Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 189
Le jeudi 22 mars 2018
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Les rapports sur le cannabis
- Le Budget des dépenses de 2017-2018
- Le Budget des dépenses de 2018-2019
- Projet de loi sur la Journée internationale de la langue maternelle
- ParlAmericas
- Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
- Le Sommet annuel de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, tenu du 23 au 27 juillet 2017—Dépôt du rapport
- La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 29 juillet au 2 août 2017—Dépôt du rapport
- Les rencontres au Congrès américain, tenues du 27 au 29 novembre 2017—Dépôt du rapport
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Décision de la présidence
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur le cannabis
- La Loi canadienne sur les sociétés par actions
- La Loi canadienne sur les coopératives
- La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif
- La Loi sur la concurrence
- Le Sénat
- L’ajournement
- Les travaux du Sénat
- Affaires étrangères et commerce international
- Pêches et océans
- Droits de la personne
- Affaires sociales, sciences et technologie
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Décision de la présidence
LE SÉNAT
Le jeudi 22 mars 2018
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le festival de Norouz
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je suis ravie d’être de retour.
Honorables sénateurs, hier, nos concitoyens musulmans ismaéliens et musulmans d’Iran, d’Asie centrale, de Syrie et d’autres communautés au Canada ont célébré le festival de Norouz. Cette célébration marque le début de la nouvelle année et le premier jour du printemps. Plus généralement, elle représente le renouveau spirituel et la revitalisation physique et se veut également une occasion pour chacun d’exprimer sa gratitude pour les bienfaits reçus et d’envisager l’avenir avec espoir et optimisme.
Le 21 mars, le premier ministre Trudeau était au Centre ismaélien de Toronto pour célébrer Norouz. À cette occasion, il a parlé de la contribution de la communauté ismaélienne au Canada. La sincérité de ses propos a vraiment touché les membres de la communauté ismaélienne. La célébration de Norouz a eu lieu au Centre ismaélien de Toronto, qui fait partie du réseau des centres ismaéliens ― au même titre que ceux de Vancouver, de Londres, de Lisbonne, de Dubai et de Douchanbé ― dont les programmes stimulent l’intellect, favorisent le dialogue et célèbrent la diversité culturelle.
La diversité culturelle mise en évidence au centre de Toronto constitue un exemple de pluralisme en action et a donné un aperçu de ce qui se passe dans l’ensemble de la communauté canadienne. La célébration a permis à des Canadiens de différentes origines et cultures de se réunir pour honorer diverses traditions. C’est précisément ce pluralisme qui caractérise le Canada et en fait la force.
Honorables sénateurs, en conclusion, je cite le président Talib, du Conseil national ismaélien, qui a pris la parole hier lors de la célébration.
Au cours de son histoire, le Canada a été une terre fertile en possibilités. Il a encouragé des gens de tous les horizons à s’établir sur son territoire avec leur famille et leur a permis de bénéficier de la bonté et de la générosité caractéristiques du peuple canadien. Forts de nos valeurs communes de compassion, de pluralisme et de respect mutuel, nous avons prospéré.
Honorables sénateurs, je vous souhaite un joyeux Norouz et une bonne année.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Diane Bergeron et de Thomas Simpson, de l’Institut national canadien pour les aveugles. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Petitclerc.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’Institut national canadien pour les aveugles
Le centième anniversaire
L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, l’Institut national canadien pour les aveugles, l’INCA, célèbre ce mois-ci son 100e anniversaire.
Il vaut la peine de se rappeler les circonstances à l’origine de la fondation de l’INCA, un des organismes de bienfaisance les plus anciens au Canada.
[Français]
En 1917, l’explosion d’Halifax a enlevé la vue et causé de sérieuses lésions oculaires à 850 résidants de cette ville. Au même moment, le nombre de cas de cécité a augmenté avec le retour au pays d’anciens combattants de la Première Guerre mondiale qui ont perdu la vue au combat.
À cette époque, une personne aveugle faisait face à un avenir peu radieux et vivait inévitablement dans le chômage et la pauvreté.
C’est dans ce contexte, et surtout pour pallier ces difficultés socioéconomiques, que sept Canadiens, y compris des anciens combattants et des personnes aveugles, ont décidé d’établir des approches modernes pour aider les Canadiens en perte de vision. L’Institut national canadien pour les aveugles a ainsi été fondé le 31 mars 1918.
[Traduction]
Au cours de ses 100 ans d’existence, l’INCA a contribué à la réalisation de progrès considérables sur les plans des programmes, des services et des droits de la personne, dans l’intérêt des personnes qu’il sert, soit les enfants, les adolescents, les adultes et les aînés.
Cette année de célébrations sera l’occasion de souligner la dignité et les réalisations des personnes aveugles, ainsi que les difficultés auxquelles elles sont confrontées. L’INCA rendra hommage aux gens qui ont contribué et qui contribuent encore aujourd’hui à transformer la réalité des personnes aveugles.
Le monde change rapidement, les attitudes évoluent et la technologie est en voie de transformer toutes les façons dont nous vivons, travaillons, jouons et sommes branchés. Ces changements sont porteurs d’un grand potentiel et de beaucoup d’espoir pour les personnes aveugles, mais il reste encore de nombreux obstacles à surmonter.
À l’occasion de son 100e anniversaire, l’INCA envisage un avenir ambitieux pour les personnes aveugles au Canada. Je vous invite à vous joindre à moi pour souligner le dévouement et la contribution des nombreux Canadiens aveugles et des multiples personnes qui les soutiennent d’un bout à l’autre du pays. Parce qu’ils croient aux capacités et aux chances égales, ils se sont mobilisés pour créer l’avenir que les fondateurs de l’INCA avaient imaginé.
L’attestation exigée pour les emplois d’été
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, au cours des dernières semaines, j’ai reçu des dizaines de courriels et de témoignages personnels de la part de personnes craignant que leurs droits garantis par la Constitution ne soient violés. Ceux qui adressent une demande de subvention au programme Emplois d’été Canada pour l’année 2018 doivent signer une attestation disant que les emplois et le mandat de leur organisation respectent ce que l’on considère au Canada comme des droits de la personne, y compris les droits en matière de procréation. Les gens craignent à raison que, pour recevoir du financement destiné à d’importantes activités communautaires, ils ne soient obligés de renoncer à l’exercice de la liberté de croyance qui est inscrite dans la Constitution. Ils seraient privés de leur liberté de ne pas être du même avis que le gouvernement en matière de religion et de politique sociale ainsi que sur des questions de conscience.
S’ils veulent embaucher un étudiant, ils n’ont plus que deux choix désagréables : mentir dans le formulaire ou signer une attestation malgré leur désaccord. Tout cela, uniquement pour embaucher un étudiant pendant l’été.
Dans son entreprise de promotion de la vision personnelle et politique à laquelle il adhère, le gouvernement a oublié un élément essentiel : les Canadiens bénéficient de la liberté d’expression, de croyance et d’opinion que leur garantit la Charte. Autant une personne a l’obligation de respecter la loi, autant la Constitution lui donne le droit d’exprimer son opposition à cette loi.
Depuis que j’ai 17 ans, je milite pour la liberté de choix des femmes. J’ai ouvert le premier centre pour femmes à l’Université de Regina, il y a longtemps. Toutefois, la liberté de choix implique justement qu’on laisse les gens libres. Il ne me revient pas de choisir les droits garantis par la Charte et la Constitution qui doivent être respectés. Je n’insiste pas pour que les gens soient d’accord avec moi quand il s’agit de faire entendre leurs objections au Sénat. Je peux ne pas souscrire à une croyance tout en défendant le droit des autres d’y adhérer.
La vaste majorité des demandeurs ne participent pas à des activités politiques. Ce genre d’activités est certainement loin des préoccupations des musées, des centres communautaires et des organismes qui offrent des camps d’été. Qu’un demandeur soit pour ou contre l’avortement ne devrait pas être un critère qui entre en ligne de compte lorsqu’on doit décider de lui accorder ou non une subvention pour créer des emplois dans le domaine du canotage ou de la natation.
Voici ce que disait une des lettres que j’ai reçues :
Pour certains de ces enfants, la semaine qu’ils passent au camp sera la seule expérience positive de tout leur été.
(1340)
On y lit également ceci :
Selon moi, cette attestation va à l’encontre de notre liberté de religion et de notre liberté d’expression, alors que notre pays s’est justement bâti sur ces deux valeurs.
En punissant les organismes qui ne demandent rien d’autre que d’offrir un emploi d’été valorisant et de l’expérience professionnelle de grande valeur aux jeunes, on nuit à l’excellent travail qu’ils font pour la collectivité. Comme l’a dit la chroniqueuse du Star, Chantal Hébert :
En fait, les efforts que déploie le gouvernement pour forcer l’électorat à adopter la même vision policée de la société que lui risquent fort d’avoir exactement le résultat contraire.
Dans sa forme actuelle, c’est exactement ce que fera cette attestation : elle produira exactement le résultat contraire à ce qui en était attendu.
[Français]
Le décès de Dennis J. Furlong
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, ma déclaration ne sera pas facile à faire.
[Traduction]
Le 9 mars 2018, le Nouveau-Brunswick a perdu un homme d’exception. Il s’appelait Dennis. Dennis aimait raconter à qui voulait bien l’écouter les histoires de sa province d’origine, Terre-Neuve-et-Labrador, et les Néo-Brunswickois aimaient beaucoup écouter leur cher ami.
Pour nous qui l’avions adopté il y a 40 ans, il était le Dr Dennis Furlong, de Dalhousie, au Nouveau-Brunswick, mais, aux yeux de tous — Premières Nations, Acadiens, membres des minorités visibles, francophones, anglophones —, il était surtout « Dennis », comme il voulait lui-même se faire appeler. Avec l’accent typique de Terre-Neuve, il me disait : « Percy, mon gars, je m’appelle Dennis. »
Les Néo-Brunswickois ont perdu un modèle. Ses nombreuses réalisations lui ont valu le respect, ici comme ailleurs dans le monde. Je n’ai pas le temps de retracer tout son parcours, mais je tiens à faire connaître quelques-uns des hauts faits de Dennis aux honorables sénateurs.
En tant qu’ancien athlète, il a joué un rôle déterminant pour amener les Jeux d’hiver du Canada de 2003 au Nouveau-Brunswick, qui étaient d’ailleurs les premiers à avoir lieu dans une communauté mi’kmaq.
Dennis a servi à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick à titre de ministre de la Santé et de l’Éducation. Il a établi les fondements en vue de moderniser les systèmes de santé et d’éducation sous le premier ministre Bernard Lord.
Dennis a publié un livre intitulé Medicare Myths. Ces suggestions sont un produit de ses 50 années d’expérience à exercer la médecine.
Dennis, un homme d’affaires, a inventé un soulier de haute technologie pour la marche de vitesse. Il a également gagné une médaille d’or aux Jeux canadiens pour les personnes âgées à Vancouver.
Honorables sénateurs, on se souviendra de Denis comme d'une personne digne, extraordinaire, un homme attentionné, un mari, un père, un grand-père et une figure de proue dévouée dans sa collectivité.
À sa demande, Denis a eu une cérémonie mi’kmaq dans le centre communautaire des Premières Nations qu’il a défendu avec le leader de l’époque.
En terminant, je souhaite citer son fils Robin et son épouse Pierrette.
Robin a dit : « Si la réussite se mesure par le nombre de personnes présentes aujourd’hui, tu aurais gagné une autre médaille d’or. »
En s’adressant à ses enfants et à ses petits-enfants, Pierrette Arseneault Furlong a dit : « Votre père vivra à travers vous, vos enfants et vos petits-enfants. » De plus, elle a remercié les gens des Premières Nations d’Eel River Bar et leur a dit que son mari avait entendu le battement de leurs tambours.
Le Sénat du Canada souhaite à la famille Furlong ses sincères condoléances. Les sénateurs du Nouveau-Brunswick souhaitent dire :
[Français]
Dennis, notre ami, vous avez gagné vos épaulettes.
[Traduction]
Le décès de Larry Kwong
L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Larry Kwong, le premier Canadien d’origine chinoise et le premier joueur de hockey d’origine asiatique à jouer dans la Ligue nationale de hockey. Larry est décédé plus tôt cette semaine, le 20 mars, à l’âge de 94 ans.
Larry, ou « King Kwong », comme l’appelaient ses coéquipiers, est né le 17 juin 1923, à Vernon, en Colombie-Britannique. Il était l’avant-dernier d’une famille de 15 enfants, dont les parents avaient immigré au Canada de la Chine en quête d’une vie meilleure.
Larry a été attiré par le hockey et s’est distingué sur la glace dès son jeune âge. Il a fini par joindre les rangs des Smoke Eaters, une équipe à Trail, en Colombie-Britannique. Un des avantages d’être membre de l’équipe était que, étant donné leur succès sur la glace, les joueurs obtenaient des emplois bien rémunérés à la fonderie locale.
Contrairement à ses coéquipiers, même si Larry faisait partie de l’équipe, il n’a pas obtenu d’emploi — à cause de son ethnicité. Cependant, son vécu n’a pas dissuadé Larry de poursuivre d’autres objectifs, au hockey et dans la vie.
Peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, Larry a été repêché par les Rangers de New York après avoir joué pour l’équipe de hockey de l’armée canadienne, et il a décidé de signer un contrat avec leur club-école, les Rovers, en 1946.
Un jour, en mars 1948, Larry a reçu un appel de l’entraîneur en chef des Rangers, qui l’invitait à Montréal, au Québec, pour jouer contre les Canadiens de Montréal. Larry a joué durant la troisième période pendant à peine une minute avant d’être retiré de la glace, sans explication. C’était la première et la dernière fois qu’il allait jouer dans la LNH. C’est arrivé une année après l’abrogation de la Loi de l’immigration chinoise, qui avait interdit l’arrivée de pratiquement tous les immigrants chinois au Canada.
En sautant du banc sur la glace, par-dessus la bande, à la dernière période, Larry a aussi franchi une autre barrière qui n’est pas unique à la LNH. Cette barrière est celle qui continue d'empêcher les minorités de profiter des mêmes occasions que tout le monde à cause de leur apparence physique et de leur héritage culturel.
Bien que le moment historique de Larry n’ait duré qu’une minute, c’est cette minute qui a changé l’histoire de la LNH.
Sans des Canadiens comme Larry, qui non seulement franchissent les barrières, mais les font tomber, bon nombre d’entre nous ne seraient pas en cette Chambre aujourd’hui, moi compris.
La perte de Larry se fait profondément ressentir au sein de la communauté sino-canadienne. On n’oubliera ni sa résilience ni son charisme. Je demande à tous les sénateurs de se joindre à moi pour reconnaître l’héritage impérissable de Larry Kwong et offrir nos sincères condoléances à sa famille.
AFFAIRES COURANTES
Les rapports sur le cannabis
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour déposer, dans les deux langues officielles, les documents intitulés Le bien-être des enfants dans les pays riches : vue d’ensemble comparative, Prévalence et corrélats de la consommation de marijuana au Canada, 2012, et Déterminants sociaux de la santé et du bien-être chez les jeunes.
Ces documents sont ceux que j’ai mentionnés dans ma réponse à la question du sénateur Dean. Je sais, pour l’avoir entendu du sénateur Housakos, que l’on désirait que je dépose ces documents, et je suis heureux de le faire avec le consentement du Sénat.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le bien-être des enfants dans les pays riches : vue d’ensemble comparative—Dépôt d’un document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, Bien-être des enfants dans les pays riches : Vue d’ensemble comparative.
Prévalence et corrélats de la consommation de marijuana au Canada, 2012—Dépôt d’un document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, Prévalence et corrélats de la consommation de marijuana au Canada, 2012.
Déterminants sociaux de la santé et du bien-être chez les jeunes—Dépôt d’un document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, Déterminants sociaux de la santé et du bien-être chez les jeunes.
Le Budget des dépenses de 2017-2018
Le Budget supplémentaire des dépenses (C)—Dépôt du vingt-cinquième rapport du Comité des finances nationales
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Rapport final sur le Budget supplémentaire des dépenses (C) 2017-2018.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
Le Budget des dépenses de 2018-2019
Le Budget provisoire des dépenses—Dépôt du vingt-sixième rapport du Comité des finances nationales
L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le vingt-sixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales intitulé Rapport final sur le Budget provisoire des dépenses 2018-2019.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Mockler, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(1350)
Projet de loi sur la Journée internationale de la langue maternelle
Première lecture
L’honorable Mobina S. B. Jaffer dépose le projet de loi S-247, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
ParlAmericas
L’Assemblée plénière et la réunion du Conseil d’administration, tenues du 15 au 17 novembre 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la Section canadienne de ParlAmericas concernant sa participation à la 44e session du Conseil d’administration et à la 14e Assemblée plénière de ParlAmericas, tenues à Medellin, en Colombie, du 15 au 17 novembre 2017.
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
Le Sommet annuel de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, tenu du 23 au 27 juillet 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au 27e Sommet annuel de la Région économique du nord-ouest du Pacifique, tenu à Portland, en Oregon, aux États-Unis d’Amérique, du 23 au 27 juillet 2017.
La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 29 juillet au 2 août 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 71e réunion annuelle de la « Southern Legislative Conference » du « Council of State Governments », tenue à Biloxi, au Mississippi, aux États-Unis d’Amérique, du 29 juillet au 2 août 2017.
Les rencontres au Congrès américain, tenues du 27 au 29 novembre 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation aux rencontres avec des membres du Congrès américain, tenues à Washington, D.C., aux États-Unis d’Amérique, du 27 au 29 novembre 2017.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le revenu national
Le fractionnement du revenu
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur un rapport publié par le directeur parlementaire du budget le 8 mars, qui examine l’impact des récentes modifications fiscales sur le fractionnement du revenu. Les petites entreprises n’ont été mises au courant de la teneur de ces modifications que le 13 décembre, c’est-à-dire seulement deux semaines et demie avant leur entrée en vigueur le 1er janvier.
[Français]
Le directeur parlementaire du budget n’a pas été en mesure d’indiquer clairement quelles personnes seraient assujetties aux nouvelles règles, ce qui augure mal pour les petites entreprises qui auront, elles aussi, à le déterminer.
[Traduction]
Le directeur parlementaire du budget a présenté une série de scénarios possibles et a observé que les modifications fiscales coûteront probablement 586 millions de dollars aux entreprises locales, ce qui représente près du double des recettes prévues dans le budget déposé le mois dernier.
Le gouvernement va-t-il admettre que ces modifications ne font, en réalité, rien de plus qu’imposer une ponction fiscale aux entreprises locales et que cela ne fera qu’entraîner plus de confusion et plus de litiges?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. La réponse est non. Le gouvernement est d’avis qu’il est nécessaire de supprimer les échappatoires fiscales afin d’assurer l’équité fiscale. Les ajustements des mesures de répartition du revenu ont été faits dans cette optique-là. Ces mesures, comme le sait le sénateur, ont été mentionnées dans le budget et je m’attends à ce qu’elles soient incluses dans le projet de loi d’exécution du budget. J’attends avec intérêt le débat que nous tiendrons au Sénat à ce sujet.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur le leader. En réponse au rapport du directeur parlementaire du budget, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a affirmé que « les nouvelles règles vont demeurer un vrai fouillis pour les propriétaires de petites entreprises ».
Ce que je comprends en lisant cette citation est qu’il semblerait — pour en revenir à ma question d’origine — y avoir de la confusion et un manque de clarté en ce qui concerne leur exécution. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a également demandé au gouvernement de suivre le conseil du Comité sénatorial permanent des finances nationales, à savoir de retarder d’un an la mise en œuvre, conseil qu’il a toutefois déjà rejeté.
Bref, je me demande tout simplement pourquoi le gouvernement ne veut pas reconnaître qu’il veut imposer ce changement et que cette soi-disant équité fiscale n’est qu’un stratagème pour obliger les Canadiens et les entreprises locales à éponger les dépenses et l’énorme déficit du gouvernement.
Le sénateur Harder : Permettez-moi de vous rassurer encore une fois : ces mesures sont tout à fait conformes à l’objectif du gouvernement visant l’équité du système fiscal. Les mesures qui ont été annoncées par le ministre et qui figurent dans le budget prennent en compte d’une période de consultations, ainsi que du rapport du comité sénatorial. Le gouvernement est certain que les mesures proposées sont celles qui s’imposent pour assurer l’équité fiscale.
La santé
Les statistiques sur le cannabis—Les rapports déposés
L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Harder, je n’ai pas encore reçu de réponse à la question que j’ai posée le 15 février. Je vous demandais alors de vérifier la validité des données statistiques constamment utilisées par les ministres, par les sénateurs, par le parrain du projet de loi et même par le premier ministre il y a encore quelques heures, ainsi que par des hauts fonctionnaires qui témoignaient hier devant le Comité des affaires étrangères pour dire, évidemment, que les jeunes Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de marijuana au monde. Je le répète, à des fins de comparaison avec les données dont nous disposons, nous avons demandé aux responsables des Affaires étrangères de nous indiquer la source de ce rapport et la méthodologie utilisée. Ils ont patiné avec une telle adresse qu’ils méritent une médaille d’or.
Des ministres avaient déclaré que le rapport provenait de Justice Canada, qui a déclaré n’avoir rien à voir avec ce rapport et qui nous a renvoyés à Statistique Canada. Cet organisme nous a indiqué que cette statistique provenait d’un rapport de l’UNICEF. Hier, je crois, dans l’une des réponses que vous avez données, vous avez laissé entendre que le rapport avait été commandité ou établi par l’Organisation mondiale de la Santé. Donnant suite à mon intervention d’il y a quelques jours, le sénateur Dean, parrain du projet de loi, a cité un autre organisme et d’autres statistiques.
Vous comprendrez, sénateur Harder, que nous avons l’impression que le gouvernement choisit seulement ce qui lui plaît. Allez-vous dévoiler la source du rapport et la méthodologie utilisée? Surtout, ne croyez-vous pas que ce rapport aurait dû être déposé au Sénat ou, à vrai dire, à l’autre endroit d’entrée de jeu, lors de l’examen de cette mesure législative?
Il y a quelques semaines, Santé Canada — je crois — a annoncé la publication d’un autre rapport. Le ministère analyse maintenant les eaux usées au Canada. Ne croyez-vous pas que vous avez l’obligation de déposer ces rapports pour qu’on puisse les examiner adéquatement? Pourquoi le gouvernement du Canada analyse-t-il les eaux usées dans le cadre d’une mesure législative qui n’est pas encore entrée en vigueur et que vous voulez que nous adoptions au cours des prochains jours?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Tout à l’heure, pendant que le sénateur était absent, j’ai déposé les rapports en question.
Le sénateur Housakos : Je vous en suis reconnaissant. Je vais donc revenir une fois de plus à la prémisse de ma question, monsieur le leader du gouvernement.
Ne croyez-vous pas que les rapports auraient dû être rendus publics il y a déjà plusieurs mois, soit lorsque la Chambre des communes étudiait et mettait aux voix la mesure législative? Comment sommes-nous censés voter aujourd’hui sur une mesure législative si vous avez déposé les rapports et les statistiques qui la sous-tendent seulement aujourd’hui? Pourquoi ne les a-t-on pas déposés il y a deux mois?
Le sénateur Harder : Les rapports que j’ai mentionnés dans ma réponse d’hier sont des rapports publics. Dans certains cas, ils ont été publiés il y a quelques années. Hier, on m’a posé une question et, compte tenu de l’observation du sénateur qui me demandait si j’allais déposer les rapports, j’ai pris l’initiative de le faire. C’est avec grand plaisir que j’ai déposé les documents.
Le Conseil du Trésor
Les aménagements adaptés pour les Canadiens malvoyants
L’honorable Patricia Bovey : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Il s’agit d’une question que j’aurais posée au ministre Brison si nous en avions eu le temps l’autre jour. Ma question porte sur le budget de 2018 et la demande de l’Institut national canadien pour les aveugles pour qu’on maintienne le financement de 3 millions de dollars permettant de produire des documents imprimés sur des supports de substitution et de consulter les parties intéressées afin d’établir une stratégie à long terme en vue de produire de façon durable ces documents imprimés.
(1400)
Nous savons que les Canadiens atteints d’une déficience visuelle sont marginalisés dans notre société, qu’ils connaissent un taux de chômage parmi les plus élevés et se heurtent à des difficultés au quotidien.
On a fait l’éloge du budget de 2018 pour son caractère inclusif, avec raison dans l’ensemble. J’ai lu le mémoire prébudgétaire de l’INCA, dans lequel il demandait le maintien de ce financement, une demande à laquelle le gouvernement n’a pas accédé dans le budget présenté à l’autre endroit.
Je me demande si le ministre pourrait assurer au Sénat que ce financement d’une importance capitale sera rétabli, étant donné que la ministre Duncan avait annoncé un financement de 2,5 millions de dollars plutôt que de 3 millions de dollars le 10 mars dernier, bien que, d’après ce que j’ai lu, le ministère ne dispose pas des fonds requis pour appuyer ce travail qui permet d’aider les Canadiens atteints d’une déficience visuelle.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question et j’en prends bonne note.
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail
L’attestation exigée pour les emplois d’été
L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement et s’inscrit dans la suite de la déclaration que j’ai faite plus tôt cet après-midi au sujet de l’attestation exigée dans le cadre du programme Emplois d’été Canada. Je vous demanderais de porter ceci à l’attention du gouvernement.
Il y a deux éléments. Le gouvernement exige que, dans le cadre du programme Emplois d’été Canada, les demandeurs signent un formulaire pour confirmer qu’ils acceptent le point de vue bien précis du gouvernement en matière de droits de la personne et de droits liés à la procréation. A-t-il vérifié la constitutionnalité de cette exigence et, dans l’affirmative, pouvons-nous voir la décision du ministère de la Justice ou de l’avocat externe ou, encore, ce qui constituerait l’équivalent d’un énoncé concernant la Charte?
Ensuite, le gouvernement va-t-il revoir la formulation de l’attestation pour l’an prochain, de manière à permettre aux organismes de signer le formulaire en sachant qu’ils ne compromettent pas leurs libertés de conscience, de croyance et d’expression, des libertés fondamentales? La solution me semble simple : il suffirait d’indiquer que les organismes dont les activités premières comprennent des activités politiques partisanes ou des activités contraires ou portant atteinte aux droits de la personne prévus au Canada ne sont pas admissibles au financement. Il me semble qu’il aurait été plus simple de faire cela dès le départ.
J’espère sincèrement que, à l’avenir, le gouvernement comprendra que la diversité des opinions au Canada est importante et que les Canadiens ont le droit d’avoir une opinion qui diffère de celle du premier ministre et qu’il respectera, par conséquent, les droits des autres.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question et de son intervention. J’avais pris en note sa déclaration plus tôt afin de m’assurer qu’elle serait communiquée à la ministre et je transmettrai également la question. Je me ferai un plaisir de revenir avec des réponses.
Je peux assurer à tous les sénateurs que l’intention du gouvernement du Canada n’est pas de nuire au respect des libertés individuelles, bien au contraire.
L’assurance-emploi—Les travailleurs saisonniers
L’honorable Rose-May Poirier : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Dans le budget, le gouvernement a proposé un financement pour éliminer le trou noir des travailleurs saisonniers qui ont besoin de l’assurance-emploi pour joindre les deux bouts pendant la saison morte. Malgré cela, le gouvernement a, une fois de plus, présenté une solution de fortune et un énième projet pilote plutôt que de régler le problème de ce trou noir. Les familles qui étaient prises dans ce trou noir la semaine dernière le sont toujours aujourd’hui, malgré l’annonce du gouvernement.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement propose-t-il encore un projet pilote plutôt que de régler pour de bon le problème du trou noir des travailleurs saisonniers?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question.
En ce qui concerne les mesures prises par le gouvernement dans le budget concernant ce qu’on appelle le phénomène du trou noir, la solution sera décrite en détail et portée à l’attention du Sénat dans le cadre de la Loi d’exécution du budget.
Le gouvernement estime qu’il est nécessaire de mener à bien le projet pilote avant de mettre en place un autre programme de politique publique. J’ai hâte de participer à un débat plus approfondi sur la question lorsque nous débattrons le projet de loi.
La sénatrice Poirier : Non seulement le projet pilote est un projet à court terme, mais ce n’est pas tous les travailleurs saisonniers qui pourront en profiter. Si un travailleur saisonnier possède moins de deux ans d’expérience, il se retrouvera dans le trou noir puisqu’il sera inadmissible au projet. Comment pouvez-vous prétendre que c’est juste? Comme vous pouvez le constater, le trou noir est toujours bien présent.
Les travailleurs saisonniers méritent mieux de la part du gouvernement. Le gouvernement cessera-t-il de proposer des solutions de fortune et adaptera-t-il les programmes d’assurance-emploi aux réalités des travailleurs saisonniers, particulièrement dans le Canada rural?
Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie la sénatrice de sa question et je communiquerai son désir de voir le projet pilote devenir un programme à temps plein permanent et être adapté au programme d’assurance-emploi. Ce n’est pas le choix que le gouvernement a fait, mais je porterai ses opinions à l’attention du ministre concerné.
[Français]
Les services publics et l’approvisionnement
Le contrat accordé à Christopher Wylie
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Au cours des derniers jours, des usagers de Facebook ont appris avec stupeur que leurs données ont été utilisées, à leur insu, dans des campagnes électorales aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Par ailleurs, on apprend que l’architecte de ce système est un Canadien, Christopher Wylie, opérateur politique libéral et ancien employé des leaders parlementaires Stéphane Dion et Michael Ignatieff.
En 2016, Christopher Wylie a reçu du Bureau de recherche du caucus libéral un contrat de 100 000 $ payé à même les deniers publics et le budget du Parlement. Monsieur le leader, les Canadiens sont certainement en droit de savoir pourquoi ils ont versé 100 000 $ à cet individu. Quels services Christopher Wylie a-t-il rendus au caucus du gouvernement? Est-ce que monsieur le leader peut s’engager à rendre son contrat public?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il le sait sans doute, ces dépenses ne relèvent pas du gouvernement du Canada et leur déclaration ne fait pas partie de mes responsabilités.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le leader peut-il confirmer que le parti gouvernemental n’a pas eu accès aux données personnelles d’usagers de Facebook?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question et je m’efforcerai d’obtenir une réponse.
Le Bureau du Conseil privé
Le Comité externe d’examen des griefs militaires—Les postes vacants
L’honorable Paul E. McIntyre : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. J’aimerais revenir sur la question que j’ai posée l’an dernier au sujet des postes vacants au sein du Comité externe d’examen des griefs militaires.
En janvier dernier, soit environ huit mois après ma question au leader du gouvernement sur les postes vacants au sein du comité, le gouvernement a annoncé des nominations à certains de ces postes. Toutefois, comme on le sait, l’ancienne présidente intérimaire du comité, Mme Caroline Maynard, vient d’être nommée commissaire à l’information. Même si les gens avaient jusqu’au 23 novembre 2016 pour présenter leur candidature, le poste de vice-président à temps partiel n’a toujours pas été comblé.
Le leader du gouvernement pourrait-il s’informer et nous dire quand les postes de président et de vice-président du Comité externe d’examen des griefs militaires pourront être comblés?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et je me ferai un plaisir de me renseigner.
Le sénateur McIntyre : Le 11 mai 2017, j’ai demandé au leader du gouvernement s’il y avait des dossiers en attente de traitement au Comité externe d’examen des griefs militaires, car, dans le rapport annuel de 2016, le comité a constaté une forte augmentation du nombre de griefs qui lui sont soumis depuis quelques années.
Le leader du gouvernement a promis de répondre à ma question, mais je n’ai toujours pas reçu de réponse différée à ma question. Le leader du gouvernement pourrait-il y répondre?
Le sénateur Harder : Je le ferai avec plaisir. Je rappelle toutefois que, lorsque Mme Maynard est venue au Sénat, elle nous a parlé des dossiers en attente de traitement; elle a dit qu’elle en avait fait une priorité et qu’elle avait réussi à réduire l’arriéré. Quoi qu’il en soit, je me ferai un plaisir de me renseigner et de vous revenir là-dessus.
La sécurité publique
La cybersécurité
L’honorable Thanh Hai Ngo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Trois anciens directeurs de grandes agences du Canada chargées de la sécurité nationale, MM. Ward Elcock, John Adams et Richard Fadden, recommandent vivement au gouvernement fédéral de tenir compte de la mise en garde de la CIA, du FBI, de la National Security Agency et de l’Agence américaine de renseignement de la défense et de couper les liens avec Huawei, le géant chinois de la fabrication de matériel de télécommunications et de téléphones intelligents.
On a découvert que Huawei posait un risque pour la cybersécurité des consommateurs américains et que les téléphones intelligents et le matériel de réseau pouvaient servir à espionner sans être repéré, surtout avec la prochaine génération avancée de la technologie 5G.
Donc, pourquoi la Chine, un acteur malveillant dominant dans le domaine de l’information, est-elle en train de construire ce qui sera notre futur réseau Internet dépasse les Canadiens? Cette société d’État chinoise mène ses activités et prend de l’expansion dans le domaine de la technologie de cinquième génération au Canada sous l’œil vigilant de nos organismes de sécurité; or, le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, ne croit pas que la Chine fait peser une menace sur la cybersécurité au Canada.
(1410)
Pourquoi le ministre refuse-t-il de porter attention aux avertissements de trois anciens directeurs de la principale agence de sécurité du Canada et d’un ancien commissaire à la protection de la vie privée?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Comme il le sait, ce point a été signalé au ministre concerné, qui a fermement déclaré que le gouvernement du Canada attachait beaucoup d’importance aux préoccupations des anciens hauts fonctionnaires, ainsi qu’à la sécurité des infrastructures essentielles.
Le Centre de la sécurité des télécommunications, où travaillaient deux des personnes mentionnées, conseille et guide le gouvernement du Canada au sujet de la sécurité des technologies de l’information, ce qui comprend les fabricants de matériel qui font partie de la chaîne d’approvisionnement canadienne. Le CST s’emploie à trouver des solutions aux enjeux relatifs à la cybersécurité dans l’infrastructure des communications du Canada. Il fait un travail solide et fort respecté. Quand les professionnels qui y travaillent s’expriment, on les écoute attentivement.
De toute évidence, ce travail se fait en collaboration avec les entreprises de télécommunications et les vendeurs de matériel du Canada. Je tiens à souligner que le Centre de la sécurité des télécommunications et Sécurité publique Canada transmettent des conseils relatifs à la sécurité aux propriétaires et aux exploitants des infrastructures informatiques essentielles du Canada, afin qu’ils puissent, eux aussi, accroître la robustesse et la résilience des réseaux du secteur privé.
Le ministre a expliqué clairement, je tiens à le rappeler, que le gouvernement n’est pas en mesure d’offrir des commentaires sur les fournisseurs ou les produits d’une entreprise, mais que les Canadiens peuvent avoir l’assurance que le gouvernement surveille avec diligence les menaces à la sécurité et qu’il existe différentes mesures pour protéger les systèmes canadiens.
Le sénateur Ngo : M. Fadden, qui a déjà été directeur du SCRS et conseiller à la sécurité nationale du premier ministre Trudeau, a déclaré que Huawei n’était pas un partenaire de confiance pour l’avenir des réseaux de télécommunications du Canada. M. Fadden compte parmi les experts qui recommandent au gouvernement de réévaluer ses liens avec la Chine.
Pourquoi, alors, le gouvernement autorise-t-il toujours l’acquisition d’entreprises canadiennes par une société d’État chinoise qui relève d’un régime totalitaire? Elle pose une menace pour nos infrastructures et notre sécurité.
Le sénateur Harder : M. Fadden et les autres ont certainement droit à leur opinion. Le gouvernement prend très au sérieux leur avis professionnel, le dévouement dont ils ont fait preuve dans le cadre de leurs fonctions ainsi que les observations qu’ils font à l’extérieur de leur milieu de travail. Cependant, le gouvernement a également confiance en la capacité du CST, du ministère de la Sécurité publique du Canada et des autres services de renseignement canadiens de faire preuve de la vigilance nécessaire à l’égard des nouveaux enjeux en matière de cybersécurité.
[Français]
Les affaires étrangères et le commerce international
Les relations avec les États étrangers
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, le roi Philippe de Belgique et la reine Mathilde ont passé la semaine dernière au Canada. Ils étaient accompagnés de sept ministres, y compris le vice-premier ministre, de représentants des trois régions de la Belgique et de nombreux gens d’affaires. Ils sont venus au Canada, entre autres, pour nous remercier des sacrifices consentis par les soldats canadiens lors de la libération de la Belgique, en 1918.
Le premier ministre Trudeau a refusé de les rencontrer. Ce qui est encore plus insultant, c’est que, lors de la visite à Rideau Hall, on avait déployé le drapeau allemand, le pays dont le Canada a aidé la Belgique à se libérer.
Ces événements surviennent après les échecs retentissants du premier ministre en Chine et en Inde, et après qu’il ait rendu furieux nos partenaires, comme le Japon et l’Australie, en boudant un dîner officiel, et ce, au moment même où entre en vigueur le traité de libre-échange avec l’Europe, dans le cadre duquel la Belgique a joué un rôle pivot.
Sénateur Harder, que se passe-t-il avec notre politique étrangère? Est-ce de cette façon que le Canada montre qu’il « est de retour »?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : En réponse aux questions et aux sous-entendus dans l’intervention de l’honorable sénateur, j’aimerais simplement dire que, lors de sa visite, le roi de la Belgique a été reçu par notre gouverneure générale. Nombre de ministres ont participé à la table ronde et aux discussions organisées par la délégation officielle et par la délégation commerciale dans le cadre de cette visite, qui reflétait de façon importante les liens qui unissent le Canada et la Belgique, et que le gouvernement du Canada a beaucoup appréciée.
Le gouvernement a un programme très chargé sur la scène internationale. Je ne vais pas m’attarder sur tous les éléments du préambule à la question du sénateur, mais je vous assure que le gouvernement s’emploie très activement à faire avancer des dossiers, qu’il s’agisse de préserver l’intégrité de l’espace économique de l’Amérique du Nord, d’étendre nos relations commerciales dans le cadre de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe, ou de bâtir, dans le cadre du PTP, des relations commerciales sans précédent avec l’ensemble des pays de l’ANASE et de l’Asie.
ORDRE DU JOUR
Décision de la présidence
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur la question de privilège soulevée par la sénatrice Beyak le 26 février concernant la motion 302, qui a été proposée par la sénatrice Pate. Si elle est adoptée, cette motion donnerait instruction à l’administration du Sénat de cesser temporairement tout soutien du site Web de la sénatrice Beyak. De nombreux sénateurs ont participé au débat sur la question, et je les remercie de leurs interventions.
Durant le débat, les expressions « rappel au Règlement » et « question de privilège » ont parfois été utilisées de façon interchangeable. Il existe toutefois d’importantes différences entre les deux. La question de privilège découle d’allégations d’atteinte aux pouvoirs, droits ou immunités du Sénat, d’un comité ou d’un sénateur, ce que nous appelons le privilège parlementaire. Le rappel au Règlement, quant à lui, concerne strictement les questions de procédure, soit le fonctionnement interne du Sénat ou des comités, et il se produit dans les cas où il peut y avoir eu manquement au Règlement du Sénat, à la procédure établie ou aux pratiques habituelles.
Bien que les sénateurs soient protégés par le privilège pour leur permettre d’exercer leurs fonctions parlementaires, ils sont néanmoins assujettis au Règlement, aux procédures et aux pratiques, qui sont des expressions des privilèges parlementaires du Sénat lui-même, à savoir de gérer ses propres affaires internes et de contrôler ses délibérations. Dans l’exercice de ce droit, le Sénat a établi des procédures précises qui régissent la façon de traiter les questions de privilège, comme celle soulevée par la sénatrice Beyak. En tant que Président, mon rôle à ce stade du processus consiste uniquement à évaluer une violation alléguée à la lumière des exigences procédurales et à déterminer si la question de privilège est fondée à première vue. Je n’examine pas le fond de la plainte. Il revient au Sénat de se prononcer sur celle-ci, si la question, à la suite de la décision, passe à l’étape suivante.
Aux termes de l’article 13-2(1) du Règlement, la priorité n’est donnée à une question de privilège que si elle répond à quatre critères. Ces derniers doivent tous être remplis, et il est toujours utile que les sénateurs se basent sur ces quatre critères lorsqu’ils débattent d’une question de privilège. Cela peut aider le Président dans son évaluation.
Le premier critère exige que la question soit « soulevée à la première occasion ». Lorsque la question de privilège porte sur un préavis, comme dans le cas présent, il faut également tenir compte de l’article 4-11(2)a) du Règlement. Selon cet article, la question de privilège peut être soulevée « seulement au moment où l’affaire est appelée pour la première fois ». Le préavis de la motion 302 a été donné le 14 février. Celui-ci a été appelé à la séance suivante, soit celle du 15 février, et elle a été mise en délibération. La question de privilège de la sénatrice Beyak aurait donc dû être soulevée ce jour-là, au lieu de la soulever le 26 février.
Selon le deuxième critère, la question doit se rapporter « directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur ». Avant de traiter de ce critère en détail, soyons clair que je ne détermine pas si le site Web d’un sénateur est protégé par le privilège ou non. Je me limite simplement à considérer les effets qu’aurait l’adoption d’une telle position dans le cas actuel.
Le deuxième critère fait mention des privilèges du Sénat tout entier, de ses comités et de sénateurs individuels. Cela peut parfois créer des situations où il faut considérer la relation entre les privilèges de l’institution et ceux des individus. Le privilège parlementaire permet à chaque sénateur de contribuer entièrement et librement aux travaux du Sénat. Toutefois, comme il a été souligné dans une décision rendue le 24 février 2016, à laquelle le sénateur Pratte a fait référence :
Les privilèges dont nous jouissons à titre individuel ne sauraient l’emporter sur les privilèges du Sénat. Comme on peut le lire à la page 203 de la 24e édition de l’ouvrage d’Erskine May, « les membres d’une Chambre jouissent de privilèges individuels uniquement pour que la Chambre puisse s’acquitter collectivement de ses fonctions ».
Une observation semblable a été faite dans une décision rendue le 23 mai 2013, dans laquelle il était souligné que « … les droits et privilèges du Sénat comme tel l’emportent sur ceux des sénateurs, à titre individuel » et que le Sénat a le droit de régir ses affaires internes.
Les droits ou avantages d’un sénateur individuel peuvent donc être restreints par des décisions du Sénat. Comme c’est le cas en ce qui a trait à la motion 302, cela signifie que le Sénat a le droit prépondérant de décider comment gérer ses affaires internes, le droit de décider comment les honorables sénateurs peuvent utiliser les ressources y compris.
Cette analyse nous aide aussi lorsque nous considérons le troisième critère, selon lequel la question de privilège doit viser « à corriger une atteinte grave et sérieuse ». Dans une situation où il existe, potentiellement, une divergence entre les droits du Sénat et ceux d’un sénateur en particulier, le premier doit avoir priorité. Pour citer la décision du 24 février 2016 : « … ces privilèges existent dans l’intérêt de l’institution comme telle. Les décisions du Sénat ne peuvent enfreindre les privilèges de l’institution ».
Le quatrième critère précise que la question de privilège doit chercher « à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire ». Dans le cas de la motion 302, d’autres procédures existent. Notons entre autres le débat, les amendements, le renvoi au comité et, éventuellement, le rejet ou l’adoption de la motion. Si le Sénat adoptait ou rejetait la motion, il s’agirait d’une expression de son droit de gérer ses affaires internes et de décider de la façon dont ses ressources peuvent être utilisées.
Avant de conclure, honorables sénateurs, permettez-moi de souligner que les questions concernant le privilège peuvent être compliquées. J’invite donc tous les sénateurs à examiner le septième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement déposé au Sénat le 2 juin 2015, lequel donnait un aperçu détaillé du privilège au Canada.
Par suite de l’analyse des quatre critères, les exigences de l’article 13-2(1) du Règlement n’ont pas été remplies en l’espèce. Je dois donc conclure que la question de privilège n’est pas fondée à première vue. J’encourage toutefois les collègues à participer au débat sur la motion 302. De nombreux sénateurs ont exprimé des préoccupations concernant cette motion, et il s’agit manifestement d’une question d’un grand intérêt pour le Sénat. Je remercie tous les honorables sénateurs de leur attention et de leur intérêt à l’égard de cette importante question.
[Français]
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-45, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
[Traduction]
Projet de loi sur le cannabis
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dean, appuyée par l’honorable sénateur Forest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
L’honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
Avant de commencer mon discours, je tiens d’abord à remercier tous mes collègues de leurs efforts soutenus dans l’examen du projet de loi. Je souligne en particulier le travail de mon collègue du Comité des affaires sociales et parrain de la mesure législative, le sénateur Dean, ainsi que celui du porte-parole de l’opposition, le sénateur Carignan.
Un grand nombre de questions cruciales ont déjà été soulevées au Sénat. Cependant, rien n’est plus important que la santé et le bien-être des enfants. Dans le cadre de l’examen du projet de loi complexe dont nous sommes saisis, nous avons la responsabilité, en tant que sénateurs, d’obtenir des réponses satisfaisantes à certaines questions fondamentales suscitées par ce débat.
Le gouvernement a présenté trois affirmations à la population du Canada. Premièrement, les jeunes Canadiens fument plus de cannabis que les adolescents de partout ailleurs dans le monde. Deuxièmement, la situation s’aggrave. Troisièmement, la légalisation du cannabis, au moyen de la vente directe aux personnes de plus de 18 ans, est la seule et la meilleure solution au problème.
Les honorables sénateurs ont été nombreux à remettre en question l’exactitude de ces affirmations, et pour cause. Selon les statistiques mondiales complètes que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime a compilées, la consommation récente de cannabis d’au moins huit pays excède celle des adolescents canadiens de 15 et 16 ans. La dernière Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves, qui est une enquête nationale bisannuelle menée en partenariat avec Santé Canada, a révélé que la consommation de cannabis chez les adolescents de la 7e à la 12e année a décliné de façon constante, passant de 27 p. 100 en 2008 à 17 p. 100 en 2014.
Une étude transnationale examinée par des pairs, qui a été publiée dans le Journal de la Public Library of Science et menée pour comprendre les effets de la légalisation du cannabis sur les adolescents, a permis d’établir un lien entre la libéralisation du cannabis dans 38 pays et une augmentation de la fréquence de sa consommation chez les adolescents.
Malgré cela, le gouvernement a clairement fait comprendre qu’il ne déviera pas de la voie qu’il s’est fixée, peu importe les faits et en dépit du manque de connaissances et de données probantes. Nous devons donc nous assurer que le cadre décrit dans le projet de loi C-45 réduit au minimum les dommages associés à la légalisation du cannabis, surtout chez les enfants et les adolescents.
Les dangers que la consommation de cannabis présente pour la santé ont été bien recensés au Sénat. Le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le plus important hôpital en santé mentale et en toxicomanie du Canada, a affirmé sans équivoque que le cannabis n’est pas une substance inoffensive et que ses méfaits pour la santé augmentent avec l’intensité de sa consommation.
Nous savons que, bien que les adultes soient également sensibles aux effets nocifs du cannabis, le cerveau en développement des adolescents y est tout particulièrement sensible. La Société canadienne de pédiatrie affirme, quant à elle, que la consommation de marijuana chez les jeunes s’associe fortement à la dépendance au cannabis et à d’autres problèmes d’abus d’alcool et d’autres drogues, à l’adoption et au maintien du tabagisme, à l’augmentation des troubles de santé mentale, y compris la dépression, l’anxiété et la psychose, à une perturbation du développement neurologique et à un déclin cognitif ainsi qu’à une diminution de la performance scolaire et des réalisations au cours de la vie.
En outre, nous ne pouvons pas oublier que, lorsque nous parlons de la consommation de cannabis, nous parlons souvent de fumeurs. En effet, la vaste majorité du cannabis consommé au Canada est inhalé. Dans près de 90 p. 100 des cas, il est fumé sous la forme d’un joint, dans une pipe ou dans un bong.
Le professeur David Sweanor, un éminent expert en santé publique qui travaille à l’Université d’Ottawa, établit ce lien très clairement. Je le cite :
L’acte de fumer provoque une combustion. La combustion entraîne l’inhalation involontaire de produits chimiques nocifs dans les poumons. Même s’il existe des différences dans la façon dont une personne fume le tabac et celle dont elle fume le cannabis, par exemple la quantité fumée et la profondeur de l’inhalation, l’inhalation de fumée demeure une pratique particulièrement néfaste.
Si le gouvernement refuse de reconnaître que la légalisation seule ne contribuera pas à faire diminuer la prévalence de la consommation de cannabis chez les jeunes, nous devons nous demander en quoi la mesure législative dont nous débattons aujourd’hui remédie à ces effets néfastes connexes en particulier.
Honorables sénateurs, le fait est que certaines des dispositions du projet de loi C-45 vont carrément à l’encontre de l’objectif déclaré du gouvernement visant la réduction des dommages causés par la drogue, tout particulièrement en ce qui concerne nos enfants.
J’ai récemment dit craindre que la loi sur le cannabis ne redore le blason de la consommation de tabac et n'atténue le sentiment de risque associé à la consommation de cannabis.
Honorables sénateurs, quand je pense au travail indépendant et non partisan entrepris l’année dernière seulement dans cette enceinte à propos du projet de loi S-5, j’ai du mal à croire que, quelques mois plus tard seulement, nous nous retrouvions à débattre d’une mesure législative qui menace de compromettre les progrès que nous avons enregistrés.
(1430)
Autrement dit, le gouvernement aborde le cannabis et le tabac de deux manières complètement différentes, même si la ministre de la Santé est venue nous dire le contraire. Je laisse aux honorables sénateurs le soin de déterminer eux-mêmes pourquoi il en est ainsi, mais les faits ne mentent pas.
La réglementation sur le tabac vise à faire diminuer la consommation de ce produit dans le but de l’éliminer complètement un jour. La publicité du tabac est interdite sous quasiment toutes ses formes. Les emballages arborent des avertissements assortis d’images et, si le gouvernement ne revient pas sur l’engagement qu’il a pris avec le projet de loi S-5, ils devront bientôt être complètement neutres et tous identiques. Le tabac est lourdement taxé précisément dans le but de décourager les gens d’en consommer. La cigarette est interdite à l’intérieur de tous les endroits publics. Et cela fonctionne. Un nombre record de Canadiens arrêtent de fumer. Il s’agit, en fait, d’un bel exemple de réussite en santé publique.
En 1980, un Canadien sur trois fumait la cigarette. Aujourd’hui, ils sont moins de un sur cinq. Quel contraste avec le plan que le gouvernement entend mettre en œuvre pour réglementer la marijuana, qui est moins restrictif que ce que son propre groupe de travail avait recommandé.
S’il est vrai que le projet de loi C-45 interdit la promotion du cannabis auprès des jeunes et qu’il empêche les fabricants de créer des emballages et des étiquettes susceptibles de leur plaire, les couleurs et les logos demeurent permis, et la porte est toujours ouverte à la publicité pour les adultes.
Le cannabis sera vendu à des prix prétendument concurrentiels, ce qui veut dire qu’un gramme coûtera beaucoup moins qu’un paquet de cigarettes. Plusieurs administrations ont déjà annoncé qu’elles songeaient à encadrer les salons de cannabis intérieurs.
Les personnes qui habitent dans un condominium ou un appartement se demandent si leur demeure ne sera pas envahie par l’odeur de fumée secondaire du cannabis.
Comme l’ont signalé les professionnels de la santé publique, l’approche proposée par le gouvernement concernant la promotion du cannabis est beaucoup plus proche de la réglementation touchant l’alcool. Or, cette approche n’a jamais réussi à protéger les adolescents, c’est-à-dire précisément la population que l'on tente ici de protéger.
Comme la réglementation varie énormément d’une province à l’autre, les fabricants d’alcool sont passés maître dans l’art d’exploiter les failles les plus évidentes. Dans certaines provinces, des publicités d’alcool sont installées sur des panneaux juste à côté des écoles. À la télévision, les enfants et les adolescents sont exposés régulièrement à toutes sortes de publicités alléchantes et, même si le fédéral s’est doté de règles comparables à celles que prévoit le projet de loi C-45, l’alcool se retrouve très souvent sur Facebook et les autres médias sociaux. Nous nous berçons d’illusions si nous croyons qu’il en ira différemment du cannabis.
Il n’est tout simplement pas réaliste de s’attendre à ce que d’autres organismes se chargent de réglementer le marché comme il se doit. Les producteurs de cannabis ont déjà profité de l’occasion pour se doter de leurs propres lignes directrices. Les codes à adhésion volontaire concernant la publicité et le marketing se sont toujours révélés propices à l’exploitation.
Si nous croyons vraiment que le projet de loi a pour but, comme le dit le gouvernement, d’imposer une réglementation stricte et de restreindre l’accès de manière à ce que les enfants ne consomment pas cette drogue, nous avons la responsabilité de tirer des leçons de notre expérience concernant l’alcool et le tabac et d’empêcher la promotion active des produits contenant de la marijuana parmi les jeunes avant qu’elle ne commence.
Je cite David Hammond, professeur de santé publique à l’Université de Waterloo :
Je n’arrive pas à concevoir qu’il puisse y avoir un avantage, sur le plan de la santé publique, à promouvoir ces produits […] Si les libéraux sont sérieux lorsqu’ils parlent de santé publique, ils devraient obliger les fabricants à employer des emballages neutres […] C’est un bon critère pour mesurer leur sincérité.
Évidemment, bien que le gouvernement prétende avoir présenté cette semaine des règles qui suffiraient pour assurer la neutralité des emballages, ces règles ne sont pas conformes aux normes de l’Organisation mondiale de la Santé sur les emballages neutres du tabac.
Toutefois, le marketing et la promotion ne représentent qu’un côté de l’équation. L’éducation et la recherche dans le domaine de la santé publique sont importantes, elles aussi. Dans ce cas également, il y a des leçons importantes à tirer de nos réussites passées.
Grâce à la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme, nous sommes parvenus à un taux de tabagisme plus bas que jamais. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement fédéral a consacré plus de 230 millions de dollars à la protection des Canadiens, en particulier les jeunes, contre les effets néfastes de l’usage du tabac. Les programmes mis en œuvre comprennent de grandes campagnes de sensibilisation du public pour que les enfants et les adolescents ne commencent pas à fumer, ainsi que des mesures pour aider les Canadiens à cesser de fumer et à se protéger contre la fumée secondaire.
La sensibilisation du public donne de bons résultats lorsqu’on s’y prend bien, mais le gouvernement actuel est déjà en retard à ce chapitre, avant même que la légalisation n’entre en vigueur. Au cours de la dernière année, nous avons entendu clairement des experts américains nous dire que des programmes de sensibilisation du public doivent être mis en œuvre aux endroits où l’on compte légaliser le cannabis et que ce doit être fait suffisamment à l’avance. Pourtant, même si l’on a souvent annoncé de l’argent pour de tels programmes, aucune campagne axée sur la santé publique n’a encore commencé.
Honorables sénateurs, les libéraux ont promis de légaliser le cannabis pendant la campagne électorale de 2015. Qu’ils aient attendu au bas mot presque trois ans pour agir au chapitre de la sensibilisation dépasse l’entendement.
Les études montrent que les adolescents sont moins nombreux aujourd’hui à penser que la consommation de cannabis peut poser de graves risques pour la santé. Pensons-y. Les adolescents sont moins nombreux aujourd’hui à penser que la consommation de cannabis peut poser de graves risques pour la santé. Si on ne mène pas sans tarder une campagne de sensibilisation soutenue, la légalisation du cannabis pourrait en banaliser la consommation.
Qui plus est, comme l’a fait remarquer l’Association médicale canadienne, le fait que le gouvernement régisse la provenance du cannabis qui est vendu donne l’impression que sa consommation ne pose pas de danger. Il est logique d’en déduire que cela ne fera que favoriser une augmentation de la consommation.
Nous savons ce qui doit être fait pour améliorer nos chances de réussir à réduire les méfaits : il faut adopter des mesures de sensibilisation de grande qualité, y compris des programmes de formation axés sur les compétences, des activités de marketing social et des campagnes médiatiques de masse. En plus de porter sur les risques généraux liés à la consommation de cannabis, le travail de sensibilisation devrait être axé sur ses méfaits chez les jeunes en particulier. Il ne faut pas fermer les yeux sur les risques que pose la consommation. Surtout, nous devons agir maintenant.
Le projet de légalisation du gouvernement est une source de discorde et l’avenir nous réserve une multitude de problèmes. Cela dit, pour l’instant, nous devons utiliser les outils à notre disposition pour protéger les Canadiens de tous les âges le mieux possible. Le dossier du tabac nous a permis de tirer des enseignements précieux sur la façon de limiter l’attrait d’une drogue dangereuse pour les jeunes. Des limites strictes doivent être imposées sur le marketing et la promotion, et les activités de sensibilisation doivent être exhaustives et de grande envergure.
Pour terminer, honorables sénateurs, j’aimerais dire ceci : on nous a répété à maintes reprises que le but premier du projet de loi C-45 était de réduire les méfaits. Si le gouvernement continue d’insister pour légaliser le cannabis à la seule fin de respecter ses engagements politiques, il nous incombe alors de veiller à ce que le cadre adopté permette effectivement de réduire les méfaits.
[Français]
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour joindre ma voix à celle de nombreux collègues de cette Chambre. Tout d’abord, je remercie le sénateur Dean d’avoir déployé autant d’énergie afin de partager avec nous des données pertinentes à notre réflexion.
Des statistiques de différentes sources fiables démontrent que le Canada est l’un des pays où la prévalence de la consommation de cannabis chez les jeunes âgés de moins de 20 ans est très élevée. Ainsi, je vais me prononcer sur les enjeux sociosanitaires liés à cette situation problématique.
Tout d’abord, il faut savoir que le corps humain fabrique ses propres cannabinoïdes, qui s’appellent endocannabinoïdes ou cannabinoïdes endogènes, puisqu’ils sont produits à l’intérieur de l’organisme. Ces substances jouent le rôle de messagers naturels. Elles transmettent les informations concernant l’état de l’organisme aussi bien au cerveau qu’à d’autres organes. Le système endocannabinoïde a pour but principal la régulation et le maintien d’un environnement stable à l’intérieur du corps humain. Il est responsable notamment de la régulation de l’appétit, de la coordination des mouvements, de la perception sensorielle et de la perception de la douleur.
Les principes actifs produits par la plante de marijuana sont aussi des cannabinoïdes. Ce sont des cannabinoïdes exogènes. Le THC en est l’un des plus importants. Il est responsable des effets psychotropes qui mènent à l’utilisation du cannabis à des fins récréatives.
Parmi la centaine d’autres cannabinoïdes qui peuvent être extraits de cette plante figurent le cannabidiol, ou CBD. Ce dernier est plus souvent utilisé en thérapeutique, puisqu’il ne provoque pas d’effet psychoactif. Le CBD suscite un grand intérêt dans le monde scientifique, compte tenu de son utilité dans la gestion de l’épilepsie, y compris chez les enfants. Des études intéressantes sont en cours à ce sujet.
Les deux types de cannabinoïdes — exogènes et endogènes — empruntent les mêmes voies cérébrales. Leurs modalités d’action sont différentes et mal connues. Le THC peut prendre leur place et y rester plusieurs heures, causant ainsi un déséquilibre dans le système endocannabinoïde.
(1440)
Le cannabis présente un intérêt thérapeutique croissant. Son action est reconnue par les experts en douleur chronique et en soins palliatifs. Les propriétés anti-inflammatoires et analgésiques du cannabis le rendent utile dans la gestion de la douleur chronique, la douleur neuropathique et les spasmes musculaires douloureux, qui se manifestent souvent dans la sclérose en plaques.
Il est également utilisé dans le contrôle des nausées et des vomissements secondaires à la chimiothérapie. Il peut aussi aider à stimuler l’appétit, notamment chez les patients atteints du sida. Les produits utilisés à cette fin thérapeutique sont aussi des cannabinoïdes. L’un d’entre eux est commercialisé sous forme de vaporisateur buccal, tandis que deux autres sont des cannabinoïdes synthétiques qui portent les noms de Nabilone et Dronabinol. Ils sont vendus en capsules avec des dosages bien définis. Ces produits ont reçu un avis de conformité de Santé Canada en raison des preuves d’efficacité clinique et peuvent être prescrits par les médecins.
D’ailleurs, une étude publiée dans The Journal of Pain en juin 2016 a démontré que l’usage du cannabis dans le contrôle de la douleur chronique était associé à une baisse de 64 p. 100 de l’usage des opioïdes.
Mes collègues qui travaillent dans le domaine de la douleur chronique m’ont fait remarquer que, pour les patients dont la douleur n’est pas suffisamment soulagée par les opioïdes, ils préféraient ajouter de petites doses de cannabis en diminuant simultanément les doses d’opioïdes. Cela contribue à éviter l’augmentation des doses d’opioïdes tout en prévenant les effets secondaires qui y sont associés.
Étant donné que, dans ce contexte, certaines personnes préfèrent fumer ou consommer de l’huile de cannabis, seul un petit groupe de médecins spécialisés sont autorisés à le prescrire de cette façon. De plus, pour les patients qui souhaitent y recourir, un formulaire d’exemption doit être rempli.
En outre, une étude publiée en 2014 dans le JAMA Internal Medicine note que le nombre de décès liés à la consommation d’opiacés a diminué de 33 p. 100 dans les 13 États où le cannabis est légal. Ces informations ont été recueillies au cours des six années qui ont suivi la légalisation du cannabis.
Parlons maintenant des effets délétères chez les jeunes. Les études scientifiques ont de plus en plus tendance à démontrer que la consommation de marijuana n’est peut-être pas aussi inoffensive que la croyance populaire le laisse entendre. Comme les neurones arrivent à pleine maturation vers l’âge de 25 ans, il est donc clair que le cerveau de l’adolescent demeure vulnérable face à l’action de ces drogues.
La marijuana peut donc être à l’origine de psychose, d’hallucinations, de délire paranoïde, du déclenchement de la schizophrénie, d’altérations de la cognition et de la dépendance. La Dre Romina Mizrahi, directrice de la clinique de prévention de la psychose chez les jeunes à Toronto, affirme que la consommation de marijuana double le risque de psychose chez les jeunes vulnérables aux problèmes de santé mentale. Cela est particulièrement vrai pour ceux dont un membre de la famille a des antécédents de psychose ou qui en ont eux-mêmes déjà été victimes. Toutefois, le cannabis peut susciter une psychose aiguë transitoire chez les adolescents, même s’ils n’ont pas d’antécédents de maladie mentale.
Par souci de clarté, j’établirai une différence entre un épisode psychotique et la schizophrénie. La psychose est une perte de contact temporaire avec la réalité qui peut être induite par une intoxication entraînée par une substance donnée, par l’alcool ou les drogues, ou peut être un indice de la présence de maladies mentales sous-jacentes comme la schizophrénie, le trouble bipolaire ou la dépression. Cependant, la psychose n’est pas un état permanent, elle se soigne, et la majorité des gens retrouvent une vie satisfaisante.
Pour sa part, la schizophrénie est une maladie du cerveau qui affecte la pensée, les sentiments et les émotions, tout comme les perceptions et les comportements des personnes qui en sont atteintes. Toutes ces fonctions ne sont cependant pas perturbées au même moment et dans la même mesure. De nombreuses personnes souffrant de schizophrénie peuvent avoir un comportement parfaitement normal pendant de longues périodes. La maladie se manifeste par des épisodes aigus de psychose, suivis de divers symptômes chroniques. Généralement, elle débute à la fin de l’adolescence et au début de la vie adulte, habituellement entre 15 et 30 ans. Cela coïncide malheureusement avec l’âge d’initiation à la consommation des drogues.
La littérature a souvent évoqué une prédisposition personnelle, une prédisposition génétique, un déséquilibre du métabolisme cérébral impliquant les neurotransmetteurs dopamine et glutamate, et des facteurs déclencheurs tels que des événements graves de la vie, le cannabis, et cetera. Cela met en lumière le fait que la relation entre cannabis et psychose n’est pas une simple relation de cause à effet. Néanmoins, les preuves restent importantes pour dire qu’une vulnérabilité préexistante à la psychose est un facteur très important qui influence le lien entre la consommation de cannabis et la psychose. À cela s’ajoutent d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte : la quantité ingérée, la concentration de la substance, la fréquence et le contexte environnemental de la consommation.
Récemment, l’une de mes collègues, qui est médecin de famille et qui travaille dans une clinique de toxicomanie, m’a répété qu’il faut mener une sérieuse investigation pour déterminer les raisons pour lesquelles les jeunes consomment du cannabis. En dehors du fait de l’identification à son groupe, certains jeunes avouent vouloir mieux se concentrer ou se sentir moins timides. Le médecin doit s’assurer de dépister des comorbidités comme un trouble de déficit de l’attention, une dépression ou une prédisposition à la schizophrénie. Ce sont tous des facteurs de vulnérabilité qui mettent les jeunes à risque de développer les effets délétères du cannabis. Pour un traitement réussi, il faut prendre en charge la comorbidité pendant que l’on gère la consommation de drogue.
Parallèlement à la théorie de la vulnérabilité du jeune, Reiman et Burnett, de la Drug Policy Alliance, soulèvent la théorie de l’automédication. Elle se traduit par la possibilité que ceux qui présentent des symptômes psychotiques commencent à se soigner avec du cannabis avant que la psychose ne soit formellement diagnostiquée. Ces auteurs sont sans équivoque quant au fait que ceux qui ont vécu une psychose sont plus susceptibles de fumer du cannabis. Dès lors, il est difficile de déterminer si c’est la psychose ou le cannabis qui est arrivé en premier.
Parmi d’autres effets aigus, on doit aussi penser aux symptômes de sevrage, comme l’irritabilité, l’anxiété et les troubles du sommeil lorsqu’on met fin à une forte consommation. Quand on parle de forte consommation, c’est une consommation quotidienne ou presque quotidienne pendant au moins quelques mois. Les symptômes de sevrage se manifestent de 24 heures à 72 heures après la dernière consommation et subsistent pendant une à deux semaines. Les troubles du sommeil peuvent persister jusqu’à un mois. En plus des effets aigus dont on vient de discuter, il y a des atteintes fonctionnelles telles que la diminution de la performance scolaire, l’absentéisme scolaire, la diminution de la participation aux activités, un désengagement envers les amis et des conflits familiaux.
Cependant, notons que ces atteintes à la cognition et à l’attention et des épisodes psychotiques sont aussi des manifestations de la consommation excessive d’alcool. Ces abus ont des conséquences graves pouvant aller jusqu’au coma éthylique et au décès. Un paramédical m’a confirmé qu’il est plus souvent appelé à intervenir dans des cas de psychoses alcooliques que de psychoses cannabinoïdes. D’ailleurs, en 1971, l’OMS a établi une classification des substances psychotropes en évaluant leur danger. L’alcool est au premier rang, la cocaïne, au deuxième rang, et le cannabis se retrouve au neuvième et dernier rang. Pourtant, l’alcool est une drogue légale, malgré sa nocivité. Ce sont des jeunes avec lesquels j’ai fait un groupe de discussion la semaine dernière qui m’ont transmis ce commentaire.
Honorables sénateurs, au-delà de notre position sur la légalisation de la marijuana, nous devons convenir de ces faits alarmants, tels qu’ils ont été mentionnés au début. Comment concilier tout ce qui précède avec le fait que les jeunes âgés de 12 à 17 ans pourront désormais se trouver en possession de 5 grammes de cannabis? D’après vous, quelles sont les raisons pour lesquelles un jeune choisit d’avoir en sa possession du cannabis? C’est pour le consommer ou pour en faire le trafic, tout simplement. Pour ma part, je croyais que la légalisation du cannabis visait à étouffer la majeure partie du marché noir, et non à le faciliter.
Ajoutons cela à la possibilité de cultiver la marijuana à la maison. Comment les parents se rendront-ils compte qu’il manque une ou deux cocottes de marijuana à l’un des quatre plants qu’ils possèdent? Que répondront-ils lorsque leur enfant de 12 ans leur proposera de procéder à la culture du cannabis en toute légalité? Ce n’est pas une substance banale, et les effets néfastes sur nos jeunes se feront ressentir sur l’ensemble de la société. Il est de notre devoir de la réglementer et d’en restreindre l’accès.
Afin de soutenir la culture de la marijuana à domicile, plusieurs personnes avancent que la production de vin est légale dans une résidence personnelle. À mon avis, nous ne pouvons tomber dans un argument aussi simpliste. Les étapes de production du vin s’avèrent plus laborieuses que la simple culture d’une plante. Effectivement, les différentes étapes de fabrication demandent un certain savoir-faire qui contribue efficacement à réduire la possibilité de produire du vin à des usages personnels.
Compte tenu des dangers liés à l’usage du cannabis, nous devons absolument nous doter d’une approche axée sur la santé publique. En particulier, nous devons retarder l’âge de l’initiation à la consommation de cannabis. Il nous faudra diminuer la fréquence de la consommation afin de réduire les problèmes de dépendance. De plus, nous devons faire en sorte que les non-consommateurs ne soient pas attirés par la consommation de cannabis en raison de sa légalisation.
(1450)
Pour y arriver, nous devons faire un effort collectif de mise en œuvre de programmes de sensibilisation et de prévention qui soient menés adéquatement et soutenus. Afin d’assurer la sécurité du public, ces mesures doivent être en synergie avec les différents types de communication qui seront retenus. À ce sujet, il faut non seulement considérer les médias traditionnels, mais aussi les médias numériques.
En outre, pour assurer une mise en œuvre efficace, il faudra prendre le temps nécessaire pour garantir une légalisation réussie. Après presque un siècle de prohibition, la population est en droit de s’attendre à une transition sans heurts. Les membres de nos communautés doivent avoir la chance de se préparer aux nouveaux défis auxquels ils seront confrontés.
Concentrons nos énergies sur l’éducation des jeunes, des parents et des familles, ainsi que sur la formation des personnes-ressources qui sera dispensée dans les milieux scolaires et communautaires. Il demeure essentiel d’informer les Canadiens sur la dépendance, sur la conduite avec les facultés affaiblies et sur la consommation.
Il nous faut aussi prévoir un cadre de gestion pour la régulation de la production, des points de vente, de la qualité et de l’innocuité du produit distribué sur le marché.
Nous devons impérativement investir dans la recherche. À la suite de la potentielle légalisation du cannabis, les déclarations de consommation seront faites aux chercheurs et aux professionnels de la santé avec plus de facilité. Cela leur permettra d’obtenir des données plus fiables. Ainsi, nous pourrons mieux connaître les effets du cannabis et nous serons en mesure de mieux l’utiliser et de prévoir les éventuels risques pour la santé.
Honorables sénateurs, la légalisation doit peut-être se faire, mais certainement pas à n’importe quel prix. Ainsi, profitons de ce momentum pour engager des discussions intensives et profitables au sein des différents comités sénatoriaux. Je vous remercie.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Mégie, acceptez-vous de répondre à une question de la sénatrice Galvez?
La sénatrice Mégie : Oui, avec plaisir.
L’honorable Rosa Galvez : Merci beaucoup de votre intéressant discours. En ma qualité de professeure, j’ai souvent vu des étudiants qui avaient de la difficulté à se concentrer et qui, après discussion, m’ont avoué avoir commencé à consommer du cannabis pour mieux se concentrer. Cependant, quelques mois plus tard, c’est presque l’effet contraire qui s’est produit. Lorsqu’ils me disent qu’ils ont ressenti de l’anxiété et de la peur, comme s’ils avaient fait un cauchemar éveillé, est-ce que cela correspond à un épisode psychotique?
Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps de parole de la sénatrice Mégie est écoulé.
Demandez-vous cinq minutes de plus, sénatrice?
La sénatrice Mégie : Oui, s’il vous plaît.
Selon la théorie de l’œuf et de la poule, ils ressentent souvent des symptômes qui ressemblent à de la gêne ou à un manque de concentration. Ce sont les mêmes symptômes que ceux du TDA, le trouble de déficit de l’attention.
Si l’étudiant avait été pris en charge au début par son médecin de famille, il n’aurait pas eu besoin d’avoir recours au cannabis. Parfois, aussi, ce peut être quelque chose d’aussi banal qu’une présentation orale devant la classe. Prenons une étudiante timide qui se sent bien après avoir fumé un joint. Que va-t-il se passer par la suite? Lors de la prochaine activité, elle consommera un autre joint et ce sera l’escalade de la consommation.
Le médecin qui s’occupe de cette personne doit pousser son enquête plus loin afin de savoir ce qui se cache derrière cela. S’il s’agit d’un trouble de l’attention et que le médecin le prend en charge, cela permettra de diminuer le risque que cette personne continue de consommer jusqu’au « bad trip ».
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Mégie, acceptez-vous de répondre à une question de la sénatrice Moncion?
La sénatrice Mégie : Oui, avec plaisir.
L’honorable Lucie Moncion : Dans votre discours, vous avez fait allusion à la consommation d’alcool en mentionnant que ses effets étaient encore plus nocifs que ceux du cannabis.
La sénatrice Mégie : Oui. Ils sont semblables, mais la consommation d’alcool peut mener au coma éthylique et au décès, comme c’est arrivé récemment au Québec. Avec la marijuana, la personne peut dormir pendant une semaine, mais elle n’en mourra pas, à moins qu’elle ait consommé de la marijuana mélangée à d’autres drogues dures.
À l’heure actuelle, étant donné que la consommation de cannabis est illégale, les consommateurs se procurent la drogue n’importe où sans en connaître le contenu.
La sénatrice Moncion : Sénatrice, je fais encore appel à votre expertise médicale. L’alcool est considéré comme étant un poison qui affecte différents organes comme le cœur, le foie ou les reins. La marijuana, quant à elle, est considérée comme étant un poison du cerveau. Cependant, est-ce qu’une personne peut faire une surdose de cannabis de la même manière qu’elle peut faire une surdose d’alcool?
La sénatrice Mégie : Les deux sont possibles. Une surdose d’alcool vous conduit à l’hôpital en delirium, alors qu’une surdose de cannabis vous conduit aussi à l’hôpital, mais en psychose.
[Traduction]
L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Vous avez mentionné dans votre discours que les effets du cannabis chez les jeunes qui sont touchés sont habituellement réversibles, ou juste réversibles, mais je connais personnellement des jeunes qui ont subi de graves lésions irréversibles au cerveau à cause de la consommation de cannabis. Je ne suis pas certaine de ce que vous entendiez par là.
[Français]
La sénatrice Mégie : Au moment où elle se produit, la psychose aiguë est transitoire, mais les détériorations plus profondes menant à la destruction des neurones, au décrochage scolaire et au manque de concentration peuvent perdurer. C’est différent. C’est la phase aiguë, la psychose, qui est transitoire.
La personne ne reste pas en psychose toute sa vie. Si c’est le cas, c’est un autre problème et ce n’est pas la marijuana.
[Traduction]
L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je tiens à me joindre au débat sur le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
Au cours de notre mandat au Sénat, nous avons le privilège d’examiner plusieurs projets de loi d’initiative ministérielle qui revêtent une grande importance.
Le fait d’avoir l’occasion de faire valoir notre point de vue sur des mesures législatives qui proposent d’apporter des changements radicaux à la politique publique du Canada, comme la loi sur le cannabis, est ce qui caractérise cette auguste enceinte, et je suis très heureux d’avoir cet honneur.
Je tiens tout d’abord à remercier notre collègue, le sénateur Dean, qui, à titre de parrain du projet de loi C-45, nous a incités et encouragés à examiner de façon éclairée et inclusive cette populaire initiative ministérielle.
[Français]
Comme plusieurs de mes collègues qui ont pris la parole avant moi, je pense à cette question depuis les dernières élections fédérales. L’étude du projet de loi sur la légalisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives est imposée devant cette Chambre, de toute urgence, par le gouvernement qui exerce des pressions considérables.
La consommation de marijuana est un sujet important dont j’ai une connaissance bien limitée. Cependant, j’ai écouté, je me suis informé et je me préoccupe vivement de certaines affirmations.
Je souhaite aujourd’hui exprimer mes doutes quant à l’intention de la mesure législative et ma vive préoccupation quant à l’incidence qu’elle aura sur les jeunes et leur santé et quant à ses répercussions sur les écoles et la perspective culturelle des collectivités concernant ce changement de paradigme.
Honorables sénateurs, dans le cadre de l’examen de la loi sur la légalisation du cannabis, nous devons nous attarder davantage aux risques que représente la légalisation de la consommation de marijuana à des fins récréatives pour les jeunes Canadiens.
(1500)
La légalisation de la marijuana a contribué à propager le mythe chez les jeunes que cette substance est inoffensive. L’incidence de la normalisation de la marijuana sur la santé des jeunes Canadiens et le développement de leur cerveau est sur le point de devenir évidente. À ce stade, les risques potentiels sont très élevés, car les adolescents ne connaissent pas les véritables effets de cette drogue. La recherche montre que l’adolescent moyen croit naïvement que la marijuana peut guérir le cancer, qu’elle est moins nocive que la cigarette, qu’elle peut renforcer le système immunitaire, qu’elle est inoffensive et qu’elle ne crée pas de dépendance.
Cette normalisation et le niveau de consommation de marijuana sont inquiétants, principalement parce que le cerveau des jeunes âgés de moins de 25 ans est toujours vulnérable. Il est essentiel que nous le comprenions, car la consommation régulière de marijuana aura des conséquences néfastes permanentes sur le développement du cerveau et, en particulier, sur le développement socioémotionnel des membres de ce groupe d’âge.
Selon la Société canadienne de psychologie, la consommation aiguë et chronique de cannabis affaiblit de façon constante l’apprentissage du langage oral, la mémoire et l’attention. Dans certains cas, les effets ne se dissipent pas après l’abandon du cannabis. Une gamme d’études démontre comment la consommation régulière ou intensive de cannabis à l’adolescence est liée à des résultats scolaires médiocres, à un plus faible revenu, à des tendances suicidaires, à une dépendance accrue à l’aide sociale et au chômage, et à une vie et à des relations moins satisfaisantes.
Selon des neuroscientifiques, une exposition élevée au THC peut causer des symptômes temporaires associés à la schizophrénie, comme la paranoïa, la déficience cognitive et même des crises psychotiques. Ces recherches nous rappellent que la marijuana est la drogue la plus souvent utilisée par les adolescents, même plus que la cigarette.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral propose de restreindre l’accès des jeunes à la marijuana et d’interdire aux personnes âgées de 12 à 17 ans d’avoir en leur possession ou de distribuer plus de cinq grammes de cannabis, aux termes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. La question demeure : comment cette mesure va-t-elle toucher les jeunes Canadiens?
Selon la National Library of Medicine des États-Unis, un joint pèse habituellement environ 0,4 gramme. Arrondissons ce chiffre à 0,5 gramme. Cela signifie que les 5 grammes que posséderait une personne mineure en toute légalité pourraient être transformés en un nombre total de 10 joints par jour.
J’arrondis cette quantité en nombre de joints pour montrer comment cette limite est plus que suffisante pour qu’un mineur, soit une personne âgée entre 12 et 17 ans, consomme suffisamment de marijuana tous les jours pour développer un grave problème lié au cannabis.
Honorables sénateurs, j’utilise cet exemple pour montrer que des jeunes seront plus susceptibles de développer une dépendance à la marijuana si ce projet de loi entre en vigueur.
En tout, environ 9 p. 100 des utilisateurs développent une dépendance à la marijuana et quelque 17 p. 100 des personnes qui commencent à consommer pendant l’adolescence deviennent dépendantes de cette substance.
Qu’on ne s’y trompe pas : les jeunes seront les premières victimes de ce projet de loi et de ses dispositions spécifiquement conçues pour garder le cannabis et les produits du cannabis hors de la portée des enfants.
Je m’inquiète du fait que le débat sur le projet de loi semble souscrire de façon tacite à l’idée que la marijuana ne crée pas de dépendance. Par conséquent, les jeunes ne croient toujours pas qu’ils courent de grands risques.
Même si la marijuana ne crée pas une aussi forte dépendance que l’alcool ou d’autres substances, je suis préoccupé par les motifs invoqués pour justifier l’existence du projet de loi, lequel semble encourager la consommation, bien que la recherche ait révélé les dangers associés à la marijuana.
Il y a un grand manque d’information au Canada au sujet des effets de la substance sur le développement du cerveau. Néanmoins, une chose est certaine : la marijuana crée une dépendance. Nous commençons maintenant à réaliser l’ampleur du problème de dépendance chez les jeunes.
Nous devons en tenir compte, parce que plus d’adolescents fument de la marijuana que des cigarettes.
Aux États-Unis, la marijuana est la principale cause de traitement de la toxicomanie chez les adolescents.
Selon le réseau de traitement de l’Arapahoe House au Colorado, le nombre d’adolescents admis en raison d’une dépendance à la marijuana au Colorado a augmenté de 66 p. 100 entre 2011 et 2014, ce qui correspond à la légalisation de la consommation de la marijuana à des fins récréatives.
Conformément au National Survey on Drug Use and Health, les personnes qui commencent à consommer de la marijuana avant l’âge de 18 ans sont quatre à sept fois plus susceptibles d’être atteintes d’un trouble lié à la consommation de marijuana que les adultes.
Honorables sénateurs, selon le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, la consommation de cannabis chez les élèves du secondaire est un phénomène national qui a des conséquences à long terme sur leur santé, leur motivation et leur avenir.
En tant qu’ancien enseignant, lorsque je lis cette recherche, je ne peux pas m’empêcher de penser que le projet de loi aura une incidence sur les jeunes élèves et les écoles.
Revenons encore une fois à la situation aux États-Unis. Un sondage mené en 2015 auprès de 95 policiers œuvrant dans les écoles montre que 90 p. 100 des répondants ont remarqué une hausse du nombre d’incidents liés à la marijuana dans leur école depuis que la drogue a été légalisée.
Selon un sondage semblable mené auprès de 188 conseillers scolaires, 69 p. 100 des répondants ont indiqué qu’ils ont constaté une hausse du nombre d’incidents liés à la marijuana dans leur école depuis que la drogue a été légalisée.
Je le répète : ces faits sont particulièrement importants, étant donné que les Canadiens de moins de 18 ans aiment beaucoup la marijuana. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, environ 26 000 adolescents de l’Ontario en consomment quotidiennement.
Selon l’UNICEF, en 2013, les jeunes Canadiens comptaient parmi les plus gros consommateurs de marijuana des 29 pays les plus riches au monde.
Le sénateur Harder a expliqué hier comment cette statistique fluctue au fil du temps. Cependant, les enquêtes effectuées au Canada illustrent régulièrement une tendance à l’échelle nationale à l’égard de la consommation de cannabis chez les jeunes qui demeure, globalement, alarmante.
Sans une sensibilisation accrue, la consommation de marijuana à des fins récréatives aura des répercussions sur leur rendement scolaire ainsi que sur leur vie sociale et professionnelle qui se feront sentir plus tard dans leur vie.
Honorables sénateurs, j’ai participé pendant l’année à plusieurs assemblées publiques dans des collectivités, partout au pays, afin de répondre à différentes craintes relativement à certaines politiques, notamment la légalisation prochaine de la marijuana, et de mieux comprendre leurs points de vue.
Les membres des collectivités que j’ai visitées à Montréal, à Toronto, à Edmonton, à Calgary et à Vancouver m’ont fait part de toute une série de doutes qu’ils entretiennent à propos de ce prochain changement.
Comme beaucoup de Canadiens naturalisés qui suivent le débat sur ce projet de loi, j’estime qu’il est absurde de légiférer sur la consommation de drogues à des fins récréatives.
Cette mesure législative n’a été bien accueillie par personne lors de ces assemblées publiques. Les membres de ces collectivités que j’ai rencontrés ont dit s’inquiéter grandement des effets sur la santé, et pour les jeunes.
Dans bon nombre de ces collectivités, la légalisation du cannabis est presque considérée comme une agression contre leurs jeunes et leur santé. Ils ont peur de voir de nouveaux magasins s’ouvrir, des voisins faire pousser leurs propres plants et leurs jeunes enfants avoir un accès plus facile à la drogue. L’ancienne génération s’est inquiétée de ce que cette drogue, qui est la plus couramment utilisée au Canada, ait déjà un impact sur la nouvelle génération et les néo-Canadiens.
Même si le projet de loi C-45 représente un sujet politique « brûlant » dans certains groupes, la position de la communauté asiatique au Canada face à la légalisation est mal connue, selon ce que j’ai pu observer.
(1510)
Il y a encore beaucoup de conscientisation à faire chez ces gens. Les problèmes de toxicomanie ont été très sous-estimés, voire niés en raison du stéréotype qui veut que les Canadiens d’origine asiatique forment une communauté modèle. Cette question devrait nous préoccuper parce que, d’après les données du recensement de 2016, les Canadiens d’origine asiatique représentent 17,7 p. 100 de la population canadienne. Grâce à l’immigration, ils figurent aussi parmi les groupes qui croissent le plus rapidement.
Il faut comprendre que les gens de cette communauté ne sont pas portés à demander de l’aide, surtout à cause des préjugés qui sont associés à la toxicomanie chez eux. Ces préjugés culturels font que bien des Canadiens d’origine asiatique ne sont pas encore prêts à discuter ouvertement de toxicomanie. Ils associent cette drogue à la folie, à l’irresponsabilité morale et au manque de discipline. La réaction des gens devant la toxicomanie et la consommation de marijuana dépend donc beaucoup de certaines caractéristiques culturelles, comme la honte, la peur de perdre la face et le désir de ne pas faire honte à sa famille. Parce qu’ils ont peur de perdre la face devant leur famille, les toxicomanes cherchent avant tout à régler leur problème par eux-mêmes. Le recours à des services professionnels ne se fait qu’en dernier ressort.
Sauf peut-être dans quelques grandes villes, les Canadiens d’origine asiatique n’ont pas accès à un ensemble des services de traitement de la toxicomanie adaptés à leur culture.
Honorables sénateurs, à mon avis, nous avons tous droit à notre opinion, mais nous ne pouvons pas travestir les faits. Il est indéniable que la légalisation de la marijuana présentera des risques pour la santé des jeunes et posera des problèmes aux écoles.
Le gouvernement a promis de consacrer 36,4 millions de dollars sur cinq ans à la sensibilisation de la population. Or, comme on le sait, le marché illégal du cannabis vaut environ 22,6 milliards de dollars. Il ne faut pas lésiner lorsqu’il est question de limiter les conséquences de la légalisation de la marijuana chez les jeunes. Les politiques actuelles envoient un signal dangereux à la population.
En légalisant la consommation récréative de ce produit dangereux, le gouvernement doit déployer tous les efforts pour s’assurer qu’une campagne de sensibilisation appropriée est en place à l’intention des jeunes Canadiens, qui continuent à être les plus grands consommateurs du monde.
Je ne peux pas appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle.
Nous assumons notre rôle de Chambre de second examen objectif. J’espère que les comités permanents étudieront les conséquences qu’aura ce projet de loi sur le bien-être des jeunes, et que les membres tiendront compte des obstacles contextuels pour les populations ethnoculturelles. J’ai hâte de connaître leurs conclusions à l’étape du rapport et de participer à ce débat. Je vous remercie.
L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables collègues, j’espère que je ne ferai pas comme le sénateur Baker qui, en se levant, disait : « Je ne dirai que quelques mots. »
Je souhaite dire seulement quelques mots, alors avertissez-moi si je m’éternise.
Je félicite tous les sénateurs ayant pris part à ce débat. C’est un exemple de ce que le Sénat a de meilleur à offrir, car la recherche a été effectuée de façon très exhaustive et de bien des nombreux points de vue.
J’avais préparé un texte avec mes constatations, mais je pense que la situation a été bien résumée. J’aborderai donc quelques points que je juge important de souligner et dont nous n’avons pas entendu beaucoup parler. Je me joins à tous les honorables sénateurs qui ont exprimé des préoccupations au sujet de ce projet de loi.
Une raison qui fait que ce projet de loi m’inquiète est que je crois que le gouvernement a le droit de présenter les mesures législatives qu’il veut, mais qu’il a la responsabilité, dans une société moderne comme le Canada, de présenter une stratégie, d’en évaluer le coût, d’en prévoir le calendrier et de s’assurer que la population est suffisamment informée pour être en mesure de tenir un débat éclairé et approfondi dans la collectivité.
Or, je crains fort que cela n’a pas été fait. Un parti a annoncé qu’il prendrait cette mesure dans son programme électoral. Plus tard, on a annoncé qu’on allait de l’avant, mais on a procédé sans plan d’ensemble, et je pense que ceux qui se sont exprimés et qui souhaitent modifier les dispositions législatives sur la marijuana ont participé jusqu’à un certain point. D’autres viennent de se manifester. Je m’ennuie du temps où nous avions des livres blancs et des livres verts et où les gens pouvaient réagir et s’exprimer.
Il y a certes peut-être eu des réunions d’intéressés et des groupes de discussion, mais je ne pense pas que les Canadiens ont été consultés à ce sujet, même si cela changera fondamentalement leur vie. C’est un point capital auquel nous serons un jour confrontés.
J’ai compris que la marijuana consommée à des fins médicales est déjà légale, mais nous allons maintenant la légaliser à des fins récréatives. La réglementation rendra le produit plus sûr. Peut-être bien, mais les gens à qui j’ai eu affaire par le passé sont les plus vulnérables. Je ne dirais pas qu’ils consomment de la drogue à des fins récréatives. Ils en consomment souvent par désespoir. Ce sont eux qui risquent de continuer de s’approvisionner dans la rue, parce que le marché noir ne disparaîtra pas, ou ils passeront à d’autres drogues ou à d’autres substituts.
J’ai très peu entendu le gouvernement ou d’autres parler de ce que nous allions faire pour les groupes les plus vulnérables, ceux que j’avais l’habitude de voir aux services sociaux, ceux que je vois dans la rue, ceux qui vivent dans l’indigence, ceux qui viennent et qui ont une vie qui ne correspond pas à leurs attentes.
J’espère donc que le gouvernement prête attention, parce que c’est important.
Le plus important, ce sont les enfants. Ce qui était illégal deviendra légal. Toutefois, pour l’heure, c’est illégal. Le gouvernement a une responsabilité, qu’il exerce par l’intermédiaire des tribunaux et des lois, mais, une fois le changement effectué, sa responsabilité portera sur la consommation et les conséquences, prévues et imprévues.
Le Canada a signé la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies. Nous nous sommes engagés à protéger la santé et le bien-être des enfants. Nous savons qu’un cerveau en développement est fragile. De nouvelles obligations incomberont au Canada. Il n’a pas beaucoup été question de services de soutien aux familles en crise.
Certes, on a trouvé des solutions aux problèmes causés par l’alcool, mais ce n’est que récemment, après quelques décennies, que nous avons compris les séquelles du syndrome d’alcoolisation fœtale chez les enfants. Il s’agit d’une condamnation à vie, non seulement pour les enfants touchés, mais aussi pour leur famille. La même chose pourrait se produire dans ce cas, selon les recherches qu’ont menées certains sénateurs très serviables. En réalité, nous ne connaissons pas pleinement les conséquences qu’entraîne la consommation de la marijuana. En adoptant le projet de loi, le gouvernement et la société se disent prêts à accepter la situation et à la surveiller. Les futures générations serviront de cobayes, sans qu’on fournisse les analyses et les appuis adéquats qui sont assortis de fonds. Le financement prévu pour l’alcoolisme peut sembler important, mais il ne l’est pas. La plus grande partie est redirigée au Trésor, et je trouve que c’est déplorable.
Tout le monde a parlé de sensibilisation. Au cours d’une séance du Comité des finances nationales, nous avons soulevé la question auprès du ministre des Finances du Manitoba, M. Friesen.
(1520)
Voici ce qu’il a dit le 8 décembre 2017 :
Si nous voulons bien faire les choses, il faut prendre le temps nécessaire. Je prie tous les Canadiens de me croire: des erreurs vont être commises. Quoi qu’il en soit, qu’on le veuille ou non, le cannabis sera légal [...]
Il a dit cela avant que la date du 2 juillet soit remise en question.
Il a ajouté ceci :
Notre premier ministre a parlé au gouverneur du Colorado qui lui a dit: « Si seulement on avait eu plus de temps. » Il a ajouté que, « avec le recul, nous n’avions aucune idée. » Si on considère les taux de mortalité, les blessures et les décès sur les routes, la maladie mentale et les suicides chez les jeunes, il y a tellement d’aspects à prendre en compte. On n’insistera jamais assez sur l’importance de mesures aussi simples qu’une campagne de sensibilisation.
Ensuite, le ministre Friesen a dit :
Je suis un ancien enseignant. Je sais très bien ce que ça prend pour faire passer un message, mais je sais aussi qu’il faut beaucoup de temps pour vraiment inculquer un enseignement et modifier les comportements. Il faut que les jeunes entendent le même message à répétition.
Le problème, c’est que j’ai entendu le gouvernement dire : « Nous allons y arriver. Nous avons un programme. Nous nous préparons. Nous planifions. » Pourtant, nous sommes à quelques mois du jour où le gouvernement envisage d’adopter la loi. Il n’y a pas assez de temps pour se préparer adéquatement, et cela me préoccupe. C’est une question de gouvernance, et non de savoir si leur politique est la bonne ou non.
J’ai un autre problème. Le premier ministre a dit récemment que son approche auprès des Autochtones dans nos collectivités sera fondée sur les droits. Pourtant, la plupart des collectivités autochtones que je côtoie n’ont pas été consultées et n’ont pas pu s’exprimer pleinement. Est-ce bien là une approche fondée sur les droits?
Il convient aussi de penser aux obligations internationales du Canada. Comme on le sait, le changement proposé contrevient à trois conventions, sinon plus. Le Comité sénatorial des affaires étrangères et du commerce international vient tout juste d’entreprendre une étude à ce sujet.
Comme on le sait, le Canada affirme depuis longtemps qu’il n’est pas question de se retirer d’une convention internationale ou de demander une réserve. Au fil des décennies, nous sommes devenus parties à tout un réseau international de conventions, et nous avons toujours été les premiers à dire qu’il n’était pas question de choisir seulement certains éléments et d’en refuser d’autres. Souvent, il faut déjà diluer un enjeu pour arriver à un consensus et à une convention. Nous aspirons à ce que les gens adhèrent aux conventions, aux déclarations et aux protocoles. Cela dit, pour le moment, nous allons de l’avant, mais sans savoir ce qu’il adviendra.
Peut-être réussira-t-on à trouver une solution, bien qu’il y ait peu de mesures en place. On a très peu réfléchi à la question. Comment pourra-t-on résoudre cet imbroglio?
Nous sommes confrontés à un monde où les normes internationales sont menacées. Certains pays ne souhaitent pas adopter les normes et les valeurs que nous proposons et n’adhèrent pas au pacte international relatif aux droits de la personne; nous savons lesquels. Nous avons réussi à établir un certain ordre international. Nous risquons de devoir, pour la première fois, nous retirer d’une convention, demander une réserve ou trouver une autre solution. D’une manière ou d'une autre, notre geste signalera, pour la première fois en plusieurs décennies, que nous ne respectons pas pleinement les ententes que nous avons signées. C’est un élément absolument crucial dans le monde actuel.
J’étais ici en même temps que le sénateur Nolin. Lui et moi n’étions pas d’accord : je n’étais pas en faveur de la légalisation de la marijuana, mais lui, si. Il a convaincu le Sénat de mener une étude. Selon un mythe, il s’agirait d’une étude menée par le Sénat, mais c’est plutôt le sénateur qui l’a menée. Il a reçu, pour ce faire, des ressources adéquates, et il a fait un travail adéquat.
Lorsque le rapport a été déposé au Sénat, personne n’a voulu l’approuver. Le sénateur Nolin a donné préavis d’interpellation et en a parlé. Cette interpellation n’a pas eu lieu. Elle est morte au Feuilleton au moment de la prorogation.
À mon avis, nous devrions tous le lire, parce qu’il ne conclut pas à la légalisation de la marijuana. Il fait plutôt état de stratégies à adopter en vue de la légalisation. Il contient d’excellentes feuilles de route. Si nous les avions suivies, nous serions peut-être en mesure de composer avec ce changement au sein de notre société. Il s’agit d’un rapport réfléchi.
J’ai passé en revue les recommandations 1 à 11. Si seulement nous avions suivi les recommandations contenues dans le rapport du sénateur Nolin, nous ne nous retrouverions pas dans une situation comme celle-ci, où l’on nous demande d’adopter un projet de loi alors que le gouvernement n’a pas fait le travail préalable.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorable sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
Beaucoup de choses ont déjà été dites et, comme la sénatrice Andreychuk, j’ai choisi de mettre en lumière quelques points supplémentaires, qui, selon moi, doivent être discutés plus en profondeur. J’aimerais d’abord féliciter le parrain du projet de loi, de même que le sénateur Carignan, qui est notre porte-parole, les comités qui sont chargés actuellement d’examiner différentes parties de ce projet de loi très important, ainsi que tous les sénateurs et leur personnel, qui ont appuyé les travaux de recherche et de rédaction, ainsi que toutes les autres tâches que nous accomplissons tous les jours, dont les miennes.
J’ai examiné le projet de loi attentivement. Les objectifs énoncés de cette mesure législative sont très importants. Je suis d’accord avec ce qui est formulé dans ces objectifs : restreindre l’accès des jeunes au cannabis, protéger la santé et la sécurité publiques par l’établissement d’exigences strictes en ce qui a trait à la sécurité et à la qualité des produits et décourager les activités criminelles par l’imposition d’importantes sanctions pénales aux personnes agissant en dehors du cadre juridique.
Le projet de loi vise également à alléger le fardeau que le cannabis fait peser sur le système de justice pénale. En tant qu’ancienne éducatrice, j’en suis bien consciente. Mon mari est toujours enseignant en Colombie-Britannique. Il travaille avec les jeunes à risque. Il connaît donc bien les démêlés que les jeunes ont eus et continuent d’avoir avec la justice.
Nous sommes coincés, car un délai nous a été imposé, mais, comme l’a dit la sénatrice Andreychuk, nous avons à cœur de bien faire notre travail. Nous devons veiller à ce que les Canadiens et la société canadienne soient bien préparés si l’on adopte un projet de loi aussi historique et sérieux que le projet de loi C-45.
Des médecins et des pédiatres craignent les effets du cannabis sur le développement du cerveau et la santé mentale. Je tiens à remercier la sénatrice Mégie de son expertise et de ce qu’elle a dit aujourd’hui.
Selon des conversations que j’ai eues en Colombie-Britannique, il semblerait que les administrations provinciales, territoriales et municipales ne sont pas suffisamment préparées à la légalisation. Notre ministre de la Sécurité publique m’a dit il y a quelques semaines : « Pouvez-vous attendre? Nous ne sommes pas prêts. » J’espère pourtant que ces gens comparaîtront devant les comités, ou au moins qu’ils feront part aux comités de ce qu’ils font. Où en sont les provinces dans leurs préparatifs?
Pour moi, en Colombie-Britannique, la question que j’aurais à poser à nos dirigeants provinciaux est la suivante : des consultations ont-elles été tenues avec les administrations municipales? J’ai par ailleurs parlé avec des conseillers municipaux et des maires qui s’inquiètent profondément des pourparlers qui ont eu lieu au sujet du partage des recettes ainsi que du manque de consultation à propos du partage des responsabilités ou de tous les effets négatifs que les administrations municipales auront à gérer sur le terrain. Comment pourront-elles vraiment appuyer les changements en l’absence d’un financement suffisant et en l’absence d’un débat sur la question cruciale du partage des responsabilités entre les provinces et les municipalités? J’espère donc que les conseillers et les municipalités répondront aux questions des membres du comité lorsqu’ils étudieront le projet de loi, s’il franchit l’étape de la deuxième lecture aujourd’hui.
(1530)
La police et les autres organismes d’application de la loi ne sont pas équipés pour faire respecter cette mesure législative. Nous le savons et nous savons que nous devrons nous pencher attentivement sur le problème.
Il y a aussi la question des Forces canadiennes. Un commandant m’a dit dernièrement que, depuis des dizaines d’années qu’il est dans l’armée, on applique une politique de tolérance zéro à cet égard. Qu’en sera-t-il après la légalisation? Il espère que les forces maintiendront cette politique, mais tous ces détails devront être examinés attentivement.
Selon ce commandant, le gouvernement a investi 100 000 $ — cela reste à vérifier — sur des casques de réalité virtuelle qui permettent de ressentir les effets du cannabis. En l’écoutant, je me suis dit qu’il y avait de quoi s’inquiéter si tout cela se faisait dans la précipitation et sans consultations suffisantes. Lui-même attendait des détails et des instructions. Je pense que c’est crucial.
Beaucoup de gens sont intervenus dans ce dossier. Il y a eu les rapports des médias, les lettres et les courriels. Cet après-midi, j’ai rencontré un diplomate qui rentrait en Corée après une mission de cinq ans et demi à l’étranger, notamment aux États-Unis et, pendant trois ans, au Canada. Il s’inquiétait des Coréens en visite au Canada et des Canadiens visitant ou travaillant en Corée, où la marijuana figure dans la liste des substances illégales et dont la consommation peut entraîner de très lourdes conséquences.
J’ai cru qu’il serait important que nous nous penchions sur les peines auxquelles les Canadiens pourraient s’exposer dans les cas où, intentionnellement ou non, ils achètent ou consomment du cannabis à l’extérieur du Canada. J’ose espérer que ces conversations ont eu lieu et que les mesures associées ont été prises. J’espère que les gens dans les ambassades et dans les consulats et que les fonctionnaires qui gagnent leur vie à l’étranger y sont préparés, compte tenu du nombre de Canadiens qui voyagent vers des destinations très populaires et qui travaillent dans différentes régions du monde.
En 2017, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies a publié un rapport intitulé Cannabis legislation in Europe, qui porte sur les lois en matière de cannabis au sein de l’Union européenne. Selon le rapport, la possession de cannabis pour consommation personnelle peut mener à une incarcération notamment au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. C’est aussi le cas de beaucoup d’autres endroits au sein de l’Union européenne, même des pays membres scandinaves, aux tendances progressistes fortes, comme la Suède, la Norvège et la Finlande. Les peines pour possession de cannabis à des fins personnelles incluent l’emprisonnement.
Si les sanctions pour la possession, la production et le trafic de cannabis varient d’un pays européen à l’autre, beaucoup d’autres régions du monde prévoient des peines encore plus sévères pour des crimes similaires. En Arabie saoudite, les peines vont de l’emprisonnement à l’exécution. Dans les Émirats arabes unis, l’infraction est assortie d’une peine d’emprisonnement obligatoire. Dans un pays du Commonwealth, l’Afrique du Sud, la consommation, la possession ou la production de cannabis en public est illégale. La Chine, un partenaire du G7, applique les dispositions sur l’illégalité du cannabis sur son territoire, et les sanctions incluent une courte peine d’emprisonnement, une amende et la déportation.
Pour revenir à la Corée, étant donné que j’ai eu des conversations avec des membres du ministère coréen des Affaires étrangères, j’ai eu vent d’un récent communiqué de presse, qui a précisé ce qui suit :
Conformément au principe de la nationalité, tous les Coréens doivent respecter le droit coréen. Le gouvernement coréen intensifiera les fouilles ciblant les personnes qui viennent du Canada et leurs biens, ainsi que tous les paquets provenant de ce pays. Veuillez noter que les Coréens peuvent s’exposer à de graves conséquences juridiques s’ils possèdent ou consomment du cannabis.
Évidemment, en tant que Canadiens, nous sommes davantage préoccupés par l’incidence de cette mesure législative sur nos concitoyens, notamment sur leur vie. Par ailleurs, nous affirmons notre appartenance à la communauté internationale. Ainsi, compte tenu du travail que je fais avec divers pays dans le cadre de groupes bilatéraux et multilatéraux, j’estime que nous devons examiner l’incidence que cette mesure aura sur nos partenaires, sur d’autres pays et sur les Canadiens qui se rendent dans ces pays.
En Corée, la possession de cannabis est passible d’une peine d’emprisonnement maximale de cinq ans ou d’une amende de 60 000 dollars canadiens. Cette loi s’applique aux citoyens coréens, aux étrangers en territoire coréen et aux Coréens à l’étranger.
Comme la sénatrice Andreychuk a parlé des traités des Nations Unies auxquels le Canada est partie, j’ai songé aux engagements que nous avons pris envers nos partenaires sur la scène mondiale. Ces questions et certaines autres qui ont été soulevées dans les interventions de mes collègues me préoccupent moi aussi.
Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, la communauté internationale a prévu diverses lois et sanctions liées à la consommation, à la possession et au trafic de cannabis. Puisque le Canada est le premier pays du G7 à légaliser le cannabis, les Canadiens entrent en territoire inconnu, à l’instar du Service extérieur, chargé de représenter les Canadiens et d’assurer leur sécurité à l’étranger.
À un niveau personnel, on m’a fait part de nombreuses préoccupations au sujet de nos jeunes. Lorsque j’étais éducatrice, j’ai consacré passablement de temps aux jeunes et aux jeunes adultes, principalement aux élèves du secondaire intermédiaire, et je peux dire que les enseignants parlent de mesure authentique. Ils font passer des tests et les notes reflètent soit le manque de préparation de l’élève soit le fait qu’il n’a pas effectué les travaux qui lui ont été assignés. Les notes sont révélatrices d’une partie de la réalité seulement. Les enseignants tiennent également compte de faits empiriques parce qu’ils révèlent des éléments importants qui ne peuvent être mesurés par un test.
Nous examinons divers chiffres pour déterminer si les jeunes consomment davantage ou moins de marijuana mais, comme d’autres l’ont dit, ces chiffres varient. De façon empirique, je peux vous dire que, durant toutes mes années d’enseignement, je ne me souviens d’aucun élève dont les résultats scolaires se sont améliorés parce qu’il consommait régulièrement de la marijuana. Au contraire, j’ai vu trop d’élèves qui n’ont pas pu terminer leurs études et ont abandonné inutilement l’école pour cette raison. Même si la marijuana ne crée pas la même accoutumance que d’autres drogues, elle plonge ses consommateurs dans un état euphorique, ce qui est particulièrement attrayant pour les gens qui tentent d’échapper à des situations conflictuelles à domicile et dans leur vie. Ces personnes consomment de la marijuana pour fuir leurs problèmes, et cela a une incidence sur leur vie.
Je tente d’imaginer les conséquences qu’aura la légalisation sur les enseignants. Je pense à l’école de mon mari, où l’on renvoie à la maison les élèves intoxiqués. Il y a des élèves de 18 ans dans les écoles. Or, dans les provinces ayant fixé l’âge légal à 18 ans, les enseignants ne pourront pas traiter ces élèves de la même manière que les autres. Nous savons bien que, si l’âge légal est fixé à 18 ans, il y aura des adolescents qui ont presque cet âge ou qui sont quelques années plus jeunes qui seront exposés à cette drogue qui est présentement illégale, mais qui ne le sera plus. Cela suscite de nombreuses préoccupations.
(1540)
J’ai passé en revue la montagne de documents que nous avons tous consultés. La Bibliothèque du Parlement nous a fourni un résumé législatif sur le projet de loi C-45. À la page 1, on présente une mise en contexte au sujet du cannabis et de ses effets sur la santé. J’ai lu cette section de nouveau hier soir. J’aimerais la citer pour vous rafraîchir la mémoire :
Le cannabis est le nom usuel donné à la plante de chanvre appartenant au genre Cannabis qui pousse en climat tempéré et en climat tropical. Les feuilles et les sommités florales des plantes de cannabis contiennent près de 500 composés différents, les principaux étant le delta-9-transtétrahydrocannabinol (delta 9-THC ou THC), le cannabidiol et le cannabinol. Parmi ceux-ci, le THC est responsable de bon nombre, sinon de la plupart, des effets euphorisants et toxicomanogènes du cannabis.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la consommation de cannabis peut avoir des effets à court et à long terme. À court terme, elle peut diminuer les facultés cognitives et la coordination motrice, et ainsi nuire à…
Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, votre temps de parole est écoulé.
La sénatrice Martin : Puis-je demander cinq minutes de plus?
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sommes-nous d’accord pour accorder cinq minutes de plus, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Martin : Merci.
… et ainsi nuire à la conduite automobile et, de manière plus générale, accroître les risques de blessures. Une minorité des personnes qui en sont à leur première consommation peuvent présenter des symptômes psychotiques et de l’anxiété. Par ailleurs, une forte exposition peut provoquer une crise cardiaque et un accident vasculaire cérébral chez des personnes à risque.
À long terme, la consommation peut devenir excessive ou créer une dépendance chez environ 9 % des consommateurs réguliers. Ce risque grimpe toutefois à 16 % chez les personnes qui commencent à consommer du cannabis à l’adolescence, lesquelles peuvent aussi éprouver des déficits plus durables de la mémoire, de la concentration et d’autres fonctions cognitives. En outre, il est prouvé que la consommation de cannabis pendant la grossesse influence le développement des fonctions cognitives de l’enfant, son comportement, sa propension à la toxicomanie et sa santé mentale.
Enfin, la consommation à long terme de cannabis pourrait contribuer à l’apparition d’une vaste gamme de problèmes de santé, comme la maladie mentale, les maladies respiratoires, le cancer et les maladies cardiovasculaires; cependant, les études en la matière sont limitées et non concluantes.
Elles sont peut-être non concluantes, mais on les mentionne dans le résumé législatif et elles sont très alarmantes.
Je sais que nous sommes tous très fiers d’être canadiens et fiers de notre bilan d’excellence sur la scène mondiale, mais la légalisation de la marijuana fera du Canada une aberration dans le monde. Nous serons le deuxième pays au monde et le premier pays du G7 à légaliser pleinement la marijuana.
J’espère que le Canada demeurera une aberration et que le monde ne nous emboîtera pas le pas à cet égard. Cependant, aujourd’hui, après avoir entendu le débat jusqu’à présent et les préoccupations exprimées, je tenais à ajouter ces mots et à expliquer pourquoi je m’opposerai, en principe, au projet de loi C-45 à l’étape de la deuxième lecture.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question, sénatrice Raine?
L’honorable Nancy Greene Raine : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Martin : Oui.
La sénatrice Raine : En tant qu’ancienne chancelière de l’Université Thompson Rivers, à Kamloops, où nous cherchons activement à faire venir des étudiants étrangers pour diversifier notre population universitaire, je n’avais pas pensé à l’incidence que cela aurait sur notre relation avec beaucoup de pays qui choisissent une approche complètement différente relativement à la marijuana.
Avez-vous vu quelque chose indiquant que cette politique risque d’avoir des conséquences imprévues sur le recrutement d’étudiants étrangers dans les universités canadiennes?
La sénatrice Martin : C’est une très bonne question. Je n’ai vu aucune étude à ce sujet. Cependant, lorsque j’ai rencontré un diplomate étranger cet après-midi et que nous avons parlé des Coréens qui effectuent une visite au Canada et des Canadiens qui vont en Corée, il a effectivement exprimé de grandes préoccupations. Il s’agit d’une drogue illicite. Elle est illégale en Corée et y fait l’objet de sanctions sévères. Le ministère des Affaires étrangères a donc ajouté un avertissement à l’intention de tous les Coréens qui voyagent au Canada et de tous les Canadiens qui se rendent en Corée.
Je crois que nos voisins et nos partenaires partout sur la planète suivent le déroulement de cette situation avec attention. Ils seront forcés de faire de tels avertissements, je crois, et de soigneusement étudier la question. Les étudiants qui viennent au Canada devront se rappeler quelles sont les lois là où ils retourneront. Ce sont tous des éléments qu’il faudra examiner avec soin.
La sénatrice Raine : Merci.
L’honorable David M. Wells : Honorables collègues, je prends la parole au sujet du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
Si je prends la parole, ce n’est pas nécessairement pour me prononcer pour ou contre ce projet de loi, mais bien pour défendre certaines personnes qui ne sont pas ici, celles qui n’ont pas de tribune comme la nôtre et qui pourraient être les plus touchées par ce projet de loi. Je parle des enfants et des jeunes Canadiens.
Chers collègues, rien de ce qui a été dit dans ce débat ou dans les discussions au sujet du projet de loi jusqu’à maintenant ne m’a convaincu que ce qui importe sont les jeunes et leurs intérêts, même si nous modelons leur avenir.
Je ne veux pas discréditer les intentions de ceux qui croient que ce projet de loi améliorera la situation actuelle, mais, selon moi et selon les nombreux parents, enseignants, policiers et fonctionnaires municipaux de Terre-Neuve-et-Labrador, et de partout au Canada en fait, ainsi que selon les professionnels de la santé à qui j’ai parlé du projet de loi C-45, l’adoption de ce projet de loi amènera, je le crains, plus de méfaits que de bienfaits.
Les risques pour la santé que présente la consommation de cannabis amènent des inquiétudes réelles et concrètes en raison du message que nous enverrons aux enfants et aux parents, car les gens auront le droit de fumer ces nouveaux produits légalisés.
Si on écoute ce que le gouvernement a à dire, il semble que les recettes fiscales et les revenus des producteurs et des distributeurs soient plus importants que la protection des enfants. Le gouvernement choisit l’argent plutôt que la santé, la croissance et le développement de ce que nous qualifions souvent de ressource la plus précieuse pour nous, à savoir les gens, et plus particulièrement les jeunes gens.
Je suis aussi en désaccord avec les semi-vérités que les tenants de cette mesure législative énoncent, à savoir qu’ils nous font une faveur en légalisant une drogue qui, à l’échelle de la population, est « moins nocive que l’alcool ou le tabac ».
J’ai une question : est-ce bien ou mal, mieux ou pire pour les enfants et les jeunes gens de respirer la fumée de marijuana? Est-ce mieux pour leur croissance et leur développement, leurs rêves et leurs ambitions professionnelles, pour leur santé physique et le bien-être et pour leur famille? Chers collègues, je sais que cette mesure législative n’autorise toujours pas les enfants et les jeunes à fumer de la marijuana. Cependant, sa légalisation la rendra manifestement plus facile d’accès. Les enfants et les jeunes seront victimes des effets dévastateurs de la fumée ambiante.
Nous savons beaucoup de choses sur les effets néfastes du cannabis, comme le montre l’article intitulé Effets du cannabis sur la santé publié par Santé Canada en avril 2017.
L’article indique les effets à court terme du cannabis sur le cerveau que sont notamment la confusion, la fatigue, les problèmes de mémoire et de concentration, l’anxiété, la peur, la panique et même les crises de délire et les hallucinations.
Il parle aussi des effets à long terme du cannabis sur le cerveau, notamment un risque accru de dépendance, de détérioration de la mémoire et de la concentration, de baisse de l’intelligence ainsi que de la capacité à réfléchir clairement et à prendre des décisions.
Il a été prouvé que la consommation intensive de cannabis peut avoir des effets néfastes sur le développement du cerveau chez les enfants et les adolescents. Comme on nous l’a dit, des études ont montré que le cerveau continue de se développer jusqu’à 25 ans.
J’espère que vous voyez pourquoi tant de parents ont du mal à croire que cela va améliorer les choses et que cette mesure législative est bonne pour le pays. Que doit-on dire aux enfants quand, tout à coup, le message qui leur est transmis est qu’il est acceptable de fumer de la marijuana? En fait, nous allons faire en sorte que leurs parents et leurs frères et sœurs plus âgés puissent fumer de la marijuana légalement. Chers collègues, il y a une raison pour laquelle on appelle cela de la « drogue ».
Le Canada est devenu un chef de file dans la production et la distribution commerciales de produits de la marijuana à des fins médicinales. Je félicite le corps médical et les entrepreneurs qui ont ouvert la voie à cette nouvelle industrie positive. Toutefois, le fait que nous soyons bien organisés au chapitre de la culture ne règle pas les problèmes fondamentaux à la base de cette mesure législative.
Selon les estimations, la valeur du marché de la marijuana à usage récréatif atteint 22 milliards de dollars par année. Nous allons donc avoir une campagne de sensibilisation réduite au minimum et qui reste à définir face à cette nouvelle industrie énorme qui va sans doute trouver des moyens de faire de la publicité et de la promotion pour ses produits.
Le message nébuleux que nous allons adresser aux jeunes Canadiens sera « ne fumez pas de marijuana ». Parallèlement, il sera possible de s’en procurer légalement au coin de la rue ou juste en face avec l’approbation du gouvernement fédéral. Le message qui est véritablement transmis est qu’il n’y a rien de mal à fumer de la marijuana.
Le gouvernement est d’avis que, si cette mesure législative n’est pas adoptée, nous courons vers une augmentation du nombre de Canadiens qui fument de la marijuana. Toutefois, le gouvernement ne garantit pas que ces taux diminueront grâce au projet de loi C-45. Si le projet de loi entre en vigueur un jour, il faudrait que ce soit après une longue période de sensibilisation intensive de la population. Pendant ce temps, les enfants, les adolescents et les parents vont tenter de se préparer aux conséquences très concrètes que le projet de loi aura sur leur vie, leurs écoles et leurs collectivités.
(1550)
Une de ces conséquences sera probablement l’augmentation du nombre de cas de conduite avec facultés affaiblies. Comme mon collègue, le sénateur Manning, l’a souligné, l’expérience du Colorado est instructive. Il a cité des chiffres révélant que la légalisation a fait doubler le nombre de conducteurs impliqués dans des accidents mortels qui ont échoué au test de dépistage de marijuana. Dans les écoles secondaires, les infractions liées à la drogue ont augmenté de 71 p. 100.
Bien que le projet de loi ne vise pas ce sujet particulier, nous devrions nous en inquiéter. Il y aura plus de morts sur les routes du pays; des conducteurs respectueux des lois et des piétons seront blessés ou tués. Il se peut que les sénateurs contribuent à ce phénomène. Au Colorado, les parents ne peuvent plus débattre de cet enjeu, car c’est un fait accompli. Au Canada, ce sera aussi un fait accompli.
Le présent débat ne devrait pas servir à déterminer les profits qu’engendrera la vente de marijuana ni comment ils seront répartis. Il devrait reposer sur une bonne politique publique, qui vise à minimiser les risques et à maximiser la protection.
Chers collègues, le gouvernement a déclaré que son objectif est de garder la marijuana hors de la portée des criminels et des jeunes. Toutefois, une disposition cachée dans le projet de loi, l’alinéa 8(1)c) de la section 1, précise que les jeunes de 12 à 17 ans ayant en leur possession jusqu’à 5 grammes de cannabis séché ne feront pas l’objet d’accusations criminelles. Chers collègues, je trouve cela aberrant.
En conclusion, je veux parler de deux documents qui ont été produits par des organismes qui possèdent de l’expertise en matière de santé chez les jeunes. Certains de ces rapports ont déjà été mentionnés aujourd’hui.
Selon la déclaration de principes de 2017 de l’Association des psychiatres du Canada sur cette question, il faut se concentrer sur les enfants et les jeunes, puisque les troubles de santé mentale et la toxicomanie commencent souvent dans ce groupe d’âge. L’association fait remarquer que le cannabis est la drogue la plus consommée chez les jeunes Canadiens. En effet, 22 p. 100 des jeunes de 15 à 19 ans admettent en avoir consommé au cours de la dernière année.
L’association ajoute que la consommation régulière de cannabis chez les jeunes peut avoir des effets négatifs sur « la cognition, comme l’attention, la mémoire, la vitesse de traitement, le fonctionnement visuospatial et l’intelligence globale. »
La consommation précoce de cannabis chez les jeunes augmente le risque des personnes vulnérables de développer des troubles psychotiques primaires. L’Association des psychiatres du Canada demande au gouvernement de ne pas rendre le cannabis accessible aux Canadiens de moins de 21 ans et lui suggère d’imposer aux personnes de 21 à 25 ans des restrictions quant à la concentration et à la quantité.
Selon l’Association des psychiatres du Canada, le cannabis est également susceptible d’accroître le risque de schizophrénie et de dépression. De plus, l’apparition précoce de symptômes psychotiques et de troubles bipolaires est liée à la consommation régulière de cannabis chez les jeunes.
De plus, chers collègues, selon un document de la Société canadienne de pédiatrie intitulé Le cannabis et les enfants et adolescents canadiens:
La consommation de cannabis à l’adolescence peut provoquer des modifications fonctionnelles et structurelles du cerveau en développement et induire une atteinte cérébrale.
On peut aussi y lire ceci :
En 2010, les jeunes Canadiens arrivaient au premier rang de la consommation de cannabis dans 43 pays et régions d’Europe et d’Amérique du Nord, le tiers d’entre eux (des deux sexes) ayant essayé le cannabis au moins une fois avant l’âge de 15 ans.
Dans la conclusion, on peut lire ceci :
On ne devrait pas consommer de cannabis à des fins récréatives en raison de la gravité de ses nombreux effets délétères potentiels. Ces effets touchent l’ensemble de la population, mais le cerveau en développement est particulièrement sensible aux conséquences de la consommation de cannabis. Les jeunes Canadiens courent un risque élevé de TUC…
— ou trouble de l’usage du cannabis —
… et peuvent doubler leur risque de maladie psychotique. La conduite sous l’effet du cannabis accroît les risques d’accident d’automobile.
Nous savons que la consommation de cannabis altère le jugement.
Dans les régions des États-Unis où le cannabis est légalisé, le taux de soins médicaux d’urgence des enfants a augmenté à cause de l’ingestion involontaire de cette substance.
Chers collègues, il ne s’agit pas de mon opinion, mais bien des conclusions du rapport.
Honorables collègues, je tenais à ajouter cette information et mes réflexions au compte rendu officiel du débat que nous tenons au Sénat afin de nous aider à comprendre la gravité des répercussions de toutes les décisions que nous prenons relativement à cette mesure législative. S’il y a un moment où le Sénat devrait effectuer un second examen objectif, c’est bien maintenant.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, avez-vous une question?
La sénatrice Lankin : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Wells, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Wells : Qui pose la question? Je suis désolé, sénatrice Lankin. Dans ce cas, non. Oui, je vais répondre à la question.
Des voix : Oh, oh!
L’honorable Frances Lankin : Mon cher ami et collègue, je vous remercie de bien vouloir répondre à ma question.
Je vous suis reconnaissante de l’ensemble du dossier que vous avez présenté et je ne veux pas en minimiser l’importance en insistant et en posant une question sur un seul élément.
Je partage bon nombre des mêmes préoccupations que vous. Mon point de vue est probablement différent, étant donné que j’estime que la guerre contre la drogue n’a pas fonctionné et qu’il est nécessaire d’adopter une approche de santé publique. Selon moi, nous tentons actuellement de déterminer si l’approche dont nous débattons est la bonne.
Vous avez affirmé avoir trouvé une disposition cachée — je ne dirais pas qu’elle est cachée — qui permet aux jeunes de posséder une certaine quantité de grammes sans être inquiétés par la justice. Vous avez mentionné que vous trouviez aberrant qu’ils ne soient pas accusés au criminel. Je crois comprendre — détrompez-moi si ce n’est pas le cas — qu’ils commettent toujours une infraction, mais qu’elle relèverait du droit provincial plutôt que du Code criminel.
Êtes-vous en train de dire que, dans ce contexte, il serait préférable que ces jeunes se retrouvent avec un casier judiciaire?
Le sénateur Wells : Merci de votre question, sénatrice Lankin. Ce n’est absolument pas ce que je voulais dire. Plutôt, par cette approche, le projet de loi donne l’autorisation tacite d’avoir du cannabis en sa possession. Voilà ce qui m’inquiète. J’ai bel et bien trouvé la disposition enfouie quelque part. Je ne sais pas si vous avez déjà lu un projet de loi omnibus. Beaucoup d’éléments s’y cachent. La mesure législative couvre tous les aspects, mais elle ne va pas assez loin, dans de nombreux cas, en ce qui concerne le cadre juridique de la légalisation de la marijuana. Pourquoi ne parle-t-on pas de personnes âgées de 1 à 17 ans? Si le projet de loi ne précise pas expressément qu’il est illégal de posséder de la marijuana, il donne l’autorisation tacite d’en consommer, et d’en avoir sur soi. Une personne qui en possède va nécessairement en consommer, en vendre ou faire partie de son commerce.
[Français]
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Avant de prendre la parole sur le projet de loi C-45, je tiens à présenter mes excuses pour avoir utilisé une expression tout à fait inappropriée alors que je voulais qualifier cette drogue, la marijuana. J’ai échappé cette expression au moment où je parlais du projet de loi, et je tiens à m’en excuser. Ce sujet est très émotif pour moi, parce que j’ai des proches qui ont vu leur vie détruite à cause de l’usage de cette drogue.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi C-45, un projet de loi qui suscite malheureusement plus de questions qu’il ne donne de réponses.
Je veux être très clair dans mes propos; je ne remets pas du tout en question la légitimité de ce gouvernement de procéder à la légalisation de la marijuana. Depuis son dépôt à l’autre endroit, j’ai participé à de nombreuses discussions lors de tribunes radiophoniques dans les radios québécoises, et j’ai constaté, à de nombreuses reprises, l’inquiétude des parents quant aux impacts négatifs de la légalisation de cette drogue.
Je tiens d’ailleurs à souligner l’excellent travail de mon collègue, le sénateur Carignan, et de tout le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans la préparation des travaux à venir. Je constate que, plus nous étudions ce projet de loi, plus nous y trouvons des failles inacceptables sur le plan de ses objectifs qui sont, je le répète, de protéger les jeunes de la consommation du cannabis et de sortir le crime organisé de ce commerce qui sera légalisé.
Personnellement, en tant que parent et grand-parent, je ne peux pas appuyer ce projet de loi dans sa forme actuelle. Plus je l’analyse, plus je crois qu’il devrait être refait dans son ensemble. Il est dangereux pour la sécurité de nos jeunes et pour l’intégrité de notre société. C’est un projet de loi qui comporte trop peu de balises pour contrôler adéquatement ce nouveau marché, ses investisseurs et ses producteurs. Ce projet de loi est une démonstration évidente que le gouvernement, qui a fait de la promotion de la légalisation du cannabis un enjeu politique, s’est précipité pour le faire et nous presse, aujourd’hui, d’adopter un projet de loi inachevé, imparfait et inapplicable.
Selon les prétentions du gouvernement, le projet de loi C-45 devait initialement, je le répète, répondre à deux objectifs, soit limiter l’emprise du crime organisé et protéger les jeunes de la consommation de la marijuana dans son ensemble.
En ce qui concerne la protection des enfants, je trouve particulièrement préoccupant de permettre aux adolescents âgés de 12 à 17 ans la possession et la distribution allant jusqu’à 5 grammes de cannabis sec ou, selon le règlement, de 25 grammes de cannabis frais. Peu de défenseurs, sinon aucun, nous ont démontré comment les articles 8 et 9 réussiront à éloigner le cannabis des mains d’innocentes victimes. Comment un parent responsable peut-il accepter un pareil raisonnement?
Est-ce une manière efficace de restreindre, pour les jeunes, l’accès au cannabis récréatif et de prévenir ses effets considérés comme dévastateurs pour leur santé, leurs études et leur personnalité? Permettez-moi d’en douter, surtout quand on sait que la consommation de cette drogue débute aujourd’hui aussi tôt qu’à l’âge de 9 ans dans bien des cas.
(1600)
Je n’ai jamais été du même avis que l’avocat criminaliste Michael Spratt, mais, cette fois, je suis d’accord avec lui lorsqu’il critique le manque de cohérence du projet de loi C-45, et je le cite :
[Traduction]
Le projet de loi C-45 ne change rien au fait que les jeunes de moins de 18 ans sont judiciarisés s’ils sont pris en possession de plus de cinq grammes de cannabis — ce que les adultes pourront faire parfaitement légalement. Nulle part dans le Code criminel un jeune n’est judiciarisé pour un geste qu’un adulte peut commettre en toute légalité.
[Français]
Autrement dit, si vous êtes un adulte et possédez plus de 30 grammes de cannabis sec, vous pourriez vous retrouver avec une amende de 200 $, comme le stipule l’article 51. Par contre, si un jeune âgé de 12 à 17 ans possède ou distribue plus de 5 grammes, il sera exposé à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Est-ce vraiment avec une situation aussi incohérente et irresponsable que nous allons protéger les enfants? Souhaitons-nous vraiment que nos jeunes entrent dans l’engrenage du système de justice pénale pour les adolescents? Si oui, ils risquent d’y rester longtemps.
La légalisation prochaine du cannabis soulève des inquiétudes dans les milieux scientifiques, notamment chez les psychiatres. Mes collègues l’ont dit plus tôt, nous savons que le cannabis est un produit scientifiquement reconnu pour déclencher des psychoses. À l’heure actuelle, les ressources en santé mentale ne suffisent pas pour répondre aux besoins, et de nombreux jeunes sont en état de psychose lorsqu’ils se présentent au service d’urgence après avoir consommé de la marijuana.
L’Association des médecins psychiatres du Québec recommande que la vente de cannabis soit interdite aux personnes âgées de moins de 21 ans. Le fait d’augmenter l’âge minimum de consommation à 21 ans et de l’inscrire dans le projet de loi serait un compromis, selon la Dre Édith Labonté, laquelle siège au sein du conseil d’administration de l’association. Des études plausibles confirment d’ailleurs que le cerveau se développe jusqu’à l’âge de 25 ans.
Selon la Dre Karine Igartua, présidente de l’Association des médecins psychiatres du Québec, les études sont claires : plus la proportion de THC est élevée, plus la fréquence de la consommation est élevée, et plus il y a risque de psychose. Les psychiatres du Québec ont recommandé un taux maximum de THC de 15 à 16 p. 100. Je crois toujours qu’il faut continuer d’étudier et d’approfondir le sujet des conséquences de l’usage de la marijuana sur le cerveau humain. Les études scientifiques à ce moment-ci sont insuffisantes, et la légalisation représente un très grand risque, un risque inconnu.
Au Colorado, le cannabis a été légalisé sans limites de THC, et il est possible de s’en procurer à un taux supérieur à 30 p. 100. Nous devons assurément trouver une façon de limiter les dommages sur la santé des jeunes que causera l’accès au cannabis pour les moins de 25 ans.
Parlons de la dépendance au cannabis. La Dre Bertha Madras, psychobiologiste de la division des alcools et drogues de l’hôpital McLean, associé à la Harvard Medical School, écrivait ceci, et je cite :
[Traduction]
Plus de 15 p. 100 des adolescents qui consomment du cannabis une première fois deviendront dépendants et ceux qui en consomment toutes les semaines déclarent avoir des pensées bizarres et souffrir de paranoïa et d’hallucinations. La consommation de cannabis durant l’adolescence est associée à une motivation réduite ainsi qu’à de mauvais résultats sur le plan de l’éducation et de l’emploi […] Le taux de consommation de cannabis au cours du dernier mois, chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans dans l’État du Colorado, a augmenté de 20 p. 100 dans les deux ans qui ont suivi la légalisation, comparativement aux deux ans qui ont précédé la légalisation. Les suspensions et les expulsions liées aux drogues ont augmenté de 40 p. 100.
[Français]
La dépendance au cannabis existe et elle peut être néfaste pour l’avenir des jeunes. Elle peut représenter aussi un défi financier pour des parents qui doivent payer des sommes astronomiques pour des séjours en maison de désintoxication. Je suis d’avis qu’une disposition devrait être inscrite dans le projet de loi, laquelle garantirait que les amendes perçues aux producteurs délinquants soient versées à un fonds servant exclusivement à faire de la prévention auprès des jeunes et à soutenir financièrement les centres de désintoxication. Cet argent ne serait pas de trop, compte tenu du peu d'efforts déployés par le gouvernement à cet égard.
Malheureusement, on oublie aussi le sort des jeunes Autochtones dans ce dossier. Le chef de la communauté Obedjiwan, Christian Awashish, se dit très inquiet des impacts de la légalisation de la marijuana sur les jeunes de sa communauté. Ses préoccupations ont attiré mon attention. Il a déclaré ce qui suit à Radio-Canada, le 22 novembre dernier, et je cite :
C’est catastrophique pour nous autres; il va y avoir davantage de consommation, d’accès pour les enfants. [...] Je n’arrive pas à imaginer un scénario comme celui-là. Je suis fâché de la décision du gouvernement du Canada d’avoir pris cette voie.
Je suis d’accord avec le chef de la communauté Obedjiwan. Les jeunes Autochtones, comme tous les autres jeunes au Canada, ne méritent pas de faire partie d’une génération sacrifiée au bénéfice de l’industrie du cannabis, de ses lobbyistes et de ses investisseurs douteux qui empocheront des centaines de millions de dollars de profits à leur détriment. Comme le rappelait le Dr Stanley Vollant, qui fait également partie de la communauté autochtone, si les communautés autochtones peuvent interdire la consommation de drogue sur leur territoire, certaines seront si proches des villes que ce ne sera pas efficace.
Lorsque vous analyserez et appuierez ce projet de loi, rappelez-vous que les enfants, vos enfants et vos petits-enfants, devraient, supposément, être au cœur des préoccupations du gouvernement actuel.
En ce qui concerne le crime organisé, le second argument du gouvernement pour justifier la légalisation du cannabis, le Journal de Montréal a soulevé une situation très préoccupante : le financement de 40 p. 100 des producteurs de cannabis actuels provient de paradis fiscaux, dont les plus fréquents sont ceux des îles Caïmans. N’oubliez pas que les sommes d’argent envoyées dans les paradis fiscaux proviennent en grande partie du crime organisé qui a vendu de la drogue illégale au Canada.
Pourtant, le projet de loi ne pénalisera pas les individus qui possèdent un casier judiciaire en matière de violation des lois sur les drogues. Un fraudeur ou un membre du crime organisé ne sera pas couvert par cette exclusion. C’est une zone grise pour laquelle le crime organisé reviendra contrôler une partie du marché légal du cannabis.
Selon l’article 5.1 de la Loi sur le tabac, un fabricant de tabac s’expose à une amende de 300 000 $ et à un emprisonnement maximal de deux ans ou l’une ou l’autre de ces peines s’il ajoute des additifs aromatiques au tabac. Par contre, avec le projet de loi C-45, une organisation qui aurait recours aux services d’un jeune pour la vente de marijuana, par exemple, ferait face à des amendes maximales de 100 000 $. C’est donc 300 000 $ pour le tabac, et 100 000 $ pour la vente de marijuana. Ce sont deux poids, deux mesures. Cette sentence n’aura aucune valeur dissuasive pour un retour du crime organisé par la porte arrière.
Dans ce projet de loi, le ministre propose de permettre la culture de quatre plants par résidence, alors qu’il mettra en place un système de traçage qui coûtera des millions de dollars et qui sera inutile pour appréhender les individus qui se promèneront avec du cannabis trafiqué dans leurs poches. Pire, si vous cultivez un ou deux plants de trop, l’amende sera de l’ordre de 200 $, alors que la valeur de cette production sera de 1 000 $ à 2 000 $.
Nous croyons fermement que ce règlement permettra l’apparition d’un phénomène appelé le marché gris, la marijuana vendue sous une forme très subtile de façon illégale. L’émission d’enquête JE, du réseau TVA, a consulté un enquêteur spécial du crime organisé. Ce policier d’expérience a participé à plusieurs démantèlements de réseaux de drogue et de marijuana, surtout. Il doute fortement que le crime organisé soit touché par le projet de loi. Les criminels n’ont pas de taxes à payer, pas de convention collective, pas de salaire minimum à respecter. Selon lui, ses membres ont déjà prévu de s’ajuster rapidement à cette nouvelle loi et ont diminué les coûts de production. Ce sera comme les cigarettes de contrebande. Je vous rappelle que, simplement en Estrie, la région où j’habite, 40 p. 100 des cigarettes consommées par les étudiants dans les polyvalentes sont achetées illégalement. Dès que les taxes augmenteront, les consommateurs légaux se retourneront vers le marché illégal.
[Traduction]
Le gouvernement fédéral a raté une belle occasion de faire preuve de leadership en interdisant la vente de cannabis sur Internet. En ce moment, les provinces doivent décider si elles autoriseront la vente en ligne ou déterminer la manière dont les détaillants devront s’y prendre pour faire respecter l’âge minimum d’admissibilité. L’achat en ligne et la réception par livraison à domicile créeront d’autres problèmes. Comme vous le savez, c’est assez facile de mentir à propos de son âge lorsqu’on est devant un écran d’ordinateur.
[Français]
Le Daily Telegraph de Londres publiait le 1er janvier 2018 un article qui soulignait ceci, et je cite :
[Traduction]
Les experts nous avertissent que les trafiquants de drogues utilisent de plus en plus les médias sociaux comme Instagram et Snapchat pour vendre des drogues aux jeunes. Selon des intervenants auprès des jeunes, cette tendance qu’ils disent « inquiétante » s’est rapidement accélérée au cours des 18 derniers mois, les revendeurs utilisant ces plateformes pour cibler les enfants de moins de 13 ans.
(1610)
[Français]
Lors de l’étude du projet de loi en comité, il faudra considérer les moyens dont disposera le crime organisé pour contourner la loi une fois le projet de loi adopté. La vente en ligne est déjà un outil dont se servent les criminels pour vendre de la drogue. Pourtant, le projet de loi ne contient aucun article en ce qui a trait à ce problème qui est en hausse constante. Le Canada est déjà en retard.
Les conservateurs s’opposent à la légalisation de la marijuana. Ils ont une plateforme politique qui appuie la décriminalisation de la possession simple, assortie d’un pardon pour les personnes condamnées dans un passé récent. Cette voie aurait été plus prudente et aurait sans doute mis en confiance les pères et les mères de famille, qui voient déjà cette légalisation comme un fléau pour les jeunes au Canada.
Il n’y a pas que les conservateurs qui privilégient la décriminalisation au lieu de la légalisation. Stanley Vollant, chirurgien innu pour qui j’ai un immense respect, a déclaré ce qui suit à Radio-Canada récemment :
Je pense que le gouvernement Trudeau devrait décriminaliser à partir d’aujourd’hui, la légalisation pourrait prendre plus de temps pour essayer d’encadrer mieux ce mouvement-là.
De plus en plus, cette façon de gérer la marijuana au Canada est l’opinion de la majorité de la population canadienne, plus elle est informée sur la manière improvisée et déficiente avec laquelle le gouvernement actuel souhaite légaliser cette drogue.
Honorables sénateurs, je vous invite à faire preuve de responsabilité. Je vous invite également à ne pas hésiter à amender ce projet de loi comme il le faut. Malheureusement, après avoir entendu 109 témoins à l’autre endroit, les députés n’ont adopté que très peu d’amendements.
Le projet de loi C-45 représente une importante législation sur laquelle nous sommes appelés à voter dans cette Chambre. Lorsque nous étudierons ce projet de loi, gardons en tête les intérêts des parents, et non celui des politiciens, de l’industrie du cannabis et de ses lobbyistes. Pensons d’abord à nos jeunes et aux plus vulnérables, que la légalisation de la marijuana proposée dans ce projet de loi risque d'entraîner dans un sillage infernal, et que l’État devra récupérer tôt ou tard pour assurer leur survie.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé, sénateur. Désirez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Boisvenu : Je vous en serais reconnaissant, oui.
Je terminerai mes propos en disant que le Canada a la responsabilité de faire mieux et différemment pour protéger ses jeunes. Je le répète, à l’heure actuelle, au Québec, dans les salles d’urgence, presque 50 p.100 des cas de psychose sont causés par une intoxication au cannabis. Je vous invite donc à la prudence. Les conséquences d’une psychose causée par le cannabis peuvent être permanentes.
Je vous relate l’histoire d’un ami médecin. Les parents ont mon âge, et leur jeune avait 21 ans lorsqu’il a participé à un « party » à l’Université de Montréal, où il a fumé un joint. Aujourd’hui, à 34 ans, il a terminé ses études, mais il n’a plus aucun espoir de développer ses habiletés complètement.
La marijuana est une drogue, ce n’est pas une cigarette. Elle est 10 fois plus puissante lorsqu’elle est inhalée. Je vous invite, au nom des enfants du Canada, à être très prudents. Nous devons prendre notre temps pour faire en sorte qu’il n’y ait pas plus de victimes qu’il y en a aujourd’hui. Je vous remercie.
[Traduction]
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-45.
Depuis que ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit, un grand nombre de nos collègues de tous les partis et groupes au Sénat, représentant toutes les régions du pays, ont exprimé des inquiétudes. Pour être franc, leurs opinions reflètent toute la gamme des opinions des Canadiens. Je pense que nous avons eu de bons échanges, qui seront utiles pour le travail qu’il nous reste à faire et qui font ressortir le sérieux de cette question.
J’ai l’intention aujourd’hui d’être fidèle à ma fonction de sénateur et de membre de l’opposition officielle, et à mes obligations comme leader de l’opposition. Au fond, cela signifie que notre travail est de veiller à ce que tous les points de vue contraires à ceux du gouvernement soient exprimés et pris en considération. Nous devons prêter notre voix aux Canadiens qui ont des préoccupations bien réelles et justifiées quant au choix de politiques de leur gouvernement.
[Français]
Comme je l’ai souligné au début de mes remarques à la réunion du comité plénier, le 6 février dernier, les sénateurs conservateurs étudieront le projet de loi C-45 avec le sérieux et l’attention qu’il mérite.
[Traduction]
Je vais parler brièvement de cinq sujets d’inquiétude pour les Canadiens et nommer des facteurs généraux que le gouvernement semble ne pas avoir pris en considération en examinant les questions que soulèvent ses choix de politiques, politiques, qu’il dit lui-même comme étant dans l’intérêt de la sécurité publique et motivées par un engagement à réduire les méfaits. Son critère est la sécurité publique et la réduction des méfaits et le Sénat doit déterminer si ce critère est bien rempli et, dans le cas contraire, amender la mesure législative.
Commençons par les enfants et les jeunes : j’ai écouté ce que mes collègues ont dit, et j’en conclus que les effets qu’aura l’approche adoptée par le gouvernement, y compris en ce qui concerne la légalisation, sur la santé et le bien-être des enfants et des jeunes constitue l’une des réserves les plus fréquemment exprimées. Depuis quelques semaines, les sénateurs ont reçu des centaines de lettres et de courriels de Canadiens inquiets qui se demandent pourquoi le gouvernement risque, à leur avis, la santé et la sécurité des enfants avec une telle mesure législative.
[Français]
Par conséquent, il nous serait utile de mettre en place des critères d’intérêt public applicables aux choix du gouvernement pour déterminer s’ils protègent nos enfants et nos jeunes, comme le prétend le gouvernement.
[Traduction]
J’attire plus particulièrement votre attention sur les enfants qui vivent dans des maisons où, une fois que le projet de loi sera adopté, ils risquent d’être davantage exposés au cannabis, que ce soit directement ou indirectement, car la crainte de sanctions juridiques dignes de ce nom sera inexistante. Les enfants n’auront aucun moyen de se protéger des adultes qui fumeront du cannabis ou en feront pousser en toute légalité.
D’aucuns répondront que certaines personnes fument déjà du cannabis et en font déjà pousser, même sans ce projet de loi. Je sais qu’ils disent vrai, mais je sais aussi que ces personnes s’exposent aujourd’hui à des sanctions juridiques qui disparaîtront si ce projet de loi est adopté tel quel.
Je suis donc moi aussi d’avis que, après avoir passé des dizaines d’années à multiplier les efforts pour protéger les Canadiens, et plus particulièrement les enfants, des effets indésirables de la fumée secondaire, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas revenir en arrière en légalisant le cannabis sans prévoir de protections adéquates.
Des sénateurs continuent de faire valoir que les provinces incluront des protections dans leurs règlements. Or, pour le moment, nous n’en savons rien. Les préparatifs liés à la vente de cannabis ont été faits, mais les provinces n’ont pas les moyens de protéger les gens touchés et elles ne les auront sans doute pas avant longtemps — peut-être même ne les auront-elles jamais. Il faut faire quelque chose. Cette question doit être réglée.
En ce qui concerne les jeunes, les professionnels de la santé nous ont dit que le cerveau continue de se développer jusqu’à l’âge de 25 ans. Pourtant, ce projet de loi établirait l’âge légal de la consommation à 18 ans. L’Association médicale canadienne a déclaré ce qui suit : « Nous voulons toujours établir l’âge légal à 21 ans, et peut-être même à 25 ans, car les dommages causés au cerveau seront permanents. »
[Français]
Si le cerveau se développe jusqu’à l’âge de 25 ans, ce serait peut-être une bonne idée de suivre l’opinion de l’Association médicale canadienne, qui souhaite augmenter l’âge de consommation pour protéger le développement du cerveau de milliers de jeunes gens.
[Traduction]
Passons à la sensibilisation du public et à la prévention. Pour changer l’orientation, nous avons également appris qu’il existe des préoccupations concernant les efforts du gouvernement qui visent la prévention, la sensibilisation et la protection de la santé et du bien-être. Si la légalisation apporte une plus grande exposition et signale la banalisation et l’acceptation sociale, alors elle exige des mesures visant la réduction des méfaits et la sécurité publique. Nous avons reçu les réponses d’autres administrations qui me portent à croire que, à l’heure actuelle, la mise en œuvre de la légalisation est beaucoup trop avancée comparativement aux mesures de prévention et de sensibilisation. Autrement dit, on en parle beaucoup, mais on agit peu.
Devant le comité plénier, le mois dernier, la ministre de la Santé a parlé de l’investissement de 46 millions de dollars du gouvernement dans la sensibilisation du public, et a dit qu’il devrait lancer le programme national en mars. Je n’ai toujours pas vu cette campagne publicitaire nationale de sensibilisation du public ni aucune indication que nous la verrons bientôt. Cette semaine, j’ai envoyé une lettre à la ministre de la Santé pour lui poser cette question, que je lui ai aussi posée en comité plénier.
[Français]
La ministre de la Santé a dit ceci en comité plénier, et je cite :
[...] nous avons obtenu énormément d’information de nos homologues du Colorado. Ils nous ont dit que, s’ils devaient recommencer l’exercice, ils veilleraient certainement à ce qu’une campagne de sensibilisation du public soit mise en place avant la légalisation de cette substance.
[Traduction]
(1620)
Ils nous ont dit que, si c’était à recommencer, ils prévoiraient plus d’argent pour financer un plus gros programme.
La ministre Petitpas Taylor peut bien nous dire que c’est exactement ce que fait le gouvernement, je suis d’avis que ce n’est pas le cas. Nous ne sommes pas en train de nous assurer que le public est bien sensibilisé avant la légalisation du produit. Comment est-il possible de prétendre le contraire alors que la campagne de sensibilisation du public n’a pas encore commencé, à quelques semaines seulement de la légalisation? Le Dr Mark Ware, coprésident du groupe de travail sur la marijuana du gouvernement, a déclaré ceci :
Il ne faut pas attendre 2018. Le Canada devrait immédiatement augmenter de beaucoup les budgets pour pouvoir entreprendre une campagne intensive de sensibilisation du public et faire de la recherche sur les répercussions de la marijuana.
Chers collègues sénateurs, permettez-moi d’attirer votre attention un instant sur l’échéancier en matière d’éducation. C’est une question qui me semble extrêmement troublante. On sait bien que l’information destinée aux jeunes devrait de préférence leur être fournie par des personnes de confiance, comme leurs enseignants, leurs entraîneurs sportifs ou leurs parents. Or, il semble que le programme d’éducation destiné aux jeunes ne sera pas prêt avant la fin de l’année scolaire, c’est-à-dire avant le mois de juin. Si la campagne ne commence pas avant juin, que va-t-il se passer? Au cours de l’été, les jeunes partent s’amuser et font une pause. Nous faisons tous une pause pendant les vacances estivales.
Donc, la jeune génération ne sera pas instruite dans les écoles, avant la légalisation, sur les conséquences et les dangers de la consommation de marijuana. Le manque de planification de la part du gouvernement, en ce qui a trait à la campagne d’éducation, est très inquiétant.
Le budget récent nous annonce un financement de 18 millions de dollars en plus des 46 millions de dollars dans l’année financière suivante. La sénatrice Petitclerc nous a donné une idée très claire, en termes de pourcentage, des sommes qui seront dépensées au Canada, et ce sera beaucoup moins. En outre, l’argent commencera à être disponible seulement après la légalisation de la marijuana. Il me semble que la ministre de la Santé ne prend au sérieux ni les leçons tirées de l’expérience du Colorado ni les recommandations de son groupe de travail. Si c’était le cas, elle aurait lancé un programme national il y a déjà plusieurs mois, sinon plusieurs années. Le Parti libéral avait fait du projet de loi sur la marijuana un élément central de sa plateforme électorale.
Le travail préparatoire en vue d’éduquer le public, en particulier les jeunes, aurait dû commencer dès le début du mandat du gouvernement actuel. Malheureusement, cela n’a pas été le cas, alors il y a lieu de s’interroger sur la sincérité du gouvernement dans son approche de réduction des méfaits.
La sécurité publique est un autre souci que nous partageons. Dans tous les cas de figure, qu’il s’agisse de la décision prise par le gouvernement de s’attacher en priorité à la légalisation des produits qui se fument — produits qui sont interdits dans certaines provinces, mais acceptés sous d’autres formes — ou de l’absence de réglementation sur le THC, il y a de quoi s’inquiéter.
[Français]
Selon la Fédération des médecins spécialistes du Québec, la teneur en THC dans la marijuana consommée aujourd’hui est beaucoup plus élevée, et cela peut mener à un risque de dépendance accru chez certains consommateurs. Pourquoi ce projet de loi ne traite-t-il pas de la limite de THC afin de protéger le développement du cerveau de nos générations futures?
[Traduction]
Autrement dit, pourquoi ne pas avoir dès aujourd’hui un règlement sur le THC? Comme nous l’avons vu au Colorado, il sera particulièrement important d’établir des limites de concentration sur les produits comestibles, les produits concentrés et les produits infusés à la marijuana.
Honorables sénateurs, n’aurait-il pas été plus prudent de s’inspirer de l’expérience du Colorado et d’établir dès maintenant des limites de concentration? On aurait pu ainsi, peut-être, légaliser et réglementer strictement le produit sous ces formes-là, en maintenant l’interdiction de la consommation sous forme de cigarettes. Ce que nous avons fait, c’est de nous engager à adopter, dans un avenir indéterminé, un règlement sur les produits comestibles et les extraits. Il me semble que c’est un pas en arrière ou, du moins, une priorité mal placée.
Il était impératif que le projet de loi soit assorti d’un cadre réglementaire rigoureux et détaillé sur la sécurité publique. Au lieu de cela, le gouvernement a décidé de ne pas suivre le processus habituel d’élaboration des règlements et de prendre des raccourcis hasardeux en ne proposant un règlement définitif que lorsque le projet de loi sera entré en vigueur.
Cela me fait penser à la question que j’ai posée cette semaine au ministre Brison : pourquoi la réglementation ne fera-t-elle pas l’objet d’une publication préalable? Il n’a pas répondu à ma question et il a donné la réponse la plus intéressante que j’ai jamais entendue : c’était un foutu charabia incompréhensible.
Pardonnez-moi ces qualificatifs qui ne sont pas très parlementaires, mais, en même temps, nous sommes des citoyens du Canada qui luttent pour leurs compatriotes.
Il ne s’agira pas d’un processus public et transparent. Il n’y aura pas de publication préalable et de consultation sur la version définitive du règlement. Pour beaucoup d’entre nous, c’est une approche inquiétante sur une mesure que le gouvernement prétend motivée par la sécurité publique et la réduction des méfaits. Comment peut-on réduire les méfaits lorsque l’on prend des raccourcis hasardeux sur la réglementation?
J’aimerais parler de l’application de la loi et du trafic de marijuana sur le marché noir. Je répète ce qu’ont dit plusieurs sénateurs et les témoins de la GRC qui ont comparu devant le comité. Cette mesure législative ne fera pas disparaître le marché noir, contrairement à ce que le gouvernement affirme haut et fort. Comme les produits comestibles ne seront pas tout de suite permis et que les autres produits contenant de la marijuana demeureront à l’extérieur du cadre légal, ce projet de loi assurera en réalité la continuité du marché noir. La culture à domicile et à l’extérieur alimentera elle aussi le marché noir, puisque les restrictions quant à la hauteur des plants ont été supprimées.
Ma parole, comme ils poussent, ces plants.
Comme l’a dit mon collègue, le sénateur Vern White, si le projet de loi est adopté, la seule manière dont un jeune de moins de 18 ans pourra se procurer de la marijuana, c’est illégalement, puisqu’il devra acheter un produit illégal sur le marché noir. Imaginons un instant une classe de jeunes de 12 ou 13 ans où chacun pourrait avoir 5 grammes de pot sur son pupitre.
Je considère moi aussi qu’il y a une faille dans le projet de loi. Pourquoi avons-nous laissé aux provinces et aux territoires le soin d’interdire aux jeunes de posséder de la marijuana, alors que nous aurions pu faire preuve de leadership et le faire nous-mêmes? Les jeunes de moins de 18 ans pourront posséder 5 grammes ou moins de cannabis séché sans enfreindre la loi, mais ce sera criminel de vendre ou de donner de la marijuana à un jeune de moins de 18 ans. Je n’ai pas entendu grand-chose de la part du gouvernement, sinon qu’il laisse les provinces et les territoires étudier les moyens qu’ils veulent prendre pour réduire au minimum le risque que les jeunes se tournent vers le marché noir.
[Français]
Par ailleurs, nous savons que les paradis fiscaux étrangers servent à financer des compagnies de marijuana canadiennes. Au cours des dernières semaines, plusieurs médias au Québec ont révélé que presque la moitié des 86 compagnies qui ont reçu une licence de Santé Canada pour cultiver de la marijuana sont financées au moyen de paradis fiscaux qui sont souvent utilisés par le crime organisé pour le blanchiment d’argent.
[Traduction]
Pas plus tard que mardi, le gouvernement a parlé des changements qu’il entend apporter. Des changements « qu’il entend apporter »? Et moi qui croyais que ce dossier était mûrement réfléchi. De toute évidence, c’est loin d’être le cas.
J’ajouterais également que le projet de loi à l’étude créera des embûches judiciaires au lieu d’en éliminer, comme le prétend le gouvernement.
Pendant l’étude du projet de loi C-46 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, de nombreux experts ont déclaré que les connaissances scientifiques nécessaires n’existent pas encore. En effet, il n’existe actuellement aucune méthode approuvée par le gouvernement qui permettrait d’évaluer, pendant un contrôle routier, si les facultés d’un conducteur sont affaiblies par la marijuana. Dans ce contexte, comment les policiers sont-ils censés mettre cette mesure en vigueur sur le terrain?
Par ailleurs, des témoins ont prévu qu’il y aurait des contestations constitutionnelles de la part de personnes qui risquent de se retrouver avec un casier judiciaire pour des infractions liées à la drogue alors qu’il n’existe pas de critères scientifiques solides. Cette situation aura l’effet inverse de celui que souhaite le gouvernement.
Pour ce qui est des effets de ces changements sur les Autochtones, la ministre de la Santé a souligné que les communautés autochtones souhaitent s’assurer que les programmes seront adaptés à leur culture et répondront à leurs besoins. On nous a garanti que les consultations qui ont été faites satisfont aux obligations légales et constitutionnelles découlant des liens particuliers entre le Canada et les Premières Nations du pays.
Après avoir examiné les comptes rendus, j’en conclus que ce qui a été fait laisse à désirer, tout comme ce que le gouvernement prévoit faire. Ce que j’entends au sujet des intentions du gouvernement ne me convainc pas. Je m’inquiète surtout de l’effet que ce changement aura sur la santé des Autochtones du Canada.
Au cours du dernier mois, le sénateur Patterson et moi avons passé des heures à sillonner le Grand Nord et à discuter de ce projet de loi avec des aînés, des leaders et des citoyens inquiets. Leur réaction est claire : les communautés ne sont pas prêtes à mettre cette mesure législative en œuvre, puisqu’elles ne reçoivent pas le soutien dont elles auraient besoin pour le traitement de la toxicomanie et des troubles de santé mentale.
[Français]
Malheureusement, au Canada, le suicide chez les jeunes des Premières Nations âgés de 15 à 24 ans est cinq à six fois plus élevé que chez les peuples non autochtones. Dans les communautés où la dépression et le suicide sont encore très fréquents, je crains que ce projet de loi ne fasse pas les efforts extraordinaires qui sont nécessaires pour aider les populations autochtones.
[Traduction]
L’honorable Frances Lankin : Merci beaucoup. J’ai quelques questions, mais je voudrais d’abord demander des précisions.
(1630)
Je partage plusieurs des préoccupations que vous avez soulevées, en passant. Par contre, vous avez dit que la loi permettrait à un groupe de jeunes d’avoir 5 grammes de pot en leur possession. Je ne remets pas en question ce que vous dites sur la possibilité que les élèves en aient sur leur pupitre, ce n’est pas la question, mais bien vos propos quant au fait que le projet de loi leur permettrait d’en avoir. Ce n’est pas ce que je comprends du projet de loi. Je me pose la question, parce que le sénateur Boisvenu aussi a fait cette affirmation. Est-ce que j’ai mal compris certaines dispositions? Est-ce que ce que vous dites est exact?
Le sénateur Smith : Madame la sénatrice, je prends la question en note et je ferai les vérifications qui s’imposent. Les renseignements que j’ai reçus indiquent que des enfants de 12 à 17 ans pourraient avoir de la marijuana sur eux. Pardon? Non, je ne suis pas en train de critiquer. Aviez-vous quelque chose à ajouter?
D’après ce que je comprends, il y a des provinces qui agissent pour garder certaines de ces options hors de la portée des enfants et des jeunes. Il s’agit de faire en sorte que le fédéral prenne les devants en cas de confusion ou de conflit entre les autorités provinciales et fédérales. N’imposons pas aux provinces ce qui peut être accompli par le fédéral. Quel genre de leadership devrions-nous exercer? C’est facile de se défiler.
Durant ma courte vie — qui se prolongera, espérons-le —, j’ai toujours été agacé de voir les autorités se décharger de leurs responsabilités en refilant leur travail à d’autres. C’est à nous de le faire, et non pas à eux.
La sénatrice Lankin : Merci. Selon moi, on ne leur donne pas la permission. En fait, c’est toujours interdit, mais les jeunes qui se font arrêter avec une telle quantité voient leur cas traité par le système judiciaire pour les jeunes ou un système provincial. Ils ne sont pas criminalisés, ne se font pas imposer un casier judiciaire permanent et, à cet âge, ils ne vont pas en détention. C’est ce que je comprends. Ce que vous affirmez est différent. Je veux simplement m’assurer que nous parlons des mêmes faits.
Par ailleurs, il est difficile de faire preuve de discernement — ce qui est notre travail —, lorsque divers organismes professionnels formulent des opinions contradictoires. Le sénateur Boisvenu et vous avez mentionné le point de vue de l’Association médicale canadienne, qui prône un âge limite plus élevé. Je crois qu’il a dit 21 ans et que vous avez dit de 21 à 25 ans.
Je me demandais si vous en étiez conscient. Je lisais, pas plus tard que ce matin, un blogue de l’Association canadienne des centres de santé pédiatriques et de directeurs universitaires de pédiatrie. Ce sont eux qui sont venus sur la Colline pour donner un exposé organisé par le sénateur Oh. Il s’agit de deux organisations médicales très crédibles qui interviennent auprès des jeunes. Ces experts ont dit avoir déterminé à l’unanimité que 18 ans ou l’âge légal pour la consommation d’alcool — parce que c’est 19 ans dans certaines provinces — est préférable dans le contexte de la réduction des méfaits. Je crois que cela veut dire qu’il faut agir, comprendre que les gens vont probablement consommer. Il est donc préférable d’établir une réglementation et de prévoir un contrôle de la qualité et ainsi de suite.
Ces experts ne contestent pas le fait que la marijuana a des effets sur le cerveau, mais ils sont d’avis qu’il est préférable d’adopter une approche axée sur la réduction des méfaits. Vous avez peut-être des observations à faire au sujet de l’âge recommandé?
Le sénateur Smith : J’ai assisté à l’exposé. J’espère que vous avez entendu les mêmes médecins que moi. Tous les médecins ont dit à peu près la même chose, c’est-à-dire qu’il serait préférable que l’âge légal soit supérieur à 18 ans. Ils ont dit que l’âge retenu devrait se situer entre 21 et 25 ans en raison des effets sur le développement du cerveau. Bien sûr, en public, les gens affirment qu’en raison des lois sur la consommation d’alcool, l’âge légal devrait être de 18 ou 19 ans. Je comprends cet argument.
Ce qui me frustre, ce sont d’autres problèmes, et certains de nous retrouvent ces problèmes dans leur famille. Il y a des gens, des grands-mères, des tantes et des oncles qui étaient alcooliques et qui ont transmis ce gène à leurs enfants, et leurs petits-enfants sont maintenant des alcooliques. C’est chez les filles de 18 à 35 ans que l’on constate le taux de croissance le plus élevé lié à ce genre de dépendance. J’ai quelques amis dont les filles, qui sont âgées de 35 ans, consomment de l’alcool de façon excessive. Je me demande si vous connaissez des consommateurs excessifs d’alcool qui deviennent des alcooliques. Je suis triste chaque fois que je vois ces personnes, qui suivent des traitements depuis plus de deux ans maintenant. Leur famille a dû débourser plus de 200 000 $ pour leur venir en aide.
Ainsi, pour ce qui est de l’avis des médecins sur l’âge minimum, lorsque j’entends cinq médecins qui disent tous la même chose, soit qu’il faut le fixer à 21 ou 25 ans, je comprends que l’âge doit se situer entre 21 et 25 ans. Il s’agit donc de savoir qui aura le courage politique d’imposer cette limite, même si des gens rétorquent que les jeunes peuvent acheter de l’alcool à 18 ou 19 ans. Eh bien, ma foi, il m’est arrivé de m’acheter de la bière à 13 ans. Je donnais 5 dollars à quelqu’un pour qu’il nous achète deux bières. Nous buvions deux bières et fumions une cigarette avant de rentrer à la maison. Mes parents me demandaient : « As-tu bu quelque chose? »
Devinez ce que nous avons appris. Nous avons appris que, si on en consomme trop souvent, on ne se sent pas bien. Nous avons été chanceux. Dans ma famille, personne n’avait de tendances alcooliques. J’ai donc appris ma leçon à la dure. Verrons-nous la même chose avec la marijuana?
Plus important encore, si les données scientifiques révèlent que le cannabis a des effets sur le développement du cerveau des personnes âgées de 21 à 25 ans, je pense que nous devrions en tenir compte. Il est important de prendre cela en considération et de ne pas se contenter de dire que nous devrions maintenir l’âge minimum à 18 ou 19 ans, sous prétexte qu’on peut s’acheter de l’alcool à cet âge. Je ne crois pas que c’est la bonne décision à prendre.
La sénatrice Lankin : J’ai une dernière question. Encore une fois, je pense que la question que vous soulevez devrait être étudiée très sérieusement au comité.
J’aimerais seulement vous signaler que le blogue de ces deux organisations rend compte de cette réunion en disant que, selon les recommandations du groupe au sujet de l’âge minimum, on s’entend généralement pour dire qu’il est souhaitable, du point de vue de la réduction des méfaits, de fixer l’âge légal en fonction de l’âge établi pour la consommation d’alcool.
Je ne sais pas comment les choses ont évolué depuis cette réunion, mais je pense qu’il est important de se demander comment et dans quelle mesure on peut réduire les méfaits, car je sais que le même genre d’approche axée sur la réduction des méfaits est adoptée en ce qui concerne le traitement de l’alcoolisme.
Je comprends votre conviction que les gens se pencheront sur ces questions au comité. J’ai l’intention de faire cela moi aussi. La dernière question que j’aimerais vous poser est donc celle-ci : est-ce que cela signifie que vous appuierez, en principe, le renvoi du projet de loi au comité?
Le sénateur Smith : Je suis content que vous parliez de cela, car je suis très direct. J’ai une excellente relation avec le leader du gouvernement parce que je le respecte. Je sais qu’il a un rôle difficile à jouer et je crois, enfin, j’espère, qu’il a un certain respect pour ce que nous tentons de faire.
Je vais jouer cartes sur table. Nous avons parlé de ce sujet précis. Plusieurs d’entre nous ont des opinions bien arrêtées sur ce projet de loi.
En conclusion, parce qu’il ne faut pas 45 minutes pour faire un donc celle-ci qu’on me comprend.
Honorables sénateurs, nous savons qu’il reste encore beaucoup de questions préoccupantes à résoudre et je suis heureux de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd’hui. Le projet de loi, dans sa forme actuelle, ne permet pas d’atteindre l’objectif fixé, soit de protéger les jeunes. Cet échec causera un tort irréparable, en particulier aux enfants et aux jeunes, ainsi qu’à toute la société en général.
[Français]
Comme sénateurs, nous devons accorder la priorité à la santé et à la sécurité des Canadiens et Canadiennes. D’après les preuves que nous avons vues jusqu’à maintenant, sans parler des conséquences imprévues constatées ailleurs, il est clair que ce projet de loi suscite de très graves préoccupations.
[Traduction]
Le gouvernement a choisi de procéder à toute vitesse en faisant fi des recommandations des spécialistes de la santé, des forces de l’ordre et même des autres gouvernements qui ont légalisé la marijuana. Il revient au Sénat de mettre en évidence la nécessité d’une étude plus approfondie des conséquences, d’une meilleure gestion des risques et des préoccupations cernés, ainsi que de la mise en place d’une campagne de sensibilisation digne de ce nom.
Honorables sénateurs, en tant que membres de la Chambre haute, remplissons notre rôle de second examen objectif et apportons une contribution collective utile dans l’intérêt de tous les Canadiens. C’est ce que les Canadiens attendent de nous. Si les principaux problèmes dont j’ai parlé ne sont pas réglés, le projet de loi ne protégera pas les Canadiens et nous aurons failli à notre devoir.
[Français]
N’oublions pas que notre cause commune est fondée sur la différence que nous pouvons et devons faire en unissant nos efforts pour protéger les collectivités et les familles canadiennes alors que nous poursuivons notre étude de ce projet de loi. Merci beaucoup. La situation est fort simple. La mesure législative comporte de nombreuses lacunes. Nous devons donc faire un choix. Devons-nous tenter de rendre le projet de loi acceptable ou de l’améliorer, ou devons-nous prendre une décision maintenant?
(1640)
[Traduction]
Nous sommes dans l’opposition. Notre travail consiste à examiner de très près la législation et, si nous ne l’appuyons pas, à nous y opposer. Par conséquent, quand la sénatrice me demande si je vais voter en faveur de ce projet de loi, je réponds que, ce qui compte le plus, c’est que le gouvernement et ceux qui croient en l’approche qu’il a adoptée votent de tout leur cœur en faveur du projet de loi, si c’est ce qu’ils veulent.
La sénatrice Lankin : Renvoyons-le au comité!
Le sénateur Smith : C’est l’obligation qu’a le leader du gouvernement envers les sénateurs des deux côtés de cette enceinte. Quant à nous, notre rôle consiste à comprendre de quoi nous parlons et à nous assurer que nous avons discuté entre nous de la question et que nous sommes arrivés à un consensus.
Notre groupe comporte des membres formidables qui sont très disciplinés et éprouvent énormément de respect pour les enfants canadiens. La sénatrice me demande si je voterai en faveur du projet de loi. Je lui répondrai que nous avons déjà pris la décision de faire essentiellement ce que nous estimons être juste, et je crois que je ferai le choix qui s’impose quand le moment viendra aujourd’hui. J’encourage les sénateurs de l’autre côté à en faire autant parce que le projet de loi à l’étude a été présenté par le gouvernement, et que ce n’est pas à nous que revient la décision.
Son Honneur le Président : J’ai vu plusieurs sénateurs se lever avant vous, sénatrice Raine. Sénatrice Omidvar, avez-vous une question?
La sénatrice Omidvar : Merci, Votre Honneur. Les questions que j’avais ont été posées et des réponses y ont été données. Je n’accaparerai pas le temps de l’honorable sénateur.
[Français]
La sénatrice Moncion : Ma question s’adresse au sénateur Smith et porte sur les propos qu’il a tenus au sujet de son groupe. J’ignore si vous avez prêté attention aux discours prononcés par les sénateurs de ce côté-ci. Toutefois, je dois dire que nous ne faisons pas partie de l’opposition et que nous ne sommes pas de connivence avec le gouvernement.
Plusieurs sénateurs ont fait part de certains inconforts qu’ils ressentent face à des aspects de cette législation et à la façon dont elle est présentée à l’heure actuelle. Les sénateurs qui ont pris la parole ont présenté leurs zones d’inconfort et leurs préoccupations. Ce à quoi nous nous attendons, c’est que tous ces inconforts qui ont été cités, qu’ils concernent l’âge, les emballages ou les produits comestibles, soient analysés en comité.
Par ailleurs, vous ne semblez pas vouloir que le projet de loi fasse l’objet d’une étude en comité. Ma question est la suivante : comment voulez-vous que ce projet de loi soit analysé plus en profondeur si on ne le renvoie pas à un comité?
Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre question, sénatrice Moncion. Ce que j’ai affirmé, et je tiens à le préciser, c’est que le rôle du gouvernement est de mettre en œuvre les politiques et les lois gouvernementales. les produits comestibles, qui sommes dans l’opposition, notre travail est de critiquer et d’analyser.
J’ai dit au sénateur Harder que nous allions évaluer cela tout en jouant notre rôle d’opposition. Je ne vous ai pas dit que nous ne voulions pas faire telle ou telle chose. Ce que je vous ai dit, c’est qu’il vous appartenait, en tant que groupe parlementaire, de faire vous-mêmes votre choix, parce que, de notre côté, nous choisirons nous-mêmes notre façon de procéder. C’est le point que je voulais apporter.
La sénatrice Moncion : J’aimerais apporter une clarification. En ce qui concerne notre groupe, chaque sénateur qui est un sénateur indépendant présente sa propre décision. Contrairement à ce que vous pouvez en penser, ce ne sont pas des décisions de groupe.
Étant donné ces faits, j’aimerais savoir jusqu’où nous serons en mesure de faire avancer ce projet de loi.
Le sénateur Smith : Voilà le défi qui se présente à la suite de la décision du premier ministre de structurer ainsi votre groupe. Concernant certains points, vous serez appelés à prendre vos propres décisions, et ce, de façon indépendante. Par contre, en tant que groupe, vous devrez suivre le plan que vous avez établi, voilà la vérité.
Bien honnêtement, je ne tiens pas à créer de conflits, car je crois que vous êtes tous très compétents. Par contre, de notre côté, nous sommes tous très fiers de notre façon de travailler, soit dans le respect de la réglementation du système parlementaire de Westminster. Nous ne sommes pas des consultants. Notre groupe prend toujours ses décisions à la suite de longues périodes de discussions et de questions.
[Traduction]
La sénatrice Raine : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Smith : Oui, allez-y.
La sénatrice Raine : En tant que sénatrice indépendante… Nous sommes tous des sénateurs indépendants. Il faut être reconnu d’un acte criminel pour être renvoyé du Sénat. Nous sommes indépendants. Je suis fière de mon indépendance.
En tant que sénatrice indépendante à l’esprit conservateur, j’ai une question pour vous, qui avez beaucoup d’expérience dans le domaine des affaires. Je sais que, lorsqu’un produit est vendu légalement dans notre pays, cela veut dire qu’il est possible — conformément à la Constitution et à la liberté d’expression, je crois — de le commercialiser et d’en faire la promotion. Je sais également que l’objectif principal de la plupart des entreprises est celui de gagner de l’argent et, essentiellement, de vendre un produit à des fins commerciales, d’accroître leur part de marché et d’offrir une valeur accrue aux actionnaires, même s’ils sont dans un pays étranger.
Si nous rendons légale la vente d’un produit qui est illégal pour l’instant, pensez-vous qu’une baisse de la vente de ce produit est possible?
Le sénateur Smith : Eh bien, vous touchez à deux questions. La première est de savoir à quoi ressemblera le marché légal de la marijuana. Le président de la Canopy Growth Corporation a été éloquent après la première visite du sénateur Dean au sujet de la capitalisation boursière, surtout pour son entreprise qui va croître. Le marché va croître de façon considérable pour les producteurs légaux. En ce moment, le marché illicite au Canada est estimé à 7 milliards de dollars par année. Le marché légal sera donc un multiple de ce marché. Il y a, d’un côté, les ventes légales et l’augmentation de la capitalisation boursière, et, de l’autre, la question de savoir si le marché légal va perdurer.
Je n’ai pas de statistiques avec moi, mais je suppose que le marché noir continuera à bien se porter. Se portera-t-il encore mieux? Je le crois, et ce, peut-être bien grâce aux jeunes n’ayant pas l’âge légal qui en achèteront. Je me répète, mais nous devons réfléchir à ce que nous faisons de manière à anticiper quel effet ce projet aura sur le marché officiel et le marché noir.
N’oublions pas les gens qui ont investi dans les entreprises concernées. Les investissements de la moitié de ces 86 entreprises sont constitués de fonds venus de l’étranger et, dans de nombreux cas, de gens riches de notre pays et d’autres pays, mais aussi du crime organisé. Les ventes légales et potentiellement illégales sont touchées par des problèmes, directs ou indirects.
L’honorable André Pratte : Si je comprends bien le chef de l’opposition, quand il dit que le gouvernement fédéral ne devrait pas se décharger de ses responsabilités envers les jeunes en possession de 5 grammes, ce qu’il veut dire, c’est que le gouvernement fédéral devrait laisser le bras de la loi s’abattre sur les jeunes gens en possession de 5 grammes ou moins. C’est ce que cela veut dire. C’est ce que le projet de loi dit, à savoir que le gouvernement fédéral ne considérera pas comme criminels les jeunes en possession de 5 grammes ou moins. C’est tout ce que le projet de loi dit. Par conséquent, les provinces peuvent appliquer la loi provinciale à ces jeunes gens et elles ont choisi de le faire.
Voulez-vous que les jeunes de 12 à 17 ans en possession de 5 grammes ou moins soient considérés comme des criminels? Est-ce ce que vous voulez?
Le sénateur Smith : Pouvez-vous répéter votre question? Il y avait beaucoup de bruit.
(1650)
Le sénateur Pratte : Voulez-vous que les jeunes de 12 à 17 ans qui ont 5 grammes ou moins de marijuana en leur possession soient accusés d’un crime?
Le sénateur Smith : Je crois que votre question repose en partie sur votre perception des gouvernements précédents et le fait qu’ils aient voulu serrer la vis aux criminels. De mon côté, comme il s’agit d’une question importante, je propose plutôt de réfléchir soigneusement et attentivement aux zones grises ou nébuleuses qui subsistent dans ce texte de loi en ce qui concerne les jeunes. Je n’apprendrai rien à personne en disant que, de tout temps, les autorités ont toujours cherché à ne pas pénaliser indûment les jeunes.
Je n’aimerais pas qu’on me fasse dire que la solution passe par la criminalisation et le resserrement des sanctions pénales. Je crois, au contraire, que la vraie solution consiste à toujours bien prendre le temps d’analyser les politiques connexes à la légalisation du cannabis et à utiliser tous les outils à notre disposition pour que la future loi soit juste.
Vous ne m’avez posé encore aucune question sur les Autochtones, et j’avoue que cela me fait tiquer. Il en a pourtant été question au Comité des finances. Selon moi, les Autochtones sont laissés pour compte. Le sénateur Patterson nous a expliqué que ces pauvres gens vivent dans des endroits isolés, sans infrastructures et sans mécanismes de soutien, et que, faute de corps policiers dignes de ce nom, ils doivent faire appel à la GRC et à des tiers. Nous devons tout faire pour que ces gens soient pris en compte, car ce sont peut-être eux qui sont le plus en danger de tous, surtout les jeunes.
Quand ces jeunes sont venus ici, nous avons vu la fierté briller dans leurs yeux quand ils se tiennent debout. Mais songez un peu à ceux qui vivent dans un bled perdu et qui sont incapables de se tenir debout. Nous devons faire quelque chose. Arrêtons de parler et passons à l’action. Nous avons besoin de résultats, mais, pour cela, il faut bouger.
Notre argumentation repose en grande partie sur des discussions, et non des actions. Regardez le bilan, sénateur Pratte : deux ans et demi, une foule de promesses, aucun résultat. Toute ma vie, j’ai eu pour philosophie de ne pas parler de promesses, mais de résultats. Cela m’a été utile. J’espère qu’ensemble nous saurons obtenir des résultats. Nous faisons de l’excellent travail, tous, mais concentrons-nous sur les domaines où nous devons obtenir des résultats.
Le sénateur Pratte : Vous savez, sénateur Smith, que je ne remets pas en question votre bilan. Je posais une simple question. Le projet de loi dit qu’il ne serait pas criminel pour des jeunes d’avoir en leur possession 5 grammes ou moins. Vous dites alors que le gouvernement fédéral devrait faire quelque chose pour ces jeunes. Que suggérez-vous qu’il fasse?
Le sénateur Smith : Nous devrions veiller à lever toute confusion qui pourrait exister au sujet de la drogue et des jeunes d’un certain âge et à créer le meilleur contexte et les meilleures règles possibles pour que personne ne tombe dans des pièges qui pourraient lui nuire ou nuire à son avenir. S’il y a confusion, cernons le problème et réglons-le, et cessons de parler de tout ce qui pourrait arriver. Réglons le problème maintenant. Faisons-le maintenant. C’est ce qui tracasse un grand nombre d’entre nous dans cette mesure législative. Il y manque trop de choses.
L’honorable Nicole Eaton : Monsieur le leader, je vais donner suite à la question du sénateur Pratte au sujet des 5 grammes que les personnes de 18 ans ou moins pourront avoir en leur possession. J’ai posé cette question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, et on a admis qu’une personne pourrait avoir cinq ou six joints dans sa poche. Le sénateur Pratte dit que nous ne voulons pas frapper avec toute la rigueur de la loi, mais savez-vous que nous pourrions choisir de ne tolérer aucune quantité chez les moins de 18 ans? Nous pourrions aussi décriminaliser ce délit de sorte que quiconque pris avec 5 grammes ou moins serait simplement passible d’une amende. Nous pourrions décriminaliser ce court article. Vous avez peut-être compris le projet de loi différemment, mais je trouve que certaines choses n’ont pas été prises en compte ou bien réfléchies.
Avez-vous songé au jeune de 17 ans qui ne peut s’en procurer légalement? Où va-t-il s’en procurer?
Le sénateur Smith : Sénatrice Eaton, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec l’Association des parents catholiques du Québec. C’était fascinant. Voici deux éléments que vous trouverez peut-être intéressants. Les femmes ont dit que la grande majorité des parents avec qui elles se sont entretenues ne sont pas au courant de ce qui se passe. L’un des éléments qu’on réclame pour protéger les jeunes enfants est l’interdiction de vendre du pot à moins d’un kilomètre d’une école ou d’une zone scolaire. J’ai demandé ceci : comment empêcher cela sans avoir des policiers qui surveillent à proximité? On m’a répondu que la SAQ leur a promis de ne pas établir de succursale à moins d’un kilomètre d’une école. Je ne suis pas sûr que les élèves du primaire ou du secondaire iront en acheter à la SAQ. Il semble y avoir un malentendu à l’égard des paramètres possibles.
Bref, comme je l’ai dit au sénateur Pratte, et sans vouloir me répéter outre mesure, s’il existe des lacunes auxquelles nous pouvons remédier avant que la loi entre en vigueur, j’estime qu’il est préférable d’agir plutôt que de réagir. C’est la même chose pour une entreprise. On peut faire une analyse rétrospective ou examiner un rapport de vérification et conclure que nous aurions pu faire ceci ou cela d’une meilleure façon, mais qu’en est-il des quatre ou cinq choses que nous pouvons mieux faire dès maintenant? Faisons-les maintenant.
L’honorable Ratna Omidvar : Je crois que certaines des questions que vous avez soulevées rejoignent les préoccupations de bon nombre d’entre nous, notamment en ce qui a trait aux limites d’âge, aux niveaux de puissance et à l’interaction avec d’autres substances. Vous posez ces questions. Nous obtenons des réponses à ces questions au comité, où nous entendons des témoins, des parties intéressées et des experts. D’ailleurs, vous avez participé aux négociations qui ont fait en sorte que le projet de loi a déjà été renvoyé aux Comités des affaires autochtones, des affaires juridiques et des affaires étrangères, voire peut-être à d’autres. Je ne m’en souviens plus. Je ne comprends donc pas très bien votre présente position contradictoire. D’une part, vous renvoyez le projet de loi à des comités, mais, d’autre part, vous vous opposez à son renvoi au comité. Vous posez des questions. Vous avez dit que vous vous opposeriez au renvoi du projet de loi au comité.
Le sénateur Plett : Il n’a pas dit cela.
La sénatrice Omidvar : C’est ce que j’ai entendu. L’honorable sénateur pourrait peut-être éclairer ma lanterne. Le comité n’est-il pas l’endroit tout désigné pour qu’on puisse obtenir des réponses à ces questions très délicates et importantes?
Le sénateur Smith : Madame la sénatrice, j’ai le plus grand respect pour vous. Je suis allé vous parler peu de temps après votre arrivée au Sénat. En toute honnêteté, je ne me rappelle pas avoir dit que nous allions voter contre le renvoi du projet de loi à un comité. J’ai dit que j’avais laissé entendre au représentant du gouvernement que ce n’était pas à nous de faire le travail à votre place. Ce que nous tentons de faire, c’est d’être… Non, non, sérieusement. Des gens disent que nous allons bloquer le projet de loi. Eh bien, nous avons énormément étudié la question. Peu importe la décision que nous prendrons, les gens sont indépendants et peuvent faire ce qu’ils veulent, parce que nous allons leur demander comment nous devrions agir. Lorsque les gens nous disent ce que nous devrions faire, nous les écoutons, car notre groupe est discipliné et travaille ensemble pour en venir à une conclusion.
Je n’ai jamais dit ce que nous allions faire. Je l’ai dit aux médias. J’en ai assez que des gens nous disent que nous tentons de bloquer le projet de loi. Un instant. Nous tentons de faire notre travail. Que devons-nous faire si, compte tenu d’un grand nombre de problèmes, nous estimons qu’il est préférable de ne pas appuyer un projet de loi? Est-ce que nous faisons de l’obstruction? Non. Si le gouvernement a un programme et un plan, c’est à lui qu’il appartient de les faire adopter. Nous n’avons pas encore fait des consultants de ce groupe de gens formidables. Je n’ai rien contre les consultants, mais j’en ai contre les gens qui affirment qu’il doit y avoir une certaine forme de coordination et de travail d’équipe pour obtenir des résultats. En fait, il y a déjà un espace pour cela.
(1700)
À mon avis, c’est ce que vous essayez de créer. Le sénateur Woo et la sénatrice Saint-Germain…
La sénatrice Lankin : Ce n’est pas du tout cela.
Le sénateur Smith : Si ce n’est pas cela, vous allez obtenir ce que vous cherchez à obtenir. Je vous dis seulement ce que nous avons. Ne venez pas nous dire que nous faisons de l’obstruction et que nous ne faisons pas notre travail. Notre travail, nous le faisons. Nous travaillons d’ailleurs très fort. Le sénateur Carignan travaille d’arrache-pied. Il a recueilli 800 articles et il a fait toutes sortes de recherches. En tant que porte-parole, il nous explique ce que nous allons faire. Notre groupe a une stratégie, à laquelle nous faisons participer tout le monde. Les gens qui s’occupent des réseaux sociaux font de l’excellent travail.
Mais ne venez pas nous dire que nous faisons de l’obstruction. C’est vous qui devez faire avancer les choses. Le sénateur Harder et moi le comprenons bien.
Sénatrice Lankin, j’ai énormément de respect pour vous. Nous avons discuté ensemble. Je ne vise personne. Je suis désolé. J’aurais dû passer mon tour. C’est ce que je voulais faire.
Finalement, vous devez faire votre choix. Nous ferons aussi le nôtre, parce que nous avons le droit de faire notre propre choix.
Son Honneur le Président : Le sénateur Carignan a la parole.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, nous sommes sur le point de voter à l’étape de la deuxième lecture sur le projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
D’entrée de jeu, je désire affirmer que, dès que cet engagement électoral a été annoncé par le premier ministre en juin 2015, ma réaction première en a été une de surprise. Pourquoi? Comment la légalisation du cannabis est-elle devenue une priorité pour notre société et, surtout, comment le fait de baisser les bras face à ce problème devenait-il la solution? J’ai toujours cru à la décriminalisation de la possession simple et j’ai voulu éviter que les jeunes soient stigmatisés par un dossier criminel pour une infraction mineure. J’y crois encore aujourd’hui, alors que notre connaissance sur ce sujet s’affine de plus en plus depuis le début de nos débats. Cependant, le gouvernement veut aller plus loin et devenir le premier pays au monde à légaliser la vente libre du cannabis.
Même en tentant de faire preuve de la plus grande ouverture d’esprit possible, cette volonté de légaliser si rapidement l’usage du cannabis m’inquiète au plus haut point, et ce, à plusieurs égards. Je tenterai de vous faire part des enjeux que soulève le projet de loi C-45 de façon objective et pratique. En légalisant l’usage du cannabis de la manière proposé avec précipitation, sans évaluation scientifique, et contre tous les avis d’experts médicaux, le gouvernement enfreint l’une des normes fondamentales d’un décideur public moderne : celle de la précaution. Internationalement admis, ce principe a même été constitutionnalisé en 2005 par la France comme condition sine qua non à toute législation. Le principe de précaution désigne la situation dans laquelle les connaissances sont insuffisantes pour établir scientifiquement l’existence d’un risque de dommage de grande ampleur dû à une activité humaine susceptible d’affecter l’environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire.
Ici, l’activité humaine dont il est question est la légalisation de l’usage du cannabis, un produit consommé par des humains. Ce principe se retrouve d’ailleurs au Canada dans certaines décisions judiciaires et a été instauré dans la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation. Ce projet de loi a pour effet de modifier en profondeur notre société. La précipitation qui l’accompagne est troublante. Qui dit précipitation dit également improvisation.
La ministre de la Santé nous informe que la loi sera en vigueur de 8 à 12 semaines après la sanction royale. Dans les États américains qui ont légalisé l’usage du cannabis — légalisation décidée par voie référendaire, faut-il le préciser —, l’entrée en vigueur a été proclamée entre 12 et 24 mois après l’adoption des lois. Le Colorado a promulgué sa loi légalisant l’usage du cannabis le 10 décembre 2012, et la vente a commencé 12 mois plus tard, soit le 1er janvier 2014. Dans l’État de Washington, la loi a été promulguée le 5 décembre 2012, et la vente n’a commencé que 18 mois plus tard, soit le 8 juillet 2014. Enfin, en Californie, la loi est entrée en vigueur le 9 novembre 2016, et la vente a commencé 13 mois plus tard, c’est-à-dire le 1er janvier 2018.
Pour sa part, l’Uruguay a pris quatre années à se préparer avant de rendre accessible le cannabis par un réseau de pharmacies. Ainsi, les administrations locales, policières et sanitaires ont eu beaucoup plus de temps pour s’y préparer, sans compter qu’ils avaient déjà une expérience de 10 à 15 ans de dépistage aléatoire des drogues auprès des travailleurs à haut risque, comme les conducteurs de transport public, les pilotes d’avion, les ingénieurs de train et les conducteurs d’autobus scolaire.
Malgré cela, les représentants de ces États américains nous ont dit que, lorsque l’entrée en vigueur des lois est survenue, ils ont compris qu’ils n’étaient vraiment pas assez préparés. Le Canada, un pays 37 fois plus grand que le Colorado, compte le faire en 8 semaines. Sommes-nous sérieux? Nous avons entendu des gouvernements provinciaux, des corps policiers, des médecins spécialistes et bien d’autres organisations implorer le gouvernement fédéral de ralentir la cadence afin que cette transformation importante se fasse dans l’ordre.
Quoi qu’on pense du projet de loi C-45, je dois admettre qu’il a un certain effet instructif en suscitant un dialogue national sur le cannabis. Par exemple, nous savons qu’un nombre croissant de Canadiens croient que les gens ne devraient pas avoir de casier judiciaire pour possession de faible importance. De plus, certains objectifs du projet de loi C-45 sont louables. Il semble même y avoir consensus à ce chapitre. Il est toujours utile de souligner ce que les deux parties ont en commun. Je citerai trois points. Les déclarations suivantes de la ministre de la Justice à l’étape de la deuxième lecture reflètent les intentions du projet de loi C-45 : (1) protéger la santé des jeunes en limitant leur accès au cannabis; (2) alléger le fardeau du système de justice pénale; (3) sensibiliser le public aux risques pour la santé associés à la consommation de cannabis.
Il est fascinant que, malgré l’accord universel sur ces trois intentions, il y ait autant de positions entre les « pour », les « contre » et les « peut-être, mais à la condition de ». Pourquoi? La réponse est simple : l’exécution de ces trois bonnes intentions. Autrement dit, comment le projet de loi C-45 atteindra-t-il ces objectifs? La légalisation est-elle la seule option pour atteindre les objectifs du gouvernement?
[Traduction]
Première bonne nouvelle : la principale raison justifiant le projet de loi C-45 ne tient plus. Grâce à un rapport de Statistique Canada publié en septembre 2017 et au rapport mondial sur les drogues de 2017 des Nations Unies, nous savons maintenant que le Canada n’est plus le pays affichant le taux de consommation le plus élevé du monde, en particulier chez les jeunes. Voilà qui est très encourageant. Selon Statistiques Canada, le pourcentage de jeunes âgés de 16 à 17 ans ayant déclaré avoir consommé de la marijuana dans la dernière année aurait baissé de 2002 à 2012 et serait demeuré stable chez les 18-25 ans. C’est ce que confirme aussi le rapport du directeur parlementaire du budget sur les considérations financières entourant la légalisation du cannabis. Je cite :
Les données historiques de l’Enquête sur le tabagisme chez les jeunes […] font état d’un déclin constant et important de la consommation déclarée de cannabis chez les jeunes au cours des dernières années.
[Français]
Pour préparer le projet de loi C-45, le gouvernement a constitué un groupe de travail qui a produit son rapport en décembre 2016.
(1710)
[Traduction]
J’aimerais parler du groupe de travail. Premièrement, le rapport de 129 pages qu’il a produit est utile, même s’il n’est pas objectif, ce qu’on ne peut lui reprocher puisqu’il ne cherchait qu’à atteindre les objectifs que lui avait fixés le gouvernement. Ce n’est pas non plus un rapport très volumineux, si on le compare au rapport de quelque 800 pages que le Sénat avait produit en 2002 ou le rapport de quelque 1000 pages de la commission Le Dain.
En fait, le rapport du groupe de travail n’est même pas de niveau universitaire, si on le compare, par exemple, au rapport gouvernemental établi en 2015 par l’administrateur en chef de la santé publique de l’époque, le Dr Gregory Taylor, intitulé La consommation d’alcool au Canada. Cette étude est deux fois moins volumineuse que le rapport du groupe de travail; pour autant, elle comporte 705 citations, alors que ce rapport n’a ni citation ni bibliographie. C’est important de le dire, parce que c’est ce rapport qui a servi à rédiger le projet de loi C-45. Si le rapport du groupe de travail n’est pas crédible, il faut se demander si le projet de loi ne manquerait pas également de crédibilité, étant donné que la ministre de la Justice a fait la déclaration suivante en comité plénier :
[…] le gouvernement s’inspire en grande partie des conseils donnés par le Groupe de travail […]
[Français]
Revenons au groupe de travail. À son crédit, le rapport reconnaît, à la page 1, et je cite :
Nous sommes conscients des lacunes de notre base de connaissances actuelle au sujet du cannabis et des effets du cannabis sur la santé et le développement humains.
[...] nous reconnaissons que la politique concernant le cannabis, dans ses nombreuses dimensions, manque de recherches exhaustives de haute qualité, et ce, dans de nombreux domaines importants. Sur de nombreuses questions au cours de nos discussions et des délibérations, nous avons découvert que la preuve est souvent inexistante, incomplète ou non concluante.
[Traduction]
Pensez-y un instant; qu’arriverait-il si une compagnie pharmaceutique disait la même chose à la Direction générale des produits de santé et des aliments, l’organisme gouvernemental qui examine les demandes d’approbation d’un nouveau médicament? Imaginez une compagnie pharmaceutique présentant un nouveau médicament à la FDA et concluant son exposé par la déclaration suivante : « Bien que la preuve de l’efficacité de ce nouveau médicament soit souvent inexistante, incomplète ou non concluante, nous aimerions que la FDA l’approuve pour vente libre au Canada et même, pour des raisons de commodité, qu’elle autorise sa vente en ligne. » Le personnel de la FDA se contenterait sans doute de répondre avec le sourire : « Vous savez que, sans ordonnance, on ne peut même pas acheter du sirop contre la toux contenant de la codéine. Revenez nous voir après avoir effectué des essais cliniques. »
Vous vous posez peut-être maintenant la question suivante : pourquoi donc le cannabis a-t-il été approuvé par Santé Canada? La réponse courte, c’est qu’il ne l’a pas été. Le document intitulé Renseignements destinés aux professionnels de la santé, qui porte sur la consommation du cannabis et qui contient 1 000 citations, formule dès le début une mise en garde en caractères gras :
Le cannabis n’est pas un produit thérapeutique approuvé, et la présentation de cette information ne saurait être interprétée comme un endossement par Santé Canada de l’usage de ce produit ou du cannabis en général.
Voici un autre point dont il n’a pas été question à la Chambre des communes, mais qui a été soulevé par le groupe de travail. Les membres ont reconnu ce qui suit :
Il est plus approprié de se référer à nos recommandations comme étant « appuyées par des preuves » au lieu de « fondées sur des preuves » […]
Or, la ministre de la Justice a présenté le projet de loi en ces mots :
Notre gouvernement comprend la complexité de [la légalisation du cannabis]. C’est pourquoi nous avons adopté une approche prudente fondée sur des données probantes.
Le groupe de travail avait pourtant conseillé sans équivoque au gouvernement de ne pas utiliser le verbe « fonder ». Dans le même discours, la ministre l’a répété :
Le gouvernement croit aux politiques fondées sur des faits probants.
Puis, dans une réponse à une question, elle a affirmé :
[Le projet de loi C-45] est fondé sur des données probantes et propose de mettre en place un régime complexe pour légaliser et réglementer strictement la vente de cannabis au Canada. Il s’inspire du rapport d’un groupe de travail […]
[Français]
Dans son discours aux Nations Unies, en 2016, la ministre de la Santé a déclaré ce qui suit, et je cite :
Notre approche envers les drogues doit être compréhensive, collaborative et empreinte de compassion.
« Global » veut dire « exhaustif »!
Vous vous rappelez que le groupe de travail a écrit ce qui suit, à la page 5 :
Nos recommandations tiennent compte du fait que la compréhension scientifique actuelle de l’affaiblissement des facultés par le cannabis présente des lacunes et que plus de recherches et de données probantes, d’investissements dans la capacité des organismes d’application de la loi, dans la technologie et les outils et dans l’éducation exhaustive du public sont requis d’urgence.
Le président du groupe de travail a déclaré ce qui suit, et je cite :
Nous avons découvert que la réglementation du cannabis touchera tous les aspects de notre société.
Il affirme ce qui suit, à la page 17, en soulignant d’autres conclusions de ce rapport :
[...] la science actuelle n’est pas définitive concernant l’âge sécuritaire pour la consommation du cannabis.
À la page 6 :
[...] un consensus existe quant à la nécessité d’effectuer plus de recherches pour comprendre, valider et approuver les médicaments à base de cannabis
À la page 15 :
Nous en savons plus sur les effets à court terme du cannabis [...]. Nous avons moins de certitude concernant certains effets à long terme [...]
[Traduction]
Si ce n'était qu’une de ces préoccupations est un tant soit peu justifiée, d’autres études seront évidemment requises. C’est peut-être pour cette raison que la mise en œuvre complète de la loi a nécessité quatre ans en Uruguay et que la distribution y est assurée par les pharmacies. Pour une raison que j’ignore, le Comité de la santé n’a entendu aucun témoignage de représentants de l’Uruguay. Je suis donc curieux d’en apprendre davantage sur l’approche de ce pays et, plus précisément, sur les motifs qui expliquent le délai de quatre ans.
Si le Canada met en œuvre le projet de loi C-45 dans 8 à 12 semaines, alors les seuls à profiter de ce processus accéléré seront les grandes entreprises et certains actionnaires anonymes qui cachent leurs avoirs dans des paradis fiscaux.
[Français]
Revenons maintenant spécifiquement au projet de loi C-45.
Le gouvernement nous dit qu’un des objectifs de ce projet de loi est d’endiguer le crime organisé qui serait derrière la production et la vente du cannabis. Sur quelles données probantes et scientifiques le gouvernement s’appuie-t-il pour affirmer que, en légalisant l’usage du cannabis, il fera reculer les activités du crime organisé? On ne le sait pas.
Le 27 février dernier, Radio-Canada publiait un reportage sur des trafiquants de cannabis actifs depuis plusieurs années. Ce reportage mettait en relief le fait que les trafiquants ne sont pas du tout inquiets par la future légalisation du cannabis.
Voici un extrait de ce reportage, que je cite :
Les revendeurs se disent prêts à entrer dans une guerre de prix contre l’État.
« Le prix du gouvernement sera toujours plus cher, parce qu’il y a plus de bureaucratie », affirme Vincent, un revendeur de cannabis en Montérégie.
La baisse de la valeur du cannabis sur le marché noir ne menacera pas les revenus des revendeurs de rue.
Mélanie, qui est active depuis 30 ans au centre-ville de Montréal, affirme ce qui suit :
« T’as 30 g, tu ne vas pas en dedans. Quand je vais avoir fini ceux-là, je vais aller dans ma cache, je vais aller en chercher 30 autres. Je vais continuer à vendre de même. »
Je vous rappelle, en passant, que, dans sa cache, Mélanie pourra, au Québec, avoir jusqu’à 150 grammes sans être importunée, et, dans certaines provinces, des quantités illimitées.
Chers collègues, cela peut vous donner une bonne idée de ce qui vous attend.
Toujours concernant le crime organisé, voilà un autre commentaire éclairant. Récemment, quand il a comparu au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles Kevin Brosseau, commissaire intérimaire à la Gendarmerie royale du Canada, a mis en doute les affirmations du premier ministre et des ministres responsables de la légalisation du cannabis au sein du gouvernement fédéral selon lesquelles il est impératif de légaliser cette drogue pour écarter le crime organisé du marché noir de la marijuana qui lui permet d’empocher une fortune. M. Brosseau a dit, et je cite :
Étant donné la participation du crime organisé au marché illégal du cannabis, nous ne nous attendons pas à ce que la loi contribue à éliminer la présence du crime organisé dans le marché du cannabis. Elle contribuera à diminuer sa présence, mais pas à l’éliminer.
[...] les marchés illégaux et le crime organisé sont en constante évolution, et je dois dire honnêtement qu’ils semblent même parfois avoir une longueur d’avance.
(1720)
Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a également émis des doutes sur les prétentions du gouvernement en affirmant que le crime organisé a déjà modifié ses stratégies pour déjouer les forces de l’ordre en prévision de la légalisation du cannabis, qui est prévue au début de juillet. Le porte-parole du SPVM a tenu les propos suivants, et je cite :
Le crime organisé, le mot le dit, il est organisé. Il s’ajuste à la réalité du marché.
Voilà ce qu’en disent les forces de l’ordre. Dans la même veine, il est assez paradoxal que le gouvernement prétende vouloir enlever les jeunes des mains du crime organisé. À l’heure où le cannabis est illégal, voyons quelles sont les habitudes de nos jeunes.
Selon un rapport technique du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies paru en 2011, les estimations pour la consommation de cannabis au cours de la dernière année vont de 16,7 à 32,4 p. 100. Selon l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves quant à la consommation chez les jeunes pour l’année 2014-2015, la consommation chez les élèves de la 10e à la 12e année se situait à environ 28 p. 100. C’est donc dire, honorables sénateurs, que, malgré le fait que le cannabis soit illégal en ce moment, les jeunes peuvent s’en procurer aisément. Ce n’est pas une surprise. Alors, que se passera-t-il lorsque le projet de loi C-45 sera adopté et interdira toujours l’usage du cannabis aux jeunes? Ces jeunes qui consomment aujourd’hui continueront de le faire par la suite.
Plus encore, puisque le projet de loi ouvre la porte à la culture de quatre plants dans les résidences privées, comment imaginer que les jeunes n’y auront pas un accès direct? À la lumière de ces faits, il est utopique de penser que les jeunes sortiront des mains du marché illicite et que leur consommation diminuera.
[Traduction]
Nous devons aussi entendre d’autres avis sur l’âge minimal pour l’achat de cannabis. Parmi les pays du G20, après l’Afrique du Sud, c’est le Canada qui affiche le pire bilan au chapitre de la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, selon l’OMS. C’est difficile à croire. Cela s’explique en partie par l’âge légal fixé pour acheter de l’alcool. Selon le ministère des Transports de l’Ontario, c’est parmi les personnes âgées de 19, 20 et 21 ans qu’on trouve le plus fort taux de conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, et les conducteurs de ce groupe d’âge sont près d’une fois et demie plus susceptibles que les autres conducteurs d’être impliqués dans un accident lié à l’alcool au volant causant la mort ou des blessures.
Il est vrai qu’il y a déjà des gens qui conduisent avec les facultés affaiblies par le cannabis, mais n’oublions pas que, au Colorado et dans l’État de Washington, le bilan des décès liés au cannabis s’alourdit d’année en année depuis la légalisation.
[Français]
Le projet de loi C-45 prévoit que l’âge légal pour l’usage du cannabis est établi à 18 ans, mais laisse toutefois la possibilité aux provinces de rehausser cet âge. À ce jour, des provinces ont établi l’âge légal à 18 ou 19 ans. Aux États-Unis, tous les États qui ont légalisé le cannabis ont établi l’âge légal à 21 ans. Cette notion d’âge est fondamentale. Plusieurs nous l’ont rappelé. La science nous indique que le cerveau se forme jusqu’à l’âge de 25 ans. L’usage du cannabis avant cet âge est sérieusement problématique et extrêmement dangereux. Il est inquiétant de lire ce que les médecins psychiatres avaient à dire dans le mémoire qu’ils ont présenté à la Chambre des communes lors de l’étude du projet de loi C-45, et je cite :
Au niveau clinique, la consommation régulière de cannabis chez les jeunes se traduit par des déficits au niveau de l’attention, de la mémoire, de la vitesse de traitement de l’information, et de l’intelligence. Ces troubles peuvent nuire au succès scolaire.
De plus, la consommation de cannabis augmente le risque de développer des troubles psychotiques tels que la schizophrénie.
Les psychiatres, comme bon nombre de spécialistes, recommandent de hausser l’âge légal pour l’usage du cannabis. Certains parlent de 21 ans, d’autres établissent plutôt l’âge légal à 25 ans. En se fondant sur la science, il serait irresponsable de ne pas considérer ces recommandations. Par ailleurs, les professionnels de la santé nous ont également alertés sur les concentrations de THC dans le cannabis. On retrouve parfois des concentrations aussi élevées que 40 p. 100, 50 p. 100, voire 60 p. 100. Pourtant, le projet de loi C-45 n’aborde pas du tout cet aspect des choses.
Les deux projets de loi, C-45 et C-46, ont des failles majeures et leur application risque de provoquer le chaos dans les administrations provinciales et municipales. En ce sens, nous avons déjà un bon exemple en ce qui a trait à la possibilité de cultiver du cannabis à la maison. Le projet de loi C-45 prévoit une infraction si plus de quatre plants sont cultivés dans une résidence.
Au Québec, l’Assemblée nationale, au chapitre 3, à l’article 9 de son projet de loi, a formellement interdit à quiconque de faire la culture du cannabis à des fins personnelles. Le gouvernement du Québec est formel, il n’est pas question de permettre la culture du cannabis dans les résidences des citoyens. Le Manitoba adoptera vraisemblablement une approche similaire. Or, récemment, dans un article du Devoir paru le 8 février dernier et portant le titre évocateur suivant : « Culture du cannabis à domicile : Ottawa met Québec en garde », la ministre fédérale de la Justice déclarait ceci, et je cite :
Le projet de loi C-45 est permissif dans le sens où si des provinces veulent se doter de règles plus restrictives, y compris à propos de la culture à domicile, elles sont libres de le faire. Mais il y a des limites à cela.
J’aimerais bien que la ministre nous dise de quelle manière elle peut imposer des limites autrement que par une loi ou une réglementation. De quelles limites parlait-elle ? Naturellement, le gouvernement du Québec a répondu qu’il était convaincu d’agir dans son bon droit et qu’il avait reçu des avis juridiques pour appuyer sa position. Il est assez évident que le tout se transportera devant les tribunaux. Ce n'est rien pour aider à la bonne compréhension des règles par les citoyens. Pourtant, lors de son discours sur le projet de loi C-45, le 30 mai dernier, à l’autre endroit, la ministre a déclaré ceci, et je cite :
De façon générale, les provinces et les territoires seraient responsables des volets distribution et vente [...] Ils seraient aussi en mesure d’imposer toute autre restriction qu’ils jugeraient appropriée [...] de concert avec les municipalités, pourraient établir d’autres règles concernant la culture du cannabis à domicile, notamment en abaissant éventuellement le nombre de plants que les résidants seraient autorisés à cultiver et en restreignant les lieux où il serait permis de consommer du cannabis.
Le gouvernement dit vouloir protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis. Comment s’y prend-il? Il souhaite permettre la culture à domicile en autorisant jusqu’à quatre plants de cannabis par résidence, mais sans toutefois limiter la hauteur de ces plants ni limiter les concentrations en THC. Imaginons la scène suivante : un jeune adulte de 19 ans décide de cultiver ses quatre plants réglementaires à la maison. Ce même jeune adulte a deux frères âgés de 17 et 15 ans. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer comment, dans cet exemple, le gouvernement restreint l’accès au cannabis à des jeunes de moins de 18 ans? Des policiers m’ont montré des photos de plants de cannabis qui ont été saisis lors d’une perquisition. Ces plants avaient la hauteur d’un pommier et leur capacité de production était inimaginable.
En résumé, la possibilité de cultiver des plants de cannabis à la maison rend impossible le contrôle de la qualité, le contrôle de la concentration en THC, le prix de vente sur les marchés, le contrôle de l’accessibilité pour les jeunes, la traçabilité du cannabis, les avis de mise en garde contre la santé, et la production près des zones scolaires et des milieux défavorisés. La solution logique serait d’interdire la production à domicile. Même l’ordre des vétérinaires craint pour la santé animale. Cependant, le gouvernement ne s’inquiète pas du fait que les jeunes aient accès au cannabis à la maison.
(1730)
Honorables sénateurs, je ne peux me résoudre à croire que le gouvernement, en légalisant l’usage du cannabis, vise sérieusement un objectif de santé publique ou un objectif de sécurité publique.
Vous le constaterez, honorables sénateurs, avec ce projet de loi, nous sommes placés devant un défi de taille : tenter de couvrir tous les angles qu’il soulève, évaluer l’ensemble des enjeux qui y sont liés, pointer ses nombreuses failles, évaluer nos options quant à la possibilité de l’amender afin d’atténuer ses effets dommageables pour notre société, mais surtout pour nos jeunes, et l’amender sans créer d’incongruités.
À titre d’exemple, au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, hier, lorsque nous avons questionné les fonctionnaires du ministère de la Santé et ceux du ministère de la Justice sur l’incongruité des amendes de 200 $ quant à la hauteur des plants de cannabis, qui n’est pas balisée dans le projet de loi, ils nous ont répondu que, à l’origine, il y avait une norme liée à la hauteur des plants dans le projet de loi, mais que la Chambre des communes l’a amendé pour biffer cette balise, ce qu’ils n’avaient pas prévu, d’où l’incongruité de l’amende de 200 $.
Afin de nous démontrer que le gouvernement a tenu compte de l’impact de la légalisation du cannabis sur les conducteurs, le projet de loi C-46 sur la conduite avec facultés affaiblies a été déposé en même temps que le projet de loi C-45. Or, l’étude de ce projet de loi, dont est saisi le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, révèle de sérieuses lacunes, comme la sénatrice Batters l’a souligné dans son discours mardi dernier : problèmes constitutionnels et opérationnels, et j’en passe.
Il m’apparaît essentiel que nos forces de l’ordre soient vraiment formées, outillées et prêtes à faire face adéquatement à cette nouvelle réalité que nous imposera probablement le projet de loi C-45. À cet égard, le ministre Fournier semblait aller dans le même sens dans sa missive à la ministre de la Justice, le 23 février dernier. Il disait ceci :
En terminant, nous tenons à réitérer l’importance de retarder l’entrée en vigueur de la législation fédérale tant que ne seront pas disponibles les équipements de détection scientifiques appropriés. Ici, c’est la sécurité routière de nos concitoyens qui est en jeu.
Toujours dans une perspective de prévention des accidents liés à la conduite avec facultés affaiblies, les projets de loi C-45 et C-46 ne réglementent la problématique des conducteurs de transporteurs publics. Comment expliquer, malgré quelques tragédies aériennes ou ferroviaires liées à des conducteurs avec les facultés affaiblies par les drogues ou l’alcool ces dernières années, que le gouvernement n’ait absolument rien prévu à cet égard? Je vous rappelle que le Bureau de la sécurité des transports, dans le rapport qu’il a publié le 2 novembre 2017 à la suite de l’écrasement d’un avion où l’alcool était impliqué, le recommandait pourtant.
Dans le projet de loi C-46, on introduit la notion de contrôles aléatoires ou obligatoires, selon le terme utilisé dans le projet de loi, pour les conducteurs de véhicules moteurs pour l’alcool seulement; il n'est nulle part fait mention de tels tests aléatoires pour la drogue et, pire encore, pour les conducteurs de transporteurs publics. Ainsi, un douanier pourrait décider de faire passer un test à un pilote d’avion après son atterrissage s’il le soupçonne d’avoir les facultés affaiblies, mais il lui serait impossible de le faire avant que les pilotes décollent. Cet oubli ou cette non-volonté d’agir est, à mes yeux, complètement ahurissant. Aux États-Unis, de tels tests pour les personnes qui occupent des emplois sensibles, comme les pilotes d’avion, les conducteurs de locomotive, les conducteurs de camions lourds et les gens qui travaillent dans le domaine de l’énergie nucléaire, existent depuis plus de 10 ans.
En outre, que dire des autres enjeux liés au marché du travail? Comment les employeurs pourront-ils ou devront-ils dorénavant se comporter avec des employés qui consommeraient pendant les heures de travail, au déjeuner, à la pause du midi ou au dîner? Certains me rétorqueront que cette situation existe déjà, que ce ne sera pas nouveau. C’est faux, la légalisation du cannabis aura pour effet d’en banaliser l’usage. En fait, le débat entourant cette légalisation a déjà cet effet, à mon avis, et de nouveaux problèmes émergent.
Je l’ai dit d’entrée de jeu, je crois personnellement que nous devrions battre ce projet de loi mal ficelé dès sa deuxième lecture et permettre au gouvernement de refaire ses devoirs et de présenter un nouveau projet de loi tenant compte de tous les enjeux. Des expériences vécues dans d’autres États peuvent être étudiées, mais il ne faut jamais oublier que le Canada est le premier et le seul pays au monde à vouloir légaliser la consommation de la marijuana pour les moins de 21 ans. Surtout, il faut s’appuyer sur l’enseignement que la science nous apporte quant aux ravages de la consommation des drogues sur la santé de nos populations. Lorsque je parle de nos populations, il faudra aussi avoir une sensibilité toute particulière pour les peuples autochtones, qui sont durement touchés par le fléau de la surconsommation de drogues.
[Traduction]
Tout le monde s’entend pour dire que les gouvernements antérieurs ont causé des dommages irrévocables aux communautés autochtones, tout comme les politiques actuelles continuent de le faire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement actuel veut adopter et mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Un des éléments de cette déclaration est le droit à l’autodétermination. C’est pourquoi je tiens à souligner quelques-unes des déclarations qu’a faites le chef régional Isadore Day devant le Comité de la santé en septembre dernier. Il a dit que les Premières Nations « ne sont pas non plus prêtes à composer avec les impacts découlant du projet de loi C-45. » Il a ensuite demandé : « le Canada est-il au courant actuellement de tous les impacts du cannabis? »
Le chef Day a également rappelé au comité que la légalisation du cannabis dans les États du Colorado et de Washington avait eu un impact défavorable sur les tribus autochtones aux États-Unis.
Il a répété que « le projet de loi C-45 soulève de grandes préoccupations chez les Premières Nations de l’Ontario et dans l’ensemble du pays en ce qui a trait à la santé et à la sécurité de notre peuple ».
Il a cité des statistiques selon lesquelles le cannabis se classe au deuxième rang parmi les substances les plus utilisées chez les Autochtones. Il a ajouté que, en Ontario seulement, il faudrait 33 millions de dollars de plus pour traiter la toxicomanie et l’alcoolisme chez les Premières Nations. Il a conclu en disant : « […] il semble y avoir plus de questions que de réponses. Les Premières Nations […] restent ainsi dans un état compromis menant à l’accélération de l’échéancier […] ».
Or, le 12 septembre, M. Blair a dit qu’il était important de faire progresser le dossier le plus rapidement possible.
Je ne vois tout simplement pas l’urgence, compte tenu surtout des préoccupations du chef Day. Contrairement au fentanyl, qui cause, en moyenne, quatre décès par jour au Canada, les surdoses de marijuana ne sont pas à l’origine de décès.
[Français]
Honorables sénateurs, je vous invite à voter contre ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Si, toutefois, ce n’est pas la volonté des sénateurs, j’invite les comités qui en feront l’étude ou l’étude préalable à considérer attentivement des mesures d’atténuation que nous pourrions apporter au projet de loi C-45 en ce qui a trait, entre autres, à sa date d’entrée en vigueur, à l’âge légal fixé pour l’usage du cannabis, à l’apport de fonds issus des paradis fiscaux dans la commercialisation du cannabis, à la prévention essentielle qui devrait précéder la légalisation du cannabis, aux contrôles aléatoires de détection des drogues chez les conducteurs de transporteurs publics ou les employés à haut risque, à la concentration en THC dans le cannabis qui sera vendu légalement, aux limites à la production à domicile, aux clarifications importantes à considérer en matière de partage des compétences constitutionnelles, à l’impact sur les traités internationaux, le contrôle des frontières et le libre accès aux pays voisins et amis, à la publicité, aux systèmes de traçabilité, aux impacts liés au marché du travail, au prix offert par le marché noir, aux réalités des peuples autochtones et, enfin, aux actionnaires qui utilisent le voile corporatif pour se cacher derrière une entreprise.
(1740)
Il y a tant de questions et si peu de réponses. À ce florilège de questions, j’en ajouterai une dernière : était-ce vraiment nécessaire? Bref, j’espère que les sénateurs se demanderont si la légalisation du cannabis aidera notre nation à progresser, à nous rendre plus forts collectivement et à faire en sorte que notre pays continue d’évoluer pour le mieux.
J’aurais aimé que la ministre nous dise qu’elle avait étudié ce que font certains pays comme la Norvège, qui affiche les plus bas taux de consommation chez les jeunes. J’aurais aimé que le gouvernement étudie les meilleures pistes plutôt que les mauvaises. J’aurais aimé que notre gouvernement s’inspire des meilleurs et qu’il investisse, comme le fait la Norvège, dans la pratique d’activités culturelles ou sportives au lieu de jeter l’éponge et de se déclarer vaincu. Je ne peux croire que les jeunes Canadiens serviront de cobayes pour le reste du monde, le Canada devenant un laboratoire de recherche qui sera utilisé par les autres pays occidentaux.
Au début de mon discours, je vous ai parlé du devoir de précaution dont les gouvernements doivent faire usage, devoir de précaution qui est essentiel lorsque nous sommes devant une réalité qui présente une grande part d’inconnu quant aux risques à venir. Honorables sénateurs, je suis d’accord avec l’objectif de réduire la consommation chez les jeunes et d’éliminer le crime organisé. Cependant, si la solution que le gouvernement propose ne fonctionne pas et que, dans cinq ans, nous constatons que le gouvernement s’est trompé et que la situation s’est aggravée, que ferons-nous? Pourrons-nous retourner en arrière? Non. C’est une voie de non-retour. Pour reprendre une expression bien connue, c’est une « cage à homards ».
Presque tous les discours des sénateurs ont témoigné de nombreuses incertitudes et de questionnements face à la légalisation de l’usage du cannabis. Le devoir de précaution devrait être notre guide pour la suite des choses. Or, dans le cas précis du projet de loi C-45, devant tant d’incertitudes et devant toutes ces questions sans réponses, je crois que notre devoir de précaution nous commande de ne pas adopter ce projet de loi et de renvoyer le gouvernement faire ses devoirs.
S’il vous plaît, monsieur Trudeau, inspirez-vous des meilleurs au monde, et non des pires. Je vous remercie.
[Traduction]
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vais donner la parole au sénateur Dean, mais je souhaite informer mes collègues que, conformément à l’article 6-12 du Règlement, son intervention aura pour effet de clore le débat.
L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que parrain du projet de loi C-45 pour exercer mon droit de réplique définitive. De toute évidence, je veux commenter ce qui a été, à mon avis, un débat utile sur le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Je remercie tous les sénateurs d’avoir débattu du projet de loi, qui vise à adopter une approche axée sur la santé et la sécurité publique à l’égard du cannabis au moyen de la légalisation, de la sensibilisation du public et de la réglementation.
Étant donné certaines des discussions qui ont eu lieu plus tôt cet après-midi, je fais mes observations dans un esprit de compromis plutôt que de division.
Nos débats ont été importants. Ils nous ont permis de déterminer d’importantes questions stratégiques, des possibilités et des défis possibles liés aux efforts déployés par le gouvernement pour mieux protéger la santé des jeunes Canadiens et s’attaquer au marché illégal du cannabis qui est en pleine croissance au Canada et qui, comme je crois que nous en convenons tous, génère de 6 à 7 milliards de dollars en revenus chaque année.
Nous savons — et nous nous entendons pour dire — que le cannabis est facilement accessible aux jeunes Canadiens d’aujourd’hui et que ceux-ci en consomment fréquemment.
Grâce aux données de Statistique Canada, qui ont été vérifiées et contre-vérifiées par la Bibliothèque du Parlement, nous savons qu’un Canadien âgé de 15 à 19 ans sur cinq consomme du cannabis et que ce nombre augmente à un Canadien sur trois chez les Canadiens âgés de 20 à 25 ans. Nous devrions être préoccupés par cette statistique, peu importe qu’elle classe le Canada au premier, deuxième ou troisième rang au monde.
Encore une fois, comme l’a confirmé la Bibliothèque du Parlement, nous savons aussi que le taux de consommation de cannabis chez les jeunes était constamment à la baisse jusqu’en 2012 par rapport au taux d’il y a 20 ans et qu’il a recommencé à augmenter après cela jusqu’en 2015. De plus, il est clair que la consommation précoce, fréquente et excessive de cannabis et d’autres stupéfiants chez les jeunes adolescents les expose à des risques considérables dans les années qui suivront. Il en est ainsi pour toutes les substances intoxicantes. Qui plus est, il est on ne peut plus clair que l’approche actuelle de réglementation du cannabis est un échec. Elle n’a pas fonctionné. Elle a échoué, et les habitudes de consommations à elles seules nous le confirment.
Le grand nombre de condamnations criminelles pour possession ont envenimé la situation — on en a parlé dans cette enceinte —, particulièrement pour les jeunes Autochtones et d’autres jeunes Canadiens racialisés. Il s’agit de la réalité d’aujourd’hui, de l’année dernière et d’il y a cinq ans. C’est la situation actuelle.
Par ailleurs, de grands thèmes sont ressortis des délibérations du Sénat jusqu’à présent, et quelques-uns étaient prévisibles. Le sénateur Carignan, à l’instar d’autres sénateurs, les a abordés. Je ne commencerai pas à énumérer la liste des avantages et des inconvénients. Il existe des renseignements et des données qui expliquent bon nombre des discours entourant ces questions. Nous aurons la chance d’approfondir ces thèmes au comité, je l’espère.
Cependant, je tiens à souligner les enjeux sans émettre de commentaire sur leur bien-fondé, comme les répercussions sur les communautés autochtones relativement aux risques pour la santé. Grâce au Comité des peuples autochtones, qui est sur la route, nous connaissons aussi les répercussions sur les possibilités de développement économique pour les communautés autochtones qui souhaitent en tirer profit.
Nous avons entendu parler de l’âge minimum de consommation, à juste titre. Nous avons entendu parler de la proposition en vue de décriminaliser la possession de cannabis pour les jeunes qui ont en leur possession 5 grammes de cannabis ou moins. Je ne fais que souligner ces mesures. Nous avons entendu parler de la culture du cannabis à domicile. Nous avons entendu parler du cadre réglementaire, de la concentration en THC et de la publicité, comme l’a souligné aujourd’hui la sénatrice Seidman, avec raison. Nous avons parlé de la perturbation du marché illicite de cannabis, en raison notamment de l’ajustement des prix de la drogue vendue légalement par rapport à ceux de la drogue vendue illégalement. Il a également été beaucoup question de la sensibilisation du public.
Compte tenu du taux très élevé de consommation de cannabis chez les jeunes au Canada, nous savons bien que dire « non » ne suffit pas. Des sénateurs, y compris les sénateurs Smith, Petitclerc et Stewart Olsen, ont dit que la sensibilisation de la population était essentielle pour empêcher que les jeunes soient exposés aux éventuels méfaits du cannabis. Je suis tout à fait d’accord avec eux.
Nous avons été d’accord à propos de quelque chose. Notons-le.
Le budget de 2018 propose d’investir 62,5 millions de dollars de plus sur cinq ans dans les initiatives de sensibilisation du public en plus des 46 millions de dollars qui avaient déjà été annoncés. Ce financement soutiendra la participation d’organismes communautaires et d’organisations autochtones qui sensibilisent leurs collectivités aux risques associés à la consommation de cannabis.
(1750)
Une grande campagne d’information numérique a été lancée le 16 mars. Plusieurs d’entre nous ne l’ont pas remarquée, car nous ne sommes pas le public cible. Au cours des semaines à venir, une campagne télévisée aura lieu.
Je voyais des panneaux d’avertissement sur la conduite avec les facultés affaiblies par les drogues sur les portiques de signalisation des autoroutes de l’Ontario il y a 18 mois, avant que ce projet de loi soit présenté à la Chambre des communes.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a élaboré des lignes directrices pratiques sur la consommation à faible risque du cannabis. Pendant les semaines et les mois à venir, beaucoup d’autres outils suivront, car, effectivement, il nous en faut plus et il faut en entendre parler davantage. Dans ce domaine et dans les domaines connexes de la recherche et du traitement, je pense que plusieurs d’entre nous comprennent le conseil de la sénatrice Lankin, selon lequel au Sénat, nous devons réfléchir au véhicule des observations lorsque nous formulons nos recommandations sur la meilleure approche.
Je souhaite parler davantage de la santé mentale, car cette question a été soulevée ici à maintes reprises, et à juste titre, étant donné les conséquences de la santé mentale sur les collectivités et les familles, dans de nombreux cas.
Chers collègues, nous avons entendu dans cette enceinte certaines préoccupations très sincères et marquantes au sujet d’expériences liées à la santé mentale et aux dépendances. Je me doute qu’il y en a peu ici qui n’ont pas été touchés par ces problèmes, peu qui ont été épargnés par les ravages de l’alcoolisme et d’autres dépendances et problèmes de santé mentale dans nos familles élargies.
Je n'y fais pas exception. Je n’ai pas été épargné. Je ne m’exprime pas en tant que personne qui n’a pas été touchée. Je comprends ce que vous dites lorsque vous parlez des problèmes de santé mentale.
Nous savons que la consommation précoce et fréquente de stupéfiants, y compris le cannabis, par les adolescents, peut causer des problèmes de santé mentale plus tard au cours de la vie. Nous savons aussi que l’alcool, le cannabis et le tabac sont souvent consommés ensemble et que les jeunes qui présentent des problèmes de santé mentale tentent souvent de se soigner eux-mêmes avec le cannabis et l’alcool.
La sénatrice Mégie a partagé son opinion professionnelle plus tôt aujourd’hui, et nous en avons tous appris quelque chose. Nous devrions tous nous préoccuper de ces éléments, qui sont des facteurs de risque.
Je me suis interrogé, j’ai fouillé dans les études publiées et j’ai cherché partout au Canada pour voir où je pourrais trouver des conseils à ce sujet. Quand je m’interroge sur ces questions, je me tourne vers le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le principal organisme de recherche et de traitement de renommée mondiale du Canada. J’ai profité des programmes de ce centre. J’imagine que c’est également le cas de certains d’entre vous. En fait, je sais que c’est le cas pour certains d’entre vous.
Tout ce qu’on fait au Centre de toxicomanie et de santé mentale est fondé sur la science, sur la recherche et la pratique dans ses cliniques, dans ses laboratoires, et dans la rue. Tout cela a permis la création d’importants produits pour la réduction des méfaits, comme les Lignes directrices de réduction des risques liés à l’utilisation du cannabis au Canada, qui ont été mises à jour et publiées en 2017, et qui représentent un facteur important de la sensibilisation du public et de la consommation sécuritaire, c’est-à-dire de la réduction des méfaits.
Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a également participé aux débats sur la politique en matière de cannabis. Il s’est servi des recherches et de la science pour élaborer des conseils sur la politique.
Son cadre stratégique sur le cannabis, publié en 2014, a fourni des preuves scientifiques et des conclusions éclairées sur le cannabis et les mesures qui visent la réduction des méfaits. Des copies de ce rapport sont en train d’être livrées; elles seront dans vos bureaux après la séance, ce soir.
Voici les conclusions présentées dans le rapport du centre, dont certains éléments nous sont familiers. La consommation du cannabis entraîne d’importants risques pour la santé, surtout pour les personnes qui en consomment fréquemment ou qui commencent à en consommer dès un jeune âge. La criminalisation du cannabis empire ces méfaits et occasionne des préjudices sociaux. Une approche de santé publique qui vise les consommateurs et les pratiques à risque élevé, semblable à l’approche employée auprès des consommateurs d’alcool et de tabac, permettrait d’avoir plus de contrôle sur les facteurs de risque associés aux méfaits liés au cannabis.
D’après le centre, ces conclusions en entraînent une autre. Ainsi, le centre conclut que, si la légalisation du cannabis est associée à une réglementation rigoureuse axée sur la santé, les méfaits associés à la consommation de cannabis pourraient diminuer. Cette approche n’est toutefois pas dépourvue de risques, selon le centre. Il signale que la légalisation risque d’entraîner une hausse de la consommation de cannabis si elle ne s’accompagne pas d’une réglementation qui, en plus d’établir l’âge minimum requis, visera notamment à enrayer la vente de produits comportant des risques élevés et à interdire les activités de commercialisation et la publicité.
Honorables sénateurs, à la lumière de nos discussions des derniers mois, ces conseils me paraissent remarquablement solides, éclairés et équilibrés. Pourquoi? Parce qu’ils ont un lien direct avec certaines des préoccupations formulées par les sénateurs de tous les côtés de cette Chambre, dont nous devons tenir compte dans notre étude du projet de loi.
Il est essentiel de trouver le juste équilibre dont parle le Centre de toxicomanie et de santé mentale. C’est l’une de nos principales responsabilités alors que nous soumettons cette mesure à un second examen objectif, que nous la renvoyons au comité et que nous traitons les étapes suivantes.
Honorables sénateurs, cinq comités sénatoriaux examineront ce projet de loi. Je crois qu’il n’y en a jamais eu autant, si ce n’est pour l’étude préalable des budgets. Comme cinq comités sénatoriaux sont prêts à examiner différents aspects du projet de loi C-45 — les travaux des comités faisant suite, notamment, aux demandes des sénateurs de tous les côtés de la Chambre —, je crois que les Canadiens peuvent avoir l’assurance que nous procédons avec diligence et de façon responsable, et que nous tiendrons des audiences exhaustives afin d’étudier cette mesure et, au besoin, de l’améliorer.
N’est-ce pas là, chers collègues, le but du vote de ce soir? Il nous donnera les moyens d’accomplir le travail qui nous revient à titre de sénateurs.
Chers collègues, au-delà de notre vote, il est absolument essentiel d’écouter les experts qui témoigneront devant tous ces comités afin de pouvoir nous acquitter de notre responsabilité constitutionnelle de soumettre le projet de loi à un second examen objectif. En agissant ainsi, nous pourrons nous attacher à chercher des solutions au lieu de nous pencher uniquement sur la longue liste de problèmes et de défis. C’est ce que les Canadiens attendent de nous.
Honorables collègues, les Canadiens s’attendent à ce que nous fassions ce travail, et nous devons répondre à leurs attentes. Ils veulent que nous nous attaquions aux problèmes liés au cannabis, et non que nous les balayions sous le tapis pendant encore 20 ans ou que nous prétendions que la prohibition fonctionne.
Honorables sénateurs, les Canadiens veulent que nous fassions notre travail, pas que nous fermions les yeux sur la situation. Poursuivons maintenant la conversation et l’apprentissage d’une manière transparente et éclairée, comme nous savons si bien le faire. Votons à l’étape de la deuxième lecture et renvoyons le projet de loi au comité. Autorisons le Comité des affaires sociales à faire son travail, tout comme les quatre autres comités.
Je tiens à remercier sincèrement tous mes collègues de m’avoir donné la chance de contribuer au débat en tant que parrain de ce projet de loi crucial. J’espère avoir de nombreuses conversations avec eux à l’avenir.
Voici ma promesse aux sénateurs de tous les côtés et de toutes les régions, sans égard à leurs fonctions ou à leur position. Comme je l’ai fait au cours des derniers mois, je ferai vraiment de mon mieux, au cours des délibérations qui s’ensuivront, pour contribuer à améliorer le plus possible le projet de loi afin de protéger les jeunes Canadiens des méfaits du cannabis.
(1800)
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l’honorable sénateur Dean, avec l’appui de l’honorable sénateur Forest, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur le Président : Je vois que deux sénateurs se sont levés. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Le sénateur Mitchell : Trente minutes.
Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 18 h 31.
Convoquez les sénateurs.
(1830)
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :
POUR
Les honorables sénateurs
Bellemare | Hartling |
Bernard | Jaffer |
Black (Alberta) | Joyal |
Black (Centre Wellington) | Lankin |
Boniface | Marwah |
Bovey | McCoy |
Boyer | McPhedran |
Brazeau | Mégie |
Campbell | Mitchell |
Cools | Moncion |
Cormier | Munson |
Coyle | Omidvar |
Deacon | Pate |
Dean | Petitclerc |
Dupuis | Pratte |
Eggleton | Richards |
Furey | Ringuette |
Gagné | Saint-Germain |
Galvez | Sinclair |
Gold | Verner |
Greene | Wetston |
Harder | Woo—44 |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Andreychuk | Mockler |
Batters | Neufeld |
Beyak | Ngo |
Boisvenu | Oh |
Carignan | Plett |
Dagenais | Poirier |
Duffy | Raine |
Eaton | Seidman |
Housakos | Smith |
MacDonald | Stewart Olsen |
Manning | Tkachuk |
Marshall | Unger |
Martin | Wells |
McInnis | White—29 |
McIntyre |
ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 15 février 2018, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
(Conformément à l’ordre adopté le 15 février 2018, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
La Loi canadienne sur les sociétés par actions
La Loi canadienne sur les coopératives
La Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif
La Loi sur la concurrence
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Wetston, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives, la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif et la Loi sur la concurrence, tel que modifié.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Wetston, avec l’appui de l’honorable sénateur Cormier, propose que le projet de loi modifié soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
(1840)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 27 mars 2018
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 21 mars 2018, propose :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 27 mars 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.
— Honorables sénateurs, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 21 mars 2018, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 27 mars 2018, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Après en avoir parlé avec mes collègues des autres groupes, nous proposons, avec le consentement du Sénat, de passer au Feuilleton des préavis.
Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Affaires étrangères et commerce international
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines
L’honorable A. Raynell Andreychuk, conformément au préavis donné le 1er mars 2018, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 26 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant son étude sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes, soit reportée du 31 mars 2018 au 31 décembre 2018.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Pêches et océans
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 20 mars 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 27 mars 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Droits de la personne
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard, conformément au préavis donné le 20 mars 2018, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 28 mars 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne concernant son étude sur les questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne, soit reportée du 31 mars 2018 au 31 octobre 2019.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat et pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Art Eggleton : , conformément au préavis donné le 21 mars 2018, propose :
Que, pour les fins de son étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie :
a) soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;
b) soit autorisé, nonobstant l’article 12-18(2) du Règlement, à se réunir du lundi au vendredi pendant une période d’ajournement du Sénat qui dure plus d’une semaine, ou qui dure plus d’un jour mais moins d’une semaine.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 21 mars 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 27 mars 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 18 h 44, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 27 mars 2018, à 14 heures.)