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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 18

Le mercredi 31 mai 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 31 mai 2006

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT AU SOUDAN

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet du Soudan. Notre gouvernement est déterminé à tout faire ce qui lui est possible pour aider à réaliser l'objectif d'une paix durable au Soudan. La signature de l'Accord de paix du Darfour entre le Mouvement de libération du Soudan et le gouvernement du Soudan a incité le gouvernement actuel à accroître ses efforts.

Notre gouvernement conservateur a réagi. La semaine dernière, le 23 mai, le premier ministre Stephen Harper a annoncé que le Canada allait accroître de 40 millions de dollars son aide financière au Soudan. Depuis septembre 2004, le Canada a contribué à hauteur de 218 millions de dollars aux efforts diplomatiques et humanitaires consentis sous l'égide de l'Union africaine pour mettre un terme à la violence et garantir une paix durable à la population du Darfour.

Comme vous le savez, le Soudan est le sixième pays africain en importance par sa superficie, et le sixième également par sa population. Ses besoins sont immenses. Selon les estimations des Nations Unies, la violence au Darfour a entraîné le déplacement d'environ deux millions de personnes et l'Organisation mondiale de la santé estime à 50 000 le nombre de morts au Darfour depuis le début du conflit.

Le plan du gouvernement conservateur, annoncé le 23 mai, comportera deux volets et visera à répondre aux besoins immédiats des personnes les plus vulnérables. Parallèlement, les initiatives à long terme en cours ont également bénéficié d'un soutien accru. La moitié de la contribution la plus récente de 40 millions de dollars de notre gouvernement servira à répondre à des besoins urgents en matière d'aide humanitaire en finançant notamment l'approvisionnement en aliments, en eau, en services d'assainissement et en soins de santé de base ainsi que l'aide aux personnes déplacées au Soudan et dans les pays voisins.

(1340)

L'aide canadienne répond aux besoins définis par l'Union africaine selon l'Accord sur le statut de la mission conclu entre l'Union africaine et le gouvernement du Soudan. Le Canada est l'un des trois principaux contributeurs à la mission de l'Union africaine. Nous avons fourni 25 hélicoptères, 2 aéronefs, 105 véhicules blindés de transport de troupes, des casques, des gilets de protection, ainsi que des policiers civils et de la formation militaire.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas oublier que le Canada œuvre depuis plus de 20 ans à résoudre la crise humanitaire du Soudan. Il s'agit d'un problème qui ne sera pas résolu d'un jour à l'autre. En dépit de sa grande importance, l'Accord de paix sur le Darfour n'est que le premier jalon d'un long parcours. Le gouvernement du Canada a fait preuve de leadership et continuera d'exercer ce leadership parmi les pays qui œuvrent pour la paix en Afrique. Poursuivons donc nos efforts de telle sorte que le Canada ne jette jamais un regard complaisant sur les actes de barbarie dont nous sommes témoins à l'échelle planétaire.

[Français]

L'ASSOCIATION FRANCOPHONE POUR LE SAVOIR

LE CONGRÈS ANNUEL

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, les 18 et 19 mai derniers, j'ai eu la chance de participer au colloque « Langues officielles et dualité linguistique : structuration de la recherche et partenariats » à Montréal, dans le cadre du congrès annuel de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS).

Ce colloque, organisé par le Réseau de la recherche sur la francophonie canadienne, avait pour but de permettre à des chercheurs provenant de milieux universitaires, communautaires, gouvernementaux et autres de présenter, d'échanger et de discuter de leurs travaux et d'aborder la question des partenariats de recherche sur les langues officielles.

J'ai accepté d'ouvrir ce colloque de chercheurs parce qu'il recoupait deux thématiques qui sont le moteur de mon engagement social et politique : la dualité linguistique et l'éducation postsecondaire, qui recoupe aussi la diffusion du savoir par le biais de la recherche.

L'ensemble des présentations qui ont été faites touchaient à des thèmes aussi variés que l'éducation, l'évaluation de programmes et de politiques, la vitalité et le développement des communautés de langue officielle, la justice et les radios communautaires.

Malgré plusieurs défis, notamment le manque de ressources humaines et financières, de nombreux chercheurs communautaires, gouvernementaux, universitaires et du secteur privé effectuent des recherches intéressantes, pertinentes et de qualité au sujet des langues officielles, de la dualité linguistique et des communautés de langue officielle en contexte minoritaire.

Des représentants de Statistique Canada ont partagé certains aspects de leurs recherches en cours au sujet de la vitalité des communautés et de l'alphabétisation. Des intervenants communautaires ont partagé leurs conceptions respectives des partenariats de recherche ainsi que des résultats préliminaires de leurs exercices de réflexion respectifs en cours.

Bref, toutes les présentations qui y ont été faites contribuaient, de près ou de loin, à réfléchir aux possibilités et aux défis des partenariats de recherche sur les communautés de langue officielle en contexte minoritaire.

Les gens présents ont constaté qu'il y a un besoin important, surtout dans la foulée des modifications apportées récemment à la Loi sur les langues officielles, d'encourager et de soutenir activement la recherche sur les communautés de langue officielle en contexte minoritaire.

De plus, on a fait le constat que la question de la gouvernance horizontale dans le domaine des langues officielles était un enjeu important qu'il faudra suivre de près à la lumière des modifications récentes à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, mieux connues sous le nom du projet de loi S-3.

Honorables sénateurs, comme je vous le répète souvent, la dualité linguistique est une valeur fondamentale du pays. Il est important que cette valeur, ainsi que la recherche qui s'effectue à ce sujet, soient valorisées par le gouvernement fédéral et les provinces.

[Traduction]

WINNIPEG

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, la ville de Winnipeg vient de conclure son tout premier sommet. Le Sommet de Winnipeg, qui s'est déroulé pendant la première semaine de mai, a réuni plus de 200 dirigeants des milieux des affaires, des syndicats, des universités, des collèges, de la culture, des médias, des affaires communautaires et de la jeunesse. L'objectif du sommet était simple : le maire Sam Katz a lancé un appel aux gouvernements, aux entreprises locales et aux citoyens pour élaborer un plan visant à revitaliser le centre-ville de Winnipeg.

(1345)

Pendant deux jours, les délégués ont assisté à une conférence mettant en vedette des orateurs de marque, tels que l'ancien maire de New York, Rudy Giuliani, le maire de Kansas City, Kay Barnes, Joe Berridge, de Urban Strategies et John Ibbitson, du Globe and Mail. Les discussions ont porté sur la revitalisation et la croissance qui permettraient de faire de Winnipeg la « ville des possibilités » qu'elle devrait être.

Il y aura beaucoup de pain sur la planche à Winnipeg, mais c'est une ville qui a beaucoup à offrir et qui profite d'une base solide. Sa scène artistique et culturelle est très impressionnante et fait l'admiration de tout le pays : le Royal Winnipeg Ballet, de renommée internationale; la Winnipeg Art Gallery, qui renferme la plus imposante collection d'art inuit contemporain au monde; le festival de films canadiens Film Exchange de l'Institut national des arts de l'écran; un orchestre symphonique réputé; une scène théâtrale et musicale dynamique. Cette communauté artistique dynamique accueille une nouvelle génération d'artistes, d'auteurs et de cinéastes autochtones, qui racontent leurs histoires et les mettent en scène.

Winnipeg n'affiche pas simplement sa diversité, elle la vit. C'est une des choses qui la distingue des autres villes. Le nord de la ville, qui est multiethnique, est reconnu pour ses richesses culturelles. Dans le même pâté de maisons, on trouve une église orthodoxe grecque, un organisme communautaire des Premières nations, un restaurant qui sert des pirojkis ukrainiens, des restaurants vietnamiens et philippins et un marché où l'on vend des poissons pêchés dans le lac Winnipeg, qui compte une des plus grandes communautés islandaises du Manitoba.

Winnipeg est aussi reconnue comme ayant le plus grand choix de restaurants ethniques de la plus haute qualité au Canada. La diversité culturelle de Winnipeg est tout simplement sans égal au pays. Nous avons aussi la plus importante population autochtone ainsi que la plus importante population francophone à l'extérieur du Québec.

L'architecture d'époque est un autre des merveilleux attributs de Winnipeg. Le cœur original de la ville, le quartier de la Bourse, a été désigné site historique national en 1997. Il a mérité cette distinction parce qu'il illustre le rôle clé que la ville a joué en tant que centre pour le grain, le commerce de gros, les finances et les activités manufacturières à deux époques importantes dans le développement de l'Ouest : entre 1880 et 1990, quand Winnipeg est devenue la porte d'entrée de l'Ouest canadien et entre 1900 et 1913, quand elle est devenue la métropole de la région.

Il est vrai que nous avons beaucoup d'obstacles à surmonter : il faut réparer l'infrastructure qui se dégrade, réduire le fort taux de chômage chez les Autochtones, encourager les entrepreneurs, stimuler le commerce et embellir le centre-ville. En bref, il nous faut un plan d'action, mais nous avons une base solide sur laquelle faire fond, détail qu'il ne faut pas sous-estimer. Cette base solide du centre-ville comprend l'Université de Winnipeg, le campus du collège Red River, le Centre MTS, la nouvelle direction générale de la compagnie d'électricité, le complexe Forks et le condominium de la promenade Waterfront. De surcroît, nous pourrons bientôt nous vanter d'accueillir le musée national des droits de la personne.

Le sommet étant fini, il s'agit de savoir ce qu'il en est du plan. Il est essentiel que nous ne perdions pas toute la bonne volonté et le dynamisme qu'a suscités cet événement. Nous avons tous un rôle à jouer et je m'engage à travailler avec mes homologues municipaux, provinciaux et fédéraux pour aider Winnipeg à atteindre son plein potentiel. Je lance donc l'appel suivant : cernons les priorités, établissons un plan et mettons-nous au travail! Fini les paroles, passons à l'action.

[Français]

LA FÉDÉRATION CANADA-FRANCE

LE CINQUANTE-SIXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, en qualité de présidente de la Fédération Canada-France, une fédération non parlementaire, j'ai eu le privilège, en tant que sénateur canadien, d'être invitée à assister au 56e Congrès international France- Canada, tenu à Nice, et à coprésider l'événement avec le sénateur français Marcel-Pierre Cléach.

Le 55e Congrès de la FCF, que j'ai eu l'honneur de présider, avait eu lieu en 2005 à Saint-Boniface au Manitoba et la communauté francophone du Manitoba y avait accueilli des congressistes de la France et du Canada. Des initiatives de partenariat avaient alors été discutées et le congrès de Nice m'a donné l'occasion de faire des suivis à cet égard.

Le thème du congrès à Nice était « Francophonie — la diversité culturelle en action ». Les tables rondes traitaient des thèmes suivants : la diversité en action dans l'entreprise francophone, la visibilité des jeunes, partir au Canada, venir en France et il y avait aussi une commission culturelle traitant du « dialogue avec l'autre, entre cultures, et l'apport de la Francophonie ».

Plusieurs personnalités de marque y ont prononcé des allocutions, dont le sénateur et maire de Nice, M. Jacques Peyrat, et Son Excellence Claude Laverdure, ambassadeur du Canada.

J'ai présenté une allocution à l'ouverture officielle, pris part aux nombreux débats et remis au comité organisationnel un drapeau du Canada. J'y ai rencontré des étudiants canadiens qui participaient à un programme d'échange avec Nice, dont un de Winnipeg, et j'ai eu l'occasion de discuter longuement avec eux.

L'événement le plus marquant pour moi a été la messe- anniversaire de la consécration de la cathédrale de Nice, le dimanche 7 mai, où l'évêque a accueilli les Canadiens en réitérant les liens spéciaux que nous partagions, notamment notre culture et notre langue. À la toute fin de la messe, l'hymne national du Canada a été joué en l'honneur des Canadiens présents à l'événement.

Je rapporte avec moi de très beaux souvenirs ainsi que le grand désir de continuer à faire avancer des partenariats avec nos amis français, nos communautés canadiennes et plus spécifiquement des alliances entre les Français de France et la francophonie manitobaine.

Je remercie le Sénat du Canada de ce privilège qui m'a été accordé de pouvoir continuer à appuyer la communauté que je représente.

(1350)

[Traduction]

LA CONFÉRENCE DES PARLEMENTAIRES DE L'ASIE- PACIFIQUE SUR L'ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT

L'honorable Pat Carney : Le tremblement de terre survenu en Indonésie plus tôt cette semaine et la tragique perte de vies ainsi que la dévastation qu'il a provoquées font ressortir le travail de la Conférence des parlementaires de l'Asie-Pacifique sur l'environnement et le développement qui a eu lieu à Whistler pendant le congé pascal. Je faisais partie de la centaine de délégués de 19 pays qui ont comparé leurs programmes nationaux d'intervention en cas d'urgence. À Whistler, les parlementaires ont discuté de l'augmentation du nombre de situations d'urgence et de catastrophes naturelles en raison de l'urbanisation, des conditions météorologiques et des changements climatiques. Nous nous souvenons du tsunami du 26 décembre 2004 qui a emporté 260 000 vies en Indonésie seulement.

Chaque pays est confronté à ses propres défis. Les Philippines sont situées sur la route des cyclones et en subissent une vingtaine chaque année. Sept mille cent îles se ressentent de la hausse du niveau des océans à chaque marée haute. Lorsque la marée baisse, le nombre d'îles augmente.

Le minuscule Tuvalu, où 8 000 personnes se répartissent sur neuf atolls dans le Pacifique-Sud, n'a pas le personnel technique nécessaire pour lutter contre l'envahissement de ses champs de taro par l'eau salée. Kiribati, un atoll qui forme un pays et où le plus haut sommet est à 13 mètres au-dessus du niveau de la mer, est confronté au même problème.

Aux îles Fidji, les villages situés près du rivage sont menacés car la hausse du niveau de la mer détruit les récifs coralliens qui protègent les îles. La Malaisie et le Vietnam ont à faire face chaque année à des crues soudaines et à des sécheresses. Le Népal, pays montagneux, est situé dans une zone de forte activité sismique et subit les dommages dus aux éclairs, aux glissements de terrain et à la grêle, en plus d'être constamment sous la menace des tremblements de terre.

Les représentants de la Corée et de la Mongolie ont parlé de la « cinquième saison », qui se caractérise par des tempêtes de poussière et de sable qui colorent l'air en jaune et qui sont attribuables au surpâturage, car la pauvreté force les pauvres des villes à retourner à la campagne. La liste du Canada contient les tempêtes de verglas, les inondations et les incendies de forêt et plusieurs tendances permettent de croire que nos problèmes iront en s'aggravant.

Les réactions aux catastrophes prennent la forme de l'atténuation, par la construction de barrages et de canaux d'évacuation des crues, par exemple; de la planification d'urgence; des interventions par les forces de police, les pompiers et le personnel médical; et de la reconstruction et de la remise en état des collectivités.

Les délégués se sont entendus sur la nécessité d'adopter des titres de compétence internationaux pour que les bénévoles des pays donateurs puissent travailler sans craindre les poursuites juridiques. La conférence s'est terminée par une déclaration sur la prévention et l'intervention en cas de catastrophe naturelle dans laquelle les délégués conviennent d'encourager l'accroissement de la capacité d'intervention et de résilience des régions touchées par des catastrophes naturelles; de mettre en œuvre l'Agenda pour l'action humanitaire de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui faciliterait une réaction rapide de la communauté internationale en cas de catastrophe naturelle à grande échelle; d'élaborer des plans de communication et de collaboration dans la surveillance des catastrophes, les avertissements préalables et les réactions; et d'élaborer des stratégies pour protéger les victimes de catastrophes naturelles du trafic de personnes et de la propagation des maladies.

Honorables sénateurs, ces mesures ne préviendront pas les catastrophes naturelles, mais elles aideront à en atténuer les effets et à aider les gens qui les subissent.


(1355)

AFFAIRES COURANTES

AGRICULTURE ET FORÊTS

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, c'est avec une certaine trépidation que je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à siéger à 17 h le mardi 6 juin 2006, même si le Sénat siège à ce moment là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

AVIS DE MOTION TENDANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT DE RÉPONDRE AU RAPPORT SUR L'ÉTUDE DE L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES, LES RÈGLEMENTS, LES INSTRUCTIONS ET LES RAPPORTS PERTINENTS

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours, je proposerai :

Que, conformément à l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement de répondre de manière complète et détaillée au sixième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé « L'éducation en milieu minoritaire francophone : un continuum de la petite enfance au postsecondaire », rapport déposé au Sénat le 14 juin 2005, et adopté le 18 juillet 2005, au cours de la première session de la trente-huitième législature; et que

le ministre du Patrimoine canadien, le ministre du Développement social et le ministre des Langues officielles soient chargés de donner cette réponse.

[Traduction]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À CONTINUER L'ÉTUDE DE L'INCLUSION DANS LA LOI DE DISPOSITIONS NON DÉROGATOIRES CONCERNANT LES DROITS ANCESTRAUX ET ISSUS DE TRAITÉS EXISTANTS DES PEUPLES AUTOCHTONES

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les conséquences de l'inclusion, dans la loi, de clauses non dérogatoires concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis sur la question par le Comité au cours de la deuxième session de la trente-septième législature et la première session de la trente-huitième législature soient renvoyés au Comité;

Que le Comité présente son rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2007.

[Français]

L'ÉDUCATION POSTSECONDAIRE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur des questions concernant l'éducation postsecondaire au Canada.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA GOUVERNEURE GÉNÉRALE

SA DEMANDE D'ALLER RENDRE VISITE AUX MILITAIRES EN AFGHANISTAN

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'interviens, comme dirait John Ivison dans le National Post, à la manière d'un paresseux, pour poser une question au leader du gouvernement au Sénat. En fait, en parlant de John Ivison et du National Post, selon un article paru dans le quotidien préféré des conservateurs, Son Excellence la Gouverneure générale a demandé à deux reprises de visiter les militaires en Afghanistan, et on lui aurait refusé la permission les deux fois. Le Post parle des mesures de sécurité nécessaires pour qu'elle puisse faire le même voyage que le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères. Franchement, soyons donc sérieux. La Gouverneure générale est la commandante en chef des Forces armées canadiennes. Les forces armées la tiennent en haute estime, comme l'ancienne Gouverneure générale, Adrienne Clarkson, et une visite de sa part remonterait le moral des troupes.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle me dire si c'est exact? Si oui, le gouvernement est-il prêt à changer sa position?

(1400)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Munson de sa question. Il est certain que tous les Canadiens tiennent la Gouverneure générale en très haute estime. Elle fait un travail exceptionnel.

D'après les renseignements dont je dispose, la Gouverneure générale a effectivement reçu une invitation du chef d'état-major de la Défense, le général Rick Hillier, à rendre visite aux soldats en Afghanistan il y a quelques mois. Cependant, son calendrier ne lui permettait pas de faire le voyage à ce moment-là.

Pour des raisons de sécurité, le chef d'état-major de la Défense a fait une recommandation indiquant qu'une visite de la Gouverneure générale à ce moment-ci ne permettrait pas de profiter au maximum de sa présence parce qu'il lui serait impossible de rencontrer les travailleurs humanitaires à l'extérieur de la base ni les soldats qui sont actuellement engagés dans des opérations loin du terrain d'aviation de Kandahar.

Si je comprends bien, et je pourrai me renseigner davantage si le sénateur le désire, la Gouverneure générale a décidé de ne pas faire le voyage à ce moment-ci compte tenu des recommandations qui lui ont été faites.

Le sénateur Munson : Je suis curieux. Le premier ministre essaie-t-il d'envoyer un message à son ministre des Affaires étrangères en lui disant qu'il n'y a pas de problème à ce qu'il aille même si c'est un voyage très dangereux pour tout le monde? Cela m'inquiète.

Je veux être certain de bien comprendre. La Gouverneure générale pourra faire le voyage, c'est-à-dire que le gouvernement dira qu'elle peut partir, lorsque la situation deviendra plus normale parce que c'est un endroit très dangereux. Des journalistes sont allés là-bas. L'ancien premier ministre Jean Chrétien y est allé à un moment où c'était assez dangereux. Je sais que les gens de la Défense diront toujours qu'on ne peut pas faire le voyage maintenant pour des raisons de sécurité.

Lorsque M. Chrétien était là-bas, on a dû le conduire à l'aéroport à la hâte et le faire monter à bord d'un Hercules pour qu'il puisse quitter les lieux juste à temps. Il y avait beaucoup de tirs d'artillerie au-dessus de la base aérienne et du terrain d'aviation à Kaboul.

Juste pour que ce soit bien clair, la commandante en chef des forces armées peut-elle décider de se rendre là-bas quand elle le veut ou doit-elle toujours écouter les recommandations du gouvernement?

Le sénateur LeBreton : Merci, sénateur Munson. Il ne fait pas de doute que la situation sur le terrain en Afghanistan est très dangereuse. Je crois que tout le bon travail humanitaire qui se fait est possible grâce à la présence de nos soldats, qui sont prêts à travailler pour assurer la sécurité de tous les autres gens qui sont dans la région.

La Gouverneure générale est le commandant en chef des forces armées. Je crois comprendre que, sur l'avis du chef d'état-major de la Défense, elle a décidé de ne pas se rendre là-bas maintenant. Toutefois, je crois bien que dès que son emploi du temps le lui permettra et que le chef d'état-major de la Défense lui aura donné l'assurance qu'elle n'a rien à craindre pour sa sécurité, la Gouverneure générale se rendra là-bas.

Le sénateur Munson : Elle pourrait peut-être porter un des jolis gilets pare-éclats du premier ministre.

Cette démarche axée sur le contrôle m'inquiète. Vous contrôlez les déplacements de la Gouverneure générale. Selon moi, le commandant en chef devrait être aux premières lignes, que la situation soit propice ou pas, ne serait-ce que pour 30 minutes. Ce message est important. Toute cette démarche axée sur le contrôle me gêne.

On a contrôlé les séances de photos à la base aérienne de Trenton. On contrôle la Tribune de la presse. Que nous réserve-t-on? Le contrôle de la pensée, des idées?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne crois pas que la situation en Afghanistan et les dangers auxquels nos militaires sont exposés se prêtent à des blagues ou à des mesquineries.

(1405)

En tant que citoyenne canadienne, j'espère que la Gouverneure générale, à titre de commandant en chef, pourra se rendre en Afghanistan. Comme elle est originaire d'un pays en développement, Haïti, elle apporterait une grande contribution, car elle pourrait témoigner avec conviction des efforts en matière d'aide humanitaire et de défense des droits de la personne qui sont déployés en Afghanistan. Par exemple, les fillettes peuvent enfin fréquenter l'école et les femmes sont désormais autorisées à enseigner et à se lancer en affaires. À mon avis, il ne s'agit pas d'une question de gilet pare-éclats. La Gouverneure générale prendra une décision, et j'exhorte tous les parlementaires à l'encourager à se rendre en Afghanistan le plus tôt possible.

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

LE PROTOCOLE DE KYOTO—LA POSITION DU QUÉBEC

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je m'inspire à mon tour d'un article intitulé « Québec hausse le ton contre Ottawa », paru dans le quotidien La Presse. Contrairement à ce que dit mon collègue, cet article a paru non pas dans National Post, mais dans le quotidien La Presse.

Ma question s'adresse au ministre responsable pour le Québec au Sénat. À l'ère des discours encourageants sur la collaboration Canada-Québec, le ministre peut-il expliquer l'absence totale de dialogue avec le Québec sur le dossier des gaz à effet de serre et l'absence de soutien de son gouvernement vis-à-vis l'objectif du gouvernement du Québec, qui veut respecter les engagements du gouvernement précédent, qui lui permettaient de financer un plan de réduction de gaz à effet de serre afin que la province atteigne ses objectifs du Protocole de Kyoto?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question.

La ministre de l'Environnement a assisté aux rencontres tenues à Bonn et s'est acquittée extrêmement bien de son rôle, qui consistait à présenter la position du gouvernement, à tel point que la plupart des pays industrialisés et les Nations Unies ont reconnu et convenu qu'il était impossible d'atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto. Je crois que, au terme de la conférence de Bonn, les participants ont reconnu l'honnêteté du Canada et accepté sa position.

En ce qui concerne les reportages des médias, j'hésite toujours à répondre aux questions soulevées dans les médias, mais je dirai simplement que le premier ministre, le gouvernement et la ministre de l'Environnement encouragent toutes les provinces et les premiers ministres à travailler sérieusement au dossier des changements climatiques.

[Français]

Le sénateur Dawson : Honorables sénateurs, ma question complémentaire s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. L'entente historique de Montréal de l'an dernier, qui clarifiait les engagements des différents gouvernements pour les prochaines années, a été déchirée par la nouvelle ministre de l'Environnement.

Le ministre de l'Environnement du Québec a fait appel à votre gouvernement pour soutenir les Québécois et leur gouvernement dans leur démarche exprimée par le premier ministre Charest pour atteindre les objectifs fixés par Kyoto. Je cite le ministre Béchard :

Si jamais le gouvernement fédéral décide qu'il ne contribue pas, nous allons identifier clairement où est la responsabilité et pourquoi on n'atteint pas les objectifs de Kyoto.

Pourquoi ne pas respecter les engagements des gouvernements passés, monsieur le ministre?

L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, le sénateur de Québec m'a interpellé comme étant le ministre responsable pour le Québec. Il sait très bien que mon territoire est beaucoup plus restreint que le Québec. Mais puisque sa question est sérieuse, je lui dirai que comme l'a indiqué le leader du gouvernement au Sénat, notre gouvernement, par l'entremise de notre ministre de l'Environnement, Mme Ambrose, a clairement indiqué au cours des derniers mois que nous avions des objectifs qui différaient de ceux établis par le gouvernement qui nous a précédés.

Si le Québec s'objecte à cette politique ou à d'autres politiques, je ne pense pas qu'il y ait matière à révolution parce que deux gouvernements ont un différend sur un sujet. Je pense que c'est sain dans une démocratie. Le Québec fait valoir ses points de vue sur l'environnement, le gouvernement fédéral fait de même et je pense que c'est très bien ainsi.

Le sénateur Dawson : Dans le même ordre d'idées, au moment où on a déchiré l'entente sur les garderies, au moment où on déchire l'entente sur la question des gaz à effet de serre et au moment où Québec hausse le ton, ne trouvez-vous pas que ce serait l'occasion de se demander si l'équilibre fiscal se fera sur le dos des ententes passées?

Il faut également se demander si on prendra les fonds de la poche droite pour les mettre dans la poche gauche et déclarer qu'on est en train de donner l'argent au Québec. Respecterez-vous les ententes historiques qui ont été signées avec les gouvernements antérieurs?

(1410)

Le sénateur Fortier : D'abord, je vous corrigerai sur la question concernant les garderies; ce ne sont pas des ententes qu'on a déchirées, ce sont des communiqués de presse du gouvernement précédent, qui a créé des milliers et des milliers de places dans les garderies par voie de communiqués de presse. C'est la première chose que je dirai. Il faut être honnête.

Une fois encore je déclare mon conflit d'intérêts puisque j'ai deux enfants de moins de six ans. Quand je parle aux parents d'enfants de moins de six ans, ils sont très heureux de cette politique, très heureux qu'on leur fasse confiance pour la garde de leurs enfants et qu'on respecte leur choix. Au Québec, particulièrement, il y a effectivement un grand courant en faveur des politiques du gouvernement conservateur depuis le 6 février dernier.

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LE MANITOBA—LA RECONNAISSANCE DES ENTENTES AVEC LE GOUVERNEMENT PRÉCÉDENT

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question supplémentaire. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, au Manitoba ce sont des ententes qui ont été signées entre le Manitoba et le gouvernement fédéral. La communauté francophone que je représente au Sénat est venue me rencontrer la semaine dernière, lors de la semaine de relâche, et est très inquiète de savoir que les ententes ne seront pas renouvelées le 1er avril.

Je n'ai pas avec moi aujourd'hui les documents pertinents à ce sujet, car je ne m'attendais pas à intervenir. Je pourrai apporter à madame le ministre les documents décrivant les coupures au Manitoba français, du fait que les ententes ne seront pas renouvelées.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question.

Comme je l'ai dit hier, je pense qu'il est clair que l'électorat canadien n'a pas élu un nouveau gouvernement conservateur pour qu'il réalise à la pièce des programmes infructueux de l'ancien gouvernement.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : Au cours de la campagne électorale, notre position sur la garde des enfants était très claire, y compris nos intentions concernant les différentes ententes qui avaient été signées avec certaines provinces. C'est un fait que pas une seule place en garderie n'était créée.

Pour revenir à la question du sénateur Chaput concernant la liste des programmes qui la préoccupent parce qu'elle craint qu'ils fassent l'objet de compressions, j'aimerais bien voir cette liste. J'aimerais donner à la ministre responsable du plan pour la garde d'enfants la possibilité de répondre précisément à la question du sénateur.

L'ENVIRONNEMENT

LE PROTOCOLE DE KYOTO—LA POLITIQUE SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai déjà qualifié d'ahurissant le manque de leadership de notre ministre de l'Environnement en ce qui concerne la politique environnementale. Après l'avoir observée pendant des semaines, je constate que je dois rectifier le tir et dire plutôt que c'est stupéfiant.

Elle a commencé par nous dire que nous nous retirions de l'accord. Puis, elle a dit qu'elle voulait quand même présider le comité international pour la mise en œuvre de Kyoto, mais pour une journée et non quatorze. Elle a annulé notre programme pour la réduction des gaz à effet de serre, qui aurait pu être réalisé au coût de 20 $ la tonne. La ministre Ambrose a annulé le programme, prétendument parce qu'il n'est pas efficient, et l'a remplacé par son programme de crédit d'impôts pour laissez-passer de transport en commun, qui réduira les gaz à effet de serre au coût de 2 000 $ la tonne.

Parlant de programmes réalisés à la pièce, elle devait présenter un programme environnemental entièrement canadien. Or, nous avons appris hier qu'elle envisage de permettre aux sociétés d'échanger leurs crédits avec des sociétés européennes. C'est un peu comme les conditions du temps qui changent toutes les 15 minutes.

Existe-t-il un plan arrêté, ou la ministre de l'Environnement ne fait-elle qu'inventer la politique au fur et à mesure de ses rencontres?

(1415)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne commenterai pas le ton de cette question, qui porte sur notre ministre de l'Environnement, une jeune femme intelligente.

Le sénateur Tkachuk : Qui vient de l'Alberta.

Le sénateur Mercer : Pas de politiques; parlez-nous seulement de la frime.

Le sénateur Tkachuk : Ce sont les garçons qui livrent les communiqués de presse.

Le sénateur LeBreton : Et ils veulent que les travaux de notre Chambre soient télévisés. Il y a une personne qui s'intéresse davantage à la télévision que le sénateur Segal qui semble vouloir que nos travaux soient télévisés encore davantage. Il est assis dans la dernière rangée.

Comme je l'ai déjà déclaré, je suis persuadée qu'on comprend mieux que les engagements à l'égard du Protocole de Kyoto n'étaient pas réalisables, ne seraient pas réalisables et ne pouvaient être respectés. Comme je l'ai dit, les émissions ont augmenté de 26 p. 100 depuis la signature du protocole.

La ministre Ambrose a très bien représenté son ministère et le gouvernement à Bonn. Les pays industrialisés ont convenu que le Protocole de Kyoto n'était pas réaliste et il est très encourageant que ces pays industrialisés, soutenus par les Nations Unies, procèdent maintenant à une réévaluation des objectifs fixés à Kyoto.

Comme je l'ai indiqué dans des réponses précédentes, le gouvernement travaille à un programme spécifiquement canadien sur les changements climatiques. La ministre Ambrose consulte des gens dans le monde entier, comme c'est son devoir de le faire, car il s'agit d'un problème mondial, même si nous voulons lui appliquer une solution spécifiquement canadienne.

Naturellement, étant une ministre ouverte, honnête et intelligente, Mme Ambrose commente de manière ouverte et franche les exposés qui lui sont présentés.

Le sénateur Mitchell : Le défaitisme du gouvernement actuel est stupéfiant. Le gouvernement et la ministre ne comprennent-ils pas que, si on propose à des Canadiens compétents et énergiques du leadership et des objectifs aussi stimulants et importants que ceux de Kyoto, il ne fait aucun doute qu'ils vont atteindre ces objectifs et même les dépasser?

Quel type de leadership le gouvernement assure-t-il? Il ne fait preuve d'aucun leadership.

Le sénateur LeBreton : C'est incroyable. Les libéraux ont été au pouvoir pendant 13 ans. Où était leur leadership? Selon un sondage Ipsos-Reid, 68 p. 100 des gens ne savent pas ce que le Protocole de Kyoto veut dire.

Les honorables sénateurs parlent de leadership et de l'inspiration à donner aux Canadiens. Voilà exactement ce que la ministre Ambrose et le gouvernement vont faire. De plus, les Canadiens n'auront pas à se poser de questions sur ce que nous allons faire. Notre plan va leur être présenté de manière ouverte et franche.

Il est évident que le gouvernement précédent n'a pas expliqué aux Canadiens ce qu'était le Protocole de Kyoto, puisque 68 p. 100 d'entre eux ne le savent toujours pas.

Le sénateur Mitchell : Je pourrais vous parler de certaines personnes qui savent très bien de quoi il s'agit. Il y a à Calgary de grandes sociétés œuvrant dans le domaine de l'énergie qui sont en voie d'atteindre les objectifs qui leur ont été fixés en vertu du Protocole de Kyoto. Ces 32 p. 100 de Canadiens comprennent bien de quoi il s'agit.

Quel genre de leadership le gouvernement actuel offre-t-il aux groupes et aux particuliers qui ont beaucoup à perdre en ne prenant pas les mesures adéquates? Quel genre de leadership le gouvernement offre-t-il pour les aider à atteindre ces objectifs qu'ils savent pouvoir atteindre?

Avez-vous oublié ces gens?

(1420)

Le sénateur LeBreton : Ce n'est pas nous qui avons oublié « ces gens », comme dit le sénateur. Nous collaborerons avec « ces gens » pour nous assurer d'atteindre nos objectifs en matière de changements climatiques.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LE PROJET DE PROGRAMME NATIONAL DE GARDE D'ENFANTS—LES COMMENTAIRES DU LEADER DU GOUVERNEMENT

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, j'ai une question pour madame le leader du gouvernement au Sénat. Je crois que les cheveux m'ont dressé sur la tête, et j'ai certainement ressenti une grande colère, quand j'en entendu madame le leader dire hier « à part les défendeurs des garderies ». À la poubelle, fini, terminé, ce programme. Puis, elle a ajouté « les parents sont les meilleurs experts du pays en matière de garde d'enfants ». Je crois que c'était une première. Depuis le début, nous entendons le nouveau gouvernement dire que les parents sont les experts en ce qui concerne leurs propres enfants. La plupart d'entre nous sommes d'ailleurs prêts à le reconnaître. Toutefois, madame le leader affirme maintenant que « les parents sont les meilleurs experts du pays en matière de garde d'enfants ».

Pourquoi le nouveau gouvernement a-t-il décidé de dénigrer encore davantage les hommes et les femmes qui consacrent leur vie à offrir des services de qualité en matière de garde d'enfants et de développement de la petite enfance?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, lorsque j'ai dit que « les parents sont les meilleurs experts du pays en matière de garde d'enfants », je voulais dire que les parents sont les mieux placés pour savoir ce qui convient le mieux à leurs enfants. Je suppose que nous pourrions continuer à couper les cheveux en quatre quant à l'interprétation à donner à cette phrase.

L'intention du gouvernement est de mettre de l'argent directement dans les mains des parents et de collaborer avec le secteur pour augmenter le nombre de places dans les garderies, ce que le gouvernement précédent n'a pas fait. Les libéraux en ont parlé pendant 13 ans, mais ils ne l'ont pas fait. Nous voulons que les parents aient l'argent nécessaire pour faire les choix qu'ils souhaitent, sans que nous ayons à transférer d'une administration publique à une autre ou d'une administration publique à un groupe de promoteurs l'argent chèrement gagné par les contribuables. C'est tout ce que je voulais dire.

Le sénateur Trenholme Counsell : J'ai une question complémentaire.

Je répète encore ce que je lis à la page 368 des Débats du Sénat d'hier. Madame le leader a déclaré :

Comme on l'a dit à maintes reprises, les parents sont les meilleurs experts du pays en matière de garde d'enfants.

La phrase était peut-être mal formulée, mais je crois que les professionnels et les promoteurs des services de garde d'enfants méritent notre respect.

J'aimerais rappeler à l'honorable leader qu'en 2004-2005, un système de services de garde d'enfants de qualité mettant en pratique les meilleurs principes de développement des jeunes enfants a été accepté par toutes les provinces et prend actuellement racine dans un sol fertile d'un océan à l'autre. Les accords signés avec neuf provinces — j'en suis certaine car j'en ai des exemplaires — promettent de valoriser...

Une voix : Des accords signés!

Le sénateur Trenholme Counsell : Oui, des accords signés, et non des communiqués. Bien entendu, madame le sénateur n'a pas beaucoup d'expérience au sein d'un gouvernement, mais elle apprendra peut- être. Comme je le disais, les accords promettent de valoriser les services de ceux qui s'occupent des enfants lorsque les parents doivent aller travailler, ce qui est le cas de 70 p. 100 des parents. Nous avions aussi promis de fournir de la formation additionnelle, des possibilités de perfectionnement professionnel et de meilleures conditions de travail, notamment de meilleurs salaires, pour les travailleurs et travailleuses en garderies, parmi lesquels se trouvent de nombreux parents.

Madame le leader du gouvernement au Sénat présentera-t-elle ses excuses à l'ensemble des promoteurs et des professionnels des services de garde d'enfants ainsi qu'à tous ceux qui travaillent dans les garderies, dans les centres de ressources familiales et dans la fonction publique pour ses remarques désobligeantes et dédaigneuses du 30 mai 2006?

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur de sa question. Je n'ai pas l'intention de revenir sur mon affirmation selon laquelle « les parents sont les meilleurs experts du pays en matière de garde d'enfants ». En tant que parent, je pense que j'étais la mieux placée pour prendre des décisions au sujet de mes enfants, sans que de soi-disant experts n'aient à me dicter ma conduite à cet égard.

LES FINANCES

LE RENVOI AU COMITÉ DES BANQUES ET DU COMMERCE DU PROJET DE LOI SUR LA FAILLITE ET L'INSOLVABILITÉ

L'honorable Yoine Goldstein : Honorables sénateurs, on se rappellera que, juste avant la dissolution de la 38e législature, quatre projets de loi avaient été présentés au Sénat, dont l'un modifiait la Loi sur la faillite et l'insolvabilité au Canada. Ces quatre projets de loi ont été adoptés dans des circonstances que nous connaissons tous, même s'il était expressément convenu que la nouvelle Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne serait pas promulguée avant la fin de juin, au plus tôt, et que le gouvernement, dès le début de la nouvelle législature, renverrait immédiatement la mesure sur la faillite et l'insolvabilité au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour une étude plus approfondie.

Les sénateurs se rappelleront aussi qu'en 2003, le Comité sénatorial des banques avait présenté un excellent rapport sur la Loi sur la faillite et l'insolvabilité au Canada, dans lequel il avait relevé certains aspects nécessitant une correction immédiate.

La Loi sur la faillite est une loi-cadre. Elle doit absolument être mise à jour pour correspondre aux temps et aux circonstances qui changent. Elle est essentielle au bon fonctionnement des affaires au Canada; elle est également essentielle à la protection adéquate de ceux qui éprouvent des difficultés par suite d'une utilisation fautive, abusive ou incompétente du système de crédit.

(1425)

Le projet de loi C-55 devait être renvoyé au comité. Cette mesure est fondamentale. Bien sûr, ce n'est pas une mesure législative importante sur le plan électoral, mais elle est importante pour les Canadiens.

Voici ma question : quand le gouvernement en place s'occupera-t- il de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité? On nous dit que ce ne sera pas avant l'automne, au plus tôt. Pardonnez le mot, mais c'est scandaleux. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle éclairer la Chambre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je suis presque tentée d'inviter le président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce à répondre à cette question. Toutefois, je prends note de la question parce qu'il y a eu des pourparlers entre le président et le vice-président du Comité des banques et les ministres. Je ne possède pas de renseignements à fournir au sénateur, mais je sais que des progrès ont été accomplis dans ce dossier.

Le sénateur Goldstein : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le projet de loi renfermait aussi des mesures visant à protéger les salariés dont l'employeur fait faillite et de leur permettre de recouvrer — au détriment en partie des créanciers garantis et en partie du Comité de surveillance des institutions financières, ou CSIF,— l'argent dont ils ont été privés par suite de la faillite et de l'insolvabilité de leur employeur. C'est une protection pour les Canadiens et les travailleurs canadiens. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle dire quand le gouvernement en place va prendre des mesures pour protéger les travailleurs canadiens?

Le sénateur LeBreton : Si ma mémoire est bonne, il est question ici de la partie du projet de loi que tout le monde avait hâte de voir adoptée, de sorte que les travailleurs canadiens seraient protégés. Je prends note de la question du sénateur et lui fournirai une réponse complète demain.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

L'ACCORD SUR LE BOIS D'ŒUVRE—LA CONSULTATION DE L'INDUSTRIE

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. L'industrie forestière canadienne voit d'un très mauvais œil l'actuel accord sur le bois d'œuvre à cause de la perte d'emplois, d'argent et d'espérance dans l'avenir. L'Alberta Forest Products Association a déclaré lundi au Comité permanent des ressources naturelles de la Chambre de communes qu'elle n'avait pas été consultée à ce propos. Pourtant, madame le leader a dit hier au Sénat que l'industrie et les provinces sont consultées. Honorables sénateurs, madame le leader nous a encore une fois induits en erreur. Elle devrait peut-être vérifier les faits.

Madame le leader pourrait-elle expliquer pourquoi l'Alberta Forest Products Association n'a pas été consultée? Plus important encore, pourrait-elle recommander au premier ministre de défendre les intérêts des Canadiens et de consulter l'association des producteurs forestiers de sa propre province?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis au courant du témoignage présenté hier et je sais qu'il n'y a jamais un appui total pour quoi que fasse le gouvernement, peu importe son allégeance politique. Je crois savoir que certains petits producteurs ont exprimé des craintes. Mais, d'une façon générale, l'accord sur le bois d'œuvre a reçu un appui massif de la part de l'industrie et des provinces. Examinons un peu la situation.

L'accord représente une nette amélioration par rapport à la situation qui régnait avant la signature, car il y avait beaucoup d'incertitude et les producteurs demandaient au gouvernement d'intervenir. C'est précisément ce qui s'est produit et l'accord est excellent, même s'il ne satisfait pas entièrement tout le monde.

(1430)

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre une réponse à la question orale posée au Sénat le 27 avril 2006 par l'honorable Jack Austin, concernant le commerce international, l'entente proposée sur le bois d'œuvre et la consultation avec les provinces, une réponse à la question orale posée au Sénat le 27 avril 2006 par l'honorable Francis Fox, concernant l'entente proposée sur le bois d'œuvre, une réponse à la question posée le 27 avril 2006 par l'honorable Pat Carney, concernant l'entente proposée sur le bois d'œuvre, la consultation avec les provinces, et une réponse aux questions orales posées par l'honorable Daniel Hays le 17 mai 2006, concernant le secteur des céréales et les oléagineux, l'accessibilité à des fonds de soutien.

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LES ÉTATS-UNIS—L'ENTENTE PROPOSÉE SUR LE BOIS D'ŒUVRE—LA CONSULTATION AVEC LES PROVINCES

(Réponse aux questions posées le 27 avril 2006 par l'honorable Jack Austin, l'honorable Francis Fox et l'honorable Pat Carney)

Le gouvernement fédéral travaille de très près avec les provinces et l'industrie canadienne à l'élaboration de divers éléments de l'entente. Les provinces avaient été consultées et mises au courant des discussions qui ont menées à l'accord de principe conclu le 27 avril 2006.

Cet accord est le fruit de négociations qui respectent les intérêts fondamentaux du Canada. Il contiendra un ensemble de règles pour assurer la stabilité, il sera gage de prévisibilité et offrira un répit à l'industrie en ce qui concerne les mesures américaines.

L'industrie canadienne recevra plus de 80 pour cent des droits remboursés, soit plus de quatre milliards de dollars américains. Cela représente le gain le plus substantiel obtenu dans les négociations jusqu'à maintenant.

Le processus de litige est complexe et ses résultats, y compris le remboursement intégral des dépôts, ne sont jamais garantis. En l'absence d'un règlement négocié, le litige pourrait se poursuivre jusqu'en 2008 et même plus tard.

Les provinces ont exprimé leur appui à l'égard de l'accord de principe. Le gouvernement travaillera de près avec elles ainsi qu'avec les intervenants de l'industrie à mesure que les détails seront arrêtés au cours des semaines à venir.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LE SECTEUR DES CÉRÉALES ET DES OLÉAGINEUX—L'ACCESSIBILITÉ DES FONDS DE SOUTIEN

(Réponse à la question posée le 17 mai 2006 par l'honorable Daniel Hays)

Ce gouvernement est conscient du fait que de nombreux agriculteurs, notamment les producteurs de céréales et d'oléagineux, ont besoin d'assistance immédiate pour être en mesure d'ensemencer leurs terres ce printemps. Le 18 mai, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et de la Commission canadienne du blé a officiellement annoncé trois initiatives d'abord mentionnées dans le budget fédéral de 2006. Une de ces initiatives, le Programme amélioré d'avances printanières (PAAP), fournira aux producteurs les fonds supplémentaires dont ils ont besoin pour ensemencer leurs terres cette année.

Le PAAP double le montant maximal sans intérêt des avances printanières prévues au programme de 50 000 $ à 100 000 $ et l'échéance pour le remboursement est reportée du 31 décembre 2006 au 30 septembre 2007. Il est prévu que dans le cadre du PAP, les producteurs auront accès à quelque 650 millions de dollars d'avances et que le PAAP fera passer ce montant à plus de 1 milliard de dollars pour la présente année culturale.

De plus, près de 590 millions de dollars ont été versés aux producteurs par l'entremise du Programme de paiements pour les producteurs de céréales et d'oléagineux. En outre, plus de 560 millions de dollars ont été versés aux producteurs par l'entremise du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA) depuis le début de janvier. Combinés, ces programmes fourniront aux producteurs des flux de trésorerie importants en vue de cette saison de croissance.

Le 18 mai, le ministre a également annoncé deux initiatives budgétaires liées au PCSRA. Le ministre travaille avec la province et l'industrie en vue d'assouplir le PCSRA jusqu'à ce que les gouvernements soient prêts à mettre en œuvre de nouveaux programmes de stabilisation du revenu agricole et d'aide en cas de désastre en vue de 2007. Ces initiatives liées au PCSRA comprennent 900 millions de dollars pour le rajustement rétroactif de la méthode d'évaluation des stocks employée dans le cadre du PCSRA pour les années de programme 2003, 2004 et 2005 et versés par l'entremise de l'Initiative de transition du PCSRA visant la valeur des stocks, et 50 millions de dollars supplémentaires pour assouplir les critères d'admissibilité applicables à la couverture de la marge négative dans le cadre du PCSRA pour les années de programme 2005 et 2006. Le 23 mai, le ministre a annoncé le Programme de protection du couvert végétal, qui ajoute 50 millions de dollars supplémentaires pour aider les producteurs ayant subi les conséquences des conditions d'humidité excessive durant les saisons de croissance 2005 et 2006.

Les fonctionnaires travaillent le plus rapidement possible pour que ces initiatives puissent être instaurées afin que cette aide de 1 milliard de dollars additionnels puisse commencer à être versée aux producteurs.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR L'ABROGATION DES LOIS

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction.—(L'honorable sénateur Cools)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, madame le sénateur Cools m'a donné la permission de prendre la parole.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Rompkey : Vous en êtes-vous assuré auprès de Stephen Harper?

Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, au caucus du parti ministériel, j'ai appris qu'il était judicieux et opportun de demander la permission du sénateur Cools.

Je prends aujourd'hui la parole pour appuyer la motion du sénateur Banks tendant à faire avancer l'étude du projet de loi S- 202, prévoyant l'abrogation de lois qui n'ont toujours pas été mises en vigueur dix ans après avoir reçu la sanction royale.

Aucun sénateur n'a besoin qu'un nouveau venu comme moi lui explique le processus législatif. Nous savons tous que le travail du Parlement consiste à présenter, débattre et amender des textes de loi, à se prononcer et à les adopter, après quoi ils reçoivent la sanction royale de Sa Majesté, qui est donnée par le Gouverneur général. À ce moment-là, le Parlement a exprimé sa volonté. C'est également la manifestation concrète de la volonté du peuple, exprimée par l'entremise des représentants élus. Lorsque le pouvoir de choisir la date de l'entrée en vigueur d'une loi est délégué au gouverneur en conseil, il n'est pas déraisonnable qu'il y ait une certaine limite à la latitude qui lui est laissée.

Pour l'instant, il n'existe aucune limite semblable. Le projet de loi S-202 en prévoit une. Le gouvernement en place devrait revoir les lois et parties de lois qui ne sont toujours pas en vigueur dix ans après leur adoption. Selon moi, pareille disposition est dictée par le bon sens. Lorsqu'une loi reste inappliquée pendant des années, c'est qu'on ne se plie pas à la volonté du Parlement.

Lorsque j'ai appris la Bible, à la belle époque de l'école paroissiale, à Montréal, mon enseignant disait que les dix commandements ne sont pas dix suggestions. Ce ne sont pas les dix conseils d'un consultant. Ce ne sont pas dix idées qui sont matière à réflexion. Ce sont des commandements. Ce que je veux ici faire comprendre aux honorables sénateurs, c'est que, lorsque le Parlement du Canada, formé des Communes et du Sénat, adopte une loi après qu'elle a été étudiée en comité et qu'elle a suivi tout le processus législatif, lorsqu'elle a reçu la sanction royale, le fait d'en retarder l'application revient à la traiter non comme une loi, mais comme une idée utile que le Parlement du Canada a proposée.

Runnymede et la Grande Charte, ce n'est pas cela. Il ne s'agissait pas de faire en sorte que le roi accepte des propositions utiles sur l'utilisation de l'argent du peuple. Le pouvoir de notre assemblée et de l'autre endroit fait partie des dispositions constitutionnelles centrales de notre régime démocratique, et c'est pourquoi le projet de loi du sénateur Banks me remplit d'un tel enthousiasme. Il nous permettra d'affirmer le droit du Parlement et les droits de ceux qu'il sert en imposant des balises à la discrétion illimitée dont le pouvoir exécutif jouit lorsqu'il s'agit de mettre en œuvre des dispositions législatives.

Honorables sénateurs, il y a quelques jours, au Sénat, nous avons approuvé des mandats spéciaux du Gouverneur général qui totalisent près de 15,6 milliards de dollars. N'eût été de l'intervention du sénateur Cools, cela aurait pu se faire en moins de dix minutes, au lieu de donner lieu à une certaine réflexion. Voilà ce qui s'est passé, non que ce soit la faute de quiconque ici ou à l'autre endroit, mais le contrôle préalable des dépenses est le rôle fondamental du Parlement dans notre régime.

L'idée que le Parlement adopte des lois que l'exécutif peut plus ou moins laisser de côté, non seulement pour des raisons fort légitimes d'ordre technique, mais indéfiniment et tant et aussi longtemps que cela lui convient, revient à nier une fois de plus le cadre démocratique qui devrait imposer des contraintes au gouvernement quant à ce qu'il peut faire des ressources mises à sa disposition par nous et par l'autre endroit.

En ce moment même, il y a trois lois et des dispositions de 60 autres qui ont été édictées il y a plus de dix ans — voire 20 ans dans bien des cas —, et qui n'ont toujours pas été mises en vigueur. Je suis sûr qu'il y a d'innombrables raisons à cela. Certaines peuvent être valables et d'autres pas. Mais ces raisons sont secondaires par rapport au fait que, à un moment donné, le Parlement a jugé bon de faire l'effort de modifier des lois existantes ou d'en adopter de nouvelles.

Les exigences prévues dans le projet de loi S-202 du sénateur Banks sont raisonnables et équitables. Le dépôt d'un rapport annuel dressant la liste des lois et des dispositions qui n'ont pas été mises en vigueur dix ans après leur adoption donnerait un compte rendu complet et transparent du travail accompli ici et à l'autre endroit. Si le gouvernement en place a toujours des raisons de ne pas mettre ces lois en vigueur, il a une occasion normative, régulière, de les énoncer directement. C'est également une occasion pour le Sénat de mettre de côté ces lois pour de bonnes raisons de fond, au lieu de les laisser s'entasser comme des expressions, des orientations législatives qui ont été négligées par les fonctionnaires qui doivent normalement donner suite aux lois adoptées par le Sénat et l'autre endroit.

Il est certain qu'il peut y avoir des circonstances, des exceptions dont il faut tenir compte dans ce processus. Il est clair que la négociation de traités internationaux tombe dans cette catégorie. La ratification de ces traités est souvent un très long processus. Bien que le gouvernement en place puisse juger bon de légiférer en la matière, les négociations ultérieures peuvent se dérouler fort lentement. On peut prendre des dispositions à l'égard de ces exceptions.

La population, que nous essayons tous de servir, s'attend à ce que ses représentants soient pratiques. Plus que jamais, ils comptent sur la transparence de leur gouvernement. Le projet de loi S-202, et c'est tout à l'honneur du sénateur Banks, est à la hauteur sur un plan comme sur l'autre. Il est peu pratique de ne pas mettre en vigueur des lois entières ou des dispositions pendant plus de dix ans. Cela dévalorise le travail des sénateurs et de leurs collègues élus de l'autre endroit.

Le Parlement discute, débat, vote, modifie, améliore puis adopte toutes sortes de lois que la fonction publique doit prendre au sérieux. Si nous laissons passer l'occasion que nous offre le projet de loi à l'étude, nous dirons qu'il importe peu que les lois adoptées ici restent perpétuellement en veilleuse, parce que des fonctionnaires qui n'ont pas été nommés, qui ne sont pas connus et qui n'ont pas de comptes à rendre, en disposent à leur guise.

(1440)

Je demande aux honorables sénateurs d'envisager une adoption rapide du projet de loi S-202 et de reconnaître le caractère raisonnable de ses hypothèses de base. Ce projet de loi ne menace pas l'autorité du gouvernement ou de l'exécutif. Il prévoit simplement un moyen de disposer des lois et des dispositions législatives dûment adoptées, mais qui sont tombées dans l'oubli par suite de retards de la part du gouvernement.

Il importe que le travail accompli par les parlementaires des deux Chambres ne soit pas mis à l'écart. Nos lois sont, pour les citoyens, un témoignage du fait que notre démocratie fonctionne. À défaut de donner suite au travail du Parlement, on nie la valeur du processus démocratique. Il s'agit là de légitimité démocratique et de respect de la volonté des électeurs.

Je salue le sénateur Banks pour cette initiative ainsi que pour la clarté et l'opportunité des longs efforts qu'il a déployés à cet égard. C'est un honneur pour moi de l'appuyer au nom de ce côté-ci de la Chambre.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une petite question?

Le sénateur Segal : Très volontiers.

Le sénateur Grafstein : Je voudrais tout d'abord féliciter le sénateur Banks et le sénateur Segal. C'est là un important projet de loi. Je crois comprendre qu'il prévoit une période de 10 ans qui permet à l'exécutif d'expliquer les raisons pour lesquelles il a omis de proclamer certaines lois. Est-ce que j'ai bien compris?

Le sénateur Segal : Si j'ai moi-même bien compris, les seuls projets de loi en cause seraient ceux dont la proclamation a été reportée depuis 10 ans ou plus.

Le sénateur Grafstein : Le projet de loi prévoit-il des délais futurs de proclamation?

Le sénateur Segal : Encore une fois, si j'ai bien compris — et je serais heureux de céder la parole à mon collègue d'en face —, si un projet de loi atteint la limite de 10 ans, il serait répertorié sur une base annuelle en vertu des dispositions de cette mesure législative.

Le sénateur Grafstein : La difficulté, honorables sénateurs, c'est qu'il y a des mesures d'urgence. Par exemple, comme le sénateur Goldstein l'a noté plus tôt dans une question adressée au gouvernement, une mesure d'urgence était intégrée dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité pour en assouplir l'application à l'égard des employés. Nous avons été pris au piège parce que cette mesure ne pouvait pas être séparée.

Lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité, serait-il possible d'envisager, dans le cas de certains projets de loi, d'imposer une proclamation plus rapide si la mesure nécessite une attention immédiate? Autrement, j'ai l'impression que tout ce qu'ont dit le sénateur Segal et le sénateur Banks au sujet du projet de loi est exact. Toutefois, quand les deux Chambres du Parlement déclarent conjointement, avec la sanction du Gouverneur général, qu'il s'agit d'une urgence — je peux songer à plusieurs cas de ce genre —, il conviendrait peut-être de faire mieux que d'attendre 10 ans.

Le sénateur Segal : Je remercie le sénateur Grafstein pour sa question. Je ne suis pas en désaccord avec lui, mais le projet de loi ne contient pas de dispositions de ce genre. Il traite seulement de lois existantes qui ont été adoptées et qui ramassent de la poussière en attendant d'être proclamées.

Les honorables sénateurs peuvent envisager d'autres propositions, mais elles s'écartent, à mon avis, de l'objet principal du projet de loi. La mise en application rapide d'une mesure législative d'urgence constitue une proposition fort importante, mais c'est une question distincte qui ne fait pas partie des dispositions du projet de loi du sénateur Banks.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a collaboré avec le sénateur Banks au sujet de ce projet de loi. Je ne crois pas que quiconque s'oppose à l'intention du projet de loi. Nous voulons simplement le rendre exploitable afin que le gouvernement n'ait pas à faire des dépenses inutiles pour faire adopter cette mesure. Le projet de loi présente certaine des qualités de la loi qui a permis de rendre conformes les versions anglaise et française de nos lois. À bien des égards, c'est une tâche extrêmement fastidieuse, mais elle doit être faite.

Je suis plutôt intriguée par le fait que l'honorable sénateur a avancé un argument que nous n'avions pas entendu au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, lorsqu'il a dit qu'on va à l'encontre de la volonté des parlementaires en ne proclamant pas une loi. Mon problème, c'est que lorsque je siégeais dans l'opposition — pardonnez-moi, mais c'est la perspective que j'ai —, nous nous disions souvent qu'il serait bon de permettre l'adoption d'un projet de loi tout en nous inquiétant de la façon dont il serait mis en œuvre. Le gouvernement d'alors prenait l'engagement de ne pas mettre en vigueur le projet de loi avant de satisfaire à certaines normes ou directives que nous avions suggérées dans des rapports ou au cours de discussions informelles avec ses représentants.

L'honorable sénateur soutient que le fait de retarder la mise en application va à l'encontre de la volonté des parlementaires. Dans bien des cas, nous en étions nous-mêmes responsables. Pourquoi a-t- il choisi de ne pas dire qu'il y aurait certains avantages à maintenir cette façon de procéder?

Le sénateur Segal : Je remercie madame le sénateur Andreychuk pour sa question. Même si je ne suis pas ici depuis très longtemps, j'étais présent par exemple lorsque, dans le cas du projet de loi sur la faillite — comme l'a mentionné le sénateur Goldstein —, le Sénat avait convenu, malgré une approbation générale, qu'il y avait des difficultés et des lacunes dont il importait de s'occuper. Le ministère des Finances s'est engagé à revoir le tout avant la proclamation. Je comprends bien cela, de même que le pouvoir des législateurs de le demander. C'est particulièrement le cas lorsqu'il y a des questions techniques difficiles à régler. C'est un aspect très avantageux du processus de proclamation qui doit suivre l'élaboration de la réglementation et tenir compte des arguments des différentes parties pour éviter de mettre en vigueur des dispositions pouvant occasionner les difficultés.

Ce projet de loi, d'après ce que je comprends, a pour objet les mesures législatives qui ont déjà été adoptées et édictées par la Couronne, mais qui, pour des raisons qui ne sont pas toujours très claires, dorment sur une tablette quelque part. Selon nous, si leur séjour sur une tablette s'étend sur toute une décennie, cela veut dire que l'on n'a pas pris très au sérieux les améliorations à la réglementation ou qu'il y a quelque autre empêchement. Les parlementaires en cette enceinte comme à l'autre endroit ont le droit de savoir pourquoi les choses tardent.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je veux tout d'abord remercier le sénateur Segal pour ses mots puissants et pour l'esprit fin et vif qui le caractérise. Sa capacité de manier l'humour et l'esprit n'est pas sans rappeler celle de feu le sénateur MacQuarrie. Quel beau talent! Je l'encourage à continuer.

J'ai appuyé ce projet de loi lors de sessions précédentes. J'ai dit au sénateur Banks que je souhaitais prendre la parole au sujet du projet de loi. Le sénateur Segal n'avait pas à me demander la permission de prendre la parole aujourd'hui; je lui ai tout bonnement cédé la parole, mais comme il croyait avoir la permission, il a été très facile de la lui accorder.

Je remercie le sénateur Banks de nous avoir saisis en particulier d'une question à laquelle bien des sénateurs ne s'étaient, à vrai dire, guère intéressés. Il est ressorti clairement des travaux du Comité sénatorial des affaires juridiques, étant donné que des audiences sur des versions antérieures de ce projet de loi ont eu lieu, que les sénateurs n'étaient pas nombreux à avoir réfléchi à la question du grand nombre de projets de loi à n'avoir jamais été promulgués ou mis en vigueur.

Je peux comprendre la préoccupation, fort légitime par ailleurs, du sénateur Andreychuck devant le fait que des ministres se trouvent en fait à accepter de ne pas promulguer un projet de loi tant que d'autres conditions ou souhaits n'auront pas été remplis. Toutefois, ce que propose le sénateur Banks est beaucoup plus général. Son projet de loi vise des lois qui ont déjà été adoptées, mais à l'égard desquelles, pour une raison ou pour une autre, le gouvernement a peut-être changé d'idée. J'ai à l'esprit un projet de loi en particulier qui a été adopté et a reçu la sanction royale à un autre palier de gouvernement, mais qui n'a jamais été promulgué pour la simple raison que le gouvernement en question a changé de politique.

(1450)

Voilà les questions que le sénateur Banks soumet à notre examen. Il soulève de très importantes questions d'ordre constitutionnel concernant le rôle du Parlement, les liens qui doivent exister entre le Cabinet et le Parlement ainsi que l'équilibre et l'objectif de la Constitution. Il soulève également une question non dépourvue de sens en rappelant qu'il arrive parfois que, après avoir suivi toute la procédure nécessaire, une loi est immobilisée en attendant une entrée en vigueur incertaine.

Nous avons appris, pendant les audiences du comité, que bien d'autres lois ont subi ce sort, même si personne ne sait combien au juste. Je pense que c'est un sujet important qui soulève des questions cruciales.

Lorsque le gouvernement change d'avis sur des questions d'orientation, cela me fait penser à ce que l'on appelait le « pouvoir de dispense ». Lorsque les rois n'aimaient pas certaines parties des lois qui venaient d'être adoptées, ils ne tenaient simplement pas compte des parties qui leur déplaisaient. Il ne s'agit pas exactement, dans le cas présent, d'un recours au pouvoir de dispense. On pourrait plutôt parler de pouvoir de suspension lorsqu'une personne quelconque suspend l'entrée en vigueur d'une loi. On ne sait jamais vraiment de qui il s'agit, mais il semble que de nombreux ministres ignorent tout de la plupart de ces lois. Pourtant, une personne quelconque, qui sait, peut-être s'agissait-il d'un ministre, de quelques ministres ou même de certains responsables de ministères, a suspendu l'entrée en vigueur d'une loi.

C'est un grand pouvoir. Je ne suis pas sûre que ce soit là un pouvoir dont le Parlement ait voulu investir qui que ce soit. Le Parlement n'a jamais voulu donner à quiconque le pouvoir de suspendre ses décisions.

Cela étant dit, je remercie le sénateur Banks d'avoir soulevé ces questions. Comme je l'ai déjà dit auparavant, il s'agit là de questions constitutionnelles très importantes. Dieu sait que nous vivons à une époque où le Parlement, une Chambre autant que l'autre, a été tellement dégradé et dévalorisé que nous nous retrouvons avec un grand nombre de ministres qui ne peuvent même plus parler le même language que le Parlement.

D'après ce que j'ai pu observer le temps de quelques générations, je crois que le plus grand problème auquel doivent faire face la plupart des gouvernements modernes tient au fait que les premiers ministres et les ministres, en majorité, ne comprennent pas grand- chose au Parlement. La plupart des difficultés auxquelles se heurtent les premiers ministres et leurs Cabinets s'expliquent par leurs connaissances limitées du Parlement. C'est de là que viennent en partie mes dadas et mes préoccupations. Dans les nombreux projets de loi dont nous sommes saisis, ce manque de connaissances est flagrant.

Par exemple, il y a quelques semaines seulement, le sénateur Bryden parlait de la cruauté envers les animaux et de son projet de loi relatif à cette question. Je crois que la principale raison pour laquelle de mauvais projets de lois sont adoptés, c'est que le gouvernement n'a aucune idée des mécanismes du droit parlementaire et de la loi de la prérogative, ni de la façon dont ces deux systèmes devraient être combinés pour produire de bonnes lois. Voilà pourquoi nous avons été saisis de projets de lois farfelus.

Malheureusement, parce que les premiers ministres et les gouvernements n'ont cessé d'affaiblir le rôle du Gouverneur général et que celui-ci n'est devenu qu'un simple serviteur du premier ministre, il arrive que le Gouverneur général sanctionne des projets de loi qui ne devraient pas recevoir de sanction. C'est une question complexe qui soulève beaucoup de points importants.

À cet égard, sénateur Banks, je suis disposée à interrompre mes observations pour vous permettre de clore le débat afin que le projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires juridiques et que ce dernier puisse en amorcer l'étude, renforcée par le fait que le gouvernement s'intéresse à ce projet de loi et l'appuie.

Je voudrais aussi dire au sénateur Banks que la pratique parlementaire veut que, lorsqu'un gouvernement décide d'appuyer un projet de loi d'initiative parlementaire, il témoigne son soutien au projet de loi et, ultérieurement, le fasse sien et le présente à nouveau en l'associant à une responsabilité ministérielle.

Vous vous souviendrez peut-être que, lorsque le projet de loi C- 250, qui visait à modifier le Code criminel en ce qui concerne la propagande haineuse, a été adopté par le Sénat, j'ai remis en question le fait que le gouvernement appuyait un projet de loi sans prendre les mesures constitutionnelles appropriées, soit faire sien le projet de loi, l'inscrire sous une responsabilité ministérielle et le faire approuver par les deux Chambres.

En l'occurrence, le projet de loi parraîné par Svend Robinson, le projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel en ce qui concerne la propagande haineuse, a été adopté avec le soutien du gouvernement, mais sans qu'un ministre en prenne la responsabilité, ce que j'avais trouvé assez pernicieux à l'époque.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, le sénateur Banks a accompli un travail extraordinaire. Les nouveaux sénateurs ne choisissent habituellement pas de proposer des projets de loi ayant un tel objet. Je ne vous l'ai peut-être jamais dit, sénateur Banks, mais lorsque vous avez entrepris cette initiative, vous avez mérité mon estime et toute mon admiration, car l'objet de ce projet de loi exige beaucoup d'efforts et d'étude. Je ne vous l'ai jamais dit, mais j'ai cru bon vous en faire part aujourd'hui.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'informe le Sénat que, si l'honorable sénateur Banks prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur la motion tendant à la deuxième lecture du projet de loi.

L'honorable Tommy Banks : Je vous remercie, honorables sénateurs. Je remercie le sénateur Segal. Je vous remercie, sénateur Cools, de vos bons mots. J'en suis flatté.

Madame le sénateur Cools a décrit mieux que moi l'enjeu du projet de loi. Ce n'est rien de moins que la suprématie du Parlement.

Il est arrivé par le passé que, malgré l'absence d'intention malicieuse ou machiavélique, des gouvernements bafouent la volonté exprimée du Parlement, soit par inadvertance, soit pour d'autres raisons. Si, quand le Parlement adopte des lois, il ne peut pas s'attendre à ce qu'elles entrent en vigueur dans un délai raisonnable, alors nous devrions tous rentrer chez nous et élire dix personnes pour diriger le pays, ce qui ne se fait plus.

Cependant, on a soulevé des questions importantes au cours de ce dernier échange, et j'aimerais revenir brièvement sur certaines d'entre elles avant de proposer que nous renvoyions le projet de loi à un comité. Tout d'abord, pour faire suite aux propos du sénateur Andreychuk, il existe effectivement des circonstances où il est essentiel de retarder l'entrée en vigueur d'une loi. Le sénateur Grafstein, pour sa part, a soulevé le cas des questions urgentes et importantes qui nécessitent une intervention rapide.

Je dois rappeler aux honorables sénateurs que, comme l'a dit avec raison le sénateur Segal, ce projet de loi ne vise que les lois qui ont reçu la sanction royale dix ans avant la date à laquelle ils sont portés à l'attention du Parlement. Il donnera au gouvernement du jour l'occasion de faire valoir pourquoi il devrait conserver les pouvoirs qui lui sont conférés par la mesure législative en question.

Honorables sénateurs, en ce qui a trait aux observations du sénateur Grafstein, il ne faut pas oublier que le projet de loi n'aborde pas la question de l'urgence d'un projet de loi. À ce chapitre, nous nous posons notre propre piège. Chaque fois que nous sommes saisis d'un projet de loi qui ne précise pas sa date d'entrée en vigueur, nous devons nous en remettre à un article qui confère au gouvernement le pouvoir discrétionnaire absolu de faire en sorte que la loi entre en vigueur à la date déterminée par le gouverneur en conseil.

(1500)

Ce projet de loi ferait simplement en sorte que, une fois que le Parlement a accordé ce pouvoir discrétionnaire, on dispose d'une période maximale de dix ans pour décider quand cette loi du Parlement doit entrer en vigueur, non si elle doit entrer en vigueur. Voilà la distinction importante.

Honorables sénateurs, nous devons faire preuve de prudence quand nous sommes saisis de projets de loi qui exigent une attention urgente. Il faut consulter le court paragraphe concernant l'entrée en vigueur. Lorsqu'il est exigé de donner ce pouvoir discrétionnaire au gouvernement, nous devons être certains de vouloir procéder ainsi. Je m'assurerai, entre autres, que c'est bien ce que je veux, en prenant connaissance de cette disposition dans les projets de loi qui nous seront présentés après, je l'espère, que ce projet de loi sera adopté par le Sénat. Il faut prendre connaissance de la disposition type concernant l'entrée en vigueur et y ajouter quelques mots à la fin, après «La présente loi entrera en vigueur à la date fixée par le gouverneur en conseil». Nous devons ajouter que le projet de loi doit entrer en vigueur à une certaine date, au-delà de laquelle il serait automatiquement abrogé ou porté à l'attention du Parlement.

Nous devons régler ces questions de façon ponctuelle.

Lorsque nous accorderons un pouvoir discrétionnaire, aux termes de ce projet de loi qui, je l'espère, sera adopté, il ne pourra s'écouler plus de dix ans avant que nous n'en entendions de nouveau parler.

Je remercie encore une fois les honorables sénateurs de leur aimable contribution. C'est avec grand plaisir que je propose la deuxième lecture de ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Le sénateur Banks est intervenu et le Sénat a été avisé que son intervention mettrait fin au débat.

Le sénateur Cools : Le sénateur Banks peut répondre à des questions.

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je suis curieux. On a dit que le Parlement et que la volonté du Parlement étaient en quelque sorte bafoués. L'article 17 de la Loi constitutionnelle stipule ce qui suit : «Il y aura, pour le Canada, un parlement qui sera composé de la Reine, d'une chambre haute appelée le Sénat, et de la Chambre des Communes».

Le Parlement comprend la Couronne, c'est-à-dire la reine, nous et l'autre endroit. Lorsque le représentant de la reine donne la sanction royale à un projet de loi et que le projet de loi stipule que la loi entrera en vigueur à la date fixée par le gouverneur en conseil, soit la reine en conseil, je me demande comment on peut dire que le Parlement est bafoué, pour le temps que cela durerait, quand c'est la personne qui est à la tête du Parlement qui prend la décision.

Le sénateur Banks : Je remercie le sénateur de sa question. C'est une bonne question. « Bafouer » est un terme que je n'emploie jamais. J'utilise plutôt les expressions « faire fi », « ne pas tenir compte » et, parfois, « oublier ». Si, comme l'a dit madame le sénateur Cools, les gouvernements ont de temps à autre changé d'idée, je ne pense pas que les gouvernements peuvent changer d'idée sans que le Parlement change d'idée. Le Parlement ayant fait connaître sa volonté, je ne pense pas qu'il ait autorisé le gouvernement à changer d'idée à sa place.

Lorsque le Parlement accorde toute la latitude voulue au gouvernement pour déterminer quand une loi entre en vigueur, le défaut de donner force de loi à une mesure peut, par définition, constituer un outrage, étant donné que le droit a été accordé.

Ce projet de loi tente de contourner ce droit en disant « nonobstant le fait que le droit a été accordé », et c'est ici qu'intervient la distinction. Le droit a été accordé pour déterminer non pas que la loi devrait entrer en vigueur, mais quand elle entrera en vigueur. J'ai déterminé arbitrairement dans ce projet de loi qu'une période raisonnable serait 10 ans. Ce pourrait être 15, 20, voire cinq ans. Toutefois, on devrait limiter la période de temps pendant laquelle ce pouvoir est délégué par le Parlement au gouvernement et à tous ceux qui le suivront. Comme le sénateur Segal l'a dit, pour certains des textes législatifs visés par le présent projet de loi, on en est au sixième gouvernement depuis que le projet de loi a été présenté et adopté par le Parlement. La délégation de pouvoir devrait être limitée.

Son Honneur le Président : D'autres questions ou observations?

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LA LOI SUR L'EMPLOI DANS LA FONCTION PUBLIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination).—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Pierrette Ringuette : Pourrais-je savoir quand l'opposition prendra la parole sur ce projet de loi?

L'honorable A. Raynell Andreychuk : L'opposition?

Le sénateur Ringuette : Désolée, je voulais dire les leaders.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : En temps et lieu.

(Le débat est reporté.)

(1510)

[Français]

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À RECONNAÎTRE LE DROIT AUX SÉNATEURS DE S'EXPRIMER DANS LEUR LANGUE ANCESTRALE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Eymard G. Corbin, conformément à l'avis du 6 avril 2006, propose :

Que le Sénat reconnaisse le droit inaliénable des premiers habitants du territoire aujourd'hui appelé Canada d'utiliser et de communiquer à toute fins utiles dans leur langue ancestrale;

Que, pour faciliter l'expression de ce droit, le Sénat prenne les mesures administratives et mette en place les moyens techniques qui s'imposent pour permettre, dans l'immédiat, l'utilisation de leur langue ancestrale par les sénateurs qui le désirent.

— Les honorables sénateurs se souviendront que, dans le précédent Parlement, j'avais proposé une motion semblable qui visait directement l'utilisation de la langue inuktituk par deux de nos collègues pendant les débats du Sénat.

La motion avait reçu l'appui de tous les partis de cette Chambre. L'objet de la motion avait été renvoyé au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Le comité s'est penché sur le contenu de la motion pendant quelques séances pour ensuite former un sous-comité qui a étudié en détail la proposition.

Là encore, tous les membres du comité avaient exprimé leur appui à l'objet visé par la motion, mais certains avaient soulevé la question du coût envisagé pour offrir ce service. Un administrateur du Sénat a affirmé, devant le comité, que cette mesure coûterait un million de dollars au Sénat s'il décidait d'aller de l'avant.

Évidemment, on s'est rendu compte que cela coûterait peut-être un million de dollars pour transformer certains éléments de l'architecture de la chambre du Sénat. On sait d'ailleurs ce que peuvent coûter les travaux du gouvernement fédéral, mais il s'agissait d'un à-côté.

Quant au principe, il ne semble pas y avoir de difficultés majeures. Lors de sa dernière séance, le comité s'est rendu à la cabine des interprètes, qui se situe au quatrième étage de cet édifice. Les sénateurs ont été quelque peu surpris de la piètre qualité de la cabine. Il faut certainement admirer les interprètes qui doivent travailler dans de pareilles conditions.

Il paraît qu'à un moment dans le passé, on avait promis de meilleures facilités physiques pour que nos interprètes puissent effectuer un bon travail. Il appert, à la suite de cette visite, qu'il faudrait élargir les cabines ou, éventuellement, en construire de nouvelles. On a émis toutes sortes de possibilités.

A priori, il ne semble pas y avoir d'obstacles à ce qu'on fournisse l'interprétation en français et en anglais de la langue inuktituk pour deux de nos collègues dont c'est la langue maternelle. Cette langue existait avant la formation du Canada et ces gens occupaient un territoire avant la Conquête. Tous connaissent l'histoire, nul besoin de vous la rappeler.

Un principe important est en jeu ici. Nous nommons au Sénat des individus du Nord canadien, où prévaut la langue inuktituk. C'est la langue quotidienne, c'est la langue maternelle, on l'apprend aussi à l'école. En dépit du fait qu'il existe deux langues officielles au Canada, il me semble que nous devrions respecter ces individus au point de leur reconnaître le droit inaliénable de pouvoir s'exprimer dans leur langue maternelle.

C'est à l'institution de leur fournir l'interprétation. Ils ne devraient pas être obligés de se plier à des normes qui sont imposées. Leur langue existait avant nous, avant le français, l'anglais et toutes les autres langues et cultures qui se sont amenées au Canada au fil des siècles. Il ne s'agit pas d'un privilège, mais bien d'un droit naturel et il est temps que le Parlement du Canada reconnaisse ce droit.

En Europe, on a établi des règlements et on accorde des budgets pour préserver des langues régionales et ce, au-delà des langues nationales. Au Canada nous avons des trésors. Les anthropologues et les linguistes peuvent vous le dire. D'ailleurs, le français et l'anglais sont truffés de termes empruntés aux langues autochtones de ce pays.

J'ai été quelque peu perplexe devant la façon dont on a réglé la question des écoles d'endoctrinement des peuples autochtones. On a consacré plus d'un milliard de dollars pour compenser spécifiquement les élèves autochtones ayant subi de mauvais traitements dans ces écoles.

L'argent, c'est bien beau, sauf qu'on ne l'apporte pas avec nous après la mort dans l'éternité, si éternité il y a. L'argent ne règle pas tout. Si vous voulez réellement corriger les erreurs du passé, concentrez-vous sur des questions de droits fondamentaux. À mon avis, le droit de pouvoir s'exprimer dans sa langue maternelle prime sur bien d'autres considérations, y compris des considérations monétaires.

Si vous voulez faire amende honorable et élever un monument commémorant les erreurs du passé, reconnaissez aujourd'hui le droit à nos deux sénateurs de pouvoir s'exprimer dans leur langue maternelle. Voilà quelque chose qui demeure au-delà des dollars, au- delà des valeurs monétaires. Je ne décrie pas le règlement conclu entre le gouvernement, les institutions et les peuples autochtones, là n'est pas la question. Je parle de quelque chose de plus fondamental.

Je reviens à mon propos du début. Le Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a examiné la motion, mais n'a pas fait rapport au Sénat faute de temps, puisque des élections ont été déclenchées. Et nous voilà de nouveau aujourd'hui saisis de cette proposition.

Ce que je propose, c'est non pas que la question soit à nouveau renvoyée au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, mais que le Sénat adopte dès maintenant cette motion. Nous connaissons tous le problème. Je pense que nous sommes tous en mesure de constater que cela ne coûtera pas les yeux de la tête de mettre en place un service d'interprétation pour accommoder deux sénateurs en particulier. Je ne m'objecte pas au fait que d'autres sénateurs veuillent étendre l'utilisation de langues autochtones à tous les autres sénateurs qui le désirent.

[Traduction]

Ce n'est pas une question d'argent. C'est du respect de droits naturels fondamentaux qu'il s'agit. On peut parler de toutes sortes d'autres choses, mais il demeure néanmoins que, si l'on ne permet pas à nos collègues d'exprimer dans leur langue maternelle ce qu'ils pensent dans le fond de leur cœur et de leur âme, on les empêche de contribuer de la façon la plus efficiente possible au débat sur les mesures législatives, études et autres questions.

(1520)

Je n'ai rien à ajouter. Je demande au Sénat de prendre une décision et d'ordonner à l'administration du Sénat de faire le nécessaire pour que nous disposions des services d'interprétation qui permettraient aux sénateurs de s'exprimer dans leur langue autochtone.

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, le sénateur Corbin accepterait-il une question de ma part?

Le sénateur Corbin : Oui.

Le sénateur Watt : Premièrement, j'aimerais dire que je suis content que l'honorable sénateur soulève une nouvelle fois cette question. Une telle mesure nous aiderait beaucoup, le sénateur Adams et moi. Toutefois, il reste un problème à résoudre, et nous en avons parlé au sein d'un comité. Il faut déterminer ce que nous allons faire à propos des autres langues. Si j'en parle, c'est qu'on pourrait faire obstacle à notre démarche en nous obligeant à offrir les mêmes services dans les langues des autres peuples. Néanmoins, ces peuples ne sont pas représentés ici. Je ne suis pas certain que le sénateur Sibbeston ou le sénateur Gill parlent encore leur langue maternelle. S'ils ne la parlent plus, il n'y a rien de mal à cela. Cependant, il faut reconnaître qu'un certain nombre de peuples autochtones ont perdu leur langue au fil des années.

L'inuktitut, lui, se porte très bien sur la scène internationale. J'aimerais que les honorables sénateurs sachent que l'inuktitut est parlé à plusieurs endroits dans le monde. Les dialectes varient de la Sibérie à l'Alaska, en passant par le Canada, mais il s'agit de la même langue. Nous sommes capables de communiquer entre nous, et je ne crois pas que notre langue soit sur le point de s'éteindre. Notre peuple est très déterminé à préserver sa langue.

L'inuktitut est employé comme langue d'enseignement. C'est une pratique qui a cours depuis que nous avons signé, avec les gouvernements du Canada et du Québec, la Convention de la baie James et du Nord québécois, qui est bien connue. Depuis ce temps, nous sommes parvenus à prendre en charge notre système d'éducation. La langue d'enseignement est l'inuktitut, qui a donc continué à se transmettre.

La situation est la même au Nunavut. Nombre d'habitants du Nord seraient reconnaissants si, un jour — et j'ai entendu un honorable sénateur dire l'autre jour qu'il y aurait bientôt des caméras au Sénat —, ils pouvaient suivre nos travaux. Présentement, il y a bel et bien des télévisions dans le Nord du pays aussi. Les gens ne vivent plus dans des igloos, mais dans des maisons.

L'honorable sénateur pourrait-il répondre à ma question concernant les besoins des autres? Je comprends aujourd'hui que deux personnes seulement ont vraiment besoin d'aide pour le moment.

Le sénateur Corbin : Je remercie le sénateur Watt de sa question. On a approché d'autres sénateurs pour leur demander si, de temps à autre, ils souhaiteraient prendre la parole dans ce que nous conviendrons d'appeler leur langue maternelle. La plupart d'entre eux ont fait savoir qu'ils aimeraient parfois le faire. Je ne crois pas qu'ils aient répondu qu'ils allaient le faire en tout temps, ou qu'ils se sentaient obligés de le faire la plupart du temps.

J'estime que nous ne devrions pas envisager cet aspect pour le moment. L'histoire nous enseigne que le temps fait évoluer les mentalités, pour une raison ou pour une autre. Les gens acquièrent une plus grande ouverture, aussi bien de l'esprit que du cœur. Nous nous efforçons d'être conciliants parce que nous souhaitons la bonne entente, entre nations notamment, en l'occurrence.

Je répondrai à l'honorable sénateur en précisant que je ne puis parler au nom de nos autres collègues. Cependant, la plupart d'entre eux ont pris la parole au cours du débat et ont signifié leur appui. Certains l'ont fait également au comité. On pourra constater en prenant connaissance du compte rendu des délibérations du comité que tous ont été approchés et que leurs réponses ont été diverses.

L'idée qui m'a motivé au premier chef a été celle de permettre au sénateur Watt et à son collègue de bénéficier de ce service étant donné que, parmi tous les sénateurs que l'on pourrait qualifier d'Autochtones, vous êtes ceux qui ont la plus grande facilité dans leur langue maternelle. À tel point même qu'il arrive que les mots en anglais ne vous viennent pas. Vous n'arrivez pas à traduire vos pensées. Vous éprouvez de graves difficultés. Nous avons vu des situations où le sénateur Adams lisait ou parlait en inuktitut pendant que vous, sénateur Watt, vous vous teniez à ses côtés en lisant la version anglaise. Je vous estimais serviable de le faire, mais il m'apparaissait désobligeant que la chose soit nécessaire ici, dans la Chambre haute du Parlement du Canada. Si nous fournissons des services de traduction pour l'anglais et le français, nous devrions également le faire pour les langues autochtones à l'intention des sénateurs qui souhaitent bénéficier de tels services.

Ma motion n'est pas restrictive. Je suppose qu'elle peut être élargie, officiellement ou officieusement. Il s'agit essentiellement d'une question de bonne volonté. J'espère que le Sénat étudiera la proposition pour ce qu'elle vaut et permettra qu'elle se concrétise très prochainement.

Son Honneur le Président : Le temps alloué au sénateur Corbin est écoulé. Si nous voulons poursuivre le débat, ou s'il y a d'autres questions...

Le sénateur Corbin : Encore cinq minutes, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le sénateur Corbin demande une prolongation de cinq minutes. La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Le sénateur Smith souhaite poser une question.

L'honorable David P. Smith : J'allais donner un bref aperçu des résultats des travaux de ce comité.

Son Honneur le Président : Il est actuellement question de la prolongation du temps de parole du sénateur Corbin. S'il n'y a pas d'autre question ou observation...

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'ai une question à propos de l'égalité au sens de la Charte. Je ne crois pas que nous puissions déclarer unilatéralement que deux de nos collègues souhaitent faire valoir leurs droits sans nous assurer que toute autre personne au Sénat qui veut l'accès égal à sa langue maternelle jouisse du même droit. J'aimerais que vous teniez compte de cela, car je ne crois pas que nous puissions appuyer adéquatement les sénateurs qui parlent leur langue maternelle sans savoir pertinemment que d'autres sénateurs pourraient avoir les mêmes droits. Nous devrions être saisis de l'ensemble de la question afin de saisir parfaitement l'ampleur de la solution.

Le sénateur Corbin : Je remercie le sénateur Grafstein. Je ne suis ni juriste ni constitutionnaliste. Je suis une personne pragmatique, pratique. Tout ce que je vois, c'est un besoin actuel. J'aimerais trouver des solutions pour combler ce besoin.

(1530)

Ma motion ne s'applique pas aux langues dites européennes. Elle porte seulement sur les langues canadiennes ou nord-américaines, les langues autochtones, si je puis dire. En ce qui a trait à l'égalité, j'ai dit que je n'avais aucune objection — et je crois que les membres du comité sont plutôt de cet avis — à ce que les services d'interprétation couvrent d'autres langues autochtones du Canada. Ainsi, le critère d'égalité serait entièrement respecté, à mon avis, si le Sénat choisissait de procéder de cette façon.

Le sénateur Smith : Honorables sénateurs, il vous serait peut-être utile d'avoir un bref compte rendu de ce qui s'est passé. Lorsque cette question a été renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, on a formé un petit comité composé du sénateur Di Nino, l'actuel président du Comité du Règlement, du sénateur Joyal et de moi-même. Notre première tâche a été d'essayer de comprendre dans quelle mesure les sénateurs voulaient utiliser ce service. Au départ, on croyait que cela pourrait se faire de façon assez économique lorsque, par exemple, un membre d'un comité choisissait de s'exprimer dans une langue autochtone. Il a également été convenu que toutes les langues autochtones jouiraient du même statut lorsqu'il y aurait une demande en ce sens. Ce service serait-il offert durant toutes les séances du Sénat? Serait-il offert aux comités également? Serait-il réservé uniquement à des occasions spéciales où un sénateur donnerait avis de son intention de prononcer un discours dans une langue autochtone? On pourrait alors prendre les mesures nécessaires en prévision de cette occasion.

Certains sénateurs connaissent peut-être la situation à Yellowknife où il y a sept ou huit interprètes. Les services coûtaient cher et ils ont été réduits, mais je n'en sais pas plus, je ne suis pas à jour dans ce dossier. Le Comité du Règlement espérait se pencher sur cette expérience. Nous avons sondé les sénateurs autochtones et plusieurs d'entre eux, sans compter mes deux collègues, ont dit qu'ils aimeraient pouvoir utiliser leur langue autochtone dans certaines occasions. Ils n'ont rien trouvé à redire à l'idée de donner au Sénat un préavis raisonnable pour l'embauche d'interprètes pour ces occasions plutôt que d'avoir un service d'interprétation à temps plein lorsque le Sénat siège.

Nous avons essayé d'estimer ce qu'il en coûterait pour que tous les comités aient accès à un service permanent d'interprétation faisant appel à des interprètes syndiqués. Ces coûts seraient élevés. On a donc renvoyé la question à un comité de manière à ce qu'il puisse faire des estimations plus précises et définir le plus clairement possible une formule qui serait raisonnable, pratique, respectueuse et équitable. Toutefois, les élections ont été déclenchées et le Parlement a été dissous avant que nous n'obtenions de réponses définitives dans ce dossier.

La nouvelle législature a débuté et le Comité du Règlement a repris ses travaux. Entre-temps, le sénateur Corbin a inscrit cette motion au Feuilleton, si bien que le Comité du Règlement n'a pas relancé la question. Au comité, nous attendions de voir ce que le Sénat ferait dans ce dossier. Bien sûr, on est parvenu à un consensus : quelle que soit la décision prise, on devait offrir les mêmes services à tout sénateur souhaitant utiliser une langue autochtone quelle qu'elle soit. Il a toutefois été nécessaire de circonscrire les besoins et d'estimer les coûts, de façon aussi raisonnable que possible, avant de pouvoir aller de l'avant.

L'honorable Willie Adams : J'aimerais ajouter aux propos du sénateur Smith. Le sénateur Watt et moi-même n'avons jamais invité de témoins autochtones à comparaître devant le Comité du Règlement. Je m'y connais en installation électrique, car j'étais électricien, mais je ne connais pas les détails du câblage au Sénat. Je suppose que l'interprète pourrait utiliser une cabine d'interprétation, bien que le fait de rendre cette cabine utilisable par un autre interprète entraîne des coûts.

Dans le cas où l'on opterait pour un poste permanent, je ne sais pas quel serait le salaire assorti à ce poste, mais il serait assurément comparable à celui d'autres interprètes à Ottawa. Je ne sais pas s'il y a sept ou huit interprètes autochtones à Yellowknife à l'heure actuelle, car plusieurs d'entre eux sont partis après la division du territoire et la création du Nunavut.

Une personne embauchée par le Sénat à titre d'interprète ferait partie de l'effectif comme les interprètes actuels. Nous avons de nombreux témoins du Nunavut qui comparaissent devant des comités sénatoriaux, comme le Comité des pêches et des océans, à Ottawa, et nous avons besoin d'interprètes. Les personnes embauchées pour effectuer cette tâche pourraient travailler au sein des comités et de notre assemblée. Je ne sais pas combien cela coûterait en ressources matérielles et humaines, mais cela n'irait pas jusqu'à 1 million de dollars. Cela dépendrait en grande partie du type d'équipement à installer et de l'ampleur des rénovations. Nous n'avons pas de difficulté à installer des interprètes dans la salle du Comité des peuples autochtones, la pièce 160-S. Je ne crois pas que le coût serait exorbitant.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Pour revenir à ce que disait le sénateur Adams, lorsque le Comité sénatorial des pêches a fait une étude du Nord, les interprètes traduisaient de l'anglais au français, puis en inuktitut — une interprétation en trois langues. Si le comité examine ces questions, il trouvera peut-être utile de se reporter à l'expérience du Comité des pêches.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

BANQUES ET COMMERCE

AUTORISATION AU COMITÉ DE REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL SUR L'ÉTUDE DES CHANGEMENTS DÉMOGRAPHIQUES

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, conformément à l'avis du 30 mai 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce autorisé par le Sénat le 2 mai 2006 à étudier, pour en faire rapport, les changements démographiques qui se produiront au Canada d'ici une vingtaine d'années, conserve jusqu'au 31 juillet 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.

— Honorables sénateurs, il s'agit d'une très simple demande de supplément budgétaire pour que le comité puisse poursuivre son travail jusqu'au 31 juillet. Les sénateurs se souviendront que le comité a tenu ses audiences durant la session précédente du Parlement, qui a été dissous. Le comité devait étudier le rapport sur les changements démographiques aujourd'hui et demain, dans l'espoir qu'il soit terminé à temps. Toutefois, il semble que le temps alloué ne suffira pas. Le comité ne pourra vraisemblablement pas terminer son étude et publier son rapport dans les deux langues officielles avant la fin de juillet. Nous avons besoin d'un supplément budgétaire pour continuer notre travail jusqu'au 31 juillet. Ce n'est pas une nouvelle demande de fonds, mais plutôt une prolongation jusqu'au 31 juillet du budget déjà accordé.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je trouve l'explication du sénateur Grafstein tout à fait raisonnable. Je ne m'oppose donc pas à la motion. Cependant, ayant lu celle-ci, je ne suis pas convaincue que c'est ce qu'elle dit. La motion renferme une demande de maintien des pouvoirs nécessaires à la publication des conclusions du comité. Je crois comprendre que le sénateur demande une prolongation pour permettre au comité de présenter et de publier son rapport. Est-ce exact?

(1540)

Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, nous comptons terminer le rapport d'ici une semaine ou dix jours. Vous vous rappelez certainement que les sénateurs qui président un comité ont la responsabilité de diffuser les rapports. Une fois le rapport terminé, il nous faudra un certain temps pour le faire diffuser largement. Au cours des prochains jours, nous espérons présenter une très importante étude sur la protection des consommateurs. Nous ne voulons pas que les deux études soient rendues publiques immédiatement l'une après l'autre parce que nous estimons que cela nuirait à leur diffusion. Par conséquent, nous souhaitons qu'il y ait un écart entre la publication des deux études pour que nous puissions diffuser chacune d'elles adéquatement, d'un océan à l'autre.

Le sénateur Fraser : J'aimerais avoir une précision. Le comité envisage-t-il de présenter son rapport dans le délai prévu et vise-t-il simplement un but de diffusion?

Le sénateur Grafstein : Exactement.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Français]

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'ENTENTE SUR LE BOIS D'ŒUVRE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierrette Ringuette, conformément à l'avis du 30 mai 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique à propos du bois d'œuvre;

Que le Comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA, et les mesures incluses dans l'entente en ce qui à trait au soutien financier offert à l'industrie et ses travailleurs.

AVIS DE MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Pierrette Ringuette: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et conformément à l'article 30 du Règlement, je propose que la motion soit modifiée pour se lire comme suit:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique à propos du bois d'œuvre;

Que le Comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA, et les mesures incluses dans l'entente en ce qui a trait au soutien financier offert à l'industrie et ses travailleurs;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 2 octobre 2006.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est- elle accordée ?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: La permission n'est pas accordée, honorables sénateurs.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui l'honneur d'ouvrir le débat sur cette motion qui vise à ce que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce étudie et fasse rapport sur l'entente du bois d'œuvre entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique.

Je souhaite que le comité analyse, entre autres, l'impact sur la souveraineté du Canada dans la gestion de ses ressources, l'impact quant à l'interprétation des chapitres 11 et 19 de l'ALENA et les mesures incluses dans l'entente en ce qui a trait au soutien financier offert à l'industrie et à ses travailleurs.

[Traduction]

Comme vous le savez, selon un article paru dans le Winnipeg Free Press le samedi 13 mai au sujet d'une entrevue accordée aux médias à Vancouver, le ministre Emerson aurait dit :

Les gouvernements provinciaux devront soumettre à Washington tout changement en matière de politique forestière aux termes du nouvel accord sur le bois d'œuvre résineux...

Ce sont les propos du ministre du Commerce international, David Emerson, en sa qualité de membre du gouvernement conservateur. Il n'est sûrement pas conforme aux dispositions de la Constitution canadienne en matière de compétence provinciale de céder la souveraineté provinciale à Washington. Cet accord n'est pas une solution pour le Canada. C'est une capitulation face aux États-Unis.

Pourquoi le ministre conservateur du Commerce international, David Emerson, qui détenait le même portefeuille sous l'ancien gouvernement libéral, avait-il recommandé aux libéraux de rejeter ce type d'accord parce que ce n'était pas assez bon pour le Canada? Pourquoi est-ce maintenant assez bon?

Honorables sénateurs, si nous pouvions examiner ce projet d'accord sur le bois d'œuvre résineux, nous pourrions voir pourquoi le gouvernement Harper est prêt à renoncer à notre souveraineté provinciale et nationale en ce qui concerne la gestion de nos ressources naturelles. Même l'industrie forestière canadienne a dit que la disposition anti-contournement de l'accord donnerait au gouvernement américain un droit de veto sur tout changement aux politiques forestières provinciales, ce qui empiéterait sur la souveraineté du Canada.

Il n'a pas fallu longtemps au premier ministre pour abandonner l'industrie canadienne dans l'espoir de marquer des points sur le plan politique avec les Américains. Les conservateurs trouvaient les conditions de cet accord inacceptables lorsqu'ils étaient dans l'opposition. Pourquoi sont-elles acceptables maintenant? Le mieux que les conservateurs ont pu faire, c'est d'accepter un accord que le gouvernement libéral a rejeté. Le gouvernement conservateur a plié l'échine devant le gouvernement américain en acceptant un accord sur le bois d'œuvre résineux qui permettra aux Américains de conserver plus de 1 milliard de dollars des droits qu'ils ont perçus illégalement aux dépens de l'industrie canadienne. La moitié de cette somme ira à la coalition américaine du bois d'œuvre résineux et l'aidera à affronter notre propre industrie du bois d'œuvre et nos avocats.

Voici une citation intéressante de M. Harper lui-même à l'occasion du caucus national du Parti conservateur tenu à Halifax, le 7 septembre 2005. M. Harper a déclaré :

Il n'est pas question que le Canada retourne à une table de négociation classique, comme le propose l'ambassadeur américain.

On ne négocie pas ce qu'on a déjà gagné.

Il s'agit maintenant de respecter l'accord.

L'objectif du premier ministre devrait être de faire respecter pleinement les jugements.

C'est ce qu'a dit Stephen Harper, lorsqu'il était chef de l'opposition, bien sûr, mais cela ne fait pas si longtemps. C'était en septembre dernier. Lorsque les conservateurs formaient l'opposition officielle, ils insistaient pour que les États-Unis respectent les jugements rendus en faveur du Canada dans le cadre de l'ALENA et que le Canada n'accepte rien de moins que leur respect complet. Ils voulaient même que nous refusions de continuer à négocier. Pourtant, le premier ministre Harper n'a pas résisté longtemps avant de céder à ses copains républicains. Le gouvernement conservateur doit bien cela aux Canadiens — de respecter entièrement sa promesse de préserver le libre-échange et d'obtenir un remboursement de 100 p. 100.

M. Harper ne voulait pas qu'on négocie. Pourquoi alors a-t-il accepté non seulement de négocier, mais aussi de céder la souveraineté du Canada et une somme supérieure à un milliard de dollars, que les Américains ont perçue aux dépens de notre industrie forestière? À cause de la capitulation du gouvernement sur la question du bois d'œuvre, nous devons maintenant faire approuver notre politique forestière par Washington. Cette soi-disant entente montre clairement que la force du gouvernement n'est pas de négocier, mais de capituler.

En pliant l'échine, le premier ministre Harper a anéanti les années d'efforts que le gouvernement libéral et l'industrie forestière avaient déployés pour que le Canada puisse conclure la meilleure entente possible et que notre industrie du bois d'œuvre soit protégée. En nous pliant à la volonté de l'industrie forestière américaine, nous lui permettons d'accroître ses activités de recherche et de développement et de concevoir des stratégies de commercialisation, ce qui se traduira par une concurrence encore plus féroce sur le marché mondial.

Le 15 mai, à la suite de la conclusion de l'entente sur le bois d'œuvre, qui n'était pas encore signée, notre industrie forestière n'a eu d'autre choix que d'intenter une poursuite contre le gouvernement conservateur — contre son propre gouvernement — parce que ce dernier lui a tourné le dos en acceptant l'approche protectionniste des Américains dans le dossier du bois d'œuvre.

(1550)

Les représentants de l'industrie forestière canadienne disent que le gouvernement conservateur et le gouvernement américain ont conspiré contre l'industrie privée du Canada. Si nous n'avions pas mis fin au litige, nous aurions recouvré, tôt ou tard, tout l'argent que les Américains ont soutiré à notre industrie. Nous étions sur le point d'avoir gain de cause encore une fois. Malheureusement, cette entente vise à éliminer toutes les victoires du Canada, passées et à venir. Elle n'est rien de plus qu'une entente politique, sans être une entente commerciale fiable. Selon certaines estimations, jusqu'à 20 p. 100 de nos scieries et de nos emplois disparaîtront à cause de cette entente.

Comme l'a dit Jamie Lim, de l'Association de l'industrie forestière de l'Ontario, nous nous attendons à souffrir considérablement des conditions actuelles de l'entente. En outre, il sera impossible de s'en sortir. Les réformes stratégiques sont soumises au jugement et au veto des États-Unis, et l'entente ne renferme aucune disposition de résiliation.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas nous contenter d'un gain à court terme pour souffrir à long terme. Le gouvernement conservateur veut accélérer le processus et signer cette entente d'ici le 15 juin. Cependant, il est dangereux d'agir rapidement, car nous risquons de manquer notre coup. Si nous manquons notre coup, cette entente finira par être pire pour notre industrie forestière. Les Américains veulent en accélérer la signature, car une entente déficiente sera avantageuse pour eux et extrêmement désavantageuse pour l'industrie forestière canadienne.

Nous devons être conscients que nous n'avons qu'une chance de parvenir à une bonne entente et, si nous essayons d'agir trop rapidement et que, en définitive, il ne s'agit pas d'une entente commerciale fiable, les Canadiens en paieront le prix et en subiront les conséquences.

Les représentants de l'industrie ont dit que l'entente proposée au sujet du bois d'œuvre est pire et qu'elle les fera souffrir davantage que maintenant. M. Carl Grenier, vice-président exécutif du Free Trade Lumber Council, a déclaré que l'objectif fondamental des États-Unis est d'effacer les quatre dernières années de litige, d'éliminer toutes les victoires juridiques du Canada et de les remplacer par les mêmes vieux arguments juridiques que l'industrie américaine fait valoir depuis 25 ans. Ils veulent être prêts pour une autre guerre commerciale dans ce dossier dès que l'entente actuelle échouera ou expirera, et ils veulent éliminer tout avantage que le Canada a pu avoir retiré en se défendant depuis quatre ans.

Le gouvernement conservateur a investi 1 milliard de dollars dans l'industrie forestière américaine. Celle-ci peut maintenant financer ses activités de recherche et de développement grâce à l'argent de nos entreprises canadiennes. L'industrie forestière canadienne a donc perdu 1 milliard de dollars, mais, en plus, les conservateurs ont décidé de supprimer du budget le train de mesures budgétaires d'une valeur de près de 1,5 milliard de dollars qui avaient pour but d'aider l'industrie forestière canadienne à préserver son dynamisme et son caractère durable.

En novembre 2005, le gouvernement libéral a carrément rejeté cette même offre de règlement, car elle ne correspondait pas aux meilleurs intérêts du Canada. Ce prétendu accord implique que de l'argent canadien, 1 milliard de dollars, sera utilisé contre nous, pour imposer des limites injustes à notre industrie canadienne du bois d'œuvre. En acceptant ce marché boiteux, le premier ministre a trahi l'industrie forestière canadienne, et il a cédé aux États-Unis sans pour autant résoudre le problème du bois d'œuvre pour le Canada.

Comme dans toutes les ententes, il faut se méfier des détails. Nous avons fermement l'impression qu'il y a encore plus de ces détails pervers dans cet accord que le premier ministre ne veut bien l'admettre. Cet accord n'a rien à voir avec le libre-échange. Nous sommes maintenant à la merci des États-Unis. Une telle capitulation est décevante. Malgré ma position sur la question, cette motion ne donne pas lieu à un débat sur l'accord lui-même, mais sur la possibilité que cette assemblée puisse analyser les détails de ce qu'a convenu le gouvernement au nom de tous les Canadiens.

Bien des membres du Parti conservateur partagent le point de vue que les négociations doivent se poursuivre rondement avec nos homologues américains pour mettre au point les détails de l'Accord sur le bois d'œuvre. Bien des ministériels croient que nous devons faire aveuglément confiance à l'exécutif et accepter toute entente finale à laquelle pourrait aboutir l'entente provisoire déjà proposée. Je crois qu'il faut faire preuve de transparence — nous nous rappelons ce mot, « transparence » — et au moins examiner cette entente.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Ringuette : Il semble que j'aie touché un point sensible avec le mot transparence. C'est amusant.

Je crois qu'il est essentiel de faire preuve de « transparence » et qu'au moins le Sénat examine cette entente et les conséquences qu'elle aura pour notre industrie et ses travailleurs.

Les Canadiens veulent une bonne gouvernance. Ils veulent connaître le contenu et les conséquences des ententes que le gouvernement signe en leur nom. Ils veulent plus d'ouverture et de transparence, et ils veulent pouvoir tenir le Parlement, leur gouvernement et les fonctionnaires responsables des résultats. À cette fin, il faut que les parlementaires examinent et analysent les enjeux. La Chambre des communes est déjà à l'écoute des intéressés. Pourtant, en raison de l'attitude du leader du gouvernement au Sénat, notre assemblée n'a encore rien fait.

J'ai demandé six fois au leader du gouvernement au Sénat de déposer l'entente proposée sur le bois d'œuvre et de la renvoyer au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour étude approfondie, mais cela n'a servi à rien.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Ringuette : C'est pourquoi je propose maintenant que cette entente soit renvoyée aujourd'hui au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, dans un esprit d'ouverture, de transparence, de responsabilité et d'équité, je veux aussi déposer, pour que vous puissiez tous les lire...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Ringuette : Puis-je, honorables sénateurs? Je suis désolée de vous déranger, mais je veux poursuivre. Merci.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Ringuette : Taisez-vous, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Je regrette d'informer madame le sénateur Ringuette que son temps de parole est écoulé.

Des voix : À l'ordre, à l'ordre!

Le sénateur Ringuette : J'en ai encore pour une minute, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Madame le sénateur Ringuette me dit qu'elle aimerait avoir une minute supplémentaire. J'ai aussi une demande de dépôt de documents. Je vais donc traiter d'abord cette demande.

Le sénateur Ringuette : C'est amusant. Honorables sénateurs, pour ceux que cela intéresse, en plus de présenter ma motion, je veux déposer des documents que j'ai reçus dans une enveloppe brune.

(1600)

Je pense que ces enveloppes contiennent les ébauches en français et en anglais de l'entente proposée sur le bois d'œuvre. Vint-cinq pages en tout.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : La permission n'est pas accordée.

Le sénateur Fraser : Lisez-les.

Le sénateur Ringuette : Il me reste environ quatre minutes? D'accord. Le document dit :

ENTENTE SUR LE BOIS D'OEUVREENTRE LE GOUVERNEMENT DU CANADA ET LE GOUVERNEMENT DES ÉTATS-UNIS

Le gouvernement du Canada (« Canada ») et le gouvernement des États-Unis d'Amérique (« États-Unis »)

CONVIENNENT DE CE QUI SUIT :

ARTICLE I OBJECTIFS

Les objectifs de la présente entente sont :

1. régler tout litige en instance et prévenir de tout conflit découlant de l'échange de produits du bois d'œuvre entre le Canada et les États-Unis;

2. faciliter et encourager des échanges commerciaux mutuels et favorables en matière de bois d'œuvre;

3. stimuler la concurrence sur le marché nord-américain du bois d'œuvre, l'expansion des marchés actuels et le développement de nouveaux marchés du bois d'œuvre (et participer à des initiatives méritoires).

ARTICLE II CHAMP D'APPLICATION

1. La présente entente s'applique aux échanges commerciaux de tous les produits du bois d'œuvre qui figurent à l'annexe I.

2. Aucun autre produit du bois d'œuvre ne sera ajouté au champ d'application de l'entente...

— ce qui veut dire que nous ne pouvons ajouter les produits à valeur ajoutée; il faut lire entre les lignes —

sans l'accord de toutes les parties, et ce, même si les États- Unis adoptent une mesure de reclassification tarifaire ou autre.

ARTICLE III ABROGATION DES ORDONNANCES D'IMPOSITION DE DROITS ANTIDUMPING ET COMPENSATEURS

ARTICLE IV REMBOURSEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES AU TITRE DES ROITS ANTIDUMPING ET COMPENSATEURS

ARTICLE V REMBOURSEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES SANS PRÉJUDICE

ARTICLE VI ENGAGEMENTS DES ÉTATS-UNIS RELATIFS AUX ENQUÊTES SUR LES RECOURS COMMERCIAUX, AUX POURSUITES ET À TOUT AUTRE LITIGE

ARTICLE VII EXPORTATIONS CANADIENNES

Honorables sénateurs, je crois que celui-ci mérite que l'on s'y arrête.

1. Dès que les États-Unis auront révoqué les ordonnances d'imposition de droits compensateurs et antidumping et annulé les mesures administratives spéciales et expéditives modifiées ainsi que les nouvelles règles d'examen des expéditeurs, conformément à l'article III, les mesures d'exportation suivantes s'appliqueront : 1) une taxe à l'exportation; 2) une taxe à l'exportation assortie d'une limitation du volume; 3) un mécanisme d'imposition d'une surtaxe; 4) le déclenchement de la protection contre les pays tiers.

Cela me paraît plutôt à sens unique. Je continue :

ARTICLE VIII TAXE À L'EXPORTATION ET TAXE À L'EXPORTATION ASSORTIE D'UNE LIMITATION DU VOLUME [...]

Cela signifie des quotas, n'est-ce pas? Puis, à l'article IX, on lit :

AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS CANADIENNES [...]

ARTICLE X AUGMENTATION SUBITE DES EXPORTATIONS D'UN PAYS TIERS [...]

ARTICLE XI EXCLUSIONS DES MESURES D'EXPORTATION [...]

ARTICLE XII FIN DES LITIGES [...]

ARTICLE XIII DISPOSITIONS GÉNÉRALES [...]

ARTICLE XIV CHANGEMENTS DE FOND [...] RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS [...]

J'ignore pourquoi ils ont mis cela dans l'accord puisqu'ils ne croient pas à ces mécanismes.

Le texte continue...

Son Honneur le Président : À l'ordre! La prolongation de cinq minutes est écoulée.

Sénateur Comeau?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'espérais que madame le sénateur parlerait des comptes de dépenses du conseil d'administration d'André Ouellet qu'elle signait, mais elle n'en a pas parlé.

Cela étant dit, je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Ringuette : J'invoque le Règlement, Votre Honneur.

L'honorable Lorna Milne : Je veux intervenir dans le débat sur la motion...

Son Honneur le Président : Une motion a été présentée. Il est proposé par l'honorable sénateur Comeau, appuyé par l'honorable sénateur Oliver, que le débat soit ajourné jusqu'à la prochaine séance du Sénat.

Le sénateur Milne : Normalement, Votre Honneur, lorsqu'il y a un rappel au Règlement...

Son Honneur le Président : Nous sommes actuellement saisis de cette question. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

(Sur la motion de sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je dois maintenant saisir le Sénat d'un ordre prévoyant que, comme il est 16 heures, et conformément à l'ordre adopté au Sénat le 6 avril 2005, je déclare que le Sénat s'ajourne au jeudi 1er juin 2006, à 13 h 30.

L'honorable Fernand Robichaud : Votre Honneur, quatre personnes s'étaient levées pour le vote sur la motion d'ajournement.

Le sénateur Ringuette : Votre Honneur...

Le sénateur Milne : J'invoque le Règlement.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 1er juin 2006, à 13 h 30.)


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