaissances spécialisées, mais ne se prononce pas sur le fond du litige.

Par ailleurs, le projet de loi C-25 ne mine pas le droit de la Commission canadienne des droits de la personne d'entamer des poursuites concernant toute violation des droits de la personne en milieu de travail, qu'elle fasse l'objet d'un grief ou d'une plainte aux termes du projet de loi C-25. La mesure législative offre également aux fonctionnaires la possibilité de choisir le recours qu'ils préfèrent. Ils pourront donc utiliser le recours offert en milieu de travail ou s'adresser à la Commission des droits de la personne.

En ce qui concerne l'aptitude à régler les violations des droits de la personne, la Cour suprême du Canada a rendu une décision, publiée seulement la semaine dernière, dans l'affaire Parry Sound (District), Conseil d'administration des services sociaux c. S.E.E.F.PO. section locale 324. Elle a déclaré que les avantages liés à l'existence d'une instance accessible et informelle permettant qu'une décision soit rapidement rendue sur des allégations de violation de droits de la personne au travail l'emportent sur toutes les inquiétudes de ceux qui croient que la Commission des droits de la personne possède une plus grande expertise que les arbitres des griefs en matière de règlement des violations des droits de la personne. De plus, cette expertise n'est pas statique mais, au contraire, elle évolue constamment.

Au fil des ans, les conseils d'arbitrage ont été à l'origine de très nombreux précédents très complexes en matière de protection des droits de la personne. Citons à titre d'exemple la décision qui fait jurisprudence que la Cour suprême du Canada a rendue en 1999 dans l'affaire Meiorin — répertorié: Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations commission) c. BCGSEU — et qui découlait d'une décision d'un conseil d'arbitrage.

Ajoutons que le projet de loi C-25 offrirait aux fonctionnaires les mêmes recours en matière de droits de la personne que ceux déjà offerts aux employés d'entreprises privées régies par le gouvernement fédéral aux termes du Code canadien du travail.

Honorables sénateurs, la dénonciation est une autre question qui préoccupe certains sénateurs. Les fonctionnaires devraient avoir, eux aussi, le droit de divulguer les mauvaises pratiques qu'ils observent dans leur milieu de travail sans craindre de représailles.

Je suis d'accord avec M. Edward Keyserlingk qui affirme que la question de la dénonciation ne devrait pas être liée à la gestion des ressources humaines parce que le genre d'actes fautifs dont il pourrait être question est beaucoup plus vaste et plus sérieux que cela. Lors de son témoignage devant le Comité sénatorial des finances nationales, M. Keyserlingk a recommandé que la mesure législative sur la dénonciation soit indépendante, que l'on adopte une loi distincte prévoyant précisément la dénonciation des actes fautifs et que cette loi ne soit aucunement liée à quelque autre loi que ce soit.

M. Keyserlingk n'est pas le seul témoin à avoir dit que la mesure législative portant sur la législation ne devrait pas faire partie du projet de loi C-25. L'ancien vérificateur général, Denis Desautels, et l'actuelle vérificatrice générale, Sheila Fraser, ont tous les deux exprimé la même opinion devant le comité. Je suis d'avis que le plan d'action qu'ils ont recommandé au cours de leur témoignage sera avantageux pour les Canadiens à long terme.

Au cours de son témoignage devant le Comité des finances nationales la semaine dernière, la ministre Robillard a annoncé la création d'un groupe de travail qui sera chargé d'étudier la question de la dénonciation des actes fautifs sur les lieux de travail et de proposer des solutions concrètes. L'agent de l'intégrité de la fonction publique, Edward Keyserlingk, a accepté de participer aux travaux de ce groupe de travail auquel participeront également d'autres Canadiens en vue. Le groupe doit soumettre son rapport à la ministre d'ici la fin de janvier 2004. La ministre transmettra alors ce rapport aux parlementaires pour qu'ils puissent l'examiner et faire leurs recommandations, proposant d'autres options législatives au besoin. Je crois que le gouvernement pourra ainsi mettre sur pied un modèle bien canadien qui permettra d'assurer la protection des dénonciateurs. Je crois également que la façon dont la ministre a agi dans ce dossier est un bon exemple de l'excellent travail effectué par le comité pour faire avancer ces importantes questions.

[Français]

Cela étant dit, je tiens à souligner le travail de mon honorable collègue, le sénateur Kinsella, dans le domaine de la divulgation des actes fautifs. La ministre Robillard a également souligné la précieuse contribution des législateurs en faisant remarquer qu'elle aimerait que le groupe de travail nouvellement constitué tienne compte des travaux effectués jusqu'à maintenant.

En conclusion, honorables sénateurs, je me permets de vous rappeler les paroles prononcées par le sénateur Carstairs lors de son discours à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. Elle a déclaré qu'il s'agissait d'un projet de loi équilibré, qui aura des répercussions profondes et durables sur la vie de la fonction publique et sur la capacité de cette dernière de répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes. Elle s'est en outre dite convaincue que les hommes et les femmes talentueux et dévoués de la fonction publique seront à la hauteur de la tâche.

[Traduction]

Je fais également part aux honorables sénateurs des propos tenus par la vérificatrice générale du Canada lors de sa comparution devant le Comité permanent des finances nationales la semaine dernière. La vérificatrice considère cette mesure législative comme une amélioration apportée au système actuel et a déclaré que l'adoption du projet de loi C-25 contribuerait à la réforme de la gestion des ressources humaines. La vérificatrice générale a également ajouté:

Nous sommes également heureux de constater que le projet de loi prévoit un examen législatif au terme d'une période fixe de cinq ans. Cela donnera au Parlement la possibilité d'évaluer l'incidence de la nouvelle mesure législative sur la fonction publique et de proposer tous changements ou améliorations qui s'imposent. Il sera essentiel que le gouvernement mette en place des mécanismes de contrôle efficaces pour s'assurer que les problèmes sont bien compris et traités comme il se doit et que suffisamment de données sont recueillies pour les analyses nécessaires à l'examen aux cinq ans.

Les honorables sénateurs se souviennent sans doute que la vérificatrice générale, il y a un an à peine, a déclaré que le mécanisme de la fonction publique était brisé et qu'il fallait y accorder une attention immédiate. Elle se dit maintenant heureuse de voir que le gouvernement a réagi en présentant le projet de loi C- 25.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-25 prévoit un examen aux cinq ans. Cette mesure législative est une tentative de changement culturel qui exige une surveillance et, probablement, certaines modifications dans l'avenir, une fois que nous aurons pu voir comment elle fonctionne.

Honorables sénateurs, une des grandes forces de cette institution réside dans notre longue mémoire. Dans cinq ans, nous disposerons d'une série de rapports sur la gestion des ressources humaines, y compris ceux de la Commission de la fonction publique et de la présidente du Conseil du Trésor. Ces rapports nous permettront de suivre la mise en oeuvre de cette mesure législative sur la modernisation de la fonction publique et de recommander des remaniements, au besoin. Nous serons en mesure de nous pencher sur tous les problèmes découlant de la mesure législative que nous ne pouvons prévoir pour l'instant.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est valable et était attendu depuis longtemps. Avec tout le respect que je vous dois, je vous demande d'appuyer cet important projet de loi.

(1600)

L'honorable Willie Adams: Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Day: Je me ferai un plaisir d'essayer de répondre à votre question, sénateur.

Le sénateur Adams: Vous avez livré un discours très intéressant. Toutefois, je n'ai rien entendu au sujet de l'avenir de la fonction publique, surtout en ce qui concerne les Autochtones. Au cours des dernières années, le gouvernement a cherché à embaucher un nombre accru d'Autochtones dans la fonction publique. À l'heure actuelle, on dirait que la seule exigence est que les employés parlent anglais et français. Une personne qui n'est pas bilingue n'est pas embauchée dans la fonction publique, surtout à Ottawa.

Les Autochtones ont une culture différente, mais nous sommes Canadiens. Ce type de mesure rend la situation très difficile pour nous. Le sénateur peut peut-être expliquer comment ce projet de loi toucherait les Autochtones.

Le sénateur Day: Je remercie le sénateur de sa question. L'équité en matière d'emploi est une des questions qui ont été examinées lors des audiences de notre comité et c'est une des questions que j'ai décidé d'attaquer de front. J'en ai parlé dans mon allocution.

L'article 34 du projet de loi sur la modernisation de la fonction publique prévoit que la commission et, par conséquent, par délégation, le sous-ministre ou le ministère, applique les critères visant l'équité en matière d'emploi. En vue de l'admissibilité à tout processus de nomination, la commission peut établir des critères d'appartenance à certains groupes désignés au sens de l'équité en matière d'emploi.

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le sénateur Day permettrait-il une question? Le tribunal proposé dans le projet de loi aura-t-il des commissaires bilingues?

Le sénateur Day: Oui, l'article 16 de la Loi sur les langues officielles s'applique et il stipule que les tribunaux doivent être capables de comprendre directement — pas par l'entremise d'un interprète — la langue de la personne qui est devant la cour. Le tribunal sera sous l'emprise de la loi.

Le sénateur Comeau: Chacun des membres du tribunal sera une personne qui répond aux exigences de la Loi sur les langues officielles. Elle sera effectivement bilingue?

Le sénateur Day: Vous avez posé la même question à Mme Robillard. La loi dit que le tribunal et les gens qui s'y trouvent doivent être capables de le faire, non pas chacun des membres du tribunal, mais le tribunal.

Le sénateur Comeau: Si on se trouve dans les Maritimes, où les membres du tribunal ne sont probablement pas bilingues, qu'est-ce qui se passe? Je me présente en tant que francophone. J'exige de présenter mon cas aux membres du tribunal en français, mais ceux- ci ne sont tout simplement pas bilingues? Aurai-je à déménager dans une région où les services sont disponibles?

Le sénateur Day: Mais non, si je comprends bien la loi, le tribunal dans votre région doit être capable de vous entendre et de suivre le processus dans la langue de la personne qui est devant la cour.

Le sénateur Comeau: Ma dernière question concerne l'école des langues qui sera maintenant soumise au projet de loi. Si je comprends bien, le perfectionnement et la formation des fonctionnaires seront donnés à cette école. Avez-vous considéré de ne pas avoir une école de formation qui serait exclusivement sous le régime du projet de loi et d'utiliser des écoles déjà existantes dans les communautés? Les fonctionnaires pourraient s'y rendre plutôt que de fonder une école. En utilisant les écoles déjà existantes, il y a des expertises, des professeurs et, de plus, les fonctionnaires qui se rendraient dans ces écoles seraient en mesure de communiquer avec d'autres Canadiens qui ne sont pas fonctionnaires. En d'autres mots, pourquoi envoyer des fonctionnaires dans une école spéciale alors que la population en général fréquente les écoles publiques?

Le sénateur Day: C'est une bonne idée. C'est une question de gestion des écoles. Ce n'est pas dans la loi. Cette question a été posée à Mme Robillard à notre comité. Elle a dit qu'il existe maintenant des écoles privées et des personnes qui donnent des cours de langues officielles. Même si on a des écoles à cet effet, on utilise aussi les ressources du secteur privé.

Si vous parlez aux membres du gouvernement, cette formule peut continuer, mais pas de la façon qu'elle existe dans la loi. C'est une question de gestion.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Le tribunal aura-t-il une capacité linguistique? On sait tous que le gouverneur en conseil reçoit les suggestions de ses fonctionnaires supérieurs en matière de nomination des juges. Le sénateur Comeau et moi posons la même question: le tribunal, en tant que groupe, sera-il capable d'entendre des causes dans les deux langues officielles? Nous avons posé cette question au comité. Rien dans le projet de loi ne justifie de dire oui. Il est silencieux.

On pose la question honnêtement: Le gouvernement sera-t-il soucieux et veillera-t-il continuellement à ce que les membres du tribunal, en tant que groupe, puissent entendre les plaignants dans les deux langues officielles?

Le sénateur Day: Ce projet de loi concerne la fonction publique qui est soumise à l'article 16 de la Loi sur les langues officielles. Cet article stipule que chacun des tribunaux doit être capable de comprendre la langue des gens qui se présentent devant la cour.

(1610)

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, nous avons cinq hauts fonctionnaires du Parlement, que l'on appelle en anglais des «Officers of Parliament»: la vérificatrice générale du Canada, la commissaire aux langues officielles, le commissaire aux droits de la personne, le commissaire à la protection de la vie privée et le directeur général d'Élections Canada.

Lorsqu'un haut fonctionnaire parle, le Parlement devrait écouter. La commissaire aux langues officielles nous l'a dit en comité, et elle l'a répété à la Chambre des communes: «Attention, il n'y a aucune garantie que le tribunal, comme groupe, pourra entendre des causes en anglais et en français.»

C'est pour cela que j'ai proposé un amendement au comité qui a été défait, évidemment. Qu'est-ce que le tribunal dira aux Canadiens et aux Canadiennes?

[Traduction]

Désolé, mais il n'y a pas de compétences bilingues actuellement. Voyons donc!

[Français]

Je veux que la loi soit claire et précise, qu'on ait un engagement du gouvernement disant clairement que son intention est de nommer des juges à ce tribunal qui seront capables d'entendre, sans interprète, un témoin, une plainte ou un grief dans les deux langues officielles du pays. Cela n'est pas très compliqué.

Le sénateur Day: C'est la Loi sur les langues officielles du Canada. Il n'est pas nécessaire de la répéter dans le projet de loi C-25. C'est la position du gouvernement.

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, la Loi sur les langues officielles ne dit pas que le tribunal «doit». L'article 16 que vous citez est clair et précis. Il traite du droit des Canadiens de se faire entendre par un juge qui comprend et qui parle sa langue. Rien dans l'article 16 ne dit que le tribunal doit être capable, comme groupe, de le faire. Dans la Charte des droits et libertés on mentionne l'individu. L'article 16 de la Charte, c'est la même chose, traite du droit individuel. Il n'y a pas de garantie dans le projet de loi C-25.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement la description qu'a donnée notre collègue des importantes améliorations qui ont été apportées au Centre canadien de gestion.

Le sénateur Day: Il s'appelle maintenant l'École de la fonction publique du Canada.

Le sénateur Cools: C'est effectivement le nouveau nom de ce qui était autrefois connu comme le Centre canadien de gestion. Je ne me suis pas penchée sur ces parties du projet de loi et je ne suis pas très au fait de certaines de ces questions, mais en l'écoutant parler, je me suis souvenue de la vive opposition manifestée par notre collègue libéral à l'égard de la création de cette école. Bon nombre d'entre nous se souviennent que le sénateur MacEachen et d'autres, particulièrement d'anciens ministres, se sont aussi vivement opposés à cette proposition au moment où M. Mulroney était premier ministre. Selon ce que j'ai compris des propos du sénateur, il semble que les libéraux appuient maintenant tout ce qu'ils rejetaient autrefois. Il se peut que cela se soit fait graduellement et que je ne m'en sois pas rendu compte, mais j'aimerais savoir ce que disent nos anciens procès-verbaux des débats et des délibérations sur les périodes où nous nous sommes penchés sur ces questions. Je me demande également si on pourrait me faire savoir dans les grandes lignes quand et comment les libéraux ont changé d'idée.

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question de façon précise. Je n'étais pas encore ici au moment où le sénateur MacEachen siégeait dans cette enceinte et je ne suis donc pas certain de ce qu'il a dit. Toutefois, je peux vous assurer que le projet de loi C-25 présente la position adoptée par le gouvernement du Canada après de longues consultations.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'aimerais apporter une rectification. Plus tôt aujourd'hui, en réponse à un rappel au Règlement du sénateur Cools, j'ai souligné qu'elle avait déjà soulevé la question du consentement royal dans le cadre d'un rappel au Règlement devant le comité et que sa demande avait été jugée irrecevable. Ce n'est pas le cas. Madame le sénateur a précisé par la suite qu'elle ne l'avait pas fait. Il est vrai qu'elle a soulevé bon nombre de questions devant le comité. Toutefois, les renseignements qu'on m'avait transmis étaient erronés. Je tiens à m'excuser et à rectifier le compte rendu.

[Français]

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je vais commencer à l'endroit où le sénateur Day et le sénateur Gauthier ont terminé, c'est-à-dire au sujet des modifications au projet de loi C-25 proposées par la commissaire aux langues officielles. Je désire souligner le fait que Mme Adam a proposé la modification touchant les tribunaux précisément parce qu'une étude menée par son bureau en 1999 a prouvé que les membres de ces tribunaux fédéraux, nommés par le gouverneur en conseil, n'ont pas toujours les compétences linguistiques requises. C'est pourquoi elle se soucie de l'avenir, et elle se soucie du fait qu'une disposition en ce sens était absente du projet de loi C-25. Elle a demandé au comité d'apporter cette modification au projet de loi C-25.

Elle a aussi constaté que dans la loi actuelle, il y a une disposition qui oblige le gouvernement à publier les avis de concours dans les deux langues officielles du pays. Cette disposition est également absente de ce projet de loi. Or, elle nous demande de restaurer cette disposition dans le projet de loi C-25.

Je sais que le sénateur Gauthier a essayé sans succès d'apporter ces amendements. Je dirais tout simplement que si lui ou un autre sénateur revient à la charge, je l'appuierai. Nous n'avons pas à rappeler l'importance d'assurer le respect du bilinguisme dans la fonction publique. J'apprécie le point de vue exprimé par la ministre et par le sénateur Day aujourd'hui selon lequel ces modifications ne sont pas strictement nécessaires. Nous avons l'article 16 de la Loi sur les langues officielles, nous avons aussi la Charte canadienne des droit et libertés. Mais, honorables sénateurs, comme le sénateur Gauthier vient de nous le rappeler, la commissaire aux langues officielles est l'agent du Parlement, et lorsqu'elle vient nous demander, dans ce qu'on appelle, en anglais, «an abundance of caution», d'apporter certaines modifications au projet de loi, je vois mal comment on pourrait rejeter sa demande. Il n'y a aucune raison politique de refuser sa demande.

[Traduction]

Permettez-moi tout d'abord de remercier le sénateur Day d'avoir donné une aussi bonne vue d'ensemble de ce projet de loi. Je le remercie également d'avoir fait rapport au sujet des activités du Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont il est le vice-président. Il ne me reste qu'à remercier en tout premier lieu les témoins qui se sont présentés devant nous. Nous avons entendu des fonctionnaires et d'ex-fonctionnaires, des représentants de syndicats et d'associations d'employés, d'éminents universitaires du domaine de l'administration publique, la vérificatrice générale et l'ex- vérificateur général du Canada, ainsi que l'actuel commissaire aux langues officielles, pour ne nommer que ceux-là. Ils ont beaucoup aidé le comité à étudier ce projet de loi en profondeur selon diverses perspectives situées dans un contexte historique. Je remercie les sénateurs ayant participé à notre étude. À l'occasion de chacune de nos réunions, nous comptions non seulement sur la présence de tous les membres du comité, mais aussi sur celle d'autres sénateurs qui, bien que n'étant pas membres du comité, venaient prendre part à nos délibérations parce qu'ils s'intéressaient vraiment à ces questions qui les préoccupent. Je veux les en remercier parce que je crois sincèrement qu'ils ont apporté une contribution significative et marquée à notre étude du projet de loi.

(1620)

Honorables sénateurs, nous souhaitons tous que la fonction publique soit dotée d'un régime juridique qui intègre, garantit, protège et met en oeuvre des principes transcendants: intégrité, transparence, non-partisanerie et, par-dessus toute autre chose, mérite — norme absolue aux fins de l'embauche et des promotions dans la fonction publique canadienne. Parallèlement, nous voulons une fonction publique constituée de telle manière que le gouvernement du Canada, sous toutes les formes qu'il peut prendre, soit en mesure de bien servir les Canadiens. L'objectif consiste à trouver le juste équilibre entre, d'une part, deux objectifs en matière d'équité et, d'autre part, l'efficience, comme le dit notre ami le sénateur Bolduc.

La question à laquelle nous devons répondre est la suivante: ce projet de loi assure-t-il un juste équilibre? La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a dans ce projet de loi des éléments — et je m'exprime maintenant en ma qualité de sénateur et de membre de l'opposition et non de président du comité — qui font pencher la balance trop lourdement en faveur de la recherche de l'efficience au détriment de l'équité. Il y a dans ce projet de loi des éléments qui entachent et mettent même en péril les principes transcendants dont je viens de parler, soit intégrité, transparence, non-partisanerie et mérite.

La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons, en tant que sénateurs, modifier le projet de loi pour qu'il protège mieux ces valeurs, et réduire sensiblement les risques d'abus auxquels le projet de loi ouvre la porte, sans aucunement mettre en péril l'objectif d'efficience et d'efficacité.

Mon ami et porte-parole du gouvernement répétait que même si le projet de loi n'était pas parfait, nous ne devions pas envisager de l'amender, puisqu'il ferait l'objet d'un examen au bout de cinq ans. Mon collègue vient juste de dire que l'examen sera fait par les législateurs.

Honorables sénateurs, l'examen par les législateurs n'est pas prévu dans la loi. C'est le gouvernement qui décide de l'effectuer. La même bureaucratie, la même machine qui nous a envoyé le projet de loi l'examinera dans cinq ans. Le gouvernement du Canada, en tant qu'institution, l'examinera dans cinq ans. Quel rôle jouera le Parlement? Le gouvernement déposera son rapport au Parlement.

Il ne s'agit nullement d'un examen par les législateurs ou par le Parlement. Avec l'aide de mon savant collègue, le sénateur Oliver, j'ai fait la preuve qu'il en sera ainsi en vertu du projet de loi. Il s'agit d'un examen par l'exécutif, et on daignera nous donner une copie du rapport lorsqu'il sera achevé.

Honorables sénateurs, nous devons bien faire les choses. Comme le sénateur Day le faisait remarquer dans son allocution liminaire, le dernier examen en profondeur de la Loi sur la fonction publique remonte à 1967, il y a 36 ans. Avant cela, le pays et le gouvernement vivaient, depuis environ un demi-siècle, sous le cadre législatif mis en place par le gouvernement de sir Robert Borden, en 1918-1919. Nous n'avons pas souvent l'occasion d'aborder cette question en profondeur. Il est important de le signaler, à l'intention de deux qui croient que nous aurons une autre occasion de corriger certaines des lacunes du projet de loi.

Par exemple, et la question est de taille, l'effectif de base de la fonction publique a été réduit d'environ 100 000 personnes ces dernières années. Comment cela a-t-il été fait? Le Sénat a suffisamment de mémoire institutionnelle pour s'en souvenir. Nous avons adopté le projet de loi qui a fait du ministère du Revenu national une agence, à l'instar de Parcs Canada, NAV CANADA et d'autres organismes. On le fait depuis longtemps. L'effectif de base de la fonction publique a été réduit.

Lorsque le professeur Peter Aucoin, de l'Université Dalhousie, a comparu devant nous, il s'est demandé quel raisonnement «jésuitique» il pourrait faire pour expliquer à ses étudiants et aux autres personnes intéressées comment il se fait que les percepteurs d'impôt du gouvernement fédéral ne font pas partie de la fonction publique. Comment expliquer cela?

Il faut faire quelque chose. L'honorable Lloyd Francis, qui se classe dans plus de catégories que presque n'importe qui d'autre — à savoir, ancien fonctionnaire, ancien chef du Syndicat de la fonction publique, ancien député, vice-président, Président de la Chambre des communes, docteur en économie et ambassadeur du Canada à l'étranger — nous a dit qu'il était «héroïque» de supposer que le principe du mérite était protégé par tous ces «hérétiques structurels» comme le professeur Hodgetts les a appelés.

Nous devons trouvons le moyen de ramener ces gens dans le giron de la fonction publique, précisément parce qu'ils voulaient échapper aux contraintes de la loi qui la régit.

Ce qui importe, selon moi, c'est de rééquilibrer la loi, de faire basculer un peu la balance en faveur des principes et des valeurs dont je parlais. Une façon d'y parvenir, bien entendu, consiste à inscrire dans ce projet de loi des dispositions protégeant les dénonciateurs. Une bonne protection des dénonciateurs est intimement liée aux valeurs que sont l'intégrité, la transparence, l'impartialité et même le respect du principe du mérite. Je ne veux pas exagérer l'importance des dispositions concernant les dénonciateurs. Je sais que, dans une grande mesure, ils tirent la sonnette d'alarme après le fait. Ce n'est pas une mesure préventive, bien que l'on puisse dire sans se tromper qu'une loi bien faite sur les dénonciateurs pourrait avoir un effet dissuasif.

Mon honorable collègue a indiqué aujourd'hui qu'il partageait l'opinion de M. Keyserlingk, fort de son expérience qu'un document de politique, même placé sous la surveillance d'un éminent spécialiste de l'éthique comme M. Keyserlingk, ne suffit pas. Il faut une loi.

Le sénateur Day, qui est le porte-parole du gouvernement au sujet de ce projet de loi, dit qu'il est d'accord là-dessus. Toutefois, le gouvernement refuse de légiférer en la matière. Mme Robillard a dit qu'elle voulait une étude de plus. M. Keyserlingk — et le sénateur Day l'a correctement cité — est disposé à attendre. Je dirais à la défense de M. Keyserlingk qu'il n'a pas autant d'expérience que nous des manoeuvres de temporisation et de l'obstruction de la bureaucratie et du pouvoir politique.

Honorables sénateurs, ce dossier a toute une histoire. Il remonte à 1993, on nous l'a rappelé au comité, année où M. Chrétien a promis dans une lettre à Daryl Bean, de l'Alliance de la fonction publique du Canada, qu'un gouvernement libéral dirigé par M. Chrétien proposerait une mesure législative pour protéger les dénonciateurs. On l'attend toujours.

Le sénateur Kinsella avait proposé le projet de loi S-11. Ce dernier, qui avait franchi les étapes de la première et de la deuxième lecture au Sénat, avait été approuvé par un comité et renvoyé au Sénat, attendait la troisième lecture quand il a été victime de la prorogation.

Le sénateur Kinsella a la lettre que M. Chrétien a envoyée à M. Bean. Il en a donné lecture pour qu'elle paraisse au compte rendu. Je crois qu'on pourrait le persuader de la mettre à la disposition de tous les honorables sénateurs plus tard au cours du débat. Peut-être essaiera-t-il même de présenter à nouveau son amendement.

(1630)

Malgré les efforts sincères qu'elle fait, j'en suis sûr, pour trouver une solution, la ministre, à cause de ses collègues du Cabinet, ne veut pas s'engager à adopter une solution législative. C'est la réalité. Qui sait où elle sera dans quelques mois? Qui sait si elle sera dans le même ministère, si elle sera chargée d'un autre portefeuille ou si elle aura quitté la vie publique?

Si vous croyez que des mesures législatives favorisant la dénonciation sont importantes pour ces valeurs et ces principes, nous devons agir maintenant. Le sénateur Kinsella a proposé d'intégrer en pratique son projet de loi S-11 au projet de loi C-25. C'est la bonne façon de procéder. Si le comité avait pris cette décision, ces valeurs seraient sensiblement mieux protégées qu'elles ne le sont maintenant et nous aurions en main un meilleur projet de loi. J'invite le sénateur Kinsella à tenter de nouveau sa chance à l'étape de la troisième lecture. Il devrait le faire parce que nous n'aurons sans doute pas l'occasion de revenir sur cette question pendant un long moment. Les tergiversations bureaucratiques et politiques feront comme toujours leur œuvre.

Il en est de même de la question des droits de la personne. Le sénateur Day l'a mentionnée aujourd'hui. Quelle est la situation à cet égard? Si nous voulons protéger les valeurs transcendantes que nous croyons importantes, si nous voulons veiller à l'existence de recours efficaces en cas d'abus, nous devons agir maintenant. Le comité a reçu une lettre de Mary Gusella, présidente de la Commission canadienne des droits de la personne. Elle s'inquiète du fait que le projet de loi C-25 confie le règlement des questions relatives aux droits de la personne dans la fonction publique à un processus dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a que des moyens limités de remplir ce rôle.

Mme Gusella a chargé M. Ed Ratushny, l'un des plus grands experts de ce domaine, d'une analyse du projet de loi. M. Ratushny a comparu devant le comité. Il nous a dit que si le projet de loi était adopté sans amendement, nous serions exposés à des litiges sans fin. C'est ce qu'il nous a dit. Tout comme nous ne pouvons pas tout simplement ignorer le commissaire aux langues officielles, nous ne pouvons pas rejeter d'emblée un important amendement proposé par la Commission canadienne des droits de la personne.

Le gouvernement soutient que ce n'est pas nécessaire. Peut-être Mme Gusella et M. Ratushny ne proposent des amendements que par excès de prudence. Quoi qu'il en soit, nous, parlementaires, devons écouter ces observations avec le plus grand sérieux.

Au sujet de toute la question de la diversité, l'idée que notre fonction publique devrait représenter la mosaïque canadienne, comme l'a dit un témoin, n'est pas vraiment prévue dans le projet de loi. Quand M. Serson s'est présenté devant le comité en juin, il a dit que les exigences d'une fonction publique plus représentative auraient dû figurer dans la définition du mérite «parce qu'elle devient alors une condition à remplir pour accéder à tous les postes de la fonction publique». Un de nos collègues a tenté de présenter un amendement en ce sens au comité, mais n'a pas réussi. Il n'y a aucune raison de ne pas essayer une autre fois. Nous n'aurons sans doute pas l'occasion de le faire pendant de nombreuses années.

La zone nationale de sélection est une autre question que notre ami, le sénateur Day, a mentionnée. Il se fonde sur la sincérité indubitable du ministre et du président de la Commission de la fonction publique. Je ne doute pas du tout de cette sincérité. Toutefois, la question de la zone nationale de sélection est intimement liée aux valeurs et aux principes dont j'ai parlé.

Beaucoup de Canadiens sont frustrés de ne pas pouvoir poser leur candidature à des emplois de la fonction publique parce qu'ils ne vivent pas dans le bon coin du pays. Le sénateur Ringuette ainsi que d'autres membres du Sénat et de la Chambre des communes se préoccupent de cette question depuis un certain temps. Je ne peux qu'exprimer mon admiration devant leur persévérance, car la question est importante.

Au comité, le sénateur Callbeck nous a dit que, parmi les emplois de la région d'Ottawa, 27 p. 100 sont dotés à partir d'une zone nationale de sélection tandis que 77 p. 100 sont limités aux candidats locaux. C'est la réalité. Nous savons — parce que des experts, dont le président de la Commission de la fonction publique, nous l'ont dit — que le moyen de remédier à ce problème consiste à recourir à la technologie des communications.

En juin dernier, M. Serson nous a dit qu'il s'est adressé au gouvernement pour obtenir 37,7 millions de dollars destinés à intégrer complètement la Commission de la fonction publique et ses activités dans le programme Gouvernement en direct. Il a demandé 37,7 millions de dollars à cette fin. C'est beaucoup d'argent. La fonction publique est une organisation aussi étendue que complexe. Il n'a reçu que 500 000 $ à partager avec DRHC. DRHC jette 500 000 $ par la fenêtre quasiment chaque semaine. Cela est vraiment stupide.

Honorables sénateurs, encore une fois, je ne doute pas de la sincérité de la ministre, du président de la Commission et des autres porte-parole du gouvernement, mais la zone nationale de sélection ne deviendra pas une réalité si elle n'est pas expressément mentionnée dans le projet de loi. Autrement, l'inertie bureaucratique et politique fera en sorte que l'idée brillera plus par les manquements auxquels elle donnera lieu que par le respect qui lui sera témoigné.

Enfin, je voudrais dire un mot sur la question du mérite. Le sénateur Day a fait remarquer à juste titre que le mérite n'est pas défini dans la loi. D'après la mesure législative, la sélection doit se fonder sur le mérite, tel que défini par la Commission de la fonction publique, sans doute sur la base d'un concours. Il y a cependant des exceptions permettant de passer outre au concours, conformément aux règlements adoptés par la Commission de la fonction publique.

L'un de nos témoins — M. Krause, je crois, de l'Association des employés en sciences sociales — nous a dit que, même dans ce régime, 42 p. 100 des nominations sont faites sans concours. Qu'est- ce que les honorables sénateurs pensent que serait ce pourcentage dans le régime beaucoup plus flexible prévu par le projet de loi C-25?

Nous avons un projet de loi qui délègue le pouvoir de dotation aux sous-ministres et aux échelons de gestion les moins élevés. Je ne m'y oppose pas. Je crois que la majorité des gens comprennent la nécessité d'une telle mesure. Le mérite peut être évalué par les gestionnaires en fonction des «qualités essentielles» de l'emploi. Il ne s'agit pas de l'ensemble des qualités, mais seulement des «qualités essentielles» et d'un certain nombre d'autres considérations plus subjectives dont le gestionnaire tiendra probablement compte. C'est lui qui décide s'il y a concours. Il y a un mécanisme d'auto- déclaration qui lui permet d'en faire état.

M. Steve Hindle a raison. Il a présenté l'argument évident selon lequel le projet de loi accorde aux gestionnaires plus de pouvoirs discrétionnaires pour abuser du principe du mérite. L'ancien sénateur Bolduc nous a dit que ces mesures invitent ouvertement les gestionnaires à adapter les exigences de l'emploi à la personne qu'ils souhaitent engager. Voilà où nous en sommes.

(1640)

Le gouvernement a répondu que ce n'est que l'obligation de tenir un concours qui est supprimée de la loi, et non la possibilité d'en tenir un.

Deuxièmement, il nous rappelle, et c'est exact, que, aux termes du projet de loi C-25, la Commission de la fonction publique aura un plus grand pouvoir de surveiller et d'enquêter, d'imposer des sanctions, y compris, bien sûr, le droit de retirer ou de rescinder un pouvoir de délégation conféré à un directeur adjoint. Par exemple, le défaut de tenir un concours pourrait être interprété dans certains cas comme un abus de pouvoir et, par conséquent, pourrait être sujet à un recours et à tout le processus de recours.

Ce qui est tout à son honneur, la Chambre des communes a inséré un amendement expressément pour autoriser la Commission de la fonction publique à vérifier la façon dont les sous-ministres exercent leur pouvoir délégué. Autrement dit, elle n'a pas besoin d'attendre qu'une plainte soit déposée pour le faire.

Troisièmement, le gouvernement nous rappelle que nous avons un nouveau Tribunal de la dotation de la fonction publique, qui est censé être distinct de la Commission de la fonction publique, et auquel les fonctionnaires peuvent avoir recours. Là encore, bien sûr, c'est après coup.

Honorables sénateurs, certains d'entre nous sont arrivés à la conclusion — et notre ami le sénateur Bolduc a été très convaincant à cet égard — que le moyen de renforcer le principe du mérite et d'assurer sa protection dans une certaine mesure est de rétablir dans la loi la règle du mérite relatif. De toute évidence, un pouvoir de réglementation serait nécessaire pour prévoir des exceptions, mais il est important de rétablir dans la loi la règle du mérite relatif.

Deuxièmement, je souligne que le gouvernement parle de pouvoirs et des pouvoirs supplémentaires qui seront conférés à la Commission de la fonction publique, mais nous devons examiner cette initiative; nous devons également examiner ces pouvoirs en tenant compte du bilan. Le président de la Commission de la fonction publique, M. Serson, a dit au comité que, il y a 10 ans, la Commission de la fonction publique avait 100 vérificateurs pour s'occuper de la vérification, des enquêtes et de la surveillance des activités de tous les ministères fédéraux. Il y avait 100 vérificateurs il y a une décennie; aujourd'hui, en raison des compressions et des restrictions budgétaires du gouvernement, la Commission de la fonction publique compte sept ou huit vérificateurs.

On a beau parler des pouvoirs accrus de vérification, de contrôle et ainsi de suite qui sont conférés à la commission, mais cela ne rime à rien si elle n'a pas les ressources nécessaires pour faire le travail convenablement. Entre parenthèses, cela soulève une autre question que nous ne pouvons aborder dans le projet de loi à l'étude, mais que nous devrions régler prochainement, celle du processus budgétaire concernant tous ces agents du Parlement. Actuellement, ils vont quémander au Conseil du Trésor. Celui qui paie a le droit de décider comment sera dépensé son argent. Le gouvernement est en mesure de limiter rigoureusement les activités de ces agents du Parlement en serrant tout simplement les cordons de la bourse. J'aimerais voir un processus budgétaire analogue à celui qui existe pour le budget du Sénat et de la Chambre des communes. À tout le moins, nous avons besoin d'un processus auquel participent les deux Chambres du Parlement du début à la fin.

Nous avons ensuite la commission qui compte à l'heure actuelle trois commissaires à temps plein. En vertu du projet de loi C-25, il y aura un président à temps plein et un nombre indéterminé de commissaires à temps partiel. Permettez-moi de dire qu'un système prévoyant des commissaires à temps partiel de la Commission de la fonction publique n'est pas la bonne façon de procéder. Si ces gens sont à temps partiel, par définition, ils font quelque chose d'autre à temps plein. Il y a une grande possibilité de conflits d'intérêts. Au pire, il y aura du sectarisme politique et du népotisme. Au mieux, tous les groupes et sous-groupes d'intérêt au Canada exigeront d'être représentés à la Commission de la fonction publique. Ce n'est pas la façon de procéder. J'ai été frappé par le fait que la ministre Robillard, lorsqu'elle expliquait pourquoi nous allions avoir un commissaire à temps plein et tout un groupe de commissaires à temps partiel, nous a dit qu'on avait retiré certaines fonctions de la Commission de la fonction publique et qu'elle n'avait plus besoin d'autant de commissaires. Elle a dit cela et tout de suite après, elle s'est enorgueillie des pouvoirs accrus de surveillance et de supervision qu'on donnait à la commission.

Nous devons revenir à la situation où nous avions trois commissaires à temps plein. Là encore, permettez-moi de féliciter la Chambre des communes. Elle a adopté un amendement voulant que la nomination du président de la Commission de la fonction publique soit approuvée par résolution des deux Chambres du Parlement. Je pense que c'est très important. Il est essentiel que nous rétablissions une bonne relation étroite entre le Parlement et la Commission de la fonction publique. La ministre Robillard nous a dit au comité que la commission n'était pas du tout une mandataire du Parlement, que c'était un hybride. Elle a raison dans la mesure où la commission participe à certaines fonctions de l'exécutif et je suppose qu'elle est une mandataire du gouvernement en ce sens, mais nous devons préciser clairement que lorsqu'il s'agit du principe du mérite, la Commission de la fonction publique est la mandataire du Parlement et en tant que tel, elle doit lui rendre des comptes quant au respect du principe du mérite dans la fonction publique. C'est extrêmement important.

Nous devons mettre un terme à cette situation qui existe depuis trop longtemps, alors que la Commission de la fonction publique est devenue un élément de l'appareil gouvernemental. Depuis de nombreuses années maintenant, il y a un fort taux de roulement à la commission. Les commissaires qui sont censés être nommés pour dix ans viennent de postes dans la bureaucratie fédérale, passent quelques années à la commission et ensuite, prennent des emplois en tant que sous-ministres adjoints et sous-ministres. Ils sont considérés comme des membres du groupe des sous-ministres. Il doit y avoir une véritable séparation et distance entre cette commission et le gouvernement. Je pense qu'il nous incombe au Parlement de voir à ce que cela se produise.

Il est aussi question d'une autre organisation, le Tribunal de la dotation de la fonction publique, que crée le projet de loi dans le but d'offrir un autre recours aux fonctionnaires. Certaines fonctions sont donc retirées à la Commission de la fonction publique et confiées à ce nouveau tribunal.

Quelqu'un a eu l'imprudence de qualifier le nouveau tribunal que propose de mettre sur pied le projet de loi de mandataire du Parlement. J'ai parcouru les dispositions de la mesure législative. Je suis en mesure d'assurer aux honorables sénateurs que le tribunal ne serait pas un mandataire du Parlement. Il serait complètement régi par le gouvernement qui y nommerait des membres à temps partiel et ainsi de suite. Le tribunal, non doté de la structure donnée en général à un tribunal, pourrait donc, à mon avis, être qualifié d'entité quasi judiciaire.

Nous voudrions adopter un amendement qui en ferait un véritable mandataire du Parlement. J'ai ici un amendement, que je vais proposer, selon lequel le président et le vice-président seraient nommés, après approbation par résolution des deux Chambres, feraient rapport directement au Parlement et non par l'entremise d'un ministre, comme tout bon mandataire du Parlement, et devraient rendre compte au Parlement de leurs activités importantes.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lowell Murray: Je conclus donc, honorables sénateurs, en proposant, avec l'appui du sénateur Oliver:

Que le projet de loi C-25 ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit modifié, à l'article 12:

a) à la page 145, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit:

«(5) Le gouverneur en conseil désigne, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes,»;

b) à la page 151, par substitution, aux lignes 20 à 29, de ce qui suit:

« 110. (1) Dans les meilleurs délais suivant la fin de l'exercice, le président soumet au Parlement un rapport des activités du Tribunal pour l'exercice.

(2) Le président peut, à toute époque de l'année, présenter au Parlement un rapport spécial sur toute question relevant de ses attributions et dont l'urgence ou l'importance sont telles, selon lui, qu'il serait contre-indiqué d'en différer le compte rendu jusqu'à l'époque du rapport annuel suivant.»;

c) à la page 168, par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit:

«(4) Le gouverneur en conseil désigne, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes,».

(1650)

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, il serait utile de distribuer des copies de la motion d'amendement. Je sais que plusieurs sénateurs voudront parler de cet amendement, mais je sais aussi que certains sénateurs, y compris le sénateur Poy, souhaitent poursuivre le débat. Je crois que ce sera possible.

Son Honneur le Président: Le sénateur Gauthier veut poser une question.

[Français]

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, lorsque les interprètes n'ont pas la copie en français de la motion d'amendement, on entend seulement la lecture de la motion en anglais. Je travaille surtout en français et j'apprécie que vous l'ayez lue en français.

Nous ne débattons plus la motion principale, mais bien la motion d'amendement proposée par le sénateur Murray. C'est cela? Le débat va se tenir sur l'amendement?

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, nos règles nous permettent d'apporter simultanément jusqu'à deux amendements à une motion principale. Nous sommes maintenant saisis d'une seule motion d'amendement. Madame le sénateur Poy peut parler de cet amendement ou de la motion principale. Elle peut même proposer un deuxième amendement et il sera recevable. Nous pouvons recevoir deux amendements avant de procéder à leur étude.

Son Honneur le Président: À la question du sénateur Gauthier, je réponds que nous procédons effectivement au débat sur l'amendement proposé par le sénateur Murray et appuyé par le sénateur Oliver. Notre pratique est relativement indulgente à cet égard pour ce qui est du contenu des discours. Je ne sais pas si madame le sénateur Poy veut proposer un amendement. S'il s'agit d'un sous-amendement, il sera recevable. Toutefois, s'il s'agit d'un amendement, nous ne pourrons l'accepter avant d'avoir achevé l'étude de celui dont nous sommes maintenant saisis.

Je demande donc aux sénateurs qui veulent prendre la parole de se manifester.

L'honorable Vivienne Poy: Honorables sénateurs, je désire parler de la motion principale. Le puis-je?

Son Honneur le Président: Sénateur Poy, nous discutons maintenant de l'amendement, mais, comme je l'ai dit plus tôt, nous sommes assez tolérants dans les situations de ce genre. Si un discours a été préparé, le Sénat est habituellement assez patient et accepte d'entendre tous les propos se rapportant au projet de loi.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, les choses risquent de devenir très confuses. Certains sénateurs interviendront au sujet de la motion principale sans savoir si l'amendement sera accepté. Certains parleront de l'amendement, s'ils le jugent approprié, sans savoir si le sous-amendement sera adopté et sans connaître le résultat du vote sur la motion principale. Nous pouvons être libéraux dans notre approche les uns à l'égard des autres, mais je me demande si nous nous apprêtons pas à créer de la confusion chez certains d'entre nous. Les interventions changent souvent en fonction des décisions qui sont prises. C'est pourquoi j'ai toujours eu l'impression qu'il faut s'en tenir à la règle qui dit de régler d'abord la question du sous-amendement. Lorsque c'est fait, qu'il ait été adopté ou rejeté, on passe à l'amendement et on procède de la même façon pour en arriver à la motion principale qu'il est toujours possible de modifier. Je suis à votre disposition, pour toute information.

Son Honneur le Président: Pour répondre à l'argument du sénateur Prud'homme, je signale que, dans le cas présent, nous n'avons pas à nous prononcer sur un sous-amendement, mais uniquement sur un amendement. J'ai tenté de réitérer l'argument du sénateur Kinsella. Je voulais le reformuler dans mes propres termes pour être certain que les sénateurs ici présents comprennent.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, en ce qui concerne les questions soulevées par le sénateur Prud'homme, nous devrions nous prononcer sur la question dont nous sommes saisis. Si le sénateur Poy veut parler de la motion principale, elle devrait attendre qu'on y revienne plutôt que d'en parler pendant qu'on discute de l'amendement.

De plus, il y a déjà de la confusion parce qu'un amendement a été proposé et qu'aucun de nous n'en a une copie. Serait-il possible d'en avoir des copies de sorte que, quand viendra le temps de l'examiner, nous puissions le faire de façon intelligente? Il me semble que cela devrait être la première chose à faire au lieu d'encourager les gens à parler de différentes questions.

Son Honneur le Président: L'idée du sénateur Cools au sujet de la distribution de l'amendement est bonne. Je crois qu'on s'occupe de cela en ce moment même. Les greffiers au bureau le confirmeront- ils?

Oui, cela devrait être fait sous peu.

Pour ce qui est du point que le sénateur Cools a soulevé au sujet du discours du sénateur Poy, ma pratique a été d'être aussi libéral et généreux que je puisse l'être en permettant aux sénateurs de dire ce qu'ils veulent. À mon avis, le sénateur Cools a déjà bénéficié de cette générosité. Nous avons de nombreux exemples au Sénat d'une interprétation plutôt généreuse des sujets pouvant être soulevés par les sénateurs dans le cadre de leurs discours.

Je vais m'en tenir à cela. Nous verrons ce que le sénateur Poy a à dire.

Le sénateur Poy: Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre part au débat de troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique. Je félicite tous ceux qui ont travaillé fort à ce projet de loi. Au cours des années, on a tenté à plusieurs reprises de réformer et de moderniser la fonction publique, mais cette mesure législative est la plus complète jusqu'à maintenant.

Ce projet de loi pourrait fort bien permettre au gouvernement de respecter l'engagement pris dans le discours du Trône de 2001, qui était de voir à ce que la fonction publique soit novatrice et dynamique, qu'elle soit à l'image de la diversité canadienne et qu'elle soit ainsi en mesure d'attirer et de développer les talents nécessaires pour servir les Canadiens au XXIe siècle.

(1700)

À titre d'employeur le plus important au Canada, la fonction publique fédérale a un rôle non négligeable à jouer pour modeler l'avenir du Canada. Pour servir la population canadienne, notre fonction publique doit refléter la diversité de la société qu'elle a pour mission de servir. Elle devrait contribuer à la cohésion du Canada en étant à l'image de la diversité incarnée par les trois piliers de la société canadienne: dualité linguistique, reconnaissance des droits des peuples autochtones et multiculturalisme. En outre, elle doit être représentative des différentes régions du Canada. C'est pour la fonction publique fédérale un défi constant que celui de trouver un bon équilibre pour traduire et respecter ces idéaux.

Il est d'autant plus important d'avoir une fonction publique placée sous le signe de la diversité que l'immigration a transformé le visage du Canada, comme l'a montré le recensement de 2001. Le Canada s'y révèle comme l'un des pays les plus multiculturels du monde, car on y parle plus d'une centaine de langues et que plus d'une centaine de confessions religieuses y sont représentées. On retrouve derrière la conception canadienne du multiculturalisme la notion de citoyenneté commune, dans laquelle nos différences enrichissent notre identité nationale au lieu de la menacer.

D'après des études de DRHC, la diversité est non seulement notre réalité actuelle, mais aussi notre avenir, car d'ici 2011, toute la croissance nette de la population active sera assurée par les immigrants. Par conséquent, la fonction publique doit s'efforcer d'assumer la responsabilité du gouvernement d'instaurer l'équité en milieu de travail comme le prévoit explicitement la Loi sur l'équité en matière d'emploi de 1995. Certes, des progrès ont été accomplis dans l'embauche des femmes, des autochtones et des personnes handicapées, mais les minorités visibles demeurent nettement sous- représentées. Par exemple, d'après les statistiques les plus récentes, seulement 3,8 p. 100 des cadres de la fonction publique appartiennent à une des minorités visibles, alors qu'elles représentent 13,4 p. 100 de l'ensemble de la population. Étant donné la lenteur des progrès, le Groupe de travail sur la participation des minorités visibles dans la fonction publique fédérale a été mis sur pied. Il y a trois ans, ce groupe a produit un rapport intitulé «Faire place au changement dans la fonction publique fédérale».

Ce rapport exposait un plan d'action assorti de balises pour les trois à cinq années suivantes quant au pourcentage des nouveaux employés qui devaient être des membres des minorités visibles. Étant donné que 47 p. 100 des fonctionnaires prendront leur retraite au cours des dix prochaines années et que, d'ici 2010, plus de la moitié de la population de nos grands centres urbains sera composée d' immigrants de première génération, ce rapport ne saurait mieux tomber. Les immigrants et les membres des minorités visibles sont des éléments clés dans le renouvellement de la fonction publique qui s'opère en ce moment.

Rien n'indique dans ce rapport la nécessité de fixer des quotas et d'embaucher des gens qui ont des compétences moindres. Après tout, le but de l'accroissement de la diversité est d'assurer l'excellence dans la prestation des services en améliorant la créativité et la productivité grâce à l'élargissement des perspectives et de refléter la diversité de notre pays. En revanche, des objectifs- repères permettent l'embauche d'une portion de la population qui est susceptible d'être mieux instruits que la population non immigrante qui lui fait concurrence.

Pensons qu'en 2000, 58 p. 100 des immigrants en âge de travailler détenaient un diplôme d'études secondaires à leur arrivée au Canada, comparativement à 43 p. 100 des personnes en âge de travailleur au sein de la population canadienne. Les objectifs-repères encouragent donc l'utilisation positive des ressources humaines sous-utilisées, sous-utilisation qui entrave d'ailleurs la productivité du Canada.

On constate des résultats très encourageants depuis le dépôt du rapport du groupe de travail. Par exemple, depuis avril 2000, il y a 3 000 membres des minorités visibles de plus dans la fonction publique. Il s'agit d'une augmentation d'un peu moins de 40 p. 100. Ainsi, en mars 2002, 6,8 p. 100 des postes étaient dotés par des membres des minorités visibles. Les honorables sénateurs réaliseront qu'il y a encore énormément de chemin à faire avant que ces minorités soient représentées adéquatement.

Comment le projet de loi C-25 répond-il aux besoins de la diversité dans la fonction publique? Selon moi, il prépare une véritable transformation de la composition de la fonction publique et de sa culture organisationnelle. Je signale que le préambule de la partie III énonce un engagement en vertu duquel la fonction publique doit représenter la diversité du Canada et que nombre de renvois indiquent que les mesures d'équité en matière d'emploi peuvent être prises en compte dans les pratiques de recrutement. Ces énoncés montrent que la mesure législative accorde de l'importance à la diversité.

Le projet de loi C-25 prévoit aussi des moyens plus efficaces pour la gestion des relations de travail par le truchement de la création d'une commission des relations de travail dans la fonction publique qui fournira des services de médiation. La nouvelle souplesse des administrateurs généraux en matière d'embauche augure bien de la réalisation des buts de l'équité en emploi, étant donné que les gestionnaires seront tenus d'atteindre les buts énoncés dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi et dans le projet de loi C-25.

Par ailleurs, la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la fonction publique auront des rôles indépendants importants dans la surveillance et l'évaluation des progrès, de manière à assurer la diversité et l'équité au sein de la fonction publique. La diversité sera donc partie intégrante des projets de planification des ressources humaines et des activités des ministères, et ceux-ci seront tenus de rendre des comptes.

Toutefois, on ne pourra assurer la surveillance de l'application de la Loi sur l'équité en matière d'emploi et du projet de loi C-25 que si l'on fournit les ressources voulues aux commissions indépendantes. Il est également impérieux que les nominations à la Commission de la fonction publique, compte tenu du rôle important que jouera cette dernière dans l'orientation de la fonction publique de l'avenir, soient représentatives de la population du Canada. La disposition prévoyant la nomination de commissaires à temps partiel offre une occasion idéale d'accroître la représentativité de la commission.

Pour en revenir à ce qu'ont dit un peu plus tôt les sénateurs Day, Murray et Gauthier, je désire suggérer une façon de veiller à ce que le projet de loi C-25 ne déçoive pas. Dans cinq ans, ce projet de loi fera l'objet d'un examen parlementaire; toutefois, nul comité ne dispose de ce qu'il faut pour déterminer en quoi il aura influé sur la diversité dans la fonction publique. Le Sénat pourrait constituer un comité permanent de la diversité et de l'égalité qui examinerait ces questions dans la fonction publique, ainsi que dans la société canadienne en général. Selon moi, étant donné que les immigrants représentent l'avenir du Canada et qu'il existe de nombreux problèmes non résolus, comme l'intégration des immigrants dans la population active, la gestion à long terme des ressources humaines, la reconnaissance des titres de compétence étrangers et l'accréditation, il est impérieux qu'un tel comité soit établi.

L'honorable Donald H. Oliver: L'honorable sénateur est-elle disposée à accepter une question?

Le sénateur Poy: Oui.

Le sénateur Oliver: J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les observations faites par l'honorable sénateur au sujet de la diversité et de l'absence de cette notion dans le projet de loi C-25. Comme elle le sait, lorsque divers témoins ont comparu devant le comité, y compris des représentants de la Commission de la fonction publique ainsi que le ministre, des questions leur ont été directement posées concernant le manque d'appui de ce projet de loi dans le cas des minorités visibles. J'ai relevé que l'honorable sénateur avait mentionné dans ses observations un rapport intitulé «Faire place aux changements dans la fonction publique fédérale». Madame le sénateur sait nul doute que le rapport parlait d'un objectif de «un sur cinq». Autrement dit, sur le plan des nouvelles embauches, une personne sur cinq devrait appartenir à une minorité visible. Comme le sait fort bien l'honorable sénateur, tous les ministères fédéraux ont lamentablement échoué en ce qui concerne l'atteinte de cet objectif et n'ont maintenant plus d'argent, et rien n'est fait à l'heure actuelle pour atteindre cet objectif.

Peut-elle tout d'abord nous dire ce qu'elle pense de cet échec lamentable de la part de la fonction publique?

Deuxièmement, l'honorable sénateur a dit que les ministères devraient être tenus responsables de veiller à ce qu'il y ait égalité dans l'embauche pour les minorités visibles. Pourrait-elle expliquer d'où viendra l'obligation de rendre des comptes et comment on la fera respecter dans la fonction publique?

(1710)

Enfin, elle a cité, avec grande satisfaction, des chiffres qu'elle tient probablement d'un ministère, le Conseil du Trésor on suppose, selon lesquels le nombre de personnes appartenant aux minorités visibles avait augmenté de 3 000 — soit une augmentation de 40 p. 100. Pourrait-elle nous dire quel est le pourcentage de ces nouvelles recrues appartenant aux minorités visibles embauchées dans la fonction publique du Canada qui se trouvent dans la catégorie EX — soit le groupe de la direction, les sous-ministres et les sous- ministres adjoints? Quel est leur pourcentage?

Le sénateur Poy: Je n'ai pas les chiffres pour le groupe de la direction. Les chiffres que j'ai cités viennent de la Commission de la fonction publique. C'est le chiffre d'ensemble que j'ai. Je n'ai pas de renseignement à jour à cet égard.

Pour revenir à votre première question, je ne me souviens pas du titre du rapport.

Le sénateur Oliver: Faire place aux changements.

Le sénateur Poy: Le projet de loi suscitait bien des préoccupations. Bien que ne faisant pas partie du comité et n'ayant pas assisté aux audiences, j'ai rencontré des gens qui ont témoigné devant le comité et qui m'ont fait part de leurs préoccupations. Ils pensent pouvoir utiliser cette mesure législative comme point de départ. C'est très important d'avoir une base pour commencer. Le concept de la diversité se trouve dans le projet de loi, bien qu'il ne se répète pas d'un bout à l'autre du projet de loi. C'est donc aux gens de la commission, aux gens de la fonction publique, d'aller de l'avant. On m'a dit que c'était en fait positif d'avoir des commissaires à temps partiel, car cela signifie qu'un plus grand nombre de personnes pourront être parties prenantes et que, par conséquent, la fonction publique pourrait être davantage diversifiée.

En ce qui concerne la vérification, j'ai demandé si ce n'était pas un peu trop tard qu'elle se fasse après coup plutôt que dès le début. On m'a dit que non, car tout dépendait des cadres supérieurs.

Honorables sénateurs, cette mesure législative est très importante. Elle n'est pas parfaite, mais nous ne pourrons jamais avoir de mesures législatives parfaites. C'est toutefois un pas en avant, un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Oliver: Je remercie l'honorable sénateur de cette réponse. Toutefois, où trouve-t-on, dans le projet de loi, le mécanisme permettant d'obliger les ministères à faire ce que souhaite ma collègue relativement à la diversité, à savoir embaucher des membres des minorités visibles et promouvoir leur présence au sein de la fonction publique? Où le projet de loi C-25 stipule-t-il que les ministères peuvent être tenus de rendre des comptes à ce sujet? Où trouve-t-on ce mécanisme de responsabilité dans le projet de loi?

Le sénateur Poy: L'honorable sénateur Oliver sait certainement que tout ministère ou organisation comptant des humains dans ses rangs connaît des ratés. C'est pourquoi j'ai proposé qu'un comité sénatorial permanent soit chargé de surveiller ce qui s'y passe. Dans toute organisation, il y a de bonnes personnes et de moins bonnes personnes. Il est important de les garder à l'oeil.

Il est important que le Parlement les surveille, et c'est pourquoi je voudrais qu'un comité sénatorial permanent s'assure que tout est fait correctement.

Le sénateur Cools: J'ai entendu madame le sénateur Poy dire qu'un comité sénatorial devrait examiner ces questions. Je crois savoir, cependant, que ce projet de loi revient tout juste d'un comité sénatorial. Cela signifie-t-il que le comité n'a pas fait un examen adéquat du projet de loi, ou madame le sénateur Poy suggère-t-elle que nous renvoyions le projet de loi au comité pour qu'il en fasse une étude plus approfondie?

Le sénateur Poy: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je crois que nous devrions créer un comité qui serait chargé de veiller en permanence à ce que la Commission de la fonction publique et la fonction publique s'acquittent bien de leur mandat.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je voudrais proposer l'ajournement du débat, mais je crois avoir vu le sénateur Gauthier tenter de se lever pour poser une question. Je suis disposé à répondre à sa question.

Son Honneur le Président: Avez-vous une question, sénateur Gauthier?

Le sénateur Gauthier: Honorables sénateurs, je pourrais parler de cet amendement, mais je tiens à protéger mon droit de prendre la parole aussi au sujet de la motion principale. Que dois-je faire? Dois-je prendre la parole maintenant ou attendre de parler de la motion principale?

Son Honneur le Président: L'argument soulevé précédemment est valable, à savoir que la façon de faire appropriée et rigoureuse est d'examiner l'article à l'étude, et uniquement l'article à l'étude. J'ai parlé des usages en cours dans le passé dans cette enceinte, à savoir que la présidence a fait preuve de générosité et a autorisé les sénateurs à aborder les questions qui sont à l'étude en général, et non de façon particulière.

C'est là où nous en sommes, honorables sénateurs. Il est possible que cette question doive être renvoyée au comité consultatif du Président pour qu'il détermine si nous désirons obtenir une interprétation plus stricte du Règlement. Cependant, je ne crois pas que nous devrions modifier les usages du Sénat pour l'instant, et c'est pourquoi j'ai dit ce que j'ai dit, et c'est pourquoi nous avons procédé comme nous l'avons fait.

Pour répondre à la question du sénateur, à savoir s'il a le droit de traiter de l'amendement apporté à la motion principale, c'est oui.

Le sénateur Cools: Je pourrais proposer l'ajournement sur la motion d'amendement, et le sénateur Comeau pourrait peut-être proposer l'ajournement sur la motion principale.

Le sénateur Comeau: Non, nous examinons l'amendement.

Son Honneur le Président: C'est une question de procédure — nous examinons l'amendement du sénateur Murray, appuyé par le sénateur Oliver.

Le sénateur Comeau: Je propose l'ajournement sur la motion d'amendement.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Robichaud, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, tel que modifié;

Et sur la motion d'amendement, l'honorable sénateur Watt, appuyée par l'honorable sénateur Gill, que le projet de loi, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais traiter de l'amendement présenté au sujet du projet de loi C-6. D'abord, pour clarifier mon interprétation de la raison pour laquelle cet amendement a été présenté, à mon avis, le sénateur Watt n'avait aucunement l'intention de porter atteinte à la capacité du Comité des peuples autochtones. Ce n'est pas son intention. Il croyait plutôt que le projet de loi avait des conséquences juridiques que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles devrait et pourrait examiner. Ayant observé ce comité examiner le projet de loi C-10A et le projet de loi C-10B, il a constaté, je crois, que la façon dont il travaillait et examinait les questions sous un angle juridique et constitutionnel pourrait rehausser le débat sur le projet de loi C-6. Je ne crois pas qu'il ait été question d'aucune manière d'attaquer la crédibilité du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

(1720)

En ce qui concerne l'amendement au projet de loi C-6, j'aimerais revenir au débat tenu au Sénat le mardi 16 septembre 2003. Le sénateur Austin avait alors pris la parole. Je lui ai posé une question sur le délai de réponse. Voici ce que j'ai demandé:

L'honorable sénateur a déclaré que le ministre devait répondre tous les six mois. Y a-t-il un amendement en ce sens? D'après ce que j'ai compris, le ministre doit donner une réponse au bout des six premiers mois, mais aucune échéance ne s'applique aux décisions ultérieures. L'honorable sénateur pourrait-il nous en dire plus à ce sujet?

Voici la réponse du sénateur Austin:

Honorables sénateurs, le ministre n'est assujetti à aucune échéance quant à la décision de négocier. Je suis d'accord.

D'après ce que j'ai compris, mais je peux me tromper, le ministre devrait faire une déclaration tous les six mois indiquant qu'il étudie le dossier. Je vérifierai. Si je suis dans l'erreur, je reviendrai certainement vous en informer.

Le sénateur Austin m'a transmis une note qui me renvoie au paragraphe 30(3) du projet de loi. Je le cite:

Le ministre doit, au moins tous les six mois après la fin des réunions préparatoires, faire un rapport à la Commission sur l'état de son examen et y indiquer la date prévue de sa décision ainsi que, s'il y a lieu, les raisons justifiant la nécessité d'un délai supplémentaire.

Honorables sénateurs, cela ne concerne que l'état de l'examen. Donc, une fois que l'examen est terminé et que le processus a commencé, il n'y a pas de date butoir. D'après mon interprétation, il n'y a pas de date butoir. Le sénateur Austin n'est peut-être pas d'accord, mais telle est mon interprétation. Il serait intéressant de clarifier cette question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

L'honorable Jack Austin: L'honorable sénateur vient de lire ma réponse qui indique qu'il n'y a pas de date butoir pour la décision du ministre.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je répondrai volontiers aux questions de l'honorable sénateur quand j'aurai terminé.

En ce qui concerne l'amendement au projet de loi C-6, la Cour suprême du Canada a rendu une décision vers la fin de la semaine dernière dans l'affaire des Métis, c'est-à-dire l'affaire La Reine c. Powley. Cette décision aura un grand impact sur ce projet de loi; c'est pourquoi il faudrait que celui-ci soit renvoyé au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le projet de loi porte sur les revendications particulières. Voyons ce que la Cour suprême du Canada dit dans son arrêt. Elle donne notamment une interprétation du mot «Métis».

Le mot «Métis» à l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ne vise pas toutes les personnes d'ascendance mixte indienne et européenne, mais plutôt les peuples distincts qui, en plus de leur ascendance mixte, possèdent leurs propres coutumes et identité collective reconnaissables et distinctes de celles de leurs ancêtres indiens ou inuits, d'une part, et de leurs ancêtres européens, d'autre part. Une communauté métisse est un groupe de Métis ayant une identité collective distinctive, vivant ensemble dans la même région et partageant un mode de vie commun.

Cette définition a donc une incidence sur le projet de loi C-6. Un paragraphe subséquent de la décision dit ensuite:

Il est crucial de vérifier l'appartenance d'un demandeur à la communauté actuelle pertinente, puisqu'un individu n'est admis à exercer des droits ancestraux métis que s'il possède des liens ancestraux avec une communauté métisse et que s'il appartient à cette dernière. L'auto-identification, les liens ancestraux et l'acceptation par la communauté sont des facteurs qui établissent l'identité métisse dans le cadre d'une revendication fondée sur l'art. 35. En l'absence d'une identification formelle, les tribunaux devront statuer au cas par cas sur la question de l'identité métisse en tenant compte de la manière dont la communauté se définit, de la nécessité que l'identité puisse se vérifier objectivement et de l'objet de la garantie constitutionnelle...

Honorables sénateurs, nous parlons de collectivités dont la réalité s'inscrit dans l'histoire. Nous voyons maintenant ce qui se passe quand toutes les communautés métisses du pays, y compris celles de Norway House et St. Laurent, toutes deux au Manitoba, s'empressent de dire qu'elles présentent une revendication légitime en vertu du projet de loi C-6 et de l'arrêt de la Cour.

Tout cela a déjà eu et aura un impact sur ce projet de loi car il s'agit des communautés. Les Métis ont le droit de s'avancer et d'essayer de définir la communauté métisse. Ils pourraient, comme ils l'ont fait dans la cause de Sault Ste. Marie, déterminer que les origines de la communauté métisse remontent jusqu'en 1850 au moment où ils avaient établi la communauté et pratiquaient la chasse et la pêche à partir de cette communauté. Au Manitoba, on applique cette définition.

Je soutiens que cet arrêt de la Cour suprême du Canada a de graves conséquences pour l'interprétation du projet de loi C-6. Il faudrait donc approuver l'amendement proposé par le sénateur Watt et renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu'il étudie les répercussions de cet arrêt.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, le sénateur Stratton accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Stratton: Bien sûr.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement l'argumentation du sénateur Stratton, selon qui la décision sur les droits de chasse des Métis en Ontario aurait un effet sur le projet de loi C-6. Malgré tout le respect que j'ai pour le sénateur, je n'arrive pas à saisir le lien.

Cet arrêt s'appuie sur l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Le projet de loi C-6 concerne les collectivités reconnues qui ont un territoire et ont conclu des traités ou des ententes avec la Couronne. La question, au sujet des revendications particulières, consiste à savoir si la Couronne déroge à une obligation juridique quelconque.

Le cas des Métis et la question de leurs droits constitutionnels n'ont absolument rien à voir avec les revendications particulières. Peut-être le sénateur Stratton pourrait-il établir le lien plus clairement, car il m'échappe.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, c'est précisément pour cette raison que je souhaite le renvoi du projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je ne pense pas que l'honorable sénateur ait nécessairement raison. Les répercussions de l'arrêt de la Cour suprême du Canada sur le projet de loi C-6 sont graves. Renvoyons le projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui étudiera la question et décidera si cet arrêt a des effets sur le projet de loi.

(1730)

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est certainement chargé d'examiner les questions qui relèvent de son mandat, notamment les questions constitutionnelles. Cependant, lorsqu'il est question d'avis juridiques, tout comité sénatorial permanent obtient des avis juridiques relativement aux projets de loi dont il est saisi. Le Comité des peuples autochtones a obtenu l'avis d'avocats et de constitutionnalistes, et les questions ont été pleinement débattues et réglées. Sincèrement, on peut diverger d'opinions, et de toute évidence, c'est le cas, mais comme je l'ai déjà dit au Sénat, je ne sais toujours pas quelle question juridique justifierait le renvoi de ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. On n'a pas circonscrit la question juridique. Quoi qu'il en soit, cela équivaudrait à un vote de blâme à l'égard du travail du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et, selon moi, le rapport de ce comité ne mérite pas pareil vote de blâme et ne justifie pas l'amendement proposé par le sénateur Watt. Je pense qu'en agissant ainsi, on manquerait complètement de respect envers le travail du comité.

Le sénateur Stratton: Je pense, honorables sénateurs, que cette observation est inopportune. J'ai assisté aux séances du comité et j'ai vu le travail qu'il a accompli. J'ai dit au début de mon discours ce que je pensais de l'interprétation du sénateur Watt et j'ai expliqué qu'il ne voulait absolument pas dénigrer le travail du comité. L'honorable sénateur le sait pertinemment. Il est plutôt inacceptable de dénigrer ainsi un de ses collègues.

Je ne suis pas avocat, mais je pense qu'à la suite de la décision rendue dans l'affaire Powley, cette question devrait être renvoyée au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles; nous connaîtrions ainsi la position des avocats autochtones sur cette question, et non pas celle du sénateur.

Le sénateur Austin: Au contraire. Je suis le parrain du projet de loi et j'ai parfaitement le droit de le défendre. Je ne dénigre pas le sénateur Watt; je dénigre les répercussions de l'amendement proposé. Contrairement à l'honorable sénateur, je pense que l'amendement est une critique gratuite du travail du comité permanent. J'aimerais savoir quelle question juridique serait soumise au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je n'ai toujours pas entendu cette question.

Le sénateur Stratton: C'est la décision de la Cour suprême.

Le sénateur Austin: Il n'y a absolument aucun lien entre les deux du point de vue juridique et, s'il y en a un, j'aimerais bien entendre un argument expliquant ce lien.

Le sénateur Stratton: C'est votre opinion, et je ne suis pas d'accord avec vous.

Le sénateur Austin: Je demanderais à nos collègues de décider à laquelle des deux opinions ils aimeraient adhérer.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, s'il y a d'autres questions, nous les écouterons.

Honorables sénateurs, je n'ai de querelles avec personne. Je ne ferai pas intervenir les personnalités dans ce débat. Je ne crois pas que cela convienne ici.

Toute cette question est fondamentalement importante.

[Français]

Lorsque je vois trois de mes collègues autochtones, les sénateurs Watt, Adams et Gill, s'opposer vigoureusement à l'adoption en troisième lecture du projet de loi dans les meilleurs délais, je me dis que ces sénateurs, qui représentent leur monde, essaient de nous livrer un message.

Il est inapproprié de tâcher de tisser des liens purement juridiques à cet amendement. Il y a quelque chose de plus profond. J'ai vécu ce genre de dilemme dans le passé. Je fais partie d'une minorité linguistique au pays. Je dois dire que les progrès que nous avons réussi à obtenir, sous le régime de la Loi sur les langues officielles, se sont faits péniblement et le sont encore.

Il faut tout le temps, pour prouver le bien-fondé de nos arguments, recourir aux tribunaux. Il nous faut perdre énormément de temps, payer de très gros honoraires aux avocats et on n'en finit plus. On nous demande, pour une question que l'on débat depuis 400 ans, de tergiverser, de temporiser. On nous dit que l'on fait des progrès — mais c'est au compte-gouttes — et qu'il faudrait tout de même être heureux de cette situation. Je ne le suis pas.

Lorsque j'entends trois de mes collègues aborigènes qui représentent leur peuple, leur nation, nous dire que quelque chose ne fonctionne pas dans ce projet de loi, je suis porté à les appuyer. Je crois que leur requête n'est pas déraisonnable. Peu importe les précédents qui existent ou non de renvoyer ce projet de loi à un autre comité pour un réexamen sous un aspect particulier, constitutionnel ou autre, s'ils sentent dans le fond de leurs tripes qu'il faut le faire, je me lèverai avec eux pour les appuyer lors du vote.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'espère que le Sénat continue d'être un lieu de débat. Je n'avais pas l'intention de participer, mais j'ai été touché par ce que mon collègue, le sénateur Corbin, vient de dire. Il a fait une très sage contribution à ce débat. J'ai écouté l'intervention de mon collègue, le sénateur Stratton. Il a apporté des éléments nouveaux au débat, en plus des remarques du sénateur Corbin.

Je veux simplement ajouter que je ne vois pas quel problème cela pourrait créer si le Sénat adoptait cette motion d'amendement et renvoyait la question au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Quel problème cela pourrait-il créer? Pourquoi se presser? Il s'agit d'un projet de loi très sérieux qui touche de vrais gens.

J'ai été convaincu en lisant le rapport présenté à l'origine par le Comité des peuples autochtones. Je l'ai trouvé plein de sens. Cependant, durant le débat, nous en avons appris davantage. La décision rendue par la Cour suprême à la fin de la semaine dernière a fait ressortir une circonstance très importante. Je sais qu'il y a eu un échange entre le sénateur Austin et le sénateur Stratton à savoir quelle incidence directe cette décision peut avoir sur le projet de loi C-6. Franchement, je ne le sais pas, mais si on soutient que cela peut avoir une incidence directe, je me sens obligé d'entendre non seulement cet argument, mais aussi une analyse de ce qui est avancé.

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, tout comme le Comité des peuples autochtones, a accès à des conseillers juridiques. Tous les comités sénatoriaux ont accès à des conseillers juridiques, mais à la lumière de la décision unanime des neuf juges de la Cour suprême, nous devrions peut-être entendre les réflexions juridiques de ceux qui vont défendre la cause du point de vue des peuples autochtones.

(1740)

J'ai été impressionné par la position du conseil des Six Nations, qui m'a envoyé une lettre. Le conseil est très inquiet de cette question. Je vais vous lire une partie de cette lettre étant donné que le conseil trouve essentiel que les questions importantes implicites dans la résolution du sénateur Watt soient accueillies favorablement. Je cite:

Les amendements ne répondent que partiellement aux questions soulevées dans le cadre des audiences par des témoins et des sénateurs eux-mêmes...

— c'est-à-dire les audiences du Comité des peuples autochtones.

Nous croyons que le comité est la bonne tribune pour s'occuper de ces questions, plutôt que cela se fasse dans le cadre de débats au Sénat sur les amendements.

Pour le conseil, ces nouvelles questions devraient être examinées à fond par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

La lettre ajoute:

Les résolutions les plus récentes de l'Assemblée des Premières nations sur la question maintiennent que le projet de loi ne peut être sauvé par des amendements.

Je suppose que cela fait allusion à la réunion annuelle et comme nous le savons, l'APN a récemment élu un nouveau chef.

Ainsi, honorables sénateurs, à moins qu'il y ait un calendrier que nous ne connaissons pas, la chose raisonnable à faire serait d'adopter cet amendement, de laisser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles examiner les questions qui ont été soulevées et, chose très importante, de le laisser entendre des témoins de l'Assemblée des Premières nations, du conseil des Six Nations et d'autres. Nous ferions ce qui s'impose dans notre évaluation de ce projet de loi. Je ne parle pas de retarder l'adoption de ce projet de loi. Je dis que nous devrions laisser le comité l'étudier.

En toute franchise, honorables sénateurs, dans le temps que nous avons consacré à discuter d'un amendement de procédure tendant à ce qu'un autre comité examine le projet de loi, le comité aurait pu étudier cette question et terminer son travail. Nous aurions alors un autre rapport pour nous aider à trancher quant à la pertinence du projet de loi C-6.

J'encourage donc les honorables sénateurs à soutenir cette motion d'amendement et à laisser le comité examiner le projet de loi et entendre des témoins qui, je l'espère, comprendront les conseillers juridiques de l'APN et du conseil des Six Nations. En quoi cela pourrait-il déranger?

Le sénateur Austin sait peut-être ce qui est inscrit au programme parlementaire. À l'instar d'autres sénateurs, j'ai toujours sur moi une copie du calendrier du Sénat. Selon notre calendrier, nous devrions siéger jusqu'au début du mois de décembre. D'ici le mois de décembre, nous aurons amplement le temps de veiller à ce que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'acquitte de ses fonctions et nous fasse rapport et d'étudier des amendements au besoin. Cela pourrait se faire d'ici la troisième semaine du mois d'octobre, après quoi le projet de loi serait renvoyé à la Chambre des communes. Les députés ont le même calendrier de base que nous. Ils pourront étudier le projet de loi amendé. Je sais qu'ils voudront ajourner pendant quelques jours au moment du congrès à la direction du Parti libéral, ce qui est tout à fait approprié. Nous aurons amplement de temps pour poursuivre l'étude de cette question.

Selon la rumeur qui circule, le gouvernement actuel craint un vote de défiance s'il siège après la tenue du congrès à la direction du Parti libéral, parce qu'il sera dirigé par un nouveau chef. Si le premier ministre actuel ne va pas voir la gouverneure générale, à Rideau Hall, après le congrès à la direction du Parti libéral, certains d'entre nous ne trouveront pas cela convenable. La tradition veut que le gouverneur général demande au chef du parti ayant le plus grand nombre de sièges à la Chambre des communes de former le gouvernement. Le leader de ce parti, d'après ce que j'ai pu observer pendant le week-end, sera M. Paul Martin, un parlementaire distingué et ex-ministre des Finances. Je suis sûr que certains de mes collègues d'en face participeront à ce congrès en tant que membres d'office du Parti libéral. Je vous le dis franchement, même s'ils votent tous en faveur de Mme Copps, M. Martin remportera quand même la victoire. Il faut se rendre à l'évidence, le chef du Parti libéral, après le congrès à la direction qui se tiendra en novembre, sera M. Martin. M. Martin pourra former un nouveau gouvernement et poursuivre la session en cours. Nul besoin de proroger. Nous pourrons poursuivre la session.

Il se peut que le premier ministre ne se rende pas immédiatement à Rideau Hall après le congrès à la direction et qu'il cherche à demeurer en poste jusqu'en février. Il se produirait alors l'une des deux choses suivantes. Le premier ministre Chrétien devrait convaincre tous les chefs de parti de l'autre endroit d'accepter de modifier le calendrier parlementaire, qui prévoit que nous allons siéger jusqu'en décembre, car ils ont un calendrier fixe, ce qui n'est pas le cas au Sénat. En l'absence de cet accord, et je ne suis pas convaincu qu'il l'obtiendrait, le premier ministre actuel n'aurait alors d'autre choix que de proroger le Parlement — c'est-à-dire de dissoudre le Parlement — pour éviter de revenir affronter la Chambre des communes. Pourquoi ne voudrait-il pas agir de la sorte? Tout député pourrait intervenir et dire: «Regardons la réalité en face. Le parti qui compte le plus de sièges à la Chambre des communes s'est donné un nouveau dirigeant qui a obtenu une écrasante majorité et, selon notre tradition, c'est la personne à laquelle la gouverneure générale devrait demander de former le gouvernement. Par conséquent, nous présentons une motion de censure à l'endroit du gouvernement actuel du premier ministre Chrétien.»

Selon moi, toute l'influence que je pourrais exercer auprès des députés du Parti progressiste-conservateur siégeant à l'autre endroit se traduirait par au moins 15 voix en faveur de la motion de censure. Toutefois, je soupçonne que bon nombre des députés libéraux qui sont des partisans enthousiastes et acharnés de M. Martin pourraient aussi appuyer cette motion de censure à l'endroit du premier ministre actuel. Si cela se produisait et si cette motion était adoptée, que serait tenue de faire la gouverneure générale selon notre tradition? Elle serait tenue de relever M. Chrétien de ses fonctions de premier ministre.

De toute évidence, honorables sénateurs, certains de nos collègues d'en face craignent que la Chambre des communes ajourne à la fin octobre et, pour cette raison, ils veulent faire adopter à toute vapeur des mesures législatives par les deux Chambres. À mon avis, nous ne devrions pas accepter cette situation. Je vais appuyer mes collègues d'en face, qui soutiennent M. Martin et, s'il obtient le poste de chef, il devrait être le premier ministre lorsqu'il reviendra à Ottawa.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'en face d'avoir brossé le tableau de l'avenir du Parti libéral du Canada mais, étant donné qu'il n'a pas choisi d'être membre de notre grand parti, je n'accorderai pas beaucoup d'attention à ses propos.

Toutefois, en ce qui concerne l'étude du projet de loi C-6, ce dernier a été adopté par la Chambre des communes le 18 mars 2003. Nous avons eu les mois de mars, avril, mai, juin et septembre pour discuter de cette mesure législative.

(1750)

Quiconque parle d'adoption à toute vapeur n'a clairement pas tous les faits en main. Ce n'est clairement pas le cas. En fait, nous devons une grande dette de gratitude au président et aux membres du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour le travail acharné qu'ils ont fait sur cette mesure législative. Tous les témoins dont le sénateur Kinsella avait indiqué que nous devrions les entendre ont été entendus. Ils nous ont fait part de leur opinion sur la question.

Voilà que maintenant il nous fait savoir en personne et par l'intermédiaire de son whip que, d'une manière ou d'une autre, l'arrêt rendu la semaine dernière par la Cour suprême change la nature de cette mesure législative. Voyons quel en est le titre. Il se lit comme suit: «Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence».

Comment peut-on penser que l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada la semaine dernière aura le moindre effet sur cette mesure législative, à part le fait peut-être qu'un jour les revendications des Métis seront inclues dans ce processus légitime? Cela ne peut aller plus loin. Il y a des questions de droit qu'il faut trancher. La Cour suprême a tranché. Elle a fait des déclarations très marquantes la semaine dernière, des déclarations qui, selon moi, auront un effet sur les Métis.

Honorables sénateurs, je pense que le temps est venu de se prononcer sur le projet de loi. Le comité a proposé cinq excellents amendements à cette mesure législative. Ils représentent le fruit du travail acharné des membres du comité. Renvoyer ce projet de loi à un autre comité serait nier plusieurs choses. La première est que nous avons un Comité des peuples autochtones, et que le Sénat du Canada, dans sa sagesse, a choisi ce comité pour étudier cette mesure législative. Il a pris la décision que ce comité devrait l'étudier. Ce qu'a fait le comité. Il a fait un excellent travail. Selon moi, louvoyer en se promenant d'un comité à l'autre, ce que nous essayons de faire ici, serait injuste envers le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Nous devrions le féliciter pour son bon travail et rejeter cet amendement.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à notre leader et lui demander son avis sur cette comparaison.

Elle mentionnait que cela fait cinq ou six mois que ce projet de loi C-6 est à l'étude à un comité du Sénat. Je lui demanderais de faire la comparaison avec les Autochtones qui attendent depuis des centaines d'années d'avoir droit au chapitre dans leur propre pays. Qu'est-ce que six mois en comparaison à cela?

C'est un projet de loi qui affecte directement les Premières nations. Cela fait très longtemps que les Premières nations veulent avoir voix au chapitre. Nous avons maintenant la possibilité de faire valoir les préoccupations et les doléances des Premières nations. La majorité des témoins que nous avons entendus voulait que ce projet de loi soit aboli, ou que nous y apportions des amendements majeurs. Aucun membre du comité ne peut contredire ce fait. Qu'est-ce que six mois en comparaison avec ce que les populations autochtones ont vécu? C'est très peu.

Honorables sénateurs, depuis 30 ans, au pays, les questions autochtones sont réglées par les tribunaux. Quand les politiciens des deux Chambres prendront-ils leurs responsabilités pour apporter des solutions convenables afin que les questions soient réglées sur un plan politique et non pas sur un plan juridique? On demande que ce projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques.

Qu'est-ce qui peut empêcher le leadership et les sénateurs de vouloir améliorer ce projet de loi C-6? Qu'est-ce qui est assez urgent pour ne pas pouvoir prendre encore 15 jours pour essayer d'améliorer cette question? Pourquoi pas?

Je demande au leader qu'est-ce que d'attendre encore un peu contrairement aux attentes si longues vécues par les Premières nations?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Il ne fait aucun doute, sénateur Gill, que les peuples autochtones se sont penchés très sérieusement sur nombre de questions, entre autres sur la façon de faciliter le règlement des revendications particulières. La réponse à votre question est qu'aucun groupe autochtone n'est tenu de recourir à cette procédure s'il ne le veut pas. C'est une solution de rechange. Si un peuple autochtone ne veut pas l'utiliser, il ne le fait pas.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, en tant que motionnaire, je crois comprendre mes limites.

Son Honneur le Président: Vous pouvez poser une question.

Le sénateur Watt: Je veux poser des questions. Je crois que c'est la seule avenue qui s'offre à moi.

Honorables sénateurs, le sénateur Stratton a présenté des arguments faisant état de nouveaux éléments devant être pris en compte à cause de l'arrêt concernant les droits de chasse des Métis.

Il y a un autre point qui me préoccupe depuis un certain temps, mais je croyais avoir obtenu une réponse satisfaisante du comité. Ce projet de loi ne concerne que les questions concernant des arrangements existants, un vieux traité si vous préférez. Cette mesure va précisément dans ce sens. Le parrain de ce projet de loi a fait une déclaration qui fait peur, il y a un instant, relativement aux ententes qui ont été conclues avec la Couronne, soit les traités et les accords de cette nature. J'ai demandé au comité si la mesure s'appliquait aux traités modernes, car je suis signataire. Je sais que lorsqu'un traité moderne ne fait pas l'objet d'une interprétation juridique, les tribunaux, les avocats ou les politiciens essaient de trouver un précédent. Cela me préoccupe dans ce cas-ci que l'on puisse rechercher un précédent.

Ma question s'adresse au sénateur Stratton. En tant que membre du comité, est-il satisfait que la mesure ne s'applique pas aux traités modernes? S'il ne l'est pas, je crois que nous avons affaire à une autre question qui a des effets juridiques et constitutionnels. Par conséquent, il serait sensé d'en saisir le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en vue d'un examen complet. C'est tout ce que je demande. Je ne mets pas en doute les compétences du comité des affaires autochtones. J'essaie d'aller au- delà de l'épuisement des ressources des autochtones. Pourquoi nous refusez-vous cette occasion? Vous devriez avoir cette responsabilité.

Son Honneur le Président: Je suis désolé de vous interrompre, honorables sénateurs, mais je voudrais signaler que le sénateur Watt a posé sa question ou fait ses observations pendant le temps de parole du sénateur Carstairs, et que seule une question au sénateur Carstairs est recevable.

Honorables sénateurs, il est 18 heures, et il est de mon devoir de quitter le fauteuil pour le reprendre à 20 heures, à moins qu'il n'y ait entente, comme cela arrive parfois, pour ne pas tenir compte de l'heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l'heure?

(1800)

L'honorable Anne C. Cools: C'est ce que je crois comprendre également. Je sais que les choses pressent, mais il me semble que cette motion figure au Feuilleton depuis un bon moment. Cette mesure aurait pu être renvoyée au comité, qui aurait pu faire rapport il y a longtemps. Toute la situation me semble très étrange. J'aurais peut-être dû faire plus attention, mais je ne l'ai pas fait.

J'ai l'impression que nous devons avoir une réception pour dire aurevoir à un sénateur qui nous quitte et pour accueillir un nouveau sénateur.

Son Honneur le Président: Il est 18 heures. La règle est très claire. Je peux quitter le fauteuil, et les sénateurs reviendront à 20 heures, ou nous pouvons obtenir le consentement unanime pour ne pas tenir compte de l'heure. Je suis maintenant tenu de mettre la question aux voix, et je ne vais le faire qu'une fois.

Honorables sénateurs, y a-t-il unanimité pour ne pas tenir compte de l'heure?

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, l'opposition est disposée à ne pas tenir compte de l'heure s'il est entendu que nous terminerons cette intervention, ajournerons le débat et demanderons que tous les autres articles à l'ordre du jour soient reportés.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous devrions terminer la discussion sur ce point. Tous les autres points figurant à l'ordre du jour pourraient être reportés à la prochaine séance du Sénat.

[Traduction]

Le sénateur Kinsella: Je crois comprendre que le sénateur Carstairs terminera son discours. Je sais que le sénateur Tkachuk est prêt à prendre la parole, mais il ajournera le débat. Est-ce d'accord?

Le sénateur Carstairs: D'accord.

Son Honneur le Président: Je crois savoir qu'il y a eu entente entre les leaders, mais cette question exige bien sûr le consentement unanime. Sommes-nous d'accord pour que le sénateur Carstairs termine son discours, que le sénateur Tkachuk ajourne ensuite le débat et que toutes les autres questions à l'ordre du jour soient reportées. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je crois que la parole est à vous, sénateur Watt.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, j'allais poser une questions au sénateur Stratton.

Le sénateur Carstairs: Le sénateur ne peut adresser sa question qu'à moi à ce moment-ci.

Le sénateur Watt: Il se peut que je ne veuille pas poser ma question au sénateur Carstairs parce que je pourrais ne pas aimer la réponse qu'elle me fera.

Le sénateur Carstairs: Le sénateur Watt doit alors se rasseoir.

Le sénateur Watt: À bien y penser, je vais poser ma question au sénateur Carstairs.

Honorables sénateurs, je crois avoir raison de dire que lorsqu'il est possible d'obtenir une interprétation juridique, les avocats, les politiciens et les tribunaux ont tendance à tenir compte de toute cause faisant jurisprudence.

J'ai participé à toutes sortes de procédures et de négociations tout au cours de ma vie.

Le sénateur Austin nous a dit que ce projet de loi portait tout particulièrement sur les peuples autochtones qui traitent avec la Couronne, c'est-à-dire ceux qui ont des titres fonciers qui ont été reconnus par la loi et appliqués aux traités. Si ce projet de loi était adopté, ses dispositions s'appliqueraient-elles également aux traités modernes? Je n'ai rien vu dans ce projet qui permet de croire que ce projet de loi ne s'appliquerait pas aux traités modernes.

Madame le sénateur pourrait-elle me donner des précisions à cet égard

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne pense pas que la question de savoir si cela s'applique à des traités anciens ou modernes est importante. Un traité, c'est un traité, et il faut le respecter. Chaque communauté autochtone, qu'elle soit assujettie à un traité ancien ou nouveau, peut se prévaloir ou non du processus. Les Autochtones ont le choix et, bien entendu, ce choix leur appartient.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, nous, Autochtones, cherchons une solution autre que la solution juridique qui s'offre à nous, celle du recours aux tribunaux. Est-ce la seule solution qui restera à notre disposition? Si nous ne pouvons pas nous asseoir et essayer de trouver une solution pacifique à nos récriminations, où notre pays se dirige-t-il économiquement, socialement et politiquement? À mon avis, il est inacceptable que le gouvernement essaie de nous imposer cette solution. Le gouvernement dit: «Vous pouvez faire recourir aux tribunaux. Sinon, vous pouvez choisir cette solution.» Malheureusement, honorables sénateurs, je pense que le gouvernement nous dit essentiellement: «Cessez de nous importuner.» Je pense que c'est pour cette raison qu'il propose ce projet de loi — afin que ce soit un échec.

Tous les témoins que nous avons entendus en comité nous ont dit que cela ne marcherait pas, et ils nous ont expliqué pourquoi. Ils nous ont demandé de rejeter le projet de loi.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, permettez-moi de faire une autre tentative. Je crois savoir que les autochtones eux-mêmes ont demandé un autre processus. Des négociations ont eu lieu. Ce projet de loi en est le résultat. Je crois pouvoir affirmer que les Autochtones eux-mêmes n'auraient jamais renoncé à leur droit de s'adresser aux tribunaux s'ils le désirent. Si le projet de loi est adopté, les peuples autochtones auront deux choix, alors que jusqu'à maintenant ils n'en avaient qu'un. Si le projet de loi est adopté, ils auront deux choix, et je pense que c'est une bonne chose pour eux.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, encore une fois, nous avons toujours eu deux choix. L'un de nos collègues, le sénateur Gill, a siégé, pendant de nombreuses années, à des commissions chargées d'examiner ces questions. On ne l'écoute pas. Il nous a dit que l'adoption du projet de loi n'améliorerait pas les dispositions de la loi actuelle. Les membres du comité nous ont dit la même chose.

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le Sénat s'ajourne maintenant et que tous les points figurant à l'ordre du jour et au Feuilleton conservent l'ordre actuel.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 24 septembre 2003, à 13 h 30.)


Haut de page