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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 69

Le mercredi 11 juin 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 11 juin 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Myanmar

Les Rohingyas musulmans

L'honorables Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer l'attention sur l'oppression des Rohingyas musulmans au Myanmar. Les Nations Unies considèrent les Rohingyas, qui sont aujourd'hui apatrides, comme l'une des minorités les plus persécutées sur Terre. Les Rohingyas habitent le Myanmar depuis le VIIIe siècle, mais le gouvernement refuse de leur accorder la citoyenneté, les considérant plutôt comme des rebelles bengalais qui sont au Myanmar illégalement. D'éminents chefs bouddhistes et des représentants du gouvernement tiennent des propos dangereux contre eux. Certains chefs bouddhistes comparent les musulmans à des chacals et à des loups afin de les déshumaniser.

Honorables sénateurs, les actes perpétrés par la population bouddhiste majoritaire relèvent du nettoyage ethnique. En octobre 2012, des bandes organisées de bouddhistes arakanais ont attaqué neuf villages rohingyas, battant sauvagement et tuant de nombreux musulmans. Un Rohingya de 24 ans du village de Yan Thei a vu son mode de vie détruit en l'espace de quelques minutes. Voici sa description des événements :

D'innombrables Arakanais se sont dirigés vers notre village en provenance de toutes les directions. Ils ont encerclé le village, puis l'ont pris d'assaut et ont commencé à incendier nos maisons en proférant des menaces de mort à notre endroit.

Les femmes et les enfants ont été les premiers à fuir le village. Certains Arakanais les ont pourchassés et tués tandis que d'autres continuaient d'incendier des maisons dans le village. Au moins 30 enfants, 25 femmes et 10 hommes ont été assassinés.

Les autorités savaient qu'une attaque était imminente au village de Yan Thei. Toutefois, le gouvernement est demeuré indifférent aux supplications des Rohingyas musulmans. L'histoire est scandaleusement similaire pour chacun des villages attaqués en octobre 2012. Depuis le début des attaques, de nombreux Rohingyas se font expulser de leur maison et restreindre à des camps surpeuplés, où ils souffrent de malnutrition et sont assujettis à des traitements cruels. Les organismes de défense des droits de la personne et d'assistance médicale essaient de leur venir en aide, mais les forces du gouvernement les en empêchent.

Honorables sénateurs, vendredi prochain, 13 juin, marquera le deuxième anniversaire de la montée de la violence contre les Rohingyas musulmans. Je vous prierais de porter du noir en guise de solidarité avec les Rohingyas qui sont victimes d'oppression au Myanmar.

Honorables sénateurs, dans notre grand pays, je suis extrêmement fière et ravie de pouvoir pratiquer ma religion. En fait, lors de ma première année au Sénat, j'ai jeûné seule pendant le ramadan. L'année suivante, Mark Audcent et plusieurs employés du Sénat ont célébré le ramadan avec moi, et ce, même s'ils ne sont pas musulmans. Ils ont jeûné avec moi. Honorables sénateurs, je rêve du jour où, partout dans le monde, les gens pourront pratiquer leur religion comme nous le faisons dans notre grand pays.

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La cinquante-quatrième réunion annuelle

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je suis heureuse de vous signaler que, le week-end dernier, nous avons tenu la 54e réunion annuelle du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Après une période de trois ans au cours de laquelle ce groupe n'a tenu aucune réunion bilatérale, nous avons remis ce forum essentiel sur les rails pour les politiciens canadiens et américains. La délégation canadienne, qui était coprésidée par le député Gordon Brown et moi, a eu l'honneur d'accueillir des sénateurs et des membres du Congrès américain à Ottawa.

Je tiens à remercier les sénateurs canadiens Dan Lang, Paul Massicotte, Wilfred Moore, Judith Seidman et David Wells de leur engagement profond au cours de la fin de semaine.

La sénatrice Amy Klobuchar, du Minnesota, le sénateur Mike Crapo, de l'Idaho, et le membre du Congrès Bill Huizenga, du Michigan, ont dirigé la délégation américaine en tant que coprésidents américains du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Ils étaient accompagnés des sénateurs Roy Blunt, du Montana, Jeff Sessions, de l'Alabama, et Debbie Stabenow, du Michigan, ainsi que de membres de la Chambre des représentants, soit les membres du Congrès Bill Owens, de New York, Tom Petri, du Wisconsin, et Paul Tonko, de New York.

Nos séances plénières ont porté sur un large éventail d'enjeux bilatéraux. Au cours de celles-ci, nous avons examiné de façon approfondie la situation dans chacun des secteurs ciblés. Le premier point à l'ordre du jour était la réglementation concernant les eaux de ballast. Nous avons fait valoir le point de vue du Canada, tout en insistant sur l'importance d'adopter une approche juste et équilibrée. Nous avons discuté du secteur critique de l'énergie et de l'environnement, dans le but de nous rapprocher de l'objectif en matière de sécurité énergétique sur le continent nord-américain, tout en assurant le transport transfrontalier sécuritaire des hydrocarbures. Nous avons accordé une attention toute particulière à notre ressource la plus précieuse — l'eau — et examiné la question du rétablissement et de la préservation des Grands Lacs, ainsi que plusieurs autres cours d'eau des deux côtés du 49e parallèle. Nous nous sommes aussi penchés sur la question cruciale que constitue la préservation de la qualité de l'eau.

Étant donné que le Canada préside actuellement le Conseil de l'Arctique, nous nous sommes penchés sur les objectifs stratégiques du Canada tout en préparant le terrain pour que la transition se fasse sans heurt lorsque les États-Unis en prendront la présidence l'an prochain.

En matière de sécurité, le Canada a été applaudi pour avoir tenu à ses principes et clairement défendu l'intégrité de l'Ukraine. Les deux parties sont conscientes de la menace que représente le cyberterrorisme et reconnaissent qu'il faut élaborer des stratégies efficaces de cybersécurité.

Pour ce qui est du commerce bilatéral, nous avons reconnu qu'il est nécessaire que les trois partenaires de l'ALENA travaillent de concert pour réaliser la prochaine phase de croissance et de prospérité pour le bien de leur population respective en développant leurs chaînes d'approvisionnement intégrées et en faisant en sorte que les échanges commerciaux soient libres et équitables. Pour ce faire, il faut notamment que les marchandises et les gens puissent circuler librement et efficacement entre le Canada et les États-Unis. L'expertise de pointe du Canada en matière de partenariats publics-privés est aussi considérée comme un moyen d'accroître la coopération des parties.

Enfin, en ce qui concerne les différends, nous avons néanmoins convenu que les guerres commerciales ne profitaient à personne et décidé de régler en temps et lieu les questions en suspens.

Honorables sénateurs, je remercie les sénateurs de toutes les allégeances d'avoir contribué à la réussite de cette superbe fin de semaine et d'avoir défendu d'une seule voix le point de vue canadien auprès de notre principal allié et partenaire commercial.

Le décès de John Allison « Jack » MacAndrew

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je tiens aujourd'hui à rendre hommage à l'un des meilleurs journalistes, annonceurs et producteurs de théâtre de l'Île-du-Prince-Édouard, Jack MacAndrew. Jack est décédé le 23 mai dernier, à Charlottetown, à l'âge de 81 ans.

Dès ses débuts à la CBC en 1956, Jack savait captiver l'auditoire par le pouvoir de ses paroles et de ses écrits. Qu'il s'agisse de sa couverture de la catastrophe de la mine de Springhill, qui été diffusée à l'étranger et saluée par la critique, ou de la chronique « The View From Here », qu'il a tenue pendant 27 ans dans le Eastern Graphic, Jack savait gagner les gens grâce à ses talents de conteur.

(1340)

Jack avait de multiples talents, c'est le moins que l'on puisse dire. Il a été rédacteur, producteur et animateur pour plusieurs émissions culturelles à CBC/Radio-Canada et il a travaillé comme officier radio pour l'Aviation royale canadienne, il a été chef national de la programmation des émissions de variétés sur les ondes de CBC/ Radio-Canada et, bien entendu, comme père Noël pendant la période des Fêtes. En plus d'être journaliste et producteur, Jack a été conseiller politique auprès des premiers ministres provinciaux Alex Campbell et Joe Ghiz. Il est également devenu commentateur politique et a fait partie d'une tribune de discussion à l'Île-du-Prince-Édouard, parlant de la politique du jour et de divers autres sujets à l'émission Island Morning and Compass.

J'ai eu la chance de travailler avec Jack à la création du prix Brittany Spaniel pour contribution altruiste aux arts à l'Île-du-Prince-Édouard. À son travail fort varié, Jack ajoutait une véritable passion pour les arts. Il a été metteur en scène et producteur pour les populaires pièces Anne... la maison aux pignons verts et Johnny Belinda — pour ne nommer que celles-là — au festival de Charlottetown. Son attachement profond pour la communauté artistique était évident, et j'avais énormément de respect et d'admiration pour lui. Son départ laisse un grand vide.

Honorables sénateurs, j'aimerais remercier Jack pour son généreux dévouement de toute une vie envers l'Île-du-Prince-Édouard et la communauté artistique et offrir nos plus sincères condoléances à son épouse, Janet, ainsi qu'à ses deux fils, Shaun et Randy.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de Son Excellence Vadym Prystaiko, ambassadeur de l'Ukraine; de Son Excellence Marcin Bosacki, ambassadeur de la République de Pologne; du ministre Song Oh, de la République de Corée; et, enfin, de Ludwik Klimkowski, président de l'organisme Tribute to Liberty.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'organisme Tribute to Liberty

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous parler d'un événement qui s'est produit le 30 mai 2014 au centre des congrès de Toronto. J'ai eu l'honneur d'y assister pour manifester mon appui à un projet important pour moi et pour tous les Canadiens qui attachent de l'importance à la démocratie et aux droits et libertés fondamentaux dont nous jouissons tous les jours.

Tribute to Liberty est un organisme canadien voué à la construction d'un monument commémoratif dans la capitale fédérale afin d'honorer les victimes du communisme. Les agressions communistes au XXe siècle ont eu des répercussions profondes, notamment quelque 100 millions de victimes. Notre collègue, le sénateur Ngo, ainsi que la communauté vietnamienne et beaucoup d'autres communautés ont subi les dures conséquences du communisme, y compris les dizaines de milliers de Canadiens ayant combattu l'agression communiste au cours de la guerre de Corée. Au Canada, plus de 8 millions de personnes sont originaires de pays comme l'Ukraine, la Pologne, le Vietnam et la Corée, qui ont souffert du communisme. Depuis la naissance du premier régime communiste, en 1917, les immigrants de plusieurs pays ont afflué au Canada pour y trouver la liberté et la sécurité.

En septembre 2009, l'organisme Tribute to Liberty a reçu l'aval de la Commission de la capitale nationale afin d'ériger, à Ottawa, un monument commémoratif pour les victimes du communisme. En mai 2012, un terrain se trouvant entre l'édifice de Bibliothèque et Archives Canada et celui de la Cour suprême du Canada, sur la rue Wellington, a été désigné comme l'emplacement devant accueillir le monument commémoratif de Tribute to Liberty. Je peux vous annoncer avec beaucoup d'enthousiasme que le concept retenu, parmi environ 300 propositions, sera annoncé dans les prochains mois.

Les monuments commémoratifs constituent des éléments essentiels de notre paysage national. Ce sont d'importants points de repère représentant les gens et les événements qui ont façonné la mosaïque canadienne. Le monument commémoratif aux victimes du communisme servira à rappeler au public les millions de victimes du communisme et le sensibilisera à leurs souffrances. La collecte de fonds du 30 mai était organisée pour venir en aide à l'organisme Tribute to Liberty. Le premier ministre Harper a su trouver les mots justes ce soir-là. Les voici :

Le but que vous vous êtes fixé est important pour les Canadiens, du passé et du présent, mais il est particulièrement important pour les futures générations.

Il faut leur rappeler pour toujours que la liberté et la paix qu'elles recevront en héritage ont été gagnées au prix de luttes et de sacrifices et qu'elles devront toujours être considérées comme un bien précieux et unique.

Je tiens à rendre hommage au président de l'organisme Tribute to Liberty, Ludwik Klimkowski, et à son conseil d'administration dévoué. Ce monument commémoratif qui vient fort à propos permettra au public de se souvenir des victimes passées et présentes du communisme.

Honorables sénateurs, les États-Unis ont leur statue de la Liberté et, bientôt, le Canada aura son hommage à la liberté.

L'éducation des Premières Nations

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui le sixième anniversaire des excuses historiques présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens. Le 11 juin 2008, à la Chambre des communes, le premier ministre Harper a dit ceci :

Aujourd'hui, nous savons que cette politique d'assimilation était mauvaise, qu'elle a causé énormément de torts et qu'elle n'a pas sa place dans notre pays.

Le gouvernement du Canada s'excuse sincèrement et demande pardon aux peuples autochtones du pays pour avoir trahi leur confiance si profondément.

Les excuses présentées par le premier ministre étaient sincères et éloquentes. Cette impression a été renforcée lorsque le premier ministre a présenté, et c'est à son honneur, le projet de loi sur l'éducation des Premières Nations le 7 février et qu'il a dit ce qui suit :

Au Canada, nous n'avons jamais eu le système d'éducation des Premières Nations dont nous avions réellement besoin.

Le gouvernement fédéral, qui en assume la responsabilité constitutionnelle, a toujours erré entre une négligence désintéressée à certaines occasions, et des décrets arbitraires à d'autres.

En 2008 à la Chambre des communes, j'ai présenté des excuses au sujet du pire exemple de décret arbitraire, la politique sur les pensionnats indiens.

Lors de l'annonce faite le 7 février, le premier ministre Harper a dit ceci :

Cette loi établira les fondements législatifs requis pour que les jeunes habitants dans les réserves aient accès à l'éducation dont ils ont besoin et qu'ils méritent, soit une éducation qui est universelle, qui respecte les normes provinciales, qui incorpore les langues et la culture autochtones et selon laquelle les communautés des Premières Nations assument elles-mêmes la responsabilité principale de la gestion courante des écoles.

À propos des jeunes dans les réserves, il a dit ce qui suit :

Leur talent et leur ambition formeront une partie essentielle de la solution à la pénurie de main-d'œuvre à venir au Canada.

Mais sans éducation [...] dans le genre de système que nous souhaitons, trop d'entre eux seront sans emploi ou sous-employés. [...]

En investissant dans le système d'enseignement primaire et secondaire dans les réserves et en l'améliorant, nous procurerons aux jeunes des Premières Nations les outils dont ils ont besoin pour profiter de tout ce que ce grand pays a à offrir.

Après la présentation des dispositions législatives contenues dans le projet de loi C-33 au Parlement le 10 avril, certains chefs de l'APN s'y sont opposés vigoureusement. Malheureusement, la situation s'est dégradée rapidement des deux côtés du débat, et les parties n'ont pas pu s'entendre sur la question de l'éducation. Le ministre Valcourt refuse de rencontrer les chefs et a mis le projet de loi en veilleuse.

Monsieur le premier ministre, en juillet 2011, en reconnaissance des excuses que vous avez présentées en 2008, vous avez été nommé membre honoraire de la chefferie des Kainai et avez reçu le nom de Chief Speaker, ou Ninayh'poaksin en pied-noir. En tant que chef honoraire et fier propriétaire d'une coiffure de chef, il est attendu de vous que vous soyez à la disposition des Premières Nations. Il m'a fait plaisir d'apprendre que vous avez promis que le gouvernement suivrait l'exemple du regretté sénateur Gladstone et travaillerait au nom de toutes les Premières Nations.

En ce jour de célébration de l'anniversaire des excuses historiques du premier ministre, et en prévision de la Journée nationale des Autochtones, le 21 juin, j'exhorte le premier ministre à intervenir afin de dénouer cette impasse.

Premier ministre Harper, Chief Speaker, Ninayh'poaksin, au nom de tous les enfants et de tous les adolescents qui vivent dans les réserves indiennes du Canada, je vous implore d'intervenir sur-le-champ et de convaincre le ministre Valcourt de rencontrer les chefs de l'APN qui trouvent que le projet de loi C-33 doit être retravaillé davantage afin de réaliser la vision et les objectifs louables en matière d'éducation des Premières Nations que vous avez annoncés le 7 février.


AFFAIRES COURANTES

Règlement, procédure et droits du Parlement

Présentation du cinquième rapport du comité

L'honorable Vernon White, président du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, dépose le rapport suivant :

Le mercredi 11 juin 2014

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Conformément à l'article 12-7(2)a) du Règlement, votre comité recommande ce qui suit :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1. par substitution de l'article 5-5j) par ce qui suit :

« j) que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement ne soit plus ajourné;

k) une autre motion de fond. »;

2. par adjonction, après l'article 6-12 actuel, du nouvel article 6-13 suivant :

« Fin du débat sur une affaire autre que du gouvernement

Préavis de motion proposant que le débat sur une affaire autre que du gouvernement ne soit plus ajourné

6-13. (1) Le préavis d'une motion proposant que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement ne soit plus ajourné ne peut être donné que si l'affaire :

a) d'une part, a été appelée au moins quinze fois;

b) d'autre part, a été débattue pendant une durée totale cumulative d'au moins trois heures.

Qui peut donner préavis

6-13. (2) Le préavis d'une telle motion ne peut être donné que par :

a) le parrain ou le porte-parole d'un projet de loi;

b) le sénateur qui a présenté une motion de fond; ou

c) le sénateur qui a proposé l'adoption d'un rapport de comité.

Règles du débat sur la motion

(3) Lorsque le Sénat discute d'une motion proposant que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement ne soit plus ajourné :

a) ce débat ne peut être ajourné;

b) la durée de ce débat n'excède pas deux heures et demie;

c) pendant ce débat, les dispositions du Règlement fixant l'heure de clôture de la séance sont suspendues, le débat se poursuivant jusqu'à sa conclusion ou jusqu'à l'expiration de la durée maximale prévue;

d) sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;

e) les sénateurs ne peuvent prendre la parole qu'une seule fois;

f) le temps de parole de chaque sénateur est limité à 10 minutes, à l'exception :

(i) du leader du gouvernement et du leader de l'opposition, qui disposent chacun de 30 minutes;

(ii) du leader d'un autre parti reconnu, qui dispose de 15 minutes;

g) à la fin du débat ou à l'expiration du délai fixé, la motion est mise aux voix;

h) si le vote par appel nominal est demandé, il ne peut être reporté et doit se dérouler suivant la procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie;

i) en cas d'interruption du débat en raison d'un cas de privilège, d'un débat d'urgence, d'une question de privilège ou de la suspension du soir à 18 heures, le débat reprend immédiatement après l'interruption pour le temps qui reste.

Rejet de la motion

(4) En cas de rejet de la motion, le préavis d'une seconde motion similaire ne peut être donné que si l'affaire :

a) d'une part, a été appelée au moins quinze autres fois;

b) d'autre part, a été débattue pendant une durée totale cumulative d'au moins trois heures additionnelles.

Adoption de la motion

(5) En cas d'adoption de la motion, les dispositions suivantes s'appliquent à l'affaire la prochaine fois qu'elle est appelée :

a) le débat sur l'affaire ne peut être ajourné;

b) sont irrecevables les amendements et autres motions, sauf la motion visant à donner la parole à tel sénateur;

c) la séance se poursuit après l'heure fixée pour sa clôture jusqu'au moment où le débat sur l'affaire se termine;

d) en cas d'interruption du débat en raison d'un cas de privilège, d'un débat d'urgence, d'une question de privilège ou de la suspension du soir à 18 heures, le débat reprend immédiatement après l'interruption.

Vote sur la motion principale

(6) Les règles habituelles régissant le vote s'appliquent dès la fin du débat sur la motion principale.

Débat sur une motion autre que la motion principale

(7) En cas de débat sur une motion autre que la motion principale, une fois ce débat terminé :

a) la procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie s'applique en cas de demande de vote par appel nominal;

b) le vote ne peut être reporté;

c) après le vote, le débat sur l'affaire se poursuit conformément au présent article;

il est procédé de la même façon jusqu'au moment où le débat sur l'affaire se termine. »;

3. en changeant la désignation numérique de l'article 6-13 actuel à 6-14;

4. en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, les listes des exceptions y comprises.

Respectueusement soumis,

Le président,
VERNON WHITE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur White, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1350)

La Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve
La Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Présentation du cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le mercredi 11 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autre lois, et comportant d'autres mesures, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 28 mai, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
RICHARD NEUFELD

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi de crédits no 2 pour 2014-2015

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-38, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

Projet de loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Honduras

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-20, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, de l'Accord de coopération dans le domaine de l'environnement entre le Canada et la République du Honduras et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Honduras, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture de ce projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Avant d'accorder le consentement, j'aimerais qu'on m'explique pourquoi on nous le réclame.

La sénatrice Martin : Le ministre dont le comité souhaite entendre le témoignage peut assister à la séance du comité prévue pour demain. C'est pourquoi je propose que la deuxième lecture soit inscrite à l'ordre du jour de la séance de demain, et non d'après-demain.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2014-2015

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-39, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général d'une délégation parlementaire du Congrès national du peuple de la République populaire de Chine, dirigée par l'honorable Chi Wanchun, chef de la délégation et président de l'Association législative Canada-Chine du Congrès national du peuple de la République populaire de Chine.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Union interparlementaire

L'assemblée et les réunions connexes, tenues du 16 au 20 mars 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Union interparlementaire concernant sa participation à la 130e Assemblée de l'Union interparlementaire et aux réunions connexes, tenues à Genève, en Suisse, du 16 au 20 mars 2014.

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des conditions de sécurité et des faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 21 novembre 2013, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international relativement à son examen des conditions de sécurité et des faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, de leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes soit reportée du 30 juin 2014 au 31 mars 2015.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des questions se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 21 novembre 2013, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international relativement à son examen des questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général soit reportée du 30 juin 2014 au 31 mars 2015.

(1400)

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à étudier :

le processus d'évaluation et d'appel du Programme canadien de stabilisation du revenu agricole (PCSRA), y compris les programmes de remplacement, Agri-stabilité et Agri-investissement;

la définition, y compris les précédents juridiques et le cadre réglementaire, et l'application des expressions « salaires versés à des personnes sans lien de dépendance » et « salaires versés à des personnes ayant un lien de dépendance » utilisées dans le PCSRA et les programmes connexes, et leur comparaison avec les définitions et applications à Revenu Canada et à Emploi et Développement social Canada;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 31 mars 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'étude sur les services et avantages sociaux offerts aux membres et aux anciens combattants des Forces canadiennes et aux membres et aux anciens membres de la GRC, les activités commémoratives et la Charte

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité de la sécurité nationale et de la défense à demander une réponse du gouvernement à son huitième rapport

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :

Que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement au huitième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense intitulé : La transition à la vie civile des anciens combattants, déposé au Sénat le 4 juin 2014 et adopté le 5 juin 2014, le ministre des Anciens Combattants étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de la Défense nationale.

[Français]

Droits de la personne

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur la question de la cyberintimidation

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 19 novembre 2013, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son étude de la question de la cyberintimidation au Canada en ce qui concerne les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne aux termes de l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant soit reporté du 30 juin 2014 au 31 mars 2015.

[Traduction]

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'examen des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et de l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 19 novembre 2013, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, en vue de déterminer la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé soit reporté du 30 juin 2014 au 31 mars 2015.

[Français]

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mardi 19 novembre 2013, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son étude et à sa surveillance de l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à l'examen, entre autres choses, des mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reporté du 30 juin 2014 au 31 mars 2015.

[Traduction]

Le Sénat

Hommages aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de l'occasion pour saluer deux pages qui nous quitteront sous peu.

Je vous présente d'abord Greg MacCormack, qui se trouve à ma gauche. L'an prochain, Greg commencera sa troisième année d'études à l'Université d'Ottawa, en développement international et mondialisation. Il est heureux d'avoir eu l'occasion de représenter sa province natale, l'Île-du-Prince-Édouard, à titre de page au Sénat.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous présente maintenant Ross Ryan, qui se trouve à ma droite. Il vient tout juste de terminer son baccalauréat en langue anglaise et linguistique à l'Université d'Ottawa. Ross, qui vient du Nouveau-Brunswick, voudrait bien trouver un emploi sur la Colline du Parlement ou ailleurs dans la région de la capitale nationale, dans le cadre duquel il pourra mettre à profit les connaissances et les compétences qu'il a acquises dans le cadre de ses études et de son travail.

Des voix : Bravo!


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'emploi et le développement social

L'éducation préscolaire

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle fait partie d'une série de questions que les Canadiens nous ont fait parvenir sur invitation de notre part.

La question suivante provient de Michael Sabet, résidant d'Ottawa, en Ontario :

J'ai récemment pris connaissance de résultats de recherche sur le développement de la petite enfance qui soulignent à quel point il est important que les parents parlent à leurs nourrissons. Il semble que, chez les enfants, l'écart entre les divers degrés d'exposition à la parole, qui varierait selon la situation socio-économique des parents, donnerait lieu à des écarts substantiels entre les niveaux de vocabulaire des différents enfants — et ce, dès l'âge de 18 mois —, et que cet écart se creuse avec le temps. Ces résultats soulignent que les interventions à l'âge préscolaire arrivent trop tard pour combler cet écart.

Voici la question :

Bien que l'éducation soit une compétence provinciale, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas néanmoins contribuer à l'élaboration de programmes et de ressources pour que les familles puissent faire en sorte que leurs enfants bénéficient, dès leur très jeune âge, d'une exposition adéquate à ce genre d'interaction?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénateur, de nous transmettre cette question. Notre priorité est de nous assurer que les Canadiens s'enrichissent et qu'ils aient accès à de plus en plus d'emplois. Nous travaillons très fort afin que l'économie se développe de façon à ce que les familles puissent améliorer leur situation financière.

Nous voulons nous assurer également que tous aient accès à l'éducation financière. La population canadienne doit être en mesure de prendre des décisions financières éclairées, et nous avons désigné des responsables en ce sens, notamment en matière de littératie.

Nous avons également réduit le fardeau fiscal et créé le compte d'épargne libre d'impôt pour inciter les Canadiens à épargner pour leur avenir. De plus, nous avons mis en œuvre des mesures pour améliorer l'accès au crédit et au marché du logement afin que les Canadiens puissent se loger adéquatement.

En outre, nous avons prévu plusieurs mesures dans le cadre de nos plans d'action économique afin de créer des emplois, de veiller à ce que les familles canadiennes soient en meilleure posture pour améliorer leur situation et afin d'aider les enfants également.

Comme vous l'avez dit, l'éducation est de compétence provinciale et il appartient à chacune des provinces de s'acquitter de ses responsabilités en ce qui a trait à ce domaine particulier.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Cette information est intéressante, mais elle n'a rien à voir avec la question. Je vous ai demandé si vous étiez d'avis que le gouvernement fédéral devrait contribuer à l'élaboration de programmes et de ressources pour que les familles puissent faire en sorte que leurs enfants bénéficient, dès leur très jeune âge, d'une exposition adéquate à ce genre d'interaction?

Vous avez parlé d'éducation financière et de votre plan d'action économique. Rien de cela n'a quoi que ce soit à voir avec la question que vous a posée M. Sabet. Je vous invite à réécouter cette question, et à me faire parvenir des renseignements que nous pourrons alors lui transmettre pour répondre à sa question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, j'avais très bien compris la question et je maintiens ma réponse. Je vous ai dit que notre volonté est de nous assurer que les familles canadiennes soient en meilleure posture économique. Comme vous le savez, le rapport du directeur parlementaire du budget a clairement confirmé que les mesures prises par notre gouvernement dans le cadre des plans d'action économique ont réduit le fardeau fiscal des Canadiens.

(1410)

Chaque famille paie au-delà de 3 000 $ de moins en impôt. Notre priorité est de nous assurer que les familles canadiennes seront dans une meilleure posture économique. Ceci permettra aux parents d'investir dans l'éducation de leurs enfants et contribuera au développement des jeunes et de la famille. Pour le reste, l'éducation est une responsabilité provinciale.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : La question ne porte pas sur le fardeau fiscal ou la réduction des taux d'imposition, sénateur. Je demande si vous, enfin, si votre gouvernement considère qu'il a un rôle, un rôle de meneur, à jouer pour assurer la création de programmes et de ressources que les parents pourraient utiliser pour donner une éducation en très bas âge à leurs enfants, en tenant compte du fait, comme M. Sabet l'a expliqué au tout début de sa question, que l'éducation est une responsabilité provinciale.

Ne reconnaissez-vous pas qu'il incombe à votre gouvernement, le gouvernement du Canada, le gouvernement de tous les Canadiens, de montrer la voie dans ce domaine?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je réitère ma réponse. Notre priorité est de faire en sorte que les Canadiens puissent se trouver du travail, payer moins d'impôt et disposer de plus d'argent pour continuer d'investir, notamment, dans l'éducation de leurs enfants. Pour ce qui est du domaine de l'éducation en particulier, il s'agit d'une responsabilité provinciale.

La justice

L'industrie du sexe

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

[Traduction]

Monsieur le leader, depuis que le projet de loi C-36 sur la prostitution a été déposé à l'autre endroit, le Forum des sénateurs libéraux a reçu des questions de citoyens à ce sujet. La question suivante a été envoyée par Jenna Simpson, de Toronto, et elle s'adresse à vous, monsieur le leader. J'aimerais la poser en son nom :

Le nouveau projet de loi sur le travail du sexe, le projet de loi C-36, vise à protéger les femmes vulnérables des traitements abusifs associés à la prostitution en criminalisant l'achat de services sexuels. Cependant, le projet de loi ne va pas vraiment plus loin que les dispositions du Code criminel qui ont été invalidées par la Cour suprême il y a six mois.

Surtout, le projet de loi criminalise de nouveau toute communication, dans un lieu public, d'offres de services sexuels payants. C'est l'une des principales dispositions considérées comme nuisant à la sécurité des travailleurs du sexe, violant ainsi leur droit à la sécurité.

Comment ce nouveau projet de loi garantira-t-il la sécurité des travailleuses du sexe si les dispositions législatives qui rendent le travail du sexe moins sûr, selon le jugement de la Cour suprême, sont simplement reconduites, mais du point de vue de la demande plutôt que de l'offre?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Ce ne sont pas les mêmes dispositions qui sont rétablies. Des changements majeurs ont été apportés par rapport à ce qui existait auparavant. Comme vous l'avez souligné, il appartient au gouvernement de proposer des mesures législatives aux parlementaires et à ceux-ci d'en débattre. Le jugement de la Cour suprême, dans l'arrêt Bedford, était sans équivoque. Il soulevait des inquiétudes concernant la sécurité des femmes qui pratiquent ce métier fondamentalement dangereux. Ce jugement est à la base de notre projet de loi.

Le projet de loi C-36 vise à protéger les victimes de la prostitution en criminalisant les proxénètes et les clients qui créent une demande pour ce service dangereux, tout en mettant en place des mesures qui visent à assurer la sécurité publique, en particulier celle des enfants et d'autres Canadiens vulnérables. Ce projet de loi a d'ailleurs été salué, comme je vous l'ai cité hier, par un organisme québécois, le Conseil du statut de la femme, qui a affirmé ce qui suit, et je cite :

Le Conseil du statut de la femme accueille favorablement le projet de loi du gouvernement fédéral sur la prostitution qui criminalise l'achat de services sexuels en proposant de cibler les clients et les proxénètes plutôt que les personnes prostituées. Le Canada s'inspire ainsi du modèle suédois [...] Le gouvernement fédéral reconnaît que la prostitution n'est pas un choix pour la vaste majorité des personnes prostituées, mais une forme d'exploitation à l'égard des femmes et une atteinte à la dignité humaine, comme le Conseil le documentait dans son avis La prostitution, il est temps d'agir, paru en 2012.

Des organismes comme le Conseil du statut de la femme approuvent le projet de loi et les objectifs qui y sont mentionnés.

Comme je l'ai dit hier, ce projet de loi sera aussi soutenu par des mesures financières. En outre, un nouveau financement de 20 millions de dollars sera accordé aux organisations communautaires venant en aide aux prostituées les plus vulnérables, car nous reconnaissons que la majorité des prostituées cherchent à quitter ce domaine de travail dangereux et nuisible. Nous mettrons donc l'accent sur le financement de programmes éprouvés pour aider les prostituées à sortir de l'industrie du sexe. Cette démarche me paraît être une approche complète, tant au niveau de la législation que de l'aide financière accordée en faveur des prostituées pour les aider à sortir de ce milieu extrêmement dangereux.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. Cette question vient de moi, monsieur le leader, et elle fait suite à la question que j'ai posée hier.

Si nous adoptions le modèle suédois, seule la personne qui en exploite une autre serait poursuivie, la victime ne le serait pas. Ce n'est pas ce que ferait le modèle canadien, comme on surnomme ce projet de loi. Certaines personnes seraient poursuivies, mais pas d'autres. Cela dépend où on se trouve et comment on vend ses services.

Monsieur le leader, le projet de loi ne fait pas ce que vous dites. Je vous demande de le relire. Le projet de loi C-36 n'est pas le modèle suédois; c'est le nouveau modèle canadien, qui ne répond pas vraiment à l'arrêt Bedford.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je vois que vous avez retenu au moins une partie de ma réponse d'hier, lorsque j'ai précisé qu'il s'agissait d'un modèle fabriqué au Canada. Celui-ci cible directement les demandes à l'égard de cette activité dangereuse et prévoit des mesures sévères contre les proxénètes et les clients.

[Traduction]

La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, vous reconnaissez que je ne suis pas atteinte de démence et je vous en suis reconnaissante.

Vous n'arrêtez pas de parler des 20 millions de dollars. Hier, je vous ai posé une question et je vais vous la poser encore une fois : sur quels critères repose l'allocation de ces 20 millions de dollars aux femmes? Quels groupes recevront cet argent? S'agit-il d'un fonds annuel ou d'un fonds ponctuel?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, c'est une nouvelle enveloppe de 20 millions de dollars qui a été annoncée. Les organismes communautaires qui auront droit à ce financement ou qui pourront l'appliquer à leurs projets devront viser à prendre des mesures pour venir en aide aux prostituées les plus vulnérables.

L'honorable Jean-Claude Rivest : J'ai écouté les réponses du leader du gouvernement. Il a cité le Conseil du statut de la femme du Québec. Toutefois, des groupes ont aussi signalé et mis en relief le fait que l'approche du gouvernement aurait pour effet de déplacer simplement les lieux de la prostitution vers des lieux plus cachés, où les personnes qui se livrent à la prostitution seront encore plus vulnérables. Or, le leader sait que l'essentiel de la décision de la Cour suprême visait précisément à assurer la sécurité des personnes qui sont dans cet univers.

Le gouvernement est-il conscient de cette réalité signalée par les groupes qui travaillent sur le terrain? Je comprends que le Conseil du statut de la femme est un organisme tout à fait respectable. Cependant, les groupes qui travaillent avec les prostituées ont regretté l'effet pervers que pouvait avoir l'approche du gouvernement en ce qui concerne la sécurité des personnes qui se livrent à la prostitution.

Le sénateur Carignan : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme vous le savez, le projet de loi a été déposé à la suite des consultations menées par le ministre auprès de différents groupes.

(1420)

Il s'agit d'une approche réfléchie, qui est un modèle qu'on dit fabriqué au Canada, qui vise à criminaliser non pas les prostituées, mais bien les proxénètes et ceux qui tentent de profiter des personnes vulnérables que sont les prostituées.

C'est donc une approche qui est complètement, je dirais, inversée par rapport au sujet que vous avez soulevé selon lequel le projet de loi aurait pour conséquence de criminaliser la prostituée. On adopte ici une tout autre approche.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : les articles nos 3 et 1, sous la rubrique « Projets de loi—Troisième lecture », suivis par l'article no 2, sous la rubrique « Projets de loi—Deuxième lecture »; nous passerons ensuite à l'article no 1, sous la rubrique « Projets de loi—Rapports de comités », puis à la motion no 50, ainsi qu'à l'article no 2, sous la rubrique « Projets de loi—Troisième lecture ». Les autres articles suivront, dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi sur l'accord définitif concernant les Tlaamins

Troisième lecture

L'honorable Nancy Greene Raine propose que le projet de loi C-34, Loi portant mise en vigueur de l'accord définitif concernant les Tlaamins et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un plaisir pour moi de donner aujourd'hui le coup d'envoi au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-34, Loi sur l'accord définitif concernant les Tlaamins, d'autant plus que j'ai aussi le plaisir d'accueillir deux invités à la tribune.

Cette mesure législative constitue l'aboutissement de près de 20 ans de négociations, de consultations et de travail acharné en vue de conclure un traité exhaustif. L'accord ainsi obtenu tient compte des aspirations de ceux qui sont actuellement membres de la Nation des Sliammons, en plus de répondre à celles des générations à venir. Grâce à lui, la Nation des Sliammons pourra dire adieu à la désuète et paternaliste Loi sur les Indiens et se doter des moyens qui lui permettront d'atteindre son plein potentiel de croissance et de prospérité.

Le projet de loi C-34 fera entrer en vigueur l'accord définitif concernant les Tlaamins, qui renferme un certain nombre de dispositions clés dont j'aimerais brièvement faire le tour.

L'accord définitif en question octroie des terres et des ressources à la Nation des Sliammons, en plus de lui conférer toutes sortes d'autres droits, dont celui à l'autonomie gouvernementale. Ces droits importants — ainsi que les responsabilités s'y rapportant — aideront la Nation des Sliammons à prendre ses affaires en main, à créer des emplois et à rehausser le niveau de vie de tous ses membres. Cet accord permettra à la Première Nation des Sliammons non seulement d'édifier sa propre économie durable, mais aussi de contribuer à l'économie régionale.

Le but fondamental d'un traité est de créer de la certitude. Cela signifie que la propriété et l'utilisation des terres et des ressources seront parfaitement claires pour la Nation des Sliammons, le gouvernement, l'industrie et tous les Canadiens. Cela contribuera sûrement à l'établissement d'un climat d'investissement positif et stable dans la région. L'accord ouvrira des perspectives aux membres de la Première Nation et assurera une prévisibilité favorable à une croissance continue en Colombie-Britannique.

L'accord définitif concernant les Tlaamins ajoutera aussi de la clarté en ce qui concerne tous les droits ancestraux de la Première Nation des Sliammons, y compris le titre ancestral, et réglera sa revendication relative à son territoire traditionnel, qui consiste en une zone terrestre et marine d'environ 609 000 hectares.

Après une période de transition, les dispositions désuètes de la Loi sur les Indiens ne s'appliqueront plus à la Nation des Sliammons, sauf pour déterminer le statut d'Indien. À leur place, des dispositions d'autonomie gouvernementale protégées par la Constitution permettront à la nation de décider par elle-même des questions touchant la préservation de sa culture, l'exercice de ses droits issus de traités et le fonctionnement de son gouvernement.

L'accord définitif dotera aussi la Nation des Sliammons d'outils de gouvernance modernes lui permettant d'établir des relations étroites avec d'autres gouvernements, y compris les gouvernements fédéral, provincial et régional ainsi que les administrations locales de la région de Sunshine Coast, en Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, j'ai noté plus tôt que l'accord définitif concernant les Tlaamins contribuera aussi au développement de l'économie régionale. En fait, le conseil municipal de Powell River et le conseil d'administration du district régional de Powell River ont tous deux fortement appuyé l'accord définitif. Ils sont conscients des perspectives économiques qu'il ouvrira dans l'ensemble de la région. La Nation des Sliammons a établi des relations positives avec la Ville de Powell River et travaille actuellement avec elle à la formation de partenariats économiques.

En collaborant avec les administrations locales, en cherchant à former des partenariats avec les industries locales et en établissant des protocoles territoriaux communs avec les Premières Nations voisines, la Nation des Sliammons a fait la preuve de son engagement à améliorer la qualité de vie de ses membres grâce à de bonnes relations avec ses voisins.

En fait, la Nation des Sliammons et la Ville de Powell River ont conclu un accord et un protocole communautaire sur la culture, le patrimoine et le développement économique. Il n'est pas surprenant que les deux recherchent de nouvelles possibilités de partenariats aux chapitres de l'économie et de l'infrastructure, comme le permet le traité.

Je crois fermement que cet accord donne à la population de la Nation des Sliammons une bonne base pour bâtir un gouvernement stable et responsable et une collectivité économiquement prospère et culturellement dynamique. Comme l'a dit hier le chef Williams, qui est aujourd'hui présent à la tribune : « Pendant toute la durée de ce long processus, leur slogan était : un cœur, un esprit, une nation. »

Honorables sénateurs, allons de l'avant en appuyant l'adoption rapide du projet de loi C-34.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je prends à nouveau la parole à titre de représentant de notre côté pour appuyer ce projet de loi. Les Sliammons forment une nation fière et dynamique en Colombie-Britannique. La renégociation de leur traité a commencé en 1994 et, 18 ans plus tard, l'accord définitif a été ratifié par les membres de la Première Nation.

Deux ans après, l'accord définitif est signé entre la Colombie-Britannique, le Canada et la Nation des Sliammons. Avec l'adoption du projet de loi, la nation disposera des outils et des pouvoirs nécessaires pour continuer à bâtir une collectivité saine, prospère et forte.

Cet événement aura une grande importance dans toute l'histoire de la Nation des Sliammons. Les gens en parleront durant des générations. Honorables sénateurs, je vous exhorte à mettre la dernière main à cet accord historique en adoptant le projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables, sénateurs, je voudrais dire quelques mots au sujet de ce projet de loi. Nous l'avons examiné au comité en présence du chef Williams, de la Première Nation des Sliammons, de son négociateur Roy Francis, du chef négociateur fédéral Tom Molloy, de la Saskatchewan, et de Gloria Chow, qui représente le gouvernement.

La réunion a été extrêmement intéressante. Les positions ont été très clairement énoncées. Nous avons affaire à un autre exemple de la réussite du processus des traités de la Colombie-Britannique. C'est en effet la quatrième fois en quelques années que nous voyons les résultats de ce processus au Sénat.

(1430)

Les Premières Nations de Tsawwassen, de Maa-nulth et de Yale sont déjà passées par ce processus, que notre comité connaît bien. Nous avons publié un rapport à ce sujet il y a deux ans et nous savons que le processus est très long. C'est un autre exemple où il a fallu 20 ans pour aboutir, mais les membres de la Première Nation des Sliammons sont tout près de réaliser leurs rêves. C'est un moment vraiment passionnant. Je dois les féliciter pour leur force d'âme et leur détermination à aller de l'avant, malgré le temps que prend ce processus.

L'autre point à noter au sujet de ces traités de la Colombie-Britannique, c'est qu'ils coûtent cher à la Première Nation en cause. Je ne me souviens pas du montant exact, mais je crois que les membres de la Première Nation des Sliammons devront assumer des coûts de 11 millions de dollars à retrancher sur le paiement de 31 millions qu'ils doivent recevoir. Ils devront donc rembourser un tiers de leur paiement pour que cet accord soit finalisé. C'est une chose à considérer.

Ils sont très proches de Powell River. Ils parlaient de l'industrie forestière et de la beauté des paysages de la région. J'aimerais beaucoup aller faire une visite dans ce coin. Ils sont allés célébrer le centenaire de l'usine de papier. Ils ont dit que c'était un moment d'une amère douceur parce que l'usine est construite sur la terre d'origine traditionnelle de la Première Nation des Sliammons. Il s'agit donc d'une terre qu'ils avaient toujours occupée, mais qui ne leur appartient plus. N'empêche, ils ont décidé d'aller de l'avant.

Ils ont dit que, avec le passage du temps, ils voient les terres publiques disparaître autour d'eux. Ils devaient saisir l'occasion et continuer à avancer. Apparemment, une grande partie de leur territoire est en bordure de l'eau, de sorte qu'ils pourront faire du développement économique qui, bien sûr, profitera considérablement à leurs membres.

Nous avons voulu savoir pourquoi il faut autant de temps pour négocier les traités. Pourquoi a-t-il fallu attendre 20 ans? Il est difficile de fournir une réponse concise. L'un des problèmes évoqués hier — il en avait d'ailleurs déjà été question auparavant — est celui de la confiance entre les parties. Il leur faut des années pour établir une relation de confiance. Les membres de la communauté eux-mêmes ont également besoin de temps pour se faire à l'idée d'abandonner leur mode de vie et d'acquiescer à la nouvelle entente, une entente très différente de celle qu'ils connaissent. Il faut beaucoup de temps pour les convaincre que c'est la voie la plus prometteuse pour l'avenir.

La barre est haute lorsqu'on ratifie une entente de ce genre. Pour y parvenir, il faut essentiellement convaincre la majorité des membres que c'est la voie à suivre. Le chef et le négociateur ont signalé que leur Première Nation se compose d'une forte proportion de jeunes, 60 p. 100 environ. Certains ont fait des études, ce qui leur permettra de revenir dans leur réserve afin d'en stimuler la croissance économique et d'y trouver un emploi au lieu de laisser d'autres localités environnantes profiter de leurs talents.

Tout cela semble merveilleux. Néanmoins, il faut aussi savoir qu'il y a eu quelques poursuites, comme ce fut le cas pour d'autres traités en Colombie-Britannique. Cependant, les tribunaux les ont toutes rejetées. L'une d'elles provenait même du député qui représente la région. Heureusement, il n'avait pas d'argument valable, alors l'entente a pu aller de l'avant.

Je me dois de féliciter la Première Nation des Sliammons. Je me réjouis que nous soyons parvenus à conclure une entente qui ouvre des perspectives d'avenir à tous ses membres. Je les félicite également et je leur offre tous mes vœux de succès.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de Clint Williams, chef de la Première Nation des Sliammons, et de Tom Molloy, négociateur en chef du gouvernement fédéral. Ils sont les invités de la sénatrice Raine.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Vernon White propose que le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (contrebande de tabac), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux d'appuyer le projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (contrebande de tabac). Le texte modifie le Code criminel afin de créer une nouvelle infraction de contrebande de tabac et d'établir des peines minimales d'emprisonnement en cas de récidive.

Pour aider à réduire l'ampleur du problème de contrebande de tabac, le gouvernement s'est notamment engagé, dans son programme électoral de 2011, à établir des peines de prison minimales pour les récidivistes de la contrebande de tabac. Le projet de loi proposé ici donne suite à cet engagement.

À l'heure actuelle, la contrebande de tabac ne constitue pas une infraction au titre du Code criminel. Le projet de loi vise donc à créer une nouvelle infraction, la contrebande du tabac. Le projet de loi interdit de vendre, d'offrir en vente, de transporter, de livrer, de distribuer ou d'avoir en sa possession pour la vente des produits du tabac ou du tabac en feuilles non emballé qui ne sont pas estampillés. Les termes « produits du tabac », « tabac en feuilles », « emballé » et « estampillés » s'entendent au sens de l'article 2 de la Loi de 2001 sur l'accise.

Dans l'ensemble, les propositions constituent une approche sur mesure quant à l'imposition de peines minimales obligatoires pour les activités graves de contrebande du tabac. Le projet de loi ne propose des peines minimales que dans les cas où certains facteurs aggravants sont présents.

La peine pour une première infraction peut atteindre six mois d'emprisonnement sur déclaration sommaire de culpabilité et cinq ans d'emprisonnement si on procède par voie de mise en accusation. Les récidivistes reconnus coupables d'une infraction portant sur 10 000 cigarettes ou plus, 10 kilogrammes ou plus d'un produit du tabac ou 10 kilogrammes ou plus de tabac en feuilles sont condamnés à un minimum de 90 jours pour une deuxième infraction, un minimum de 180 jours pour une troisième infraction et un minimum de deux ans moins un jour pour toute condamnation ultérieure.

Le projet de loi modifie également la définition de « procureur général » prévue au Code criminel pour donner au procureur général du Canada une compétence concurrente avec celle des provinces pour intenter des poursuites à l'égard de cette nouvelle infraction.

Honorables sénateurs, la plupart d'entre vous savent que nous avons déjà étudié et débattu le projet de loi qui a précédé celui-ci, l'ancien projet de loi S-16, qui contenait les mêmes dispositions que celui-ci. Je serai donc bref.

La production, la distribution et la vente illicites de cigarettes au Canada a atteint des niveaux élevés au Canada, ces dernières années, suscitant des difficultés pour les agents de la santé publique, ceux de l'exécution des lois, les autorités fiscales, les décideurs et le grand public. Le tabac de contrebande est une menace pour la sécurité publique, les collectivités et l'économie. Il soutient la croissance des réseaux du crime organisé, contribuant à répandre davantage les drogues et les armes illicites dans les collectivités.

Bien que je m'attende à ce que cette mesure décourage la consommation de cigarettes de contrebande, elle vise aussi à combattre le problème plus général de la contrebande de tabac. Comme la plupart d'entre vous se le rappelleront, au cours de la dernière session, le gouvernement a non seulement présenté ce projet de loi, mais aussi renforcé sa lutte contre le trafic et la contrebande du tabac à la frontière en annonçant la mise sur pied d'une unité de lutte contre la contrebande du tabac constituée de 50 agents de la GRC.

(1440)

On peut situer la contrebande du tabac qu'il nous faut affronter dans le contexte du problème général plus vaste qu'est le tabagisme. Nous savons que la consommation de tabac menace gravement la santé des Canadiens. Ce produit est à l'origine, le plus souvent, de maladies qui touchent le cœur, le foie et les poumons. Ce qui est particulièrement troublant, c'est qu'un nombre alarmant de jeunes fument des cigarettes de contrebande. À cause de la modicité des prix, de la facilité d'accès et de l'absence de vérification de l'âge, des jeunes qui ne devraient pas fumer du tout n'ont aucun mal à se procurer du tabac sur le marché de la contrebande. Le tabagisme est responsable d'un grand nombre de décès, bien que ces décès fassent rarement les manchettes. En moyenne, les fumeurs meurent 15 ans plus tôt. Bien des fumeurs veulent renoncer à la cigarette, mais ils en sont incapables parce qu'ils sont accrochés à une substance qui crée une forte dépendance. Comme nous le savons tous, la cigarette et les autres produits du tabac apportent rapidement la nicotine au cerveau, immédiatement après l'inhalation, de façon à peu près aussi efficace qu'une injection intraveineuse. L'industrie du tabac elle-même a décrit la cigarette comme un vecteur de nicotine, mais comme les effets de la fumée de tabac ne durent que quelques minutes, les fumeurs doivent continuer à fumer pour éviter les symptômes de sevrage.

Les fumeurs ne sont pas les seuls qui éprouvent des problèmes de santé. En effet, la fumée secondaire a également des conséquences pour la santé qui sont graves et souvent fatales. La fumée secondaire est à l'origine de décès qui surviennent à cause du cancer des poumons et de maladies cardiaques. Elle est responsable du syndrome de mort subite du nourrisson, par exemple, de problèmes de faible poids à la naissance, d'accouchements avant terme et d'épisodes d'asthme pendant l'enfance.

Honorables sénateurs, le tabagisme est souvent perçu comme une simple question de choix personnel. Cette perception est contredite par le fait que, une fois qu'ils sont pleinement conscients des effets sur la santé, la plupart des fumeurs veulent arrêter de fumer, mais ont beaucoup de mal à le faire parce que la nicotine provoque une dépendance.

Malgré les preuves écrasantes des dangers du tabac, relativement peu de consommateurs comprennent vraiment les risques pour leur santé. La plupart des gens savent de façon générale que le tabac est nocif, mais ils ne sont pas conscients du large éventail de maladies causées par le tabac, du fort risque que le tabagisme à long terme provoque des handicaps et le décès, de la rapidité et de la gravité de la dépendance à la nicotine ou de la nocivité de la fumée secondaire. La plupart des gens surestiment aussi très largement leurs chances d'arrêter de fumer quand ils le voudront. Les gens sont plus portés à commencer à fumer lorsqu'ils sont adolescents ou jeunes adultes. Le plus souvent, dans ce groupe d'âge, on s'inquiète moins des risques pour sa santé ou sa vie, et on est plus porté à adopter des comportements à risque. Les jeunes sont aussi très sensibles aux pressions de pairs et à la publicité. Il se peut aussi qu'ils deviennent plus rapidement dépendants de la nicotine que des personnes plus âgées, même s'ils ne fument qu'à l'occasion.

Le préjudice causé par le tabagisme ne se limite pas au tort causé à la santé du fumeur. Le tabagisme peut aussi causer un sérieux préjudice à l'économie. S'il est vrai que l'industrie du tabac peut prétendre avec raison qu'elle crée des emplois et rapporte des revenus qui stimulent les économies locales et nationales, j'estime que cela n'est vrai que dans un sens très étroit. Ce que, globalement, l'industrie apporte à tout pays, ce sont des pertes économiques, à mon avis. Le tabagisme entraîne des coûts considérables chaque année. Les décès liés au tabac, ce sont des occasions économiques perdues. Et ces pertes sont graves, car ces décès surviennent souvent pendant les années les plus productives de la personne. Il y a une ponction considérable sur les ressources économiques à cause des coûts médicaux directs et indirects, comme les soins de longue durée pour invalidité. Il y a également des pertes économiques à cause des pertes de salaire et de production provoquées par des maladies débilitantes attribuables au tabac.

En somme, le tabac de contrebande, globalement, est une menace pour nos collectivités. Si on ne réprime pas la contrebande, des criminels continueront de s'enrichir aux dépens de la santé et de la sécurité des Canadiens et des revenus fiscaux de l'État. Le gouvernement du Canada reconnaît que la contrebande de tabac est devenue un problème grave au cours des dernières années. Les Canadiens veulent que cela cesse. Protéger la société contre les criminels, voilà une responsabilité que nous et le gouvernement prenons au sérieux. Le projet de loi à l'étude s'inscrit donc dans les efforts que le gouvernement continue de déployer pour protéger les Canadiens et rendre nos rues et nos quartiers plus sûrs. Il est évident que le marché du tabac de contrebande est un problème important d'exécution de la loi, mais le projet de loi vise d'abord et avant tout les criminels qui se livrent à la contrebande et notamment les récidivistes. Le projet de loi contribuera aussi à faire diminuer la consommation de tabac de contrebande et, par conséquent, à améliorer l'état de santé global des Canadiens.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Projet de loi modificatif—Adoption du septième rapport du Comité des transports et des communications

Le Sénat passe à l'étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, avec un amendement), présenté au Sénat le 10 juin 2014.

L'honorable Dennis Dawson propose que le rapport soit adopté.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Si j'ai bien compris, l'amendement est décrit dans le rapport. Sénateur Dawson, pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet, je vous prie?

Le sénateur Dawson : L'amendement adopté par le comité modifie l'article 10 du projet de loi, plus précisément le paragraphe 10.1(6). Il élimine quelques lignes qui auraient permis à des institutions gouvernementales de demander un délai avant d'informer les gens lorsqu'il s'est produit une violation des mesures de sécurité et que l'institution souhaite mener une enquête criminelle à ce sujet. Après avoir entendu des témoins, nous avons conclu qu'il fallait informer les personnes touchées sans tarder même si une enquête est en cours, puisque tout délai peut avoir une incidence négative sur une personne dont les renseignements personnels ont été compromis. Cet amendement a été adopté à l'unanimité, et le projet de loi a été adopté avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi électorale du Canada

Fixation de délai—Adoption de la motion

L'honorable Yohah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 10 juin 2014, propose :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion de fixation de délai qui propose que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles ne soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence.

La motion dont nous sommes saisis nous garantira un débat complet et efficient à l'étape de la troisième lecture. Le projet de loi C-23 est un important projet de loi ministériel qui renforce l'intégrité de notre processus électoral. En réponse à de nombreuses questions soulevées dans le rapport du directeur général des élections, le projet de loi C-23 met en œuvre 38 de ses recommandations. Ce faisant, le projet de loi rend les lois électorales canadiennes transparentes et plus faciles à observer, rétablissant la confiance en notre système électoral. Comme le projet de loi C-23 traite de plusieurs points fondamentalement importants pour assurer la vigueur de la démocratie, il a fait l'objet d'une attention soutenue dans les deux Chambres. La première lecture du projet de loi C-23 a eu lieu à la Chambre des communes le 4 février 2014 et la deuxième, le 5 février 2014, puis il a été renvoyé au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre le 10 février 2014.

(1450)

Parallèlement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a eu l'occasion d'étudier le projet de loi avant que le Sénat en soit saisi. Le comité s'est réuni six fois pour procéder à l'étude préalable du projet de loi C-23 et il a proposé neuf recommandations qui ont entraîné l'adoption d'un certain nombre d'amendements importants. Le comité a aussi eu l'occasion, les 4 et 5 juin, d'étudier le projet de loi modifié.

Au cours de nos séances quotidiennes où nous parlons du déroulement des travaux, la sénatrice Joan Fraser et moi avons discuté de la portée du projet de loi C-23, ainsi que du temps que l'on devrait consacrer à son étude. Je dois malheureusement dire aux sénateurs que nous n'avons pas pu nous entendre. J'invite donc instamment les sénateurs à appuyer cette motion pour qu'il y ait un débat approprié et que ce projet de loi important soit adopté. Merci.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'ai écouté attentivement les observations de la leader adjointe du gouvernement. Elle a parlé un peu du bien-fondé, selon elle, de cette mesure législative, mais elle n'a pas fourni la moindre preuve ni le moindre argument en faveur de cette motion.

Je ne parlerai pas plus longtemps aujourd'hui. J'ai déjà parlé bien trop souvent de cette question.

Une voix : Oh, oh.

Le sénateur Cowan : Mais vous n'avez pas encore écouté ce que les gens ont à dire, sénateur Plett. Voilà le problème. J'espère que vous les écouterez un jour, ce qui pourrait vous faire comprendre certaines choses.

Au cours des dernières années, le gouvernement a bien trop souvent imposé le couperet. Il a imposé la clôture et mis fin au débat avant que les sénateurs puissent étudier en profondeur la valeur des projets de loi dont ils sont saisis.

Lorsque le gouvernement présente une motion destinée à mettre fin au débat, on peut supposer qu'il y a une certaine urgence et qu'un délai objectivement déterminé ne sera pas respecté si la Chambre poursuit ses travaux de la manière habituelle.

J'ai écouté attentivement les arguments de la leader adjointe du gouvernement. Elle n'a rien dit qui explique pourquoi il est nécessaire aujourd'hui d'imposer une fixation de délai. Soyons clairs : il n'y a absolument rien, aucun événement, aucun argument qui puisse nous persuader que cette motion est nécessaire en ce moment. Nous ne parlons pas du bien-fondé du projet de loi. Nous parlons d'une motion qui vise à mettre fin au débat. À mon avis, il incombe au gouvernement de présenter des arguments solides à l'appui d'une motion qui interrompt le cours normal de notre débat.

Même si le gouvernement avait dit : « Il faut que ce projet de loi soit adopté avant notre départ, à la fin de la semaine prochaine », même s'il avait avancé cet argument — ce qu'il n'a pas fait —, rien ne nous aurait empêchés de poursuivre ce débat pendant les 10 prochains jours, quitte à le terminer et à passer au vote de troisième lecture avant notre départ pour l'été.

La question qui se pose est donc la suivante : pourquoi faisons-nous cela aujourd'hui? La seule conclusion que je puisse tirer, honorables sénateurs, c'est que nos vis-à-vis agissent ainsi non parce que c'est nécessaire, mais simplement parce qu'ils peuvent le faire. Ils veulent seulement faire étalage de leur pouvoir. Ils nous disent tout simplement : « Nous avons le pouvoir d'agir ainsi. Par conséquent, nous allons le faire. »

S'ils sont disposés à faire cela sans la moindre justification dans le cas des affaires du gouvernement, que feraient-ils si les modifications du Règlement proposées par la majorité des membres du Comité du Règlement s'appliquaient non seulement aux affaires du gouvernement, mais aussi à n'importe quel article de l'ordre du jour que le gouvernement préfère ne pas voir débattre au Sénat?

Ce n'est pas ainsi que nous devrions nous conduire. Il serait vraiment bénéfique de relire l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Elle a dit très clairement que le premier rôle du Sénat n'est pas celui d'un rival de la Chambre des communes. Les deux Chambres devraient jouer des rôles complémentaires, et le Sénat devrait être la Chambre du second examen objectif et de l'étude approfondie. Chaque fois que le gouvernement impose la clôture ou la fixation de délai pour arrêter le débat avant que nous ayons eu une chance raisonnable de discuter du bien-fondé d'un projet de loi, il se moque de ce que la Cour suprême du Canada lui a dit et a dit à tous les Canadiens du rôle de la Chambre haute. Honorables sénateurs, c'est honteux.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Est-ce que je comprends bien que, de ce côté, nous étions prêts à faire en sorte que ce projet de loi soit adopté avant la relâche de l'été et que ce n'était tout simplement pas suffisant pour le gouvernement à ce moment-ci?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : C'est exact.

Son Honneur le Président intérimaire : Reprenons-nous le débat? Je rappelle à mes collègues que c'est un débat spécial. Chaque leader dispose de 30 minutes et chaque sénateur, de 10 minutes, y compris la période de questions. Le sénateur Moore a la parole.

L'honorable Wilfred P. Moore : Chers collègues, c'est manifestement un abus d'intention et de procédure.

Nous discutons ici de l'une des choses les plus fondamentales que nous ayons, d'un pilier de notre démocratie : le vote, le droit de voter, le droit d'accès au vote et l'intégrité de notre processus électoral. Il est intéressant de noter que deux des principaux intervenants dans ce processus, le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales, n'ont pas été consultés du tout. Ils ont comparu devant les comités, mais ils n'ont pas été consultés lors de l'élaboration du projet de loi et de la réflexion entourant celle-ci. Nous devons nous demander pourquoi. Après tout, ce sont des gens honnêtes, qui travaillent fort pour servir la population. Ils ont beaucoup d'expérience. Ils ont beaucoup d'idées à avancer pour améliorer le projet de loi, mais on ne les a pas consultés, et les conseils qu'ils ont donnés aux comités n'ont pas été suivis.

Pour moi, cela n'a aucun sens, surtout que, en 2007, le même gouvernement avait modifié la Loi électorale et que, pour le faire, il avait consulté ces deux fonctionnaires et avait fait grand cas de leur point de vue, mais pas aujourd'hui. Par le passé, en 2007, lorsque nous avions étudié les modifications à apporter à la Loi électorale, les députés ont eu l'occasion de débattre longuement le projet de loi. Les autorités du domaine, qui connaissent bien le processus, des universitaires et d'autres avaient participé.

Aujourd'hui, nous assistons à une ruée visant à nous faire adopter ce projet de loi à toute vitesse. Je ne sais pas pourquoi. Pourquoi le gouvernement veut-il nous bâillonner? Nous savons compter, et nous comprenons que l'autre côté est plus nombreux. Le gouvernement peut en définitive agir à sa guise, mais cela ne justifie pas d'agir ainsi et d'interrompre le débat sur cette question d'une haute importance.

Le projet de loi a encore de graves défauts. Le gouvernement a fait quelques modifications, mais elles ne suffisent pas. Nos vis-à-vis doivent le savoir parce qu'on le leur a dit à maintes et maintes reprises. Je ne comprends pas pourquoi il faut avancer à cette vitesse indue. C'est contraire à la façon canadienne de faire les choses, au principe du débat ouvert, surtout sur un aspect aussi important de notre processus démocratique, de notre mode de vie, de notre façon de faire les choses d'une manière raisonnable. Où est le second examen objectif que le Sénat est censé faire et que le public canadien attend de nous?

Je crois que cette motion de fixation de délai est tout à fait déplacée.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je suis vraiment troublée par le fait que nous ayons à examiner une motion de fixation de délai sur ce projet de loi. Il est vraiment peu sage de limiter le débat sur une mesure législative traitant du vote, d'un aspect de notre démocratie qui fait partie intégrante de sa légitimité.

Vous avez entendu mon point de vue à plusieurs reprises sur cette question, et je crois qu'il serait maintenant temps que nous entendions les points de vue des Canadiens pour lesquels nous disons œuvrer au Sénat. Voici ce qu'ils ont à dire. Je vous lis les opinions exprimées par des Canadiens au sujet de notre débat sur ce projet de loi.

(1500)

Madame la Sénatrice,

Aujourd'hui, j'ai reçu ma carte d'électeur pour voter prochainement aux élections provinciales de l'Ontario, et c'est ce qui m'amène à vous écrire.

Vous êtes en train de débattre du projet de loi C-23, la Loi sur l'intégrité des élections. Je voudrais joindre ma voix à celles des gens qui s'opposent à ce projet de loi.

Il vise à faire cesser la fraude électorale, mais, à ce que je sache, il y a très peu de fraudes. Le projet de loi aura principalement comme effet de compliquer la vie des Canadiens qui souhaitent exercer leur droit le plus fondamental dans nos institutions démocratiques, soit le droit de vote.

Le droit de vote des citoyens canadiens est si fondamental qu'il est inscrit dans la Constitution de notre pays, et le projet de loi vise à limiter l'exercice de ce droit parmi certains Canadiens.

La meilleure pièce d'identité pour pouvoir voter est le permis de conduire. C'est la pièce d'identité la plus acceptable. Un électeur qui présente son permis de conduire n'a pas besoin de présenter une autre pièce d'identité pour pouvoir voter.

Ma femme n'a pas de permis de conduire.

Son nom n'apparaît pas sur nos factures. J'ai ouvert la plupart des comptes avant notre mariage, et ils sont à mon nom uniquement. Nous utilisons un livret bancaire, de sorte que nous ne recevons pas de relevés mensuels. Je suis le principal détenteur de nos cartes de crédit, alors son nom n'apparaît même pas dans l'adresse postale de nos factures de carte de crédit.

Heureusement, le gouvernement a accepté un amendement qui permettra le recours à un répondant, quoiqu'il faille désormais se plier à des exigences plus complexes pour ce faire.

Je crains que mon père ne puisse pas voter lors des prochaines élections générales. Il vient de perdre son permis de conduire à cause de sa vue. Il a perdu sa meilleure pièce d'identité. La dernière fois que nous avons parlé des cartes d'assurance-maladie, il détenait encore l'ancien modèle, qui ne contient pas de photo. Je ne sais pas quelles seront les conséquences de ce projet de loi sur sa capacité d'exercer son droit de vote.

Mon père a grandi dans l'Europe occupée, durant la Seconde Guerre mondiale. Il sait ce qu'est l'oppression, ainsi que la perte de libertés et de droits civils, comme le droit de vote. Il est devenu citoyen canadien dans les années 1950 et, depuis, il a voté lors de toutes les élections. Il m'a même amené au bureau de scrutin quand j'étais jeune pour m'aider à comprendre ce que c'était de voter. C'est peut-être de là que j'ai tiré mon amour de la démocratie.

Il serait dommage que ce projet de loi l'empêche de voter.

Honorables sénateurs, beaucoup de Canadiens sont très préoccupés par ce projet de loi et ses effets sur notre démocratie. J'ai reçu un message de Chris Kelland de l'île Salt Spring, dans ma province, la Colombie-Britannique, qui dit ceci :

Qu'en est-il des « Canadiens ordinaires »? D'après ce que j'ai observé, la vaste majorité des Canadiens qui connaissent un tant soit peu le projet de loi pensent, comme moi, qu'il est terrible. Tous les sondages que j'ai vus sur ce projet de loi indiquent que les Canadiens bien renseignés croient qu'il est mauvais. Des commentaires récents sur la page Facebook du ministre de la Réforme démocratique, commentaires qui ont peut-être été supprimés maintenant, montrent clairement que cette mesure législative est très impopulaire. J'ai des captures d'écran des centaines de commentaires publiés, et ils sont presque tous contre le projet de loi. J'ai consulté les journaux de partout au pays afin de lire les lettres à la rédaction portant sur ce projet de loi et, d'après ce que j'ai pu voir, la grande majorité d'entre elles sont négatives elles aussi. J'ai dressé une liste d'organisations qui s'opposent au projet de loi, et elle comprend des associations d'enseignants, CARP, divers syndicats, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, l'Association canadienne des libertés civiles, et j'en passe.

Il y a donc toutes les raisons de croire qu'il s'agit d'un « projet de loi malavisé » qui ne tient pas compte des « souhaits délibérés et compris du peuple ». En plus, il est « hâtif ». Le gouvernement a constamment eu recours à l'attribution de temps et, à l'étape de l'étude en comité à la Chambre des communes, il n'y a même pas eu assez de temps pour étudier tous les amendements proposés.

Honorables sénateurs, je n'ai pas besoin de vous rappeler que l'un des événements que nous considérerons comme un fait marquant de notre carrière au Sénat est l'envoi par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, après l'étude préalable du projet de loi, d'un certain nombre de recommandations au ministre qui, heureusement, a accepté d'apporter certains amendements. Il reste toutefois beaucoup de travail à faire sur ce projet de loi.

Pendant le discours de la leader adjointe du gouvernement, j'ai reçu un message de Leslie Parrot, qui dit ceci :

Chers sénateurs, n'approuvez pas automatiquement le projet de loi C-23. Il pourrait faire sombrer davantage notre processus électoral. La foi dans l'équité est au cœur même de la société canadienne. Nous n'avons peut-être pas toujours un parcours parfait, mais nous croyons toujours que nous finirons par y arriver. À 66 ans, je perds confiance en la capacité de notre pays à se remettre sur les rails, et ce projet de loi fait seulement en sorte que cela sera plus difficile d'y arriver. Pensez-y bien, honorables sénateurs, avant d'imposer l'attribution de temps et d'appuyer ce projet de loi.

Honorables sénateurs, je pourrais lire des centaines de lettres, mais, au cours des 10 minutes dont je dispose, je tiens à dire que nous sommes la Chambre du second examen objectif. Il est tout à fait inacceptable de continuer d'avoir recours à la fixation de délai. Nous luttons déjà péniblement pour maintenir notre réputation. En continuant d'avoir recours à la fixation de délai dans le cas de projets de loi d'une telle importance, nous ne faisons que nous arranger pour entacher davantage notre réputation.

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'aimerais aussi dire quelques mots sur cette question.

Le leader de l'opposition a longuement parlé du fait que nous étouffions le débat. J'aimerais dire que, en fait, la fixation de délai avive le débat. Nous sommes actuellement en train de débattre. Nous discutons de la fixation de délai. Nous discuterons ensuite de la motion. En fait, c'est l'ajournement du débat qui étouffe celui-ci. C'est ce que l'opposition tente sans cesse de faire quand elle n'a pas d'autre recours : ajourner le débat.

Tous les honorables sénateurs ici présents devaient se douter que notre leader adjointe présenterait cette motion. Bien sûr, tout le monde aurait pu préparer des discours et des notes. Je ne l'ai pas fait, mais j'ai décidé de réunir rapidement quelques réflexions.

Quoi qu'il en soit, comme le leader l'a dit, nous n'avons que peu de temps pour adopter cette mesure. Nous avons énormément de pain sur la planche, et le sénateur le sait. Cette fois encore, les sénateurs s'indignent de ce que, à leur avis, nous limitions le débat.

Je voudrais donner quelques chiffres sur ce que nous avons fait. Je suis très heureux de faire partie du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles qui a étudié le projet de loi. Le comité a tenu six séances en trois jours. Il a entendu 20 témoins. Il me semble que c'est un bon nombre. Comme la leader adjointe l'a signalé très clairement, le comité a formulé neuf recommandations et les sénateurs d'en face ont beaucoup contribué à leur élaboration. Nous avons appuyé à l'unanimité ces recommandations et les avons transmises à l'autre endroit.

Le ministre et d'autres représentants à l'autre endroit ont accepté cinq de nos recommandations. La sénatrice Frum a même dit hier ou avant-hier que nous avons pris un bon projet de loi et l'avons encore amélioré.

À l'autre endroit, l'examen n'a pas été précipité, comme on l'a dit tant de fois. On y a consacré quatre jours au débat de deuxième lecture. Le premier jour, huit députés sont intervenus soit en faisant un discours, soit en posant des questions. Le deuxième jour, 19 sont intervenus. Le troisième, il y en a eu 22. Le quatrième jour, 18 députés sont intervenus pour prononcer un discours ou poser des questions.

Puis, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre a consacré 19 séances au projet de loi C-23. Si j'ai bien compté, le comité a entendu 74 témoins. En même temps, au cours de l'étude préalable du même projet, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a tenu six séances et entendu 20 témoins. Et je répète que cinq des recommandations du comité sénatorial ont été acceptées.

Cette mesure a fait l'objet d'un débat considérable. Nous n'avons pas cherché à l'étouffer. Nous avons eu un dialogue très ouvert au comité. Des amendements proposés au comité n'ont pas été acceptés, mais les idées que nous avions à soumettre au ministre ont été acceptées à l'unanimité.

Je ne veux pas prolonger ce débat aujourd'hui, et je ne tiens pas à ce qu'il se prolonge sur les six prochaines heures. Depuis cinq ans que je siège ici, je ne crois pas qu'il soit arrivé très souvent que nous allions jusqu'au bout de la période prévue pour ces débats, et je doute que nous allions jusqu'à deux heures et demie aujourd'hui, mais peut-être voudrez-vous me prouver que j'ai tort.

(1510)

Je le répète, je ne pense pas que les deux heures et demie prévues aujourd'hui et les six prochaines que nous aurons suffiront pour que tous prennent la parole au Sénat et disent ce qu'ils ont besoin de dire sur cette excellente mesure législative.

Les Canadiens sont satisfaits de ce projet de loi. Comme je l'ai dit au comité l'autre jour, les cinq ou six personnes qui auraient pu avoir du mal à voter avant que nous n'apportions des amendements pourront désormais voter.

La sénatrice d'en face dit qu'il y a maintenant des gens qui ne pourront pas voter. Une campagne électorale se déroule en ce moment en Ontario. Les élections n'ont pas été déclenchées hier pour que le scrutin ait lieu demain. Elles ont été déclenchées il y a cinq ou six semaines pour le scrutin de demain. Tous les Ontariens savaient qu'il y aurait des élections le 12 juin. Tous les Ontariens qui n'avaient pas les pièces d'identité voulues pouvaient se munir de ces pièces.

Tous les Canadiens savent que les élections fédérales à date fixe auront lieu en octobre 2015. Assurément, quiconque n'a pas une pièce d'identité acceptable, avec sa photo et son adresse peut se la procurer ou, entre maintenant et octobre prochain, faire la connaissance de quelqu'un qui pourra lui servir de répondant, car le régime de répondants existera toujours pour ceux qui n'ont pas de pièce d'identité acceptable. Quelqu'un pourra répondre de leur identité en prêtant serment.

Il faut maintenant se tenir pour prévenu. Lorsque le projet de loi recevra la sanction royale, un an après octobre prochain, on aura besoin d'avoir une pièce d'identité ou de faire la connaissance d'un répondant.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas étouffé le débat. Notre leader adjointe ne l'étouffe certainement pas. Nous voudrions bien que le débat se poursuive, mais à l'évidence, comme elle l'a dit, nous n'avons pu parvenir à un accord sur le déroulement du débat. Quand on ne peut pas s'entendre, il faut faire quelque chose.

Si le leader de l'opposition dit que nous agissons de la sorte parce que nous avons les moyens de le faire, je lui dirai que c'est ce qu'il a fait pendant des années : « Parce qu'il le pouvait. » Maintenant, monsieur le leader, vous constatez peut-être que vous allez devoir essayer de poursuivre le débat au lieu de l'ajourner alors que vous pouvez très facilement le poursuivre.

J'exhorte tous les sénateurs à appuyer la motion et à faire durer le débat tant que vous aurez les intervenants nécessaires pour qu'il se poursuive. Je propose que, pendant les six prochaines heures, nous allions tous à notre bureau pour préparer nos interventions de 10 minutes, car si c'est tout ce que nous avons dans le prochain discours, cela veut dire qu'il nous faudra une foule d'intervenants pour occuper six heures de débat.

J'appuie la motion. Je crois qu'elle est absolument nécessaire en ce moment pour faire adopter une excellente mesure législative pour qu'elle puisse recevoir la sanction royale avant l'ajournement estival et qu'elle puisse s'appliquer aux prochaines élections.

Le sénateur Moore : J'invoque le Règlement, Votre Honneur.

Son Honneur le Président intérimaire : Aucun rappel au Règlement n'est autorisé.

Le sénateur Moore : Dans ce cas, j'aimerais faire une rectification. Comment puis-je le faire?

Son Honneur le Président intérimaire : D'accord, allez-y.

Le sénateur Moore : Le sénateur d'en face a dit que le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles était unanime. Il ne l'était pas. Il était assorti d'une opinion minoritaire qui présentait neuf recommandations, dont aucune n'a été adoptée.

Son Honneur le Président intérimaire : Je crois que vous avez bien fait valoir votre point.

Le sénateur Plett : Je voudrais réfuter ce qui vient d'être dit, Votre Honneur.

Son Honneur le Président intérimaire : Il s'agissait d'une question, alors allez-y, sénateur Plett.

Le sénateur Plett : Je crois, sénateur, que si on consulte le compte rendu, vous constaterez que j'ai dit que les recommandations avaient été appuyées à l'unanimité. J'ai dit que des amendements qui avaient été présentés au Sénat n'ont pas été acceptés. Je n'ai pas du tout parlé du rapport minoritaire, mais j'ai dit que les neuf recommandations que nous avions faites ont été acceptées à l'unanimité. Le vice-président du comité vient malheureusement de sortir, mais je crois qu'il aurait probablement confirmé que c'est effectivement ce qui s'est passé.

Son Honneur le Président intérimaire : Débat.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais participer au débat, mais tout d'abord, je voudrais revenir à la base. La modification d'un régime parlementaire, surtout en ce qui concerne le droit de vote permettant aux gens de choisir leur gouvernement, est à la base même du système démocratique.

Plutôt que de convier les autres partis à en arriver à un consensus dès le début et à corriger les imperfections de cette loi, un projet de loi a été déposé sans que les autres partis aient été consultés. À mon avis, changer le mode de scrutin sans consultation est totalement antidémocratique.

Les membres de l'autre endroit et de cette Chambre ont fait leur possible pour tenter de corriger les articles qui diminuaient la qualité du vote et de la démocratie. Toutefois, j'estime que c'est à sa base que ce projet de loi est vicié.

Notre collègue pense que ce ne sont que cinq ou six personnes qui s'y sont opposées. Je ne sais pas si on a oublié d'envoyer des copies à nos collègues conservateurs. Pour ma part, j'ai reçu une multitude de lettres de la part de citoyens. Il ne s'agissait pas de lettres stéréotypées dans lesquelles on répétait toujours le même message, mais de lettres profondes, bien pensées, dans lesquelles des citoyens nous faisaient part de leurs grandes préoccupations. Pour eux, c'est le fondement même de leur pays qui est en cause. Ces gens qui, comme moi, voyagent à travers le monde se montrent très fiers des institutions canadiennes. Or, nous ne pouvons pas être fiers de la façon dont les choses ont été faites, ni de la finalité et encore moins de la procédure d'aujourd'hui.

Je ne sais pas si c'est une maladie que de vouloir continuellement faire les choses ainsi, surtout que le parti avait décidé tout simplement de procéder à l'adoption du projet de loi avant l'ajournement et d'imposer cette clôture de façon absolument inique.

Je donne raison au leader de l'opposition lorsqu'il dit qu'on ne connaît même pas la raison profonde de cette procédure. On peut agir ainsi lorsqu'on arrive à la dernière minute et que l'on pense que le projet de loi ne sera pas adopté. Cependant, nous avions accepté d'adopter ce projet de loi, à l'étape de la troisième lecture, avant de quitter. Il n'existe donc aucune raison de procéder de la sorte, sinon d'abîmer le processus démocratique, de le discréditer et de nous mettre dans une situation où on doit se lever non pas pour discuter du fond de la question, mais de sa forme. Cette façon de faire manque pour le moins d'originalité; je dirais même que c'est insultant.

Par conséquent, je me joins à tous mes collègues pour dire que je suis déçue et blessée de la façon dont on a traité cette question fondamentale. L'une des raisons de mon appartenance à cette institution, c'est la qualité de notre système démocratique, sinon je ne serais pas ici. Je ferais alors comme la plupart des Canadiens, qui n'ont pas eu accès au Sénat, et je vaquerais à mes occupations personnelles. Je suis ici pour m'occuper de la chose publique, pour un public qui nous a fait confiance, alors qu'on ne peut pas travailler en confiance avec nos collègues.

Honorables sénateurs, pour ces raisons, je ne peux pas appuyer cette motion. Je suis désolée qu'on ne valorise pas assez notre système démocratique. Désormais, chaque fois que je serai à l'extérieur du pays, je ne pourrai pas me vanter que la qualité de notre système dépasse celle de la plupart des autres démocraties. Au contraire, nous avons diminué la qualité de notre démocratie.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, ce processus est une aberration totale. Voici qu'on impose la clôture, une mesure qui vise à étouffer le débat, au sujet d'une loi qui porte sur la démocratie. La démocratie est censée reposer sur le débat et sur des décisions éclairées. Il semble que ce ne soit pas le cas cette fois-ci.

Ce projet de loi a été adopté à toute vitesse à la Chambre des communes de façon absolument honteuse. Mon ami, le sénateur Plett — je déplore qu'il ait quitté la salle —, prétend que la population canadienne appuie ce projet de loi. Je suis ici depuis 16 ans, et j'ai rarement vu une mesure législative susciter une telle levée de boucliers chez le public.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Et cette opposition ne vient pas que des électeurs ordinaires — nous sommes tous des électeurs ordinaires —, mais également des spécialistes et d'institutions internationales. Ce projet de loi a été reconnu pour ce qu'il est réellement : une tentative de fausser le système et de faire pencher la balance en faveur du gouvernement au pouvoir.

(1520)

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Je trouve cela vraiment honteux. On a fait avancer le projet de loi au pas de charge d'une manière absolument épouvantable.

Oui, le Comité des affaires juridiques a fait une étude préliminaire du projet de loi, ce qui est une bonne chose quand on voit ce qui se passe aujourd'hui. Oui, le comité a entendu quelques témoins experts. Toutefois, comme nous le savons, le projet de loi a été modifié par la suite. Ce n'est plus la même mesure législative dont le Comité des affaires juridiques avait fait l'étude préalable. Mais non, il n'est pas nécessaire d'étudier en comité le projet de loi dans sa forme actuelle, c'est-à-dire tel qu'il figurera dans notre législation une fois que le gouvernement aura fait son mauvais coup au Sénat. Ce n'est plus le même projet de loi, mais les audiences ont été raccourcies. Oh non, nous n'avons pas besoin d'entendre longuement des témoins, n'est-ce pas? Pourquoi voudrions-nous voir au comité le directeur général des élections ou le commissaire aux élections fédérales?

Chers collègues, un des aspects les plus honteux de toute cette expérience, c'est la diffamation du directeur général des élections, sur qui nous nous fions pour administrer équitablement nos élections et qui fait de son mieux pour s'acquitter de cette tâche importante — j'ai failli dire sacrée —, sans parler de Sheila Fraser, qu'on a également essayé de salir, comme l'a dit mon leader.

Pourtant, le directeur général des élections et le commissaire aux élections fédérales sont sûrement les personnes qui, au Canada, connaissent le mieux le déroulement des élections et la mise en œuvre des principes auxquels nous croyons tous. Dans sa forme actuelle, le projet de loi satisfait-il aux normes élevées auxquelles les Canadiens se sont toujours attendus? Le directeur général des élections pense-t-il que les modifications répondent au but recherché? On ne nous a pas permis de le déterminer. Il n'a pas été autorisé à répondre aux scandaleuses accusations d'intérêt personnel et de je ne sais plus quoi d'autre qui ont été proférées contre lui.

Bref, le projet de loi est passé à toute vitesse au comité, alors que c'est là que nous aurions dû pouvoir examiner collectivement cette mesure législative d'une importance fondamentale. Ensuite, elle est ramenée dare-dare au Sénat, où le couperet de l'attribution de temps tombe à nouveau.

La profondeur de l'examen ne se mesure pas nécessairement au nombre d'heures de débat. Le plus important, c'est plutôt l'information que les sénateurs peuvent accumuler en discutant. Les sénateurs n'ont pas eu la possibilité de se renseigner aussi bien qu'il aurait fallu sur un projet de loi de cette importance. C'est scandaleux, absolument scandaleux. C'est encore pire car, comme mon leader et d'autres orateurs l'ont noté, rien ne justifie cette hâte. En supposant que le premier ministre se conforme à sa propre loi sur les élections à date fixe, nous n'aurons pas d'autres élections avant 16 mois. Nous aurions pu prendre un peu plus de temps pour réfléchir davantage à ce projet de loi. Mais non, cela ne convenait pas au gouvernement qui voulait s'en débarrasser au plus vite en espérant que l'indignation du public se sera dissipée une fois qu'il aura disparu du programme législatif.

Ne reste-t-il donc personne ici qui se sente responsable envers les citoyens du Canada?

Le sénateur Robichaud a demandé s'il nous aurait été possible de nous entendre pour que le projet de loi soit adopté avant l'intersession de l'été. Je crois que nous aurions pu le faire, mais on ne nous l'a pas demandé. Il n'y a pas eu d'entente sur le calendrier de travail du comité qui, comme je l'ai dit, était le plus important. Personne n'a proposé une entente prévoyant une plus longue période de débat au Sénat. Non, la seule chose qu'on nous demande, c'est : « Acceptez-vous, oui ou non, l'attribution de temps? » Voilà comment ce gouvernement aborde l'attribution de temps, probablement en conformité des instructions reçues de l'immeuble d'en face. Il ne commence pas par demander s'il est possible de s'entendre sur la meilleure façon d'examiner le projet de loi. Il nous dit plutôt : « Eh bien, nous voulons fixer un délai, et nous allons imposer une attribution de temps si vous ne faites pas ce que nous voulons. » Point final.

Pour moi, ce n'est pas de la négociation. J'ai acquis suffisamment d'expérience dans mes contacts avec ma collègue d'en face pour savoir que si la négociation est possible, elle a lieu. C'est pour cette raison que je soupçonne que des messieurs en culottes courtes ont eu leur mot à dire à ce sujet.

Nous aurions pu débattre ce projet de loi jusqu'au jour de notre départ pour l'été. Rien ne s'y opposait. Nous aurions pu entendre encore des Canadiens exprimer leurs préoccupations, nous aurions pu essayer de faire le travail que nous sommes censés faire, nous efforcer de faire notre devoir. C'est notre devoir de soumettre les projets de loi qui nous sont présentés à un examen objectif. On nous a empêchés de le faire. Personnellement, j'ai profondément honte.

Des voix : Bravo!

L'honorable Elaine McCoy : J'ai une question à poser à la sénatrice Fraser, si elle veut bien. J'aimerais bien vous comprendre. Si on vous avait demandé de dire, au nom des membres libéraux du Sénat, si vous pensiez que le débat sur ce projet de loi serait terminé d'ici au 24 juin, quelle aurait été votre réponse?

La sénatrice Fraser : J'aurais répondu que c'est certainement possible. Je crois que nous aurions pu en arriver à une entente si nous avions convenu de prolonger les séances du comité et peut-être d'interroger le directeur général des élections en comité plénier. Cela aurait été très instructif pour tout le monde. Toutefois, je regrette de dire que ces questions n'ont fait l'objet d'aucune négociation.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : S'il n'y a pas d'autres questions, le débat est clos. Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président suppléant : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Convoquez les sénateurs. Nous procéderons à un vote par appel nominal à 16 h 29.

(1630)

[Traduction]

La motion, mise aux voix, est adoptée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Meredith
Bellemare Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Ogilvie
Champagne Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Rivard
Fortin-Duplessis Runciman
Frum Seidman
Gerstein Seth
Greene Smith (Saurel)
Housakos Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
Maltais Verner
Manning Wallace
Marshall Wells
Martin White—50

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Callbeck Jaffer
Campbell Joyal
Chaput Lovelace Nicholas
Charette-Poulin Massicotte
Cools McCoy
Cordy Mercer
Cowan Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
Dyck Ringuette
Eggleton Rivest
Fraser Robichaud
Furey Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Watt—30

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Nolin—1

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet des motions d'amendement—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P.,

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 10, à la page 11, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit :

« fédérale; il peut fixer et payer leur rémunération et ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 46 :

a) à la page 24, par suppression des lignes 42 à 44;

b) à la page 25 :

(i) par substitution, aux lignes 1 à 9, de ce qui suit :

« 46. (1) L'alinéa 143(2)b) de la même loi est »,

(ii) par substitution, à la ligne 15, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe 143(2.1) de la même loi »,

(iii) par substitution, aux lignes 23 à 28, de ce qui suit :

« (3) Le paragraphe 143(3) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(3) L'électeur peut établir son identité et sa résidence en prêtant »,

(iv) par substitution, à la ligne 39, de ce qui suit :

« b) répond de l'électeur en »;

c) à la page 26,

(i) par substitution, aux lignes 4 à 7, de ce qui suit :

« (iv) il n'a pas répondu d'un autre électeur à l'élection,

(v) aucun autre électeur ne s'est porté répondant pour lui à »,

(ii) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« (4) L'article 143 de la même loi est modifié »,

(iii) par suppression des lignes 16 à 23.

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 47 :

a) à la page 26, par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« 143.1 (1) Si une personne décide d'établir son identité et sa »;

b) à la page 27, par substitution, aux lignes 1 et 2, de ce qui suit :

« (2) Si une personne décide de répondre d'un électeur en prêtant serment par ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 50 :

a) à la page 28 :

(i) par substitution, aux lignes 7 à 10, de ce qui suit :

« b) soit en établissant son identité et sa résidence »,

(ii) par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« (ii) répond de l'électeur en »,

(iii) par substitution, aux lignes 36 à 40, de ce qui suit :

« (D) il n'a pas répondu d'un autre électeur à l'élection,

(E) aucun autre électeur ne s'est porté répondant pour lui à l'élection. »;

b) à la page 29, par suppression des lignes 36 à 39;

c) à la page 30, par suppression des lignes 1 à 4.

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 51, à la page 30 :

a) par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :

« 161.1 (1) Si une personne décide d'établir son identité et sa »;

b) par substitution, aux lignes 16 et 17, de ce qui suit :

« (2) Si une personne décide de répondre d'un électeur en prêtant serment par ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié, à l'article 57, à la page 34, par substitution, à la ligne 12, de ce qui suit :

« conformément au paragraphe 169(2) ou ne prête pas ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 60, à la page 37, par substitution, à la ligne 13, de ce qui suit :

« ment au paragraphe 169(2). ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 93 :

a) à la page 193, par suppression des lignes 23 à 38;

b) à la page 194 :

(i) par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :

« 93. (1) Les alinéas 489(2)d) et e) de la même »,

(ii) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :

« (2) Le paragraphe 489(3) de la même loi ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 46, à la page 25, par substitution, aux lignes 21 et 22, de ce qui suit :

« son auteur. ».

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 108, à la page 227, par adjonction, après la ligne 19, de ce qui suit :

« 510.01 (1) Sur demande ex parte du commissaire ou de son représentant autorisé, un juge d'un tribunal compétent au sens du paragraphe 525(1) peut, lorsqu'il est convaincu d'après une dénonciation faite sous serment ou affirmation solennelle qu'une enquête est menée en application de l'article 510 et qu'une personne détient ou détient vraisemblablement des renseignements pertinents à l'enquête en question, ordonner à cette personne de comparaître, selon ce que prévoit l'ordonnance de sorte que, sous serment ou affirmation solennelle, elle puisse, concernant toute question pertinente à l'enquête, être interrogée par le commissaire ou son représentant autorisé.

(2) Nul n'est dispensé de se conformer à une ordonnance visée au paragraphe (1) au motif que le témoignage qu'on exige de lui peut tendre à l'incriminer ou à l'exposer à quelque procédure ou pénalité, mais un témoignage qu'un individu a rendu conformément à une ordonnance prononcée en application du paragraphe (1) ne peut être utilisé ou admis contre celui-ci dans le cadre de poursuites criminelles intentées contre lui par la suite sauf en ce qui concerne une poursuite prévue à l'article 132 ou 136 du Code criminel.

(3) Le commissaire ou son représentant autorisé peut recevoir les serments et les affirmations solennelles dans le cadre des interrogatoires visés au paragraphe (1). ».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Chaput, que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 46, à la page 26 :

(i) par substitution, aux lignes 4 à 6, de ce qui suit :

« (iv) sa propre résidence n'a pas fait l'objet »,

(ii) par suppression des lignes 18 et 19;

b) à l'article 47, à la page 27, par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit :

« contrevient aux paragraphes 143(6) ou »;

c) à l'article 50 :

(i) à la page 28, par substitution, aux lignes 36 à 38, de ce qui suit :

« (D) sa propre résidence n'a pas fait »,

(ii) à la page 29, par suppression des lignes 38 et 39;

d) à l'article 51, à la page 30, par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit :

« contrevient aux paragraphes 161(7) ou »;

e) à l'article 54 :

(i) à la page 32, par substitution, aux lignes 11 à 13, de ce qui suit :

« (D) sa propre résidence n'a pas fait »,

(ii) à la page 33, par suppression des lignes 17 et 18;

f) à l'article 55, à la page 33, par substitution, à la ligne 40, de ce qui suit :

« contrevient aux paragraphes 169(6) ou »;

g) à l'article 60, à la page 37, par substitution, aux lignes 24 à 26, de ce qui suit :

« (3.1) Il est interdit à l'électeur pour lequel un »;

h) à l'article 93 :

(i) à la page 193 :

(A) par suppression des lignes 25 à 27,

(B) par suppression des lignes 33 à 35,

(ii) à la page 194, par substitution, aux lignes 3 à 7, de ce qui suit :

« d) quiconque contrevient au paragraphe 169(6) (attester d'une résidence alors que sa »;

i) à l'article 94.1, à la page 194, par substitution, aux lignes 27 à 32, de ce qui suit :

« a) contrevient au paragraphe 237.1(3.1) (attester d'une résidence alors que sa propre résidence est attestée);

b) contrevient à l'un ou l'autre des alinéas ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, hier le Sénat, avec le consentement des sénateurs, a convenu d'étudier simultanément deux amendements, à savoir celui du sénateur Moore et celui de la sénatrice Jaffer. Dans un tel cas, le débat porte sur les deux amendements ainsi rassemblés, ce qui veut dire que les sujets abordés peuvent être assez vastes. Le débat qui portera sur les deux amendements n'est pas le même que celui qui aura lieu à l'étape de la troisième lecture, qui se déroulera par la suite, si le temps le permet et si un sénateur demande la parole. Il me semble justifié, honorables sénateurs, de déterminer que, si un vote par appel nominal est demandé à la fin du débat sur les amendements, et si jamais les six heures n'étaient pas entièrement écoulées, la sonnerie retentira une seule fois pour un laps de temps que le Sénat fixera alors, conformément au Règlement.

Écoutez bien attentivement, honorables sénateurs, parce que c'est important : si on demande un vote sur le second amendement, celui-ci aura lieu sans que la sonnerie ne retentisse de nouveau. Dans ce cas, si les six heures de débat ne sont pas entièrement écoulées, le report automatique prévu à l'article 7-4(5) du Règlement ne s'appliquerait qu'au vote à l'étape de la troisième lecture, et non aux amendements. Si le débat sur les deux amendements prend la totalité des six heures allouées, le vote sur les deux motions en question sera reporté tout de suite après le vote à l'étape de la troisième lecture.

Les sénateurs sont-ils d'accord pour que l'on procède ainsi?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : C'est entendu. Commençons le débat.

(1640)

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de rappeler une remarque faite par le sénateur Lowell Murray en 2004, il y a 10 ans, relativement à un projet de loi portant sur des questions électorales. Il avait dit ceci :

Elles sont la source de trop de conflits d'intérêts, réels ou potentiels, pour ceux qui doivent être élus. Le Sénat devrait s'attaquer à ces questions. C'est sa responsabilité.

Je dois dire que, à mon avis, c'est ce que le Sénat a fait dans ce cas-ci.

La marraine du projet de loi, la sénatrice Frum, a dit hier, en présentant cette mesure à l'étape de la troisième lecture, que le comité et les sénateurs qui ont étudié cette question lui ont accordé une attention toute particulière. Ils ont saisi le Sénat d'amendements. Ils ont forcé le renvoi du projet de loi à la Chambre des communes. Ils ont même ouvert la voie à d'autres amendements. Je pense que tout ce processus aide notre système parlementaire à fonctionner comme il le devrait. J'aimerais féliciter la sénatrice Frum, le sénateur Baker et le sénateur Runciman, qui préside le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ainsi que tous ceux qui siègent à ce comité de nous avoir amenés aussi loin. Vous avez fait du bon travail.

Cela dit, je ne pense pas que les amendements vont assez loin. À l'inverse, je crois aussi que les amendements proposés hier vont trop loin. Je tiens à exprimer mon point de vue sur le projet de loi et sur les amendements dans leur forme actuelle.

Je vais tenter de situer mon propos dans un contexte approprié. Demain, au Brésil, débutera le plus merveilleux des événements quadriennaux, la Coupe du monde de soccer. Imaginez ce qui se produirait si, avant le début de cet événement tous les quatre ans, les autorités qui établissent les règles décidaient soudainement d'enlever leurs sifflets à tous les arbitres, de les priver de leurs cartons jaunes et de leurs cartons rouges, et leur disaient : « Désolé, nous ne pouvons pas remplacer vos chaussures à crampons parce que le budget ne nous le permet pas. »

Que se passerait-il? Honorables sénateurs, qu'arriverait-il dans cette série de matchs? Combien de tricheurs s'en tireraient impunément? Combien de bons joueurs seraient malmenés? Et, ce qui est peut-être plus pertinent ici, combien d'amateurs feraient encore confiance à ce jeu? Dans une large mesure, c'est ce que nous faisons à la Loi électorale du Canada et au grand événement quadriennal qu'on appelle les élections générales, sans parler de tout ce qui se passe entre ces rendez-vous.

Je ne connaissais pas bien la Loi électorale du Canada parce que je suis sénatrice et que je n'ai pas à m'inquiéter de cette loi. Toutefois, je peux m'y intéresser de près même si je n'en tire aucun avantage personnel. J'ai donc fait un grand effort. C'est un fascicule très épais, 338 pages, avec des détails terriblement pointus.

Globalement, elle impose au directeur général des élections, que j'appellerai le DGE, d'administrer équitablement le vote. Compte tenu du fait que, le jour dit, près de 230 000 personnes s'occupent des élections à quelque 65 000 bureaux de vote dispersés un peu partout dans le pays, c'est tout un défi pour le DGE. De plus, celui-ci surveille les partis politiques, les candidats et les associations de circonscription pour des choses telles que les dépenses d'enregistrement et les dépenses financières. Les règles s'appliquent pendant les campagnes électorales et en temps normal, entre les campagnes. Le DGE rend compte de ses activités à la Chambre des communes, et non au gouvernement.

Depuis près de 150 ans, le DGE nomme un commissaire aux élections fédérales, qui joue en fait un rôle d'arbitre. Le commissaire est explicitement chargé, à l'article 509, de s'assurer du respect et de l'application de la loi. Ces fonctions ne font pas partie des attributions du DGE. Conformité et contrôle d'application relèvent du commissaire.

La non-conformité aux règles constitue une infraction criminelle, qu'il s'agisse d'ajouter de faux bulletins dans l'urne ou d'en mettre dans la mauvaise enveloppe avec les résultats du scrutin. Toute violation constitue une infraction criminelle, et il incombe au commissaire de découvrir les cas de non-conformité, de les soumettre à une enquête, puis de prendre les mesures voulues.

Ces mesures comprennent un certain nombre de choses qu'il peut faire. Il peut demander à un juge d'émettre une injonction pour que certaines choses se produisent ou ne se produisent pas. Il peut renvoyer des cas. À l'heure actuelle, il renvoie les cas au directeur des poursuites pénales, ou DPP, en recommandant que des accusations soient portées au criminel et que des poursuites soient intentées. La décision appartient au DPP.

Le commissaire peut également conclure ce qu'on appelle une entente de conformité. Celle-ci impose des conditions à des particuliers ou à des organisations afin de remédier à une conduite non conforme. Je crois que le sénateur Gerstein pourrait nous renseigner sur les conditions de ces ententes. Tant qu'elles sont appliquées, il n'y a pas de poursuites au criminel. Autrement, des poursuites sont intentées.

Le commissaire est investi de vastes pouvoirs lui permettant de s'acquitter de toutes ses fonctions. L'article 513 lui permet de « prendre les mesures nécessaires, notamment en engageant les dépenses voulues relativement aux enquêtes, injonctions et transactions prévues », s'il « estime que l'intérêt public le justifie ». Malheureusement, le projet de loi C-23 affaiblit ces vastes pouvoirs. C'est la raison pour laquelle je m'inquiète des progrès de cette mesure législative.

Tout d'abord, c'est le directeur des poursuites pénales plutôt que le DGE qui nommera le commissaire et ce, sans consulter le directeur général des élections. Le projet de loi dit aussi que le DPP peut congédier le commissaire pour un motif déterminé et qu'il contrôle sa feuille de paie et ses autres dépenses. Il est vrai que le projet de loi dit aussi que le commissaire « mène ses enquêtes de façon indépendante du directeur des poursuites pénales », mais nous connaissons tous la règle d'or : c'est le propriétaire de l'or qui fait les règles. Je crains fort que ces arrangements ne compromettent inévitablement l'indépendance du commissaire, puisque le DPP relève d'un ministre politicien. Nous plaçons donc un poste qui est censé être neutre dans une zone dangereusement proche du domaine politique.

De plus, ces arrangements sont contraires à ce qui se fait d'ordinaire. Notre système de justice, comme d'autres l'ont mentionné, est conçu pour séparer le plus possible les pouvoirs d'enquête du pouvoir d'intenter des poursuites. C'est la raison pour laquelle, par exemple, le commissaire de la GRC ne relève pas du DPP. Même si la GRC renvoie des dossiers au DPP en lui recommandant d'intenter des poursuites, c'est le DPP qui décide en toute indépendance. La GRC ne relève donc pas du DPP parce que les entités d'enquête et de poursuites doivent être strictement indépendantes l'une de l'autre.

(1650)

Je crois que le commissaire aux élections fédérales devrait être dans la même situation. Comme il a des pouvoirs d'enquête, il devrait rester indépendant du bureau chargé des poursuites.

Il y a encore pire. Le commissaire est soumis à une ordonnance générale de non-divulgation tandis qu'il fait respecter la loi. Des exceptions limitées comprenant — croyez-le ou non — le consentement des personnes faisant l'objet de l'enquête ne font pas grand-chose pour modifier la règle générale, même si une exception fondée sur l'intérêt public a été ajoutée dans la dernière série de modifications.

Bref, la règle générale semble être renforcée par l'article 146 du projet de loi, qui permet au DPP de refuser de communiquer des renseignements liés à une enquête qui seraient demandés en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je suis vraiment ahurie — et nous devrions tous l'être — de voir qu'on peut même envisager d'imposer le secret sur des allégations de tricherie en vertu de notre Loi électorale ou de notre législation sur le financement politique ou les campagnes électorales. Il s'agit là de la conduite libre et équitable de nos institutions démocratiques, qui ne devrait être soumise à aucune forme de secret.

Beaucoup de Canadiens ont demandé que le commissaire soit investi du pouvoir d'obliger des personnes à témoigner. C'est l'un des amendements proposés hier par le sénateur Moore. Je ne vais pas aussi loin. Obliger les gens à témoigner est un pouvoir qui devrait, dans la plupart des cas, être réservé aux juges. Les agents de police ne l'ont pas. Et, d'une façon générale, les juges ne peuvent pas obliger quelqu'un à témoigner contre lui-même, en vertu de l'article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Les organismes d'enquête ont normalement de larges pouvoirs de perquisition et de saisie pour recueillir des preuves avec ou sans mandat. Je suis certainement d'accord pour dire que le commissaire devrait avoir ce pouvoir explicitement énoncé dans la Loi électorale du Canada. Il ne possède pas ce pouvoir. Mais aucun amendement n'a été présenté.

Je crois cependant que c'est aller trop loin que de contraindre des témoins à faire des dépositions. Nous devrions remplacer cela par un solide pouvoir de perquisition et de saisie au lieu de porter atteinte une fois de plus à un équilibre très soigneusement trouvé et à la séparation des pouvoirs. Nous ne voulons pas que des enquêteurs se laissent emporter par l'honnête engagement à obtenir le résultat souhaité lorsqu'ils croient que quelqu'un a fait quelque chose de mal. Nous voulons une autre personne qui ne met pas la même passion dans l'enquête pour étudier soigneusement les faits et voir s'il y a lieu ou non de passer à une autre étape.

Tous ces freins et contrepoids ont leur raison d'être pratique. Inutile de favoriser les atteintes à ces objectifs.

Inutile de dire que les incidents des appels automatisés, aux dernières élections générales, ont inquiété beaucoup de Canadiens. Le projet de loi contient de nouvelles dispositions pour réprimer ce comportement, mais elles ne vont pas très loin. On en a déjà parlé.

Puis-je avoir un peu plus de temps?

Des voix : D'accord.

La sénatrice McCoy : Le projet de loi prévoit trois choses. La première est un registre des services d'appels qui précisera qui les a engagés. Le registre sera confié au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC. Deuxièmement, les services d'appels doivent tenir un registre des messages informatisés et des dates où ils ont été utilisés. Le nouvel amendement prévoit que ces registres devront être conservés pendant trois ans. Troisièmement, le projet de loi exige que le CRTC remette au commissaire aux élections fédérales toute information qu'il demande au sujet des messages et des dates d'utilisation.

Évidemment, et je crois que le sénateur Moore en a parlé hier, et d'autres aussi, il manque quelque chose. Si on soupçonne qu'on a empêché des électeurs de voter, on voudra sûrement savoir si les électeurs admissibles ont reçu une information exacte par des appels automatisés. C'est aussi simple que cela.

Pour le déterminer, il faut savoir qui a reçu quelle information. C'est très facile. Il est simple de tenir un registre des destinataires des appels automatisés et des messages diffusés. C'est très facile. Il a été proposé de tenir un registre de tous les numéros de téléphone, et c'est ce qu'il faudrait faire. Au minimum, les services d'appels devraient être obligés de tenir un registre indiquant qui a été appelé à chaque date et quelle information a été donnée au cours de chacun de ces appels.

Telles sont les lacunes du projet de loi qui sera adopté. Elles sont très graves. Il y en a d'autres, et on peut argumenter dans un sens ou dans l'autre. Je conviens que la conservation des dossiers des appels automatisés pendant cinq ans aurait été préférable à trois ans. Peu importe; nous pouvons nous contenter de trois ans pour le moment.

Un dernier point qui n'a pas été mentionné, que je sache, mais que je voudrais soulever. Le projet de loi C-23 exige maintenant qu'Élections Canada attende que le Cabinet ou le cabinet du premier ministre lui demande d'aider d'autres pays pour leur processus électoral ou de leur donner de l'information à ce sujet. Il s'agit du nouvel article 18.1. Élections Canada doit attendre que le gouverneur en conseil lui demande d'offrir de l'aide à l'étranger.

Pourquoi? Pourquoi, je vous le demande, politiser ce qui devrait être un processus parfaitement neutre? Pourquoi inviter les ministres du cabinet à intervenir dans un réseau de mandataires du Parlement? À quoi pensons-nous? C'est là encore une grave imperfection.

Pour ces raisons, je n'appuierai pas le projet de loi.

Je ne sais pas trop quoi faire des amendements proposés hier, car j'en appuie beaucoup. D'une part, je n'appuie pas l'amendement qui vise à autoriser le commissaire à obliger des témoins à comparaître. Par conséquent, pour être parfaitement cohérente, je vais voter contre les amendements également.

Si je croyais que les amendements seraient adoptés ici et que, par conséquent, le projet de loi serait renvoyé aux Communes pour être de nouveau étudié, je les appuierais, puisqu'il y aurait une nouvelle occasion de délibérer, d'améliorer et non de renverser un bastion de nos institutions démocratiques.

J'en suis venue à comprendre, cependant, qu'il n'y avait aucune chance que la majorité conservatrice appuie ces amendements. Je profite donc de l'occasion pour être au moins conséquente en n'appuyant pas plus les amendements que le projet de loi.

(1700)

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, pour commencer, je tiens à féliciter la sénatrice McCoy de son intervention réfléchie, comme toujours, dans ce débat. Elle fait valoir un point de vue auquel nous ferions bien de prêter attention. Nous ne sommes pas toujours d'accord avec elle, mais nous conviendrons tous qu'elle apporte un point de vue utile et différent dans nos débats. Je la remercie donc de sa contribution. Je tiens aussi à remercier mes collègues, la sénatrice Jaffer et le sénateur Moore, de leurs interventions et des amendements qu'ils ont proposés. Je dirai d'emblée que je les appuie.

Les sénateurs ont parlé du fond du projet de loi. Tous trois ont abordé des articles qui se trouvaient dans la loi, signalant ce qui était à leurs yeux des omissions, des éléments qui auraient dû se trouver dans la loi. Ils ont fort bien arpenté ce territoire. Je conseille à ceux qui ne se trouvaient pas au Sénat lorsqu'ils ont pris la parole de lire leurs interventions avant de se prononcer sur les amendements et sur le projet de loi lui-même.

Je voudrais prendre quelques minutes pour demander comment nous en sommes arrivés là aujourd'hui. Comme je l'ai déjà dit bien des fois, je crois que le processus a son importance. La manière de faire les choses compte. La façon dont le gouvernement s'y prend a son importance, tout comme la façon dont nous parvenons à certaines conclusions. Le niveau auquel des parties intéressées et éclairées participent aux consultations qui aboutissent à des lois a aussi son importance.

Je rappelle à mes collègues que c'est en mars 2012, il y a plus de deux ans, que le gouvernement Harper a promis d'apporter des modifications à la Loi électorale, au moment où les Canadiens devenaient de plus en plus au courant du scandale des appels automatisés et s'en indignaient. C'est en mars 2012 que les conservateurs ont appuyé une motion à l'autre endroit promettant d'apporter des réformes à la Loi électorale dans les six mois. Cela nous aurait menés au début de l'automne 2012.

Faisons maintenant un bond jusqu'au mois d'avril 2013. Le ministre de la Réforme démocratique d'alors, Tim Uppal, devait présenter ou déposer le projet de loi du gouvernement sur la réforme électorale le 18 avril 2013, il y a environ 14 mois. Une séance d'information technique devait être donnée aux médias, mais le gouvernement a changé d'idée la veille et a annoncé que le projet de loi n'allait pas être présenté.

Le gouvernement a plutôt attendu jusqu'en février 2014 pour déposer la mesure législative proposée, soit 10 mois plus tard, au cours desquels aucune proposition précise n'a pu être étudiée et aucun projet de loi n'a été présenté aux fins d'étude et de discussion. Bref, aucune proposition précise n'a été présentée aux Canadiens, et encore moins au Parlement du Canada.

Honorables sénateurs, tout cet exercice a été mené à huis clos. Les médias nous ont appris que le caucus conservateur se penchait sur ce dossier, ce qui est tout à fait approprié. Selon les rumeurs, c'est pour cette raison que le projet de loi, qui devait être présenté en avril 2013, a été jeté à la poubelle.

Le point important, ici, est que les Canadiens n'ont jamais été consultés, et encore moins le directeur général des élections, qui doit surveiller le déroulement des élections au pays.

Honorables sénateurs, nous devrions réfléchir et comparer cette façon de faire à celle qui a eu cours par le passé, lorsque des changements à la Loi électorale étaient proposés puis étudiés par le Parlement. Je remonte à 1996, lorsque le gouvernement du premier ministre d'alors, Jean Chrétien, a présenté une série de changements importants à la Loi électorale. Ceux-ci prévoyaient, entre autres, une liste électorale permanente et une période électorale de 36 jours. À cette occasion, de vastes consultations publiques avaient été tenues, des propositions avaient été renvoyées à un comité de l'autre endroit et on avait demandé à ses membres d'amorcer des consultations au sein de leur caucus respectif. Des changements ont été apportés en fonction des recommandations reçues.

Ces consultations ont ensuite été suivies de longues délibérations au Parlement et d'une étude préalable menée par le comité de la Chambre des communes. Des amendements ont été apportés, y compris certains dont le ministre a dit à l'époque qu'ils « répondaient à la préoccupation légitime de l'opposition selon laquelle la réforme électorale ne doit pas favoriser un parti au détriment d'un autre ».

Dans le cas du projet de loi C-23, ce processus a été relégué aux oubliettes. Il n'a pas été respecté et je pense que c'est en grande partie parce que ce processus — ou un processus semblable — n'a pas été suivi que l'opposition partout au pays est aussi unanime face à cette mesure législative.

Je vais citer des propos tenus par Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général des élections, lorsqu'il a témoigné à l'autre endroit au sujet de l'élimination de la disposition sur le recours aux répondants. Il a dit qu'en l'absence d'amendements, « les Canadiens perdront la confiance qu'ils ont actuellement dans le processus électoral. Cela n'est pas acceptable. » C'est vraiment de cela dont il s'agit : la confiance des Canadiens dans le processus qui leur permet d'élire les députés de la Chambre des communes.

Comme je l'ai déjà mentionné, le Globe and Mail a pris une mesure qui, sauf erreur, est sans précédent. Jour après jour, durant une semaine complète, ce quotidien a consacré tous ses éditoriaux aux problèmes constatés dans le projet de loi C-23. Chaque éditorial était intitulé « Mettez la pédale douce, M. Poilievre ». Or, comme nous le savons maintenant, au lieu de suivre ce conseil, le gouvernement a plutôt accéléré le processus en faisant adopter à toute vitesse le projet de loi à la Chambre. C'est maintenant ce qui va se passer ici.

Cent soixante politologues qui travaillent dans des universités de toutes les régions du pays ont publié une lettre ouverte dans le National Post, pour signifier leur opposition à certaines dispositions du projet de loi C-23. Des milliers de Canadiens ordinaires — comme le savent ceux d'entre nous qui prennent le temps de lire les courriels reçus — ont exprimé leurs préoccupations, mais celles-ci ont pratiquement toutes été ignorées par le gouvernement. Les conservateurs ont brandi la menace d'une fraude électorale endémique ou généralisée, et ils se sont servis de cette excuse pour éliminer le recours à un répondant. Pourtant, ce recours est essentiel afin de permettre à un grand nombre de Canadiens, qui autrement ne pourraient pas le faire, de voter.

Je vous rappelle les paroles prononcées par la sénatrice Jaffer hier. Elle a dit : « Nous ne sommes pas préoccupés par les 87 ou 90 p. 100 de la population qui, comme nous tous ici, possèdent plusieurs pièces d'identité et figurent sur une liste d'électeurs. Si nous, sénateurs, avons un rôle à jouer, c'est de défendre ceux qui n'ont pas voix au chapitre, c'est-à-dire les minorités qui ont besoin de protection. Parmi celles-ci se trouvent, selon moi, des milliers de Canadiens — car il y en a plus que cinq ou six, comme le sénateur Plett l'a dit aujourd'hui — que l'adoption du projet de loi privera de leur droit de vote. Ces Canadiens s'attendent, et ils ont bien raison, à ce que le Sénat et les sénateurs les défendent. »

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : J'ai mentionné que l'opposition au projet de loi dépassait nos frontières. Dix-neuf universitaires et politologues de l'étranger — de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni, de l'Irlande, du Danemark et des États-Unis — ont exprimé par écrit leur vive inquiétude au sujet du projet de loi. Ils l'ont fait non pas parce que le droit de vote des Canadiens est en danger, mais pour une autre raison très précise. Dans leur lettre, ils disent être « préoccupés de voir la réputation du Canada sur la scène internationale en tant que gardien de la démocratie et des droits de la personne menacée par l'adoption de la Loi sur l'intégrité des élections qui est proposée ».

Le sénateur Campbell : C'est vrai.

Le sénateur Cowan : Le Canada sert d'exemple au monde entier. D'autres pays s'en inspirent pour organiser et tenir des élections justes et transparentes. Ces universitaires et politologues de l'étranger parlent de la réputation chèrement acquise du Canada, chose pour laquelle les partisans des gouvernements libéraux précédents, de ce côté-ci de la Chambre, ne s'attribuent pas le mérite. Ce sont les gouvernements libéraux et progressistes conservateurs qui ont bâti la solide réputation du Canada, en suivant les démarches que j'ai décrites cet après-midi.

(1710)

Chers collègues, à mon avis, ce n'est vraiment pas la bonne façon de procéder. Comme je l'ai dit, je parle plus particulièrement du processus utilisé pour nous forcer à adopter le projet de loi C-23. Il ne s'agit pas d'un débat légitime à l'issue duquel il y aura consensus au sujet d'un enjeu extrêmement important, qui est la raison d'être de notre pays, d'un pays démocratique, d'une démocratie. Je parle bien sûr du droit de vote. Ce n'est pas ce dont il s'agit ici. C'est du jamais vu, et à mon avis, c'est inacceptable.

Les Canadiens doivent pouvoir avoir la certitude — et je crois que, jusqu'à maintenant, ils avaient cette certitude — que les élections au pays sont justes et qu'ils pourront exprimer leur volonté démocratique le jour des élections. Plus tôt aujourd'hui, nous avons appris que des gens de l'Union interparlementaire et d'autres organisations, des gens qui siègent dans cette enceinte et à l'autre endroit, se sont rendus dans diverses régions du monde pour parler de démocratie et inciter d'autres gens à respecter les principes de la démocratie, à s'inspirer de nous et à nous voir comme un modèle à suivre quant à la façon dont une démocratie devrait fonctionner et dont les élections devraient se dérouler aujourd'hui.

Comment pouvons-nous adopter ce projet de loi en toute conscience, alors que de nombreux citoyens nous écrivent et nous envoient des courriels pour nous implorer de ralentir le processus, mais surtout, pour nous demander de veiller à ce que cette mesure législative, qui est censée garantir l'intégrité des élections, permette bel et bien d'atteindre cet objectif? Comment pouvons-nous ignorer le nombre incalculable d'opinions publiques et d'opinions réfléchies qui nous ont été communiquées, non seulement par des citoyens ordinaires, mais aussi, comme je l'ai mentionné, par des spécialistes et des observateurs des élections? Je parle ici des personnes qui s'occupent de l'organisation des élections ici, au Canada, et qui ont dit, presque à l'unanimité, que certaines parties du projet de loi doivent être modifiées.

Comme nous nous plaisons à le répéter, nous, sénateurs, sommes fiers de constituer la Chambre de second examen objectif. Notre travail consiste essentiellement à étudier les projets de loi que nous renvoie l'autre endroit. Lorsque les témoignages et les mémoires adressés par les Canadiens nous portent à croire qu'il faut améliorer un projet de loi, nous nous devons de faire valoir ces opinions et, au besoin, d'apporter les amendements nécessaires.

J'admets qu'il n'y a pas que du mauvais dans le projet de loi C-23. Il contient des dispositions que je serais prêt à appuyer, mais il en contient beaucoup d'autres auxquelles je ne pourrai jamais adhérer.

Comme je l'ai dit initialement, j'appuie les amendements qu'ont proposés les sénateurs Moore et Jaffer, et je vous recommande de faire la même chose. Je partage le pessimisme de ma collègue et amie, la sénatrice McCoy, quant à leurs chances de succès, mais cela n'en reste pas moins de bonnes propositions d'amendement qui amélioreraient considérablement le projet de loi. D'ailleurs, s'ils ne sont pas adoptés, je ne pourrai manifestement pas appuyer le projet de loi.

Pour conclure, honorables sénateurs, je tiens à citer un court article du retraité diplomate et auteur Alan Bowker, paru dans l'Ottawa Citizen du 16 avril dernier. Il a le titre suivant : « En matière de réforme électorale, les conservateurs gagneraient à s'inspirer de Borden ». C'est peut-être parce que je viens de la Nouvelle-Écosse qu'il a accroché mon regard. Après tout, sir Robert Borden fut à la fois un Néo-Écossais émérite et un excellent premier ministre — conservateur — du Canada.

Voici ce qu'a écrit M. Bowker :

En mai 1920, sir Robert Borden s'apprête à prendre sa retraite, usé par ses années à la tête du Canada pendant la Grande Guerre, qui a coûté la vie à 66 000 Canadiens et ébranlé les fondements mêmes de la société canadienne. Son dernier geste politique avant de tirer sa révérence consiste à faire adopter la Loi du cens électoral fédéral, qui réformera de fond en comble le régime électoral du Canada.

La guerre a eu de lourdes conséquences, et ses répercussions sur les traditions démocratiques du Canada n'étaient pas parmi les moindres. La Loi sur les mesures de guerre avait donné au gouvernement le pouvoir quasi illimité de gouverner par décrets, et le gouvernement avait pris de plus en plus l'habitude de le faire. En 1917, quand le premier ministre Borden est arrivé à la conclusion que la conscription — à laquelle les Canadiens français s'opposaient farouchement — était le seul moyen de fournir le personnel nécessaire pour gagner la guerre, il a attiré des libéraux anglophones dans un gouvernement de coalition et a pipé les dés pour remporter les élections cette année-là. Les femmes de la famille des militaires ont obtenu le droit de vote, les militaires aussi ont pu voter, mais des immigrants de longue date venus de pays ennemis ont été privés de ce droit. La coalition a gagné, mais les Canadiens ont été profondément divisés, le Canada français a été isolé et les normes démocratiques avaient été foulées aux pieds.

Devant les défis que posaient la reconstruction et l'agitation sociale dans l'atmosphère lourde de l'après-guerre et pour assurer sa propre survie, le gouvernement de Borden aurait peut-être souhaité conserver ces pouvoirs du temps de guerre. Cependant, pour le premier ministre et son Cabinet, le rétablissement de la démocratie, pour laquelle tant de personnes avaient donné leur vie, et l'élimination des abus qui avaient gâché les élections depuis la Confédération constituaient des éléments cruciaux de la reconstruction de l'après-guerre.

La Loi des mesures de guerre est tombée en désuétude à la fin de 1919 et ceux qui avaient résisté à la conscription ont été amnistiés. En mars 1920, le gouvernement a présenté un projet de loi sur le cens électoral fédéral qui accordait le droit de vote à presque tous les Canadiens, prévoyait la nomination d'un directeur général des élections responsable devant le Parlement, l'établissement de listes d'électeurs normalisées, la possibilité de voter par anticipation ainsi que l'autorisation de s'absenter du travail pour aller voter et établissait la procédure détaillée pour tous les aspects de la tenue des élections. Un comité parlementaire a examiné minutieusement ces mesures et le gouvernement a accepté la plupart des modifications demandées par l'opposition. Bien sûr, certains désaccords sont demeurés, au sein des partis et entre eux, et les Autochtones ont continué d'être exclus, tout comme ceux que les provinces privaient du droit de vote « pour des motifs raciaux ». La Loi des élections fédérales qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1920 était néanmoins le fruit de consultations, de débats et d'une volonté politique générale.

L'efficacité de cette mesure a été démontrée lors des élections fédérales de 1921, qui ont marqué un point tournant dans l'histoire canadienne. Mackenzie King et son équipe libérale revitalisée ont été élus à la tête d'un gouvernement minoritaire, et les Canadiens français se sont ralliés à la politique canadienne. Les conservateurs ont été décimés, mais ils allaient revenir plus forts aux élections de 1925. Les progressistes et un petit groupe de travaillistes ont créé la tradition d'un troisième parti, tradition qui se perpétue encore. Les résultats étaient importants, bien sûr, mais le déroulement des élections avait aussi son importance. En effet, les femmes pouvaient voter pour la première fois, ce qui a porté le nombre d'électeurs à un nouveau sommet. Malgré cela, sous la surveillance du directeur général des élections, Oliver Mowat Biggar, et de 75 000 préposés électoraux rapidement formés, ces élections ont été les mieux gérées que le Canada ait connues jusqu'alors. Tout n'était pas parfait, ce qui allait inspirer des améliorations au fil des ans. Mais cette expérience a servi de base au système électoral que nous tenons maintenant pour acquis.

Il est maintenant stupéfiant, moins d'un siècle plus tard, de voir un gouvernement conservateur présenter une présumée Loi sur l'équité des élections qui semble favoriser le parti au pouvoir; qui restreint les pouvoirs du directeur général des élections; qui propose de revenir, du moins en partie, au système dominé par un parti que la Loi de 1920 a remplacé; une loi dont le cheminement au Parlement est poussé par un ministre férocement partisan qui méprise les points de vue différents des siens, répète à l'infini les mêmes notes d'allocution, s'attaque avec mépris à l'opinion des experts et aux experts eux-mêmes, et n'envisage qu'avec une extrême réticence la possibilité d'apporter quelque amendement que ce soit. Ce projet de loi contient peut-être plusieurs changements positifs. Mais la façon dont il est géré montre un mépris profond pour les traditions démocratiques.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Ce sont les conclusions de M. Bowker. Il a aussi dit ceci :

Selon moi, c'est sir Robert Borden, et non John Diefenbaker, qui a été le meilleur premier ministre conservateur du siècle dernier. Pour ces deux hommes, l'esprit de la démocratie se trouvait dans une confiance sacrée anoblie par le sacrifice. Le gouvernement Harper se comporte davantage comme le Borden de 1917 — celui dont les gestes n'étaient pas motivés par la crise nationale — que comme le Borden de 1920, celui dont le gouvernement a rétabli et revitalisé la démocratie canadienne. Les conservateurs d'aujourd'hui doivent se demander à quel Borden ils souhaitent ressembler et quel héritage ils souhaitent préserver.

L'honorable Linda Frum : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

La sénatrice Frum : Sénateur, vous avez parlé de la vitesse à laquelle ce projet de loi avait été traité, une vitesse que vous déplorez malgré les 19 réunions du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre de l'autre endroit, qui a entendu 74 témoins, et les 6 réunions du Comité sénatorial des affaires juridiques, qui a entendu 20 témoins. L'un des témoins entendus par le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre était Marc Mayrand, directeur général des élections du Canada. Il a dit qu'il espérait que tout amendement apporté au projet de loi soit adopté au plus tard au printemps 2014, afin que son bureau puisse mettre en œuvre les changements nécessaires et obtenir des ressources supplémentaires à temps pour le mois d'octobre 2015. Compte tenu que le directeur général des élections lui-même a demandé que le projet de loi soit adopté au plus tard ce printemps, allez-vous retirer vos propos selon lesquels nous devons faire perdurer le débat sur cette mesure législative jusqu'à l'automne?

(1720)

Le sénateur Cowan : Je n'en ai pas l'intention. Sénatrice Frum, il est clair que le projet de loi sera probablement adopté aujourd'hui ou demain, en tout cas certainement avant la pause estivale. Je pense que cela ne fait aucun doute. La sénatrice Fraser a dit que, si des garanties avaient été demandées, elles auraient probablement été données. Ces garanties n'ont pas été demandées. Si j'ai parlé du processus, c'est parce qu'en 2012, le gouvernement avait pris des engagements relativement à l'adoption d'une mesure législative. Il avait dit qu'une telle mesure serait adoptée dans un délai de six mois. Il y a eu des discussions et un projet de loi devait être annoncé. Si le projet de loi avait été annoncé à l'époque, nous aurions eu amplement le temps d'en discuter. Dix mois se sont écoulés avant que le projet de loi soit enfin présenté, sans la tenue de consultations comme l'avaient fait les gouvernements précédents, tant libéral que progressiste conservateur. Mon objection est liée au processus.

Il ne fait aucun doute que le projet de loi va être adopté. Vous avez la majorité requise. Nous en sommes conscients. Ma préoccupation est liée au processus, à l'absence de consultations et au refus du gouvernement d'écouter les opinions réfléchies des Canadiens, y compris des experts que vous citez. Je suis sûr que si j'étais le directeur général des élections, je voudrais que la Loi électorale soit adoptée le plus rapidement possible avant la tenue des élections. Il va de soi que c'est dans son intérêt. Je pense que vous conviendrez que la préoccupation fondamentale du directeur général des élections est d'avoir une bonne mesure législative. Personnellement, ce qui me préoccupe, c'est que je ne crois pas que ce soit le cas, même avec les amendements judicieux proposés par mes collègues.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi. Comme plusieurs d'entre vous, j'ai reçu de très nombreux courriels de Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui sont très préoccupés par cette mesure législative. De toute évidence, les gens de toutes les régions du pays qui communiquent avec moi ne sont pas les mêmes que ceux auxquels le sénateur Plett a fait allusion.

Le sénateur Mercer : Il évolue dans un milieu différent.

Le sénateur Day : Nous sommes devant deux points de vue différents, au moins.

Honorables sénateurs, ce projet de loi n'est pas une bonne mesure législative. Je tiens à le dire clairement. Il ne résistera pas à un examen par les tribunaux et il reviendra devant le Parlement pour être amélioré et modifié. Il n'aura pas pour effet de rendre le processus électoral plus juste, plus rigoureux ou plus démocratique.

Comment en sommes-nous arrivés là? Nous avons convenu de faire une étude préalable du projet de loi, ce qui n'a rien d'inhabituel pour notre institution. Certains feront valoir que le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a tenu six séances et qu'il a entendu un bon nombre de témoins, mais tout cela s'est fait dans le cadre d'une étude préalable. Cet exercice visait à nous permettre de comprendre la teneur du projet de loi. Il ne s'agissait pas d'un second examen objectif. C'est ce que nous sommes en train de faire qui est un second examen objectif. C'est maintenant que nous étudions le projet de loi tel qu'il a finalement été adopté à l'autre endroit. Telle est la responsabilité qui incombe à notre institution : procéder à un second examen objectif. Nous devons nous pencher sur la mesure législative adoptée et faire valoir nos points de vue. Tel est notre mandat à titre de sénateurs et cet exercice n'a rien à voir avec la majorité. Il nous incombe de veiller aux intérêts des régions et des groupes minoritaires. Cela ne peut se faire qu'une fois que nous avons pris connaissance de ce que la majorité nous a envoyé. Je suis préoccupé par l'absence d'un second examen objectif digne de ce nom.

De plus, honorables sénateurs, on nous a imposé une motion de clôture. Non seulement ne pouvons-nous pas effectuer un second examen objectif du projet de loi, mais on nous oblige à l'étudier dans un délai très serré afin que le gouvernement puisse l'adopter.

Je vais terminer mon intervention comme je l'ai commencée : pour les raisons que j'ai mentionnées, ce n'est pas un bon projet de loi.

J'accepte les arguments mis de l'avant aujourd'hui par le sénateur Cowan et la sénatrice McCoy et je vous invite à en prendre connaissance. Ils étaient très intéressants. Il y a tant de questions que nous pourrions aborder, mais bien évidemment, c'est impossible dans les délais qui nous ont été imposés. Les interventions du sénateur Moore et de la sénatrice Jaffer ont beaucoup contribué à notre compréhension du projet de loi. Contrairement à la sénatrice McCoy, j'accepte les amendements proposés par le sénateur Moore et la sénatrice Jaffer et je voterai en faveur de ces amendements car j'estime qu'ils constituent un pas dans la bonne direction.

Je félicite également le gouvernement d'avoir donné suite à au moins quelques-unes des observations faites par le comité durant son étude — neuf recommandations ont été formulées, dont cinq ont été retenues, dans une certaine mesure. J'en félicite le gouvernement. C'est bien l'avantage des études préliminaires : le gouvernement peut étudier ce que le Sénat a proposé, comprendre comment le Sénat examine le projet de loi et réagir avant même que celui-ci soit renvoyé au Sénat aux fins d'un second examen objectif.

Je rappelle également aux honorables sénateurs qu'une opinion minoritaire a été jointe au projet de loi lorsqu'il a été renvoyé, assortie de sept recommandations supplémentaires. Quatre des recommandations auxquelles on n'a pas donné suite étaient issues d'une majorité des membres du comité, et sept autres auxquelles on n'a pas donné suite étaient issues d'une minorité de membres du comité. Le gouvernement a donc rejeté 12 recommandations au total, ce que je trouve regrettable.

Honorables sénateurs, je pourrais probablement résumer le processus de nomination et ce qui s'est passé ici en citant Andrew Coyne, commentateur politique bien connu et très respecté avec qui je ne suis pas toujours d'accord. Dans son article sur le projet de loi C-23, Andrew Coyne a dit ceci :

Il y a très peu d'intégrité dans la façon dont les conservateurs cherchent à faire adopter leur loi électorale controversée.

Il serait vulgaire de penser que les conservateurs complotent en vue de truquer les prochaines élections, au vu et au su de tous. Lorsqu'on est déterminé à empêcher les partisans de l'opposition à voter, à contourner le plafond des dépenses et à commettre de la fraude électorale, il est probable qu'on ne prendrait pas la peine de l'annoncer dans un projet de loi.

Par contre, si les conservateurs ne sont pas mal intentionnés, ils s'évertuent à nous convaincre qu'ils le sont. Le secret entourant la Loi sur l'intégrité des élections, l'absence de consultation avant le processus d'élaboration, la limitation du débat, l'indifférence suprême à l'égard des critiques légitimes, tout cela sous le regard qui donne froid dans le dos du ministre de la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, suffiraient à rendre quiconque méfiant.

Il est encore plus inquiétant que le ministre ait omis d'expliquer pourquoi les mesures les plus controversées du projet de loi étaient jugées nécessaires — et quels problèmes elles permettraient de résoudre — et pourquoi elles s'écartent à ce point des recommandations des experts dans le domaine, ou de la pratique actuelle, au Canada et à l'étranger.

(1730)

Voilà un commentaire très révélateur de la part de quelqu'un qui connaît très bien le processus politique.

Il poursuit ainsi :

Mardi, M. Poilievre a déclaré devant un comité sénatorial que le directeur général des élections, Marc Mayrand, ne veut que « plus de pouvoirs, un budget plus important et moins de comptes à rendre. »

Voilà en quels termes un ministre de la Couronne décrit un mandataire du Parlement.

D'autres députés ministériels auraient laissé entendre que l'ancienne vérificatrice générale, Sheila Fraser, était sur la sellette : n'avait-elle pas accepté une rémunération pour siéger en tant que coprésidente du Comité consultatif d'Élections Canada? Un sénateur conservateur a décrit les autres membres du comité, parmi lesquels figurent certaines des personnalités les plus respectées du pays en politique et en droit, comme des « célébrités ». À l'inverse, les directeurs provinciaux des élections, les politicologues, les professeurs de droit et d'autres spécialistes qui ont dénoncé le projet de loi ont été décriés comme des « pseudo-experts ».

Honorables sénateurs, c'est l'œuvre d'un gouvernement qui fait tout ce qu'il peut pour convaincre le public que cette mesure législative est nécessaire.

Permettez-moi de parler brièvement des mandataires du Parlement, car c'est ce que sont la commissaire à la protection de la vie privée, le vérificateur général ainsi que le directeur général des élections. Nous avons étudié la question des mandataires du Parlement, tant au Sénat qu'au comité. Nous savons à quel point il est important qu'ils restent indépendants et impartiaux. Nous avons parlé des conflits d'intérêts, car ils participent au processus visant à allouer les fonds nécessaires pour payer leurs salaires et ceux de leurs employés. Le sénateur Gerstein se souviendra certainement des études que nous avons faites au Comité des finances à ce sujet et des points qu'a fait valoir Sheila Fraser — qui, après 10 ans de service, était sur le point de passer le flambeau — concernant l'importance de créer un environnement dans lequel les quatre mandataires du Parlement peuvent travailler, de façon tout à fait indépendante, pour tous les parlementaires, pas seulement les ministériels.

Voici comment le premier ministre a décrit, en 2007, le mandataire du Parlement dont il est question aujourd'hui :

Avec ses qualités de gestionnaire et son énergie, doublées d'une expérience attestée dans le domaine des opérations et de la surveillance de l'application des règlements, Marc Mayrand est la personne tout indiquée pour assumer les hautes responsabilités de ce poste.

C'est ce qu'a déclaré le premier ministre en 2007 lorsqu'il a nommé M. Mayrand. Ensuite, que s'est-il passé? Pierre Poilievre a déclaré que M. Mayrand porte le chandail de l'un des partis politiques représentés au Parlement, qu'on ne peut pas lui faire confiance et qu'il essaie simplement de servir ses propres intérêts. C'est très grave, honorables sénateurs, lorsqu'on décide de ne pas mener de consultations et de ne pas dire : « Vous avez fait ce travail pendant de nombreuses années. Dites-nous quelles mesures devraient être prises et demandons aux anciens mandataires du Parlement et au directeur général des élections ce qu'ils en pensent. »

Le gouvernement n'est pas obligé d'accepter tout ce qu'on lui dit, mais il devrait à tout le moins se fier aux conseils et à l'expertise des responsables qui occupent les fonctions, au lieu de dire : « Eh bien, il ne vaut pas la peine de leur parler. Nous n'allons pas tenir de consultations. S'ils ont des commentaires à faire sur notre projet de loi — au sujet duquel nous ne les avons jamais consultés —, nous allons tout simplement dire qu'ils sont incompétents. Nous allons dire qu'il ne vaut pas la peine de connaître leur avis et nous allons les dénigrer de toutes les façons possibles. »

Honorables sénateurs, c'est le point principal que je souhaitais soulever, car il est lié au travail que nous faisons au Comité des finances nationales en ce qui concerne les agents du Parlement.

J'aimerais souligner un autre point qui, selon moi, est aussi important. Il a été soulevé par M. Colin Bennett, qui est professeur au Département des sciences politiques, à l'Université de Victoria. Durant sa comparution à titre personnel devant le comité, M. Bennett s'est dit inquiet au sujet des répercussions sur la protection de la vie privée de certaines dispositions du projet qui exigent la présentation de ce qu'il appelle les « cartes de bingo ». Ces cartes, qui montrent qui a voté et qui ne l'a pas fait, sont préparées par le scrutateur affecté à chacun des bureaux de scrutin. Des dispositions du projet de loi exigeraient que ces cartes soient mises à la disposition des représentants des candidats. C'est ce que prévoient les dispositions en question.

L'autre inquiétude soulevée par M. Bennett au sujet de la protection de la vie privée porte sur le fait que le projet de loi exigerait que le directeur général des élections mette à la disposition des représentants des candidats les pièces d'identité produites par les électeurs potentiels. Ce qui est préoccupant, c'est que certains électeurs potentiels pourraient produire des documents permettant d'établir leur identité, c'est-à-dire des renseignements que l'on ne s'attendrait pas à voir être communiqués à qui que ce soit. M. Bennett a dit qu'il était très inquiet au sujet de ces deux questions et que les dispositions pertinentes devraient être assouplies. Il était d'avis que des mécanismes s'imposaient pour protéger la vie privée des électeurs. En fait, un amendement a été proposé à la Chambre des communes pour régler ces deux problèmes, mais il a été rejeté.

Honorables sénateurs, voilà simplement quelques points dont je souhaitais vous faire part pendant le temps de parole qui m'était imparti. Je répète qu'il ne s'agit pas d'un bon projet de loi et que nous ne devrions donc pas l'adopter.

Je vous remercie, honorables sénateurs.

[Français]

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, le projet de loi C-23 a suscité énormément de controverse au cours des derniers mois, et un désaccord sur plusieurs mesures persiste.

Lors de leurs interventions, les honorables sénateurs Moore et Jaffer ont mis en lumière plusieurs des lacunes de ce projet de loi. Je ne veux pas répéter tous les points qu'ils ont mentionnés, mais il convient d'en récapituler certains qui me semblent importants.

Premièrement, le projet de loi propose d'établir des règles plus restrictives concernant l'identification des électeurs et le droit de vote.

Il abolit l'utilisation des cartes d'information des électeurs comme pièce d'identité admissible, et ce, même si Élections Canada continuera de distribuer ces cartes aux électeurs.

(1740)

De plus, le projet de loi élimine le recours au système d'attestation par un répondant pour les électeurs qui n'ont pas les pièces d'identité exigées. Pour justifier cette mesure, le gouvernement a évoqué les risques de fraude électorale, et ce, même s'il n'y a jamais eu de cas avérés de fraude liés à cette pratique.

Le système d'attestation est un mécanisme qui protège le droit de vote des citoyens qui ne possèdent pas de pièces d'identification officiellement reconnues. Qu'est-ce qui va le remplacer? Près de 120 000 citoyens se sont prévalus du système de répondant lors de l'élection générale de 2011. Selon le directeur général des élections, l'élimination de ce mécanisme aura un impact disproportionné sur le droit de vote des individus issus de groupes qui sont déjà largement marginalisés dans le cadre du système électoral, tels que les jeunes, les Autochtones et les moins nantis.

Les mesures qui restreignent les pouvoirs d'Élections Canada, plutôt que d'habiliter l'agence à mener à bien ses enquêtes, sont un autre élément préoccupant de ce projet de loi. En effet, Élections Canada réclame des changements à la loi depuis fort longtemps, y compris des règles plus strictes en ce qui concerne les appels automatisés et, surtout, de plus vastes pouvoirs d'enquête.

Des enquêtes menées par Élections Canada au cours des dernières années ont, en effet, été entravées par l'incapacité de l'agence à exiger la production de documents et de témoignages en temps opportun. Il serait donc important d'autoriser le commissaire aux élections fédérales à demander à un juge de rendre une ordonnance afin d'obliger des témoins à témoigner dans le cadre d'enquêtes. Rien de cela ne figure dans le projet de loi. Plutôt que de fournir au commissaire les pouvoirs réclamés, le projet de loi propose d'éliminer complètement le pouvoir de contrainte d'Élections Canada et de le transférer au Bureau du directeur des poursuites pénales.

Je rejoins également mes honorables collègues, la sénatrice Jaffer et le sénateur Moore, lorsqu'ils rappellent que nous devons tout faire pour encourager le plus grand nombre possible de citoyens à exercer leur droit de vote. C'est pourquoi j'aimerais soulever une question qui a été peu abordée lors de l'examen du projet de loi C-23 : le respect de l'esprit de la Loi sur les langues officielles.

En effet, le gouvernement ne semble pas avoir mesuré les conséquences potentielles de son projet de loi sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Permettez-moi donc de soulever deux préoccupations ayant trait aux francophones vivant en situation minoritaire.

La première concerne les dispositions du projet de loi sur la nomination des fonctionnaires électoraux, que l'on retrouve aux articles 18, 19, 21 et 44 du projet de loi. Actuellement, selon la Loi électorale du Canada les scrutateurs et les greffiers sont nommés à partir de listes fournies par les candidats dont le parti s'est classé premier ou deuxième dans la circonscription lors de l'élection précédente. Comme l'a souligné la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, lors de sa comparution devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ces dispositions sont déjà à la source de sérieux problèmes lorsqu'il s'agit de donner aux citoyens francophones l'assurance qu'ils recevront des services dans la langue officielle de leur choix au bureau du scrutin.

Malheureusement, les modifications proposées par les articles 18, 19, 21 et 44 étendent ce procédé à d'autres postes, tels que les superviseurs de centres de scrutin. Elles ajoutent aussi les associations de circonscriptions enregistrées et les partis politiques à la liste des entités qui peuvent recommander des personnes pour ces postes. Ni les candidats, ni les associations de partis, ni les partis politiques eux-mêmes n'ont d'obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. Par conséquent, comme l'a bien démontré la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, le projet de loi C-23 risque d'amputer Élections Canada de ses moyens de s'assurer que les personnes qui figurent sur les listes de candidats à des postes de fonctionnaires électoraux répondent aux obligations prévues par la Loi sur les langues officielles. Autrement dit, dans un contexte où Élections Canada ne peut garantir la capacité des fonctionnaires électoraux d'offrir le service dans les deux langues officielles, on peut s'inquiéter de la participation des francophones en situation minoritaire à la vie démocratique.

Certes, l'article 13 du projet de loi sur la nomination des agents de liaison locale par le directeur général des élections du Canada pourrait être une voie par laquelle les francophones seraient impliqués dans le processus électoral. Malheureusement, vous le savez, nos communautés n'ont pas la masse critique suffisante pour que cette mesure soit efficiente.

D'autre part, l'article 7 relatif à l'information fournie au public par le directeur général des élections soulève des problèmes à bien des égards. En proposant de mettre fin au pouvoir du directeur général des élections de communiquer avec le public pour faire connaître le processus électoral, celui-ci n'aurait plus la capacité de mettre en place les programmes d'information en français visant à favoriser la participation électorale des citoyens qui vivent en situation minoritaire.

En effet, avec les modifications proposées, le rôle pédagogique et civique reviendrait aux partis politiques, qui ne sont pas assujettis à la Loi sur les langues officielles. Que se passera-t-il dans les régions où les francophones sont dispersés ou très minoritaires? Que se passera-t-il dans les régions où les anglophones sont dispersés ou très minoritaires? Quels sont les moyens envisagés pour faire la promotion du vote auprès des francophones? Quels sont les moyens envisagés pour faire la promotion du vote auprès des anglophones au Québec? J'y vois ici un obstacle possible à la pleine participation au processus électoral des Canadiens qui veulent avoir accès à des services et à de l'information dans la langue de la minorité officielle.

De ce fait, la modification proposée s'oppose à l'esprit de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, selon laquelle, et je cite :

Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

En limitant l'accès aux sources d'information essentielles, l'article 7 du projet de loi C-23 risque d'introduire une inégalité de traitement entre les Canadiens. Au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, les commissions électorales ont le mandat de promouvoir et d'informer leurs minorités linguistiques ou culturelles à travers des programmes éducatifs et de promotion civique. La Loi électorale du Canada devrait renforcer le rôle du directeur général des élections afin de favoriser l'engagement civique de ces communautés en ce qui a trait à l'exercice de leurs droits démocratiques.

Je déplore donc l'idée qu'Élections Canada soit désormais limitée dans ses démarches pédagogiques aux seuls élèves du primaire et du secondaire.

(1750)

Honorables sénateurs, les 150 ans de la Confédération nous offrent l'occasion de mobiliser tous les Canadiens, de réaffirmer notre fidélité aux valeurs communes pour affirmer avec fierté nos valeurs démocratiques, l'originalité de notre pays, de notre culture et de notre dualité linguistiques qui doivent être préservées et promues partout au pays. Or, avec ce projet de loi, nous sommes loin de l'esprit de l'un des piliers de la dualité canadienne, la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Honorables sénateurs, je termine en rappelant que le principe qui devrait guider notre évaluation de toute réforme du système électoral est la garantie que chaque Canadien a le droit de vote, un droit protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Or, ce qui menace présentement ce droit, ainsi que notre système électoral, ce sont les taux de participation électorale qui sont à la baisse depuis plusieurs années. Pour renforcer notre système électoral, nous devons songer aux mesures qui encourageraient les Canadiens à s'engager dans le processus démocratique. Il faut notamment rendre l'exercice du droit de vote aussi accessible que possible. Malheureusement, ce projet de loi comporte des mesures qui vont dans le sens contraire de ce principe.

J'invite donc les sénateurs à appuyer les amendements proposés par les sénateurs Moore et Jaffer pour combler ces lacunes et, ainsi, assurer l'intégrité de notre système électoral pour le plus grand bien du Canada et de tous ses citoyens.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Tardif : Oui, certainement.

Le sénateur Mercer : La sénatrice Frum a parlé des réunions tenues à l'autre endroit et de l'étude préalable que nous avons menée. Cependant, elle n'a pas parlé de rencontres avec des Canadiens. N'aurait-il pas été judicieux de tenir des audiences publiques dans l'ensemble du pays? La question est de savoir ce qu'en pensent les gens de St. John's, de Charlottetown, de ma propre ville, Halifax, de Fredericton, de Québec, de Toronto, de Winnipeg, de Regina, de votre ville, Edmonton, de Victoria, ou même des trois territoires. Qu'en pensent-ils?

Avant d'apporter un changement fondamental à la façon dont les Canadiens choisissent leurs représentants à la Chambre des communes, n'aurait-il pas été judicieux de demander tout simplement l'avis des Canadiens?

La sénatrice Tardif : Honorable sénateur, je n'aurais pas pu mieux dire. Je suis tout à fait de votre avis. Je suis sidérée qu'on n'ait pas commencé par cette étape.

Son Honneur le Président intérimaire : Suite du débat. La sénatrice Dyck a la parole.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet des dispositions du projet de loi sur l'intégrité des élections qui concernent le recours à un répondant, car elles auront des conséquences importantes pour les membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves.

Comme je l'ai déjà dit, le processus électoral devrait être le plus accessible possible à tous les citoyens canadiens. N'oublions pas que, jusqu'en 1960, les Premières Nations du Canada ne pouvaient pas voter aux élections fédérales à moins de renoncer à leur statut d'Indien. Par ailleurs, les Canadiens de descendance chinoise ont obtenu le droit de vote en 1945. J'évoque ces deux situations parce que mes parents étaient d'origines autochtone et chinoise. Si ma mère avait été encore vivante lorsque j'étais à l'école secondaire, j'aurais pu dire que, lorsque j'étais en neuvième année, ma mère n'aurait pas pu voter aux élections si elle avait conservé son statut d'Indienne. Il est difficile de croire que ce genre de situation puisse avoir eu lieu dans l'histoire d'un pays comme le Canada.

Je m'inquiète encore de la question du recours aux répondants parce qu'au Canada, à l'heure actuelle, il y a probablement près de 150 000 ou 170 000 Autochtones en âge de voter qui vivent dans les réserves. C'est ce que je présume, mais mes chiffres doivent être assez près de la réalité. Comme nous le savons tous, près de la moitié des habitants des réserves sont très jeunes, et ce n'est pas tout le monde qui a un permis de conduire. Bien entendu, on y trouve votre photo et votre adresse, il est délivré par le gouvernement et il est le même pour tout le monde. Nous savons tous que c'est plus difficile dans les réserves parce les gens n'ont pas de permis de conduire et n'ont probablement pas de factures ou un autre document du genre parce qu'ils n'ont pas d'adresse. Les gens peuvent donc avoir de la difficulté à voter.

En revanche, tous les Autochtones qui vivent dans une réserve détiennent un certificat de statut d'Indien, mais ce document, présenté seul, n'est pas accepté, et ce, malgré qu'il ressemble beaucoup à mon permis de conduire. J'ai dû attendre près d'un an avant d'obtenir mon nouveau certificat de statut d'Indien. Il s'agit d'un document sûr; on y trouve un petit hologramme, mon numéro et ma date de naissance. Aucune adresse n'y figure, mais le nom de ma réserve s'y trouve : la Première Nation George Gordon. Je n'y habite pas, et, même si j'y demeurais, mon adresse ne s'y trouverait pas. Cela me préoccupe.

Le nouveau projet de loi prévoit trois façons de voter, et ce, même si vous n'avez pas votre permis de conduire sur lequel se trouverait votre adresse. Fait intéressant, ces nouvelles options se trouvent déjà sur le site web d'Élections Canada, et nous n'avons même pas encore adopté le projet de loi. C'est à se demander à quoi on sert : c'est le directeur général des élections qui fait tout le travail.

Voici ce qu'on peut déjà lire sur le site web concernant l'option 1 : une pièce d'identité originale avec votre photo, votre nom et votre adresse, comme votre permis conduire.

Option 2 : deux pièces d'identité originales autorisées. Les deux pièces doivent porter votre nom et l'une d'elles votre adresse. Par exemple, je pourrais présenter mon certificat de statut d'Indien et ma carte d'assurance-maladie ou une autre carte où figure mon adresse.

Voici l'option 3 du projet de loi : prêter serment et demander à un électeur qui vous connaît de répondre de vous. Cet électeur doit avoir des pièces d'identité autorisées et être de la même section de vote que vous. Il ne peut répondre que d'une personne. Si je suis dans une réserve et que je dois avoir recours à un répondant, il est probable que la majorité des gens — possiblement 99 p. 100 des gens — n'auront pas les pièces d'identité nécessaires; à qui pourrais-je donc demander d'agir à titre de répondant? Il faudrait que le répondant prouve qu'il a le droit de voter en présentant deux pièces d'identité.

Je crois qu'on s'imagine que ce ne sera pas difficile, mais je soupçonne que, dans les réserves, ce le sera, parce que les gens qui seraient prêts à se porter garants n'ont pas non plus la pièce d'identité requise et ne peuvent se porter garants que d'une seule personne. Ainsi, d'emblée, si 2 000 personnes dans une réserve sont en âge de voter et qu'un répondant ne peut se porter garant que d'une seule personne, cela crée une situation qui désavantage les membres des Premières Nations qui vivent dans les réserves.

Je ne connais pas le détail des amendements proposés par le sénateur Moore, mais j'espère qu'ils remédient à cela; celui de la sénatrice Jaffer le fait. Il est nécessaire d'amender le projet de loi pour corriger l'aspect concernant le système de répondants. Cela dit, nous avons également soulevé d'autres dispositions du projet de loi qui sont injustes. Par conséquent, pour toutes ces raisons, je n'appuierai pas le projet de loi sur l'intégrité des élections.

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi mais, avant de commencer, j'aimerais donner suite aux propos de ma collègue, la sénatrice Dyck, concernant la façon d'inciter les Autochtones à voter.

Dans mon ancienne vie, j'ai suggéré au directeur général des élections d'établir des bureaux de scrutin mobiles dans les réserves. Les Autochtones continuent de se sentir indésirés. Une façon de leur montrer qu'ils sont importants serait d'envoyer des représentants des partis politiques frapper à leur porte, présenter une urne et dire : « Nous sommes là. » Il devient un peu plus difficile pour les peuples autochtones de dire non, mais il est aussi beaucoup plus facile pour eux de dire oui, et c'est ce que nous souhaitons qu'ils fassent.

(1800)

Votre Honneur, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-23, qui modifie radicalement le processus électoral au Canada et qui change fondamentalement notre façon de voter.

Du début à la fin, cette mesure législative est contraire à un dialogue ouvert pour préserver l'intégrité du processus qui sert de fondement à notre démocratie, c'est-à-dire l'exercice du droit de vote. Aujourd'hui, nous nous retrouvons avec un processus et un produit fini qui font du tort à ce que beaucoup de gens dans le monde considèrent comme un modèle pour les jeunes démocraties.

Qu'allons-nous dire aux gens de la Crimée, dont le mode de vie a changé en février au point de provoquer une série d'événements qui ont mené aux récentes élections en Ukraine? Des centaines de Canadiens, y compris nos amis les sénateurs Campbell et Andreychuk, étaient sur place à titre d'observateurs afin d'assurer le bon déroulement des élections et de veiller à ce que tous ceux qui avaient le droit de voter puissent le faire.

Le projet de loi C-23, dont le Sénat est saisi à l'étape de la troisième lecture, risque vraiment de ternir la réputation dont le Canada jouit depuis très longtemps.

Honorables sénateurs, nous discutons d'une mesure législative qui est censée améliorer le processus démocratique, au moment même où la leader adjointe du gouvernement présente une motion d'attribution de temps relativement à l'étude de cette mesure. Le concept de démocratie des conservateurs laisse à désirer, tout comme le projet de loi, surtout si l'on songe que 60 p. 100 des Canadiens n'ont pas voté pour eux lors des dernières élections.

Honorables sénateurs, pourquoi sommes-nous ici? Qu'est-ce qui a motivé la présentation du projet de loi? Les conservateurs vous diront que plusieurs raisons expliquent la présentation de cette mesure, mais j'aimerais parler de ce qui aurait dû être inclus dans le projet de loi. Vous souvenez-vous du scandale des transferts de fonds? C'était une tentative faite par les conservateurs pour contourner les lois électorales au moyen d'un effort concerté — à l'échelle nationale, ne l'oublions pas — et pour soutirer de l'argent en ayant recours à un transfert de fonds douteux entre les campagnes nationale et locales dans le but d'acheter de la publicité à l'échelle nationale tout en présentant des reçus à des fins de réclamation au niveau local.

En avril 2007, le directeur général des élections, Marc Mayrand, a refusé de rembourser des dépenses électorales aux conservateurs, qui ont alors intenté des poursuites contre Élections Canada afin d'obtenir leur argent. Ils ont perdu leur cause devant la Cour fédérale. Le Parti conservateur a fini par plaider coupable et il a été condamné — je dis bien condamné —, mais non sans avoir conclu une entente en vertu de laquelle il a dû rembourser 230 000 $, soit la plus grosse amende dans l'histoire des élections canadiennes. Cette amende a été imposée aux gens qui tentent de faire la morale aux Canadiens avec leur Loi sur l'intégrité des élections. Ces mêmes personnes se sont vu imposer une amende de 230 000 $ pour avoir violé les lois électorales.

Les élections de 2011 ont suivi et elles ont été entachées par le scandale des appels automatisés. Honorables sénateurs, c'est pour cette raison que les Canadiens exigent une réforme des lois électorales. Ils veulent qu'on s'attaque à l'acte odieux qui consiste à empêcher des gens de voter. Ceci n'est qu'un aperçu des raisons pour lesquelles le projet de loi C-23 est tellement contraire au bon sens, aux yeux de ceux qui ont formulé des préoccupations face à cette mesure. Compte tenu que c'est le scandale des appels automatisés qui a donné naissance au tollé ayant forcé le gouvernement à agir, pourquoi le projet de loi C-23 s'attaque-t-il au recours à un répondant plutôt qu'au problème qui a entraîné sa présentation?

La légitimité du vote par répondant est reconnue depuis la Confédération. Un électeur qui n'a pas de pièce d'identité peut demander à quelqu'un du même bureau de scrutin de répondre de son identité. J'ai moi-même eu recours à des répondants au fil des ans. Combien de personnes n'ont pas les pièces d'identité nécessaires pour voter? En 2011, 120 000 personnes ont dû avoir recours à un répondant. C'est environ 1 p. 100. Soit dit en passant, Votre Honneur, après les élections de 2007, si je ne me trompe pas, j'avais une étudiante qui travaillait pour moi. Au cours de l'été, je lui ai demandé d'analyser toutes les circonscriptions électorales dans l'ensemble du pays afin de déterminer combien de personnes avaient été ajoutées aux listes électorales le jour même des élections. Je voulais voir s'il y avait la moindre raison de croire qu'on aurait commis une fraude en ajoutant trop de gens aux listes électorales. Je m'intéressais principalement à nos amis du Nouveau Parti démocratique, mais je n'ai rien pu prouver. Même moi, qui cherchais à débusquer une fraude commise par nos opposants, je n'ai rien trouvé à l'époque.

Je reviens maintenant à ce que j'ai dit à propos du nombre de personnes qui ont eu recours à un répondant. Je répète qu'il y en avait 120 000, et qu'est-ce que les conservateurs ont fait? Ils ont dit que le système de répondant était inacceptable et qu'il nous rendait vulnérable à la fraude électorale. Le directeur général des élections a dit que ce n'est pas le cas et que ça ne sera jamais le cas. Une multitude d'universitaires et d'experts en matière de réforme démocratique et d'élections affirment que ce n'est pas le cas, mais les conservateurs ont maintenu leur position pendant des semaines, affirmant que l'élimination du système de répondant était une véritable panacée pour éviter la fraude électorale, alors qu'ils auraient pu, entre autres, envisager de mieux informer les électeurs sur les bonnes façons de voter et de se préparer au vote en permettant à Élections Canada de faire de la publicité, notamment à l'intention des jeunes électeurs. Peu importe, car ils vont empêcher Élections Canada de mener de telles campagnes d'information. Entre-temps, soumis à des pressions considérables, les conservateurs ont reculé et changé d'avis. On pourrait croire que c'est une victoire pour la démocratie, mais pas vraiment. Ils vont quand même éliminer le système de répondant et le remplacer par un système d'assermentation. Quiconque a une pièce d'identité sans pouvoir prouver son lieu de résidence peut signer un document sous serment attestant son lieu de résidence. Puis, un deuxième électeur signe un deuxième document sous serment, permettant ainsi au premier électeur de voter.

Je suis heureux de voir que, pour une fois, les conservateurs ont été réceptifs aux préoccupations formulées et que les mandataires du Parlement ont pris des mesures afin d'apaiser ces craintes. Le projet de loi empêchera-t-il quelqu'un de voter le jour des élections? Nous verrons en temps et lieu. Un seul vote perdu en raison des mesures imposées par les conservateurs dans cet article du projet de loi C-23 serait une perte pour la démocratie au Canada. Honorables sénateurs, c'est une situation que nous ne devons pas tolérer.

Il vaut la peine de répéter que, à l'origine, le projet de loi C-23 faisait suite à l'indignation ressentie par les Canadiens face à la fraude survenue lors des élections de 2011. Les Canadiens sont d'avis que leurs élections devraient être honnêtes et transparentes. Ils savent que les élections sont une pierre angulaire de notre démocratie. Or, le projet de loi est un échec total à cet égard. Il ne protège pas les Canadiens contre d'autres fraudes électorales, et il ne fait rien pour faciliter les poursuites contre ceux qui continuent à frauder. La semaine dernière, nous avons appris dans le cadre du procès sur les appels automatisés qui se tient à Guelph que, selon le témoin de la Couronne, le stratagème des appels automatisés avait une envergure nationale. Ceci nous ramène encore aux gens qui ont dû verser une amende de 230 000 $, la plus grosse amende dans l'histoire des élections au pays. Il s'agit encore des mêmes individus. Le stratagème était appliqué à l'échelle nationale. On dit que l'accusé n'a pas agi seul, et le procès soulève plus de questions qu'il ne fournit de réponses.

Cela ne réconforte pas les Canadiens qui veulent connaître la vérité. Par conséquent, pourquoi allons-nous de l'avant avec un projet de loi qui ne correspond même pas à son titre abrégé? Où est le pouvoir qui permettrait au commissaire aux élections fédérales de faire toute la lumière sur ces affaires sordides? Nous sommes tous au courant du processus suivi dans le cas du projet de loi C-23, de la rédaction à huis clos et en secret de cette mesure législative, et du fait qu'aucun intervenant n'a été consulté, même pas le directeur général des élections. La présentation de cette mesure a été un désastre et une insulte envers ceux qui considèrent la Loi électorale du Canada comme la pierre angulaire de notre démocratie.

Je souligne en terminant, honorables sénateurs, que le ministre a eu un comportement déplorable en essayant exagérément de défendre cette mesure législative déficiente. Nous l'avons vu tenter de s'en prendre à l'intégrité du directeur général des élections, de l'ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, et de tous ceux qui ne partagent pas son opinion. Avions-nous besoin de ce comportement puéril? Cette attitude a-t-elle aidé à légitimer le projet de loi ou la démarche employée? Certainement pas. Le ministre Poilievre est une source d'embarras pour le Parlement, pour le Parti conservateur, pour les gens qu'il représente et pour le premier ministre.

(1810)

Je n'en démords pas : ce projet de loi a été mal conçu, mal débattu et imposé au Parlement par le petit tyran à l'autre endroit. Les spécialistes méritent mieux, le Parlement mérite mieux et les Canadiens méritent certainement mieux.

Pour tout dire, honorables sénateurs, je n'appuie pas cette mesure législative sous sa forme actuelle et vous, comme toute personne qui croit en la démocratie et en des élections honnêtes et ouvertes, ne devriez pas l'appuyer non plus. Je vous encourage tous à appuyer les amendements des sénateurs Moore et Jaffer pour améliorer cette mesure législative. Honorables sénateurs, les Canadiens le méritent.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Grant Mitchell : Je vous remercie, sénatrice Chaput. J'apprécie énormément cette occasion de prendre la parole maintenant. J'ai plusieurs commentaires à faire concernant ce projet de loi. Comme d'habitude, j'ai beaucoup apprécié le discours de notre collègue, le sénateur Mercer.

[Traduction]

Plus précisément, il a mentionné l'importance de chaque vote pour souligner à quel point il serait grave de perdre ne serait-ce qu'un vote du fait que le recours à un répondant serait limité et, bien entendu, de la façon dont le gouvernement limiterait le recours à un répondant, il y a de fortes possibilités qu'un grand nombre de gens soient privés du droit de vote.

Cela me rappelle une anecdote personnelle sur l'importance de chaque vote. C'était la fin de semaine avant les élections de 1993. J'étais, à l'époque, député à l'assemblée législative et j'avais déjà été élu trois fois. Je conduisais en compagnie de l'un de nos fils, qui avait six ou sept ans et était assis à l'arrière. Nous avions discuté des élections dans notre famille et c'était jour d'élections fédérales le lundi. Donc, il avait la politique en tête, comme encore aujourd'hui.

Il m'a dit : « Papa, votes-tu pour toi-même? » J'ai dit : « Eh bien, Lucas, bien sûr que je vote pour moi. Premièrement, je suis manifestement le meilleur candidat. C'est indiscutable. Deuxièmement, comment pourrais-je regarder dans les yeux tous ceux qui m'ont appuyé, ceux qui ont travaillé pour nous, ceux qui croient en nos idées et ceux qui avaient déjà voté pour moi si je ne votais pas pour moi et que je perdais par une seule voix? » Lucas a répondu : « Papa, tu ne perdras jamais par une seule voix. Il n'y aura jamais un seul vote. »

Ce lundi soir, Anne McLellan, après le décompte, avait remporté son siège par une voix sur un total de 50 000. Le lendemain matin, on pouvait voir des manchettes du genre : « Victoire massive d'Annie par une voix. » J'ai alors dit à mon fils : « Lucas, viens ici lire cet article. Voilà la preuve de l'importance que peut avoir une seule voix. » A ce moment, elle n'avait gagné que par une seule voix. Plus tard, après le recomptage, elle en avait 11, mais c'était 11 voix sur 50 000.

Dites-moi donc qu'un seul vote n'a pas d'importance. Une voix est extrêmement importante. C'est la leçon que j'ai apprise à Lucas et qui m'a été apprise, à moi aussi. J'aurais bien voulu que Lucas soit ici pour vous dire : « Je vous l'affirme : une voix, ça compte. »

Ma principale inquiétude concerne la question des répondants, qui limitera absolument et fondamentalement le nombre des électeurs. Ce qui met vraiment en évidence l'hypocrisie de ces dispositions particulières de la loi, c'est que, si le gouvernement estime qu'une personne ne mérite pas d'avoir un répondant, si elle n'a pas suffisamment de papiers ou ne se conforme pas au nouveau processus d'identification qu'il a mis en place, elle a beau vivre à un coin de rue du bureau de scrutin, cela ne suffit pas pour que quelqu'un puisse répondre d'elle. Pourtant, on n'a besoin de rien faire pour prouver qu'on est citoyen canadien et qu'on a le droit de voter.

Par conséquent, d'une part, le gouvernement est prêt à dire : « Nous acceptons que vous êtes canadien sans que vous ayez à le déclarer. » On n'a pas à le déclarer et on n'a rien à signer. D'autre part, il n'accepte pas que quelqu'un dise qu'il vit dans la circonscription sur la base de sa parole et de la parole d'un tiers qui le connaît. C'est tout à fait incompréhensible.

Il faut se demander pourquoi ils cherchent à ce point à limiter le système des répondants sans se soucier d'avoir la preuve qu'on est citoyen canadien. Je conviens qu'on ne devrait pas avoir à le prouver, mais par ailleurs, je ne peux pas accepter l'hypocrisie de leur position concernant le système des répondants.

Comment peuvent-ils ne pas comprendre cette hypocrisie? S'il fallait prouver qu'on est citoyen canadien avant d'aller voter, ce serait malcommode pour tous les électeurs. En fait, ce serait malcommode pour la base conservatrice. Ce serait absolument et fondamentalement malcommode pour tous les électeurs canadiens et particulièrement pour la base conservatrice.

Toutefois, le système des répondants est très spécifique. L'argument des experts — qui en savent beaucoup plus que moi à ce sujet — est que cela découragera le vote chez ceux qui ne font pas partie de la base conservatrice. Je ne sais pas si c'est juste une coïncidence, mais la question est justifiée. Cette hypocrisie — qui réside dans la différence entre la façon dont on peut prouver sa citoyenneté et la façon dont on peut prouver son adresse — nous amène à nous demander pourquoi. Quand on cherche à comprendre pourquoi le gouvernement s'intéresse à l'un, mais pas à l'autre, on en arrive à se demander quel électeur sera découragé de voter.

Je n'ai jamais entendu une réponse satisfaisante, à moins d'admettre l'existence d'un dessein secret. Le gouvernement a peut-être vraiment l'intention d'adopter une forme ou une autre de carte d'identité d'État. Je ne crois pas à cela et je ne pense pas que ce soit le cas, mais il y a un énorme trou dans la logique du projet de loi et dans l'approche conservatrice du droit de vote des citoyens.

Le deuxième point que je voudrais répéter — j'en ai déjà parlé et d'autres aussi l'ont fait —, c'est qu'il n'y a aucune preuve de fraude électorale attribuable au système des répondants. Il y a eu des preuves flagrantes de fraude dans le cas des appels automatiques. Le gouvernement s'est profondément inquiété du système des répondants et a fait beaucoup d'efforts pour remédier à un problème inexistant, alors qu'il y avait des preuves évidentes, établies au cours d'un procès et confirmées dans la décision d'un juge, dans l'affaire des appels automatiques faits à l'aide de la base de données des conservateurs. Ces preuves révèlent une fraude de grande envergure. Pourtant, les conservateurs n'ont rien fait d'utile, à part affaiblir les règles qui auraient pu révéler d'une façon quelconque les dessous de cette affaire. Je veux parler des règles concernant la conservation des données. Ils ont affaibli les règles relatives aux enquêtes sur la fraude électorale, comme celle qui est attribuable aux appels automatiques, parce que les autorités n'ont pas le pouvoir d'obliger les gens à témoigner. Ils n'ont rien fait pour enquêter d'une manière proactive sur les raisons pour lesquelles leur base de données a été piratée.

Comme je l'ai dit et répété, pour que le système des répondants occasionne des difficultés, il faudrait que le répondant et la personne dont il se porte garant soient tous deux des menteurs. Oui, il faut deux menteurs pour causer un problème. Toutefois, il suffit qu'une seule personne accède à la base de données CIMS pour que cela ait des effets étendus partout dans le pays. Il faudrait beaucoup de problèmes de répondants. Il est vrai qu'une seule voix compte, mais elle devrait compter dans un grand nombre de circonscriptions. Toutefois, le piratage de la base de données CIMS, les appels automatisés, voilà qui peut causer des problèmes considérables, mais les conservateurs n'ont rien fait à ce sujet. On peut se demander pourquoi. On peut se demander si c'est juste une coïncidence.

La disposition de la loi qui ne permet pas au commissaire d'assigner des témoins à comparaître est aussi très troublante, surtout dans le cas d'un gouvernement qui veut se montrer tellement sévère contre le crime. Pourquoi voudrait-il limiter les enquêtes? Voilà une autre coïncidence intéressante. Qui a fait l'objet d'une enquête? Qui s'en est formalisé? C'est évidemment le parti qui forme le gouvernement. Est-ce encore une coïncidence?

Rien que pour le plaisir de la discussion, examinons l'argument que la sénatrice Frum a avancé plus tôt : M. Mayrand aurait dit qu'il fallait que le projet de loi soit adopté ce printemps car, autrement, il n'aurait pas le temps de mettre en œuvre la nouvelle loi avant l'automne 2015. Je m'attends à ce que les élections soient déclenchées beaucoup plus tôt. Quoi qu'il en soit, cet argument a déjà été discrédité puisque M. Mayrand travaille déjà là-dessus. Ces dispositions se trouvent déjà sur le site web. Le gouvernement peut y travailler puisqu'il sait que vous adopterez le projet de loi, à moins d'un différend avec votre whip. Ce n'est pas comme s'il devait invoquer la clôture pour faire adopter ce projet de loi aussi rapidement qu'il le dit nécessaire. Nous pouvons encore tenir un débat raisonné.

(1820)

J'aimerais insister sur le point qu'ont soulevé des collègues, qui ont demandé si le public avait été consulté. S'il ne l'a pas été, pourquoi? Pourquoi le gouvernement va-t-il de l'avant sans avoir tenu au préalable des consultations publiques en bonne et due forme? Pourquoi le gouvernement ne permet-il pas que la présente version du projet de loi fasse l'objet de consultations approfondies dans le cadre de témoignages d'experts au comité? Voilà les points sur lesquels je voulais insister.

Je souligne que ce projet de loi est un mauvais projet de loi et qu'il porte atteinte à la démocratie. Les sénateurs devraient être solidaires et le bloquer, car c'est leur rôle.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, demandez à n'importe quel citoyen ou expert de nommer un enjeu majeur pour la démocratie canadienne, et il risque de vous parler de la participation. Le taux de participation, que ce soit chez les jeunes ou dans la population en général, est symptomatique de la santé de notre système électoral. Un taux de participation élevé est la preuve d'une population intéressée et impliquée, alors qu'un faible taux de participation pourrait même porter atteinte à la légitimité d'une élection. Je ne crois pas semer la controverse avec ce constat.

Quand le gouvernement a décidé de déposer un projet de loi de réforme électorale, nous étions en droit de nous attendre à une initiative qui traiterait de l'enjeu de la participation. Nous étions en droit de nous attendre à des mesures qui favorisaient une plus grande participation; bref, à une réforme électorale qui proposerait une vision saine pour l'avenir.

Le projet de loi C-23 propose l'inverse. C'est une initiative qui vise premièrement à restreindre le vote. Les dispositions spécifiques du projet de loi C-23 dont je parle aujourd'hui ont fait l'objet d'amendements. Je tiens à féliciter les sénateurs qui siègent au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour le rôle qu'ils ont joué dans l'élaboration des amendements proposés. Cependant, il faut dire la vérité. Ces amendements visaient à mitiger les dommages. Nous ne nous retrouvons pas, à la suite de ces amendements, avec un bon projet de loi. Nous avons simplement un projet de loi qui est moins mauvais qu'il ne l'était.

J'attire d'abord votre attention sur les dispositions qui servent essentiellement à museler le directeur général des élections. Prenons l'article 18 de la Loi électorale du Canada, comme on le lit aujourd'hui :

18.(1) Le directeur général des élections peut mettre en œuvre des programmes d'information et d'éducation populaire visant à mieux faire connaître le processus électoral à la population, particulièrement aux personnes et aux groupes de personnes susceptibles d'avoir des difficultés à exercer leurs droits démocratiques.

18.(2) Il peut communiquer au public, au Canada ou à l'étranger, par les médias ou tout autre moyen qu'il estime indiqué, des renseignements sur le système électoral canadien de même que sur le droit démocratique de voter ou de se porter candidat à une élection.

18.(3) Il peut aussi mettre en œuvre des programmes de diffusion d'information à l'étranger portant sur la façon de voter dans le cadre de la partie II.

La partie II traite des règles électorales spéciales. C'est cet article que l'on veut abroger. Qui, ici, peut expliquer comment la mise en œuvre de programmes d'information et d'éducation populaire peut nuire à notre démocratie? Qui, ici, ne croit pas qu'il faut particulièrement viser les groupes de personnes susceptibles d'avoir des difficultés à exercer leur droit démocratique?

Le nouvel article 17.1 permet au directeur général des élections de mettre en œuvre des programmes d'information et d'éducation populaire visant exclusivement les élèves du primaire et du secondaire. Notons d'ailleurs que cette exception n'existait même pas dans la première version du projet de loi. Le rapport du Comité sénatorial des affaires juridiques a recommandé son ajout, mais on n'inclut même pas les niveaux collégial ou universitaire, où les étudiants sont aptes à voter et où les taux de participation sont souvent très bas. Bref, qui croit que c'est une bonne idée qu'il y ait moins d'éducation et de sensibilisation?

Je reconnais qu'il y a eu, depuis, un amendement permettant au directeur général des élections de diffuser des messages publicitaires liés à son mandat. Cependant, cela ne peut pas remplacer la mise en œuvre de programmes ciblés. Globalement, nous nous retrouvons avec moins de sensibilisation et moins d'éducation et, sans prétendre être devin, moins de participation.

La proposition du gouvernement selon laquelle il revient aux partis politiques de faire ce travail d'éducation n'est pas convaincante. Le ministre Poilievre avait, maladroitement et sans aucun fondement, accusé le directeur général des élections d'échanger son chandail d'arbitre pour celui de l'une des équipes sur la glace. La réalité, bien sûr, est que ce projet de loi est plutôt une tentative, par l'une des équipes, d'enfiler le chandail de l'arbitre.

[Traduction]

Au Canada, il est entendu que les projets de loi visant à réformer les règles du jeu doivent jouir d'un vaste consensus. De nombreux Canadiens, notamment des Manitobains, me l'ont dit dans des courriels que j'ai reçus par dizaines. Un électeur de Kildonan—St. Paul, au Manitoba, a déploré que le gouvernement fasse adopter un projet de loi de réforme électorale n'ayant l'appui que du parti au pouvoir. Comme il l'a dit : « Ce n'est pas la démocratie telle que les Canadiens la connaissent. » Il nous implore ensuite « de jouer notre rôle dans l'intérêt de TOUS les Canadiens ».

[Français]

Notre système politique est profondément partisan, nous ne nous en cachons pas. Tous les partis politiques ont leurs idées pour améliorer notre pays, mais nous reconnaissons tous qu'ils doivent aussi veiller à leurs propres intérêts. Le système, lui, doit veiller exclusivement aux intérêts de la population.

La Fédération des communautés francophones et acadienne affirme que les partis politiques n'auront ni le temps ni l'intérêt de favoriser l'engagement civique des communautés de langue officielle en situation minoritaire. De plus, les partis politiques, contrairement au directeur général des élections, ne sont pas tenus de respecter la Loi sur les langues officielles et n'ont donc pas l'obligation de favoriser l'épanouissement des communautés de langue officielle. Bien sûr, les partis politiques ont avantage à aller chercher des votes partout, mais le statut minoritaire de ces communautés est déjà un obstacle majeur. Tout parti politique, on le sait, veut obtenir la majorité.

L'exemple des communautés de langue officielle s'applique ailleurs aussi. Les groupes minoritaires au Canada, les groupes vulnérables, les personnes pour lesquelles l'exercice du droit de vote est difficile perdent un allié important. C'est la démocratie canadienne qui en subira les conséquences.

La deuxième disposition traite de la possibilité d'attester l'identité d'un autre électeur. Il faut comprendre que, si nous en sommes au stade de l'attestation, c'est parce que des personnes se sont déplacées au bureau de vote. Ce sont très souvent des électeurs qui seront accompagnés d'un parent ou d'un enfant, ou qui dépendent de ce parent ou de cet enfant pour attester leur identité. Notons qu'ils ont déjà, par le passé, pu être identifiés de cette façon. Quel message leur envoyons-nous s'ils se présentent encore une fois au bureau de scrutin pour faire leur devoir de citoyen comme ils l'ont déjà fait, simplement pour être rabroués?

En permettant à un répondant d'attester l'identité d'un autre électeur, nous érigeons une défense solide contre l'apathie et la perte de confiance à l'endroit du système électoral. Nous savons déjà que cela se fera. Nous savons qu'il y aura, avec ce projet de loi, un plus grand nombre d'électeurs qui seront privés de leur droit de vote que lors des dernières élections. Il y aura plus d'électeurs qui arriveront au bureau de scrutin pour se faire dire qu'ils n'ont pas de voix. C'est la réalité. Il ne faut pas la banaliser. Il ne faut surtout pas banaliser la grave importance de cette violation. En fin de compte, et malgré tous les avis contraires, le gouvernement a décidé qu'il est à l'aise avec ces restrictions et souhaite à tout prix aller de l'avant au nom d'une prétendue guerre contre la fraude électorale — une fraude, par ailleurs, qui n'a jamais été cernée. Nous limitons donc des droits très réels et fondamentaux afin de contrer des menaces imaginées.

Deux de nos collègues ont présenté des amendements : le sénateur Moore et la sénatrice Jaffer. L'honorable sénatrice Jaffer a proposé des amendements visant à protéger le droit de vote des personnes les plus vulnérables. Ces amendements, faut-il le mentionner, ne créent pas une nouvelle mesure ou une nouvelle obligation, mais visent seulement à protéger une mesure importante qui est déjà en place. Ces amendements tentaient simplement de diminuer l'effet dévastateur du projet de loi C-23 et d'éviter les dérives les plus flagrantes qui résulteront de son application.

Actuellement, et grâce à des amendements, le projet de loi C-23 permettra à un répondant d'attester la résidence d'un seul électeur.

(1830)

Cela signifie que, si un électeur s'identifie à l'aide d'une carte d'identification, mais n'a pas de document attestant sa résidence, il peut demander à un répondant dûment identifié d'attester sa résidence. De plus, les deux parties doivent prêter serment. Avec le projet de loi C-23, un répondant ne peut faire cela que pour un seul électeur. C'est une approche inacceptable. C'est ce que tentaient de redresser les amendements proposés par la sénatrice Jaffer.

Pensons à un répondant qui emmène ses deux parents aînés au bureau de scrutin. Pourquoi ne peut-il attester la résidence d'un seul de ses deux parents? Rappelons que le répondant est déjà un électeur identifié. Rappelons aussi que le répondant et l'électeur doivent prêter serment. N'est-ce pas suffisant? Avons-nous à ce point peur de faire confiance aux Canadiens, même en l'absence de preuves?

J'appuie les amendements proposés par la sénatrice Jaffer et le sénateur Moore. Ce sont de bons amendements, qui favoriseraient une plus grande participation et une vision saine pour la démocratie canadienne.

Je vous exhorte, honorables sénateurs, à faire de même. Je m'oppose au projet de loi C-23, car il propose un système électoral fondé sur la répression du vote, plutôt qu'un système visant une plus grande participation. Je ne reconnais pas dans ce projet de loi les valeurs démocratiques qui me tiennent à cœur, et qui font du Canada un exemple à travers le monde entier.

[Traduction]

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-23, une mesure qui, à mon avis, rendra les élections moins justes pour les Canadiens.

C'est le mois de juin et le temps se réchauffe, Dieu merci. L'été est à nos portes, et nous voici de nouveau aux prises avec une multitude de projets de loi d'initiative ministérielle que, tout à fait inutilement, on fait adopter à toute vitesse au Parlement sans guère de débat et avec une nouvelle motion de clôture. Tant pis pour le second examen objectif.

Aucune raison concrète ne justifie qu'on nous assène ce projet de loi maintenant et qu'on en précipite l'adoption à ce stade tardif. Voici un projet de loi que le gouvernement aurait dû présenter il y a des années pour en permettre un examen minutieux par le Parlement, avec l'apport du point de vue des Canadiens. Au lieu de cela, on attend à la dernière minute et on proclame que le projet de loi doit être adopté ce printemps pour qu'Élections Canada puisse y travailler avant les prochaines élections.

Le projet de loi aurait dû être rédigé en tenant compte du point de vue d'experts impartiaux des élections et d'universitaires, et non d'hommes et de femmes politiques qui ont des intérêts à servir. Tous les partis politiques auraient dû être consultés, pour peu que l'objectif ait vraiment été de rendre les élections plus démocratiques et d'encourager les électeurs à voter. Le résultat de cette approche unilatérale erronée, c'est le projet de loi dont nous sommes saisis : un projet de loi rédigé à la hâte, préjudiciable, coloré par l'idéologie et vindicatif que le Globe and Mail a qualifié fort justement de pire loi de 2014.

L'un des droits les plus sacrés au Canada est celui de voter, et le système électoral est l'une des institutions les plus sacrées de notre société. On devrait toujours bien réfléchir et tout considérer avant de modifier l'une des institutions canadiennes chargée de veiller sur nos droits démocratiques. C'est là un domaine de la politique d'intérêt public auquel il ne faudrait jamais rien changer sans une réflexion approfondie, et il ne faudrait jamais qu'un seul parti politique agisse unilatéralement. Cela ne semble pas déranger le gouvernement le moindrement du monde.

Les réformes du système électoral canadien sont un sujet délicat qu'il faut aborder avec respect. Le système ne devrait jamais être modifié unilatéralement par un seul parti, et jamais de façon à procurer à un parti ce qui semble être un avantage au scrutin. Dans le cas qui nous occupe, la plupart des experts et des observateurs estiment que c'est exactement ce qui s'est passé pour le projet de loi C-23.

Nous sommes en présence d'un premier ministre et d'un gouvernement qui semblent déterminés à punir Élections Canada pour avoir fait son travail. Malheureusement, ce sont les Canadiens qui seront punis par l'adoption de ce projet de loi.

À un moment où Élections Canada a besoin de pouvoirs accrus pour faire enquête correctement sur des irrégularités électorales, le projet de loi affaiblit davantage les pouvoirs que l'institution possède.

À entendre les sermons du ministre de la Réforme démocratique sur le projet de loi, les vrais vilains sont les électeurs canadiens qui cherchent à manipuler le processus électoral. Le ministre s'est exprimé avec véhémence sur ce point, proclamant bruyamment ad nauseam, à la moindre occasion, que le régime des répondants fera crouler notre régime démocratique.

Des membres du caucus conservateur ont dit avoir été témoins de fraudes électorales. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a signalé ces cas à Élections Canada. Bien entendu, cela est contraire aux faits, puisque, selon un rapport de Harry Neufeld, la fraude électorale n'existe à peu près pas.

Si le ministre s'inquiète vraiment des manipulations électorales, il voudra peut-être s'intéresser non pas à la menace non existante de la fraude par les électeurs canadiens, mais à son propre parti, sur lequel pèsent des allégations très réelles d'empêchement de l'exercice du vote aux dernières élections. Je ne peux penser à une tentative plus grave de manipulation des élections que le fait de faire obstruction pour empêcher des Canadiens de voter. Je crois que tous les sénateurs sont dégoûtés des gestes allégués de quelques travailleurs d'élection qui se sont efforcés d'empêcher des Canadiens de voter aux dernières élections. Nous sommes certainement tous d'accord pour dire qu'il faut prendre tous les moyens pour empêcher que cela ne se reproduise chez les candidats de n'importe quel parti ou dans toute équipe de campagne. Ceux qui se livrent à ce genre d'activité devraient être sévèrement punis.

On se serait attendu à ce que ces actes de fraude soient au centre d'un projet de loi qui vise à renforcer le système électoral du Canada. Au lieu de mieux mettre Élection Canada à l'abri de l'influence du gouvernement, d'accroître ses pouvoirs d'enquête et de lui donner accès à des données de campagne essentielles, le gouvernement n'accorde aucun pouvoir à Élections Canada pour contraindre des témoins à comparaître. Cette lacune a freiné et a fini par faire échouer un grand nombre d'enquêtes d'Élections Canada.

Le projet de loi retire d'Élections Canada la personne chargée de faire les enquêtes sur les irrégularités électorales pour la placer dans une direction du gouvernement, ce qui a pour effet de neutraliser les pouvoirs d'enquête d'Élections Canada.

Le projet de loi prévoit un délai de conservation inutilement bref des données que le CRTC recueille sur les appels automatisés pendant les campagnes. Le CRTC stockera les messages de tous les appels automatisés au cours d'une campagne pendant trois ans, après quoi il sera tenu de détruire les dossiers. Il s'agit là de renseignements essentiels pour faire des enquêtes sur des incidents comme le scandale des appels automatisés aux élections de 2011.

Il y a donc des allégations voulant qu'on ait empêché des électeurs de voter aux dernières élections, mais, ironie du sort, le gouvernement estime dans sa sagesse que la responsabilité de promouvoir la participation aux élections et d'inviter les Canadiens à voter relève uniquement des partis politiques. Non seulement on décourage Élections Canada de promouvoir la participation aux élections, mais on lui interdit même de le faire par les mesures contenues dans le projet de loi.

On prend les choses à l'envers. Quel avantage peut-on retirer en interdisant à Élections Canada de promouvoir la participation aux élections? Absolument aucun. Le ministre soutient que le record à la baisse de la participation, ces dernières années, est la preuve que les campagnes de promotion ne donnent rien et qu'il faut donc interdire à Élections Canada de se livrer à ce genre d'activité. Il ne peut pas y avoir de logique plus absurde. Combattre l'apathie des électeurs et promouvoir la participation aux élections devraient être une priorité pour Élections Canada. Nous serons donc la seule démocratie au monde qui interdit à l'organisme chargé des élections de renseigner la population sur le système électoral. Cette interdiction s'appliquera à toute forme de campagne de sensibilisation conçue pour encourager les électeurs à voter. Pourquoi le gouvernement fait-il des efforts concertés pour dissuader un nombre encore plus grand de Canadiens de voter?

Comme par hasard, le taux de participation aux élections est en chute libre depuis l'arrivée au pouvoir du premier ministre Harper, et depuis que le niveau des débats au Parlement est plus bas que jamais, c'est-à-dire depuis quelques années.

(1840)

J'aimerais croire que les partis politiques souhaitent que les Canadiens votent, et je suis vraiment étonnée qu'un parti puisse vouloir empêcher Élections Canada d'encourager un plus grand nombre de gens à voter. Je ne souscris nullement à cette mesure et j'estime que la promotion de la participation aux élections n'est pas mutuellement exclusive pour Élections Canada ou pour les partis politiques.

Je pense qu'on peut accomplir beaucoup plus si Élections Canada et les partis politiques collaborent ensemble afin d'encourager les Canadiens à voter aux élections. Notre démocratie deviendra plus forte au fur et à mesure qu'un plus grand nombre de Canadiens participeront à l'exercice. Restreindre la capacité d'Élections Canada de renseigner les Canadiens sur notre système démocratique et sur les politiques électorales n'a tout simplement pas de sens et cette mesure semble avoir pour but de dissuader les gens de voter.

L'exercice auquel se sont prêtés les ministres en dénonçant et en déplorant une fraude inexistante liée au recours à un répondant est une manœuvre trompeuse pour détourner l'attention des Canadiens du fait que le projet de loi est une attaque contre Élections Canada. Cet organisme est le dernier en date d'une longue série d'institutions canadiennes ciblées par le gouvernement Harper à des fins de vengeance. Le projet de loi C-23 est une autre mesure qui devrait être carrément jetée à la poubelle afin qu'on reparte à zéro.

Le fait que des experts non partisans n'appuient pas le projet de loi devrait inciter le gouvernement à réfléchir à la mesure législative qu'il a rédigée à la hâte, pour ensuite la rafistoler à l'autre endroit et maintenant la faire adopter à toute vitesse au Parlement. Nos systèmes démocratiques sont trop importants pour qu'un parti politique les modifie unilatéralement. Cela est particulièrement vrai dans le cas de ce projet de loi, qui est dénoncé par tous au motif qu'il comporte de graves lacunes. Des universitaires et des experts indépendants sont d'avis qu'au pire, le projet de loi est une attaque menée contre Élections Canada et qu'au mieux, il est modérément dommageable pour notre système démocratique, tout en favorisant le parti majoritaire.

Le gouvernement nous harcèle constamment afin que nous adoptions cette mesure législative urgente pour que les autorités en place aient encore plus de pouvoirs avant les prochaines élections, en octobre 2015. Toutefois, honorables sénateurs, comme nous l'ont dit les experts qui sont venus témoigner, il n'y a pratiquement personne à l'extérieur du caucus du gouvernement qui pense que le projet de loi est bon ou équitable. Hélas, le gouvernement fait la sourde oreille à ces critiques. Il continue de bafouer des institutions qui faisaient la fierté du Canada et de salir la réputation de ceux qui ne sont pas d'accord avec lui.

M. Harper a dit que nous n'allons pas reconnaître le Canada lorsqu'il aura terminé son travail. Malheureusement, honorables sénateurs, cette déclaration se concrétise davantage à chaque jour. Ce projet de loi est mauvais et je ne peux pas l'appuyer.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, ce projet de loi comporte tellement de lacunes qu'il n'est pas possible, dans le temps dont nous disposons, de les énumérer toutes. Je remercie les collègues qui ont porté à notre attention certaines failles de la mesure législative. Il est vraiment impossible de toutes les mentionner.

La sénatrice Chaput a soulevé un point très important qui a aussi été mentionné par le directeur général des élections. Il a dit ceci :

Il est essentiel de comprendre que le principal défi pour notre démocratie n'est pas la fraude électorale, mais bien la participation électorale.

Si nous ne sommes pas tous très inquiets de la baisse des taux de participation des électeurs, je me demande si nous portons attention aux fondements du système que nous disons tous aimer.

Il est très clair qu'un grand nombre d'éléments du projet de loi visent, d'une façon ou d'une autre, à nuire à la participation électorale. Par exemple, la capacité du directeur général des élections de communiquer avec les Canadiens afin de les encourager à voter est grandement réduite. Celui-ci va pouvoir encourager les étudiants du secondaire à songer à voter, mais il ne pourra pas encourager les gens qui ont l'âge de le faire. C'est un peu bizarre.

Il y a les dispositions sur le recours à un répondant, que beaucoup de nos collègues ont très bien décrites et qui sont effectivement très troublantes, et ce, pas seulement à cause des modalités de cette proposition, mais aussi de l'intention qui la sous-tend.

Un autre élément me chicote. Il s'agit d'un des nombreux exemples de dispositions qui semblent anodines, mais qui, lorsqu'on les additionne, deviennent très inquiétantes. Le projet de loi prévoit que le représentant d'un candidat peut examiner — sans les manipuler — les pièces d'identité produites par un électeur au bureau de scrutin. Je ne vois pas vraiment l'utilité de cette pratique. À mon avis, c'est aux scrutateurs qu'il incombe de vérifier que les pièces d'identité sont acceptables. En quoi est-ce l'affaire des représentants des candidats? Je me méfie profondément; cette méfiance ne vient pas — j'ose l'espérer — de ce que j'ai vécu, mais il y a eu des élections pendant lesquelles on a contesté les pièces d'identité de bon nombre d'électeurs et où les cas se rapportaient trop souvent à certains groupes de gens — des groupes ethniques ou linguistiques — qu'on voulait dissuader de voter.

Cette pratique a probablement atteint son paroxysme aux États-Unis où, parfois, la contestation des pièces d'identité est systématique et obstructionniste au point où les files d'attente pour voter peuvent durer toute la journée. À l'heure de la fermeture des bureaux de scrutin, il y a encore des gens qui attendent en file parce que les gens qui ont voté avant eux, s'ils ont bel et bien pu voter, ont dû se plier à toutes sortes de formalités. Ce n'est certainement pas la voie que nous voulons emprunter. Les parlementaires, et tout particulièrement les sénateurs, devraient se soucier de ce genre de choses car, comme on le dit souvent, l'une de nos tâches consiste à protéger les minorités. Or, ce sont habituellement les minorités qui sont la cible de pratiques de ce genre.

Il y a beaucoup d'éléments du projet de loi qui sont très inquiétants. Cependant, j'aimerais parler d'un certain nombre d'entre eux qui sont visés par des amendements que nous avons proposés, des amendements que j'appuie. Premièrement, il y a le recours à un répondant. Puisque nous en avons beaucoup parlé, je ne répéterai pas tout ce que les autres ont dit, mais je dirai que les points soulevés par mes collègues ayant une expérience active dans ce domaine devraient nous inciter à réfléchir très sérieusement.

Pensons à l'expérience de la sénatrice Dyck auprès des peuples autochtones, ainsi qu'à l'expérience de la sénatrice Jaffer auprès des sans-abri. Je crois que c'est la sénatrice Ringuette qui a soulevé un excellent point en disant que sa mère ne pourrait peut-être pas voter, aux termes du projet de loi. Sa mère est une Acadienne qui est citoyenne canadienne depuis des siècles.

La sénatrice Ringuette : Elle n'a que 70 ans.

La sénatrice Fraser : Je voulais parler de ses ancêtres.

J'aimerais également que vous appuyiez l'amendement du sénateur Moore qui vise à obliger les gens à témoigner. C'est là où je ne suis plus d'accord avec mon estimée collègue, la sénatrice McCoy. Le pouvoir d'obliger des gens à témoigner existe dans les systèmes électoraux de l'Ontario, du Québec, de trois autres provinces canadiennes, et de l'Australie, le pays que notre premier ministre semble considérer comme son nouveau meilleur ami. L'absence de ce pouvoir — et ce n'est pas une théorie, mais une réalité — entrave les enquêtes sur l'utilisation abusive de notre système électoral.

Voici ce que le commissaire aux élections fédérales a dit à ce sujet :

Au cours d'un certain nombre d'enquêtes, dont quelques-unes étaient très graves si l'on se fonde sur les allégations, nous nous sommes heurtés à un mur parce que les gens qui, comme nous le savions, étaient au courant de certaines choses refusaient de nous parler [...]

(1850)

Les gens qui pouvaient donner des témoignages pertinents et nécessaires étaient libres de refuser de le faire. Le sénateur Moore ne propose pas de donner au commissaire aux élections fédérales le pouvoir de sévir contre chaque organisation de parti au pays simplement parce qu'il en a envie. Son amendement est soigneusement rédigé pour s'assurer qu'il soit nécessaire d'obtenir la permission d'un juge avant de pouvoir contraindre une personne à témoigner. Nous pouvons être absolument certains qu'aucun juge n'accorderait un tel pouvoir en l'absence d'arguments très solides.

En l'absence d'un tel pouvoir, nous revenons encore aux appels « robotisés », terme que je déteste. On nous a dit clairement que la portée de l'enquête n'a pas été restreinte parce qu'il n'y avait pas de problème, mais plutôt parce que des gens qui savaient ce qui s'était passé ont refusé de témoigner. C'est grave, et ce, à deux niveaux. Premièrement, cela peut fort bien signifier que des abus, et peut-être même des actes illégaux, ont été cachés. Deuxièmement, et c'est peut-être pire, cet épisode est un autre facteur qui contribue à la perte de confiance du public dans notre système électoral. Si les gens ne font pas confiance au système, pourquoi se donneraient-ils la peine d'aller voter?

Le présent débat fait l'objet d'une motion d'attribution de temps. Il est triste que les seules personnes qui ont participé au débat aujourd'hui soient des membres de l'opposition. Hier, la sénatrice Frum a pris la parole. Son intervention n'a pas été très longue, mais notre collègue a expliqué de façon claire et convaincante les points qu'elle souhaitait présenter. C'est tout. Aujourd'hui, le sénateur Plett a dit que l'attribution de temps était une bonne chose et que le projet de loi était excellent, mais il n'a pas abordé les graves préoccupations soulevées par ce côté-ci.

Il y a quelques minutes, j'ai compté le nombre de sénateurs de l'autre côté. Il y en avait 19, et 11 discutaient entre eux.

Le sénateur Tkachuk : À l'ordre!

La sénatrice Fraser : Je ne crois pas enfreindre le Règlement, sénateur Tkachuk. Si vous voulez prendre la parole, vous devez vous trouver à votre place.

Ce qui est encore plus triste que le fait que des sénateurs se soient entretenus en aparté — les sénateurs tiennent effectivement des conversations au Sénat —, c'est que personne n'ait voulu prendre la parole et participer à un débat sur des questions de fond. Nous ne faisons pas notre travail. Je me permets de reprendre les propos très judicieux, selon moi, du directeur général des élections, qui a été injustement calomnié, et je cite :

Le Parlement a la responsabilité d'établir — et j'ai la responsabilité de mettre en œuvre — un processus électoral qui soit accessible à tous ceux qui souhaitent exercer leur droit de vote, tel que garanti par la Constitution. Le jour de l'élection est censé être un moment, et peut-être est-il le seul moment, où tous les Canadiens peuvent prétendre être parfaitement égaux quant à leur pouvoir et leur influence, quels que soient leur revenu, leur état de santé ou leur situation sociale.

J'aimerais pouvoir croire que le projet de loi dont nous sommes saisis atteindra cet objectif tout à fait noble. Malheureusement, je ne le crois pas. J'exhorte tous les sénateurs à appuyer les amendements proposés et, par la suite, même si les amendements sont adoptés, à s'opposer à ce projet de loi.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je voudrais juste dire quelques mots pour signifier mon appui aux amendements. Je crois que, si nous avons un rôle à jouer en cette Chambre, c'est celui de nous assurer que le processus électoral soit juste et permette à tous ceux et celles qui ont le droit de voter d'exercer ce droit.

Je vois dans ces amendements une façon de permettre à tous les gens qui ont le droit de vote de pouvoir voter.

J'ai dû me présenter devant l'électorat à plusieurs reprises. J'ai eu à visiter les bureaux de scrutin, comme tous les autres candidats qui s'étaient présentés d'ailleurs, et jamais on n'a porté à mon attention que des choses s'étaient passées dans les bureaux de scrutin qui auraient pu être remises en question, parce que les directeurs de scrutin, qu'ils soient nommés par un parti ou un autre — vous savez comment cela fonctionne —, à la suggestion des responsables d'Élections Canada, étaient responsables et s'acquittaient bien de leurs responsabilités. Jamais on n'a porté à mon attention qu'il y avait des choses qui s'étaient passées qui n'auraient pas dû avoir lieu, qu'on avait essayé de tricher ou qu'un répondant avait essayé, de quelque façon, de passer à côté du processus et de permettre à quelqu'un qui n'en avait pas le droit de voter.

Selon moi, ces amendements vont permettre à ces gens d'exercer leur droit de vote. Je crois que le droit de vote est sacré. Il faut tout faire pour que les gens puissent se présenter et voter. C'est pour cette raison, honorables sénateurs, que j'appuie les amendements présentés.

Son Honneur le Président : Est-ce que les honorables sénateurs sont prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous sommes saisis de motions d'amendement. Nous commencerons par la motion d'amendement de l'honorable sénateur Moore, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, qui propose :

Que le projet de loi C-23 soit modifié à l'article 10, à la page 11, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit :

« fédérale; il peut fixer et payer leur rémunération et ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs.

Les whips ont-ils une recommandation à faire au sujet de la sonnerie? La sonnerie retentira pendant une heure. Mon horloge indique qu'il est 19 heures. Le vote aura lieu à 20 heures. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

(2000)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud :

Que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 10, à la page 11, par substitution, aux lignes 28 et 29, de ce qui suit :

« fédérale; il peut fixer et payer leur rémunération et ».

...

Des voix : Suffit!

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Chaput Hubley
Cordy Jaffer
Cowan Lovelace Nicholas
Dawson Massicotte
Day Mercer
Dyck Moore
Eggleton Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Tardif
Hervieux-Payette Watt—20

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McCoy
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Boisvenu Nancy Ruth
Buth Neufeld
Carignan Ngo
Champagne Oh
Cools Patterson
Dagenais Plett
Demers Poirier
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
Maltais Verner
Manning Wallace
Marshall Wells
Martin White—52

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Nolin—1

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement proposée par l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Chaput :

Que le projet de loi C 23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 46, à la page 26 :

(i) par substitution, aux lignes 4 à 6, de ce qui suit :

...

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Conformément à l'ordre adopté par le Sénat, nous allons maintenant procéder à un vote par appel nominal.

La motion, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Chaput Hubley
Cordy Jaffer
Cowan Lovelace Nicholas
Dawson Massicotte
Day Mercer
Dyck Moore
Eggleton Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Tardif
Hervieux-Payette Watt—20

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McCoy
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Boisvenu Nancy Ruth
Buth Neufeld
Carignan Ngo
Champagne Oh
Cools Patterson
Dagenais Plett
Demers Poirier
Doyle Raine
Eaton Rivard
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Seth
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
Maltais Verner
Manning Wallace
Marshall Wells
Martin White—52

ABSTENTIONS
L'HONORABLE SÉNATEUR

Nolin—1

(2010)

Son Honneur le Président : La question dont le Sénat est saisi porte sur la reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Frum, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-23.

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-23 sur les élections qui, malheureusement, n'a pas été amendé.

Ce projet de loi est un désastre depuis le début. De nombreux experts l'ont vivement critiqué. Dans l'un des éditoriaux du Globe and Mail — il y en a eu plusieurs —, on pouvait lire ceci :

Le projet de loi C-23 original risquait de nuire énormément à la démocratie canadienne et d'ébranler la confiance du public à l'égard d'un système électoral qui est censé être équitable et impartial.

Les journalistes n'ont pas vraiment changé d'avis, même après la présentation d'amendements dérisoires.

Heureusement, les Canadiens se sont exprimés. Ils ont appelé, écrit des courriels et fait entendre leur voix. Ils ont poussé le gouvernement à amender le projet de loi.

Certaines des dispositions les plus scandaleuses ont été supprimées. L'article qui aurait modifié les règles relatives aux dépenses électorales, de sorte que le coût des campagnes de financement organisées par d'anciens donateurs du parti ne serait plus considéré comme étant une dépense de campagne? Il a été supprimé. Cette disposition aurait donné un net avantage à l'un des partis par rapport aux autres. Devinez lequel?

L'article qui aurait conféré au parti ayant remporté les élections dans une circonscription le pouvoir d'en nommer le superviseur en chef de centre de scrutin a également été supprimé. Cette disposition aurait fait en sorte qu'un poste non partisan devienne un poste très politique.

Cependant, honorables sénateurs, les amendements ne vont pas assez loin. Ce projet de loi est toujours truffé de lacunes flagrantes. Même si le gouvernement a accepté d'amender certaines dispositions et a fait des compromis, cela ne justifie pas que nous appuyions ce projet de loi. Dans sa version actuelle, ce projet de loi a toujours pour effet de détériorer notre système électoral.

Commençons par le compromis sur le recours à un répondant. On ne compte plus le nombre de fois où les spécialistes ont prouvé qu'il n'y a pas de fraudes électorales généralisées au Canada, quoi qu'en disent certains députés avec leurs fabulations et leurs histoires à dormir debout. Les seuls à dire le contraire, ce ne sont pas les spécialistes, mais les ministériels.

Le gouvernement avait d'abord proposé d'éliminer carrément la preuve d'identité par un répondant. Il a ensuite fait un compromis. Il a proposé un amendement afin que les électeurs puissent présenter une seule pièce d'identité et surtout qu'ils puissent, si jamais leur adresse ne figure pas sur la pièce en question, établir leur résidence en prêtant serment par écrit. Dans ce cas, un autre électeur — muni celui-là d'une pièce d'identité sur laquelle figure à la fois son nom et son adresse — devra alors se porter garant de son concitoyen en prêtant lui aussi serment par écrit. Hélas, le gouvernement refuse d'accepter comme pièce d'identité valide la carte d'information de l'électeur que de nombreux Canadiens avaient pris l'habitude d'utiliser depuis des années. Bref, ce sera beaucoup plus compliqué qu'avant.

Vous avez tous déjà participé aux efforts visant à inciter les électeurs à aller voter. C'est d'ailleurs ce que feront certains d'entre nous pas plus tard que demain. Or, dois-je préciser que ce n'est pas l'idéal de chercher à convaincre une personne d'aller voter quand on doit lui expliquer tout ce qu'elle devra faire pour s'identifier.

Honorables sénateurs, même s'il s'agit d'un compromis, ce n'est pas encore une bonne politique. Ces dispositions vont compliquer le processus. Voici ce que l'ancien directeur général des élections de la Colombie-Britannique, Harry Neufeld, pense de ces changements :

Rien dans tout cela ne va faciliter la vie des électeurs. Ils auront au contraire plus de mal à pouvoir voter, ce qui, à mon avis, risque de faire baisser le taux de participation.

Voici l'opinion sans équivoque d'un spécialiste. Si nous prêtions foi au concept de second examen objectif, nous en tiendrions compte.

Comme deuxième compromis, on nous dit qu'Élections Canada n'est plus muselé. Avant qu'il ne soit amendé, le projet de loi C-23 prévoyait qu'Élections Canada pouvait seulement dire aux Canadiens quand et où ils pouvaient voter. Aux termes des amendements adoptés, Élections Canada pourra à tout le moins continuer de faire la promotion du vote dans les écoles secondaires et primaires, comme c'est actuellement le cas, afin d'aider les jeunes à se familiariser avec le régime électoral démocratique. Élections Canada n'aura toujours pas droit, par contre, de mener des campagnes publiques d'information afin d'inciter les électeurs à aller voter. Quand on sait que le taux de participation est faible et ne cesse de diminuer, c'est aberrant. Oui, les Canadiens devraient avoir envie d'aller voter, mais nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les inciter à exercer leur droit de vote. C'est essentiel pour une démocratie en bonne santé.

Honorables sénateurs, cette mesure législative comporte deux problèmes que le gouvernement n'a pas réglés. À l'heure actuelle, Élections Canada peut puiser directement dans le Trésor pour embaucher temporairement des spécialistes ou des enquêteurs de l'extérieur. Cette possibilité lui permet d'exercer un contrôle direct sur les candidats qui sont embauchés et la raison pour laquelle ils le sont. Or, le projet de loi C-23 compromet cette indépendance puisqu'il obligerait Élections Canada à obtenir l'approbation du Conseil du Trésor avant d'embaucher des spécialistes de l'extérieur. David Brock, directeur général des élections des Territoires du Nord-Ouest, a indiqué que le pouvoir qu'aurait le Conseil du Trésor de refuser une demande si bon lui semble « complexifie et affaiblit le lien fondamental qui existe entre le directeur général des élections du Canada et le Parlement ». Élections Canada aurait donc à s'adresser au gouvernement pour obtenir la permission d'embaucher les candidats pressentis et obtenir les fonds nécessaires.

L'autre problème s'inscrit dans la même optique. Le projet de loi sépare le directeur général des élections et le commissaire qui serait chargé de mener des enquêtes dans les cas présumés d'irrégularité électorale. Il fait relever le commissaire d'une autre entité gouvernementale, ce qui réduira considérablement son niveau d'indépendance. Cette mesure a également pour but d'amenuiser les pouvoirs d'Élections Canada.

Honorables sénateurs, si le gouvernement cherchait réellement à améliorer le processus électoral, il aurait inclus dans le projet de loi des mesures que réclament les spécialistes des élections, y compris les représentants d'Élections Canada. Il aurait donné au commissaire aux élections fédérales le pouvoir de contraindre des personnes à témoigner dans les cas présumés d'irrégularité. Élections Canada a admis que l'absence de ce pouvoir a considérablement nui à l'enquête sur les appels automatisés. Dans un rapport qu'il a récemment rendu public, le commissaire a déclaré que, sans ce pouvoir, « certaines [enquêtes] avorteront tout simplement en raison de [son] incapacité d'aller au fond des choses ».

(2020)

Comme on le voit, les responsables eux-mêmes nous disent qu'on leur lie les mains et qu'on les empêche de faire leur travail.

Honorables sénateurs, on parle du même genre de pouvoir que celui que détiennent le Bureau de la concurrence et divers organismes provinciaux. D'ailleurs, le Bureau de la concurrence a signalé dernièrement l'avoir invoqué à 26 reprises l'an dernier dans le cadre d'enquêtes. Comme l'affirmait dernièrement un groupe d'experts en matière d'élections, toujours dans un article du Globe and Mail :

En plus d'être un outil d'enquête essentiel, le pouvoir de citer un témoin à comparaître a un effet fort dissuasif sur toutes les parties.

Un effet fort dissuasif.

Honorables sénateurs, le régime électoral canadien fait notre réputation dans le monde entier. Il nous arrive couramment de former et de conseiller des démocraties en devenir relativement aux pratiques électorales exemplaires. Sous sa forme initiale, le projet de loi C-23 aurait fortement entaché notre réputation sur la scène internationale et notre démocratie. Il s'agissait d'une pomme de discorde strictement conçue pour favoriser le parti au pouvoir et non pour améliorer notre système électoral. Heureusement, les Canadiens l'ont dénoncé, suscitant ainsi des modifications. Cependant, honorables sénateurs, n'oublions pas que ces modifications ne font qu'endiguer les mesures destructrices que propose le projet de loi C-23 sans pour autant améliorer notre régime électoral. Au contraire, il l'empire. Pour cette raison, le projet de loi n'est pas digne d'obtenir notre appui.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Que veulent les whips?

La sénatrice Hubley : Votre Honneur, je demande que le vote soit reporté.

Son Honneur le Président : Conformément au Règlement, le vote est reporté à demain, le jeudi 12 juin, à 17 h 30.

Le Budget des dépenses de 2014-2015

Le Budget supplémentaire des dépenses (A)—Onzième rapport du Comité des finances nationales—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget supplémentaire des dépenses (A) 2014-2015), présenté au Sénat le 10 juin 2014.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, ce rapport rend compte des travaux du Comité des finances en lien avec le Budget supplémentaire des dépenses (A). J'ai l'intention de vous fournir quelques explications et de placer ce rapport dans le contexte des projets de loi de crédits que nous avons reçus aujourd'hui. Cependant, étant donné que nous avons eu une longue journée, avec votre permission, je demanderais l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat et pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 10 juin 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le vendredi 13 juin 2014 et le lundi 16 juin, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)a) du Règlement, le comité soit également autorisé à se réunir ce jour-là, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d'une journée mais moins d'une semaine.

Son Honneur le Président : Y a-t-il débat? Des explications? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Affaires étrangères et commerce international

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat et pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 10 juin 2014, propose :

Que, nonobstant l'article 12-18(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à se réunir le vendredi 13 juin 2014 et le lundi 16 juin 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, aux fins de son étude du projet de loi C-20, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, de l'Accord de coopération dans le domaine de l'environnement entre le Canada et la République du Honduras et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Honduras, si ce projet de loi est renvoyé au comité;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)a) du Règlement, le comité soit également autorisé à se réunir aux fins de cette étude, ces jours-là, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d'une journée mais moins d'une semaine.

— Votre Honneur, je voudrais présenter une version amendée de la motion no 49. Si vous permettez que je vous explique, cette motion vise à permettre au Comité des affaires étrangères de se réunir pendant quelques jours de plus. Toutefois, je voudrais amender la motion pour que le comité puisse se réunir le jeudi 12 juin 2014 et le vendredi 13 juin 2014, au lieu du vendredi et du lundi, soit une journée avant ce qui est actuellement prévu dans la motion figurant au Feuilleton des préavis.

Je demande la permission de modifier ma propre motion parce que des négociations ont eu lieu. À la demande de la présidente et du vice-président du comité, et après consultation avec la sénatrice Fraser, il a été entendu qu'une modification devrait être apportée à la motion. C'est pourquoi je demande la permission de modifier la motion no 49.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Motion de modification

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, en modification, je propose :

Que la motion soit modifiée dans le premier paragraphe en remplaçant les mots « le vendredi 13 juin 2014 et le lundi 16 juin 2014 » par les mots « le jeudi 12 juin 2014 et le vendredi 13 juin 2014 ».

Son Honneur le Président : Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion modifiée?

Des voix : D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme nous avons complété les affaires du gouvernement et qu'il est plus de 16 heures, je dois, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 6 février 2014, déclarer que le Sénat s'ajourne au jeudi 12 juin 2014, à 13 h 30, par décision du Sénat.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 12 juin 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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