Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 61
Le mercredi 14 mars 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
- Visiteurs à la tribune
- La Jamaïque
- La bourse R. James Travers pour correspondants étrangers
- Visiteurs à la tribune
- Mme Flora Thibodeau
- Le décès de M. Lanier Phillips
- Les femmes vivant dans des régions où se déroulent des conflits
- L'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air
- Visiteurs à la tribune
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 14 mars 2012
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe
La réunion de l'Assemblée parlementaire
L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je veux vous faire part des discussions qui se ont eu lieu lors de la 11e session d'hiver de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, aussi connue sous le nom d'OSCE. La réunion s'est déroulée sur deux jours en février. Près de 250 parlementaires provenant des 56 États membres de l'OSCE, ainsi que de quelques- uns des pays qui comptent au nombre de ses partenaires méditerranéens, ont assisté à cette réunion.
J'ai été impressionné par les nombreux sujets qui ont été abordés durant la session d'hiver et par l'examen approfondi auxquels ils ont été soumis. J'ai participé aux discussions sur le terrorisme et la criminalité dans la région, et j'ai souligné le rôle important que les parlementaires de l'OSCE jouent face à ces problèmes qui, du fait qu'ils ne s'arrêtent pas à la frontière, exigent qu'on s'y attaque de manière concertée et coordonnée.
Lors de la séance sur la démocratie et les droits de la personne, certaines personnes ont parlé des mauvais traitements que des membres de leur famille immédiate ou des associés avaient subis de la part du système juridique de leur pays, mauvais traitements qui avaient parfois même entraîné leur décès. Cela m'a permis de mieux apprécier le rôle important que joue l'Assemblée parlementaire dans la sensibilisation aux violations des droits de la personne commises dans la région.
L'importance de l'Assemblée parlementaire a aussi été démontrée lors de la séance sur les questions économiques et environnementales durant laquelle on a tenu un débat opportun sur la crise économique en Europe. Une séance plénière a été consacrée à un débat spécial sur l'avenir du contrôle des armements classiques en Europe.
Pour conclure, l'Assemblée parlementaire a adopté une déclaration sur la situation en Syrie et a exhorté tous les participants à ce conflit à respecter pleinement les droits de la personne et les libertés fondamentales.
Honorables sénateurs, la session d'hiver a été instructive, et elle a permis aux parlementaires canadiens de débattre avec d'autres parlementaires de questions d'intérêt commun. Je vous encourage à participer aux réunions de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE, si vous avez l'occasion de le faire.
En conclusion, je remercie les membres du personnel de la délégation canadienne à l'OSCE, en particulier l'ambassadrice Fredericka Gregory, pour leur appui et leur aide pendant la réunion.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr David Chapman, de son épouse, Robin, et de leurs fils, Levi et Asher, de White Rock, en Colombie-Britannique. Ils sont les invités du sénateur St. Germain, C.P.
Honorables sénateurs, je vous signale aussi la présence à la tribune de Son Excellence Sheila Sealy Monteith, haute-commissaire de la Jamaïque. Son Excellence est accompagnée de M. Ewart Walters, président de Jamaica 50 Ottawa, de Mme Michelle Meredith, épouse du sénateur Meredith, de Mme Norma Dadd McNamee, ancienne attachée de la Jamaïque au Canada, et de Mme Laura McNeil, haute- commissaire adjointe de la Jamaïque au Canada.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Jamaïque
Félicitations à l'occasion du 50e anniversaire de l'indépendance
L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, la Jamaïque célébrera un anniversaire important plus tard cette année. En effet, il y aura 50 ans le 6 août 1962, elle est devenue la première colonie britannique des Antilles à obtenir sa pleine indépendance. Cet événement marquant est devenu une source d'inspiration pour d'autres îles de la région, qui étaient elles aussi des colonies.
Aujourd'hui, la Jamaïque est le pays anglophone le plus peuplé des Amériques, après les États-Unis et le Canada. La Jamaïque est une île à la végétation tropicale luxuriante et magnifique et à la population débrouillarde. Depuis son indépendance, la Jamaïque a produit de nombreux athlètes de renommée mondiale et plus que son lot de grands musiciens. C'est une destination touristique, en particulier pour les nombreux Canadiens qui cherchent à échapper aux grands froids de l'hiver. Les beautés naturelles du pays et la chaleur de ses habitants en font un endroit sans pareil pout y refaire le plein d'énergie.
Cette île partage de nombreux liens et caractéristiques avec le Canada. En effet, la Jamaïque fait partie du Commonwealth, c'est la reine qui est à la tête de son gouvernement et elle possède un Parlement bicaméral constitué d'une Chambre élue et d'un Sénat nommé. Sur le plan économique, la Jamaïque bénéficie des liens étroits qu'elle entretient avec le Canada. Des succursales de la Banque de Nouvelle-Écosse et de la Banque royale sont installées sur l'île depuis de nombreuses années. Bien avant cela, le commerce maritime entre Terre-Neuve et la Jamaïque avait mené à l'introduction du poisson salé dans les habitudes alimentaires des Jamaïcains, tandis que le rhum jamaïcain est devenu une boisson populaire à Terre-Neuve.
Les liens entre nos deux pays continuent de se développer et de se consolider grâce à l'immigration de nombreux insulaires au Canada. Les membres de cette diaspora jamaïcaine, dont je suis fier de faire partie, enrichissent la mosaïque multiculturelle du Canada. Ils contribuent grandement à la vie de leur pays d'adoption dans les domaines de l'éducation, des médias, des finances, des arts dramatiques et des sports. Ils épicent le menu culturel canadien grâce à la musique, la danse et aux arts.
(1340)
Plus tard ce mois-ci, honorables sénateurs, des villes partout au Canada — y compris Ottawa, Toronto et Montréal — organiseront des activités pour souligner le 50e anniversaire de l'indépendance de la Jamaïque, sous la direction de membres de la communauté jamaïcaine. Non seulement ces célébrations renforceront la fierté de la diaspora jamaïcaine pour son patrimoine culturel, mais sera l'occasion rêvée pour les Jamaïcains de renouveler leur engagement à l'égard du Canada, leur patrie d'adoption.
Honorables sénateurs, en tant que premier sénateur canadien né à la Jamaïque, j'aurai le grand privilège de lancer, ici à Ottawa, les célébrations pancanadiennes soulignant le 50e anniversaire de l'indépendance de la Jamaïque. Je suis le président d'honneur des festivités et je pourrai compter sur la présence de Son Excellence Sheila Sealy Monteith, haute-commissaire de la Jamaïque au Canada, le jeudi 22 mars, au Centre de conférences du gouvernement, pour donner l'envoi aux festivités célébrant les réalisations accomplies par la Jamaïque au cours du dernier demi- siècle.
Pour souligner cet événement important, au cours des prochains mois, je présenterai une motion afin de permettre à mes collègues sénateurs de reconnaître ce jalon capital de l'histoire de la Jamaïque et d'envoyer un message d'amitié sans équivoque au peuple de la Jamaïque.
Je vous invite à vous joindre à moi, honorables sénateurs, pour marquer cette date charnière et célébrer l'amitié et les liens d'affection qui unissent la Jamaïque et le Canada.
La bourse R. James Travers pour correspondants étrangers
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, il y a maintenant un an que Jim Travers est décédé soudainement, laissant en état de choc d'innombrables lecteurs et téléspectateurs qui suivaient sa couverture complète et pertinente de l'actualité. Les éloges sur cet homme intelligent et extrêmement sympathique sont venus de partout — du premier ministre, des chefs des partis de l'opposition, des journalistes et d'autres personnes qui ont travaillé avec lui durant sa longue carrière exemplaire.
Voici ce que certains ont dit à son sujet : « C'était un journaliste d'exception; un ami exceptionnel de longue date; un homme qui aimait le journalisme pour toutes les bonnes raisons. »
Jim était extrêmement compétent dans son travail de journaliste, de correspondant étranger et de chef de bureau de Southam News, de rédacteur en chef de l'Ottawa Citizen et du Toronto Star. « C'était une présence intelligente et rassurante dans la presse écrite et à la télévision », voilà comment l'a décrit Don Newman. Je suis tout à fait de cet avis.
C'est grâce aux connaissances et au discernement acquis dans chacun des emplois qu'il avait occupés et chacun des événements qu'il avait couverts que Jim était un si bon narrateur. Il était engagé dans son métier. Il ne lésinait pas sur les efforts pour perfectionner ses compétences, mais il était également une source fiable d'encouragements et de conseils pour les autres journalistes.
Pour perpétuer les idéaux de Jim et permettre aux journalistes de continuer de profiter de sa contribution à la discipline, ses amis et les membres de sa famille ont créé la bourse R. James Travers pour correspondants étrangers. Jim aimait particulièrement avoir la possibilité d'apporter un éclairage canadien aux événements importants qui se déroulaient à l'extérieur de nos frontières, que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient ou ailleurs. Chaque année, le fonds de la bourse créée en son nom remettra 25 000 $ à un journaliste ou à un étudiant en journalisme canadien pour financer un grand projet de reportage à l'étranger.
Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous annoncer que la première personne à remporter la bourse a été choisie et que son nom sera dévoilé cet après-midi, à l'occasion d'une réception qui aura lieu à 16 heures, ici, sur la Colline du Parlement, dans la salle du Commonwealth, soit la salle 238-S de l'édifice du Centre. Pour y attirer mes anciens collègues journalistes, je précise bien sûr que des rafraîchissements seront servis. J'espère que nous serons nombreux à y assister et que les deux côtés de la Chambre y seront représentés, parce que je crois que c'est important pour Jim, sa famille, le journalisme, les sénateurs Wallin, Duffy, Fraser, Fairbairn et moi ainsi que toutes les personnes qui ont travaillé dans ce domaine formidable.
Honorables sénateurs, je garde de Jim Travers le souvenir d'un être merveilleux. Nous avons travaillé ensemble sur la route. Vous me comprendrez de ne pas révéler ce qui s'est dit entre nous sur la route, de la même manière que ce qui se passe dans cette enceinte reste dans cette enceinte. J'espère que mes honorables collègues pourront se joindre à nous cet après-midi pour une réception mémorable, émouvante et à l'image de Jim.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de donner la parole au prochain sénateur qui fera une déclaration, j'aimerais attirer l'attention de tous les sénateurs sur la présence à la tribune sud d'un groupe distingué d'excellents cadets d'Oakville, en Ontario, qui ont fait preuve de sagesse en venant au Sénat le 14 mars, évitant ainsi de venir aux ides de mars qui, historiquement, n'est pas un bon jour pour le Sénat.
Je me demande si les cadets pourraient se lever, afin que les sénateurs puissent les saluer.
Des voix : Bravo!
[Français]
Mme Flora Thibodeau
Félicitations à l'occasion de son cent onzième anniversaire de naissance
L'honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, le 20 mars 1901, la journée de la plus grosse tempête de l'année, Mme Flora Thibodeau est née à Rodgersville au Nouveau-Brunswick. La semaine prochaine, elle célébrera son 111e anniversaire de naissance.
L'année dernière, j'ai eu le privilège de vous présenter cette femme remarquable, afin de souligner son anniversaire et ses nombreux accomplissements. J'aimerais partager avec vous de l'information additionnelle sur la vie de la personne la plus âgée née au Nouveau- Brunswick, Mme Flora Thibodeau.
[Traduction]
J'ai eu l'honneur de rendre de nouveau visite à Mme Thibodeau il y a quelques semaines. Ce qui reste étonnant, c'est qu'elle vit encore dans sa propre demeure et ne reçoit qu'environ cinq heures de soins à domicile par jour. Elle se déplace à l'aide d'une marchette et suit l'actualité à la radio.
Honorables sénateurs, s'entretenir avec elle, c'est comme entendre un livre d'histoire vivant. Elle se souvient de l'arrivée d'une foule de choses dans nos vies et de nombreux événements importants qui sont survenus au cours des 100 dernières années. Entre autres, elle se rappelle la première automobile passant avec fracas dans les rues de Rogersville, la première toilette, la première baignoire, le premier réfrigérateur, le premier téléphone et le premier téléviseur, sans parler des ordinateurs, du four à micro-ondes et des jeux vidéo. Elle se rappelle également la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale et le naufrage du Titanic dans l'Atlantique, et elle m'a raconté la peur des gens du coin lorsque la Première Guerre mondiale a été déclarée. Peu de gens avaient la télé ou la radio et ils ne comprenaient pas ce qui arrivait. Le seul journal était L'Évangéline, qui, à l'époque, ne donnait pas beaucoup de nouvelles en dehors du Nouveau-Brunswick, et bien des gens n'avaient même pas accès aux journaux.
[Français]
Mme Thibodeau est la plus âgée d’une famille de six enfants. Elle avait une sœur, quatre frères et trois demi-sœurs. Mme Thibodeau a eu sept enfants et six sont toujours parmi nous. Ses enfants se trouvent un peu partout au Canada et aux États-Unis. Elle a 17 petits-enfants, 27 arrière-petits-enfants et cinq arrière-arrière-petits- enfants. De plus, il y a environ un mois, une petite fille est née et est ainsi devenue le premier membre de la sixième génération de la famille de Mme Thibodeau.
[Traduction]
Mme Thibodeau se souvient que, lorsqu'elle était enfant, Noël était une fête différente de ce qu'elle est maintenant. Il n'y avait pas de sapin de Noël, mais tous les enfants accrochaient un bas à la porte de leur chambre. Le matin, les enfants étaient remplis de joie en découvrant une orange dans leur bas, car c'était la seule qu'ils allaient pouvoir manger pendant toute une année. Elle se souvient aussi que sa mère leur faisait une gâterie spéciale, soit du caramel à la mélasse.
Jeune fille, Mme Thibodeau a fréquenté l'école de Rogersville jusqu'en neuvième année, soit le niveau de scolarité le plus élevé offert à l'époque. Elle est ensuite allée suivre une formation de six mois à Fredericton afin d'obtenir un brevet de catégorie III lui permettant d'enseigner à des classes allant jusqu'à la huitième année. Elle a été enseignante de 18 à 24 ans.
En 1927, elle s'est mariée et a abandonné l'enseignement. Avec son mari, un agent de police provincial, elle a habité à Caraquet pendant un certain temps. Lorsque son mari a perdu son emploi, pour des raisons inconnues, elle est retournée avec lui à Rogersville, où ensemble ils ont ouvert une épicerie dans leur maison. Quelques années plus tard, son mari est décédé à 41 ans. À cette époque, elle avait sept enfants, âgés de un à 13 ans.
Quand son mari est décédé, Mme Thibodeau a fermé l'épicerie et l'a remplacée plus tard par une boutique de vêtements usagés. Au début, elle a subvenu aux besoins de sa famille en exploitant une petite ferme, qui se composait d'une vache, d'un cheval et de quelques poules. Elle vendait du beurre qu'elle fabriquait elle-même et touchait une pension de 5 $ par mois par enfant, ce qui, à l'époque, était une grosse somme d'argent selon elle.
Plus tard, Mme Thibodeau est devenue la première femme à gérer la caisse populaire locale. Il fallait alors débourser 25 cents pour être membre, et la caisse ne prêtait jamais plus de 100 $ à une personne. Elle a aussi été téléphoniste et a travaillé à la coopérative locale...
[Français]
Son Honneur le Président : À l'ordre. J'aimerais informer l'honorable sénateur que son temps de parole est écoulé.
[Traduction]
Le sénateur Poirier : Je souhaite reprendre le récit demain.
(1350)
Le décès de M. Lanier Phillips
L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, il y a environ trois semaines, j'ai eu l'honneur de représenter le gouvernement du Canada lors d'une cérémonie célébrée dans un petit village de la péninsule Burin, à Terre-Neuve-et-Labrador.
La cérémonie en question soulignait les naufrages du destroyer américain Truxtun et du navire de ravitaillement Pollux, qui ont eu lieu le 18 février 1942, juste au large des côtes de St. Lawrence, à Terre-Neuve-et-Labrador. Au total, 203 officiers et membres d'équipage y ont perdu la vie. Les habitants du village sont arrivés à sauver 186 marins.
Il y a quelques semaines, lorsque j'ai visité les villages de St. Lawrence et de Lawn pour cette occasion, j'ai voulu en profiter pour rencontrer aussi l'un des survivants du naufrage, M. Lanier Philips, dont le récit des terribles événements de cette soirée était des plus éloquents. Ce fut tout un choc pour les gens de Terre-Neuve-et- Labrador, et surtout pour ceux de St. Lawrence, d'apprendre que M. Philips nous a quittés il y a deux jours. M. Philips aurait eu 89 ans aujourd'hui.
En 1942, lorsque le navire à bord duquel il prenait place a coulé, la marine américaine pratiquait la ségrégation. Parmi les 46 survivants du destroyer Truxtun, un seul était Noir. M. Phillips racontait souvent que, lorsqu'il a été secouru par les gens de St. Lawrence et de Lawn, ceux-ci l'ont traité avec le même respect et les mêmes égards que les survivants blancs. Il a raconté s'être éveillé dans une chambre, entouré de femmes blanches qui lui donnaient son bain. La plupart des marins avaient dû se jeter dans les eaux froides de l'océan, qui était couvert de d'une couche de pétrole brut provenant de la soute du navire. Tous les marins en étaient recouverts. Il a souligné que chacun avait grand besoin d'un bon nettoyage.
M. Phillips a constaté que les femmes de St. Lawrence qui aidaient les survivants n'avaient jamais vu d'Afro-Américain auparavant et croyaient que le pétrole brut avait imprégné sa peau au point de la colorer. Il a mentionné que l'une d'entre elles était déterminée à bien le nettoyer et qu'il avait dû lui dire que ce n'était pas de la saleté, mais bien la vraie couleur de sa peau.
En fait, c'est une histoire amusante, mais pas si surprenante, compte tenu du fait qu'il y a 70 ans, en 1942, les communications n'étaient pas très bonnes à Terre-Neuve-et-Labrador.
Bien entendu, ce qui importe vraiment, c'est que ce qui s'est produit à St. Lawrence a poussé Lanier Phillips à lutter contre la discrimination raciale dans la marine américaine. Il a été le premier Noir à devenir technicien de sonar dans la marine américaine, et après avoir travaillé 20 ans pour la marine, il s'est joint à l'équipe d'exploration de Jacques Cousteau, aidant à trouver une bombe atomique immergée. Il a commencé à participer activement au mouvement de défense des droits civils et à voyager afin de parler des ravages du sectarisme et du racisme à de jeunes militaires de l'armée américaine. Il disait souvent ceci : « Les gens de St. Lawrence ont changé ma façon de voir les choses et ont fait disparaître toute la haine que j'avais en moi. »
Le mois dernier, M. Phillips a déclaré à CBC que c'est cette tragédie qui avait fait en sorte qu'il s'était joint à Martin Luther King. Il a déclaré ceci : « Je devais me joindre à lui en raison des changements qui se sont opérés en moi à la suite de ma rencontre avec les gens de St. Lawrence. »
M. Phillips a reçu l'Ordre de Terre-Neuve-et- Labrador à titre de membre honoraire ainsi qu'un doctorat honorifique en droit de l'Université Memorial. L'histoire de Lanier Phillips a été relatée à plusieurs reprises dans des pièces de théâtre et des documentaires télévisés. C'est l'humoriste Bill Cosby, qui a été en poste à Terre- Neuve pendant un certain temps au cours des années 1950, qui a le mieux résumé la situation lorsqu'il a entendu cette histoire.
Elles l'ont lavé et frotté afin d'enlever ce qu'elles croyaient être de la saleté. Cette anecdote ne raconte pas tant la découverte d'une réalité inconnue, mais surtout l'histoire d'un être humain qui, parce qu'on l'a traité différemment de ce qu'il avait connu, en retire une expérience très positive.
Nos plus sincères condoléances à la famille de Lanier Phillips.
Les femmes vivant dans des régions où se déroulent des conflits
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, la semaine dernière, la communauté internationale a souligné la Journée internationale de la femme. Je tiens aujourd'hui à rendre hommage à tous les sénateurs, d'hier et d'aujourd'hui, qui ne ménagent aucun effort pour améliorer la vie des gens d'ici et d'ailleurs. J'en profite pour souligner leurs efforts et pour les remercier des services qu'ils ont rendus au Canada et à la communauté internationale.
Bien que nous ayons fait de grands progrès et que la vie des femmes se soit beaucoup améliorée au Canada et à l'étranger, vous conviendrez sans doute qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Il est important de ne pas oublier les difficultés que les femmes doivent surmonter et les problèmes qu'elles affrontent au quotidien.
Hier soir, nous avons tous reçu un poème de Mme Miriam Katawazi. Aujourd'hui, j'aimerais prendre un instant pour vous le lire et pour rendre hommage à toutes les femmes qui, contrairement à nous, vivent dans des zones de conflits et voient leur enfant mourir, ce qui est probablement la pire des douleurs qu'une mère puisse connaître, une douleur qui ne s'éteint jamais. Le poème s'intitule Le garçon au pyjama rouge.
Il se fait tard et les enfants ont faim.
Elle a déjà vendu ses trésors et maintenant n'a plus rien.
Elle envoie donc son petit se coucher,
Dans l'espoir qu'endormi, son ventre saura se calmer.
Elle le regarde s'éloigner sur ses petites jambes
Et sait qu'elle l'aime complètement, qu'elle aime son enfant.
Quand il s'est assoupi sur ce qui lui sert de lit,
Elle s'endort d'avoir trop pleuré, les yeux sur sa bague d'épousée.
Elle a un instant de bonheur à l'idée d'avoir encore un trésor à monnayer,
Pour que son enfant, demain au moins, ait quelque chose à manger.
Le lendemain, au petit matin...Un cri déchirant éveille tout l'Afghanistan,
Un cri qui secoue tous les cœurs, même les plus endurcis.
Un garçonnet en pyjama rouge git dans les bras de sa mère,
Qui n'est plus qu'une grande burka bleue qui tremble encore et encore.
Des voisins l'entourent, dans le silence de cette horreur indicible,
Réalité maintes fois annoncée et maintes fois vécue.
Le garçon au pyjama rouge rejoint la grande masse
Des gens fauchés par une balle en plein sommeil.
Si vous tendez l'oreille,
Si vous oubliez les bourdonnements vides des médias,
Vous entendrez le cri déchirant d'une mère, au-delà des océans et des mers,
Vous sentirez la terre trembler quand ils mettront
Le garçon en rouge dans un trou profond.
Car l'âme même de la terre sera secouée
Quand la petite main rouge de sang
Touchera les doigts fatigués de la mère dans ce dernier instant...
L'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, dans les annales des négociations diplomatiques entre deux pays, il est rare que le règlement d'une question épineuse s'avère également avantageux pour les deux parties. Je veux attirer votre attention sur un exemple de réussite.
On célébrait hier — le 13 mars — le 21e anniversaire de la signature de l'Accord Canada-États-Unis sur la qualité de l'air, qu'on appelle aussi traité sur les pluies acides. Lorsqu'il est question des réalisations du Canada sur le plan international, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le traité sur les pluies acides, qui est l'aboutissement de nombreuses années d'intenses activités diplomatiques du gouvernement du très honorable Brian Mulroney, passe souvent au second plan, derrière l'Accord de libre- échange entre le Canada et les États-Unis et le rôle important de Brian Mulroney dans la fin de l'apartheid en Afrique du Sud. Toutefois, pour beaucoup de gens, il s'agit d'une réussite tout aussi importante, comparable aux grandes réalisations de tout autre premier ministre depuis 1867.
Honorables sénateurs, le 7 avril 1987, le journal intime de l'ancien premier ministre mentionne une réunion à Ottawa avec le président Reagan et des hauts responsables américains. Cette note reflète la volonté féroce du premier ministre Mulroney de servir les intérêts du Canada en s'opposant aux positions tout aussi arrêtées des Américains. Dans sa biographie, l'ancien premier ministre raconte ce qui suit :
J'ai frappé fort — très fort — sur la souveraineté de l'Arctique, les pluies acides et le commerce. Perrin Beatty, qui assistait pour la première fois à une telle rencontre [...], a dit à Masse, à Joe, à Gotlieb, etc., par la suite : « Je n'avais pas idée que le PM était si direct et ferme dans ce genre de rencontre. [...] »
Dans la même entrée, l'ancien premier ministre a fait la déclaration suivante :
Trudeau, évidemment, critiquait abondamment en public, mais a toujours été inefficace en privé avec les Américains. Mais les Canadiens avaient l'impression qu'il était ferme avec eux alors que c'est le contraire qui était vrai. Je souffre du problème de l'amitié. Parce que je favorise des relations civilisées et que je n'entends pas agresser des amis, la presse canadienne suppose que je ne suis pas moins cordiale en privé. Ils seraient abasourdis par ce que je dis et fait. Mon seul intérêt est l'avancement des intérêts du Canada.
Honorables sénateurs, je tiens également à signaler qu'en cet anniversaire du traité sur les pluies acides, on a aussi annoncé que le très honorable Brian Mulroney recevra en 2012 le prix international Horatio Alger. C'est une récompense décernée tous les ans par l'Association Horatio Alger, établie aux États-Unis, qui reconnaît « les citoyens dont le courage et la détermination leur ont permis de surmonter les défis auxquels ils ont été confrontés tôt dans leur vie et qui réussissent dans leur domaine ».
L'Association Horatio Alger fait remarquer que, maintenant âgé de 72 ans, M. Mulroney, dont le père était électricien, a grandi sur la Côte-Nord, une région éloignée du Québec, et est devenu plus tard le 18e premier ministre du Canada. M. Mulroney a accompli de grandes choses; il a notamment supervisé l'adoption de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis.
(1400)
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de procéder au dépôt de documents, j'aimerais souligner la présence à la tribune des membres de la famille Matthews, qui sont les invités du sénateur Mahovlich. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur la protection des services aériens
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
[Français]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 57(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard aujourd'hui.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour, plus tard aujourd'hui.)
L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN
Le Séminaire Rose-Roth, tenu du 21 au 24 juin 2011—Dépôt du rapport
L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation au 77e Séminaire de Rose-Roth, tenu du 21 au 24 juin 2011, à Tromsø, en Norvège.
[Traduction]
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La réunion annuelle de la National Governors Association, tenue du 15 au 17 juillet 2011—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada- États-Unis concernant sa participation à la réunion annuelle de 2011 de la National Governors Association, tenue à Salt Lake City, en Utah, aux États-Unis, du 15 au 17 juillet 2011.
La réunion annuelle de la Southern Governors' Association, tenue du 19 au 21 août 2011—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada- États-Unis concernant sa participation à la 77e réunion annuelle de la Southern Governors' Association, tenue à Asheville, en Caroline du Nord, aux États-Unis, du 19 au 21 août 2011.
[Français]
Transports et communications
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date de présentation du rapport final sur l'étude des nouveaux enjeux du secteur canadien du transport aérien
L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 15 juin 2011, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien soit reportée du 28 juin 2012 au 30 novembre 2012.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
La défense nationale
L'achat de chasseurs F-35
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, coup de théâtre : le ministre associé de la Défense nationale Julian Fantino, qui est chargé des questions d'approvisionnement, a annoncé que le Canada pourrait se retirer du programme des avions de chasse F-35 après avoir passé cinq ans à attaquer l'opposition et à lui faire la vie dure en l'accusant de ne pas soutenir nos troupes. Le prix de la dernière série de F-35 s'élevait à plus de 200 millions de dollars par appareil. Le fait que le coût unitaire monte en flèche est probablement le principal facteur ayant conduit le ministre a admettre nerveusement que le gouvernement pourrait se retirer du programme.
Quel est le prix unitaire maximal qu'acceptera de payer le gouvernement pour les appareils?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les médias qui affirment que nous laissons tomber le programme des F-35 sont mal informés. Le Canada compte parmi les partenaires du programme depuis maintenant 15 ans. Nous avons fixé un budget en vue de remplacer nos CF-18 vieillissants et nous le respecterons. Cela dit — et à mon avis, c'est ce qui explique en partie les reportages erronés —, aucun contrat n'a été signé, mais nous veillerons à ce que la Force aérienne dispose des avions nécessaires pour faire son travail, surtout lorsque les CF-18 auront atteint la fin de leur durée utile.
Par ailleurs, je prends note de la question du sénateur sur le prix unitaire des appareils.
Le sénateur Moore : J'ai une question supplémentaire : étant donné l'augmentation substantielle du prix, combien d'avions prévoyons-nous maintenant acheter? Combien nous en faudrait-il pour remplir nos obligations au pays et à l'étranger?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le ministère de la Défense nationale et son ministre associé, M. Fantino, ont toujours maintenu que nous avons réservé le budget nécessaire à l'achat des aéronefs. Par conséquent, je ne peux pas donner de réponse définitive à la question du sénateur au sujet du nombre d'avions. Je suis tout simplement incapable d'y répondre. J'ignore si l'information est accessible, mais je me ferai un plaisir d'essayer de la trouver.
Le sénateur Moore : J'ai une autre question complémentaire à poser. Peut-être madame le leader pourrait-elle en prendre note et répondre plus tard.
Selon ce que j'ai compris, 9 milliards de dollars ont été réservés pour cet achat. Étant donné que le ministre a dit que le gouvernement envisage de se retirer — il n'a pas dit qu'il le ferait, mais qu'il devait l'envisager —, le gouvernement a-t-il une solution de rechange? On prévoit remiser les F-18 en 2018. Madame le leader peut-elle nous dire en quoi consisterait la solution de rechange?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, une chose est certaine : dans environ cinq ans, les CF-18 auront atteint la limite de leur durée de vie. Le gouvernement participe encore au programme des F-35.
Je crois que le sénateur a déjà posé des questions semblables, et que je lui ai fourni des réponses par écrit à ce sujet. Je prendrai note de la question, et je tenterai de fournir de plus amples renseignements au sénateur.
[Français]
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, madame le leader pourrait-elle nous indiquer si, dans le scénario présenté hier et avec les soucis éprouvés avec cet avion, le plan d'achat pourrait tout simplement être retardé, c'est-à-dire qu'on mettra les fonds prévus pour l'achat de côté pendant quelques années au lieu de prendre une décision immédiatement? Est-ce la décision que l'on prévoit prendre?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je crois qu'il était évident, depuis le début, que nous allions faire en sorte que les forces aériennes disposent des avions nécessaires pour effectuer les missions que nous leur confions. Pour le moment, il y a beaucoup d'hypothèses qui circulent au sujet des F-35. Je viens de répondre au sénateur Moore que nous participons à ce programme depuis 15 ans. Nous avons un budget, et nous allons le respecter.
(1410)
Aucun contrat n'a encore été signé, mais nous participons à ce programme depuis maintenant 15 ans, et diverses entreprises canadiennes ont contribué à l'élaboration et à la construction de cet appareil.
Le sénateur Dallaire : Selon ce que je comprends de sa réponse, le leader n'a aucune idée si l'on prévoit vraiment modifier cette initiative afin que l'on ait le droit de retarder la livraison de ces aéronefs, vu que l'on sait qu'un bon nombre de F-18 pourront être encore utilisés après 2020.
Le sénateur LeBreton : Je crois avoir déjà répondu à cette question.
Le gouvernement veillera à ce que l'armée de l'air dispose de l'équipement nécessaire. Voilà maintenant six ans que nous sommes au pouvoir, et, pendant cette période, nous avons clairement respecté notre engagement envers les forces armées. Nous n'avons absolument pas l'intention de changer notre façon de faire, et nous ferons tout en notre possible pour que l'armée de l'air ait l'équipement et les chasseurs nécessaires pour s'acquitter des missions qu'on lui assigne et qu'elle remplit si bien.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'ai une question complémentaire qui fait suite à celles des sénateurs Moore et Dallaire. Le leader répète que d'ici 2020, le gouvernement fera en sorte que les forces aériennes disposent de l'équipement dont elles ont besoin. Le ministre lui-même laisse maintenant entendre que nous n'achèterons peut-être même pas de F-35.
Madame le leader peut-elle nous confirmer qu'il existe un plan de secours pour garantir que les forces aériennes disposeront effectivement de l'équipement requis et peut-elle nous donner les détails de ce plan?
Le sénateur LeBreton : Je ne crois pas que le ministre ait laissé entendre une telle chose. Je crois que ce sont les médias qui formulent des hypothèses, et je maintiens ma réponse. Voilà maintenant 15 ans que nous participons à ce programme, qui a été lancé par le gouvernement précédent. Bien entendu, aucun contrat n'a encore été signé, et nous veillerons à ce que l'armée de l'air dispose de l'équipement nécessaire lorsque les CF-18 seront inutilisables. C'est tout ce que je peux dire pour l'instant.
Le sénateur Cowan : Madame le leader ne cesse de répéter que le Canada aura tout l'équipement voulu d'ici 2020, lorsque les CF-18 auront atteint la fin de leur vie utile. Elle a affirmé qu'aucun contrat n'avait été signé pour le futur avion.
Je pense que ce qu'il faut comprendre de ce que le ministre a dit, c'est qu'il n'est plus aussi certain qu'il prétendait l'être ces derniers mois que les contrats seront signés. Tout ce que nous demandons, c'est l'assurance que ce contrat sera bel et bien signé et que c'est l'aéronef que nous choisirons. Si ce n'est pas le cas, quel est le plan de rechange? Madame le sénateur s'en informerait-elle et nous en ferait-elle part?
Le sénateur LeBreton : Tout ce que je peux dire, c'est que nous avons des personnes responsables au sein des forces armées et du ministère de la Défense nationale. Pour l'instant, honorables sénateurs, je puis simplement affirmer que le gouvernement, en collaboration avec ses partenaires, verra à ce que la force aérienne dispose de l'appareil qu'il lui faut pour accomplir le travail qui lui est demandé.
Nous sommes en 2012. Je suis sûre que, dès qu'ils auront des renseignements qu'ils pourront transmettre au public, le ministre de la Défense nationale et le ministre associé de la Défense nationale les communiqueront.
Le sénateur Cowan : Peut-être pourrions-nous aborder la question comme ceci : peu importe le type d'appareil, madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous fournir un calendrier indiquant la date de la signature du contrat et celles de la livraison d'un prototype d'aéronef, de la livraison d'un aéronef opérationnel et de la livraison de l'aéronef de remplacement, en reculant à partir de l'échéance de 2020? Nous fournirait-elle ce calendrier afin que nous sachions, peu importe le type d'appareil, combien de temps d'avance il faut signer un contrat avec un fournisseur pour obtenir un aéronef?
Le sénateur LeBreton : Il est arrivé par le passé que des contrats soient signés, puis résiliés, mais je suis absolument certaine que cela ne se produira pas dans ce cas.
Je peux seulement répéter au sénateur ce que j'ai déjà dit, c'est-à- dire que nous faisons partie de ce programme, qui existe depuis 15 ans. Nous veillerons à ce que l'Aviation royale canadienne soit bien équipée, et, lorsque le ministre de la Défense nationale et le ministre associé de la Défense nationale auront davantage d'information à communiquer sur ce dossier, je suis certaine que nous serons les premiers à le savoir.
Le sénateur Moore : Le 27 février, alors que j'étais à Washington, j'ai pu m'entretenir avec M. Bill Dalson, qui est le président, pour le continent américain, de Lockheed Martin, qui est le fournisseur unique de l'avion F-35. Le leader se rappellera que je lui ai posé des questions il y a quelques semaines au sujet d'un vol de données électroniques en Chine découvert par Lockheed Martin il y a trois ans. Ce vol a causé une augmentation substantielle du prix de cet avion. J'ai demandé à M. Dalson, ainsi qu'au leader, si Lockheed Martin avait informé le Canada lorsqu'elle a découvert le vol de données. Il n'a pas voulu me dire que le Canada a été informé.
Madame le leader a-t-elle de l'information à ce sujet? Peut-elle dire au Sénat si Lockheed Martin a informé un ministre ou un autre responsable du Canada de ce vol de données?
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Moore de sa question. Il m'a posé la même question il y a un mois ou deux, et j'en ai pris note.
Je crois que j'aurai une réponse à lui donner d'ici un jour ou deux. Je ne peux pas en dire davantage pour l'instant. Je pense que nous devons attendre la réponse à la question que nous avons déjà posée au ministère de la Défense nationale. Une fois que le sénateur Moore aura reçu cette réponse, il verra s'il a besoin de précisions additionnelles.
La santé
Les pénuries de médicaments
L'honorable Jane Cordy : Les Canadiens s'inquiètent beaucoup du nombre croissant de pénuries de médicaments au Canada. Sandoz, un fabricant canadien de médicaments, a été avisé en juillet 2009 qu'il avait enfreint les normes de la FDA, aux États-Unis, concernant l'aseptisation et la prévention de la contamination ainsi que les normes concernant la cristallisation de ses produits intraveineux. Malgré tout, la ministre, qui dit que le ministère inspecte les usines, ne s'est pas donné la peine de faire le suivi dans ce dossier. Il est effarant d'entendre la ministre dire qu'elle a été mise au courant du risque de pénurie de médicaments en novembre 2011 seulement.
En 2010, l'Association des pharmaciens du Canada a publié un rapport signalant le risque de pénurie de médicaments. À l'époque, plus de 90 p. 100 des pharmaciens affirmaient être confrontés à de telles pénuries. Il y a plus d'un an, environ 74 p. 100 des médecins canadiens affirmaient ne pas avoir suffisamment de médicaments génériques.
Qu'a donc fait la ministre? Elle a mis au point un système volontaire. Pourquoi? Pourquoi la ministre ne fait-elle pas preuve de leadership? Pourquoi ne se porte-t-elle pas à la défense des Canadiens?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : La ministre Aglukkaq est un leader exemplaire qui se porte bel et bien à la défense des Canadiens. Elle et son ministère travaillent sans relâche pour aider les provinces et les territoires qui, bien évidemment, sont directement responsables vis-à-vis patients et de leurs familles. Il va sans dire que les provinces et les territoires sont les mieux placés pour répondre au problème.
Soyons très clairs : la pénurie est directement attribuable à la décision des provinces et des territoires d'acheter beaucoup de leurs médicaments d'un fournisseur unique. La pénurie est le fruit des contrats que les provinces ont conclus avec Sandoz Canada.
Nous avons été très clairs. Nous faisons tout en notre pouvoir pour aider les provinces. Nous avons affirmé sans équivoque notre intention de travailler avec tous les intervenants pour trouver des solutions à court et à long terme à la situation sérieuse dans laquelle nous nous trouvons.
Le fait est, honorables sénateurs, que la ministre de la Santé déploie des efforts considérables pour aider ses partenaires provinciaux et territoriaux à remédier à cette pénurie.
Le sénateur Cordy : Je ne partage certainement pas l'opinion du leader à propos du leadership de la ministre. Je trouve qu'elle n'en a pas. Elle ne se porte pas à la défense des Canadiens.
Une voix : Bien dit.
Le sénateur Cordy : Chaque fois qu'une situation se présente, la ministre rejette la faute sur quelqu'un d'autre. Au cours des premières années de son mandat, la ministre blâmait la majorité libérale au Sénat, ce qu'elle ne peut plus faire. Elle blâme maintenant les provinces et les territoires pour les pénuries de médicaments.
Hier, j'ai posé une question à propos de la santé mentale. J'ai affirmé que le gouvernement fédéral est le cinquième fournisseur de soins de santé au Canada. Il dispense des soins aux membres des Forces canadiennes et de la GRC, aux Autochtones et aux détenus.
(1420)
Ce ne sont pas seulement les provinces et les territoires qui ont une responsabilité à assumer. Le gouvernement fédéral en a aussi. Il est responsable de la mise en œuvre de la Loi canadienne sur la santé en ce qui concerne l'accessibilité et l'universalité. Indépendamment de vos moyens financiers et de l'endroit où vous vivez, vous devriez avoir accès au système canadien des soins de santé.
Aujourd'hui, les Canadiens n'ont pas accès aux médicaments. C'est en train de devenir un problème, car il ne s'agit plus d'incidents isolés. Nous avons eu le problème des isotopes médicaux il n'y a pas si longtemps. Les pharmaciens et les médecins du Canada ont sonné l'alarme.
Pour l'instant, la ministre a établi un système volontaire de déclaration des pénuries de produits pharmaceutiques. Aucun mécanisme officiel n'est en place pour informer les Canadiens de pénuries possibles avant que les sociétés pharmaceutiques ne décident de faire une déclaration volontaire.
Où les Canadiens vont-ils chercher leur information? Certainement pas auprès de notre ministre de la Santé, Mme Aglukkaq. En fait, nous sommes renseignés par la télévision, la radio et les journaux. Ce matin, le président de l'Association médicale canadienne a parlé de la façon dont il obtenait son information. Il a dit qu'il ne la tenait pas de la ministre ou du ministère de la Santé. Il apprenait ce qui se passait en lisant les journaux, en regardant la télévision et en écoutant la radio.
Le sénateur Eaton : Y a-t-il une question?
Le sénateur Cordy : C'est vraiment pitoyable.
Une voix : Y a-t-il une question?
Le sénateur Cordy : Quand la ministre a-t-elle l'intention d'établir un mécanisme officiel qui permettra aux Canadiens de savoir qu'il y a une pénurie de médicaments? Et, ce qui est encore plus important, quand examinera-t-elle le problème des pénuries de médicaments et quand mettra-t-elle en place un plan destiné à réduire la fréquence de ces incidents?
Le sénateur LeBreton : Je voudrais dire tout d'abord que je ne suis absolument du même avis que le sénateur au sujet de la manière dont la ministre Aglukkaq s'acquitte de ses fonctions. Elle a fait preuve d'un grand leadership dans différents dossiers, en commençant par celui de la grippe H1N1. De toute évidence, le problème qui se pose dans le cas de Sandoz est attribuable à la décision de s'approvisionner à une source unique.
Le sénateur voulait savoir ce que la ministre Aglukkaq a fait. Elle s'occupe du problème des pénuries de médicaments depuis l'été dernier. Au ministère de la Santé, un groupe travaille avec l'industrie et les intervenants pour veiller à ce que les Canadiens soient informés d'éventuelles pénuries. C'est une préoccupation constante de tous ceux qui travaillent dans le domaine des soins de santé. Par ailleurs, je ne croirais pas aveuglément à tout ce que j'entends à la radio. Le fait est que la ministre de la Santé concentre son attention sur ce problème depuis des mois. Santé Canada s'en occupe.
En ce qui concerne Sandoz, la ministre a reçu une lettre dans laquelle la société dit qu'elle répondra aux exigences de responsabilité et publiera des renseignements au sujet des pénuries de médicaments. Elle a précisé qu'elle donnerait un préavis de 90 jours de toute pénurie qui pourrait se produire à l'avenir.
Il est tout à fait incorrect et parfaitement injuste de dire que la ministre ne s'est occupée de ce problème qu'après les derniers incidents. C'est absolument faux.
Le sénateur Cordy : La ministre va-t-elle substituer un mécanisme obligatoire au système volontaire de déclaration des pénuries par les sociétés pharmaceutiques?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, l'erreur est attribuable à la décision de recourir à un fournisseur unique. Nous l'avons déjà vu auparavant. Nous avons connu la même situation dans le cas de la grippe H1N1 et de la décision des provinces. La ministre de la Santé ne blâme pas les provinces. Il ne s'agit pas du tout d'un blâme. Elle a énoncé un simple fait. La ministre était consciente du problème possible depuis des mois. Elle envisageait différentes solutions depuis l'été dernier.
L'environnement
Les changements climatiques
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, oh, mon Dieu! Ce fut un tour de force époustouflant, un exploit sans précédent dans les annales du débat parlementaire. Hier, en moins d'une heure, les conservateurs ont nié la science, ont sali la réputation d'un grand nombre d'organisations caritatives canadiennes parfaitement légitimes et ont finalement laissé entendre que des groupes environnementaux canadiens accepteraient des pots-de-vin d'Al-Qaïda et des Martiens.
En parlant de l'espace interplanétaire — la Terre aux conservateurs, la Terre aux conservateurs —, est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut nous dire si quelqu'un a lu ces discours avant qu'ils ne soient prononcés?
Des voix : Bravo!
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : L'étroitesse d'esprit de l'honorable sénateur n'a d'égale que sa propre taille.
Le sénateur Mitchell : Nous accepterions volontiers de payer le salaire de ceux qui ont rédigé ces discours, parce qu'ils nous ont bien servis.
Le fait que le discours du sénateur Greene Raine nie la réalité scientifique des changements climatiques — d'une manière probablement plus éloquente que cela n'a jamais été fait auparavant — confirme-t-il le vrai sentiment du gouvernement à propos de ces changements, témoigne-t-il d'un virage fondamental dans la position du gouvernement ou ne représente-t-il rien d'autre que les élucubrations d'un sénateur perdu qui diverge complètement d'opinion avec son premier ministre, son ministre de l'Environnement et la position officielle de son gouvernement sur les changements climatiques?
Le sénateur LeBreton : La seule chose que j'aime à propos du sénateur Mitchell, c'est qu'on le voit venir de loin.
Le fait est que nous avons un débat au Sénat, et que les sénateurs de ce côté-ci ont une forte personnalité. Ils prennent la parole et expriment librement leur point de vue. Je crois qu'on devrait les applaudir.
Une voix : Et quoi encore?
Le sénateur Mitchell : Ils disent ouvertement ce qu'ils pensent. Il arrive parfois que le gouvernement les contredise. Parfois, le cabinet du premier ministre les contredit, les fait taire et prend ses distances par rapport à leurs opinions, comme cela s'est produit dans le cas de la peine capitale et des déclarations du sénateur Boisvenu.
Ce n'est pas le cas ici. En fait, le cabinet du premier ministre a dit : « Pas de commentaires. » Cela signifie-t-il que le CPM accepte les arguments oiseux du sénateur Greene Raine visant à nier la réalité scientifique des changements climatiques?
Le sénateur LeBreton : Je ne sais pas ce que le sénateur a lu. Tous les textes du cabinet du premier ministre que j'ai vus au sujet du sénateur Boisvenu exprimaient de l'admiration et appuyaient le grand courage qu'il a manifesté en luttant en faveur des victimes.
Le sénateur Mitchell : Quel genre de gouvernement laisserait entendre que des organismes de bienfaisance parfaitement légitimes, comme la Fondation Suzuki ou la Fondation Sierra Club, s'ingèrent...
Une voix : C'est honteux!
Le sénateur Mitchell : ... s'ingèrent dans le débat sur les politiques d'intérêt public au Canada, alors qu'il exclut des groupes comme l'Institut Fraser, qui, de toute évidence, accepte de l'argent de sources étrangères, est un organisme de bienfaisance et s'ingère constamment dans le débat sur les politiques d'intérêt public au pays?
Le sénateur LeBreton : Quel genre de sénateur se présente ici toutes les semaines pour travailler contre les intérêts de sa province?
Une voix : Oh, oh!
Le sénateur LeBreton : Le sénateur a manifestement des opinions très arrêtées sur cette question. Je l'invite à participer au débat.
Une voix : Il l'a fait.
Le sénateur Mitchell : Madame le leader ne sait-elle pas qu'un grand nombre, voire la plupart, sinon la totalité, des Albertains sont persuadés qu'il faut protéger l'environnement et que cette position n'est pas incompatible avec le soutien qu'ils accordent aux sables pétrolifères et à leur incidence sur le développement économique partout au pays? Ne comprenez-vous donc pas qu'il est possible de marcher et de mâcher de la gomme en même temps quand il est question de ces enjeux importants?
Le sénateur LeBreton : Il n'en demeure pas moins que, en matière d'environnement, le bilan du gouvernement actuel est de loin supérieur à celui de l'ancien gouvernement libéral auquel le sénateur est associé.
Des voix : Bravo!
Le gouverneur général
Les mises en candidature pour la médaille du jubilé de diamant
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je suis désolé de changer de sujet; le débat était tellement passionnant.
Honorables sénateurs, les médailles du jubilé de diamant seront décernées à plus de 60 000 Canadiens méritants au cours de la prochaine année. Les sénateurs et les députés peuvent présenter des mises en candidature, tout comme près de 200 organisations dans plusieurs différentes catégories à la grandeur du Canada.
Dans le secteur social et bénévole, il y a des organisations comme les Grands Frères et les Grandes Sœurs, Bénévoles Canada et mon ancien employeur, le YMCA.
(1430)
Il y a également REAL Women. C'est une organisation bien connue qui a des positions conservatrices très intéressantes sur des questions sociales comme l'avortement, la contraception, les mariages homosexuels et les droits des homosexuels. Madame le leader aurait-elle la gentillesse de nous dire pourquoi on demanderait à une organisation reconnue pour ses préjugés à l'endroit d'un groupe de personnes dans notre société de sélectionner les gens qui recevront une récompense aussi prestigieuse?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'en ai aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que nous avons tous été invités à participer à la distribution des médailles du jubilé de diamant. Nous sélectionnerons un grand nombre de Canadiens provenant de beaucoup d'organisations différentes.
C'est une récompense qui est donnée au nom de Sa Majesté la reine. Je ne peux pas répondre à la question du sénateur, car le gouvernement n'a aucune influence à cet égard.
Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, lorsqu'on consulte le site web de l'organisation, on trouve une section intéressante qui s'appelle « Carol's Corner ». Cette chronique n'est pas rédigée par une seule personne, mais par un groupe d'auteurs. Ils disent ceci :
« Elle » continuera de donner son opinion sur toutes sortes de questions qui peuvent intéresser nos membres et ceux qui visitent notre site.
J'ai lu cette chronique. En décembre 2011, « Carol » répond aux articles publiés dans le National Post sur l'intimidation, un sujet bien d'actualité. Je la cite :
[...] les conseils scolaires sont si favorables à l'homosexualité que les homosexuels, comme les membres d'autres groupes favorisés, habituellement des groupes « multiculturels », peuvent faire pratiquement tout ce qu'ils veulent sans aucune conséquence. Les gens ont sans cesse peur de dire des choses qui ne sont pas politiquement correctes et qui pourraient offenser les étudiants, les enseignants ou les administrateurs faisant partie de ce groupe.
Je cite toujours la chronique de Carol :
Est-il possible que certains actes d'intimidation soient attribuables au sentiment de frustration ressenti par les élèves « ordinaires » qui observent le traitement de faveur accordé à certains étudiants?
C'est incroyable. Cette organisation, REAL Women, semble dire que, dans certains cas, l'intimidation pourrait être justifiée.
Madame le leader ne juge-t-elle pas ces déclarations outrancières, elle aussi?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, si je devais me lever et réagir à tous les textes d'opinions, ce que je suis incapable de faire et que je ne suis pas habilitée à faire au nom du gouvernement, je ne pourrais plus m'asseoir.
Cela n'a rien à voir avec le gouvernement ni avec quoi que ce soit qui me concerne. La question n'est pas de savoir si on est d'accord ou non, même si, dans ce cas, bien que je n'aie pas lu l'article, je serais portée à désapprouver son contenu. Les gens ont le droit de s'exprimer et nous avons le choix d'approuver ou non leurs propos.
À titre de leader du gouvernement au Sénat, je ne peux pas réagir à tous les textes rédigés au nom de toutes sortes de groupes au pays. Les sénateurs ne s'attendraient pas à ce que je puisse le faire et je ne le veux pas non plus.
Le sénateur Mercer : Lorsqu'on a interrogé le gouverneur général sur la liste des groupes autorisés à proposer des personnes, il a répondu que ce n'était pas sa liste, que cette liste avait été dressée par le gouvernement. C'est le gouvernement qui a mis REAL Women sur cette liste.
Madame le leader du gouvernement au Sénat, pourrait-elle nous dire alors pourquoi aucun groupe de promotion des droits des homosexuels ne figure sur la liste des organismes habilités à proposer des Canadiens pour qu'ils reçoivent une médaille du jubilé de diamant?
Le sénateur LeBreton : Pour commencer, honorables sénateurs, en qualité de leader du gouvernement au Sénat, cela n'est pas de mon ressort. Je ne sais pas qui est sur la liste. Je ne sais pas quels organismes figurent sur la liste. J'ai des amis membres de l'organisme Égale. Je vais probablement en proposer quelques-uns lorsque je soumettrai ma liste, mais c'est une décision personnelle. Je ne peux pas répondre d'une chose dont je ne sais rien.
L'honorable Grant Mitchell : En guise de question complémentaire, selon la nouvelle définition d'organismes caritatifs acceptés sur laquelle travaille actuellement le gouvernement, des groupes comme REAL Women qui dénigrent les jeunes homosexuels pourront-ils conserver leur statut d'organisme caritatif et s'ingérer dans les débats d'intérêt public concernant cette importante question?
Le sénateur LeBreton : Cette question est irrecevable, car je ne suis pas en mesure de répondre au nom d'un organisme, que ce soit Égale, REAL Women ou un autre.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-33, suivi de tous les autres articles des affaires du gouvernement tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.
Projet de loi sur la protection des services aériens
Déclarations d'intérêts personnels
L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, je tiens à signaler que je ne prendrai pas part au débat concernant le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens, pour éviter de créer la perception que je pourrais être en conflit d'intérêts.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Poulin a fait une déclaration d'intérêts personnels au sujet du projet de loi C-33 et, conformément à l'article 32.1 du Règlement, la déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.
[Traduction]
L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, je crois que mon mari, E.F. Anthony Merchant, a un intérêt personnel dans le projet de loi dont le Sénat est actuellement saisi — en raison d'un cas qui est actuellement devant les tribunaux — et, par conséquent, je fais une déclaration d'intérêts personnels.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Merchant a fait une déclaration d'intérêts personnels au sujet du projet de loi C-33. Conformément à l'article 32.1 du Règlement, la déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.
L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j'aimerais également faire une déclaration d'intérêts personnels, car je siège au conseil d'administration de Porter Airlines.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Wallin a fait une déclaration d'intérêts personnels au sujet du projet de loi C-33. Conformément à l'article 32.1 du Règlement, la déclaration sera inscrite dans les Journaux du Sénat.
[Français]
Deuxième lecture
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) propose que le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, depuis le 6 mars dernier, la population canadienne est sur le qui-vive, inquiète de subir les contrecoups du conflit opposant Air Canada et ses employés responsables du soutien technique, de la maintenance et des opérations aériennes ainsi que de ses pilotes.
Permettez-moi de vous faire l'historique des deux disputes en question afin de vous convaincre mes collègues du bien-fondé de ce projet de loi prévoyant le maintien des services aériens d'Air Canada.
Il s'agit, d'une part, d'un conflit qui oppose Air Canada à ses 3 000 pilotes, représentés par l'Association des pilotes d'Air Canada, et, d'autre part, d'un conflit entre Air Canada et ses 8 200 employés responsables du soutien technique, de la maintenance et des opérations aériennes, représentés par l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale.
[Traduction]
Honorables sénateurs, permettez-moi tout d'abord de parler des pilotes d'Air Canada, avant de parler du cas des machinistes et des bagagistes.
(1440)
La convention collective signée par Air Canada est échue depuis le 31 mars 2011, soit depuis près d'une année. Quelques semaines avant cette date, les parties avaient conclu une entente de principe, laquelle devait être ratifiée par les syndiqués dans le cadre d'un vote.
[Français]
Quelque mois plus tard, en mai 2011, l'Association des pilotes d'Air Canada avisait l'employeur que ses membres avaient voté contre l'entente qui leur avait été présentée. Les négociations ont repris, mais n'ont abouti à rien. C'est alors qu'Air Canada a fait appel au Service fédéral de médiation et de conciliation.
Le Service fédéral de médiation et de conciliation a été mis sur pied dans le but d'aider les employeurs et les syndicats assujettis au Code canadien du travail à régler et à prévenir leurs différends. Il met à la disposition des employeurs et des employés syndiqués des outils qui visent la résolution de conflits par l'intermédiaire de services de conciliateurs et de médiateurs. Ces tierces personnes sont appelées à aider les deux parties en conflit à en arriver à une entente à l'amiable.
Dans le cas du conflit entre Air Canada et ses pilotes, le service a d'abord nommé un conciliateur qui a appuyé les parties jusqu'en janvier 2012. Un médiateur a ensuite été nommé et, pendant deux semaines, de la fin janvier au début février, a travaillé auprès des deux parties : toujours pas d'entente.
Je souligne que nous en sommes à la mi-février dans cette affaire, honorables sénateurs. C'est à peu près à la mi-février que les membres du syndicat des pilotes ont voté à 97 p. 100 en faveur d'une grève.
[Traduction]
À l'époque, la ministre du Travail a rencontré l'employeur et les représentants syndicaux et leur a offert les services de deux nouveaux co-médiateurs pendant six mois, afin d'aider les parties à résoudre leurs différends. Les parties ont accepté cette offre.
Enfin, le 8 mars, la ministre du Travail a reçu un avis de lock-out de la part de l'employeur.
[Français]
Repassons maintenant l'historique du conflit entre Air Canada et les 8 200 employés responsables du soutien technique, de la maintenance et des opérations aériennes, représentés par l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale. Ils sont responsables de l'entretien du matériel et du service des opérations, incluant l'entretien des cabines, le nettoyage des aéronefs, la manutention des bagages et l'achat et la distribution de pièces et fournitures. Ils jouent un rôle clé dans le bon fonctionnement de la compagnie aérienne.
La convention collective de ces derniers est venue à échéance le 31 mars 2011. La négociation d'une convention collective pour ce groupe est aussi exigeante que celle des pilotes. C'est en décembre dernier qu'Air Canada a transmis un avis de différend au Service fédéral de médiation et de conciliation. Avant la fin de l'année 2011, un commissaire-conciliateur a été nommé pour aider les parties dans leurs négociations. Six semaines plus tard, soit le 10 février 2012, les parties ont conclu une entente de principe avec l'aide du commissaire-conciliateur, sujette à un vote de ratification de la part des membres du syndicat.
[Traduction]
À la fin de février, le syndicat a annoncé que 65,6 p. 100 de ses membres avaient rejeté l'entente de principe et que 78 p. 100 d'entre eux avaient voté en faveur du mandat de grève.
Le 6 mars, le syndicat a envoyé un avis signifiant son intention de déclencher une grève légale le 12 mars, à 0 h 01.
[Français]
Dans les deux cas, les négociations durent depuis maintenant près d'un an et ont bénéficié des ressources du Service fédéral de médiation et de conciliation, mais celles-ci n'aboutissent pas.
C'est le 8 mars dernier que la ministre du Travail a décidé de confier au Conseil canadien des relations industrielles la question du maintien des activités à Air Canada. Elle a demandé alors au Conseil canadien des relations de travail d'examiner la situation à Air Canada pour veiller à ce que la santé et la sécurité du public ne soient pas en péril en cas d'arrêt de travail. Ce conseil est un tribunal quasi judiciaire, indépendant et représentatif qui est chargé d'interpréter et d'appliquer les dispositions de la partie 1 du Code canadien du travail, portant sur la négociation collective et les pratiques déloyales de travail.
En vertu du Code canadien du travail, sur renvoi par la ministre du Travail pendant un conflit de travail, le Conseil canadien des relations industrielles peut rendre des ordonnances exécutoires relativement au maintien des activités pour veiller à ce que l'arrêt de travail ne menace pas la sécurité ou la santé du public. Les syndicats et l'employeur doivent poursuivre leurs activités normales de travail jusqu'à ce que le conseil rende une décision quant à la question du maintien des activités. Cette étude du conseil se poursuit pendant que nous, sénateurs, ainsi que nos collègues à la Chambre des communes, revoyons ce projet de loi.
Mon objectif aujourd'hui était d'expliquer l'historique des deux conflits en question, afin de bien comprendre le contexte dans lequel le gouvernement fédéral a rédigé le projet de loi prévoyant le maintien des services aériens d'Air Canada.
[Traduction]
Honorables sénateurs, il serait tout à fait irresponsable de la part des députés et des sénateurs de se croiser les bras, de laisser le différend empirer et de courir le risque d'un ralentissement économique alors que l'économie commence à donner des signes de reprise.
Oui, honorables sénateurs, il aurait mieux valu que les parties règlent elles-mêmes leur différend.
[Français]
Tout a été fait pour les rapprocher. Rien ne laisse présager un dénouement. Honorables sénateurs, appuyons ce projet de loi qui vise non seulement à assurer le maintien des services aériens, mais aussi à maintenir la viabilité de l'économie canadienne.
[Traduction]
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, de ce côté-ci nous sommes grandement préoccupés par l'approche suivie par le gouvernement à l'égard de l'imposition de mesures législatives de retour au travail, non seulement cette fois-ci mais à plusieurs reprises auparavant. Il semble qu'il intervienne de plus en plus rapidement. Nous nous inquiétons des répercussions de cette attitude sur les négociations collectives et sur les rapports, déjà bien établis, qui existent entre les syndicats et le patronat dans notre pays..
Nous aurons l'occasion, cet après-midi, d'entendre la ministre nous parler du moment choisi pour intervenir et nous pourrons discuter des enjeux du conflit avec des représentants du syndicat et du patronat, qui pourront nous expliquer pourquoi ils sont dans une impasse et nous dire si le retour au travail forcé est une bonne façon de régler le différend, et si c'est le bon moment pour imposer un règlement.
J'ai écouté ce qu'a dit le sénateur Carignan cet après-midi. Il a très bien présenté la chronologie des événements. Par contre, il n'a pas vraiment dit si c'est la meilleure façon de régler le problème et le meilleur moment pour le faire.
Je veux que nous puissions examiner cette question ensemble, les sénateurs des deux côtés et les témoins que nous entendrons cet après-midi, et j'aborderai la question au cours du débat demain après-midi.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Nous poursuivons le débat.
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je suis consterné par les attaques constantes et éhontées que le gouvernement conservateur mène contre le mouvement syndical dans notre pays. Encore et encore, des gens honnêtes qui sont membres des syndicats canadiens sont attaqués par le gouvernement. Surtout si leur syndicat a vaguement la nature d'un syndicat de la fonction publique, ils sont dans la mire du gouvernement conservateur. Nous le verrons de plus en plus avec le temps. Je prédis que, lorsque le budget sera présenté plus tard ce mois-ci, il s'attaquera à des gens honnêtes qui sont membres des syndicats de la fonction publique partout au pays.
Je suis un peu surpris. Est-ce que quelque chose m'a échappé? Est- ce que les travailleurs d'Air Canada sont en grève? Ont-ils été mis en lock-out? Je n'ai pas eu vent de cela.
(1450)
Nous disons à tous les syndicats ou à toutes les entreprises qui nous semblent importants — ou dont les services sont importants — que nous allons suspendre les droits de négociation collective de milliers d'employés d'Air Canada qui se sont battus longtemps et avec énergie. Ce n'est pas un syndicat qui a reçu d'importantes augmentations ces dernières années. C'est un syndicat qui a solidement appuyé l'entreprise. Ses membres ont fait un sacrifice, que bien des gens n'auraient jamais été disposés à faire, et ils ont accepté une réduction de salaire et de faire toutes sortes de choses pour que l'entreprise puisse survivre, et, grâce à cela, Air Canada est aujourd'hui une entreprise viable.
En outre, honorables sénateurs, j'ai pris lundi un avion à Halifax pour venir ici participer à ce débat et j'ai reçu une note — tous les passagers ont reçu cette note — de la part des pilotes. Il y avait une petite note sur nos sièges, qui nous expliquait avec précision leur point de vue. Ils disaient qu'ils voulaient rester à la table, qu'ils ne voulaient pas faire la grève et qu'ils ne voulaient pas de lock-out. Ils veulent s'asseoir et négocier une entente honnête avec leur employeur.
Alors, quel est le problème? Le syndicat dit vouloir négocier et être disposé à s'asseoir et à reprendre les négociations dès aujourd'hui.
Le sénateur Duffy : Quel syndicat?
Le sénateur Mercer : Tous les syndicats, sénateur Duffy. Nous parlons plus précisément du syndicat des pilotes. Le syndicat des pilotes a dit qu'il voulait s'asseoir à la table et reprendre les négociations, et c'est ce qu'il devrait faire. Le problème, c'est que ces gens n'ont aucun respect pour les syndicats.
Je reconnais qu'ils ont tendance — en fait, c'est une mauvaise habitude de ce côté-là — à ne s'adresser qu'à leur base. Ils continueront d'essayer de plaire aux gens de droite, aux personnes opposées au contrôle des armes à feu, à tous ces gens. L'organisation qui recueille des fonds pour le Parti conservateur va commencer à adresser des lettres aux ennemis des syndicats. Nous allons voir tout cela.
Vous savez, honorables sénateurs, la majorité des syndicalistes n'ont pas voté pour eux.
Le sénateur LeBreton : Oui, ils nous appuient.
Le sénateur Mercer : Ils votent pour mes collègues de l'autre endroit, et pour les néo-démocrates. C'est encore cette rhétorique extrême, « si vous n'êtes pas avec nous, nous nous arrangerons pour vous écraser ». C'est ce qu'ils font. Ils écraseront les syndicats à la première occasion. Ils ont écarté un processus de négociation collective en place depuis des années.
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de nombreux arrêts de travail. Il y en a eu un qui a duré trois heures chez Air Canada, honorables sénateurs. C'est parce que le syndicat voulait reprendre le travail et négocier.
Les grèves et les lock-out ne sont pas des mesures auxquelles les employés et les employeurs aiment recourir, mais ce sont des outils dont les uns comme les autres ont besoin. Le gouvernement s'obstine à retirer aux syndicats, et aussi aux entreprises, cet outil précieux. J'ai consacré bien du temps à parler des syndicats, mais l'entreprise voit, elle aussi, ses droits confisqués.
Je suis très inquiet de la suite des choses. Ce projet de loi est présenté alors qu'il n'y a pas encore de grève. Les employés de Postes Canada, au moins, étaient en grève depuis deux ou trois jours quand le projet de loi a été présenté. Bientôt, il suffira d'une rumeur lancée entendue dans un Tim Horton's quelque part à Brandon, au Manitoba — « Vous savez, ils s'apprêtent à faire la grève au bureau de poste. » — pour que nous soyons convoqués la semaine suivante pour étudier un projet de loi fondé sur cette rumeur. C'est absurde. Il faut se fonder sur les faits et sur ce qui se passe aujourd'hui, pas sur des chimères.
Honorables sénateurs, revenons au principe. Nous avons un processus de négociation collective dans notre pays. C'est un système qui a donné de bons résultats pendant des années. C'est un système qu'il faudrait laisser fonctionner. Je suis impatient d'entendre nos invités et de leur poser des questions qui, je l'espère, seront difficiles. J'aimerais obtenir quelques réponses solides.
Je voterai évidemment contre ce projet de loi à ce moment-ci.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Carignan, avec l'appui de l'honorable sénateur Poirier, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Non.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Comité plénier
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité plénier immédiatement.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, je demande la permission de suspendre l'article 13 du Règlement aujourd'hui afin que le comité plénier puisse poursuivre ses travaux durant l'heure du dîner si nous n'arrivons pas à conclure avant 18 heures.
(Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l'honorable Donald H. Oliver.)
Le président : Honorables sénateurs, le Sénat s'est formé en comité plénier pour étudier le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens.
Honorables sénateurs, l'article 83 du Règlement stipule ce qui suit :
Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper son propre siège. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.
Honorables sénateurs, vous plaît-il de déroger de l'article 83 du Règlement?
Des voix : D'accord.
Le président : Honorables sénateurs, je demande que, conformément à l'article 81 du Règlement, l'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail, soit invitée à participer aux délibérations du comité plénier et que ses fonctionnaires soient autorisés à l'accompagner.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(1500)
[Traduction]
(Conformément à l'article 21 du Règlement du Sénat, l'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail, et ses collaborateurs prennent place dans la salle du Sénat.)
Le président : Madame la ministre Raitt, bienvenue au Sénat. Je vous invite à présenter vos collaborateurs et à faire votre déclaration d'ouverture. Les sénateurs auront ensuite des questions à vous poser.
L'honorable Lisa Raitt, ministre du Travail : Merci beaucoup, monsieur le président. Les honorables sénateurs m'excuseront; j'ai l'impression d'avoir attrapé un rhume et je perds parfois la voix. Je suis contente d'avoir un microphone pour amplifier le filet de voix qu'il me reste.
Je suis accompagnée aujourd'hui par Hélène Gosselin, sous- ministre du Travail, Marie-Geneviève Mounier, sous-ministre adjointe, et Christian Beaulieu, avocat-conseil et chef de groupe. Merci de m'accorder votre temps.
Monsieur le président, chaque fois que le gouvernement doit proposer une loi pour éviter un arrêt de travail, des objections prévisibles surgissent. La première, c'est que nous abusons de nos pouvoirs et que nous empiétons sur les droits à la négociation collective. La deuxième, c'est que nous intervenons trop rapidement et qu'il faudrait attendre que les choses suivent leur cours. La troisième, c'est que le problème que nous tentons de régler n'est pas tellement grave. Je dirai aujourd'hui aux sénateurs que ces arguments ne tiennent tout simplement pas debout, à notre avis.
Depuis 1984, il y a eu 35 arrêts de travail dans l'industrie du transport aérien, et six d'entre eux touchaient Air Canada. Nous avons donc une bonne idée des dommages qui peuvent être causés par un arrêt de travail. Certains de ces arrêts de travail ont eu des conséquences néfastes sur l'économie et ont perturbé grandement la vie des Canadiens. Nous sommes confrontés encore une fois à la perspective d'un arrêt de travail à Air Canada, et, une fois de plus, cette situation pourrait avoir une incidence sur les Canadiens.
Tout au long de ces débats, le gouvernement a cité des statistiques sur les dommages économiques qu'un arrêt de travail pourrait provoquer et sur les effets désastreux qu'il aurait sur notre reprise économique fragile. Le gouvernement a pour mandat de maintenir notre reprise économique et d'agir dans les intérêts des Canadiens. Nous croyons que c'est pour cela que nous sommes ici. Comme je l'ai déjà expliqué de façon assez détaillée à la Chambre, le gouvernement a suivi toutes les règles et pris toutes les mesures prévues dans le Code canadien du travail tout en aidant les parties dans ces deux conflits avec Air Canada.
À toutes les étapes du parcours, nous avons aidé les parties et nous les avons encouragées. Comme l'historique de ces deux conflits le montre clairement, dans chaque cas, les parties ont eu amplement le temps de s'entendre avec l'aide des médiateurs et des conciliateurs professionnels. Les négociateurs des deux syndicats, l'Association des pilotes d'Air Canada et l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale, ont conclu des accords à la table de négociations, mais, dans les deux cas, les conditions que les représentants syndicaux ont acceptées ont été rejetées par les syndiqués.
Monsieur le président, je ne prétendrai pas que nous ne sommes pas contrariés dans notre programme de voir échouer tout le dur travail des négociations. Néanmoins, les syndicats sont des démocraties et les syndiqués ont le droit de voter pour leurs propres intérêts et de rejeter les accords conclus par leurs dirigeants. Si ces deux conflits touchaient un autre secteur de l'économie, l'arrêt de travail pourrait peut-être avoir lieu sans que l'économie en souffre. Dans ce cas, toutefois, nous ne pouvons nous permettre de laisser faire. Le gouvernement fédéral doit intervenir dans ces deux conflits chez Air Canada.
La première mesure que nous avons prise, lorsque nous avons reçu les avis de grève et de lock-out, ce fut de renvoyer la question du maintien des activités au Conseil canadien des relations industrielles et de lui demander si un arrêt de travail présenterait un risque pour la santé et la sécurité du public. Pendant que le conseil étudie la question, les deux parties doivent maintenir intégralement les activités chez Air Canada. Cela donne à tout le monde le temps de se calmer et de revoir les enjeux. J'avais espéré que les parties profiteraient de cette période pour reprendre les négociations et trouver de meilleures solutions.
Si les parties sont incapables de sortir de l'impasse, et elles en ont été incapables pendant le week-end, nous devons faire adopter le projet de loi C-33. Nous agissons de la sorte en partie pour aider Air Canada, mais il ne s'agit pas de favoritisme, car nous ne nous prononçons pas sur la valeur de la cause de la ligne aérienne face aux syndicats des pilotes et des machinistes. Nous ne prenons pas parti à la table de négociations. Il appartient à l'arbitre de décider, et je ne suis pas arbitre en la matière.
Dans le monde entier, l'industrie des transports aériens éprouve des difficultés, et Air Canada a été touchée par de nombreux facteurs sur lesquels elle n'a aucune emprise. Plus d'une fois, elle a frôlé la faillite. Comme notre économie, Air Canada est fragile. Comme elle, elle essaie de reprendre pied. Monsieur le président, le fait que les différends traînent en longueur depuis près d'un an ne facilite pas les choses. L'incertitude entourant les conventions a déjà nui à Air Canada. Par ailleurs, je suis persuadée que cela a été très stressant pour les syndiqués également.
Hormis les différends dont il est question aujourd'hui, l'année a été difficile pour Air Canada sur le plan des relations de travail en général. En juin 2011, le gouvernement a déposé une loi de retour au travail après une interruption du travail de trois jours par les agents du service à la clientèle d'Air Canada. Les parties se sont ensuite entendues sur un processus et elles ont conclu une convention collective de quatre ans. Elles ont présenté leurs propositions pour arbitrage exécutoire des offres finales par un arbitre de leur choix.
Toutefois, notre gouvernement préférerait voir les employeurs et les syndicats parvenir eux-mêmes à une entente avant le dépôt d'un projet de loi. En septembre 2011, Air Canada est arrivée à s'entendre à la table de négociation avec ses agents de bord, mais les membres du syndicat ont rejeté l'entente. J'ai réuni les deux parties, ce qui leur a permis d'en arriver à une autre entente provisoire à la table de négociation. J'ai demandé au chef du syndicat, Paul Moist, s'il était sûr que ses membres ratifieraient l'entente. Il m'a affirmé qu'ils le feraient. Malheureusement, cela ne s'est pas produit. Nous avons plutôt reçu un avis de grève. À ce stade, nous avons renvoyé l'affaire au Conseil canadien des relations industrielles. C'est au cours d'une réunion du conseil que les deux parties ont convenu de se soumettre à l'arbitrage et de conclure une entente.
Encore une fois, l'entente n'a été conclue que très difficilement, mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. En février, Air Canada a ratifié les ententes conclues avec deux unités de négociation des TCA-Canada et une autre de la Canadian Airline Dispatchers Association. Pendant quelque temps, on a eu l'impression qu'Air Canada s'entendrait avec les syndicats des pilotes et des machinistes. Une fois de plus, les ententes conclues à la table de négociation ont été rejetées par les syndiqués. Pour qui sait compter, cela signifie que sur huit ententes provisoires conclues, quatre ont été rejetées dans les six unités de négociation.
Monsieur le président, le Code canadien du travail reconnaît les principes de la liberté d'association et des négociations collectives libres et donne aux parties dans un conflit de travail plusieurs façons et plusieurs possibilités de s'entendre, avec ou sans l'aide du gouvernement fédéral. En fin de compte, le gouvernement su Canada respecte le droit de grève des syndicats et le droit des employeurs d'imposer un lock-out.
En fait, nous préférons ne pas intervenir dans ces questions à moins que ce ne soit absolument nécessaire, mais ce cas est particulier. Lorsqu'un arrêt de travail peut avoir des répercussions sur l'économie nationale, le gouvernement doit réagir pour protéger l'intérêt public. Pensez par exemple aux conséquences que cela aurait sur l'emploi : Air Canada est un gros employeur, monsieur le président. En novembre 2011, Air Canada comptait 26 000 employés partout au pays, dont 23 000 à temps plein. À titre de comparaison, je vous dirai que General Motors Canada a 9 000 travailleurs à temps plein et Chrysler, 11 000 travailleurs à temps plein. Voilà qui vous donne une idée de la taille d'Air Canada.
(1510)
Si la compagnie aérienne perd trop d'argent, ces emplois pourraient être en péril. De plus, un arrêt de travail chez Air Canada pourrait entraîner des pertes d'emplois chez ses partenaires et ses fournisseurs. Nous croyons savoir qu'Air Canada emploie indirectement 250 000 personnes. Cela fait un très grand nombre de travailleurs et de familles du Canada qui seraient immédiatement touchés par un arrêt de travail.
Selon Transports Canada, toute baisse d'activité à Air Canada nuit aux aéroports canadiens et aux tiers fournisseurs de l'entreprise. Les différentes composantes du système de transport aérien sont toutes interreliées : l'affaiblissement d'un élément rend les autres vulnérables.
Depuis quelque temps, la situation de l'emploi au Canada est encourageante. Nous avons récupéré tous les emplois qui avaient disparu pendant la récession et nous en avons créé de nouveaux. La question posée par le gouvernement est la suivante : « voulons-nous vraiment mettre en jeu notre économie et risquer de perdre les gains acquis? »
Bien entendu, monsieur le président, nulle entreprise ne ressentira les effets d'un arrêt de travail plus qu'Air Canada elle-même. La dernière fois que les pilotes ont fait la grève en 1998, on a dit que la compagnie avait perdu 300 millions de dollars et que l'économie avait perdu 133 millions de dollars. C'était en 1998. Aujourd'hui, les enjeux sont plus élevés.
Chaque journée de travail perdue aura des incidences radicales sur les résultats financiers d'une société qui s'est débattue pour rester solvable pendant la plus grande partie de la dernière décennie.
En cas d'arrêt de travail, il pourrait être difficile de remplacer les services d'Air Canada. Bon nombre de clients d'Air Canada n'ont tout simplement pas accès à un autre transporteur aérien. Air Canada a 3,7 fois la taille de WestJet, qui occupe la deuxième place au Canada.
Dans certaines régions, Air Canada est la seule compagnie aérienne. Parfois, elle constitue même le seul moyen de transport efficace. Ce sont donc des milliers de voyageurs qui risqueraient de subir des contrariétés. Pour certains, ce pourrait n'être que des contretemps, mais pour d'autres, la situation pourrait être très difficile.
Monsieur le président, le gouvernement n'est pas insensible aux préoccupations des employés d'Air Canada. Nous avons appuyé les parties pendant les négociations collectives et nous les avons encouragées à trouver un terrain d'entente. Nous leur avons proposé des processus et des recommandations, et nous leur avons fourni des médiateurs et des conciliateurs. Nous espérions que les parties pourraient en venir à des ententes que tous jugeraient acceptables, mais il n'en a malheureusement pas été ainsi.
Monsieur le président, j'ai toujours dit, à titre de ministre du Travail, que, en cas de différend, la meilleure solution est celle que les parties trouvent ensemble. Mais dans ce cas-ci, les parties n'y sont pas parvenues. J'ai utilisé tous les outils que le Code canadien du travail met à notre disposition, et nous n'avons plus d'autre recours que celui de demander aux sénateurs d'appuyer ce projet de loi.
Pour conclure, je voudrais demander aux honorables sénateurs de se souvenir de ceci : les droits et les intérêts des employeurs et des syndicats sont très importants, mais, dans ce cas particulier, ce sont les besoins de 33 millions de Canadiens qui doivent l'emporter. Notre économie a besoin d'une paix syndicale dans les industries essentielles comme le transport aérien.
Je vous remercie de bien vouloir étudier ce projet de loi. Je serais heureuse de répondre à toute question que les honorables sénateurs voudront poser.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous avez parlé des répercussions concernant le nombre d'employés d'Air Canada en termes d'emploi directs ou indirects. Pouvez-vous nous parler, de façon plus large, des répercussions économiques que pourrait occasionner un arrêt de travail chez Air Canada en termes d'impact ou, à titre d'exemple, de perte de revenus par semaine?
La plupart des sénateurs ont utilisé les services d'Air Canada et ont utilisé les différents points de service dans les petites, moyennes et grandes collectivités au Canada, aux États-Unis et aussi ailleurs dans le monde. Pouvez-vous nous en parler afin de nous permettre de tracer le portrait le plus précis possible des répercussions économiques d'un arrêt de travail chez Air Canada?
[Traduction]
Mme Raitt : Bien entendu. Merci beaucoup, sénateur. Je vous suis reconnaissante de poser la question. À première vue, l'analyse semble indiquer que — selon les renseignements fournis par Transports Canada — chaque arrêt de travail pourrait coûter jusqu'à 22,4 millions de dollars à l'économie. Bien entendu, le PIB en subirait aussi les contrecoups. Pendant la semaine de relâche, environ un million de passagers — près de 100 000 par jour — seraient touchés.
Comme je l'ai fait remarquer, il est, selon moi, également important d'observer que certaines collectivités dépendent entièrement du service d'Air Canada. Elles se retrouveraient complètement isolées. Si je puis me permettre, voici certaines des importantes collectivités où ce serait le cas : Castlegar, Nanaimo et Penticton, en Colombie-Britannique; Kingston et Sarnia, en Ontario; Lethbridge et Medicine Hat, en Alberta; Gander, à Terre-Neuve-et-Labrador; Sydney, en Nouvelle-Écosse, où j'ai grandi; St. John, Bathurst et Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et Gaspé et les Îles-de-la-Madeleine, au Québec.
Il faut aussi se rappeler qu'il ne s'agit pas seulement d'Air Canada. Les sénateurs peuvent dire : « Jazz dessert ma collectivité. » En fait, les arrêts de travail toucheront aussi Air Canada Express, car les mécaniciens qui entretiennent les avions d'Air Canada Express sont en cause. Nous ne nous arrêtons pas à un seul aspect. Jusqu'à 1 100 vols par jour seraient touchés par un arrêt de travail dans l'ensemble de ces services. Cela aurait des répercussions majeures sur les voyages des gens d'affaires, des vacanciers et des familles.
Très franchement, il sera impossible d'accommoder les passagers. WestJet, Porter et d'autres compagnies aériennes sont des entreprises fantastiques — et je ne veux rien enlever à leurs plans d'affaires —, néanmoins il n'y a tout simplement pas suffisamment d'avions au Canada pour pallier les conséquences d'un arrêt de travail chez Air Canada.
Je vous remercie de la question.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous avez parlé des différents processus de médiation et de conciliation qui ont été appliqués. J'ai compris que les deux conventions collectives étaient échues depuis le 31 mars 2011, donc, dans les deux cas, depuis près d'un an. Il y a eu des négociations avec médiateurs dans les deux cas, des ententes de principe non ratifiées, non acceptées par les syndicats, et ce malgré le fait que les représentants des syndicats aient accepté ces ententes lors des tables de négociation. Il semble que plusieurs médiateurs et conciliateurs soient intervenus dans le dossier et vous semblez avoir été très active dans le dossier, pour éviter d'en arriver à une loi spéciale de retour au travail.
Pouvez-vous nous expliquer le rôle que vous avez joué personnellement dans le déroulement des deux conflits dans le but d'essayer de conclure une entente?
[Traduction]
Mme Raitt : En tant que ministre du Travail, je peux vous dire que notre tâche consiste à aider les parties à s'entendre. Lorsqu'elles ne réussissent pas à le faire, il nous faut malheureusement leur venir en aide. Plus de 300 conventions collectives sont négociées chaque année dans les entreprises de ressort fédéral. Seule une minorité d'entre elles ne débouchent pas sur un accord. Le Service fédéral de médiation et de conciliation parvient à trouver un terrain d'entente pour les parties en cause dans 94 p. 100 des dossiers qui lui sont confiés. Pour ce qui est des autres, il ne faut pas oublier, sénateur, qu'un arrêt de travail n'a pas toujours de répercussions sur l'économie nationale. De fait, le Parlement fédéral n'aura pas à intervenir dans la majorité des grèves et des lock-out qui ont lieu en ce moment même au Canada, puisqu'ils ne représentent pas une menace pour l'intérêt public ou l'économie nationale.
Lorsque j'ai été nommée ministre en janvier 2010, nous savions que le dossier d'Air Canada allait nous donner du fil à retordre. En effet, l'historique des négociations révèle que, depuis 2003, les unités ont eu beaucoup de difficulté à négocier librement en raison de la situation financière de la compagnie. Au cours de cette période, Air Canada s'est en effet placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et elle a été durement touchée par le SRAS ainsi que par les contrecoups de la récession et du 11 septembre. La compagnie aérienne a donc traversé plusieurs périodes difficiles. Je dois le souligner, c'est tout à l'honneur des employés d'avoir accepté les concessions qu'on leur demandait de faire et d'avoir compris combien elles étaient importantes pour la compagnie.
(1520)
Dès le début des négociations, en 2011, il était clair que les attentes étaient élevées, car on espérait récupérer le terrain perdu. C'est pourquoi nous avons mis tant d'efforts pour favoriser le dialogue entre les parties et que nous avons nommé des conciliateurs externes. Mme Louise Otis, une juge du Québec à la retraite, un esprit avisé et une excellente médiatrice, a agi à titre de conciliatrice dans les dossiers des machinistes et des pilotes. Dans le cas des pilotes, elle en est venue à une conclusion dont elle nous a fait part dans un rapport rédigé à notre intention. Bien qu'elle ait rédigé le rapport après l'échec de la ratification, elle y indique que le processus avait été poussé jusqu'à ses limites. Voici ce qu'elle a écrit :
Compte tenu de la situation de chaque partie, l'entente de principe est raisonnable et équitable. Les négociations ont été menées avec diligence et compétence [...] mais on est allé au bout du processus. Je ne recommande ni la reprise des négociations ni la nomination d'un médiateur. Dans la situation actuelle, j'estime que l'entente est satisfaisante.
Nous avons consacré beaucoup de temps et d'argent à tenter de rapprocher les parties. Dans le cas des pilotes, nous avons conclu, après avoir rencontré les parties au début de février, que même si elles avaient toutes deux exprimé le souhait d'en arriver à une entente négociée, elles étaient très loin d'une telle entente alors que la période de répit tirait à sa fin. Les deux parties seraient alors en droit de recourir à la grève ou au lock-out, ce qui mènerait probablement à une impasse et à un arrêt de travail.
Nous avons offert aux parties un arbitrage fondé sur les intérêts. Air Canada a accepté cette proposition à la table de négociation, mais les pilotes l'ont refusée, ce qui était malheureux. Nous avons offert la médiation, et une médiation de six mois a été acceptée. Nous avons nommé Mme Otis en raison de ses succès, et les parties se sont réunies une première fois. Malheureusement, Mme Otis a démissionné après cette première réunion parce qu'elle était mécontente et préoccupée par le fait que le syndicat des pilotes avait divulgué à la presse ce qui s'était dit à la table de négociations, propos censés rester confidentiels. Elle craignait de ne pas pouvoir demeurer neutre dans ces conditions. C'est ce qu'elle nous a indiqué par écrit.
À ce moment-là, le syndicat des pilotes nous a mentionné qu'il poursuivrait les négociations directement avec Air Canada à moins que nous ne nommions un autre arbitre. J'espérais que c'est ce qui se produirait, que les négociations reprendraient.
Cela s'est bien entendu conclu par un avis de lock-out de la part de la direction d'Air Canada. J'ai raconté tout ça à maintes reprises, et je le fais avec tristesse plutôt que colère car nous avons investi tellement d'efforts, de temps, de ressources et d'argent des contribuables canadiens afin d'aider les parties à s'entendre. En effet, le fait de recourir au Sénat et à l'autre endroit pour régler des questions que les parties devraient pouvoir régler entre elles représente une utilisation extraordinaire de ressources, contrebalancée toutefois par le besoin absolu de protéger les intérêts du public. C'est pourquoi je sais que le geste que nous posons est le bon.
Le sénateur Carignan : Merci.
Le président : Honorables sénateurs, 14 autres sénateurs souhaitent poser des questions à la ministre. Le prochain est le sénateur Tardif.
[Français]
Le sénateur Tardif : Madame la ministre, hier, à l'autre endroit, vous avez déclaré ceci :
Le gouvernement fédéral n'intervient que dans des situations où l'intérêt public est sérieusement menacé. C'est notamment le cas si la menace d'un arrêt de travail risque de porter préjudice à l'économie nationale. Malheureusement, cela signifie que nous devons adopter ce projet de loi afin d'éviter un arrêt de travail chez Air Canada.
Madame la ministre, si vous croyez que l'intérêt public est sérieusement menacé, pourquoi avez-vous refusé, après tant d'interventions de votre part pour essayer de régler les conflits de travail chez Air Canada, de modifier la loi et de faire d'Air Canada un service essentiel, afin que ces différends soient automatiquement soumis à l'arbitrage exécutoire?
Vos commentaires semblent suggérer que vous voyez Air Canada comme un service essentiel. Pourriez-vous clarifier cette situation, madame?
[Traduction]
Mme Raitt : Je vous remercie de poser cette question.
Le Code canadien du travail est rédigé d'une façon qui nous permet d'empêcher les arrêts de travail lorsque nous pouvons prouver que ceux-ci auraient un impact important sur la santé et la sécurité des Canadiens, mais il ne fait pas allusion aux conditions économiques. C'est pourquoi, depuis 1950, des lois fédérales ont été adoptées afin de déterminer si, dans certains cas, l'intérêt public national l'emporte sur les droits accordés aux travailleurs et aux employeurs en vertu du Code canadien du travail.
Je peux vous dire que je ne suis pas en faveur de considérer n'importe quel service aérien comme un service essentiel, et je vais vous dire pourquoi. En 1998, les pilotes ont déclenché une grève de 13 jours et il n'y a pas eu de loi de retour au travail. Il en a été ainsi parce qu'il y avait un autre transporteur national. En vertu de la politique sur le transport aérien qui était en vigueur à l'époque, nous avions un duopole, c'est-à-dire deux transporteurs qui fournissaient des services d'un océan à l'autre et qui étaient en concurrence directe. Je parle évidemment des Lignes aériennes Canadien International et d'Air Canada.
À l'époque, la question de savoir si les voyageurs risquaient d'être coincés et si l'activité économique allait être paralysée ne se posait pas. Il y avait évidemment une perte au niveau de l'économie, comme je l'ai mentionné. Toutefois, à l'époque, on avait jugé que l'intérêt public n'était pas affecté, compte tenu de la politique sur le transport aérien qui était alors en place.
Selon moi, ces situations doivent être étudiées individuellement. Je crois aussi que les conditions du marché peuvent changer. Compte tenu de la façon dont la compétitivité est structurée au pays, il se pourrait que, dans quelques années, WestJet occupe une plus grande part du marché. D'ailleurs, cette société a annoncé en décembre dernier qu'elle voulait mettre sur pied un transporteur régional. Si les données du marché font qu'il serait bon pour un autre transporteur de pouvoir prendre la relève en cas d'un arrêt de travail chez Air Canada, il ne sera pas dans l'intérêt public national d'intervenir. C'est un calcul très simple et c'est pourquoi je ne pense pas qu'il soit nécessaire de considérer que les services aériens sont nécessairement des services essentiels.
Je voudrais ajouter un dernier point. En vertu du Code canadien du travail, le CCRI peut décider si certains services doivent être maintenus pour des raisons de santé et de sécurité, et c'est là le point clé que nous avons fait valoir dans ce cas-ci, parce que nous voulions savoir s'il y avait des itinéraires qui devraient être protégés et si certains services assurés par le transporteur devaient être maintenus pour la santé et la sécurité des Canadiens.
Le sénateur Tardif : Si je vous ai bien compris, madame la ministre, vous ne croyez pas que l'approche que vous avez adoptée au fil des années face à Air Canada a été caractérisée par un certain degré d'improvisation et d'imposition. Vous pourriez peut-être expliquer pourquoi vous avez décidé de vous y prendre de cette façon dans ce dossier.
Nous savons qu'Air Canada est une société privée, et elle se conduit comme il convient pour une société privée. Par exemple, elle accorde de généreuses primes à ses cadres. Cela n'a rien de répréhensible en soi. Toutefois, une société privée ne peut pas demander l'aide de la ministre du Travail et du gouvernement du Canada pour régler un conflit avec ses employés.
Est-ce qu'Air Canada est une société privée ou est-ce une organisation qui assure un service considéré comme essentiel par le gouvernement?
Mme Raitt : Je remercie madame le sénateur de cette question.
Le Code canadien du travail et la compétence fédérale du ministre du Travail se rapportent uniquement à l'industrie privée. Le code ne traite que du secteur privé de compétence fédérale, c'est-à-dire des sociétés comme le CN et Air Canada. Le secteur public proprement dit est assujetti à une autre loi qui relève du président du Conseil du Trésor, le ministre Clement. Par conséquent, je m'intéresse uniquement aux entreprises privées et, de fait, c'est là qu'interviennent les services de Travail Canada, pour aider à prévenir ce genre d'arrêts de travail.
Quand nous proposons une loi de retour au travail, j'agis en tant que membre du Cabinet et membre du parti ministériel, et c'est sur ma recommandation que nous avons eu recours à un maximum d'outils par l'entremise du code. S'il me fallait caractériser notre approche, je dirais que dans le dossier d'Air Canada nous avons fait preuve de beaucoup de rigueur et de prudence pour comprendre précisément l'effet du problème sur l'intérêt public et nous cherchons toujours à défendre l'intérêt public dans la sphère économique, parce que c'était dans notre programme électoral et c'est ce pourquoi nous avons été élus. C'est le mandat que j'ai moi aussi : aider les parties, mais ne pas me ranger d'un côté ou de l'autre à la table de négociations. Je dois rester au-dessus de la mêlée et prendre le parti de la population canadienne.
Le sénateur Tardif : Je peux seulement dire, madame la ministre, que vous semblez jouer sur les deux tableaux. C'est la première fois qu'un gouvernement prend de telles mesures préventives dans le contexte d'un conflit de travail. Les travailleurs d'Air Canada disent qu'on leur enlève leur droit de participer à un vrai processus de négociations libres.
(1530)
Il semble que vous preniez parti. Quoi que vous disiez, madame la ministre, il semble qu'Air Canada ait une position privilégiée parce qu'elle a droit aux services de la ministre du Travail et du gouvernement du Canada avec ce projet de loi de retour au travail.
Mme Raitt : Honorables sénateurs, je crois que le libellé du projet de loi C-33 est équilibré et qu'il définit un processus pour que les deux parties puissent trouver une façon de mener les négociations collectives et de choisir une offre définitive.
De fait, si vous regardez l'historique de ce dossier, les préposés au service aux passagers, représentés par les TCA, et Air Canada ont, en juin de l'an dernier, accepté de soumettre le choix de l'offre définitive à l'arbitrage exécutoire et, de fait, c'est la proposition du syndicat qui a été retenue, et non pas celle de la direction d'Air Canada. Nous n'influons pas sur le processus.
Je conviens avec le sénateur qu'il s'agit d'une loi préventive, et c'est parce que les négociations durent depuis maintenant bien plus d'un an — 18 mois, dans le cas des pilotes — et qu'il nous faut rétablir la certitude. Dans le cas des machinistes, nous nous appuyons sur l'opinion d'une juge réputée qui nous a indiqué qu'à son avis, le processus avait suivi son cours et que les négociations étaient terminées. Je me suis fondée sur cette opinion pour décider des recommandations à adresser au Cabinet et au gouvernement quant à la façon de poursuivre dans ce dossier.
Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi que nous avons rédigé et que nous présentons aujourd'hui vise à instaurer le processus qui permettra de régler un conflit de longue date, parce qu'un arrêt de travail attribuable à ce conflit aurait un effet négatif sur notre économie et irait à l'encontre de l'intérêt public.
Le sénateur Tkachuk : Madame la ministre, puisqu'un certain nombre d'ententes — je crois qu'il y en a eu six — ont été proposées puis rejetées, par les employés je crois, quels sont, selon vous ou selon votre ministère, les principaux obstacles qui nous ont menés à cette impasse et qui ont étiré la négociation d'une entente sur 12 et 18 mois?
Mme Raitt : Honorables sénateurs, je crois savoir que vous entendrez d'autres témoins aujourd'hui, et je vais rester pour connaître ce qu'ils ont à dire à ce sujet.
D'après ce que l'on voit à la table de négociations, les discussions portent principalement sur les salaires, les heures de travail et le régime de pension. Dans le cas des machinistes, je crois que tout se ramène à ce que j'ai mentionné en réponse à une question précédente, soit le fait que c'est la première fois que les parties ont l'occasion de vraiment négocier librement, sans la menace d'un recours à la LACC ou d'un autre facteur externe qui compliquerait les choses pour Air Canada.
Ce qu'il ne faut pas non plus oublier, c'est que les parties disposent, pour mener à bien les négociations, de la meilleure information possible au sujet de la capacité de la société et des membres de s'entendre. Malheureusement, quand le syndicat a présenté l'entente à ses membres, ils l'ont rejetée.
J'étais très inquiète du fait que l'entente ait été rejetée à deux reprises, dans le cas des agents de bord, et nous avons demandé au Conseil canadien des relations industrielles de se pencher sur la question. Si les dirigeants syndicaux ont de la difficulté à faire ratifier une entente, il convient d'examiner la situation pour pouvoir comprendre, car les parties devraient être en mesure de parvenir à une entente qui sera ratifiée.
Le sénateur Tkachuk : Croyez-vous que les parties parviendront à conclure un accord après le projet de loi?
Mme Raitt : Il n'y a rien comme ouvrir son jeu pour amener les parties à réfléchir. J'espère certainement que, comme les TCA et Air Canada, elles se prévaudront des dispositions du projet de loi pour établir les principes directeurs ou la méthode d'arbitrage et trouver leur propre manière de parvenir à un accord sans devoir recourir au gouvernement. Toutefois, je ne saurais dire si cela se produira. Chose certaine, j'ai bon espoir. En réalité, les parties pourraient même conclure un accord après l'adoption du projet de loi, sans devoir recourir à l'arbitrage des offres finales. J'espère vraiment qu'elles pourront le faire, surtout dans le cas des machinistes, puisqu'ils ont conclu un accord et suivi le processus jusqu'au bout.
Le sénateur Cowan : Bienvenue, madame la ministre. Il me semble qu'il n'y a pas si longtemps que vous avez comparu.
En votre qualité de ministre du Travail, vous devez veiller sur les intérêts des deux parties lors des différends, et vous avez aussi la responsabilité de protéger les intérêts des travailleurs. Nous discutons ici de la volonté ou de l'intention du gouvernement d'intervenir lorsque des pressions à la hausse s'exercent sur les salaires. Vous avez expliqué pourquoi, à votre avis, cette intervention est légitime.
Pourtant, dans d'autres cas, et je vais prendre l'exemple de Caterpillar, il y avait des pressions à la baisse sur les salaires, mais vous n'avez pas jugé nécessaire d'intervenir. Ces pressions à la baisse qui se font sentir dans divers secteurs de l'économie vous préoccupent-elles, madame la ministre? Elles ont évidemment un impact sur l'économie. Vous parlez de l'impact des différends et de l'absence de règlement sur l'économie et vous vous dites préoccupée au sujet de la reprise qui est en train de se faire.
Comme ministre, pourriez-vous nous livrer votre point de vue? Comment expliquez-vous qu'on intervienne en cas des pressions à la hausse, mais non dans celui des pressions à la baisse?
Mme Raitt : Merci beaucoup de cette question, sénateur. Comme vous le savez, le dossier de Caterpillar et les terribles problèmes qu'il y a eu là-bas sont du ressort de la province et non des autorités fédérales. Je vous dirai toutefois que nous avons discuté de la question avec Ken Lewenza, président et directeur général des TCA, et le maire de London, simplement pour nous tenir au courant, mais en appuyant plus ou moins ce que se passait à la table de négociation, et non parce que nous pouvions faire quelque chose.
Je peux vous dire, en ce qui concerne le rapport du conciliateur dans le cas des machinistes, que des augmentations de salaire étaient proposées, ainsi que des avantages. L'employeur ne cherchait pas à obtenir des concessions. Il s'agissait simplement de savoir si les rajustements salariaux suffisaient aux syndiqués. C'est ce que je crois comprendre du dossier. Comme je l'ai dit, il serait utile de demander expressément au syndicat quelles ont été les réactions de ses membres à ce sujet.
L'intervention du gouvernement fédéral ne concerne pas ce qui se passe dans les négociations. Nous ne tenons pas compte de l'enjeu ni des parties en présence. Ce qui nous préoccupe, c'est l'effet de l'arrêt de travail sur l'économie canadienne et sur les Canadiens. Voilà ce qui compte pour nous.
Par exemple, il y a actuellement un lock-out à Bathurst et à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, concernant le groupe Acadian Lines. Il dure depuis longtemps. Nous n'intervenons pas parce que le problème n'a pas une importance nationale pour l'économie. C'est la même chose pour le Rocky Mountaineer, un service de transport ferroviaire en Colombie-Britannique. Là encore, c'est un lock-out, et nous n'intervenons pas non plus. Il y a d'autres grèves où nous n'intervenons pas parce que le critère de l'importance pour l'économie nationale n'est pas rempli. Dans le cas qui nous occupe, il l'est, et c'est ce qui explique ma présence ici.
On dirait que je comparais ici pour ce genre de chose d'une façon que je ne n'irais pas jusqu'à qualifier de fréquente, mais j'ai eu l'honneur et le plaisir de venir ici en juin, et j'ai été reconnaissante d'avoir cette possibilité. Toutefois, au fond, cela dépend du moment où les conventions viennent à expiration.
Si on considère l'histoire des lois de retour au travail depuis 1950, il semble y avoir un regroupement autour de certaines dates. Bien qu'il semble que je sois une visiteuse assidue au Sénat, je peux vous dire qu'il y a eu une période, en 1991, où il y a eu beaucoup plus de lois forçant le retour au travail que nous n'en avons proposé. Nous en avons présenté quatre depuis 2006. Dans un cas, en 2007, il s'agissait du CN. En juin dernier, j'ai présenté un projet de loi ordonnant le retour au travail des TCA, mais nous n'y avons pas donné suite. Nous avons présenté un projet de loi semblable dans le cas de Postes Canada, mais cette fois, nous y avons donné suite. Et il y a le cas qui nous occupe aujourd'hui.
Même si j'aime beaucoup comparaître devant les sénateurs, je ne souhaite pas revenir encore à l'avenir.
Le sénateur Cowan : J'ai une autre question, entre Néo-Écossais que nous sommes. Je n'ai pas l'honneur de venir du Cap-Breton comme la ministre, mais elle sait qu'elle n'est pas le premier représentant du Cap-Breton à occuper le poste de ministre du Travail.
Mme Raitt : C'est exact.
Le sénateur Cowan : Un ancien ministre du Travail, M. MacEachen, a été l'auteur du Code canadien du travail.
(1540)
Mme Raitt : Oui.
Le sénateur Cowan : C'est certainement là un héritage important qu'il nous a laissé.
Êtes-vous le moindrement préoccupée par le fait que l'héritage que vous allez laisser à titre de deuxième ministre du Travail originaire du Cap-Breton sera d'avoir présenté un certain nombre de projets de loi qui auront menacé la fière tradition qu'est la négociation collective au Canada? Êtes-vous préoccupée par cela, et êtes-vous frappée par l'ironie de la situation?
Mme Raitt : Je ne vois rien d'ironique là-dedans. Je suis très fière de mes racines au Cap-Breton. Je suis la fille d'une famille de syndicalistes et je peux vous dire que cela rend les retrouvailles de Noël très intéressantes. Nous tenons des discussions animées sur à ces questions.
Cela dit, je représente la circonscription de Halton et je peux vous dire que les familles de Halton sont heureuses lorsque nous prenons des mesures afin de protéger l'intérêt public. Je sais que je fais ce qui s'impose. Mon héritage sera d'avoir écouté les Canadiens et d'avoir fait ce qu'ils souhaitaient que nous fassions, c'est-à-dire s'occuper de l'économie et veiller à ce que leurs enfants et les miens vivent dans une société meilleure.
Le sénateur Andreychuk : Merci, madame la ministre. Vous avez traité d'un bon nombre des points qui me préoccupent. Toutefois, je veux souligner que l'économie nationale est une donnée essentielle pour évaluer la situation. À titre de personne qui réside à Regina, mais qui travaille à Ottawa et ailleurs au pays, j'ai l'habitude de dire aux gens que je vis dans les avions d'Air Canada. Il m'est absolument impossible de respecter mes engagements envers le Canada et ma province sans les services d'Air Canada. Ce transporteur joue un rôle absolument essentiel.
Lorsque je suis à bord d'un avion, qui peut parfois être en retard, je ne suis pas la seule. Ce ne sont pas seulement les parlementaires qui voyagent avec ce transporteur. Pratiquement toutes les entreprises en Saskatchewan comptent sur Air Canada. Nous n'avons pas d'autres façons de nous déplacer. Il est extrêmement important que ce service ne soit pas interrompu.
Comme nous le savons en Saskatchewan, qui a été une province pauvre pendant très longtemps, la prospérité ne vient pas facilement et elle est fragile. Les habitants de la Saskatchewan connaissent bien la notion d'intérêt public.
Excusez-moi, j'ai des allergies et il m'est difficile de parler en ce moment.
Un autre point que je veux souligner, c'est que même si les négociations ont duré longtemps, ni moi ni les personnes avec qui je voyage n'ont eu, à quelque moment que ce soit, le sentiment que leur sécurité était compromise. C'est tout à l'honneur des machinistes, des pilotes, des agents de bord et de la compagnie. Cela dit, j'ai constaté des frustrations que je n'avais pas vues auparavant. Je dois dire que, sauf erreur, mon premier vol a été avec les Lignes aériennes Trans-Canada. Je ne le mentionne pas très souvent, mais c'est la vérité.
Le sénateur Mercer : Cela figure maintenant au compte rendu.
Le sénateur Andreychuk : C'est maintenant du domaine public.
Air Canada est passé par différentes périodes et l'un des problèmes, c'est que cette société a été soumise à la concurrence. Cette concurrence a disparu en partie. Je comprends les pressions auxquelles la société est soumise, de même que l'omniprésence des enjeux aussi bien nationaux et qu'internationaux. Je comprends les problèmes de survie auxquels la société est confrontée.
Cependant, les pilotes auxquels j'ai parlé — et nombreux sont ceux qui ont pris le temps de parler avec moi au cours des dernières semaines — ne mettent pas ma sécurité en péril à cause des négociations. Ils vivent toutefois de la frustration et je ne suis pas certaine si c'est à l'égard de leur syndicat, d'Air Canada ou de l'industrie du transport aérien dans son ensemble.
Vous avez dit que vous deviez prendre l'économie en considération. Cependant, pensez-vous que ce sont vraiment les salaires et les heures de travail qui sont en cause? Est-ce cette source de frustration qui a entraîné l'effondrement des systèmes, ou d'autres éléments liés au contexte de l'industrie du transport aérien sont-ils en cause?
Mme Raitt : Je remercie le sénateur de sa question et de ses observations. En effet, de nombreux employés d'Air Canada nous ont fait part de leur frustration à l'égard du processus et de sa durée, et du fait qu'ils sentent que leur opinion est ignorée.
Comme je l'ai dit, les questions qui font l'objet de négociations pour les pilotes sont essentiellement les salaires et les horaires. Un autre point précis, toujours pour les pilotes, est la suppression de la retraite obligatoire à 60 ans. Chez Air Canada, il y a beaucoup de discussions autour de la création de nouvelles sociétés et je suis certaine que les pilotes vous en parleront.
Je vais me faire l'écho de ce que vous avez dit. Le professionnalisme des employés d'Air Canada, peu importe leur unité de négociation, transparaît toujours dans la façon dont ils traitent les passagers, manipulent le fret et gèrent leurs activités quotidiennes. C'est une période difficile et éprouvante, non seulement pour la population canadienne, mais aussi pour les employés et la direction. C'est pourquoi, au bout du compte, nous avons décidé de mettre en place un processus qui leur permettra d'obtenir la stabilité, des certitudes et une convention collective.
Comme je l'ai souligné, en ce qui concerne les agents des services à la clientèle, c'est la proposition du syndicat qui a été retenue lors du choix de l'offre finale. Il n'est donc pas dit que les dirigeants en sortiront vainqueurs. Chacune des deux parties doit soumettre ce qu'elle considère être sa meilleure proposition, c'est-à-dire la proposition juste et équitable qui pourra le mieux, à son avis, assurer la viabilité de l'entreprise à court et à long termes, et protéger la viabilité du régime de retraite, l'une des principales préoccupations des employés d'Air Canada.
Le président : Honorables sénateurs, on m'a informé que la ministre n'a plus que 16 ou 17 minutes à nous accorder, et neuf sénateurs figurent sur ma liste.
Le sénateur Finley : Bienvenue, madame la ministre. Merci d'avoir pris le temps de nous présenter votre exposé et de répondre à nos questions.
Je vois cette situation d'un œil particulier, d'abord parce que je viens du milieu de l'aviation, ensuite parce que j'ai été membre de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. J'ai négocié des contrats en son nom. En tant que gestionnaire, j'ai aussi pu voir les résultats et les conséquences d'une grève prolongée déclenchée par l'AIMTA. Les parties en cause et le processus qui a été suivi jusqu'ici ne m'inspirent aucun ressentiment; je reviendrai plus tard sur la question du processus.
Je m'intéresse aux conséquences importantes qu'ont les problèmes des compagnies aériennes. Je pense par exemple à Western Airlines, à Eastern Air Lines, à Pan American World Airways et à National Airlines, qui ont toutes été, à un certain moment, des transporteurs nationaux de renom. Elles ont toutes fait faillite très rapidement et ont disparu.
Madame la ministre, selon vous, quel pourrait être l'effet de la situation actuelle sur la réputation dont jouit Air Canada à l'étranger en tant que compagnie aérienne internationale? Personne n'a encore mentionné cette excellente réputation. Air Canada fait beaucoup affaire avec l'étranger, tant pour le transport de passagers que pour celui du fret. Si Air Canada va jusqu'au bout, quelles seront les conséquences sur sa réputation, selon vous?
Mme Raitt : Je suis heureuse d'avoir l'occasion d'aborder l'aspect international de la situation. Nous sommes portés à penser avant tout à ce qui se passe dans notre pays, puisque cet arrêt de travail toucherait un million de personnes voyageant au Canada. Mais il est vrai qu'Air Canada offre une vaste gamme de services. Air Canada dessert 59 localités canadiennes de toutes tailles et ce chiffre passe à plus de 80 si l'on tient compte du service d'Air Canada Express. La société dessert aussi 60 destinations à l'étranger, notamment en Europe, au Moyen-Orient, en Asie, en Australie, dans les Caraïbes, au Mexique et en Amérique du Sud. Air Canada fait partie intégrante du réseau aérien de l'Amérique du Nord; ses activités ont donc une incidence sur tout ce réseau.
Nous n'avons pas encore abordé la question de la part du marché du fret aérien que détient Air Canada. Air Canada est le principal transporteur aérien de marchandises au pays. La compagnie possède 22 p. 100 du marché national et 49 p. 100 du marché international. Le commerce est aussi un enjeu dans ce dossier. Je vais vous donner une idée de ce que nous exportons et importons. Nous exportons des produits manufacturés, de l'équipement lié à l'aviation, des machines, des matières plastiques, des produits chimiques et des denrées alimentaires. Le poisson est un excellent exemple d'un produit d'exportation qu'Air Canada transporte dans la soute de ses avions. Nous importons aussi le même genre de biens : des produits de métal et de l'acier ainsi que des matières plastiques et des produits chimiques.
(1550)
La compagnie est un élément important non seulement du réseau de transport des passagers, mais aussi de notre chaîne logistique en général. L'économie en ressentirait les effets à ces deux niveaux. D'une part, il y a le nombre de gens qui ne travailleraient pas, soit plus de 275 000 et, d'autre part, il y a les produits qui ne se rendraient pas à destination, qu'il s'agisse d'entreprises ou autres. Des éléments clés des chaînes d'approvisionnement mondiales seraient touchés, surtout pour les denrées périssables et les produits pharmaceutiques.
Au final, le service de fret dessert plus de 150 destinations vers lesquelles les entreprises canadiennes expédient leurs produits dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Ce service serait immédiatement interrompu s'il devait y avoir un arrêt de travail à Air Canada.
En termes de chiffres, nous estimons les coûts à environ 22,4 millions de dollars. Cette évaluation n'englobe toutefois pas les répercussions sur la qualité de vie des manufacturiers dans les petites villes, qui comptent sur le transporteur aérien pour leur apporter les biens dont ils ont besoin pour fabriquer et exporter leurs produits. Je remercie le sénateur de sa question.
Il y a un dernier élément. Si vous considérez le plus grand centre de fret du pays, Air Canada représente 60 p. 100 du trafic à l'aéroport Pearson. C'est un élément très important de la chaîne d'approvisionnement mondiale du Grand Toronto et des environs, un élément sur lequel comptent énormément ceux qui s'occupent de haute technologie et de fabrication.
Le sénateur Finley : Merci beaucoup. Je crois que beaucoup d'autres sénateurs veulent intervenir. Je m'abstiendrai donc, même si j'ai d'autres questions à poser.
Le sénateur Mercer : Comme je viens de la Nouvelle-Écosse, je suis toujours heureux de voir ici une compatriote, mais je dois dire, madame la ministre, que j'espère ne pas vous revoir ici pendant très longtemps. À moins que le premier ministre ne juge bon de vous nommer au Sénat, auquel cas je serais heureux de vous voir.
J'ai plusieurs questions à poser. Premièrement, au cours des dix dernières années, les syndicats et Air Canada ont été durement touchés, subissant des pertes estimées à environ 2 milliards de dollars. La compagnie a vendu des éléments d'actif d'une valeur de 2 milliards, mais son régime de pensions souffre d'une sous- capitalisation de 3 milliards de dollars. Dans ces conditions, il me semble qu'il aurait été opportun de s'attaquer à ce problème dans le projet de loi que vous avez présenté, mais je n'y vois rien à ce sujet. Si je me trompe, je suis sûr que vous me le direz. Je trouve que le moment aurait été bien choisi pour remédier à ce problème, maintenant que le gouvernement a décidé d'intervenir dans cette affaire.
Mme Raitt : Nous avons inclus dans nos principes directeurs des commentaires concernant l'importance qu'il y a à tenir compte du régime de pensions. Cela est important non seulement pour la société, mais aussi pour la viabilité du régime, tout en notant les pressions financières qui s'exercent à court terme sur l'employeur. Notre gouvernement a prêté son concours en ce qui concerne les pressions financières qui s'exercent à cause des paiements qu'Air Canada devait effectuer par suite de la sous-capitalisation du régime. Bien sûr, c'est pour cette raison que nous avons concentré notre attention sur les conventions collectives et le processus de négociation collective parce que nous savions que certains engagements devaient être pris.
Le sénateur a parfaitement raison de dire que les concessions consenties par les employés étaient aussi importantes que nécessaires. Ils ont choisi de travailler avec la société et de l'appuyer. Ils l'ont fait au cours de la dernière séance de négociation, avec l'aide du juge James Farley. Ce dernier avait été nommé par le ministre des Finances comme médiateur, afin de trouver un moyen de rendre viable le régime de pensions de la société. Une partie du processus de négociation des conventions collectives portait sur cette question. En fait, c'était le point particulier du différend de l'été dernier avec les TAC, différend qui avait été réglé lorsque le syndicat a accepté de se soumettre à l'arbitrage basé sur la sélection des offres finales. Comme je l'ai déjà indiqué, la décision prise favorisait le syndicat.
Nous avons compris que la négociation collective serait difficile à cet égard. C'est la raison pour laquelle nous avons déployé tant d'efforts pour les aider au début.
Le sénateur Mercer : Je vais essayer de combiner mes deux questions pour laisser du temps à d'autres collègues.
Madame la ministre, vous avez mentionné qu'il y a eu 35 arrêts de travail dans le secteur aérien et que six d'entre eux ont touché Air Canada. Je crois que nous devrions être justes : l'un de ces arrêts n'a duré que trois heures. C'était une interruption, mais pas une grève.
Vous avez dit à juste titre, au début de votre exposé, que les syndicats sont des démocraties. Nous en avons été témoins tout le long de ce processus. Pourquoi intervenez-vous donc dans un processus démocratique engagé avec les syndicats? Après quelques à-coups, les agents de bord sont allés en arbitrage et ont réussi à régler le différend. Pourquoi n'avez-vous pas opté pour cette voie, pourquoi n'avez-vous pas choisi l'arbitrage pour les pilotes et les machinistes, au lieu de recourir à ce processus législatif très lourd et très perturbateur? Je crois que cela engendre des rancunes chez toutes les parties, qu'il s'agisse des syndicats, de l'employeur, du gouvernement ou de l'opposition. Votre action suscite beaucoup d'animosité.
Mme Raitt : Je n'en disconviens pas. Il aurait été préférable de ne pas procéder comme nous le faisons aujourd'hui. Cela empiète sur notre temps et sur celui des autres. Toutefois, il est nécessaire d'intervenir à cause du fait que nous risquions un arrêt de travail attribuable à une grève ou à un lock-out.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, un arbitrage basé sur les intérêts a été offert à l'Association des pilotes d'Air Canada, mais elle l'a rejeté. Dans le cas des machinistes, je peux vous affirmer qu'à la table de négociations, nos médiateurs, négociateurs et conciliateurs ont constamment offert cette option. Nous avons encouragé les parties à trouver leur propre voie et à se soumettre à l'arbitrage, à la sélection des offres finales fondées sur les intérêts et à d'autres processus. Nous les avons invitées à rédiger leurs propres protocoles d'entente et à soumettre les questions en suspens à l'arbitre de leur choix. Malheureusement, dans ce cas, cela n'a pas été possible.
Je voudrais signaler un autre chose, si vous le permettez. Les agents de bord n'avaient accepté de se soumettre à l'arbitrage que parce que nous les y avons envoyés à la demande du Conseil canadien des relations industrielles.
Le sénateur Mercer : Pourquoi ne l'avez-vous pas fait encore une fois?
Mme Raitt : Je les avais envoyés à l'arbitrage par suite de deux ratifications manquées en recourant à des dispositions extraordinaires du Code canadien du travail. Les circonstances n'étaient pas les mêmes dans ce cas.
C'est le double échec de la ratification qui nous a amenés à renvoyer l'affaire au Conseil canadien des relations industrielles. Je suis heureuse que les parties se soient volontairement soumises à l'arbitrage à ce moment. Si, à n'importe quel moment — même si c'est aujourd'hui, car nous savons que les parties doivent comparaître devant vous —, les parties pouvaient s'entendre entre elles sur une forme quelconque d'arbitrage, ce serait un excellent moyen de régler le différend. Nous serions très heureux que cela se passe ainsi. Chaque fois que nous arrivons à réunir les parties, nous considérons que c'est une chose positive.
Nous avons usé de tous les moyens auxquels nous pouvions recourir en vertu du Code canadien du travail. Malheureusement, cela n'a pas marché. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
[Français]
Le sénateur Chaput : Madame la ministre, j'aimerais revenir sur la question des services essentiels. En lisant lu attentivement le projet de loi, j'ai remarqué que les services d'Air Canada ne sont pas reconnus comme étant des services essentiels.
La reconnaissance de certains services essentiels nous a toujours permis d'équilibrer les droits des travailleurs et ceux des citoyens. Si vous intervenez maintenant dans les droits des travailleurs afin de protéger l'octroi de services — très importants, certes, mais jugés non essentiels —, où tracez-vous la ligne?
Allons-nous devoir légiférer chaque fois qu'il y aura un conflit de travail? Est-ce qu'on crée un précédent qu'on ne pourra plus gérer par la suite?
[Traduction]
Mme Raitt : Nous faisons bien attention dans toutes les discussions que nous avons au sujet de ce qui se passe à la table de négociations. Comme je l'ai mentionné, plus de 300 conventions collectives relevant de la compétence du gouvernement fédéral sont négociées chaque année. C'est dans quelques cas seulement, peut- être une quinzaine, que les négociations donnent lieu à une grève ou à un lock-out. Cette année, nous sommes intervenus à trois reprises, une fois au sujet du conflit à Postes Canada, et deux fois au sujet de conflits à Air Canada.
(1600)
L'analyse que nous entreprenons vise à déterminer si l'intérêt public national est en jeu. Dans le cas qui nous occupe, deux éléments doivent être pris en considération : d'abord, l'économie nationale et les questions de commerce et d'affaires que nous avons soulignées; ensuite, le public canadien, plus précisément le million de personnes qui se déplaceront en avion au cours des 10 prochains jours. Il y a entre les deux une ligne de démarcation nette, madame le sénateur. C'est une situation que nous examinons attentivement, que nous analysons et que nous gérons, car, comme l'a fait remarquer le sénateur Mercer, le temps considérable consacré ici et à l'autre endroit à ce projet de loi visant à imposer le retour au travail nous empêche de nous occuper des affaires courantes que nous avions prévues. C'est cependant nécessaire et dans le meilleur intérêt des Canadiens.
[Français]
Le sénateur Rivest : J'ai une question très rapide. Est-ce que vous avez discuté avec la direction d'Air Canada du projet de loi C-33 avant son dépôt à la Chambre?
[Traduction]
Mme Raitt : Absolument pas.
[Français]
Le sénateur Rivest : Ni vous ni votre entourage et les sous- ministres non plus?
[Traduction]
Mme Raitt : Mon personnel me fait signe que non.
[Français]
Le sénateur Rivest : Dans le projet de loi, on dit, par exemple, à l'article 14, que l'arbitre doit tenir compte du rapport du commissaire-conciliateur, et cetera, des dernières offres, et vous mentionnez qu'il se fonde sur la nécessité de conditions de travail qui soient compatibles. On voit deux exigences de la partie patronale, c'est-à-dire la capacité concurrentielle d'Air Canada. Est-ce qu'il n'aurait pas été convenable que, dans le projet de loi, vous indiquiez à l'arbitre qu'un des éléments dont l'arbitre doit tenir compte, c'est non seulement des besoins de la compagnie Air Canada mais également de la revendication tout à fait légitime des travailleurs, c'est-à-dire l'amélioration des conditions de travail des employés d'Air Canada? Ce n'est nullement mentionné dans l'article. Si vous indiquez à l'arbitre qu'il doit tenir compte des besoins et des préoccupations de la compagnie, pourquoi ne pas équilibrer ce mandat confié à l'arbitre en disant qu'il doit tenir compte des conditions des travailleurs légitimes qui veulent améliorer leurs conditions de travail?
[Traduction]
Mme Raitt : Les principes directeurs visent à permettre à l'arbitre de comprendre quelles étaient les questions clés à la table des négociations. Comme je l'ai mentionné en réponse à des questions antérieures, dans les deux cas les questions clés à la table étaient liées à la viabilité de l'employeur, tant à court terme qu'à long terme, à sa compétitivité et, de l'autre côté, aux pensions. En fait, ces questions ont été essentiellement soulevées par les employés plutôt que par l'employeur. Les employés sont très préoccupés. Les pilotes vous diront à quel point ils sont préoccupés par la viabilité économique d'Air Canada. Ils parlent franchement et ouvertement de ce qui, selon eux, sont des injustices commises dans le passé. Nous en avons déjà entendu parler un peu aujourd'hui. Comme je l'ai dit, ils sont préoccupés par la viabilité à court et à long termes. Ils sont aussi très préoccupés par le régime de pensions qui, comme je l'ai mentionné, est un dossier important.
L'arbitre va tenir compte de ces préoccupations. Il va prendre en considération les points litigieux mais, au bout du compte, c'est lui qui va trancher. Il va prendre sa décision après avoir reçu les offres finales des parties. Toutefois, il ne faut pas oublier que ces dossiers sont ceux qui posaient les plus grands défis à la table. Le projet de loi en tient compte afin de guider l'arbitre et, à tout le moins, de donner à ce dernier, quel qu'il soit, une certaine compréhension des questions litigieuses.
[Français]
Le sénateur Rivest : Pourquoi, avant de nommer l’arbitre, à tout le moins parce que c’est de votre entière discrétion — et je suis sûr que vous allez choisir une personne très compétente — et aussi pour donner de la crédibilité au rapport de l’arbitre, ne vous-êtes-vous pas donné l’obligation de consulter la partie patronale et le syndicat?
[Traduction]
Mme Raitt : En fait, nous consultons les syndicats et la direction avant de nommer un arbitre. Nous l'avons fait dans le passé, notamment dans le cas de Postes Canada. Nous l'avons aussi fait relativement à d'autres nominations. Je souligne que le projet de loi est rédigé de cette façon afin de lui conférer une certitude et une irrévocabilité, parce qu'il s'agit d'un processus de consultation. C'est moi, à titre de ministre, qui détient le pouvoir de décider et le pouvoir discrétionnaire. De cette façon, nous savons qu'un processus sera mis en place, qu'il sera suivi et qu'il va être mené à terme dans un délai raisonnable.
Le président : Madame la ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie d'être venue ici aujourd'hui afin de nous aider à faire notre travail relativement au projet de loi. Je remercie aussi les personnes qui vous ont accompagnée.
Honorables sénateurs, la ministre et ses fonctionnaires nous quittent et on m'informe que des représentants d'Air Canada sont prêts à témoigner. Souhaitez-vous les entendre maintenant?
Des voix : D'accord.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Certainement, monsieur le président, j'ai un recours au Règlement à présenter. Comme je suis membre du Comité des banques et du commerce, qui a une rencontre à 16 h 15, je crois que c'est un bris de mon privilège de participer à cette discussion en comité plénier. Je crois que toute cette question des comités sénatoriaux, qui siègent en même temps que le Sénat, alors qu'un débat urgent demande à tous les sénateurs de participer au débat dans cette enceinte, que c'est la base d'un recours au Règlement et un abus en ce qui a trait à mes responsabilités face au débat.
Monsieur le président, il est question aujourd'hui du comité plénier qui siège en même temps que les comités permanents du Sénat. Je crois que vous devez absolument délibérer sur ce recours au Règlement et décider s'il les comités pléniers ou les comités permanents ont précédence ou si on permet aux deux comités de siéger en même temps.
Le sénateur Carignan : Le Sénat a décidé tout à l'heure unanimement de procéder en comité plénier, sans respect de la règle ou en passant outre à la règle de suspension de 18 heures et de fonctionner tout l'après-midi conformément aux règles habituelles. Il est clair que la règle, comme à l'habitude, permet aux comités de siéger à 16 heures. Certains comités ont décidé de ne pas siéger, d'autres semblent fonctionner quand même.
Mais je ne vois pas en quoi la décision du Sénat de procéder en comité plénier porte atteinte au privilège du sénateur. Elle a le choix de siéger ou de se faire remplacer au comité.
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : En vertu du Règlement du Sénat, les comités permanents ont des périodes précises pour se réunir et le Sénat n'est pas autorisé à siéger au même moment qu'un comité permanent, afin d'assurer la pleine participation des sénateurs aux travaux des comités. Le fait que le comité plénier siège en même temps que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce constitue une violation de mon privilège. Je considère qu'il est de ma responsabilité, en tant que sénateur du Nouveau- Brunswick, d'être entendue ici et de m'acquitter de mes fonctions au sein du comité permanent. C'est certainement là une question de privilège.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur le président, vous êtes actuellement président du comité plénier. Je ne pense pas que ayez l'autorité requise pour décider d'un recours au Règlement qui relève du Président du Sénat, si le privilège d'un sénateur est touché.
(1610)
Je vous suggère que l'on continue. Si le sénateur Ringuette veut soulever un rappel au Règlement, elle pourra le faire en bonne et due forme lorsque le Sénat reprendra sa séance.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il d'autres interventions sur la question de privilège? S'il n'y en a pas, honorables sénateurs, je vous rappelle que nous ne siégeons actuellement pas au Sénat, mais bien au comité plénier. Le Sénat a ordonné au comité plénier d'aller de l'avant. Des gens attendent pour témoigner, et des sénateurs ont dit vouloir entendre les témoins d'Air Canada. Je prie maintenant ces témoins d'entrer. En ce qui concerne les questions soulevées par le sénateur Ringuette, je les renverrai à la présidence lorsque le Sénat reprendra ses activités après les travaux du Comité plénier.
Honorables sénateurs, les témoins seront Louise-Hélène Sénécal, conseillère juridique générale adjointe, Air Canada; Kevin Howlett, premier vice-président — Relations avec les employés; le capitaine Dave Legge, premier vice-président — Exploitation; et Joseph Galimberti, directeur, Relations gouvernementales.
Désirez-vous prononcer une déclaration préliminaire? Qui d'entre vous le fera?
Louise-Hélène Sénécal, conseillère juridique générale adjointe, Air Canada : Je m'en chargerai, monsieur le président.
Le président : Au nom du Sénat du Canada, je vous souhaite la bienvenue à notre comité plénier, qui délibérera sur le projet de loi C-33. Lorsque vous aurez terminé votre déclaration préliminaire, les sénateurs pourront vous interroger. Vous avez la parole.
Mme Sénécal : Merci.
[Français]
Mme Sénécal : Je voudrais remercier les honorables sénateurs de me donner l’occasion de me présenter aujourd’hui, alors que Sénat étudie le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens. Je suis ici en qualité de conseillère juridique générale adjointe d’Air Canada et je suis accompagnée de mes collègues, Kevin Howlett, premier vice-président — Relations avec les employés, Dave Legge, premier vice-président — Exploitation, et Joseph Galimberti, directeur, Relations gouvernementales.
Après notre déclaration préliminaire, nous répondrons avec plaisir aux questions des honorables sénateurs.
Air Canada se réjouit d'avoir aujourd'hui l'occasion de comparaître afin de contribuer au débat entourant cette loi. Il est important de préciser, d'entrée de jeu, que la société a amorcé le processus de négociation avec l'Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale, l'AIMTA et l'Association des pilotes d'Air Canada, l'APAC, avec l'intention ferme et sincère de parvenir à des ententes contractuelles négociées.
Ce n'est qu'au terme d'un processus de négociations complexes et prolongées avec les deux syndicats au cours duquel des ententes de principe ont été conclues à la table de négociation dans les deux cas, et par la suite ont été rejetées par les membres que nous sommes arrivés à la situation aujourd'hui.
En ce qui concerne l'AIMTA, Air Canada a reçu un avis de négociation de la part du syndicat le 21 mars 2011, et a tenu une première rencontre en vue d'entamer le processus de négociation dès le 7 avril 2011, puis a tenu des séances de négociations intensives, à Ottawa, du 27 au 29 avril et du 9 au 12 mai. Le processus de négociation a été interrompu entre le 1er juin, et le 3 octobre 2011, le temps que l'AIMTA mette sur pied un nouveau comité de négociation représentant uniquement les employés d'Air Canada.
Il a repris avec la tenue de séances de négociations à Gatineau, du 4 au 7 et du 17 au 21 octobre, du 1er au 8 novembre, et du 28 novembre au 9 décembre. Air Canada a déposé le 2 décembre un avis de différend et une demande de conciliation.
Le 21 décembre 2011, Mme la juge Louise Otis a été nommée commissaire-conciliatrice et les négociations ont repris à Montréal avec son aide, du 9 au 21 janvier, puis du 30 janvier au 10 février, un accord de principe ayant été conclu ce jour-là.
[Traduction]
Air Canada a appris que, malheureusement, les membres de l'AIMTA avaient rejeté cet accord de principe le 22 février. Air Canada a rencontré l'AIMTA de nouveau le 5 mars afin de discuter des raisons de l'échec de la démarche et de concevoir un plan pour faire bouger les choses. Le 6 mars, l'AIMTA a signifié à Air Canada son intention de déclencher une grève dès minuit une le 12 mars 2012.
En ce qui concerne ses pilotes, Air Canada a convié l'Association des pilotes d'Air Canada à la table de négociation le 27 août 2010. L'association a accepté l'invitation le 15 septembre suivant, et les négociations ont été entamées à Toronto le 4 octobre 2010.
Le 17 mars 2011, les deux parties ont conclu un accord préliminaire, mais Air Canada a appris, le 19 mai 2011 que, malheureusement, les membres ne l'avaient pas ratifié.
[Français]
Le 26 octobre 2011, Air Canada a demandé une conciliation après l'échec répété de ses tentatives pour ramener l'APAC à la table de négociation et le 10 novembre, Paul MacDonald a été nommé conciliateur. Le 23 novembre, les parties ont repris la négociation, l'APAC ayant envoyé un nouveau comité de négociation investi d'un mandat différent. La période de conciliation a été prolongée de sept jours le 9 janvier 2012, d'un autre jour le 16 janvier et de nouveau de six jours le 17 janvier. Elle a pris fin le 23 janvier, et a été suivie, du 24 janvier au 13 février, d'une période de réflexion pendant laquelle Paul MacDonald a été nommé médiateur.
Le 14 février, Air Canada et l'APAC ont écrit au ministre du Travail pour confirmer l'acceptation de la médiation proposée en vertu de l'article 105 par l'honorable Lisa Raitt. Le 17 février, les médiateurs, Mme la juge Louise Otis et M. Jacques Lessard, ont rencontre des représentants d'Air Canada et de l'APAC afin de discuter de la logistique et du calendrier de médiation. Le 27 février, lorsque la juge Otis a démissionné de ses fonctions de médiatrice adjointe, après que l'APAC se soit inquiétée de sa disponibilité en raison d'engagements professionnels antérieurs.
[Traduction]
Le 7 mars, Air Canada a présenté à l'Association des pilotes d'Air Canada notre meilleure offre finale, qui devait être acceptée au plus tard à midi, le 8 mars. Le même jour, la ministre du Travail a fait parvenir une lettre dans laquelle elle indiquait que la juge Louise Otis ne serait pas remplacée et que M. Jacques Lessard demeurerait le seul médiateur. Le 8 mars, Air Canada a présenté un avis indiquant son intention de décréter un lock-out une minute après minuit, le lundi 12 mars, alors qu'Air Canada n'avait toujours pas reçu l'ensemble de la proposition de l'Association des pilotes d'Air Canada.
[Français]
Air Canada est fermement convaincue que l'entente de principe conclu avec l'AIMTA, et rejeté par ses membres, ainsi que l'offre finale présentée à l'APAC comportait de nettes améliorations des salaires et des conditions de travail. Nous estimons que ces ententes n'étaient absolument pas de nature à exiger des concessions du point de vue des employés. Par exemple, l'entente de principe avec l'AIMTA, qui a été rejetée, prévoyait une hausse salariale de sept p. 100 pour les quatre années visées par la convention pour le personnel des aéroports et du fret. L'introduction de primes pour les postes de soir et de nuit, l'ajout d'une pause repas payée de 30 minutes à compter du 30 septembre 2012, cinq jours de congés divers au bout de dix années de service, une plus grande sécurité d'emploi grâce au maintien des services au sol de sociétés en commandite Jazz Air dans les escales où le travail est présentement effectué pour la durée de la convention et la participation des employés existant au régime de retraite à prestation déterminée.
(1620)
[Traduction]
En ce qui concerne les employés du groupe des services techniques de l'AIMTA, l'entente de principe, qui a été rejetée, prévoyait entre autres une augmentation de salaire de 9 p. 100 pendant la durée du contrat, soit quatre ans. Elle prévoyait l'instauration d'une prime fondée sur les compétences pour certaines catégories d'employés, des augmentations salariales prédéfinies pour certaines catégories d'employés en fonction de l'annotation de qualification, l'instauration d'une prime de quart pour les travailleurs du quart de nuit, l'amélioration du processus des soumissions relatives aux quarts de travail, l'instauration d'une prime salariale pour certaines catégories d'employés ainsi que la protection du régime de pension à prestations déterminées des employés en poste.
Pour ce qui est de l'offre finale présentée à l'ACPA, le syndicat qui représente les pilotes, la proposition d'Air Canada comprenait notamment une augmentation salariale générale de 14 p. 100 sur une période de cinq ans à compter de la date de la ratification, la protection du régime de pension à prestations déterminées des employés en poste ainsi qu'un engagement, de la part d'Air Canada, de négocier des changements appropriés avec l'ACPA si la convention collective devait être modifiée afin de pouvoir participer aux segments du marché où les coûts sont moindres. Le contrat prévoyait également la création de fonds communs, par groupe salarial, afin de permettre aux pilotes de maximiser leur salaire au début de leur carrière. La proposition comprenait aussi une augmentation de 14 p. 100 des indemnités de repas pris au Canada, de même qu'une augmentation des sommes allouées pour l'achat d'uniformes et des gratifications. Elle prévoyait aussi que les pilotes doivent être payés quatre heures par jour lorsqu'ils suivent une formation annuelle régulière, leur permettait d'être disponibles pour faire plus d'heures supplémentaires, de façon volontaire, afin d'augmenter leur revenu, instaurait un système permettant aux pilotes de réserver certains vols à longue distance pendant plusieurs mois et prévoyait un autre bloc de jours de congés mensuels garantis pour les pilotes de réserve pour certains vols à courte distance. Air Canada croit fermement que ces améliorations apportées aux conditions de travail et aux échelles salariales actuelles des pilotes sont justes et que, si elles ne sont pas les meilleures de l'industrie, elles se comparent avantageusement aux autres conditions de travail et échelles salariales de l'industrie.
Si on exclut les primes et les prestations de maladie et de retraite, voici le salaire moyen versé en 2011 aux employés à temps plein d'Air Canada représentés par l'AIMTA : 68 640 $ pour les techniciens brevetés d'entretien d'aéronef; 60 341 $ pour les mécaniciens; 51 734 $ pour les agents de fret; 41 048 $ pour les manutentionnaires de bagages. En plus d'un salaire de base, ces employés ont reçu en moyenne 2 125 $ en primes, en 2010. Ces mêmes employés ont reçu une augmentation de salaire de 5 p. 100, de 2006 à 2008, et des primes annuelles de 1,9 p. 100 à 2,9 p. 100, de 2005 à 2010. En plus de cette hausse salariale et de ces primes, environ 25 p. 100 de nos employés ont reçu une augmentation de salaire annuelle correspondant à 11 p. 100 de leur salaire de base, établie selon l'échelle salariale fixée.
En outre, Air Canada offre des régimes complets de soins de santé et de soins dentaires, et les employés participent au régime de pension à prestations déterminées de l'entreprise. On estime que ces avantages correspondent à environ 28,5 p. 100 du salaire annuel.
[Français]
En ce qui concerne l'APAC, la rémunération et les avantages sociaux du groupe des pilotes se situent dans le quartier supérieur en Amérique du Nord. Les pilotes d'Air Canada en service actif touchent en moyenne 143 000 $ par année, sans tenir compte des soins médicaux et de la participation au régime de retraite.
Sur les 500 employés les mieux payés à Air Canada, 479 sont en fait des pilotes. Parmi les 20 employés qui gagnent le plus à Air Canada, 10 sont des pilotes. Selon le mois et le type d'avions sur lequel ils sont affectés, les pilotes doivent effectuer entre 64 et 85 heures de vol par mois et, ils ont en moyenne entre 12 et 18 jours de repos par mois. Les pilotes d'Air Canada bénéficient également d'un programme de soins médicaux et dentaires des plus complets, l'un des plus généreux au Canada, qui couvre les coûts des soins médicaux des employés et ils participent au régime de retraite à prestations déterminées de la société.
Actuellement, la plupart des pilotes prennent leur retraite à 60 ans, après 32 ans de service, et ils reçoivent en moyenne, du régime de retraite à prestations déterminées une rente annuelle de 116 000 $.
La direction est, pour sa part, fermement convaincue qu'Air Canada offre en tant qu'employeur de bonnes conditions de travail, une rémunération équitable et des avantages sociaux exceptionnels à ces groupes d'employés. Les ententes de principe conclues avec l'AIMTA et l'APAC et l'offre finale faite par la suite à l'APAC représentaient dans l'esprit de la direction une évolution raisonnable et équitablement négociée de ses conditions de travail, régimes salariaux et programmes d'avantages sociaux. Nous espérions sincèrement parvenir à des ententes négociées qui seraient ratifiées par les groupes en question, ce qui n'a malheureusement pas été le cas.
Cela dit, notre priorité était de mettre un terme au climat permanent d'incertitude syndicale qui se répercute sur les clients et déstabilise l'entreprise. Dans l'intervalle, nous sommes toujours disponibles et disposés à communiquer avec les deux syndicats. Merci d'avoir pris le temps de nous écouter. Nous répondrons avec plaisir à vos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie de cet excellent exposé, qui nous a donné un très bon aperçu de la situation. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J'ai une liste de sénateurs qui souhaitent encore poser des questions, et le sénateur Cowan sera le premier à le faire.
Le sénateur Cowan : Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à tous. Je devrais mentionner que nos comités n'ont pas l'habitude de siéger en même temps que le Sénat, mais, puisqu'il s'agit d'un comité plénier, certains sénateurs siègent au sein d'autres comités. Ce n'est pas par manque d'intérêt qu'un grand nombre de sénateurs sont absents; ils ont actuellement d'autres tâches à assumer au sein de ces autres comités.
Air Canada approuve-t-elle la nomination d'un arbitre des offres finales, aux termes de l'article 11 du projet de loi?
Kevin Howlett, premier vice-président — Relations avec les employés, Air Canada : Pour répondre à votre question, honorable sénateur, je dirais que nous voulons conclure le processus, qui dure depuis très longtemps. Si la nomination d'un arbitre des offres finales nous permet de le faire, nous l'approuvons.
Le sénateur Cowan : Vous appuyez le mécanisme décrit à l'article 11 de la loi?
M. Howlett : Pour nous, il aurait été nettement préférable de parvenir à une entente négociée, mais comme cela n'était pas possible, le choix de l'offre finale est ce la seule option.
Le sénateur Cowan : Le mécanisme décrit ici, à défaut d'une entente négociée — ce que vous auriez préféré —, est celui que vous appuyez pour régler la situation?
M. Howlett : C'est exact, en effet.
Le sénateur Cowan : Pourriez-vous nous expliquer rapidement, car un certain nombre de sénateurs veulent vous parler, quels sont les principaux obstacles? Quelles sont les deux ou trois grandes questions qui vous empêchent d'arriver au résultat que vous auriez préféré, c'est-à-dire un règlement négocié? Sans entrer dans les détails, quels sont les principaux obstacles?
M. Howlett : Dans le cas de l'AIMTA, cela se ramène à des questions liées au régime de pension, à des dispositions concernant la détermination des quarts de travail et du tableau des affectations. Pour les pilotes, et c'est vraiment très général, il reste un bon nombre de questions non réglées, notamment des changements aux règles de travail et la portée de la convention collective. Le régime de pension crée également des difficultés pour ce groupe.
Le sénateur Cowan : Merci.
(1630)
Le sénateur Segal : Je tiens à remercier les représentants d'Air Canada d'avoir pris le temps de venir témoigner aujourd'hui.
Je veux parler des moyens d'échapper à ce cycle. C'est nécessairement difficile pour le moral de la direction; c'est nécessairement difficile pour le moral des groupes de négociation. Il me semble que certains aspects de ce cycle sont récurrents; chaque fois qu'une négociation importante commence, quelqu'un mentionne les risques de faillite. Il y a toujours la question du rapatriement des profits chez ACE et de la distribution de ces profits, et c'est ce que vous diraient les groupes de négociation dans le cours normal du processus.
Lorsque le gouvernement intervient pour protéger l'intérêt public — non pas pour se ranger du côté de la direction ou du côté des groupes de négociation, mais par souci de l'intérêt public —, cette intervention devient, peut-être par mégarde, une partie du cycle. Les gens pensent donc que les négociations ne peuvent jamais se dérouler de façon relativement normale, puisque Sa Majesté interviendra tôt ou tard par l'entremise du gouvernement. Cela finit par créer des difficultés des deux côtés.
Vous êtes des professionnels, vous possédez d'immenses compétences, vous avez de l'expérience, vous voyez le cycle, ses conséquences et ses coûts. J'aimerais savoir quels conseils vous pouvez nous donner pour échapper à ce cycle, mais de façon positive — pour que la ligne aérienne puisse mettre de l'ordre dans ses relations de travail, de façon constructive. Il se pourrait que le cycle disparaisse parce la société mère ou la compagnie elle-même procède à une restructuration économique fondamentale, rendue nécessaire par les conditions économiques générales.
Les transporteurs traditionnels ont eu leur part de difficultés. Air Canada s'en est extrêmement bien tirée, compte tenu de certains de ces problèmes, mais ces problèmes demeurent.
Je crois que je parle au nom de quelques sénateurs lorsque je tente d'obtenir les conseils les plus éclairés que vous puissiez nous fournir sur la façon d'échapper à ce cycle, en supposant que la direction est d'une bonne foi absolue — et c'est certainement ce que je pense — pour que la vision d'une société Air Canada privatisée, qui s'en tire bien, qui maintient l'excellence de son service et qui continue d'assurer des liaisons dans le monde entier avec le Canada tant du côté passagers que du côté marchandises, puisse progresser, et pas toujours grâce à l'intervention de la Chambre haute ou de la Chambre basse comme élément trimestriel régulier de son cycle d'activité.
M. Howlett : Pour répondre à votre question, la situation d'Air Canada aujourd'hui se distingue de ce que nous avons connu par le passé. Si vous revenez sur l'histoire d'Air Canada, vous constaterez qu'elle a fort bien réussi, au fil des ans, à conclure des conventions collectives avec ses employés, et ce, avec un minimum d'« interruption de travail », si je peux m'exprimer ainsi. La compétitivité de nos conventions collectives et la situation de nos employés relativement à leurs collègues et à l'industrie sont vraiment enviables.
Toutefois, je crois que ce qu'il y a de nouveau, c'est que nous avons conclu des conventions collectives avec nos employés pendant la présente ronde de négociation. Exception faite des trois jours de grève des TCA, nous avons réussi à conclure huit ententes avec six de nos syndicats. Comme vous le savez, certaines ententes ont été rejetées.
Selon moi, ce qui se passe ici — et c'est la difficulté à laquelle notre société et les chefs syndicaux sont confrontés —, c'est qu'il y a dissonance entre les dirigeants et les membres. Je pense que diverses conséquences négatives découlent de cette situation. Aujourd'hui, nous le constatons puisque nous avons conclu une entente de principe librement négociée et que les dirigeants ont proposée aux membres de l'AIMTA — et la même chose s'est produite dans le cas de nos pilotes — et que ces deux ententes ont été rejetées.
L'époque où les dirigeants syndicaux pouvaient définir et gérer le message destiné à leurs membres est bien révolue. Facebook, Twitter et tous les autres médias sociaux en ont sonné le glas. Notre monde a changé. L'un des défis que le législateur et nous tous devons relever est de produire une loi qui reconnaisse cette réalité et qui la confronte.
Notre société doit encore composer avec des contraintes importantes — pour ainsi dire — en ce qui concerne ce que nous pouvons communiquer à nos employés en période de négociations collectives.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Est-ce que les anciennes frictions sur le jumelage d'Air Canada et de Canadien Pacifique, du point de vue des pilotes, sont complètement résolues ou est-ce qu'il y a encore des séquelles de ces frictions?
[Traduction]
Le Capitaine Dave Legge, premier vice-président — Exploitation, Air Canada : Je suis le premier vice-président de la section Exploitation d'Air Canada, le capitaine Dave Legge. Pourriez-vous préciser votre question s'il vous plaît? Me demandez-vous s'il y a encore des frictions entre les employés à cause de la fusion réalisée il y a 12 ans?
Le sénateur Dallaire : Oui, entre les pilotes, surtout, et l'équipage.
M. Legge : Franchement, je ne crois pas qu'il y ait encore des frictions. À mon avis, cette situation ne nuit aucunement à la sécurité des opérations aériennes. Il ne faut par contre pas en déduire que nos pilotes actuels sont totalement satisfaits du résultat de la fusion des listes d'ancienneté qui a eu lieu il y a 12 ans. Ces frictions nuisent-elles à la sécurité des opérations aériennes? La réponse est un non catégorique.
Le sénateur Dallaire : Ces frictions persistantes ont-elles transparu d'une façon ou d'une autre dans les négociations, ou bien les pilotes font-ils preuve de solidarité?
M. Legge : Selon ce que je sais, il n'en a été nullement question dans les négociations actuelles, et, même si c'était le cas, l'incidence sur les négociations serait minime.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Le sénateur Segal a été très généreux dans sa description de la réputation d'Air Canada. Vous êtes de classe mondiale. Vous allez dans un bon nombre de pays à travers le monde, il n'y a de cela aucun doute.
Est-ce que vous pouvez me dire, parce que vous avez soulevé, madame, que les bénéfices pour nos pilotes étaient très bien, sinon généreux et que, selon vous, ils sont amplement suffisants pour répondre à leurs besoins et à leurs responsabilités.
Combien, d'accidents étaient attribuables, au cours de la dernière décennie, à des erreurs de pilote?
Mme Sénécal : Dans l'aviation en général?
Le sénateur Dallaire : Non, chez vous à Air Canada.
Mme Sénécal : Cela dépend de la définition d'accidents, mais le dernier accident majeur d'Air Canada, c'était à Fredericton en 1997. Cet accident majeur n'a pas eu lieu au cours de la dernière décennie.
Le sénateur Dallaire : Je parle d'accidents qui peuvent causer des ennuis à vos opérations où des avions deviennent inutilisables.
Mme Sénécal : Chez Air Canada, à ma connaissance...
[Traduction]
Le dernier accident qui a rendu un aéronef d'Air Canada inutilisable est survenu en 1997 à Fredericton. Le capitaine Legge pourrait me corriger si je me trompe.
M. Legge : C'est exact. Notre dernier accident a eu lieu en 1997, et il n'y a eu aucune perte de vie. Cet accident n'était pas attribuable au fait que l'aéronef était « hors d'usage ».
(1640)
Le sénateur Dallaire : Là où je veux en venir, c'est que vous avez beau laisser entendre que l'entente proposée aux pilotes répond entièrement à leurs demandes, nous n'avons aucun point de comparaison. Par exemple, on pourrait faire une comparaison avec les transporteurs américains et parler du nombre d'accidents occasionnés par une erreur du pilote qu'ils ont enregistrés; des compagnies qui ont fermé boutique, comme Swissair, et des mesures qu'elles ont prises pour rectifier les problèmes avec leurs pilotes; ou encore de KLM et des conditions de travail de ses pilotes.
Pouvez-vous nous dire comment nous nous comparons à d'autres transporteurs dans le monde et si nos pilotes sont du même calibre que les leurs ou d'un calibre supérieur? À mon avis, quels que soient les chiffres que vous citez, à moins de nous donner un point de repère, on peut seulement dire si on trouve que c'est bien ou non. On ne peut pas seulement se contenter de dire qu'ils ont un excellent régime de santé — j'espère bien qu'ils ont un excellent régime de santé — ou d'autres privilèges et avantages. Je viens d'un milieu où les pilotes ont toujours été traités différemment, c'est le moins qu'on puisse dire.
M. Legge : Je vous comprends. Je viens moi aussi d'un milieu militaire.
Le sénateur Dallaire : Comparativement à l'artillerie qui cherchait à les descendre.
M. Legge : La rémunération de nos pilotes se situe dans le premier quartile. Air Canada a le privilège de choisir les meilleurs pilotes. Nous recevons des milliers de demandes; beaucoup de pilotes veulent travailler pour Air Canada. Nous retenons seulement un candidat sur trois. Ils suivent ensuite notre programme de formation qui, tout comme notre processus de sélection rigoureux, est l'un des plus perfectionnés au monde. Je n'ai absolument aucun doute quant à la compétence de nos pilotes. Ce sont des professionnels bien formés.
Le sénateur Dallaire : Qu'est-ce qui les amène donc à être si insatisfaits de votre offre?
M. Legge : Beaucoup de modifications ont été apportées à la convention préliminaire. Faute d'une meilleure expression, on a apporté un changement transformationnel à la conduite des opérations de vol et à la gestion du groupe des pilotes. On a apporté un certain nombre d'améliorations à la productivité, mais on s'est également entendu sur une proposition qui nous permettrait de réduire la formation offerte. À l'heure actuelle, chaque fois qu'un pilote d'Air Canada prend sa retraire, sept cours doivent être offerts. Les pilotes sont rémunérés en fonction du type d'aéronef qu'ils pilotent et de la répartition des sièges.
Nous avons discuté avec la première équipe de négociation des moyens de réduire nos dépenses relativement à la formation et nous avons eu l'idée de constituer des groupes pour la rémunération. Dans ce système, tous les commandants de bord de gros porteur recevraient le même salaire, et le même principe s'appliquerait à tous les copilotes. Je crois que nous avions prévu créer cinq groupes de ce type. Nous voulions ainsi réduire le nombre de cours à donner. La retraite d'un pilote, à l'âge de 60 ans, n'engendrerait que quatre cours et demi environ.
Cette solution nous paraissait avantageuse et pour l'entreprise, et pour les pilotes. Ils n'auraient plus été obligés de suivre autant de cours pour gagner davantage d'argent. De plus, les commandants de bord de gros porteur auraient pu plus aisément atteindre le maximum des gains ouvrant droit à pension.
L'autre élément de la première entente de principe visait un transporteur à bon marché. Nous sommes d'avis que cette partie de l'entente de principe a été un facteur déterminant dans le rejet de cette dernière.
Le sénateur Dallaire : L'ancienneté n'est plus un facteur?
M. Legge : C'est toujours un facteur, mais, dans un système de rémunération selon le groupe d'appartenance, ce serait un facteur moins important. Les pilotes rechercheraient de meilleurs conditions de travail plutôt que de viser les appareils auxquels serait rattaché un meilleur salaire, mais avec des conditions de travail moins bonnes.
Le sénateur Dallaire : Je voudrais soulever en terminant la question de l'expérience. Aux États-Unis en particulier, on s'inquiète de la réduction des exigences à cet égard, c'est-à-dire du nombre d'années ou d'heures de vol, ce qui peut avoir des répercussions. Cette question a-t-elle été soulevée par vos pilotes? Détermine-t-elle d'une manière ou d'une autre leur position dans les négociations?
M. Legge : Je crois que le niveau d'expérience a probablement été réduit aux États-Unis parmi les transporteurs de deuxième et de troisième catégories. Chez Air Canada, ce n'est pas le cas. Nos pilotes doivent avoir au minimum 2 000 heures de vol et un certificat d'études secondaires. Les pilotes que nous engageons ont habituellement plus de 2 000 heures de vol et ont fait des études postsecondaires. Nous n'avons pas réduit le nombre d'heures de vol ou l'expérience que nous exigeons des pilotes que nous embauchons.
Le sénateur Dallaire : Merci.
Le sénateur Finley : Nous ne sommes pas ici pour négocier un contrat au nom des parties. Je suis certain que, si nous posions la question aux deux parties, elles nous diraient qu'elles ont négocié de bonne foi, et je tiens pour acquis que c'est le cas. On m'a toujours enseigné d'éviter la grève autant que possible, en tant que négociateur, car une grève n'est avantageuse pour personne.
Pensons aux conséquences d'un arrêt de travail. Nous avons entendu parler de pertes d'environ 22 millions de dollars par semaine, ce qui me semble bien peu. Je crains que les contrecoups d'un arrêt n'entraînent des pertes encore plus grandes.
Avez-vous un modèle qui permettrait de faire de chiffrer les conséquences sur les employés et les postes d'un éventuel arrêt de travail complet à Air Canada? Un modèle qui prédirait, par exemple, combien de temps serait requis, après une, deux ou trois semaines d'arrêt, pour que la compagnie reprenne ses opérations à pleine capacité? J'imagine que plus l'arrêt est long, plus les conséquences sont lourdes pour le transporteur : des pilotes et des aéronefs coincés un peu partout dans le monde, des bulletins de service qui ne font l'objet d'aucun suivi, des pièces qui viennent à manquer et un engorgement terrible chez les sous-traitants. À quel point la durée d'un arrêt de travail éventuel serait-elle critique, selon vous?
M. Howlett : Je vais répondre en premier et mon collègue ajoutera ses observations par la suite. Un arrêt des opérations chez Air Canada coûterait environ 33 millions de dollars par jour, ce qui comprend les coûts de l'arrêt lui-même et les coûts liés au redémarrage par la suite.
Deuxièmement, si on ferme Air Canada, tous les employés seront en situation d'inactivité. On parle de plus ou moins 26 000 employés. Il faudra ensuite tenir compte du fait qu'Air Canada mène des opérations partout dans le monde, comme vous l'avez dit. Il faudra licencier des gens et les réengager. De plus, le problème des coûts fixes se poursuivra même si la compagnie est inactive.
La fermeture d'Air Canada est probablement la partie la plus facile. Je laisserai M. Legge vous parler des frais d'entretien et d'exploitation qui seront requis pour rétablir pleinement les services d'Air Canada par la suite, en fonction de la durée de la grève. Bien sûr, la question qui prime toutes les autres est de savoir si Air Canada a la capacité financière de surmonter cette grève.
M. Legge : Si on veut fermer Air Canada, ou toute autre compagnie aérienne, la façon la plus efficace de procéder serait de commencer deux ou trois jours à l'avance. Autrement dit, il faudrait procéder à une fermeture ordonnée de la compagnie aérienne afin d'éviter que beaucoup d'avions se trouvent alors dans les différents aéroports internationaux, sans parler des membres d'équipage. Nous commencerions la fermeture deux ou trois jours à l'avance en annulant nos vols internationaux. Au début de la fermeture, les avions qui pourraient continuer à voyager seraient surtout ceux qui effectueraient des vols intérieurs et qui retourneraient le même soir. Nous voudrions nous assurer que la plupart de nos avions seraient de retour sur le territoire canadien, ce qui ne serait certainement pas facile. Ce serait la méthode de fermeture la plus efficace. À la reprise des activités, il faudrait probablement entre trois et quatre jours pour rétablir pleinement les services de la compagnie aérienne.
(1650)
Le sénateur Finley : J'ai cru comprendre que la plupart des avions sont loués. Si on tient compte du fait que chaque avion coûte approximativement 200 millions de dollars, ces conditions de location doivent être assez contraignantes durant une fermeture. Air Canada devrait-elle continuer à respecter ses contrats de location?
Mme Sénécal : Très certainement. Il faudrait payer toutes les locations. Toutes les obligations en matière d'entretien prévues dans le contrat de location devraient être respectées.
Le sénateur Finley : Sans révéler la recette secrète ni aucun secret de la compagnie aérienne, pouvez-vous me donner une idée du montant en cause?
Mme Sénécal : C'est compris dans les 30 millions de dollars.
Le sénateur Finley : De vos 26 000 employés, combien sont syndiqués et combien ne le sont pas? Avec combien de syndicats distincts qui représente les employés syndiqués devez-vous traiter?
M. Howlett : Notre effectif total est syndiqué à 87 p. 100. Les syndicats canadiens prédominent, évidemment. Nos employés qui sont basés aux États-Unis sont représentés par un syndicat, tout comme le sont nos employés qui travaillent au Royaume-Uni. Au Canada, nous avons cinq syndicats principaux : l'AIMTA représente les techniciens et les préposés des aéroports; l'APAC représente les pilotes; le SCFP est le syndicat des agents de bord; les TCA sont celui du personnel du service à la clientèle et le personnel chargé des horaires; enfin, la CALDA représente les régulateurs de vol.
Le sénateur Finley : L'AIMTA est celle qui représente le plus de syndiqués?
M. Howlett : Oui, c'est le syndicat le plus important dans notre secteur; il compte environ 8 100 employés.
Le sénateur Finley : Est-ce que les syndicats qui ne représentent pas les pilotes et les machinistes sont conscients, et ils doivent l'être, du fait que, si le pire arrivait et si la compagnie fermait ses portes, leurs membres perdraient leur emploi également? Y a-t-il eu des réactions de la part de ces autres syndicats?
M. Howlett : Je suppose que les autres unités de négociation savent que si l'une ou l'autre de ces unités quittait le travail, étant donné le nombre de leurs travailleurs et ce qu'ils font, nous fermerions la ligne aérienne.
Chacune de nos conventions collectives contient des clauses pour les cas où il n'y a pas de travail. Au fond, les travailleurs sont rayés de la feuille de paye de façon accélérée. Autrement dit, ils sont mis à pied en bloc et sont repris en bloc lorsque l'entreprise reprend ses activités. De façon générale, les gens doivent être au courant.
Le sénateur Finley : Quel est l'horizon de planification d'Air Canada pour ce qui est de ses liaisons et de ses employés? De façon générale, il s'agit de votre plan d'entreprise. De quel ordre est cet horizon de planification? Je sais que vous considérez un horizon très proche, mais sur quelle période Air Canada se projette-t-elle, planifie-t-elle et cherche-t-elle à donner de l'expansion à ses activités? Est-ce 10 ans, 15 ans?
M. Howlett : Évidemment, nous avons un plan annuel qui guide le travail. Puis, nous avons la planification à long terme, qui prend des instantanés sur une période de cinq ans, de sept ans, et ainsi de suite, et qui porte sur des choses comme le remplacement de la flotte, l'expansion du marché et d'autres questions de cette nature.
Le sénateur Finley : N'importe qui sait que, en ce moment, le secteur des transports aériens a une marge très étroite, car United Airlines, American Airlines et bien d'autres compagnies ont frappé un mur ou ont dû se placer sous la protection du chapitre 13. Mesurez-vous par exemple un rendement sur les actifs? Avez-vous une mesure quelconque qui permettrait une comparaison rapide avec d'autres entreprises à forte intensité de capital? Jusqu'où descend le rendement sur l'avoir des actionnaires?
M. Howlett : Pour répondre à votre question, je dirai que la mesure normalisée dans l'industrie a pour sigle BAIIA : bénéfice avant intérêts, impôts et amortissements. C'est là le principe généralement accepté dans cette industrie pour mesurer le rendement selon un certain nombre de critères.
Mme Sénécal : On emploie aussi une autre unité : le coût par siège- mille disponible. Cette mesure universelle permet de comparer des lignes aériennes entre elles.
Le sénateur Finley : Vous volez avec un taux de remplissage d'environ 81 p. 100, n'est-ce pas?
Mme Sénécal : Le chargement global, oui.
M. Howlett : Ce que nous appelons le « trafic », oui, vous avez raison.
Le sénateur Finley : Environ 81 p. 100. Comment votre coût par siège-mille disponible se compare-t-il à celui d'autres lignes aériennes au Canada? Faisons une comparaison approximative avec WestJet ou un autre transporteur à faible coût, comme Porter. Quel est l'élément le plus important dans votre coût par siège-mille disponible? Je sais que ce sera différent si, depuis Ottawa, on vole vers Moscou ou vers Toronto.
Le sénateur LeBreton : C'est votre dernière question.
Le sénateur Finley : Quel est l'élément le plus important dans votre coût par siège-mille disponible?
Mme Sénécal : L'avantage de cette unité, c'est qu'elle permet de comparer différent types de lignes aériennes entre elles. Par rapport à WestJet, par exemple, notre coût par siège-mille disponible est d'environ 30 p. 100 plus élevé.
Le sénateur Finley : Pourquoi?
Mme Sénécal : À cause des salaires, des avantages sociaux, des caisses de retraite, des baux, de la location dans certains aéroports que nous desservons, des opérations et de l'entretien de nos appareils.
Le sénateur Finley : Merci.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup de votre exposé de cet après-midi. Pour en revenir à la question du sénateur Cowan sur l'arbitrage des offres finales, expliquez-moi comment cet arbitrage se déroule. Vous avez présenté une offre aux pilotes qui, apparemment, l'ont rejetée. Présenterez-vous la même offre dans le cadre de l'arbitrage? Pouvez-vous m'expliquer comment cela fonctionne?
M. Howlett : Oui. Premièrement, il est vrai que nous avons eu un projet d'accord avec les pilotes, et les syndiqués l'ont rejeté. Deuxièmement, nous avons repris les négociations en novembre dernier.
(1700)
Depuis novembre, il y a eu deux ou trois échanges de propositions entre les parties, avec le gros, sinon 95 p. 100 des questions encore en suspens. Dans l'arbitrage des offres finales, les parties préparent chacune de leur côté une proposition complète qui couvre toutes les questions qui se trouvent habituellement dans une convention collective, depuis la durée jusqu'aux questions financières en passant par les conditions de travail, par exemple, et elles présentent leur proposition à l'arbitre. Celui-ci, après avoir entendu les deux propositions, choisit l'une ou l'autre.
Le sénateur Meredith : L'article 13 parle aussi des questions qui font toujours l'objet d'un différend. Comment ces questions se règlent-elles une fois que l'arbitre a pris une décision pour la protection des deux parties? Comment est-ce qu'on arrive à progresser?
M. Howlett : L'arbitre tentera peut-être de voir sur quels points les parties s'entendent. Puis, il y a la liste des questions non réglées, et ce serait là la base du choix de l'offre finale.
Le sénateur Meredith : Vous avez parlé de 26 000 employés. Le gouvernement étudie en ce moment la possibilité d'effectuer des compressions et des coupes dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Qu'en est-il de la viabilité financière d'Air Canada? Pouvez-vous nous dire comment se porte actuellement l'entreprise?
M. Howlett : Je dirais, comme l'a mentionné un de vos collègues, que c'est un secteur difficile. Les marges sont extrêmement minces. Je pense que les problèmes financiers associés à l'ensemble de ce secteur et à Air Canada, ici au Canada, sont bien documentés. C'est un secteur d'activités extrêmement difficile.
Pour ce qui est des résultats d'Air Canada en 2011, nous avons enregistré une perte de 240 millions de dollars.
Le sénateur Mercer : Merci, mesdames, messieurs, d'être venus. Je pense que nous devons reconnaître les sacrifices que les syndicats d'Air Canada ont faits au cours des 10 dernières années. On estime que les travailleurs ont fait des concessions de l'ordre de 2 milliards de dollars au cours de ces 10 années. En outre, ils ont accepté des modifications à leur caisse de retraite, qui est sous-capitalisée. J'ose espérer que, dans toute cette affaire, la société tient compte du fait que les syndicats ont été très conciliants en cette période de turbulences que connaît le secteur du transport aérien.
Vous avez mentionné à quelques reprises les différents échelons salariaux des pilotes de différents types d'appareils. Il serait peut- être utile de nous expliquer le contexte. Quel serait le salaire le plus bas et le salaire le plus élevé d'un pilote? Je comprends que piloter un petit appareil fait appel à des compétences différentes que celles exigées pour piloter un gros-porteur 747.
M. Howlett : Je vais essayer de répondre à cette question pour vous, sénateur. Selon les gains inscrits sur les T4 pour l'année d'imposition 2010, le pilote le mieux payé à Air Canada, a gagné exactement 268 781,32 $. Le salaire moyen des pilotes est de 143 000 $ par année, exclusion faite des coûts pour le régime de retraite, les avantages sociaux et les frais médicaux.
Par comparaison, le salaire moyen d'un cadre, encore une fois, est...
Le sénateur Mercer : Ma question ne porte pas là-dessus.
M. Howlett : Il est de 69 000 $.
Si vous voulez savoir quel pilote recevrait le plus bas salaire, ce serait une nouvelle recrue. Il gagnerait au départ aux alentours de 40 000 $ à 42 000 $ par année.
Le sénateur Mercer : C'est tout un écart, de 40 000 $ à 268 000 $.
Nous aimerions peut-être discuter des salaires des gestionnaires ou d'autres points. Nous voudrions peut-être parler des montants que d'anciens dirigeants ont empochés quand ils ont quitté une entreprise en difficulté, mais ce n'est pas notre but aujourd'hui. Le public est au courant de ces faits, comme nous tous d'ailleurs.
Quelqu'un, je crois que c'était le sénateur Segal, a mentionné que le moral devait être bien bas tant dans les bureaux des gestionnaires que parmi les membres des différents syndicats. Je le comprends. Je crois toutefois que les gestionnaires doivent se sentir plutôt confortables puisque, chaque fois qu'un conflit de travail semble un peu problématique ou que des syndiqués rejettent une entente de principe négociée par leur équipe, nous nous retrouvons ici. Les gestionnaires ont donc la vie plutôt facile. Je crois qu'ils n'ont pas vraiment besoin de négocier honnêtement, sincèrement, en toute bonne foi avec les syndicats, qui s'efforcent de bien défendre les intérêts de leurs membres. Les gestionnaires peuvent avoir confiance que le gouvernement interviendra toujours et fera adopter une loi afin d'éviter un arrêt de travail — et non d'obliger un retour au travail — comme nous le faisons ici.
[Français]
Mme Sénécal : Nous voudrions rappeler que nous avons conclu six ententes avec les représentants dûment choisis par chacun des syndicats. Nous avons négocié de bonne foi et avons conclu une entente qu'ils ont recommandée. C'est la raison pour laquelle nous nous retrouvons ici aujourd'hui, et, dans le cas des agents de bord, à deux reprises.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Former des pilotes coûte cher, comme nous le savons. Nous en avons entendu parler dans les témoignages présentés au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Ce comité examine actuellement votre industrie, et la situation est loin d'être rose. On nous a dit que les coûts de formation des pilotes étaient extrêmement élevés. Qui assume ces coûts? Quand vous embauchez un nouveau pilote pour un salaire de 40 000 $ ou de 42 000 $, il arrive déjà bien formé, et il a déjà 2 000 heures de vol à son actif, si j'ai bien compris.
M. Howlett : Au moins.
Le sénateur Mercer : Ce nouveau pilote répond probablement aux exigences minimales fixées pour un type d'appareil précis. Qui a payé la formation qu'il a déjà reçue, et qui paiera celle qu'il recevra comme employé d'Air Canada?
M. Legge : Quand nous embauchons un pilote, il suit d'abord le cours d'introduction des pilotes, un cours de deux semaines payé par Air Canada. À la fin de ce cours, chaque pilote est affecté à un poste de copilote ou de pilote de réserve en croisière sur un jumbo jet. Air Canada paie toutes les formations que suit un pilote de son embauche jusqu'à sa retraite; il peut s'agir, par exemple, d'une formation sur un nouveau type d'aéronef, ce que nous appelons une formation de transition, une d'une formation régulière que nous offrons aux pilotes chaque année.
Le sénateur Mercer : J'émets une hypothèse et j'espère que vous me corrigerez si j'ai tort. Une personne qui gagne 40 000 $, pilote-t- elle uniquement des avions court-courriers au Canada? Elle ne pilote pas encore de gros-porteurs qui assurent des liaisons internationales, n'est-ce pas?
M. Legge : Plus l'avion est gros, plus le salaire est élevé. De plus, en règle générale, dans un avion donné, le commandant de bord gagne davantage que le copilote, et celui-ci gagne davantage que le pilote de réserve en croisière.
(1710)
Habituellement, les pilotes — et c'est particulièrement vrai dans le cas des copilotes — vont commencer à bord de petits avions, souvent des Embraer, qui desservent toute l'Amérique du Nord. S'ils travaillent comme pilote de réserve en croisière à bord d'un 767 ou d'un 777, alors ils feront des vols internationaux, puisque ce sont les liaisons que ces avions assurent. Par la suite, leur progression dépend uniquement de leur ancienneté.
Le président : Honorables sénateurs, voilà qui met fin aux questions destinées à ces témoins. Au nom de tous les sénateurs, je remercie les témoins d'être venus ici aujourd'hui pour nous aider à examiner le projet de loi. Vous pouvez maintenant partir.
Honorables sénateurs, on m'informe que des témoins représentant certaines associations et certains syndicats attendent à l'extérieur de l'enceinte. Êtes-vous d'accord pour entendre le témoignage de ces personnes cet après-midi?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
Honorables sénateurs, pendant que les témoins s'installent, je tiens à préciser que j'ai réfléchi plus longuement à la question de privilège soulevée par le sénateur Ringuette. On m'a informé que, le 18 octobre 2011, le Sénat avait adopté une motion sur les séances du mercredi dont le paragraphe c) se lit comme suit :
lorsque le Sénat siège un mercredi après 16 heures, les comités devant siéger soient autorisés à le faire, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard;
Je crois que ces renseignements seront fort utiles au sénateur Ringuette. Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup. Nous attendons maintenant l'arrivée de représentants de l'Association des pilotes d'Air Canada et d'autres responsables.
Honorables sénateurs, je suis heureux de vous informer que nous accueillons aujourd'hui, de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale, M. Chuck Atkinson, président-directeur général du district 140, et M. Dave Ritchie, vice-président général canadien; et, de l'Association des pilotes d'Air Canada, les captaines Paul Strachan et Jean-Marc Bélanger.
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association des pilotes d'Air Canada et de l'Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale. Je demanderais au représentant de chaque syndicat de présenter ses observations préliminaires, à la suite de quoi je donnerai la parole aux sénateurs pour qu'ils puissent poser des questions. Je sais que les syndicats ont peut-être des opinions divergentes sur certains aspects du projet de loi. J'inviterais donc les sénateurs à indiquer, si nécessaire, à quel syndicat ils adressent leurs questions.
Je ne sais pas qui souhaite parler en premier. Vous êtes-vous consultés? Ce seront les pilotes. Je vous cède la parole.
Le Capitaine Paul Strachan, président, Association des pilotes d'Air Canada : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. Je m'appelle Paul Strachan. Je suis président de l'Association des pilotes d'Air Canada. Je suis accompagné du capitaine Jean-Marc Bélanger, qui est président de notre Conseil exécutif national.
Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au Sénat aujourd'hui afin de vous présenter notre point de vue ainsi que celui des plus de 3 000 hommes et femmes professionnels qui assurent la bonne marche de la principale flotte aérienne canadienne.
Nous aimerions vous expliquer pourquoi nous sommes lésés par les mesures prises par le gouvernement du Canada visant à nous empêcher de négocier nos conditions d'emploi chez Air Canada.
Les pilotes attendent depuis une décennie de pouvoir renégocier les sacrifices qu'ils ont consentis lors de la restructuration de la compagnie aérienne en 2003 et 2004 et, bien sûr, de pouvoir remédier à d'autres problèmes soulevés dans le cadre de la convention collective, relativement aux activités du transporteur aérien durant cette période.
Or, nous sommes maintenant prisonniers d'un processus qui nous a été imposé et qui nous empêche de négocier. Nous n'étions pas en grève. Nous n'avons donné aucun avis de grève. En fait, nous avons informé le public et le gouvernement à plusieurs reprises — avant les vacances de Noël et les vacances scolaires de mars — que nous ne déclencherions pas de grève durant ces périodes à fort volume de passagers, et nous avons tenu parole.
Nous avons clairement dit que nous voulons tout mettre en œuvre pour parvenir à un règlement négocié — car c'est la meilleure solution, pour les deux parties — compte tenu du fait que les dispositions de notre convention collective sont très complexes, en raison de la nature de notre travail. C'est pourquoi nous croyons que l'adoption de cette mesure législative n'est pas justifiée.
En fait, c'est demain que le gouvernement devait renvoyer le conflit de travail chez Air Canada devant le Conseil canadien des relations industrielles, aux termes de l'article 87.4 du Code du travail. Bien sûr, cette mesure aurait interdit aux deux parties de déclencher une grève ou un lock-out pendant la période d'arbitrage, raison pour laquelle nous remettons en question la nécessité de présenter le projet de loi C-33. Nous sommes d'avis que cette mesure est excessive car, puisqu'elle a été adoptée, le processus d'arbitrage devant le CCRI devient complètement superflu.
Les pilotes d'Air Canada ont toutes les raisons d'être fâchés à propos des décisions néfastes pour cette noble société prises au cours de la dernière décennie par la direction et les actionnaires d'Air Canada. L'acte terroriste le plus haineux de l'histoire de l'humanité, lequel a eu des répercussions sans précédent sur cette industrie, a été suivi de près par l'une des pires pandémies qu'ait connues ce pays depuis la polio. Vous comprendrez donc qu'Air Canada éprouvait des difficultés financières à l'époque, raison pour laquelle les pilotes ont fait leur part. Ils ont accepté que la société étale sur plusieurs années l'amélioration des conditions de travail et les augmentations salariales — qui allaient de 15 à 30 p. 100, en fonction du poste —, lui permettant ainsi d'économiser littéralement des milliards de dollars.
Malgré ces importants sacrifices, consentis uniquement pour contribuer à la viabilité à long terme d'Air Canada — à laquelle personne n'attache plus d'importance que les 3 000 pilotes que je représente —, ils ont vu l'ensemble de leurs contributions être versées à des banques d'investissement et dans des fonds à vautour étrangers.
(1720)
Dans le même ordre d'idées, je signale qu'ACE Aviation Holdings, la société de portefeuille créée pour pouvoir jouer avec les anciennes sociétés filiales qui appartenaient totalement à Air Canada et réduire la valeur de leur actif — le détenteur de la pleine propriété effective parmi les actionnaires d'ACE Holdings — vient tout juste d'annoncer cette semaine qu'elle prévoit effectuer un dernier versement à ses actionnaires totalisant quelque 300 millions de dollars, ce qui représente les derniers vestiges de ce qu'a déjà été Air Canada. Tout cela s'ajoute à la somme s'élevant à plus 4,5 milliards de dollars, tirée de la valeur de l'ancien actif d'Air Canada, qui a déjà été remise aux actionnaires.
Malgré tout cela, les hommes et les femmes que je représente ont continué de travailler de façon professionnelle et compétente, comme ils l'ont toujours fait, dans un milieu très difficile. Le Canada n'est pas le meilleur endroit où être pilote d'avion. Les pilotes que je représente sont très compétents.
Au moment où nous commencions à se maintenir à flot, nous avons subi la pire dégringolade des actifs depuis la Grande Crise. Encore une fois, ils ont joué le jeu et contribué à l'élaboration d'un protocole spécial de financement en ce qui concerne les déficits relatifs au degré de solvabilité des pensions, ce qui a encore une fois fourni des milliards de dollars en liquidités à Air Canada. En fait, cette compagnie aérienne a ainsi pu économiser plus d'un milliard de dollars en intérêts qu'elle aurait normalement payés si elle avait emprunté cette somme.
Et ça recommence. Air Canada se plaint de ne rien avoir dans ses coffres. Air Canada dit une chose à la population, mais quelque chose de tout à fait différent à ses employés et au gouvernement du Canada. Il a été mentionné que très peu de négociations collectives au Canada se sont jamais soldées par une grève ou un lock-out; il n'y en a eu qu'une poignée. Dans ce cas-ci, toutefois, toute cette poignée est en relation avec Air Canada. C'est une indication qui devrait permettre à cette Chambre de tirer des conclusions.
Oui, Air Canada connaît des difficultés. Malgré ce qui s'est passé au cours de la dernière décennie, alors que nous encouragions les capitaux propres et les banques d'investissement étrangères à décapitaliser notre industrie et notre transporteur aérien national, tout n'est pas perdu. Les pilotes ne souhaitent rien autant que de sauver l'entreprise.
Bien sûr, nous voulons protéger notre gagne-pain, notre niveau de vie et nos pensions, mais le projet de loi C-33 n'est pas la solution. Nous avons soumis au ministère des Finances et à notre employeur des suggestions détaillées pour améliorer la viabilité du régime de pension. Nos propositions comprennent l'examen de facteurs comme le taux d'actualisation et les périodes d'amortissement. Le marché canadien des régimes de rentes n'est pas assez important pour absorber les actifs de l'une de ces fiducies. Oui, elles connaissent des difficultés, mais la situation n'est pas désespérée, alors pourquoi tentons-nous d'imiter des rentes fictives dans lesquelles nous ne pouvons vraiment pas investir nos fonds? De toute évidence, il faut trouver des mesures plus précises des rendements attendus. Ce sont des questions simples que le gouvernement du Canada n'a pas étudiées.
Il faut du temps pour négocier. J'ai mentionné la complexité de notre convention collective : elle fait 346 pages. C'est un document incroyablement complexe qui couvre tous les aspects de notre relation avec l'employeur. C'est le fruit de 60 années de négociations collectives constructives menées dans un esprit de collaboration, dans le cadre législatif du Canada.
Cette fois-ci, on nous écarte. Au fil des ans, nous avons négocié des améliorations graduelles de la réglementation sur la fatigue chez les pilotes et de la réglementation sur la période de service en vol. Le régime de réglementation normative du Canada compte parmi les plus lourds de la planète. Les pilotes d'Air Canada ont investi dans le processus de négociations collectives pour améliorer ce régime afin de le rapprocher raisonnablement de ceux d'autres compétences étrangères, sinon de le rendre équivalent. Nous avons également préconisé avec énergie l'amélioration de la réglementation canadienne; de fait, nous avons été à l'avant-garde de la majorité des améliorations en matière de sécurité dans notre industrie, tant avec l'Association des pilotes d'Air Canada qu'avec son prédécesseur, la Canadian Airline Pilots Association.
Le principal point à considérer relativement à ce projet de loi, c'est la sécurité — la sécurité du public —, c'est la priorité absolue des pilotes d'Air Canada. Nous prenons cela très au sérieux, comme il se doit, ce qui ne devrait pas vous étonner. Nous sommes votre dernier rempart à cet égard, honorables sénateurs. Lorsqu'un avion quitte la porte d'embarquement et que la porte du poste de pilotage est fermée, nous assumons toute la responsabilité.
J'ai mentionné que nous n'avions pas fait la grève. En réalité, notre employeur a annoncé son intention de nous mettre en lock-out à compter de minuit, dimanche dernier. Je viens d'entendre un représentant de la société dire à cette Chambre que cette mesure aurait entraîné des pertes de revenu énormes pour Air Canada. Son estimation, et ce n'est pas étonnant, était identique à la mienne — environ 30 millions de dollars par jour. Y a-t-il un sénateur ici présent qui croit qu'Air Canada était disposée à mettre ses pilotes en lock-out et à absorber de telles pertes? Cela s'élèverait à 200 millions de dollars de revenus perdus chaque semaine. Si vous y croyez, vous devez aussi admettre que les actionnaires d'Air Canada et le conseil d'administration d'Air Canada doivent regarder de travers le cadre de la société qui serait disposé à lui infliger de telles pertes. Je pense que ce n'était pas sérieux.
Nous sommes absolument opposés au processus et à de nombreuses dispositions du projet de loi C-33, mais, pour limiter les dommages que ce projet de loi risque d'entraîner, nous demandons aux sénateurs d'envisager quatre amendements qui le rendraient raisonnablement équitable.
Le premier est l'exigence que l'arbitrage porte sur le choix de l'offre finale — c'est une disposition draconienne; il n'y a aucun compromis possible; aucun recours à l'expertise d'un arbitre. Il faut en faire un arbitrage d'intérêt régulier.
Deuxièmement, l'arbitre sera nommé par la ministre. Il doit être accepté par les parties. C'est un principe fondamental des relations de travail dans notre pays.
Troisièmement, au paragraphe 29(1), l'arbitre doit prendre une décision dans les 90 jours suivant sa nomination. Il s'agit d'une convention collective de 346 pages, 90 jours ne suffiront pas. Nous demandons 180 jours.
Quatrièmement, le paragraphe 29(2) impose à l'arbitre de fonder toute décision concernant le choix de l'offre finale pour régler les questions encore en suspens sur la viabilité et la compétitivité de l'employeur et la viabilité du régime de pension de l'employeur. C'est extrêmement inhabituel et extrêmement partial.
Quant au second point, j'ai entendu dire hier soir que la ministre était disposée à envisager de consulter au sujet de la nomination de l'arbitre, et c'est de bon augure selon nous. Néanmoins, ces dispositions ont pour effet de rendre le projet de loi totalement partial.
Monsieur le président, honorables sénateurs, merci de votre attention et de m'avoir donné l'occasion d'exposer mon point de vue. J'aimerais laisser à mon collègue quelques minutes pour en faire autant dans l'autre langue officielle, après quoi nous répondrons avec plaisir à vos questions.
[Français]
Capitaine Jean-Marc Bélanger, président du Conseil exécutif supérieur, Association des pilotes d'Air Canada : Ma présentation ne sera pas une répétition de ce que mon collègue vient de vous dire. Je vais utiliser la langue française pour poursuivre notre présentation.
Mon nom est Jean-Marc Bélanger. Je viens d'être élu président du Conseil exécutif national de l'Association des pilotes d'Air Canada. Je compte 32 ans de service chez Air Canada et plus de 18 000 heures de vol.
Nous, comme pilotes, respectons la réglementation et avons beaucoup de respect pour le processus démocratique et parlementaire de ce pays. Lorsque des lois sont présentées par nos parlementaires, on doit présumer que ces lois sont dans l'intérêt public. Le vote d'hier n'était pas unanime. Je dois vous dire que l'Association des pilotes d'Air Canada considère que cette loi, qui est en voie d'être adoptée, est anticonstitutionnelle. On a demandé à nos conseillers juridiques de contester la constitutionnalité de cette loi, et on va demander aussi le dépôt d'une injonction interlocutoire, dès que ce sera possible, dès que la loi sera mise en œuvre.
Nous avons un problème avec plusieurs aspects de cette loi. Un de ces problèmes, on en a parlé, c'est la sécurité aérienne. La ministre du Travail n'a pas dû parler beaucoup avec le ministre des Transports parce qu'il y a des particularités dans la Loi sur l'aéronautique et les Règlements de l'air qui font que les pilotes sont les seuls responsables à décider s'ils sont aptes au travail.
(1730)
On vient d'avoir de la pression de nos collègues qui étaient ici et qui disaient : « Si vous considérez que vous êtes inaptes au travail, on va considérer ça comme un mouvement de grève illégale. » Cette décision et cette attaque sur nos droits fondamentaux sont tellement graves que j'ai demandé l'appui d'autres pilotes des autres lignes aériennes du pays. J'ai reçu un appui non équivoque des pilotes de West Jet, d'Air Transat, de Jazz et Canadian North. Nous sommes tous unanimes et vous pouvez les contacter. Il faut se battre contre cette attaque sur nos droits principaux et fondamentaux.
Pendant 60 ans, on a réussi à augmenter les mesures de sécurité aérienne de ce pays de sorte que les taux d'accidents par milliers d'heures de vol ont atteint très bas niveau. C'est dû en partie au professionnalisme et à l'expérience et à l'expertise de nos pilotes. Je ne parle pas seulement des pilotes d'Air Canada, les pilotes canadiens, en général, et les pilotes australiens sont très populaires dans le monde. Nous avons le plus d'expérience, pour toutes sortes de raisons, nos pays sont grands, on fait beaucoup de vols en acquérant de l'expérience.
Je dois vous dire qu'on va combattre cette disposition. Je suis sûr que vous allez être d'accord avec moi pour dire que vous ne voulez pas un pilote dans l'appareil qui a des problèmes de stress. Et la Loi sur l'aéronautique et les Règlements de l'air, non seulement nous permettent de le faire, mais nous ordonne de le faire. Si je suis dans des conditions d'inaptitude au travail, pour une condition médicale ou autre, si je continuais de piloter et que quelqu'un me dénonçait, je perdrais immédiatement mon brevet de pilote et c'est bien ainsi. Non seulement les pilotes doivent-ils répondre à cela, mais les opérateurs de lignes aériennes aussi.
J'ai avec moi une allocution intéressante d'un sénateur de la Chambre haute de l'Australie, le sénateur Xenophon. J'ai des copies de cette allocution pour vous. Cette allocution met en lumière ce qui s'est passé à la ligne aérienne Qantas en Australie, le démantèlement total de cette ligne aérienne, qui est un fleuron de l'industrie, la réduction des standards de sécurité aérienne et la construction de lignes aériennes à rabais, basées à l'extérieur de l'Australie, et qui sont en train de ramasser tout le trafic de l'ex-Qantas.
Notre chef de direction a dit que c'est le modèle de Jet Star qu'il voulait émuler. Malheureusement, ici au Canada, ce serait la fin de notre industrie de l'aviation du point de vue du pilotage d'aéronefs. Avec tout le respect que je vous dois, les pilotes d'Air Canada n'accepteront pas d'aller dans cette direction. Les meilleurs pilotes pour piloter les appareils, et tous les appareils d'Air Canada, que ce soit une destination vacances, un appareil cargo, une opération à rabais, ce sont toujours les pilotes d'Air Canada. On veut peut-être une ligne à rabais, mais vous n'aurez jamais le pilotage à rabais au Canada.
Notre problème, pour ce qui est de notre relation avec la haute direction d’Air Canada, concerne le décret de lock-out. Nous avons perdu confiance. J’ai écrit à la haute direction pour essayer de rebâtir ce lien de confiance. Dans nos opérations quotidiennes, nous avons besoin de ce lien de confiance. Il y a plusieurs dispositions dans nos conventions collectives et dans nos opérations à l’extérieur de nos conventions collectives. Par exemple, il y a les mesures de sécurité qui ont trait à nos responsabilités lors d’un accident ou d’un incident, les dispositions qui ont trait à la confidentialité des rapports sur la sécurité aérienne qui sont produits dans le but d’améliorer cette sécurité, et toutes les dispositions qui exigent une entente mutuelle entre les deux parties pour que tout cela puisse continuer de fonctionner. Tout cela est remis en question à cause de la décision de la haute direction de nous mettre en lock-out. Cela soulève des questions importantes quant à la sécurité aérienne. Nous en avons avisé les inspecteurs de Transports Canada pour les pilotes de ligne canadiens.
C'est la fin de ma présentation. Je vous remercie d'avoir porté attention à ma présentation et je pourrai plus tard répondre à vos questions en français. Pour ceux qui vont poser des questions à l'association des pilotes en anglais, ce sera M. Strachan qui répondra.
La présidente suppléante (le sénateur Fortin-Duplessis) : Merci beaucoup, monsieur Bélanger. J'inviterais maintenant M. Chuck Atkinson, président-directeur général de la section locale 140.
[Traduction]
Dave Ritchie, vice-président général pour le Canada, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale : Je suis accompagné de M. Atkinson. Il est le président-directeur général de la section locale 140.
Je tiens à vous remercier de nous offrir la possibilité de vous faire part de nos préoccupations. Au nom de l'Association des machinistes et des travailleurs de l'aérospatiale et des 8 600 personnes que nous représentons, merci.
Nous sommes profondément déçus de ce projet de loi mal ficelé, qui a pour effet d'enlever à nos membres le droit de grève et de miner fondamentalement le processus de négociation collective avec les sociétés canadiennes de compétences fédérales.
Nous avons négocié de bonne foi avec Air Canada pendant plusieurs mois. Ne parvenant pas à s'entendre avec l'employeur, nos membres ont voté en faveur d'un mandat de grève, et nous avons signifié à l'employeur notre intention d'exercer notre droit de grève conformément au Code canadien du travail à compter de minuit une le 12 mars. Même si nous avons signifié l'avis de grève, nous étions néanmoins prêts à reprendre les négociations jusqu'à la dernière minute dans l'espoir de conclure une entente de travail acceptable. Il est prévisible que notre mesure de grève aurait eu pour conséquences de paralyser les activités d'Air Canada et de causer des inconvénients à certains Canadiens. Cependant, rien ne prouve, contrairement à ce qu'a prétendu la ministre du Travail, que le déclenchement d'une grève aurait eu de graves répercussions négatives sur l'économie canadienne.
Il est regrettable que la ministre ait décidé d'intervenir dans ce conflit de travail, d'abord en se prévalant des dispositions de l'article 87.4 du Code pour saisir le Conseil canadien des relations industrielles du dossier, puis en présentant une mesure législative. De toute évidence, la décision de saisir le CCRI du dossier n'était rien d'autre qu'une manœuvre dilatoire, car un arrêt de travail paralysant Air Canada ne mettrait d'aucune façon en péril la santé et la sécurité des Canadiens. Air Canada l'a reconnu et n'a d'ailleurs jamais invoqué le Code pour obtenir une désignation de services essentiels..
Le projet de loi C-33 représente une attaque directe contre les travailleurs et la négociation collective avec des employeurs relevant de la compétence fédérale. Étant donné que pratiquement toute grève a des répercussions économiques, le gouvernement fédéral élimine essentiellement le droit de grève contre les employeurs qui relèvent de sa compétence. Ce faisant, il abroge un droit fondamental, celui des travailleurs de collaborer ou de refuser de travailler. Il s'agit du principal moyen de pression dont disposent les travailleurs contre l'omnipuissance des employeurs.
Si enlever le droit de grève aux travailleurs semble le moyen le plus efficace de rétablir des relations de travail harmonieuses, il faut s'attendre à l'effet tout à fait contraire. Le fait d'éliminer le droit de grève mine les relations de travail et la négociation collective. En l'absence des conséquences potentielles d'un arrêt de travail, peu de pression s'exerce sur les parties à une négociation d'accepter des concessions, un aspect pourtant essentiel de tout processus de négociation qui se veut efficace. Sans la possibilité d'un arrêt de travail ne serait-ce que pour « détendre l'atmosphère », les problèmes couvent dans le lieu de travail et le climat de relations de travail se détériore. L'employeur ne se rend pas service si sa main- d'œuvre est mécontente pendant la durée d'un contrat de travail imposé.
Nonobstant le fait qu'il mine la libre négociation collective, le projet de loi C-33 présente de graves lacunes. Il est indûment sévère et pipe les dés en faveur de l'employeur, Air Canada. Le recours à l'arbitrage des propositions finales prévu au projet de loi est totalement inapproprié. Bien que l'arbitrage de différends en fonction de propositions finales puisse convenir lorsqu'il n'y a qu'une question ou un point à trancher, il ne convient aucunement dans le cas d'une convention collective complexe comptant moult questions et points en litige.
Le processus d'arbitrage des propositions finales lie les mains de l'arbitre et l'empêche d'en arriver à une entente équilibrée. L'arbitre peut même se voir forcé de choisir une proposition impossible à mettre en application, soit la « proposition la moins pire ». Si on veut résoudre le conflit de travail de façon durable, il est plus raisonnable de donner une souplesse accrue à l'arbitre pour qu'il établisse un règlement équitable.
(1740)
Nous sommes également préoccupés par le fait que le paragraphe 14(2) du projet de loi semble amener l'arbitre à tenir compte de l'accord de principe du 10 février, que nos membres ont rejeté, pour déterminer les limites maximales du règlement. C'est tout à fait injuste, car nous travaillons avec Air Canada pour améliorer l'entente, comme l'a indiqué la ministre.
Nous avons des réserves à l'égard de l'alinéa 34(1)a) du projet de loi, qui prévoit une amende maximale de 50 000 $ par jour pour un dirigeant ou un représentant de l'employeur ou du syndicat, une amende maximale de 1 000 $ par jour pour les autres personnes, ou une amende maximale de 100 000 $ par jour pour l'employeur ou le syndicat. Nous n'avons pas l'intention de violer la loi ou de recommander à nos membres de contrevenir à ces règles ou à toute autre mesure législative. Cependant, nous sommes préoccupés par le fait que la définition d'un représentant du syndicat n'est pas claire. Nous craignons qu'un délégué syndical ou un membre d'un comité local puisse être reconnu coupable d'avoir violé ces dispositions du projet de loi en tant que dirigeant ou représentant, et qu'il se voie imposer une amende de 50 000 $ par jour. Une telle pénalité dépasse les limites raisonnables.
Il est raisonnable de croire que la Charte canadienne des droits et libertés garantit le droit de grève, et que le gouvernement ne peut pas priver les travailleurs de ce droit de façon arbitraire, au gré de ses caprices. Le Canada a ratifié la convention no 87 de l'OIT, qui garantit le droit de grève. Lorsqu'il s'agissait d'adopter une mesure législative de retour au travail, les gouvernements précédents ont, pendant de nombreuses années, presque toujours eu recours au processus normal d'arbitrage ou à la médiation-arbitrage, et non au choix de l'offre finale.
En 2010, le Conseil canadien des relations industrielles a rejeté la proposition visant à soumettre les offres finales à l'arbitrage et a suggéré de mener un processus de médiation-arbitrage traditionnel pour les travailleurs des TCA de Marine Atlantique, où des dispositions concernant les services essentiels avaient été invoquées. En ce moment même, Air Canada et sa société mère, ACE Aviation, se préparent à verser quelque 300 millions de dollars à ses actionnaires. Vous avez entendu Air Canada dire qu'une interruption de ses activités lui coûterait 33 millions de dollars pour une journée. La dernière offre que nous lui avons faite, qui représentait 25 millions de dollars, entraînait des coûts inférieurs à ce que coûterait un arrêt des opérations d'une journée. Au plus profond de moi-même, je ne peux pas croire qu'une entente n'aurait pas pu être conclue sans l'intervention de la ministre. La poussière était retombée; nous avons maintenant devant nous un très mauvais projet de loi. J'exhorte tous les sénateurs ici présents à nous ramener à la table de négociation et à nous permettre de conclure une convention collective par la seule méthode convenable : la négociation.
Le président : Nous sommes prêts à recevoir les questions des sénateurs. Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, il y a deux groupes distincts. Si vous avez une question précise, vous devriez peut-être indiquer à quel groupe vous l'adressez.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse aux deux groupes. Je vais citer M. Strachan. Devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, vous avez témoigné en octobre 2011, vous avez déclaré où ceci :
Je pense que la compagnie est essentielle pour ce pays. À l'heure où nous parlons, elle est absolument essentielle, elle est un pilier de notre économie.
Les conventions collectives sont échues depuis le 31 mars 2011. Vous avez eu la possibilité de négocier avant l'expiration parce que quand les avis de négociation partent, souvent c'est avant la date d'expiration de la convention collective. Vous avez eu près d'un an où la convention collective est expirée pour négocier. Vous avez eu l'aide de médiateurs, de conciliateurs; vous avez eu des ententes de principe qui ont été conclues; quand on fait une entente de principe comme représentant syndicaux, j'imagine que vous considérez que c'est une entente qui est suffisamment valable pour qu'elle soit soumise et recommandée aux membres, rejetée par les membres, mais vous avez quand même eu des ententes de principe.
Nous comme législateurs ou comme parlementaires, on doit regarder, quand on adopte ce type de loi, le caractère de l'impact économique ou l'impact sur les citoyens. Deuxièmement, on doit évaluer les chances de réussite dans un mode de négociations régulières qui a quand même fonctionné pendant près d'un an.
Comment pouvez-vous nous assurer qu'en continuant à négocier et en utilisant votre droit de grève, vous allez atteindre l'objectif de conclure une meilleure convention que celle qui a été faite par des ententes de principe? De plus, est-ce que cela ne se fera pas sur le dos de l'économie et des intérêts de l'ensemble des Canadiens?
M. Bélanger : Avec votre permission, je vais répondre pour le captaine Strachan. Je vous remercie de votre question. En fait, il y a eu une entente de principe qui a été rejetée. Une des raisons, c'est notre faute en partie à cause de la faute de tous les membres de l'Association des pilotes d'Air Canada. Le processus qui a donné lieu à cette entente est un processus qui violait les termes de la constitution interne de l'association. L'entente de principe n'a pas été entérinée par le conseil exécutif. Elle a été votée par les membres sans aucune recommandation. C'est une entente qui est arrivée avec le comité de négociation, mais lorsque les membres ont vu que notre constitution avait été violée, l'entente de principe a été refusée, les membres de l'équipe de négociation ont été congédiés et le conseil exécutif a été rappelé par les membres, ce qui n'est pas un processus facile, mais cela a été fait.
C’est une bénédiction que nous n’ayons pas accepté cette entente de principe. Pourquoi? Parce que, dans cette convention collective, simplement en ce qui concerne le démantèlement d’Air Canada en cinq lignes aériennes séparées, le langage était flou et aurait pu perturber la poursuite de négociations de bonne foi pour décider des salaires et des conditions de travail des pilotes qui auraient dû aller travailler dans ces filiales et combien d’appareils seraient attribués à chaque ligne aérienne. Aucun plan n’avait été déposé par la haute direction, on le constate maintenant.
Une chance qu'on n'a pas accepté cette proposition. C'est Jet Star multiplié par deux. On perd une flotte d'appareils d'à peu près 75 appareils, on perd la moitié de nos pilotes, qui doivent renégocier des conventions collectives, et on réduit les standards de sécurité aérienne.
Je vous soumets qu'on a fait une bonne affaire; nos membres, à 75 p. 100, ont collectivement refusé cette entente de principe.
Maintenant, on est prêt à négocier. Cela prend juste un peu de bonne foi. On s'est entendu avec la direction d'Air Canada pendant 65 ans. On en est arrivé ensemble à obtenir des conditions de travail et des normes de sécurité aérienne qui font l'envie de toutes les autres lignes aériennes au monde. On disait jadis : Qantas est la ligne aérienne la plus sécuritaire au monde. Quelle est la ligne aérienne la plus sécuritaire au monde aujourd'hui? C'est Air Canada.
(1750)
On gagne des prix d'excellence technique, nos agents de bord gagnent des prix. La qualité de notre produit n'est pas uniquement basée sur la haute direction. Ce produit et les opérations aériennes sont générés par des gens.
Le pourcentage du coût total des bénéfices et des salaires des pilotes est de 4 p. 100 du budget total d'exploitation d'Air Canada. Quand j'amène 200 passagers à Paris, le coût unitaire par passager, pour mon salaire et celui de mon copilote, totalise 10 dollars. Je vous soumets, honorables sénateurs, que si je faisais ce travail gratuitement, vous ne verriez pas vraiment de différence dans le coût de votre billet d'avion.
Je vous soumets que, comme l'augmentation du coût du carburant, la capacité de mener des opérations aériennes sans accident et le fait de pouvoir négocier de bonne foi, cela a un coût. De bons pilotes à l'intérieur d'une ligne aérienne, c'est primordial, et il y a un coût rattaché à cela. On n'est pas extrémiste, on ne demande pas la lune, on ne demande même pas de revenir aux conditions de travail que nous avions en 2000; on aimerait tout simplement être capable de négocier, de continuer d'aller de l'avant et de faire croître notre ligne aérienne.
Appelez cela Air Canada Vacances, Air Canada Cargo, peignez les avions en rose, entassez 400 passagers dans un avion qui peut en contenir 200, on va tous les piloter, vos avions, et de façon sécuritaire, mais la haute direction n'a pas compris cela.
J'espère que ma réponse n'est pas trop longue. Je voulais simplement dépeindre la situation.
[Traduction]
M. Ritchie : Ma réponse sera beaucoup plus courte. Il y a deux certitudes dans la vie : la mort et les impôts. Je peux vous garantir que nous parviendrons à une entente, mais pas dans ces conditions. Ces propositions sont finales, ce qui ne nous permet pas de faire de meilleures offres que celles que nous avons déjà refusées. Je veux que vous y pensiez.
Nous devons maintenant nous résoudre à voir Air Canada se présenter à la table avec une offre inférieure. En vertu du projet de loi, l'arbitre doit considérer l'offre que nous avons refusée comme étant la limite maximale, ce qui signifie qu'il n'y a pas d'espoir de progrès. Si ce n'est pas un projet de loi qui protège Air Canada, alors je ne sais pas ce que c'est. Ce projet de loi va à l'encontre des intérêts des travailleurs. C'est injuste.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous citez l'article 14(2) comme étant une limite sur laquelle l'arbitre déciderait, mais l'article dit ceci :
Pour choisir l'offre finale, l'arbitre tient compte de l'accord de principe [...]
Cela ne signifie pas que c'est une limite. Cela fait partie d'une des données dont l'arbitre doit tenir compte pour prendre une décision, comme il doit tenir compte du rapport du commissaire-conciliateur, qui est un tiers au dossier, comme il doit tenir compte des conditions de travail comparables dans le domaine de l'aéronautique, comme il doit tenir compte de la vitalité économique et de la compétitivité de l'entreprise, et comme il doit tenir compte de la viabilité de vos régimes de pension.
On couvre les conditions de salaire, la compétitivité pour l'entreprise, la viabilité des régimes de pension et, je pense, l'ensemble des données pertinentes. Il me semble qu'il y a suffisamment d'éléments, de paramètres, dont l'arbitre doit tenir compte pour justifier d'aller au-delà même de l'entente de principe dont vous avez parlé plus tôt.
Ma question est simple : vous êtes convaincant et vous semblez convaincu; avec l'ensemble des paramètres, qu'est-ce qui fait que vous avez si peur d'aller devant un arbitre pour obtenir une meilleure offre? Convaincant comme vous semblez l'être, vous allez sûrement réussir à convaincre l'arbitre et obtenir une meilleure convention collective.
[Traduction]
M. Ritchie : Premièrement, je n'ai pas la même lecture que vous du projet de loi. Quand il est dit qu'ils s'attendent à ce que ce soit là la limite supérieure, l'expression « limite supérieure » signifie, à mon avis, qu'on ne peut pas aller plus loin. C'est très important. C'est ce que dit le projet de loi. Il ne dit pas qu'il peut y avoir quelque chose entre les deux. Ils doivent considérer cela comme la limite supérieure.
Deuxièmement, la juge Otis a dit que c'était une bonne entente. Ils ont tous dit la même chose. Nos agents sont sortis et ont dit que c'était une bonne entente, mais les personnes que nous représentons ont dit non. Elles ont dit non. C'était leur dernier mot, alors nous sommes retournés. Nous avons essayé de négocier; nous avons tenté de parvenir à une entente, et la soupe était chaude. Nous ne nous sommes pas rendus au point d'avoir un mandat de grève. Nous avons sonné l'alarme, l'étau s'est resserré. La ministre est intervenue, l'étau s'est relâché. Nous sommes toujours à la table. J'ai attendu une semaine. Une semaine! Tout mon comité était prêt à revenir à la table. Nous n'avons pas eu une seule rencontre depuis que la ministre est intervenue. Ce n'est pas comme cela qu'on parvient à une entente. Quand la soupe est chaude, il faut faire face à la réalité et composer avec ce qui se présente, parce que le temps passe.
Je puis vous assurer qu'aucun de mes membres ne voulait la grève, mais, au point où nous en étions, ils n'avaient pas le choix. Après tout, les libres négociations collectives supposent la possibilité de négocier librement la convention collective. Il n'est pas du tout question d'intervention.
Il est extrêmement important que cela soit préservé. Il ne faut pas le sacrifier à cause des désagréments pour le public ou des répercussions économiques possibles. C'est ainsi que nous préservons notre démocratie, notre dignité de Canadiens. C'est comme cela que nous le faisons.
Le président : Merci beaucoup de votre réponse. Les questions suivantes viendront du sénateur Poy.
Le sénateur Poy : Je vais d'abord faire une remarque à propos de ce qu'a dit le capitaine Bélanger. Je suis convaincue que les pilotes d'Air Canada sont les meilleurs. Je vole sur les ailes d'Air Canada très souvent, et pas seulement au pays, mais aussi pour me rendre à l'étranger.
Ma question s'adresse au capitaine Strachan et peut-être aussi à M. Ritchie. Si j'ai bien compris, vous avez dit que le conseil d'administration d'Air Canada a pu céder ses profits à ACE et ainsi déclarer un déficit. Or, j'ai aussi entendu qu'ACE déclare cette année un profit de 300 millions de dollars à ses actionnaires. Je ne comprends pas comment elle arrive à s'en sortir à si bon compte. Pouvez-vous l'expliquer?
M. Strachan : C'est une longue histoire. En résumé, il faut comprendre qu'Air Canada regroupait auparavant toutes sortes d'entités aujourd'hui distinctes. Je parle d'Aéroplan qui, à l'époque, était probablement le programme de fidélisation de plus populaire du monde. Il y avait les transporteurs régionaux, un amalgame des anciennes Air B.C., Air Ontario, Air Nova et Air Alliance, qui ont été fusionnées en une filiale en propriété exclusive appelée Jazz ou, à ce moment-là, Air Canada Regional. Il y avait aussi les installations d'entretien d'Air Canada, aujourd'hui AVIOS. Au fur et à mesure qu'elle se départissait de ces filiales en propriété exclusive, Air Canada touchait un montant correspondant à une valeur fixe, qui lui était versé avant qu'elle ne soit libérée par le tribunal de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Une valeur fixe a été définie pour chacun de ces actifs lorsqu'ils sont devenus des entités distinctes.
La valeur fixe ne correspondait pas du tout à la valeur marchande réelle de ces diverses entités, qui s'est révélée au moment de la première émission publique d'actions. Air Canada n'a pas touché la juste valeur marchande, la valeur réelle de ces filiales. La différence a tout simplement été versée à ACE, la société de portefeuille qui avait été constituée à cet effet et qui était l'unique propriétaire d'Air Canada et possédait également chaque nouvelle entité jusqu'à la première émission publique d'actions.
(1800)
La différence entre la valeur octroyée à Air Canada par rapport à celle payée par le marché correspond au montant total qui a été versé à ACE et, au bout du compte, à ses actionnaires. Cela représente depuis 2005 une somme de 4,6 milliards de dollars environ.
Le sénateur Poy : Cela dit, est-ce que Air Canada peut déclarer un déficit de son propre chef?
M. Strachan : Ce n'est pas aussi simple. Ils vendaient la vache, mais ils voulaient quand même continuer d'avoir son lait. Air Canada s'est vu imposer des ententes commerciales avec ces nouvelles entités, des ententes qui les favorisaient considérablement au détriment d'Air Canada et qui continuent de saigner la compagnie.. C'est presque comme un chapeau d'allumeur : il ne sert pas à stocker l'énergie, mais bien à la disperser ailleurs.
C'est la principale raison qui explique pourquoi Air Canada n'a pas connu le succès escompté, et nous savions qu'Air Canada, après avoir été protégée par la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies en 2004, était sous-capitalisée à la seule lecture de son propre plan d'entreprise.
M. Ritchie : Puisqu'il était question de tant d'argent, vous pouvez comprendre que les employés croyaient qu'ils allaient aussi pouvoir en profiter. Ils ont renoncé à tout cet argent afin qu'Air Canada puisse survivre; ils estiment donc avoir droit à un salaire équitable. Il n'est pas question de leur redonner tout ce qu'ils ont perdu, mais ils devraient à tout le moins obtenir un salaire équitable. Pensez simplement au président d'ACE, Robert Milton, qui a touché 100 millions de dollars lorsqu'il a quitté...
Le sénateur Poy : Je sais, je sais.
Mr. Ritchie : Nous avons un autre chef de direction qui a obtenu 17 millions de dollars et qui gagne des millions encore aujourd'hui. Voici ce que nos syndiqués nous disent : « Vous savez quoi? J'aimerais que mes enfants jouent au hockey ou que ma fille prenne des leçons de ballet, mais je ne peux pas me le permettre. » La justice, c'est la justice, et c'est bien là que le bât blesse. Les gens sont en colère parce qu'ils se demandent quand leur tour viendra. C'est pourquoi nous avons rejeté ces propositions. Les gens veulent leur juste part du gâteau.
Le sénateur Poy : Je comprends cela. Soulevez-vous ces points pendant les négociations? Et avez-vous essayé de faire passer votre message auprès du public pour que les Canadiens soient au courant?
M. Strachan : Nous faisons certainement de notre mieux.
Je qualifierais les négociations qui ont eu lieu depuis le rejet de la première convention collective par nos membres... Ils étaient si fâchés de cette offre qu'ils ont estimé qu'il était nécessaire de destituer près de 30 p. 100 des membres du comité exécutif, y compris notre ancien président; c'est M. Bélanger qui occupe ce poste maintenant. Nous avons mis beaucoup de temps à nous remettre sur pied. Nous avons dû vérifier les pétitions de destitution et mener les votes correspondants. Ces votes n'ont pas tous eu lieu en même temps, ils ont été échelonnés. Nous avons par la suite fait des appels de candidature, puis il a fallu tenir des élections. Nous avons dû reconstruire notre organisation et déceler les erreurs que nous avions commises pour ne pas les répéter. Il a aussi fallu se préparer aux négociations avec Air Canada. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous y préparer.
Vers la mi-automne, nous étions presque prêts, et nous avons proposé à Air Canada de reprendre les négociations le 23 novembre. En guise de réponse, Air Canada nous a fait parvenir un avis de différend. Nous avons alors entrepris un processus de conciliation qui, ironiquement, a débuté le 23 novembre. Nous avons consacré plus de 60 jours — presque 70 en fait, car nous avons eu droit à quelques prolongations — en comité à présenter notre position initiale à Air Canada. Les représentants d'Air Canada nous ont sondés, ont posé des questions et semblaient tout à fait déterminés à en arriver à une entente négociée. Puis, pendant la dernière semaine de la conciliation, ils ont présenté leur position initiale, qui prévoyait des concessions massives de notre part, davantage en fait que l'entente qui avait eu des conséquences si désastreuses à l'origine. Ils ont donné à nos représentants environ une semaine pour l'examiner, après quoi ils ont refusé toute prolongation à la conciliation. Nous avons entrepris la période de réflexion, pour finalement nous retrouver, bien entendu, en position de décréter la grève ou de nous faire imposer un lock-out.
À combien de reprises avons-nous réellement été à la table avec Air Canada pour discuter de propositions concrètes? Je dirais qu'il suffit d'une main, peut-être deux, pour faire le compte. Air Canada n'a démontré absolument aucune envie d'en arriver à une entente négociée. Aucune.
Le sénateur Poy : Je suis heureuse que vous nous ayez présenté tous ces chiffres.
J'aurais une courte question pour M. Ritchie. Quand vous parlez des employés d'Air Canada, vous dites qu'il s'agit d'employés fédéraux, mais ai-je raison de croire qu'Air Canada est une entreprise privée?
M. Ritchie : Il s'agit effectivement d'une entreprise privée, mais elle est soumise à la réglementation fédérale. C'est pourquoi la ministre du Travail a présenté cette mesure législative. Tout employé régi par la réglementation fédérale au pays est visé par ce projet de loi. C'est pourquoi je prétends que tous les employés régis par la réglementation fédérale devraient être préoccupés par ce projet de loi et par la façon dont le gouvernement agit lorsque les gens souhaitent entamer de libres négociations collectives.
Je ne répéterai jamais assez que je crois au concept de libre entreprise, à la survie du plus fort, mais il faut laisser la chance au coureur. Le déclenchement d'une grève occasionnera effectivement des inconvénients pour le public, mais la démocratie n'est pas fondée sur des inconvénients. Elle est fondée sur des principes, et c'est de cela qu'il s'agit.
Le sénateur Poy : Merci, monsieur Ritchie.
Le sénateur St. Germain : J'ai une question à poser au capitaine Strachan.
Premièrement, vous et vos collègues n'êtes pas tenus de déclarer vos qualifications. Au cours des 29 dernières années, j'ai dû parcourir au moins trois millions de milles avec vous, probablement encore plus, et je ne remets pas du tout en question votre haut degré de professionnalisme au sol et en vol.
C'est également à vous et vos collègues que je m'adresse, monsieur Ritchie, car nous ne pourrions manifestement pas nous passer de vous.
La qualité des services fournis au public par les employés d'Air Canada ne fait aucun doute. Ce sont des services de très grande qualité.
Capitaine Strachan, vous avez souligné les difficultés de votre employeur, Air Canada. Vous avez parlé de la viabilité de cette entreprise et ses obligations découlant des régimes de retraite. L'économie mondiale est très fragile, et son sort ne tient qu'à un fil. Si la Grèce s'écroule demain, je peux vous dire que les ravages se feront sentir partout. Ce sont les meneurs de claque qui maintiennent artificiellement les marchés boursiers, car d'énormes problèmes existent.
J'ai déjà été président d'un syndicat, alors je comprends ce que vous ressentez lorsqu'on vous impose le retour au travail par une loi. Mais ne croyez-vous pas tout de même, après ce que vous avez dit au sujet de votre entreprise et de sa situation précaire, qu'il serait irresponsable pour le gouvernement, peu importe quel parti est au pouvoir, de ne prendre aucune mesure? Je sais que l'arbitrage obligatoire n'est pas toujours la meilleure solution. En tant qu'ex- président d'un syndicat, je dirais même que c'est une mauvaise solution, mais les circonstances sont très particulières. Ne pensez- vous pas qu'il serait irresponsable, de la part du gouvernement, de ne pas prendre les mesures nécessaires pour protéger tous les Canadiens?
M. Strachan : Merci, monsieur le sénateur. Il est tout de même curieux que vous parliez d'une loi nous obligeant à retourner au travail. Je dois souligner encore une fois que nous n'avons jamais été en arrêt de travail.
Le sénateur St. Germain : Non, non.
M. Strachan : Vous dites que nos hommes et nos femmes font de l'excellent travail et vous avez tout à fait raison. Je suis d'accord avec vous. Cependant, permettez-moi alors de vous demander quelle valeur vous attribuez à ce travail. La masse salariale constitue actuellement moins de 4 p. 100 des dépenses d'exploitation d'Air Canada. Moins de 4 p. 100. Pour illustrer cette idée, mon collègue s'est servi de l'exemple de ce que chaque passager paie pour obtenir les services de deux pilotes professionnels pendant les sept heures que dure un vol entre Toronto et Paris. Chaque passager paie un total d'environ 10 dollars. Dix dollars, pour deux pilotes, pendant sept heures, ce qui comprend la rémunération, les avantages et les pensions — tout. Vous paieriez plus cher un sandwich au poulet, sénateur.
(1810)
Supposons que cela vous coûte 11 $, est-ce que cela vous dérangerait outre mesure? À notre avis, pas vraiment. Si cela coûtait seulement 9 $, est-ce que cela permettrait à la compagnie de se tirer d'affaire? Non.
La situation dans laquelle Air Canada se trouve, en grande partie par sa faute — ou peut-être pas la sienne mais celle d'ACE — est telle que même si les pilotes travaillaient gratuitement, cela ne règlerait pas le problème.
Cette compagnie est d'une importance capitale pour vous, pour le public canadien et pour nous aussi, bien évidemment. Quand on y pense vraiment, nous avons tous les mêmes intérêts dans le dossier. La seule partie au cours de la dernière décennie qui se distingue par le caractère unique de ses intérêts ou par la différence entre ses intérêts et ceux des autres parties — notamment les employés, les créditeurs, les clients, les passagers et tous les ordres du gouvernement — la seule partie qui est différente et qui se sent souvent négligée, c'est l'actionnaire.
Le sénateur St. Germain : J'ai aimé la façon dont vous avez décrit la situation. Je crois que vous l'avez dit dans votre réponse aux questions des sénateurs Poy and Carignan, mais où va l'argent? Dans le compte d'une société. Cependant, j'estime qu'il faut penser à l'ensemble du pays. Vous êtes à ce point important pour l'économie du pays.
J'espère seulement que vous pourrez trouver une façon d'arriver à une entente, car les enjeux sont importants pour nous tous. Je m'en tiendrai à cela. Merci beaucoup de votre réponse.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur le président, et merci, messieurs, d'avoir comparu devant nous. Je suis désolé que vous ayez dû le faire; je crois que le projet de loi est épouvantable. Je pense me souvenir que quelqu'un a parlé de la Charte des droits et libertés; dans une certaine mesure, le projet de loi vous prive de votre liberté d'association et de votre liberté de négociation.
Je ne peux qu'imaginer les coûts que cela supposerait, mais avez- vous envisagé de le contester devant les tribunaux? Malheureusement, ce fardeau vous incombe, à vous et aux autres syndicats, mais, bien franchement, ce serait bien si quelqu'un traînait le gouvernement devant les tribunaux. La décision rendue pourrait mettre fin une bonne fois pour toutes à ces sottises, empêchant ainsi le gouvernement de présenter des projets de loi de ce type chaque fois que survient un quelconque problème dans les négociations entre Air Canada ou Postes Canada et les syndicats, ou dans toute autre industrie jugée essentielle par le gouvernement. Le gouvernement présente maintenant un projet de loi, mais il n'y a pas d'arrêt de travail. Je trouve cela incroyable.
Avez-vous songé à unir vos efforts et à contester la constitutionnalité de cette mesure législative?
M. Ritchie : Cette mesure législative en particulier fait déjà l'objet d'une contestation. Elle est contestée par les travailleurs des postes, qui sont de retour au travail. C'est la même chose. On y voit déjà. La contestation constitutionnelle vise à déterminer si le gouvernement avait le pouvoir de faire ce qu'il a fait.
C'est le même scénario qui se répète en ce qui concerne cette mesure législative. Le Congrès du travail du Canada a agi en tant qu'intervenant. Nous sommes membres du congrès, et, par conséquent, nous payerons nous aussi pour que cela se fasse.
Je peux vous dire que c'est ce que nous avons l'intention de faire. Encore une fois, tout cela est fait pour les travailleurs, pas seulement pour nous, mais pour le principe des négociations collectives préalables et en raison de l'intention qu'avait ce gouvernement, ou tout autre gouvernement, lorsque nous nous avons ratifié la convention 87 de l'Organisation internationale du travail, qui nous a donné le droit de grève légale.
Le sénateur Mercer : Est-ce que cela signifie que vous allez vous fier à votre regroupement pour aller devant les tribunaux ou que vous allez par exemple demander, au nom de l'association des pilotes et de l'association des machinistes, que chaque partie soit entendue distinctement par la Cour suprême afin d'ajouter du poids au recours devant le haut tribunal?
M. Ritchie : Nous interviendrons.
M. Strachan : Je peux répondre à cette question, sénateur. Il ne fait aucun doute que notre organisation contestera cette mesure législative, et nous nous trouvons en quelque sorte dans une position particulière ici, comme vous pouvez l'imaginer.
Il est étrange que tout un chacun souligne l'importance d'Air Canada pour l'économie du pays; je me demande qui s'en préoccupait lorsqu'on mettait la compagnie en miettes.
Le sénateur Moore : C'est vrai.
M. Strachan : Cette loi est incompatible avec la Loi sur l'aéronautique, qui est à la base de notre argumentation concernant les pilotes. Elle est peut-être incompatible avec la Charte des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle défie le bon sens et elle est foncièrement inéquitable. Par conséquent, oui, nous contesterons cette mesure législative.
Le sénateur Mercer : Il me semble que les manigances remontent à l'époque de l'arrivée de M. Milton. Si nous voulions trouver un point de départ, je commencerais avec l'arrivée de M. Milton, qui devait restructurer la compagnie aérienne, et avec son départ, agrémenté d'une généreuse prime de 100 millions de dollars qu'il a empochée à ce moment-là.
La question concerne plus particulièrement les pilotes. J'ai posé une question concernant l'échelle salariale, et, selon les représentants de la compagnie, qui ont comparu avant vous, elle va de 40 000 $ à 268 000 $. C'est plutôt vaste comme échelle; je suis convaincu qu'il n'en va pas de même pour le syndicat des machinistes. Depuis que je m'occupe de syndicats et de négociations collectives, je n'ai jamais vu ce genre de disparité entre le bas et le haut de l'échelle salariale.
Dans l'entente de principe que vous avez conclue avec la compagnie aérienne, l'échelon inférieur posait-il problème? De nos jours, 40 000 $ ne représentent pas un salaire très élevé, surtout pour quelqu'un qui doit mener le style de vie qui est celui des gens de votre industrie.
M. Strachan : Exact. Nous avons ce que j'appellerais un régime de rémunération différée typique, qui est coordonné avec notre régime de pension. Vous avez tout à fait raison de dire que le salaire de débutant est très faible. J'ai passé dix ans dans la Force aérienne et quelques années au service d'une autre compagnie avant de commencer à travailler pour Air Canada. Je pense que mon salaire initial à Air Canada se serait probablement situé entre 30 000 et 35 000 $, dans ces eaux-là. J'aurais ensuite eu droit à une modeste hausse la deuxième année, selon le poste que j'occupais à ce moment-là. Le régime de rémunération aurait pu être prolongé pour une troisième année, puis je serais passé à ce que nous appelons une formule de rémunération variable, en vertu de laquelle j'aurais obtenu une augmentation de salaire considérable la troisième ou la quatrième année. J'aurais alors vraisemblablement eu un salaire tournant autour de 80 000 ou 85 000 $, après quoi j'aurais continué à progresser en fonction de ma capacité à piloter des avions de plus grande taille ou de remplir les fonctions de commandant de bord.
M. Ritchie : C'est environ 100 000 $ par année.
M. Strachan : Le salaire moyen tourne autour de 100 000 $, ou peut-être un peu plus. Le total des salaires versés aux pilotes s'élevait l'an dernier à un peu plus de 400 millions de dollars. C'est moins de 4 p. 100 du revenu général de 11 milliards de dollars et quelques. Hélas, les coûts sont presque les mêmes que le revenu.
Ce qu'il faut retenir, c'est qu'on compare souvent nos conditions à celles des pilotes d'autres compagnies aériennes. Bien d'autres pilotes canadiens gagnent beaucoup plus d'argent que les pilotes d'Air Canada, par exemple ceux de WestJet.
Le sénateur Mercer : La compagnie prétend que le salaire moyen des pilotes est de 143 000 $.
M. Strachan : Si mes calculs sont exacts, cela ne tient pas debout.
Le sénateur Mercer : Cette donnée m'intéressait. Je tenais à ce que vous sachiez ce qu'ils ont dit.
(1820)
Cela m'a semblé étrange, surtout parce que je pensais qu'il y avait beaucoup moins...
Il me semble que la ligne aérienne n'a pas besoin de négocier en toute bonne foi, parce que chaque fois qu'un obstacle surgit, ceux d'en face sont là pour résoudre le problème et nous sommes là pour nous y opposer.
Est-ce que vous constatez cela à la table de négociation? J'ai participé à des négociations à plusieurs échelons, et lorsqu'une équipe pense qu'elle tient l'autre par vous-savez-quoi, les négociations ne vont pas bien loin. Est-ce que la menace d'une mesure législative — même tacite et implicite — se faisait sentir dans la salle?
M. Ritchie : Absolument.
M. Strachan : Certainement, elle se faisait sentir. Je m'explique. Songez à la médiation spéciale qui a été convoquée récemment en vertu de l'article 105 du code. Le processus était en cours depuis 23 jours lorsque la première réunion avec l'autre partie, Air Canada, a eu lieu. À ce moment, la société a laissé tomber une proposition absolument ridicule sur la table. On nous a donné un ultimatum de 24 heures et on nous a dit : « C'est à prendre ou à laisser, si vous n'acceptez pas d'ici 24 heures... »
Le sénateur Mercer : J'aimerais conclure, monsieur le président...
M. Strachan : Nous avions compris que la médiation devait durer jusqu'à 180 jours.
Le sénateur Mercer : On dirait qu'ils ont provoqué cette mesure législative pour se dégager de leur engagement. Je vous remercie.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue à tous. Pour commencer, j'aimerais faire écho aux observations du sénateur St. Germain. Nous pensons que les machinistes, les pilotes et tous ceux qui travaillent à Air Canada font un très bon travail et nous leur en sommes reconnaissants.
J'aimerais d'abord dire que vos deux organisations occupent une position privilégiée dans une société qui est un moteur important de l'économie canadienne et qui est aussi un partenaire responsable et essentiel de l'équipe économique du pays. Cela dit, permettez-moi de poser une question aux pilotes.
Selon ce que je comprends, à la date d'échéance de la convention collective, il y a environ un an — je crois qu'elle est arrivée à échéance le 31 mars — , soit le 17 mars 2011, les parties ont conclu une entente de principe qui devait être ratifiée par les membres du syndicat. Le 19 mars, les membres ont voté et rejeté l'entente. Peu après, ils ont remplacé — ou peut-être devrait-on dire congédié — leur équipe de négociation collective.
Il a donc fallu poursuivre le processus. On a entrepris un processus de conciliation, qui a été prolongé, et les négociations se sont poursuivies. Encore une fois, une entente de principe a été conclue, et, le 14 février, les membres du syndicat ont voté en faveur de la grève dans une proportion de 97 p. 100.
Ce qui n'a pas été dit ici, et je crois qu'il est important que cela soit mentionné, c'est que, peu après — je crois que c'était au début du mois de mars —, la compagnie a présenté un avis dans lequel elle signalait son intention de décréter un lock-out.
Étant donné ses responsabilités à l'égard de tous les Canadiens, plus particulièrement dans le contexte actuel où la reprise économique est très fragile, le gouvernement doit agir.
Franchement, je crois que le message lancé au gouvernement était très clair. Il n'y aurait pas d'entente. Or, le gouvernement a le devoir de protéger tous les Canadiens des conséquences d'un arrêt des opérations à Air Canada.
Je vais poser une question à l'association des pilotes, et vous pouvez y répondre si vous le souhaitez, monsieur Strachan. Croyez- vous que votre rôle aura des répercussions sur votre responsabilité à l'égard de tous les Canadiens, étant donné que vous êtes cet important partenaire dont j'ai parlé?
M. Strachan : Je crois que c'est ce que notre organisation fait tous les jours, monsieur. En fait, nous avons collaboré avec le gouvernement et nous l'avons aidé dans différents dossiers relatifs à la politique sur le transport aérien et la sûreté aérienne à l'échelle internationale. Bien sûr, nous traitons avec le gouvernement chaque jour. Compte tenu de notre situation, nous avons un point de vue particulier en ce qui concerne les questions de sécurité. Évidemment, nous sommes très au fait des questions de sécurité. Une division complète de notre organisation s'occupe uniquement de la sécurité aérienne. Il n'y a certainement pas de lien avec les responsabilités politiques ou de représentation de l'organisation, comme les négociations collectives. Cette organisation fait vraiment beaucoup de choses qui ont des retombées très positives et qui contribuent énormément à ce que vous avez mentionné.
La situation est simple : étant donné que le gouvernement menaçait d'intervenir dans le conflit, Air Canada n'a pas eu à s'assoir avec nous et à discuter de manière productive afin de conclure une entente. C'est l'une des répercussions directes de la politique adoptée par le gouvernement. Je ne vois pas de quelle autre façon je pourrais aborder cette question.
Le sénateur Di Nino : La portée de ma question est un peu plus vaste. Je crois que nous avons tous reconnu, du moins certains d'entre nous l'ont fait, qu'en tant que pilotes vous avez des responsabilités importantes, que vous les prenez au sérieux et que vous faites un excellent travail.
Pourtant, Air Canada participe aussi à l'économie canadienne. L'interruption de ses activités, même pendant une courte période, aurait donc de lourdes conséquences pour les emplois et le bien-être des Canadiens, en plus de compliquer les retrouvailles des familles qui sont dispersées dans différentes régions de notre grand pays et comptent sur les compagnies aériennes pour se retrouver. La question n'est pas seulement de faire votre travail, ce que vous faites sûrement bien. L'enjeu, c'est aussi votre contribution aux rouages économiques du pays. Le gouvernement ne peut pas permettre un arrêt de travail qui se prolongerait, qu'il ait été déclenché par les employés ou par l'entreprise, en raison des coûts énormes qu'il entraînerait pour les Canadiens. Ressentez-vous cette responsabilité?
M. Ritchie : Sénateur, permettez-moi...
Le sénateur Di Nino : Je m'adresserai à vous dans un instant, monsieur.
M. Strachan : Vous avez parlé de la responsabilité des pilotes et, effectivement, ils l'assument très bien. Reçoivent-ils aussi une part des bénéfices?
Ce qui m'étonne vraiment dans cette histoire, c'est qu'il n'y avait pas de crise. Vous parlez d'un arrêt de travail. Mon Dieu, c'est la dernière chose qu'on pourrait souhaiter. Je le répète encore, une fois de plus : nous n'avons utilisé aucun moyen de pression. Aucun. Nous avions déclaré que nous n'utiliserions pas de moyens de pression, et nous avons tenu parole. Pendant le temps des Fêtes et pendant la relâche de mars, nous avons rassuré les voyageurs et leur avons dit que les pilotes n'interrompraient pas leur travail, et nous avons tenu parole. Depuis le début de cette triste comédie, les pilotes font leur travail et les vols se déroulent comme prévu. Où est la crise?
Pourquoi ne nous accorde-t-on pas le droit fondamental de négocier nos conditions de travail avec notre employeur? Nous ne mettions pas l'entreprise en mauvaise posture. Elle s'est mise elle- même en mauvaise posture. Le gouvernement a dû intervenir dans les affaires de cette entreprise, et pour faire quoi? Pour protéger l'entreprise contre elle-même?
Le sénateur Di Nino : Comme je l'ai dit...
M. Strachan : À mon avis, l'approche adoptée par l'entreprise dans cette situation donne un juste reflet de tout ce qui s'est produit pendant la dernière année.
Le sénateur Di Nino : Comme je l'ai dit auparavant, à mon avis, trois parties sont visées par ce litige. Parlons des pilotes, limitons- nous à deux parties. Ces parties semblent être arrivées à un stade où une entente ne paraît pas possible. Le gouvernement a une responsabilité à cet égard.
Je m'adresserai maintenant à M. Ritchie. Je lui poserai la même question que celle que j'ai posée à M. Strachan, parce qu'il n'y a pas vraiment de différence entre vous deux. Vous êtes des éléments de la même équipe, vous occupez la position privilégiée dont je parlais plus tôt, en tant que membres d'une société qui est un très important moteur de l'économie et du bien-être économique du Canada.
Monsieur Ritchie, j'aimerais que vous répondiez à cette question, mais j'aimerais également obtenir des éclaircissements sur une déclaration que vous avez faite. J'espère l'avoir prise en note correctement. Vous avez affirmé qu'une fermeture causerait des inconvénients à quelque Canadiens. D'après les estimations, un million de Canadiens auraient été touchés par cette fermeture, surtout à une période de l'année où les familles passent beaucoup de temps ensemble, les enfants étant en congé, afin de renouer leurs liens et de consolider leur amour. C'est plus que « quelques » Canadiens.
(1830)
M. Ritchie : Même si 5 millions de Canadiens étaient touchés, je considérerais cela comme rien d'autre qu'un inconvénient. La démocratie n'a pas de prix. Nous venons de dépenser des milliards de dollars pour assurer la démocratie partout dans le monde. Il y a 153 grands Canadiens qui sont morts dans notre tentative d'instaurer la démocratie en Afghanistan. Comment pouvez-vous parler de priver les Canadiens de leurs droits et dire que ces droits constituent un inconvénient et qu'il ne faut donc pas en tenir compte? Je refuse de m'excuser, monsieur. En tant que Canadien, je suis fier d'avoir ces droits, et je n'y renoncerai pas parce qu'ils causent des inconvénients à certaines personnes, qu'il s'agisse d'un million, de deux millions ou de cinq millions de personnes. Ce sont mes droits, et je ne suis pas sur le point d'y renoncer.
Quand vous me demandez si j'ai une responsabilité relativement à l'économie, je réponds certainement. Quelqu'un m'a dit il y a des années : « Celui qui a l'or dicte les règles. » Air Canada est en mesure de mettre fin à ce conflit et, parce que je ne me suis pas plié à ses volontés, c'est moi le méchant.
Il y a deux parties dans des négociations, sénateur. Les deux se présentent, font leur possible et doivent faire des concessions. Il n'est pas nécessaire de faire des concessions lorsque des gens sont prêts à dire : « Vous n'avez pas à vous en faire. Je vous couvre. » C'est exactement ce qui est arrivé à Air Canada. Forte de ses appuis, elle n'avait pas à faire de concession et, comme il fallait s'y attendre, il n'y a pas eu d'entente.
Le sénateur Di Nino : Merci de cette réponse, mais je n'ai jamais parlé de nier des droits. J'ai parlé de la responsabilité du gouvernement du Canada d'intervenir lorsque les agissements de n'importe quel élément de la société peuvent avoir des répercussions sur l'ensemble de la société.
M. Ritchie : Ce faisant, on m'empêche d'exercer mes droits.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ayant servi ce pays, je suis encore plus en accord avec votre position. Ne la laissez jamais tomber.
Capitaine Bélanger, il y a tout de même une question d'éthique professionnelle dans un contexte où vous avez très bien dit que vous ne voulez pas que des pilotes soient pris à travailler dans une situation de stress, une situation dans laquelle ils ne sont pas à l'aise dans leur emploi et qu'ils n'ont pas la capacité de se concentrer à 100 p. 100 dans leur travail. Dieu seul sait que j'ai vécu des scénarios semblables où il faut se sentir protégé et supporté pour pouvoir remplir des rôles qui ont des aspects de vie et de mort.
On ne parle pas de quelqu'un qui va recevoir ses lettres ou son chèque. On parle de gens qui vont se rendre dans un endroit de façon sécuritaire ou au risque de mourir en s'y rendant. Votre responsabilité est énorme, difficile à quantifier, particulièrement pour des fonctionnaires ici à Ottawa et essaient de faire des calculs. Tous les quartiers généraux agissent ainsi.
Quelle est votre responsabilité éthique, dans les conditions dans lesquelles vous allez vous trouver? Si ce projet de loi est adopté, vous êtes dans un scénario d'adversaires, vous avez d'autres pensées, d'autres orientations. Est-ce que vos pilotes peuvent continuer à bien servir comme ils le font? Est-ce qu'ils vont prendre d'autres actions pour atténuer ce stress dans lequel ils se trouvent après avoir ce programme imposé non acceptable à leurs yeux?
M. Bélanger : C'est une excellente question. Ma responsabilité est non seulement envers mes passagers et le public qui voyage, mais moi, comme président du conseil de mon association, j'ai une responsabilité envers nos pilotes. Cette responsabilité est importante parce qu'on a développé au Canada — je ne sais pas si vous êtes au courant — un programme d'assistance aux pilotes. Nous sommes les premiers à l'avoir fait. Cela a pris une grève en 1976, pour avoir un ensemble tripartite : département médical, gestion des opérations aériennes avec la haute direction d'Air Canada et l'Association des pilotes, et nous on gère le stress.
Quelqu'un qui perd ses facultés mentales dans notre organisation, on le reprend, on le soigne, on le traite, on s'assure qu'il est capable de retourner et, s'il ne réussit pas, on en prend soin aussi. Il y a tout un programme de prise en charge pour que mes collègues, qui travaillent avec moi dans le poste de pilotage, ne soient pas sujets à aucun facteur qui réduise leurs capacités mentales ou leur aptitude au travail. Nous sommes les premiers à le faire au monde et cela a été copié par d'autres associations de pilotes.
En ce sens, on a réussi à protéger le public voyageur en étant innovateur. Les règlements de l'air ont évolué avec la nouvelle Loi sur l'aéronautique. On était partie prenante de s'assurer que ces règlements de l'air évoluent, de concert avec les représentants du ministère des Transports. Ce qu'on a devant nous aujourd'hui, ce n'est pas un souhait, c'est une obligation par la loi de nous déclarer inapte au travail. Je dois vous dire que présentement, tous les pilotes d'Air Canada vivent un divorce collectif. Ma compagnie vient de me divorcer. Ma compagnie vient de dire : « Je vais te mettre à la rue parce que je ne crois pas en tes aptitudes et on n'est pas capable de s'entendre. » Le gouvernement ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu en rendant Air Canada complètement « multipotent ». Il n'y a pas de conséquence pour les actions de la direction d'Air Canada.
Cela nous inquiète beaucoup et c'est pour cela que les autres groupes de pilotes partout au pays nous supportent. C'est important, il faudra le préciser.
Je vous donne mon engagement que nous, les pilotes d'Air Canada n'irons pas piloter un avion si on n'est pas en pleine capacité de nos moyens. On a tous les mécanismes pour le faire. La compagnie vient de nous donner un avis selon lequel ils étaient pour considérer cela comme étant une grève illégale. On va réfuter cela. On va s'assurer que les gens soient capables de piloter. Cela ne veut pas dire que tout le monde arrêtera de travailler.
Le stress, les différentes couches de stress qui s'accumulent avec le temps, avec tout ce qui se passe présentement, a un impact sur nos opérations aériennes. La seule façon de pouvoir éviter cela, c'est de retrouver le lien de confiance qu'on avait avec notre direction. Il faut qu'ils nous disent clairement : « Vous êtes les meilleurs, on vous choisit, on va faire grandir la ligne aérienne. Assoyons-nous ensemble pour opérer toutes ces lignes aériennes. » On ne veut pas émuler le modèle de Jet Star.
Le sénateur Dallaire : Le président Reagan, pendant sa présidence, a eu un problème avec les contrôleurs aériens dans les années 1980, et il a décidé pour régler cela de les mettre dehors. C'est ce qu'il a fait. Il les a tous congédiés. Ils ont rebâti par la suite.
Si vous vous retrouvez avec cette loi dans un scénario de stress dans lequel vous trouvez que vous mettez à risque votre capacité de remplir votre rôle, est-ce que dans ces conditions, vous vous trouvez dans une situation où le gouvernement nous met à risque en vous gardant, donc il devrait vous congédier tous pour ne pas mettre personne à risque et commencer à zéro?
M. Bélanger : Je ne sais pas comment vous vous trouveriez cela, si vous étiez un pilote. Premièrement, on ne peut pas nous remplacer facilement. Deuxièmement, l'exemple des Américains et de ces contrôleurs n'est pas adéquat.
Je vous donne un exemple des pilotes de Qantas. Leur ligne aérienne est en train de mourir. Les jobs s'en vont où? Ce sont des Vietnamiens, des Chinois, des Japonais qui pilotent des avions de Jet Star basés à Hanoï, à Singapour et à Tokyo, qui font le travail pour les lignes aériennes de l'intérieur pour l'Australie. J'ai en main une allocution du sénateur Xénophon, de la Chambre haute, australienne qui explique ce dossier.
C'est exactement la même chose qui arrive présentement dans nos négociations avec Air Canada. On veut démanteler le réseau principal, aller dans des réseaux secondaires et avoir des gens avec moins d'expérience. C'est le plan. Si on fait trop de bruit, ils vont peut-être nous mettre à la porte. Je vous rappelle que l'expérience des pilotes est importante. Il y a un monsieur qui s'appelle Bob Pearson, qui fait planer un avion à Gimlea, en 1983. Il y a un commandant Robert Piché, qui a sauvé tout le monde aux Açores, il y a 10 ans.
(1840)
L'an dernier, à Singapour, le commandant Richard de Crespigny de la compagnie aérienne Qantas a sauvé un airbus A380 rempli de passagers. L'avion s'enlignait directement vers un crash.
Je vais vous donner un dernier exemple. Le commandant Chesley Sullenberger a dit, lorsqu'il témoignait devant le Congrès américain : « Vous, les gens qui mettez de la pression sur la profession, si vous continuez de réduire les conditions de travail et les règles de sécurité aériennes, il ne sera plus possible d'attirer les meilleurs dans la profession et les standards vont baisser. »
Les pilotes américains qui manifestaient durant le mouvement Occupy Wall Street ont dit qu'ils ne connaissaient personne dans l'industrie actuellement qui encourageait ses enfants à devenir pilote.
Au Canada, nous sommes chanceux. Le pays a besoin de pilotes au sein des Forces aériennes. Au Canada, il y a des gens qui ne sont pas facilement intimidables. Certains ont largué des bombes guidées au laser alors que l'ennemi leur tirait dessus. Ils l'ont fait pour défendre leur pays. D'autres ont mené des opérations de sauvetage aérien et d'autres ont piloté des avions sur skis du pôle Nord au pôle Sud, et ont fait la découverte géophysique de toute la planète.
On connaît la qualité de nos pilotes chez Air Canada. Il y a des pilotes qui commencent chez Air Canada à 39 000 $ par année. Ils sont moins bien rémunérés que les pilote d'Air Transat, WestJet, Canadian North ou Jazz. D'ailleurs, chez WestJet, le salaire d'entrée est de 62 000 $ par année.
Il y a eu le vol Rio-Paris qui a sombré dans l'océan après une erreur de pilotage. Les deux copilotes aux commandes de l'appareil avaient moins d'expérience que le dernier entré chez Air Canada. Le commandant de cet airbus avait moins d'expérience que l'ensemble de copilotes de mon gros porteur. Je vous mets en situation tout simplement pour que vous réalisiez qu'on a de la chance.
Mesdames et messieurs les sénateurs, aidez-nous à conserver le professionnalisme et l'expertise que nous avons et qu'on exporte partout dans le monde. Nos pilotes sont très en demande. Je peux vous dire qu'avec 32 ans de service, et presque 20 000 heures de vol, si le gouvernement me congédie, j'ai un poste qui m'attend en Chine ou au Moyen-Orient et qu'il sera plus rémunérateur. Par contre, je ne pourrai pas continuer à vivre dans mon pays.
[Traduction]
Le sénateur Segal : Je veux tenter d'éclaircir une chose que j'ai entendu nos invités dire au début et dont je ne trouve pas confirmation dans le projet de loi. J'ai peut-être mal compris. Je pense que je vous ai entendu dire — désolé, je ne me rappelle pas qui de vous l'a dit — que le processus d'arbitrage était faussé parce qu'il n'était pas permis de bonifier la dernière offre. Il me semble que quelqu'un a dit cela.
Je lis le paragraphe 14(2) de la loi et, s'il y a quelque chose que je comprends de travers, j'espère que nos invités m'aideront à comprendre. Le paragraphe dit ceci :
Pour choisir l'offre finale, l'arbitre tient compte de l'accord de principe que l'employeur et le syndicat ont conclu le 10 février 2012 et du rapport du commissaire-conciliateur mis à la disposition des parties et daté du 22 février 2012, et se fonde sur la nécessité [...]
Je ne vois pas où on dit qu'il est impossible de bonifier cela.
L'article 16 dit :
La présente partie n'a pas pour effet d'empêcher l'employeur et le syndicat de conclure une nouvelle convention collective avant que l'arbitre ne rende sa décision, celui-ci étant dessaisi de l'affaire à la date de conclusion de cette convention.
Je ne suis pas un spécialiste des négociations collectives. Mon grand-père a participé à la création de la International Ladies Garment Workers Union dans les rues de Montréal. Je tiens à préciser, monsieur Ritchie, qu'à l'époque c'était illégal de créer un syndicat et de manifester. Cela lui a valu un séjour en prison. Comprenons-nous bien, il ne se serait jamais servi des citoyens morts au combat pour faire valoir des arguments économiques dans le cadre d'une négociation.
J'aimerais demander aux témoins de m'expliquer où dans le projet de loi il est stipulé que l'arbitre ne peut pas bonifier la dernière offre? Il s'agit pourtant d'un processus équitable. J'ai peut-être mal compris, alors je vous saurais gré de m'expliquer.
M. Ritchie : Tout d'abord, je suis fier d'être Canadien. Mon père, un ancien combattant, est allé se battre pour que votre père ait ces droits. Vous savez quoi? Tous ces gens que nous envoyons au combat, à tour de rôle, se battent pour nos droits, et je n'ai aucun scrupule à y faire allusion, mon vieux. Je veux que vous le sachiez. Je suis fier de ces gens et de mes quatre neveux qui servent actuellement dans l'armée. Je n'ai rien fait de mal et je n'ai pas besoin de m'excuser.
Pour répondre à votre question, il est stipulé, au paragraphe 14(2) du projet de loi — vous devriez le lire —, que l'arbitre ne peut pas bonifier l'accord de principe.
Le sénateur Segal : Non, ce n'est pas ce qui est écrit. Il est écrit « l'arbitre tient compte ». C'est différent.
M. Ritchie : C'est dans le projet de loi, monsieur. Si ce n'était pas stipulé dans le projet de loi, je ne le mentionnerais pas.
Le sénateur Segal : Ce n'est pas écrit.
M. Ritchie : Voulez-vous lire le projet de loi au complet?
Le sénateur Carignan : Voulez-vous un exemplaire du projet de loi?
M. Ritchie : Oui, je n'ai pas apporté mon exemplaire, alors j'accepte volontiers pour pouvoir y jeter un coup d'œil.
Le sénateur Carignan : Ce n'est pas la même version? Il faut que nous accordions nos violons.
Le sénateur Segal : Puis-je poser une question complémentaire?
Le président : Oui, mais le témoin vérifie encore ses notes.
Le sénateur Segal : Merci. Je vais attendre.
M. Ritchie : Je m'excuse. Je suppose que ce n'est pas ce que disent ces dispositions, alors je me suis trompé. Je crois que j'en suis venu à cette conclusion, parce que le projet de loi dit que l'arbitre doit tenir compte de la viabilité économique et de la compétitivité à court et à long terme de l'employeur, et de la viabilité de son régime de pension, compte tenu de ses contraintes financières à court terme. J'en ai déduit que s'il tenait compte de tout cela, c'était pour fixer la limite maximale. Je m'excuse d'avoir interprété ainsi ces dispositions.
Le sénateur Segal : J'accepte vos excuses sans hésitation. Je tiens aussi à souligner qu'au cours des années, beaucoup de personnes ont mené diverses batailles pour que nous puissions être en désaccord à propos d'une interprétation, et je crois que c'est ce qui vient de se produire. C'est un aspect légitime du processus.
Si le gouvernement n'était pas du tout intervenu, si nous avions accepté le rejet, par les unités de négociation, des ententes que leurs propres dirigeants avaient conclues, alors le lock-out qu'aurait imposé Air Canada m'aurait semblé tout aussi inacceptable, si je peux m'exprimer ainsi. Ma question complémentaire s'adresse aux représentants du syndicat des pilotes. Si le gouvernement avait choisi de ne pas intervenir, et s'il avait accepté que des millions de personnes soient affectées, croyez-vous sincèrement, après tout ce qui est arrivé, que vous auriez pu, au cours des derniers jours, réaliser des progrès, et conclure une entente, ou que vous auriez été plus près de conclure une entente que vous ne l'êtes actuellement? Est-ce là ce que vous souhaitez que nous retenions de vos interventions de cet après-midi?
M. Strachan : Oui, sénateur. Nous serions arrivés à une entente si l'éventualité d'une intervention de la part du gouvernement n'avait pas été omniprésente au cours des derniers jours.
Le sénateur Segal : Présumons pour l'instant que c'est à juste titre que vous ne jugiez ni utile ni constructive la proposition de lock-out d'Air Canada, croyez-vous que le gouvernement aurait dû se retirer, en disant : « Cette proposition ne nous concerne pas; ne nous en mêlons pas. Laissons-les claquer la porte au nez des pilotes et des employés ». Le gouvernement n'a-t-il pas l'obligation de protéger les droits des employés et de veiller à ce qu'une démarche équilibrée soit adoptée? Nous devrions nous tenir à l'écart et laisser le lock-out avoir lieu?
M. Strachan : À mon avis, Air Canada n'avait pas l'intention d'imposer un lock-out à ses pilotes. Il lui en coûterait 30 millions de dollars par jour. Si c'était l'intention de la société, les actionnaires, dont je fais partie soit dit en passant, regarderaient les dirigeants d'Air Canada d'un œil torve, ayant l'air de dire : « Mais que faites- vous là? ».
(1850)
Le sénateur Segal : Est-ce que vous remettez en question ce qui les a incités à agir plutôt que les mesures qu'ils ont prises?
M. Strachan : Oui.
Le sénateur Segal : Merci.
Le président : Selon la liste, les deux prochaines personnes qui pourront poser des questions sont les sénateurs Mahovlich et Duffy. Toutefois, le sénateur Munson a indiqué qu'il souhaitait poser une question complémentaire, qui fait suite à la question posée par le sénateur Segal.
Le sénateur Munson : Vous avez été invités ici pour exprimer votre point de vue. Est-ce que cela change quoi que ce soit? Les sénateurs qualifient cette enceinte de Chambre de second examen objectif, mais est-ce que cela change quoi que ce soit? Vous vous videz le cœur. Vous avez un point de vue; le gouvernement a le sien. Au bout du compte, le gouvernement, comme il est majoritaire, va tout simplement donner son aval à ce projet de loi. Pourquoi ce processus est-il important?
M. Ritchie : Je crois que c'est important parce que, comme je l'ai toujours dit, nous vivons dans un pays démocratique libre et que nous avons donc le droit d'exprimer notre point de vue. Il se peut fort bien que certaines personnes ici présentes n'aient pas une vue d'ensemble de la situation. Nous souhaitons remédier à cela. Ils auront alors peut-être l'intime conviction qu'ils peuvent faire ce qui s'impose et renvoyer ce projet de loi au gouvernement.
N'oubliez pas que le CCRI a été saisi de l'affaire, en vertu de l'article 87(4) de la loi. Nous ne pouvons donc pas déclencher de grève. C'est la réalité. Cependant, ils peuvent renvoyer ce projet de loi et dire : « Écoutez, si nous devons intervenir, pourquoi ne pas faire ce qui s'impose? Pourquoi ne pas annuler cet arbitrage des propositions finales, puis envoyer les parties en médiation ou en arbitrage et imposer un jugement définitif? Pourquoi ne pas laisser le processus suivre son cours? » Nous pourrions prévoir tous les éléments souhaités. Il faudrait au moins faire croire aux gens qu'ils seront entendus et qu'on comprendra leur point de vue. Un tiers pourrait alors dire : « Vous savez, vous n'avez pas tout à fait raison, ni tout à fait tort. » Dans le cas actuel, ou nous avons raison ou nous avons tort. L'arbitre doit choisir la solution A ou la solution B. Nous ne pouvons pas créer de solution C. Le système est bancal parce que c'est l'idée que le gagnant rafle tout. Or, ce n'est pas dans cette optique que le processus des négociations collectives libres a été conçu.
Au mieux, je demanderais à tout le monde ici présent de renvoyer le projet de loi et de proposer des solutions. De toute façon, nous ne pouvons pas poser de geste pour le moment, parce que nous sommes en plein processus. Dites-leur de mettre en place un processus qui semble être équitable à tout le moins. Faites qu'il ait au moins l'air d'être juste. Je vous exhorte tous à le faire.
Le sénateur Munson : Excusez-moi, monsieur le président, mais il voulait dire quelque chose.
M. Bélanger : On nous a posé une question à ce sujet et je voulais simplement y répondre.
Le président : Soyez bref, je vous prie.
M. Bélanger : Je serai très bref.
Le président : C'était une question complémentaire.
M. Bélanger : Aimeriez-vous qu'on y répondre?
Le sénateur Munson : Certainement.
M. Bélanger : Cette question est un peu cynique, car vous me demandez de ne pas croire à ce processus. Vous me dites : « Peu importe ce que vous dites, capitaine Bélanger, ces gens ne vous écouteront pas. » Je fais confiance au Parlement du Canada et je vous signale que ce projet de loi est injuste et que nous allons le contester. Il y a certaines choses que vous ne pouvez pas faire avec vos pilotes, et nous allons les contester aussi.
J'ose espérer que nos témoignages vous ont appris certaines choses ce soir. Je veux y croire. Si vous voulez plus de renseignements, nous nous ferons un plaisir de vous les fournir.
Veuillez demander à la ministre du Travail de s'entretenir avec le ministre des Transports. Le projet de loi va à l'encontre des lois de l'aéronautique. Vous aurez été prévenus. Nous ne sommes pas arrivés ici les mains vides. Nous avons ouvert nos cœurs. Les pilotes canadiens sont les meilleurs au monde. Nous avons besoin de votre appui.
Le sénateur Dallaire nous a demandé ce que nous prévoyons faire. Je vous prie de ne pas laisser péricliter cette industrie, qui a été la cible d'attaques partout ailleurs dans le monde. Un accident, c'en est un de trop. Ne laissons pas une telle chose se produire. Il y du pain sur la planche. Je n'essaie pas vous forcer la main, mais je ne veux pas être cynique et penser que tout cela n'a servi à rien. Je vous prie de nous écouter.
Le sénateur Mahovlich : Je suis très curieux. Les États-Unis d'Amérique sont l'une des plus grandes démocraties au monde. Pouvez-vous me dire combien de grèves ont subi leurs transporteurs aériens au cours des 20 dernières années, disons?
M. Ritchie : Je ne peux pas vous dire combien il y en a eu, mais je peux vous dire qu'il y en a eu.
Le sénateur Mahovlich : Il y en a eu?
M. Ritchie : Certainement. Mon syndicat est celui qui représente le plus d'employés du secteur du transport aérien au monde, et je puis vous assurer qu'il y a eu de nombreuses grèves dans l'industrie du transport aérien aux États-Unis.
Le sénateur Mahovlich : Au cours de la dernière année? Il y en a eu?
M. Ritchie : Non, pas au cours de la dernière année. Vous m'avez demandé s'il y en avait eu au cours des 20 dernières années. Il y en a eu.
Le sénateur Mahovlich : Ils ont fait la grève?
M. Ritchie : Oui, monsieur.
Le sénateur Mahovlich : Et ils ont survécu?
M. Ritchie : Oui, monsieur.
Le sénateur Mahovlich : Merci.
Le sénateur Duffy : Bienvenue aux témoins. Je vous remercie d'être venus. Il y a des funérailles pour Braniff, Pan American et quelques autres entreprises qui ont cessé leurs activités.
Messieurs, permettez-moi de dire que peu de groupes, peut-être pas un seul, ne trouve ici autant d'amis et de reconnaissance que l'équipe d'Air Canada. Tous les sénateurs volent sur les ailes d'Air Canada au moins une fois par semaine, si ce n'est deux. La plupart d'entre nous avons entendu parler de la dégradation des rapports au sein de cette société. Nous avons appris que certains anciens hauts dirigeants doivent se faire accompagner par des gardes du corps quand ils circulent dans l'aéroport Pearson. Quand on apprend pourquoi c'est nécessaire, on comprend mieux les erreurs du passé.
C'est une triste histoire, qui concerne des employés formidables, un transporteur aérien extraordinaire, des machinistes excellents, les meilleurs. Ils viennent de remporter un autre prix d'excellence sur la scène internationale. C'est une triste histoire qu'il faut régler. Nous le comprenons. Cependant, nous ne pouvons pas la régler à cause de tous les incidents et événements qui se produisent actuellement.
En plus de vous, nous entendons — et personnellement je les entends beaucoup — des représentants de Pionairs, c'est-à-dire l'association des retraités. Ces gens craignent énormément de ne pas avoir de pension parce que demain, la semaine prochaine ou dans trois jours, Air Canada va cesser ses activités. Lorsque la privatisation s'est faite, ils ne pouvaient croire — et nous non plus d'ailleurs — qu'elle aboutirait à un tel résultat. Vous avez vécu cela de très près. « Donnez-nous ceci, donnez-nous cela, un peu ici et là. » Nous connaissons l'histoire et nous savons que des injustices ont été commises lorsque les Lignes aériennes Canadien et Air Canada ont fusionné. Nous nous souvenons des problèmes liés aux listes d'ancienneté. On disait que les employés en viendraient aux coups dans les cockpits. Cette fusion a été un gâchis et une tragédie pour des gens qui ne méritaient pas cela.
Je vous dis du fond du cœur, et je crois m'exprimer au nom de tous les sénateurs des deux côtés de la Chambre, que nous ne faisons pas cela en nous disant que c'est vous contre nous, ou que « nous allons vous avoir ». Il faut trouver une façon de corriger le problème chez Air Canada. Nous ne pouvons pas le faire ici ce soir, et nous ne pouvons pas non plus le faire lorsque les avions sont cloués au sol et qu'une personne que nous ne connaissons même pas, qui se trouve dans un luxueux penthouse ou dans une résidence cossue à Londres, à 3 000 milles d'ici, pose un geste qui fait que vous vous retrouvez tous sans travail, et sans pension dans le cas des retraités de Pionairs. C'est cela le problème.
Personne ne conteste le fait qu'il y a un gros problème et qu'il faut le régler, mais nous devons trouver le temps et nous devons faire en sorte que vous continuiez à travailler, afin que vos membres touchent leurs chèques de paie et que les retraités reçoivent leurs chèques de pension.
Nous ne sommes pas aveugles. Nous sommes conscients que de gros problèmes existent. Quelqu'un, quelque part, avec des pouvoirs que je n'ai pas, doit trouver une façon de corriger ces problèmes, parce que nous avons besoin d'Air Canada. Nous aimons Air Canada et nous aimons ses employés et ses syndiqués. Ce n'est pas de gaieté de cœur que nous assumons ce soir la responsabilité qui nous incombe.
J'espère que les gens ne vont pas tenter de nous prêter des intentions. Nous savons tous que, depuis 40 ou 50 ans, les gouvernements des deux côtés ont eu à prendre une telle mesure. Ce n'est pas avec gaieté de cœur que nous le faisons. Je vous promets que nous allons travailler tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas corrigé les problèmes qui font que vous vous retrouvez dans cette situation.
(1900)
M. Ritchie : Honorable sénateur, la ministre nous a assujettis à la portée de l'article 87.4. Cet article sert à déterminer s'il existe des considérations liées à la santé et à la sécurité. En vertu de cette disposition, nous n'avons plus le droit d'aller en grève. Nous ne pouvons plus aller en grève tant que nous sommes assujettis à l'article 87.4.
Il n'est pas nécessaire d'adopter le projet de loi. Nous sommes visés par l'article 87.4. Nous ne pouvons pas aller en grève. Nous ne pouvons rien faire. Cette disposition nous permet de retourner à la table des négociations, de négocier et de faire ce qui est prévu. Elle nous permet peut-être d'obtenir une décision par un médiateur ou un arbitre, mais il n'est pas nécessaire d'imposer le choix de l'offre finale.
Un tel processus fonctionne si un seul élément pose problème. Il s'agit ici de questions très complexes qui doivent être discutées. Il faut les régler. Il est possible que l'on ait besoin d'une tierce partie qui dise : « Écoutez. Vous avez raison et vous avez tort. », ou encore qui dise : « Savez-vous quoi? Vous n'avez pas complètement raison ou tort. Je vais faire un compromis. » Toutefois, cette façon de faire n'est pas possible en vertu du projet de loi.
Nous devons faire valoir notre point de vue et l'employeur doit faire de même, puis c'est l'option A ou B relativement à toutes ces questions complexes. L'arbitre doit se pencher sur la viabilité économique du transporteur, sur l'avenir, sur les pensions et sur plusieurs autres points. Lorsque vous évaluez ces coûts, vous dites que vous ne faites qu'alourdir le fardeau. D'où vient ce fardeau? Toutefois, lorsque vous regardez l'autre option, vous constatez que des compromis sont possibles.
Je vous dis que ce n'est pas le genre de mesure législative dont nous avons besoin. Si vous devez faire ce qui s'impose, permettez- nous de nous en remettre au processus de médiation-arbitrage. Obligatoire? Peu importe. Vous vous retrouvez avec le même résultat, mais savez-vous quoi? C'est plus juste parce qu'il y a quelqu'un qui peut dire et faire quelque chose qui n'est pas exactement l'option A ou l'option B. Cette personne peut proposer la solution C. C'est ce que je vous demande de faire. Vous allez ainsi accomplir tout ce que vous devez faire, mais sans ce genre de mesure législative. Je vous prie d'examiner toute la question strictement du point de vue de l'équité. Cela peut se faire.
Le sénateur Cordy : Je vous remercie sincèrement d'être ici. J'étais en réunion de comité, ce qui explique mon retard. Par conséquent, il est possible que vous ayez déjà répondu aux questions que je vais poser.
Je me demande si, par le passé, un gouvernement a déjà présenté une loi de retour au travail avant qu'une grève ou un lock-out n'ait eu lieu. Je n'ai trouvé aucun précédent, mais je ne suis pas une experte. J'ai pensé que vous pourriez peut-être répondre à cette question.
M. Ritchie : Honnêtement, je ne peux pas y répondre. Je ne sais pas.
M. Strachan : Normalement, nous ne faisons pas cela non plus. Par conséquent, il est très difficile pour nous de répondre.
Le sénateur Cordy : Je n'ai pu trouver aucun exemple. J'ai poursuivi mes recherches. J'ai trouvé des lois de retour au travail qui avaient été présentées après un lock-out ou une grève, mais je n'en ai pas trouvé qui aient été déposées avant un débrayage ou une grève. Peut-être êtes-vous des pionniers à cet égard, mais pas dans le bon sens du terme.
Je me demande aussi dans quelle mesure ce genre de loi va influer sur la négociation collective, non seulement chez Air Canada, mais aussi dans le cas d'autres syndicats au pays. Je crois que vous avez fait allusion au fait que si l'une des parties à la négociation sait qu'une loi de retour au travail va probablement être présentée, cela peut avoir un impact sur les négociations et sur tout le processus de négociation collective.
M. Strachan : Je crois que cela a un impact négatif sur les négociations. Je ne crois pas qu'il y ait de véritables négociations possibles dans de telles conditions. Vous avez raison : la portée de la mesure législative dépasse le cadre du litige en cause et s'étend certainement au secteur réglementé par le gouvernement fédéral.
Je ne m'offusque aucunement des propos tenus par le sénateur Duffy, et je peux en reconnaître le bien-fondé. Je suis un patriote. Je me suis battu pour le Canada. J'ai servi pendant la guerre, tout comme le sénateur Dallaire. Je crois même que le général Dallaire et moi nous sommes rencontrés en Europe. Vous ne vous en souviendrez sans doute pas, je n'étais qu'un jeune capitaine à l'époque.
Ce sont les séquelles de cette situation qui m'inquiètent le plus. Je sais que la terre continuera de tourner, mais c'est un grand tort que l'on fait subir aux personnes que je représente, et ce sont de braves personnes. Les séquelles que peut avoir ce genre de loi se feront sentir pendant longtemps.
Je suis d'accord avec le sénateur Duffy : Air Canada devrait être une source de fierté nationale, et je crois que cette entreprise fournit les meilleurs services aériens en Amérique du Nord. Je suis très fier des mes collègues. Cependant, si l'on souhaite sauver Air Canada, il faut que tout le monde obtienne sa juste part. Vous ne pouvez pas simplement faire fi des intérêts des syndiqués de cette façon. Le gouvernement a choisi la manière forte, et ce n'était pas nécessaire.
J'ai bien peur que les séquelles ne soient si longues et si profondes qu'il y aura bien peu de personnes comme vous et moi, sénateur Duffy, qui souhaiteront encore sauver cette entreprise. Et je crois qu'elle vaut la peine d'être sauvée. Merci.
M. Ritchie : À ce sujet, permettez-moi de dire que je suis d'accord : selon moi, cela aura de grandes répercussions sur les négociations. Les négociations collectives impliquent que les parties aillent jusqu'à ce que j'appelle le « sprint final ».
On n'obtient pas toujours ce qu'on veut, mais tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. C'est cela les négociations collectives. On n'obtient pas tout ce qu'on demande, mais on sait qu'on pourra revenir à la table de négociations. Toutefois, on négocie en ayant le sentiment que le processus est libre et ouvert. Lorsqu'une des parties sait qu'il est possible qu'elle n'ait pas besoin d'être aussi franche, l'échange n'est plus le même. Voilà où nous en sommes.
Il faut que les parties aillent à la table de négociation et qu'elles soient prêtes à faire des compromis. La vie est ainsi faite. Chaque jour, on doit faire des compromis, notamment avec sa femme ou ses enfants, par exemple sur l'utilisation de la voiture ou des transports en commun. Chaque jour est fait de compromis.
C'est le principe même de la négociation collective. On arrive à un point où on n'a pas obtenu tout ce qu'on voulait, mais on est raisonnablement satisfait de ce qu'on a obtenu. Les deux parties sont censées faire un effort et céder un peu de terrain. Faisons donc cela : faisons un effort et acceptons de céder un peu de terrain. C'est aussi possible dans le cadre d'une mesure législative, mais celle dont nous sommes saisis ne le permet pas. C'est soit A ou B, ce qui n'aide en rien le processus.
Par ailleurs, le gouvernement n'y gagnera rien non plus, car il peut arriver à ses fins en passant par un processus de médiation- arbitrage. C'est exactement la même chose; c'est un processus contraignant qui prive du droit de grève, tout comme la mesure qu'ils ont prise. La population ne serait pas touchée. Toutefois, les négociations reprendraient.
Voici le détail important : La tierce partie décide qui de nous ou d'Air Canada se montre raisonnable. Que peuvent-ils offrir? Toutes ces décisions se prennent dans le cadre de discussions ouvertes et honnêtes; c'est un bon processus. Malheureusement, cette mesure nous interdit ce processus. Je vous demande de nous le donner.
Le sénateur Cordy : Merci.
[Français]
Le sénateur Rivest : Je vais poursuivre plus ou moins dans le même sens que le sénateur Duffy. Après avoir écouté toutes les interventions, je suis très inquiet. On a dit qu'il n'y aurait pas de repos sans que l'on étudie, comme Canadiens, la situation d'Air Canada et de ses employés, parce que c'est une institution à laquelle on tient beaucoup et les problèmes qui y sont vécus nous inquiètent énormément. Je me mets un peu dans la peau des travailleurs d'Air Canada en ce moment.
Un sénateur évoquait plus tôt la possibilité, en vertu de l'article 16, que l'on poursuive éventuellement les négociations.
(1910)
Je me demande comment cet article pourrait avoir quelque sens que ce soit, puisqu'en ce qui concerne leurs conditions de travail, les travailleurs devront attendre le rapport du commissaire, le rapport de l'arbitre, en plus de cette loi qui arrive en plein milieu du processus de négociation. Ultimement, il y aura les contestations judiciaires et tout ce que cela entraînera. Je suis très inquiet de voir comment vous pouvez espérer que les employés d'Air Canada, dans un avenir plus ou moins proche, trouvent une réelle amélioration de leurs conditions de travail dans tout cet imbroglio dans lequel Air Canada et ses employés sont placés.
Croyez-vous sérieusement en cette possibilité évoquée par l'article 16 du projet de loi que, malgré tout ce que vous vivez actuellement, il soit possible de prolonger un processus de négociation comme on doit l'entendre, c'est-à-dire dans le respect et l'égalité des deux parties en cause?
Ne croyez-vous pas que l'action du gouvernement vient justement de compromettre et de rendre extrêmement difficiles la relance d'Air Canada et le respect des droits fondamentaux des travailleurs d'Air Canada?
M. Bélanger : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cela n'a aucun sens. Selon l'historique des négociations jusqu'à maintenant, s'il y avait eu de la bonne foi et un désir de négocier, cela se serait fait à l'extérieur de ce processus arbitraire que nous impose le gouvernement. C'est difficile de croire que, pendant que cela se passe, pendant que nous contestons la loi et que nous nous ramassons avec un arbitrage de la meilleure offre que, dans le sens de la loi, nous ne pouvons pas changer, nous pourrions nous asseoir ensemble avec Air Canada et négocier de bonne foi. Premièrement, nous serions peut-être intéressés.
Je peux vous assurer que ce n'est pas le signal que nous avons reçu, car, par exemple, l'avis de lock-out de la semaine dernière nous indique que la compagnie n'est pas du tout intéressée.
D'ailleurs, nous voyons d'autres signes de la part de la haute direction d'Air Canada, qui essaie de nous mettre de la pression sur les épaules. Pour ce qui est des problèmes de sécurité aérienne, nous avons un comité de négociation qui ne peut plus voyager, car on doit débourser pour acheter les billets; des gens qui travaillent au sein des nos comités ne peuvent plus être relâchés de leur travail alors que nous avions ces droits avant. On est en train de jouer des petits jeux dangereux. Cela ne nous donne aucune indication quant au désir d'Air Canada de vouloir négocier avec nous.
Vous avez émis un état de fait et vous m'avez posé une question. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
[Traduction]
Le président : MM. Atkinson, Ritchie, Strachan et Bélanger, au nom de tous les sénateurs présents, je vous remercie de tout cœur d'être venus cet après-midi nous présenter vos exposés, bien sûr, mais aussi répondre à toute une série de questions. Cela nous a été de la plus grande utilité pour nos délibérations. Merci beaucoup. Vous êtes maintenant libres de partir.
M. Ritchie : Merci. Nous vous en savons gré.
Le président : Honorables sénateurs, les témoins s'apprêtent à quitter la salle, alors vous plaît-il de débuter l'étude article par article du projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens?
Des voix : D'accord.
Le président : La permission est-elle accordée de procéder en regroupant les articles en fonction des parties du projet de loi?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté, avec dissidence.
Les articles 3 à 17 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté, avec dissidence.
Les articles 18 à 32 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté, avec dissidence.
Les articles 33 à 38 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté, avec dissidence.
L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est-il adopté sans proposition d'amendement?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté, avec dissidence.
Honorables sénateurs, dois-je faire rapport du projet de loi sans proposition d'amendement? Adopté, avec dissidence?
Des voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-33, Loi prévoyant le maintien et la reprise des services aériens, a examiné le projet de loi et m'a chargé d'en faire rapport sans propositions d'amendement, avec dissidence.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi de crédits no 4 pour 2011-2012
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-34, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
Projet de loi de crédits no 1 pour 2012-2013
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-35, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2013, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme nous avons terminé les affaires du gouvernement et qu'il est plus de 16 heures, je dois, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 18 octobre 2011, déclarer que le Sénat s'ajourne au jeudi 15 mars 2012, à 13 h 30.
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 15 mars 2012, à 13 h 30.)