Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 139
Le mardi 26 février 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- Le Budget des dépenses de 2012-2013
- Le Budget des dépenses de 2013-2014
- Projet de loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée
- Régie interne, budgets et administration
- Le Budget des dépenses de 2013-2014
- Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)
- Préavis de motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier les dépenses prévues au crédit 10c dans le Budget supplémentaire des dépenses (C)
- Le Budget des dépenses de 2013-2014
- La Région des lacs expérimentaux
- L'organisme Child, Adolescent and Family Mental Health
- Les fondements scientifiques des changements climatiques
- La Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada
- Projet de loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône
- La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
- Le Budget des dépenses de 2012-2013
- Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité des Finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)
- Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier le crédit 10c du Parlement contenu dans le Budget supplémentaire des dépenses (C)
- Le Budget des dépenses de 2013-2014
- La Loi sur les parcs nationaux du Canada
- L'amélioration des soins de santé mentale dispensés aux détenus
- La littératie
- Les universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire
- La Sécurité de la vieillesse
- Question de privilège
LE SÉNAT
Le mardi 26 février 2013
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Le Nunavut—Le Ranger des Forces canadiennes mort en service
Minute de silence
Son Honneur le Président : J'invite tous les honorables sénateurs à se lever et à observer une minute de silence à la mémoire du caporal Donald Anguyoak, membre des Rangers canadiens, mort tragiquement le 19 février pendant un exercice d'entraînement à Gjoa Haven, au Nunavut.
Les honorables sénateurs observent une minute de silence.
[Français]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le rôle des sous-ministres dans la fonction publique
L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je prends la parole pour attirer votre attention sur un récent article de Paul Boothe, ancien sous-ministre de l'Environnement, dans lequel il discute du rôle des sous-ministres dans la fonction publique.
C'est une histoire qui est rarement racontée, mais qui devrait l'être plus souvent, c'est-à-dire qu'un sous-ministre est aussi important et influent qu'un président-directeur général d'une grande entreprise canadienne.
[Traduction]
Dans son article intitulé « Les sous-ministres, ces PDG que personne ne connaît », il fait valoir deux arguments principaux : premièrement, on peut comparer les sous-ministres aux présidents-directeurs-généraux des grandes entreprises canadiennes de Bay Street; deuxièmement, le poste de sous-ministre est tout aussi complexe et exigeant que son pendant du secteur privé. Je suis entièrement d'accord. Écoutez cela, honorables sénateurs : selon M. Boothe, le sous-ministre des Transports gère un budget de plus de 1 milliard de dollars et un effectif de plus 4 000 employés. Ce ministère est à peu près aussi gros que Postmedia. Dans son article, M. Booth a parlé du redéploiement de cinq sous-ministres très influents : Yaprak Baltacioglu a été nommée au Secrétariat du Conseil du Trésor; Michelle d'Auray aux Travaux publics; François Guimont à la Sécurité publique; Simon Kennedy au Commerce international; et, enfin, Louis Lévesque aux Transports. Ces nominations des plus importantes ont cependant eu peu d'échos dans les médias. Ce serait tout le contraire si les cinq principaux présidents-directeurs-généraux de nos grandes banques jouaient à la chaise musicale.
Beaucoup de Canadiens ne se rendent peut-être pas compte de l'influence dont jouissent les sous-ministres. Dans son texte, M. Boothe énumère les principales différences entre les fonctions de sous-ministre et de PDG. Premièrement, contrairement à leurs homologues du secteur privé, les sous-ministres œuvrent dans la sphère politique, servir leur ministre étant leur priorité absolue. Deuxièmement, les sous-ministres doivent rendre des comptes au Parlement, et le rapport entre pouvoir et obligation redditionnelle est très différent pour eux. Troisièmement, les sous-ministres sont jugés sur la manière dont ils appliquent le programme stratégique du gouvernement, réduisent la bureaucratie et les coûts et évitent de mettre leur ministère dans le pétrin ou d'attirer l'attention des médias sur lui. Quatrièmement, les sous-ministres sont souvent appelés à comparaître comme témoins devant des comités parlementaires, mais, comme le précise M. Boothe, ils préféreraient ne pas se faire remarquer. L'auteur conclut son article ainsi :
[...] que les médias s'intéressent ou non aux sous-ministres, leur travail est vital pour que le gouvernement atteigne ses objectifs et pour que les Canadiens reçoivent des services publics de qualité.
Honorables sénateurs, au cours de mes 23 années au Parlement, j'ai eu la chance de collaborer avec un certain nombre de sous-ministres. J'ai eu l'honneur de m'exprimer devant les personnes réunies au déjeuner hebdomadaire des sous-ministres et, il y a quelques années, j'ai pris l'initiative de lancer la tradition des soupers-dialogues pour favoriser les échanges entre les sous-ministres et les sénateurs. Certains sénateurs y ont assisté et ont pu profiter de l'occasion pour discuter de questions importantes relatives aux politiques publiques avec des hauts fonctionnaires. Je suis d'avis que les parlementaires sont capables de collaborer étroitement avec les hauts fonctionnaires pour que le pays se dote de politiques publiques solides qui correspondent à l'intérêt général. Ces soupers sont utiles pour abattre les cloisons réelles ou apparentes séparant les deux groupes.
Honorables sénateurs, si je porte à votre attention l'article de M. Booth, c'est pour rappeler à tous la chance que nous avons, au Canada, de pouvoir compter sur une équipe de sous-ministres qualifiés qui regorge de talent et qui est au service des Canadiens.
Question de privilège
Avis
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'ai donné préavis par écrit aujourd'hui que je soulèverais une question de privilège au cours de la présente séance. Conformément au paragraphe 13-4(4) du Règlement, je donne maintenant préavis oralement que je soulèverai une question de privilège concernant le travail et les déclarations très médiatisées d'un fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement, M. Kevin Page, directeur parlementaire du budget. La question de privilège concerne le travail de ce mandataire du Parlement, dont il a été abondamment question dans la presse la semaine dernière, notamment le vendredi 22 février 2013. Ce jour-là, Gary Corbett écrivait ce qui suit dans le Toronto Star :
Ses demandes d'information additionnelle sont demeurées sans réponse, ou l'on a grandement tardé à y répondre. Ses calculs ont été balayés du revers de la main ou remis en question publiquement. Son rôle et sa réputation de chien de garde ont fait l'objet d'attaques d'une intensité habituellement réservée aux écologistes. Même après avoir eu recours aux tribunaux pour forcer le gouvernement à révéler les détails des compressions et des dépenses proposées, il a eu droit au même silence assourdissant.
De plus, le même jour, l'Ottawa Citizen publiait un article dans lequel M. Page affirmait que la lutte qu'il menait avait causé la surprise de certains observateurs. On pouvait lire le passage suivant l'article en question, qui portait sur une réunion de deux jours de directeurs parlementaires du budget et d'autres titulaires de charge publique en provenance de 22 pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques :
Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, affirme que certains observateurs étrangers sont choqués de voir les difficultés qu'il rencontre à essayer de percer les secrets du gouvernement. Page [...] va traîner le gouvernement devant les tribunaux parce que celui-ci refuse de divulguer en l'information relative aux milliards de dollars qu'il entend couper dans les dépenses des ministères.
(1410)
Dans l'article, on apprend aussi que des exposés sur l'accès à l'information au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis ont été présentés jeudi dernier au cours de cette réunion internationale et que :
M. Page a souligné que c'est son bureau qui a été le plus malmené.
Honorables sénateurs, le comportement et les déclarations de cet agent de la Bibliothèque du Parlement, qui ont maintenant des échos au-delà de nos frontières, sur la scène internationale et qui empiètent sur les relations étrangères du Canada, violent les privilèges du Sénat et des sénateurs.
[Français]
La Loi sur les langues officielles
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, de très bonnes questions sont souvent posées au Sénat et elles portent à réflexion.
Il y a environ deux semaines, la question suivante a été lancée : « Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui pour les communautés de langue officielle par rapport à 1969, année où on a vu la naissance de la Loi sur les langues officielles? » J'ai cru bon de profiter de la semaine de relâche pour faire un peu de recherche. En voici les résultats. Ce ne sont toutefois que quelques exemples.
En 1981, le Nouveau-Brunswick a adopté la Loi reconnaissant l'égalité des deux communautés linguistiques officielles au Nouveau- Brunswick. En 1982, la Charte a été adoptée. En 1991, on a assisté à l'entrée en vigueur du Règlement sur les langues officielles — communications avec le public et prestation de services. En 1998, le Renvoi relatif à la sécession du Québec a reconnu le principe de la protection des minorités comme un des quatre principes fondamentaux. En 1999, la Cour suprême, dans l'arrêt Beaulac, a statué que les droits linguistiquesse devaient d'être mis en oeuvre en fonction du sens véritable du principe de l'égalité, c'est-à-dire l'égalité réelle.
En 2000, dans l'affaire Montfort, les tribunaux ontariens ont confirmé que le principe constitutionnel du respect de la protection des minorités ne permettait pas la fermeture d'une institution essentielle à l'épanouissement de la communauté francophone minoritaire. En 2006, Statistique Canada a déterminé qu'un Canadien sur cinq était allophone, c'est-à-dire qu'il n'avait ni le français ni l'anglais comme langue maternelle, et que ce nombre a plus que doublé de 1971 à 2006, passant de 1,6 million à 3,7 millions de personnes..
En 2009, l'arrêt Desrochers a fait en sorte que les institutions fédérales devaient s'assurer d'offrir des services de qualité égale, c'est-à-dire des services qui, dans certains cas, devaient être adaptés aux besoins particuliers des communautés de langue officielle. En octobre 2012, les résultats du dernier recensement national ont montré que, alors que le nombre de francophones vivant en situation minoritaire a augmenté au cours des 10 dernières années, leur taille relative avait diminué.
Statistique Canada cite l'immigration internationale comme un des principaux facteurs expliquant cette baisse de la taille relative des communautés francophones. Pour conclure, en février 2012, les Manitobains ont enfin des plaques d'immatriculation bilingues sur leur voiture. Ce ne sont là que quelques exemples, honorables sénateurs. C'est donc à suivre.
[Traduction]
L'Ukraine
Observations sur les élections législatives
L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, j'ai d'abord tenté de glisser ce petit discours lors du dépôt d'un rapport et je me suis fait prendre. Je m'en excuse à tous les sénateurs.
J'aimerais parler des élections en Ukraine et raconter aux honorables sénateurs ce que j'ai écrit pendant la soirée suivant les élections.
Je me suis mis en route vers une région rurale de l'Ukraine avec un député de la Suède, Leif Pettersson, ainsi qu'un interprète et un chauffeur. Nous sommes partis à 6 heures du matin et avons roulé pendant une heure et demie. À moins de 20 kilomètres de Kiev, la ville a rapidement fait place à la campagne. Entre ce moment-là et 20 heures, nous avons voyagé d'un petit bureau de scrutin à l'autre. Le plus grand des bureaux où nous nous sommes arrêtés desservait 1 800 électeurs, et le plus petit, 250.
Il n'y a plus beaucoup de jeunes dans les régions rurales car, en l'absence de travail, ils migrent vers les villes. Ce sont vraiment des régions agricoles : le terrain est plat, le sol est riche, mais presque tout est en jachère. Il n'y a pas d'équipement et personne ne travaille dans les champs. Par conséquent, le principal moyen de subsistance de la population consiste en de petits potagers.
La grande majorité des gens que nous avons rencontrés pendant la journée devaient avoir plus de 65 ans, et plusieurs d'entre eux semblaient avoir plus de 80 ans. Ils se déplaçaient à bicyclette ou sur de vieilles motocyclettes, marchaient avec des cannes et allaient voter à bord de camions. La vue d'une femme âgée de 90 ans, qui marchait à l'aide d'une canne et d'un bâton et qui descendait la route pour se rendre au bureau de scrutin, avait quelque chose d'extrêmement émouvant.
Personne ne mourait de faim, mais, à en juger d'après les vêtements que les gens portaient, pas grand-chose n'avait bougé depuis les années 1970. J'ai appris qu'il y avait seulement 20 ans que l'Ukraine n'était plus sous la domination d'une puissance étrangère, elle qui a été dirigée pendant des siècles par des envahisseurs successifs. Tous les villages, quelle que soit leur taille, ont des monuments à la mémoire de ceux qui ont combattu et sont morts au cours de ces guerres. Dans un village qui comptait à peine plus de 200 électeurs, on pouvait y lire le nom de plus de 200 militaires morts au combat; c'était assez bouleversant.
Nous n'avons pas constaté de problème majeur dans les bureaux de scrutin. Ceux-ci étaient bien gérés et des caméras étaient installées sur les isoloirs et les tables de scrutin. Les locaux pouvaient aussi bien être une école bâtie il y a 115 ans qu'une boîte de nuit désaffectée munie d'une boule disco au plafond.
Je pourrais vous rapporter des histoires amusantes et émouvantes. Je me contenterai de dire que j'étais extrêmement heureux d'être canadien et d'avoir pu mener une vie extraordinaire. La force et la dignité du peuple ukrainien ont été pour moi une grande source d'inspiration.
Le décès de M. Amin Shivji
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à mon ami Amin Shivji, un entrepreneur de talent, un infatigable défenseur des intérêts de la collectivité et un fier Canadien.
Après l'expulsion des Asiatiques de l'Ouganda en 1972, Amin est arrivé au Canada comme réfugié avec un peu d'argent et quelques biens. Il avait 26 ans et venait de se marier. Il avait laissé derrière lui une vie confortable et une plantation de canne à sucre florissante. Il n'était pas du genre à croupir dans son malheur. Il a acheté une maison à Richmond, en Colombie-Britannique, et s'est inscrit au programme de MBA de l'Université de la Colombie-Britannique moins de deux ans après son arrivée. Trois ans plus tard, en 1997, il devenait citoyen canadien, ce dont il était très fier. Il a travaillé dans le secteur bancaire et s'est associé plus tard à une jeune société de capital-risque.
Au cours des années 1990, Amin a décidé de faire profiter à l'Ouganda des compétences qu'il avait acquises au Canada. Il a repris possession de sa chère exploitation de canne à sucre, qui était en ruines. Toujours aussi optimiste et visionnaire, il a tout recommencé à zéro et a fait œuvre de pionnier en Ouganda dans le domaine de l'agriculture biologique et biodynamique, qui est fondée sur le commerce équitable. Aujourd'hui, son entreprise est la plus ancienne et la plus importante exportatrice de fruits biologiques en Ouganda.
Tout au long de sa vie, Amin s'est voué à trois grandes passions : le service communautaire, l'éducation et la famille. Il a transmis à ses filles l'importance qu'il accordait à l'éducation et il a financé la coupe Shivji. Il s'agit d'un trophée décerné annuellement pour souligner la citoyenneté remarquable et le succès scolaire à l'école primaire Walter Lee, de Richmond, école qu'ont fréquentée ses filles.
Ancien élève des écoles Aga Khan, en Ouganda, Amin en est devenu le président à titre bénévole en 1997. Il a aidé à moderniser le programme d'études, à mettre en place les technologies de l'information et à veiller à ce que ces écoles soient accessibles aux élèves méritants, peu importe les moyens de leur famille.
En tant que père aimant, Amin a fait comprendre à ses filles, Farah, Nazma et Aliya, qu'elles devaient être tout particulièrement fières de leur citoyenneté canadienne. Il leur a souligné l'importance du travail acharné et du service communautaire. Aujourd'hui, ce sont des femmes épanouies, qui apportent une contribution inestimable à leur collectivité respective.
Au cours des dernières années de sa vie, Amin a tiré grand plaisir à jouer avec ses deux petites-filles et son petit-fils, qui était alors bébé.
Amin a toujours encouragé sa femme, Gulzar, à relever des défis. Aujourd'hui, elle est présidente des écoles Aga Khan, en Ouganda.
Les frères et sœurs d'Amin s'adonnent aussi au service communautaire. Son frère, Salim Ahmed, est un chef ismaïlien bien connu, qui rend des services remarquables à sa collectivité.
Amin s'est éteint dans la maison de Richmond, en Colombie- Britannique, qu'il aimait tant et qu'il avait achetée 38 ans plus tôt, alors qu'il était réfugié. Je me souviens du sourire rayonnant et du grand cœur d'Amin. Toutes les personnes qui ont eu le bonheur de le connaître se sont senties spéciales et valorisées à son contact.
Amin, nous avons passé beaucoup de temps ensemble quand je suis retournée en Ouganda. Vous allez nous manquer.
La Journée des scouts sur la Colline
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, nous soulignons aujourd'hui la Journée des scouts sur la Colline. Je tiens à prendre quelques instants pour reconnaître le dévouement et l'enthousiasme de tous les scouts, de leurs chefs et des bénévoles qui, partout au Canada, contribuent tellement au mieux-être de nos collectivités. Nous vous sommes reconnaissants de votre passion et de votre leadership.
(1420)
Vendredi dernier, le 22 février, j'ai eu le plaisir de prendre la parole devant un groupe de scouts et de remettre la Médaille du jubilé de diamant à une personne qui fait partie du mouvement scout depuis 45 ans, Mme Lois Brown, de Kensington. On souligne le 22 février le Jour des fondateurs et aussi l'anniversaire des fondateurs des mouvements des scouts et des guides, lord et lady Baden-Powell. Cette journée est l'occasion de réfléchir à ce que cela signifie que d'être scout et d'être fier de tout ce que les scouts ont accompli.
En préparant mes notes pour mon allocution, je suis tombée sur la copie de la dernière lettre que lord Baden-Powell a adressée aux scouts. Il parlait du bonheur — ce qu'il signifie et d'où il vient. Il a écrit ce qui suit :
Ce n'est pas la richesse, le simple succès professionnel ou l'hédonisme qui apporte le bonheur [...] Contentez-vous de ce que vous avez et tirez-en le maximum. Regardez le bon côté des choses [...] Mais la meilleure manière d'atteindre le bonheur est d'en donner aux autres. Faites-en sorte que, lorsque vous quitterez ce monde, il sera un peu mieux que lorsque vous y êtes entré.
Je pense que ces mots traduisent vraiment ce que signifie être scout et, plus encore, un bénévole. Les bénévoles comptent parmi les personnes les plus importantes dans nos collectivités. Elles donnent gracieusement d'elles-mêmes, de leur temps, de leur énergie et de leurs compétences pour aider les autres. Souvent, quand je rencontre des bénévoles et qu'ils me parlent d'eux, je ne suis pas surprise d'apprendre que, la première fois qu'ils ont fait du bénévolat, c'était dans des organisations comme les scouts.
À tous les scouts qui sont ici sur la Coline aujourd'hui et à ceux qui sont chez eux, je vous encourage à participer à autant de nouvelles activités que possible. Les expériences que vous vivrez comme scout, dans votre jeunesse, vous suivront toute votre vie et pourraient vous ouvrir des portes. N'ayez pas peur de relever des défis et de rechercher les nouvelles possibilités. Votre vie n'en sera que plus riche.
Je vous invite à aller au bout de vos rêves et à tenter de nouvelles expériences. Nous avons besoin de vos idées et de votre enthousiasme. Jouez un rôle dans votre collectivité en faisant du bénévolat. Vous découvrirez peut-être que, en aidant les autres, vous trouverez aussi le bonheur.
Joyeuse Journée du scoutisme et joyeuse Journée du Fondateur!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Budget des dépenses de 2012-2013
Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (C)
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (C) de 2012-2013 pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2013.
[Traduction]
Le Budget des dépenses de 2013-2014
Dépôt des parties I et II
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les parties I et II du Budget principal des dépenses de 2013-2014 pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.
Projet de loi sur la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée
Présentation du huitième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense
L'honorable Pamela Wallin, présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, présente le rapport suivant :
Le mardi 26 février 2013
Le Comité, sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité auquel a été renvoyé le projet de loi S-213, Loi instituant une journée nationale de commémoration pour honorer les anciens combattants de la guerre de Corée, a, conformément à son ordre de renvoi du jeudi 13 décembre 2012, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
La présidente,
PAMELA WALLIN
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Wallin, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Régie interne, budgets et administration
Présentation du dix-huitième rapport du comité
L'honorable David Tkachuk, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :
Le mardi 26 février 2013
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
DIX-HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité a approuvé le budget principal des dépenses du Sénat pour l'exercice financier 2013-2014 et en recommande l'adoption. (Annexe A)
Votre Comité fait remarquer que le budget proposé se chiffre à 92 517 029 $.
Respectueusement soumis,
Le président,
DAVID TKACHUK
(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p.1943.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Budget des dépenses de 2013-2014
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013, à l'exception du crédit 10c du Parlement.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
[Français]
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier les dépenses prévues au crédit 10c dans le Budget supplémentaire des dépenses (C)
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :
Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 10c du Parlement dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013;
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
[Traduction]
Le Budget des dépenses de 2013-2014
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget principal des dépenses
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014, à l'exception du crédit 10 du Parlement.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
[Français]
Préavis de motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier les dépenses prévues au crédit 10 dans le Budget principal des dépenses
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd'hui, je proposerai :
Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 10 du Parlement dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014;
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
La Région des lacs expérimentaux
Préavis d'interpellation
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la nécessité d'évaluer les impacts de la suppression du financement fédéral accordé à la Région des lacs expérimentaux.
(1430)
L'organisme Child, Adolescent and Family Mental Health
Préavis d'interpellation
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur le travail de l'organisme Child, Adolescent and Family Mental Health et sur la nécessité de soutenir cet organisme et son infrastructure.
[Traduction]
Les fondements scientifiques des changements climatiques
Préavis d'interpellation
L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur les aspects davantage physiques que métaphysiques du changement climatique.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
La Commission des plaintes du public contre la GRC
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Selon un rapport récent de Human Rights Watch, « Le rôle de la [Commission des plaintes du public contre la GRC] est essentiellement de contrôler le traitement des plaintes par la GRC. La principale autorité chargée des enquêtes est la GRC, et c'est cette dernière qui détermine au final quelles mesures correctives seront prises. »
Je crois que c'est ce que la sénatrice Dyck voulait dire lorsqu'elle a déclaré récemment que le fait de recourir au mécanisme de la Commission des plaintes du public contre la GRC, « c'est comme demander à quelqu'un d'enquêter sur ses pairs ». Le projet de loi C- 42 du gouvernement, qui modifie la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, garderait toujours la procédure existante selon laquelle la GRC accepte la compétence d'entités provinciales telles que le bureau d'enquête indépendant de la Colombie-Britannique. Or, la plupart des cas de viol et d'autres formes d'agression sexuelle perpétrés par la police ne font pas partie du mandat de ce bureau.
En outre, que ce soit l'entité fédérale ou provinciale qui mène les enquêtes indépendantes, le gouvernement fédéral conserve ultimement, au regard du droit international, la responsabilité de contrer la violence faite aux femmes et aux jeunes filles ainsi que la discrimination.
La question que j'adresse à madame le leader est la suivante : compte tenu que la GRC s'en remet d'abord aux bureaux d'enquête indépendants des provinces, le gouvernement collaborera-t-il avec les provinces pour s'assurer que ces organismes, y compris le bureau d'enquête indépendant de la Colombie-Britannique, ont le pouvoir d'enquêter sur les allégations de viol et d'agression sexuelle perpétrés par la GRC et la police?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie la sénatrice de sa question. Comme elle l'a dit elle-même, le Parlement est actuellement saisi du projet de loi C-42, Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada. J'ai répondu à des questions à ce sujet avant la dernière interruption de nos travaux.
De toute évidence, nous avons appris différentes choses, que le gouvernement a bien entendu transmises à la Commission des plaintes du public contre la GRC. Je ne sais pas qui la sénatrice citait lorsqu'elle a dit que c'est comme si un membre d'une famille était chargé d'examiner les affaires d'autres membres de la même famille, ou quelque chose du genre.
La Commission des plaintes du public contre la GRC est un organisme indépendant. Comme je l'ai déjà dit, si quelqu'un est au courant d'allégations ou de renseignements concernant des actes illicites commis par des membres de la Gendarmerie, nous l'exhortons à faire part aux autorités compétentes de l'information et des preuves dont il dispose.
Pour ce qui est des relations entre les autorités provinciales et la GRC, chacun sait que la Gendarmerie assure les services de police dans plusieurs administrations provinciales. Je vais simplement prendre note de la partie de la question concernant l'existence d'un processus entre les procureurs généraux des provinces et le gouvernement fédéral.
La sénatrice Jaffer : Je crois savoir, honorables sénateurs, que les allégations concernant de très graves infractions commises par la police, comme l'homicide, font l'objet d'une enquête, mais que ce n'est pas le cas s'il y a des allégations de viol ou d'agression sexuelle. Lorsque que madame le leader préparera sa réponse, aurait-elle l'obligeance de nous dire si les allégations de ce genre ayant trait à la police peuvent également faire l'objet d'une enquête?
J'ai une autre question complémentaire : la nouvelle Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, dont la création est proposée dans le projet de loi C-42, ouvrira-t- elle des enquêtes indépendantes sur les incidents déclarés concernant des actes graves reprochés à la police, y compris les incidents de viol et d'agression sexuelle?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, nous parlons ici d'un projet de loi dont le Parlement est saisi. Cela dit, la sénatrice voudra peut-être poser ces questions une fois que le projet de loi aura été transmis au Sénat et renvoyé à un comité. À titre de leader du gouvernement au Sénat, je ne peux pas donner une opinion sur une mesure législative que le Parlement n'a pas encore adoptée.
Les ressources humaines et le développement des compétences
L'assurance-emploi—Les enquêtes de Service Canada
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, les employés de Service Canada chargés d'enquêter sur les cas de fraude à l'assurance-emploi se sont vu attribuer des quotas puisqu'ils doivent chacun réaliser des « économies » de 485 000 $ en privant des chômeurs de leurs prestations. La ministre Finley a dit qu'il n'y avait pas de quotas, et qu'il s'agissait plutôt d'objectifs ou de cibles.
Premièrement, madame le leader du gouvernement peut-elle nous préciser la différence entre un quota et une cible? Deuxièmement, comment la ministre a-t-elle déterminé ce quota ou cette cible de 485 000 $ par an et par enquêteur?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie la sénatrice de cette question. Tout d'abord, le régime d'assurance-emploi a été établi pour aider les Canadiens qui perdent leur emploi sans que ce soit leur faute. Le régime sera toujours là pour aider ces gens.
La ministre et son ministère ont établi de nombreux nouveaux programmes pour beaucoup mieux renseigner les gens sur les emplois disponibles. Je crois fermement que le régime d'assurance- emploi doit servir aux gens qui ont vraiment besoin d'aide. L'année dernière, le programme a perdu des centaines de millions de dollars à cause de la fraude et des paiements versés à des personnes non admissibles et ce, en dépit du fait que les enquêteurs ont décelé des cas de ce genre totalisant un demi-milliard de dollars.
Je suppose, honorables sénateurs, que personne ici ne souhaite laisser des gens exploiter frauduleusement le régime. Je crois que nous préférons tous voir cet argent affecté aux gens qui en ont vraiment besoin.
Pour ce qui est de la question précise de la sénatrice, Service Canada dit qu'il n'y a pas de quotas, car ils auraient des conséquences négatives pour les membres de son personnel qui s'efforcent de servir le mieux possible les citoyens qui en ont besoin.
La sénatrice Cordy : J'ai bien l'impression que le mot « objectif » a été adopté simplement, comme l'a dit madame le leader, parce qu'il a des chances d'être mieux accepté par le public que le mot « quota ». En réalité, c'est du pareil au même.
Compte tenu des réactions du week-end dernier et des manifestations organisées au Québec et dans le Canada atlantique, les chômeurs n'ont pas du tout l'impression que le régime sera là pour les aider à l'avenir.
La ministre Finley a engagé 50 employés à Service Canada pour « interviewer » des gens qui ont présenté des demandes de prestations. Ces interviews ont lieu au domicile des demandeurs. Honorables sénateurs, ceux qui s'adressent à l'assurance-emploi parce qu'ils sont sans travail ne sont pas des criminels. Être chômeur n'est pas un crime. Ce n'est pas un crime de travailler pour le secteur de la pêche, le secteur agricole, l'industrie touristique, l'industrie forestière ou l'industrie de l'accueil ou encore d'avoir un autre emploi saisonnier.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Cordy : Les travailleurs des usines de transformation du poisson du Canada atlantique n'ont pas besoin de leçons du gouvernement ou de la ministre pour travailler fort. L'assurance- emploi n'est pas un cadeau du gouvernement. C'est un régime d'assurance conçu pour aider les chômeurs. Pourquoi le gouvernement traite-t-il les gens sans travail comme des criminels?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, tout d'abord, je crois que la sénatrice a affirmé que j'ai dit que le mot « cible » est préférable au mot « quota ». Je n'ai rien dit de pareil. La sénatrice a attrapé la même maladie que son leader en m'attribuant certains propos. Je ne l'apprécie pas du tout.
(1440)
Je suis tout à fait d'accord pour dire que le programme d'assurance-emploi a pour rôle d'aider les Canadiens qui, sans qu'ils y soient pour quoi que ce soit, se retrouvent sans travail. La ministre et son ministère appliquent de nombreux programmes et en implantent de nouveaux pour aider les travailleurs à trouver les postes disponibles.
Il est évident que le rôle de l'assurance-emploi est de secourir les travailleurs qui ont besoin d'aide.
Toutefois, je ne crois pas que quiconque croit qu'il faut que ces gens soient pénalisés parce que d'autres fraudent le système. Je me soucie plus particulièrement de ceux qui, de façon légitime, ont demandé des prestations d'assurance-emploi.
Lorsque des centaines de milliers de dollars sont versés à tort, ce sont ceux qui devraient recevoir cet argent qui sont le plus durement touchés.
La sénatrice Cordy : Honorables sénateurs, je dirai à madame le leader que ce sont les travailleurs des secteurs d'activité saisonniers qui semblent visés, à en juger par la réaction du dernier week-end, notamment. Cependant, il n'y a pas eu que le week-end dernier. Il y a des protestations depuis le début de tous les changements que la ministre a apportés à l'assurance-emploi, il y a longtemps, sans avoir de discussions avec les premiers ministres du Canada atlantique, et pas plus avec les premiers ministres conservateurs du Nouveau- Brunswick et de Terre-Neuve, qui n'ont pas été prévenus par la ministre et n'ont pas eu d'entretiens avec elle au sujet des mesures qui allaient venir.
Le gouvernement a éliminé les conseils arbitraux et les arbitres pour réduire les coûts, mais il vient d'engager des inspecteurs pour intimider les prestataires chez eux. Quelle est la raison d'être de ces visites d'enquêteurs chez les prestataires d'assurance-emploi? En d'autres termes, que dit ou fait un enquêteur lorsqu'il arrive chez un prestataire?
Chose curieuse, j'ai déjà demandé à madame le leader, lorsque les conseils arbitraux ont été éliminés, si des discussions directes seraient possibles ou si les prestataires devraient se débrouiller avec le téléphone ou un ordinateur lorsqu'il s'agit d'expliquer leur demande ou de contester une décision. Qu'a-t-on fait à la place? On a engagé des enquêteurs qui sont affectés dans les bureaux régionaux pour que les prestataires puissent aller leur parler, mais, mon Dieu, il se trouve que nous avons maintenant assez d'argent pour les envoyer chez les prestataires. Que vont faire les enquêteurs lorsqu'ils iront chez les prestataires?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, la réponse est fort simple : l'an dernier, le ministère a réussi à empêcher le versement d'un demi-milliard de dollars en prestations injustifiées. Évidemment, ceux qui sont pénalisés, lorsque des prestations sont versées de façon injustifiée, ne sont pas ceux qui fraudent le gouvernement, mais ceux dont les demandes sont fondées, qu'il s'agisse de travailleurs saisonniers ou d'autres travailleurs. Selon moi, il n'est dans l'intérêt de personne de continuer à récompenser les fraudeurs aux dépens de ceux qui ont vraiment besoin de l'assurance-emploi.
La sénatrice Cordy : Honorables sénateurs, ma question était la suivante : que fait l'enquêteur lorsqu'il va chez un prestataire de l'assurance-emploi?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, si des fraudes d'un demi-milliard de dollars ont été démasquées, c'est grâce aux fonctionnaires de Service Canada qui travaillent à tous ces dossiers et qui veillent à ce que le bon travail des services de l'assurance-emploi soutienne ceux qui ont besoin d'aide. Nous avons toujours dit que l'assurance-emploi a pour objectif d'aider ceux qui ont besoin de cette assurance, pas les fraudeurs.
[Français]
L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, il serait peut-être intéressant que cette mesure prise à l'égard de ces travailleurs et visant à leur rendre visite puisse s'appliquer aux gens du milieu des affaires qui s'enfuient vers des paradis fiscaux. On pourrait peut-être faire des visites à leur domicile pour essayer d'économiser de l'argent.
Honorable sénateurs, ma question complémentaire est la suivante : la semaine dernière, j'ai soulevé la question des travailleurs saisonniers dans le cadre de l'application de la Loi sur l'assurance- emploi. Compte tenu de ce qui se passe, en particulier au Québec où il y a eu encore des milliers de travailleurs qui, de bonne foi — d'ailleurs accompagnés, dans l'Est du Québec, par trois candidats du Parti conservateur qui se sont carrément rangés derrière leurs concitoyens et les travailleurs —, manifestent pour dire au gouvernement une chose qui me semble tout à fait simple : les mesures de restriction ou de recherche d'efficacité dans l'application de la Loi sur l'assurance-emploi sont probablement légitimes. Cependant, lorsqu'il s'agit des travailleurs saisonniers, des pêcheurs ou des gens qui travaillent dans le domaine de la foresterie, dans le tourisme, il s'agit de la nature même de l'économie de ces régions.
Madame la ministre pourrait-elle convaincre ses collègues du Cabinet du fait que des mesures qui sont peut-être bonnes sur l'ensemble du territoire ne peuvent pas s'appliquer à certaines situations concrètes? C'est ce que les travailleurs, jour après jour, semaine après semaine, en descendant dans la rue, demandent au gouvernement. Malheureusement, ils ne reçoivent aucune espèce d'écoute.
On leur dit : « On vous applique la même norme qu'à l'ensemble des citoyens canadiens », alors qu'il y a des réalités régionales, un vécu économique dans les régions qui est très particulier. Il me semble que ce ne serait pas la fin du monde si l'administration de l'assurance-emploi et le gouvernement pouvaient tenir compte de cette réalité et du vécu de l'ensemble de nos concitoyens.
[Traduction]
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement et le ministère tiennent compte de cette réalité. La caisse d'assurance- emploi est là et sera toujours là pour apporter une aide à ceux qui en ont besoin. De plus, le ministère a mis en place un nouveau système pour repérer les emplois qui existent dans la région.
En somme, le régime d'assurance-emploi est conçu pour atteindre l'objectif envisagé au départ : aider les travailleurs, saisonniers ou réduits au chômage malgré eux, qui n'arrivent pas à trouver un travail convenable. Il n'est pas là pour aider ceux qui fraudent délibérément le système.
Au Québec, c'est la même chose que dans les autres provinces ou territoires. L'assurance-emploi est de juridiction fédérale. La ministre Finley et le gouvernement fédéral continuent de travailler avec le gouvernement du Québec, car il existe des objectifs communs : de bons emplois bien rémunérés et la croissance économique.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, depuis des semaines, la collègue du leader, la ministre Finley, répète que les fraudes dont l'assurance-emploi est victime coûtent aux Canadiens des centaines de millions de dollars par an. Or, les comptes publics montrent que le taux de non-recouvrement a été de 0,01 p. 100 en 2010, de 0,02 p. 100 en 2011 et de 0,01 en 2012. Faut-il croire les Comptes publics du Canada ou la ministre?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, j'ose dire que, lorsque la ministre et le service chargé d'administrer le programme disent que la fraude et les prestations non fondées nous ont fait perdre des centaines de millions de dollars, ils peuvent s'appuyer sur des données solides.
Le sénateur Cowan : Madame le leader prétend-elle que les comptes publics sont erronés? Est-ce bien sa position?
La sénatrice LeBreton : Encore une fois, le sénateur Cowan me met dans la bouche des propos que je n'ai pas tenus.
Le sénateur Cowan : Pas du tout. Voici les chiffres. En 2010, les demandes frauduleuses ont représenté 119 124 773 $, mais tout ce montant sauf 0,01 p. 100 a été recouvré. En 2011, le montant s'est élevé à 136 713 797 $, et il a été recouvré à 0,02 p. 100 près. En 2012, ce fut 128 656 145 $, et le taux de non-recouvrement a été de 0,01 p. 100.
Si ces chiffres sont exacts, comment la ministre peut-elle dire que les fraudes contre l'assurance-emploi coûtent des centaines de millions de dollars aux Canadiens chaque année? Ces chiffres ne peuvent pas être justes.
(1450)
La sénatrice LeBreton : Tout d'abord, je trouverais fort intéressant que quiconque puisse voir ces chiffres — des millions et des millions et des millions de dollars — et dire que c'est normal.
Le sénateur Cowan : Qui est-ce qui attribue des propos à d'autres? Je n'ai pas dit cela.
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je ne puis que donner les faits au sénateur Cowan, à savoir que RHDCC a déclaré — et je le répète — que le régime d'assurance-emploi a perdu l'année dernière des centaines de millions de dollars à cause de la fraude et de paiements versés à des personnes non admissibles et ce, en dépit du fait que des paiements de ce genre totalisant près d'un demi- milliard de dollars ont été décelés et arrêtés par les employés de Service Canada.
Nous ne faisons pas comme les gouvernements précédents ont fait et nous ne prenons pas la caisse d'assurance-emploi pour réduire le déficit. Nous sommes déterminés à maintenir cette caisse pour répondre aux besoins des travailleurs saisonniers dont le sénateur Rivest a parlé, ainsi qu'aux besoins des gens du Canada atlantique et de tout le reste du pays qui ont perdu leur emploi. Nous ne croyons pas que les fonds de la caisse doivent servir à payer des gens qui exploitent frauduleusement le système ou qui demandent des prestations auxquelles ils n'ont pas droit.
Le sénateur Cowan : J'aimerais bien comprendre la situation. Lorsque le gouvernement calcule les pertes, il ne tient pas compte des fonds recouvrés. Est-ce exact?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, je vais seulement répéter ce que j'ai dit. Le fait est que des centaines de millions de dollars ont été indûment réclamés et qu'il y a des cas de fraude. Le gouvernement croit fermement que la caisse d'assurance-emploi ne devrait servir qu'à aider les gens qui en ont besoin.
Le sénateur Cowan : C'est une question importante, honorables sénateurs. Madame le leader peut-elle s'engager à obtenir des renseignements au cabinet de la ministre afin d'informer le Sénat du montant brut des demandes frauduleuses, des montants recouvrés par suite des efforts du ministère et des pertes nettes qui en résultent? Madame le leader peut-elle s'engager à obtenir ces chiffres pour les trois dernières années — elle peut le faire pour une plus longue période si elle le souhaite — et à les déposer au Sénat?
La sénatrice LeBreton : Je serai évidemment heureuse de prendre note de cette question. Je ne peux pas m'engager au sujet des années précédentes... Je suppose cependant qu'il serait possible de remonter aux années 1990, lorsque la caisse d'assurance-emploi a été dépouillée par le gouvernement qui était alors au pouvoir, qui s'en était servi pour réduire la dette.
[Français]
Les pêches et les océans
La Région des lacs expérimentaux—La fermeture des installations de recherche
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. J'aimerais faire un suivi sur la fermeture imminente de la Région des lacs expérimentaux, appelée le « RLE ». Le gouvernement a clairement indiqué qu'il avait l'intention d'abolir ce programme fédéral, mais qu'il était ouvert à la possibilité de transférer les installations à tout organisme intéressé.
Comme les honorables sénateurs le savent, aucun preneur n'a malheureusement été trouvé. Le financement fédéral arrive à échéance à la fin du mois de mars. Si on ne trouve pas d'acheteur d'ici là, les installations seront fermées et le gouvernement devra débourser près de 50 millions de dollars pour le nettoyage du site. Il ne reste qu'un mois.
Madame le leader pourrait-elle nous dire si des pourparlers sont en cours avec des acheteurs potentiels? Le gouvernement serait-il prêt à prolonger le financement pour une année au coût de 2 millions de dollars afin d'avoir un peu plus de temps pour trouver preneur?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question à plusieurs reprises. Au fil des ans, nous avons assuré un important financement à la recherche et aux sciences, notamment dans le dernier budget. Bien sûr, l'opposition a voté contre. La décision concernant les lacs expérimentaux tenait compte de la recherche effectuée dans d'autres domaines. Le gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur sa décision.
[Français]
La sénatrice Chaput : Ne serait-il pas plus rentable de financer le programme pour une année de plus pour se donner du temps pour trouver preneur, plutôt que de débourser près de 50 millions $ pour nettoyer le site?
[Traduction]
La sénatrice LeBreton : Je viens juste de répondre à cette question.
Les ressources humaines et le développement des compétences
Les prêts d'études canadiens—La sécurité des renseignements personnels
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Ressources humaines et Développement des compétences Canada a perdu un dispositif de stockage électronique contenant les renseignements de crédit de 583 000 bénéficiaires de prêts d'études canadiens accordés entre 2000 et 2007. On nous a d'abord dit que ces renseignements ont été perdus en novembre. Nous apprenons maintenant que l'incident pourrait remonter à août. Toutefois, ce n'est que le 11 janvier que le ministère a averti le public et commencé à écrire aux personnes touchées. Le public s'inquiète du retard mis à l'alerter et de la vitesse à laquelle les intéressés sont informés.
Voici mes questions : pourquoi le ministère a-t-il attendu jusqu'au 11 janvier pour avertir le public? Le ministère a-t-il informé toutes les personnes touchées par cette fuite de renseignements personnels? Si ce n'est pas le cas, combien de lettres ont été envoyées jusqu'ici, et quand le processus de notification sera-t-il terminé?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie la sénatrice Callbeck de ses questions. Comme l'a dit la ministre, cette fuite est tout à fait inacceptable. Le Commissariat à la protection de la vie privée a été saisi de l'affaire, et une enquête est actuellement en cours.
Pour prévenir de tels incidents, Mme Finley a ordonné au ministère de revoir les moyens dont se servent les employés pour manipuler les données des Canadiens et de remédier à toutes les lacunes qui sont à l'origine de cet incident. Elle a également demandé aux responsables d'actualiser les pratiques de sécurité du réseau, d'interdire l'utilisation de disques durs externes, de donner davantage de formation obligatoire à tous les employés sur la manipulation des données délicates et des renseignements personnels ainsi que sur les nouvelles politiques de sécurité.
Pour ce qui est la notification des personnes touchées, honorables sénateurs, je prends note de la question. Je ne suis pas tout à fait sûre des mesures prises par la ministre et le ministère pour informer les intéressés.
La sénatrice Callbeck : J'ai une question complémentaire. Je remercie la ministre de prendre note de ces questions parce qu'il sera intéressant de savoir si tous les gens touchés ont été informés et, sinon, quand ils le seront.
Cet incident suscite aussi une autre préoccupation concernant la protection du crédit qui est offerte à ces personnes. Le ministère dit qu'il a un contrat avec Equifax Canada, mais ce n'est pas la seule agence canadienne d'évaluation du crédit. Nous avons aussi TransUnion Canada. Même l'Agence de la consommation en matière financière du Canada recommande aux gens de s'adresser aux deux agences pour vérifier leur dossier de crédit. Pourquoi RHDCC ne recourt-il pas aux deux agences quand l'organisme fédéral chargé de protéger les consommateurs de produits financiers recommande de le faire?
La sénatrice LeBreton : Pour mieux protéger les Canadiens en cause, le gouvernement offre gratuitement par l'entremise d'Equifax un service de protection du crédit et de l'identité. RHDCC a proposé cette large protection d'Equifax aux clients dont les renseignements se trouvaient sur le disque dur manquant, et cet accord avec Equifax assure une protection d'une durée de six ans.
La sénatrice Callbeck : Je suis heureuse que le gouvernement ait conclu un accord avec Equifax, mais ma question portait sur TransUnion Canada. Il s'agit d'une agence similaire, et même l'Agence de la consommation en matière financière du Canada recommande aux Canadiens de faire appel aux deux entreprises pour vérifier leur dossier de crédit. Pourquoi le gouvernement n'a-t- il pas conclu un accord avec TransUnion Canada également?
La sénatrice LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement a conclu un accord avec Equifax. Je sais qu'il existe de nombreux portails qui permettent aux Canadiens de vérifier leur cote de crédit. RHDCC a pris des dispositions avec Equifax. Je crois que c'était la bonne mesure à adopter, mais je serai heureuse d'ajouter cette autre question sur les modalités de la protection des cotes de crédit.
(1500)
[Français]
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Moore, le 21 novembre 2012, concernant les femmes autochtones portées disparues et assassinées.
[Traduction]
Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse aux questions orales que l'honorable sénatrice Callbeck a posées le 4 décembre 2012 au sujet des personnes handicapées.
[Français]
La sécurité publique
Les femmes autochtones portées disparues ou assassinées—Proposition d'interpellation
(Réponse à la question posée le 21 novembre 2012 par l'honorable Wilfred P. Moore)
Le gouvernement du Canada est préoccupé par la question des femmes et des filles autochtones portées disparues et assassinées, et ce, depuis de nombreuses années.
En effet, le gouvernement a financé les travaux de l'Association des femmes autochtones du Canada (AFAC) pour déterminer la portée de la question, en versant à son initiative Sœurs par l'esprit un montant de 5 millions de dollars sur une période de cinq ans (2005-2010), par l'entremise de Condition féminine Canada.
Quand la recherche de l'AFAC a montré un nombre élevé alarmant de femmes autochtones portées disparues ou assassinées au Canada, le gouvernement a répondu en prenant des mesures, en 2010, en investissant un montant additionnel de 25 millions de dollars, sur une période de cinq ans, pour mettre sur pied une stratégie en sept points afin de mieux outiller les policiers et le système de justice, pour leur permettre de mieux répondre aux besoins des femmes autochtones et de leur famille.
Cette stratégie comprenait des investissements afin :
- de mettre sur pied un nouveau Centre national de soutien policier pour les personnes disparues et les restes humains non identifiés, en collaboration avec un comité de l'Association canadienne des chefs de police;
- de travailler avec les collectivités autochtones afin d'élaborer des plans de sécurité communautaire;
- d'appuyer l'élaboration de services aux victimes adaptés à la culture des Autochtones, ainsi que des services particuliers qui visent à venir en aide aux familles des femmes portées disparues ou assassinées;
- d'appuyer la création de projets pilotes scolaires et communautaires visant à réduire la vulnérabilité des jeunes femmes autochtones à la violence;
- d'appuyer l'élaboration de documents destinés au public pour rompre le cycle intergénérationnel de la violence qui menace les collectivités autochtones; et
- d'élaborer un recueil des pratiques prometteuses afin d'aider les collectivités autochtones, les responsables de l'application de la loi et les partenaires du système de justice dans l'avenir.
Cette stratégie en sept points s'ajoute aux investissements importants que le gouvernement s'est engagé à faire au cours des dernières années, et ce, dans un certain nombre de domaines fondamentaux, comme la prévention de la violence familiale, les services à l'enfance et à la famille, les logements dans les réserves, la sécurité économique et la prospérité, l'éducation, la santé, le maintien de l'ordre et la vie en milieu urbain. Pour ce faire, il a travaillé étroitement avec les organisations et les collectivités autochtones ainsi qu'avec ses partenaires provinciaux et territoriaux. La majeure partie de ces mesures vise à répondre à une myriade d'études qui ont permis de cerner les causes profondes des risques disproportionnés de violence et de victimisation dans les collectivités autochtones ainsi qu'à un nombre considérable de recommandations découlant de ces études et d'autres commissions et d'enquêtes.
Les projets financés ont donné des résultats, et l'on s'attend à d'autres réussites à mesure que d'autres projets évolueront.
Grâce aux travaux de l'Association des femmes autochtones du Canada, aux travaux précédents de la Manitoba Aboriginal Justice Inquiry et de la Commission royale sur les peuples autochtones, de même qu'à ceux de nombreux autres intervenants, nous savons que la vulnérabilité accrue des femmes et des filles autochtones à la violence est une question complexe qui demande une attention coordonnée de la part des organisations et des collectivités autochtones ainsi que de tous les ordres de gouvernement. Pour que des changements durables puissent s'opérer, il est nécessaire que les ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la justice, de la sécurité publique et des services de maintien de l'ordre, des questions relatives à l'égalité entre les sexes et des affaires autochtones prennent des mesures de manière coordonnée, en collaboration avec les collectivités autochtones et d'autres intervenants afin d'élaborer des solutions plus efficaces et appropriées dans chaque collectivité. De telles démarches collaboratives ont aussi donné des résultats, comme les travaux du Groupe de travail FPT sur les femmes portées disparues, qui a rédigé un rapport contenant 52 recommandations. Le Groupe de travail FPT sur la justice applicable aux Autochtones, qui, à la demande des ministres, travaille actuellement à l'élaboration d'un cadre de justice national pour coordonner les mesures prises par les secteurs de l'application de la loi et de la justice pour tenter d'apporter des solutions au problème de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Étant donné les causes complexes et interreliées de cette vulnérabilité à la violence, il faudra du temps et des efforts concertés pour qu'un changement durable s'opère. Ce changement se fera une collectivité à la fois. Les problèmes sont trop complexes et étroitement entrelacés pour que nous puissions tenter de les résoudre autrement. C'est pourquoi le gouvernement a mis l'accent sur la planification de la sécurité communautaire, puisque les collectivités sont les mieux placées pour cerner elles-mêmes les changements à apporter et pour établir leurs propres priorités. Un autre objectif crucial consiste à trouver des moyens d'aider les Autochtones qui ont été victimes d'un acte criminel et de répondre aux besoins particuliers des familles de femmes autochtones portées disparues ou assassinées.
En plus de travailler à la prévention de la violence, nous devons élucider les cas de femmes autochtones portées disparues ou assassinées, et nous y arriverons. Ce travail est à la base de notre système de justice pénale. Tous les Canadiens s'attendent à ce que les auteurs de tels crimes soient identifiés et que des mesures soient prises à leur égard; il s'agit là d'une question de respect fondamental pour la vie humaine. Comme toutes les familles et collectivités, les familles et les collectivités autochtones ont besoin de guérir.
Beaucoup d'autres projets sont en cours, et d'autres travaux sont nécessaires. Le gouvernement du Canada reconnaît la nécessité de travailler en étroite collaboration avec les organisations et les collectivités autochtones pour élaborer des réponses plus efficaces, mieux appropriées et fondées sur la collaboration, afin d'aider à assurer la sécurité des femmes au Canada. Nous savons que nous devons travailler à empêcher la disparition ou la mort d'autres femmes et filles autochtones.
Le Conseil du Trésor
La Commission de la fonction publique—L'équité en matière d'emploi pour les personnes handicapées
(Réponse à la question posée le 4 décembre 2012 par l'honorable Catherine S. Callbeck)
La Commission de la fonction publique (CFP) est un organisme indépendant qui relève du Parlement. Elle a pour mandat de protéger l'intégrité du système de dotation et la neutralité politique de la fonction publique. En outre, la CFP assure le recrutement de personnes qualifiées partout au Canada.
À la fonction publique fédérale, les nominations sont régies par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP). Aux termes de la LEFP, la CFP détient le pouvoir de faire des nominations internes et externes à la fonction publique, et d'établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations. Comme le lui permet la loi, la CFP a délégué son pouvoir de faire des nominations aux administrateurs généraux des organisations assujetties à la LEFP, et elle les tient responsables de leurs décisions en matière de dotation.
L'équité en emploi (EE) à la fonction publique fédérale est une responsabilité partagée par toutes les organisations. Aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi (LEE), la CFP joue un rôle de facilitateur : elle collabore avec les ministères et les organismes afin de déterminer et d'éliminer les obstacles dans le système de nomination, ainsi que de mettre en place des politiques et des pratiques de recrutement et de dotation qui visent à s'assurer que la proportion des membres des groupes désignés par la LEE — femmes, Autochtones, membres d'une minorité visible et personnes handicapées — au sein de la fonction publique reflète leur représentation au sein de la population active canadienne.
Dans le système délégué de dotation que nous avons présentement, ce sont aux administrateurs généraux que revient la responsabilité de s'assurer que leur organisation atteigne et maintienne un niveau de représentation dans les quatre groupes désignés. Lorsqu'il existe une sous- représentation, la LEE exige que les organisations élaborent et mettent en place des mesures positives pour remédier à cette situation. Par exemple, limiter les processus de dotation aux membres d'un ou de plusieurs groupes désignés est une mesure qui peut être prise pour combler les écarts dans la représentation de ces groupes au sein d'une organisation en particulier, ou dans l'ensemble de la fonction publique. Cette mesure est conforme à la LEFP, à la LEE et à la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Selon les données de la CFP, les organisations font une utilisation judicieuse des processus de nomination limités aux personnes des groupes désignés pour améliorer la sous- représentation au sein la fonction publique fédérale. Au cours de la période de cinq ans se terminant le 31 mars 2012, il y a eu 478 affichages de postes externes ouverts seulement à l'un ou plus des quatre groupes désignés sur un total 18 668 affichages externes. Ceci représente environ 2,6 p. 100 de tous les affichages de postes externes. Des quatre groupes, 88 affichages externes ciblaient des groupes désignés incluant les personnes handicapées. De ces affichages, trois étaient limités seulement aux personnes handicapées. Ces trois affichages limités ciblaient au moins neuf postes dans trois organisations.
La CFP tient compte de l'arrivée de nouveaux fonctionnaires à la fonction publique, et non des données globales sur l'effectif de la fonction publique. Ces données relèvent du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines. Or, selon les données du Bureau pour 2010-2011, l'effectif des personnes handicapées affiche 5,6 p. 100, ce qui signifie que leur représentation est supérieure à leur disponibilité dans la population active, qui est de 4,0 p. 100.
Comme nous l'avons mentionné dans notre rapport annuel de 2011-2012, le pourcentage de postulants faisant partie du groupe des personnes handicapées a continué de baisser : il est passé de 2,7 p. 100 en 2010-2011 à 2,6 p. 100 en 2011-2012. Par contre, le taux de nominations externes de personnes handicapées a légèrement augmenté, passant de 2,6 p. 100 en 2010-2011 à 3 p. 100 en 2011-2012.
La CFP s'appuie sur une série d'initiatives pour accroître la participation des personnes handicapées au sein de la fonction publique. Par exemple, elle a réalisé, en novembre 2011, une analyse documentaire sur les obstacles et les pratiques exemplaires dans le domaine du recrutement de personnes handicapées au Canada et à l'étranger, dans les secteurs privé et public. En 2011-2012, nous avons rencontré les ministères qui recrutent le plus afin d'approfondir nos connaissances sur le sujet, de faire part de certaines des conclusions de l'analyse documentaire, et de cerner d'autres pratiques exemplaires.
Cette année, nous réalisons une étude sur le cheminement de carrière et la perception face au processus de nomination des membres des groupes visés par l'équité en matière d'emploi, en mettant particulièrement l'accent sur les personnes handicapées. Parallèlement, nous examinons d'anciens programmes qui visaient le recrutement de personnes handicapées à la fonction publique dans le but de déterminer ce qui a bien fonctionné et ce qui n'a pas contribué à accroître le taux de recrutement. Nous prévoyons également examiner les facteurs qui pourraient expliquer le faible nombre de demandes d'emploi de la part des personnes handicapées. De plus, nous continuerons à travailler avec les ministères et organismes à l'élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de relations externes et de recrutement plus efficaces.
ORDRE DU JOUR
La Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L'honorable Ghislain Maltais propose que le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs et sénatrices, compte tenu de la qualité de ce projet de loi et de l'unanimité qu'il a soulevée au comité, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de prononcer un plus long discours.
Ce projet de loi est attendu par la population. Il touche beaucoup de catégories de Canadiens et Canadiennes, soit certaines catégories de personnes âgées, les nouveaux immigrants, les Autochtones et les jeunes. Ce projet de loi va donner à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes une meilleure perspective et une meilleure compréhension des conséquences qui découlent de leur engagement auprès des compagnies de crédit.
Honorables sénateurs, j'aimerais remercier les Caisses populaires Desjardins et autres caisses de crédit du Canada, qui n'étaient pas assujetties à la Loi sur les banques, mais qui se sont immédiatement impliquées dans le projet de loi. Elles feront partie du comité d'information pour éduquer les jeunes dans les écoles. Je tiens à les remercier publiquement parce qu'elles n'étaient pas obligées de s'impliquer. Pourtant, elles l'ont fait avec une ferveur reconnue.
J'aimerais aussi remercier les membres du comité, tant du côté du gouvernement que de l'opposition. Ils ont fait un travail remarquable. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité par les membres du comité. J'invite les honorables sénateurs et sénatrices à faire de même en cette Chambre.
[Traduction]
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je voudrais intervenir brièvement à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.
Nous sommes tous conscients, j'en suis sûre, qu'il faut améliorer la littératie financière au Canada. Il y a là un grand besoin. En fait, l'Enquête canadienne sur les capacités financières, publiée en 2009 par Statistique Canada, illustre ce besoin. Je vais signaler aux sénateurs un seul des nombreux exemples qu'on peut tirer de ce rapport : 70 p. 100 des Canadiens envisageaient leur retraite avec optimisme, mais 40 p. 100 d'entre eux ne savaient même pas de combien d'argent ils auraient besoin.
Il y a deux ans, le Groupe de travail sur la littératie financière a formulé 30 recommandations dans son rapport intitulé Les Canadiens et leur argent : Pour bâtir un avenir financier plus prometteur. Le projet de loi à l'étude, qui en est à la troisième lecture, ne donnera suite que partiellement à la première recommandation du groupe.
Je me réjouis du fait que le gouvernement prend cette modeste mesure afin d'améliorer la littératie financière en établissant le poste de chef du développement de la littératie financière. Toutefois, le chef relèvera du commissaire de l'Agence de la consommation ematière financière du Canada et non du ministre des Finances, comme le groupe de travail le recommandait. Je demeure convaincue que le chef aurait une position beaucoup plus forte s'il relevait directement du ministre. Cela renforcerait son mandat et ferait clairement ressortir qu'il a l'appui du ministre des Finances.
J'aurais voulu également que le projet de loi aille plus loin et donne suite à la deuxième recommandation du groupe de travail, qui exhorte le gouvernement à « crée(r) un conseil consultatif sur la littératie financière qui favoriserait la collaboration et fournirait régulièrement des avis au Responsable de la littératie financière... »
Il existe au Canada de nombreux experts dans ce domaine. Il serait certainement avantageux pour nous tous que les experts collaborent afin de présenter des idées et stratégies nouvelles afin d'améliorer la littératie financière. J'exhorte donc le gouvernement à donner suite à la deuxième recommandation du groupe de travail.
Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-28 dans l'ensemble, mais il s'agit seulement d'une mesure modeste visant à assurer la littératie financière des Canadiens. Je répète que le Groupe de travail sur la littératie financière a présenté 30 recommandations, et que le projet de loi ne met en œuvre qu'une seule d'entre elles. Il y a encore beaucoup de travail à faire, et j'espère que le gouvernement continuera de s'intéresser à ces 30 recommandations pour que la littératie puisse beaucoup progresser au Canada.
Son Honneur le Président : Questions et observations. Le sénateur Maltais a la parole.
[Français]
Le sénateur Maltais : Honorables sénateurs, je suis très conscient de ce que madame la sénatrice vient de dire. Il fallait toutefois commencer quelque part. La première chose à faire était de mettre de l'ordre dans la littératie financière et d'inviter les partenaires financiers à travailler avec le gouvernement. Ils ont accepté.
Il fallait ensuite créer le poste de responsable de la littératie financière et lui donner le personnel nécessaire pour mettre les choses en marche. Ce comité sera constitué, entre autres, d'institutions financières et de maisons d'enseignement. Le nouveau directeur pourra les consulter régulièrement.
Quant à la question de savoir si le directeur du Bureau de la littératie dépendra de personnes en particulier, il sera là pour servir l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes. Je ne crois pas qu'une dispute entre ministères soit nécessaire. Il s'agit plutôt d'offrir un excellent service aux personnes qui en ont besoin.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)
Projet de loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) propose que le projet de loi C-53, Loi d'assentiment aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, nous avons aujourd'hui l'occasion de débattre une mesure législative importante, le projet de loi C-53, Loi sur la succession au trône. Par ce projet de loi, le Parlement donne son assentiment aux modifications apportées aux règles qui régissent la succession au trône.
La Constitution stipule que la reine du Royaume-Uni est également la reine du Canada. Nous avons en commun avec 15 autres pays ce monarque, une culture et un patrimoine.
(1510)
C'est la législation du Royaume-Uni et non celle du Canada qui régit les règles de succession. Par conséquent, le gouvernement du Royaume-Uni, avec l'accord des royaumes dont Sa Majesté la reine est la souveraine, a présenté, en décembre 2012, un projet de loi visant à modifier la législation. Ledit projet de loi est actuellement à l'étude à la Chambre des lords et a été présenté ici le 5 février.
Aux termes des modifications proposées, l'ordre de succession sera déterminé indépendamment du sexe. Les héritières ne seront plus supplantées par leurs jeunes frères. Lorsque le projet de loi du Royaume-Uni aura été adopté, cette disposition s'appliquera à tout enfant né après le 28 octobre 2011, donc aux enfants de Leurs Altesses Royales le duc et la duchesse de Cambridge.
En outre, la nouvelle loi sur la succession mettra fin à l'incapacité de régner résultant du mariage avec une ou un catholique. Cette nouvelle disposition s'appliquera à tous les mariages déjà contractés lors de l'entrée en vigueur de la loi ainsi qu'à tous les mariages futurs.
La modernisation de la législation régissant la succession est le fruit d'une vaste coopération internationale. Les 16 royaumes ont convenu, en octobre 2011, de modifier les règles de succession permettant aux héritiers de supplanter leurs sœurs aînées dans l'ordre de succession et de mettre fin à l'interdiction de se marier avec une ou un catholique. Le gouvernement du Royaume-Uni a déclaré que sa loi n'entrera pas en vigueur tant que tous les royaumes n'auront pas conclu leurs débats nationaux sur la question.
Voici l'énoncé du préambule du Statut de Westminster de 1931 :
Attendu qu'il convient, puisque la couronne est le symbole de la libre association de tous les membres du Commonwealth britannique et qu'ils sont unis par une commune allégeance à celle-ci, de déclarer en préambule que serait conforme à leur situation constitutionnelle l'obligation d'assujettir désormais toute modification des règles de succession au trône et de présentation des titres royaux à l'assentiment des parlements des dominions comme à celui du Parlement du Royaume-Uni;
Le préambule exprime le principe selon lequel tous les dominions, y compris celui du Canada, doivent donner leur assentiment à la modification des lois régissant la succession. C'est ce que fait le projet de loi C-53, qui a été présenté par le ministre de la Justice. Plus particulièrement, l'article 2 du projet de loi donnerait l'assentiment du Parlement aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône, qui sont énoncées dans le projet de loi du Royaume-Uni.
Nous avons utilisé cette approche par le passé. Le Parlement a adopté cette loi à la suite de l'abdication du roi Édouard VIII en 1937. Une loi a également été adoptée dans les années 1950 pour donner l'assentiment aux modifications apportées aux titres royaux.
Honorables sénateurs, les médias ont demandé si cette mesure législative modifiait la Constitution du Canada et, dans l'affirmative, quelle serait la procédure de modification à suivre. Comme je l'ai dit auparavant, les lois concernant la succession sont des lois du Royaume-Uni. Ce ne sont pas des lois canadiennes, et elles ne font pas partie de la Constitution du Canada. Plus précisément, elles ne sont pas énumérées à l'annexe de notre Loi constitutionnelle de 1982 comme faisant partie de la Constitution du Canada.
De plus, ces modifications aux lois de succession ne changent en rien « la charge de Reine ». Cette charge comprend le statut, les pouvoirs et les droits constitutionnels du souverain au Canada. Ni l'interdiction imposée aux héritiers et héritières d'épouser des catholiques ni la règle de common law relative à la primogéniture selon laquelle on accorde la préférence aux mâles ne peuvent être qualifiées à proprement parler de pouvoirs ou de prérogatives royaux au Canada.
J'aimerais répondre aux préoccupations qui ont été soulevées quant au calendrier d'adoption du projet de loi C-53. Le Statut de Westminster de 1931 et le désir de résoudre harmonieusement les questions dont nous sommes saisis nous mettent dans une impasse. Les parlementaires du Royaume-Uni craignent d'adopter un projet de loi qui pourrait ne pas obtenir le consentement des royaumes. Les parlementaires canadiens, quant à eux, craignent d'adopter un projet de loi qui pourrait changer considérablement avant d'être adopté au Royaume-Uni.
Bien que nous nous penchions sur cette question en même temps qu'on le fait à Westminster, notre projet de loi prévoit des mesures préventives. Le projet de loi du Royaume-Uni n'entrera pas en vigueur avant que les royaumes approuvent officiellement les changements proposés. Notre projet de loi n'entrera pas en vigueur sans décret. Si le Parlement du Royaume-Uni n'adopte pas le projet de loi, ou en adopte un qui diffère considérablement de celui qui est à l'étude actuellement, le gouvernement du Canada ne mettra pas en vigueur le projet de loi C-53, ce qui fera en sorte que le projet de loi du Royaume-Uni ne pourra pas, non plus, entrer en vigueur. Or, le gouvernement est persuadé que le Royaume-Uni a de fortes chances d'adopter le projet de loi essentiellement sous la même forme que celle qui fait présentement l'objet d'une étude par le comité plénier de la Chambre des lords.
Comme les honorables sénateurs le savent peut-être, la reine a transmis au Parlement du Royaume-Uni son assentiment à la mesure législative de celui-ci sur la succession au trône. Ce projet de loi précise les prérogatives de Sa Majesté relativement aux mariages auxquels elle doit consentir. À l'heure actuelle, tout descendant du roi George II doit obtenir le consentement de la reine pour se marier. Le projet de loi britannique propose que seules les six premières personnes dans l'ordre d'accession au trône aient besoin du consentement du monarque régnant pour se marier.
Toutefois, le projet de loi C-53 n'a aucune incidence sur les prérogatives et les pouvoirs de Sa Majesté parce qu'il n'aborde toute simplement pas ces questions. Quoi qu'il en soit, par excès de prudence, le 31 janvier 2013, le ministre de la Justice a indiqué à l'autre endroit que le gouvernement avait avisé le gouverneur général de la teneur du projet de loi C-53 et lui avait demandé, dans la mesure où cela pourrait avoir une incidence sur la prérogative royale de la Couronne, de consentir à ce que le Parlement étudie le projet de loi et fasse comme bon lui semble. Son Excellence a accordé son consentement.
Honorables sénateurs, la modernisation des lois qui régissent la succession fera en sorte que la monarchie demeure une institution indispensable pour les Canadiens. Les filles et les fils seront traités de la même façon dans l'ordre de succession, tout comme ils le sont dans d'autres sphères de la vie. La foi catholique de leur conjoint ne constituera plus un motif pour les écarter de l'ordre de succession.
Le profond attachement des Canadiens pour la reine et la famille royale n'a jamais été aussi évident. Les Canadiens ont célébré le jubilé de diamant de Sa Majesté tout au long de 2012. Après cet important anniversaire, il convient que nous et les autres royaumes appuyions les changements aux lois qui régissent la succession. Ces célébrations nous ont donné l'occasion d'honorer les 60 ans de service de Sa Majesté en qualité de Reine du Canada et nos liens avec la monarchie, et de reconnaître combien le Canada s'est épanoui durant son règne. Cette année de célébrations s'est révélée un événement unificateur pour les Canadiens.
Les Canadiens ont eu la chance de recevoir plusieurs membres de la famille royale au cours des dernières années, et, plus récemment, Leurs Altesses Royales le prince de Galles et la duchesse de Cornouailles. La visite du duc et de la duchesse de Cambridge en 2011 a été une joie pour bien des Canadiens.
Le gouvernement se joint aux Canadiens pour transmettre ses meilleurs vœux au couple royal, qui accueillera son premier enfant cette année. Nous espérons que les arrangements pour la nouvelle loi seront finalisés avant l'heureuse arrivée de leur fille ou de leur fils.
Honorables sénateurs, nos collègues à la Chambre des communes ont collaboré pour faire en sorte que ce projet de loi soit adopté rapidement. Je crois que le Sénat peut de la même façon travailler de concert pour adopter ce projet de loi et signaler l'assentiment du Parlement aux modifications apportées à la loi concernant la succession au trône.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)
(1520)
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-43, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, soit lu pour la deuxième fois.
— Je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de loi C- 43, Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers.
Depuis longtemps, honorables sénateurs, les Canadiens se montrent accueillants et généreux. D'ailleurs, sous le gouvernement conservateur, le Canada maintient depuis 2006 son taux d'immigration à un niveau sans précédent, l'un des plus élevés, par personne, du monde industrialisé.
Pour que cette tradition se maintienne, les Canadiens doivent avoir confiance en la manière dont nous envisageons et gérons l'immigration. Au cours des derniers mois, notre gouvernement a présenté un certain nombre d'initiatives visant à apporter un changement transformationnel au système d'immigration du pays.
Depuis trop longtemps, honorables sénateurs, les Canadiens entendent d'innombrables histoires à propos de gens qui considèrent le Canada comme un paillasson, un pays permissif dont le système d'immigration est une cible facile pour les fraudeurs et les criminels.
On peut comprendre que les Canadiens en aient assez. Ils nous ont dit clairement qu'ils veulent que nous rétablissions l'intégrité du système d'immigration, et c'est exactement ce que fait le gouvernement conservateur.
Nous mettons sur pied un système d'immigration capable de combler les importantes pénuries de main-d'oeuvre actuelles et futures dans tout le pays et de nous aider à répondre à nos besoins économiques de façon plus rapide et efficace, un système conçu pour donner aux nouveaux arrivants les meilleures chances possible de réussite.
Voyez-vous, honorables sénateurs, la sécurité et l'intégrité du système d'immigration vont de pair avec sa capacité de servir au mieux les intérêts de notre pays et de notre économie. Voilà pourquoi notre gouvernement a présenté le projet de loi C-43, Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers.
En s'attaquant à un problème qui mine le système d'immigration, le projet de loi C-43 remplit un engagement de longue date. Honorables sénateurs, le projet de loi C-43 a trois objectifs : aider le gouvernement à expulser du pays de dangereux criminels étrangers; faire en sorte que les gens qui pourraient présenter une menace pour le Canada aient plus de difficulté à entrer au pays; et, enfin, éliminer les obstacles pour les visiteurs qui veulent venir au Canada en toute légitimité.
Le gouvernement conservateur s'engage à protéger les Canadiens. Ce projet de loi fait partie intégrante de cet engagement.
Aux termes des lois actuelles, les étrangers peuvent être expulsés lorsqu'ils sont condamnés à une peine d'au moins six mois. Or, pour l'instant, ces gens peuvent faire appel auprès de la Section d'appel de l'immigration si la peine est d'une durée inférieure à deux ans.
Grâce au projet de loi C-43, le gouvernement facilitera le processus d'expulsion des criminels étrangers en limitant l'accès à la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
Une voix : Il était temps.
La sénatrice Eaton : Avec ces changements, certains criminels pourraient demeurer au Canada jusqu'à 14 mois de moins. Nous veillerons à ce que les criminels étrangers ne puissent plus abuser indéfiniment de notre générosité.
Malheureusement, c'est exactement ce que font plusieurs criminels reconnus, notamment des meurtriers, des narcotrafiquants, des fraudeurs, des agresseurs d'enfants et des voleurs, dont certains comptent parmi les criminels les plus recherchés.
D'ailleurs, il y a en moyenne 850 criminels étrangers par année qui font appel de leur ordonnance d'expulsion. Actuellement, plus de 2 700 criminels étrangers attendent une décision concernant le report de leur expulsion.
Le problème est évident. Outre le fait que ces dangereux criminels étrangers ont déjà commis des actes criminels et fait des victimes parmi les Canadiens, plusieurs d'entre eux, qui peuvent rester au Canada durant le processus d'appel, en profitent pour commettre d'autres crimes et faire encore plus de victimes au Canada.
J'aimerais citer quelques-uns des nombreux exemples illustrant la gravité du problème et son impact sur les Canadiens.
Geo Wei Wu, né en Chine, est venu au Canada comme étudiant et a obtenu la résidence permanente en qualité d'époux en 1990. Au cours des deux décennies suivantes, il a été reconnu coupable de toute une gamme d'infractions : tentative de vol, conduite dangereuse d'un véhicule, harcèlement criminel, voies de fait causant des lésions corporelles, introduction par effraction, fraude — malheureusement, la liste est longue.
Il a purgé une peine pour chacune de ces condamnations. En 2008, il a été déclaré interdit de territoire et frappé d'une mesure de renvoi. Sous les règles actuelles, il avait le droit d'interjeter appel de la décision.
Près de deux ans et demi plus tard, l'appel de M. Wu a été rejeté.
Il a alors disparu, après avoir omis de se présenter à son entrevue préalable au renvoi. L'ASFC a publié son information dans sa page web « Personnes recherchées » l'été dernier. Il y a quelques semaines à peine, les médias ont annoncé qu'il est maintenant recherché par la police régionale de Peel en rapport avec l'enlèvement, l'an dernier, de deux hommes à Mississauga. Il court toujours.
Voici un autre exemple. Patrick Octaves De Florimonte est arrivé comme résident permanent du Guyana en 1994. Moins de deux ans après son arrivée, il a été déclaré coupable d'un crime grave : agression armée. Moins d'un an plus tard, il a été déclaré coupable de deux autres crimes : vol et possession d'un stupéfiant. Six mois plus tard, il a de nouveau été déclaré coupable de voies de fait. À peine six mois s'étaient écoulés et il avait déjà été déclaré coupable d'une autre infraction : profération de menaces.
Il y aussi le cas de Jackie Tran, né au Vietnam. Il est devenu résident permanent en janvier 1993, à l'âge de 10 ans. À la fin de son adolescence, il était connu des responsables de l'application de la loi de Calgary et a été déclaré coupable de trafic de cocaïne pour une première fois à l'âge de 19 ans.
Toutefois, malgré un lourd casier judiciaire, comme bandit et trafiquant de drogue d'envergure, il n'a jamais été condamné à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans moins un jour. Il a pu, grâce à des appels réitérés, différer continuellement son expulsion pendant six ans. Il a d'abord été frappé d'une mesure d'expulsion en avril 2004 et il n'a été renvoyé du Canada qu'en mars 2010.
Voici un dernier exemple aussi triste que pertinent. Clinton Gayle, originaire de la Jamaïque, a été condamné à une peine de deux ans moins un jour lorsqu'il a été déclaré coupable de multiples infractions liées à la drogue.
De 1990 à 1996, le gouvernement a essayé de renvoyer M. Gayle à plusieurs reprises, mais, parce que la plupart de ses déclarations de culpabilité n'avaient entraîné que l'imposition de peines de deux ans moins un jour, il a pu interjeter appel de son renvoi, et ainsi retarder son expulsion du Canada.
Malheureusement, dans la nuit du 16 juin 1994, Todd Baylis et Mike Leone, des policiers de la Ville de Toronto, patrouillaient à pied et ont rencontré Gayle, un trafiquant de drogue de longue date qui avait les poches remplies de sacs de crack et qui portait une arme de poing de neuf millimètres, chargée à bloc.
Clinton Gayle a frappé l'agent Baylis et a tenté de fuir les lieux. Il a été rattrapé par les deux jeunes agents de police de Toronto, et une fusillade a éclaté. Malheureusement, l'agent Baylis, un jeune homme dans la vingtaine, a reçu une balle à la tête et est mort dans l'exercice de ses fonctions, après seulement quatre années de service. Il a laissé dans le deuil sa famille, ses amis et ses collègues.
Honorables sénateurs, le régime actuel permet trop souvent aux criminels étrangers de faire appel des ordonnances d'expulsion qui les frappent et de prolonger leur séjour au Canada après leur déclaration de culpabilité.
Des criminels dangereux condamnés à des peines d'emprisonnement de moins de deux ans ont été en mesure de retarder ou de faire annuler définitivement l'ordonnance d'expulsion les concernant. Ils peuvent donc rester au Canada, arpenter nos rues et vivre à nos côtés, et plusieurs d'entre eux en profitent pour commettre d'autres crimes et pour s'en prendre de nouveau à d'innocentes victimes canadiennes.
La Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers contient des dispositions qui annuleront le droit d'appel, ce qui accélérera l'expulsion des personnes concernées.
Nous convenons que les criminels étrangers ont, eux aussi, le droit de se défendre devant les tribunaux. Par contre, ils ne devraient pas avoir le droit d'étirer ce processus pendant des années afin de retarder leur expulsion. Ils ont droit à un processus équitable, bien sûr, mais pas à un processus qui s'éternise en raison de détails techniques.
Bref, nous fermons la porte aux prolongations, aux détours et aux délais qui ont eu pour effet de protéger les criminels étrangers et de leur permettre de commettre d'autres crimes contre des Canadiens bien établis et de nouveaux Canadiens.
De plus, les étrangers qui sont interdits de territoire pour les motifs les plus graves, comme le crime organisé ou des crimes de guerre, ne pourront plus se prévaloir du programme permettant à certains demandeurs d'invoquer des motifs d'ordre humanitaire.
Il est en effet troublant de noter que des auteurs de crimes de guerre, des terroristes et des bandits mêlés au crime organisé peuvent retarder leur expulsion s'ils demandent de rester au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire.
Cet élément est d'autant plus ironique que le comportement que ces criminels adoptent envers leurs victimes n'a rien d'humanitaire. Nous pouvons tous reconnaître qu'il s'agit d'un changement tout à fait logique, qui a déjà trop tardé.
De plus, honorables sénateurs, afin d'empêcher que des personnes qui pourraient présenter un risque entrent au Canada, le projet de loi C-43 accorde au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration un nouveau pouvoir, celui de refuser le statut de résident temporaire dans certains cas exceptionnels, c'est-à-dire quand un étranger cherche à s'en prendre à des Canadiens.
Honorables sénateurs, ce projet de loi jouit d'un appui considérable.
(1530)
En octobre 2011, l'Assemblée nationale du Québec a adopté à l'unanimité une motion exigeant du gouvernement fédéral « qu'il refuse l'entrée au Canada d'Abdur Raheem Green et de Hamza Tzortzis, considérant leurs propos homophobes et leurs discours banalisant la violence envers les femmes ».
Les médias se sont aussi beaucoup intéressés aux semeurs de haine sans vergogne que sont Fred Phelps et les baptistes de Westboro, qui n'hésitent pas à haranguer violemment les gais, les lesbiennes, les femmes et les militaires. Ils en ont particulièrement contre le Canada, et ils l'ont clairement fait savoir.
Les remarques et les points de vue de ceux dont la marque de commerce est la haine confirment le bien-fondé de ces nouvelles dispositions. Je suis certain que tous seront d'accord pour dire que de tels individus ne devraient pas être admis au Canada.
Durant des années, on a demandé aux ministres de l'Immigration d'empêcher les personnes qui fomentent la haine et la violence de franchir nos frontières. Je pense que la majorité des Canadiens supposent que le ministre de l'Immigration a ce pouvoir. En fait, ce n'est pas du tout le cas. Il s'ensuit que, malheureusement, en vertu du système actuel, si ces personnes satisfont aux critères d'admission au Canada, il n'existe aucun mécanisme permettant de les refouler à la frontière.
Le projet de loi C-43 va changer cette situation. Il va permettre aux autorités d'interdire l'admission de personnes qui constitueraient un risque pour les Canadiens et qui inciteraient à la haine et à la violence. Ce nouveau pouvoir permettra au gouvernement de signifier clairement à ces ressortissants étrangers qu'ils ne sont pas les bienvenus ici, qu'ils ne devraient pas venir au Canada et qu'ils se verront refuser le statut de résident temporaire.
Nous avons été transparents en ce qui concerne les lignes directrices sur lesquelles le ministre va se fonder. En fait, nous avons été tellement transparents que le ministre a déposé les lignes directrices au comité de l'autre endroit. Celles-ci sont aussi affichées sur le site web du ministère afin que tous les Canadiens puissent les consulter, tout comme ceux qui cherchent refuge ici et qui souhaitent obtenir la citoyenneté canadienne. Les personnes frappées d'interdiction de territoire en vertu des nouvelles dispositions incluraient tous ceux qui prônent le terrorisme, la violence ou les activités criminelles, de même que les ressortissants de pays sanctionnés et les fonctionnaires étrangers corrompus.
Je pense que tous les sénateurs conviendront que ces dispositions se fondent sur le bon sens. J'ai peine à imaginer que quiconque s'oppose à ces mesures. Qui plus est, en apportant ces changements législatifs, le Canada fait du rattrapage. En effet, nous tirons de l'arrière par rapport à d'autres pays qui se sont déjà dotés de pouvoirs semblables. En fait, la majorité des pays ont des pouvoirs beaucoup plus discrétionnaires que ceux qu'on trouve dans le projet de loi C-43. Par exemple, au Royaume-Uni, le ministère de l'Intérieur a refusé de laisser entrer des personnes dont la présence « ne favorise pas le bien commun ».
En Australie, le ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté détient divers pouvoirs lui permettant d'agir personnellement dans l'intérêt national. C'est au ministre qu'il incombe de déterminer si une décision est justifiée. En outre, la législation australienne sur l'immigration permet de refuser de délivrer un visa pour des motifs liés à la politique étrangère et à la probabilité qu'une personne va promouvoir la violence ou participer à des actes de violence dans la collectivité.
Aux États-Unis, le secrétaire d'État peut, si nécessaire, ordonner à un fonctionnaire consulaire de refuser un visa pour des motifs liés à la politique étrangère ou à la sécurité. Le secrétaire du département de la Sécurité intérieure peut déléguer aux fonctionnaires de l'immigration le pouvoir de révoquer un visa. En outre, le président peut limiter les déplacements internationaux et suspendre l'entrée de certaines personnes dont la présence serait jugée nuisible aux États-Unis.
Au Canada, par le passé, des groupes de gais et de lesbiennes, de même que des groupes de femmes, entre autres, ont exhorté les ministres à utiliser un tel pouvoir. Il est malheureux que ceux qui s'opposent à cette mesure législative ne soient pas sensibles aux demandes de ces groupes. D'ici à ce que le projet de loi entre en vigueur, nous serons incapables d'empêcher ces étrangers indésirables de vomir leurs propos blessants, misogynes, haineux et sectaires dans notre pays.
Le projet de loi C-43 permettrait au ministre d'interdire d'entrée ces extrémistes. L'avantage de ce nouveau pouvoir discrétionnaire est qu'il est flexible. Il permet d'analyser chaque cas individuellement et il permet aussi de fournir rapidement des réponses face à des événements imprévisibles ou qui changent rapidement. Il permet au ministre de prendre une décision bien réfléchie, qui tient compte de l'environnement public et des conséquences possibles. Au bout du compte, le ministre de l'Immigration serait comptable au Parlement et aux Canadiens de ses décisions.
Toutefois, je tiens à dire clairement que ce pouvoir serait utilisé très parcimonieusement. Nous prévoyons qu'il ne serait employé que dans un petit nombre de cas exceptionnels au cours d'une année donnée, lorsqu'il n'existe aucun autre motif légal d'empêcher des êtres abjects d'entrer au pays.
Honorables sénateurs, je signale que le projet de loi faciliterait l'entrée au Canada des visiteurs légitimes présentant de faibles risques. À l'heure actuelle, si une famille vient au Canada et qu'un de ses membres ne peut y entrer pour des motifs qui ne sont pas graves, d'ordre médical par exemple, toute la famille est jugée interdite de territoire. On peut imaginer que les familles de visiteurs peuvent ainsi perdre beaucoup de temps et d'argent. Le projet de loi C-43 améliorerait le régime actuel en permettant, lorsqu'une personne est interdite de territoire pour des motifs qui ne sont pas graves, à tous les autres membres de sa famille d'entrer au Canada s'ils y sont autorisés.
Honorables sénateurs, le gouvernement conservateur a présenté la Loi accélérant le renvoi de criminels étrangers parce qu'il sait que les familles canadiennes tiennent à être en sécurité. Les Canadiens appuient ce projet de loi, tout comme les intervenants et les spécialistes. Je cite la déclaration de l'Association canadienne des chefs de police :
[L'association] appuie les efforts déployés dans le cadre de la Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers pour assurer le renvoi rapide du Canada des étrangers ayant commis des crimes graves contre des Canadiens. Nous appuyons aussi les mesures visant à empêcher l'entrée au Canada des personnes ayant déjà commis des infractions criminelles ou présentant un risque pour notre société. La Loi améliorera la sécurité des Canadiens et des personnes qui entrent au Canada de façon légitime.
Je continue de citer l'Association canadienne des chefs de police, qui :
[...] voit d'un bon œil l'entrée en vigueur de la Loi accélérant le renvoi des criminels étrangers, notamment en ce qui concerne le renforcement de l'interdiction imposée aux personnes ayant commis des crimes graves à l'étranger de venir au Canada.
Même si les personnes qui viennent au Canada apportent pour la plupart une énorme contribution à nos collectivités, une petite minorité d'entre elles violent le droit canadien et abusent des longues procédures pour rester au pays, menaçant la sécurité publique. Cette loi nous aidera à simplifier les procédures nécessaires au renvoi des personnes à risque de récidive.
S'assurer que la sécurité publique est un des facteurs à prendre en considération pour établir l'admissibilité au Canada est un pas important dans la bonne direction.
Les associations de victimes ont aussi fait l'éloge de ce projet de loi, notamment celle de l'organisme Victimes de violence, qui a déclaré ce qui suit :
Le fait d'empêcher les criminels étrangers de se prévaloir de longues procédures d'appel contribuera à prévenir ou à réduire au minimum la nouvelle victimisation de Canadiens innocents victimes de délinquants étrangers.
Honorables sénateurs, plusieurs avocats et spécialistes en droit de l'immigration ont aussi appuyé cette mesure législative. Elle a également reçu un bon accueil dans les journaux. Les dispositions prévues dans le projet de loi C-43 montrent clairement que le temps est venu de donner suite à cette idée.
Honorables sénateurs, le gouvernement conservateur mettra définitivement fin aux incessants appels interjetés par de dangereux criminels étrangers qui, en restant libres, continuent de faire des victimes parmi les Canadiens innocents.
Grâce aux dispositions de la mesure législative, le gouvernement remplit sa promesse de s'attaquer à un problème fondamental de notre système d'immigration, un problème qui fait que, malheureusement, les intérêts de dangereux criminels étrangers sont privilégiés au détriment de ceux de leurs victimes.
Honorables sénateurs, je conclus sur ces paroles de Theodore Roosevelt :
Nul n'est au-dessus de la loi, nul n'est en dessous; et nous exigeons le respect de celle-ci sans solliciter la permission de personne.
Bien que ces paroles soient d'un autre temps et d'un autre lieu, elles demeurent pertinentes. Les dispositions du projet de loi C-43 font écho à leur finesse et leur sagesse. Il me tarde, honorables sénateurs, d'en débattre.
L'honorable Hugh Segal : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Eaton : Avec plaisir, sénateur.
Le sénateur Segal : Je félicite la sénatrice qui parraine le projet de loi de son éloquence et de la clarté de son exposé, mais pourrait-elle nous indiquer quel est l'avis des avocats de la Couronne quant à la constitutionnalité des dispositions du projet de loi?
(1540)
J'appuie le projet de loi et son objectif, et je serai ravi de voter en sa faveur quand le moment viendra. Toutefois, comme nous le savons, le ministre, qui a pris des décisions courageuses en ce qui concerne l'immigration, a des problèmes avec certaines des nouvelles lois qui n'ont pas été jugées nécessairement constitutionnelles par divers tribunaux. Je ne m'attends pas à ce que quelqu'un ici connaisse la réponse précise à cette question, mais je me demande si la sénatrice envisagerait d'inviter les avocats de la Couronne à comparaître devant le comité, si le projet de loi est renvoyé à ce dernier à l'étape de la deuxième lecture, afin qu'ils nous disent si, à leur avis, le projet de loi est constitutionnel et conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
Honorables sénateurs, il serait extrêmement malheureux que d'énormes efforts soient consacrés à ce projet de loi, y compris par la marraine du projet de loi qui, je le sais, fera un travail diligent et formidable, et que, après tout cela, les tribunaux annulent le projet de loi. La sénatrice n'est pas sans savoir que des sénateurs des deux côtés ont siégé au Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, qui était chargé d'examiner la loi présentée par le gouvernement Chrétien après les événements du 11 septembre, loi qu'ils croyaient être véritablement constitutionnelle. Toutefois, en raison de décisions prises à divers échelons du système judiciaire, y compris la Cour suprême du Canada, les sénateurs ont travaillé de manière non partisane pour apporter des amendements au projet de loi afin de le rendre conforme à la Constitution, ainsi qu'aux appels et aux décisions des tribunaux.
En tant que marraine du projet de loi, la sénatrice exercera-t-elle son influence auprès du gouvernement afin que les avocats de la Couronne comparaissent devant le comité pour répondre à des questions détaillées sur les dispositions constitutionnelles qui pourraient être touchées par diverses parties de cette mesure législative importante et constructive?
La sénatrice Eaton : Je remercie le sénateur de sa question. C'est une excellente idée que ces personnes témoignent au comité. J'aimerais souligner qu'il y a un recours qui a été retiré aux gens qui sont condamnés à une peine de plus de six mois. Ces gens ne peuvent plus interjeter appel à la Section d'appel de l'immigration, même s'ils peuvent toujours saisir les tribunaux de leur appel. Comme vous le savez, avant qu'une personne soit renvoyée, un examen des risques avant renvoi est mené pour veiller à ce qu'elle ne soit pas exposée à la torture ou tuée à son retour. Si l'on tient compte de ces deux recours, la personne condamnée à une peine de plus de six mois de prison dispose donc de moyens d'appel. Je prends note de la proposition du sénateur, et je vais certainement la soumettre à la présidence du comité.
L'honorable Lillian Eva Dyck : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
La sénatrice Eaton : Oui.
La sénatrice Dyck : Je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu la sénatrice, mais je crois qu'elle a dit qu'il fallait être plus sévère envers les étrangers qui font de la propagande haineuse ou qui font preuve d'une misogynie extrême. Ai-je tort?
La sénatrice Eaton : C'est le ministre qui aura le dernier mot. Si on sait qu'une personne est misogyne ou homophobe, qu'elle a tenu des propos haineux ou qu'elle s'est livrée à des activités terroristes, le ministre peut lui refuser l'entrée au pays.
La sénatrice Dyck : Je comprends le raisonnement, mais je suis perplexe parce qu'une autre mesure législative, le projet de loi C-304, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, prévoit pour ainsi dire le contraire. Il propose d'abroger l'article 13 en ce qui concerne la propagande haineuse sur Internet. Le projet de loi C-340 permettrait aux Canadiens de se livrer à de la propagande haineuse, mais le projet de loi C-43 l'interdirait aux étrangers. N'y a- t-il pas là une contradiction? La sénatrice pourrait-elle réconcilier ces deux visions contradictoires?
La sénatrice Eaton : Je suis désolée, honorables sénateurs, mais le projet de loi C-304 ne m'est pas familier. Le projet de loi C-43 traite des non-Canadiens. La sénatrice a raison : si des citoyens canadiens s'adonnent à ce genre de propagande, c'est tout autre chose. Le projet de loi à l'étude concerne les gens qui n'ont pas la citoyenneté canadienne.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Campbell. Toutefois, je veux demander à la sénatrice Eaton si elle a pris la parole en faveur du projet de loi C-304 quand le Sénat en a débattu.
La sénatrice Eaton : Je suis désolée, honorables sénateurs. Je l'ai peut-être fait, mais je ne m'en souviens plus, car cela fait un bon moment. Je crois que le Sénat l'a étudié l'an dernier. La sénatrice fait-elle allusion à l'interpellation du sénateur Finley?
La sénatrice Tardif : Oui.
La sénatrice Eaton : Oui, j'ai pris la parole à cette occasion. Toutefois, je ne suis pas au fait du débat au Comité des droits de la personne. L'an dernier à pareille date, nous nous penchions sur une interpellation, pas un projet de loi.
La sénatrice Tardif : Il y a eu une interpellation et il y a le projet de loi C-304, qui, au nom de la liberté d'expression, propose l'abrogation de l'article 13 sur la propagande haineuse. C'est là- dessus que portait la question de la sénatrice Dyck.
La sénatrice Eaton : Je comprends la question, mais c'est au sujet d'une interpellation que j'ai pris la parole. Je n'ai pas lu le projet de loi. Je ne connais pas les détails du projet de loi dont est actuellement saisi le Comité des droits de la personne.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je veux préciser que le projet de loi C-304 en est à l'étape de la deuxième lecture au Sénat et n'a pas été renvoyé au Comité des droits de la personne.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, l'honorable sénatrice Tardif, avec l'appui de l'honorable sénateur Cowan, propose que le débat soit ajourné au nom du sénateur Campbell. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion de la sénatrice Tardif, au nom du sénateur Campbell, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Budget des dépenses de 2012-2013
Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité des Finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013, à l'exception du crédit 10c du Parlement.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Adoption de la motion tendant à autoriser le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement à étudier le crédit 10c du Parlement contenu dans le Budget supplémentaire des dépenses (C)
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné le 26 février 2013, propose :
Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 10c du Parlement dans le Budget supplémentaire (C) des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2013.
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Le Budget des dépenses de 2013-2014
Autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget principal des dépenses
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014, à l'exception du crédit 10 du Parlement.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Autorisation au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement d'étudier le crédit 10 du Budget des dépenses
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné plus tôt aujourd'hui, propose :
Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 10 du Parlement dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(1550)
La Loi sur les parcs nationaux du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman, appuyée par l'honorable sénateur Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-370, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada).
L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole au sujet du projet de loi C-370, qui est très simple. Il vise à modifier le nom du Parc national des Îles-du-Saint- Laurent du Canada en le remplaçant par « Parc national des Mille- Îles du Canada ». Le projet de loi nous parvient de l'autre endroit, où il était parrainé par le député de Leeds-Grenville, et appuyé par le député de Kingston et les Îles, un homme sage ayant un excellent jugement, en qui j'ai pleine confiance. Il porte également un chandail rouge.
Comme notre collègue, le sénateur Runciman, avec l'appui de la sénatrice Seidman, l'a fait remarquer en décembre dernier, voilà une de ces situations où la question fait l'unanimité.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien la région, le parc s'étend du sud de Kingston jusqu'à Mallorytown et comprend une vingtaine de grosses îles, une série d'îlots et un certain nombre de propriétés dans l'arrière-pays. Géographiquement, il est composé d'anciens sommets de montagnes de granite et d'une ancienne bande vallonnée reliant le Bouclier canadien aux monts Adirondack.
Son Honneur le Président intérimaire : Un sénateur a la parole. Pourrions-nous avoir le silence pour entendre le sénateur Smith?
Le sénateur Smith : Le parc est une réserve importante de biodiversité. Il fait partie de la réserve de la biosphère de l'Arche-de- Frontenac, une réserve de la biosphère reconnue officiellement par les Nations Unies, et le parc a pour fonction d'aider à préserver cette biodiversité et de la rendre accessible aux gens, en particulier aux étudiants. L'histoire et la biodiversité sont deux des raisons pour lesquelles ce parc est si important pour la région et pour le pays, ce qui lui vaut d'ailleurs sa désignation de parc national.
Le remplacement du nom du parc par « Parc national des Mille- Îles du Canada » a fait l'objet de vastes consultations auprès de la population. Il en ressort que les électeurs et les parties prenantes y sont majoritairement favorables. L'appellation Mille-Îles est connue dans le monde entier. Qui plus est, la modification du nom est relativement peu onéreuse, car la plupart des modifications apportées seront intégrées aux coûts permanents, comme la maintenance du site web.
L'appellation est passée dans le vocabulaire et cette modification reflète l'usage courant. La modification du nom dissipera la confusion, car le Saint-Laurent est un long fleuve qui s'étend de Kingston jusqu'à l'océan Atlantique. En outre, le parc sera plus facile à distinguer des autres îles et de la vaste région du Saint- Laurent. La modification permet également de dissocier ce parc national de l'expression « parcs du Saint-Laurent » que l'Ontario utilise pour désigner plusieurs autres attractions dans la région.
J'ai dormi à plusieurs reprises dans cette région, à bord de mon bateau. Lorsque mes enfants et moi étions plus jeunes, j'avais un très beau bateau sur lequel plusieurs personnes pouvaient dormir et je les amenais aux Mille-Îles. Le soir, nous jetions l'ancre dans la baie de l'une des îles et dormions du sommeil du juste. Amen.
Le projet a été adopté presque à l'unanimité à l'autre Chambre : un seul député a voté contre. Je pense que c'est une bonne idée. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup à dire au sujet de ce projet de loi. De ce côté-ci, nous voulons aller de l'avant. Nous l'appuyons.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Runciman, avec l'appui de l'honorable sénatrice Seidman, propose que le projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux du Canada (Parc national des Îles-du-Saint-Laurent du Canada), soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)
L'amélioration des soins de santé mentale dispensés aux détenus
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Runciman, attirant l'attention du Sénat sur la nécessité d'améliorer les soins de santé mentale dispensés aux détenus, en particulier aux femmes, dans les établissements correctionnels fédéraux, et sur la viabilité de modes de prestation des soins différents.
Son Honneur le Président intérimaire : Je signale que cette question est inscrite au nom du sénateur Carignan mais que la sénatrice Jaffer prononcera un discours.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le sénateur Carignan, a gracieusement accepté que j'intervienne aujourd'hui au sujet de son interpellation.
Je suis heureuse d'ajouter ma voix à celle du sénateur Runciman, qui réclame de meilleurs traitements de santé mentale pour les délinquantes sous responsabilité fédérale. La détermination du sénateur Runciman à éliminer les obstacles auxquels sont confrontés les délinquants atteints de troubles de la santé mentale remonte à longtemps, et je tiens à le remercier d'avoir soulevé cette question au Sénat.
Fondamentalement, offrir des soins de santé mentale aux délinquantes sous responsabilité fédérale revient à protéger les droits des citoyens, des mères, des épouses, des filles et des êtres humains.
Dans son livre Souvenirs de la maison des morts, l'auteur russe Fiodor Dostoïevski a écrit ce qui suit :
On peut juger du degré de civilisation d'une société en entrant dans ses prisons.
Il a écrit cela en 1862, honorables sénateurs. Plus de 150 ans plus tard, nous ressentons le besoin de juger du degré de civilisation de notre société. L'affaire Ashley Smith à elle seule nous donne de bonnes raisons de poser la question, mais ce n'est là que la pointe de l'iceberg.
[Français]
Honorables sénateurs, en 2009, 29 p. 100 des délinquantes sous responsabilité fédérale présentaient des problèmes de santé mentale à l'admission. Cette proportion a plus que doublé au cours des 10 dernières années.
Au moment de leur admission, 33 p. 100 des délinquantes avaient reçu un diagnostic précédent de problème de santé mentale, ce qui représente une augmentation de 63 p. 100 pour les 10 dernières années. De plus, 48 p. 100 des délinquantes devaient prendre des médicaments sur ordonnance lors de leur admission.
Depuis 2003, à leur admission, environ 77 p. 100 des délinquantes indiquent qu'elles se livrent à une consommation abusive d'alcool et de drogue. Un peu moins de la moitié des délinquantes indiquent avoir eu des comportements autodestructeurs.
[Traduction]
Elizabeth Bingham et Rebecca Sutton, du Programme des droits internationaux de la personne de l'Université de Toronto, ont affirmé ce qui suit dans leur rapport de 2012 intitulé Cruel, Inhuman and Degrading? Canada's treatment of federally-sentenced women with mental health issues : « [...] les problèmes de Mme Smith étaient extrêmes, mais pas uniques ».
(1600)
Le Bureau de l'enquêteur correctionnel a déclaré, il y a quatre ans et demi, que la mort de Mme Smith « est le résultat de manquements individuels combinés à des problèmes systémiques importants au sein des systèmes correctionnels et de soins de santé mentale, qui manquent de ressources et sont inefficaces ».
Il y a à peine quelques semaines, Kinew James, une femme d'origine autochtone de 35 ans purgeant une peine de ressort fédéral, est décédée au centre psychiatrique régional de Saskatoon. Les enquêtes se poursuivent, et l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et la Société John Howard ont posé des questions au sujet des soins reçus par Mme James.
Lorsqu'on lui a demandé de faire un lien entre les décès de Mme Smith et de Mme James, l'enquêteur correctionnel, M. Howard Sapers, a dit ceci :
D'après moi, ces situations mettent en lumière la difficulté constante avec laquelle les services correctionnels doivent composer, c'est-à-dire de demeurer vigilant tout en assurant la garde et les soins de certaines personnes qui sont très, très difficiles à gérer.
M. Sapers s'est exprimé de façon plus concise lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent affaires juridiques et constitutionnelles l'an dernier, où il a déclaré : « Les prisons ne sont pas des hôpitaux malgré le fait que certains délinquants sont des patients. »
Honorables sénateurs, je souhaite employer mon temps de parole aujourd'hui pour décrire deux catégories de femmes purgeant des peines de ressort fédéral — les femmes autochtones et les femmes noires — qui sont très mal servies par les systèmes de santé mentale en milieu correctionnel dont M. Sapers parle, lesquels sont déficients et sous-financés.
Au cours des 10 dernières années, le nombre de femmes autochtones purgeant une peine de ressort fédéral a augmenté de 80 p. 100. Bien qu'elles ne représentent que 4 p. 100 des femmes canadiennes, les femmes autochtones représentent plus de 32 p. 100 des femmes purgeant une peine de ressort fédéral. Les femmes sont aussi surreprésentées parmi les femmes purgeant une peine de ressort fédéral aux prises avec des problèmes de santé mentale.
Les délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale sont plus susceptibles d'être des mères seules, d'être incarcérées à un plus jeune âge, d'être moins instruites, de récidiver et d'être jugées comme présentant un « risque élevé ». Par conséquent, elles sont placées dans un établissement à sécurité maximale ou en isolement plus souvent que les autres délinquants et pour des périodes plus longues.
En 2003, la Commission canadienne des droits de la personne a signalé qu'une délinquante autochtone avait été placée en isolement pendant 567 jours. En 2006, une autre délinquante autochtone avait passé la majorité de sa peine en isolement, soit plus de 1 500 jours.
Dans le cas des délinquantes autochtones qui ont des problèmes de santé mentale, l'isolement et l'attribution d'une cote de sécurité maximale sont susceptibles d'aggraver leur état et de nuire à leur accès aux services dont elles ont besoin pour se réadapter.
[Français]
Au lieu d'avoir accès à un plan exhaustif de traitement des troubles de santé mentale, trop de délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale sont placées en isolement, ce qui prouve l'incapacité du régime actuel à considérer les délinquantes autochtones qui ont des besoins particuliers en santé mentale comme des patientes qui ont besoin de traitement.
[Traduction]
L'enquêteur correctionnel a dénoncé le recours à l'isolement. Voici ce qu'il a déclaré dans son rapport annuel de 2011-2012 :
Je recommande encore une fois, conformément aux engagements pris par le Canada, aux lois et aux normes nationales et internationales dans le domaine des droits de la personne, qu'il soit absolument interdit de placer en isolement prolongé les délinquants souffrant de troubles mentaux ou à risque de suicide ou d'automutilation grave.
Honorables sénateurs, au Canada, les Autochtones doivent faire face à une oppression systémique. En outre, ils présentent des taux inquiétants de sévices mentaux, physiques et sexuels à long terme, ainsi que des taux extrêmement élevés de pauvreté.
Selon l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, 91 p. 100 des délinquantes autochtones sous responsabilité fédérale ont signalé avoir déjà été victimes de violence physique ou sexuelle, ce qui est une statistique alarmante. En raison de la pénurie des services de santé mentale, les délinquantes autochtones qui sont admises dans un établissement correctionnel fédéral voient souvent se perpétuer à l'intérieur des murs de la prison la situation qu'elles vivaient dans la société — où leur voix est ignorée.
Honorables sénateurs, j'aimerais vous raconter l'histoire de Bobby Lee Worm, une Autochtone de 25 ans originaire de la Saskatchewan, qui a été admise dans un établissement correctionnel fédéral en 2006.
Mme Worm a été victime d'agressions physiques, émotionnelles et sexuelles tout au long de son enfance et de son adolescence. Beaucoup de membres de sa famille ont été envoyés à des pensionnats indiens. En raison de ces agressions, Mme Worm souffre du syndrome de stress post-traumatique et de dépression. Pour diverses raisons, Mme Worm a passé la plus grande partie de son incarcération en isolement cellulaire, soit plus de trois ans. Comme c'est le cas avec beaucoup d'autres femmes autochtones purgeant une peine fédérale, l'état de santé de Mme Worm s'est énormément détérioré en isolement cellulaire, en partie à cause du fait qu'elle n'a pas eu accès à des soins ou à des services spirituels.
[Français]
Plusieurs des femmes autochtones purgeant une peine fédérale sont des mères de famille monoparentale. Lorsque ces femmes sont incarcérées, leurs enfants, par ricochet, sont punis en étant séparés de leur mère. Nombre d'entre eux sont placés en famille d'accueil, dans des centres de détention pour jeunes ou trimbalés parmi les membres de leur famille, et certains ne retourneront jamais à la maison de leur mère une fois celle-ci libéré.
[Traduction]
Une femme a déclaré ceci :
[...] le plus difficile, comme mère en prison, c'est de ne pas pouvoir m'occuper de mes enfants. On peut leur écrire, et parfois leur parler au téléphone, mais on ne peut pas prendre de décisions en ce qui les concerne; nous sommes dépossédées de cette fonction. Vous n'êtes plus une mère quand vous êtes en prison.
[Français]
Les délinquantes autochtones qui ont des enfants sont d'autant plus pénalisées lorsque cette séparation entraîne de l'anxiété et la dépression, et qu'elles n'ont qu'un accès limité aux soins de santé dont elles ont besoin et auxquels elles ont droit à juste titre.
[Traduction]
Le fait de purger une peine ne veut pas dire qu'on est une mauvaise mère. L'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry fait valoir que de tels stéréotypes discriminatoires et punitifs nuisent à la capacité des femmes d'entretenir des relations avec leurs enfants pendant qu'elles sont en prison et font qu'il leur est de plus en plus difficile d'obtenir de nouveau la garde de leurs enfants des services de protection de l'enfance après leur libération.
Service correctionnel Canada a créé le Programme mère-enfant pour que les enfants aient la possibilité de vivre avec leur mère dans un établissement correctionnel fédéral. Toutefois, les femmes autochtones purgeant une peine fédérale ne sont pas visées par ce programme.
Premièrement, celles qui sont reconnues de crimes graves — ce qui correspond au cas de plusieurs femmes autochtones ayant des besoins en santé mentale — ne sont pas admissibles au programme.
Deuxièmement, depuis 2008, une documentation considérable est exigée des services d'aide à l'enfance et à la famille pour que la participation au programme soit possible.
Troisièmement, la participation au programme repose sur la considération de l'« intérêt supérieur de l'enfant », critère dont on abuse souvent pour restreindre l'accès au programme en guise de punition.
Enfin, les femmes autochtones qui purgent une peine dans un établissement fédéral sont souvent incarcérées loin de chez elles et n'ont pas les moyens financiers voulus pour assurer le transport de leur enfant jusqu'à l'endroit où elles se trouvent, ce qui les empêche de prendre part au programme.
Selon un rapport publié en 2011, aucune femme autochtone ne participait à ce programme. Nous continuons à traiter les femmes autochtones purgeant une peine dans un établissement fédéral comme de simples criminelles qui ne méritent ni compassion ni respect, au lieu de les considérer comme des personnes qui ont des droits et des victimes d'un système conçu pour qu'elles échouent.
Nous devons concevoir les programmes et services de santé mentale en collaboration avec les communautés autochtones et nous assurer qu'ils sont adaptés aux besoins particuliers des femmes de ces communautés. Des pavillons de ressourcement comme l'Okimaw Ohci pour les femmes ont réussi à offrir des services et des programmes qui s'appuient sur une vision holistique de la guérison. Les plans de guérison comprennent des services en établissement, le perfectionnement des compétences, un traitement ainsi que des programmes culturels et incorporent l'équilibre, l'autonomie individuelle, la non-coercition, le collectivisme, l'interdépendance et la guérison.
Malheureusement, près de la moitié des femmes autochtones incarcérées dans un établissement fédéral ne peuvent pas avoir accès aux pavillons de ressourcement parce qu'elles sont classées comme des détenues à sécurité maximale. Cependant, comme les pavillons de ressourcement réussissent à abaisser le taux de récidive, nombreux sont ceux qui demandent instamment au Service correctionnel du Canada d'y donner accès à ces femmes, surtout à celles qui sont aux prises avec un problème de santé mentale et qui sont souvent placées à tort dans des établissements à sécurité maximale.
Il ne suffit toutefois pas d'accroître l'accès aux pavillons de ressourcement; il importe également d'augmenter les services dans les prisons. Chaque établissement devrait permettre à ses détenues d'avoir accès à du personnel autochtone, aux formes autochtones de guérison et aux aînés autochtones, leur offrir des programmes adaptés à leur culture et assurer à tous ses employés une formation tenant compte de cette culture. Nous avons le devoir et l'obligation morale et juridique de faire en sorte que les femmes comme Bobby Lee Worm ne restent plus dans l'ombre.
(1610)
D'après le Programme international des droits de l'homme de l'Université de Toronto, les femmes sont désavantagées dans le système correctionnel fédéral par suite de leur petit nombre et du fait qu'on ne reconnaît pas leurs besoins particuliers en matière de sécurité. Cela donne lieu à des problèmes dans différents domaines, y compris l'isolement, la classification de sécurité, la réaction aux incidents de sécurité et la dotation mixte.
Ce désavantage se manifeste particulièrement dans le cas des détenues de race noire purgeant une peine dans un établissement fédéral. Les femmes de race noire constituent 2,6 p. 100 des Canadiennes. Toutefois, elles forment 10 p. 100 de la population carcérale féminine dans les établissements fédéraux. En fait, dans les dix dernières années, le nombre de Canadiens de race noire purgeant une peine dans un établissement fédéral a augmenté de 50 p. 100.
[Français]
Un rapport publié en 1994 par la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario révèle que les délinquants canadiens de race noire ont indiqué avoir été victimes d'inégalité raciale au titre de la prestation des services et de l'accès à ces derniers.
De plus, des détenus ont déclaré être victimes de stéréotypes raciaux de la part d'agents des services correctionnels, ce qui limite leur possibilité d'utiliser des installations auxquelles ils avaient demandé l'accès.
Honorables sénateurs, permettez-moi de vous faire part d'un cas évoqué par l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, qui montre bien le tort que peuvent causer les stéréotypes raciaux et sexuels aux délinquantes de race noire qui purgent une peine fédérale.
Jane est une délinquante de race noire sous responsabilité fédérale qui entretient une relation avec une autre femme dans son unité carcérale. Après avoir été mis au courant de la relation, un membre du personnel croit que Jane est une proxénète qui recrute des jeunes femmes. Jane dépose un grief, mais est prévenue par d'autres employés que ce genre de comportement pourrait lui valoir un transfert dans un établissement à sécurité maximale. Dans ce cas-ci, ce sont les stéréotypes raciaux en présence qui entraînaient un risque de transfert dans un pénitencier à sécurité maximale.
[Traduction]
Au Royaume-Uni, le Bureau national de la statistique évalue les besoins des détenus hommes et femmes d'origine afro-antillaise en matière de santé mentale. Les études britanniques ont révélé que les détenues de race noire sont plus susceptibles d'avoir besoin de soins de santé mentale que les autres femmes. Par conséquent, des pressions ont été exercées pour l'amélioration des services de santé mentale dispensés à ce segment important de la population carcérale britannique.
Au Canada, nous devons également reconnaître qu'une femme appartenant à une minorité visible peut avoir des besoins particuliers nécessitant des services particuliers car, pour être absolument claire, honorables sénateurs, je dirai que l'intérêt public n'est pas servi quand on fait abstraction des besoins de santé mentale des détenues sous juridiction fédérale.
Au Royaume-Uni, la NACRO, ou National Association for the Care and Resettlement of Offenders, a publié en 2007 un rapport mettant en évidence une forme révolutionnaire de traitement des maladies mentales de la population d'origine afro-antillaise. Cette forme de traitement permet de placer les intéressés dans un milieu communautaire plutôt que dans des hôpitaux psychiatriques aussitôt après l'évaluation de leur état de santé mentale.
La NACRO signale que cette initiative a sensiblement réduit le nombre des Afro-Antillais admis dans des hôpitaux psychiatriques.
[Français]
En s'assurant le concours des communautés noires et autochtones...
Son Honneur le Président intérimaire : Le temps de parole de la sénatrice Jaffer est écoulé.
La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, peut-on m'accorder cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs s'entendent- ils sur une prolongation de cinq minutes?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Jaffer : Merci, honorables sénateurs.
En s'assurant le concours des communautés noires et autochtones, les services correctionnels et les fournisseurs de soins de santé mentale pourront s'assurer de fournir des services appropriés qui sont adaptés à la fois aux réalités culturelles et raciales.
Ces services pourraient offrir diverses avenues, comme le recours à des groupes d'entraide, qui permettraient aux délinquantes de race noire d'établir des relations entre elles et leur donneraient la capacité de revendiquer un meilleur accès aux centres de soins de santé mentale.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je voudrais vous faire part d'une expérience que j'ai vécue à l'Hôpital général de Vancouver, il y a quelques semaines. J'ai été là pendant près de 10 heures pour prendre soin d'une parente malade. Pendant que j'attendais, j'ai pu voir un agent de police amener une femme menottée au service des urgences. Elle était très calme, mais il était évident qu'elle était confuse. Après quelque temps, une infirmière de triage est venue lui parler et a proposé de lui enlever ses menottes pourvu qu'elle s'engage à ne pas s'enfuir. La femme a accepté, et on lui a donc retiré ses menottes. L'agent de police l'a ensuite laissée à l'entrée de la salle.
Pendant ce temps, trois autres agents de police sont arrivés en compagnie d'un homme très agité qui saignait. Je ne sais pas s'il s'était blessé lui-même ou s'il avait été impliqué dans une bagarre, mais il était dans tous ses états, et les policiers faisaient tout leur possible pour le calmer.
Entre-temps, un psychiatre interrogeait la femme en public, à haute et intelligible voix. Elle a donné les raisons de son anxiété. Le médecin lui a alors administré un médicament et l'a laissée partir.
Pendant tout le temps où j'étais là, j'ai vu de nombreux agents arriver et repartir en laissant des patients dans la salle. Après le départ des policiers, chaque fois qu'une patiente se comportait mal, quatre agents de sécurité bâtis en armoire à glace intervenaient en force et lui criaient des ordres pour la mettre au pas.
Tandis que la soirée avançait et que je m'efforçais d'encourager ma parente qui venait d'avoir un accident cardio-vasculaire, j'entendais de temps à autre du tapage, qui était suivi par l'intervention des quatre agents de sécurité.
Chaque fois, je les imaginais en train de s'en prendre à une patiente en agitant leur matraque. En réalité, ils n'en avaient pas. Lorsque j'ai quitté l'hôpital, je les ai vus ramasser une jeune femme, comme si c'était un poulet, pour l'emmener ailleurs.
Je ne faisais qu'observer ce qui se passait dans la salle des urgences. Je n'avais pas une connaissance particulière des besoins médicaux des autres patients. Néanmoins, il m'a semblé clair que beaucoup de personnes qui arrivaient dans la salle ce soir-là souffraient d'une forme ou d'une autre de maladie mentale.
Pour être claire, j'ajouterai que les infirmières, les agents de police et le personnel de sécurité faisaient de leur mieux dans une situation difficile. Toutefois, j'étais témoin de l'échec d'un système qui n'avait pas été conçu pour répondre aux besoins de détenus ayant des problèmes mentaux, et je dirais même des besoins de tous les Canadiens qui souffrent de tels problèmes.
Je ne sais pas grand-chose des maladies mentales, mais je peux vous dire que je suis maintenant persuadée que nous devons trouver des moyens d'aider les patients ont, de toute évidence,e un besoin désespéré de soins médicaux spécialisés.
Honorables sénateurs, je voudrais vous encourager tous à transformer cette interpellation en étude sur la façon de traiter les personnes qui ont des troubles mentaux, et particulièrement les femmes purgeant une peine dans un établissement fédéral.
En attendant, honorables sénateurs, je déposerai dans les prochaines semaines un projet de loi au Sénat, comme suite naturelle de la conversation amorcée par le sénateur Runciman, afin de veiller à ce que les femmes purgeant une peine dans un établissement fédéral obtiennent les soins de santé mentale dont elles ont besoin.
À titre de parlementaires, nous avons l'obligation de travailler ensemble pour trouver des solutions et offrir des traitements et des soins avec dignité. Je ne mets pas en doute notre compassion, notre générosité ou notre droiture morale. Je voudrais simplement évaluer notre niveau de civilisation car, comme Dostoïevski l'a dit quelques années avant l'avènement de notre Confédération, nous pouvons juger du degré de civilisation d'une nation en visitant ses prisons.
(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
La littératie
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur l'importance de la littératie étant donné que le Canada a plus que jamais besoin de connaissances et de compétences pour demeurer compétitif dans le monde et pour accroître sa capacité de s'adapter à l'évolution des marchés du travail.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Jaffer, je remarque que cette question est inscrite au nom du sénateur Lang.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : J'ai parlé au sénateur Lang et il a accepté que je prenne la parole.
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je voudrais rappeler que le Règlement prévoit que le temps alloué au sénateur Lang devrait l'être pour le reste de son temps de parole puisqu'il a déjà commencé à parler à ce sujet. J'aimerais donc m'assurer qu'il pourra continuer pour le reste de son temps de parole.
Le sénateur Robichaud : Nous lui accordons cinq minutes.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, je suis heureuse de participer à l'interpellation de la sénatrice Callbeck sur l'importance de la littératie.
J'aborde aujourd'hui ce sujet avec une grande humilité. Les Canadiens ont de la chance — beaucoup de chance, honorables sénateurs — de bénéficier des efforts inlassables de plusieurs sénateurs dans cet important dossier.
J'aimerais d'abord parler des énormes progrès qui ont été réalisés dans le domaine, puis souligner le dévouement et les réalisations passés qui, j'en suis certaine, seront une source d'inspiration et d'encouragement à aller de l'avant.
En premier lieu, je veux remercier la sénatrice Callbeck d'avoir lancé cette interpellation. Comme nous l'a signalé la sénatrice Hubley dans cette enceinte, en novembre, la sénatrice Callbeck s'est vu décerner récemment le Prix humanitaire de l'année 2012 de la Croix-Rouge. Elle a été honorée pour sa contribution à l'avancement des femmes, notamment en politique, au développement de la petite enfance, aux programmes de ressources pour les familles et à la littératie. Elle a accompli un travail remarquable dans ce domaine en tant que ministre des Services sociaux de l'Île-du-Prince-Édouard et première ministre de cette province. Elle poursuit aujourd'hui ce travail en tant que sénatrice.
(1620)
[Français]
Je m'en voudrais de ne pas souligner, comme d'autres l'ont fait avant moi, la perspective unique que le sénateur Demers a apportée au Sénat à l'égard de l'alphabétisation.
Les amateurs de hockey parmi nous ont été particulièrement subjugués par la nomination du sénateur Demers en 2009, un entraîneur reconnu pour ses qualités de leader et de motivateur.
Plus récemment, les sénateurs Campbell, Neufeld et De Bané — représentant à la fois les caucus conservateur et libéral — ont répondu publiquement aux propos condescendants et injustes tenus par un chroniqueur du Globe and Mail au sujet de notre collègue.
Je fais partie des 50 sénateurs qui ont signé la lettre du sénateur De Bané, dans laquelle il raconte que le sénateur Demers a surmonté ses problèmes de lecture et d'écriture pour devenir l'un des meilleurs entraîneurs de hockey du pays et un sénateur fort efficace et suscitant l'admiration.
Je n'ai rien à ajouter aux excellentes lettres rédigées par les sénateurs, sinon que la volonté du sénateur Demers de livrer son secret a eu une influence considérable sur la vie de Canadiens qui sont aux prises avec ce problème. De plus, l'ouverture dont il a fait preuve devant ce défià titre de sénateur fait grandement honneur à notre institution. Les modèles sont extrêmement importants. Ils redonnent confiance en soi, éveillent les convictions et nourrissent la détermination.
[Traduction]
Je voudrais remercier la sénatrice Callbeck et le sénateur Demers de se dévouer sans relâche pour la cause de la littératie.
Honorables sénateurs, au cours des hommages rendus à notre ancienne collègue la sénatrice Fairbairn, le sénateur Mercer a parlé de cette interpellation et a dit que ce serait l'occasion tout indiquée de nous remémorer le travail de pionnière réalisé par la sénatrice Fairbairn pour promouvoir la littératie. Je suis d'accord.
Pour le temps qu'il me reste aujourd'hui, je voudrais vous faire part de mes réflexions sur le travail de la sénatrice Fairbairn et sur le legs qu'elle nous laisse et que nous avons l'occasion de nous approprier pour poursuivre son travail.
La sénatrice Fairbairn a été la première femme à servir les Canadiens à titre de leader du gouvernement au Sénat. Au cours de la même période, toutefois, soit de 1993 à 1997, elle a également été ministre chargée spécialement du dossier de l'alphabétisation. Le 5 septembre 1997, le premier ministre Chrétien l'a nommée conseillère spéciale à l'alphabétisation de la ministre du Développement des ressources humaines. Plus de 10 ans auparavant, le 11 mars 1987, la sénatrice Fairbairn avait déclaré ceci au Sénat, dans le cadre d'une interpellation sur l'analphabétisme au Canada :
Honorables sénateurs, l'une des libertés fondamentales inscrites dans la Charte canadienne des droits et libertés est la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression.
Un des droits fondamentaux dans la Charte est celui de l'égalité devant la loi, sans discrimination pour motif de race, de nationalité ou d'origine ethnique, de couleur, de religion, de sexe, d'âge ou de déficiences mentales ou physiques.
Pour un Canadien sur cinq, honorables sénateurs, ces mots n'ont pas de sens.
Ils ne leur offrent aucune sécurité ni aucune promesse d'avenir.
Ces Canadiens sont les victimes de ce qui est, à mon avis, la honte cachée de notre pays.
Ce sont des analphabètes.
Honorables sénateurs, l'exemple choisi par la sénatrice Fairbairn, celui de la Charte canadienne des droits et libertés, me semble particulièrement saisissant. Il montre que la sénatrice considérait l'alphabétisme non seulement comme un outil essentiel ou un aspect de l'éducation, mais bien comme un droit fondamental. Dans les remarques qu'elle a prononcées il y a 25 ans, elle a aussi parlé de la minorité silencieuse que constituent les Canadiens analphabètes.
Elle a conclu son discours comme suit :
La Colline du Parlement est l'endroit où il faut commencer à mener une lutte nationale contre l'analphabétisme, et je vous demande à tous d'y participer, dans votre région, dans votre province, dans votre ville.
Cette Chambre a été instituée en partie pour protéger ceux qui ne font pas partie de la majorité.
C'est le moment de nous acquitter de notre tâche à l'égard de la minorité silencieuse que constituent les analphabètes.
Je crois que les propos tenus par la sénatrice Fairbairn il y a 25 ans n'ont rien perdu de leur validité. Peut-être sont-ils même plus pertinents que jamais. Le Sénat a un rôle important à jouer dans la lutte contre ce phénomène que les politicologues appellent la « tyrannie de la majorité ». En 1987, la sénatrice Fairbairn a parlé de la minorité silencieuse que constituent les Canadiens analphabètes. En 2012, la sénatrice Callbeck a signalé que plus de 48 p. 100 des Canadiens avaient de faibles compétences en littératie.
Comme la sénatrice Fairbairn l'a souligné il y a déjà quelques décennies, l'alphabétisme est un enjeu national qui a des conséquences nationales. Elle soutenait que, dans ce cas, il ne fallait pas se laisser arrêter par l'indifférence générale qu'inspire ce sujet, mais faire en sorte d'outiller cette minorité et de protéger ses droits.
La sénatrice Fairbairn ne s'est pas contentée de faire des discours et d'effectuer des recherches sur le sujet. Dans son édition du 13 février 1990, le Toronto Star a publié un article très éloquent sur l'engagement de la sénatrice. En février 1990, le Parti libéral était en pleine course à la direction du parti, tout comme maintenant. À Yellowknife, la journaliste Carol Goar a publié un article intitulé « Une sénatrice libérale sort de son cocon ». Voici ce qu'elle a écrit :
À quelques rues de l'hôtel moderne où, le week-end dernier, les candidats à la direction du Parti libéral ont débattu de leurs politiques se trouve un local ambulant où 12 adultes autochtones se réunissent chaque jour pour apprendre à lire.
Le contraste est on ne peut plus frappant. D'un côté, les politiciens déplorent le fléau de l'analphabétisme chez les Autochtones et rivalisent de promesses pour offrir plus de fonds et de meilleurs programmes. De l'autre, les Autochtones organisent eux-mêmes leur modeste programme de formation des adultes.
Une libérale, la sénatrice Joyce Fairbairn, a jeté un pont entre les deux mondes.
Depuis que son ancien patron, Pierre Trudeau, l'a nommée au Sénat, il y a six ans, Mme Fairbairn, une ancienne journaliste, mène une croisade personnelle contre l'analphabétisme.
Elle multiplie les visites dans les collectivités pour faire des discours, examiner des projets d'alphabétisation et écouter attentivement les histoires de Canadiens qui ont surmonté leur orgueil pour pouvoir avouer leur analphabétisme.
À son arrivée à Yellowknife, Mme Fairbairn a commencé par demander à un membre du Parti libéral de la région si elle pouvait assister à une séance de formation des adultes.
On l'a aiguillée vers le programme Tree of Peace, mis en œuvre par la communauté autochtone depuis 20 ans.
Le directeur du programme, Tom Eagle, un leader autochtone de la région, lui a donné la permission d'assister à une séance de formation. Ainsi, tandis que ses collègues libéraux se préparaient en vue du débat de la course à la direction, Mme Fairbairn s'est éclipsée pour examiner le programme Tree of Peace.
Dans son article, Mme Goar a ajouté que la sénatrice Fairbairn :
[...] a expliqué aux 12 Autochtones canadiens méfiants qui se trouvaient dans la salle qu'elle venait découvrir un modèle de réussite et non moraliser ni porter de jugement.
« Je leur ai dit qui j'étais et pourquoi je m'intéressais à eux, puis je me suis assise, tout simplement, leur laissant prendre le relais. »
« Je crois que je ne correspondais pas à ce à quoi ils s'attendaient. »
En effet, comme M. Eagle l'a admis plus tard.
Les Autochtones étaient habitués à ce que des fonctionnaires viennent leur dicter comment mieux gérer leur programme, comment le modifier afin de satisfaire aux critères de financement fédéraux, quoi y enseigner et comment resserrer leurs normes.
Il se rappelle qu'un jour, ces Blancs qui mettaient leur grain de sel partout ont été à deux doigts de détruire l'initiative.
Il y a 14 ans, une délégation du ministère fédéral du Travail est venue annoncer au conseil d'administration que le programme était admissible à une généreuse subvention d'Ottawa.
Les Autochtones étaient enchantés. Ils ont commencé à faire des plans ambitieux.
C'est alors que les fonctionnaires leur ont mentionné que le financement fédéral était assorti d'une petite restriction.
Il ne visait que les élèves qui avaient déjà terminé la septième année. Quatre-vingt-dix pour cent du groupe se trouvaient donc inadmissibles.
L'incident a donné lieu à des hostilités entre ceux qui touchaient la subvention et les autres, qui devaient s'en sortir seuls.
« Lorsque nous avons compris à quel point cela s'avérait nuisible, il était trop tard. Le mal était fait », se rappelle-t-il.
[...]
M. Eagle comprenait qu'il prenait un risque en ouvrant les portes à une sénatrice.
Cependant, il voulait adresser un message à Ottawa : les programmes communautaires fonctionnent.
Pas les solutions imposées par le gouvernement.
Mme Fairbairn ignorait tout cela lorsqu'elle est entrée dans la salle de classe.
Il y a toutefois une chose qu'elle savait : le mot analphabète fait mal.
Ne pas savoir lire n'est ni une maladie, ni une infirmité, ni un signe d'échec.
Ce n'est que le résultat d'un manque de formation ou d'occasions perdues.
« Je rêve de rayer le mot analphabète du vocabulaire », a-t- elle révélé.
Ce fut comme une décharge électrique.
Un des élèves, un ancien mineur qui avait été blessé après 23 ans de travail, a bondi de sa chaise.
« Écoutez ceci », a-t-il dit en lui faisant jouer l'enregistrement d'une émission de la CBC où on ne cessait de demander à une enseignante aux adultes pourquoi il y avait autant d'ANALPHABÈTES autochtones, comment ceux-ci composaient avec leur ANALPHABÉTISME et comment on enseignait à un ANALPHABÈTE.
Le mot retentissait comme une gifle.
(1630)
La sénatrice Fairbairn grinçait des dents chaque fois qu'elle l'entendait.
Au moment de partir, elle a dit aux étudiants qu'elle avait appris plus de choses qu'eux ce matin-là.
Le lendemain, au forum libéral, c'était à qui, parmi les candidats, clamait le plus fort l'importance qu'il accordait à l'éducation des Autochtones.
Ils ont multiplié les statistiques et les promesses.
Ils ont promis de créer des commissions et de nommer des commissaires.
Ils ont juré qu'ils trouveraient de l'argent pour une injection massive de fonds fédéraux.
Tous s'accordaient pour dire que la situation était scandaleuse.
L'éducation est un droit fondamental.
Un droit avec lequel les libéraux ne lésinent pas et ne se perdent pas en théories.
La sénatrice Fairbairn a fait ce que plus de politiciens devraient faire : sortir de leur cocon et écouter.
Honorables sénateurs, cette histoire révèle l'essence de l'approche de la sénatrice Fairbairn en matière de défense des droits. La sénatrice Fairbairn allait tout simplement vers les gens, les faisaient participer et leur donnait du pouvoir. Elle écoutait les gens et tentait de mieux comprendre leurs objectifs, leurs luttes quotidiennes, leurs rêves et leurs aspirations, puis elle travaillait sans relâche pour les aider à réaliser ces rêves.
Quelques années après sa visite au centre Tree of Peace, à Yellowknife, ABC Alpha pour la vie Canada a créé le prix de sensibilisation du public à la littératie de l'honorable Joyce Fairbairn, C.P., communément appelé le prix Joycee, en hommage à celle qui a longtemps défendu la cause de la littératie au Canada.
Ce prix souligne la contribution exceptionnelle de sociétés canadiennes à la littératie. Il est juste qu'un prix portant le nom de la sénatrice Fairbairn reconnaisse la contribution du secteur privé. Lorsqu'elle a lancé son interpellation sur la littératie au Sénat, en 1987, elle a dit ce qui suit :
Les honorables sénateurs ont peut-être remarqué que je ne me suis pas encore livré au passe-temps favori des Canadiens qui consiste à dire que le gouvernement doit résoudre tout seul le problème.
C'est qu'il s'agit d'un domaine où le gouvernement ne peut tout simplement pas tout faire.
La sénatrice Fairbairn savait que, comme plusieurs autres questions complexes actuelles du domaine des politiques publiques, la littératie exige une approche sociale globale. Voici la suite de son propos ce jour-là :
Cela dit, je dois me hâter d'ajouter que je n'ai aucunement l'intention de dégager le gouvernement de ses responsabilités.
Il est essentiel que le gouvernement fédéral, c'est-à-dire tout le monde à partir du premier ministre, fasse sa part parce que le gouvernement dispose d'un avantage qu'aucun groupe ou particulier ne possède au Canada : il a une présence nationale.
Le travail de la sénatrice Fairbairn pour défendre cette cause et sensibiliser les gens a été une source d'inspiration grâce à laquelle d'autres ont décidé de faire des contributions remarquables, notamment le Groupe Financier Banque TD, Coca-Cola, Air Canada, CanWest Global Communications et le groupe Barenaked Ladies. Elle considérait que le rôle du gouvernement fédéral était de sensibiliser les gens, de favoriser le changement et d'être un chef de file.
La sénatrice Fairbairn possédait la capacité unique de rassembler groupes et coalitions disparates, de concilier les visions et les idées et d'harmoniser les efforts et les objectifs. Elle savait que, au Sénat, nous faisons de notre mieux pour collaborer les uns avec les autres.
Elle laisse derrière elle un héritage de collaboration intense et résolue dans ce dossier. Elle a pris la parole au Sénat à d'innombrables reprises pour nous conscientiser et nous rallier à la cause de la littératie, tout en veillant à ne pas rester dans une tour d'ivoire, à susciter la participation des Canadiens et à les écouter.
Que faire, maintenant que notre chère collègue et amie a quitté le Sénat?
Honorables sénateurs, je voudrais répondre à cette question en vous citant un extrait d'un discours de la sénatrice Fairbairn prononcé le 26 septembre 2006 au Sénat à propos de la littératie. Voici ce qu'elle disait :
Il nous faut simplement travailler ensemble, et je sais que nous en sommes capables ici. L'analphabétisme est un obstacle quotidien pour les adultes qui n'ont pas les compétences nécessaires; ces adultes ne peuvent pas aider leurs enfants en bas âge. L'analphabétisme est un obstacle pour les travailleurs, pour les personnes âgées à risque qui ont des problèmes de santé et pour l'économie en général, financièrement parlant, parce que nous perdons des millions et même des milliards de dollars en coûts supplémentaires à cause du manque de compétence des analphabètes et des problèmes que ces derniers entraînent malgré eux, dans un pays que nous considérons comme prospère et attentionné. Si nous n'accélérons pas notre soutien d'une manière équitable et généreuse, nous nuisons à notre avenir.
Je n'ai aucun doute que nous pouvons tous travailler ensemble avec détermination et bonne volonté pour éliminer ce que je considère toujours comme une honte cachée.
Ce sont les paroles profondes d'une femme forte et inspirante qui a fait d'énormes efforts pour améliorer la vie des autres. Avant de conclure, honorables sénateurs, j'aimerai raconter une histoire personnelle sur le sénateur Fairbairn. Nous sommes devenues très proches au fil des années. Je la considérais comme mon mentor.
Il y a quelques années, durant une visite en Colombie- Britannique, elle a séjourné chez moi, à Vancouver. Un matin, à 7 heures, elle a été réveillée par le son d'une cornemuse. Vous pouvez imaginer sa surprise d'entendre un tel son dans la maison d'une famille indo-canadienne. Elle a découvert que c'est mon fils qui jouait de cet instrument, et elle s'est exclamée : « C'est ce qui est formidable dans notre pays. Nous partageons et adoptons les cultures des autres. »
J'associe maintenant le son de la cornemuse à la sénatrice Fairbairn et à son enthousiasme sans borne pour notre merveilleux pays et son potentiel. Je tiens à remercier de nouveau les sénateurs Fairbairn, Demers et Callbeck. J'ai beaucoup de chance de les avoir pour mentors. Ils me poussent tous à me dépasser. Je les respecte grandement, et je suis très reconnaissante de leurs efforts en vue de faire avancer la cause de l'alphabétisation. Ils ont, et auront toujours, mon soutien et mon admiration indéfectibles pour le travail formidable qu'ils font.
(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)
Les universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur les nombreuses contributions des universités et autres établissements d'enseignement postsecondaire du Canada, ainsi que de leurs instituts de recherche, à l'innovation et à la recherche dans notre pays, et en particulier aux activités que ceux-ci entreprennent, en partenariat avec le secteur privé et celui sans but lucratif, avec un appui financier de sources nationales et internationales, dans l'intérêt des Canadiens et des gens un peu partout dans le monde.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureux de lancer cette interpellation sur les nombreuses contributions apportées par les universités canadiennes en matière d'innovation et de recherche. Je me réjouis tout particulièrement du fait qu'il s'agit d'un débat non partisan, coparrainé par mon ami, le sénateur Segal, et que tant de sénateurs ont exprimé leur désir d'y participer et de parler des travaux de recherche excitants et importants qui ont lieu dans les universités de leur région.
Notre assemblée consacre beaucoup de son temps à discuter des problèmes immédiats qui touchent les Canadiens, et c'est compréhensible. C'est ce qu'il convient de faire et c'est ce que les Canadiens s'attendent à ce que nous fassions. Je trouve néanmoins important que, de temps en temps, nous nous penchions sur les réalisations étonnantes des citoyens de notre merveilleux pays, que nous célébrions ces réalisations et que nous exprimions notre gratitude.
L'histoire nous a appris que la pérennité d'une nation — sa vraie grandeur — se mesure à ces expressions de créativité qui s'inscrivent dans la durée et viennent changer la façon dont nous voyons et comprenons notre monde intérieur et celui autour de nous. Ce legs, ce sont les écrivains, les poètes, les artistes, les musiciens et les scientifiques qui le créent.
Rien ne nous caractérise davantage comme êtres humains que notre besoin de savoir et de comprendre. Louis Pasteur, grand scientifique français, a déjà dit ceci à propos des réalisations et des aspirations de son pays :
La science française se sera efforcée, en obéissant à cette loi d'humanité, de reculer les frontières de la vie.
Voilà exactement ce que les scientifiques accomplissent : ils font reculer les frontières de la vie et enrichissent le bagage de connaissances de l'humanité qui nous permet de mieux nous comprendre et de mieux comprendre le monde et l'univers.
Ce n'est pas un travail prestigieux. Ce n'est pas un travail qui sied à celui qui est impatient ou qui ressent facilement l'ennui ou la frustration. Il faut du temps, du dévouement et de la persévérance. Les scientifiques ont le feu sacré; ils sont absolument convaincus que chercher tel traitement ou s'efforcer d'acquérir telle connaissance, améliorer notre compréhension des étoiles et des planètes ou se creuser les méninges pour comprendre la physique quantique, toutes ces entreprises scientifiques valent bien toute une vie de travail.
Honorables sénateurs, nos scientifiques sont d'extraordinaires Canadiens, et leur travail est remarqué aux quatre coins de la planète. La population du Canada est inférieure à 0,5 p. 100 de la population mondiale; or, nous produisons environ 5 p. 100 des articles scientifiques les plus fréquemment cités dans le monde. Pour ce qui est de la moyenne de l'impact relatif des citations — une mesure de la fréquence à laquelle les articles sont cités considérée comme une mesure standard de l'impact général des activités scientifiques et technologiques d'un pays —, le Canada se classe parmi les cinq premiers pays dans sept domaines de recherche sur 22 et parmi les 10 premiers pays dans 14 autres domaines.
(1640)
Dans les sondages auprès des auteurs des plus grandes publications scientifiques, le Canada se place souvent au quatrième rang, globalement, derrière les États-Unis, le Royaume- Uni et l'Allemagne.
Au Canada, les universités sont des moteurs puissants dans le domaine de la recherche scientifique. Elles réalisent près de 40 p. 100 de tous les travaux de recherche-développement, ce qui est notre seule mesure statistique scientifique sur la recherche scientifique. Le comité d'experts sur l'état de la science et de la technologie au Canada qui a remis son rapport au gouvernement fédéral l'an dernier a dit :
Par rapport aux autres pays, le Canada se distingue entre autres par le fait que ses dépenses en R-D sont plus concentrées dans le secteur de l'enseignement supérieur.
Pour comparer, honorables sénateurs, disons que le secteur de l'enseignement supérieur ne représente que 18 p. 100 de la R-D dans le pays moyen de l'OCDE et 14 p. 100 aux États-Unis. Au Canada, nous en sommes à 40 p. 100.
La recherche réalisée dans les universités canadiennes atteint 11,5 milliards de dollars, ce qui comprend des travaux de près de 1 milliard de dollars pour le secteur privé et de près de 1 milliard de dollars pour les organisations sans but lucratif.
Un dernier élément de comparaison : le secteur des affaires a consacré 15,5 milliards de dollars à la recherche, soit seulement 4 milliards de plus que les universités. Je le répète, les universités canadiennes sont un moteur essentiel à la recherche scientifique au Canada.
C'est là une grande source de fierté, mais le phénomène n'est pas récent. En 1921, en effet, Frederick Banting, Charles Best, J.J.R. Macleod et J.B. Collip, qui travaillaient à l'Université de Toronto, ont été les premiers à obtenir de l'insuline sous une forme qui permettait de traiter le diabète de façon régulière. D'après l'Organisation mondiale de la santé, il y a 347 millions de diabétiques dans le monde. Le diabète de type 1 était un verdict de mort. Au mieux, on pouvait survivre en menant une vie soumise à de lourdes contraintes. Tout a changé grâce à l'insuline, découverte à l'Université de Toronto.
En 1951, à l'Université de la Saskatchewan, le physicien médical Harold Johns a réussi le premier traitement fructueux d'un cancéreux au moyen de la radiothérapie au cobalt-60, avec ce qu'on appelait la « bombe au cobalt ». Cette innovation a révolutionné le traitement du cancer pour des millions de patients dans le monde.
En 1963, à l'Université de Toronto, James Till et Ernest McCulloch ont découvert les cellules souches. La révolution des cellules souches se poursuit, et on explore toujours les horizons révélés par cette découverte faite il y a 50 ans.
Je pourrais poursuivre, mais je tiens à passer aux recherches qui se font aujourd'hui. Je vais bien sûr parler avec fierté de celles qui se font dans ma propre province, la Nouvelle-Écosse, mais je voudrais au préalable donner aux sénateurs une petite idée de ce qui se fait ailleurs au Canada. J'espère que d'autres sénateurs participeront au débat sur mon interpellation et donneront d'autres exemples tirés de leurs régions. Je les y invite.
Vladimir Titorenko est professeur associé de biologie à l'Université Concordia de Montréal, où il occupe la chaire de recherche sur la génomique, la biologie cellulaire et le vieillissement. Il fait des expériences à partir de produits chimiques naturels pour voir si l'un d'entre eux peut interrompre le processus de vieillissement au niveau génétique. Il mène des expériences sur les levures. Ce qui est vraiment étonnant, c'est que ses recherches ont peut-être permis de repérer un produit chimique qui tue les cellules cancéreuses sans nuire aux cellules normales. Le chercheur collabore maintenant avec le toxicologue Thomas Sanderson et d'autres chercheurs de McGill et de l'Université de la Saskatchewan.
Bernard Glick est professeur de biologie et de génie chimique à l'Université de Waterloo. Avec son équipe de chercheurs, il a découvert une bactérie qui favorise la croissance des plantes, même lorsqu'elles sont touchées par la sécheresse et la maladie. Comme il l'a expliqué, les bactéries sont un moyen plus durable que les produits chimiques de soutenir les productions vivrières. Les perspectives qui s'ouvrent à l'humanité sont extraordinaires. Grâce à cette bactérie, il n'est pas impossible qu'on sauve des cultures menacées de destruction par la sécheresse ou la maladie. Des gens qui risquent la famine pourraient avoir de quoi manger. On ne s'étonnera pas que ses recherches attirent l'attention à l'étranger. La prestigieuse American Association for the Advancement of Science a invité le chercheur à présenter ses résultats à sa réunion annuelle, qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci, à Boston.
L'Université de la Colombie-Britannique est un haut lieu de la recherche au Canada. Je donnerai aux sénateurs un seul exemple de ses recherches innovatrices. Le Dr Art Poon est chercheur scientifique associé au centre d'excellence de l'université dans la recherche sur le VIH et le sida. Lui et son équipe collaborent avec des chercheurs de l'Université d'Amsterdam afin d'utiliser la technologie de séquençage de la prochaine génération pour reconstruire l'évolution du VIH chez un seul patient. Selon lui, si on pouvait définir la progression chronologique, les caractéristiques et l'évolution du virus qui a initialement déclenché l'infection, il pourrait y avoir des conséquences importantes pour le développement d'un vaccin, le traitement par médicaments et l'évaluation de l'impact des stratégies de prévention du VIH.
L'Université de Regina entretient une collaboration passionnante avec des chercheurs en Chine. Il y a maintenant plus d'une centaine d'anciens étudiants de l'Université de Regina qui se trouvent à Pékin. Voici un exemple. En avril dernier, l'université a annoncé un nouvel accord avec la North China Electric Power University de Pékin prévoyant la mise sur pied d'un institut sino-canadien de recherche sur l'énergie, l'environnement et le développement durable. Ces deux universités établiront des programmes de recherche communs et organiseront des échanges de professeurs et d'étudiants dans des domaines liés à l'énergie, à l'environnement, aux changements climatiques et à la lutte contre la pollution pour les industries de l'énergie.
Ici même, à Ottawa, la Dre Ruth Slack, qui enseigne la médecine cellulaire et moléculaire à l'Université d'Ottawa, fait des recherches sur la façon dont notre cerveau crée de nouvelles cellules cérébrales, ce qu'on appelle la neurogénèse. Pendant plus d'un siècle, les scientifiques étaient convaincus que le cerveau de l'adulte ne produisait pas de nouveaux neurones et qu'on ne pouvait jamais en avoir plus que ce qu'on avait à la naissance. Il y a 15 ans seulement, on a découvert que ce n'était pas vrai, que le cerveau pouvait produire de nouveaux neurones. La Dre Slack et son équipe cherchent à savoir ce qui incite le cerveau à en produire et essaie de voir s'il existe un moyen de multiplier ces cellules et de les envoyer vers les endroits abîmés.
Honorables sénateurs, songez aux possibilités que cela ouvrirait aux patients qui ont subi un AVC, à ceux qui ont la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Parkinson, si nous pouvions trouver comment inciter le cerveau à produire de nouvelles cellules. Voilà l'objet des travaux de la Dre Slack, qui fait partie d'une équipe multidisciplinaire au Centre for Stroke Recovery, à l'Hôpital d'Ottawa. Je signale au passage qu'il s'agit du seul centre du monde qui s'intéresse uniquement au rétablissement après un AVC.
Si la Dre Slack étudie le cerveau humain, Geoffrey Hinton, du département d'informatique de l'Université de Toronto, cherche à créer des cerveaux artificiels qui pensent et apprennent comme le cerveau humain. Ses « cerveaux », qui ont été formés à partir d'un demi-milliard de caractères tirés de textes de Wikipédia, savent écrire des phrases. On cherche maintenant à leur apprendre à reconnaître des structures, ce qui leur permettrait d'apprendre et de créer. Les travaux de M. Hinton ont été repris en 2006 par Li Deng, chargé de recherche principal de Microsoft Research, à Redmond, dans l'État de Washington. Deng cherche à créer, pour les téléphones intelligents, un logiciel de recherche sur Internet qui soit activé par la voix. Il considère que les travaux de M. Hinton contribuent à réduire considérablement les erreurs de reconnaissance vocale. Et, selon lui, ce n'est que le commencement. Ces travaux ont été utiles à Microsoft, Google, IBM et d'autres sociétés. Récemment, M. Hinton a remporté le prix Killam de 2012 en génie. Déjà, en 2010, il avait remporté la Médaille d'or Gerhard Herzberg en sciences et en génie pour son apport à l'apprentissage automatique et à l'intelligence artificielle.
Ce ne sont là que quelques exemples des extraordinaires travaux de recherche qui sont faits dans les différentes universités du Canada.
Honorables sénateurs, j'ai décidé de lancer le présent débat parce que je suis toujours renversé d'apprendre ce que font les chercheurs des universités de ma province, la Nouvelle-Écosse, lorsque je m'entretiens avec eux. Voici quelques exemples de ce qu'ils font.
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Comme la Nouvelle-Écosse est l'une des provinces de l'Atlantique, vous ne serez pas surpris d'apprendre que des recherches révolutionnaires sur les océans y sont actuellement en cours. Une centaine de chercheurs de l'Université Dalhousie concentrent leurs efforts sur des activités liées aux océans dans de multiples disciplines.
En 2011, l'Institut de recherche océanographique d'Halifax a ouvert ses portes. Il s'agit d'un consortium formé de partenaires du secteur privé, du gouvernement et des universités conçu pour accroître la portée, la qualité, l'internationalisation et l'impact de la recherche océanographique dans la région de l'Atlantique. Les partenaires fondateurs comprennent l'Université Dalhousie, l'Université du Nouveau-Brunswick, l'Université de l'Île-du- Prince-Édouard, l'Université Acadia, l'Université du Cap-Breton, le Collège communautaire de la Nouvelle-Écosse, l'Université St. Francis Xavier et l'Université de Moncton.
Le consortium comprend également un certain nombre d'importantes sociétés privées, comme Irving Shipbuilding, Ocean Nutrition Canada, Satlantic, Ultra Electronics, MetOcean Data, Amirix Vemco et plusieurs autres. Il y a également des partenaires du secteur public, dont Environnement Canada, R & D pour la défense Canada — Atlantique, l'Institut des biosciences marines du Conseil national de recherches, le ministère des Pêches et des Océans — région des Maritimes, la Commission géologique de Ressources naturelles Canada — Atlantique, et le gouvernement de la Nouvelle- Écosse.
Parmi les projets dont s'occupe l'Institut de recherche océanographique d'Halifax, il y a lieu de mentionner la coordination de l'Ocean Tracking Network et la chaire de modélisation et de prédiction des extrêmes de l'environnement marin du Lloyd's Register Educational Trust britannique.
L'Ocean Tracking Network est un projet mondial de recherche de 168 millions de dollars, que dirige l'Université Dalhousie, qui vise à déterminer la répartition de milliers d'animaux marins partout dans le monde — grands poissons, baleines, phoques, tortues, oiseaux aquatiques et ours polaires — grâce à une technologie de télémesure acoustique qui permet de procéder à une forme d'étiquetage électronique. On a parlé dans ce cas d'« Internet des océans », qui permettra de faire l'étude la plus complète du monde de la faune marine et des conditions de l'océan. Les données tirées de ce projet aboutiront à la mise au point d'une norme mondiale de gestion des océans, d'une manière qu'il aurait ici difficile d'imaginer auparavant. Pour vous donner une petite idée de la portée de cette initiative, je préciserai qu'elle fait intervenir des chercheurs du Portugal, de la France, de l'Italie, de l'Espagne, de la Corée, du Japon, de l'Australie, de Hong Kong, de la Chine, de l'Indonésie, de l'Argentine, du Brésil, du Chili, du Mexique, du Maroc, de la Norvège, de l'Islande, de la Nouvelle-Zélande, de l'Afrique du Sud, du Danemark, des Bermudes et des États-Unis. Honorables sénateurs, ce projet est dirigé ici même, au Canada, à l'Université Dalhousie.
Le Lloyd's Register Educational Trust, organisme de bienfaisance indépendant, finance un programme de recherche en modélisation et en prédiction des extrêmes de l'environnement marin, qui dirige M. Jinyu Sheng, professeur au département d'océanographie de l'Université Dalhousie. Le programme découle du fait qu'on reconnaît de plus en plus que le transport maritime, la prospection et l'exploitation du pétrole et du gaz et la construction des infrastructures côtières dépendent de notre capacité de prédire les événements marins extrêmes. Ce projet met en commun les efforts d'un réseau international de chercheurs en océanographie et en climatologie du Canada, de l'Australie, du Royaume-Uni et du Brésil. Honorables sénateurs, ce sont là des activités tout à fait passionnantes qui sont réalisées à partir des recherches de pointe menées dans la région.
Plusieurs d'entre vous se souviendront de la visite que la chancelière allemande Angela Merkel a effectuée au Canada en août dernier. Elle avait fait une escale spéciale à Halifax — la seule à l'extérieur d'Ottawa — pour visiter l'Université Dalhousie et s'entretenir avec les chercheurs en océanographie. Cette visite n'a pas surpris les scientifiques parce qu'Angela Merkel est elle-même une ancienne scientifique spécialisée en chimie quantique. Elle comprend évidemment l'importance de la science.
À Dalhousie, Mme Merkel a assisté au lancement d'un projet conjoint de l'Institut de recherche océanographique de Halifax et de scientifiques allemands de l'Association Helmholtz. Le projet est intitulé « Changement, risques et ressources des océans : une approche transatlantique et arctique ». Elle s'est également entretenue avec des océanographes qui participent à diverses recherches révolutionnaires sur les défis que doit affronter la communauté mondiale.
M. Keith Thompson s'occupe d'activités océanographiques et statistiques à l'Université Dalhousie. Il est également titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la prédiction maritime et les statistiques environnementales. Entre autres, il met au point des modèles de prédiction des ondes et des courants de tempête le long du littoral du Canada atlantique. Comment pouvons-nous prédire des événements extrêmes tels que les ouragans, les déversements d'hydrocarbures, la catastrophe nucléaire de Fukushima Daiichi ou le déplacement à travers le Pacifique des débris produits par le tsunami qui a frappé le Japon, et comment pouvons-nous en atténuer les conséquences?
Honorables sénateurs, ces incidents n'ont été que trop nombreux ces dernières années. Ces recherches sont donc essentielles.
Boris Worm et les membres du « Worm Lab », à Dalhousie, étudient la biodiversité marine. Ils mesurent le phytoplancton, des algues minuscules et des bactéries qui produisent la moitié des aliments dont dépendent tous les animaux sur terre. Les recherches de M. Worm ont donné des résultats profondément troublants. Lui et son équipe ont constaté que la concentration de phytoplancton a beaucoup diminué à l'échelle planétaire. Ce n'est pas une bonne nouvelle, mais, croyez-le ou non, ce fait n'a pas été remarqué par le passé. Dans ce cas-ci, on ne peut pas dire que l'ignorance soit gage de bonheur. Honorables sénateurs, il serait dangereux de se complaire dans l'ignorance.
Pendant ce temps, Julie LaRoche, qui enseigne au département de biologie de Dalhousie, collabore avec des chercheurs allemands et des chercheurs de Dalhousie afin de comprendre le rôle que le phytoplancton joue dans le cycle global d'éléments comme le carbone et l'azote, deux éléments essentiels à la productivité des océans.
Honorables sénateurs, ce n'est là qu'une infime partie des recherches sur l'océan qui se font à Dalhousie. Voilà un travail passionnant et d'une importance cruciale, et il s'effectue dans ma province. Pourtant, en Nouvelle-Écosse, il ne se fait pas que de la recherche sur la mer. Je ne veux pas terminer mon intervention sans vous parler d'autres travaux de recherche, notamment en sciences de la santé.
Nous connaissons tous les statistiques sur le vieillissement démographique au Canada. L'unité de recherche médicale en gériatrie de la faculté de médecine de Dalhousie, dirigée par le Dr Ken Rockwood, a conçu un formulaire d'évaluation gériatrique qui tient sur une seule page et qui peut servir à établir un indice de fragilité. Cet indice permet de distinguer divers degrés de fragilité et de prévoir les résultats des soins ce santé, ce qui peut être essentiel non seulement pour le médecin traitant, mais aussi, de façon plus immédiate, pour la personne qui dispense les soins. Fait intéressant, l'indice de fragilité a été le fondement de la collaboration sino- canadienne sur le vieillissement et la longévité.
Le Dr Rockwood participe également au Réseau d'application de la recherche sur les démences. Il s'agit d'un réseau national qui réunit des chercheurs des quatre coins du Canada — Université de la Colombie-Britannique, Queen's, McGill, Dalhousie, Mount St. Vincent — pour mettre en commun des recherches et de l'information sur les traitements efficaces, et aider à résoudre les problèmes liés à la maladie d'Alzheimer et à la démence. Il n'y a pas que des chercheurs universitaires qui y participent. Le réseau accueille également des dispensateurs de soins et des dirigeants universitaires dans des domaines voisins, comme les services biomédicaux, cliniques, psychosociaux et sanitaires concernant la démence, et la recherche sur la santé publique, ainsi que des Sociétés Alzheimer et des personnes atteintes de démence.
Le Dr Chris Richardson est également professeur aux départements de microbiologie et d'immunologie et de pédiatrie de la faculté de médecine de Dalhousie. Il a étudié le virus de la rougeole, et il croit pouvoir s'en servir pour cibler et détruire les cellules cancéreuses. Vous craignez que votre immunité à la rougeole ne pose problème? Pas la peine de vous inquiéter. Le Dr Richardson croit même que l'immunité, acquise par injection ou par le fait d'avoir eu la maladie, rendrait le traitement du cancer plus efficace.
Honorables sénateurs, plusieurs d'entre nous ont parlé au Sénat des défis terribles liés à la maladie mentale. Le Dr Patrick McGrath, qui est le vice-président unique de la recherche et de l'innovation chez IWK et Capital Health, à Halifax, occupe également la chaire de recherche sur la santé de l'enfant, psychologie de niveau 1. Il a réalisé des travaux innovateurs sur la douleur chez l'enfant, et il s'intéresse aussi beaucoup au travail sur la santé mentale chez les enfants et les jeunes. Avec son équipe, il a conçu l'approche « Strongest Families » avec l'apport de spécialistes de tout le Canada et du monde entier. Cette approche tient compte du fait que, lorsqu'un enfant souffre d'anxiété ou de troubles du comportement, c'est toute la famille qui est touchée.
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Les équipes de recherche travaillent de concert avec les familles, grâce à des moniteurs qualifiés, pour donner aux membres de la famille la formation et les compétences dont ceux-ci ont besoin pour aider l'enfant en difficulté. Cette approche donne d'excellents résultats. Les chercheurs ont découvert que le taux d'abandon du programme « Strongest Families » est beaucoup plus faible que celui des programmes de traitement en clinique, pour lesquels, bon nombre d'entre nous le savons, les listes d'attente sont très, très longues. On observe une amélioration notable chez les enfants, et les parents sont extrêmement satisfaits.
J'ai beaucoup parlé des travaux qui se font à l'Université Dalhousie, mais bien d'autres universités poursuivent des recherches passionnantes en Nouvelle-Écosse. J'ai souligné un certain nombre de ces projets lorsque j'ai parlé des journées portes ouvertes de l'Association des universités et des collèges du Canada auxquelles j'ai participé cet automne. J'espère que certains de mes collègues parleront d'autres recherches qui sont en cours pendant le débat. Je vous en donne rapidement quelques exemples.
Plus tôt, j'ai longuement parlé de l'importance de la recherche pour répondre aux besoins d'une population vieillissante. Mme Janice Keefe est professeure à l'Université Mount Saint Vincent et directrice du Nova Scotia Centre on Aging. Elle est titulaire de la chaire de gérontologie Lena Isabel Jodry. Récemment, elle a dirigé une étude menée conjointement par des chercheurs de l'Université Mount Saint Vincent et de l'Université de Montréal qui a montré que le taux global d'invalidité des personnes âgées au Canada a diminué, mais que la proportion de ceux atteints d'une incapacité grave a augmenté. Selon Mme Keith :
Il faut non seulement en conclure que nous aurons besoin d'un plus grand nombre de soignants pour les personnes âgées, mais qu'il faudra aussi former ceux-ci à travailler avec des clients beaucoup plus âgés et nécessitant beaucoup plus de soins.
Stephanie MacQuarrie est professeure adjointe en chimie organique à l'Université du Cap-Breton. Elle combine deux domaines distincts de la chimie, les nanomatériaux et la catalyse. Ses travaux visent à synthétiser de nouveaux nanomatériaux pour l'industrie pharmaceutique, lesquels pourraient permettre de réduire les résidus chimiques et de transformer la recherche sur la catalyse et être nettement moins dommageables pour l'environnement.
Honorables sénateurs, nos chercheurs accomplissent un travail exceptionnel et le monde entier le constate. Durant mon discours, j'ai plusieurs fois fait référence aux collaborations internationales. Avant de conclure, j'aimerais parler d'une initiative unique, le CALDO, un consortium réunissant quatre des meilleures universités canadiennes — l'Université de l'Alberta, l'Université Dalhousie, l'Université Laval et l'Université d'Ottawa — ainsi que des universités et des institutions de recherche du Brésil pour former un « géant de la recherche ». Le CALDO regroupe 160 centres de recherche, 85 instituts et 6 000 professeurs de réputation internationale cumulant plus de 500 chaires de recherche du Canada. C'est incontestablement un géant de la recherche.
Nous savons tous que le Brésil occupe une place de plus en plus prépondérante sur la scène internationale. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a même présenté, au mois de mai de l'année dernière, un rapport intitulé Intensifier les partenariats stratégiques avec le nouveau Brésil. Le comité a notamment recommandé que :
[...] le gouvernement du Canada déploie les appuis et ressources nécessaires pour que l'éducation demeure un moteur de l'intensification des rapports entre le Canada et le Brésil.
Il a également recommandé que le gouvernement du Canada concentre son attention sur ses rapports avec le Brésil dans les secteurs de l'éducation, des sciences et de la technologie.
Honorables sénateurs, nos universités travaillent déjà à la réalisation de ces objectifs. Parmi les projets en cours, il y a la collaboration internationale pour la conservation et la gestion des forêts tropicales sèches; la collaboration internationale pour améliorer la prévision des événements marins extrêmes; les progrès réalisés à l'égard de l'exploration de données pour les réseaux de communications et les applications spatio-temporelles; la mise en place d'une plateforme de criblage pour l'identification de biomolécules actives dans la prévention et le traitement de l'obésité et du diabète de type 2. Nos scientifiques et nos universités bâtissent un héritage canadien durable. C'est un legs pour nous tous et le monde entier. Voilà comment le Canada et les pays du monde entier deviennent des meilleurs endroits où vivre.
J'ai bien hâte, honorables sénateurs, que vous me fassiez part d'autres exemples de recherches qui sont menées au Canada.
L'honorable Hugh Segal : Accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Cowan : Oui.
Le sénateur Segal : Je suis heureux que le sénateur ait pris l'initiative d'inscrire cette interpellation au Feuilleton. Voici ma question. Croit-il qu'au fond nous comprenons mal et mésestimons l'importance qu'a la recherche universitaire dans notre quotidien, et ce, tant en ce qui concerne la qualité des soins de santé, la sécurité en milieu de travail, les débouchés économiques que le progrès social? Payons-nous collectivement le prix de notre incompréhension et de notre mésestime des recherches scientifiques qui sont menées? Si le sénateur en vient à cette conclusion, pense-t-il que c'est parce que les universités pourraient mieux faire la promotion de leurs réalisations, ou bien est-ce parce que les bonnes nouvelles ne font pas les manchettes et que personne ne s'intéresse à la qualité des recherches justement parce que le sujet ne crée pas les remous qui accaparent parfois l'attention des journalistes?
Le sénateur Cowan : Je suis tout à fait de l'avis du sénateur. Nous avons souvent discuté de ce sujet et nous nous entendons sur tous ces points. Pendant que nous préparions cette interpellation, j'ai dit au sénateur que je voulais ainsi donner l'occasion de célébrer l'excellent travail accompli dans les universités canadiennes, lequel n'est pas apprécié à sa juste valeur au Canada, j'en conviens. Ces recherches sont importantes non seulement pour le bien-être des Canadiens, mais aussi, comme j'ai essayé de le faire comprendre dans mon intervention, pour les liens qu'elles permettent de tisser avec les autres pays et les institutions à l'étranger, car ces liens contribuent grandement à l'économie canadienne et permettent d'accroître nos connaissances et le nombre de recherches qui sont effectuées.
J'espère que cette interpellation donnera aux sénateurs l'occasion de s'adresser aux établissements d'enseignement de leur région pour se renseigner, comme nous l'avons fait auprès d'établissements de tout le pays, sur les nombreux projets passionnants dont nous ignorons l'existence si nous ne posons pas de questions. J'encourage mes collègues à communiquer avec les universités et les instituts de recherche lorsqu'ils seront chez eux, puis à nous faire un compte rendu des travaux passionnants et importants qui y sont effectués.
(Sur la motion du sénateur Segal, le débat est ajourné.)
La Sécurité de la vieillesse
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur les insuffisances de l'Allocation versée par la Sécurité de la vieillesse aux personnes seules et à faible revenu âgées de 60 à 64 ans.
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai l'intention d'intervenir au sujet de cette importante interpellation. Je remarque que cet article en est au 14e jour et que, demain, il en sera au 15e jour. J'aimerais qu'on reprenne le compte des jours à zéro pour le temps de parole qu'il me reste.
(Sur la motion de la sénatrice Hubley, le débat est ajourné.)
Question de privilège
Suspension du débat
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 13-1, 13-3(1) et 13-6(1) du Règlement, je soulève la question de privilège en ce qui concerne les déclarations et le travail très médiatisés d'un fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement, M. Kevin Page, directeur parlementaire du budget. Son comportement nuit considérablement au Sénat, au Parlement et même, maintenant, à la réputation internationale du Canada.
Plus tôt aujourd'hui, j'ai donné le préavis requis par écrit et oralement, et j'aborderai maintenant la question de privilège en consignant au compte rendu ce préavis, tel que je l'ai donné aujourd'hui. Il fera partie de mon discours.
Je soulève une question de privilège concernant le travail de ce mandataire du Parlement, dont il a été abondamment question dans la presse la semaine dernière, notamment le vendredi 22 février 2013. Ce jour-là, Gary Corbett écrivait ceci dans le Toronto Star :
Ses demandes d'information additionnelle sont demeurées sans réponse, ou l'on a grandement tardé à y répondre. Ses calculs ont été balayés du revers de la main ou remis en question publiquement. Son rôle et sa réputation de chien de garde ont fait l'objet d'attaques d'une intensité habituellement réservée aux écologistes. Même après avoir eu recours aux tribunaux pour forcer le gouvernement à révéler les détails des compressions et des dépenses proposées, il a eu droit au même silence assourdissant.
(1710)
J'y reviendrai plus tard.
En outre, l'Ottawa Citizen a publié un article dans lequel M. Page affirmait que la lutte qu'il menait avait causé la surprise de certains observateurs. Cet article portait sur une réunion de deux jours de hauts fonctionnaires et d'agents budgétaires internationaux provenant de 22 pays de l'OCDE — l'Organisation de coopération et de développement économiques. On y expliquait ce qui suit :
Le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, affirme que certains observateurs étrangers sont choqués de voir les difficultés qu'il rencontre à essayer de percer les secrets du gouvernement. Page [...] va traîner le gouvernement devant les tribunaux parce que celui-ci refuse de divulguer l'information relative aux milliards de dollars qu'il entend couper dans les dépenses des ministères [...]
L'article indique également que, jeudi, les participants à cette rencontre internationale avaient entendu des exposés sur l'accès à l'information au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis. On a alors signalé ce qui suit :
Page a souligné que c'est son bureau qui a été le plus malmené [...]
Honorables sénateurs, le comportement et les déclarations de cet agent de la Bibliothèque, qui ont maintenant des échos au-delà de nos frontières, sur la scène internationale et qui empiètent sur les relations étrangères du Canada, violent les privilèges du Sénat, des sénateurs et du Président du Sénat.
Ces actions semblent découler de la notion erronée et fausse selon laquelle il est un chien de garde du Parlement, dont le mandat consiste à surveiller les activités du gouvernement dans le domaine des finances publiques. Or, ce n'est pas le cas. Son mandat ne prévoit pas ce genre de pouvoirs; il se limite à des fonctions liées à la Bibliothèque, c'est-à-dire des travaux de recherche et d'analyse indépendante. Ce malentendu est fort répandu, et le directeur parlementaire du budget l'a alimenté lui-même publiquement.
Notre Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement a étudié la réticence de M. Page à exercer les fonctions d'un agent de la Bibliothèque. En 2009, il a publié un rapport intitulé Rapport sur les activités du directeur parlementaire du budget au sein de la Bibliothèque du Parlement. Il faut absolument lire ce document instructif. Il est évident que l'indépendance du directeur parlementaire du budget découle de l'indépendance absolue dont jouit la Bibliothèque du Parlement par rapport au gouvernement pour exécuter des fonctions liées à la Bibliothèque et à la recherche. Toutefois, elle se limite à ces fonctions — ni plus, ni moins. Il existe un malentendu très important à cet égard.
Honorables sénateurs, toute la semaine et chaque jour, j'ai été ébahie par les agissements de cet agent de la Bibliothèque et par sa campagne sensationnaliste dont les dangereuses ondes de choc touchent maintenant les relations du Canada partout dans le monde. Ses déclarations publiques provocantes et incendiaires sont inacceptables et ne peuvent être tolérées. Méprisants et non parlementaires, ces propos sont de l'ordre du vandalisme constitutionnel. Il s'agit d'une conduite inacceptable de la part d'un agent de la Bibliothèque relevant des Présidents du Sénat et de la Chambre des communes. Le Sénat ne doit pas tolérer cette situation et doit prendre des mesures « antichocs ».
Cette personne prétend jouir de pouvoirs constitutionnels qui ne sont pas conférés aux agents de la Bibliothèque, ni même aux hauts fonctionnaires des Chambres, comme nos greffiers; de telles prétentions sont excessives et sans fondement. Je soutiens que ses déclarations publiques à cet égard — y compris sa demande à Cour fédérale du Canada en vue de déterminer son mandat, un mandat dont la détermination relève exclusivement des opérations internes du Parlement — constituent une atteinte aux privilèges du Parlement.
Les actes de cet agent de la Bibliothèque sont tellement choquants que le Sénat devra peut-être envisager de lui ordonner de retirer sa demande frivole et vexatoire à la Cour fédérale du Canada.
Honorables sénateurs, plusieurs ignorent la véritable nature de la poursuite judiciaire entreprise par cette personne. Permettez-moi de l'expliquer. Cet agent demande une procédure de renvoi, conformément au paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Les défendeurs sont Thomas Mulcair, chef de la loyale opposition de Sa Majesté, et le procureur général du Canada, le ministre Rob Nicholson. Les Présidents de la Chambre de communes et du Sénat ont choisi de participer uniquement dans le but de protéger les privilèges de leur Chambre respective.
L'avis de demande déposé par l'agent de la Bibliothèque se lit comme suit :
[...] demande de renvoi présentée par le directeur parlementaire du budget pour soumettre les questions de droit et de compétence suivantes à la Cour fédérale pour audition et jugement :
Honorables sénateurs, après des années en fonction, cet agent de la Bibliothèque ne connaît pas bien son mandat. Il ne sait pas ce qui est attendu de lui. À quelques mois de la fin de son mandat, pressé d'obtenir des précisions à cet égard, il a demandé à la Cour fédérale d'examiner et de déterminer des questions de droit et d'attributions au sujet de son mandat, qu'il appelle « compétence ». « Compétence », c'est le terme employé à l'article 18 de la Loi sur les cours fédérales. Au sens juridique ou judiciaire, il devrait être clair qu'il n'a compétence sur rien ni personne, parce qu'aucun agent de la Bibliothèque ou du Parlement ne possède de pouvoirs juridiques ou judiciaires.
Soyons clairs : les Chambres et leurs membres ont des pouvoirs judiciaires et d'enquête, comme le pouvoir disciplinaire lorsqu'il y a outrage au Parlement, mais pas les agents. Toutes les actions viennent des membres des deux Chambres.
Honorables sénateurs, il s'agit là d'une procédure judiciaire sérieuse présidée par un juge, tout comme nos délibérations, qui sont aussi des procédures judiciaires. L'article 118 du Code criminel définit ainsi la « procédure judiciaire » :
« procédure judiciaire » Procédure :
a) devant un tribunal judiciaire ou sous l'autorité d'un tel tribunal;
b) devant le Sénat ou la Chambre des communes ou un de leurs comités, [...] ou un comité de l'un de ces derniers qui est autorisé par la loi à faire prêter serment.
Comprenons bien, honorables sénateurs. Il est question ici de deux tribunaux — deux types de délibérations — et cet agent a entrepris de les opposer l'un à l'autre, sauf que l'un est supérieur à l'autre. Rappelons-nous, honorables sénateurs, qu'il s'agit de la haute cour du Parlement.
Honorables sénateurs, le mandat de cet agent de la Bibliothèque est défini à l'article 79.2 et au paragraphe 79.3(1) de la Loi sur le Parlement du Canada, qui l'a constitué comme agent, à laquelle il est assujetti et qu'il a juré de respecter. Voici ce que dit l'article 79.2 :
Le directeur parlementaire du budget a pour mandat :
a) de fournir au Sénat et à la Chambre des communes, de façon indépendante, des analyses de la situation financière du pays, des prévisions budgétaires du gouvernement et des tendances de l'économie nationale;
Honorables sénateurs, j'ai consacré beaucoup de temps aux prévisions budgétaires du gouvernement, et je connais très bien les processus qui s'y rattachent. Le paragraphe 79.3(1) indique notamment ceci :
... le directeur parlementaire du budget a le droit, sur demande faite à l'administrateur général d'un ministère [...] de prendre connaissance, gratuitement et en temps opportun, de toutes données financières ou économiques qui sont en la possession de ce ministère et qui sont nécessaires à l'exercice de son mandat.
Ce qu'il demande à la Cour fédérale d'instruire et de juger, c'est son mandat.
Honorables sénateurs, permettez-moi de revenir un peu en arrière. La Cour fédérale, autrefois appelée Cour de l'Échiquier, a compétence pour instruire et juger des questions de droit et de compétence concernant de nombreux organismes du gouvernement fédéral. Le Sénat et la Chambre des communes n'en font toutefois pas partie, comme l'indique clairement la Loi sur les Cours fédérales.
Honorables sénateurs, la demande de cet agent du Parlement emploie comme justification légale le paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales, qui dit ceci :
Les offices fédéraux peuvent, à tout stade de leurs procédures, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question de droit, de compétence ou de pratique et procédure.
J'attire votre attention sur l'emploi du mot « compétence ».
Honorables sénateurs, puisque cet agent de la Bibliothèque a soumis une demande, c'est qu'il suppose que ce bureau et la Bibliothèque du Parlement — peut-être inclut-il aussi le Sénat et la Chambre des communes — constituent légalement des offices fédéraux sur lesquels la Cour fédérale peut assurer une supervision judiciaire. Par le fait même, il demande à la cour de se déclarer compétente à l'égard de la Loi sur le Parlement du Canada, qui établit ce poste, et à l'égard de nos deux présidents, du comité conjoint, de la Bibliothèque du Parlement, de nos privilèges, immunités et pouvoirs, et de nos pratiques internes exclusives. Cette demande est inadmissible.
Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant montrer que la Cour fédérale n'a pas compétence en la matière et qu'elle ne prétend pas avoir cette compétence.
(1720)
Honorables sénateurs, en 1970, le Parlement a légiféré pour transférer la compétence en matière de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux, afin que celle-ci passe des cours supérieures provinciales à une nouvelle cour fédérale désignée sous ce même nom. Avec cette mesure et la Loi sur les Cours fédérales, promulguée plus tard, le Parlement n'a jamais eu l'intention d'accorder des pouvoirs en matière de contrôle judiciaire à l'égard de ses Chambres, de ses Présidents, de ses privilèges, de son immunité ou de ses pouvoirs à l'endroit de ses hauts fonctionnaires. En fait, on a eu la diligence d'éviter que cette loi confère de tels pouvoirs en tenant compte de certains principes constitutionnels importants et complexes, notamment la déférence constitutionnelle, le contrôle exclusif par l'assemblée de ses propres débats, le contrôle exercé par le Parlement sur les deniers publics, l'indépendance judiciaire et la souveraineté du Parlement. Honorables sénateurs, le poste de ce fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement a été créé aux termes de la Loi sur le Parlement du Canada, à laquelle il est assujetti. L'article 78 dit notamment ceci :
[...] le directeur parlementaire du budget et les autres membres du personnel de la bibliothèque ont le devoir de s'acquitter fidèlement de leurs fonctions officielles, telles qu'elles sont définies, sous réserve de la présente loi, par les règlements pris avec l'agrément des présidents des deux Chambres et l'approbation du comité mixte [...]
Cet article m'amène à conclure que les poursuites entamées par ce fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement auprès de la Cour fédérale ne font pas partie de ses fonctions officielles, pas plus que le fait de faire passer la compétence de la Cour fédérale avant les dispositions de la Loi sur le Parlement du Canada. Les poursuites en justice entamées par ce fonctionnaire vont à l'encontre de ses fonctions. Ce fonctionnaire va à l'encontre de la souveraineté du Parlement, de la Loi sur le Parlement du Canada et de ses propres fonctions officielles, passant outre la compétence du Sénat, du Président du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement, ainsi que sa propre compétence à titre de fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement.
Cet employé de la bibliothèque violerait la loi en saisissant les tribunaux sur le fondement d'une prétendue notion d'indépendance que la loi ne lui confère aucunement. Cette notion d'indépendance n'est pas compatible avec les principes, les pouvoirs, la structure et les travaux des Chambres. Les recours intentés par cet agent étaient contraires aux principes fondamentaux et figés qui régissent les relations constitutionnelles entre le Sénat, la Chambre des communes et les tribunaux dans l'exercice de leurs pouvoirs. J'allègue que les actions de cet employé de la bibliothèque, qui a demandé à la cour de se déclarer compétente et de faire fi de la Loi sur le Parlement du Canada, étaient arrogantes et anticonstitutionnelles. Elles étaient injustifiées et elles constituaient une grave violation des privilèges du Parlement, du Président du Sénat et du Sénat.
Je souligne aussi que cet employé de la bibliothèque n'a ni avisé ni consulté les Présidents des deux Chambres lorsqu'il a saisi la Cour fédérale de sa demande, alors qu'il était tenu de le faire. Je soupçonne que notre Président connaît à peine cet homme.
Dans les deux Chambres, honorables sénateurs, le rôle des Présidents est d'ordre ministériel et exécutif. Examinons cet aspect de la question. Les Présidents signent le Budget principal des dépenses lié aux crédits annuels de chaque Chambre, et ils sont responsables de la bibliothèque et de son budget. Je crois que le Président du Sénat doit approuver les dépenses colossales de cet employé. L'article 74 de la Loi sur le Parlement du Canada prévoit expressément le rôle important que le Président du Sénat joue au sein de la Bibliothèque du Parlement. Je cite le paragraphe 74(1) :
La bibliothèque ainsi que son personnel sont placés sous l'autorité des présidents en exercice du Sénat et de la Chambre des communes; ceux-ci sont assistés, durant chaque session, par un comité mixte nommé par les deux Chambres.
Je demande à Son Honneur le Président du Sénat, l'honorable sénateur Noël Kinsella, de prononcer une ordonnance à première vue. Je lui demande de décider si, à première vue, les faits et la preuve que je lui présenterai sans délai établissent qu'il faut se pencher d'urgence sur la question. Je suis prête à présenter la motion nécessaire pour que cette question soit renvoyée à un comité au titre de l'article 13-7(1) du Règlement.
Honorables sénateurs, notre bibliothèque, qui existe depuis 1871, fournit des services de recherche aux Chambres, et emploie une foule de chercheurs et d'analystes sans pouvoirs ministériels. Aucun de ces chercheurs n'est doté de pouvoirs ministériels. Ce fonctionnaire de la bibliothèque n'a pas le mandat de représenter le Parlement ni d'agir en son nom au sujet de politiques ou dans le cadre de procédures judiciaires. Son mandat se limite à des fonctions relatives à la bibliothèque, à faire des recherches spécialisées et à en faire une analyse objective; il ne joue pas de rôle ministériel. Il ne joue aucun rôle au sein des ministères et ne détient aucun pouvoir ministériel pour obliger les sous-ministres à lui fournir des renseignements. Je tiens à le répéter : il ne joue aucun rôle au sein des ministères et ne détient aucun pouvoir ministériel pour obliger les sous-ministres à lui fournir des renseignements. C'est pourtant ce qu'il réclame dans la demande qu'il a présentée à la Cour fédérale. Voilà le motif fondamental de la procédure judiciaire et de ma question de privilège, honorables sénateurs.
Si des fonctionnaires de la bibliothèque sont confrontés à de sérieux problèmes, comme l'affirme celui-ci, ils doivent nous le signaler par l'entremise du Président ou du comité mixte. Cet agent ne comprend pas, et n'accepte peut-être pas, qu'il revient aux deux Chambres et à leurs membres à prendre des mesures correctives, s'il y a lieu, et non pas aux fonctionnaires.
Dans le cas de problèmes de grande envergure sur le plan constitutionnel ou politique, ce sont les Chambres et leurs membres qui doivent prendre des mesures correctives.
La démarche individuelle et non autorisée de ce fonctionnaire ne cadre pas avec l'exercice fidèle de ses fonctions officielles, ce qui est sa responsabilité en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada. Ce fonctionnaire de la bibliothèque a choisi de ne pas avoir recours à l'autorité du Président du Sénat. Ce faisant, il a aussi choisi de ne pas demander au Sénat de prendre des mesures correctives. Il a choisi d'engager cette procédure individuelle, non autorisée, hors Parlement, conformément au paragraphe 18.3(1) de la Loi sur les Cours fédérales. Il a choisi de ne laisser au Sénat aucune possibilité de se protéger ou de se défendre, ni de protéger ou de défendre ses serviteurs.
Honorables sénateurs, les Chambres disposent d'une multitude de moyens pour se défendre et imposer leur volonté aux fautifs, notamment la destitution des mandataires et des juges, la déchéance, l'expulsion de députés et de sénateurs ainsi que le dépôt de projets de loi. Les plus connus sont le pouvoir de nommer et de changer les titulaires des ministères, le contrôle des deniers publics et des dépenses de l'État ainsi que la réduction ou le rejet du budget des parties fautives. N'oublions pas non plus les pouvoirs inquisitoriaux et judiciaires séculaires associés à l'outrage et à l'incarcération.
Ces pouvoirs préservés avec un soin jaloux sont rarement utilisés, et à juste titre. Je constate que notre Président, le sénateur Kinsella, dont les antécédents en matière de droits de la personne et son souci absolu de l'équité sont bien connus, fait preuve d'un discernement exemplaire. Le mandataire de la bibliothèque a choisi de ne pas solliciter ses conseils et a outrepassé son rôle en optant pour la voie judiciaire. Ce faisant, il s'est placé dans une position délicate par rapport au Président du Sénat, au comité mixte et au Sénat. Il a soumis la haute cour qu'est le Parlement à un tribunal inférieur que nous respectons, mais auquel nous ne reconnaissons, pas plus qu'à tout autre tribunal, aucun pouvoir d'empiéter sur le fonctionnement interne du Sénat. Le mandataire a choisi d'agir hors du cadre du Sénat et de la Bibliothèque du Parlement.
Honorables sénateurs, le 21 janvier dernier, le Président du Sénat a soumis un avis d'intention de participer à titre conditionnel à cette instance judiciaire.
Je cite :
SACHEZ QUE le Président du Sénat du Canada (le « Président »), conformément à l'ordonnance de la protonotaire Tabib datée du 11 janvier 2013, donne avis par la présente de son intention de participer à cette requête à titre conditionnel.
SACHEZ ÉGALEMENT QUE le Président cherche à préserver les intérêts et privilèges du Sénat du Canada et à veiller à ce qu'on n'y porte pas atteinte; sa participation conditionnelle ne constitue pas une renonciation au privilège parlementaire, et il ne se soumet aucunement à la compétence du tribunal dans le traitement de cette requête. Il se réserve le droit de faire valoir que le tribunal n'a compétence ni pour entendre la demande ni pour statuer sur celle-ci et il se réserve également le droit de présenter tout autre motif que l'avocat peut juger utile.
(1730)
Je tiens à remercier notre Président de la décision sage et judicieuse qu'il a prise de participer. Je crois qu'il est très important que le Président du Sénat participe. Je le félicite. Je pense qu'il a agi noblement en défense du Sénat, de nos privilèges, de la déférence constitutionnelle, de la justesse et de l'équité. Cette procédure extraparlementaire a également pour effet de soumettre nul autre que notre Président aux pouvoirs judiciaires et coercitifs du tribunal, et ce, pour satisfaire aux caprices d'un agent de la Bibliothèque du Parlement soumis à son pouvoir, à qui il n'a porté aucun préjudice, et qui demande à la cour de trancher dans une affaire que le Sénat et le Président du Sénat devraient normalement trancher. Cet agent de la bibliothèque a choisi d'être l'antagoniste, l'adversaire, du Président du Sénat, à son insu et sans autorisation. De plus, le Président doit approuver les dépenses de cet agent; je n'en suis pas certaine, mais il est fort probable que cela comprenne également les frais juridiques.
Votre Honneur, je vous exhorte à réfléchir longuement et sérieusement à cette question et à envisager la possibilité de refuser de telles dépenses, qui sont inconsidérées et irresponsables. Je ne vous demande pas de le faire, je vous invite seulement à y réfléchir. Je remercie Son Honneur de s'être porté à la défense de la lex parliamenti, la loi ancestrale du Parlement conférée au Canada grâce au génie de l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Honorables sénateurs, analysons maintenant la Loi sur les Cours fédérales. L'esprit de cette loi consiste à tenter de maintenir la clarté et la courtoisie constitutionnelles. Il consiste à établir clairement que la loi n'a aucun pouvoir à l'égard de la Loi sur le Parlement du Canada et aucun pouvoir sur les affaires internes exclusives du Parlement.
Honorables sénateurs, le paragraphe 2(2) de la section Définitions de la Loi sur les Cours fédérales précise ce qui suit :
(2) Il est entendu que sont également exclus de la définition de « office fédéral » le Sénat, la Chambre des communes, tout comité ou membre de l'une ou l'autre Chambre, le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique (...)
Quiconque lit attentivement et comprend comment ces idées ont été rassemblées peut déduire que l'esprit de la loi reconnaît que la Loi sur le Parlement du Canada n'est pas prise en application de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais plutôt en application de l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867.
Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que, dans la Loi constitutionnelle de 1867 — que j'estime être l'œuvre d'un génie — une partie traite des pouvoirs du Parlement, une autre, de la judicature, et une autre encore, du pouvoir exécutif. Il s'agit d'un document brillant très bien pensé. Il faut comprendre que l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 s'inscrit dans la partie IV, consacrée au pouvoir législatif et aux pouvoirs du Parlement. L'article 18 a accueilli au Canada et conféré au Sénat et à la Chambre des communes l'intégralité de l'ancienne lex parliamenti, c'est-à-dire les privilèges, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes du Royaume-Uni. La Loi sur le Parlement du Canada est une manifestation de ces privilèges, immunités et pouvoirs pour usage juridique quotidien, mais elle n'en est pas la source. Ce n'est pas elle qui les confère, c'est l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est une distinction très importante qui n'est pas si subtile que cela et pas si difficile que cela à comprendre.
Il suffit de lire la Loi sur les Cours fédérales pour voir que ses rédacteurs ont fait un effort particulier pour tenir compte de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, l'article en vertu duquel la Cour suprême du Canada et la Cour de l'échiquier, qui est devenue plus tard la Cour fédérale, ont été créées. Ce sont des questions constitutionnelles très importantes. Si on y prête attention, on peut voir qu'on traite des pouvoirs des tribunaux dans les sections sur les pouvoirs de la magistrature et de nos pouvoirs dans les sections sur le Parlement. Nos privilèges, immunités et pouvoirs sont conférés par l'article 18, auquel la Loi sur les Cours fédérales ne s'applique pas. La Loi sur les Cours fédérales s'efforce de limiter son champ d'application à l'article 101, à la partie VII, qui porte sur la magistrature. La Loi sur les Cours fédérales évite complètement la partie IV, qui concerne le pouvoir législatif. C'est de la courtoisie constitutionnelle. C'est de cela qu'il s'agit.
Honorables sénateurs, cela a été confirmé par le juge Iacobbuci de la Cour fédérale dans l'arrêt qu'il a rendu en 1990 relativement à l'appel à la Cour fédérale dans l'affaire Southam Inc. c. Canada (Procureur général). Je rappelle que le juge Iacobucci siégeait à la Cour d'appel. Il annule la décision de la cour d'instance inférieure, vraiment. C'est fascinant à lire. C'est un bel exercice de droit qui est toujours d'actualité. Dans sa décision, en refusant d'accepter que le Sénat soit considéré comme un comité, un tribunal ou une commission, le juge Iacobucci se disait :
« [incapable] d'admettre que lorsque le Parlement a adopté la Loi sur la Cour fédérale en 1970, il avait l'intention de donner à la Cour fédérale un pouvoir de contrôle judiciaire sur le Sénat, la Chambre des communes ou leurs comités, comme s'il s'agissait d'``offices fédéraux''. »
Honorables sénateurs, je rappelle à Son Honneur qu'il y a eu de nombreux et importants différends, au fil des ans, entre les tribunaux et les Chambres, surtout au Royaume-Uni. Le procès le plus important, que nous connaissons tous, est l'affaire Stockdale c. Hansard, qui opposait alors le grand juge en chef lord Denman et le procureur général John Campbell, qui est devenu plus tard lord Campbell. La tendance de la jurisprudence et l'opinion prédominante nous font comprendre, au bout du compte, après toutes les demandes, les demandes reconventionnelles, les victoires et les défaites, que deux questions claires surgissent lorsque les deux partis s'entendent.
Je cite une ancienne version de l'ouvrage d'Erskine May, la 15e édition du traité The Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament, à la page 173. À propos des grands conflits qui opposent les Chambres du Parlement aux tribunaux, cet ouvrage dit ceci :
En outre, les tribunaux reconnaissent :
(3) Que le contrôle de chaque Chambre à l'égard de sa procédure interne est absolu et ne peut faire l'objet d'une intervention de la part des tribunaux.
(4) Que la citation d'une personne pour outrage s'inscrit en pratique dans la compétence exclusive de l'une ou l'autre des Chambres, puisque les faits constituant l'outrage présumé n'ont pas à être déclarés dans le mandat de dépôt.
(1740)
Deux choses sont très claires. On ne peut remettre en question ni la compétence exclusive des Chambres ni leur pouvoir en cas d'outrage.
Honorables sénateurs, le problème, c'est que ce haut fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement a, de son propre gré, choisi de rejeter tous ces grands principes parlementaires. Il a choisi de violer ces principes et de porter atteinte aux privilèges du Parlement, qu'il a outragé. Il est évident que ce haut fonctionnaire de la Bibliothèque du Parlement est coupable d'outrage envers le Sénat. À cause de lui, cette affaire a pris une ampleur intolérable et ternit la réputation du Parlement, du Sénat et du Canada à l'échelle internationale. Cela nuit à la capacité du Sénat de s'acquitter de ses fonctions de façon convaincante. Il s'agit clairement d'une atteinte à nos privilèges.
Honorables sénateurs, je vais en dire davantage sur la terrible situation dans laquelle nous nous trouvons, mais d'autres sénateurs souhaitent peut-être intervenir avant que je poursuive mes observations.
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, nous connaissons bien le dévouement de la sénatrice Cools lorsqu'il s'agit de faire respecter les droits et les privilèges du Parlement, et elle mérite pour cela le respect et l'admiration de tous les sénateurs. La question de privilège qu'elle porte à notre attention semble comporter essentiellement deux aspects. J'en aborderai le premier, auquel elle a consacré la majorité de ses observations.
La sénatrice Cools a fait valoir plusieurs arguments extrêmement intéressants qui portent à réfléchir sur la capacité du directeur parlementaire du budget de s'adresser à la Cour fédérale du Canada pour obtenir des précisions sur son mandat ou sa compétence. Elle a avancé des arguments très intéressants à ce sujet. À mon avis, le problème ne se trouve pas dans ses arguments, mais plutôt dans cette disposition du Règlement du Sénat :
13-3 (1) La priorité n'est donnée à une question de privilège que si elle :
a) est soulevée à la première occasion;
Puis, on énumère d'autres critères.
Au pays, on savait depuis des mois que le directeur parlementaire du budget allait saisir les tribunaux de cette affaire. Si je me souviens bien, ce sujet a été soulevé au Sénat pendant la période des questions. Par conséquent, je pense que cette partie de la question de privilège n'est pas recevable; elle a été soulevée trop tard.
Le Règlement offre une solution de rechange. Voici ce que prévoit l'article 13-3 (2) :
Sauf disposition contraire, le sénateur qui n'a pas soulevé une question de privilège à la première occasion peut, après préavis, présenter une motion de fond pour la soulever. Toutefois, les dispositions du présent chapitre ne peuvent s'appliquer à cette motion.
On nous renvoie ici au chapitre du Règlement du Sénat qui porte sur les questions de privilège. La sénatrice Cools nous a donné une excellente raison de croire qu'une telle motion pourrait faire l'objet d'un niveau de débat exceptionnel. Cependant, je signale que les tribunaux ont été saisis de cette affaire et que nous n'avons pas l'habitude de tenir des débats exhaustifs sur ce genre de questions tant et aussi longtemps que les tribunaux n'ont pas rendu leur jugement.
Il se peut que la Cour fédérale du Canada convienne avec la sénatrice Cools qu'elle n'a pas compétence en la matière. De toute façon, j'encourage la sénatrice Cools à présenter une motion de fond sur cette question, si elle le souhaite. Elle devrait toutefois attendre que la cour se soit prononcée à ce sujet, d'autant plus que, comme la sénatrice Cools nous l'a rappelé, le Président du Sénat est mis en cause dans cette affaire.
Je passe maintenant à ce que je crois être le deuxième volet de la question de privilège de la sénatrice Cools, qui porte sur ce qui s'est produit récemment et sur ce qu'elle a soulevé à la première occasion dans son avis écrit. Je ne conteste pas ce qu'elle dit. Cette question porte sur les remarques faites par M. Kevin Page lors d'une réunion du Réseau des directeurs parlementaires du budget de l'OCDE, tenue à la fin de la semaine dernière. Selon les médias, c'est à cette occasion que M. Page aurait fait allusion à ses fameux différends avec le gouvernement et avec les ministères, au sujet de la quantité de renseignements auxquels il a droit et à leur présentation en temps opportun. Ce conflit est bien connu, mais les remarques formulées devant le réseau des directeurs parlementaires du budget sont récentes.
M. Page a-t-il commis un outrage au Parlement en formulant ces remarques? Je ne peux croire que ce soit le cas. Comme les sénateurs peuvent le deviner de par son titre, le Réseau des directeurs parlementaires du budget de l'OCDE est un groupe officiel créé par l'éminente Organisation de coopération et de développement économiques. Ce groupe existe depuis 2009. Selon un document officiel de l'OCDE, les discussions de ce groupe portent principalement sur les structures institutionnelles, les pratiques et les défis auxquels font face les institutions parlementaires chargés d'examiner les questions budgétaires. C'est précisément ce dont M. Page semble avoir discuté. Il l'a peut-être fait en employant un langage un peu plus fort que ce à quoi nous sommes habitués de la part des fonctionnaires, mais il me semble qu'il discutait de la participation au mandat d'un groupe dont notre pays fait partie.
Honorables sénateurs, de par son essence même le privilège parlementaire est lié à la capacité des parlementaires et de chacune des deux Chambres du Parlement de s'acquitter de leurs fonctions parlementaires. C'est très clair et c'est le premier point mentionné au chapitre 2, qui traite du privilège, dans l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne. Le commentaire 24, dans la sixième édition, dit ce qui suit :
Le privilège parlementaire est la somme des droits particuliers à chaque Chambre, collectivement, [...] et aux membres de chaque Chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions [...]
Je ne crois pas qu'un discours du directeur parlementaire du budget, prononcé à Ottawa devant un groupe de visiteurs étrangers, ne nous a d'aucune façon empêchés, directement ou indirectement, de mener à bien nos fonctions parlementaires, ou entaché notre réputation à cet égard. Il s'agissait d'un discours, rien de plus, un discours qui ressassait des choses que tous les parlementaires connaissaient depuis des mois, sinon des années. Nous savons que le directeur parlementaire du budget est en désaccord avec le gouvernement concernant l'interprétation de son mandat, tel qu'il est énoncé dans la Loi sur le Parlement du Canada. La sénatrice Cools a cité les experts pertinents, je ne les citerai donc pas de nouveau. Honnêtement, honorables sénateurs, je ne crois pas que le Sénat du Canada soit fragile au point de voir ses fonctions entravées par un simple discours prononcé par un agent de la Bibliothèque du Parlement.
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je n'avais pas prévu intervenir, mais l'allocution approfondie et stimulante de la sénatrice Cools m'inspire à le faire.
(1750)
Comme collègue, la sénatrice Fraser, l'a mentionné, la sénatrice Cools a, comme toujours, réfléchi longuement à ces questions liées aux processus constitutionnel et parlementaire. Elle l'a encore fait cette fois-ci.
Cette question a un côté provocateur parce que, comme la sénatrice Fraser, je ne suis pas d'accord avec la conclusion de la sénatrice Cools et avec la suggestion selon laquelle cet épisode appelle une question de privilège. En fait, lorsque la sénatrice a commencé à parler, je croyais qu'elle allait appuyer le directeur parlementaire du budget et soulever une question de privilège parce que, selon moi, le gouvernement a érigé un certain nombre d'obstacles qui entravent la capacité du directeur de s'acquitter de la responsabilité qui lui a été confiée et du mandat qui lui a été donné en vertu d'une loi adoptée par les deux côtés de cette enceinte. J'ai été très surpris.
Mon impression, c'est que l'un des principaux obstacles empêchant les parlementaires des deux Chambres de bien faire leur travail est leur incapacité à obtenir des renseignements objectifs qu'ils pourraient comparer à l'information fournie par le gouvernement. Avant l'arrivée du directeur parlementaire du budget, tout ce que nous avions c'était l'information fournie par le ministre des Finances, par le premier ministre et par d'autres personnes, essentiellement du ministère des Finances. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des gens excellents, professionnels, intelligents et brillants au ministère des Finances. Il y en a mais, de toute évidence, leur mandat consiste à appuyer un point de vue unique, c'est-à-dire le point de vue du gouvernement. À l'époque où le Parti conservateur aspirait à former le gouvernement, j'ai jugé qu'il avait raison de proposer la création d'un poste de directeur parlementaire du budget, d'un agent qui pourrait faire valoir un autre point de vue, et de proposer que le titulaire ne soit pas comptable au gouvernement mais plutôt aux parlementaires, c'est-à- dire aux députés et aux sénateurs. Je pense que son bureau a fait de l'excellent travail et l'une des préoccupations que j'ai relativement à la question de privilège est liée aux critiques explicites formulées à l'endroit de M. Kevin Page, le directeur parlementaire du budget. Je pense qu'on devrait plutôt le féliciter, le remercier et lui demander de revenir et de poursuivre son travail. Il a tracé une nouvelle voie.
Cela dit, il a aussi été restreint dans sa capacité de s'acquitter de son travail. Par exemple, on a dit que son budget était coupé, de façon à ce qu'il n'ait pas les ressources nécessaires pour s'acquitter de son mandat, même s'il est parvenu, avec 12 employés, à accomplir un travail remarquable et à avoir raison un grand nombre de fois. Il a notamment sonné l'alarme relativement aux données inadéquates et inexactes fournies par le gouvernement relativement aux F-35. Il a fait tout cela avec 12 personnes. C'est de l'excellent travail. Il devrait être félicité au lieu d'être rabaissé.
Dans la mesure où il a besoin de renseignements pour faire son travail, la loi prévoit qu'il a le droit d'obtenir ces renseignements. Il aurait peut-être pu s'adresser au Parlement, bien que je ne sache pas comment il aurait pu obtenir ces renseignements du Parlement si ceux pour qui il travaille n'avaient pas voulu les lui fournir, ou n'avaient pas voulu que ces renseignements aient un impact. Je suis heureux de voir qu'il est prêt à s'adresser aux tribunaux pour s'acquitter de son mandat en vertu de la loi.
Votre Honneur, vous vous en remettrez peut-être aux arguments techniques, bien choisis et bien présentés, de la sénatrice Cools à cet égard, à savoir le fait que M. Page n'a peut-être pas le pouvoir de s'adresser aux tribunaux. Toutefois, je suis d'accord avec la sénatrice Fraser pour dire que les tribunaux pourraient trancher cette question eux-mêmes. Au bout du compte, si c'est le cas, je vous demanderais d'applaudir ses efforts dans la mesure où vous le pouvez, et de recommander des changements en fonction des faiblesses que vous aurez pu constater, des recommandations de nature à renforcer son bureau. Par exemple, celui-ci pourrait être plus indépendant. Il pourrait aussi obtenir le pouvoir de s'adresser aux tribunaux. Une telle recommandation permettrait aussi de le remercier implicitement pour ce qu'il a fait et de souligner, avec gratitude, que les gestes qu'il a posés ont fait ressortir des lacunes dans la loi. Si c'est le cas et si vous rendez une décision en ce sens, nous pourrions prendre des mesures, en nous fondant sur de telles recommandations de votre part, afin de corriger la situation et de faire en sorte que cet organisme soit plus fort dans l'avenir.
Je termine en disant que, loin de critiquer cette structure, je pense au contraire que nous avons besoin de plus de bureaux du genre. Nous avons probablement besoin d'un agent de recherche en sciences et en technologie qui pourrait nous fournir des données objectives sur ce secteur. Nous avons probablement besoin d'un agent responsable des affaires autochtones qui pourrait lui aussi nous fournir des données objectives afin de nous donner, de ce côté- ci, un certain pouvoir, en marge du gouvernement. Nous déplorons le fait que le gouvernement centralise son pouvoir, que le premier ministre ait autant de pouvoir. La façon la plus rapide de défendre ce point de vue, d'accroître le pouvoir des parlementaires, consiste à leur donner des ressources. J'irais jusqu'à dire que nous devrions aussi donner plus de ressources à nos comités afin que nous puissions embaucher des employés et gérer les budgets nous-mêmes, et avoir ainsi davantage de contrôle sur les gens qui travaillent pour nous. Un tel changement donnerait plus de pouvoir aux comités ici et à l'autre endroit. Il donnerait plus de pouvoir aux parlementaires, et nous commencerions à rétablir l'équilibre et à reprendre une partie du pouvoir qu'un grand nombre de Canadiens et de parlementaires se plaignent de voir de plus en plus concentré entre les mains du premier ministre et de l'exécutif.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai plusieurs points à aborder. Tout d'abord, l'heure. Je veux sonder l'opinion de la Chambre. J'ai une suggestion. J'aimerais qu'il y ait davantage de débat. Les observations ont été fort pertinentes jusqu'à présent et seront très utiles à la Présidence, alors je me demande si le Sénat serait prêt — cela s'est déjà fait — à suspendre le débat pour permettre aux sénateurs de réfléchir à la question. Les leaders parlementaires pourraient éventuellement indiquer au cours des réunions d'organisation si nous poursuivrons ou non ce débat après la période réservée aux initiatives ministérielles, demain ou un autre jour. D'accord?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le débat sur la question de privilège sera repris à la prochaine séance.
(Le débat est suspendu.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 27 février 2013, à 13 h 30.)