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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 126

Le jeudi 1er juin 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 1er juin 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 1er juin 2017

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que madame Patricia Jaton, sous-secrétaire du gouverneur général, en sa qualité de suppléante du gouverneur général, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l'annexe de la présente lettre le 1er juin 2017, à 11 heures.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Le Président du Sénat
                Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 1er juin 2017 :

Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et l'Ukraine (projet de loi C-31, chapitre 8, 2017)


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le système de paie Phénix

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler de l'expérience bouleversante vécue par un résidant du Nunavut. Il s'agit d'une situation tout particulièrement troublante, car, selon moi, elle aurait pu facilement être évitée.

Un jeune Inuk d'Iqaluit, que je vais appeler « Mike », s'est adressé à mon bureau au début du mois d'avril pour me parler de ses problèmes avec le système de paie Phénix. Au cours de trois mois récents, Mike a reçu 10 paiements de 400 $ chacun, tandis que ses autres chèques de paie totalisaient zéro dollar. Cette situation est attribuable au fait que ses chèques de paie — lorsqu'il en recevait un — ne comprenaient pas l'indemnité de poste isolé, laquelle représente au moins la moitié de la rémunération nette des fonctionnaires fédéraux qui travaillent dans des localités isolées du Nord.

Comme de nombreux Canadiens touchés par les problèmes liés à Phénix, Mike a présenté une demande de salaire d'urgence. Cependant, dans le Sud du Canada, les agents de rémunération, qui ne sont pas au courant de l'importance de l'indemnité de poste isolé dans le calcul du salaire de base, ont rejeté la demande de Mike en déclarant que l'indemnité de poste isolé n'est pas admissible au salaire d'urgence.

Dieu merci, Mike peut compter sur le soutien de sa famille. En effet, sa mère a pu l'aider financièrement à subvenir à ses besoins et à ceux de sa jeune famille. Toutefois, ce soutien n'était pas suffisant. Mike a donc dû emprunter sur la valeur nette de sa maison et obtenir une marge de crédit de 10 000 $. Il a vendu son camion et sa motoneige au beau milieu de la saison de chasse. Malgré tous ses efforts, sa cote de solvabilité en a pris pour son rhume, et ses économies ont fondu comme neige au soleil.

Il ne touche toujours pas la rémunération qui lui est due et il ne peut pas payer les factures. Il y a deux semaines, après avoir reçu un autre chèque de paie de 400 $, Mike a dit à ses supérieurs que, si ses problèmes de rémunération n'étaient pas réglés, il devrait, en désespoir de cause, prendre un congé lié au stress jusqu'à ce que la situation soit rétablie. Cette semaine, comme ses problèmes n'ont toujours pas été réglés, Mike est en congé pour cause de stress.

Chers collègues, ce n'est là qu'un des nombreux témoignages que j'ai reçus de la part d'employés fédéraux du Nunavut. Il faut faire quelque chose. Le gouvernement a dépensé des millions de dollars pour tenter de régler le problème. Il a mis sur pied un groupe de travail ministériel spécial et nous avons appris récemment que la solution entraînera encore d'autres coûts. Entre-temps, des centaines d'employés fédéraux au Nunavut souffrent, tout comme Mike.

Qu'en est-il des employés qui ne peuvent pas compter sur leur famille, vendre un camion ou une motoneige, ou mettre une hypothèque en garantie pour un emprunt?

Tout est plus cher de nos jours et beaucoup de familles de la classe moyenne peinent à joindre les deux bouts. Dans le Nord, où les prix des aliments et des produits sont au moins le double des prix dans le Sud du Canada, un montant de 400 $ est dérisoire.

J'ajoute, honorables sénateurs, que chaque histoire qu'on m'a racontée concernait un Inuit. Voilà qui est particulièrement préoccupant, car cela dissuade les Inuits de joindre la fonction publique fédérale. En vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, le gouvernement fédéral a le devoir d'assurer que des emplois soient disponibles pour les Inuits. Par ailleurs, j'ai appris que des gens refusent d'accepter une promotion parce qu'ils craignent de ne pas être payés et de subir des représailles s'ils se plaignent.

Chers collègues, il faut agir pour que le cas de Mike ne se reproduise pas.

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Leona Aglukkaq, ancienne ministre de l'Environnement et députée du Nunavut. Elle est l'invitée de l'honorable sénateur Patterson.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Commission de vérité et réconciliation

Le deuxième anniversaire du rapport intérimaire

L'honorable Murray Sinclair : Chers collègues, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le deuxième anniversaire demain de la publication du rapport intérimaire de la Commission de vérité et réconciliation sur les pensionnats indiens, en réfléchissant au progrès qui a été réalisé dans un court laps de temps depuis la publication du rapport et au travail important qu'il reste à faire pour assurer une réconciliation complète entre le Canada et les peuples autochtones.

(1340)

Depuis que la Commission de vérité et réconciliation a publié les 94 recommandations de son appel à l'action, l'argent nécessaire à la création du Centre national pour la vérité et réconciliation a été accordé. C'est l'Université du Manitoba qui hébergera ce centre, dont le travail consistera à recueillir des documents et d'autres ressources concernant les pensionnats autochtones.

Le gouvernement s'est également engagé à créer le conseil national sur la réconciliation, qui veillera à ce qu'il continue de s'acquitter, au cours des années à venir, de sa responsabilité d'établir une bonne relation entre les peuples autochtones et l'État. Le conseil verra aussi à ce qu'un plan d'action national pluriannuel pour la réconciliation soit élaboré et mis en œuvre.

Par l'entremise de la ministre du Patrimoine, le gouvernement du Canada s'est engagé officiellement à adopter une loi sur les langues autochtones, et l'Enquête nationale sur les femmes et les jeunes filles autochtones disparues et assassinées est enfin commencée, malgré les difficultés. Elle jouera un rôle crucial pour cerner les graves préjudices auxquels sont exposées beaucoup de femmes autochtones.

Malgré ces mesures et ces engagements constructifs, il reste beaucoup de travail à faire avant de parvenir à une réconciliation véritable. Le gouvernement accuse du retard dans le dossier de l'aide à l'enfance, par exemple. L'information qui nous parvient des organismes d'aide à l'enfance n'est pas claire quant aux changements tangibles qui s'y seraient produits. Des lacunes importantes subsistent dans le financement des services d'aide aux enfants autochtones et des programmes d'éducation pour les Autochtones.

Bien que des travaux soient en cours, sous la direction de l'École de la fonction publique du Canada, pour étoffer substantiellement les données dont on dispose sur la situation des Autochtones dans les administrations publiques du pays, y compris dans la fonction publique fédérale, des études semblables ne semblent pas avoir été entreprises de manière structurée et systématique dans l'ensemble des administrations publiques du pays.

Malheureusement, la vaste majorité des Canadiens ne sont pas encore assez conscients du sens des recommandations formulées par la Commission de vérité et réconciliation et de la nécessité que les Canadiens de tous les horizons comprennent mieux les préjudices et les violations massives des droits de la personne qu'ont subis les peuples autochtones par le passé. À l'occasion du 150e anniversaire de la Confédération canadienne, je vous invite donc, chers collègues, à prendre l'engagement de favoriser une réconciliation et une compréhension véritables au sein de notre grand pays.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du maire de la Ville de Stratford, à l'Île-du- Prince-Édouard, qui est accompagné des conseillers municipaux de cette ville. Ils ont été invités par l'honorable sénatrice Griffin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de David Morrison

L'honorable Diane Griffin : Honorables sénateurs, aujourd'hui, je prends la parole pour rendre hommage au regretté révérend David Morrison, de Charlottetown, qui est décédé récemment. Il a eu un parcours professionnel très varié et s'est toujours dévoué pour la collectivité. J'ai bénéficié de son amitié puisqu'il était membre, comme moi, du Rotary Club of Charlottetown Royalty. Il a d'ailleurs été récompensé pour son travail au sein du Rotary International. Son expertise dans le domaine de la dignité humaine et des droits de la personne, de l'oncologie psychosociale et de la spiritualité était mondialement reconnue. Il avait même été présélectionné parmi les candidats au prix Nobel de la paix.

Le révérend Morrison officiait à l'église anglicane Christ Church, dans la petite communauté rurale de Cherry Valley, et a été pasteur à l'église anglicane St. Paul's, à Charlottetown. Il lui arrivait de faire du remplacement lorsqu'il était en visite à l'étranger. Il s'est décrit en riant comme le « vicaire de Twickenham » lorsqu'il a officié quelques dimanches à l'église de cette ville en Angleterre lors d'un séjour à Londres pour affaires.

Il a fait jouer un rôle prépondérant au Centre œcuménique du Conseil œcuménique des Églises. Le révérend Morrison a été le premier protestant à avoir été invité à s'adresser au mouvement Pax Romana à Rome et il a reçu une médaille de réconciliation à la résidence du souverain pontife.

David a enseigné pendant 30 ans à l'Université de l'Île-du-Prince- Édouard et a été le premier président de l'association des professeurs lors de la création de l'université, en 1969. Le révérend Morrison a travaillé dans le domaine des soins de soutien et de l'oncologie psychosociale au Centre de traitement du cancer de l'Île-du-Prince- Édouard au sein d'une équipe multidisciplinaire. Il a poursuivi son travail sur la scène internationale dans le domaine des soins aux personnes atteintes du cancer et des maladies non transmissibles.

Il faisait d'ailleurs partie du groupe qui a réussi à convaincre les Nations Unies de s'intéresser à ces maladies, comme le diabète, le cancer de même que les maladies cardiaques et pulmonaires.

M. Morrison a aussi été délégué à l'Assemblée mondiale de la santé, c'est-à-dire l'instance chargée d'établir les cibles et de définir les programmes de l'Organisation mondiale de la Santé. Le groupe dont il faisait partie a réussi à convaincre 191 pays de se donner comme objectif de réduire toutes les maladies non transmissibles de 21 p. 100 d'ici 2025.

Son épouse, Mary Lou, est de la même eau que lui, et leurs filles marchent dans leurs traces. Michelle est travailleuse sociale, tandis que la Dre Heather Morrison, qui a fait de brillantes études et obtenu une bourse Rhodes, est maintenant administratrice en chef de la santé publique de l'Île-du-Prince-Édouard.

Les gens qui contribuent à la société autant que David Morrison a pu le faire nous manquent toujours cruellement quand ils nous quittent.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Melissa De Genova, qui est conseillère municipale à la Ville de Vancouver. Elle est l'invitée de l'honorable sénateur Campbell.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le moratoire sur la pêche à la morue

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j'ai aujourd'hui le plaisir de vous présenter le chapitre 21 de « Notre histoire ».

J'ai toujours considéré comme un privilège le fait d'avoir grandi dans le petit village de pêcheurs de St. Bride's, dans la baie Placentia, à Terre-Neuve. Je me souviens toujours avec beaucoup d'émotions des nombreuses expéditions que mes amis et moi entreprenions au-delà de la colline couverte de varech, jusqu'au quai du village.

C'est là qu'on pouvait observer les pêcheurs et les ouvriers vaquer à leurs occupations, regarder les gars couper la langue des morues, bref voir tout ce beau monde récolter les fruits de la mer. Ce digne mode de subsistance a marqué le rythme de la vie à Terre-Neuve-et- Labrador durant près de 500 ans. La pêche a toujours fait partie de notre ADN — elle en fait toujours partie, d'ailleurs —, et une bonne partie de notre histoire et de notre culture en est dérivée.

Pourtant, il y a 25 ans, ce mode de vie a changé à tout jamais. Le 2 juillet 1992, le ministre des Pêches et des Océans de l'époque, l'honorable John Crosbie, né à Terre-Neuve-et-Labrador, annonçait que le gouvernement du Canada imposait un moratoire sur la pêche à la morue du Nord en raison de la surpêche et, partant, de l'épuisement des stocks. Le gouvernement fédéral prévoyait que le moratoire durerait environ deux ans.

À l'heure actuelle dans notre province, la pêche à la morue est très limitée car, à toutes fins utiles, le moratoire est encore en vigueur. L'annonce de la fermeture de la pêche à la morue a eu un effet catastrophique. Plus de 30 000 travailleurs ont appris qu'ils perdaient le mode de vie qu'eux et les générations qui les avaient précédés avaient connu depuis près de 500 ans. On a comparé le choc provoqué par ce licenciement collectif, considéré comme le plus important de l'histoire canadienne, à celui que subirait l'Ontario si 660 000 de ses travailleurs se retrouvaient, du jour au lendemain, sans emploi.

Comme d'habitude, le gouvernement fédéral est intervenu pour offrir divers types d'aide financière, notamment des programmes de retraite et de recyclage. L'industrie des mollusques et des crustacés a accueilli certains des chômeurs alors que d'autres se sont trouvés du travail dans l'industrie pétrolière dans notre province et en Alberta.

Je me rappelle tout ce qui s'est passé ce jour-là, notamment que John Crosbie avait dû être escorté par des dizaines d'agents de police à sa sortie de l'immeuble où il avait fait l'annonce, mais le souvenir des gens en pleurs et au visage défait est celui qui est resté gravé le plus clairement dans ma mémoire. C'était d'une infinie tristesse. Personne à Terre-Neuve-et-Labrador, pas même moi, n'imaginait à quel point les choses allaient changer.

Certains sociologues affirment que, depuis 1992, plus de 70 000 personnes ont quitté les baies, les anses et les petits villages isolés de la province. Personnellement, après près de 25 ans, j'estime qu'il s'agit de notre plus grande perte. Il y a eu un exode et, par surcroît, comme le mode de vie a changé du tout au tout, l'histoire et la culture traditionnelle de ces gens est en train de disparaître graduellement. Les chansons, les contes et les trésors de connaissances et de souvenirs ne sont pas transmis comme on le souhaiterait.

Comme l'a dit un jour un autre fier citoyen de Terre-Neuve, Rex Murphy : « Ce ne sont pas le pétrole et le gaz qui assurent la continuité ici. L'argent n'aura jamais la même valeur que les pêches dans la culture de Terre-Neuve-et-Labrador. »

Bien que l'on doive accepter les choses que l'on ne peut pas changer et changer les choses que nous pouvons changer, je tiens à conclure sur une note positive en remerciant tous les musiciens, les conteurs, les artistes, les historiens et les autres personnes qui prennent le temps de raconter notre histoire, de dire qui nous sommes et d'où nous venons et de montrer pourquoi nous sommes si profondément fiers de clamer que nous venons du « Rocher ».

Que Dieu protège Terre-Neuve!

(1350)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du maire de Coquitlam, Son Honneur Richard Stewart, des conseillers Dennis Marsden et Teri Towner, ainsi que du greffier, Jay Gilbert. Ils sont les invités de l'honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L'étude sur les faits nouveaux en matière de politique et d'économie en Argentine dans le cadre de leur répercussion possible sur les dynamiques régionale et globale

Dépôt du treizième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le treizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui s'intitule Les relations entre le Canada et l'Argentine à l'aube d'une nouvelle ère?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2017

Dépôt du quatorzième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international sur la teneur du projet de loi

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui porte sur la teneur des éléments de la section 1 de la partie 4 du projet de loi C-44, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 22 mars 2017 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 8 mai 2017, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance, et le Comité sénatorial permanent des finances nationales est autorisé à tenir compte de ce rapport quand il examinera la teneur de l'ensemble du projet de loi C-44.

Projet de loi relatif à une stratégie nationale sur la maladie d'Alzheimer et d'autres démences

Présentation du treizième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 1er juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-233, Loi concernant une stratégie nationale sur la maladie d'Alzheimer et d'autres démences, a, conformément à l'ordre de renvoi du 28 mars 2017, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
KELVIN KENNETH OGILVIE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Stewart Olsen, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La commissaire aux langues officielles

Préavis de motion tendant à approuver sa nomination

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l'article 49 de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. 1985, Chapitre 31 (4e suppl.), le Sénat approuve la nomination de Madeleine Meilleur à titre de commissaire aux langues officielles

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La réunion hivernale annuelle de la National Governors Association, tenue du 24 au 27 février 2017—Dépôt du rapport

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion hivernale annuelle de la National Governors Association, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 24 au 27 février 2017.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer son rapport sur son étude portant sur les incidences financières et les considérations régionales liées au vieillissement de la population auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 12 juin 2017 et le 7 juillet 2017, si le Sénat ne siège pas, un premier rapport intérimaire sur son étude portant sur les incidences financières du vieillissement de la population au Canada, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 12 juin 2017 et le 7 juillet 2017, si le Sénat ne siège pas, un deuxième rapport intérimaire sur son étude du programme fédéral des infrastructures, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L'indexation de la taxe sur la bière, le vin et les spiritueux

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l'indexation de la taxe sur la bière, le vin et les spiritueux que propose le ministre des Finances dans le projet de loi C-44.

Les sénateurs savent peut-être que le budget fédéral prévoit augmenter les taux de droit d'accise sur les produits alcoolisés de 2 p. 100 immédiatement et les indexer automatiquement chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation. Il est inhabituel d'avoir recours à une indexation de ce genre. La dernière fois que le gouvernement fédéral l'a fait, durant les années 1970, l'ancien gouvernement Trudeau était au pouvoir.

Sénateur Harder, pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer les raisons du gouvernement pour cette hausse annuelle automatique de la taxe sur l'alcool? De plus, si cette taxe avec indexation est imposée maintenant, qui dit que le gouvernement n'apportera pas de modifications semblables aux autres taxes dans le futur, de sorte qu'elles augmentent année après année sans examen parlementaire adéquat et sans reddition de comptes ministérielle adéquate?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il le sait, ce poste budgétaire fait partie du projet de loi dont le Sénat fait l'étude préliminaire et que l'autre endroit est en train d'étudier. Si le projet de loi reçoit la sanction royale et entre en vigueur, la mesure se reflétera évidemment dans la loi.

Les gouvernements ont des budgets, et ces budgets sont conçus pour obtenir, de toute évidence en temps opportun, l'approbation du Parlement. La même chose vaut pour d'autres mesures. Pour l'instant, le gouvernement est d'avis qu'il s'agit d'un mécanisme adéquat pour se doter d'une certaine prévisibilité dans les années à venir.

[Français]

Le sénateur Smith : J'ai une question complémentaire. Le mois dernier, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a reçu des témoins qui représentaient l'industrie de la bière, des spiritueux et du vin. Ils ont exprimé leurs préoccupations quant à l'indexation du taux de droit d'accise prévu dans le projet de loi C- 44 et ses éventuelles répercussions, par exemple sur les vignobles et l'agriculture, sur l'industrie du tourisme et de l'hôtellerie, et sur le consommateur qui paie déjà des taxes élevées.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il se renseigner et nous dire si le ministre des Finances ou un autre ministère a effectué une étude sur les répercussions, pour l'industrie de la bière, du vin et des spiritueux, de la décision du gouvernement d'augmenter les taux de droit d'accise sur les produits alcoolisés? Sinon, pourquoi? Dans le cas où une telle étude aurait déjà été effectuée, le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il la présenter au Sénat?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question. Je vais me renseigner auprès du ministre des Finances à savoir quelles consultations ont eu lieu. Comme le savent les sénateurs, certaines mesures font l'objet de consultations prébudgétaires, alors que d'autres s'y prêtent moins bien. Je vais me renseigner.

Le système de paye Phénix

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, comme vous l'avez entendu dans ma déclaration d'aujourd'hui, des Inuits au Nunavut souffrent parce que le gouvernement n'a pas encore réglé le fiasco Phénix.

(1400)

Après plus d'un an d'attente, des employés ont découvert que l'indemnité de poste isolé ne leur a pas été versée et que les agents de paie du Sud ne savent même pas de quoi il s'agit. Les agents ne comprennent pas pourquoi le loyer des employés du Nord est déduit de leur paie. Ce sont ces personnes qui sont censées aider les Nunavummiuts à résoudre leurs problèmes de paie.

J'aimerais pouvoir dire à Mike et aux nombreux autres fonctionnaires fédéraux du Nunavut qui ont communiqué avec moi que le gouvernement les écoute, qu'il est préoccupé par leur situation et qu'il prendra des mesures pour les aider. Le gouvernement intégrera-t-il à son centre d'appels une unité sensibilisée aux problèmes de paie du Nord et formée pour les régler et veillera-t-il à ce que les Nunavummiuts reçoivent l'aide qui convient? C'est ce que j'ai suggéré au groupe de travail ministériel.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de la déclaration qu'il a faite plus tôt. Les sénateurs sont tout à fait dans leur droit de défendre les intérêts de leurs concitoyens. Le cas de Mike et de toute personne se trouvant dans la situation que vous décrivez serait préoccupant pour tout sénateur.

Sachant que vous mentionneriez ce cas, je me suis renseigné auprès du ministère. Je tiens à vous assurer qu'il fera un suivi auprès de votre bureau à ce sujet. Je veux aussi discuter avec vous de la façon dont nous pourrions trouver un mécanisme pour répondre sans délai aux cas que vous connaissez. Entre-temps, je sais que vous avez écrit à la ministre. Je peux vous assurer, ainsi qu'à tous les sénateurs, qu'elle vous répondra sans tarder.

Le sénateur Patterson : Merveilleux. Merci.

[Français]

L'honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte également sur le système de paie Phénix.

Le gouvernement avait fixé au 31 octobre 2016 la date d'échéance pour régler l'arriéré de dizaines de milliers de cas de fonctionnaires fédéraux touchés par les erreurs du système de paie Phénix, qui est déficient. Le 27 avril, presque six mois après la fin de l'échéance, le premier ministre annonçait la création du Groupe de travail des ministres chargés d'atteindre la stabilité du système de paie.

Si le gouvernement a mis six mois à créer un simple groupe de travail, combien de temps faudra-t-il, monsieur le leader, pour que les problèmes du système de paie Phénix soient réglés?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme le sénateur le sait, le gouvernement a hérité de cette situation et il travaille sans relâche et de bonne foi à sa résolution. C'est un dossier extrêmement complexe.

Je tiens à réaffirmer que le gouvernement est très sensible aux préoccupations soulevées par les employés qui n'ont pas reçu leur paie ou des avances de salaire d'urgence. Les mesures suivantes ont été prises. Je prendrai le temps de les énumérer afin que les honorables sénateurs en soient informés.

En ce moment, les employés peuvent demander et recevoir une avance de salaire d'urgence en faisant appel à leurs gestionnaires. Les demandes sont transmises à un échelon supérieur si la paie d'urgence n'est pas remise à la première procédure entamée. Au cours de la dernière année, comme les sénateurs le savent, le gouvernement du Canada a investi plus de 50 millions de dollars dans l'ouverture de cinq bureaux temporaires et dans l'embauche de plus de 230 conseillers en rémunération supplémentaires. Je précise que le nombre de ces conseillers avait été réduit avant que le système ne soit mis à l'essai. De plus, le gouvernement laisse les 70 millions de dollars d'économies prévues aux ministères afin qu'ils puissent prendre des mesures pour régler les problèmes du système de paie Phénix.

Par ailleurs, la semaine dernière, le Groupe de travail des ministres chargés d'atteindre la stabilité du système de paie a annoncé un investissement supplémentaire de 142 millions de dollars consacrés à la fois au personnel et à la technologie dans le cadre d'une approche par étapes adoptée en vue de régler le problème.

En plus des investissements en matière de capacité, Services publics et Approvisionnement Canada mettra en œuvre un nouvel outil de gestion des cas qui permettra aux conseillers en rémunération de mieux suivre les mouvements de paie et de répondre aux demandes des employés avec des renseignements à jour et précis. Au fil du temps, cela permettra au Centre des services de paie de mieux communiquer avec les employés lorsque ces derniers voudront obtenir des renseignements supplémentaires sur leur dossier.

Je tiens à assurer tous les honorables sénateurs que le ministère des Services publics et de l'Approvisionnement prendra toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux préoccupations soulevées par les sénateurs, et qu'il accorde énormément d'attention au processus en cours.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai une question complémentaire. C'est intéressant. Cela fait deux ans que le gouvernement est au pouvoir, et il a de la difficulté à produire des paies.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire pourquoi le gouvernement a cessé de divulguer le nombre de fonctionnaires qui attendent toujours que leurs problèmes de paie soient réglés? Est-ce que ce nombre continue d'augmenter?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le système de paye du gouvernement donne suite à toutes les demandes qui lui parviennent. Je n'ai pas les derniers chiffres concernant le taux d'augmentation, mais l'objectif est d'accroître les capacités pour donner suite à toutes les préoccupations des employés et remettre en temps voulu à ces derniers les chèques auxquels ils ont droit.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, lorsque la ministre Foote a comparu au Sénat, je lui ai posé la question de façon précise. Elle m'a répondu ce qui suit, et je cite :

Nous ne récompensons pas l'incompétence.

Elle faisait référence aux hauts fonctionnaires bureaucrates qui avaient été impliqués dans le désastre du système de paie Phénix. Malgré l'assurance de la ministre à l'époque, il semble que ce soit exactement le contraire qui se soit produit. Les cadres du ministère des Services publics et de l'Approvisionnement du Canada ont touché des primes l'an dernier qui totalisent plus de 4,8 millions de dollars, et la sous-ministre a confirmé que certains des cadres qui ont travaillé sur le système Phénix ont effectivement reçu des primes en 2016.

Comment le gouvernement peut-il justifier le fait de verser des primes au rendement à des fonctionnaires qui ont travaillé sur le système de paie Phénix, qui ressemble de plus en plus à un désastre technologique?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et je chercherai à obtenir les renseignements demandés.

La défense nationale

L'acquisition d'avions

L'honorable Daniel Lang : J'aimerais attirer l'attention de mes collègues sur la question de l'armée, et j'ai une question à poser au leader du gouvernement.

Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a recommandé que le gouvernement annule le plan prévu d'achat, auprès du seul fournisseur Boeing, des appareils Super Hornet et de tenir le plus tôt possible un appel d'offre ouvert et équitable.

À la lumière du débat qui s'est tenu la semaine dernière entre Boeing, le gouvernement et, indirectement, Bombardier, il semble que le gouvernement envisage diverses options pour traiter avec Boeing à titre de partenaire de confiance.

Compte tenu de ce litige public et de la déclaration faite hier par le ministre de la Défense au salon professionnel de la défense CANSEC, le leader du gouvernement ne conviendrait-il pas qu'il est dans l'intérêt du Canada d'annuler le contrat à fournisseur unique conclu avec Boeing pour l'achat d'avions de chasse, qui représente de 5 à 7 milliards de dollars, et de procéder immédiatement à un appel d'offre ouvert et équitable, de façon à pouvoir prendre une décision au nom de l'Aviation royale canadienne d'ici juin 2018?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme il l'a dit, le ministre de la Défense et la ministre des Affaires étrangères ont tenu publiquement des propos au sujet des préoccupations du gouvernement du Canada sur la relation de confiance nécessaire avec Boeing en matière d'acquisition. Si le gouvernement a besoin de faire une autre annonce, il le fera.

Le coût des navires de combat de surface

L'honorable Daniel Lang : Je tiens à passer à une autre question de grande importance pour les Canadiens, celle des nouvelles parues aujourd'hui sur la marine et l'acquisition, qui avait été proposée et acceptée il y a plusieurs années, de 15 navires de combat de surface canadiens.

(1410)

Le directeur parlementaire du budget a déclaré que le projet d'acquisition de 15 navires est menacé en raison de l'inflation qui s'est produite depuis 2013. Le coût du projet est passé de 26,2 milliards de dollars à approximativement 62 milliards de dollars.

L'an dernier, le gouvernement s'était engagé à choisir un plan de conception qui avait fait ses preuves et qui permettrait de réaliser des économies ainsi que de construire et de mettre en service les nouveaux navires deux ans plus rapidement.

Le leader du gouvernement peut-il nous expliquer les raisons de ce changement par rapport à l'an dernier et nous dire pourquoi le gouvernement a décidé de choisir pour ces navires un plan de conception qui n'a pas fait ses preuves et qui augmentera manifestement certains des coûts présentés par le directeur parlementaire du budget?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. J'ai également vu ce rapport et je m'informerai pour connaître le point de vue du ministère et du gouvernement.

Le patrimoine canadien

Le financement pour le canard en caoutchouc géant

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Ma question s'adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Plus tôt cette semaine, il a été révélé que les contribuables de l'Ontario avaient contribué pour 120 000 $ au financement d'un canard en caoutchouc géant pour célébrer le 150e anniversaire de l'Ontario et du Canada. J'ai du mal à comprendre pourquoi un canard a été choisi pour souligner le 150e anniversaire du Canada. Un castor géant, un huard géant, un buste de la reine ou une réplique des édifices du Parlement m'auraient paru plus appropriés.

Le canard en caoutchouc géant arrivera sur les berges de Toronto plus tard ce mois-ci, puis se déplacera vers d'autres régions de l'Ontario.

Les médias affirment que le Fonds Canada 150 a financé une partie du canard géant en caoutchouc. Mardi dernier, la ministre du Patrimoine canadien a déclaré à l'autre endroit que son ministère n'a pas financé le canard en question. Le leader du gouvernement peut-il s'informer pour nous dire si tout autre ministère ou organisme fédéraux a accordé une aide financière, qu'elle soit directe ou indirecte, pour le canard géant en caoutchouc ou liée à celui-ci?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question fort importante. Je m'efforcerai de découvrir si la chose marche comme un canard, parle comme un canard et cancane comme un canard. Si c'est le cas, alors c'est probablement un canard, et je vous ferai un rapport à tire-d'aile.

Le sénateur Enverga : Le leader du gouvernement peut-il nous aider à comprendre comment un canard géant en caoutchouc contribue aux célébrations du 150e anniversaire du Canada?

Le sénateur Harder : C'est une bonne question. Elle est bonne. Si je comprends bien, vous trouvez que c'est un vilain petit canard.

Bien entendu, je n'ai pas l'imagination requise pour répondre de façon impromptue à la question, alors je vais me renseigner.

Les finances

L'impôt des petites entreprises

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Changeons de sujet. J'ai une question à poser au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, le Sénat mène actuellement une étude préalable sur le projet de loi d'exécution du budget, et il y manque toujours l'une des principales promesses que les libéraux ont faites lors des dernières élections.

Le premier ministre Trudeau a proposé de faire passer le taux d'imposition des petites entreprises de 10,5 p. 100 à 9 p. 100. La réduction du taux d'imposition est toujours en suspens et pourrait bien ne jamais être accordée sous le gouvernement libéral.

Encore une fois, les libéraux n'ont pas respecté l'une de leurs promesses, et on estime qu'il en coûtera plus de 900 millions de dollars par année aux petites entreprises d'ici 2019. Les petites entreprises sont le moteur de l'économie, et nous devrions les aider à investir au Canada et à créer des emplois.

Quand le gouvernement respectera-t-il sa promesse de réduire le taux d'imposition des petites entreprises à 9 p. 100?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Le budget qui nous occupe est celui de 2017. On peut imaginer qu'il y aura d'autres budgets au cours de cette législature et nous verrons ce qu'il en sera.

La sénatrice Martin : Sénateur, j'ai abordé les questions liées aux petites entreprises plusieurs reprises, en comité et au Sénat. Les petites entreprises que je connais, dont je parle et qui attendent cette baisse de leur taux d'imposition sont les entreprises familiales, des entreprises exploitées par deux parents, ou un parent seul, et leurs enfants. Il s'agit de toutes petites entreprises. Un pour cent, ou même la moitié de cela, peut être déterminant pour leur avenir.

Presque deux ans se sont écoulés. C'est une promesse qui n'a pas été tenue. Le gouvernement libéral n'a pas baissé le taux d'imposition. Pourriez-vous nous décrire ce qu'il a fait alors pour aider les petites entreprises canadiennes qui font tout leur possible pour survivre?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. J'aimerais souligner que, dans deux budgets, dont un que nous étudierons sous peu, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures pour fortifier l'économie canadienne, en commençant par une baisse d'impôt considérable pour tous les Canadiens, et faire des investissements stratégiques qui profiteront à la classe moyenne. Il s'agit là de ses priorités. Ces mesures comprennent des investissements substantiels, que nous avons passés en revue dans le cadre du budget précédent ou qui sont prévus dans le budget actuel. Je serai heureux de donner des précisions sur toutes les mesures liées aux petites entreprises lorsque nous débattrons le budget, ce qui, espérons-le, se fera bientôt.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi S- 3, suivie par tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Ringuette, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription), tel que modifié.

L'honorable Murray Sinclair : J'ai été interrompu au beau milieu d'une phrase hier, mais j'aimerais simplement passer directement à l'amendement.

J'ai déclaré hier que je présentais un amendement de forme, après avoir consulté le sénateur Patterson et d'autres membres du comité permanent pour clarifier le libellé de l'un des éléments du rapport du Comité des peuples autochtones. Si vous êtes d'accord, je vais lire l'amendement proposé.

J'aimerais souligner, soit dit en passant, que nous avons, depuis hier, après avoir consulté le légiste, amélioré le libellé de l'amendement en ajoutant deux mots qui manquaient et qui rendent la proposition plus claire.

Je vais lire l'amendement et vous fournir une explication au sujet de l'ajout.

Motion d'amendement

L'honorable Murray Sinclair : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi S-3, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1, à la page 1, par adjonction, à la ligne 4 (telle qu'elle a été remplacée par le Sénat le 30 mai 2017), après le paragraphe (6), de ce qui suit :

« (7) Il est entendu que, si l'identité d'un parent ou un autre des ascendants du demandeur est inconnue ou non déclarée sur un certificat de naissance, il n'y aucune présomption que le parent ou l'autre ascendant n'a pas le droit d'être inscrit ou n'avait pas ou n'aurait pas eu ce droit. ».

Permettez-moi encore de vous rappeler que l'amendement était nécessaire en raison d'une décision de la Cour d'appel de l'Ontario, qui a été rendue après que le projet de loi a été présenté et qui précise que le registraire des Indiens a eu tort d'appliquer une politique selon laquelle c'est au demandeur qu'il incombe de prouver l'identité d'un ascendant pour avoir le droit de s'inscrire.

Cet amendement corrige le projet de loi et le rend conforme à la décision de la Cour.

Son Honneur le Président : En amendement, l'honorable sénateur Sinclair propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Pratte, que le projet de loi S-3, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'article 1... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur le projet de loi, tel qu'il a été amendé.

(1420)

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription).

En 1869, une loi fut adoptée qui fit en sorte que les Indiennes perdent leur statut si elles se mariaient à un non-Indien. Cependant, les Indiens qui s'unissaient avec une non-Indienne conservaient leur statut et leur femme l'obtenait. En d'autres mots, la détermination du statut d'Indien est teintée de discrimination fondée sur le sexe depuis longtemps.

L'ascendance patrilinéaire est favorisée et l'ascendance matrilinéaire est continuellement désavantagée. Les femmes non inscrites et leurs enfants étaient obligés — et le sont encore aujourd'hui — de quitter leur communauté. En fait, parce que ces femmes choisissent de se marier à la mauvaise personne, un homme non inscrit, elles sont privées d'un foyer dans la communauté.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, le projet de loi S-3, est la troisième tentative, depuis 1985, pour supprimer la discrimination fondée sur le sexe que l'on retrouve dans la Loi sur les Indiens. Dans les trois cas, le gouvernement n'a agi que lorsqu'il a été forcé par les tribunaux. Le Parlement a, pour sa part, été forcé d'étudier les modifications législatives en respectant des délais serrés, à défaut de quoi le processus d'inscription serait interrompu.

En 1985, le projet de loi C-31 a été présenté. C'est la première fois qu'on essayait d'éliminer la discrimination fondée sur le sexe du processus d'inscription à titre d'Indien. La mesure législative était le résultat de contestations de la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas devant les Nations Unies. L'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés a aussi contribué à cet avancement.

À l'époque, le gouvernement savait que le projet de loi C-31 n'éliminerait pas toute la discrimination fondée sur le sexe. Il était conscient que la situation de beaucoup de femmes qui auraient dû se faire accorder le statut demeurerait inchangée. Cependant, les fonctionnaires avaient promis que ce problème serait réglé. Or, rien n'a été fait. Aux termes des modifications prévues dans le projet de loi C-31, environ 130 000 personnes ont pu s'inscrire, moi y compris.

La deuxième tentative de retrait des iniquités fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens s'est faite en 2010 au moyen du projet de loi C-3. Encore une fois, le gouvernement du Canada savait que le projet de loi C-3 comportait des lacunes et n'englobait pas tous les types d'iniquités fondées sur le sexe. Une fois de plus, on a dit qu'un processus exploratoire permettrait de corriger la situation. Le processus a bien été financé, lancé et achevé, mais aucune modification législative n'a été apportée et aucun changement majeur des politiques n'est survenu. Des suites du projet de loi C-3, 38 500 descendants de plus ont été inscrits. En 2016-2017, en raison de la décision de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Descheneaux, nous avons maintenant le projet de loi S-3.

Au cours de l'étude initiale du projet de loi par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, de très nombreux témoins nous ont dit que le processus de consultation concernant ce projet de loi avait été très expéditif et qu'il ne respectait pas le devoir de consultation. Le gouvernement a même concédé que c'était le cas et a plutôt parlé de « séances de mobilisation ».

Plus important encore, des témoins nous ont dit que le projet de loi S-3 n'éliminait pas tous les types d'iniquités fondées sur le sexe et ils ont demandé au comité d'amender le projet de loi pour que tout type d'iniquité fondée sur le sexe soit supprimé ou de forcer le gouvernement à solliciter une prolongation devant les tribunaux afin de s'assurer de tenir compte de toutes les iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription. Le comité a donc voté pour laisser le projet de loi en suspens et il a écrit à la ministre Bennett pour lui demander de solliciter une prolongation devant les tribunaux.

Voici un extrait de cette lettre :

Nous vous prions instamment, en votre qualité de ministre, de ne pas simplement consulter les organisations autochtones, mais également d'inclure dans ce processus de consultation des personnes qui ont été victimes d'iniquités fondées sur le sexe.

Aussi, si la prolongation est accordée, invitons-nous instamment le gouvernement à faire tout ce qui est en son pouvoir pour s'assurer que tous les cas d'iniquités fondées sur le sexe soient résolus et présenter au Sénat des amendements au projet de loi S-3, ou un nouveau projet de loi, permettant effectivement d'atteindre l'objectif énoncé, qui est l'élimination des iniquités fondées sur le sexe.

Le gouvernement a obtenu une prolongation et la nouvelle échéance est le 3 juillet 2017. C'est la date limite qui nous est imposée en ce moment.

Honorables sénateurs, le 9 mai dernier, le comité a adopté une résolution dans le but de reprendre l'étude du projet de loi S-3. Le gouvernement a proposé six amendements à ce projet de loi. Essentiellement, les amendements avaient pour but d'ajouter deux scénarios additionnels où des iniquités fondées sur le sexe pourraient être relevées en raison des changements apportés pour régler les problèmes liés aux frères et sœurs et aux cousins dans le projet de loi. De plus, les amendements proposés par le gouvernement établissent de plus amples exigences relativement au contenu et aux mécanismes de reddition de comptes énoncés dans le rapport des consultations menées la deuxième étape du projet de loi.

En tentant de corriger la discrimination fondée sur le sexe dans le projet de loi S-3, le gouvernement a choisi de se concentrer sur l'élimination des iniquités connues fondées sur le sexe dans la Loi sur les Indiens. Le titre du projet de loi vise à éliminer les iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription, mais il faut préciser dès le départ que le projet de loi S-3, avec seuls les amendements proposés par le gouvernement, n'atteint pas cet objectif.

En adoptant cette approche, le gouvernement continue de forcer les femmes autochtones et leurs descendants à s'engager dans de longues batailles coûteuses pour faire valoir leur statut. Selon l'Association du Barreau autochtone, sept cas d'allégations de discrimination quant aux dispositions de la Loi sur les Indiens en matière d'inscription sont devant les tribunaux à l'heure actuelle.

Les nombreux témoins qui étaient présents lors de la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones ont été très clairs : le projet de loi S-3, même avec les amendements proposés par le gouvernement, n'est pas suffisant. Le projet de loi n'élimine pas toutes les iniquités fondées sur le sexe dans les dispositions en matière d'inscription dans la Loi sur les Indiens.

Ces mêmes témoins ont affirmé que le gouvernement devrait inclure toutes les femmes qui ont perdu leur statut d'Indien avant 1951. Le problème avec le seuil établi à 1951 a été cerné en 2010, au cours de l'étude parlementaire du projet de loi C-3. À ce moment-là, la chef régionale de l'APN de la Colombie-Britannique, Jody Wilson-Raybould, avait écrit au gouvernement afin de demander que le Parlement élimine le seuil fixé à 1951. L'opposition libérale de l'époque avait alors proposé un amendement pour résoudre ce problème, mais il a été jugé irrecevable par le Président de la Chambre des communes.

L'amendement qui est maintenant proposé par la sénatrice McPhedran et qui a été adopté en comité est le même genre d'amendement que celui qui a été proposé en 2010 par les libéraux à la Chambre des communes. L'amendement de la sénatrice McPhedran prévoit l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). Il permettrait aux personnes nées avant 1985 d'obtenir le statut prévu à l'alinéa 6(1)a). L'amendement engloberait donc toutes les femmes et leurs descendants qui ont été exclus par le seuil fixé à 1951.

Honorables sénateurs, j'ai appuyé cet amendement au comité, car il nous rapproche de façon non négligeable de l'élimination de toute discrimination fondée sur le sexe des dispositions relatives à l'inscription de la Loi sur les Indiens. Malheureusement, le gouvernement a clairement indiqué qu'il n'appuiera pas l'amendement de la sénatrice McPhedran, car il juge nécessaire de consulter davantage.

Comme je l'ai dit plus tôt, les consultations antérieures n'ont pas remédié à la question de la date limite de 1951, alors pourquoi croirions-nous que l'issue d'une nouvelle ronde de consultations serait différente?

Le gouvernement a bonifié la promesse de consultation en proposant d'établir une relation de nation à nation avec les Premières Nations pour régler la question de l'inscription au registre des Indiens. Cette proposition semble attrayante, mais beaucoup de témoins, notamment Kim Stanton, du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, et Pam Palmater, ont déclaré que le gouvernement ne devrait pas mener de consultations sur des droits à l'égalité protégés par la Constitution. Comme l'a dit Mme Palmater :

Il n'y a pas de raison de consulter pour savoir s'il convient d'obéir à la loi sur l'égalité des sexes. Les lois de nos nations traditionnelles, du Canada et de la communauté internationale sont très claires au sujet de l'égalité des sexes : on ne peut choisir de ne pas avoir l'égalité ni négocier ce point. Le droit ancestral, protégé par la Constitution, de décider qui sont ses citoyens repose sur la garantie au paragraphe 35(4) de l'égalité pour les hommes et les femmes autochtones. L'UNDRIP garantit aussi ces droits également entre hommes et femmes autochtones. Il n'y a tout simplement aucun moyen de consulter contre l'égalité des sexes.

Un autre argument avancé par le gouvernement contre l'amendement de la sénatrice McPhedran est qu'il n'est pas possible de connaître le nombre d'Indiens inscrits qui seront ajoutés au registre des Indiens, et donc de savoir combien cela coûtera en prestations, comme les services de santé non assurés et les programmes d'études postsecondaires.

(1430)

Ce raisonnement ne tient pas la route et il n'est pas éthique. En refusant d'agir, le gouvernement continue de mettre en danger des femmes autochtones. Sharon McIvor, qui a témoigné devant le comité, a déclaré ce qui suit :

[...] le processus [...] en nous sortant à coup de lois de nos communautés, loin de nos familles, loin de notre soutien, et en nous abandonnant à notre sort en de nombreuses occasions suite à la rupture d'un mariage alors que vous n'avez nulle part où aller, a donné lieu à la situation où les filles et les femmes autochtones sont vulnérables. Nous sommes des proies.

Ils disent que lorsque nous sommes assassinées ou que nous sommes portées disparues, nous menons un mode de vie à risque. Je peux vous dire que je suis née dans un mode de vie à risque, parce que je suis une femme autochtone, et lorsque les gens vous regardent en tant que femme autochtone, ils voient une proie [...]

Chers collègues, Mme McIvor a tout à fait raison. Selon un rapport de Statistique Canada publié en 2016, le simple fait d'être Autochtone constitue un facteur de risque de violence pour les femmes, mais pas pour les hommes.

Chers collègues, les sénateurs et les députés n'ont pas d'autre choix que d'adopter l'amendement visant à assurer l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). Nous débattons de droits fondamentaux à l'égalité. Nous ne pouvons pas continuer de refuser d'octroyer aux femmes autochtones les mêmes droits que ceux qui sont accordés aux hommes autochtones. Mme Palmater a bien résumé tout cet enjeu lorsqu'elle a déclaré ce qui suit :

[...] je préfère en arriver à des conséquences inattendues en faisant le bon choix, à savoir l'égalité entre les sexes, qu'en essayant vraiment fort d'instaurer des inégalités entre les sexes. Et ce n'est pas seulement votre obligation morale en tant que Canadiens, en tant que représentants du gouvernement; c'est votre obligation légale. Le Sénat n'a tout simplement pas le choix. La Charte préconise l'égalité absolue, tout comme la Constitution. Comment pourrions-nous oser dire, en 2017, que l'égalité n'est pas nécessairement garantie pour les femmes autochtones?

Chers collègues, le gouvernement fait passer l'économie avant les droits fondamentaux des femmes autochtones. C'est inacceptable. L'argent n'est pas une raison valable de refuser aux Indiennes les mêmes droits que les Indiens. Mary Eberts l'a clairement dit au comité.

Selon le gouvernement, 2 millions de personnes pourraient obtenir le statut d'Indien si l'amendement de la sénatrice McPhedran était adopté. Il a toutefois admis qu'il n'avait pas les chiffres exacts. Le sénateur Sinclair a dit ceci à la ministre lorsqu'elle a comparu devant le comité, et je suis d'accord avec lui :

En nous disant que le nombre réel pourra varier de 80 000 à 2 millions, vous essayez de nous faire peur, parce que vous ne nous donnez pas l'information dont nous avons besoin pour prendre une décision éclairée.

Comme je le disais mardi en réponse au sénateur Lang, je crois que ce chiffre est exagéré; en disant 2 millions, le gouvernement cherche à nous faire peur afin que nous continuions d'exclure du projet de loi les descendants nés avant 1951. Ce chiffre gonflé artificiellement est censé nous convaincre de rejeter l'amendement de la sénatrice McPhedran en nous faisant craindre ses conséquences financières. Le gouvernement voudrait que nous fassions comme dans le film Petit Poulet et que nous nous mettions à craindre toutes sortes de catastrophes imaginaires.

De son côté, Mme Palmater a expliqué au moyen d'un argument percutant pourquoi ces descendants devraient être inclus. Selon ses calculs, environ 200 000 personnes de plus pourront obtenir le statut d'Indien. Rappelons-nous que, lorsque le projet de loi C-31 est entré en vigueur, environ 130 000 personnes de plus se sont inscrites, et le ciel ne nous est pas tombé sur la tête. Ce fut la même chose à l'entrée en vigueur du projet de loi C-3 : 45 000 personnes de plus ont pu s'inscrire, et la Terre a continué de tourner. Pourquoi devrions-nous continuer d'avoir peur?

Mme Palmater a remis les choses en contexte en faisant la comparaison avec le nombre de personnes qui naissent au Canada ou d'immigrants qui arrivent au pays chaque année. Voici ce qu'elle a dit exactement :

Comment comparer le coût de l'ajout ponctuel de 200 000 personnes au registre à l'ajout de 750 000 néo-Canadiens chaque année? Des millions de Canadiens naissent chaque année et des immigrants sont accueillis dans ce pays, mais vous ne pouvez pas payer pour 200 000 femmes et enfants autochtones.

Franchement, ce sont des peccadilles, sur un territoire qui nous appartient en premier lieu. Si vous voulez parler de réconciliation, l'égalité fondamentale entre les sexes doit en être le point de départ [...]

Elle poursuit en disant que le gouvernement ne cherche même pas à englober les femmes touchées par le seuil d'admissibilité de 1951 et leurs descendants dans le projet de loi. Elle a dit ceci :

Comme j'ai travaillé aux Affaires indiennes et à la Justice, je sais comment cela se passe dans ces ministères. Il s'agit de limiter le nombre d'Indiens pour économiser.

Je le répète : Il s'agit de limiter le nombre d'Indiens pour économiser.

Enfin, en ce qui concerne l'amendement de la sénatrice McPhedran, j'aimerais parler du fait que, selon le gouvernement, l'exclusion de la période antérieure à 1951 devrait faire partie de l'étape 2.

Son Honneur le Président : Madame la sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Dyck : Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie, honorables sénateurs.

La liste des aspects qui, selon le gouvernement, feront partie de la deuxième étape est très longue et très ambitieuse. Bien des témoins n'avaient guère espoir que la deuxième étape entraîne de nouvelles modifications législatives. Je félicite certes le gouvernement d'avoir prévu plus d'exigences et de mécanismes de reddition de comptes dans la deuxième étape mais je doute fort, moi aussi, que cette phase produira les modifications considérables qu'il faut apporter à la Loi sur les Indiens afin d'éliminer toutes les formes de discrimination qu'entraînent les dispositions actuelles en matière d'inscription. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on a déjà promis de beaux changements à ces femmes et à leurs descendants après les consultations qui ont eu lieu sur les projets de loi C-31 et C-3. Or, il n'y a pas eu de véritables changements. Rien ne permet de croire que les mêmes démarches — d'autres consultations — donneront cette fois-ci des résultats différents.

Il n'y a pas si longtemps, le Sénat a été saisi du projet de loi C-6, lequel modifie la Loi sur la citoyenneté. La sénatrice Omidvar, marraine éloquente et des plus compétentes de ce projet de loi, a affirmé, dans son allocution à l'étape de la troisième lecture : « Le nœud du problème, c'est que la loi traite différemment certains groupes de citoyens pour le même crime. » Elle a ajouté : « Pour vulgariser, la loi a deux poids, deux mesures. »

Beaucoup de sénateurs ont parlé de ce problème dans cette enceinte. La plupart d'entre nous ont convenu qu'il est inadmissible, en plus d'être inconstitutionnel, de traiter certains citoyens canadiens différemment parce qu'ils ont une double nationalité. La majorité d'entre nous considéraient qu'il ne fallait pas révoquer la citoyenneté canadienne des personnes ayant une double nationalité et qui sont reconnues coupable de terrorisme.

Eh bien, chers collègues, depuis 1869, la Loi sur les Indiens révoque le statut d'Indien des femmes autochtones qui ne marient pas un Indien inscrit. Les projets de loi C-31 et C-3 ont rétabli le statut d'une fraction de leurs descendants. On ratisse plus large avec le projet de loi S-3 et l'amendement de la sénatrice McPhedran, lequel vise à rétablir le statut, ou la citoyenneté, des descendants des femmes dont le statut a été révoqué avant 1951. Le gouvernement refuse de rétablir la citoyenneté des gens de ce groupe, mais, s'il ne rétablit pas leur statut, il se trouve à les traiter différemment en fonction d'un simple critère, c'est-à-dire la date de création du registre des Indiens à Ottawa, le 4 septembre 1951. Il serait inadmissible et inconstitutionnel de la part du gouvernement de rejeter l'amendement que propose la sénatrice McPhedran au projet de loi S-3.

Comme on l'a déjà mentionné, le gouvernement a promis d'explorer la possibilité de rendre leur statut aux descendants concernés après avoir mené d'autres consultations durant la deuxième étape, c'est-à-dire durant les discussions de nation à nation. Toutefois, selon Mme Palmater :

Le Canada ne peut tenir ces discussions essentielles de nation à nation sans veiller à accorder aux femmes autochtones et à leurs descendants une chance égale de s'asseoir à ces tables pour parler à titre non pas de personnes exclues, mais de représentants véritables de leurs Premières Nations. On ne satisferait pas dans ce cas aux critères légaux pour les consultations, ou aux critères pour l'égalité des sexes. Il n'y a d'autre choix que de tout simplement remédier au préalable à la discrimination sexuelle. L'égalité des sexes relative au registre des Indiens est une condition constitutionnelle absolue de tout engagement avec les Premières Nations dans des consultations légales sur des questions constitutionnelles.

Chers collègues, pour conclure, je dirais que, pour qu'il y ait une véritable discussion de nation à nation, les descendants des femmes à qui on a enlevé leur statut et qui ne l'ont pas recouvré doivent participer aux discussions de nation à nation à la deuxième étape. Nous devons adopter le projet de loi S-3 et insister auprès du gouvernement pour qu'il ne retire pas du projet de loi l'amendement de la sénatrice McPhedran.

(1440)

L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer l'amendement que le comité sénatorial propose d'apporter au projet de loi S-3. On a fini par parler de l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). Cet amendement revêt une importance fondamentale pour moi, pour toutes les femmes des Premières Nations et leurs descendants au Canada. Il y a longtemps que toute trace de discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens aurait dû disparaître. L'amendement à l'étude éliminera l'élément central de cette discrimination.

Vous connaissez tous mon histoire. Je suis une Malécite et j'étais membre de la nation Tobique. Pourtant, à cause de la discrimination sexuelle présente dans la Loi sur les Indiens, j'ai perdu non seulement mon statut d'Indienne lorsque je me suis mariée avec un non-Indien, mais aussi le droit d'appartenir à la bande et de vivre dans ma réserve. Nous avons organisé la marche maintenant bien connue des femmes tobiques vers Ottawa et nous y avons participé, mais cela n'a permis d'obtenir aucun changement.

J'ai ensuite déposé, en 1977, une pétition auprès du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, soutenant que le Canada violait mon droit à l'égalité et mon droit de vivre selon ma culture autochtone. Ce sont là des droits que le Canada a accepté de faire respecter en ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce comité a statué que le Canada, par la Loi sur les Indiens, violait mon droit à vivre selon ma culture en toute égalité.

En ce moment, une équipe chevronnée de juristes du Human Rights Centre de l'Université d'Essex, au Royaume-Uni, mène des recherches sur l'application des décisions rendues par les organes de l'ONU qui surveillent l'application des traités. Le Canada est l'un des pays auxquels elle s'intéresse. L'équipe pose notamment la question suivante : la décision que le Comité des droits de l'homme de l'ONU a rendue en 1979 dans l'affaire Lovelace a-t-elle été appliquée? De toute évidence, la réponse est non. L'essentiel de la plainte que j'ai soumise aux Nations Unies il y a 40 ans, le voici : comme Indienne, mon « indianité », ma culture, ne m'appartenait pas, car j'en avais été dépouillée en raison de la personne que j'avais épousée.

Lorsque mon statut d'Indienne m'a été rendu, j'ai obtenu un statut de deuxième ordre aux termes de l'alinéa 6(1)c). J'étais une Indienne de second ordre, dont le statut avait été rétabli par le projet de loi C-31, et j'étais considérée comme moins apte que les hommes de ma nation à porter et à transmettre la culture malécite.

En 2017, soit 38 ans plus tard, Sharon McIvor a saisi le Comité des droits de l'homme des Nations Unies d'une autre pétition, parce qu'elle et d'autres femmes autochtones sont toujours privées du droit à l'égalité.

Voilà ce que je demande à mes collègues sénateurs d'appuyer aujourd'hui : l'égalité pour les Indiennes et leurs descendants nés avant le 17 avril 1985.

Je voudrais parler plus longuement des préjudices que la discrimination autorisée par la Loi sur les Indiens a causés et cause toujours aux femmes autochtones. Je sais que la ministre des Affaires autochtones et du Nord, ses collaborateurs et ses rédacteurs de textes législatifs essaient de voir combien de femmes autochtones et de leurs descendants acquerront le statut d'Indien si la discrimination sexuelle est éliminée. Je conviens que c'est extrêmement important, et je dis que le Canada doit arrêter de recourir à la discrimination sexuelle pour imposer l'assimilation, de faire disparaître des Indiens, par le jeu des définitions, à cause de leur sexe et du sexe de leur aïeule indienne.

Je veux m'attarder aux préjudices passés et actuels. À titre de sénateurs et de protecteurs du bien-être politique et social de la nation — de tous les peuples du Canada —, nous devons tenir compte des préjudices que la présente discrimination sexuelle dans la Loi sur les Indiens a causés et continue de causer. Je peux moi-même témoigner de ceci, comme peuvent le faire Sharon McIvor, Pamela Palmater et d'autres témoins qui ont comparu au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones : des milliers de femmes autochtones ont subi l'indignité de se faire retirer complètement leur statut et de se faire chasser de leur collectivité.

Comme « femmes visées par le projet de loi C-31 », nous avons été traitées comme si nous n'étions pas vraiment des Indiennes, comme si nous n'étions pas assez indiennes, comme si nous avions moins droit que les autres aux avantages et au logement, et nous avons dû lutter constamment pour nous faire reconnaître par les dirigeants autochtones masculins, nos collectivités et la société en général.

On n'a pas reconnu le tort causé aux femmes et on n'a pas cherché à y remédier. Nous avons commencé à prendre conscience des maux terribles causés par la politique des pensionnats, qui visait à « sortir l'Indien de l'enfant » et par la « rafle des années 1960 », qui a arraché des centaines d'enfants autochtones à leur milieu pour les placer dans des familles non autochtones. Cependant, la discrimination sexuelle présente dans la Loi sur les Indiens, qui a, par le jeu des définitions et des dispositions législatives, privé de leur « indianité » des femmes autochtones et leurs descendants a aussi causé des préjudices qui ne sont pas encore pleinement reconnus, du moins pas par le gouvernement du Canada.

La discrimination autorise la violence. C'est là une notion qui est comprise dans le monde entier et qui est bien acceptée en droit international des droits de la personne.

Je vous dis aujourd'hui que le Canada ne peut pas dissocier la discrimination qui a cours à l'encontre des femmes autochtones aux termes de la Loi sur les Indiens de l'actuelle crise des droits de la personne que constitue le drame des femmes autochtones assassinées ou disparues. Prenez au sérieux, je vous en prie, le fait que deux groupes d'experts des droits de la personne, l'un international et l'autre régional, ont entrepris des enquêtes spéciales au Canada sur les meurtres et disparitions de femmes et de filles autochtones. Les deux groupes, soit le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes de l'ONU et la Commission interaméricaine des droits de l'homme, ont conclu que la discrimination fondée sur le sexe présente dans la Loi sur les Indiens est une cause profonde de violence.

La discrimination sexuelle inscrite dans la Loi sur les Indiens expose les femmes des Premières Nations au risque d'être considérées comme des êtres humains pas tout à fait égaux par le gouvernement du Canada, dans ses lois, et par leurs propres communautés. Les femmes sont donc perçues comme une population de proies. Voilà pourquoi les experts en droits de la personne ont conclu que la discrimination sexuelle présente dans la Loi sur les Indiens est une cause profonde de violence. Ils ont demandé au Canada d'apporter des modifications. Nous, sénateurs, devons apporter ces modifications.

La discrimination et ses effets ne disparaîtront pas tant que le gouvernement du Canada ne sera pas disposé à accorder par voie législative aux Indiennes et à leurs descendants nés avant le 17 avril 1985 le plein statut, aux termes de l'alinéa 6(1)a), qui est accordé aux hommes indiens et à leurs descendants.

Nous avons déjà vu ce scénario. Lorsque le projet de loi C-3 a été renvoyé au Sénat, en 2010, il s'agissait d'un autre expédient pour pallier le problème de discrimination sexuelle, comme le projet de loi S-3. Je demande donc où sont passées l'égalité et la justice pour les femmes autochtones. J'ai présenté des excuses aux femmes des Premières Nations et à leurs descendants parce que le gouvernement du Canada voulait adopter le projet de loi C-3 sans un amendement propre à éliminer la discrimination sexuelle fondamentale de la Loi sur les Indiens et parce que les femmes et leurs préoccupations sont toujours le moins favorablement placées sur le totem.

(1450)

Honorables sénateurs, je vous demande aujourd'hui, en tant que collègue, d'appuyer l'application universelle de l'alinéa 6(1)a) afin de mettre un terme, pour les générations futures, à la discrimination qui porte préjudice aux femmes et aux filles autochtones. Soyons équitables. Après tout, c'est le gouvernement qui a créé ce problème.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Je suis ravi de pouvoir intervenir aujourd'hui en tant que porte-parole de l'opposition officielle au sujet du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription).

Lorsque j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, en novembre dernier, j'ai dit que le projet de loi :

[...] vise à corriger les iniquités fondées sur le sexe qui existent encore aujourd'hui en ce qui concerne [...] l'inscription au registre des Indiens. Il va sans dire que, en principe, c'est la bonne chose à faire. Qui peut être contre l'équité entre les sexes?

Le Sénat a renvoyé le projet de loi au comité en croyant qu'il pouvait, comme l'indique le titre, mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe dans le processus d'inscription au registre des Indiens.

Cependant, lors de l'étude du projet de loi au comité, on s'est rendu compte que la discrimination fondée sur le sexe continuerait d'exister. D'ailleurs, dans sa forme actuelle, le projet de loi aurait pour effet de créer de nouvelles formes de discrimination.

Votre comité a donc entrepris d'éliminer ces nouvelles formes de discrimination fondée sur le sexe, notamment en ce qui a trait à la paternité non déclarée, au traitement préjudiciable à l'endroit des enfants illégitimes et aux sous-classifications sexistes à l'égard des Autochtones dont les droits et les privilèges varient selon les filiations patrilinéaires et les filiations matrilinéaires.

La majorité des membres du comité estiment que cette application plus vaste s'accorde avec la recommandation que la juge Masse a formulée de la façon suivante, dans l'arrêt Descheneaux :

Une lecture aussi stricte du présent jugement que celle qui a été faite de la décision de la CACB dans McIvor, n'est pas la voie que devrait emprunter le législateur. S'il souhaite jouer pleinement son rôle, plutôt que de laisser le champ libre aux litiges, il fera autrement cette fois-ci, tout en apportant rapidement des correctifs suffisamment larges pour remédier à la discrimination constatée en l'espèce. L'un n'exclut pas l'autre.

J'ai reçu récemment une lettre ouverte destinée au premier ministre Trudeau qui montre encore une fois que l'approche choisie par notre comité pour mettre fin à la discrimination fondée sur le sexe est la bonne. Voici un extrait de cette lettre :

Nous savons que la Loi sur les Indiens est un vestige paternaliste de la colonisation et qu'elle a pour but d'assimiler les Indiens [...] Cependant, nous savons aussi que, tant que cette loi restera en vigueur, il sera essentiel qu'on éradique la discrimination fondée sur le sexe qui subsiste.

Monsieur le Premier Ministre, si vous êtes vraiment un féministe qui croit sincèrement que la relation avec les peuples autochtones importe davantage que toutes les autres relations et si vous voulez qu'à l'avenir, cette relation repose sur le principe des relations de nation à nation, vous devez vous assurer que les femmes autochtones et leurs descendants soient inclus dans les nations autochtones.

Nous vous exhortons à rappeler aux membres du Cabinet fédéral que l'ère des consultations sur l'égalité des sexes est révolue. Les lois fédérales doivent toutes être conformes à la Charte, y compris le projet de loi S-3. Nous vous exhortons à appuyer l'amendement de ce projet de loi qui prévoit l'application universelle de l'alinéa 6(1)a).

Cette lettre est signée par l'Association des femmes autochtones de Nouvelle-Écosse, l'Association des femmes autochtones de Terre- Neuve, l'Association des femmes autochtones des territoires malécites et micmacs, l'Association des femmes autochtones Eastern Door et l'Association des femmes autochtones de l'Île-du- Prince-Édouard.

Comme nous l'avons appris hier, la sénatrice McPhedran a proposé au comité un amendement qui vise à simplifier la méthode d'inscription des membres des Premières Nations par l'État. Il n'y aurait plus de système complexe avec des sous-ensembles d'Indiens. Tout le monde serait inscrit de la même manière grâce à l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). Tous auraient les mêmes droits et le même statut, peu importe le sexe ou la filiation.

Après mûre réflexion, j'ai décidé d'appuyer l'amendement, de concert avec plusieurs de mes collègues au comité, parce que je crois non seulement qu'il n'appartient pas au gouvernement de déterminer qui est Indien, mais aussi que nous ne devrions pas avoir un processus d'inscription compliqué.

J'aimerais porter à votre attention ce qui se fait dans ma propre région. En fait, dans toutes les régions inuites, et pas seulement au Nunavut, surtout à cause des règlements des revendications territoriales globales négociés avec la Couronne, les bénéficiaires inuits sont déterminés et enregistrés par les organisations inuites. La règle est simple : il suffit d'avoir un parent inuit pour être admis comme bénéficiaire. C'est ainsi que mes quatre enfants et mes quatre petits-enfants sont tous bénéficiaires. Si cela suffit au gouvernement fédéral pour reconnaître le statut d'un Inuit, pourquoi ne serait-ce pas suffisant dans le cas des Premières Nations? Voilà pourquoi j'appuie la simplification d'un processus qui est devenu de plus en plus compliqué par suite d'innombrables modifications, d'approches fragmentaires et, je dois le dire, de procès sans fin.

Même si je suis heureux que le comité ait décidé, par 11 voix contre 3, d'adopter une approche inclusive de l'enregistrement en plaçant tout le monde dans la catégorie dite 6(1)a), j'ai quand même des réserves au sujet du projet de loi.

Tout d'abord, chers collègues, je trouve inquiétante l'absence complète de consultations. L'obligation de consulter et d'adapter est inscrite à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 et dans toutes les décision de la Cour suprême faisant intervenir cet article, et doit être respectée lorsque la Couronne envisage des mesures ou des décisions touchant les droits ancestraux et issus de traités.

Comme le gouvernement est allé au-delà des questions particulières liées aux inégalités entre frères, sœurs et cousins, comme l'indique l'arrêt Descheneaux, et a inclus d'autres formes de discrimination sexuelle en ce qui a trait à l'inscription, l'obligation de consulter est incontestable.

Toutefois, le gouvernement a dit que, à cause de contraintes de temps, il a choisi non de consulter, mais de discuter avec les Premières Nations dans le cadre de « séances de mobilisation ».

Malheureusement, le comité a appris que ces séances n'ont pas été bien accueillies par les organisations autochtones. Les organisateurs n'avaient pas prévu assez de temps pour permettre aux participants de répondre d'une manière réfléchie et n'ont pas abordé les modifications proposées au cours des discussions.

En décembre, le comité a écrit à la ministre pour l'encourager, ainsi que son ministère, à demander un délai supplémentaire à la Cour. Cela a été fait et une prorogation a été accordée, ce qui a donné au gouvernement la possibilité de discuter avec les principaux intervenants, y compris les plaideurs et leurs avocats. Ceux-ci n'avaient pas été consultés lors de la rédaction de la première version du projet de loi S-3, et ne l'avaient pas été non plus lors de la formulation d'amendements pour s'assurer que le projet de loi éliminait toute forme de discrimination fondée sur le sexe. Il était décevant, lorsque le projet de loi a encore une fois été examiné au comité, d'entendre de nombreux témoins, dont Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières Nations, dire clairement qu'ils n'avaient pas l'impression que le gouvernement s'était conformé à l'obligation de consulter dans le cas de ce projet de loi.

Je dois admettre, chers collègues, que je reste quelque peu sceptique au sujet de la deuxième étape proposée. Les responsables d'Affaires autochtones et du Nord Canada ont annoncé qu'ils avaient l'intention de consulter les Premières Nations et les Métis sur les grandes questions complexes telles que la citoyenneté et la limite dite des deux générations au cours des 18 prochains mois. Même si le comité a examiné et accepté des amendements dans lesquels gouvernement s'engage à discuter de certaines questions avec les intervenants et à en faire publiquement rapport au Parlement, il n'y aurait aucune conséquence claire s'il ne tenait pas son engagement ou s'il ne respectait pas le délai convenu.

De plus, je trouve que l'échéancier n'est qu'une noble aspiration car, d'ici le 3 juillet 2017, date d'expiration du délai accordé par la cour, le gouvernement aura disposé d'un total de 23 mois pour éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Aucun groupe ne nous a dit qu'il estimait avoir été adéquatement consulté ou que le processus a été direct et transparent. Je crains donc que le gouvernement ne soit pas en mesure d'établir un processus permettant de consulter les peuples autochtones d'une manière appropriée sur des questions aussi vastes et complexes que le statut de nation et la citoyenneté.

Pourtant, malgré mes réserves, honorables sénateurs, je crois que le projet de loi devrait être adopté dans sa forme modifiée. Je voudrais féliciter le sénateur Harder pour l'engagement qu'il a pris hier de renvoyer le projet de loi modifié à l'autre endroit immédiatement. Cela répond aux nombreuses préoccupations mentionnées au comité et permet d'éliminer tous les aspects discriminatoires fondés sur le sexe dans l'inscription des Indiens, comme l'exige le titre du projet de loi. Je vous engage donc à l'appuyer.

(1500)

L'honorable Frances Lankin : Je dois dire que cela a été pour moi un honneur de participer au débat sur ce projet à l'étape de la loi, d'avoir joué le rôle de marraine et d'assister au débat de troisième lecture. Ce débat a eu des moments très forts lors de la discussion des questions de discrimination fondée sur le sexe et de réconciliation à un moment où nous essayons de pousser plus loin notre compréhension de ces enjeux et notre engagement à nous en occuper.

Je crois que tous les membres du comité appuient l'adoption du projet de loi aujourd'hui et son renvoi immédiat à la Chambre des communes, conformément à l'engagement pris par le sénateur Harder. Je crois que la quasi-totalité des sénateurs sont de cet avis.

J'estime que mes collègues ont fait un travail extraordinaire en présentant l'historique de ces questions et les efforts fragmentaires déployés pour régler le problème de la discrimination fondée sur le sexe. Je vais donc retirer de mon discours les passages traitant de ces questions. Je ne veux pas répéter.

Avant de passer à la grande question dont nous sommes saisis, c'est-à-dire l'amendement dont d'autres sénateurs ont parlé, je voudrais rendre hommage une fois de plus aux femmes qui ont ouvert la voie à cette mesure. Je crois qu'il est important que le Sénat fasse leur éloge et reconnaisse, d'abord et avant tout, les efforts de la sénatrice Lovelace Nicholas.

Sénatrice Lovelace Nicholas, je veux applaudir votre courage, le rôle de leadership que vous avez assumé et ce que vous nous laissez. Votre lutte constante aux côtés de nombreuses femmes extraordinaires aura une influence non seulement sur l'avenir des femmes autochtones et de leurs descendants, mais sur notre avenir à tous. C'est certain.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Lankin : À l'étape de la deuxième lecture, j'ai eu l'occasion de rendre hommage également à Mary Two-Axe Earley, qui est pour moi une héroïne et quelqu'un dont j'ai beaucoup appris pendant les discussions et débats qui ont mené à l'inscription des droits à l'égalité dans la Charte. Nous devrions mentionner une fois de plus le rôle joué par un autre membre du Sénat dans le domaine des droits à l'égalité des femmes.

Mary Two-Axe Earley est la femme qui m'a appris que, si nous obtenions des dispositions dans la Charte qui étaient importantes pour toutes les femmes canadiennes, les enjeux étaient plus importants pour les femmes autochtones. Elle me l'a fait comprendre, et accepter de parrainer le projet de loi a été un honneur.

Je dois dire que la complexité du projet de loi et du régime d'inscription m'est quelque peu familière. Je connaissais un peu cette question parce, dans ma propre famille, je dois faire face aux restrictions que vous avez entendu de nombreuses personnes évoquer.

Mon arrière-petite-fille est une Indienne non inscrite en ce moment et notre famille essaie de faire en sorte qu'elle recouvre ce statut. Le moment où ces dispositions auront été traitées et où toute discrimination fondée sur le sexe aura été complètement éliminée est un moment que j'attends avec impatience pour elle, pour chacune des centaines de milliers de personnes qui seront concernées et pour nos collectivités, dans lesquelles nous vivons côte à côte.

Le projet de loi, avant que l'amendement de la sénatrice McPhedran n'ait acquis l'appui du Sénat, traitait de nombreuses questions en suspens, et certainement de la teneur de l'arrêt Descheneaux. Par ailleurs, il y avait d'autres problèmes, comme la différence de traitement entre cousins au sein d'une même famille selon que la filiation était patrilinéaire ou matrilinéaire; les problèmes des frères et sœurs, des enfants nés hors mariage, que le sénateur Patterson a mentionnés; le retrait d'enfants mineurs en fonction de l'état civil de leur mère. Même s'ils étaient nés avec un état civil qui leur donnait le droit à l'inscription, ils en étaient privés en cas de changement d'état civil. Un autre problème est celui des frères et sœurs de cousins. Il y a des problèmes en cascade.

Une des choses qui étaient très frustrantes pour le comité et pour tous les témoins touchait aux problèmes qui nous étaient présentés; au fur et à mesure, il y avait des tentatives de négocier avec le ministère de la Justice pour les régler dans ce projet de loi... Je tiens à saluer les services de la ministre. Ils étaient très ouverts à cela. Chaque fois qu'un nouveau problème découlait d'un amendement qui avait été fait, ils le réglaient. Ils l'ont fait hier encore, alors que nous examinions l'amendement au sujet des ascendants inconnus ou non déclarés et que nous cherchions le libellé approprié, en réponse à un appel de Mme Gehl, qui a lutté des années pour cela et a finalement obtenu gain de cause auprès de la Cour d'appel de l'Ontario. Elle estimait qu'il fallait franchir un pas de plus dans le libellé que nous avions utilisé dans le projet de loi à la suite de l'excellent travail du sénateur Sinclair. Le sénateur Sinclair, le cabinet de la ministre, le ministère de la Justice et moi y avons travaillé. Les consultations étaient appuyées par l'organisme Aboriginal Legal services ainsi que Mary Eberts et Emilie Lahaie, une avocate qui a travaillé sur l'affaire de Mme Gehl, pour présenter les mesures législatives que nous avons adoptées au cours de l'heure écoulée dans cette enceinte.

Il est important de préciser que si je n'étais pas pressée par le temps et que j'avais l'occasion de poser une question au sénateur Patterson, il admettrait probablement que, même avec l'amendement de la sénatrice McPhedran, il y aura des problèmes de discrimination fondée sur le genre ou le sexe.

En fait, un des amendements que le gouvernement a accepté de la sénatrice McPhedran est une révision après trois ans qui obligerait le gouvernement à revoir la législation pour déterminer si nous sommes parvenus ou non à éliminer toute discrimination fondée sur le sexe et à déposer des rapports à cet effet devant les deux Chambres du Parlement.

Nous avons entendu certaines des raisons impérieuses de soutenir l'amendement prévoyant l'application universelle de l'alinéa 6(1)a). J'appuie l'objectif que nous cherchons à atteindre avec l'élimination de ce motif de discrimination.

J'ai consacré un temps considérable à discuter avec le gouvernement de ses objections à ce stade. D'où viennent-elles? Pourquoi n'est-il pas prêt à aller de l'avant pour l'instant? Comment tout le concept de la première étape, ce projet de loi, et de la deuxième étape, une consultation complète plutôt qu'une mobilisation, a-t-il pris forme?

Je pense que cela vient en partie d'une perspective du gouvernement dans l'analyse juridique du libellé. On entend le gouvernement faire référence à toutes les affaires connues de discrimination fondée sur le sexe. Par cela, il n'entend pas seulement celles qui ont été découvertes grâce au processus laborieux des plaignants qui portent leur cause en justice et des décisions prises au cas par cas, question par question. C'est sans nul doute une grande partie de l'ensemble, mais il s'est aussi penché sur d'autres questions de cette nature et il a compris et déterminé qu'elles ne résisteraient pas à un examen à la lumière de la Charte.

Mes propos ne découlent pas de mon opinion personnelle, mais d'un effort pour comprendre ce qu'il y a de différent dans l'application universelle de l'alinéa 6(1)a), qui est une tentative d'en finir avec la discrimination, dont l'existence ne fait aucun doute, concernant la période antérieure à 1951. J'espère que personne au sein du gouvernement ou ailleurs n'avancerait qu'il ne s'agit pas de discrimination; c'est bien de la discrimination.

Il fait valoir des arguments dans une perspective juridique. Il ressort la décision McIvor de 1985 et le jugement rendu par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, qui a fait référence à la juge de première instance et a dit en substance que, concernant les faits présentés, les juges arrivent à la même décision, mais que le jugement est plus restreint concernant l'article 15 et l'article 1 de la Charte.

(1510)

Je pense que la sénatrice Dyck y a fait référence dans son intervention aujourd'hui. En fait, ce jugement dit que, avant 1951, quand il n'y avait pas d'inscription des Indiens ni de registre, on ne peut pas considérer qu'il y avait discrimination au sens de la Charte en raison du renforcement des droits au titre de ce qu'on appelle la règle « mère grand-mère » à ce moment-là.

Plusieurs personnes rejettent cette interprétation de la juridiction d'appel et je pense que notre compréhension de l'application de ces dispositions a progressé. Nous croyons que la jurisprudence y a contribué. Parfois, il est très douloureux de voir des gens devoir se battre pour obtenir des droits ainsi et ne pas saisir tout l'esprit des mesures voulues.

Le gouvernement compte là-dessus. Bien qu'il ne l'ait pas inclus dans le titre, et cela a certainement été un sujet de conversation au comité et en dehors, il utilise le terme « discrimination connue fondée sur le sexe » pour restreindre le champ d'application et, d'emblée, il a dit que la période antérieure à 1951 ne serait pas une question abordée à l'étape 1, le projet de loi, mais à la deuxième étape, la consultation plus large.

Pourquoi donc dit-il cela? Je pense qu'il y a un élément, au sein du gouvernement, qui cherchera toujours à déterminer le coût financier. Je pense qu'il s'agit, premièrement, d'un fait dans l'existence des gouvernements et, deuxièmement, d'un argument intenable à avancer pour poursuivre la discrimination.

Vous n'entendrez pas ces paroles de la part du gouvernement. Cela n'a pas été dit, mais je pense que tout le monde a le sentiment que c'est un facteur. Cependant, il y a plus. Cette ministre en particulier, si je puis dire, est une ministre qui s'investit beaucoup pour favoriser des relations appropriées de nation à nation. Elle s'investit beaucoup pour promouvoir l'égalité entre les sexes et a la réputation d'être une camarade et une compagne pour plusieurs d'entre nous sur cette voie.

Je l'ai écoutée avec les oreilles de quelqu'un qui sait qu'elle a le cœur au bon endroit et qui sait ce qu'elle veut accomplir. Cela n'est d'aucune utilité pour personne pour ce qui est des droits effectifs aujourd'hui et de l'avenir du projet de loi, mais je prends le temps d'écouter la ministre et de l'interroger.

Un des éléments fondamentaux dont elle parle est le devoir de consulter, dont le sénateur Patterson vient de parler. Ce projet de loi qui répond à l'arrêt Descheneaux a une histoire. Vous vous souviendrez peut-être que la décision a été rendue pendant une campagne électorale et que le gouvernement qui, pendant la campagne, était encore au pouvoir d'un point de vue juridique, a fait appel de la décision. Il a fallu du temps au nouveau gouvernement pour prendre ses marques, pour former un Cabinet et pour que les ministres, tant de la Justice que des Affaires autochtones et du Nord, se saisissent du dossier. Le gouvernement actuel a retiré l'appel.

Le gouvernement a ensuite entamé un processus d'examen de la question et de la décision Descheneaux et a annoncé la teneur de sa réponse au public ainsi qu'aux communautés autochtones et aux autres parties intéressées. Comme vous pouvez l'imaginer, il a fallu du temps au gouvernement pour se mettre en mouvement. Le sénateur Patterson a donc raison quand il dit qu'un laps de temps s'est écoulé, mais je pense que ce délai est raisonnablement justifié.

Quand il a parlé de ses intentions, il avait eu des discussions de mobilisation, et ce terme est important parce que le gouvernement n'a jamais prétendu qu'il avait réalisé des consultations en bonne et due forme et que le processus de consultation pouvait être mené à bien en quelques mois à ce stade.

Quand il a finalement fait part de ses intentions, il a dit : « Voici notre réponse à la décision Descheneaux. » Selon sa réponse, il allait prendre immédiatement les mesures concrètes demandées dans l'ordonnance ainsi que quelques autres mesures de même nature pour des choses qui seraient certainement jugées contraires à la Charte. Pour ce qui est des autres types de discrimination que nous avons entendu évoquer hier et qui ont été évoquées en obiter dictum dans la décision Descheneaux, nous passerons à la deuxième étape et nous aborderons cette question.

Vous avez entendu les critiques adressées en réaction à ce manque de foi, si je puis dire, et le scepticisme qui règne concernant un processus de la deuxième étape. Je pense qu'il faut que nous y soyons tous sensibles et que nous le comprenions, parce que cela a été toute l'histoire, pas seulement de cette question, mais pour ainsi dire de toutes les questions liées aux droits des Autochtones. Dès lors, « Pourquoi devrions-nous vous faire confiance maintenant? » est un argument qui fait mouche.

La lecture de la ministre, comme elle me l'a expliqué personnellement les nombreuses fois où je l'ai interrogée sur la décision Descheneaux — et le sénateur Patterson en a parlé —, est quelque chose que je veux revoir de la perspective de la ministre, comme elle me l'a expliqué.

Dans les conclusions, par opposition à la déclaration et au jugement lui-même, la juge dit que le législateur ne doit pas interpréter ce jugement aussi strictement qu'il a interprété la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Elle parle bien sûr de l'affaire McIvor, à laquelle j'ai fait référence, que le gouvernement interprète strictement pour en conclure que la décision de 1951 ne constituait pas une infraction à la Charte. C'est ce qui lui permet de se justifier. Cette juge dit qu'elle n'était pas saisie de cette question et qu'elle n'a pas pu rendre de décision à ce sujet, mais elle donne assurément l'impression qu'elle comprend bien l'enjeu en disant ceci :

Une lecture aussi stricte du présent jugement que celle qui a été faite de la décision de la CACB dans McIvor, n'est pas la voie que devrait emprunter le législateur. S'il souhaite jouer pleinement son rôle, plutôt que de laisser le champ libre aux litiges [...]

Dans une opinion incidente précédente, elle parle du danger que l'on court lorsque les parlements laissent aux tribunaux le soin de prendre toutes les décisions. Ce faisant, l'élaboration des politiques publiques, les approches adoptées face à des enjeux délicats tels que la réconciliation et les nombreuses questions de discrimination dont sont encore victimes les peuples autochtones, toutes ces démarches, dit-elle, perdent leur caractère parlementaire et démocratique en faisant l'objet de décisions juridiques. Au besoin, ces dernières doivent nous aider dans nos interprétations, recadrer le gouvernement et apporter des correctifs par rapport aux droits des Canadiens. Cependant, notre première réaction ne devrait pas être de renvoyer toutes ces affaires devant les tribunaux afin qu'ils les règlent une par une.

La juge poursuit et, à propos du Parlement, affirme ceci :

[...] il fera autrement cette fois-ci, tout en apportant rapidement des correctifs suffisamment larges pour remédier à la discrimination constatée en l'espèce. L'un n'exclut pas l'autre.

Elle passe ensuite à la déclaration et à l'ordonnance qui constitue le résumé de ce qu'on trouve dans Descheneaux, le projet de loi S-3 et quelques autres textes.

L'interprétation qu'en fait la ministre est que toutes les autres formes de discrimination — et l'on voit dans cette décision qu'elle ne parle pas uniquement de discrimination fondée sur le sexe, car il y en a beaucoup d'autres... La discrimination fondée sur le sexe est la plus coûteuse, tout comme ce qui est arrivé aux enfants et aux familles dans le cas des pensionnats Indiens, et c'est elle qui remonte le plus loin dans l'histoire.

La ministre en conclut : « Il faut arrêter cette approche ponctuelle ». Nous allons donc nous en tenir à la décision Descheneaux dans la phase 1 et assumer intégralement l'obligation de consulter de nation à nation au moment de la deuxième étape et cela comprendra tous les enjeux.

Vous avez entendu que, si cette mesure est considérée comme tellement injuste pour les communautés, les femmes autochtones et leurs descendants, c'est parce qu'ils ont attendu très longtemps et que rien ne s'est jamais fait. La ministre estime pour sa part que l'obligation de consulter est un élément essentiel des relations, pour un gouvernement qui cherche à insuffler une vie nouvelle aux relations entre gouvernements, et que, étant donné que les modalités de mise en œuvre auront un impact énorme sur les communautés, il faut qu'elles participent à la décision.

Bien des gens qui ont comparu comme témoins, et peut-être même la majorité d'entre eux, se sont élevés contre cette interprétation, la jugeant erronée. Je dois dire cependant qu'il n'a pas été tenu compte de certains points de vue, et j'entends les présenter pour montrer la complexité de l'enjeu pour toutes les parties.

(1520)

L'Association du Barreau autochtone, au moment de sa première comparution, l'automne dernier, avant que nous ne demandions à la ministre d'obtenir un nouveau délai, a soutenu que le projet de loi S- 3 devait aller de l'avant et qu'il fallait s'attaquer aussi aux autres problèmes en tenant compte de l'obligation de mener des consultations.

Cette fois-ci, l'Association du Barreau autochtone a comparu une fois de plus. Elle a non seulement exprimé son exaspération parce que chaque amendement semble en entraîner d'autres, mais aussi modifié sa position et parlé de l'équilibre à ménager. Elle a insisté sur l'obligation de mener des consultations. Il faut, selon elle, concilier les droits des communautés et ceux des personnes. Elle a fait valoir, comme vous avez entendu bien des gens le dire, que nous devrions nous engager dans la deuxième étape sur de meilleurs bases, en ayant éliminé davantage de discrimination sexuelle. C'est là une position différente, mais je crois qu'on peut en comprendre la justification, même si le texte à l'étude n'élimine pas toutes les formes de discrimination fondée sur le sexe et même si nous constatons qu'il y en a d'autres formes, ce à quoi ont fait allusion l'Association du Barreau autochtone et d'autres parties, comme il en a été question dans nos échanges. Ce que l'on soutient, c'est qu'il faut rendre les règles du jeu plus équitables et qu'il faut éviter de retarder encore une fois une chose qui a été repoussée tant de fois à plus tard : s'interroger sur les droits des femmes à l'égalité dans les communautés autochtones.

Je voudrais rappeler aussi deux autres voix qui n'ont pas été entendues. Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations a soutenu, lors de la première série de comparutions, que nous ne devrions même pas étudier le projet de loi S-3, même si les tribunaux ont fixé certains délais, et que toute la question devrait donner lieu à des consultations. Cette position a été atténuée avec le temps, mais c'est la première thèse que nous avons entendue à ce sujet.

J'ajouterais que nous avons entendu, hier, le point de vue de quelques organisations liées à l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC. Elles ont clairement affirmé qu'elles sont en faveur de l'application universelle de l'alinéa 6(1)a) et qu'il faut s'occuper immédiatement des cas antérieurs à 1951. L'AFAC a présenté un point de vue différent quand elle a comparu devant le comité l'automne dernier et il y a deux semaines. Quand le sénateur Patterson a demandé aux représentantes de l'association si on devrait adopter le projet de loi S-3 dans l'espoir que la prochaine phase permettra de régler les enjeux concernant les cas antérieurs à 1951 et l'application universelle de l'alinéa 6(1)a), elles ont répondu :

Pour notre part, nous ne pouvons pas affirmer que les collectivités...

— plus précisément les femmes de ces collectivités —

... choisiront l'application de l'alinéa 6(1)a) pour tous. Nous ne leur avons pas demandé si elles souhaitent que nous remplissions ce mandat et défendions cette position. Est-ce que les gens nous diront plutôt ne plus vouloir de statut conféré par l'article 6, et que le gouvernement doit laisser tomber l'enregistrement?

Je tiens simplement à souligner qu'il existe d'autres points de vue que ceux que nous avons entendus jusqu'ici, que ce soit en cette enceinte, au comité ou dans les mémoires que nous avons reçus. J'ajouterai que plusieurs d'entre nous avons reçu des commentaires en faveur de l'amendement de la sénatrice McPhedran, et que ces commentaires n'ont pas tous été consignés au compte rendu. Plusieurs sénateurs ont reçu des lettres et des courriels à ce sujet, je crois.

Les enjeux en cause font toujours l'objet d'un vif débat, et on souhaite ardemment arriver à une solution. Le gouvernement a affirmé clairement qu'il ne croit pas être mesure d'appuyer cet amendement parce que celui-ci va au-delà de la définition et de l'approche juridique qu'il a adoptées en se fondant sur les décisions des tribunaux et les formes reconnues de discrimination en fonction du sexe, et parce qu'il portera préjudice à son devoir de consultation et à la relation de nation à nation.

J'ai demandé à l'Association des femmes autochtones du Canada son avis sur l'amendement qui imposerait à la ministre de faire rapport de ses consultations, particulièrement à la deuxième étape, d'examiner un certain nombre de questions et de tenir des consultations à leur sujet, y compris la date limite de 1951. L'amendement se base sur un texte rédigé par le sénateur Sinclair qui a été adopté par le comité et qui évoque l'examen des questions dans une optique de conformité à la Charte canadienne des droits et libertés et aux principes des droits de la personne. Toutes les questions seront examinées dans cette optique, et pas seulement la date limite de 1951. D'autres questions qui en découlent comportent aussi des éléments relevant des droits de la personne.

Je vous fais part de tout cela pour vous donner une idée de la façon dont le gouvernement considère le sujet et pour préciser, comme je l'ai dit, que jusqu'ici, le gouvernement affirme encore qu'il n'acceptera pas cet amendement particulier et que le projet de loi est donc susceptible de nous être renvoyé. Nous verrons bien. La Chambre des communes recevra le projet de loi et déterminera ce qu'elle souhaite en faire.

Même si cet argument a été avancé par d'autres, je veux rappeler que nous avons affaire à une décision judiciaire qui fixe un délai pour agir. Dans ces domaines, un délai pose diverses difficultés. Il a été impossible pour le gouvernement, dans les délais impartis et malgré la prolongation de cinq mois, de procéder aux consultations que lui impose l'obligation de consulter. Il y a aussi certaines circonstances qui permettent de comprendre le retard : les élections, un appel et tout le processus entourant les raisons pour lesquelles les consultations n'ont pas été faites. Le gouvernement a organisé des séances de mobilisation, mais personne n'a jugé que ses efforts étaient assimilables à des consultations.

Si le délai n'est pas respecté, si le projet de loi n'est pas adopté, certaines dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l'inscription deviendront inopérantes le 3 juillet. Le registraire devra en tenir compte partout au Canada. En moyenne, entre 25 000 et 35 000 Autochtones sont inscrits chaque année, mais cela deviendrait impossible.

Il y a aussi près de 35 000 personnes qui acquerraient des droits par suite des modifications directement liées à l'affaire Descheneaux. La plupart sont des jeunes. Certains attendent du soutien pour poursuivre leurs études, d'autres essaient d'obtenir des services de santé non assurés et d'autres encore recherchent un sentiment d'appartenance à la communauté.

Ces gens se trouvent donc dans une situation intenable. Un groupe de personnes attend des droits qui ont fait l'objet d'une décision judiciaire, et un autre groupe attend des droits que des gouvernements successifs lui ont niés depuis près d'un siècle. Je le répète, c'est une situation intenable qui a des répercussions sur la vie de ces gens et de leurs descendants. Elle est aussi intenable dans une perspective parlementaire parce qu'il nous faut juger des différences qui dressent un groupe de personnes contre un autre.

J'ai dit au début de mon discours que, à mon avis, la majorité des sénateurs appuient le projet de loi. Je pense aussi que le comité souhaite, indépendamment de la façon dont nous avons voté sur un amendement ou des raisons qui l'ont motivé, que le projet de loi soit adopté et renvoyé à l'autre endroit qui, à son tour, l'adoptera ou nous le renverra encore avec son point de vue. À ce moment, nous en discuteront de nouveau pour déterminer comment agir.

J'ai commencé en disant que c'était un honneur pour moi de participer à ce débat. Je veux rendre hommage aux personnes qui se sont longtemps battues pour cette cause. Je suis avec elles de cœur et d'esprit pour ce qui est du résultat que nous devons atteindre. Je crois que c'est une importante réalisation pour nous tous au Canada. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1530)

Projet de loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures

Message des Communes—Motion d'adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Bellemare,

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements 1, 4b), 4c) et 4d) au projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures;

Que le Sénat n'insiste pas sur ses amendements 2, 3, 4a), 4e), 5, 6, 7, 8, 9 et 10, auxquels les Communes n'ont pas acquiescé;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-7, tel que modifié par l'autre endroit. Aujourd'hui, nous examinons consciencieusement la réponse aux amendements proposés par le Sénat. Je rappelle que nous sommes la Chambre de second examen objectif, et non la Chambre de seconde décision objective.

En acceptant l'amendement visant à éliminer les restrictions sur ce qui peut être inclus dans une convention collective et les décisions arbitrales propres à la GRC l'autre endroit a manifesté son appui à l'égard des membres dévoués et fiers du corps policier national du Canada. Il tient ainsi compte des préoccupations de plus de 18 000 membres et réservistes de la GRC qui travaillent au sein de 680 détachements au Canada.

Cet amendement fait en sorte que l'employeur ou tout futur agent de négociation des membres de la GRC puisse participer de bonne foi à des discussions substantielles sur des sujets d'importance pour les membres et les réservistes de la GRC. De plus, il élargit l'éventail de questions pouvant être discutées dans le cadre des négociations, de sorte que celui-ci inclut maintenant les mutations et les évaluations, ainsi que les questions communément associées au harcèlement et les aspects généraux du bien-être en milieu de travail, tels que la promotion d'un milieu de travail respectueux et la résolution rapide des conflits.

De plus, l'autre endroit a également accepté, en y apportant toutefois des modifications, l'amendement visant à inclure une disposition sur les droits de la direction dans le nouveau régime des relations de travail des membres de la GRC et des réservistes. Le projet de loi respecte le pouvoir accordé au commissaire pour gérer la GRC et veiller à l'intégrité opérationnelle. Conformément à l'interprétation qu'en donnent les tribunaux, les dispositions sur les droits de la direction visent à protéger l'intérêt public.

Je suis sûr que, grâce à ces deux mesures, la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui répond aux principales préoccupations formulées par les sénateurs et, par extension, à celles des membres de la Gendarmerie royale du Canada.

L'autre endroit a respectueusement rejeté l'amendement visant à rendre obligatoire le scrutin secret pour accréditer un agent négociateur qui représenterait les membres de la GRC et les réservistes. Il serait plus difficile pour les membres de la GRC et les réservistes de s'organiser et de négocier collectivement comme ils le veulent avec le scrutin secret obligatoire qu'avec le système de cartes de membre signées par les employés. Il faut plutôt veiller à ce que les membres puissent s'organiser et négocier collectivement de bonne foi.

Le scrutin secret obligatoire entrerait également en conflit avec les dispositions du projet de loi C-4.

Honorables sénateurs, il serait plus approprié qu'une organisation qui souhaite représenter les membres de la GRC ait à suivre le même processus d'accréditation que les autres organisations visées par les lois fédérales régissant les relations de travail.

L'autre endroit ne peut pas donner son assentiment à l'élargissement du mandat de la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, car y inclure tout ce qui a trait aux conditions d'emploi ferait qu'il y aurait deux processus de règlement des griefs différents, ce qui pourrait donner lieu à des décisions contradictoires.

Des processus sont prévus dans la Loi sur la GRC pour gérer un certain nombre de griefs en milieu de travail. Permettre à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique d'entendre des causes similaires pourrait susciter de la confusion, et il y aurait dédoublement. Je tiens à dire publiquement que je ne crois pas que la Gendarmerie royale du Canada devrait être visée par Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais ce sera à l'organisation d'en décider.

Honorables sénateurs, la GRC nous demande notre respect. Grâce au travail acharné du Comité de la défense et des sénateurs Lang et White, je crois que leurs problèmes ont été entendus.

Je ne répéterai pas la devise selon laquelle on n'obtient pas toujours ce qu'on veut, mais cette situation l'illustre parfaitement.

Les membres de la Gendarmerie royale du Canada ont contribué à façonner le Canada et beaucoup d'entre eux ont donné leur vie au service de notre pays. La réponse aux amendements au projet de loi C-7 respecte cela. Elle continue de respecter la décision rendue par la Cour suprême en 2015 en accordant aux membres et aux réservistes de la Gendarmerie royale du Canada le droit de défendre leurs intérêts au moyen d'une convention collective, s'ils le désirent. Cette affaire montre clairement que les membres de la GRC devraient également jouir du droit à la négociation collective. La réponse a également renforcé le projet de loi C-7 et inscrit ce droit dans la loi.

Honorables sénateurs, les membres de la Gendarmerie royale du Canada travaillent dans le but de servir le Canada et de protéger les Canadiens. Ce sont eux qui protègent le gouverneur général, le premier ministre et les autres ministres, les membres de la famille royale et les dignitaires en visite au Canada ainsi que les personnes qui font partie de missions diplomatiques. Ils participent aux initiatives policières internationales, préservent l'intégrité de nos frontières, luttent contre le terrorisme et assurent la sécurité intérieure. Ce sont eux qui veillent à l'application des lois fédérales contre le crime commercial, la contrefaçon, le trafic de drogue et le crime organisé.

Le projet de loi est dans l'intérêt des gens qui nous protègent.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi et à permettre au projet de loi C-7 de recevoir la sanction royale.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le tabac
La Loi sur la santé des non-fumeurs

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Petitclerc, appuyée par l'honorable sénatrice Bellemare, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non- fumeurs et d'autres lois en conséquence, tel que modifié.

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, lorsque j'ai conclu mon intervention à l'étape de la deuxième lecture, j'espérais que, au comité, les témoignages d'experts éclairent certains des enjeux les plus importants liés au projet de loi S-5 et nous aident, nous, sénateurs qui sommes sur le point de modifier la Loi sur le tabac, à faire les choses correctement. Aujourd'hui, pour la troisième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence, je vais essayer, à titre de porte-parole de l'opposition chargé du projet de loi, de rendre compte de l'essentiel de ce que nous avons appris aux audiences du comité et des raisons qui m'ont amenée à proposer l'amendement que les membres du comité ont accepté à l'unanimité. Cet amendement figure dans le rapport du comité.

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a consacré 5 séances au projet de loi, entendu 21 témoins et reçu plus de 35 mémoires officiels et d'innombrables autres exposés. Vous avez déjà entendu la marraine du projet de loi, la sénatrice Petitclerc, parler de certains des problèmes auxquels le comité a dû s'attaquer pendant ses audiences. Je vais essayer d'éviter les répétitions inutiles, mais je rappelle aux sénateurs que le projet de loi S-5 modifie la Loi sur le tabac pour ajouter une classe nouvelle et distincte de produits, les produits de vapotage, et propose d'en réglementer la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion.

La ministre de la Santé et les fonctionnaires de Santé Canada ont insisté dans leur témoignage sur le fait que le projet de loi constitue une recherche d'équilibre entre la volonté du gouvernement de protéger les jeunes contre les dangers de l'accoutumance à la nicotine et celle de permettre aux fumeurs adultes d'accéder aux produits de vapotage. Comme les membres du comité l'ont entendu, cet équilibre est précaire. Et les restrictions sont jugées excessives par certains, mais insuffisantes par d'autres.

Comme nous le savons maintenant, le vapotage est un nouveau phénomène social qui est apparu il y a peut-être une dizaine d'années. Les témoins ont confirmé qu'il faudra deux ou trois décennies encore avant que nous ne comprenions pleinement les questions d'ordre scientifique et sécuritaire associés au vapotage et aux dispositifs utilisés, comme la cigarette électronique.

Je vais commencer par résumer rapidement une partie des témoignages que les membres du comité ont entendus au sujet des plus importants enjeux de santé publique d'aujourd'hui, car cela fera comprendre à quel point notre compréhension est imparfaite.

Il y a quatre grandes inconnues dans le débat de santé publique sur le vapotage et la cigarette électronique : la cigarette électronique est-elle un moyen efficace d'arrêter de fumer? La cigarette électronique guidera-t-elle les jeunes vers le tabagisme, auquel elle les initierait? Quel est le degré de toxicité des vapeurs inhalées par les consommateurs? Y a-t-il des risques associés à l'exposition à la vapeur secondaire?

Premièrement, donc, dans quelle mesure la cigarette électronique est-elle un moyen efficace d'arrêter de fumer?

(1540)

Une représentante de l'Association canadienne de la vape a comparu devant le comité et a souligné que :

Le nombre de produits de vapotage s'est multiplié partout au Canada, et l'on estime qu'il existe actuellement plus de 800 établissements de détail et de fabrication, soit plus de 5 000 employés au service de centaines de milliers de clients, qui produisent des revenus de plus de 350 millions de dollars [...] [La croissance de l'industrie] a été le résultat direct d'une demande substantielle pour ces produits chez des millions de fumeurs au Canada à la recherche d'une solution de rechange à la cigarette.

M. Hammond, professeur à l'école de la santé publique de l'Université de Waterloo, a précisé que nous avons besoin de plus de données scientifiques pour déterminer si, par exemple, la cigarette électronique est aussi efficace que d'autres formes de thérapie de remplacement de la nicotine. Il a aussi mentionné que le double usage est l'une des principales utilisations au Canada :

[...] c'est-à-dire que les consommateurs fument et utilisent aussi un produit de vapotage. À ce jour, nos meilleures données scientifiques suggèrent qu'il n'y a peut-être pas d'avantages pour la santé à utiliser la cigarette électronique de cette façon. Il faut arrêter de fumer pour voir un avantage. Il se peut que certaines personnes utilisent des produits de vapotage pour réduire leur consommation de cigarettes et qu'elles prévoient cesser de fumer à long terme, ce qui serait un résultat positif.

Le Dr Britton, professeur d'épidémiologie à l'Université de Nottingham et directeur du Centre d'études sur le tabac et l'alcool du Royaume-Uni, a également mis l'accent sur notre manque de compréhension à l'égard de ces produits, par rapport aux thérapies établies et autorisées de remplacement de la nicotine.

Il a fait valoir que la cigarette électronique est, d'abord et avant tout, un produit de remplacement de la cigarette. Elle ne constitue pas une thérapie, et « il y aura donc inévitablement un énorme double usage de ces produits ».

Voici ce qu'il a déclaré :

Il existe des données qui prouvent que les fumeurs qui commencent à utiliser un autre produit de nicotine pendant qu'ils fument sont beaucoup plus susceptibles, soit deux fois plus susceptibles, de cesser de fumer que ceux qui ne le font pas [...] L'avantage pour la santé d'utiliser un produit de vapotage est négligeable lorsque les fumeurs continuent de fumer, mais l'avantage pour ceux qui font entièrement la transition vers une autre source de nicotine est énorme. L'essentiel [...] [c'est que nous] ne devrions pas les considérer comme des produits de sevrage tabagique, mais plutôt comme des substituts de tabac.

Le comité a-t-il entendu suffisamment de témoignages pour établir que l'utilisation de la cigarette électronique poussera davantage les jeunes vers le tabagisme, ce qu'on appelle l'effet de passerelle?

Lorsque le comité l'a interrogé sur cette question, M. Hammond a expliqué ce qui suit :

En fait, nous allons bientôt publier une étude dans un journal médical qui va démontrer ce phénomène. Il s'agit d'une étude longitudinale : nous avons suivi 20 000 jeunes sur 12 mois. Au début, chacun des participants était non-fumeur. Parmi ces jeunes non-fumeurs, ceux qui ont essayé un produit de vapotage étaient très susceptibles de devenir fumeurs. Voici ce qu'il en est : c'est l'effet de passerelle. Cela s'applique au tabac, à l'alcool et à la marijuana. En grande partie, cela s'explique par le fait que les jeunes qui sont susceptibles de fumer sont aussi ceux qui sont susceptibles d'essayer un produit de vapotage.

Encore une fois, c'est ce qui brouille les résultats. Y a-t-il un lien? Oui. En est-il un de cause à effet? C'est probablement juste le fait que les jeunes qui aiment essayer ce genre de choses vont les essayer.

Les propos du Dr Britton ont fait écho aux observations de M. Hammond :

[...] les jeunes qui sont plus susceptibles d'essayer des produits de vapotage sont aussi plus susceptibles d'essayer des cigarettes. [Le lien] en est-il un de cause à effet? Probablement pas.

Ces deux témoins, qui font des recherches sérieuses dans le domaine, s'entendent pour dire que :

[...] c'est plus important que jamais de surveiller les comportements d'utilisation du tabac et de la nicotine chez les jeunes et les adultes. [Nous] ne savons pas tout à fait ce qui arrivera au fur et à mesure que ces produits évolueront.

Le Dr Peter Selby, du Centre de toxicomanie et de santé mentale au Canada, était également de cet avis :

Pour ce qui est de savoir si ces jeunes se mettront ensuite à fumer des cigarettes, c'est une question ouverte, mais il y a lieu de se demander pourquoi quelqu'un voudrait passer d'un produit plus propre et fonctionnel à un autre qui est plus dangereux.

La troisième grande question de santé publique concerne la toxicité de la vapeur inhalée par les utilisateurs de cigarettes électroniques, et la plupart des gens s'entendent pour dire que ces vapeurs sont moins nocives que la fumée du tabac. Voici ce que le Dr Britton a dit :

Nous ne connaissons pas les effets à long terme des autres composantes de la vapeur. En fait, nous ne savons pas quels sont les effets à long terme possibles de l'inhalation de la nicotine pure. Nous ne connaissons pas les effets à long terme sur les poumons de l'exposition [...] à la vapeur [...] et aux toxines produites par le processus de vapotage au moyen des composantes du fluide [...] À long terme, je m'attends à ce que ces substances provoquent des problèmes pulmonaires. [...] Nous nous attendons à ce que l'éventail des dommages comprenne des maladies pulmonaires semblables à celles actuellement causées par le tabagisme, mais à un niveau de risque beaucoup plus faible. Par conséquent, au cours des 50 prochaines années, j'estime qu'il y aura une poignée de cas de cancer du poumon causé par le vapotage. On doit toutefois comparer ce nombre aux dizaines de milliers de cas de cancer du poumon qui seront probablement causés par le tabagisme.

Des témoins ont dit que ce débat était l'un des plus difficiles pour les gens du milieu de la santé publique en raison de ce qui semble être des données contradictoires sur les effets à long terme du vapotage sur la santé. Le Dr Britton — et M. Hammond s'est dit du même avis — a affirmé ceci : « Les cigarettes électroniques ne sont pas sécuritaires ou, devrais-je dire, il est très peu probable qu'elles soient sécuritaires. Il faudra attendre deux ou trois décennies avant d'apprendre à quel point elles sont sécuritaires. Nous pouvons toutefois prédire, selon la quantité de toxines dans la vapeur, que le risque sera très faible comparativement à celui du tabagisme. [...] il est très peu probable que les cigarettes électroniques posent plus de 5 p. 100 des risques du tabagisme. »

Quant à l'exposition secondaire aux vapeurs de cigarette électronique, on s'entend pour dire, selon les conclusions que nous avons tirées quant aux effets directs sur la santé, que la cigarette électronique émettrait moins de produits chimiques dans l'air et qu'il y a très peu de preuves, s'il y en a, qui indiquent que les vapeurs puissent être nocives. Toutefois, il faut souligner que Melodie Tilson, de l'Association pour les droits des non-fumeurs, a mentionné que la méthodologie est erronée et que, à l'heure actuelle, on ne sait pas bien comment mesurer les produits chimiques et les particules qui sont probablement libérés dans l'air.

Honorables sénateurs, quelles ont été les questions les plus difficiles, voire controversées, pour les membres du comité? Il y a eu d'intenses discussions lors des audiences du comité au sujet des concepts de réduction des méfaits et de la comparaison des risques liés à la cigarette électronique et au vapotage, et sur la façon de transmettre ce type d'information aux consommateurs.

Le Dr Britton, professeur d'épidémiologie à l'Université de Nottingham et directeur du Centre d’études sur le tabac et l’alcooldu Royaume-Uni, a souligné que c'est exactement pour cette raison qu'il a demandé à témoigner devant le comité. Permettez-moi de citer exactement ce qu'il a dit :

La simple raison pour laquelle j'ai demandé à témoigner aujourd'hui concernant le projet de loi canadien est la disposition qui touche aux comparaisons avec la sécurité du tabagisme. Je crois qu'il est absolument essentiel que les professionnels de la santé puissent dire ceci aux fumeurs : « Nous ne connaissons pas les risques à long terme de ces produits. Il serait de loin préférable que vous cessiez de fumer et de consommer de la nicotine pour toujours. Cependant, si vous en êtes incapables, il va de soi que vous devriez opter pour un produit moins nocif. » À mon avis, il n'y a aucun doute que les cigarettes électroniques sont moins dangereuses que les cigarettes ordinaires.

Le Dr Britton a bel et bien dit que le Royaume-Uni a adopté une position de « réduction des méfaits » relativement à la dépendance à la nicotine qui se concentre sur l'arrêt de la consommation, même si c'est seulement pour passer à une autre source de nicotine qui ne produit pas de fumée, celle-ci étant la source des toxines meurtrières.

Pippa Beck, de l'Association pour les droits des non-fumeurs, a indiqué que le débat sur ce qu'elle a appelé le « degré » d'innocuité relative de la cigarette électronique était vif. Cette cigarette est-elle vraiment moins nocive à 95 p. 100, comme on l'entend souvent, ou est-ce que le taux d'innocuité se situerait plutôt dans la fourchette de 60 à 80 p. 100, comme l'a déclaré à plusieurs reprises l'Organisation mondiale de la santé?

Dans son témoignage, la ministre Philpott a bien souligné que le projet de loi S-5 n'interdisait pas la publication de travaux scientifiques légitimes sur les produits de vapotage et qu'il n'interdisait pas non plus aux gens d'expliquer les risques relatifs de ces produits à la condition qu'ils ne fassent pas la promotion d'une marque ou d'un produit particulier.

Autrement dit, la ministre a dit qu'on essayait d'empêcher la promotion d'un produit à des fins commerciales à l'aide d'allégations relatives à la santé. Toutefois, le projet de loi ne proscrit pas ni ne limite la façon dont les gens parlent des produits. Un magasin de produits de vapotage pourrait offrir de l'information sur ces produits de différentes façons, y compris au moyen de revues professionnelles. On pourrait y parler de la catégorie de produits, communiquer de l'information, mais tout cela dans le cadre d'une discussion qui permettrait de comprendre l'ensemble de la littérature et de s'assurer que le public est bien informé. Cependant, cela ne pourrait pas faire partie d'une campagne publicitaire à des fins commerciales.

De toute évidence, il s'agit de répondre à l'industrie du tabac, qui demande à avoir le droit de faire de la publicité pour tous ses produits dans l'optique d'un continuum de risques pour la santé.

Le sujet de la promotion et de la publicité est probablement celui qui a suscité les discussions les plus stimulantes et les plus enflammées dans les séances du comité. Les témoins représentant les groupes de défense des droits des non-fumeurs, l'Association pulmonaire du Canada et la Société canadienne du cancer ont présenté des arguments très solides en faveur de l'interdiction de toute publicité sociétale pour le vapotage et les cigarettes électroniques. Les témoins ont soutenu que la publicité de style de vie influencerait les jeunes, étant donné que ces derniers y seraient encore exposés de façon indirecte.

(1550)

Lorsqu'on a demandé à la ministre de la Santé pourquoi les restrictions liées à la promotion des produits de vapotage ne sont pas aussi sévères que celles pour les produits du tabac, elle a répondu que la Charte permet de telles restrictions « lorsque les recherches démontrent clairement que les risques pour la santé publique qui sont associés à ces produits surpassent le droit des entreprises du secteur de faire de la promotion ». Elle a ajouté : « Par contre, dans le cas des produits de vapotage, il n'y a pas ce même équilibre entre les preuves solides sur la nocivité des produits et notre capacité de limiter le droit des entreprises de l'industrie à faire de la promotion. »

Cependant, M. Hammond, professeur à l'école de la santé publique de l'Université de Waterloo, a déclaré avoir de sérieuses réserves quant à la grande quantité de publicité permise aux termes du projet de loi. Pour reprendre ses propos :

Il serait naïf d'assumer que la publicité destinée aux adultes ne stimulera pas l'intérêt des jeunes pour les produits de vapotage. De plus, il est très difficile d'appliquer les interdictions de publicité destinée aux jeunes.

La question est de savoir si [la publicité] augmentera les types d'utilisation qui contribuent à la santé publique.

Les cigarettes électroniques sont utilisées pour de nombreuses raisons, mais leur utilisation par les fumeurs qui essaient d'arrêter de fumer constitue la seule raison qui contribue à la santé publique. À mon avis, les fumeurs n'ont pas besoin de publicités de style de vie pour les encourager à changer de produits. Ce n'est pas parce que les produits de vapotage sont prestigieux, sexy ou amusants que la plupart des fumeurs optent pour eux, mais parce qu'ils ont une dépendance à la nicotine et ils ne veulent pas mourir des suites du tabagisme.

En conclusion, je suis d'avis qu'on ne devrait absolument pas faire la promotion des produits de vapotage au moyen de publicités de style de vie et qu'aucune publicité ne devrait être diffusée à la télévision, à la radio ou par d'autres moyens de communication importants.

En fait, comme l'a souligné la sénatrice Petitclerc dans son discours, notre comité a amendé le projet de loi pour offrir la possibilité de rendre les règlements plus rigoureux après l'entrée en vigueur du projet de loi S-5.

Selon Santé Canada, il faut faire en sorte qu'à l'avenir le gouvernement ait la flexibilité voulue pour réagir aux nouvelles tactiques publicitaires et adopter des règlements, par exemple, pour spécifier où et à quel moment les messages vantant les produits du vapotage pourront paraître.

Ce projet de loi est complexe. Les témoignages devant le comité n'ont pas été concluants; la réglementation doit encore être rédigée, et de façon à être en constante évolution, selon les changements du paysage. Cette flexibilité est nécessaire parce que le vapotage offre de nombreux avantages possibles pour la santé, comparé au tabagisme, mais, pour maximiser ces avantages, il faut exercer rigoureusement des contrôles, de la surveillance et une gestion du risque. De plus, le domaine scientifique évolue rapidement, et il sera nécessaire de répondre aux résultats des nouvelles études avec des restrictions supplémentaires ou même une réglementation plus vaste. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que la technologie continuera d'évoluer, que les dispositifs seront plus efficaces pour administrer la nicotine, et que les multinationales introduiront leurs propres cigarettes électroniques et d'autres dispositifs, avec tous les intérêts commerciaux que cela implique. Donc, en plus des avantages, il y aura inévitablement des conséquences imprévues.

En réponse aux questions que j'ai posées à la ministre de la Santé et à Santé Canada sur les questions de la protection de la santé publique et de la surveillance, Hilary Geller, sous-ministre adjointe à la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada, nous assure que son ministère a les fonds nécessaires pour mettre en œuvre le projet de loi et qu'il aura un programme de contrôle et de renseignement sur le marché.

Mme Geller a dit que des changements pouvaient être apportés aux règlements sans qu'il y ait réouverture de la législation. On nous a assuré que le règlement initial serait surveillé de près et qu'il y a un budget de 7 millions de dollars pour sensibiliser le public aux risques, mais aussi au potentiel des produits de vapotage pour réduire les méfaits.

En ce qui a trait à la question la plus importante, la surveillance et le contrôle continus pour assurer la modification des règlements en temps opportun, on nous a assuré que les moyens existaient déjà.

Premièrement, l'Enquête canadienne sur le tabac, l'alcool et les drogues est menée aux deux ans, en plus de l'enquête concernant les jeunes. Deuxièmement, les Instituts de recherche en santé du Canada et l'Institut canadien d'information sur la santé entretiennent déjà une étroite relation avec Santé Canada en ce qui touche la consommation de substances, ils joueront donc un rôle de recherche et d'information quant aux règlements afin qu'ils correspondent aux plus récentes données. Troisièmement, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation est très solide et tout produit de vapotage qui serait dangereux pourra être rapidement visé par un rappel de Santé Canada. Quatrièmement, il y a des sondages de l'opinion publique et des groupes de vapoteurs pour bien comprendre comment les jeunes considèrent ces produits.

Cinquièmement, il y a un plan réglementaire de production de rapports afin que des données sur le vapotage soient recueillies régulièrement, un peu comme c'est le cas dans l'industrie du tabac dans le cadre du règlement sur les rapports.

Honorables sénateurs, que faut-il en conclure? Qu'il y aura de nombreux intervenants qui surveilleront l'application du projet de loi.

La question qui se pose est de savoir quelle est la meilleure manière de prévoir un suivi et une surveillance qui pourront être reflétés de façon coordonnée dans les règlements qui sont fréquemment mis à jour pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens, et plus particulièrement celles des plus vulnérables d'entre eux : les jeunes. L'amendement que je propose, et dont je parlerai un peu plus tard, nous permettra de le faire.

Évidemment, le projet de loi comporte un autre élément dont je dois parler. Il donne le pouvoir à Santé Canada d'imposer des mesures réglementaires d'uniformisation de l'apparence, de la taille et de la forme des emballages et produits du tabac. Différents intervenants ont témoigné à ce sujet et, comme on pouvait s'y attendre, les opinions sont contradictoires.

Gary Grant, policier de Toronto à la retraite et porte-parole de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande, nous a mis en garde :

Environ le tiers des cigarettes achetées en Ontario sont illégales. Dans le nord de la province, c'est plus de deux cigarettes sur trois. Pour sa part, le Québec a indiqué que les produits de contrebande occupent environ 15 p. 100 du marché.

Le conditionnement neutre va ouvrir la voie à la reproduction de l'emballage des produits légaux, y compris les étiquettes de mise en garde, les couleurs, les polices de caractères et les autres détails nécessaires [...]

Il deviendra presque impossible pour le consommateur de faire la distinction entre ce qui est légal et ce qui ne l'est pas; seule la police y parviendra avec les outils d'analyse appropriés. En fait, la création de produits contrefaits sera désormais viable, ce qui amènera les groupes du crime organisé à essayer de contraindre les détaillants légitimes à vendre des produits illicites. Ce n'est pas actuellement chose possible étant donné la complexité des emballages.

L'argument de la coalition a été repris par l'industrie du tabac. Au lieu de débattre des mesures visant à uniformiser l'apparence, la taille et la forme des produits du tabac, elle a fait valoir que le gouvernement fédéral devrait s'attaquer au très actif marché canadien du tabac de contrebande en intégrant davantage de mesures en ce sens dans la Loi sur le tabac.

En ce qui concerne le modèle inspirant que nous offre l'Australie, le directeur des affaires réglementaires et des relations gouvernementales à Imperial Tobacco, Eric Gagnon, avait ceci à dire :

[...] un emballage neutre [...] cela ne fonctionne tout simplement pas [...] Malgré ce que certains groupes vous diront, la vérité selon [le] gouvernement australien [...] c'est que le déclin du tabagisme ne s'est nullement accéléré [...] À l'instar du Canada, l'Australie connaissait déjà un déclin d'année en année et cette tendance ne s'est pas accélérée à la suite de l'adoption de l'emballage neutre.

Ces propos, vous l'aurez deviné, ont fait réagir. La Société canadienne du cancer, la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC, l'Association pour les droits des non-fumeurs et l'Association pulmonaire ont toutes réfuté les arguments avancés par l'industrie.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer, avait ceci à répondre à l'argument de l'industrie du tabac voulant que rien ne justifie qu'on veuille uniformiser les produits du tabac :

[...] les preuves [...] sont indéniables [...] un grand nombre d'études provenant du monde entier [...] prouvent de façon probante l'efficacité des emballages neutres [...] 140 études [existent] sur la promotion et la banalisation des emballages neutres [...] . . .

Les allégations de l'industrie [...] devraient être ignorées, car elles sont absolument sans fondement [...]

Puis, en parlant de l'expérience australienne, M. Cunning a déclaré que l'industrie du tabac faisait de la désinformation.

M. Hammond, professeur à l'école de la santé publique de l'Université de Waterloo, a dit ceci aux membres du comité :

J'admets que je suis un peu préoccupé par certaines des informations erronées sur l'emballage neutre, notamment l'incidence de l'emballage neutre en Australie. Il est indéniable que l'Australie a connu la baisse la plus importante de son histoire dans la prévalence du tabagisme après avoir imposé l'emballage neutre. Selon l'analyse la plus poussée à avoir été menée à ce jour, après avoir tenu compte des hausses de taxe et des autres mesures mises en place pendant la période en question, l'emballage neutre a permis de réduire de plus de 100 000 le nombre de fumeurs australiens. Si l'emballage neutre avait le même effet au Canada, cela se traduirait par une baisse de 190 000 fumeurs. Les données scientifiques sur l'emballage neutre proviennent de près de 100 études scientifiques publiées qui concordent avec les données australiennes.

(1600)

Honorables sénateurs, l'Australie est le premier pays qui a uniformisé l'apparence, la taille et la forme des emballages et des produits du tabac. Plus récemment, la France, le Royaume-Uni et l'Irlande ont également légiféré dans le même sens, mais il est trop tôt pour connaître les effets obtenus. Nous avons reçu des renseignements qui confortent les deux points de vue et il existe des controverses.

Le projet de loi S-5 ne donne guère de précisions sur l'emballage, comme la forme exacte des paquets, et il ne dit pas non plus si les tubes porteront des marques de commerce. On prévoit élaborer les dispositions réglementaires après l'analyse complète des points de vue exprimés au cours des consultations du ministère.

Le comité a appris que le sous-ministre avait reçu un rapport du gouvernement australien décrivant son expérience de l'emballage neutre, et on lui a signalé que le ministère de l'Immigration et de la Protection des frontières n'a rien trouvé qui permette d'affirmer que, depuis son imposition, en 2011, l'emballage neutre ait eu quelque impact sur le marché du tabac illicite

Le comité a demandé à voir cette lettre, mais il ne l'a pas encore reçue, à ce que je sache. Le sous-ministre adjoint de Santé Canada a déclaré qu'on prendrait tous les moyens afin de suivre l'évolution de la situation au Canada.

Il faut souligner que le ministère a terminé les consultations sur les formes que les règlements devraient prendre, et il doit en être question dans les consultations sur la stratégie de lutte contre le tabac.

Honorables sénateurs, allons-nous revenir sur ma déclaration initiale? J'espérais que les audiences du comité nous donneraient une image plus nette des principaux enjeux de santé publique et de sécurité dont nous pourrions tenir compte dans le projet de loi S-5. Comme vous pouvez le deviner, il s'agit d'un champ de recherche tout neuf où les choses évoluent rapidement, les incertitudes sont nombreuses parce que la recherche scientifique n'est pas avancée, et le texte du projet de loi laisse bien des détails à préciser dans les règlements.

Beaucoup de ministères, d'organismes et d'entités intéressées participeront à ce travail. La question qui s'imposait était la suivante : comment les législateurs peuvent-ils s'assurer qu'ils ont fait la bonne chose, que le projet de loi a trouvé le délicat équilibre à ménager entre la protection des jeunes et la possibilité, pour les fumeurs, de faire des choix moins nocifs?

Compte tenu de toutes les incertitudes, j'en suis arrivée à la conclusion qu'il y avait lieu d'apporter un amendement sérieux.

Mon amendement, que le comité a adopté à l'unanimité, rendra obligatoire un examen des dispositions et du fonctionnement de la loi trois ans après son entrée en vigueur et tous les deux ans par la suite. Voici comment il est libellé :

[Le ministre] fait déposer un rapport sur la question devant les deux Chambres du Parlement dans l'année qui suit le début de l'examen.

Le comité a discuté des délais à prévoir et il a été convenu à l'unanimité qu'une période de trois ans suffirait pour rédiger la réglementation et l'intégrer à la loi, la rendre pleinement opérationnelle et l'évaluer au départ.

Il ne faut pas oublier que nous avons appris qu'il existe au moins trois sources de collecte de données et de recherche pour soutenir la surveillance nécessaire concernant le projet de loi S-5. Je les ai énumérées tout à l'heure. Par conséquent, il ne devrait pas être trop onéreux et pénible pour Santé Canada et le ministre de remettre un rapport aux deux Chambres dans l'année suivant le début du travail sur le rapport. Cela correspond à la quatrième année suivant l'édiction du projet de loi S-5.

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi S-5, mais seulement avec l'assurance que donne l'amendement prévoyant un examen complet et la remise d'un rapport d'ici trois ans.

Merci.

[Français]

L'honorable Chantal Petitclerc : L'honorable sénatrice accepterait- elle de répondre à une question?

La sénatrice Seidman : Certainement.

La sénatrice Petitclerc : Ma question porte sur l'amendement que vous proposez, mais, tout d'abord, je tiens à vous remercier du travail professionnel et extraordinaire que vous avez fait avec cœur et avec science dans le cadre de l'étude du projet de loi S-5.

Comme vous le savez, certaines dispositions entreront en vigueur dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Par exemple, puisque le projet de loi S-5 ne prévoit pas de régime de licence pour l'industrie du vapotage, les Canadiens âgés de 18 ans et plus auront légalement accès aux produits de vapotage. Évidemment, les provinces et territoires conserveront la capacité de réglementer les lieux de vente ou de rehausser l'âge légal, comme c'est le cas à l'heure actuelle avec les produits du tabac.

Comme vous l'avez souligné en cette enceinte aujourd'hui et en comité également, plusieurs autres règlements et dispositions de ce projet de loi entreront en vigueur plus tard. Vous avez mentionné que votre amendement, qui a fait l'unanimité et que j'appuie, oblige la ministre à faire un rapport dans les trois ans et, par la suite, aux deux ans. Certains se demandaient pourquoi il ne s'agissait pas d'une échéance de cinq ans, comme c'est parfois la norme.

Au profit de nos collègues sénateurs et des députés de la Chambre des communes, pourquoi, selon vous, la période de trois ans, suivie d'une période de deux ans, est-elle appropriée, voire nécessaire?

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci de votre question, madame la sénatrice.

Oui, vous avez raison, le comité a abordé le sujet, mais, si vous vous rappelez bien, mon amendement initial prévoyait deux ans au lieu de trois. Le comité en a longuement discuté. Nous avons estimé que, étant donné tous les règlements à élaborer et à rendre opérationnels, une période de trois ans serait une meilleure proposition, plus réaliste, pour Santé Canada.

La justification de l'amendement est omniprésente dans mon intervention d'aujourd'hui, me semble-t-il. C'est un domaine qui évolue rapidement. Il y a 14 essais cliniques en cours. De nouvelles informations nous arrivent tous les jours. Vous avez probablement appris tout récemment que, au Nouveau-Brunswick, une fillette est tombée malade parce qu'elle a trouvé du liquide de vapotage dans un contenant qui n'était pas à l'épreuve des enfants. Le règlement traitera de la question, comme vous le savez.

Il y a une évolution rapide dans le domaine. Cinq ans, c'est une longue période d'incertitude pour nous, législateurs. Nous proposons de faire un acte de foi. Nos connaissances ne sont pas très étendues. Des experts nous ont dit qu'il y a des enjeux que la science mettra peut-être deux ou trois décennies à élucider. Cependant,s les choses vont vite, et nous ne savons pas trop s'il n'y aura pas des conséquences non voulues, par exemple en ce qui concerne le comportement des jeunes.

Ainsi donc, si vous considérez les grands enjeux de santé publique dont j'ai parlé, si vous tenez compte du fait qu'il faut élaborer de nombreux règlements qui ne sont pas encore clairs et qui doivent comporter une certaine souplesse pour en élargir ou rétrécir la portée, il nous a semblé, au comité, qu'une période de trois ans était juste et amplement suffisante. Cela rassurerait les législateurs.

Au cours de la quatrième année, étant donné qu'une année complète est prévue pour la rédaction du rapport, lorsque nous recevrons le rapport et que nous serons en mesure de l'examiner, peut-être aurons-nous l'assurance qu'il y a en effet eu des mises à jour et que les nouvelles données scientifiques recueillies ont été prises en compte. Peut-être aussi serons-nous convaincus que nous avons fait une bonne chose, que nous protégeons réellement la santé des Canadiens, particulièrement celle des enfants, les personnes les plus vulnérables, avec ce projet de loi.

(1610)

Je vous rappelle aussi que, dans mon discours aujourd'hui, j'ai parlé de la question voulant que l'obligation d'établir un rapport puisse imposer un fardeau à l'agence et au ministre. En fait, comme plusieurs ministères recueillent déjà régulièrement des données et mènent des activités de surveillance, il serait assez facile de produire ces renseignements en vue de la présentation du rapport en question.

En terminant, j'aimerais aussi ajouter que, aujourd'hui, comme vous le savez, le Comité des affaires sociales a procédé à l'étude article par article du projet de loi C-233 et que les parrains de celui-ci nous ont dit qu'ils pensaient vraiment que l'article 5 donnerait le plus de mordant à cette mesure législative. Permettez-moi de vous informer, vous et tous nos collègues, de ce que prévoit l'article 5. Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, et tous les ans par la suite, le ministre établit un rapport sur l'efficacité de la stratégie nationale.

Un délai de trois ans est une excellente solution, puisque le projet de loi sur une stratégie nationale sur les démences prévoit un rapport dans les deux ans, puis tous les ans par la suite. En l'occurrence, nous avons été généreux. Nous disons donc au bout de trois ans, puis tous les deux ans par la suite.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Martin : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Loi sur le parc urbain national de la Rouge
La Loi sur l'Agence Parcs Canada
La Loi sur les parcs nationaux du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Art Eggleton propose que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la troisième lecture en tant que parrain du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur le parc urbain national de la Rouge, la Loi sur l'Agence Parcs Canada et la Loi sur les parcs nationaux du Canada.

Chers collègues, je ne peux que me réjouir de ce projet de loi. Je félicite le gouvernement précédent — m'entendez-vous là-bas? — d'avoir donné au parc de la Rouge l'envergure d'un parc national et je félicite aussi le gouvernement actuel d'avoir remédié à certaines lacunes.

Le parc de la Rouge est le premier parc urbain national au Canada. Pourtant, ne vous fiez pas à cette appellation, car ce parc regorge de richesses naturelles. On estime qu'il renferme 1 700 espèces de plantes et d'animaux, y compris 27 espèces en péril. En fait d'habitats, on trouve dans le parc de grandes superficies de forêt carolinienne ainsi que des marais et des terres humides figurant parmi les plus vastes de la région du Grand Toronto.

Le parc urbain national de la Rouge contient aussi des traces importantes de l'histoire des civilisations humaines. Pendant des milliers d'années, ce fut une voie de communication importante. Des peuples autochtones y ont vécu, y ont pratiqué l'agriculture et y ont fait du commerce. L'histoire de l'agriculture dans la vallée de la Rouge est l'un des principaux attraits du parc urbain national de la Rouge. Certaines parties de ce parc ont été cultivées sans interruption pendant des centaines d'années et comprennent de grandes étendues de terres agricoles de classe 1, soit les terres les plus riches, les plus rares et les plus fertiles au Canada.

Lors d'une visite récente, j'ai pu voir les excellentes réalisations de Parcs Canada en collaboration avec les gens qui vivent et qui travaillent dans le parc. Depuis 2015, ces gens ont mené à bien 31 projets de conservation et de mise en valeur du potentiel agricole. À ce que je sache, une dizaine d'autres projets seront entrepris d'ici la fin de cette année.

Voilà les raisons pour lesquelles je me réjouis du projet de loi C- 18. L'adoption du projet de loi favorisera l'agrandissement du parc de la Rouge grâce au transfert de terres provinciales qui feront presque doubler sa superficie, laquelle atteindra 79,1 kilomètres carrés. Il sera 19 fois plus grand que le parc Stanley, à Vancouver, 22 fois plus grand que Central Park, à New York, et 50 fois plus grand que High Park, à Toronto. C'est grâce à cet énorme territoire que Parcs Canada sera en mesure de mettre en valeur le riche patrimoine culturel et naturel du Canada. Tout cela à une heure de route pour 20 p. 100 de la population canadienne et à une heure de route des rues achalandées du centre-ville de Toronto.

Honorables sénateurs, avant de continuer mon intervention sur le parc de la Rouge, j'aimerais parler de deux modifications prévues dans le projet de loi qui traitent d'autres questions, et aucune des deux n'a soulevé la controverse durant les audiences du comité. L'une d'elles concerne la Loi sur l'Agence Parcs Canada et le mécanisme de financement mieux connu sous le nom de Compte des nouveaux parcs et lieux historiques.

L'Agence Parcs Canada se sert de ce compte pour faire l'acquisition de terres ou de biens immobiliers nécessaires à l'établissement, à l'agrandissement ou à la désignation d'un lieu patrimonial protégé. En vertu des règles actuelles, les fonds peuvent seulement être utilisés pour des endroits qui ne sont pas encore pleinement opérationnels. La modification proposée changerait tout cela. Elle accorderait à Parcs Canada le droit de recourir au compte pour des lieux patrimoniaux protégés qui sont déjà opérationnels, lui permettant ainsi d'agir rapidement lorsque des occasions d'acheter de nouvelles terres servant à l'agrandissement de lieux patrimoniaux protégés existants se présentent. Il y a lieu de noter que les modifications proposées permettraient également aux Canadiens de contribuer, s'ils le souhaitent, à des projets visant à compléter ou à agrandir des lieux patrimoniaux existants.

L'autre modification propose de retirer une petite parcelle de terrain, environ 37 kilomètres carrés, des limites du parc national Wood Buffalo, dans le Nord de l'Alberta. Il y a quelques années, le gouvernement du Canada s'est engagé à instituer une nouvelle réserve pour la nation crie de Little Red River. Le fait de retirer cette partie de terrain du parc Wood Buffalo — qui ne représente que 1 p. 100 du parc, mais qui, croyez-le ou non, est environ de la grandeur de la Suisse — favoriserait l'établissement de la réserve indienne de Garden River. Cela représenterait également un pas modeste, mais essentiel vers la réconciliation avec les peuples autochtones.

Le reste du projet de loi concerne le parc de la Rouge. La principale modification proposée — laquelle a fait l'objet de discussions en comité — vise à inclure le concept d'intégrité écologique dans la Loi sur le parc urbain national de la Rouge et à en faire une priorité dans le cadre de la gestion du parc.

Le projet de loi définit ainsi le terme « intégrité écologique » :

L'état [...] jugé caractéristique de la région naturelle dont il fait partie et qui sera vraisemblablement maintenu, notamment les éléments abiotiques, la composition et l'abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques ainsi que le rythme des changements et le maintien des processus écologiques.

En langage simple, cela signifie qu'on veut gérer le parc de la Rouge de manière à conserver les éléments qui le composent, qu'il s'agisse de la roche, des cours d'eau ou de la flore. Essentiellement, le projet de loi exige que Parcs Canada adhère à un cadre global de gestion qui tient compte du passé, du présent et de l'avenir du parc urbain national de la Rouge et assure que l'organisme s'efforce de rendre le parc accessible à tous les Canadiens, tout en préservant son intégrité écologique et sa dynamique communauté agricole.

Au lieu d'utiliser le terme « intégrité écologique », le projet de loi précédent, le projet de loi C-40, indiquait que le ministre « prend en considération » la « santé » des écosystèmes du parc.

La modification proposée apporte une distinction importante. Même si Parcs Canada fait de l'excellent travail dans le territoire établi du parc de la Rouge, la loi existante ne garantit pas que les gouvernements futurs adhéreront aux mêmes normes. En raison de cette incertitude, le gouvernement de l'Ontario s'est abstenu jusqu'à présent de transférer ses terres. Soit dit en passant, celles-ci ont une superficie d'environ 40 kilomètres carrés et sont au cœur des zones publiques du parc.

Le gouvernement de l'Ontario est satisfait du libellé actuel du projet de loi, notamment parce qu'il tient compte de l'intégrité écologique. Grâce à cette modification, le gouvernement ontarien s'apprête à transférer les terres restantes à Parcs Canada.

Honorables sénateurs, j'ai entendu des gens dire qu'ils craignaient que le concept de l'intégrité écologique ne fonctionne pas dans un parc urbain comme celui de la Rouge. On a laissé entendre au comité que le respect de l'intégrité écologique suppose qu'on n'interviendrait pas en cas de catastrophe naturelle, comme un feu de forêt, ce qui mettrait en péril la vie et les biens de ceux qui habitent dans le parc et aux alentours. Lorsqu'il a été interrogé par le comité, Daniel Watson, directeur général de Parcs Canada, nous a assuré que ce ne serait pas le cas.

(1620)

Prenant l'exemple du parc national de la Pointe-Pelée, qui borde le lac Érié, il a affirmé ce qui suit :

Par exemple, récemment, il y a eu un feu de forêt au parc national de la Pointe-Pelée [et le libellé de la loi concernant ce parc est pratiquement le même que celui du projet de loi C-18]. Nous sommes donc sortis presque immédiatement pour le combattre, ou du moins, pour repousser tout ce qui aurait pu menacer des gens ou des propriétés d'une certaine importance. Si de telles conditions survenaient, nous combattrions l'incendie.

Au cours des délibérations du comité, j'ai aussi entendu certaines inquiétudes sur les conséquences que l'intégrité écologique pourrait avoir sur les traditions agricoles dans le parc de la Rouge. Il y a lieu de noter que, dans le projet de loi C-18, on tient compte pour la première fois de cet élément. Le paragraphe 6(2) du projet de loi stipule en effet ce qui suit :

Il est entendu que le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'empêcher l'exercice d'activités agricoles prévu par la présente loi.

Le gouvernement offrira en outre des baux d'une période maximale de 30 ans pour garantir la stabilité à long terme au parc, et aussi donner une certaine stabilité aux agriculteurs et à leur famille. Jusqu'à maintenant, les baux n'étaient que de très courte durée. Grâce à ces baux de 30 ans, les agriculteurs se sentiront à l'aise pour faire des investissements à long terme dans les infrastructures. Leurs représentants qui ont témoigné au comité se sont d'ailleurs réjouis de cette mesure.

Outre ces garanties, il a été question dans les témoignages des avantages que l'intégrité écologique présente pour ceux qui travaillent et vivent dans le parc de la Rouge. J'ai d'ailleurs fait remarquer que, depuis 2015, 31 projets de conservation et d'amélioration ont été menés à bien dans le parc de la Rouge. L'un de ces projets porte sur le remplacement de vieux ponceaux, ces grands tuyaux qui sont installés sous les routes ou toute autre voie qui traverse un cours d'eau ou une rivière. Les ponceaux de trop petite taille traversant les exploitations agricoles dans le cours supérieur de la rivière Little Rouge ont été remplacés par des ponceaux plus longs et plus larges afin de faciliter le déplacement sécuritaire du matériel agricole moderne tout en réduisant les dommages et l'érosion des berges. Ces travaux ont permis d'améliorer la qualité de l'eau et la connectivité de l'habitat aquatique tout en améliorant le travail agricole.

Le Comité de l'énergie et de l'environnement a fait de l'excellent travail en convoquant une foule de témoins de divers milieux afin de se pencher sur ces questions. J'ose croire que les membres du comité ont reçu des réponses satisfaisantes, et je pense que c'est pour cette raison que le comité a adopté le projet de loi sans propositions d'amendement ni dissidence.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis arrive à point nommé. Comme nous célébrons cette année le 150e anniversaire de la Confédération, nous aurons maintes occasions de jeter un regard à la fois sur le passé et sur l'avenir du Canada. Le projet de loi C-18 s'appuie sur la tradition fondamentale du Canada qui consiste à protéger et à célébrer le patrimoine naturel et culturel qui fait sa fierté. Avec ce projet de loi, Parcs Canada pourrait tirer le maximum du parc urbain national de la Rouge et serait davantage en mesure de bonifier et de protéger un des endroits les plus précieux du Canada.

J'invite tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-18 et à venir visiter le parc de la Rouge cet été.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Oh, le débat est ajourné.)

[Français]

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 31 mai 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au lundi 5 juin 2017, à 18 h 30;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir Madeleine Meilleur, commissaire aux langues officielles, et à exiger du comité plénier qu'il fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 31 mai 2017, propose :

Que, à la fin de la période des questions le lundi 5 juin 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir Mme Madeleine Meilleur relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard une heure après le début de ses travaux.

— Des discussions ont eu lieu par les voies habituelles. Conformément à l'article 5-10(1) du Règlement, je demande le consentement du Sénat pour modifier la motion en remplaçant les mots « une heure » par « 90 minutes ».

Motion de modification

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Par conséquent, honorables sénateurs, comme modification, je propose :

Que, à la fin de la période des questions le lundi 5 juin 2017, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir Mme Madeleine Meilleur relativement à sa nomination au poste de commissaire aux langues officielles;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard 90 minutes après le début de ses travaux.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?

(La motion modifiée est adoptée.)

La Loi constitutionnelle de 1867La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Report du débat

À l'appel de l'article no 1, autres affaires, projets de loi d'intérêt public du Sénat, troisième lecture :

Troisième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention d'aborder cette question aujourd'hui. Je prendrai la parole sous peu, mais, étant donné l'horaire chargé, je demande que le débat sur ce sujet-ci soit reporté. Merci, honorables sénateurs.

(Le débat est reporté.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, C.P., appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénateur Wells,

Que le projet de loi C-210 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié à l'annexe, à la page 2, dans la version anglaise, par substitution, aux mots « in all of », des mots « thou dost in ».

L'honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer l'amendement proposé par le sénateur Plett. Comme beaucoup le savent, je m'oppose depuis le début au changement initial proposé dans le projet de loi C-210. Cela n'a pas changé. Je soutiens que nous ne devons pas modifier la version anglaise de notre hymne national en remplaçant « in all thy sons command » par « in all of us command ». Cette modification est incorrecte sur le plan grammatical, comme l'a expliqué de façon précise et exhaustive le sénateur MacDonald dans l'une de ses interventions, et elle ne correspond à aucune version actuelle ou passée de l'hymne national en français, en anglais ou en gaélique. On ne peut pas simplement choisir des mots au hasard et les insérer au beau milieu du texte de l'Ô Canada. Une telle modification doit être fondée sur autre chose que la rectitude politique ou une mode passagère de la société moderne. Voilà pourquoi la première version du projet de loi semble inacceptable pour un si grand nombre de sénateurs et d'innombrables Canadiens. Le projet de loi n'évoque rien d'autre que les ambitions politiques de certains. Il n'évoque pas la grandeur de ce pays en nous rappelant le passé et il ne jette certainement pas un éclairage nouveau sur l'avenir.

Je suis prêt à appuyer l'amendement du sénateur Plett parce qu'il préserve l'intégrité historique de l'Ô Canada et nous rapproche des intentions initiales du texte. À titre de comparaison, pensons à la différence entre la restauration et la rénovation d'une vieille maison. La restauration a pour but de préserver le passé tout préparant la maison pour l'avenir. Par contre, rénover une maison peut vouloir dire qu'on utilise un bardage en vinyle de piètre qualité au lieu de restaurer et de réparer le bardage à clin original qui donnait à la maison son cachet historique. C'est pourquoi j'encourage les honorables sénateurs à appuyer l'amendement à l'étude même s'ils n'appuient pas le projet de loi initial, comme c'est mon cas. C'est peut-être la seule option qui nous permettra de préserver notre hymne national et de faire en sorte qu'il puisse à la fois rappeler notre histoire et ouvrir la voie à notre avenir collectif.

J'inviterais aussi ceux qui ont appuyé le projet de loi jusqu'ici à envisager de voter en faveur de cet amendement. Je ne suis pas expert en histoire, mais je fais confiance à l'expertise en recherche de mes distingués collègues. J'attire donc avec plaisir votre attention sur les observations qu'a faites le sénateur Munson à l'étape de la deuxième lecture. Il a mentionné certains des changements apportés à l'Ô Canada au fil des ans et rappelé que la tournure dont nous débattons aujourd'hui ne disait pas, à l'origine, « in all thy sons command », mais « thou dost in us command ». C'est la tournure que le sénateur Plett nous invite à adopter aujourd'hui.

Le sénateur Munson soutient que la tournure « in all of us command » respecterait les thèmes fondamentaux de l'Ô Canada. Je ne suis pas d'accord. Je crois toutefois que le retour aux paroles originales, « thou dost in us command », serait une excellente façon d'atteindre nos objectifs communs.

Permettez-moi de citer un autre passage du discours que le sénateur Munson a prononcé au sujet de cet enjeu important. Il a aussi dit ceci :

(1630)

Ce projet de loi vise à moderniser notre hymne national afin qu'il rende mieux compte du progrès réalisé au Canada lorsqu'il s'agit de promouvoir l'égalité des sexes pour l'ensemble de la population canadienne.

Il s'agit effectivement d'un noble objectif qui, j'espère, serait appuyé sans réserve par tous les sénateurs. À titre de féministe et de défenseur des droits des femmes, de l'égalité des droits et des droits de la personne, je sais que j'appuie l'égalité des sexes et toutes les mesures que nous avons prises et que nous continuerons de prendre au Canada à cet égard. À mon avis, c'est exactement ce que fait l'amendement que j'appuie aujourd'hui, et il le fait en n'enlevant rien à notre passé. D'ailleurs, il remonte dans le temps pour recueillir un passage qui était utilisé il y a longtemps et qui peut renforcer l'hymne national maintenant et pendant longtemps dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Si nous voulons apporter des changements à nos coutumes et nos traditions, faisons-le d'une manière qui respecte et honore celles que nous avons. Beaucoup de Canadiens d'un océan à l'autre m'ont demandé de préserver l'Ô Canada dans sa forme et sa formulation actuelles. Ils ne le demandent pas parce qu'ils veulent ralentir les progrès ou prévenir l'arrivée du futur, mais parce qu'ils veulent marcher main dans la main avec leurs concitoyens sur un terrain d'entente vers cet avenir et respecter notre passé.

Nous avons tenu compte de ces préoccupations, et le sénateur Plett a rédigé et présenté ses suggestions, dont j'appuie l'étude par le Sénat. C'est une façon de respecter les souhaits des Canadiens qui ne veulent pas changer la formulation de notre hymne national et de reconnaître le désir de changement exprimé par d'autres Canadiens. Si vous voulez un hymne national neutre, cet amendement vous le donne. C'est comme s'il nous permettrait de préserver l'intégrité de la recette originale sans devoir ajouter d'ingrédients artificiels.

Puisque mon temps de parole à l'égard de l'amendement est presque écoulé, permettez-moi de remercier une fois de plus le sénateur Plett de son amendement réfléchi et bien intentionné à un projet de loi d'initiative parlementaire mal formulé et irréfléchi. L'amendement nous permet de réellement améliorer les choses plutôt que de modifier pour le plaisir de modifier ou par souci de rectitude politique.

Honorables sénateurs, je vous demande, dans le rôle qui nous est attribué par la sénatrice McCoy, d'assumer notre rôle de « conseil de sages ». Dans ce rôle, on nous demande, à mon avis, de protéger et de préserver nos coutumes et nos traditions à mesure que nous évoluons, non pas au fil du temps, mais selon notre conscience.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum propose que le projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (élimination du financement étranger), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, un principe fondamental de la démocratie canadienne veut que le processus électoral du Canada appartienne au peuple canadien et seulement au peuple canadien. Rien n'est plus essentiel à la préservation de l'intégrité et de la légitimité des élections canadiennes que de s'assurer qu'aucune influence extérieure n'intervient, surtout si elle n'est pas divulguée.

Une nation qui permet l'ingérence étrangère dans son système politique ne peut prétendre être réellement souveraine. L'ingérence étrangère clandestine est la plus dangereuse de toutes, car elle bouleverse la souveraineté d'une manière qui prive les citoyens de savoir ce qui se passe. Voilà pourquoi je présente le projet de loi S- 239, visant l'élimination du financement électoral étranger.

Je soupçonne que si l'on demandait aux Canadiens, y compris aux sénateurs, si l'ingérence étrangère est légale dans le cadre des élections canadiennes, la plupart répondraient qu'elle ne l'est certainement pas. Pourtant, c'est faux. C'est plutôt alarmant.

Des entités et des groupes d'intérêts étrangers, parce qu'ils le peuvent, ont versé des millions de dollars à des tiers au Canada dans le but de tenter d'influer sur le résultat des élections d'ici. Les contributeurs étrangers sont en mesure d'imposer leurs objectifs dans les campagnes électorales canadiennes en raison des règles laxistes sur les activités électorales de tiers au Canada et, en toute franchise, de l'apparente indifférence d'Élections Canada.

Honorables sénateurs, au moyen du projet de loi S-239, je propose de combler une fois pour toutes les lacunes de la Loi électorale du Canada qui ont permis aux intérêts étrangers de verser des fonds illimités au Canada.

Il est vrai que, à la lecture de l'article 331 de la Loi électorale du Canada, il semble qu'une interdiction des influences étrangères dans les élections canadiennes a déjà été clairement codifiée par le Parlement.

L'article 331 prescrit ceci :

Il est interdit à quiconque n'est ni un citoyen canadien ni un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et ne réside pas au Canada d'inciter de quelque manière des électeurs, pendant la période électorale, à voter ou à s'abstenir de voter ou à voter ou à s'abstenir de voter pour un candidat donné.

Voilà qui semble clair, à l'exception de l'échappatoire colossale trouvée à l'article 358 de la Loi électorale du Canada. Selon cet article, il est interdit au tiers d'utiliser, à des fins de publicité électorale, des contributions provenant d'une source étrangère.

Honorables sénateurs, comme c'est très souvent le cas, l'échappatoire est créée non pas par le texte de la loi, mais plutôt par ce qui n'est pas précisé. Le fait d'interdire les contributions étrangères à la publicité électorale faite par des tiers — et seulement à la publicité électorale — ouvre la porte à l'influence étrangère dans toutes les autres activités électorales par des tiers.

Ce n'est pas simplement mon avis; c'est aussi l'interprétation de la loi par le commissaire aux élections fédérales, Yves Côté. Dans son rapport annuel de 2014-2015, le commissaire a affirmé qu'un tiers :

[...] peut utiliser des contributions provenant de l'étranger afin de financer des activités qui n'incluent pas la diffusion de publicité électorale, comme la réalisation de sondages électoraux, la création de sites Web liés à l'élection et le recours à des services d'appels pour communiquer avec les électeurs.

Pire encore, l'interprétation que fait Élections Canada de la « diffusion d'une publicité électorale » pourrait vous surprendre. Elle ne semble pas avoir beaucoup évolué depuis le XIXe siècle.

Prenons par exemple les dépenses liées à la création de contenu pour un site web professionnel qui appuie explicitement un candidat ou un parti politique. Sont-elles des dépenses publicitaires? Pas selon Élections Canada.

Qu'en est-il des appels automatisés ou des centres de télésollicitation opérés par des employés rémunérés dont l'objectif est d'influencer le vote des électeurs? Les dépenses liées à la diffusion de messages par appel automatisé ou centre de télésollicitation sont- elles des dépenses publicitaires? Pas selon Élections Canada.

Qu'en est-il des dépenses liées aux sondages visant à créer un contenu à mettre dans des dépliants publicitaires? Sont-elles des dépenses publicitaires? Non, pas selon Élections Canada.

Qu'en est-il des dépenses liées à la production et à la promotion de tournées de concerts nationales mettant en vedette des artistes connus à l'échelle internationale, employant des gens rémunérés, faisant l'objet de promotion sur les médias sociaux et servant à diffuser un message politique ou à appuyer un candidat ou un parti politique précis? Sont-elles des dépenses publicitaires? Non, pas selon Élections Canada.

Je pourrais donner plus d'exemples, mais je pense que vous avez compris. Selon Élections Canada, il n'y a pratiquement rien, sauf l'achat d'une pleine page de publicité imprimée dans le Globe and Mail, qui constitue une dépense publicitaire.

Toutes les activités que j'ai mentionnées plus tôt échappent à l'interdiction prévue à l'article 358, qui ne restreint que le financement étranger de publicité électorale, ou, plus précisément, de ce qu'Élections Canada juge comme étant de la publicité électorale. Ainsi, toutes les activités que j'ai mentionnées plus tôt peuvent être financées en entier ou en partie par des entités étrangères. Et elles l'ont été en 2015.

Comment est-ce que je le sais? Eh bien, c'est là que les choses se compliquent. Aux fins de la conformité à la loi, Élections Canada exige que les tiers déclarent toutes les « contributions versées à des fins de publicité électorale » dans les quatre mois suivant les élections. Toutefois, seules les contributions reçues de tiers six mois avant les élections doivent être déclarées. Lorsqu'un don en argent est versé par une source étrangère plus de six mois avant une élection, ces fonds sont considérés comme de l'argent canadien. Je sais que cela paraît ridicule, alors je vais le répéter : si un donateur étranger verse de l'argent à un tiers plus de six mois avant des élections, cet argent n'est pas considéré comme provenant de l'étranger.

(1640)

Comme le directeur général des élections d'Élections Canada, Marc Mayrand, l'a déclaré lors de sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en novembre dernier :

Une fois que les fonds [étrangers] sont utilisés dans le cadre des activités de l'organisation au Canada, ils deviennent les fonds de l'organisation canadienne. C'est la façon dont ces organisations agissent selon leur structure actuelle et peuvent utiliser leurs fonds [...] entre les élections ou au cours de celles- ci.

Autrement dit, il est impossible de savoir combien d'argent étranger a été dépensé pendant les élections de 2015.

Nous savons toutefois ceci : la fondation américaine Tides a versé près de 700 000 $ à huit organisations canadiennes inscrites comme tiers pendant la campagne de 2015; Dogwood, l'un de ces organismes tiers inscrits, a reçu près de 1,1 million de dollars de la part de Tides entre 2011 et 2015; enfin, LeadNow, l'un des organismes tiers les plus actifs lors des dernières élections, a déclaré que 17 p. 100 de son financement provenait de l'étranger.

Une partie de ces fonds a-t-elle servi à faire des publicités électorales au sens entendu au XIXe ou au XXIe siècle? Nous ne pouvons que faire une supposition logique. Il n'y a absolument aucun moyen de le savoir avec certitude, car Élections Canada ne fait pas de vérification indépendante des tiers à moins qu'un particulier ne dépose une plainte fondée sur des preuves, c'est-à-dire fondée sur des informations bancaires auxquelles aucun particulier n'a accès.

Honorables sénateurs, chose certaine, les interdictions canadiennes en matière de financement étranger ne sont absolument pas adéquates. Si on ne fait rien pour changer cet état de choses, l'influence étrangère dans notre système politique ne pourra qu'aller en augmentant. Les partis politiques qui ont profité d'un financement étranger dans le cadre des dernières élections ne sont pas nécessairement ceux qui en bénéficieront les prochaines fois. Aujourd'hui, ce sont peut-être des membres du secteur privé qui financent ces interventions; demain, ce pourrait être des personnes qui agissent pour le compte d'un État, y compris un État hostile. Nous avons déjà vu des processus démocratiques corrompus par des intérêts étrangers clandestins dans d'autres pays. Nous devons faire en sorte que cela ne se produise pas au Canada.

Avec la présentation du projet de loi S-239, j'espère mettre fin une fois pour toute à l'influence étrangère permise au Canada. Il est temps que les Canadiens reprennent les rênes de leur système électoral.

Il est satisfaisant de voir que les témoignages entendus par le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont interpellé les Canadiens, qui demandent que l'on mette fin au financement étranger.

La semaine dernière, Jean-Pierre Kingsley, qui a occupé la fonction de directeur général des élections du Canada de 1990 à 2007, a dit ceci dans les médias :

Nous ne devons absolument pas permettre que des fonds autres que des fonds canadiens se retrouvent dans le système électoral canadien.

Il a ajouté ce qui suit :

Une élection générale est un événement national et non un événement international. Les intérêts étrangers n'y ont pas leur place. Le fait qu'ils aient trouvé un moyen détourné de s'y immiscer est inacceptable pour les Canadiens. Je pense que la possibilité que de l'argent étranger joue un rôle dans nos élections est une question qui interpelle la grande majorité des Canadiens, indépendamment du parti pour lequel ils votent. Il s'agit ici de veiller à ce que le processus électoral soit équitable pour tous.

Le lendemain, le Globe and Mail a publié un éditorial demandant qu'on limite ou interdise les dons étrangers à des groupes qui veulent être inscrits comme tierces parties pendant les élections. « Colmatez la brèche qui permet à de l'argent étranger de s'infiltrer dans les élections canadiennes », a-t-on écrit.

Honorables sénateurs, cette mesure est la solution à l'échappatoire concernant le financement étranger. Le projet de loi S-239 modifie l'article 331 de la Loi électorale du Canada afin de préciser qu'il est interdit aux étrangers de contribuer à toute activité liée à une élection. Il établit la liste des entités étrangères à qui il est interdit de contribuer à un tiers canadien et précise que les entités étrangères ne peuvent pas non plus accorder de prêt à un tiers.

Finalement, le projet de loi S-239 modifie un article par adjonction afin de prévoir une peine supplémentaire pour un tiers qui accepterait une contribution illégale. Toute infraction commise entraînera une amende correspondant à la somme des contributions acceptées.

Honorables sénateurs, j'espère que vous conviendrez que ce qui est en jeu est ni plus ni moins la légitimité du résultat des élections du pays. Il est impératif de mettre fin au financement étranger de toute fin relative à une élection canadienne.

Le projet de loi S-239 n'est pas partisan. Il est patriotique. Soyons unis dans ce dossier au nom de la souveraineté canadienne et au service de la démocratie que nous avons tous l'honneur et le devoir de protéger.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.).

L'étude sur la conception et l'application du programme de plusieurs milliards de dollars du gouvernement fédéral pour le financement des infrastructures

Douzième rapport du Comité des finances nationales et demande de réponse du gouvernement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, appuyée par l'honorable sénatrice Ataullahjan,

Que le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Mieux planifier, mieux investir : Atteindre le succès en infrastructure, déposé auprès du greffier du Sénat le 28 février 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables collègues, je ne suis pas encore prête. Je demande donc qu'on reprenne le compte des jours à zéro pour le reste de mon temps de parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

L'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

Cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport provisoire du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, intitulé Positionner le secteur de l'électricité canadien : vers un avenir restreint en carbone, déposé auprès du greffier du Sénat le 7 mars 2017.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Cet article en est au 14e jour; je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Adoption du huitième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du huitième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, intitulé Composition du Comité de sélection, présenté au Sénat le 31 mai 2017.

L'honorable Joan Fraser propose que le rapport soit adopté.

— Chers collègues, comme vous pouvez le constater dans ce rapport, dont la version papier a été distribuée à tous hier, le Comité du Règlement continue à travailler en vue de proposer des changements au Règlement du Sénat afin de répondre aux préoccupations soulevées dans les différents rapports du Comité sur la modernisation et, de façon plus générale, à celles soulevées par différents sénateurs en raison de la réalité changeante du Sénat.

Parmi les quatre rapports déjà adoptés par le Sénat à ce sujet, certains ont été initiés par le Comité du Règlement lui-même. Par contre, le présent rapport a été produit conformément à un ordre de renvoi du Sénat concernant le rapport du Comité sur la modernisation quant à la composition des comités. L'ordre de renvoi contenait des suggestions longues et spécifiques du Comité sur la modernisation quant à la façon de constituer le Comité de sélection et d'autres comités. Ces suggestions sont extrêmement détaillées et, je le sais, elles sont fondées sur l'énorme quantité de travail abattue par le Comité sur la modernisation.

(1650)

Il s'agissait essentiellement de confier au Comité de sélection la responsabilité de décider du parti devant présider chaque comité et d'autres questions très détaillées. Toutefois, l'ordre de renvoi donné au Comité du Règlement disait que nous devions utiliser ces recommandations très détaillées du Comité sur la modernisation comme point de départ de notre travail, et que nous devions également prendre en considération tous les autres facteurs pertinents que notre comité juge importants.

Si vous avez jeté un coup d'œil à notre rapport, vous aurez constaté qu'il est très court. Il passe sous silence beaucoup des questions abordées dans le rapport du Comité sur la modernisation. Je tiens à souligner que cela ne signifie pas du tout que notre comité a rejeté ou a recommandé le rejet de ces recommandations. Ce qu'il a fait, après mûre réflexion et de longues discussions, c'est décider que, pour le moment, notre meilleure ligne de conduite consiste à concentrer nos efforts sur un seul élément du rapport du Comité sur la modernisation.

Nous avons pris cette décision pour un certain nombre de raisons. En toute franchise, la première est que nous voulions être sûrs d'avoir l'accord de tout le monde. Il est important, lorsqu'on modifie le Règlement du Sénat, que chacun soit persuadé que la ligne de conduite choisie est appropriée et que nous sommes encore au stade du débat sur beaucoup des changements que nous finirons sans doute par faire.

Deuxièmement, je crois qu'il est important de comprendre que les membres du Comité du Règlement essaient dans toute la mesure du possible de ne pas empiéter sur le travail du Comité de la modernisation parce que cela ne serait pas productif. Ce serait tout le contraire.

Le Comité sur la modernisation a un sous-comité qui examine les comités et, ce qui est probablement beaucoup plus important, il a entrepris, comme nous le savons tous, une grande étude sur le système de Westminster et sur la façon dont le Sénat, dans sa nouvelle forme, devrait se conformer ou ne pas se conformer à ce système tel que nous le connaissons depuis un siècle et demi. Les comités sénatoriaux constituent un élément vital de la façon dont nous avons mis en œuvre notre version du système de Westminster. Par conséquent, je crois qu'il n'est pas déraisonnable de penser qu'il serait contre-productif pour le Comité du Règlement de formuler toute une série de recommandations, compte tenu du travail que le Comité sur la modernisation accomplit actuellement et dont il rendra compte dans peu de temps, je crois. C'est certainement ce qu'espèrent beaucoup de gens. Nous attendons avec un très grand intérêt d'en arriver à ce stade.

Je note, en outre, que le Comité du Règlement a fonctionné, dans son travail lié à la modernisation, en se basant sur le principe que tant que nous n'avons pas une meilleure compréhension du contexte élargi du système de Westminster, nous devrions éviter de formuler des recommandations qui auraient des incidences sur le statut, les droits, les pouvoirs et les privilèges du gouvernement ou de l'opposition. Beaucoup d'éléments de notre Règlement devront être adaptés, mais le Comité du Règlement estime pour le moment qu'il ne convient pas d'anticiper sur la grande discussion qui devrait avoir lieu.

Qu'avons-nous donc fait dans ce rapport? Nous avons limité notre réflexion à la question fondamentale du Comité de sélection. Ce faisant, nous avons adopté le principe préconisé par le Comité sur la modernisation et approuvé avec une grande conviction par les nouveaux membres du Sénat faisant partie du Groupe des sénateurs indépendants : le principe de proportionnalité et l'idée selon laquelle les proportions des partis et des groupes reconnus devraient se refléter dans la composition du Comité de sélection. C'est là-dessus, et seulement là-dessus, que porte notre rapport.

Le Règlement actuel ne dit rien du tout de la façon dont les partis et les groupes choisissent les membres qui les représenteront au Comité de sélection. Cette fonction restera, comme cela a toujours été le cas, la prérogative de chaque parti ou groupe. Nous préserverons donc le libellé actuel, qui dit ceci :

12-1. Au début de chaque session, le Sénat nomme les neuf sénateurs qui forment le Comité de sélection.

Nous ne disons pas de quelle façon ils seront choisis, que ce soit par les sénateurs ou par les groupes, mais nous précisons — et c'est le nouveau texte — que « la composition initiale du comité, de même que toute modification subséquente aux membres, sera, dans la mesure du possible, proportionnelle au nombre de membres des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus », et il faut que des motions à cet effet soient adoptées par le Sénat dans son ensemble.

De bien des façons, c'est un prolongement de ce que nous avons toujours fait. Nous avons toujours porté une attention particulière à la composition de nos comités, y compris le Comité de sélection, en veillant à établir un équilibre approximatif par rapport aux nombres de sénateurs. Toutefois, nous le faisons maintenant d'une manière explicite car cela semblait être la façon appropriée de procéder maintenant que le Sénat ne se compose pas presque exclusivement de membres de deux partis. Nous parlons maintenant d'un Sénat composé de trois groupes — avec un « g » minuscule — comprenant deux partis reconnus et un groupe parlementaire reconnu. Cela pourrait changer avec le temps.

Nous proposons aussi que les sénateurs qui ne sont membres d'aucun parti ou groupe parlementaire reconnu — c'est-à-dire les indépendants qui ne sont affiliés à personne — soient collectivement traités à cette fin — et uniquement à cette fin, c'est-à-dire la composition du Comité de sélection — comme s'ils formaient un groupe reconnu distinct.

Compte tenu de la composition actuelle du Sénat, cette dernière exigence est purement théorique parce que les sénateurs en cause forment moins de 1 p. 100 des membres, et que je ne sais pas de quelle façon nous pourrions assurer la représentation de moins de 1 p. 100 des sénateurs au sein d'un comité. Comme cela pourrait nécessiter des interventions chirurgicales plutôt radicales, nous avons préféré ne rien recommander à ce sujet.

Il est entendu par ailleurs que, dans presque tous les comités, sauf celui des conflits d'intérêts, mais incluant le Comité de sélection, les leaders du gouvernement et de l'opposition ou leurs adjoints sont membres d'office. En même temps, les membres d'office ne sont pas comptés comme membres ordinaires du Comité de sélection. Par conséquent, on ne tient pas compte d'eux dans le calcul de la proportionnalité.

Pour ceux et celles que cela intéresse, je dirais que, d'après mes calculs — qui sont peut-être très douteux —, un Comité de sélection formé aujourd'hui sur la base des proportions actuelles comprendrait quatre conservateurs, plus le leader de l'opposition, trois membres du Groupe des sénateurs indépendants et deux libéraux. Cela porte le nombre à neuf, évidemment sans compter le leader du gouvernement ou son adjoint, qui sont membres d'office.

Chers collègues, je pense que cela est très simple. Souvent, le travail le plus dur d'un comité consiste à en arriver à un résultat simple. Notre comité a beaucoup travaillé sur ce rapport pour aboutir à un résultat clair et simple. Nous avons tous mis un peu d'eau dans notre vin. Nous avons tous fait des compromis pour l'instant dans le but de présenter un rapport que nous pourrions tous appuyer. Je le soumets à votre attention et j'espère que vous l'appuierez.

(1700)

Des voix : Bravo!

L'honorable George Baker : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Fraser : Oui.

Le sénateur Baker : Lorsque la présidente du comité a lu le rapport, qui comporte le sous-titre « Nomination du Comité de sélection », elle a souligné le fait que les groupes parlementaires reconnus seraient représentés au sein du Comité de sélection. Ensuite, elle a mentionné que les personnes qui ne sont pas membres d'un parti politique ou d'un groupe devraient être traitées comme si elles étaient membres d'un groupe distinct. Par contre, lorsque la présidente a prononcé son discours, elle a utilisé le terme « reconnu ». Autrement dit, il s'agirait d'un groupe reconnu distinct.

Cela veut-il dire qu'on devrait insérer le terme « reconnu » entre les mots « groupe distinct » ou qu'on peut présumer qu'il s'y trouve? Dans la formulation actuelle, il y a les groupes, les partis et les groupes parlementaires reconnus, puis il y a les personnes qui n'appartiennent pas à ces ensembles et qui seront traitées comme des membres d'un groupe distinct. L'intention est-elle que cet ensemble de personnes soit un groupe reconnu distinct?

La sénatrice Fraser : Le sénateur Baker est toujours si perspicace. De toute évidence, lorsque j'ai dit « reconnu », c'était par souci de clarté. Cependant, le terme « reconnu » n'est pas officiellement dans la proposition. Cela nous ramène aux discussions assez intenses sur le dernier rapport du Comité du Règlement que le Sénat a adopté qui portait précisément sur la notion de groupe ou de parti reconnu. Vous verrez que nous avons utilisé le terme « reconnu » en conjonction avec « parti » et « groupe parlementaire », et uniquement dans ces cas-là.

Je crois qu'il est clair, d'après le contexte de cette proposition, que tous les autres, c'est-à-dire tous ceux qui n'appartiennent pas à un groupe, seraient regroupés comme s'ils constituaient un groupe reconnu. Je crois que nous créons peut-être plus de confusion, plutôt que de jeter un bon éclairage sur le sujet, si nous insérons le terme « reconnu » ici, compte tenu des autres contextes où nous l'avons utilisé. J'espère que c'est acceptable et que les honorables sénateurs seront d'accord.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat afin que les rapports législatifs des comités sénatoriaux respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P. :

Que, le Règlement du Sénat soit modifié, afin que les rapports législatifs des comités du Sénat respectent une méthodologie transparente, intelligible et non partisane, par substitution de l'article 12-23(1) par ce qui suit :

« Obligation de faire rapport d'un projet de loi

12-23. (1) Le comité saisi d'un projet de loi doit en faire rapport au Sénat; ce rapport fait état de tout amendement recommandé par le comité et doit inclure en annexe les observations de celui-ci sur les sujets suivants :

a) la conformité, de manière générale, du projet de loi à la Constitution du Canada, notamment :

(i) la Charte canadienne des droits et libertés;

(ii) le partage des compétences législatives entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;

b) la conformité du projet de loi aux traités et accords internationaux signés ou ratifiés par le Canada;

c) le fait que le projet de loi porte ou non atteinte indûment aux minorités ou aux groupes défavorisés sur le plan économique;

d) le fait que le projet de loi a des impacts sur des provinces ou territoires;

e) le fait que les consultations appropriées ont été tenues;

f) toutes erreurs manifestes de rédaction;

g) les amendements au projet de loi présentés au comité qui n'ont pas été adoptés par celui-ci, de même que le texte de ces amendements;

h) toute autre question qui, de l'avis du comité, doit être portée à l'attention du Sénat. »

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par :

1. adjonction du nouveau paragraphe suivant après le paragraphe c) proposé :

« d) le fait que le projet de loi a fait l'objet d'une analyse comparative entre les sexes approfondie; »;

2. modification de la désignation des paragraphes d) à h) proposés à e) à i).

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, nous en sommes à la 14e journée. Puis-je ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Motion tendant à presser le gouvernement d'établir une Galerie nationale de portraits—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P.,

Que profitant de l'opportunité de célébrer les 150 ans du Canada comme pays uni et de reconnaître la contribution des Premières Nations, l'établissement des premiers colons et l'apport continu des immigrants en provenance de partout au monde, qui ont fait et continuent de faire du Canada une grande nation, le Sénat presse le gouvernement de s'engager à établir une Galerie nationale de portraits dans l'ancienne ambassade américaine, en face du Parlement, comme legs permanent pour marquer cette importante étape dans l'histoire de notre pays et en reconnaissance de la contribution de ces milliers de personnes et talents qui ont contribué à son succès.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, cet article en est au 14e jour. Je demande donc l'ajournement pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Motion tendant à constituer un comité spécial sur l'Arctique—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Watt appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,

Qu'un Comité spécial sur l'Arctique soit formé pour examiner les changements importants et rapides qui se produisent dans l'Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants;

Que le comité soit composé de dix membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de cinq membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que le comité soit autorisé à retenir les services d'experts externes;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 10 décembre 2018, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 60 jours suivant le dépôt du rapport final.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, même s'il est tard, j'aimerais parler brièvement de cette motion.

Comme les sénateurs le savent, au fil des ans, le Sénat du Canada a donné le meilleur de lui-même lorsqu'il a été saisi de questions difficiles nécessitant une étude approfondie. Les rapports du Sénat sur la santé mentale, les enjeux urbains, la pauvreté en région rurale, les affaires étrangères et la défense nationale présentaient diverses politiques que les gouvernements pouvaient envisager et, plus souvent qu'autrement, mettre en œuvre.

Au Sénat, nous avons la possibilité de travailler ensemble sur des enjeux à long terme, ce que l'autre endroit ne peut malheureusement pas faire souvent. Dans cette enceinte, grâce à la mémoire institutionnelle et à la longévité du service, nous pouvons nous permettre ce luxe.

Aujourd'hui, j'aimerais parler de la motion no 192 proposée par le sénateur Watt, qui siège ici depuis longtemps, et qui vise à mettre sur pied un comité spécial sur l'Arctique.

Permettez-moi de citer un extrait du discours prononcé par le sénateur Watt lorsqu'il a proposé la motion no 192 :

Depuis des milliers d'années, les Inuits sont les fiduciaires des cours d'eau, de la terre et de la mer sur leur territoire. Nous avons géré le territoire du mieux que nous pouvions avec des ressources limitées, et on le décrit souvent comme l'un des derniers endroits sur terre où la nature est encore à l'état virginal.

C'est au milieu des années 1980 que je me suis rendu au Yukon pour la première fois, à titre de chef de cabinet du vice- premier ministre Erik Nielsen. En l'an 2000, j'ai eu la chance de passer un peu de temps au Nunavut, où j'ai participé à la formation des nouveaux sous-ministres de ce qui était à l'époque le tout nouveau territoire du gouvernement du Canada.

Le Canada est un vaste pays sur le plan géographique. Bien peu d'entre nous pourront se rendre dans toutes les régions de notre grand pays au cours de leur vie. Ceux d'entre nous qui ont eu la chance d'aller dans le Nord et d'admirer la beauté intacte de cette région savent que le paysage est inoubliable et impressionnant. Je serai éternellement reconnaissant d'avoir eu l'occasion d'aller dans le Nord.

Selon la Constitution, une partie de notre travail comme sénateurs consiste à représenter les minorités, à veiller à ce que toutes les voix soient entendues et à formuler les conseils les plus judicieux possibles au nom de ces voix minoritaires. Les pères fondateurs visionnaires du pays ont estimé qu'il s'agissait d'un rôle essentiel, et c'est toujours le cas. La formation de ce comité spécial s'inscrit dans notre mandat, soit donner une voix aux minorités.

Récemment, la question de la souveraineté dans l'Arctique a été propulsée à l'avant-plan, car de nombreux pays, soit la Chine, la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays, ont indiqué que les ressources de l'Arctique seraient importantes pour leur avenir.

En toute logique, nous comprenons que le sujet doit être débattu, mais sommes-nous capables de mesurer réellement les conséquences qu'auront à subir nos sœurs et nos frères canadiens qui sont les gardiens du Nord depuis des millénaires?

Un comité comme celui qui est proposé nous permettrait d'examiner les problèmes actuels et nouveaux que les Inuits doivent affronter, notamment le réchauffement climatique, le développement économique et l'exploitation des ressources, les besoins en infrastructures ainsi que la nécessité de préserver malgré tout l'environnement fragile du Nord. C'est exactement le genre d'étude qui est la spécialité du Sénat.

Permettez-moi de citer les propos de Natan Obed, le président d'Inuit Tapiriit Kanatami, à l'occasion du symposium sur le 150e anniversaire du Canada qui s'est tenu la semaine dernière au Sénat. Voici ce qu'il a dit :

Nous devons aussi nous rappeler que les Inuits sont des Canadiens et que nos aspirations pour nous-mêmes et pour nos familles sont en même temps des aspirations pour l'ensemble des Canadiens. Il est typiquement canadien d'avoir un sentiment d'appartenance à la collectivité, d'être fier des services de santé universels et de se montrer amical et généreux. Malheureusement, la mosaïque que nous formons est pleine de trous. Je ne suis pas ici pour porter un jugement sur vous à ce sujet, mais je veux vous dire que nous existons encore et que nous voulons être vos partenaires pour créer un Canada meilleur et aider les populations qui en ont besoin. Il ne faut pas se contenter d'accepter la présence des Autochtones au Canada, mais il faut également respecter les droits et l'autonomie gouvernementale des Inuits.

Nous devons garder à l'esprit les paroles de M. Obed. Les Inuits sont des Canadiens, et ils forment une minorité au pays. Il est de notre devoir constitutionnel de défendre leurs intérêts et de tenter de réparer la « mosaïque pleine de trous » que nous formons.

(1710)

La création d'un tel comité spécial, qui serait dirigé par le sénateur Watt et composé de sénateurs qui connaissent et comprennent le Nord, serait une preuve de notre engagement envers les minorités autochtones et le peuple inuit. Cela montrerait aussi l'esprit de prévoyance du Sénat et sa capacité à produire des études approfondies sur ce qu'affrontent actuellement les peuples autochtones, les communautés inuites et, en fait, tous les Canadiens, à la suite des problèmes que j'ai soulevés tout à l'heure.

Je conclus en citant une dernière fois M. Obed, qui a dit ce qui suit :

Selon moi, de bonnes personnes, y compris de bons politiciens, peuvent réinventer la perception qu'un pays a de lui-même et la manière de modifier les lois, les politiques et les programmes en vue de favoriser le bien commun de notre peuple.

Nous avons l'occasion d'apporter des changements pour le bien commun, et c'est pourquoi j'appuie sans réserve la motion no 192 et prône son adoption rapide.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

Motion tendant à constituer un comité spécial sur le secteur de la bienfaisance—Ajournement du débat

L'honorable Terry M. Mercer, conformément au préavis donné le 7 mai 2017, 2017, propose :

Qu'un Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance soit formé pour examiner l'impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l'impact du secteur volontaire au Canada;

Que le comité soit composé de huit membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 28 septembre 2018, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 60 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur de prendre la parole aujourd'hui au sujet de cette motion tendant à créer un comité spécial pour se pencher sur la situation des organismes de bienfaisance, des organismes à but non lucratif et des bénévoles qui les appuient.

Comme j'ai été un spécialiste du financement pendant la majeure partie de ma vie, j'ai vu passer de bonnes et de moins bonnes réformes des politiques gouvernementales, mais j'ai toujours vu et je vois encore des bénévoles formidables.

Comme j'ai souvent parlé dans cette enceinte des organismes de bienfaisance, des organismes à but non lucratif et de l'importance des bénévoles, ce que je vais dire n'aura rien de nouveau pour certains d'entre vous. Cependant, j'espère que mon intervention vous aidera à comprendre l'importance de ce secteur pour le Canada, et qu'elle saura vous convaincre d'appuyer cette motion et cette étude.

Le secteur philanthropique occupe une place très importante dans ma vie. Qu'ils travaillent en coulisse ou aux premières lignes, tous les intervenants du secteur forment un ensemble si vaste et si diversifié que je crois qu'il est temps que nous nous penchions sur les politiques qui encadrent le travail des organismes de bienfaisance et des organismes à but non lucratif, et sur ce que nous pouvons faire pour attirer plus de bénévoles et pour appuyer les bénévoles actuels.

Je voudrais faire état du travail accompli par les sénateurs Eggleton et Tardif dans le cadre de l'initiative Caucus ouvert du Forum des sénateurs libéraux. Nous avons, en effet, eu une réunion très intéressante sur le secteur caritatif en février dernier.

Comme je réfléchissais depuis un certain temps déjà à l'idée d'un comité spécial, j'ai décidé qu'il était temps de déposer une motion au Sénat. J'espère que vous voudrez appuyer cette initiative.

Je crois que nous devrions aborder cette étude en examinant l'influence qu'exercent les bénévoles dans notre grand pays, en analysant les politiques et les lois qui régissent le fonctionnement des organismes à but non lucratif et des sociétés de bienfaisance et en explorant des idées novatrices pouvant entraîner des changements là où ils sont nécessaires.

Les sociétés de bénévole et les organismes à but non lucratif ne peuvent pas exister sans bénévoles. Pouvez-vous concevoir un service de livraison de repas à des aînés ou l'organisation d'une campagne politique en l'absence de bénévoles?

Imaginez en même temps un volontaire qui se présente pour faire des appels liés au traitement de personnes atteintes de cancer ou pour trier des conserves dans une banque alimentaire et qui trouve des locaux fermés parce que son organisme n'avait pas de quoi payer l'électricité.

Les bénévoles sont évidemment le pilier des sociétés de bienfaisance et des organismes à but non lucratif partout au Canada et dans le monde. En fait, le secteur philanthropique compte sur plus de 2 milliards d'heures de bénévolat, ce qui représente l'équivalent de plus d'un million d'emplois à plein temps au Canada. Comme vous avez déjà eu connaissance de ces statistiques, vous comprenez sans doute pourquoi il est important de les répéter.

Le secteur philanthropique emploie plus de 2 millions de Canadiens et a une influence sensible sur notre économie. Il représente plus de 6 p. 100 de notre PIB. Il y a cependant une tendance à la baisse dans le nombre de personnes qui offrent bénévolement leur temps et leur argent afin d'aider des organismes qui défendent une bonne cause.

D'après l'Enquête sociale générale : dons, bénévolat et participation, 2013 de Statistique Canada, 12,7 millions de Canadiens, représentant 44 p. 100 des personnes âgées de 15 ans et plus, ont participé à une forme ou une autre de travail bénévole. C'est une baisse par rapport au sommet de 47 p. 100 enregistré en 2010, qui avait suivi de légères augmentations entre 2004 et 2010.

Le nombre total de bénévoles a baissé en 2013 par rapport à 2010, s'étant élevé respectivement à 12,7 et 13,2 millions. Autrement dit, il y a eu une diminution de 4 p. 100 du nombre total de bénévoles au Canada. Toutefois, la population des personnes âgées de 15 ans et plus a augmenté d'environ 1 million pendant la même période.

La contribution des bénévoles s'est élevée en moyenne à 154 heures en 2013. Le nombre était le même en 2010, mais il était en baisse par rapport aux 168 heures enregistrées en 2004.

Pourquoi cette baisse? Les chiffres continueront-ils à diminuer? Personnellement, j'aimerais bien le savoir.

Le rapport du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, paru en 2009, recommandait qu'une autre étude soit entreprise par un comité spécial afin d'examiner l'impact du secteur bénévole au Canada. Le Forum des sénateurs libéraux a récemment organisé un caucus ouvert sur les sociétés de bienfaisance, au cours duquel la même idée a été reprise.

Le secteur philanthropique canadien a besoin d'un examen complet. Nous devons mieux comprendre le secteur et encourager davantage de gens à lui offrir du temps et de l'argent. Nous devons poser les bonnes questions afin de déterminer si le secteur doit continuer à fournir aux familles et à nos collectivités des services dont elles ont grandement besoin.

Honorables sénateurs, vous auriez sans doute de la difficulté à trouver une seule personne au Canada qui n'ait pas été touchée, d'une façon ou d'une autre, par une société de bienfaisance ou un organisme à but non lucratif.

La principale mesure législative qui régit ces organismes est la fameuse Loi de l'impôt sur le revenu. Cette loi prévoit les modalités d'enregistrement des organismes de bienfaisance, processus qui permet à ces organismes d'échapper à l'impôt sur le revenu et aux donateurs d'obtenir des crédits d'impôt ou des allégements du même ordre.

Les dispositions de base de la Loi de l'impôt sur le revenu relatives aux organismes de bienfaisance remontent aux années 1960. Dans les premiers temps du régime, quelque 35 000 organismes de bienfaisance ont été enregistrés. Aujourd'hui, nous avons au Canada plus de 170 000 sociétés de bienfaisance et organismes à but non lucratif, dont 85 000 sont des organismes enregistrés reconnus par l'Agence du revenu du Canada.

Aucune étude approfondie n'a été réalisée pour déterminer si les lois et les politiques régissant ces organismes sont adéquates.

Les organismes de bienfaisance et les organismes à but non lucratif offrent des services et des programmes là où d'autres — et particulièrement le gouvernement — n'en offrent pas.

Aujourd'hui, les organismes de bienfaisance cherchent de nouveaux moyens de financer leurs activités et les services qu'ils offrent aux Canadiens. Il ne s'agit pas seulement de crédits d'impôt et d'autres allégements fiscaux. Il s'agit de tout un secteur, allant des bénévoles aux chefs de direction. Je crois très honnêtement que nous avons besoin de ce comité spécial, et que nous en avons besoin maintenant.

(1720)

Honorables sénateurs, je me suis posé les questions suivantes en réfléchissant à ce que nous pouvions faire dans ce genre d'étude. Posez-vous les mêmes questions. La liste est longue, mais vous noterez que les questions sont toutes très importantes.

Comment pouvons-nous moderniser les secteurs des organismes à but non lucratif et des sociétés de bienfaisance au Canada? Pourquoi avons-nous besoin de bénévoles et de dons? Qu'est-ce qui amène une personne à faire don de son temps ou de son argent? Quelle influence l'âge a-t-il sur le bénévolat et la bienfaisance? Quelle influence la situation socioéconomique ou la géographie ont-elles sur le bénévolat et la bienfaisance? Quelle influence ont le sexe, la culture et la langue? Que pouvons-nous faire pour encourager davantage le bénévolat et la bienfaisance et quelles formes d'encouragements sont efficaces? Dans quels domaines avons-nous besoin de plus de bénévoles et de dons? Quels facteurs empêchent les gens de faire don de leur temps ou de leur argent? Dans quelle mesure les crédits d'impôt actuels sont-ils efficaces? De quelle façon faudrait-il les actualiser? Quelle est l'influence de la Loi de l'impôt sur le revenu sur les sociétés de bienfaisance, les organismes à but non lucratif et les bénévoles? Quelles idées a-t-on essayées dans le passé? Qu'est-ce qui continue à bien fonctionner? Qu'est-ce qui ne fonctionne pas?

Quand on examine la gouvernance du secteur philanthropique, dans quelle mesure les politiques mises en œuvre sont-elles efficaces? Le processus est-il transparent? Les gens font-ils confiance aux sociétés de bienfaisance? Dans quelle mesure le comportement des organismes à but non lucratif est-il conforme à l'éthique? Les bénévoles reçoivent-ils une formation suffisante pour respecter les règlements? Comment les sociétés de bienfaisance font-elles pour recueillir de l'argent et encourager le bénévolat? De quelle façon cela a-t-il changé à l'ère numérique? Quel est l'effet de la taille de l'organisme de bienfaisance sur ses efforts de collecte et sur la participation des bénévoles? Comment les organismes de bienfaisance sont-ils réglementés? Y a-t-il des obstacles à leur succès au niveau provincial, au niveau fédéral ou aux deux? Comment les ministères et organismes gouvernementaux réagissent-ils aux organismes de bienfaisance?

On pourrait en parler encore longtemps car, vous l'avez compris, bien des questions demeurent sans réponse et seront certainement posées au cours de cette étude.

Il y a un autre point à aborder, cependant, et c'est la question de savoir qui seront nos interlocuteurs? Il conviendrait bien sûr de dialoguer avec les représentants des gouvernements fédéral et provinciaux. Il faudrait aussi avoir l'avis des organisations à but non lucratif et des organismes de bienfaisance qui s'occupent d'une large gamme de services dans divers domaines : la santé, l'environnement, les hôpitaux, l'aide et le développement internationaux, les sciences, les services sociaux, les arts, les services récréatifs et le sport et, bien sûr, la politique.

D'autres organisations représentent des organismes à but non lucratif et de bienfaisance, dont l'Association of Fundraising Professionals Foundation for Philanthropy du Canada, Imagine Canada, la fondation Muttart, tous les bureaux de Centraide et bien d'autres.

Honorables sénateurs, j'ai gardé les meilleurs témoins pour la fin, je veux parler des bénévoles. Des organismes tels que Bénévoles Canada appuient les personnes qui font du bénévolat dans leur travail et apporteraient une contribution inestimable aux travaux du comité spécial.

Quant au comité lui-même, je reconnais qu'il est très occupé et que le temps réservé aux audiences est limité à certains jours et à certaines heures. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé qu'il soit composé d'un maximum de huit sénateurs qui représenteraient les différentes régions du pays et les trois groupes qui siègent au Sénat, et qui serait idéalement composé d'un nombre égal de femmes et d'hommes.

Si le cadre de l'étude est prêt — il le sera peut-être cet automne —, nous pourrions avoir un an devant nous et rendre compte de nos travaux d'ici la fin septembre 2018. J'espère que tout cela sera approuvé avant la fin des travaux en juin. Nous aurions alors l'été pour faire certaines choses et pour que le comité amorce ses travaux, ne serait-ce que par téléconférence.

Cela représente-t-il assez de temps pour réaliser une telle étude? Il faudra peut-être demander plus de temps vers la fin, mais cela reste à déterminer.

Il est aussi important de mentionner quand les réunions auront lieu. Pour beaucoup de nos nouveaux collègues, ce sera l'un des premiers comités spéciaux depuis leur arrivée. Certaines réunions auront probablement lieu les jeudis soirs, comme il n'y a habituellement pas de séances du comité à ce moment, ou les vendredis matins, ou peut-être même les lundis soirs. Je n'aime pas lorsque les réunions ont lieu le lundi soir, car il est alors difficile pour certaines personnes, particulièrement celles qui viennent de l'Ouest du Canada, d'être ici à temps, mais nous trouverions une solution. Les réunions auront sans doute lieu durant différentes semaines de relâche, et nous ne ferions pas des semaines complètes.

J'essaie d'être bien honnête avec nos nouveaux collègues afin de leur montrer ce à quoi s'engagent les personnes qui deviennent membres du comité — la sénatrice Cordy et moi siégions au Comité spécial sur le vieillissement, et nous avons dû nous engager à libérer du temps pour cela.

Bien que ce ne soit pas idéal pour certains, nous devons penser à l'importance du travail de ce comité pour les bénévoles et les organismes qui jouent un rôle essentiel dans le tissu de la société canadienne.

Honorables sénateurs, j'espère que cela a donné matière à réflexion et que vous appuierez la motion avec enthousiasme. Le bénévolat fait partie intégrante de la culture canadienne. Notre société ne fonctionnerait pas aussi bien sans l'existence des secteurs des organismes sans but lucratif et de bienfaisance.

Prendre le temps de comprendre qui fait du bénévolat et pour qui travaillent les bénévoles nous permettra de mieux comprendre les dossiers qui tiennent à cœur aux Canadiens. En comprenant comment les organisations à but non lucratif et les organismes de bienfaisance fonctionnent à l'intérieur du cadre actuel, nous comprendrons mieux comment mettre les politiques à jour pour aider ces organismes à fournir aux Canadiens des services absolument indispensables.

J'aimerais mentionner une dernière chose, honorables sénateurs. Nous avons tous eu l'occasion d'interagir avec des bénévoles, des dizaines de milliers de bénévoles partout au pays, soit avec des partis politiques, soit pour des causes qui nous tiennent à cœur. Il ne faut pas oublier que ce sont des bénévoles et nous devrions les remercier de leur participation le plus possible. Nous continuons tous aussi, je l'espère, à faire du bénévolat pour les causes qui nous sont chères.

Les gens donnent de leur temps et de leur argent et les organismes sans but lucratif ou caritatifs fournissent des services d'une valeur inestimable pour nos collectivités. Essayons de voir ce que nous pouvons faire pour les aider.

L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Mercer de cette initiative importante et fort à propos. Il se soucie beaucoup des bénévoles. Je comprends cela. Ils sont, dans une large mesure, au cœur du secteur des organismes de prestation de services. J'aimerais toutefois qu'il nous parle aussi des gens qui travaillent dans le secteur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous posez une question ou vous participez au débat?

La sénatrice Omidvar : Je pose une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps de parole du sénateur Mercer est écoulé.

Demandez-vous plus de temps, sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Oui, quelques minutes pour répondre à une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Omidvar : Avez-vous pensé aux professionnels et aux semi-professionnels du secteur qui travaillent eux aussi de longues heures, parfois dans des conditions difficiles, et qui ne sont pas bien rémunérés?

Le sénateur Mercer : Bien entendu, étant donné que je suis un de ces professionnels qui a travaillé de longues heures pour nombre d'organismes caritatifs au fil des ans. Je pense qu'il y a des groupes et des personnes parmi eux que nous devrions consulter.

Dans le cadre de ma préparation, j'ai pris la peine de consulter des personnes très intéressées par le secteur. Nous avons tous reçu une lettre d'un certain Don Johnson, de Toronto, qui travaille à la Banque de Montréal et qui est très intéressé par la question de la politique fiscale. Lorsque je suis allé à Toronto il y a quelques semaines avec le Comité des transports, je suis allé prendre un café avec Don et je lui ai expliqué mon objectif. Il était d'accord avec l'idée. J'aimerais consulter des personnes comme lui; il n'est pas un professionnel du secteur, mais il est un professionnel en ce sens qu'il recueille beaucoup d'argent en tant que bénévole.

En effet, nous aimerions consulter des organismes comme l'Association of Fundraising Professionals, ainsi que des gens du secteur de la santé. Il existe des groupes de professionnels de la philanthropie qui travaillent dans des hôpitaux et ailleurs. Nous aimerions leur parler et entendre leurs opinions.

Il est important de parler non seulement aux professionnels, mais aussi aux gens de qui ils relèvent, aux bénévoles de leur conseil d'administration, aux bailleurs de fonds tels que les fondations, et ainsi de suite. J'ai mentionné une fondation, la fondation Muttart, pendant mon discours. Nous souhaitons ajouter des dizaines d'autres noms à la liste des excellentes fondations qui, partout au pays, fournissent des sommes remarquables pour financer de bonnes initiatives.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

(1730)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Denise Batters, conformément au préavis donné le 31 mai 2017, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport final sur les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada, durant la période allant du 7 au 21 juin 2017, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de déposer son rapport sur les rapports du directeur général des élections sur la quarante-deuxième élection générale auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Denise Batters, conformément au préavis donné le 31 mai 2017, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport final sur les rapports du directeur général des élections sur la 42e élection générale du 19 octobre 2015 et les questions connexes relatives à la façon dont Élections Canada a dirigé l'élection, durant la période allant du 5 au 15 juin 2017, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 5 juin 2017, à 18 h 30.)

 
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