Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 39e Législature,
Volume 144, Numéro 20
Le mercredi 5 décembre 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 5 décembre 2007
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La sécurité nationale et la défense
L'article de l'Ottawa Citizen sur les dépenses des gouvernements pour la défense nationale
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, hier, la une de l'Ottawa Citizen faisait état d'une analyse réalisée par la Direction de la recherche parlementaire. Il s'agirait d'une analyse portant sur les dépenses se rapportant à la défense nationale effectuées par les premiers ministres qui se sont succédé depuis les années 1970. Je n'ai pas vu cette analyse et, lorsque je me suis renseigné auprès de mes collègues du Parti conservateur qui siègent au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, aucun ne l'a vue non plus.
Or, on peut lire dans l'article que « l'analyse a été effectuée par le Comité sénatorial de la défense nationale ». Ce passage comporte deux erreurs flagrantes et fort trompeuses qu'il faut corriger. L'analyse en question n'est pas une analyse, mais simplement une série de chiffres. La Direction de la recherche parlementaire n'a pas analysé ces chiffres. J'en suis certain.
Par ailleurs, cette soi-disant analyse n'a pas été effectuée par le comité sénatorial, mais elle a été demandée par l'un de ses membres. J'en suis également certain. Le seul mystère qui subsiste, c'est l'identité du sénateur en question. Toutefois, je suis sûr que le président du comité pourra nous éclairer à ce sujet, puisque l'article rapporte les conclusions qu'il a tirées des chiffres qu'on essaie de faire passer pour une analyse.
Citant le sénateur Kenny, le journaliste de l'Ottawa Citizen a écrit ceci :
Aux dires du sénateur libéral Colin Kenny, les chiffres montrent que le gouvernement Harper doit commencer à accroître ses dépenses militaires.
Selon l'article, le sénateur Kenny aurait ajouté :
Ils font de beaux discours, mais lorsque vient le temps d'agir, ils ne sont pas au rendez-vous [...] Ils sont d'ailleurs loin derrière le gouvernement soi-disant de gauche de Trudeau. M. Harper a beaucoup de chemin à faire pour le rattraper.
Rien dans cet article n'indique que le sénateur Kenny a précisé que cet ensemble de chiffres, desquels il tirait une conclusion plutôt générale, avait été préparé à la demande d'un sénateur en particulier et non à la demande du comité. Le sénateur n'a pas précisé non plus que l'analyse de ces chiffres n'avait pas été faite par la Bibliothèque du Parlement.
Par ailleurs, les remarques du sénateur Kenny et sa contribution à cet article renforcent l'impression que la soi-disant analyse avait été faite pour le comité et, pis encore, que le sénateur y présentait le point de vue du comité sur cette analyse. Il n'y a rien de plus faux, d'autant plus que nous, les autres membres du comité, n'avons pas vu le document en question.
(1335)
Honorables sénateurs, le président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, en raison de la déclaration sur la soi-disant analyse qu'il a faite à un journal local, a le devoir de corriger les erreurs véhiculées dans cet article devant le Sénat, devant ses collègues du comité et publiquement, par l'intermédiaire du journal en question.
Pour éviter tout malentendu, voici les erreurs qu'il faut corriger : il n'y a pas d'analyse, mais seulement un ensemble de chiffres; l'ensemble de chiffres n'a pas été demandé par le comité, mais par un sénateur siégeant à ce comité; et le président du comité, à moins qu'il ne le précise explicitement, ne peut pas s'exprimer sur cette question ou sur toute autre question au nom du comité.
Le déficit infrastructurel dans les municipalités
L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'aimerais parler aujourd'hui d'un problème qui va en s'aggravant, au Canada, un problème qui, à défaut d'être réglé, nous rendra dans l'impossibilité de soutenir la concurrence dans l'économie mondiale.
Je parle du déficit infrastructurel croissant observé dans les municipalités canadiennes.
Selon un récent rapport publié par la Fédération canadienne des municipalités, le déficit se chiffre à plus de 123 milliards de dollars. Honorables sénateurs, ce déficit a des répercussions sur les Canadiens de toutes les villes et de toutes les collectivités du pays. Il se reflète dans les routes que nous empruntons, les canalisations qui amènent l'eau jusqu'à nos maisons, les services de transport en commun que nous utilisons et les endroits où jouent nos enfants.
À l'heure actuelle, on estime que 28 p. cent de l'infrastructure canadienne a plus de 80 ans et, chose étonnante, elle a déjà épuisé 79 p. 100 de sa durée utile prévue.
Ce déficit de 123 milliards de dollars peut se détailler comme ceci : systèmes d'aqueduc et d'égout, 31 milliards de dollars; transports, 21,7 milliards de dollars; gestion des déchets, 7,7 milliards de dollars; et infrastructure communautaire, récréative, culturelle et sociale, 40,2 milliards de dollars. Par surcroît, ce chiffre ne comprend même pas les nouveaux investissements en infrastructure qui s'imposent.
Honorables sénateurs, la réaction du gouvernement Harper est encore plus inquiétante que les chiffres précités. Au lieu de dire qu'il veut aider, le ministre fédéral des Finances a qualifié les maires et les politiciens locaux de plaignards.
Honorables sénateurs, un pareil manque de leadership ne contribue en rien à solutionner les problèmes auxquels se heurtent les villes et les collectivités. Compte tenu des excédents budgétaires records enregistrés au niveau fédéral, il est temps que le gouvernement investisse dans les villes et les collectivités canadiennes et leur donne un coup de main.
Il y a peut-être des problèmes au niveau local, mais la responsabilité n'en revient pas aux seules villes et aux collectivités. Ce sont des problèmes dont tous les Canadiens sont responsables et qui doivent être réglés par l'ensemble des citoyens. Les intervenants de tous les niveaux de gouvernement doivent collaborer pour s'attaquer au déficit en matière d'infrastructure.
Concert sur la Colline du Parlement
L'honorable Leonard J. Gustafson : Honorables sénateurs, lundi midi, il neigeait et il ventait à l'extérieur des édifices du Parlement, mais l'atmosphère était chaleureuse et festive dans la pièce 200 de l'édifice de l'Ouest. L'Association des conjoints des parlementaires a organisé un concert insurpassable sur la Colline du Parlement. La musique était remarquable — je suis moi-même mélomane — et j'estime que les musiciens ont donné un excellent spectacle.
Le sénateur Tommy Banks a ouvert la fête. Pendant que les gens entraient et se regroupaient, il a joué de vieilles pièces que nous connaissons tous; c'était fort agréable.
Les chants de Noël ont été interprétés de façon exceptionnelle par les pages de la Chambre des communes. André Sébastien Savoie, pianiste de concert et conjoint de l'honorable sénateur Champagne, nous a joué une merveilleuse sérénade au piano.
Les Sénateurs chantants, notre chorale de sénateurs, ont également été excellents. Puis, le Quatuor conservateur a suscité des applaudissements à tout rompre. C'était tout à fait emballant, comme l'a été la prestation de la Chorale de la Chambre haute.
Je tiens à remercier les conjoints des parlementaires d'avoir organisé cet événement, et tout particulièrement la présidente Val Day, la présidente d'honneur Ann Kinsella et Kathy Hays, qui ont travaillé avec tant de dévouement.
Les familles de militaires ont été très touchées par ce qui a été fait. J'espère qu'un événement semblable aura lieu encore l'année prochaine et j'invite vivement les honorables sénateurs à ne pas le manquer. C'était merveilleux.
(1340)
[Français]
La Journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence faite aux femmes
Le dix-huitième anniversaire de la tragédie de l'École Polytechnique
L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, la journée de demain marque le dix-huitième anniversaire du drame de l'École Polytechnique de Montréal. C'est avec une grande tristesse que nous nous souvenons de la mort tragique de 14 étudiantes qui avaient tout leur avenir devant elles. En ce jour de commémoration, nous avons aussi une pensée pour toutes les Canadiennes décédées après avoir subi des actes de brutalité.
Au fil des ans, le 6 décembre est devenu plus qu'une commémoration. C'est un moment pour dénoncer cette forme de violence bien présente dans nos collectivités. À notre plus grand regret, la brutalité rythme encore le quotidien de milliers de femmes et de jeunes filles.
Cette violence touche toutes les collectivités et a des conséquences dévastatrices aux points de vue physique, émotionnel et psychologique. Beaucoup de victimes ne récupéreront jamais complètement, sans oublier les enfants qui grandissent dans cet environnement.
Les femmes autochtones sont toujours parmi les plus vulnérables à la brutalité gratuite. Le taux d'homicide les impliquant est plus élevé que chez les non-Autochtones. Les femmes handicapées constituent un autre segment de la population très violenté dont on ne parle pas souvent. On ne doit pas non plus ignorer les femmes immigrées qui, bien que battues, gardent le silence pour préserver la réputation familiale.
Dans une société juste et égalitaire comme la nôtre, cette situation est intolérable. Toutes les Canadiennes ont le droit de vivre en sécurité et dans la dignité. Tous les secteurs de la société, aussi bien les hommes que les femmes, doivent multiplier leurs efforts pour provoquer un changement important et durable.
Honorables sénateurs, en mémoire du drame de l'École Polytechnique de Montréal et de toutes les femmes victimes de violence au Canada, je vous invite à continuer à œuvrer au sein de vos collectivités contre ce fléau social dont il faut se débarrasser pour de bon.
[Traduction]
L'honorable Marcel Prud'homme, C.P.
Félicitations au récipiendaire de l'Ordre de l'amitié de la Russie
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage au sénateur Marcel Prud'homme, qui siège au Sénat depuis 1993. Avant cela, il avait siégé durant presque 30 ans à la Chambre des communes à titre de député de la circonscription montréalaise de Saint-Denis. Tout au long de sa carrière dans les deux Chambres, le sénateur Prud'homme a été un grand internationaliste. Promoteur infatigable de la paix au Moyen- Orient et de la justice pour les réfugiés palestiniens, le sénateur Prud'homme a grandement contribué à établir le dialogue entre parlementaires canadiens et parlementaires du monde, c'est-à-dire à établir le dialogue entre des pays.
Le 29 novembre dernier, honorables sénateurs, la Russie a décerné au sénateur Prud'homme un honneur insigne : l'Ordre de l'amitié de la Fédération de Russie. Dans le foyer du Sénat, en présence du Président du Sénat, le sénateur Kinsella, de diplomates et de collègues, le premier ministre de la Russie, Victor Zoubkov, a présenté la médaille à notre collègue au nom du peuple russe et du président Vladimir Poutine. Les Russes ont rendu hommage au sénateur Prud'homme pour sa contribution importante aux relations Canada-Russie et pour son travail à titre de président d'honneur de l'Association parlementaire Canada-Russie. Je tiens à féliciter le sénateur Prud'homme pour ses réalisations exceptionnelles et pour ce grand honneur qui lui est fait.
En cette même occasion, le premier ministre de Russie a rendu hommage à un ancien combattant canadien de la Seconde Guerre mondiale, M. Leslie Forrest, pour son service sur les convois du célèbre passage de Mourmansk. M. Forest s'est vu décerner la médaille commémorative russe du « 60e anniversaire de la victoire de la grande guerre patriotique. » Je tiens à le féliciter.
Honorables sénateurs, j'aimerais citer l'Ecclésiaste, au verset 7 du chapitre 44 :
Tous ils furent honorés de leurs contemporains et glorifiés leurs jours durant.
Honorables sénateurs, notre cher sénateur Prud'homme fait honneur au Sénat, au Canada et au monde entier. Je suis fière de l'avoir connu et de le compter parmi mes amis.
Le Protocole de Kyoto
L'engagement du Manitoba
L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, malgré que les objectifs du Protocole de Kyoto soient inatteignables au dire du commun des mortels, le gouvernement du Manitoba a décidé de se précipiter sur un terrain dangereux. Il s'est engagé à respecter les objectifs de Kyoto. « Se précipiter » n'est peut-être pas la bonne expression à employer, car le plan du gouvernement provincial est diversifié et bien réfléchi. Le gouvernement du Manitoba va ramener ses émissions de gaz à effet de serre d'environ 2,2 millions de tonnes à 100 000 tonnes.
Le gouvernement provincial établira un mécanisme de fermeture graduelle des centrales thermiques au charbon qui sont encore exploitées par Manitoba Hydro. Cette société d'État de service public mettra en œuvre un nouveau programme provincial pour aider les Manitobains à faible revenu à améliorer l'efficacité énergétique de leur habitation.
(1345)
Le gouvernement aidera l'Association forestière du Manitoba, des groupes communautaires et d'autres organisations à planter un million d'arbres par année au cours des cinq prochaines années et il exigera que les grands sites d'enfouissement captent leurs émissions de méthane.
Le gouvernement du Manitoba est la première administration canadienne à prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques. La province est maintenant reconnue comme étant le leader de l'Amérique du Nord en matière d'installations géothermiques et de construction d'autobus à faible consommation d'énergie. Le Manitoba s'est récemment classé premier au Canada sur le plan des programmes d'efficacité énergétique.
Le Manitoba est aussi déterminé à respecter les mêmes normes que la Californie en matière d'émissions dégagées par les véhicules. Il s'est engagé à offrir des incitatifs afin d'encourager les gens à se débarrasser de leurs vieilles voitures et de réduire le nombre de véhicules énergivores. Ces initiatives, et bien d'autres, constituent la réaction du Manitoba aux préoccupations de ses citoyens à propos des changements climatiques.
De plus, le Manitoba a adhéré à l'accord régional du Midwest sur les gaz à effet de serre et à l'Initiative de l'Ouest sur le climat.
Je félicite les citoyens de ma province et le gouvernement du Manitoba pour ces mesures.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
L'Accord définitif de la Première nation Tsawwassen
Dépôt de documents
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, l'Accord définitif de la Première nation Tsawwassen et les conventions accessoires.
[Traduction]
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La réunion annuelle de la National Governors Association, tenue du 20 au 23 juillet 2007—Dépôt du rapport
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne concernant sa participation à la réunion annuelle de la National Governors Association, intitulée « Innovation America », qui s'est tenue à Traverse City, au Michigan, du 20 au 23 juillet 2007.
L'atelier de leadership législatif de la région économique du Nord-Ouest du Pacifique, tenu du 28 septembre au 1er octobre 2007—Dépôt du rapport
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer au Sénat, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne concernant sa participation à l'atelier de leadership législatif de la région économique du Nord- Ouest du Pacifique, qui s'est tenu à Banff, en Alberta, du 28 septembre au 1er octobre 2007.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les travaux publics et les services gouvernementaux
La possibilité d'un moratoire sur tous les sondages de tous les ministères
L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, hier, le ministre des Travaux publics affirmait, en ce qui concerne les sondages du gouvernement et l'étude menée par M. Paillé, dont nous attendons toujours le rapport :
... le gouvernement annonce aujourd'hui un moratoire sur tous les sondages de tous les ministères. [...] Afin d'imposer des paramètres et de bien encadrer tout l'exercice des sondages, le gouvernement, à partir de maintenant, va demander à tous les ministères de s'abstenir d'engager des fonds publics pour des sondages, et ce, jusqu'à nouvel ordre. [...] Elle va s'appliquer à l'ensemble de la fonction publique, jusqu'à ce que nous ayons établi des paramètres en vertu desquels ces sondages pourront être commandés et payés par la fonction publique.
[Traduction]
Un peu plus tard dans la journée, Jacques Gagnon, directeur des communications du ministre, a dit : « Nous sommes peut-être allés un peu trop vite en affaire [...] Nous envisageons une telle mesure, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain [...] On pourra terminer les sondages en cours. »
Une voix : Qu'il donne sa démission.
Le sénateur Hervieux-Payette : Qui prend la décision dans son ministère? Le directeur des communications relève-t-il directement du cabinet du premier ministre? Le ministre donnera-t-il suite à l'excellente décision qu'il a prise hier?
(1350)
[Français]
L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de sa question bilingue. Ce sujet est important, vous le savez. Je répète ce que j'ai dit hier. Le rapport déposé la semaine dernière n'a rien à voir avec celui de M. Paillé. Il révèle les sommes dépensées par le gouvernement fédéral pour les sondages d'opinion. Donc, ce rapport met en lumière des sommes importantes qui sont dépensées essentiellement par tous les ministères fédéraux.
Je répète ce que j'ai dit hier. Cette situation inquiète le gouvernement. Nous avons l'intention d'annoncer des mesures à l'égard des sondages pour mieux les encadrer.
En ce qui a trait au moratoire, hier, j'ai laissé entendre qu'il serait imposé. Je regrette d'avoir induit la Chambre en erreur puisque ce ne sera pas le cas pour l'instant. Ce n'était pas du tout mon intention. Sachez que nous prenons très au sérieux les données révélées dans ce rapport. Nous allons agir très rapidement.
Le sénateur Hervieux-Payette : Je rappelle au ministre que le secrétaire parlementaire de son collègue, M. James Moore, a dit à l'autre endroit que le gouvernement était surpris de ces chiffres et voulait en remettre la responsabilité au ministère.
Je me pose la question : qui fait et qui adopte les budgets? Est-ce que ce sont les fonctionnaires ou le gouvernement? M. Moore a ajouté :
[Traduction]
« Nous prenons toutes les mesures nécessaires pour éviter cette situation à l'avenir afin de protéger l'argent des contribuables. » Aujourd'hui, nous avons une version différente des choses.
[Français]
Le ministre nous dit qu'il avait l'intention de le faire, mais nous n'en sommes pas au moratoire. J'aimerais savoir quels sont les véritables motifs de cette décision, autres qu'électoraux, car nous savons que les sondages coûtent cher. À la veille de possibles élections, au bureau du premier ministre, a-t-on encore besoin de cet outil? Pourquoi le ministre ne nous confirme-t-il pas aujourd'hui que le moratoire s'appliquera dès maintenant? Ce serait beaucoup plus crédible pour les Canadiens qui ont dû payer la note de 31 millions de dollars, le montant le plus élevé jamais déboursé pour des sondages commandés par un gouvernement. On pourrait arrêter l'hémorragie. Après avoir mené une étude sur les libéraux pendant plusieurs années, étude dont nous n'avons toujours pas reçu le rapport, le ministre devrait nous dire que le moratoire s'appliquera dès maintenant.
Le sénateur Fortier : D'abord, quand l'honorable sénateur fait référence à l'étude de M. Paillé, elle est rétrospective et prospective. Les honorables sénateurs pourront le constater quand le rapport sera déposé. Par ailleurs, en ce qui concerne les mesures qui seront prises par le gouvernement, l'information est disponible depuis quelque temps. Ces sommes, l'honorable sénateur le reconnaît, et je le reconnais, sont importantes. Le gouvernement va poser des gestes. Quand les mesures qu'il aura à annoncer seront prêtes, bien entendu, nous vous en ferons part, mais sachez que nous en sommes saisis. Nous allons beaucoup mieux encadrer l'octroi de contrats pour ces sondages. Comme je le disais hier, ils sont octroyés par les ministères, et non par le ministre. Pour conclure sur les sondages d'opinion, certains sont publiés tous les jours par des maisons de sondage privées. Le gouvernement, par opposition aux ministères, n'a pas du tout besoin d'avoir des informations sur sa popularité ou sur celle d'autres personnes. Ce n'est pas du tout le motif de ces sondages. Ils doivent être, d'abord et avant tout, un outil pour mieux évaluer les programmes du gouvernement, pour mieux comprendre s'ils atteignent leurs objectifs. C'est là ce que nous devrions viser à l'avenir.
Le rapport relatif à la révision des sondages internes
L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'espère que le ministre va me donner une idée du moment où il déposera le rapport de M. Paillé et du moment où il prendra la décision d'établir un moratoire et d'en définir les critères. Cela fait un mois qu'il a le rapport. Il aurait dû établir ces critères depuis un bon moment et les rendre publics.
Quand allons-nous recevoir une réponse à ces deux questions, puisque nous allons bientôt ajourner? Cette question ne semble pas vouloir se résoudre avant l'ajournement des deux Chambres.
(1355)
L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Honorables sénateurs, dans les deux cas, je vous le dirai lorsque je serai prêt à déposer le rapport Paillé, et lorsque nous pourrons annoncer les mesures que le gouvernement entend prendre.
[Traduction]
L'honorable Yoine Goldstein : Je veux comprendre les réponses du sénateur. Nous savons maintenant que l'actuel gouvernement a dépensé presque un cinquième de plus que le gouvernement précédent en sondages d'opinion publique.
Nous savons aussi que le nouveau gouvernement s'est dit scandalisé par les sommes dépensées, ce qui l'a amené à confier à M. Paillé la responsabilité de rédiger un rapport et des recommandations. Il semble que ce dernier se soit acquitté de sa tâche, mais le gouvernement n'a pas encore jugé bon de publier ce rapport. Nous avons entendu le ministre déclarer que le rapport serait publié en temps opportun.
Comme nous savons maintenant que les dépenses de l'actuel gouvernement sont au moins de 17 p. 100 supérieures aux dépenses de son prédécesseur et que le gouvernement se dit ouvert, responsable et transparent, M. Paillé sera-t-il chargé d'une seconde enquête, qui portera cette fois sur les dépenses du gouvernement actuel?
Le sénateur Fortier : Je remercie le sénateur de sa question. Nous publierons le rapport Paillé. Quand le sénateur l'aura lu, nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions qu'il suscitera. Il est préférable d'attendre le rapport plutôt que de deviner ce qu'il contient ou ne contient pas.
Comme tout le monde au gouvernement, les montants dépensés et les processus d'attribution de contrats en ce qui concerne les sondages d'opinion publique me préoccupent. Par conséquent, nous ne manquerons pas de nous pencher sur la situation en vue de prendre les mesures voulues dans un avenir prévisible.
L'examen des sondages d'opinion du gouvernement—L'indépendance
L'honorable Yoine Goldstein : Étant donné que ce sont les conservateurs qui ont dépensé 17 p. 100 de plus, le ministre ne croit- il pas que l'enquête sur les dépenses du gouvernement actuel devrait être confiée à un tiers indépendant au lieu d'être effectuée par le gouvernement lui-même?
L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Les contrats sont accordés par les ministères pour différentes études portant sur tout un éventail de politiques gouvernementales allant de la défense à la santé, en passant par tous les autres portefeuilles.
Personne ne suggère qu'il y aurait là quelque chose de louche. Il s'agit de gérer le volume de sondages d'opinion publique accordés à contrat et de nous assurer que, lorsque nous sondons les Canadiens sur les programmes, ces sondages soient documentés et effectués correctement et que le gouvernement, et par conséquent les contribuables, en aient pour leur argent.
Le sénateur Goldstein : Avec tout le respect que je lui dois, l'honorable sénateur ne pense-t-il pas que ces questions devraient être tranchées par un tiers indépendant du gouvernement plutôt que par le gouvernement lui-même?
Le sénateur Fortier : À la lumière de la partie rétrospective du rapport de M. Paillé, l'honorable sénateur se rappellera que la vérificatrice générale avait examiné et commenté plusieurs de ces contrats. C'est pourquoi, dans notre programme de la dernière campagne électorale, dont se souviendra également l'honorable sénateur, nous avons promis de régler ce dossier et nous l'avons fait.
Il s'agit en l'occurrence du volume de contrats qui proviennent actuellement du secteur public. Comme je l'ai dit, nous nous occuperons de cette question sous peu et nous communiquerons bien entendu dès que possible les décisions que nous aurons prises, en expliquant la façon dont nous gérerons ce dossier à l'avenir.
Le rapport sur l'examen des activités de sondage du gouvernement
L'honorable James S. Cowan : Selon l'édition du 13 octobre du journal La Presse, M. Paillé a remis son rapport le 5 octobre. Est-ce exact?
L'honorable Michael Fortier (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux) : Je ne me souviens pas exactement quand M. Paillé a remis son rapport. Je devrai vérifier avant de confirmer la date exacte.
Le sénateur Cowan : Je suis persuadé que le ministre pourra au moins nous dire approximativement quand il a reçu le rapport. Le 5 octobre, c'est il y a deux mois. Quand il a reçu le rapport, était-ce il y a deux mois environ ou il y a deux jours environ? Le ministre pourrait-il nous situer approximativement dans le temps?
Le sénateur Fortier : Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux est en possession du rapport depuis un certain temps, mais j'ignore s'il l'a reçu le 5 octobre ou le 25 octobre.
Le sénateur Cowan : Le ministre pourrait-il prendre note de la question et informer ultérieurement le Sénat de la date de réception du rapport?
Le sénateur Fortier : Absolument.
(1400)
Les affaires étrangères
Les États-Unis et la Russie—Le protocole d'entente sur l'interopérabilité des forces de défense
L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques jours, l'agence RIA Novosti, de Moscou, rapportait que des hauts gradés russes et américains avaient signé un protocole d'entente en vue d'une coopération militaire bilatérale visant l'interopérabilité des forces terrestres, aériennes et navales des deux pays dans diverses parties du monde.
Étant donné que les Canadiens s'inquiètent au sujet de leur souveraineté dans l'Arctique et que les Américains et les Russes sont des protagonistes dans ce dossier, puis-je demander à madame le ministre de se renseigner sur l'accord conclu? Cet accord sera-t-il mis à la disposition des États alliés? Pourra-t-il être déposé au Sénat?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais en prendre note et lui revenir avec la réponse.
Les États-Unis—La libération d'Omar Khadr conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur le Protocole facultatif de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le Canada n'a pas fait libérer Omar Khadr, qui est détenu à Guantanamo. Les États-Unis ont renvoyé neuf citoyens britanniques dans leur pays en 2004 et 2005. M. Khadr est le dernier occidental encore détenu à Guantanamo, avec environ 300 autres prisonniers. Il s'y trouve depuis cinq ans. De plus, on s'interroge sérieusement quant à la légalité de la procédure militaire selon laquelle les États-Unis veulent le traduire en justice.
Ma question est la suivante : le gouvernement canadien va-t-il, comme d'autres États l'ont fait pour leurs ressortissants, ramener Omar Khadr au pays pour qu'il soit remis entre les mains de la justice canadienne?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je prends note de la question.
Le sénateur Jaffer : Ce procès militaire aux États-Unis contrevient au Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, dont les États-Unis et le Canada sont signataires. Les États-Unis ont ratifié la convention le 23 janvier 2003 et le Canada, le 12 février 2002.
En tant que signataire de la convention, le Canada a l'obligation de veiller à l'application du protocole à tous ses citoyens. La représentante spéciale des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés a dit craindre qu'on crée un précédent international en jugeant une personne pour des crimes de guerre prétendument commis lorsqu'elle était enfant. Omar Khadr n'avait que 15 ans lorsqu'il a été capturé par les États-Unis.
Madame le leader pourrait-elle nous expliquer quelles sont les obligations du Canada en vertu du Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et pour quels motifs notre gouvernement se soustrait à ses obligations envers Omar Khadr?
Par ailleurs, que fait le gouvernement du Canada pour amener les États-Unis à honorer ce protocole relativement à cet enfant?
Le sénateur LeBreton : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme on le sait, M. Khadr fait face à des accusations très graves et toutes questions concernant des plans pour sa libération sont prématurées. Le processus judiciaire suit son cours.
En ce qui a trait aux États-Unis et à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, je prends note de la question.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais que le leader nous dise brièvement quelle aide, exactement, notre gouvernement offre à Omar Khadr en l'occurrence.
Le sénateur LeBreton : Je vais prendre note de cette question également.
La justice
L'examen des cas de demande de clémence aux pays étrangers
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, le ministre de la Justice a récemment déclaré que le gouvernement du Canada examinerait au cas par cas les demandes de clémence pour des citoyens canadiens emprisonnés dans des pays étrangers. Le leader du gouvernement au Sénat a fièrement appuyé cette déclaration dans cette enceinte. Il semble bien que le gouvernement se montrera sélectif lorsqu'il déterminera quels citoyens il protégera à l'étranger.
Madame le ministre nous expliquerait-elle en fonction de quels critères le gouvernement va déterminer jusqu'où il ira pour protéger les libertés individuelles et les droits de la personne de ses propres citoyens dans des pays étrangers?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je serai ravie de communiquer avec le ministre de la Justice pour pouvoir fournir une réponse.
Même si le sénateur n'a pas mentionné expressément le cas de M. Smith au Montana, il sera impossible d'en discuter plus en détail étant donné que M. Smith a intenté une action en justice.
(1405)
[Français]
La décision du gouvernement de ne pas interjeter appel de la condamnation à mort de Ronald Smith—La position du gouvernement sur la peine de mort
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Madame le leader du gouvernement au Sénat admettra-t-elle qu'en laissant Ronald Smith être condamné à mort aux États-Unis, le gouvernement ne respecte pas la volonté du public canadien en matière de peine de mort?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme je l'ai déjà souligné, compte tenu que M. Smith a saisi les tribunaux de l'affaire, je ne puis en discuter.
La peine de mort a été abolie au Canada. Les autres pays ont leurs propres lois. Lorsque des étrangers viennent au Canada, nous nous attendons à ce qu'ils respectent nos lois, tout comme nous devrions nous attendre à ce que les Canadiens respectent les lois des pays dans lesquels ils vont.
Le sénateur Tardif : Le Canada a aboli la peine de mort et depuis, il demande automatiquement la clémence pour tous les Canadiens condamnés à mort à l'étranger. A-t-on modifié la position du Canada à l'égard de la peine de mort?
Le sénateur LeBreton : Je crois avoir été très claire au sujet de la position du gouvernement. La peine de mort n'existe plus dans les lois canadiennes. Cela ne changera pas. C'est une décision qui a été prise par le Parlement et confirmée à plusieurs reprises, la dernière fois à la fin des années 1980, je crois.
Toutefois, pour ce qui est de la peine de mort, nos lois ne sont pas applicables à l'étranger. Nous ne pouvons les imposer aux autres pays, pas plus que les pays étrangers ne peuvent nous imposer les leurs.
L'honorable Yoine Goldstein : Madame le leader du gouvernement au Sénat sait-elle qu'à titre d'observateur du Conseil de l'Europe, le Canada doit non seulement avoir aboli la peine de mort à l'intérieur de ses propres frontières, mais aussi faire tout en son pouvoir pour lutter contre l'imposition de la peine de mort dans tous les autres pays?
La ministre sait-elle que l'inaction du Canada dans le dossier du citoyen canadien condamné à mort aux États-Unis pourrait bien remettre en cause son statut d'observateur au Conseil de l'Europe?
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Pour ce qui est de nos obligations à l'échelle internationale, le 15 novembre dernier, il y a à peine quelques semaines, le Canada a voté en faveur d'un projet de résolution de la Commission des questions sociales, humanitaires et culturelles des Nations Unies. La résolution a été adoptée. Il s'agissait, bien sûr, de la résolution des Nations Unies sur la peine de mort, que le Canada a appuyée.
Le Sénat
Présentation de nouveaux pages
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que nous passions au prochain article, je suis heureux de présenter de nouveaux pages qui travailleront avec nous cette année.
Bronwyn Guiton est née en Colombie-Britannique et habite à Vancouver-Nord. Parmi ses expériences formatrices, elle compte les Aventures du Club Rotary en civisme, le programme d'intendance mondiale du collège Capilano et le programme Explore. Bronwyn en est actuellement à sa troisième année d'études en sciences sociales à l'Université d'Ottawa.
Éric Beaudoin est né à Charlevoix et a grandi à Beauceville, au Québec. Éric a terminé un programme d'échange d'étudiants francophones entre le Manitoba et le Québec et a fait des études en Colombie-Britannique, au collège UWC Lester B. Pearson. Il en est actuellement à sa troisième année à l'Université d'Ottawa, où il étudie en sciences de la santé grâce à une bourse Loran nationale.
(1410)
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la protection des phares patrimoniaux
Deuxième lecture—Report du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carney, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux.—(L'honorable sénateur Comeau)
L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader adjoint du gouvernement à ce sujet.
Son Honneur est intervenu avec beaucoup d'à-propos hier et a interrompu nos échanges. Je vais donc aller droit au but et demander au leader adjoint du gouvernement s'il peut nous dire avec plus de précision quand il pourra intervenir dans ce débat.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai reçu lundi soir les observations du ministre sur ce projet de loi très important. Pour illustrer à quel point j'interviens rapidement sur ces questions, j'annonce que je prendrai la parole demain, soit trois jours après avoir reçu les observations du ministre.
(Le débat est reporté.)
La Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Report du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Smith, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-219, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et établissement d'une zone de sélection nationale).—(L'honorable sénateur Stratton)
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'aimerais que le représentant du gouvernement au Sénat dise quand il pense prendre la parole sur ce projet de loi dont le Sénat a déjà été saisi et qui a été renvoyé au comité, puis à l'autre endroit lors de la dernière session.
L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, malheureusement, je n'ai pas tout à fait fini de préparer mon discours et je ne serai pas au Sénat demain, si bien que j'aborderai cet article la semaine prochaine.
Afin d'encourager madame le sénateur à nous aider à partir en congé bientôt, je prendrai la parole sur le projet de loi avant le congé de Noël.
Le sénateur Ringuette : Est-ce à dire que le sénateur Stratton sera le seul sénateur de son parti à intervenir au sujet de ce projet de loi?
Des voix : Oh, non!
Le sénateur Stratton : C'est un bel effort. Je ne connais pas la réponse à cette question, mais si le sénateur le désire, je sonderai les membres de mon caucus en janvier.
(Le débat est reporté.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Report du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Callbeck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (attentats suicides).—(L'honorable sénateur Andreychuk)
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'aimerais que le leader adjoint du gouvernement dise quand il pense aborder ce projet de loi. Comme il le sait, et comme je l'ai rappelé plus tôt aujourd'hui, ce projet de loi a franchi l'étape de la deuxième lecture et j'aimerais qu'il soit renvoyé au comité avant la fin de l'année.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je sais gré au sénateur de sa question. Nous ne sommes pas tout à fait prêts à aller de l'avant. Je me rends compte que ce projet de loi a bien progressé au cours de la dernière session.
J'essaierai de dire au sénateur demain ou au milieu de la semaine prochaine quand nous pourrions continuer l'étude de cet article.
(Le débat est reporté.)
Projet de loi sur les valeurs mobilières du Canada
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose que le projet de loi S- 211, Loi réglementant les valeurs mobilières et constituant une seule commission des valeurs mobilières pour l'ensemble du Canada, soit lu pour la deuxième fois.—(L'honorable sénateur Grafstein)
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi S-211. Si le projet de loi est adopté, un organisme de réglementation unique sera créé pour les 13 marchés de valeurs mobilières que compte actuellement le Canada, et il serait situé dans la région de la capitale nationale.
Honorables sénateurs, nous vivons dans un monde complexe. Le Canada est le seul pays industrialisé à ne pas s'être doté d'un organisme de réglementation unique pour l'ensemble de ses marchés de valeurs mobilières. Le fait d'avoir un organisme de réglementation unique rehausserait l'efficacité et la productivité des marchés financiers au Canada à un moment où le coût du capital constitue un enjeu capital, pas uniquement au Canada, mais également à l'extérieur du Canada. L'établissement d'un cadre réglementaire pour l'ensemble du pays assurerait un plus haut degré de certitude, de stabilité et de protection aux sociétés canadiennes et à leurs investisseurs. De plus, les sociétés canadiennes bénéficieraient d'une diminution du coût du capital et le système fonctionnerait plus rapidement et plus productivement, comme le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce l'a souligné dans de précédents rapports. Notre marché financier attirerait de plus nombreuses entreprises étrangères.
La mesure législative proposée moderniserait nos marchés financiers et nous propulserait enfin au XXIe siècle; il y a longtemps que nous aurions dû adopter une telle mesure. Ailleurs dans le monde, les pays industrialisés et en développement mettent rapidement sur pied des organismes réglementaires uniques dans le domaine des valeurs mobilières afin de se bâtir une économie concurrentielle et efficace — je pense notamment à Singapour, à la Chine, à l'Inde et à la Pologne. Le Canada suit derrière tous ses concurrents. D'ailleurs, l'OECD a à un certain nombre de reprises critiqué le Canada parce qu'il n'avait pas un organisme de réglementation unique, ce qui empêche le Canada d'avoir une voix plus efficace sur les marchés internationaux.
En mai dernier, on pouvait lire, dans le Financial Times, que le gouverneur de l'État de New York, M. Eliot Spitzer, qui est fortement en faveur d'un organisme réglementaire efficace et concurrentiel dans le domaine des valeurs mobilières, a convoqué un groupe d'experts chargé de moderniser et de rationaliser le règlement américain sur les services financiers afin d'y instaurer un puissant mécanisme de protection à l'intention des investisseurs, et, ainsi, de pouvoir mieux soutenir la concurrence des marchés européen et asiatique. Les Américains prennent des mesures pour améliorer leur système, qui est régi par un seul organisme réglementaire.
Les sénateurs se souviendront que les États-Unis, durant la Grande Crise, ont établi un organisme de réglementation des valeurs mobilières à Washington dans le cadre de la Nouvelle Donne. Ce changement révolutionnaire a permis à l'Amérique de devenir le plus important marché de capitaux au monde. Le Canada a également pris des mesures pour moderniser son économie, à l'époque, avec l'établissement d'une banque centrale. Le manquement du gouvernement fédéral à prendre d'autres mesures dans le domaine des valeurs mobilières a créé un vide. Ce dernier a été comblé par une série d'organismes de réglementation provinciaux et territoriaux, 13 en tout maintenant, qui ont chacun des règles, des règlements et des procédures bien à eux.
Le sénateur Baker a attiré mon attention sur la complexité de la jurisprudence en matière de valeurs mobilières. Dans toutes les causes dont les tribunaux canadiens sont saisis, les différents critères et les différentes normes prévus dans les lois provinciales et territoriales rendent les recours judiciaires compliqués, longs et inefficaces. J'en ferai un compte rendu plus détaillé plus tard.
Il est facile de sentir la frustration des tribunaux quand on lit ces causes. Aucun gouvernement ne semble en tenir compte, aucun ne prend de mesures pour améliorer cette situation désespérée ou ne peut nettoyer ce bourbier. En raison des différentes administrations, il est pratiquement impossible pour les actionnaires ou les souscripteurs de gagner une poursuite pour des infractions comme la publicité trompeuse concernant les premiers appels publics à l'épargne émis à l'échelle du Canada en raison du fatras de critères juridiques des différents régimes de réglementation au Canada. Lisez ces causes et demandez-vous comment un gouvernement responsable peut combler ces lacunes visibles dans la loi.
(1420)
Le printemps dernier, après avoir présenté mon projet de loi, j'ai reçu des lettres et des courriels d'investisseurs des quatre coins du pays. Selon pratiquement toute cette correspondance, il existe un besoin pressant pour un organisme fédéral de réglementation unique. Permettez- moi de citer un courriel que j'ai reçu d'un investisseur, avocat en valeurs mobilières et conseiller en politiques, à la suite de mon apparition à la chaîne Business News Network afin de parler de cette mesure quand j'ai présenté pour la première fois le projet de loi :
Je vous ai vu sur les ondes de BNN au sujet de votre projet de loi d'initiative parlementaire visant à créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières, et je réponds à votre demande de commentaires.
J'aimerais exprimer mon appui à ce genre de projet de loi fédéral et je vous félicite de l'avoir présenté. Au lieu d'aborder la question sous l'angle des transactions ou de la conformité, sujets sur lesquels vous recevrez certainement énormément de commentaires et que d'autres connaissent beaucoup mieux que moi, je vais présenter le point de vue du responsable des politiques, poste que j'ai occupé pendant deux décennies.
De 1990 à 1992, j'ai travaillé sur des questions de politiques à la CVMO, au sein de la Direction générale des marchés internationaux. Mon travail consistait à rédiger la majeure partie des systèmes de divulgation intergouvernementaux, la plus importante initiative mise en œuvre au cours de cette période, et à préparer les recommandations des Autorités canadiennes en valeurs mobilières, qui ont servi au ministère des Finances dans le cadre de la négociation d'un accord de libre-échange avec les États-Unis et de la négociation de l'entente qui a mené à la création de l'Organisation mondiale du commerce.
En tant qu'agent contractuel à la CVMO en 1999 et 2000, puis en tant que consultant pour la CVMO de 2000 à 2004, j'ai travaillé surtout aux changements proposés à la réglementation du volet de la vente au détail de l'industrie des valeurs mobilières. Plus récemment, j'ai travaillé comme consultant pour le ministère fédéral des Finances relativement au projet de libre échange des valeurs mobilières.
Mon expérience m'amène à formuler les observations suivantes :
1. Le processus d'établissement de règles dans le domaine des valeurs mobilières, où il faut dégager un consensus parmi 13 organismes de réglementation, est extrêmement pénible et ruineux pour le gouvernement. Pour les organismes de réglementation qui ne jouent pas un rôle actif dans une initiative réglementaire donnée, participer à cette initiative est une perte de temps puisqu'ils n'apportent rien au processus. Par contre, ils sont obligés de prendre part à l'approbation de l'initiative.
Pour les organismes de réglementation qui participant activement à une initiative réglementaire, le processus devient très lourd et très long, ce qui réduit considérablement leur capacité d'intervenir en temps opportun et entraîne parfois une perte de vitesse susceptible de faire avorter une initiative utile.
2. La tentative d'en arriver à un consensus avec 13 organismes de réglementation permet à l'industrie de s'opposer à une initiative ou de la retarder en exerçant des pressions auprès d'un seul des grands organismes de réglementation. L'industrie pourrait également tirer avantage des désaccords entre l'Ontario et la Colombie-Britannique.
3. D'après mon expérience, le processus d'établissement des règles est devenu plus lourd au cours des deux dernières décennies, pas moins lourd.
4. Les opposants à la création d'un organisme national de réglementation invoquent l'existence d'organismes de réglementation dans les États américains pour justifier l'existence, au Canada, d'une réglementation provinciale en matière de valeurs mobilières. Toutefois, l'existence d'organismes de réglementation dans les États américains n'empêche ni la commission des valeurs mobilières des États- Unis d'adopter des règlements ni le gouvernement américain d'adopter des lois.
5. Vous avez dit que l'opposition à la création d'un organisme national de réglementation dans le domaine des valeurs mobilières vient de ceux qui ont un intérêt direct dans le maintien du statu quo. Je suis tout à fait de cet avis. Les préoccupations et les objectifs en matière de politiques concernant les valeurs mobilières sont essentiellement les mêmes dans toutes les provinces, ce qui rend l'actuel système de réglementation provincial extrêmement artificiel.
6. En dépit des compétences considérables des fonctionnaires du ministère fédéral des Finances, j'estime que, au départ, ils sont désavantagés lorsqu'ils négocient, avec leurs homologues d'autres pays, sur certaines questions liées aux valeurs mobilières, parce que le gouvernement fédéral n'intervient pas vraiment dans la réglementation du secteur des valeurs mobilières.
En passant, c'était là l'argument du directeur général de l'OCDE quand il a critiqué le Canada pour n'avoir pas réussi à créer un organisme fédéral de réglementation.
7. Je comprends que le gouvernement du Canada participe de façon substantielle à l'initiative actuelle concernant le libre- échange des valeurs mobilières. Cependant, cette initiative repose sur un système de conformité de substitution qui vise à trouver une équivalence entre deux systèmes de réglementation. Même si ce concept est accepté dans l'avenir aux États-Unis et dans d'autres pays du G7, il est fort possible que le Canada ne soit pas visé par son application parce que les autres pays devraient alors établir cette équivalence entre 13 systèmes de réglementation, à moins qu'ils ne décident de limiter le libre-échange des valeurs mobilières à certaines provinces, notamment l'Ontario et possiblement le Québec.
Il conclut en disant :
Il semble que le mieux qu'on puisse dire au sujet de l'actuel système de réglementation au Canada appliqué par les provinces et les territoires, y compris la nouvelle initiative sur les passeports, c'est qu'il pourrait être pire qu'il ne l'est. Néanmoins, en tant qu'investisseur, avocat spécialisé dans le domaine des valeurs mobilières et contribuable, je ne pense pas qu'il soit suffisant.
La lettre se termine ainsi. J'ai pensé qu'elle était bien documentée, juste, détaillée, réfléchie et pondérée.
Enfin, honorables sénateurs, en mai dernier, l'International Herald Tribune a publié un rapport intitulé « Gains tirés des placements initiaux : les États-Unis cèdent le pas à l'Europe ». Cet article note que, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, les banquiers de Wall Street tirent moins de bénéfices des placements initiaux en Europe. L'écart rétrécit, les frais perçus en Europe s'étant élevés à plus de 1,1 milliard de dollars par rapport à 1,4 milliard aux États-Unis. L'Europe va bientôt supplanter les États- Unis en raison d'un système de réglementation différent et plus cohérent. L'article continue en affirmant que la tendance à favoriser Londres devrait se maintenir. On peut y lire, en gros titre, « Londres est rapidement en voie de devenir un nouveau Big Board ».
Le Canada traîne derrière les États-Unis et même derrière Londres, qui retrouvera bientôt son titre de premier centre mondial des capitaux.
Honorables sénateurs, 14 sur 15 des plus grands placements initiaux du monde ont été annoncés en Europe cette année à cause des frais moindres et de l'état de la réglementation. Cela a amené le secrétaire américain au Trésor, M. Henry Paulson Jr., à lancer un appel en faveur de la rationalisation des règles concernant les valeurs mobilières et de la réduction du nombre de procès intentés par les actionnaires, afin d'accroître la concurrence avec les marchés réglementés d'outre-mer.
Si ces changements ne sont pas faits, on prédit que les États-Unis perdront leur place comme premier centre financier du monde. Et, comme je l'ai déjà dit, le Canada traîne loin derrière les États-Unis.
Pourquoi cette importante réforme de notre économie est-elle nécessaire? Pourquoi faut-il agir le plus rapidement possible? C'est que les capitaux mondiaux — les journaux nous le disent tous les jours — ne sont pas immobiles. Ils se déplacent rapidement vers les marchés les plus avantageux.
Pourquoi notre marché des capitaux est-il au cœur de la croissance et de la prospérité du Canada? Le capital se traduit par des emplois, de la croissance et de l'innovation. Il est le moteur de notre régime fiscal et le soutien de notre filet de sécurité sociale. Si des capitaux rares sont déployés directement, au lieu d'être gaspillés à cause d'un système réglementaire coûteux et encombrant, nous aurons plus d'emplois, plus de productivité, plus d'efficacité et plus de prospérité pour nos citoyens.
Aucune réforme n'est plus urgente et vitale pour notre économie. Nos concurrents mondiaux s'affairent à moderniser leurs systèmes de réglementation et leurs économies. Je dois dire, avec beaucoup de modestie, que j'étudie cette question depuis plus de 40 ans et qu'il s'agit de la mesure la plus importante pour moderniser notre économie depuis la création de la Banque du Canada.
Je n'abuserai pas plus longtemps de la patience des honorables sénateurs. Res ipsa loquitur. En français, cela va de soi.
Honorables sénateurs, je vous prie d'appuyer cette mesure législative. Je vais terminer en faisant état de deux observations, dont une parue dans les journaux d'hier. Au cours des 50 dernières années, chaque ministre fédéral des Finances, y compris le ministre actuel, a réclamé à un moment ou à un autre la création d'un organisme unique de réglementation des valeurs mobilières. Pourtant, aucun premier ministre, ni aucun ministre des Finances, n'a été prêt à investir le capital politique nécessaire à cette réforme essentielle.
Honorables sénateurs, le Sénat peut maintenant ouvrir la voie.
Hier, on a pu lire dans les journaux un article plutôt troublant. L'article disait que les Équipes intégrées de la police des marchés financiers de la GRC étaient une catastrophe et un échec total. Les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se souviendront que tous les membres du comité avaient formulé des critiques ou avaient essayé d'exhorter le gouvernement et la GRC à améliorer leur bilan en ce qui concerne les poursuites relatives aux crimes en col blanc, surtout ceux qui surviennent dans le milieu de la réglementation des valeurs mobilières. C'est un fait reconnu que ce bilan est un échec. M. Nick Le Pan, ancien haut fonctionnaire fédéral chargé de surveiller les banques, a été invité par la GRC à présenter un rapport à ce sujet. Il a publié son rapport de 77 pages il y a moins d'une semaine. Dans ce rapport, il énonce de façon détaillée un certain nombre de raisons pour lesquelles la GRC — et n'oublions pas que c'est elle qui a commandé le rapport — a un si piètre bilan sur le plan des poursuites. Parmi ces raisons, si on lit entre les lignes, on retrouve le bourbier réglementaire, les difficultés que pose l'absence de contrôle unique et les problèmes liés au gouvernement responsable. Même si nous vivons dans un pays où s'applique la notion de gouvernement responsable, personne n'assume la responsabilité de nettoyer ce bourbier. La solution est un organisme fédéral unique de réglementation, doté de pouvoirs d'enquête et de poursuite accrus.
Je suppose, honorables sénateurs, que vous êtes aussi gênés que moi lorsque nous voyons des Canadiens, accusés d'avoir commis des crimes en col blanc ou des crimes liés à la réglementation, faire l'objet de poursuites aux États-Unis. On nous dit, et c'est ce que M. Le Pan nous dit dans son rapport, qu'il est injuste de comparer les mécanismes de surveillance du système de réglementation aux États- Unis avec ce qui se fait au Canada. C'est trop demander. Nous ne devrions pas nous attendre à avoir le même système de gouvernance et de poursuites au Canada qu'aux États-Unis. La raison, qui n'est pas mentionnée dans le rapport, est claire : compte tenu de la pléthore d'organismes de réglementation qui existent, il est impossible pour un procureur ou une autorité de réglementation d'amener rapidement des criminels à répondre de leurs actes. Nous avons un système déficient qui ternit la réputation du Canada. Nous devons purger notre système des nombreux éléments négatifs qui s'y trouvent et, pour ce faire, il nous faut un système de réglementation fort, applicable et responsable.
(1430)
Honorables sénateurs, cette réforme aurait dû être réalisée il y a longtemps. J'ai commencé à m'intéresser au sujet il y a plus de 40 ans, à l'époque où j'étais chef du cabinet de John Turner, puis à l'époque où j'étais ministre sans portefeuille, avant de devenir le premier ministre de la Consommation et des Affaires commerciales. À l'époque, nous avons lancé une étude sur la possibilité d'avoir un seul organisme de réglementation fédéral. Quatre décennies ont passé et nous ne sommes pas plus avancés. La réforme se fait attendre depuis longtemps et je recommande vivement au Sénat de réfléchir à cette question et de faire rapport au comité, où je répondrai à toutes les objections importantes. Il y a de vives objections en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec.
L'été dernier, j'ai pris l'initiative de rendre visite, à titre personnel, aux ministres responsables en Colombie-Britannique, en Alberta et en Nouvelle-Écosse. J'ai également l'intention de rendre visite au ministre des Finances du Québec. Je suis satisfait de ma démarche car j'ai pu entendre les arguments des deux côtés : d'une part, les groupes d'intérêts et les classes politiques qui disent être contre et, d'autre part, les constitutionnalistes qui disent que ce projet de loi comporte des lacunes. Au comité, je crois que je suis en mesure de convaincre même les critiques les plus sévères, de même que la plupart des sénateurs qui prennent la défense des provinces, du fait qu'en vertu du Code criminel et des pouvoirs en matière de commerce interprovincial, le gouvernement fédéral est investi du pouvoir constitutionnel de mettre en œuvre une telle réforme. Les opinions exprimées à la Commission Allan sont bien tranchées. Si le projet de loi est renvoyé au comité avec le consentement unanime de cette assemblée, je serai disposé à reprendre un à un ces obstacles et, je l'espère, à convaincre les honorables sénateurs que cette réforme est valable et nécessaire. Le temps presse.
L'honorable Lowell Murray : Si l'honorable sénateur me permet une question, j'aimerais reprendre le dernier point soulevé au sujet de la constitutionnalité du projet de loi S-211. Bien qu'il ait clairement recommandé dans son exposé que les sénateurs lisent un certain nombre de jugements pour se familiariser avec la jurisprudence, je ne m'engage pas à le faire pendant les vacances de Noël, mais c'est un engagement qui figurera en priorité dans ma liste de résolutions du Nouvel An. Le sénateur mentionne la frustration des tribunaux dans bon nombre de ces causes. Y a-t-il certains de ces tribunaux qui ont recommandé ou suggéré que le Parlement agisse en vertu des pouvoirs qui relèvent de sa compétence et qu'il adopte un projet de loi comme celui dont il a saisi le Sénat?
Le sénateur Grafstein : Je pense qu'il n'est pas juste de chercher une telle recommandation dans ces jugements. Il suffit de jeter un coup d'œil sur l'imposante pile d'affaires compliquées. Comme elles portent toutes sur des fardeaux de preuve, des responsabilités et des systèmes de réglementation différents, il arrive parfois que les gens choisissent le lieu qui leur convient. Dans une instance, il est possible de choisir le ressort du tribunal où la défense ou la poursuite, selon le cas, aura les meilleures chances de succès. Les idées ne manquent pas.
J'exhorte l'honorable sénateur à lire les jugements; je lui en enverrai deux ou trois. Ensuite, il sera en mesure de comprendre la frustration des juges qui se demandent pourquoi on ne peut simplifier le système. Si les juges ont pour tâche de protéger l'intérêt public, comment se fait-il qu'un gouvernement responsable ne protège pas l'intérêt public en présentant une déclaration plus claire en matière de fardeau de la preuve et de responsabilité et comment se fait-il que le pouvoir en matière de droit pénal n'est pas clair? Selon l'argument présenté dans le rapport Le Pan, les Américains ont un système meilleur et plus strict parce qu'il y a un seul ressort. L'administration américaine est plus complexe que la nôtre parce que le pouvoir en matière de droit pénal varie d'un État à l'autre. Les Pères de la Confédération ont reconnu le souhait des Canadiens d'avoir un seul droit pénal au Canada, et aucune province n'a jamais remis en question le pouvoir en matière de droit pénal. Nous avons déjà ce pouvoir, mais le problème se pose à l'étape suivante, celle de la coordination des diverses commissions de réglementation, du public et du marché, ce qui crée un obstacle indu dans la poursuite de la justice au Canada.
La réponse courte à la question du sénateur est la suivante : non, les tribunaux n'ont pas fait une telle recommandation. J'invite le sénateur à prendre connaissance de deux ou trois de ces cas, que le sénateur Baker collectionne. Dans chacun de ces cas, il pourra comprendre la frustration de la magistrature et pourra presque entendre les juges implorer les législateurs d'amener le gouvernement à agir de façon responsable.
Le sénateur Murray : Je suis heureux que le sénateur condamne le statu quo. Ce n'est pas la première fois que je suis de son avis sur ce sujet.
Le sénateur pense-t-il comme moi que si le Parlement du Canada adoptait le projet de loi S-211, une ou plusieurs provinces pourraient en contester la constitutionnalité? Le sénateur semble beaucoup plus optimiste que je ne le serais normalement quant à l'issue d'une telle contestation et face à l'éventualité que la Cour suprême détermine que le projet de loi dépasse les compétences du Parlement et ne donnerait pas lieu à une utilisation appropriée du pouvoir pénal. Si la Cour suprême ne juge pas que le projet de loi est ultra vires, alors, comme on dit dans l'Évangile, notre dernière condition sera pire que la première.
Le sénateur est de ces politiciens qui n'ont pas peur de tenter le sort, mais ne croit-il pas que le risque est grand?
Le sénateur Grafstein : Voyons ce qui se passerait dans ce cas. Présumons un moment que le Sénat et la Chambre des communes ont le courage d'adopter ce projet de loi. Il serait immédiatement contesté, j'en suis conscient. Le Québec, l'Alberta et la Colombie- Britannique le contesteraient sans doute. Si ce n'était pas les provinces, alors ce serait une partie intéressée dans une des provinces. Par contre, c'est le Parlement qui l'emporterait, et je vais expliquer pourquoi au sénateur.
Je m'en porte garant. Il faut faire un examen attentif des commentaires de jurisprudence dans l'ouvrage de droit constitutionnel de Laskin. J'ai fait mon droit dans les années 1950 et j'ai passé en revue ces notes de bas de page hier soir pour préparer mon discours d'aujourd'hui, car j'ai prévu que cette question serait posée. Fait intéressant, il y a là un lien avec la position du sénateur Nolin à savoir pourquoi, essentiellement, pour une question d'équilibre dans la Constitution, les décisions rendues par la Cour suprême des années 1960 à nos jours montrent une évolution visible de la jurisprudence. Les tribunaux examinent les pouvoirs provinciaux et fédéraux pour déterminer s'il y aurait un nouveau critère, à savoir si quelque chose qui empiète sur une compétence provinciale est dans l'intérêt national. Si l'intérêt national est élevé ou grand, comme dans le cas de la pollution, par exemple, qui n'était pas un problème important dans les années 1950 au Canada, mais qui l'est en 2007, les tribunaux ont déclaré, contrairement à ce qui se produit aux États-Unis où la Constitution est interprétée en fonction de l'intention des pères fondateurs, que nous devons examiner la situation en fonction des réalités d'aujourd'hui. Le critère est différent. Selon le nouveau critère, si l'intérêt national de l'affaire en cause dépasse les préoccupations de l'idéologie provinciale, les tribunaux sont prêts à privilégier le pouvoir fédéral. Nous n'avons pas besoin de ce critère dans le cas présent, même si j'ai essayé d'en démontrer aujourd'hui la nécessité à l'échelle nationale, car le gouvernement fédéral a toujours eu les pouvoirs nécessaires. Nous avons toujours eu le pouvoir en matière de droit pénal et le pouvoir de régir le commerce interprovincial. Le gouvernement fédéral n'a pas utilisé ses pouvoirs et il y a eu ainsi dans les années 1930 un vide dans lequel les provinces se sont faufilées pour ensuite empiéter sur la compétence fédérale. À l'heure actuelle, un organisme de réglementation pancanadien vend ses titres en Ontario, ce qui va à l'encontre des lois sur le commerce interprovincial, mais, nous avions laissé une lacune et le pouvoir provincial s'est empressé de la combler. Le projet de loi rééquilibrerait la Constitution ainsi que la Confédération, dans l'intérêt national.
(1440)
L'honorable Hugh Segal : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Je vais laisser le débat constitutionnel à des sénateurs beaucoup mieux informés que moi. Je suis préoccupé davantage par la prémisse fort explicite contenue dans le projet de loi et par la défense qu'en fait le sénateur. Selon cette prémisse, si nous avons un problème d'envergure nationale, la solution consiste à le résoudre en créant un organisme fédéral de plus grande envergure. Je comprends bien que, de ce côté du Sénat, l'on juge confortable et normal de résoudre un problème par une solution lourde, bureaucratique et fédérale. De l'autre côté du Sénat, par contre, on a plutôt tendance à considérer que les solutions à des problèmes du marché qui passent par la lourdeur administrative du fédéral n'ont pas connu tout le succès que leur prête le sénateur lorsqu'il pense à les appliquer dans l'optique d'une commission nationale des valeurs mobilières.
Le sénateur pourrait-il partager les renseignements dont il dispose concernant la resplendissante réussite des organismes fédéraux de grande envergure dans le domaine du commerce et des mesures d'application connexes?
Le sénateur Grafstein : Commençons par le rapport de 77 pages de M. Le Pan. Je vous invite à le lire comme point de départ. Le système actuel s'avère un échec.
Comme s'en souviendront les sénateurs qui nous ont accompagnés, lorsque le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est rendu à New York, nous avons rencontré un certain nombre d'experts. L'un d'entre eux était le professeur Coffee, un professeur de droit de l'Université Columbia. Il avait été invité par l'organisme de réglementation des valeurs mobilières de l'Ontario, la Commission Allan, à se pencher sur la situation des valeurs mobilières au Canada. M. Coffee nous a étonnés lorsqu'il a déclaré que plus de 100 allégations de fraudes en valeurs mobilières avaient été signalées aux autorités sans que rien ne soit fait. Il n'était pas arrivé à découvrir pourquoi aucun de ces cas de fraude alléguée n'avait eu de suite.
Mais nous avons maintenant la réponse. Il n'y a eu qu'une seule poursuite au Canada, l'un des plus grands marchés de capitaux au monde. De deux choses l'une : ou nous sommes le marché de capitaux le plus honnête au monde, ou alors il existe chez nous une incapacité de la part des responsables de traîner les fautifs devant la justice et de faire le nettoyage de notre système.
Certains sénateurs ici présents ont fait l'objet de critiques parce qu'ils siégeaient aux conseils d'administration de sociétés publiques. Pour ma part, je n'ai pas honte de siéger au conseil d'une société, qu'elle soit privée ou publique.
Une voix : C'est une honte!
Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, le système ne fonctionne pas. Le sénateur Segal siège, ou a déjà siégé, à un office public. Le système ne fonctionne pas, et je ne suis pas le seul à le dire. M. Le Pan, qui est expert en la matière et qui a été agent principal de réglementation des banques, est lui aussi d'avis que le système ne fonctionne pas.
Sénateur Segal, ne nous présentez pas un épouvantail en nous disant que nous nous retrouverons avec une bureaucratie fédérale démesurée qui ne sera pas en mesure de faire son travail. Honnêtement, je dirais que le système actuel est déjà trop gros, inefficace et improductif. Toutefois, je suis d'avis que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle actif dans ce cas. Je suis d'avis que nous pouvons avoir des organismes très efficaces, et je crois que la Banque du Canada fait parfois un travail magnifique.
Cela dit, je n'ai pas honte d'affirmer que nous ne devrions pas avoir peur d'utiliser le pouvoir fédéral dans l'intérêt du Canada. Je suis heureux que nous ayons des organismes fédéraux forts qui font bien leur travail. Je n'ai pas l'intention de me lancer dans une lutte idéologique. Je préfèrerais adopter une approche plus fonctionnelle et je suis prêt à tabler sur la fonctionnalité de mon argumentation.
Le sénateur Segal : J'aimerais poser deux brèves questions complémentaires. Le sénateur croit-il qu'un nouvel organisme national du genre de celui qui est proposé dans cette mesure législative créative et bien pensée tenterait d'imposer les normes américaines en matière de poursuite dans les affaires commerciales au Canada? Deuxièmement, une telle mesure serait-elle considérée comme un pas en avant, selon lui?
Deuxièmement, le sénateur Grafstein pense-t-il que les petits marchés financiers dans des endroits comme l'Alberta ou de petites provinces devraient être assujettis au même cadre réglementaire que les grands marchés financiers établis? Si tel est le point de vue du sénateur, si un seul grand organe de réglementation est la solution pour favoriser l'efficacité à l'échelle de l'Amérique du Nord — ce qui, je crois, fait partie du modèle que le sénateur propose — pourquoi les marchés financiers canadiens ne se mettraient-ils pas à relever de la U.S. Securities and Exchange Commission et pourquoi n'abandonnerions-nous pas complètement notre propre réglementation nationale?
Le sénateur Grafstein : Il y a environ quatre questions.
Tout d'abord, je crois au Canada et à la souveraineté. Je crois dans un gouvernement responsable. Je ne crois pas que nous devrions déléguer les responsabilités de réglementation de notre marché à nos collègues des États-Unis. Je suis d'avis que nous pouvons moderniser notre système judiciaire afin de le rendre encore plus perfectionné que le système des États-Unis. Parfois, ce système est exagéré et ne protège pas équitablement l'accusé. Nous avons vu des cas. Par conséquent, je ne suggère aucunement que nous adoptions leur système.
Je dis que nous devons nous occuper de nos propres affaires et veiller à ce que les sanctions pénales associées à la loi conviennent à notre système et à nos tribunaux judiciaires, car nous avons un système différent. Le système ne changerait pas. Les gouvernements provinciaux pourraient continuer à disposer d'un régime réglementaire pour un petit marché s'ils choisissent de le faire dans leur propre province. S'ils décident de vendre des valeurs mobilières ou d'avoir un marché financier dans leur province, ils seront libres de le faire.
Toutefois, ce n'est pas ce qu'ils veulent faire. L'Alberta ne veut pas se limiter à l'Alberta. Elle veut que ses premiers appels publics à l'épargne — PAPE — ainsi que ceux de la Colombie-Britannique soient lancés à l'échelle du pays. Notre marché naturel est déjà trop étroit. Pourquoi pénétrer un marché et ne pas en profiter pour pénétrer le marché canadien au complet? Il n'existe pas de marché national ici. Des éléments entravent le commerce interprovincial, question sur laquelle le Comité sénatorial des banques continue de se pencher. Nous n'avons pas de marché national. Nous pratiquons le libre-échange avec les États-Unis, mais pas à l'intérieur du Canada.
Je ne crains pas l'exagération ni l'américanisation de notre système de droit pénal. Nous avons des freins et des contrepoids. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, comité réfléchi, examinerait attentivement le projet de loi pour veiller à ce qu'on applique le pouvoir d'imposer des sanctions pénales de manière appropriée, et différemment des États-Unis. Je ne suis pas favorable à la Racketeer Influenced and Corrupt Organizations Act des États-Unis, car on l'applique de manière démesurée. Cette loi a été créée pour attraper les bandes criminelles, mais on l'applique maintenant dans des cas de réglementation civile ou criminelle. C'est injuste. Nous ne ferions pas cela au Canada.
Je suis convaincu que notre système judiciaire et nos législateurs seraient plus prudents, agiraient de manière plus réfléchie et seraient justes pour les deux parties, en particulier dans les affaires criminelles.
L'honorable W. David Angus : Le sénateur voudrait-il répondre à une autre question? Sauf erreur, dans son projet de loi, le sénateur Grafstein parle d'un organisme national unique de réglementation des valeurs mobilières, sous le régime du droit fédéral, comme on l'a décrit.
Le sénateur connaît-il la notion d'organisme national commun de réglementation des valeurs mobilières, aux termes duquel le gouvernement fédéral collaborerait avec les provinces et les territoires? Si le sénateur connaît cette notion, pourquoi ne préférerait-il pas un système de ce genre?
Le sénateur Grafstein : La réponse, c'est un gouvernement responsable. Permettez-moi de présenter mon argument au sénateur. Il ne s'agit pas d'une nouvelle proposition. Ce système a été proposé au début des années 1960, en 1964-1965, par le président, à l'époque, de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. J'ai participé à ces discussions à l'époque, et les mandarins et les ministres fédéraux ont rejeté cette proposition en raison de la reddition de comptes. Lorsqu'on répartit la responsabilité entre le gouvernement fédéral et les 13 gouvernements, il n'y a aucune reddition de comptes. Si quelque chose ne va pas, qui peut-on blâmer? À qui peut-on exiger des comptes?
(1450)
Contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, nos Pères de la Confédération croyaient dans un gouvernement responsable. C'est l'essence même de notre constitutionnalité. Comment un gouvernement responsable peut-il exister lorsque quelque chose ne va pas dans le système, comme c'est le cas actuellement — il n'y a eu qu'une seule poursuite réussie — et que personne ne rend des comptes ou n'assume la responsabilité? Comment l'électeur canadien peut-il décider qu'un politicien ou un groupe de politiciens ne fait pas son travail? C'est impossible lorsque la responsabilité est répartie entre 13 gouvernements.
Qui les électeurs blâment-ils? Blâment-ils la Nouvelle-Écosse? Blâment-ils la Saskatchewan? Non, laissons le gouvernement fédéral assumer la responsabilité et accepter le blâme. À mon avis, il s'agit de l'essence d'un gouvernement responsable, à moins que mes mentors n'aient fait erreur lorsqu'ils m'ont dit que le gouvernement fédéral pourrait constituer un outil ciblé et efficace, dans l'intérêt national.
(Sur la motion du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)
Droits de la personne
Motion tendant à autoriser le comité à étudier la déclaration de 2007 de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe sur l'antisémitisme et l'intolérance—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool,
Que la Résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme, et les autres formes d'intolérance, adoptée à la 16e session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Kiev, Ukraine le 9 juillet 2007, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étude et que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2008 :
RÉSOLUTION SUR LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME, LE RACISME, LA
XÉNOPHOBIE ET LES AUTRES FORMES D'INTOLÉRANCE,
Y COMPRIS A L'ÉGARD DES MUSULMANS
ET DES ROMS
1. Rappelant que l'Assemblée parlementaire a joué un rôle exemplaire en attirant et en ciblant plus précisément l'attention des États participants, depuis la session annuelle de 2002 à Berlin, sur les questions liées à l'intolérance, à la discrimination et aux crimes de haine, sans omettre l'inquiétude particulière suscitée par les manifestions d'antisémitisme, de racisme, de xénophobie et d'autres formes d'intolérance,
2. Louant la richesse de la diversité ethnique, culturelle, raciale et religieuse au sein des 56 États participants de l'OSCE,
3. Soulignant la nécessité de veiller à la mise en œuvre des engagements existants de l'OSCE en matière de lutte contre l'antisémitisme, le racisme, la xénophobie et les autres formes d'intolérance et de discrimination, y compris à l'égard des chrétiens, des musulmans et des membres d'autres religions, ainsi que des Roms,
4. Rappelant les autres engagements internationaux des États participants de l'OSCE et demandant instamment la ratification immédiate et la mise en œuvre intégrale de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, de la Convention sur la non- applicabilité des limitations statutaires aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité, et du Statut de Rome,
5. Rappelant aux États participants que les crimes et la discrimination motivés par la haine ne sont pas seulement liés à la race, à l'origine ethnique, au sexe et à la religion ou aux croyances mais aussi aux opinions politiques, à l'origine nationale ou sociale, à la langue, à la naissance ou à d'autres considérations,
L'Assemblée parlementaire de l'OSCE
6. Se félicite de l'organisation, en juin 2007 à Bucarest (Roumanie), de la Conférence à haut niveau de l'OSCE sur la lutte contre les discriminations et la promotion du respect et de la compréhension mutuels, en tant que suivi de la Conférence de Cordoue de 2005 sur l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance;
7. Apprécie à leur juste valeur les travaux entrepris par l'OSCE et le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH de l'OSCE) par l'intermédiaire de son programme en faveur de la tolérance et de la non-discrimination, ainsi que ses efforts en vue d'améliorer la situation des Roms et des Sintis grâce à son point de contact pour les questions les concernant, et souscrit à l'idée de continuer à organiser des réunions d'experts sur l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance en vue de renforcer la mise en œuvre des engagements de l'OSCE en la matière;
8. Reconnaît le rôle important que joue le Programme de formation des agents de la force publique du BIDDH de l'OSCE en aidant les forces de police des États participants à mieux identifier et combattre les crimes motivés par la haine et recommande que d'autres États participants utilisent ce programme;
9. Réitère son plein appui aux travaux entrepris au niveau politique par les trois Représentants personnels du Président en exercice et approuve la poursuite de leurs efforts aux termes des mandats distincts qui leur sont confiés;
10. Rappelle aux États participants l'Holocauste, son impact et les actes persistants d'antisémitisme perpétrés dans l'ensemble de l'espace de l'OSCE — soit 56 pays — qui ne sont pas propres à tel ou tel pays et exigent que les États participants fassent preuve d'une fermeté inébranlable pour effacer cette tache noire sur l'histoire de l'Humanité;
11. Demande aux États participants de ne pas perdre de vue que les atrocités commises dans la région de l'OSCE et motivées par la race, l'origine nationale, le sexe, la religion, les croyances, le handicap ou l'orientation sexuelle ont contribué à donner une image négative des personnes vivant dans la région et à leur faire subir de mauvais traitements;
12. Rappelle également les résolutions sur l'antisémitisme adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à ses sessions annuelles de Berlin en 2002, Rotterdam en 2003, Édimbourg en 2004, Washington en 2005 et Bruxelles en 2006;
13. Réaffirme en particulier la Décision du Conseil ministériel réuni à Porto en 2002, condamnant « les incidents antisémites dans la région de l'OSCE, en reconnaissant le rôle qu'a joué l'antisémitisme dans l'histoire en tant que danger majeur pour la liberté »;
14. Rappelle que les États participants ont conclu à Cracovie en 1991 un accord en vue de préserver et de protéger les monuments et les lieux de mémoire, y compris tout particulièrement les camps d'extermination et les archives y afférentes, qui témoignent par eux-mêmes des expériences tragiques ayant jalonné leur passé commun;
15. Félicite les onze États membres du Service international de recherches (SIR) d'avoir approuvé le transfert immédiat des archives scannées de l'Holocauste aux institutions destinataires et encourage tous les États participants à collaborer à l'ouverture, à la reproduction et à la diffusion des fonds d'archives de l'Holocauste;
16. Commémore le bicentenaire de la Loi de 1807 sur l'abolition de la traite des esclaves, qui a interdit le commerce des esclaves dans l'Empire britannique, a autorisé la recherche et la saisie des navires soupçonnés de transporter des personnes réduites à l'esclavage et a prévu une indemnisation pour l'affranchissement des esclaves;
17. Convient que la traite transatlantique des esclaves a été un crime contre l'humanité et prie instamment les États participants d'élaborer des outils, programmes et activités pédagogiques en vue d'en faire connaître la dimension aux générations actuelles et futures;
18. Reconnaît les horribles séquelles que des siècles de racisme, d'esclavage, de colonialisme, de discrimination, d'exploitation, de violence et d'oppression extrême ont continué à avoir sur la propagation de stéréotypes, de préjugés et de sentiments de haine à l'égard des personnes d'origine africaine;
19. Rappelle aux parlementaires et aux États participants que les Roms constituent la plus grande minorité ethnique de l'Union européenne et qu'ils ont été réduits en esclavage et victimes de génocide, d'expulsion massive et d'emprisonnement, d'assimilation forcée et de nombreuses autres pratiques discriminatoires dans l'espace de l'OSCE;
20. Rappelle aux États participants le rôle que ces antécédents et d'autres événements ont joué dans l'institutionnalisation des pratiques qui empêchent les membres des groupes minoritaires d'accéder et participer sur un pied d'égalité aux institutions publiques, ce qui entraîne des disparités flagrantes en matière de santé, de richesse, d'éducation, de logement, de participation à la vie politique et d'accès à une réparation légale par l'intermédiaire des tribunaux;
21. Souligne les sentiments évoqués dans de précédentes résolutions au sujet de la menace que l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance continuent à faire peser sur les droits de l'homme de caractère fondamental et les valeurs démocratiques sur lesquelles repose la sécurité dans l'espace de l'OSCE;
22. Prie instamment, par conséquent, les États participants de s'attacher davantage à collaborer avec leurs diverses communautés à l'élaboration et à la mise en œuvre de pratiques de nature à faire bénéficier les membres des groupes minoritaires de l'égalité d'accès et de chances égales dans les sphères sociale, politique, juridique et économique;
23. Note les manifestations croissantes d'antisémitisme, de racisme, de xénophobie et d'autres formes d'intolérance qui se produisent dans la culture populaire, y compris sur Internet, dans les jeux électroniques et dans le sport;
24. Déplore que l'on trouve de plus en plus fréquemment, dans certains États participants de l'OSCE, les matériels et les symboles d'organisations racistes, xénophobes et antisémites;
25. Rappelle aux États participants la réunion de 2004 de l'OSCE sur la relation entre la propagande raciste, xénophobe et antisémite sur Internet et les crimes de haine et les mesures qu'il a été suggéré de prendre pour lutter contre la diffusion par Internet ainsi que sous forme d'imprimés ou d'une autre manière, de matériels racistes et antisémites qui pourraient être utilisés dans toute la région de l'OSCE;
26. Déplore l'intellectualisation permanente de l'antisémitisme, du racisme et d'autres formes d'intolérance dans les milieux universitaires, en particulier au moyen de publications et de réunions publiques organisées dans les universités;
27. Condamne l'association de politiciens et de partis politiques avec des programmes discriminatoires et réaffirme que de tels actes constituent une violation des normes en vigueur en matière de droits de l'homme;
28. Note les efforts législatifs, les campagnes de sensibilisation du public et les autres initiatives de certains États participants en vue de reconnaître les injustices historiques liées à la traite transatlantique des esclaves, d'étudier l'asservissement des Roms et de commémorer l'Holocauste;
29. Prie instamment les autres États de prendre des mesures analogues en reconnaissant les incidences des injustices passées sur les pratiques et croyances d'aujourd'hui comme moyen d'offrir une tribune à l'étude de l'antisémitisme et des autres formes d'intolérance;
30. Suggère que des directives soient élaborées sur la responsabilité qu'ont les universitaires d'assurer la protection des étudiants juifs et des étudiants d'autres communautés minoritaires contre le harcèlement, la discrimination et les mauvais traitements en milieu universitaire;
31. Prie instamment les États participants de mettre en œuvre les engagements faisant suite aux conférences initiales tenues à Vienne en 2003 sur l'antisémitisme et le racisme, la xénophobie et la discrimination, ainsi qu'aux conférences ultérieures appelant notamment à :
a. établir le cadre et les instances juridiques voulus pour lutter contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance;
b. recueillir, analyser, publier et diffuser des données sur les crimes de haine;
c. protéger les installations religieuses et les institutions communautaires, y compris les lieux de culte juifs;
d. promouvoir des lignes directrices nationales sur les activités pédagogiques visant à favoriser la tolérance et à lutter contre l'antisémitisme, y compris un enseignement sur l'Holocauste;
e. dispenser aux membres des forces de l'ordre et au personnel militaire une formation leur permettant de dialoguer avec diverses communautés et de s'attaquer aux crimes de haine, notamment par des opérations de maintien de l'ordre dans les communautés;
f. nommer des médiateurs ou des commissaires spéciaux en leur attribuant les ressources nécessaires pour suivre de façon appropriée l'évolution de l'antisémitisme et des autres formes d'intolérance et y faire face;
g. collaborer avec la société civile à l'élaboration et à la mise en œuvre d'initiatives en faveur de la tolérance;
32. Exhorte les parlementaires et les États participants à rendre compte de leurs initiatives en vue de lutter contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance et à reconnaître publiquement les avantages de la diversité lors de la session annuelle de 2008;
33. Félicite tous les parlementaires des efforts qu'ils font pour lutter contre toutes les formes d'intolérance, et en particulier les parlementaires britanniques pour l'enquête multipartite qu'ils ont effectuée sur l'antisémitisme et pour le rapport final sur cette enquête;
34.Souligne le rôle essentiel que les politiciens et les partis politiques jouent dans la lutte contre l'intolérance par leur action de sensibilisation à l'atout que constitue la diversité en tant que source d'enrichissement mutuel des sociétés et attire l'attention sur l'importance de l'intégration, dans le respect de la diversité, en tant qu'élément clé de la promotion de la compréhension et du respect mutuels;
35.Invite les délégués de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à encourager la tenue régulière, au sein de leurs parlements nationaux, de débats sur le thème de l'antisémitisme et des autres formes d'intolérance, à l'exemple de l'enquête parlementaire multipartite sur l'antisémitisme;
36. Invite les journalistes à élaborer un code déontologique reposant sur l'autodiscipline pour lutter contre l'antisémitisme, le racisme, la discrimination à l'encontre des musulmans, et les autres formes d'intolérance dans les médias;
37. Se déclare préoccupée par toutes les tentatives de boycottage, dépouillement et sanctions dont sont victimes des institutions et personnes israéliennes;
38. Demande instamment la mise en application de la Résolution sur l'éducation des Roms, qui a été adoptée à l'unanimité lors de la session annuelle de l'Assemblée parlementaire tenue à Berlin en 2002, « en vue d'éliminer les pratiques qui isolent les enfants Roms dans le système scolaire » et de leur assurer l'égalité d'accès à l'éducation, qui couvre l'éducation interculturelle;
39. Invite les parlementaires et les autres élus à se prononcer publiquement contre la discrimination, la violence et les autres manifestations d'intolérance à l'égard des Roms, des Sintis, des Juifs et d'autres groupes ethniques ou religieux;
40. Prie instamment les États participants d'assurer la fourniture, en temps opportun, de ressources et d'un soutien technique et la mise en place d'une structure de soutien administrative pour seconder les trois Représentants personnels du Président en exercice dans leur action visant à promouvoir une plus grande tolérance et à lutter contre le racisme, la xénophobie et la discrimination;
41. Incite les trois Représentants personnels du Président en exercice à prendre la parole lors des réunions d'hiver et des sessions annuelles de l'Assemblée pour faire connaître leur action en faveur d'une plus grande tolérance et lutter contre le racisme, la xénophobie et la discrimination;
42. Reconnaît la contribution unique que les Partenaires méditerranéens pour la coopération pourraient apporter aux efforts de l'OSCE visant à promouvoir une plus grande tolérance et à lutter contre le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie et la discrimination, notamment en appuyant l'action menée par les trois Représentants personnels du Président en exercice;
43. Rappelle aux États participants que le respect de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance devrait faciliter la lutte contre toutes les formes d'intolérance, avec pour objectif ultime d'établir des relations positives entre tous les individus, de servir la justice sociale et d'instaurer la paix dans le monde;
44. Rappelle aux États participants que, de tout temps, les violations de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance ont, par des voies directes ou indirectes, conduit à la guerre, à la souffrance humaine et aux divisions entre les nations et les peuples et en leur sein;
45. Condamne la violence croissante manifestée dans l'espace de l'OSCE à l'égard des personnes considérées comme des musulmans et se félicite de la conférence qui se tiendra à Cordoue en octobre 2007 au sujet de la lutte contre la discrimination à l'égard des musulmans;
46. Invite les parlementaires et les États participants à garantir et à faciliter la liberté donnée aux individus de professer et de pratiquer toute religion ou croyance, seuls ou conjointement avec d'autres, grâce à des lois, réglementations, pratiques et politiques transparentes et non discriminatoires, ainsi qu'à supprimer toute politique d'immatriculation ou de reconnaissance qui établit une discrimination à l'encontre de n'importe quelle communauté religieuse et entrave son aptitude à agir librement et sur un pied d'égalité avec d'autres croyances;
47. Encourage les États participants à prêter une plus grande attention au rôle accru que les adolescents et les jeunes gens peuvent jouer dans la lutte contre l'antisémitisme et les autres formes d'intolérance et prie instamment les États de recueillir des données et de faire rapport sur les crimes de haine commis par des personnes ayant moins de 24 ans, ainsi que de promouvoir des initiatives en faveur de la tolérance grâce à l'éducation, à la formation de la main-d'œuvre, aux organisations de jeunesse, aux clubs de sport et à d'autres activités organisées;
48. Rappelle aux États participants que cette année marque le 59e anniversaire de l'adoption, par la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui a inspiré de nombreux traités et déclarations internationaux sur les questions de tolérance;
49. Invite les États participants à réaffirmer et à traduire en actes les sentiments exprimés dans la Déclaration de Bucarest de 2000 et dans la présente résolution en tant que témoignage de leur engagement de « respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion », comme le stipule l'Acte final d'Helsinki;
50. Se déclare profondément préoccupée par la glorification du mouvement nazi, y compris par l'érection de monuments et l'aménagement de lieux de mémoire ainsi que par l'organisation de manifestations publiques glorifiant le passé nazi, le mouvement nazi et le néonazisme;
51. Souligne également que de telles pratiques alimentent les formes contemporaines de racisme, discrimination raciale, xénophobie et formes analogues d'intolérance et contribuent à la propagation et à la multiplication de divers partis, mouvements et groupes politiques extrémistes, y compris des groupes néonazis et de skinheads;
52. Souligne la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques décrites ci-dessus et invite les États à prendre des dispositions plus efficaces pour lutter contre ces phénomènes et contre les mouvements extrémistes, qui constituent une réelle menace pour les valeurs démocratiques.—(L'honorable sénateur Di Nino)
L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je suis prêt à intervenir au sujet de cette motion. J'ai parlé à son parrain, le sénateur Grafstein. La motion est au Feuilleton depuis longtemps, c'est pourquoi je voulais assurer tout le monde que j'ai consulté le sénateur Grafstein et que je prendrai bientôt la parole à ce sujet. En attendant, j'ajourne le débat à mon nom.
(Le débat est reporté.)
Le Sénat
Motion visant à télédiffuser les délibérations—Ajournement du débat
L'honorable Hugh Segal, conformément à l'avis du 13 novembre 2007, propose :
Que, lorsque le Sénat siège, les délibérations de la Chambre haute, à l'instar de celles de la Chambre basse, soient télédiffusées ou autrement enregistrées sur bandes vidéo afin d'être diffusées en direct ou rediffusées sur CPAC ou une autre station de télévision à des moments opportuns pour les Canadiens.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, étant donné que le sénateur qui propose la motion n'a pas encore pris la parole à ce sujet, je me demande s'il accepterait de répondre à quelques questions.
Le sénateur Segal : Ce sera un plaisir.
Son Honneur le Président : La motion a été proposée par le sénateur Segal. Nous en sommes maintenant à la période qui lui est réservée et nous avons 15 minutes pour les questions et les observations.
Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, je n'ai rien contre la motion, mais j'aimerais poser quelques questions au sénateur.
Tout d'abord, la motion donne un ordre à quelqu'un, mais ne précise pas à qui. On y dit que nos débats doivent être télédiffusés, mais qui va les télédiffuser?
Nous attendons-nous à ce que le greffier installe des caméras? Et que dira le sénateur Corbin, qui n'aime habituellement pas avoir des caméras derrière lui? Il soulève régulièrement des objections à ce sujet et je m'objecterais moi aussi si on plaçait une caméra entre le leader de mon parti et moi.
Ce sont des questions qui restent sans réponses dans la motion parce que personne n'assume la responsabilité. C'est simplement un ordre que le Sénat donne à quelqu'un, mais sans préciser à qui.
Deuxièmement, étant donné que la motion ne contient aucune indication de coût, peut-on savoir si on a pensé aux coûts de la mesure? Dans la négative, qui établira ces coûts? Est-ce que ce sera le Président ou les greffiers? La motion est muette à ce sujet.
Troisièmement, la motion dit que nos délibérations doivent être télédiffusées, mais à qui doit-on envoyer le signal? Personne ne semble avoir été identifié comme responsable de capter le signal au Sénat. Qui est responsable de trouver quelqu'un pour capter le signal du Sénat? Après avoir dépensé pour installer des caméras, il se pourrait que nous n'ayons nulle part où envoyer le signal.
C'est le genre de questions que je me pose. Le sénateur ne précise pas qui est responsable d'organiser cela. Il n'identifie pas la personne à qui nous donnons cet ordre. Si les sénateurs adoptent cette motion, ne risque-t-elle pas de rester dans le néant, personne ne se chargeant d'y donner suite?
Le sénateur Segal : Je remercie mon collègue de ces questions directes et réfléchies.
En présentant cette motion, mon intention est d'amener le Sénat à exprimer une volonté, de déterminer s'il souhaite trouver un moyen de télédiffuser ses délibérations. S'il exprime la volonté de le faire, je sais bien que je n'ai pas le pouvoir, en tant que simple sénateur, de formuler une proposition qui exige qu'on y consacre des fonds ou qui risquerait d'exiger des modifications du Règlement du Sénat.
Une fois cette volonté exprimée, j'espère qu'on pourrait alors envisager de présenter une motion qui demanderait au Comité du Règlement, ou au Comité de la régie interne, de trouver le moyen de veiller au respect de la volonté des sénateurs, sur les conseils du Bureau et d'autres spécialistes, de façon juste et raisonnable aux yeux de tous les sénateurs, et sans que ce soit trop coûteux.
Mon bon ami, le sénateur Banks, disait l'autre jour qu'il y aurait peut-être un moyen de diffuser efficacement nos travaux sans qu'ils soient télévisés. Avec la nouvelle technologie, ils pourraient être vus par tous ceux qui le souhaitent.
Le leader adjoint du gouvernement a tout a fait raison de vouloir s'assurer que ma motion ne demande pas des garanties quant au financement, ni l'acceptation bon gré mal gré de procédures particulières. Dans cette motion, je ne précise pas qui serait responsable de donner suite à cette proposition. Cela ne relève pas de moi.
J'espère que, si les sénateurs expriment ce souhait, les deux côtés, minoritaire et majoritaire, travailleront ensemble pour déterminer quel serait le meilleur moyen d'examiner les détails de la proposition, d'évaluer les coûts et de déterminer à quel comité cette question doit être confiée. Je considère que tout cela relève de responsabilités bien supérieures aux miennes. Tout ce que je peux faire, en tant que sénateur, est de faire remarquer qu'on pourrait exprimer ce souhait de façon constructive, rien de plus.
Je ne veux absolument pas limiter les options des sénateurs ou du Bureau quant à la façon dont nous pourrions procéder. J'ai simplement été frappé par le fait que, si les sénateurs exprimaient ce souhait, nous aurions maintenant amplement le temps, entre le début du congé de Noël et la reprise des travaux, qui est actuellement prévue fin janvier, d'étudier certaines de ces questions, sur le mode de la consultation entre collègues des deux partis.
Le sénateur Comeau : Je crois avoir fait valoir mon argument. Je ne pense pas que le sénateur devrait sous-estimer l'importance de son rôle au Sénat. Il a présenté une motion qui, essentiellement, ne dit pas qui va faire quoi. Il a suggéré que les deux côtés pourraient se rencontrer pour en discuter, mais la motion ne le précise pas.
(1500)
À mon avis, la motion aurait beaucoup plus de poids si elle proposait de renvoyer l'affaire au Comité de la régie interne pour qu'il nous laisse savoir si le concept est faisable et quels en seraient les coûts, plutôt que de laisser en suspens la question de savoir si nous devrions aller dans ce sens ou non. La motion n'autorise personne à faire quoi que ce soit. Il s'agit d'un beau vœu collectif. Toutefois, il est fort probable que, le lendemain, nous retournerions tous à nos occupations quotidiennes sans que rien de concret ne soit fait. Donnons plus de force à cette motion et renvoyons-la là où elle serait d'une quelconque utilité.
Le sénateur Segal : Je suis très heureux de suivre les conseils de personnes qui sont plus savantes et qui ont plus d'expérience que moi dans le domaine. Je crois que cela serait une perte de temps et d'argent de demander au Comité de la régie interne ou au Comité du Règlement d'examiner les modalités avant que le Sénat n'ait exprimé sa volonté de faire téléviser les débats. Pourquoi devrions-nous prendre le temps de déterminer comment procéder alors que nous ne savons pas si le Sénat, et j'ai cru comprendre qu'il existe des points de vue très différents sur la question, voudra donner suite à cette motion? Si les sénateurs ne veulent pas y donner suite, cela mettra fin au débat. J'ai fait une suggestion et j'accepterai la décision des sénateurs, et je la défendrai, quelle qu'elle soit.
Il me semble que nous aurions tort de commencer une discussion détaillée au comité sur la façon de procéder alors que nous ne savons même pas si c'est ce que les sénateurs désirent. Toutefois, si d'autres personnes désirent procéder d'une autre manière, je suis disposé à collaborer pleinement.
L'honorable George J. Furey : Le problème, c'est que la motion du sénateur n'est pas formulée comme une consultation, mais comme une directive, et qu'elle aura l'effet d'un ordre du Sénat si elle est adoptée.
Le sénateur Segal : Oui, c'est ce que j'espère. Si le sénateur a révélé mon souhait, il l'a fait de façon experte et je l'accepte. J'espère qu'une fois que le Sénat aura exprimé, s'il décide de le faire, la volonté que nos débats soient télévisés, et que les divers comités — à savoir le Comité de la régie interne, le Comité du Règlement et d'autres — en étudieront les modalités, ils le feront en sachant que telle est la volonté du Sénat.
Honorables sénateurs, l'expérience m'a appris que les personnes les plus compétentes, surtout lorsqu'elles se penchent sur des questions comme les coûts, les inconvénients et les changements, peuvent souvent ralentir le processus, simplement en faisant leur travail et en faisant preuve de diligence raisonnable. Si le processus commence sans que le Sénat ait exprimé sa volonté de façon précise, un travail remarquable pourrait avoir été accompli dans six mois, sans que l'on sache clairement si le Sénat souhaite aller de l'avant. Ce que je souhaite, c'est que nous soyons clairs à ce sujet, afin que les divers intervenants puissent amorcer leur travail en sachant à quoi s'en tenir.
Le sénateur Furey : Encore une fois, ne serait-il pas préférable que la motion du sénateur ait un libellé différent et qu'elle soit formulée comme s'il s'agissait d'une consultation, plutôt que d'une directive? Si la motion est présentée comme une directive et un ordre du Sénat, toutes les questions posées par le sénateur Comeau resteront sans réponse. Nous aurons une directive selon laquelle des caméras soient installées immédiatement ici. Le sénateur Comeau soulève de très bons points et nous devrions les examiner avant d'adopter un ordre prévoyant l'installation de caméras dans notre enceinte. Ne serait-il pas préférable de reformuler la motion du sénateur de façon à ce qu'elle ait un caractère consultatif plutôt que l'apparence d'une directive?
Le sénateur Segal : J'imagine que oui. La motion est présentement inscrite au Feuilleton. C'est la deuxième fois qu'elle l'est, puisque nous avons présenté une motion semblable au cours de la dernière session. Je suis tout à fait à l'aise avec l'opinion du Sénat sur cette motion, sur ses points forts et ses faiblesses, et sur le fait que quelqu'un pourrait proposer l'ajournement, ce qui est peut-être ce qui va se produire. Je n'ai pas de contrôle là-dessus. J'espère que nous pourrons trouver une façon d'exprimer notre volonté d'agir, de telle sorte que le processus vise un but précis et clair, plutôt que de ne pas exprimer cette volonté avant de demander que l'on étudie le dossier, et qu'une fois l'exercice terminé on constate que cette volonté n'a en fait jamais existé, ce qui est peut-être le cas. Je ne veux pas présumer de cette question.
L'honorable David P. Smith : À la page 8 du Feuilleton, le sénateur Segal a également une autre motion, qui porte cette fois sur la tenue d'un référendum sur l'abolition du Sénat. Ne semblerait-il pas un peu étrange de dépenser tout cet argent avant qu'une décision ait été prise quant à l'avenir du Sénat? C'est une chose ou l'autre.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Segal : Je constate que la question de mon collègue est appuyée par bon nombre de sénateurs des deux côtés. Le sénateur saura que cette autre motion porte sur la tenue d'un référendum auprès de la population pour savoir si le Sénat devrait ou non être aboli. Il saura que j'ai dit publiquement que je m'opposerais à l'abolition du Sénat.
Je crois sincèrement que si les débats du Sénat étaient télévisés, non seulement les réunions de comité mais tous les débats, d'une manière semblable à celle dont les débats de la Chambre des lords sont télévisés, l'écart restreint qui sépare les tenants du maintien du Sénat et les tenants de l'abolition du Sénat s'élargirait en faveur du maintien du Sénat, et je serais un ardent défenseur de cette cause. De plus, la télédiffusion des débats aiderait à justifier le maintien du Sénat de façon responsable et constructive.
L'honorable Lowell Murray : J'allais demander au sénateur Segal et, du même coup, à d'autres qui ont pris part à cette discussion si on ne pourrait pas trouver une solution, en modifiant sa motion en insérant une virgule après le mot « Canadiens » et en ajoutant les mots « et que le Comité du Règlement, ou le Comité de la régie interne, ou un autre comité, soit appelé à recommander les modalités applicables dans un certain délai. »
Le sénateur Segal : Je ne prétendrai pas savoir comment faire cela, mais je trouve que cette proposition est une excellente idée, en harmonie avec la suggestion de mon leader adjoint. Si une personne plus érudite que moi sait comment rédiger cette motion, je l'appuierai.
L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, compte tenu de la position du sénateur Segal au sujet de sa motion visant l'abolition du Sénat, pourrais-je lui demander s'il est pour ou contre la télédiffusion des travaux du Sénat?
Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, j'ai appris depuis longtemps que, lorsqu'on plonge dans un débat avec une personne qui vient de Terre-Neuve-et-Labrador, si une voie mène vers l'ontologie et l'autre vers la téléologie, il ne faut emprunter aucune des deux.
Le sénateur Rompkey : Il faut surtout éviter la « paléontologie ».
Le sénateur Segal : Je suis en faveur de la télédiffusion des travaux du Sénat, d'une télédiffusion pratique, efficace et juste. Je crois qu'un Sénat télévisé permettrait à ceux d'entre nous qui souhaitent un référendum sur son avenir — et qui s'opposent à son abolition — de présenter leurs arguments de façon encore plus éloquente à l'avenir.
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'aimerais ajourner ce débat.
Son Honneur le Président : Voici une motion qui ne relève pas de la métaphysique.
(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion exhortant le gouvernement à créer un Musée national du portrait dans la région de la capitale nationale—Ajournement du débat
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, conformément à l'avis du 4 décembre 2007, propose :
Que le Sénat demande au gouvernement de créer sans tarder un Musée national du portrait dans la région de la capitale nationale.
— Honorables sénateurs, vous avez été très patients avec moi aujourd'hui. Je prends la parole en faveur de cette résolution, qui vise à ce que le Sénat exhorte le gouvernement à créer sans tarder un Musée national du portrait dans la région de la capitale nationale. Je présente cette motion maintenant, car je crois qu'il est temps que le Sénat se prononce, compte tenu de la situation dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement.
(1510)
Honorables sénateurs, loin de moi l'idée d'abuser de votre patience aujourd'hui. Vous avez fait preuve d'une grande gentillesse. Cette motion a été présentée parce que le gouvernement a annoncé récemment son intention d'organiser un concours, qui dresserait les villes canadiennes les unes contre les autres, dans le but de recevoir des candidatures pour loger le Musée du portrait du Canada à l'extérieur de la région de la capitale nationale. J'espère que le Sénat se prononcera sur cette question avant l'ajournement du congé de Noël.
Honorables sénateurs, je tenterai d'être bref. Au printemps 1998, je suis rentré d'un voyage à Londres, en Angleterre, où, fidèle à mon habitude, j'ai visité la National Portrait Gallery. Cet établissement renferme une collection impressionnante de portraits des grandes personnalités de la Grande-Bretagne à travers le temps. La collection exposée sur plusieurs étages comprend des portraits de la royauté, de la cour, de politiciens et de premiers ministres. On y trouve un magnifique portrait du premier Cabinet de guerre où l'on peut voir Winston Churchill et M. Borden ensemble. C'était le premier Cabinet impérial. On peut admirer de fabuleux portraits de chefs d'entreprise et de magnats des affaires, d'acteurs, d'artistes et de gens ordinaires de toutes les classes de la société.
En fait, le musée présente une vue panoramique virtuelle de l'histoire britannique grâce à une série de grands portraits de l'Angleterre, non seulement de l'élite de ce pays, mais aussi de l'homme ordinaire, de l'Anglais de la rue.
Chaque fois, j'y trouve un ou deux nouveaux portraits. J'invite tous les sénateurs qui n'ont pas encore visité ce musée pourtant situé en plein cœur de Londres à aller y faire un tour lors de leur prochain voyage dans cette ville.
Ce printemps-là, lorsque je suis rentré de Londres pour découvrir que l'édifice abritant l'ambassade des États-Unis, jadis située juste en face de la Colline du Parlement, une superbe construction de style art nouveau, serait libéré parce que l'ambassade américaine déménageait à quelques pas de là, j'ai tout de suite pensé que ce serait l'endroit idéal pour installer un Musée du portrait du Canada. J'ai donc pris contact avec les Archives nationales du Canada.
Je me permettrai de citer ce passage de la lettre que les Archives m'ont adressée en date du 8 juillet 1998 :
Cher sénateur Grafstein,
Récemment, dans le cadre d'une conversation avec John Cripton, du Centre national des arts, j'ai été mis au fait de votre intérêt concernant la possibilité de fonder un musée national du portrait au Canada. Les Archives nationales du Canada partagent votre intérêt pour les portraits nationaux.
Pratiquement depuis notre création en 1872, nous avons fait l'acquisition de portraits à valeur historique. Notre collection comprend maintenant plus de 4 millions de pièces, y compris des œuvres d'art telles que des peintures, des gravures et des caricatures, ainsi qu'une collection importante de photographies. Notre collection contient notamment le seul portrait connu de Beothuk, peint de son vivant, un très ancien portrait photographique de sir John A. Macdonald, conservé dans un médaillon, ainsi que la totalité du studio de Yousuf Karsh. Avec les années, cette collection incomparable de portraits, manuscrits et autres documents historiques de la vie des Canadiens qui est en notre possession est devenue une ressource prisée des historiens, des enseignants, d'autres institutions muséologiques et des médias.
Nous avons également organisé des expositions montrant un choix de portraits, tel que démontré par les quelques catalogues joints à la présente.
On a également eu la gentillesse de me faire parvenir un catalogue que tous les sénateurs peuvent consulter.
La lettre dit encore que :
Malheureusement, bien que nous fassions l'acquisition et veillions à la préservation des portraits qui relèvent du patrimoine canadien, nous n'avons toujours pas d'espace d'exposition permanent qui permettrait au public de contempler ces trésors nationaux [...]
Les Archives nationales sont déterminées à exposer leur collection de portraits nationaux, collection dont bénéficieraient indéniablement les Canadiens dans la mesure où elle renforce l'identité canadienne et accroît la fierté que nous ressentons à l'égard de notre patrimoine. Étant donné l'intérêt que vous avez manifesté à ce sujet, j'aimerais vous inviter, ainsi que toute autre personne que vous aimeriez amener avec vous, à visiter les Archives nationales pour voir de vos propres yeux l'ampleur de leur impressionnante collection de portraits et constater que celle-ci pourrait susciter un nouvel intérêt à l'égard des personnages qui ont marqué le pays et de leurs histoires.
J'aimerais aussi connaître vos propres idées quant aux façons d'exposer cet aspect de notre patrimoine canadien.
Après avoir reçu cette lettre, j'ai parlé à mon collègue, un des plus éminents experts en art au Canada, le sénateur Joyal, qui a également manifesté un intérêt à l'égard de ce projet. J'ai proposé d'unir nos forces pour voir si, ensemble, nous ne pourrions pas persuader le gouvernement du jour — M. Chrétien était premier ministre à l'époque — de réaliser cette idée.
Le sénateur Joyal a eu la gentillesse de me transmettre une lettre que lui ont adressée les Archives nationales du Canada le 18 octobre 1998. Je ne lirai pas la lettre dans son intégralité parce que certains passages me concernent personnellement. Le sénateur Joyal m'a donné la permission de lire la lettre, qui dit, et je cite :
Monsieur le Sénateur Joyal,
Lors d'une agréable conversation téléphonique que j'ai eue récemment avec le sénateur Grafstein à propos de la création d'un musée national du portrait pour le Canada, j'ai appris que vous souhaitiez également que le public puisse accéder plus facilement aux portraits qui relèvent du patrimoine canadien. Les Archives nationales du Canada partagent l'intérêt que vous et le sénateur Grafstein avez manifesté à ce sujet.
Plus loin dans la même lettre, M. Lee McDonald, archiviste national du Canada par intérim, répète les choses dont j'ai parlé précédemment.
J'espère bien que le sénateur Joyal prendra la parole dans le cadre de ce débat. Lui et moi avons ensuite décidé de nous adresser à M. Chrétien, qui était premier ministre à l'époque. Fort heureusement, comme l'a fait remarquer le sénateur Joyal, vers la fin du catalogue de la collection figurait une très bonne photo de M. Chrétien prise en 1985.
Le sénateur Joyal m'a convaincu que cela deviendrait un document très impressionnant pour persuader le premier ministre de créer le Musée du portrait du Canada. Pour rendre justice au premier ministre Chrétien, je dois dire que l'idée l'a immédiatement emballé. Il a dit qu'il poursuivrait le projet et il l'a fait. Il avait prévu un budget de 45 à 50 millions de dollars si je ne m'abuse. Un groupe de fonctionnaires a été mis sur pied et des plans ont été élaborés. Le sénateur Joyal et moi avons assisté régulièrement aux réunions pour voir si nous pouvions donner un coup de main.
Les sénateurs savent certainement qu'à l'extérieur de cet édifice, situé en face de la Colline du Parlement, de l'autre côté de la rue, de nombreuses affiches illustrent les débuts du Musée du portrait qui devait y être créé suite à des travaux de rénovation.
La création de ce musée repose sur une raison fort simple. Chaque année, de 750 000 à 1,2 million de Canadiens de toutes les couches de la société visitent la Colline du Parlement. Une fois qu'ils ont vu le magnifique édifice du Centre où nous nous trouvons et les édifices voisins sur la Colline, la visite est terminée. Si ce musée existait en face de la Colline du Parlement, des centaines de milliers de Canadiens n'auraient qu'à traverser la rue pour avoir aisément accès à une collection historique fascinante d'éléments du patrimoine canadien, en l'occurrence des portraits de grands Canadiens, qui remontent jusqu'à la période précédant la Confédération. C'est un trésor national à découvrir.
Le sénateur Joyal et moi avons pensé que ce serait une façon appropriée et rentable de montrer la collection des Archives nationales que j'ai moi-même vue. J'exhorte tous les sénateurs à traverser la rivière et à visiter les Archives nationales pour voir et apprécier certains de ces portraits. Honorables sénateurs, je suis persuadé que vous les trouverez étonnants et convaincants. Il serait très facile et très peu coûteux de les transporter de ce point central qui se trouve à Gatineau, de l'autre côté de la rivière, de les présenter au public dans l'édifice situé en face du Parlement et de faire une rotation régulière des œuvres de façon à ce que le public puisse voir toute la collection.
(1520)
En ce qui me concerne, et je crois que c'est également l'avis du sénateur Joyal, mais il nous fera part de son opinion lui-même, cet édifice deviendrait bien vite le deuxième édifice le plus connu au Canada, après les édifices du Parlement bien sûr. Chaque soir, lorsque les médias d'information nationaux fixeraient leurs caméras vers la Colline du Parlement, nous pourrions apercevoir de temps à autre cet édifice magnifique à l'arrière-plan. Il serait ainsi très facile de faire la promotion d'une institution nationale de grand intérêt, sans avoir à prévoir un important budget de promotion. Cela ne saurait être considéré comme une économie exagérée, pour reprendre les mots du sénateur Segal. Ce serait une façon très rentable de promouvoir notre patrimoine national.
En toute justice, je dois dire que le gouvernement n'a pas rejeté l'idée de créer un Musée national du portrait. Ma seule objection, c'est que le gouvernement a l'intention de l'ériger à l'extérieur de la région de la capitale. Toutes les études démontrent que, à la longue, le coût lié au transport des collections d'objets rares serait supérieur à celui de la rénovation d'un immeuble existant à Ottawa. Du point de vue de la rentabilité, il serait préférable que ce musée soit installé ici plutôt qu'à l'extérieur de la région de la capitale nationale.
Nous avons tous visité des capitales fédérales. Il n'y a pas une seule capitale dans le monde qui n'ait pas un excellent musée du portrait illustrant l'identité nationale du pays. L'Angleterre en a un. Les États-Unis en ont un. Leurs musées sont situés dans leur capitale nationale. Il y en a un en Russie, nous dit le sénateur Fairbairn, et aussi en Autriche, selon le sénateur Joyal. La plupart de ceux qui s'intéressent à la peinture visitent ces musées lorsqu'ils voyagent à l'étranger. Il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions pas célébrer notre identité nationale et notre histoire dans notre capitale nationale.
Jetons un coup d'œil aux sondages. Il est évident que le Parlement et les politiciens n'ont pas la cote dans les sondages à l'heure actuelle. Je me souviens que, lorsque j'ai fait mes premiers pas au Sénat, j'ai augmenté ma cote de popularité. En effet, les sondages donnaient une cote de popularité de 2 p. 100 aux avocats et de 4 p. 100 aux politiciens. J'ai donc gagné deux ou trois points de pourcentage en popularité. Honorables sénateurs, nous avons la responsabilité de rehausser le prestige d'Ottawa et du Parlement. Voilà une façon simple et peu coûteuse de le faire.
J'espère que les sénateurs conviendront d'adopter cette résolution et de convaincre le gouvernement qu'il est possible d'établir le Musée national du portrait rapidement et de manière efficace sur le plan financier. Les plans ont été dressés et des sommes ont déjà été dépensées. Ce projet pourrait être réalisé en un an de manière très efficace et rentable. J'espère que les sénateurs vont appuyer cette modeste résolution visant à conserver le Musée national du portrait là où il se doit, dans la région de la capitale nationale.
L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, étant donné que je suis originaire de Winnipeg, une des villes envisagées comme siège possible du Musée du portrait, j'ajourne le débat dans le but d'intervenir au nom de la ville de Winnipeg.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Présentation d'un nouveau page
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au prochain article à l'ordre du jour, j'aimerais vous présenter une autre page qui travaille au Sénat cette année.
Hannay Wyile est née à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, a grandi à Edmonton, en Alberta, et nous vient de Wolfville, en Nouvelle-Écosse. Elle est passionnée de musique, de littérature et d'histoire. Elle a obtenu récemment son diplôme du programme de baccalauréat international et elle en est à sa première année du programme d'études en droits de la personne et en sciences politiques, avec spécialisation en relations internationales, à l'Université Carleton.
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 6 décembre 2007, à 13 h 30.)