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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 25

Le mercredi 5 mai 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 5 mai 2010

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté le 29 avril 2010, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier pour entendre le Président du Sénat de la République de Pologne.

La Pologne

Représentants parlementaires—réception en comité plénier

L'ordre du jour appelle :

Le Sénat de forme en comité plénier afin de recevoir Bogdan Borusewicz, Président du Sénat de la République de Pologne, accompagné d'autres parlementaires polonais et de l'ambassadeur de Pologne au Canada

(Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Noël A. Kinsella.)


Le président : Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que le comité se réunit aujourd'hui pour entendre une délégation de parlementaires polonais dirigée par le Président du Sénat de ce pays. L'allocution du Président Borusewicz sera précédée d'un mot de bienvenue de madame le sénateur Andreychuk, parlant au nom du leader du gouvernement, et suivie des remerciements du leader adjoint de l'opposition, madame le sénateur Tardif, parlant au nom du leader de l'opposition. Après ces interventions, le comité ajournera, conformément à l'ordre adopté par le Sénat.

Honorables sénateurs, il y aura l'interprétation du polonais, donc il faudra changer de poste lorsque cette langue sera utilisée.

Je demande à l'huissier du bâton noir d'escorter la délégation au Sénat.

(1340)

(Conformément à l'ordre du Sénat, le sénateur Bogdan Borusewicz, Son Excellence Zenon Kosiniak-Kamysz et MM. Marek Borowski, Zdzislaw Pupa, Mariusz Witczak, Lukasz Abgarowicz, Andrzej Grzyb et Zbigniew Cichoń prennent place dans la salle du Sénat.)

Le président : Honorables sénateurs, le Sénat s'est formé en comité plénier pour entendre le sénateur Bogdan Borusewicz, Président du Sénat de la République de Pologne, accompagné de parlementaires ainsi que de l'ambassadeur de Pologne au Canada. En plus du Président Borusewicz, nous accueillons aujourd'hui Son Excellence Zenon Kosiniak-Kamysz, ambassadeur de la République de Pologne au Canada; M. Marek Borowski, député, président du Comité des contacts avec les Polonais à l'étranger; le sénateur Zdzislaw Pupa, président du Comité de l'environnement; le sénateur Mariusz Witczak, président du Comité du gouvernement local et de l'administration de l'État; le sénateur Lukasz Abgarowicz, vice-président du Comité de l'immigration et des contacts avec les Polonais à l'étranger; le sénateur Andrzej Grzyb, vice-président du Comité de la culture et des médias; et le sénateur Zbigniew Cichoń, membre du Comité des droits de la personne, du droit et des pétitions.

C'est avec grand plaisir que je vous accueille au Sénat canadien. Je sais que je parle au nom de tous les sénateurs en vous disant à quel point nous sommes honorés que vous soyez des nôtres pour prendre la parole à cette réunion, sans précédent, du comité plénier.

Monsieur le Président Borusewicz, je suis particulièrement heureux de la chance qui m'est offerte de rendre l'accueil chaleureux que j'ai reçu quand j'ai dirigé une délégation canadienne en Pologne au cours de l'été 2007. Également, je profite de l'occasion pour vous remercier du don au Parlement du Canada d'une réplique de la Bible de Gutenberg gardée en sécurité ici, au Canada, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Honorables sénateurs, ce fut particulièrement agréable de pouvoir montrer à nos chers collègues polonais dans la Bible de Gutenberg, qui est en latin, le verset 8 du psaume des lévites, qui est pour vous, dans la version de Douai, le psaume 71, et, pour ceux qui utilisent la version du roi Jacques, le psaume 72. À un certain moment, les moines de Douai ont fusionné deux psaumes. Cependant, en lisant ce matin la Bible de Gutenberg, nous avons vu le passage en latin, A Mari usque ad Mare, d'où provient notre devise, « D'un océan à l'autre », ainsi que le terme dominabitur, qui a donné l'expression « Dominion du Canada ». Lorsque la version de Douai a été traduite en anglais, cela a donné le mot « rule », aussi est-il intéressant d'avoir la Bible du roi Jacques et d'être remonté à la version originale en latin. Je ne sais trop comment on nous appellerait si nous n'étions pas le Dominion du Canada.

Monsieur le Président, vous êtes venus au Canada à un moment où la Pologne a subi une grande perte. La mort tragique du le président Lech Kaczyński, de son épouse Maria ainsi que de plusieurs des principaux fonctionnaires politiques, économiques et militaires de votre pays est une tragédie pour laquelle nous exprimons nos plus profonds regrets. Nous avons eu le grand plaisir d'accueillir Maria Kaczyński ici même à mon bureau et j'ai aussi eu l'occasion de rencontrer le frère du président Kaczyński, l'ancien premier ministre Jaroslaw Kaczyński, lors de ma visite à Varsovie. Ces contacts personnels rendent cet événement dévastateur encore plus bouleversant; sachez que nous partageons votre chagrin.

Excellence, avant de vous inviter à prendre la parole, je demanderais à madame le sénateur Raynell Andreychuk, qui parle au nom du leader du gouvernement, madame le sénateur Marjory LeBreton, de vous souhaiter la bienvenue au nom du gouvernement et du Sénat.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour accueillir le Président Borusewicz et nos amis de la délégation polonaise. Excellence, nous sommes tout à fait enchantés de vous rencontrer. Vous représentez les meilleurs éléments de la Pologne moderne.

En terminant sur une note personnelle, je signale qu'un lien particulier m'unit à la Pologne et fait de la présente visite un événement particulier pour moi. Ma mère est née en Pologne. Le peuple polonais et son histoire sont chers à mon cœur. C'est pour moi un plaisir et un honneur de prendre la parole au nom du leader du gouvernement.

Votre engagement à l'égard de la démocratie a pris naissance dans les chantiers navals de Gdansk où, à titre de membre du syndicat Solidarité, vous avez participé à l'organisation des grèves de 1980, événement qui a servi de catalyseur à la chute du communisme en Pologne. Il est également impressionnant de constater que, avant d'accéder au poste de Président du Sénat de la Pologne, il y a quatre ans, vous avez été élu à trois reprises au Sejm, où vous vous êtes concentré sans relâche sur les conséquences de l'imposition de la loi martiale ainsi que sur la Charte des droits et libertés de la Pologne.

Je tiens également à exprimer notre sincère et profonde gratitude pour la réplique de la Bible de Gutenberg dont vous nous avez fait cadeau. Il va sans dire qu'il s'agit d'un souvenir approprié qui rappelle notre engagement envers la liberté pendant les jours les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, alors que les Canadiens et les Polonais luttaient côte à côte contre la tyrannie nazie et que le Canada servait de refuge temporaire à de nombreux trésors nationaux de la Pologne provenant du château de Wawel, notamment la Bible de Gutenberg.

Votre visite au Canada arrive à un moment très difficile pour la Pologne. Je partage les sentiments du Président Kinsella et j'offre mes plus sincères condoléances au peuple polonais. Le président Kaczyński était un grand défenseur de la liberté qui a fait preuve d'un véritable dévouement à l'égard de la nation polonaise. Son décès, ainsi que celui de son épouse et d'un si grand nombre de dirigeants et de citoyens de premier plan, constitue une perte considérable pour la Pologne. Je signale également que bon nombre des membres de cette délégation tragiquement disparue étaient pour nous des amis et des collègues. Nous partageons votre peine.

Nous partageons de tout cœur la douleur de la population polonaise à la suite de cette tragédie. Le sentiment de tristesse est d'autant plus grand que nous savons que ces décès sont survenus alors que ces dirigeants s'apprêtaient eux-mêmes à commémorer le massacre de la forêt de Katyn, en 1940, quand plus de 20 000 militaires polonais et membres de l'élite intellectuelle polonaise ont été sauvagement assassinés.

L'histoire montre que votre pays n'a pas été épargné par la souffrance. Ces luttes ont incité la Pologne à se tourner vers des leaders dont un grand nombre sont devenus des sources d'inspiration pour leurs compatriotes en quête de liberté. L'un de ces leaders est Józef Pilsudski, héros de la Première Guerre mondiale, qui a joué un rôle clé dans la restauration d'une Pologne indépendante en 1918. Nous connaissons tous le nom de Lech Walesa, militant syndical et ardent défenseur des droits de la personne, qui a fondé le mouvement Solidarité et reçu le prix Nobel de la paix en 1983. Même dans les heures les plus sombres, le courage et la détermination de ceux qui se sont battus pour défendre la dignité humaine et la liberté continueront de nous inspirer.

La Pologne a fait des pas de géants depuis les événements dramatiques de 1989 et 1990, lorsque votre pays a entrepris sa transition du communisme vers la démocratie. Elle a surmonté des obstacles de taille et mis en œuvre de nombreuses réformes. La tenue d'élections multipartites, une nouvelle Constitution, une réforme du système judiciaire et la protection garantie des libertés civiles et des droits de la personne ne sont que quelques-unes des transformations fondamentales qui ont ponctué son parcours récent.

Nous saluons le courage et la détermination de votre peuple, qualités qui ne sont certes pas étrangères à ces réalisations, et nous vous souhaitons tout le succès possible dans vos efforts pour poursuivre l'instauration de la démocratie en Pologne. L'aplomb dont la Pologne a fait preuve depuis la tragédie du 10 avril témoigne bien de la stabilité de votre pays et de son engagement envers la démocratie.

Le Canada est heureux d'avoir pu aider la Pologne à réussir sa transition vers la démocratie et l'économie de marché. Dans le but de soutenir les premières réformes politiques et économiques de la Pologne, le Canada a lancé un programme de coopération technique. Administrée par l'Agence canadienne de développement international, cette aide est principalement axée sur le développement du secteur privé, le secteur agricole, l'éducation et la formation.

Pendant toutes ces années, vous avez continué à faire des progrès remarquables, à tel point que, en 2004, vous avez été admis au sein de l'Union européenne. Aujourd'hui, plutôt que de recevoir de l'aide, la Pologne participe, avec le Canada et d'autres pays, au financement de projets de développement ailleurs dans le monde.

Je crois qu'il est tout indiqué que nous nous réunissions ici aujourd'hui, en tant que membres de deux Sénats nationaux, pour célébrer notre amitié et tisser des liens plus étroits.

Votre Excellence, monsieur le Président Borusewicz, nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de vous entendre. J'espère — nous espérons tous — que vous ramènerez avec vous de bons souvenirs et la certitude que nous vous tenons, ainsi que votre pays, en très haute estime.

Des voix : Bravo!

(1350)

[Note de la rédaction : Le sénateur Borusewicz s'exprime en polonais.]

Le sénateur Bogdan Borusewicz, Président du Sénat de la République de Pologne : Votre Honneur, honorables sénateurs, j'ai le grand honneur de prendre aujourd'hui la parole devant la Chambre haute du Parlement canadien et de m'adresser à vous, honorables sénateurs, à l'occasion de la visite officielle de la délégation parlementaire polonaise. Nous voici dans un pays avec lequel nous avons tissé de forts liens d'amitié et dont les citoyens font preuve d'une grande bienveillance à l'égard de la Pologne. Plusieurs de mes compatriotes, tant ceux qui vivent dans mon pays que ceux qui ont émigré, tiennent les Canadiens en grande estime.

Je tiens à exprimer toute notre reconnaissance au peuple canadien pour sa solidarité lors de la tragédie survenue à Smolensk le 10 avril dernier. Cette catastrophe aérienne, dans laquelle 96 personnes ont péri, parmi lesquelles le président polonais et son épouse ainsi que le dernier président polonais en exil à Londres à l'époque communiste, a ébranlé la Pologne. La délégation polonaise se rendait à Katyn pour commémorer le massacre de plus de 22 000 officiers polonais et membres de l'élite intellectuelle polonaise, assassinés en avril 1940 sur l'ordre de Staline. En décrétant un jour de deuil national au Canada et en participant à la messe commémorative à la mémoire des victimes de la catastrophe, le premier ministre du Canada, l'honorable Stephen Harper, a témoigné d'une réelle amitié à l'égard de notre pays. Les Polonais ont été touchés par la mise à la disposition de tous, au Parlement canadien, d'un livre de condoléances et par la mise en berne du drapeau polonais ce jour-là.

Hier, le premier ministre Harper m'a remis les livres de condoléances ainsi que le drapeau canadien qui, en signe de deuil, avait été mis en berne devant les édifices du Parlement. Je ramènerai avec moi en Pologne ces symboles de notre douleur commune à la suite de cette tragédie qui a touché les Polonais et la Pologne.

Je garde en mémoire la visite du Président du Sénat, l'honorable Noël Kinsella, en Pologne en juin 2007. Je me souviens des entretiens fructueux que nous avons eus alors et pour lesquels je le remercie.

Les visites de délégations parlementaires constituent un élément important dans l'établissement de relations bilatérales. Je souhaite que la visite d'aujourd'hui soit un pas de plus dans cette direction.

J'aimerais profiter de l'honneur qui m'est accordé de me présenter aujourd'hui devant les augustes membres de la Chambre haute de ce pays hospitalier pour exprimer respectueusement notre reconnaissance pour les nombreuses manifestations d'amitié prodiguées par les Canadiens pendant certaines périodes difficiles qui ont marqué l'histoire de la Pologne.

Je tiens à vous remercier pour les conditions favorables créées par les autorités canadiennes à l'intention des Polonais qui, forcés par les circonstances, ont dû quitter leur pays pour s'installer de l'autre côté de l'océan. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que les différentes vagues d'immigrants polonais ont rapproché nos deux pays. Le Sénat polonais, en renouant avec la tradition d'avant-guerre, veut être le protecteur des Polonais qui vivent à l'étranger. Nous appuyons les initiatives des milieux polonais visant à entretenir des liens avec leur patrimoine. Nous croyons notamment que, de cette manière, nous pourrons renforcer les relations amicales avec les pays où, à une époque ou à une autre, nos compatriotes ont trouvé refuge et la possibilité de prospérer. Pendant ma visite, j'ai l'intention de me rendre également à Toronto, Winnipeg et Windsor, où ils sont encore nombreux.

Honorables sénateurs, lorsque les premiers colons sont arrivés en 1858, ma patrie était occupée par des forces ennemies. Affaiblie de l'intérieur, la Pologne a été rayée de la carte politique de l'Europe pendant 123 ans, période pendant laquelle les puissances voisines se sont partagé son territoire. Diverses tentatives déterminées de réforme de l'État ont échoué. Toutes s'appuyaient sur la ratification de la Constitution du 3 mai 1791, première constitution démocratique en Europe et deuxième dans le monde. Malgré la période de répression qui a suivi, les Polonais ont réussi à préserver leur langue, leur culture et la richesse de leurs traditions nationales. Ils ont transplanté tout ce patrimoine ici, au Canada. Parmi les descendants des premiers colons qui s'étaient installés dans la belle vallée de Madawaska et de ceux qui avaient fondé le village de Wilno, situé à moins de 200 kilomètres d'ici, certains parlent encore la langue kachoube.

Nos relations mutuelles, qui remontent à l'époque de la naissance de l'État canadien, témoignent de la pérennité de l'amitié entre nos deux pays. Dans le premier Parlement du Canada siégeait Alexander Kierzkowski, député de la circonscription de Saint-Hyacinthe, au Québec. C'était un immigrant polonais qui avait pris part à l'insurrection de novembre 1830. Ce soulèvement est l'un des nombreux exemples de la détermination des Polonais désireux de recouvrer l'indépendance perdue à la fin du XVIIIe siècle. La tentative de regagner la liberté s'étant soldée par un échec, il a fallu attendre jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale pour que le nom de mon pays, qui existait en tant qu'État depuis plus d'un millénaire, réapparaisse sur la carte de l'Europe.

La grande vague d'immigrants qui a déferlé sur le Canada après la Seconde Guerre mondiale était principalement constituée de soldats qui avaient combattu l'envahisseur nazi sur les fronts de l'Ouest et ne pouvaient rentrer chez eux, car leur patrie était tombée sous le joug communiste. Je suis reconnaissant au Canada d'avoir accueilli ces héros.

Les Polonais ont une belle tradition de fraternité d'armes avec les Canadiens, fraternité qui a pris naissance en Italie et lors de la libération de la Belgique et des Pays-Bas. Aujourd'hui, nous célébrons l'anniversaire de la libération des Pays-Bas. Les soldats polonais et canadiens ont combattu solidairement pour libérer les Pays-Bas.

Une autre vague d'immigrants a suivi; c'était celle de la génération du mouvement Solidarité, ma génération. J'en connais plusieurs qui, à la recherche de la liberté et d'un avenir meilleur, ont quitté la Pologne ou ont été contraints à le faire. Plusieurs d'entre eux ont trouvé refuge ici, au Canada. J'ai rencontré ces personnes ici, au Canada.

Je tiens aussi à remercier tout particulièrement le Canada, par votre entremise, honorables sénateurs, d'avoir préservé sur son territoire des chefs d'œuvre de la culture polonaise pendant les années difficiles de la Seconde Guerre mondiale. Les trésors du Wawel ont trouvé un abri à Ottawa lors des bouleversements attribuables à la guerre. Parmi ceux-ci, il y avait 136 tapisseries, les joyaux de la Couronne polonaise, une épée du couronnement, la Bible de Gutenberg, le Psautier de David, les Sermons de Sainte- Croix et de l'or provenant du Trésor national. Si, de nos jours, bon nombre de pays préservent des chefs d'œuvre culturels d'autres pays, rares sont ceux qui restituent ces chefs d'œuvre à leurs pays d'origine, le moment venu. Après la guerre, le Canada a restitué à la Pologne toute la collection de chefs d'œuvre qu'il avait préservée. En guise de reconnaissance, j'ai remis au Président du Sénat, l'honorable Noël A. Kinsella, et au Président de la Chambre des communes, l'honorable Peter Milliken, une reproduction de la Bible de Gutenberg de l'archevêché de Peplin.

(1400)

Aujourd'hui, la Pologne est un pays démocratique et libre, où chaque citoyen peut s'épanouir et vivre dignement. Notre pays suit cette nouvelle voie depuis plus de 20 ans. Le combat contre le système totalitaire a débuté, en août 1980, par la grève au chantier naval Lénine de Gdansk. Là, sur ce chantier, nous avons remis en question la théorie de Lénine et nous nous en sommes débarrassés. Ce sont les travailleurs et les jeunes intellectuels qui l'ont fait. Ils l'ont fait ensemble.

Neuf ans plus tard, en juin 1989, les premières élections libres de l'histoire de l'après-guerre ont eu lieu en Pologne. Elles ont déclenché un effet domino dans les pays de l'Europe centrale et ont permis à ces pays de s'engager sur la voie de la démocratie. La chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne, six mois plus tard, ont constitué le point culminant du processus de transformation démocratique. Dans un sens plus étendu, on peut dire que ce processus se poursuit. En 2004, la Pologne s'est ralliée à l'Union européenne et, plusieurs années auparavant, elle était devenue un membre à part entière de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

Les premières années qui ont suivi le démantèlement du système communiste n'ont pas été faciles pour les Polonais. Les réformes politiques, et surtout les réformes économiques, ont, à court terme, durement frappé tous les citoyens et exigé des sacrifices de leur part. Plusieurs entreprises ont fait faillite, le chômage a grimpé considérablement. C'était le coût de la transformation de l'économie socialiste à caractère déficitaire en économie de marché. C'était l'inconnu pour nous. Au cours de cette période éprouvante, l'aide apportée par les pays de l'Europe de l'Ouest, les États-Unis et le Canada a revêtu une importance toute particulière. Dans les années 1990, le Parlement canadien a considérablement appuyé la Chambre des députés et le Sénat rétabli dans mon pays. La possibilité de participer à de nombreux stages, cours de formation, séminaires et conférences offerte à des parlementaires et à des fonctionnaires a contribué de manière importante à la création des structures de la Chambre haute et a été une source précieuse de connaissances et d'expérience dans le processus de construction de cette jeune démocratie, dont le Parlement est le fondement.

Les réformes ont créé une certaine motivation chez les Polonais, ce qui a favorisé un esprit d'entrepreunariat. L'accession de la Pologne à l'Union européenne a donné un élan supplémentaire. Tout cela a contribué au fait que l'économie polonaise affiche aujourd'hui les meilleurs résultats en Europe. En effet, la Pologne est le seul pays du Vieux Continent à enregistrer une hausse du revenu national. Nous avons aussi mis en place un plan qui permettra à la Pologne de maintenir sa bonne position dans la course qui l'amènera au même niveau que les pays les plus développés de la planète.

La Pologne vit d'un nouvel espoir tout en conservant, présent à la mémoire, le passé tourmenté, tant lointain que récent, qui a été le sien. Nous formons un pays qui se développe et se modernise rapidement, un partenaire politique et économique crédible à l'échelle internationale, un pays ouvert aux autres.

La Pologne et le Canada sont des partenaires qui présentent un grand potentiel de collaboration, tant dans les structures de l'OTAN que dans le cadre du renforcement des relations transatlantiques, dont une importante composante est la coopération grandissante entre le Canada et l'Union européenne. Le Partenariat Oriental crée aussi de vastes possibilités de collaboration. Les objectifs de cette initiative polono-suédoise, nouveau programme de l'Union européenne, sont de promouvoir la démocratie, les droits de la personne et l'économie de marché en Europe de l'Est — en particulier en Ukraine et dans les pays du Caucase. Le Canada peut donc appuyer toutes sortes d'initiatives axées sur la réalisation des objectifs du Partenariat oriental.

Nous observons avec attention le rôle croissant joué par presque un million de Canadiens d'origine polonaise qui s'affirment de plus en plus dans la vie sociale, culturelle, universitaire, économique et politique du Canada. Nous sommes fiers de nos compatriotes qui contribuent de manière importante au développement d'une société canadienne prospère tout en restant attachés à la patrie de leurs ancêtres, ce qui est attribuable en grande partie au concept du multiculturalisme que le Canada a élaboré, concept qui mérite des éloges. Une société canadienne ouverte met le succès à la portée de tous. C'est d'ailleurs ce qui a permis au Canada de connaître le succès et de faire l'envie de bien d'autres pays.

Nos deux pays, nos peuples ont toujours été solidaires, durant les bons et les mauvais moments. Un vieux proverbe polonais dit que c'est dans le malheur que l'on reconnaît ses véritables amis. Nous avons connu votre amitié pendant la Seconde Guerre mondiale, mais aussi pendant la Première Guerre mondiale, lorsque le Canada a participé à la formation des recrues polono-canadiennes à Niagara pour « l'Armée Bleue » du général Józef Haller, qui s'est battue pour l'indépendance de mon pays. Nous étions de grands amis quand nos soldats combattaient côte à côte sur les fronts de la Seconde Guerre mondiale. Le Canada a été le premier État membre de l'OTAN à ratifier les protocoles d'accession de la Pologne, de la République tchèque et de la Hongrie, et aujourd'hui, en tant que membres de l'OTAN, nous participons ensemble à la difficile mission en Afghanistan.

Nous avons pu apprécier votre amitié lorsque vous nous avez appuyés sur la voie de la liberté et de la démocratie, ainsi que lors de notre démarche visant notre admission au sein de la communauté des pays protégés par l'Alliance de l'Atlantique Nord. Votre pays libre a appuyé notre pays asservi. Pour tout cela, nous remercions de tout cœur le Canada et le peuple canadien.

Des voix : Bravo!

(1410)

[Français]

Le sénateur Tardif : Monsieur le Président Borusewicz, à l'instar de mes collègues, le Président Kinsella et madame le sénateur Andreychuk, il me fait plaisir, au nom du leader de l'opposition, de vous souhaiter la bienvenue à Ottawa et au Sénat. Nous sommes vraiment honorés de votre présence ici aujourd'hui.

Permettez-moi aussi de vous adresser nos condoléances et nos sympathies pour l'immense perte subie par la Pologne lors de l'écrasement d'avion du mois dernier. C'est une épouvantable tragédie qui a ébranlé le monde entier. Je vois dans votre décision d'effectuer cette visite au Canada, alors que la Pologne se remet péniblement de cet événement tragique, un témoignage de la profonde et indéfectible amitié qui unit nos deux pays.

[Traduction]

Les liens entre la Pologne et le Canada ont de profondes racines qui remontent à plusieurs centaines d'années. La longue et courageuse lutte de la Pologne pour arriver à se tailler une place en Europe est bien connue, mais sa contribution au rayonnement de notre pays est l'aspect sur lequel j'aimerais m'attarder ici. Comme je l'ai dit plus tôt, il faut remonter loin en arrière, au moins jusqu'en 1752, à l'époque où le premier immigrant polonais, Dominik Barcz, marchand de fourrures de Gdansk, s'est établi à Montréal. Tout au long de notre histoire, en fait, des Canadiens d'origine polonaise ont contribué à l'édification du Canada, alors qu'il est passé du rang de colonie à celui de pays pleinement souverain. Au Québec, on se souvient encore de la famille Globensky pour sa participation à la guerre de 1812 et à la rébellion de 1837, et aussi parce que certains de ses membres ont été d'illustres députés. Un Canadien d'origine polonaise, Alexandre Eduarde Kierzkowski, a fait partie de la toute première Chambre des communes à siéger après la Confédération. Plus récemment, le regretté Stanley Haidasz a été pendant plus de 20 ans un membre éminent du Sénat canadien, après avoir siégé pendant de nombreuses années à la Chambre des communes.

Par ailleurs, beaucoup de Canadiens d'origine polonaise ont essaimé d'un bout à l'autre du pays à partir du milieu du XIXe siècle, comme vous en avez fait mention dans votre discours, pour cultiver nos terres agricoles et construire nos villes. Tout au long du XIXe siècle et, en particulier, dans les années qui ont précédé la Première Guerre mondiale, des vagues d'immigrants sont arrivées de Pologne pour s'installer au Canada. Des milliers de Polonais ont quitté un pays qu'ils connaissaient et chérissaient et entrepris un long voyage pour venir faire leur vie ici et s'intégrer à l'extraordinaire mosaïque canadienne. C'est ainsi que de multiples collectivités polonaises ont vu le jour aux quatre coins du pays, notamment à Toronto, Ottawa, Winnipeg et Windsor. Vous aurez l'occasion d'en visiter certaines pendant votre séjour. Même s'ils sont fiers d'être Canadiens, nos compatriotes polonais demeurent fidèles à leur patrie ancestrale, comme en témoigne leur engagement auprès de différentes organisations et associations, notamment le Congrès canadien polonais, dont la création remonte à plus de 75 ans.

Compte tenu de la contribution de la Pologne à l'épanouissement du Canada et de la grande admiration que nous inspirent la résilience et la détermination remarquables dont a fait preuve la Pologne tout au long de son histoire, je n'ai aucun doute que nos deux pays continueront d'entretenir des liens profonds et durables. Nous partageons d'abord et avant tout un même engagement envers la démocratie et une foi profonde à l'égard de la justice égalitaire et du respect des droits de la personne. Ces valeurs communes nous unissent à la fois en tant qu'êtres humains et en tant que pays. Des visites comme celle-ci contribuent aussi à alimenter ces affinités naturelles.

En terminant, permettez-moi de vous redire combien nous sommes sensibles à votre discours et combien nous sommes impatients de poursuivre nos échanges parlementaires au cours des prochains mois et des prochaines années. Merci.

Des voix : Bravo!

Le président : Honorables sénateurs, je sais que vous vous joignez à moi pour remercier très sincèrement le Président Borusewicz. Est- on d'accord pour que je déclare au Sénat que la délégation a été entendue?

Des voix : D'accord.

Le président : Je demande maintenant à l'huissier du bâton noir d'accompagner la délégation jusqu'à l'extérieur du Sénat. Pour permettre aux sénateurs d'échanger avec nos amis polonais, et pour que les gens qui sont venus assister à cette rencontre puissent quitter la tribune s'ils le souhaitent, êtes-vous d'accord pour suspendre brièvement la séance et faire retentir la sonnerie cinq minutes avant la reprise de nos travaux?

Des voix : D'accord.


(1430)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à entendre le Président du Sénat de la République de Pologne, accompagné d'autres parlementaires polonais et de l'ambassadeur de la Pologne au Canada, a l'honneur de déclarer qu'il a entendu la délégation.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine nationale des soins palliatifs

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, nous célébrons cette semaine la Semaine nationale des soins palliatifs, qui vise à sensibiliser les gens à l'importance des soins palliatifs. C'est l'occasion de célébrer, de reconnaître et de souligner les réalisations en matière de soins palliatifs partout au Canada.

La campagne menée pendant cette semaine est coordonnée par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada, qui regroupe 33 organisations nationales représentant des fournisseurs de soins professionnels et des aidants naturels, des bénévoles, des professionnels de la santé et des malades en phase terminale ainsi que leur familles.

La Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada croit que tous les Canadiens ont droit à des soins palliatifs de qualité leur permettant de mourir avec dignité, sans douleur, entourés de leurs proches, dans le milieu de leur choix.

Au Canada, la demande de soins palliatifs ne cesse d'augmenter. Près de 259 000 Canadiens meurent chaque année, et 70 p. 100 d'entre eux meurent de maladies chroniques. Seulement 36 p. 100 de ceux qui nécessitent des soins palliatifs y ont vraiment accès, et, dans les régions rurales et éloignées, ce pourcentage baisse considérablement.

Compte tenu du vieillissement de la population, d'ici 2026, le nombre de Canadiens qui meurent chaque année aura augmenté de 40 p. 100, pour atteindre 330 000 décès par année.

Honorables sénateurs, la plupart des Canadiens préféreraient mourir chez eux, entourés de leur famille et de leurs amis. Toutefois, la plupart des gens meurent encore à l'hôpital ou dans un établissement de soins de longue durée.

Je profite de l'occasion pour remercier madame le sénateur Carstairs du travail qu'elle accomplit dans le domaine des soins palliatifs. En sa capacité de ministre, elle a attiré l'attention du Cabinet et de tous les Canadiens sur la question des soins de fin de vie de qualité.

Toutes les facultés de médecine au Canada donnent maintenant des cours en soins palliatifs aux futurs médecins. Les programmes d'études du personnel infirmier, des travailleurs sociaux et des pharmaciens prévoient de la formation sur les soins palliatifs, tout cela grâce au travail de madame le sénateur Carstairs, travail qu'elle poursuit d'ailleurs avec passion.

Honorables sénateurs, il est important que les Canadiens prévoient les soins qu'ils recevront en fin de vie. Nous devons encourager les gens à prendre des mesures en prévision de leur décès et à en parler. Notre système de santé doit offrir des soins palliatifs de qualité dans les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, les centres de soins palliatifs et à domicile.

Comme l'a dit Peter Mansbridge, président honoraire de la Semaine nationale des soins palliatifs :

Offrir des soins palliatifs, c'est voir une personne atteinte d'une maladie qui va abréger sa vie comme une personne vivante plutôt qu'un patient en train de mourir. C'est ajouter de la vie aux jours qu'il lui reste et soutenir les personnes qui la soignent, sa famille et ses amis.

Le décès de l'officier marinier Douglas Craig Blake

L'honorable Doug Finley : Honorables sénateurs, aujourd'hui, c'est le cœur lourd que je m'adresse à vous pour évoquer un tragique accident survenu le lundi 4 mai.

Après avoir rempli courageusement et avec succès une mission consistant à faire exploser une bombe placée en bordure de la route, le marin canadien et maître de 2e classe Craig Blake a été tué par un dispositif explosif artisanal sur le chemin du retour à la base.

D'autres militaires canadiens ont été blessés par l'explosion. L'officier marinier Craig Blake est le premier membre de la Marine canadienne à être tué en Afghanistan, épreuve d'autant plus tragique que son décès est survenu la veille des fêtes du centenaire de la marine.

M. Blake était originaire de ma localité, Simcoe, en Ontario. Néanmoins, la mort de ce héros sera déplorée dans tout le Canada. Âgé de 37 ans seulement, l'officier marinier Blake laisse dans le deuil son épouse, deux fils, sa famille, ses amis et ses collègues, qui perpétueront sa mémoire, celle d'un véritable leader.

Il était un marin apprécié et respecté dans sa vie professionnelle et un père de famille doté d'un grand sens de l'humour et de talents athlétiques considérables.

L'officier marinier Blake est le 143e courageux Canadien à avoir fait le sacrifice ultime dans le but d'améliorer la vie de personnes dans le besoin en servant son pays depuis le début de la mission en Afghanistan en 2002.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour rendre hommage à ce digne marin, ainsi qu'aux 142 autres hommes et femmes remarquables qui ont fait preuve d'un courage incroyable et qui ont apporté une grande aide aux personnes qui souffrent dans la province de Kandahar. Veuillez aussi prendre un instant pour rendre hommage aux Canadiens qui se trouvent encore en Afghanistan et qui luttent pour donner aux Afghans la liberté dont les Canadiens bénéficient chaque jour. Ils sont les meilleurs et les plus brillants éléments de notre pays.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi réglementant certaines drogues

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Le Sénat

Avis de motion exhortant le gouvernement à s'assurer de la participation des femmes haïtiennes à la reconstruction de leur pays

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, conformément à l'article 58(1)(i) du Règlement, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada demande au gouvernement du Canada, dans l'appui qu'il accorde à Haïti, de s'assurer et de prouver au moyen d'indicateurs fiables et connus que les femmes haïtiennes participent pleinement et équitablement à la reconstruction durable et à la vie économique, politique et sociale de leur pays; et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des Communes pour l'inviter à se joindre au Sénat pour les fins de la présente motion.

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je tiens à signaler que, étant donné l'absence inévitable du leader du gouvernement au Sénat, le gouvernement ne pourra donc pas répondre aux questions qui lui seront posées aujourd'hui.


[Traduction]

(1440)

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénateur Fortin- Duplessis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, il me semble que plusieurs de personnes se méprennent sur la signification d'une peine d'emprisonnement à perpétuité au Canada. Je l'ai constaté il y a plusieurs années lorsque j'étais présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Au cours d'une réunion, le regretté Duncan Jessiman, un sénateur conservateur qui était aussi un avocat et un de mes amis personnels, m'a dit que la peine d'emprisonnement à perpétuité n'existait pas au Canada. Je lui ai dit qu'elle existait, et le sénateur Jessiman m'a demandé de lui montrer où dans le Code criminel. Nous avons examiné le Code criminel, ce qui nous a permis de constater clairement que la peine d'emprisonnement à perpétuité existait au Canada.

Je crois qu'il s'agit d'une erreur répandue et que nombreux sont ceux qui sont convaincus que la peine d'emprisonnement à perpétuité n'existe pas au Canada. Vous savez maintenant qu'ils se trompent.

La peine imposée aux personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré ou au deuxième degré et de haute trahison est obligatoire. C'est d'ailleurs l'une des seules peines obligatoires prévues par le Code criminel. Le juge n'a pas le choix. Les personnes reconnues coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré sont obligatoirement condamnées à la prison à perpétuité. Et, par définition, les peines d'emprisonnement à perpétuité devraient être purgées... à perpétuité. C'est ici qu'entre en scène la libération conditionnelle, la disposition relative à l'admissibilité à la libération conditionnelle constituant la seule différence entre les peines d'emprisonnement à perpétuité imposées pour meurtre au premier degré et celles imposées pour meurtre au deuxième degré. Même si rien n'est coulé dans le béton, les personnes reconnues coupables de meurtre au deuxième degré deviennent généralement admissibles à une libération conditionnelle après 10 ans, période qui peut atteindre 25 ans si le juge l'estime bon.

Les personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré ne peuvent pas demander une libération conditionnelle avant 25 ans. Il n'en demeure pas moins que l'ordonnance qui fait qu'elles se sont retrouvées en prison est valable à perpétuité. La perpétuité, c'est la perpétuité. Cela n'a rien de théorique, c'est la réalité telle qu'elle est au Canada.

Et ce n'est pas parce qu'une personne est admissible à une libération conditionnelle qu'elle y aura nécessairement droit. Les détenus doivent comparaître devant la Commission nationale des libérations conditionnelles, dont la clémence a d'ailleurs fait l'objet de vives critiques. Je ne puis m'empêcher de remarquer que, alors que le gouvernement a présenté un grand nombre de mesures législatives censées durcir le ton à l'endroit des criminels, il n'a jamais rien fait concernant les libérations conditionnelles. Remarquable, n'est-ce pas, honorables sénateurs?

Les détenus qui comparaissent devant la Commission nationale des libérations conditionnelles peuvent être carrément déboutés ou peuvent se voir accorder différents types de libération conditionnelle. Il peut, par exemple, s'agir d'une semi-liberté qui n'est valable que le jour, ou la fin de semaine. Il peut également s'agir d'une remise en liberté complète. Mais, dans tous les cas, les libérations conditionnelles sont toujours assorties de conditions.

Il est par ailleurs intéressant de noter que certains détenus préfèrent purger leur peine au complet plutôt que se plier aux conditions en question. S'ils purgent la totalité de leur peine, ils sont alors remis en liberté sans faire l'objet d'aucune supervision et sans être soumis à aucun mécanisme de contrôle.

Selon moi, et même si je sais que tous ne seront pas du même avis, je crois que nous ferions mieux de les soumettre aux mêmes conditions que s'ils bénéficiaient d'une libération conditionnelle, car nous pourrions ainsi les avoir à l'œil une fois sortis de prison.

De quelles conditions parle-t-on? En règle générale, les détenus en liberté conditionnelle doivent faire rapport périodiquement à un agent des libérations conditionnelles. Ils peuvent également être tenus de s'abstenir de consommer de l'alcool ou des substances illicites. Ils peuvent se voir refuser l'accès à certains endroits. Et, aussitôt qu'ils enfreignent l'une ou l'autre de ces conditions, ils sont renvoyés en prison, à moins que le juge n'en décide autrement. Ceci est vrai, que le libéré conditionnel ait passé 10 ou 25 ans en prison. L'admissibilité à une libération conditionnelle ne va pas nécessairement de pair avec la remise en liberté.

La clause de la dernière chance, la disposition du Code criminel qui fait l'objet de ce projet de loi, ne touche que les détenus qui sont normalement admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé 25 années de leur peine. Elle ne vise pas les individus condamnés pour plusieurs meurtres. En vertu de l'article 745.6 du Code criminel, les détenus peuvent présenter une demande de libération conditionnelle après avoir purgé 15 années de leur peine. Cependant, honorables sénateurs, en vertu de la loi actuelle, le processus n'est pas simple.

Mon collègue d'en face, qui a parlé avec tant d'éloquence à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, n'a pas expliqué le processus actuel. Je crois qu'il est important de montrer comment fonctionne actuellement la libération conditionnelle en vertu de la clause de la dernière chance, de telle sorte que les sénateurs sauront en quoi consiste exactement la modification.

En tout premier lieu, le criminel doit présenter une demande de révision judiciaire à un juge. Le juge doit ensuite déterminer si, en vertu de la loi actuelle, il existe une possibilité raisonnable que la demande de libération conditionnelle soit accueillie. Si le juge estime que cela est peu vraisemblable, le processus prend fin, et la libération conditionnelle n'est pas octroyée. En revanche, si le juge détermine qu'il existe une possibilité raisonnable, il convoque un jury. Le jury doit entendre le détenu, de même que la victime ou la famille de la victime, ou les deux. Le jury, qui se compose de citoyens, doit déterminer s'il accepte que le détenu puisse présenter une demande de libération conditionnelle. Souvent, le jury dit non. On met alors fin au processus, et la libération conditionnelle n'est pas accordée. Si le jury dit oui — et seulement dans ce cas —, le détenu est autorisé à présenter une demande de libération conditionnelle à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Celle-ci peut accepter ou refuser d'octroyer la libération conditionnelle. À cette étape, si la commission accepte d'accorder la libération conditionnelle, elle impose alors les conditions voulues. Honorables sénateurs, en raison de toutes ces conditions, très peu de détenus demandent la libération conditionnelle, et un moins grand nombre d'entre eux encore se la voient octroyer.

Honorables sénateurs, on doit se poser la question suivante : où est le problème? La marraine du projet de loi a indiqué que les condamnés peuvent présenter trop souvent une demande, car cela est possible après avoir purgé 15, 17, 19 et 21 années de leur peine. En vertu de ce projet de loi, un détenu ne pourra présenter une demande que deux fois : la première, après avoir purgé au moins 15 années de sa peine, puis, de nouveau, cinq ans après la première demande. Il vaut la peine de se pencher sur cette disposition, car c'est une situation très difficile pour les familles des victimes et, de plus, il se peut qu'elle se produise tous les deux ans. Même si l'on sait que ce n'est généralement pas ce qui se passe, le simple fait que ce soit possible devrait suffire à nous convaincre d'examiner soigneusement cette disposition particulière.

Soyons clairs. Bon nombre de ceux qui se prévalent de cette disposition n'y sont pas automatiquement admissibles. En fait — comme nous l'avons appris lors de l'étude de ce projet de loi en 1997 —, les détenus purgent, en moyenne, 18 ou 19 ans de leur peine avant de devenir admissibles. Honorables sénateurs, cela fait en sorte que, au Canada, les libérés conditionnels sont ceux qui ont purgé le plus grand nombre d'années derrière les barreaux dans le monde, à part aux États-Unis.

La marraine du projet de loi a également fait valoir les préoccupations des victimes. Je conviens que le processus est difficile pour les victimes. Toutefois, elles y participent. Elles sont entendues, ce qui constitue un aspect extrêmement important du processus.

Honorables sénateurs, selon moi, notre système de justice pénale vise deux grands objectifs : le châtiment et la réadaptation.

(1450)

La marraine du projet de loi n'a pas fait mention de la réhabilitation dans son discours. Il y a des criminels endurcis pour qui l'espoir de réhabilitation est très mince. C'est pour cette raison que la clause de la dernière chance ne s'applique pas aux détenus qui ont commis plus d'un meurtre. Ceux qui y sont admissibles sont généralement les auteurs de ce qu'on appelle des crimes passionnels.

La semaine dernière encore, un représentant du système de justice pénale qui a comparu dans le cadre de notre étude du projet de loi S- 2 nous disait que, dans 80 p. 100 des cas de meurtre, l'assassin et la victime se connaissent. Dans bien des cas, dans ce pays, les auteurs d'un seul meurtre connaissent leur victime, et vice-versa. Par exemple, un couple ou deux amis se disputent, la tension monte et un meurtre est commis.

Ce sont souvent des événements isolés. Une fois que ces contrevenants ont purgé leur peine et recouvré leur liberté, il est très peu probable que la même situation se reproduise, raison pour laquelle, lorsque ces meurtriers sont libérés, ils récidivent rarement. Ils ne récidivent pas après avoir été emprisonnés durant 15, 18 ou 25 ans. À quoi bon les enfermer plus longtemps? Oui, ils doivent absolument purger une longue peine, parce qu'il faut envoyer un message très clair, à savoir que ce genre de comportement est tout à fait inacceptable. Or, combien faut-il d'années d'emprisonnement pour faire passer ce message?

Dans certains cas, les meurtriers éprouvent très rapidement des remords, mais cela ne veut pas dire qu'ils ne devraient pas purger une longue peine d'emprisonnement, au contraire. Par contre, si leur comportement en prison est exemplaire, s'il sont appris à maîtriser leur colère, s'ils ont suivi et tiré profit de programmes pendant qu'ils étaient incarcérés, ne devrait-on pas leur donner une deuxième chance?

Honorables sénateurs, j'ai du mal à concevoir qu'un système de justice pénale puisse avoir pour seul but la vengeance. Est-ce que le nombre de cas de récidive a tellement augmenté que la suppression de la clause de la dernière chance est justifiée? Ce n'est pas cela qui ressort des témoignages que j'ai examinés et que nous avons entendus au comité à la fin de 1996, la dernière fois que l'article 745.6 a été modifié.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, le 31 octobre 1996, Brian Sauders, le directeur général de la Société John Howard du Nouveau-Brunswick, a déclaré :

D'après la Société John Howard, plus une personne est isolée de la communauté, moins elle a de chances de bien s'intégrer à la société. [...] Nous estimons qu'un processus de libération conditionnelle graduel et réglementé, lorsque bien géré et entamé au bon moment, permet au système correctionnel de mieux faire son travail; c'est-à-dire, de corriger avec efficacité les comportements criminels et de créer une société où l'on se sent plus en sécurité. Tel devrait être l'objectif de notre système judiciaire.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, le 21 novembre 1996, Brian Gough, un membre du personnel du projet Lifeline, financé par la Société Saint-Léonard du Canada, et, en passant, un condamné à perpétuité libéré sur parole a déclaré :

Le système correctionnel fédéral existe pour appliquer les sentences prononcées par les tribunaux, mais il faut également que dans ce système on tienne compte des changements profonds sur le plan interpersonnel et intrapersonnel qui surviennent dans la vie du délinquant. Le système doit punir le délinquant en le privant de son droit le plus précieux, le droit à la liberté, mais il est également essentiel de faire tous les efforts voulus pour sauver cette vie et retourner à la collectivité un citoyen respectueux des lois. Il arrive un moment dans la vie de la grande majorité des détenus condamnés à perpétuité où survient ce changement, et ce, dans la plupart des cas, bien avant 15 ans d'emprisonnement.

En refusant de donner une deuxième chance aux détenus, on met de côté tout semblant de traitement juste et humain et on contrevient au principe même d'une société libre et démocratique, dont la morale reflète la doctrine chrétienne de la rédemption et du pardon. Personnellement, je connais de nombreuses personnes reconnues coupables de meurtre qui ont été libérées dans le cadre du programme de libération conditionnelle et qui vivent maintenant une vie productive dans le respect des lois. Elles travaillent, paient leurs impôts, font travailler d'autres personnes et, dans de nombreux cas, font du bénévolat pour aider les autres.

Honorables sénateurs, ces mots ne sont pas de moi.

Nous avons entendu, par exemple, le 6 novembre 1996, le témoignage de M. Scott Newark, directeur exécutif de l'Association canadienne des policiers, qui avait manifesté son soutien à l'abrogation de l'article 745. Il a déclaré ce qui suit en parlant du projet de loi C-45 de l'époque :

Dans le cadre du nouveau processus, le juge se prononcera en fonction de critères tout à fait absurdes; je crois que l'expression utilisée est : « s'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie. » Il faudrait à tout le moins insérer un bout de phrase grâce auquel il serait interdit d'informer le jury que, selon un juge, il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie, sans quoi vous pouvez vous imaginer comment réagiront les jurés.

Je trouve cela intéressant car, dans le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis, l'expression utilisée est une probabilité « marquée ». Si c'est le signal que nous donnerons aux jurys, qu'il y a « une possibilité réelle », cette dernière expression n'orienterait-elle pas davantage les jurys que ne le fait le projet de loi actuel?

Le 21 novembre 1996, une représentante de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, qui appuyait le régime de la dernière chance, a déclaré ce qui suit pendant son témoignage :

D'autre part, tel que décrit dans le projet de loi, le fait qu'un juge ait à décider de la possibilité d'entendre une demande de révision judiciaire nous amène à croire que le pouvoir du jury est usurpé par le pouvoir du juge. Pourtant il ne faut pas oublier que le jury, dans les cas de révision judiciaire, est composé de citoyens qui proviennent du milieu là où le crime a été commis.

Ceux qui s'opposaient à l'article 745 soutenaient à l'époque qu'il ne s'agissait pas de dernière chance, mais bien d'une faille, et que tous ceux qui en faisaient la demande étaient libérés, ce qui n'est pas le cas, bien entendu. Ceux qui appuyaient le projet de loi étaient aussi préoccupés par la révision judiciaire, car ils craignaient qu'elle n'usurpe le pouvoir du jury. Le projet de loi S-6, dont nous sommes actuellement saisis, établit un critère encore plus restreint en vue d'une révision judiciaire, soit la « probabilité marquée ». Cela ne fait-il pas en sorte de donner des directives encore plus poussées au jury?

Johanne Vallée, membre et directrice générale de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, a dit, lorsqu'elle a comparu devant le comité le 21 novembre 1996 :

Il ne faut pas oublier qu'au Canada, notre philosophie pénale et la mission du service correctionnel du Canada reconnaissent qu'un individu peut changer. Ces modifications limitant davantage l'accès à ce processus vont dans le sens contraire. Elles signifient que la part de l'incarcération se limite davantage à la vengeance et à la punition au détriment de la réinsertion.

La révision judiciaire récompense ceux qui, au cours de leur période de réclusion, ont véritablement fourni un effort nécessaire afin de devenir de meilleurs citoyens. Ainsi, il devient inutile de prolonger la période d'incarcération. On peut penser qu'il existe un moment propice pour remettre un individu en liberté sous surveillance. C'est la raison pour laquelle la révision judiciaire est une mesure utile et nécessaire. Elle permet d'identifier les individus qui sont vraiment prêts à un élargissement et évite de les retenir inutilement au pénitencier alors qu'ils pourraient poursuivre avantageusement leur cheminement dans la communauté, et ce, à moindre frais pour les contribuables.

Si on limite davantage son accès, l'espoir des détenus sera affecté considérablement et cette limitation rendra la gestion des longues sentences beaucoup plus ardue. À cet effet, je vous inviterais à examiner l'exemple de la France, l'expérience actuelle de la France qui éprouve des problèmes majeurs de violence dans ses centres de détention en raison de la surpopulation et en raison des longues sentences et des sentences à terme fixe.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, le 27 novembre 1996, Patrick Healy, professeur à l'Université McGill, a dit :

On vous a peut-être beaucoup parlé, lors de vos audiences, des différents objectifs de la politique en matière de détermination de la peine dans le droit canadien. Aucun ne surpasse la protection de la population. Selon moi, il n'y a pas de preuve concrète que la société canadienne est moins bien protégée depuis l'entrée en vigueur de l'article 745.6. Au contraire, je crois que cet article est parfaitement conforme au principe de la protection de la population canadienne.

Si la politique vise à donner au condamné l'ombre de l'ombre d'une chance, après 15 ans de détention, voyons un peu ce que cela signifie précisément. Cela signifie que, compte tenu de la conduite du délinquant en prison et de divers autres facteurs, il y a des motifs de croire que, eu égard à la protection de la population canadienne, il n'y a peut-être aucun danger à libérer cette personne plus tôt que prévu. Cela ne signifie pas que la peine d'emprisonnement à perpétuité est commuée. Le seul mécanisme qui permet d'effacer une peine d'emprisonnement à vie est le pardon, et ce n'est pas une option dans les cas qui nous occupent. La condamnation à perpétuité suivra la personne toute sa vie, qu'elle soit ou non libérée. La politique sous-jacente à l'article 745.6 donne aux représentants de la collectivité, par l'entremise du jury et de la Commission nationale des libérations conditionnelles, la possibilité de vérifier si, par certains aspects, la situation du délinquant indique qu'il ne serait pas contraire au principe de la protection de la population canadienne d'envisager une libération anticipée.

(1500)

Il poursuit ainsi un peu plus loin :

[...] sans cette étape de vérification judiciaire vous exposeriez automatiquement les familles des victimes à une audience devant jury et vous les forceriez à revoir la preuve dans une affaire qui est peut-être sans issue. Cette vérification permet au moins de protéger ce groupe dans une certaine mesure. Les trois mesures combinées — vérification judiciaire, jury et Commission des libérations conditionnelles —, je le répète, forment un ensemble de mesures décisionnelles que rien ne peut surpasser pour inspirer confiance à la population quant à l'acceptabilité des résultats.

Notre système reconnaît les principes de la dissuasion et de la réadaptation, tient compte des circonstances propres à chaque affaire et de l'impact sur les victimes et fait intervenir un jury unanime composé de membres de la collectivité. Pourquoi changer ce système?

Allan Manson, professeur à l'Université Queen's et représentant l'Association du Barreau canadien, a aussi comparu devant le comité le 27 novembre 1996. Voici ce qu'il a dit :

Lorsque la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Luxton, en 1990, a confirmé la validité constitutionnelle du nouveau régime de détermination de la peine pour les meurtres, et les peines prolongées pour les meurtres au premier degré, elle a précisément mentionné l'article 745 comme étant l'un des facteurs qui l'ont convaincue que ces condamnations ne sont pas des peines et des traitements cruels et inusités ou nettement exagérés. Tout détenu qui le mérite a la possibilité de se présenter au bout de 15 ans. L'accès durable et généralisé à l'article 745 est essentiel pour préserver la validité constitutionnelle de l'ensemble du régime de détermination de la peine pour les homicides.

Le gouvernement a-t-il pris en considération l'effet qu'aurait l'abrogation de l'article 745.6 sur la validité constitutionnelle du régime de détermination de la peine pour les homicides?

Honorables sénateurs, bien que j'aie de grandes réserves à cet égard, renvoyons ce projet de loi au comité. Donnons-nous l'esprit d'ouverture nécessaire quant à savoir s'il est valide au sens de la Constitution, s'il nous permettra de nous sentir plus en sécurité dans nos rues et dans nos foyers et s'il appuie notre système correctionnel ou s'il lui nuit.

L'honorable Anne C. Cools : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

J'ai écouté attentivement les propos du sénateur Carstairs et ceux du sénateur Carignan. Je les remercie tous les deux de leurs excellents discours.

Honorables sénateurs, d'une certaine façon, je fais appel aux deux sénateurs, mais surtout au sénateur Carstairs, qui siège au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et qui a déjà présidé ce comité, pour qu'ils s'assurent que nous nous penchions sur ce que j'appellerais les arcanes du droit. Je pense, par exemple, à la Loi sur les libérations conditionnelles, qui prévoyait la création de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Cette loi fut présentée, je crois, sous le gouvernement de M. John Diefenbaker. Elle découlait d'un rapport célèbre du juge Fauteux, qu'on a appelé le rapport Fauteux. Il serait utile, tant pour le comité que pour nos analyses, que nous nous penchions sur ce rapport. Je vais poser mes questions, et je laisse à madame le sénateur le soin d'y répondre selon son gré, à la fin de mon discours si elle préfère.

Honorables sénateurs, le système est parfois beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. Le système des libérations conditionnelles n'a rien à voir avec l'innocence ou la culpabilité. Les tribunaux, les jurys et les juges, entre autres, sont censés s'occuper de cet aspect des choses. Le système des libérations conditionnelles est fondé non seulement sur le principe de la culpabilité du détenu, mais aussi sur la reconnaissance de sa culpabilité. Ainsi, le principe des libérations conditionnelles s'appuie sur la notion de rédemption, d'absolution pour les péchés commis, comme l'a dit le sénateur Carstairs. Le système des libérations conditionnelles s'appelait autrefois la commission des remises de peine.

Honorables sénateurs, je veux que nous produisions une bonne étude et que nous comprenions précisément que le système des libérations conditionnelles vise à savoir si le détenu a changé depuis qu'il a été reconnu coupable et depuis qu'il a été condamné. Toutefois, la préoccupation la plus importante de la Commission des libérations conditionnelles consiste à établir si cette personne pose un risque pour la société. J'aimerais savoir ce que madame le sénateur Carstairs pense sur ce point et j'aimerais qu'elle nous assure que nous nous pencherons précisément sur cette question, car on n'accorde jamais une libération conditionnelle à des contrevenants détenus dans des établissements à sécurité maximale. Il existe bien d'autres protections. Il y a un processus qu'on appelle, je crois, un processus en cascades, où le détenu passe, disons, d'un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, puis à un établissement à sécurité minimale, si bien que ses possibilités de libération conditionnelle augmentent.

Honorables sénateurs, ce serait merveilleux si le comité pouvait étudier consciencieusement ces questions et recueillir le témoignage de personnes pouvant expliquer certains de ces processus. Madame le sénateur Carstairs pourrait-elle nous assurer qu'elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce qu'on procède à un examen sérieux de la question, et que le comité prenne le temps nécessaire pour faire tout ce qui doit être fait?

Le sénateur Carstairs : Je remercie le sénateur Cools. Je tiens d'abord à préciser que je n'ai pas siégé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pendant plusieurs années, car j'occupais d'autres fonctions, mais j'y siège depuis notre retour à la suite de la prorogation. Le comité est sous la présidence compétente des sénateurs Fraser et Wallace, qui, je peux en témoigner, souhaitent examiner minutieusement toutes les mesures législatives.

Pour ce qui est de la suggestion du sénateur selon laquelle nous devrions nous pencher sur la Loi sur les libérations conditionnelles et sur les dispositions portant sur la libération conditionnelle, c'est à mon avis une excellente idée, car c'est ce que prévoit modifier cette mesure législative. En effet, cette mesure prévoit modifier les conditions permettant qu'un détenu obtienne une libération conditionnelle. Ce serait donc une erreur de notre part d'examiner cette mesure législative sans avoir, au préalable, une bonne compréhension de la façon dont fonctionne vraiment le système de libération conditionnelle au Canada.

Son Honneur le Président : Si le sénateur Carignan prend maintenant la parole, son intervention aura pour effet de mettre fin au débat.

Le sénateur Carstairs : Je crois qu'il souhaitait poser une question, et non prendre la parole.

Son Honneur le Président : Nous en sommes à la période des questions et des observations. Le sénateur Carignan a la parole.

[Français]

L'honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs a dit qu'il ne fallait pas étendre la peine du criminel. Évidemment, étendre la peine du criminel après qu'il ait été déjà condamné serait inconstitutionnel et irait à l'encontre de la Charte.

Il me semble plutôt que le projet de loi n'étend pas la peine, mais assure que la peine imposée soit respectée et ne soit pas réduite.

Il s'agit d'une nuance importante dans le projet de loi qui assure la confiance du public à l'égard du système. J'ai toujours cru que le public devait avoir une pleine confiance en ses institutions, qu'il s'agisse du Parlement ou de la justice, pour s'assurer d'un bon fonctionnement.

Madame le sénateur ne croit-elle pas que, en plus des trois points qu'elle a ajoutés, l'étude au comité permette d'assurer que le projet de loi inspire la confiance du public et protège les droits des victimes?

(1510)

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Je remercie le sénateur de sa question. Je crois cependant qu'il est impossible d'imposer une peine plus longue que la perpétuité. Quiconque est reconnu coupable de meurtre au Canada, qu'il s'agisse d'un meurtre au premier ou au deuxième degré, est passible d'emprisonnement à perpétuité. La seule différence est que, dans un cas, une libération conditionnelle peut être accordée après 25 années d'emprisonnement et, dans l'autre, la disposition de la dernière chance permet de réduire le délai d'admissibilité à la libération conditionnelle, soit après 15 à 25 ans d'emprisonnement. C'est la seule nuance dont nous devons nous préoccuper, selon moi.

J'ai mentionné qu'il fallait se soucier des victimes. À la suite des amendements apportés au projet de loi en 1996, le droit des victimes de témoigner devant le jury a été expressément prévu, ce qui était une première. Il n'y avait pas de jury avant cela. Cette possibilité a été créée dans le projet de loi qui est entré en vigueur en 1997, mais qui avait été étudié en 1996. Il est donc exact de dire qu'il faut se pencher sur tous les aspects, notamment les droits des victimes et de leurs familles. Le plus souvent, comme le sénateur le sait, la victime n'est plus de ce monde. La question de savoir si nos rues sont plus sûres devrait également être étudiée. J'ai dit que c'est un aspect à examiner, mais, dans les exposés que nous avons entendus en 1996, le Service correctionnel du Canada m'a assurée qu'aucune personne ayant bénéficié d'une libération conditionnelle anticipée n'avait récidivé.

Le sénateur Cools : Le sénateur Carstairs pourrait peut-être nous expliquer que tout le régime de libération conditionnelle relève en réalité des pouvoirs de clémence. C'est strictement une affaire de clémence. Outre la clémence exercée en accordant une libération conditionnelle , il y a ce qu'on appelait autrefois la réduction méritée de peine. Par exemple, dans l'ancien système pénitentiaire, les samedis et dimanches ne comptaient pas dans le calcul de la peine. Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, toutefois. Même si le détenu se trouvait dans l'établissement ces jours-là, ceux-ci étaient pour ainsi dire remis. Madame le sénateur peut-elle nous expliquer cela?

Honorables sénateurs, je crois qu'il y a une incompréhension profonde de ce qu'est le pouvoir de clémence. Lors de la rédaction initiale de l'article 745, on a pris la peine de faire intervenir les juges — je me rappelle d'ailleurs qu'il y a eu une longue discussion sur la question. Bien des gens se sont interrogés sur la pertinence de cette décision. Dans cette enceinte, nous étions très fortement enclins, particulièrement les juristes, à faire participer les juges à la décision, plutôt que de laisser les tribunaux administratifs trancher. Le comité consacrera peut-être un certain temps pour préciser certaines de ces questions.

Honorables sénateurs, la libération conditionnelle est une mesure qui s'inscrit dans le pouvoir de clémence de Sa Majesté, dont la plus haute expression est la prérogative royale de clémence, qui permet d'accorder un pardon distinct de la réhabilitation prévue dans la Loi sur le casier judiciaire. J'ose espérer que le comité apportera des précisions qui permettront aux Canadiens de mieux comprendre ces régimes. Je suis bien consciente des problèmes, des erreurs, de la négligence et du manque de diligence qu'on trouve dans le système, mais je parle de principes plus généraux. Madame le sénateur aurait- elle l'obligeance d'expliquer, notamment, en quoi consiste le pouvoir de clémence?

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, il est important de revenir à l'origine de l'article 745. Lorsqu'on a aboli la peine de mort, on l'a remplacée par une peine d'emprisonnement à perpétuité. Selon certains, la peine d'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité inhérente de réhabilitation, devait être au moins accompagnée de la possibilité de soumettre une demande d'admissibilité à la libération conditionnelle. La durée d'emprisonnement obligatoire avant de pouvoir présenter une telle demande a été fixée à 25 ans pour les personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré et, de façon générale, à 10 ans en ce qui concerne les meurtres au second degré même si, comme je l'ai dit, un juge pouvait la porter à 25 ans.

Puis, on s'est demandé : et si le détenu montrait un réel repentir? Et s'il était vraiment prêt à réintégrer la société? Ne serait-il pas possible de lui donner un certain espoir? On parle de « clause de la dernière chance » parce qu'il a une dernière chance d'obtenir une libération conditionnelle. Bien des détenus ne présentent pas de demande car ils sont persuadés qu'ils ne seront pas admissibles.

On a instauré la clause de la dernière chance en se fondant sur le principe de la clémence dont a parlé le sénateur, selon lequel le système doit tenir compte du fait que tous les êtres humains possèdent la capacité de changer. Si on ne croit pas cela, honorables sénateurs, alors aussi bien emprisonner tout le monde à perpétuité. Il y aurait énormément de citoyens en prison. Il y en a déjà beaucoup à l'heure actuelle. Je ne veux pas que notre système devienne semblable à celui des Américains. Ce qui me préoccupe beaucoup, c'est que 70 p. 100 des détenus dans nos prisons sont des Autochtones.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'avais prévu à l'origine de traiter de cette question, mais je crois que tous les sénateurs s'entendent pour qu'elle soit renvoyée au comité. J'espère que l'étude au comité permettra de mettre au jour des renseignements et des données sur la composition actuelle de la population carcérale. Madame le sénateur a mentionné qu'une majorité écrasante de détenus proviennent de la communauté autochtone. Je sais personnellement qu'il y a également un nombre disproportionné de Noirs dans le système. J'espère que nous aurons l'occasion de présenter certaines de ces données à mesure que nos travaux progresseront.

Cela dit, je ne compte pas soulever d'autres questions. C'est un enjeu majeur. Il est facile de faire appel aux pulsions sanguinaires de l'être humain. J'ai lu certaines histoires de lynchage où les gens ont réalisé, quelques heures après coup, avoir exécuté la mauvaise personne. Tous ces récits font ressortir les tendances sanguinaires qui peuvent être réveillées chez les humains. En tant que députés et sénateurs, nous devrions toujours réprimer ces tendances sanguinaires plutôt que de les promouvoir. C'est le but de la civilisation.

Honorables sénateurs, il y a beaucoup plus d'hommes que de femmes dans ce système. Un monsieur s'est présenté à mon bureau il y a quelques jours. Son cas figure parmi les 32 cas documentés d'erreurs judiciaires. J'ai bien dit 32 cas. C'est assez pour ébranler la confiance de quiconque à l'endroit du système.

(1520)

Honorables sénateurs, la clémence devrait toujours coexister avec le mouvement excessivement lent des rouages de la justice parce que, être clément, c'est comprendre que les êtres humains sont imparfaits. Les contrevenants sont imparfaits, mais sont également imparfaites les personnes qui les jugent. Il y a des années, la plupart des juges et des députés et le gouvernement se sont prononcés contre la peine capitale, non parce qu'ils croyaient que les meurtriers étaient tous de bonnes personnes, mais parce qu'ils comprenaient que l'imperfection et la négligence étaient courantes dans les systèmes et les procédures et que les êtres humains commettent des erreurs.

Honorables sénateurs, nous connaissons des cas où un juge a simplement pris en grippe un prévenu ou un accusé. L'imperfection propre à l'être humain existe chez les contrevenants, ce qui leur attire des ennuis. Cependant l'imperfection humaine existe aussi chez ceux qui jugent les contrevenants. Si on connaît un tant soit peu le système correctionnel, on sait que ses imperfections sont énormes. À chaque étape du processus, à mesure qu'un contrevenant évolue dans le système, le système tente de réparer des torts antérieurs.

Je vais donner un exemple aux sénateurs. Lorsque je siégeais à la Commission des libérations conditionnelles, j'ai rencontré un jeune homme considéré comme l'un des plus durs de tous. Lors d'un soulèvement dans une prison, ce jeune homme a risqué sa vie quand un groupe de détenus a pris un gardien en otage et l'a ligoté pour le tuer. Ce jeune homme est intervenu au péril de sa vie, a confronté les autres détenus et a libéré le gardien. Ce type avait rapidement cheminé dans le système et comparaissait devant la Commission des libérations conditionnelles.

En qualité de sénateurs, nous devons nous abstenir de sauter trop vite aux conclusions. Il y a bien des choses que nous ne savons pas. Même maintenant, nous ne savons pas pourquoi un Noir sur quatre aux États-Unis est en prison. Ce sera bientôt un sur trois.

Honorables sénateurs, nous devons toujours faire appel à la raison et au bon sens.

[Français]

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Carstairs. J'ai l'impression d'entendre davantage des défenseurs des droits des criminels que des droits des victimes.

C'est vrai que la justice doit d'abord assurer une peine pour un crime commis et, ensuite, permettre au criminel de se réhabiliter. Cependant, la justice doit d'abord être à la recherche de la vérité à partir des faits qu'on lui donne. Lorsqu'un juge dit que la sentence est de « 25 ans ferme, sans possibilité de libération conditionnelle », on ment à la population si le système carcéral peut libérer le même criminel après 15 ans.

J'ai assisté à des procès; j'ai assisté au procès du criminel de ma fille, et le juge a bien déclaré : « 25 ans ferme sans possibilité de libération conditionnelle. » Pourquoi donner au système carcéral la possibilité de libérer un criminel après 15 ans? Si la justice est la recherche de la vérité, est-ce qu'on ment aux citoyens et aux familles lorsque le juge dit : « 25 ans ferme sans possibilité de libération conditionnelle » et qu'on va peut-être libérer le criminel après 15 ans? Est-ce que la justice ment à ce moment-là?

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les cinq minutes additionnelles accordées au sénateur Carstairs sont écoulées. Lui accorde-t-on encore cinq minutes?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Oui.

Le sénateur Carstairs : Je remercie les sénateurs de m'accorder plus de temps, parce que je tiens à répondre à la question du sénateur Boisvenu.

Honorables sénateurs, nous avons modifié la loi en 1996 et les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur en 1997 parce que les victimes et les associations de victimes avaient déclaré qu'elles n'étaient pas représentées dans le processus. Un individu pouvait demander à la Commission des libérations conditionnelles l'autorisation de présenter une demande en vertu de la clause de la dernière chance et, sans garantie que les victimes seraient entendues, la commission accordait ou refusait cette autorisation. Nous avons changé cela en 1996 et 1997 pour que le jury soit tenu d'entendre la victime ou la famille de la victime dans le cadre de ses délibérations. Après avoir entendu le condamné et la famille de la victime, le jury décide si le détenu devrait être autorisé à demander — et non pas à obtenir — une libération conditionnelle.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Honorables sénateurs, je connais très bien les changements que la loi a apportés en 1996, 1997, 2001 et 2007, lorsqu'on a introduit dans le processus des libérations conditionnelles la possibilité, pour les familles des victimes, de se prononcer sur l'impact d'un crime. Ce n'était pas ma question.

Je répète ma question. Lorsqu'un juge, après qu'un juré ait condamné un criminel pour meurtre au premier degré, dit au criminel : « Je vous condamne à 25 ans ferme sans possibilité de libération », est-ce que la justice ment à la population et à la famille si le système carcéral peut libérer ce criminel après 15 ans? Oui ou non?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Évidemment, la justice ne ment pas. La justice sait que l'article 745.6 du Code criminel existe, et on le désigne généralement sous le nom de « clause ou disposition de la dernière chance ».

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À ce moment-là, il va falloir modifier le Code criminel et en informer les juges, parce qu'ils ne semblent pas être informés. Lorsqu'il y aura une sentence de 25 ans ferme sans possibilité de libération conditionnelle, on fera dire au juge : « Oui, mais je vais vous autoriser, après 15 ans, à bénéficier d'une libération. » Est-ce que, à ce moment-là, le Code criminel serait moins caché à la face même de la population?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, j'ai du mal à croire que les juges canadiens ne connaissent pas l'article 745.6 du Code criminel du Canada. Après tout, ils doivent, tous les jours de leur vie professionnelle, rendre jugement en se basant sur le Code criminel du Canada.

L'honorable Hector Daniel Lang : Honorables sénateurs, ma question porte sur ce qui est, selon moi, l'un des aspects les plus importants du projet de loi dont nous sommes saisis. Le principe qui sous-tend ce projet de loi est le suivant : le crime le plus abominable qui soit a été commis, la question a fait l'objet d'un examen attentif et le verdict final est 25 années d'emprisonnement ou la détention à perpétuité. En raison de la clause de la dernière chance, la famille risque de devoir revivre le calvaire qu'elle a déjà vécu 15 ans plus tôt.

Comme l'a demandé l'orateur précédent, est-il juste de soumettre de nouveau ces familles à une telle expérience, puisque la personne en question a été accusée, qu'elle a été reconnue coupable et qu'elle a été condamnée à 25 années de pénitencier? Tout à coup, il faudrait demander à la famille de revivre tout cela parce que madame le sénateur nous a dit qu'elle était d'avis que le détenu devrait avoir une chance de se réhabiliter.

(1530)

Le sénateur Carstairs : Je dirai au sénateur que je ne crois pas que cette expérience sera plus facile à vivre pour la famille 25 ans après l'imposition de la peine quand le contrevenant sera admissible à une libération conditionnelle. Étant donné l'espérance de vie, le contrevenant ne sera peut-être même plus vivant dans 25 ans.

Je crois que le sénateur devrait prêter attention au nom de cette clause. Elle s'appelle « clause de la dernière chance » parce que peu de personnes obtiennent une libération conditionnelle en vertu de cette clause. Le seul élément du projet de loi qui vaut la peine d'être examiné, selon moi, est la disposition qui empêche les contrevenants de présenter une demande de libération conditionnelle à tous les deux ans après qu'ils ont purgé une peine de 15 ans. Selon cette partie du projet de loi, les personnes qui sont actuellement dans le système carcéral, et seulement elles, pourront présenter une demande 15 ans après, puis seulement cinq ans plus tard. De cette façon, la famille n'aura pas à subir cette expérience trop souvent. Je crois que c'est un changement qui vaut la peine d'être envisagé.

Toutefois, je crois qu'il y a des personnes qui peuvent se réhabiliter, et ces personnes doivent pouvoir se prévaloir de la clause de la dernière chance.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période de temps supplémentaire est écoulée. Y a-t-il eu un appel au vote?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Comeau, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-4, concernant les biens matrimoniaux situés dans les réserves des Premières nations.

Le préambule du projet de loi prévoit ce qui suit :

[Français]

Attendu :

qu'il est nécessaire de traiter de certaines questions qui se posent en matière de droit de la famille dans les réserves des premières nations, en raison du fait que les lois provinciales et territoriales régissant ces questions ne s'appliquent pas dans celles-ci et que la Loi sur les Indiens n'en traite pas;

qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour accorder aux époux ou conjoints de fait, pendant la relation conjugale ou en cas d'échec de celle-ci ou de décès de l'un deux, des droits et des recours en ce qui touche;

[Traduction]

Le préambule traite ensuite de la nécessité de défendre aussi les intérêts des enfants. Lorsque les décideurs examinent l'ensemble de la question, ils devraient étudier la façon dont le projet de loi protégera les enfants. Le projet de loi S-4 signale clairement aux décideurs qu'il est essentiel de protéger les droits des enfants de maintenir des liens avec les Premières nations. L'enfant a besoin de connaître la culture des Premières nations et il doit être informé de ses droits sociaux.

Actuellement, en cas de rupture du mariage, les personnes habitant dans les réserves ne profitent pas des mêmes droits que les autres citoyens. Elles se retrouvent sans protection parce que la Loi sur les Indiens n'aborde pas la question de la division des biens matrimoniaux. Malheureusement, aucune mesure législative ne comble cette lacune.

Dans notre système juridique, les biens matrimoniaux sont habituellement la propriété d'un seul des époux ou des deux, et ils servent à répondre aux besoins de la famille. En quoi consistent-ils? En fait, il existe deux types de biens matrimoniaux. D'une part, les biens immobiliers matrimoniaux englobent les terres et tout ce qui se rattache à ces terres de façon permanente, comme la maison familiale. En vertu de la Loi constitutionnelle de 1982, la propriété relève des compétences provinciales ou territoriales. Par conséquent, ce sont les lois provinciales et territoriales qui protègent les époux en cas de séparation.

Il y a un vide juridique. Les tribunaux n'ont pas le pouvoir de protéger les biens immobiliers matrimoniaux des épouses dans les réserves. Dans un rapport intitulé Retrouver notre façon d'être : solutions aux problèmes des biens immobiliers matrimoniaux — Le rapport du peuple, voici ce que dit l'Association des femmes autochtones du Canada :

Ce manque de clarté juridique et de protection veut également dire que les femmes victimes de violence ou devenues veuves peuvent perdre leurs maisons sur la réserve. L'AFAC comprend que cette faille au niveau de la loi nuit aux femmes autochtones et à leurs enfants plus souvent qu'aux hommes. Les femmes et les enfants qui doivent déménager à l'extérieur de la réserve perdent l'assistance et l'aide de leur famille, de leurs amis et de la communauté. Ils perdent également leur accès aux avantages et aux programmes qui ne sont disponibles que pour les personnes vivant sur la réserve. L'entière communauté perdra les contributions des femmes et de leurs enfants s'ils doivent déménager hors de la réserve.

Plus loin dans le rapport, on peut lire ce qui suit :

Les enfants ont le droit de vivre dans un environnement sain et sécuritaire. Le bien-être des enfants est mieux comblé par des parents en mesure de trouver des solutions à leurs mésententes lorsqu'ils considèrent les besoins des enfants en premier lieu.

« ... l'importance de faire en sorte que les enfants se sentent en sécurité dans leurs communautés et qu'ils n'aient pas à quitter leurs communautés, de façon à ce qu'ils aient une certaine stabilité. »

Les hommes sont nos partenaires égaux et leurs compétences et connaissances leur accordent un rôle essentiel et égal au sein de la communauté. Les hommes contribuent à l'existence de familles fortes et respectueuses dans nos communautés et ils en bénéficient. Les hommes font également preuve de leadership dans la reconstruction de nos communautés. Tel que l'a décrit une femme :

« Nous devons travailler ensemble, d'accord — les hommes et les femmes. Je suis mère de deux fils; je ne veux pas que mes fils soient séparés de choses qui vont les affecter. Nous sommes femmes, nous donnons naissance aux hommes et ils font partie intégrante de nous. »

On peut lire un peu plus loin :

« ... nos traditions nous ont conduits à la réussite et nous possédons la capacité de faire appel aux souvenirs de nos aînés et d'utiliser ces systèmes pour notre peuple. »

Je répète que les terres de réserve relèvent de la compétence exclusive du gouvernement fédéral aux termes du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

En vertu de l'article 88 de la Loi sur les Indiens, sous réserve de traités conclus entre les Premières nations et la Couronne et des lois fédérales, les Premières nations sont assujetties à toutes les lois provinciales d'application générale, à l'exclusion de celles qui entrent en conflit avec la Loi sur les Indiens. Les questions de droit familial, dont les biens matrimoniaux, relèvent de la compétence des provinces en vertu du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867.

De prime abord, on pourrait supposer que les droits de propriété en cas de dissolution d'un mariage dans une réserve sont eux aussi assujettis à la législation provinciale ou territoriale. Cependant, compte tenu du statut juridique des réserves indiennes, il faut faire la distinction entre les biens personnels et les biens réels.

Il n'existe aucune loi prévoyant la répartition des biens matrimoniaux, autant réels que personnels, dans les réserves; par conséquent, nous devons adopter une loi qui veillerait à ce que tous les Canadiens jouissent des mêmes droits. Le but du projet de loi S-4 est de corriger un tort et de faire en sorte que tous les Canadiens soient traités équitablement.

L'application des lois provinciales couvre les biens personnels — notamment les voitures, les meubles et les effets personnels — en cas de dissolution d'un mariage dans une réserve. Dans l'affaire Derrickson c. Derrickson, la Cour suprême a conclu que la possession de terres dans une réserve ainsi que le transfert d'un droit de possession sont régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens. Elle a ajouté que les tribunaux ne peuvent se fonder sur la loi provinciale pour ordonner le partage des biens matrimoniaux immobiliers dans une réserve.

Dans l'arrêt Paul c. Paul, rendu la même année que l'arrêt Derrickson, en 1986, la Cour suprême a jugé que les mêmes principes s'appliquaient à une demande en vertu d'une loi provinciale pour l'occupation à titre provisoire de la résidence familiale.

Honorables sénateurs, les habitants des réserves sont victimes d'un vide juridique, sans parler de la question de la possession de terres et des droits collectifs dans les réserves.

La plupart des Canadiens qui possèdent des terres en sont propriétaires en fief simple. Les terres de réserves n'« appartiennent » pas, au sens courant du terme, aux Premières nations. Le droit de propriété sous-jacent appartient à la Couronne. Comme l'énonce l'article 18 de la Loi sur les Indiens :

Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté.

(1540)

Les Autochtones peuvent obtenir la possession de terres sur lesquelles ils pourront éventuellement ériger des bâtiments dont ils seront propriétaires, mais sans avoir, dans la plupart des cas, la pleine propriété en fief simple de la terre elle-même.

Comme je l'ai déjà dit, selon les arrêts Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul rendus par la Cour suprême en 1986, dans les cas de rupture d'une relation conjugale dans une réserve, les tribunaux ne peuvent pas appliquer les lois provinciales ou territoriales parce que les réserves relèvent de la compétence du fédéral.

Compte tenu des arrêts Derrickson et Paul et du vide législatif, les Autochtones ne jouissent pas des mêmes droits en matière de biens matrimoniaux que les autres Canadiens. Au moment de la rupture d'une relation conjugale dans une réserve, les résidents des réserves ne peuvent avoir recours aux tribunaux provinciaux ou territoriaux en vue de faire le partage de leurs biens.

Depuis 1986, en raison de l'arrêt Derrickson de la Cour suprême du Canada et du vide législatif, les cours ne peuvent empêcher un conjoint de vendre la maison familiale, ordonner que le conjoint — en général, celui qui a la garde exclusive des enfants — ait la possession de la maison, ordonner le partage et la vente de la maison familiale, ordonner qu'un conjoint touche une indemnité suite à la vente de la maison ou ordonner que le conjoint au nom duquel la propriété est enregistrée ne frappe pas cette dernière d'une autre hypothèque.

Le projet de loi S-4 vise à fournir des mesures provisoires sur lesquelles le comité devra se pencher.

Ce projet de loi prévoit notamment qu'un des conjoints peut demander une ordonnance judiciaire lui accordant l'occupation exclusive de la maison familiale, peut demander à toucher une indemnité suite à la vente de la maison et, en cas de violence conjugale, le conjoint victime de violence peut demander une ordonnance immédiate pour obliger l'autre à quitter le foyer pendant une durée maximale de 90 jours. De plus, le tribunal peut ordonner que certains droits ou intérêts sur les terres dans les réserves soient transferés à l'un ou l'autre des conjoints.

Il y a eu des consultations avec la Première nation et le chef Wendy Grant John a agi à titre de représentante ministérielle. Toutefois, je comprends que certains s'inquiètent du fait qu'il n'y a pas eu suffisamment de consultations. L'Association des femmes autochtones du Canada, dans le rapport que j'ai cité précédemment, nous a mis en garde afin d'assurer que les pistes de solutions visant la division des biens immobiliers matrimoniaux proviennent d'Autochtones qui possèdent une expérience personnelle relativement aux biens immobiliers matrimoniaux. Elle nous met aussi en garde afin que les solutions reflètent les expériences, les connaissances et la culture propres aux Premières nations.

L'Association des femmes autochtones du Canada cite une des femmes dans son rapport :

Je pense qu'il existe seulement des couches et des couches, comme un oignon. J'ai toujours dit que, lorsqu'il s'agit des femmes autochtones, c'est comme un oignon, une couche après l'autre. Nous sommes si réprimées par tous ces facteurs déterminants qu'il est très difficile d'entendre notre voix.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 ne changera pas à lui seul la vie des membres des Premières nations, particulièrement celle des femmes. Voici certaines des ressources que nous devons fournir pour que ce projet de loi devienne une loi efficace.

D'abord, il y a le logement. Le manque de logements dans les réserves est l'un des principaux éléments qui forcent les gens à quitter la réserve lors de l'échec d'un mariage. Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a étudié ce problème en 2003. Dans notre rapport, intitulé Un toit précaire : Les biens matrimoniaux situés dans les réserves, l'Association des femmes autochtones du Canada a déclaré ce qui suit :

Notre association considère qu'il faut immédiatement mettre en œuvre des mesures correctives pour remédier à l'absence de régimes de biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, avant même la concrétisation de l'autonomie gouvernementale et même s'il faut pour cela réformer la législation, car la question est trop grave pour les femmes autochtones et leurs enfants, comme en atteste l'anecdote suivante.

Une Autochtone s'est suicidée cette année après que les autorités l'eurent privée de ses enfants. Cette femme, qui avait cinq enfants, a été contrainte de quitter sa réserve à cause d'une pénurie chronique de logements. Elle n'a pas trouvé de logement abordable en dehors de la réserve. À cause de sa situation financière, elle a été contrainte de s'installer dans une pension de familles avec ses cinq enfants. Elle a sollicité l'aide des autorités pour obtenir un logement abordable pour elle et ses enfants. Les autorités ont réagi en la privant de ses enfants. Ayant perdu tout espoir, elle s'est alors suicidée.

Outre le logement, il y a aussi la question de l'accès à la justice. Pour que ce projet de loi aide les gens dans les réserves, il devra leur permettre d'avoir accès aux tribunaux, surtout dans le cas des femmes qui habitent dans des régions éloignées. À l'accès facilité à la justice devront s'ajouter des services d'aide juridique offerts aux gens dans les réserves.

Lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité, pour assurer un équilibre ou pour veiller à ce que justice soit rendue en matière de biens immobiliers matrimoniaux, nous devrons travailler fort pour ne pas créer d'injustice sur les questions suivantes, que nous devrons examiner dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Il faudra se demander si le projet de loi S-4 porte préjudice à la compétence inhérente des Premières nations en ce qui concerne le mariage et les biens matrimoniaux. Nous devrons examiner comment le projet de loi S-4 pourrait toucher le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et les effets qu'il aura sur les droits collectifs des Premières nations lorsqu'il entrera en vigueur. Nous devrons nous demander si ce projet de loi touchera à tout autre droit à l'autonomie gouvernementale et s'il contrevient à la Loi constitutionnelle de 1982.

Honorables sénateurs, j'aimerais conclure en vous lisant un extrait de la conclusion du rapport de l'Association des femmes autochtones du Canada.

Voici ce qu'on peut lire à la page 23 :

Les connexions des peuples autochtones à nos terres et territoires sont sacrées et historiques. Il ne s'agit pas que de simples parcelles de terrain, mais bien de nos territoires traditionnels. Cette question de biens matrimoniaux sur réserve n'a pas été créée par les Autochtones. La question des biens immobiliers matrimoniaux sur réserve est maintenant une question complexe à résoudre; cependant, elle ne devrait pas l'être. Il y a eu beaucoup de discrimination dans passé et ça se poursuit jusqu'à ce jour. Cette discrimination a créé des impacts préjudiciables sur plusieurs générations de jeunes, de femmes, d'hommes, de familles et de communautés à travers le pays.

L'AFAC croit que l'adoption d'une loi visant les biens immobiliers matrimoniaux ne serait qu'une partie de la solution. Comme l'a mentionné une participante :

Je vois l'urgence des problèmes, quelqu'un pourrait regarder ce que nous faisons afin « d'arrêter l'hémorragie » et la raison pour laquelle je me sens concernée est qu'au fil des ans, si le gouvernement ne peut qu'arrêter l'hémorragie, alors ils n'auront pas guéri la blessure.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 marque un début pour le règlement des questions relatives aux biens matrimoniaux au sein des Premières nations, mais nous devons aussi veiller à ce que les femmes vivant dans les réserves ou près des réserves aient un foyer sûr. Nous devons trouver des moyens de les aider à bâtir plus de logements et à obtenir un meilleur accès à la justice.

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Jaffer : Oui.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Quand madame le sénateur a assisté aux audiences du comité, a-t-elle eu l'impression que la plupart des problèmes venaient du ministère des Affaires indiennes? Je parle de la pénurie de logements et du manque de financement.

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, je dois dire que ces audiences ont eu lieu en 2003. Je ne suis donc pas en mesure de déterminer précisément, aujourd'hui, si la plupart des problèmes venaient du ministère. Toutefois, comme je viens de lire le rapport, je sais que la plupart des témoins vivant dans une réserve ont insisté sur les problèmes de logement et de financement.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente suppléante : L'honorable sénateur Comeau, avec l'appui de l'honorable sénateur Tkachuk, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wallace, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 6 mai 2010, à 13 h 30.)


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