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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 79

Le mercredi 24 septembre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 24 septembre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers

La ratification de l'accord avec la Chine

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, c'est avec honte et colère que je prends la parole aujourd'hui pour vous interpeller au sujet de l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers —, l'APIE — que le Canada a ratifié avec la Chine et qui entrera en vigueur le 1er octobre.

Cet accord, qui n'a jamais été approuvé par les Canadiens, a été ratifié sans vote ni débat. Le premier ministre Harper a refusé les demandes répétées des trois partis de l'opposition à l'autre endroit. Il a aussi bloqué les demandes qu'une étude approfondie soit effectuée en comité. Ainsi, démonstration est faite de la transparence voulue par ce premier ministre et du respect qu'il témoigne envers nos institutions démocratiques.

Outre la méthode, les termes de l'accord soulèvent de graves questions. Le cabinet d'avocats Blakes résume la situation ainsi, et je cite :

S'il a été dit que cet accord représente un plus grand avantage pour les investisseurs canadiens désireux d'investir en Chine que l'inverse, il n'en demeure pas moins que le traité établira des mesures de protection précieuses, dont les sociétés d'État chinoises, investissant dans le secteur du pétrole et du gaz canadien, n'auraient pas bénéficié autrement.

Parmi ces protections dont les sociétés chinoises bénéficieront, il y en aura une de taille lorsque se produira un différend qu'il faudra régler par arbitrage, comme le prévoit l'accord. Les sociétés chinoises sont des sociétés d'État. Or, comme le rappelle le bureau d'avocats Blakes, et je cite :

Les circonstances dans lesquelles les sociétés d'État ou sociétés contrôlées par l'État, et non les sociétés privées, ont le droit d'intenter des actions devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements étrangers demeurent vagues. L'incertitude qui règne à cet égard provient du fait que le centre de médiation a été établi en partie pour dépolitiser les différends relatifs aux investissements en écartant la participation de l'État de l'investisseur, ce qui évidemment n'est plus possible dès que l'investisseur est la propriété ou est sous le contrôle de cet État.

Une autre question qui a été soulevée est la transparence dans le règlement des différends. En effet, le Canada, en tant qu'État visé par la plainte, aura le pouvoir discrétionnaire de décider si la procédure sera ouverte au public, et celui de déterminer quelles demandes d'arbitrage seront rendues publiques. Ainsi, des arbitrages pouvant aboutir à des compensations de millions dollars d'argent public pourraient demeurer secrets pour les Canadiens.

Outre ces éléments qui n'ont pas pu être débattus au Parlement, les Canadiens aussi ont été ignorés. Cela est notamment le cas des Premières Nations. Les chefs de l'Ontario et de la Colombie-Britannique estiment que l'accord viole les droits constitutionnels qui leur ont été accordés dans le cadre de plusieurs traités nationaux et internationaux.

Selon le chef Stewart Phillip, qui s'exprime ainsi, et je cite :

[Traduction]

[...] l'accord protège bien plus les intérêts des investisseurs chinois que les titres et les droits ancestraux ainsi que les droits issus des traités des Premières Nations. L'accord interdit au gouvernement du Canada de consentir à un investisseur canadien un traitement qu'il n'offre pas aux investisseurs chinois. Nous estimons...

[Français]

Est-ce que je peux terminer ma phrase?

[Traduction]

Les relations canado-israéliennes

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, en juillet dernier, j'ai eu l'occasion de me rendre dans l'État d'Israël avec une délégation parlementaire pilotée par le Centre consultatif des relations juives et israéliennes. Le but de notre visite était de mieux faire connaissance avec le peuple d'Israël, de constater de visu les menaces auxquelles il est confronté et de nous faire notre propre idée sur la légitimité de sa cause.

Nous avons découvert un pays qu'on peut traverser en voiture en quatre heures et demie et qui, à son point le plus étroit, ne s'étend que sur 14 kilomètres. Sa population est de moins de neuf millions d'habitants, israéliens et arabes — ces derniers comptant pour environ 20 p. 100 de la population —, et tous sont représentés par des députés à la Knesset.

Le lendemain de notre arrivée, les tirs de roquettes du Hamas depuis Gaza ont commencé et l'État d'Israël a entamé son siège de 50 jours et une guerre à la propagande politique internationale qui a dû être accablante, par moments.

Les attaques à la roquette quotidiennes et incessantes nous ont tous amenés à réfléchir aux dangers que court le citoyen israélien ordinaire, Juif ou Arabe, en se rendant au travail. On se demande comment les Israéliens pourraient rétablir la paix alors que leur pays est entouré d'organisations terroristes, comme le Hamas et le Hezbollah, dont le principal objectif exprimé et inscrit dans leur charte constitutive est l'anéantissement de l'État d'Israël.

De plus, on s'explique mal qu'Israël fasse l'objet d'une enquête de l'ONU pour crime de guerre, mais pas le Hamas ni le Hezbollah.

Honorables sénateurs, pendant notre séjour, il a fallu aller quatre fois nous réfugier dans des abris contre les bombardements; nous pouvons d'ailleurs témoigner de l'efficacité du système de défense Iron Dome. Ce système fonctionne; il sauve la vie de nombreux Israéliens tout en laissant au gouvernement le temps d'évaluer les différentes options possibles pendant les attaques. Il nous fait aussi comprendre qu'il importe de disposer d'un tel système de défense, notamment, dans notre cas, contre les missiles balistiques.

Le printemps dernier, le Comité sénatorial permanent de la défense et de la sécurité recommandait qu'on envisage de participer, en collaboration avec nos voisins américains, à un programme de défense contre les missiles balistiques. La situation en Israël devrait nous faire comprendre qu'il faut absolument nous préparer à toute éventualité lorsqu'on vit dans un monde dangereux et peuplé de voyous.

Honorables sénateurs, quand je pense à notre visite parlementaire en Israël, seul État démocratique du Proche-Orient, je ne peux qu'être fier de nos solides rapports bilatéraux avec ce pays, de notre solidarité envers les Juifs du Canada et d'ailleurs, ainsi que de notre ferme rejet de l'antisémitisme.

En cette période des grandes fêtes juives et à l'occasion du Rosh Hashana, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter aux membres de la communauté juive une bonne et heureuse année. L'shanah tovah.

[Français]

Le Jour des Franco-Ontariens

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, depuis sa proclamation, en 2010, les Ontariens célèbrent le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes le 25 septembre.

Le 25 septembre — demain — est un jour important pour nous, membres de la communauté franco-ontarienne. C'est en effet en ce jour, en 1975, que Gaétan Gervais, cocréateur du drapeau franco-ontarien, et un groupe d'étudiants de l'Université Laurentienne de Sudbury ont, pour la première fois, hissé le drapeau franco-ontarien.

Ce fut donc un grand jour lorsque, en 2010, l'Assemblée législative de l'Ontario a adopté à l'unanimité la Loi proclamant le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes, jour consacré à la célébration et à la reconnaissance officielle, et je cite, « de la contribution des francophones à la vie culturelle, historique, sociale, économique et politique de la province ».

(1340)

Au moment où la communauté franco-ontarienne se prépare pour les fêtes du 400e anniversaire de la présence française en Ontario, qui auront lieu l'année prochaine, je me rappelle un grand nombre de réalisations dont nous pouvons être fiers. Les obstacles ont été nombreux, mais nous pouvons maintenant dire que la question des droits linguistiques des francophones au sein des systèmes scolaire et juridique, la question des médias francophones et la sauvegarde de l'Hôpital Montfort, ainsi que sa récente désignation à titre d'hôpital d'enseignement, figurent parmi nos grandes réalisations.

Nous pouvons citer l'exemple de la nomination historique, plus tôt cette année, de l'honorable Madeleine Meilleur à titre de procureure générale de la province, poste qu'aucun francophone n'avait occupé avant elle. Mme Meilleur a elle-même déclaré que sa nomination « envoie un message positif aux 600 000 francophones de la province ».

Honorables sénateurs, les Franco-Ontariens et Franco-Ontariennes remarquables sont nombreux, et les messages positifs le sont aussi.

En cette veille du Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous dire encore une fois à quel point je suis fière de représenter au Sénat la plus importante population francophone du Canada à l'extérieur du Québec.

Le décès de Gilles Latulippe, C.M., C.Q.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, hier, à Montréal, s'est éteint, à l'âge de 77 ans, un grand Québécois, un grand Canadien, M. Gilles Latulippe. C'est avec une profonde tristesse que nous avons appris le décès de ce pilier de l'humour au Québec, chevalier de l'Ordre national du Québec, récipiendaire du Grand Prix de l'Académie canadienne du cinéma et de la télévision et membre de l'Ordre du Canada. Au fil de sa carrière, M. Latulippe a également reçu plusieurs distinctions de la part du milieu artistique.

Lorsque j'étais enfant et adolescent, trois comédiens humoristes me faisaient rire aux larmes : Louis de Funès, Yvon Deschamps et Gilles Latulippe. Ce dernier, maître du burlesque au Québec, a eu une carrière prolifique et est monté sur les planches avec les plus grands comiques et instigateurs de l'humour québécois. M. Latulippe a ainsi joué aux côtés des Olivier Guimond, Michel Noël, Mandat Parent, Juliette Huot, Janine Sutto et La Poune, pour ne nommer que ceux-là.

En 1967, à l'âge de 29 ans, il a fait l'acquisition de l'ancien Théâtre Dominion pour le convertir en théâtre de vaudeville. C'est ainsi que le Théâtre des variétés a vu le jour. Gilles Latulippe en a dirigé les destinées pendant 33 ans et y a joué dans plus de 7 000 représentations burlesques avec ses idoles de jeunesse dont j'ai fait mention précédemment.

Gilles Latulippe a aussi tenu des rôles marquants au petit écran. Il s'est imposé, dès 1959, dans le rôle du célèbre frère Nolasque dans la comédie dramatique Bousille et les Justes, de Gratien Gélinas. Il a tenu des rôles successifs dans les séries Le zoo du Capitaine Bonhomme, Cré Basile, Symphorien, Les Brillant et Poivre et Sel, sans compter sa participation à une dizaine de longs métrages. Il a participé à la coanimation de l'émission Les Démons du midi aux côtés de Suzanne Lapointe. Cette série de variétés a été l'une des rares à franchir le cap des 1 000 émissions, et Gilles Latulippe y a écrit plus de 800 sketches.

Vous en conviendrez, honorables sénateurs, cet homme a marqué le Québec et le Canada par son énergie créatrice hors du commun. Lorsque l'on entend les différents témoignages depuis l'annonce de son décès, ce qui m'épate n'est pas nécessairement son immense talent — tous en conviennent —, mais surtout son côté humble, simple, accessible, affable et généreux.

[Traduction]

Gilles Latulippe était un homme extraordinaire, qui avait les deux pieds sur terre. Il adorait plus que tout faire rire aux larmes ses amis et les Québécois. C'est ce qu'il a fait pendant plus de 55 ans, pour notre plus grand plaisir.

[Français]

Depuis environ trois ans, M. Latulippe se savait gravement malade, atteint d'un cancer du poumon, mais il a fait le choix de taire sa maladie au grand public et de continuer à nous faire rire. L'été dernier, il foulait les planches du théâtre de Drummondville pour la 20e saison consécutive, mais il a été hospitalisé à la fin de l'été pour soigner une pneumonie qui lui aura été fatale, à la suite de multiples complications.

En mon nom personnel, au nom de nous tous et au nom du gouvernement, je veux offrir nos plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches, et je veux remercier M. Latulippe pour toutes ces années de rires irrépressibles.

Surtout, bonnes retrouvailles avec vos vieux amis du Théâtre des variétés, monsieur Latulippe!

[Traduction]

Le décès de Richard Lee Collver

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, Richard Lee Collver est mort en Thaïlande le 7 août 2014, laissant dans le deuil son épouse, leur fils et trois autres enfants de son premier mariage. Homme d'affaires prospère de notre province, il est devenu, en mars 1973, chef du Parti progressiste-conservateur de la Saskatchewan, qui était à l'époque moribond. En effet, à peine plus de 300 habitants de la province étaient membres du parti.

Dans les années 1960, les progressistes-conservateurs avaient un seul député élu et, avant cela, ils n'avaient pas réussi à faire élire un seul de leurs députés depuis 1934. Le Parti progressiste-conservateur de la Saskatchewan n'avait pas d'élu dans les années 1970 avant que M. Collver en prenne les rênes, et il avait seulement obtenu 2 p. 100 du vote populaire lors des élections de 1971. C'était l'état des choses lorsque Richard Collver est devenu chef du parti. Pourtant, lors des élections de 1975, il a aidé le parti à obtenir sept sièges et 28 p. 100 du vote. En 1978, il est devenu chef de l'opposition; lors de ces élections, le parti a réussi à décrocher 17 sièges et a obtenu 38 p. 100 des voix.

M. Collver était un personnage haut en couleur, fougueux et déterminé. Son épouse Eleanor et lui ont sillonné la province sans relâche, et M. Collver a parlé à tous ceux qui voulaient l'entendre de l'importance de la libre entreprise, de la responsabilité sociale et d'une administration locale solide. Présumant que beaucoup de néo-démocrates aimeraient voter pour quelqu'un d'autre que le socialiste Allan Blakeney — et que bien des libéraux étaient en réalité des conservateurs —, il a donné un nouveau nom à notre parti, à savoir la coalition Tommy Douglas-Diefenbaker. Toutefois, blessé par sa défaite électorale, il a démissionné de son poste de chef de parti pour voir ensuite ses efforts porter ses fruits en 1982 quand les habitants de la province ont élu un gouvernement progressiste-conservateur.

Après avoir quitté la vie politique, Richard a brassé beaucoup d'affaires aux États-Unis, où il a fini par s'établir avec sa famille. Il a toutefois apporté beaucoup de contributions à la province et ses messages puissants prônant l'initiative individuelle et la libre entreprise ont considérablement marqué les gens de ma génération.

Il aurait été très heureux de voir ce qu'est devenue notre province. Au nom des conservateurs de la Saskatchewan, j'offre nos condoléances à sa famille. Dieu ait son âme.

Le sort des Tatars de Crimée

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur la situation périlleuse des Tatars de Crimée.

Les Tatars sont des musulmans turcophones qui, depuis des siècles, peuplent la péninsule de Crimée. En 1944, ils ont été expulsés de Crimée par suite des politiques de déportation massive adoptées par Joseph Staline. Beaucoup y ont laissé leur vie.

La chute de l'Union soviétique a permis aux Tatars de retourner s'établir en Crimée. Depuis 1991, les Tatars de Crimée possèdent leur propre assemblée exécutive, le Majlis, qui représente leurs intérêts et en fait la promotion. Quelque 260 000 Tatars vivent aujourd'hui en Crimée.

Plus tôt cette année, le Parlement de l'Ukraine a officiellement reconnu que les Tatars de Crimée sont un peuple indigène de l'Ukraine et qu'ils ont droit à l'autodétermination au sein de l'Ukraine.

Cette liberté et cette autonomie sont aujourd'hui menacées.

La relation entre les Tatars de Crimée et la Russie est, depuis longtemps, tendue et difficile. L'annexion illégale de la Crimée par la Russie en mars dernier a exposé les Tatars à de nouvelles représailles et à la persécution. Peu après l'occupation illégale de la Crimée par la Russie, les Tatars ont été enjoints d'abandonner leurs terres « à des fins sociales ». Plusieurs dirigeants tatars ont été bannis de la péninsule. Des activistes tatars ont été victimes d'attaques violentes et ont fait l'objet de poursuites criminelles fallacieuses. Beaucoup de Tatars de Crimée ont été forcés de fuir la péninsule de Crimée et beaucoup d'autres devront probablement leur emboîter le pas.

(1350)

Une nouvelle vague de répression a déferlé la semaine dernière, à la suite des élections législatives tenues le 14 septembre en Crimée. Le 16 septembre, des agents russes armés ont fait des descentes dans des écoles et des institutions religieuses tatares ainsi que dans les domiciles de plusieurs dirigeants tatars. Une descente a également eu lieu au Majlis des Tatars de Crimée, et ses membres ont été sommés d'évacuer leur quartier général dans les 12 heures.

Le 18 septembre, l'intellectuel tatar de Crimée, Nadir Bekir, a été agressé par des hommes masqués, qui lui ont volé son passeport et son téléphone cellulaire. On pense que cette agression visait à empêcher M. Bekir d'assister à la Conférence mondiale sur les peuples autochtones des Nations Unies, qui a lieu cette semaine à New York.

Le 19 septembre, la principale bibliothèque tatare de Crimée a été fermée, à Simferopol. Cette fermeture donnait suite à une résolution du gouvernement russe visant à remplacer les bibliothèques de la péninsule par des entités relevant de l'État russe. De la littérature tatare figurant dans une liste d'ouvrages interdits par la loi russe a été saisie.

Le secrétaire général adjoint aux droits de l'homme des Nations Unies, Ivan Šimonovic, a dit s'inquiéter du sort de la communauté tatare. En avril, il a souligné, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, que les autorités de Crimée avaient l'obligation de veiller au respect des normes internationales en matière de droits de la personne.

J'exhorte tous les sénateurs à se joindre à moi pour témoigner leur solidarité envers la communauté tatare de Crimée et défendre son droit d'exister à l'abri de toute persécution à caractère politique.


AFFAIRES COURANTES

Les travaux du Sénat

Préavis de motion d'ajournement

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 30 septembre 2014, à 14 heures.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères, le commerce et le développement

L'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. L'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers a comme objectif de garantir aux investisseurs et aux entreprises des deux pays un traitement équitable et des règles semblables pour tous. Le gouvernement fait campagne pour que soit ratifié son accord sur les investissements avec la Chine, mais c'est un accord qui soulève des objections parmi de nombreux groupes, comme la Première Nation Hupacasath, qui craint que ses droits ne soient pas respectés.

La Chine n'est pas le pays le plus ouvert au monde. D'ailleurs, cet accord n'accorde pas aux investisseurs canadiens un accès réciproque au marché chinois.

L'arbitrage prévu dans ce traité ne se fera pas au grand jour, mais derrière des portes closes, et aucun document ne sera disponible.

La Chine est connue en outre pour ses sociétés d'État. En vertu de ce traité, une société d'État chinoise, qui est le prolongement du gouvernement chinois, aura le même statut juridique qu'une entreprise canadienne dans les deux pays.

Pourquoi l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers ne donne-t-il pas aux investisseurs et aux entreprises canadiennes un accès au marché chinois semblable à celui dont jouissent leurs homologues chinois au Canada?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. L'Accord pour la promotion et la protection des investissements étrangers Canada-Chine contribuera sûrement à ce que les entreprises canadiennes qui choisissent de faire affaire en Chine soient traitées équitablement et qu'elles profitent d'un environnement plus prévisible, plus transparent. Cet accord offrira aux investisseurs canadiens la même protection dont bénéficient depuis longtemps les investisseurs étrangers au Canada.

Plus particulièrement, l'accord établit des règles claires régissant les relations en matière d'investissement, y compris le règlement des différends, et prévoit des mesures de protection contre les pratiques discriminatoires et arbitraires semblables à celles d'autres traités conclus entre le Canada et d'autres pays. C'est une entente réciproque qui confère aux deux pays signataires des obligations et des droits mutuels.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je pense qu'il est facile de constater que, compte tenu de la méthode choisie pour régler nos différends, cette forme d'arbitrage international exclut toute implication de la part de nos tribunaux canadiens.

Alors, monsieur le leader, pourquoi ne pas se fier à nos tribunaux canadiens lorsqu'il y a une dispute entre une compagnie étrangère et une autre partie, qui peut être le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral? Pourquoi ne pas avoir fait confiance à notre système judiciaire canadien?

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, sénatrice, vous êtes sûrement au courant du fait que l'accord conclu entre le Canada et la Chine est semblable à ceux qui existent entre le Canada et d'autres pays. Il n'est donc pas différent des autres.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je me pose encore la question. Il semble que, dans cet accord, les travailleurs chinois pourront venir travailler dans les entreprises, accompagner les investissements et créer des communautés chinoises comme ils l'ont fait en Afrique, et dans le cadre d'un projet minier en Colombie-Britannique.

Le leader du gouvernement peut-il m'assurer que les emplois créés à l'aide de ces investissements seront d'abord offerts à des Canadiens?

Le sénateur Carignan : Écoutez, sénatrice, vous connaissez notre politique en matière de création d'emplois et d'employés étrangers temporaires. Cette politique continuera de s'appliquer.

En ce qui a trait aux interventions positives, je voudrais vous référer à Jayson Myers, président-directeur général des Manufacturiers et Exportateurs du Canada qui, le 12 septembre 2014, affirmait ce qui suit, et je cite :

Nous appuyons toute initiative qui met sur un même pied d'égalité les entreprises canadiennes désireuses d'élargir leur marché d'exportation. Les protections acquises par la ratification de l'accord doivent faire comprendre aux entreprises qui souhaitent attirer des investissements étrangers qu'il existe maintenant un processus de résolution bien établi.

De plus, Janet L. Ecker, présidente-directrice générale de la Toronto Financial Services Alliance, disait ce qui suit, et je cite :

Cet accord stimulera les occasions d'affaires entre nos deux pays en offrant aux entreprises canadiennes une plus grande protection et un contexte d'investissement transparent plus prévisible. La certitude et la stabilité que procurent les règles d'investissement établies par l'accord ne pourront qu'aider à renforcer nos liens économiques.

Il s'agit d'un accord qui est bien accueilli par nos entreprises canadiennes. J'espère que vous vous réjouirez de cet accord au cours des prochaines semaines.

La sénatrice Hervieux-Payette : Non seulement je ne m'en réjouis pas, mais je crois que tous les Canadiens doivent sans doute être fort inquiets. Les provinces n'ont pas participé à l'accord et on sait que, d'après la Constitution canadienne, les ressources naturelles relèvent des provinces et des territoires, qui sont occupés par les Autochtones grâce à des titres de propriété.

Les Autochtones et les provinces touchées par cette entente ont-ils participé à son élaboration et l'ont-ils agréée? Le Parlement lui-même n'a pas été consulté.

(1400)

Le sénateur Carignan : Sénatrice Hervieux-Payette, il s'agit d'un accord de promotion et de protection des investissements étrangers conclu entre le Canada et la Chine, accord qui a franchi toutes les étapes du processus nécessaire afin d'être signé et mis en vigueur.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aurais plusieurs autres questions à poser, mais je vais finir avec celle-ci. Récemment, il y a eu un projet de pont aux États-Unis, pour lequel les Canadiens ont fourni de l'acier. Les gens pouvaient obtenir une subvention fédérale aux États-Unis, mais, en vertu de l'initiative Buy America, ils se voyaient refuser la subvention fédérale. Ils ont retiré les poutres canadiennes qui avaient permis de diminuer les coûts.

Ma question est très précise. Est-ce que cet accord permettra de faire en sorte que les matériaux, les équipements et tous les éléments qui serviront à développer des projets, surtout dans le domaine du pétrole et du gaz, seront d'origine canadienne?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, il s'agit d'un accord qui offre aux investisseurs canadiens la même protection dont bénéficient depuis longtemps les investisseurs étrangers au Canada. L'accord établit des règles claires qui régissent les relations en matière d'investissement, y compris le règlement des différends, ainsi que des mesures de protection contre les pratiques discriminatoires et arbitraires, pour permettre de créer un environnement sécuritaire et prévisible.

[Traduction]

L'environnement

Les changements climatiques—La recherche et le développement

L'honorable Grant Mitchell : Aujourd'hui, j'ai une question provenant de Kyle Durksen, de Virgil, en Ontario. Voici sa question :

Depuis la naissance du Canada, les grandes avancées que nous avons réalisées sur les plans matériel et social sont attribuables à la liberté accordée à nos scientifiques dans le domaine de la recherche, car ceux-ci n'avaient pas à se soucier de l'influence indue d'idéologies ou de dogmes. Cependant, depuis l'arrivée au pouvoir du premier ministre Harper, cette liberté est devenue de plus en plus restreinte, et ce, de trois manières. L'une d'entre elles consiste à abolir des travaux de recherche dans des domaines particuliers en muselant les scientifiques et en éliminant les liens qui existent entre les scientifiques et les décideurs en matière de politiques publiques.

Pour ce qui est du musellement des scientifiques, pourquoi le gouvernement, qui se dit en faveur des données, de la recherche et des connaissances scientifiques, a-t-il aboli le formulaire détaillé du recensement, éliminé la moitié des observations réalisées par lidar au Canada — lesquelles sont utilisées à des fins de recherche météorologique, c'est-à-dire celle menée sur les changements climatiques — et supprimé 700 postes de scientifiques à Environnement Canada et 1 074 postes au ministère des Pêches et des Océans? Pourquoi le gouvernement a-t-il fait cela s'il croit à la science?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Votre question comporte plusieurs éléments auxquels je vais tenter de répondre le plus efficacement possible.

Notre gouvernement a consenti des investissements sans précédent dans le domaine des sciences. Le Canada figure au premier rang des pays du G7 au chapitre de l'appui qu'il apporte dans le domaine de la recherche et du développement dans les collèges, universités et autres instituts.

Le Plan d'action économique du Canada de 2014 prévoit de nouvelles mesures contre lesquelles vous avez voté, il me semble. Le Plan d'action économique de 2014 a permis la création du Fonds d'excellence en recherche Apogée Canada, qui prévoit 1,5 milliard de dollars sur 10 ans afin d'aider les établissements postsecondaires à exceller sur la scène mondiale de la recherche et à créer des retombées économiques à long terme.

Le fonds accorde également 8 millions de dollars sur deux ans à Mitacs afin de lui permettre de bonifier le soutien qu'il apporte à la recherche industrielle. Il encourage la recherche de classe mondiale grâce à un investissement de 222 millions de dollars en faveur du laboratoire TRIUMF; il soutient l'innovation technologique en accordant une enveloppe de 15 millions de dollars à l'Institut de l'informatique quantique.

Notre gouvernement a également accordé la hausse de financement la plus élevée aux organismes subventionnaires en 10 ans. Comme vous le savez, sénateur Mitchell, nous nous sommes engagés à créer le Fonds pour l'innovation sociale afin d'examiner les problèmes sociaux les plus urgents au Canada.

Donc, ce sont des investissements qui ont été chaudement accueillis, notamment par l'Association des universités et collèges du Canada, l'Association des collèges communautaires du Canada, l'Université du Manitoba et l'Université de la Colombie-Britannique, pour ne nommer que celles-là.

Sénateur Mitchell, je pense que, à titre de libéral et fier de l'être, vous êtes un peu mal placé pour faire la morale au gouvernement actuel. Il y a un gouvernement qui a sabré les investissements consacrés aux sciences, à la recherche et à l'innovation, et ce n'est pas le nôtre.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Pour paraphraser le sketch des Monty Python dans le contexte de cette réponse, si cette scientifique était un perroquet, elle serait morte.

Si le gouvernement pense que, en fait, il croit à la science, le leader pourrait-il nous expliquer pourquoi celui-ci a mis un frein aux travaux de recherche novateurs qui étaient menés dans le domaine des changements climatiques en fermant le Laboratoire de recherche atmosphérique dans l'environnement polaire? Il s'agissait d'un centre de calibre mondial. Pourquoi le gouvernement a-t-il fait un si grand pas en arrière en fermant ce laboratoire si, comme il le prétend, il croit à la science et aux changements climatiques? D'ailleurs, s'il le voulait, le leader pourrait être en ce moment à New York pour discuter de ce dossier avec ses homologues.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Mitchell, puisque vous voulez parler du bilan du gouvernement, laissez-moi vous rappeler que, en 2012, les émissions de gaz à effet de serre étaient inférieures de 5,1 p. 100 par rapport au taux de 2005, et que l'économie a connu une croissance de 10,6 p. 100 au cours de la même période.

De plus, les émissions de carbone par personne ont chuté à leur niveau le plus bas depuis qu'on a commencé à en faire le suivi. Il est important que vous reteniez le fait que le Canada bénéficie de l'un des réseaux d'électricité les plus propres au monde. En effet, 63 p. 100 de notre électricité provient de sources renouvelables, soit le plus haut pourcentage parmi les pays du G7.

Retenez également, sénateur Mitchell, que le Canada émet moins de 2 p. 100 des émissions de carbone dans le monde. Par comparaison au secteur du charbon, les États-Unis émettent plus d'émissions de gaz à effet de serre que le Canada en entier. En réalité, les trois quarts des sources d'électricité du Canada n'émettent aucun gaz à effet de serre. En 2011, l'Agence internationale de l'énergie a classé le Canada au deuxième rang pour son taux d'amélioration au chapitre de l'efficacité énergétique. Ce classement n'a pas été fait par le sénateur Mitchell, mais bien par l'Agence internationale de l'énergie.

En 2012, le Canada est devenu le premier grand consommateur de charbon à bannir la construction de centrales électriques au charbon traditionnel, alors que les États-Unis ont attendu jusqu'en 2014 pour agir. Le charbon constitue la plus importante source d'émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Nos règles sont plus strictes et entrent en vigueur plus tôt que celles que proposent nos voisins du Sud. Grâce aux mesures qu'a prises notre gouvernement, les émissions de carbone seront réduites de près de 130 mégatonnes par rapport à ce qu'elles auraient été sous l'administration d'un gouvernement libéral. Cela équivaut à la fermeture de 37 centrales électriques au charbon.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Le musellement des scientifiques. Pourquoi le gouvernement a-t-il muselé des scientifiques comme Scott Dallimore et Kristi Miller en les empêchant de parler aux médias de leurs découvertes de calibre mondial, soit, respectivement, l'activité géologique au Canada et le déclin des stocks de saumon? De quoi le gouvernement avait-il peur exactement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Mitchell, je ne veux pas parler de perroquets, mais chaque fois que je réponds à vos questions, j'ai l'impression de me répéter. Vous posez continuellement les mêmes questions et il devient presque facile de préparer la période des questions avec vous.

(1410)

On peut retourner comme cela, de façon historique, dans les archives. Comme je l'ai dit, nous sommes fiers de notre bilan en ce qui concerne les investissements que nous avons consentis en matière d'énergie propre et de recherche et développement.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Si le gouvernement tient tellement à continuer de prétendre qu'il écoute les scientifiques et se fie à leur travail, pourquoi a-t-il éliminé le poste de conseiller national des sciences, qui jouait un rôle essentiel de liaison entre la communauté scientifique et les grands décideurs politiques, comme le premier ministre et son Cabinet? Pourquoi a-t-il éliminé un poste aussi important?

La sénatrice Dyck : Bonne question.

Le sénateur Mitchell : C'est une autre question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, sénateur, nous agissons dans le cadre des dossiers liés à l'information, aux changements climatiques, à la recherche et au développement et aux sciences. Les scientifiques sont également disponibles pour partager les résultats de leurs recherches avec les Canadiens.

Saviez-vous qu'Environnement Canada a accordé plus de 1 300 entrevues aux médias l'an dernier et a publié plus de 500 articles d'examen par les pairs en 2010? Qu'Agriculture et Agroalimentaire Canada a produit plus de 1 100 publications scientifiques examinées par les pairs en 2012? Vous pouvez bien citer des cas anecdotiques pour essayer de nous faire croire que ce gouvernement essaie de persécuter les scientifiques ou de réduire leur impact, mais les faits sont tout autres, et notre bilan en ce qui concerne les publications scientifiques en est un bon exemple.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : La dernière question à laquelle Kyle Durksen, de Virgil, en Ontario, voudrait obtenir une réponse — un rêve qui, j'en ai bien peur, est impossible à réaliser — est la suivante. Dans une démocratie saine, les débats et l'élaboration des politiques publiques se fondent sur les données produites par la recherche scientifique — c'est très vrai. Les efforts déployés par le gouvernement pour faire entrave à la science sont une honte nationale, mais maintenant, nous voilà également dans l'embarras sur la scène internationale à cause de la guerre canadienne contre la science, qui fait les manchettes dans le monde entier. La question de M. Durksen, très intéressante bien qu'elle soit seulement pour la forme, est la suivante : quand arrêterez-vous de persécuter la communauté scientifique?

[Français]

Le sénateur Carignan : Si créer un fonds d'investissement doté de 1,5 milliard de dollars sur 10 ans pour aider les établissements postsecondaires, si verser 8 millions de dollars sur deux ans à un groupe comme Mitacs pour bonifier le soutien en matière de recherches industrielles, si verser 222 millions de dollars à des laboratoires comme TRIUMF, si soutenir l'innovation technologique à l'aide d'une enveloppe de 15 millions de dollars, par exemple, pour l'Institut de l'informatique quantique, si tout cela consiste à persécuter les scientifiques, pour reprendre vos paroles, je peux vous dire que nous allons continuer d'investir dans la recherche et le développement.

On continuera d'investir dans la science, et il y aura une autre phase de notre Plan d'action économique. Je peux vous dire que nous allons continuer d'investir.

Le patrimoine canadien

Les célébrations du quatre centième anniversaire de la francophonie en Ontario

L'honorable Maria Chaput : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En 2015, l'Ontario célèbre le 400e anniversaire de la présence francophone en Ontario. Le gouvernement fédéral a déjà appuyé des célébrations de ce genre. En 2004, le gouvernement fédéral a consenti 20 millions de dollars aux festivités du 400e de l'Acadie. En 2008, le gouvernement fédéral a investi 40 millions de dollars pour célébrer le 400e anniversaire de la ville de Québec. L'Assemblée de la francophonie de l'Ontario souhaite qu'un financement fédéral spécial de l'ordre de 10 millions de dollars soit accordé pour appuyer les fêtes du 400e anniversaire.

Pourriez-vous vous informer auprès de la ministre responsable pour savoir si elle a bien reçu la demande de l'assemblée? Si la demande a été acceptée, une réponse a-t-elle été envoyée? Pourriez-vous, s'il vous plaît, trouver l'information à ce sujet?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question. Cependant, pourriez-vous simplement m'envoyer une copie de la demande en question, avec le numéro, s'il y a un numéro qui lui a été attribué par la fonction publique, si cela a été fait, pour que je puisse en faire le suivi et vous présenter une réponse dans les meilleurs délais?

La sénatrice Chaput : Merci.

[Traduction]

Les transports

Le pont Champlain

L'honorable Percy E. Downe : Depuis longtemps, le gouvernement du Canada adhère au principe de l'utilisateur-payeur en ce qui a trait aux grands projets d'infrastructure. Par exemple, quiconque traverse le pont de la Confédération qui relie l'Île-du-Prince-Édouard au reste du Canada doit payer 45 $.

Si je comprends bien la position du gouvernement, le nouveau pont de Montréal, qui coûtera de 3 à 5 milliards de dollars — alors que le pont de la Confédération a coûté 1 milliard de dollars — sera un pont à péage. Le NPD, pour sa part, a adopté une autre position qui veut que l'ensemble des contribuables canadiens financent la construction du pont. J'aimerais qu'on me confirme que la position du gouvernement du Canada est qu'il compte instaurer un péage sur le pont Champlain pour défrayer le coût de sa construction.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'ai compris que vous parliez du pont Champlain, parce que vous avez commencé par parler du pont de la Confédération. Cela dit, j'imagine que vous avez pris connaissance des réponses écrites qu'on a déposées en ce qui concerne le pont de la Confédération à la suite de vos demandes.

Le processus d'appel d'offres suit son cours pour les trois consortiums en lice. Entre-temps, nous maintenons le cap et nous continuons à faire progresser le projet, notamment en ce qui concerne les modalités du péage. La bonne nouvelle est qu'un nouveau pont sera construit, que le projet créera 30 000 emplois et qu'il contribuera à la croissance économique du Canada. Le péage continuera d'être une condition sine qua non du projet.

[Traduction]

Le sénateur Downe : C'est une bonne nouvelle. Je partage ce point de vue et je suis heureux d'entendre que la position du gouvernement reste inchangée. Dans le cas contraire, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard voudraient savoir pourquoi ils doivent payer 45 $ pour traverser le pont, alors que d'autres contribuables obtiennent un pont à un prix beaucoup moins élevé. L'Île-du-Prince-Édouard n'est pas la seule dans cette situation dans la région de l'Atlantique. Pensons aux tarifs élevés des traversiers saisonniers et de ceux qui font la navette entre l'île du Cap-Breton et Terre-Neuve ou entre les Îles-de-la-Madeleine et l'Île-du-Prince-Édouard.

J'ai une autre préoccupation. Il s'agit peut-être d'une question trop technique à laquelle vous souhaiterez revenir plus tard. Vous n'avez peut-être pas la réponse entre les mains. Toujours est-il que le Comité sénatorial des finances a appris hier que, en plus des frais de péage, du financement du gouvernement contribuerait à couvrir les coûts du pont Champlain.

Le pont de la Confédération a été payé à l'Île-du-Prince-Édouard parce que le gouvernement du Canada a le devoir constitutionnel, reconfirmé par la Cour suprême au cours des années 1980, d'assurer une connexion continue entre la province et le continent par des services de traversiers ou un lien fixe. C'est ce qui explique pourquoi les frais de péage sont si élevés. Il a été entendu que le gouvernement du Canada verserait à l'entreprise chargée de la construction du pont l'argent payé aux traversiers, soit 42 millions de dollars par an, indexé au coût de la vie pour les 35 années suivantes, plus les frais de péages perçus durant la même période. Après ces 35 ans, le pont, bâti pour durer 100 ans, reviendra au gouvernement du Canada.

(1420)

Hier, au Comité sénatorial des finances, j'ai été étonné d'apprendre deux choses. Les représentants du gouvernement nous ont dit qu'il y a déjà eu des frais de péage pour le pont Champlain, jusqu'en 1990 en fait, mais qu'on a éliminé ces frais par la suite. Si le gouvernement avait maintenu ces frais au cours des 24 dernières années, il aurait depuis accumulé une somme considérable qui pourrait être utilisée pour payer le nouveau pont. Cela dit, ils nous ont aussi mentionné qu'il y aurait une contribution complémentaire, alors que l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas reçu de contribution de ce type dans le cas du pont de la Confédération. Je sais que le leader du gouvernement au Sénat n'a pas ces renseignements en main, mais je lui saurais gré de bien vouloir vérifier quel sera le montant de cette contribution complémentaire lorsqu'une décision sera prise à cet égard. Les gens du Canada atlantique aimeraient peut-être bénéficier eux aussi d'une contribution complémentaire, ce qui permettrait de diminuer en conséquence les frais qu'ils doivent payer.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme je l'ai dit, le processus d'appel d'offres suit son cours pour les trois consortiums qui sont en lice. Vous comprendrez donc qu'il est prématuré de répondre à votre question à ce moment-ci.

Vous pourriez parler à votre ami, collègue et chef — ou ancien chef —, Justin Trudeau, afin qu'il clarifie sa position au sujet du péage sur le pont Champlain. Est-il, oui ou non, favorable à un péage? Ses réponses à ce sujet ne sont pas claires.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Si je faisais partie du caucus libéral national, je poserais la question, mais comme je n'y participe pas, je n'ai pas accès à ces renseignements.

[Français]

Le sénateur Carignan : Quand vous le croiserez entre deux portes, vous pourrez lui poser la question et nous transmettre sa réponse.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Pour ce qui est du pont Champlain, je crois savoir qu'il s'agit du pont le plus fréquenté au Canada. Tous les ponts qui mènent à la Rive-Sud de Montréal sont très achalandés, c'est le moins que l'on puisse dire.

Selon les médias, le gouvernement a effectué un sondage d'opinion publique, mais il semblerait qu'il reposait sur une mauvaise méthodologie. Le sondage visait à déterminer si des frais de péage détourneraient le trafic du pont Champlain vers d'autres ponts qui, comme je l'ai déjà mentionné, sont déjà très achalandés.

Or, selon les médias, à peine deux répondants au sondage empruntent quotidiennement le pont Champlain pour faire l'aller-retour au travail, alors qu'il s'agit là de la principale raison d'y circuler.

Le sondage repose-t-il bel et bien sur une mauvaise méthodologie? Si c'est le cas, savez-vous si d'autres sondages, plus fiables, ont été réalisés et, dans l'affirmative, quels en ont été les résultats?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme le ministre l'a affirmé, nous avons toujours dit que le rapport serait rendu public en temps et lieu après l'octroi du contrat pour la construction du nouveau pont.

Les conclusions du rapport auquel vous faites référence seront prises en compte dans le cadre des étapes menant à l'ouverture du nouveau pont, en 2018. Comme vous occupez le poste de leader adjointe, et que vous rencontrez peut-être Justin Trudeau plus souvent, pourriez-vous lui demander également de clarifier sa position au sujet du pont Champlain et vérifier s'il est favorable ou non à un péage sur le pont?

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je tiens à signaler que je ne me suis jamais entretenue avec M. Trudeau depuis le matin du 29 janvier dernier.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-221, qui vise à modifier le Code criminel. Mon intervention sera brève, mais je tenais à faire ressortir certains points soulevés par les témoins au comité pour montrer la pertinence du projet de loi.

Le projet de loi modifie le Code criminel afin d'exiger du tribunal qu'il considère comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait soit le conducteur en service d'un véhicule de transport en commun.

Selon le nouveau libellé proposé pour l'article 269.01 de la loi, le terme « conducteur de véhicule de transport en commun » désigne une personne qui conduit un véhicule servant à la prestation au public de services de transport de passagers, et « véhicule » s'entend notamment d'un autobus, d'un véhicule de transport adapté, d'un taxi agréé, d'un train, d'un métro, d'un tramway et d'un traversier.

Pendant l'étude du projet de loi, on s'est demandé pourquoi les conducteurs de véhicules de transport en commun devraient recevoir un traitement particulier dans le Code criminel.

Il faut, bien entendu, protéger les conducteurs de véhicules de transport en commun : ils sont victimes de quelque 2 000 agressions par année au Canada. Et voici un argument encore plus convaincant : il faut protéger le public en général. La grande majorité des agressions dont ces conducteurs sont victimes, soit environ 80 p. 100 des attaques, se produisent dans le véhicule, et plusieurs d'entre elles sont commises pendant que le véhicule est en circulation.

Imaginez les risques que les passagers, les autres conducteurs, les piétons et les cyclistes courent lorsqu'un chauffeur est attaqué pendant qu'il conduit un véhicule de 10 tonnes qui transporte des dizaines de passagers en plein milieu d'une ville.

L'un des témoins qui ont comparu devant le comité, l'agent en chef du Metro Vancouver Transit, Neil Dubord, a souligné que les conducteurs de véhicules de transport en commun servent une vaste gamme de clients, y compris des gens souffrant de dépendance ou de maladie mentale et que, contrairement à d'autres métiers dangereux, la nature même de leur travail les rend particulièrement vulnérables. Ils sont, à toutes fins utiles, sans défense.

Voici ce que M. Dubord a dit :

[...] les conducteurs ne peuvent pas battre en retraite et se sortir de situations où la violence peut éclater. Ils ne peuvent pas fuir ou se soustraire à un incident parce qu'ils sont coincés sur leur siège et doivent conduire un véhicule de grande dimension [...] Les conducteurs de véhicules de transport en commun n'ont pas le luxe d'imposer des restrictions d'accès; leur situation est unique et ils sont exposés à des risques qui n'existent pas pour les autres travailleurs. C'est la raison pour laquelle ils ont besoin de la protection offerte par le projet de loi S-221.

Je tiens à répondre à une autre question que des sénateurs ont soulevée au comité : pourquoi le projet de loi, contrairement à d'autres mesures législatives dont l'autre endroit est saisi, vise-t-il seulement les conducteurs de véhicules de transport en commun qui s'acquittent de leur fonction, et non tous les employés des services de transport en commun qui servent le public? La réponse est fort simple : la sécurité du public.

Il ne fait aucun doute que d'autres employés des services de transport en commun sont particulièrement vulnérables aux voies de fait, mais les mêmes considérations générales concernant la sécurité publique ne s'appliquent pas. Les voies de fait contre un vendeur de billets de métro sont une menace pour ce dernier, mais pas pour la population en général. Je ne suis pas favorable à ce qu'on étende la protection proposée dans ce projet de loi aux autres employés du réseau de transport en commun, car il y aurait alors des risques de dérapage. Ce projet de loi vise précisément les conducteurs de véhicules de transport en commun dans l'exercice de leurs fonctions.

L'Association canadienne du transport urbain, qui a comparu devant le comité, est en train de recueillir des données sur les types de peines reçues pour des voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun. Parmi les conclusions avancées par le vice-président, Patrick Leclerc, notons qu'il y a « un manque d'uniformité à l'échelle du pays dans les peines imposées aux agressions de même type. »

Selon l'association, le projet de loi S-221 permettra de remédier au problème en obligeant les juges à considérer comme une circonstance aggravante le fait que la victime de voies de fait soit un conducteur de véhicule de transport en commun lors de la détermination de la peine. À l'heure actuelle, certains juges le font, d'autres non. Il y a donc un manque d'uniformité.

(1430)

J'aimerais souligner un autre enjeu important, honorables sénateurs. Des villes de partout au pays déploient beaucoup d'efforts en vue d'améliorer leur système de transport en commun, puisqu'un système solide permet de désengorger les routes tout en protégeant l'environnement. Mme Diane Deans, présidente de la Commission du transport en commun d'Ottawa, a affirmé devant le comité que les conducteurs de véhicules de transport en commun travaillaient d'arrache-pied afin que le système soit perçu comme sûr. Toutefois, comme l'a souligné la conseillère Deans :

[...] une seule agression très médiatisée dont les tribunaux ne tiennent pas compte peut nuire à tout cela. Il est important pour nous que les tribunaux considèrent sérieusement cet aspect et que la peine soit proportionnelle à la gravité du crime.

Je signale une différence entre ce projet de loi et des mesures semblables présentées à l'autre endroit. Ce projet de loi est le seul qui considère les chauffeurs de taxi comme des conducteurs de véhicules de transport en commun. Rappelons que les chauffeurs de taxi occupent l'un des emplois les plus dangereux au pays, sinon le plus dangereux. Ils travaillent la nuit, seuls avec des inconnus, et transportent de l'argent.

Depuis que j'ai présenté ce projet de loi, bien des gens m'en ont remercié, notamment parce qu'ils pensaient à un être cher qui conduit un taxi. C'est souvent le premier emploi qu'occupent les néo-Canadiens. Ils sont conscients des risques qu'ils courent, mais ils y voient une étape nécessaire, qui les aidera à bâtir l'avenir de leur famille.

Honorables sénateurs, les conducteurs d'autobus et de taxis doivent se sentir en sécurité quand ils vont travailler. Les passagers doivent se sentir en sécurité quand ils empruntent le transport en commun. Le projet de loi S-221 agit en ce sens. J'espère que vous l'appuierez.

Avant de conclure, j'aimerais mentionner à quel point je suis reconnaissant des efforts et de la coopération des membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Des projets de loi similaires ont été présentés à l'autre endroit par des députés de chacun des trois partis, mais aucun n'a progressé au-delà de l'étape de la première lecture. La progression du présent projet de loi au Sénat fait foi de la capacité des membres de cette institution à mettre leurs différends de côté et à se rallier pour une bonne cause.

J'aimerais remercier tout particulièrement le vice-président du comité, le sénateur Baker, de sa coopération dans le but de faire en sorte que le projet de loi franchisse l'étape de l'étude en comité et soit renvoyé au Sénat pour franchir l'étape de la troisième lecture. Honorables sénateurs, je ne saurais exagérer à quel point la constante contribution du sénateur Baker aux délibérations du comité est précieuse.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Runciman : Merci, honorables sénateurs. Je vous demande d'appuyer le projet de loi S-221.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole au sujet du projet de loi S-221, mais je n'en suis pas la porte-parole désignée. Ce rôle est assumé par le sénateur Baker. Je demande donc qu'on lui réserve le droit d'intervenir en sa qualité de porte-parole.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est réuni en juin pour discuter du projet de loi S-221, qui vise avec raison à modifier le Code criminel en ce qui a trait aux voies de fait contre un conducteur de véhicule de transport en commun. J'aimerais remercier le sénateur Runciman d'avoir présenté un projet de loi qui souligne l'importance des travailleurs du transport en commun dans nos collectivités et qui tient compte de la nécessité de leur offrir une protection adéquate dans la loi. Sénateur Runciman, bien des conducteurs de véhicules de transport en commun m'ont demandé de vous remercier publiquement d'avoir présenté ce projet de loi!

J'aimerais également remercier M. Neil Dubord, agent en chef de Metro Vancouver Transit, de son témoignage, qui illustre l'ampleur du problème dans ma province, la Colombie-Britannique, et partout au Canada.

Honorables sénateurs, cela m'attriste de constater que les conducteurs de véhicules de transport en commun sont beaucoup trop souvent victimes de voies de fait de nos jours. Malheureusement, les grands titres de l'actualité nous rappellent que ce phénomène est de plus en plus fréquent. Les conducteurs de véhicules de transport en commun sont victimes de violence verbale, physique et psychologique tous les jours. Des voies de fait mineures aux actes de violence graves, les employés des transports en commun doivent faire face à des risques auxquels les autres travailleurs ne sont pas confrontés.

En 2013, le nombre d'agressions commises contre des conducteurs d'autobus a augmenté de 9 p. 100, selon l'organisme Metro Vancouver. Les rapports publiés cette année indiquent que le nombre d'agressions a augmenté de façon spectaculaire. M. Dubord, agent en chef de Metro Vancouver Transit, explique que les risques auxquels sont confrontés les conducteurs d'autobus sont liés au fait que « les conducteurs ne peuvent pas battre en retraite et se sortir de situations où la violence peut éclater ». Contrairement aux pilotes d'avion, qui ne permettraient jamais à un passager de circuler librement dans le cockpit, les conducteurs de véhicules de transport en commun ne peuvent pas empêcher les gens de circuler; ils n'ont pas ce luxe. C'est pourquoi ils ont besoin qu'on les protège au moyen de ce projet de loi.

Le projet de loi S-221 vise à s'assurer que justice sera faite en cas d'agression. En effet, le projet de loi prévoit que le tribunal doit considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime est le conducteur d'un véhicule de transport en commun qui exerçait cette fonction au moment de la perpétration de l'infraction. Contrairement à d'autres projets de loi similaires présentés auparavant, le projet de loi S-221 donne une définition plus vaste de l'expression « conducteur de véhicule de transport en commun » : elle s'applique aussi aux chauffeurs de taxi, aux conducteurs de traversiers et aux conducteurs d'autobus scolaires.

J'aimerais vous raconter l'histoire qu'une stagiaire avec qui j'ai déjà travaillé, Mme Vi Vo, m'a racontée au sujet de son père, M. Cuong Cao Vo. Il était chauffeur de taxi à Toronto, et Mme Vo disait ceci :

Immigrants, longues heures de travail, danger : ce ne sont que quelques-uns des mots qui me viennent à l'esprit, et je ne suis pas la seule, lorsqu'il est question de l'industrie du taxi. À bien des égards, ces mots décrivent très précisément ce en quoi consiste l'industrie du taxi.

Mon père est chauffeur de taxi à Toronto depuis plus de 20 ans. Il peut vous dire les dangers auxquels il a été exposé en tant que chauffeur de taxi.

Il peut aussi vous dire le genre de traitement dont il a fait l'objet en tant qu'immigrant dans le cadre de son travail. Tout comme bon nombre de chauffeurs de taxi et leurs familles, mes deux parents sont des immigrants.

Ils viennent tous deux du Vietnam, mais ont vécu pendant plus de 10 ans dans un camp de réfugiés avant de venir au Canada. Bien que mes deux parents aient un emploi, ma mère a concentré ses efforts sur mes deux frères cadets et moi, et mon père est le principal soutien financier de la famille. C'est en raison de ce poids qui pesait sur ses épaules qu'il est devenu chauffeur de taxi. Il croyait que les longues heures de travail lui permettraient de gagner plus d'argent qu'un emploi dans une usine.

Mon père travaille 12 heures par jour, 7 jours sur 7, mais il ne se plaint jamais. En fait, c'est son attitude positive que j'admire le plus chez lui. Malgré ses longues heures de travail, mon père a toujours eu quelque chose de positif à dire sur sa journée de travail. Le soir venu, il nous racontait des anecdotes sur des personnes intéressantes qu'il avait rencontrées ce jour-là ou des endroits fascinants où il s'était rendu. Il nous racontait également les moments terrifiants où sa vie avait été menacée. Voici une anecdote que je n'oublierai jamais.

Un jour, vers 4 heures, alors que mon père terminait son quart de travail, on lui a fait signe d'arrêter. Il avait prévu se rendre directement à la maison, mais il n'y avait aucun autre taxi dans les environs. Mon père s'est donc dit qu'il ferait une dernière course avant de rentrer. Une femme est montée à l'avant de la voiture, et deux hommes se sont installés sur la banquette arrière. Ils ne connaissaient pas l'adresse de l'endroit où ils voulaient se rendre, alors ils lui ont indiqué le chemin à suivre au fur et à mesure.

Après 20 minutes, mon père s'est retrouvé dans un parc de stationnement désert en périphérie de la ville, et il a compris que quelqu'un chose n'allait pas. L'un des hommes a sorti un couteau et lui a mis la lame sur la gorge. L'autre homme a exigé que mon père lui remette tout son argent. La femme, quant à elle, s'est contentée de regarder. Sans hésiter, mon père a enlevé son sac-ceinture, que je lui avais offert en cadeau à Noël, et leur a donné tout l'argent qu'il avait gagné ce jour-là. Il avait très peu d'argent et il voulait retourner à la maison, mais les hommes n'ont rien voulu entendre. Ils ont tiré mon père hors de la voiture, puis ils l'ont attaqué, même après leur avoir remis tout son argent, leur avoir promis qu'il ne parlerait à personne de ce qui s'était produit et les avoir suppliés de le laisser partir pour aller rejoindre sa famille.

Mon père aurait pu se faire tuer cette nuit-là, et je le vois encore comme si c'était hier en train de se préparer plus tôt que d'habitude à partir pour le travail, le lendemain. Il portait autour de la taille un vieil étui de cuir, au lieu du nouveau que je lui avais donné. Son visage fatigué était couvert d'ecchymoses, et sa lèvre était enflée et coupée, mais il a tout de même trouvé la force de sourire lorsqu'il m'a vue. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il ne restait pas à la maison, il a répondu à la blague qu'on lui avait volé son argent de poche et qu'il devait faire quelques heures supplémentaires pour le récupérer.

Ma famille craint tous les jours pour la sécurité de mon père. Le sang me glace dans les veines chaque fois que j'entends parler aux nouvelles d'une autre agression contre un chauffeur de taxi. Je prie pour que ce ne soit pas mon père et je prie pour la famille de la victime.

Cela me brise le cœur de devoir dire que mon père a été agressé à de nombreuses reprises au cours de ses 20 années de travail, mais il ne s'est jamais plaint. Il me dit plutôt que les agressions font partie des risques du métier. Selon lui, c'est normal et il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Bien que j'admire son courage et son optimisme, je pense que personne ne devrait être obligé d'expliquer de tels risques à ses enfants. Mon père mérite d'être protégé.

(1440)

Honorables sénateurs, la fille de M. Vo est étudiante en droit. Elle fréquente l'une des meilleures facultés de droit des États-Unis. Les deux fils de M. Vo poursuivent des études universitaires eux aussi, en commerce. Le plus jeune vient de terminer sa première année à la Schulich School of Business, l'une des meilleures facultés de commerce au Canada.

M. Vo n'est pas simplement un chauffeur de taxi. C'est aussi un père qui fait vivre sa famille et qui voit à ce que ses enfants puissent devenir les avocats et les gens d'affaires qui tisseront notre avenir. Les statistiques nous indiquent que, dans l'ensemble du Canada, plus de 50 p. 100 des chauffeurs de taxi sont des immigrants. Mes origines ougandaises m'ont permis de constater l'attitude étroite des gens envers les immigrants, mais nous devons comprendre que nous dépendons beaucoup d'eux. Les chauffeurs de taxi nous fournissent des services essentiels de première ligne qui sont omniprésents dans la vie de millions de gens d'ici et de visiteurs.

Malheureusement, les chauffeurs de taxi détiennent le record du plus haut taux de décès au travail. Selon Statistique Canada, le taux d'homicides des chauffeurs de taxi est deux fois plus élevé que celui des policiers. L'étude la plus récente nous révèle que, en moyenne, le taux de décès des chauffeurs de taxi est de 3,2 pour 100 000 par année, ce qui est considérablement plus élevé que la moyenne pour les policiers. Pourtant, que la victime soit un policier peut être considéré comme un facteur aggravant dans une affaire de meurtre, tandis que ce n'est pas le cas s'il s'agit d'un chauffeur de taxi. Les séquelles psychologiques, le manque de respect et la gêne subie ne sont jamais considérés dans la détermination de la peine, même si elles continuent d'affecter gravement les victimes longtemps après ces crimes.

Le projet de loi S-221 reconnaît adéquatement les divers risques auxquels sont confrontés les conducteurs de véhicules de transport en commun. En élargissant la définition de ce qu'est un conducteur de véhicule de transport en commun, le projet de loi S-221 étend à juste titre sa protection à ceux qui en ont le plus besoin.

Par exemple, contrairement aux chauffeurs d'autobus, les chauffeurs de taxi sont autonomes et la mobilité de leur lieu de travail fait en sorte qu'il est très facile pour un individu de les diriger vers un endroit désert où il est possible de perpétrer un crime. Les conducteurs de véhicules de transport en commun qui travaillent seuls sont particulièrement vulnérables. En l'absence de témoins, il est impossible de faire le suivi des plaintes déposées. Par conséquent, bien des agressions ne sont même pas signalées, car justice ne serait pas rendue de toute façon. Au contraire, les travailleurs des transports en commun s'attendent à être agressés verbalement, physiquement et émotionnellement tous les jours. Personne ne devrait s'attendre à être agressé sur son lieu de travail.

Honorables sénateurs, plusieurs de nos collègues accomplissent un travail exceptionnel pour améliorer la vie des Canadiens. Je sais que vous vous joindrez à moi pour reconnaître l'excellent travail réalisé par le sénateur Runciman et pour le remercier d'avoir présenté ce projet de loi qui vise à protéger les gens qui assurent des services publics et qui travaillent de longues heures pour notre bien-être.

Des voix : Bravo!

L'honorable George Baker : J'aimerais que nous passions immédiatement à l'étape de la troisième lecture de ce projet de loi, mais je voudrais auparavant souligner son importance. La grande majorité des États américains ont adopté des lois semblables, que ce soit sous forme de lois autonomes ou dans le cadre de lois qui portent sur la détermination de la peine pour divers types d'agressions.

La Chambre des communes se penche sur ce dossier depuis des décennies et, comme le sénateur Runciman l'a signalé, les projets de loi n'ont jamais atteint l'étape de l'étude en comité à la Chambre des communes au cours des 41 années que j'ai passées ici, sauf erreur. Grâce au projet de loi présenté par le sénateur Runciman et aux audiences du comité, nous avons pu, pour la première fois, entendre les observations de la section locale 279 du Syndicat uni du transport, de la section locale 111 d'Unifor, de la Ville d'Ottawa, de l'Association canadienne du transport urbain et de la société de transport du Grand Vancouver.

Le comité a entendu beaucoup de témoins. Comme l'a dit le sénateur Runciman, il se produit chaque année environ 2 000 voies de fait contre des conducteurs de véhicules de transport en commun. Il arrive, par exemple, que les voies de fait se produisent dans de gros autobus urbains circulant à vive allure et que des passagers, parfois même des enfants, soient blessés. Cette mesure législative s'impose depuis bien des années.

Par ailleurs, on nous a parlé du taux d'homicides chez les chauffeurs de taxi. Il me semble, sénateur Runciman, que ce taux est de 3,3 cas sur 100 000, ce qui dépasse largement le taux d'homicides chez les policiers et les agents de sécurité.

Cette mesure législative est donc nécessaire. Comme vous le savez, je ne suis pas toujours favorable aux ajouts au Code criminel. À mon avis, il s'agit toutefois d'un cas où on s'y prend de la bonne façon et où on apporte les correctifs nécessaires. C'est la raison pour laquelle je crois que la Chambre des communes profitera de l'occasion qui lui sera offerte d'adopter ce projet de loi.

J'aimerais dire en terminant que l'apport des sénateurs suivants a été immense : les sénateurs Batters, Frum, Jaffer, Joyal, Boisvenu, McInnis, McIntyre, Plett, Rivest et Dagenais. Je dois bien sûr remercier surtout un homme qui est en politique depuis presque aussi longtemps que moi; ce n'est pas peu dire. Son saut en politique remonte à l'année 1980. Le fait qu'il ait présenté ce projet de loi n'a rien d'étonnant. Après tout, il a été ministre de la Sécurité publique, ministre de la Consommation et solliciteur général de l'Ontario, et je ne parle pas de ce qu'il a fait pour le développement économique de sa province ni du fait qu'il a déjà été chef de la loyale opposition de Sa Majesté. C'est au sénateur Runciman que revient le mérite de ce projet de loi. Il est un parlementaire exceptionnel.

Je suis convaincu que la Chambre des communes adoptera rapidement, elle aussi, ce projet de loi lorsqu'elle en sera saisie. Je demande donc aux sénateurs d'adopter à l'unanimité le projet de loi du sénateur Runciman.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1450)

Le Code canadien du travail
La Loi sur les relations de travail au Parlement
La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation—agent négociateur).

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, vous vous rappelez peut-être que, hier, après l'intervention du sénateur Tannas sur ce projet de loi, je lui ai demandé comment, dans le système de scrutin secret proposé dans ce projet de loi, on déterminerait initialement qu'un vote d'accréditation devrait être tenu et qu'on a le nombre d'appuis nécessaires. Il a répondu qu'il ne connaissait pas la réponse, mais qu'il s'informerait pour moi. Je tiens à le remercier d'avoir répondu si rapidement.

Voici la réponse à cette question concernant un syndicat cherchant à faire accréditer une unité de négociation :

Il faudrait que 40 p. 100 des employés aient signifié leur soutien par écrit au syndicat.

En signant des cartes d'adhésion, je suppose. Dans sa réponse, il ajoute ce qui suit :

Ce projet de loi n'indique pas par quel moyen ce soutien serait exprimé. Le Conseil canadien des relations du travail et le ministre mettraient le règlement correspondant en application à une date ultérieure. Une fois que le syndicat aurait obtenu les 40 p. 100 requis, un scrutin secret serait automatiquement lancé. Le syndicat devrait obtenir 50 p. 100 des voix plus une pour qu'il y ait accréditation. Le processus serait le même pour la révocation d'une accréditation.

Cette réponse me sera utile lorsque nous poursuivrons l'examen du projet de loi. L'accréditation syndicale est un processus important. C'est l'un des éléments qui sous-tendent le système dans lequel nous évoluons. J'aurai besoin d'un peu plus de temps pour examiner les ramifications du projet de loi, mais je tiens à remercier le sénateur Tannas d'avoir répondu si rapidement.

Sur ce, Votre Honneur, je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à créer un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénateur Munson,

Qu'un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal soit nommé pour examiner si les formules actuelles de péréquation et d'autres transferts fédéraux connexes nuisent à la capacité des Canadiens des diverses régions du pays d'accéder à des services publics de base sans être assujettis à des niveaux d'imposition très différents;

Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 31 mars 2015.

L'honorable Joseph A. Day : Les sénateurs remarqueront que cette question est inscrite au nom de la sénatrice Callbeck, qui a maintenant pris sa retraite. C'est une question qui touche au cœur même de notre fédération puisqu'elle se rapporte à la péréquation et à l'équilibre fiscal entre les différentes régions du Canada.

Il n'est pas surprenant que la sénatrice Callbeck ait voulu prendre la parole à ce sujet, étant donné qu'elle est originaire de l'Île-du-Prince-Édouard — une province qui, grâce à la péréquation, a pu s'élever à un niveau comparable au reste du Canada. Voilà l'esprit de la péréquation.

Cette motion en particulier, honorables sénateurs, reconnaît l'importance de la péréquation. Elle nous suggère d'examiner cette question plus en profondeur en créant un comité distinct qui aura le temps de l'examiner plus en détail.

Beaucoup d'universitaires partout au Canada se penchent sur ce sujet. Il existe plusieurs exemples de formules de péréquation dans la communauté européenne et aux États-Unis, dont certaines sont aussi efficaces que les nôtres, voire plus efficaces.

Notre Comité des finances a examiné certains aspects de la péréquation. Il s'est surtout intéressé aux modifications apportées à notre régime actuel de péréquation. Nous devons prendre un peu de recul, honorables sénateurs, et déterminer si notre régime actuel répond à nos besoins et comment nous pouvons l'améliorer. Je suis d'avis que nous devrions appuyer cette motion. Je pourrais présenter d'autres facteurs et chiffres et j'espère pouvoir le faire ultérieurement, quand j'aurai approfondi ma réflexion.

Par conséquent, honorables sénateurs, avec votre permission, je vous demande que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Son rôle de représentation des régions de la fédération canadienne—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de représentation des régions de la fédération canadienne.

L'honorable Noël A. Kinsella : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques observations au sujet de cette importante interpellation présentée par le sénateur Nolin.

Je veux revenir sur deux événements importants. Premièrement, la décision de la Cour suprême rendue le 25 avril, dans laquelle la cour a présenté son point de vue sur les exigences de la Constitution concernant la modernisation du Sénat. Dans sa décision, la cour a expliqué les origines du Sénat de manière utile, selon moi. Cette décision de la Cour suprême mérite d'être lue et relue en entier.

Concrètement, il est maintenant clair que les provinces ont un rôle à jouer dans toute forme de modernisation du Sénat et que les interpellations au Feuilleton présentées par plusieurs sénateurs — le sénateur Nolin et la sénatrice Tardif, entre autres — sont très importantes. La Cour suprême nous a fourni une feuille de route.

Cet été, le 23 juillet, les Présidents des assemblées législatives provinciales et territoriales canadiennes se sont rencontrés à Fredericton à l'occasion de la 52e Conférence régionale canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth. À cet événement, en présence de tous les Présidents des assemblées législatives canadiennes, j'ai eu l'occasion de présenter une analyse de la feuille de route transmise par la Cour suprême. Je n'ai pas l'intention de revoir cette présentation en détail cet après-midi. Avec le consentement du Sénat, je souhaite déposer cette analyse, dans les deux langues officielles.

Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(1500)

Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, au cours de nos discussions avec les Présidents des trois territoires et des dix provinces, nous avons mis l'accent sur le paradigme suivant : les propositions de réforme du Sénat, dont les premières remontent au 2 juillet 1867, sont généralement formulées par le gouvernement, ou le pouvoir exécutif. Nous avons réfléchi à ce phénomène et nous sommes rendu compte que nous avions peut-être mis la charrue devant les bœufs, en ce sens que c'est le pouvoir législatif qui demande à l'exécutif de lui rendre des comptes.

On pourrait s'imaginer que, dans un régime autoritaire, un dictateur se précipiterait pour éliminer les superviseurs, c'est-à-dire pour se débarrasser du Parlement. Depuis 1867, je suis persuadé que des premiers ministres de différentes allégeances politiques ont trouvé que le Sénat et, à plus forte raison, la Chambre des communes étaient d'incorrigibles empêcheurs de tourner en rond et qu'ils auraient bien aimé se débarrasser de ces institutions. Il est donc intéressant de réfléchir au fait que, par le passé, ces propositions de réforme du Sénat — certaines prévoyant même l'abolition du Sénat — étaient formulées par le pouvoir exécutif.

Nous avons donc entamé une discussion avec les Présidents de toutes les assemblées législatives canadiennes et nous sommes demandé comment changer ce paradigme. Comment pourrons-nous établir un dialogue entre les législateurs fédéraux, en particulier les sénateurs du Canada, et les représentants des assemblées législatives provinciales et territoriales?

Cette proposition a suscité beaucoup d'intérêt chez les Présidents des assemblées législatives canadiennes. Par conséquent, je les ai mis au défi : « Je vais parler de cette discussion à mes collègues du Sénat du Canada et leur proposerai que nous nous organisions selon les régions du pays et que nous amorcions un dialogue avec les députés de notre province ou territoire. »

Comment pourrions-nous procéder? La Colombie-Britannique est représentée par six sénateurs. Il ne devrait pas être trop difficile pour eux de trouver un moment propice pour organiser une rencontre avec l'aide du Président de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique — je ne sais pas combien de députés provinciaux pourraient y participer — afin d'amorcer un dialogue sur la modernisation du Sénat avec leurs collègues provinciaux, dans cette province. Idéalement, ce sont les sénateurs qui représentent la Colombie-Britannique et les députés de cette province qui devraient discuter de cette question.

L'Alberta compte six sièges au Sénat. Ces sénateurs ne devraient pas avoir trop de difficulté à se réunir à un moment qui convient à tous. Le président de l'Assemblée législative de l'Alberta a dit qu'il accepterait avec joie d'agir comme facilitateur et de réunir des députés provinciaux pour amorcer un dialogue sur le sujet. Le cas de l'Alberta est intéressant. En effet, comme nous le savons tous, l'assemblée législative de cette province a présenté une mesure législative qui prévoit un processus de sélection de type électoral.

Six sénateurs représentent la Saskatchewan. Il ne devrait pas être trop difficile pour eux de se réunir et de rencontrer les législateurs de l'Assemblée législative de la Saskatchewan.

Le Manitoba est représenté par six sénateurs — oui, encore le même nombre.

Terre-Neuve-et-Labrador compte six sièges au Sénat. Ces sénateurs ne devraient pas avoir de difficulté à rencontrer les députés de la Chambre d'assemblée de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le Nouveau-Brunswick est représenté par 10 sénateurs. Ces derniers ne devraient pas avoir trop de mal à se réunir — même si cela risque d'être un peu plus complexe que lorsqu'il est question de réunir six personnes — pour discuter ouvertement de cet enjeu avec les députés de l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick.

La Nouvelle-Écosse est représentée par 10 sénateurs.

C'est l'Île-du-Prince-Édouard qui devrait avoir le plus de facilité à s'acquitter de cette tâche, car cette province compte quatre sièges au Sénat.

Là où les choses se compliquent, c'est avec l'Ontario et le Québec, car ce sont de grandes provinces qui comptent 24 sénateurs chacune. L'essentiel, c'est que la proposition intéresse vivement les Présidents de ces deux provinces. M. Chagnon, entre autres, était enchanté à la perspective de définir un nouveau modèle, de trouver ce qui fonctionnerait de l'avis des députés provinciaux et des sénateurs du Québec.

L'idée, honorables sénateurs, c'est de déterminer si les sénateurs seraient prêts à engager un dialogue avec les députés provinciaux. Qui sait? Peut-être découvririons-nous qu'une idée commune est plus populaire que nous ne l'aurions cru. Nous pourrions avoir l'agréable surprise de constater que cette idée satisfait aux critères définis dans la Constitution pour le sujet en cause, que ce soit selon la formule des 7 provinces représentant au moins 50 p. 100 de la population ou une autre.

Depuis six ans, les dossiers majeurs qui figurent au Feuilleton du Parlement du Canada portent sur trois grandes questions : la sélection des sénateurs, la reddition de comptes et la représentation au Sénat — rappelons-nous la résolution constitutionnelle des sénateurs Jack Austin et Lowell Murray à ce sujet. Ces points ont tous figuré au Feuilleton; deux des initiatives émanaient de l'exécutif, alors que la question constitutionnelle a été présentée par deux sénateurs.

Honorables sénateurs, je tiens à féliciter le sénateur Nolin de son initiative et à lui exprimer mon appui. Je suis convaincu que, en réfléchissant à cette question, nous serons en mesure de trouver dans les provinces et les territoires des interlocuteurs disposés à discuter avec les sénateurs de ce qui fonctionne du point de vue des divers législateurs, un dialogue qui pourrait déboucher sur une modernisation de l'institution que d'autres ont déjà tenté, sans succès, de réinventer.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

[Français]

La pêche sportive du saumon de l'Atlantique

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Maltais, attirant l'attention du Sénat sur la sauvegarde de la pêche sportive du saumon de l'Atlantique dans les zones maritimes dans l'est du Canada, et l'importance de la protection du saumon de l'Atlantique pour les générations futures.

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, si vous voyez un sourire sur mon visage, c'est que j'ai encore devant moi les résultats de l'élection de lundi dernier au Nouveau-Brunswick. Je trouve agréable de regarder la carte du Nouveau-Brunswick, car j'y vois beaucoup de rouge. Mais là n'est pas l'objet de mon intervention aujourd'hui. Je veux vous parler du saumon de l'Atlantique et, plus particulièrement, du déclin de ce poisson dont la puissance et la grâce en ont fait le roi des rivières.

Le sénateur Mockler : J'espère que ce sera aussi intéressant que la carte!

(1510)

Le sénateur Robichaud : Je pourrais revenir sur la carte du Nouveau-Brunswick, mais je sais que le sénateur Mockler l'a consultée plusieurs fois déjà depuis lundi soir.

Le déclin de cette espèce s'est poursuivi au cours des 20 dernières années, et ce, malgré les mesures de conservation mises en place par les gouvernements et les gestionnaires des multiples rivières. Il reste beaucoup à faire pour en assurer la protection.

Le saumon de l'Atlantique nous a toujours fascinés. Depuis longtemps, le saumon était considéré comme une espèce exceptionnelle parce qu'il dominait les cours d'eau par sa prestance et son agilité. C'est la même chose encore aujourd'hui, sauf qu'il disparaît de plus en plus.

Le saumon, au cours des âges, a fait partie des économies rurales et maritimes. De manière réelle, le saumon jouait un rôle central dans la culture et la nutrition des Premières Nations et pour nous aussi d'ailleurs, le peuple acadien. Aujourd'hui, nous sommes particulièrement préoccupés par le déclin des populations de saumon que nous révèlent les recherches scientifiques.

Dans l'Atlantique du Nord-Ouest, le taux de mortalité des petits et gros saumons, en 2011-2012, était très élevé. Le nombre de grands géniteurs diminue dans nos cours d'eau et le nombre de saumons qui s'y aventurent pour la première fois diminue de façon encore plus considérable. Il est important de poursuivre les recherches afin d'en connaître les causes et de créer les conditions optimales, non seulement pour que les populations augmentent, mais aussi pour qu'elles reviennent dans nos cours d'eau.

Un condensé de l'état des stocks de saumon, préparé par la Fédération du saumon de l'Atlantique, en mai 2013, sonne l'alarme quant au déclin des stocks pour l'année 2012. On fait état d'une trop grande récolte au Groenland. Les recherches scientifiques n'expliquent pourtant pas le taux de mortalité élevé du saumon dans l'ouest de l'Atlantique Nord pendant l'hiver 2011-2012. Cette situation a eu des répercussions négatives sur la santé des stocks de saumon dans les rivières le long du littoral de la côte Est du pays.

Selon le rapport de la Fédération du saumon de l'Atlantique, la rivière Miramichi, qui compte pour 20 p. 100 de toute la production de saumon de l'Atlantique en Amérique du Nord, a subi un déclin de 60 p. 100 des gros saumons qui y sont revenus.

Rappelons-nous que, au début des années 1990, les montaisons de saumon se chiffraient à 82 000 par an; cependant, au début des années 2000, une décennie plus tard, ce chiffre a diminué à 53 000. Depuis 2011, ce chiffre a encore baissé à 23 000. Le président de l'Association du saumon de la Miramichi a déclaré que, malgré des conditions presque parfaites, les montaisons de saumon de cette année sont encore plus basses et sont estimées à 12 000. Ce sont des chiffres désastreux qui font sonner l'alarme.

Récemment, le 16 septembre 2014, lors du dîner de l'Association du saumon de la Miramichi, à Fredericton, la Fédération du saumon de l'Atlantique et l'Association du saumon de la Miramichi ont conjointement lancé un appel d'urgence aux gouvernements pour qu'ils se penchent sur la question de la survie du saumon sauvage de l'Atlantique.

Ces deux groupes demandent au premier ministre de créer un groupe d'étude multidisciplinaire pour élaborer un plan d'action permettant d'assurer la survie du saumon sauvage de l'Atlantique. La situation est comparable dans les autres rivières au saumon du Québec et des provinces de l'Atlantique. Il est vrai que les causes de ce déclin sont multiples, y compris les changements climatiques et les mortalités de saumons en haute mer. Cependant, pour beaucoup de pêcheurs de saumon de mon coin de pays, il ne faut pas sous-estimer les dommages causés par les loups-marins — ce qui fait sourire le sénateur Maltais —, car ces loups-marins qui se tiennent à l'embouchure des rivières et dans le golfe se gavent de saumons lorsqu'ils partent en mer. Ils constituent véritablement l'un des facteurs du déclin. Si les loups-marins ont épargné les saumons à leur sortie en mer, ils se reprennent lorsque les saumons reviennent pour frayer dans les rivières!

C'était exactement la question que je me posais lorsque je participais à un exercice avec les Amis de la Kouchibouguacis, à Saint-Louis-de-Kent, où l'on faisait l'élevage, dans un grand bac, des saumoneaux pour les amener à une certaine taille avant de les déposer ensuite dans la rivière. On les marquait en leur coupant une nageoire pour pouvoir ensuite vérifier combien d'entre eux revenaient. Voilà la question que je me posais. Ces petits saumons, arrivent à l'embouchure où il y a un troupeau de phoques, qui sont immenses et qui se gavent de ces petits saumons. Et, bien sûr, ceux qui finissent par aller en haute mer et qui reviennent subissent le même sort.

Je parlais récemment, mardi matin, à une personne de l'association des Amis de la Kouchibouguacis, qui me disait avoir capturé quelques-uns de ces saumons qui étaient revenus dans la rivière. Alors tout n'est pas perdu.

Cependant, il n'y a pas que les loups-marins, car le saumon fait face à d'autres menaces dans la région. Il y a une remontée spectaculaire du bar rayé. Selon les pêcheurs de ma région, ces poissons se nourrissent de saumoneaux et de petites truites, et, lorsqu'on les ouvre, on y trouve de ces petits poissons. Je crois que nous devons continuer de déployer des efforts en faveur de la conservation du saumon de l'Atlantique à tous les niveaux. Les gouvernements doivent tenir compte de l'impact économique de la pêche sportive au saumon sur les régions et coopérer avec les organisations internationales qui s'occupent de la protection et de la conservation du saumon.

L'étude de Gardner Pinfold, en 2012, établissait à 255 millions de dollars la valeur économique totale annuelle de la pêche au saumon sauvage de l'Atlantique. Au Nouveau-Brunswick, on a établi à 54,7 millions de dollars la contribution de la pêche sportive au saumon sauvage au produit national brut. Aujourd'hui, deux ans plus tard, la Fédération du saumon de l'Atlantique évalue la valeur de la pêche récréative au saumon au Nouveau-Brunswick à quelque 40 millions de dollars, soit une baisse de 25 p. 100. On parle ici uniquement de la pêche récréative, parce qu'il n'y a plus de pêche commerciale. Je me souviens de l'époque où les pêcheurs de chez nous pratiquaient une pêche commerciale. Mais les saumons ne sont plus là, et les gouvernements ont racheté les permis. Toutefois, il y a encore une pêche récréative.

Les pêcheurs du monde entier sont attirés par la pêche sportive au saumon sur la rivière Miramichi. Je mentionnais dans mes commentaires, lorsque le sénateur Maltais a parlé dans le cadre de son interpellation, que c'est bien dans la Miramichi que l'on trouve les plus gros saumons. Cette activité économique génère près de 16 millions de dollars et près de 637 emplois à temps plein. Par ailleurs, l'investissement total des deux gouvernements — le gouvernement fédéral avec 2,8 millions de dollars et le gouvernement provincial avec 2,1 millions de dollars — s'élève à 4,9 millions de dollars. Le retour sur l'investissement représente trois fois plus que les sommes investies.

Les provinces peuvent encourager les groupes de conservation des rivières de saumon en fournissant les informations pertinentes et en favorisant l'établissement de groupes voués à la sauvegarde et au développement de nos rivières de saumon.

Je souligne ici le travail exceptionnel effectué par les Amis de la Kouchibouguacis, qui font la promotion du travail communautaire pour restaurer l'habitat et développer un écosystème en santé. Ce sont des bénévoles, et je vous assure que leurs efforts en vue d'éduquer la population sont louables. Ils aident à conserver et à régénérer les stocks de saumon de l'Atlantique et à augmenter les montaisons dans nos rivières.

On veut prévenir l'érosion, assurer le respect de zones tampons le long des berges, promouvoir l'utilisation d'engrais naturels, observer la fraie de saumons et même contribuer à l'ensemencement des rivières. J'avais moi-même participé à marquer les saumons en élevage en leur enlevant une nageoire dans le but de tracer leurs parcours et, surtout, de vérifier leur retour lors des prochaines montaisons. Il est urgent d'agir, tant pour des raisons de conservation que pour des raisons économiques.

Honorables sénateurs, j'ajoute ma voix à celle de la Fédération du saumon de l'Atlantique et de l'Association du saumon de la Miramichi pour demander aux gouvernements, à tous les niveaux, d'agir de façon urgente. Il est essentiel de mettre sur pied ce groupe de travail dont la mission sera de recommander des mesures pour assurer la survie du saumon de l'Atlantique.

(Sur la motion de la sénatrice Eaton, le débat est ajourné.)

(1520)

[Traduction]

La santé et la pauvreté

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur le lien bien documenté entre l'état de santé et la pauvreté, et sur le besoin pressant d'alléger le fardeau que représente la pauvreté pour notre système de santé et pour des millions de Canadiens.

L'honorable Art Eggleton : Chers collègues, le lien entre la santé et la pauvreté est une question que j'ai étudiée quelque peu. La pauvreté coûte des milliards de dollars par année au système de soins de santé.

Je parlerai sous peu de cette question plus en détail mais, d'ici là, j'aimerais proposer l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 25 septembre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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