Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 43e Législature
Volume 151, Numéro 9
Le mercredi 19 février 2020
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- L’enquêteur correctionnel
- L’ajournement
- Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
- La réunion annuelle du Council of State Governments — Région de l’Ouest, tenue du 16 au 20 juillet 2019—Dépôt du rapport
- La réunion annuelle de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 21 au 24 juillet 2019—Dépôt du rapport
- La réunion annuelle et le Forum des politiques régionales de l’Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus du 28 au 31 juillet 2019—Dépôt du rapport
- Agriculture et forêts
- Le revenu de base garanti
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 19 février 2020
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que le temps de parole est de trois minutes pour chaque intervention durant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Le greffier au Bureau se lèvera lorsqu’il restera 10 secondes à chacune des interventions. Donc, si vous voyez le greffier au Bureau se lever, je vous prierais de conclure votre déclaration.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Lincoln Alexander, c.p., O.C., O.Ont.
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs et pour rendre hommage à Lincoln Alexander. Bon nombre d’entre vous connaissent certainement ses réalisations et les façons dont a perpétué son souvenir. Mentionnons qu’il a été le premier Noir à être élu député fédéral et à être nommé lieutenant-gouverneur de l’Ontario et que plusieurs écoles, une autoroute et le quartier général de la Police provinciale de l’Ontario portent son nom. Toutefois, ce qui est probablement le plus remarquable au sujet de Lincoln Alexander, c’est l’impact de ses réalisations sur les Canadiens actuels et futurs.
Provenant d’un milieu très modeste, Lincoln Alexander a, contre toute attente, accompli des exploits que bien des gens jouissant de privilèges et de possibilités ne pourraient que rêver de réaliser pendant leur vie. Dès son jeune âge, Lincoln Alexander a entendu ses parents immigrants souligner l’importance de l’éducation et du dur labeur. Le titre des ses mémoires, Go to School, You’re a Little Black Boy — ou, en français, Va à l’école, tu es un petit garçon noir —, est une phrase que sa mère lui a souvent répétée. Les valeurs mises en relief pendant ses années de formation ont façonné les priorités qu’il s’est fixées pendant son mandat en tant que lieutenant-gouverneur de l’Ontario, soit : aider les jeunes à développer leur plein potentiel, favoriser l’accès à l’éducation, défendre les intérêts des aînés et promouvoir le multiculturalisme. L’héritage de ses réalisations donne aux jeunes Canadiens l’espoir de pouvoir concrétiser leurs rêves.
Dans ses mémoires, il explique l’immense impact qu’un voyage en Afrique a eu sur lui. Là-bas, il a eu sous les yeux de remarquables modèles africains qui lui ont inspiré de la confiance ainsi que le désir d’aspirer à de grandes choses. Cette expérience lui fait réaliser qu’on ne rencontrait pas ce genre de modèles au Canada. Ce fut un moment charnière dans sa vie, qui amena le Canadien remarquable qu’il allait devenir à accomplir de grandes choses.
La Journée Lincoln Alexander, instituée au Canada en 2015, est célébrée le 21 janvier, soit le jour de son anniversaire. Cette année, à cette occasion, un ancien page a rendu hommage à son héros en ces termes :
[...] Alexander n’a pas accepté que ses origines dictent sa vie, et c’est pour cela que mes amis et moi avons cru très tôt que nous n’avions pas à accepter que les nôtres nous dictent notre vie.
Honorables sénateurs, j’ai eu le privilège de croiser « Linc », comme on l’appelait affectueusement, de nombreuses fois quand je travaillais dans la Police provinciale de l’Ontario. Il était commissaire honoraire. C’est lui qui m’a conféré mon titre de toute nouvelle inspectrice en 1989. Cette nuit s’est avérée très spéciale en raison des mots qu’il a prononcés. Alors qu’il se penchait vers moi pour me conférer mon titre, il a dit doucement : « Vous et moi avons quelque chose en commun ce soir. » En effet, dans une salle où se trouvaient réunies 150 personnes, j’étais la seule femme et il était la seule personne de couleur.
Lincoln Alexander a été une source d’inspiration pour bon nombre d’entre nous. Il a jeté des ponts pour rendre le Canada meilleur. Un jour, il a dit :
Nous ne pouvons pas nous montrer médiocres. Nous devons être un excellent exemple pour les autres.
Il n’a cessé de mettre en pratique cette pensée sa vie durant. Merci.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Nicole Baptiste, présidente de Mosaïque interculturelle. Elle est accompagnée de quelques auteurs d’origine afro-canadienne. Ils sont les invités des honorables sénatrices Mégie et Bernard.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Isaac Allen Jack
L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs, j’aimerais prendre la parole pour rendre hommage à une véritable héroïne.
J’ai appris récemment, et à mon plus grand étonnement, que certains Néo-Brunswickois ont déjà été brièvement propriétaires d’esclaves.
Isaac Allen Jack a été un membre fondateur de la New Brunswick Historical Society et de la New Brunswick Loyalist Society. En 1898, il écrit ce qui suit :
Pour les personnes [...] de notre époque, à l’exception peut-être de certains habitants des anciens États esclavagistes d’Amérique [...], l’esclavage semble en général une pratique si [...] indéfendable qu’elles ont du mal à croire que celle-ci a déjà non seulement existé, mais que bon nombre [...] l’ont approuvé au cours du siècle actuel.
J’insiste sur le fait qu’Isaac Allen Jack a écrit ces lignes en 1898, avant la guerre de Sécession, et après la guerre entre les Britanniques et les Américains.
Au XVIIIe siècle, le statut juridique de l’esclavage au Nouveau-Brunswick est particulièrement ambigu. Certains colons loyalistes venus des États-Unis avec leurs esclaves ont la ferme intention de profiter de ce flou juridique.
Nancy Morton était l’esclave d’un homme appelé Caleb Jones. Après la guerre entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, M. Jones a quitté le Maryland pour s’installer sur un lopin de terre de 900 acres à Fredericton et il a emmené ses esclaves. Je me permets une certaine liberté en disant que, selon moi, M. Jones était un maître cruel. Étant donné que ses esclaves ont tenté à maintes reprises de lui échapper, on peut déduire quelle était sa réputation. On sait qu’ils ont tenté de s’enfuir parce que M. Jones avait fait paraître des annonces dans la Royal Gazette, où il déplorait les évasions et demandait aux gens de lui remettre ses esclaves. M. Jones n’aimait pas ses pairs, et ceux-ci ne l’aimaient pas non plus. Plus tard, ses collègues magistrats ont demandé qu’il soit démis de ses fonctions pour qu’ils n’aient plus jamais, comme l’un d’entre eux l’a déclaré, à subir la honte de travailler avec lui.
Nancy Morton, son esclave, est devenue une figure emblématique de l’histoire juridique du Canada lorsqu’elle a poursuivi M. Jones pour obtenir sa liberté. Je peux vous dire que je suis très fière du Nouveau-Brunswick, qui, à cette époque, a demandé à deux avocats de se saisir de sa cause et d’assurer sa défense. Je crois que notre province mérite de vives félicitations à ce chapitre.
(1410)
Des voix : Bravo!
La sénatrice Stewart Olsen : L’affaire s’est rendue jusqu’au plus haut tribunal du Nouveau-Brunswick en 1800. Des quatre juges qui l’ont entendue, trois possédaient des esclaves. Ward Chipman, qui a plus tard été nommé juge, et Samuel Denny Street, un duelliste flamboyant, ont défendu Nancy Morton.
Dans son mémoire à la cour, Chipman a écrit :
J’ose espérer que la province se gardera [...] d’introduire dans son système politique une pratique aussi préjudiciable à tout principe de droit et de justice.
Hélas, les quatre juges ont rendu une décision partagée à deux contre deux. Nancy a donc vu sa demande écartée et est demeurée esclave. Pouvez-vous imaginer ce qu’elle a ressenti?
Le juge Isaac Allen, l’un des juges propriétaires d’esclaves, s’est prononcé en faveur de la demande de Nancy. Certes, on ne peut qu’émettre des hypothèses sur ses motifs, mais on sait que, peu de temps après le procès, il a affranchi tous ses esclaves.
Je vous remercie. Je trouve notre histoire fascinante. Les faits historiques — moi qui ai toujours affirmé que l’esclavage n’a jamais existé au Canada — me font faire de véritables prises de conscience. Je salue Nancy Morton. Les livres d’histoire contemporains devraient la présenter comme une héroïne. Merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mackenzie Klyne, fils de l’honorable sénateur Klyne.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants des Producteurs de grains du Canada. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le coronavirus
L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la réponse du Canada à la flambée du coronavirus.
En 2002, j’ai participé, avec beaucoup d’autres, à la gestion de la crise du SRAS en Ontario. La flambée épidémique a posé de nombreuses difficultés, mais elle nous a aussi permis d’en apprendre beaucoup sur la préparation en vue des futures épidémies. Dans son rapport de 2003 sur le SRAS, le Dr David Naylor a conclu que la gestion de la crise a été entravée par des problèmes de gouvernance, une piètre intégration des mesures gouvernementales et des ressources inadéquates pour mener une enquête et confirmer la nature de la maladie et pour suivre les schémas d’infection.
Nous voilà maintenant 18 ans plus tard. Nous avons pu constater tout le chemin parcouru lors des dernières semaines. L’Agence de la santé publique du Canada a été créée à la suite du rapport du Dr Naylor. C’est aussi le cas du poste d’administrateur en chef de la santé publique du Canada, qui est actuellement occupé par la Dre Theresa Tam.
L’Agence de la santé publique du Canada a fait preuve de leadership à l’échelle nationale dans la gestion du coronavirus et elle a favorisé l’étroite collaboration et le partage d’information entre tous les ordres de gouvernement, le milieu médical et la communauté scientifique.
Un grand nombre des lacunes relevées par le Dr Naylor ont été depuis comblées. Je pense notamment à un cadre de gouvernance plus clair, à l’identification plus rapide de la nature des flambées épidémiques, à une capacité accrue de suivre les éclosions, à une collaboration étroite et à un partage de l’information entre tous les ordres de gouvernement, et à une approche intégrée, qui est guidée par la science, des communications publiques fondées sur les risques. L’agence collabore étroitement avec ses partenaires provinciaux, territoriaux et internationaux, y compris l’Organisation mondiale de la santé, pour surveiller activement la flambée épidémique et gérer les mesures qui sont prises pour y répondre.
Chers collègues, tout cela ne se fait pas par magie. Il faut beaucoup de leadership et de travail entre le gouvernement et les organismes externes. Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de la ministre et du sous-ministre de Santé Canada, de leurs homologues d’Affaires mondiales Canada, de la Dre Tam et de ses collègues de l’Agence de la santé publique du Canada, ainsi que d’autres leaders politiques des différents ordres de gouvernement — fonctionnaires, professionnels de la santé et communauté scientifique.
Il est également important de souligner le rapatriement des Canadiens évacués de Chine au cours des dernières semaines. Les bonnes personnes sont au travail à Trenton : le personnel militaire; l’Agence de la santé publique du Canada; l’Équipe des services médicaux d’urgence de l’Ontario; les spécialistes locaux en prévention des infections des autorités régionales de santé de Quinte; les médecins spécialistes et les bénévoles de la Croix-Rouge canadienne, qui, comme d’habitude, laissent tout de côté pour contribuer à la réponse aux situations d’urgence, qu’elles surviennent au pays ou à l’étranger.
Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour reconnaître le vaillant travail des gens et des organismes qui protègent la santé et la sécurité des Canadiens. Nous leur disons tous merci.
[Français]
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Leah Nord. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Bellemare.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Don Scott, maire de Fort McMurray, accompagné d’un groupe d’intervenants de la région. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Alberta).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La mine de sables bitumineux Frontier
L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet d’un projet important et prometteur qui pourrait voir le jour en Alberta, la mine de sables bitumineux Frontier.
En 2010, Teck Resources Limited, une société minière canadienne importante établie à Vancouver, a proposé d’aménager une mine de sables bitumineux dans le Nord de l’Alberta. Pendant 10 ans, la société a diligemment et patiemment franchi toutes les étapes requises pour obtenir les autorisations nécessaires et solliciter l’appui de la population. En juillet 2019, Teck a été avisée, dans une décision de 1 300 pages, que le groupe provincial-fédéral mandaté d’examiner le projet l’avait approuvé. Le gouvernement de l’Alberta a ensuite donné son aval.
Au chapitre de la consultation des Premières Nations et des Métis, je peux informer mes collègues que les 14 communautés directement concernées pas la mine proposée ont toutes signé des accords de de participation socioéconomique, ce qui dénote leur appui. Au chapitre de l’environnement, on m’informe que les émissions de la mine par baril n’atteindront que la moitié de la norme en vigueur aujourd’hui. Surtout, Teck s’est engagée publiquement à rendre le projet carboneutre d’ici 2050.
Je peux également informer les honorables sénateurs que 90 % de l’eau utilisée dans le recyclage est de l’eau recyclée; par conséquent, la mine n’aura pas besoin de s’alimenter dans les rivières. De plus, la reconversion se fera au fur et à mesure.
Ce projet permettra d’injecter 70 milliards de dollars dans l’économie canadienne pendant sa durée de vie prévue. Il générera également des emplois à hauteur de 90 000 années-personnes, dont environ le tiers à l’extérieur de l’Alberta, sans parler de quelque 12 milliards de dollars d’impôt fédéral.
Il ne manque à ce projet qu’une seule approbation, celle du Cabinet fédéral, qui est imminente.
Vous vous rappellerez peut-être que dans le cadre de nos débats sur le projet de loi C-69, l’an dernier, l’Association minière du Canada a été la seule association à appuyer la position du gouvernement fédéral au sujet du C-69. Son président, Pierre Gratton, était un ardent partisan du projet de loi C-69. Voici ce qu’il a déclaré dans l’Edmonton Journal, le 7 février dernier :
Le gouvernement fédéral a l’occasion de montrer à tous les Canadiens que le processus d’évaluation fédéral fonctionne, que des projets comme Frontier — piloté par un chef de file canadien tel que la société Teck — peuvent franchir avec succès un processus d’évaluation indépendant, rigoureux et de classe mondiale et obtenir l’approbation d’un groupe indépendant appuyé par le gouvernement provincial et, surtout, par les communautés d’intérêts qui sont les principales intéressées. Dans ce contexte, je suis persuadé que le Cabinet fédéral prendra la bonne décision.
Pour les Albertains, qui cherchent à établir une relation de travail fructueuse avec Ottawa dans les dossiers de l’environnement et de l’économie, cette décision fait figure de canari dans la mine de charbon. Tout comme M. Gratton, j’espère que la décision concernant le projet Frontier sera favorable.
[Français]
Le décès de Raymond Bisson
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin de rendre hommage à Raymond Bisson, qui est décédé le 20 octobre dernier.
C’est un pilier et un leader de la communauté francophone manitobaine, de même qu’un ardent défenseur des services offerts à la francophonie canadienne, qui nous a quittés.
Né en 1944, à Dunrea, jadis un petit village francophone du Manitoba, Raymond Bisson a connu une carrière distinguée. Ses réalisations, notamment au chapitre éducatif et communautaire, sont considérables.
(1420)
Tour à tour président de la Société de la francophonie manitobaine, de la Fédération des communautés francophones et acadienne et, enfin, premier directeur général de la Division scolaire franco-manitobaine, Raymond Bisson a su diriger d’importants dossiers et résoudre de nombreux enjeux en exerçant un leadership et des compétences reconnus et éprouvés. Les restructurations effectuées sous sa gouverne dans le cadre de ces trois postes ont été profondes et essentielles et s’inscrivent dans la durée.
Nous n’avons qu’à évoquer le travail colossal qu’il a accompli afin d’inclure une disposition sur la dualité linguistique dans le texte de l’entente de Charlottetown qui, malgré l’échec de l’accord, a permis de sensibiliser les provinces canadiennes aux enjeux des minorités francophones. Songeons aussi à sa participation aux premiers pourparlers avec le Manitoba en vue d’obtenir la gestion scolaire, ou à son travail militant pour que la prestation de services en français soit améliorée, notamment par l’introduction du concept de l’offre active.
Passionné et infatigable, il participait en avril dernier, pour les élèves du Collège Louis-Riel, à une simulation des effets de la loi Thornton qui avait aboli l’enseignement du français au début du XXe siècle. Cependant, en plus des compétences diversifiées qu’on lui reconnaît, c’est sa capacité d’écoute, son empathie et, surtout, son sens de l’humour qui ont retenu l’attention de tous ceux et celles qui l’ont côtoyé et qui les ont marqués.
Raymond Bisson avait le don d’employer l’humour de façon positive et constructive, et son style de leadership le rendait agréable et bienveillant. C’était une façon efficace pour lui de gérer les situations difficiles, ce qui lui permettait ainsi de maintenir d’excellentes relations avec tous ceux et celles qui ont eu l’occasion de travailler à ses côtés.
Raymond était animé d’une vision et de convictions profondes, tout en faisant preuve d’une fine sensibilité et d’une grande ouverture d’esprit. Il aura laissé une empreinte profonde sur l’éducation en français au Manitoba et sur la francophonie en milieu minoritaire. Pendant très longtemps encore, son leadership servira de source d’inspiration à toutes et à tous.
En outre, il laisse un grand vide dans la vie de son épouse Lorraine, de ses trois enfants et cinq petits-enfants, ainsi que dans la vie de ses nombreux amis.
Merci pour tout, Raymond Bisson, nous n’oublierons jamais ta contribution et ta joie de vivre.
La littérature canadienne
L’honorable René Cormier : Honorables collègues, la littérature canadienne est riche, diversifiée, immensément inspirante et participe au rayonnement de notre culture, ici et ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, nous soulignons la première édition de la toute nouvelle journée de célébration nationale reconnaissant la littérature jeunesse canadienne, qui a pour thème « Je lis des auteurs canadiens ».
[Traduction]
Le Canada fourmille d’auteurs aux créations variées, qu’il s’agisse de livres pour enfants, de bandes dessinées, d’ouvrages de fiction ou documentaires. Cette journée invite les Canadiens à lire des auteurs canadiens, en silence ou à voix haute, pendant au moins 15 minutes et à partager leur expérience avec leur entourage.
[Français]
Au-delà de l’impact de la lecture dans le développement de nos jeunes, la littérature canadienne est centrale à l’affirmation de notre identité nationale. Grâce à la traduction, notamment, la littérature canadienne est aujourd’hui offerte d’un océan à l’autre : elle transcende les frontières de nos provinces et territoires et les barrières de la langue.
Vous me permettrez de profiter de cette journée pour mettre en lumière la contribution d’auteurs jeunesse acadiens.
Grâce à la maison d’édition Bouton d’or Acadie, des auteurs comme Diane Carmel Léger, Marie-France Comeau, Réjean Roy, Marie Cadieux ou encore Beryl Young, qui a écrit ce livre passionnant au sujet de notre ancien collègue l’honorable Roméo LeBlanc, participent au développement d’une littérature jeunesse canadienne riche et percutante.
Bouton d’or Acadie, ce sont 80 auteurs et 60 illustrateurs de l’Acadie, du Québec, de la France, de quelques pays d’Afrique et d’Asie. Cette maison d’édition, fondée par Mme Marguerite Maillet, a été la première à publier une série de contes amérindiens de l’Est du Canada, avec des textes en langue d’origine mi’kmaq ou passamaquoddy.
Ces contes font partie de la collection Wabanaki, nom que se donnaient les Algonquins de l’est de l’Amérique du Nord. Certains traduisent ce mot par l’expression « enfant de lumière ». C’est bien ce que tend à être Bouton d’or Acadie, chers collègues, un point de lumière pour la jeunesse et la culture canadiennes.
[Traduction]
En conclusion, à une époque où on reconnaît l’importance des droits d’auteur dans ce pays et où on cherche à aider les auteurs d’ici, qui luttent pour faire respecter leurs droits, j’invite tous les Canadiens à profiter de cette journée pour offrir un livre à un jeune ou à une association dans leur communauté. Merci.
AFFAIRES COURANTES
L’enquêteur correctionnel
Dépôt du rapport annuel de 2018-2019
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau de l’enquêteur correctionnel pour l’exercice terminé le 31 mars 2019, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 192.
L’ajournement
Préavis de motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 25 février 2020, à 14 heures.
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La réunion annuelle du Council of State Governments — Région de l’Ouest, tenue du 16 au 20 juillet 2019—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant la 72e réunion annuelle du Council of State Governments — Région de l’Ouest, tenue à Big Sky, au Montana, aux États-Unis d’Amérique, du 16 au 20 juillet 2019.
La réunion annuelle de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 21 au 24 juillet 2019—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant la 74e réunion annuelle de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Chicago, en Illinois, aux États-Unis d’Amérique, du 21 au 24 juillet 2019.
La réunion annuelle et le Forum des politiques régionales de l’Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus du 28 au 31 juillet 2019—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant la 59e réunion annuelle et le Forum des politiques régionales de l’Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus à Pittsburgh, en Pennsylvanie, aux États-Unis d’Amérique, du 28 au 31 juillet 2019.
Agriculture et forêts
L’étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux—Préavis de motion tendant à ce que le dix-neuvième rapport du comité déposé auprès du greffier du Sénat durant la première session de la quarante-deuxième législature soit inscrit à l’ordre du jour
L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le dix-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts intitulé Fabriqué au Canada : Faire croître le secteur alimentaire à valeur ajoutée au Canada, déposé auprès du greffier du Sénat le 15 juillet 2019, durant la première session de la quarante-deuxième législature, soit inscrit à l’ordre du jour sous la rubrique Autres affaires, Rapports de comités – Autres, pour étude à la prochaine séance.
Le revenu de base garanti
Préavis d’interpellation
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur le besoin d’examiner et d’évaluer les mesures concrètes dont dispose le Sénat pour soutenir la mise en œuvre d’initiatives axées sur le revenu de base garanti et pour promouvoir l’égalité réelle pour tous les Canadiens.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les transports
La perturbation du transport ferroviaire
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, la semaine dernière, à Munich, le premier ministre a parlé d’un monde :
[...] où nous pouvons échanger des idées librement, où nos différences nous enrichissent.
(1430)
Hier, il a dit à la Chambre :
[...] mais nous devons être à l’écoute les uns des autres. Les sirènes du populisme qui sévissent dans les démocraties ces jours-ci sont en réalité un appel à s’écouter parler, à n’entendre que ceux qui partagent le même point de vue et à ignorer les gens qui ont une perspective différente.
De bien belles paroles, que le premier ministre a prononcées sans vraiment y croire; autrement, il n’aurait jamais exclu le chef de l’opposition officielle, Andrew Scheer, d’une réunion des chefs à l’autre endroit pour discuter des blocages ferroviaires actuels.
Sénateur Gold, si le premier ministre ne peut même pas s’asseoir avec un autre chef de parti — un autre parlementaire — pour discuter de la situation, comment pense-t-il arriver à régler cette crise?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je pense que nous avons tous suivi les actualités et le débat d’urgence avec beaucoup d’intérêt. Je pense que le premier ministre a exposé très clairement sa position dans ses déclarations hier.
En collaboration avec ses collègues et d’autres personnes, il cherche une solution pacifique à un différend très compliqué qui porte sur les Premières Nations, la gouvernance au sein des nations, l’économie canadienne et de nombreux intervenants et Canadiens.
En ce qui concerne la demande de conseils à ses collègues au Parlement, le premier ministre a déclaré très clairement qu’il cherche des gens qui semblent aussi déterminés que le gouvernement à trouver une solution négociée axée sur le respect et le dialogue. Il a affirmé — et nous l’avons tous entendu — qu’il estime que la déclaration et le discours du chef de l’opposition montrent clairement que l’opposition a une idée très différente des façons de procéder et qu’il est préférable pour lui d’entreprendre des discussions avec des gens qui partagent sa vision pour aller de l’avant.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Plett : Je ne sais que dire. Sénateur Gold, j’ai parlé hier des terribles conséquences de l’interruption des services ferroviaires sur les agriculteurs des Prairies. Ayant remporté tous les sièges en Alberta et en Saskatchewan ainsi que la moitié des sièges dans ma province, le Manitoba, M. Scheer dirige le parti fédéral qui représente ces agriculteurs.
Monsieur le leader, le Parti conservateur du Canada a reçu quelque 6,1 millions de votes, presque un quart de million de votes de plus que les libéraux au pouvoir lors des dernières élections.
Les agriculteurs de l’Ouest s’inquiètent à juste titre de leurs moyens de subsistance. Ils essaient de continuer leurs activités dans une situation très difficile et ils s’inquiètent de ce qui arrive au pays en ce moment.
Sénateur Gold, je le redemande. Que doivent comprendre les agriculteurs de l’Ouest canadien de la décision du premier ministre d’exclure le chef de l’opposition, le chef d’un parti qui a reçu quelque 6 millions de votes? Que doivent comprendre tous les Canadiens de la décision du premier ministre de rencontrer le ministre des Affaires étrangères de l’Iran, mais pas le chef de l’opposition?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je répète encore une fois que la position du gouvernement est claire : il s’emploie à trouver une solution et à éviter l’escalade. Il cherche à dénouer cette situation difficile, en évitant de blâmer un groupe en particulier et en acceptant plutôt, comme l’a suggéré le chef Bellegarde, la responsabilité collective de celle-ci. Le gouvernement demeure déterminé à y trouver une solution rapide et pacifique. Il examine attentivement la situation. Il est conscient, comme nous tous, des énormes répercussions de cette crise sur l’ensemble des Canadiens, notamment les agriculteurs de l’Ouest, quel que soit le parti pour lequel ils ont voté aux dernières élections.
Les ressources naturelles
La taxe sur le carbone
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, dans un rapport publié cette année, en 2020, sur l’incidence fiscale et distributionnelle de la taxe fédérale sur le carbone, le directeur parlementaire du budget prévoit que la majorité des ménages canadiens, qui bénéficient du filet de sécurité fédéral sur la tarification du carbone, recevront des remboursements supérieurs à l’augmentation projetée des coûts de consommation. Toutefois, dans ce même rapport, le DPB assume que le plafond de la redevance fédérale sur le carbone sera fixé à 50 $ par tonne de gaz à effet de serre jusqu’en 2022.
[Français]
Dans un autre rapport publié en 2019, le directeur parlementaire du budget précise que la taxe sur le carbone devra atteindre une somme aussi élevée que 102 $ la tonne afin que le gouvernement atteigne la cible énoncée dans l’Accord de Paris, dont l’échéance est en 2030.
[Traduction]
Or, dans une simulation réalisée en 2019, la Commission de l’écofiscalité du Canada note que, pour respecter les cibles de 2030, la redevance fédérale sur les combustibles devrait atteindre jusqu’à 210 $ la tonne.
Sénateur Gold, comme il semble y avoir de nombreuses cibles en matière de prix et comme les Canadiens souhaitent comprendre dans une certaine mesure ce qui adviendra de la taxe sur le carbone, quel prix le Canada envisage-t-il de pratiquer pour atteindre les cibles qu’il s’est fixées pour 2030?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour cette question, car elle est très importante. Comme les sénateurs le savent, la tarification du carbone est un outil politique majeur pour atténuer les conséquences des gaz à effet de serre sur l’environnement. Tout important qu’il soit, cependant, ce n’est qu’un outil politique parmi les dizaines de mesures que le gouvernement a l’intention de promouvoir et de mettre en place. Entre autres, mentionnons l’investissement dans les énergies propres, les transports publics, etc.
Il convient également de noter que l’obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et le plan pour y arriver sont une responsabilité partagée par le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, qui ont également des plans et jouent un rôle de premier plan dans ce domaine.
J’aborderai votre question sur la tarification dans un instant, mais il importe de la replacer dans son contexte.
On m’a informé que le gouvernement travaille sur un plan global pour s’assurer que le Canada atteint ses objectifs. Une partie de ce plan prévoit une concertation avec les provinces pour voir si leurs programmes sont conformes aux normes fixées ou s’ils doivent être ajustés.
On m’informe que ces discussions auront lieu et feront partie du plan global du gouvernement fédéral.
En ce qui concerne la tarification du carbone, sénateur, j’ai été informé que le gouvernement reste attaché au plan de tarification qui a été mis en place dans la Loi sur la tarification de la pollution par les gaz à effet de serre adoptée en 2018. Aux termes de cette loi, le prix par tonne d’émissions excédentaires de dioxyde de carbone commence à 10 $ et augmente de 10 $ pour atteindre un maximum de 50 $ par tonne à partir de 2022.
Pour conclure, rappelez-vous, sénateurs, que la tarification du carbone est un outil important, mais non exclusif, que le gouvernement entend utiliser pour que le Canada réduise ses émissions et atteigne ses objectifs.
Le sénateur Smith : Merci pour la réponse. Je pourrais me tromper, mais je présume que les Canadiens veulent certaines assurances quant au plan de tarification. Je pense à trois exemples, à savoir les rapports de 2020 et de 2019 du directeur parlementaire du budget, ainsi que l’étude effectuée par un tiers, la Commission de l’écofiscalité du Canada, qui indique que la redevance atteindra pas moins de 210 $ la tonne. Vous est-il possible de vous renseigner auprès des autorités compétentes afin d’obtenir des assurances en ce qui concerne la tarification?
Les Canadiens veulent savoir à quoi s’attendre au juste relativement au plan de tarification du carbone parce que c’est important. Les gens sont conscients qu’il y a un problème à résoudre. Cela dit, nous devons établir des mesures concrètes et cohérentes afin que les Canadiens constater les résultats.
(1440)
Le sénateur Gold : Je vous remercie de poser cette question. Je vais m’informer à ce sujet et revenir ici avec l’information dès que la version finale du plan détaillé sera prête et communiquée.
Il est utile de rappeler à cette assemblée que, même dans le contexte de la politique de tarification du carbone, plusieurs facteurs sont à prendre en considération. Il y a non seulement le prix applicable aux émissions de carbone, mais aussi la somme qui est retournée aux provinces et aux territoires et qui est réinvestie, par exemple, dans l’énergie propre ou, dans certains cas, reversée aux familles et aux ménages.
L’effet net réel et les répercussions du régime de tarification du carbone, qui varient d’une province à l’autre — certaines ont un système de plafonnement et d’échange et d’autres ont leurs propres normes d’émission, comme l’Alberta —, dépendent de la façon dont les provinces et le gouvernement fédéral, sans parler de l’industrie, travaillent ensemble pour trouver la meilleure solution afin de respecter les normes d’émission dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques tout en protégeant les citoyens du fardeau inutilement lourd de ces mesures.
Nous devons donc prendre en considération l’ensemble du système. Le prix est important, mais les répercussions nettes sur les familles, les provinces et les secteurs économiques sont tout aussi importantes, voire plus, qu’un simple chiffre. Je reviendrai sur cette question quand j’en saurai plus.
La justice
Les barrages érigés en guise de protestation—La primauté du droit
L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Comme nous le savons, la situation continue de s’envenimer sur la côte Ouest et partout au Canada, alors que les chefs héréditaires des Wet’suwet’en et leurs sympathisants manifestent toujours contre la construction du pipeline Coastal GasLink, qui traverserait leur territoire ancestral.
En 1997, la Cour suprême du Canada a donné raison aux chefs wet’suwet’en dans une cause au pouvoir transformateur, appelée Delgamuukw. La Cour suprême a conclu qu’une Première Nation pouvait détenir un titre ancestral sur des territoires de la Colombie-Britannique. Elle a aussi statué qu’il faudrait tenir un autre procès pour déterminer dans quelle mesure cette décision s’applique aux terres des Wet’suwet’en.
Selon des documents obtenus récemment dans le cadre d’une demande d’accès à l’information, les gouvernements provinciaux et fédéral ont déployé des moyens extrêmes pour empêcher que les tribunaux soient saisis d’une affaire de ce type, et la procédure judiciaire tant attendue n’a donc pas encore eu lieu.
Le gouvernement libéral actuel répète avec fierté qu’il soutient les principes de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dont certains articles exigent que l’État mette en place des mécanismes de prévention et de réparation pour tout acte ayant pour but ou pour effet de déposséder les Autochtones de leurs terres, territoires ou ressources.
À la lumière de ce que je viens de mentionner, le gouvernement fédéral va-t-il donner publiquement aux Canadiens l’assurance qu’il suivra immédiatement sa propre directive ministérielle en matière de litige afin de trouver un terrain d’entente sur la façon de résoudre ce genre de question sans recourir aux tribunaux? Le gouvernement va-t-il s’efforcer de rassurer les gens du pays et du reste du monde en leur montrant ainsi que le gouvernement du Canada respecte la primauté du droit?
Étant donné que ce problème a de graves conséquences à l’échelle nationale, je demande respectueusement au gouvernement de me fournir une réponse écrite le plus tôt possible.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et je vous sais gré de souligner un problème important et complexe qui s’est produit trop souvent par le passé relativement aux communautés autochtones. Je vais certainement communiquer votre requête au gouvernement en lui demandant de fournir une réponse écrite le plus rapidement possible. Je vous remercie de nouveau de votre question.
La sécurité publique et la protection civile
Le Service correctionnel du Canada—Le système carcéral
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, et, selon la réponse, il se pourrait que j’aie une question supplémentaire.
Hier, le Bureau du vérificateur général a signalé que les mesures prises par le Service correctionnel du Canada « [...] n’étaient pas suffisantes pour promouvoir l’établissement et le maintien de milieux de travail respectueux ». Les deux tiers des employés du Service correctionnel du Canada interrogés ont indiqué avoir des préoccupations à l’égard de la culture organisationnelle, notamment à savoir si tout le monde dans leur milieu de travail est « tenu responsable de ses actions ». Près de la moitié des répondants, soit 46 %, ont déclaré craindre des représailles s’ils portaient plainte contre des collègues du service pour harcèlement.
Hier, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a aussi publié un rapport qui dénonce une culture « toxique » et des « dysfonctionnements » au sein du personnel de l’Établissement d’Edmonton, qui ont conduit le personnel à tolérer des incidents d’intimidation, de harcèlement et de comportements agressifs chez les employés et les prisonniers, ou à refuser d’intervenir lorsqu’ils se produisent. Selon le rapport de l’enquêteur correctionnel, la culture de la prison repose sur « [...] la peur, la suspicion, la méfiance, la persécution, le harcèlement, l’intimidation et l’abus de pouvoir — parmi les membres du personnel ».
Aucun de ces problèmes n’est nouveau, mais ils n’en sont pas moins inquiétants, d’autant plus que les autorités correctionnelles font montre d’une incapacité chronique à détecter et à signaler les cas de harcèlement, d’agression et, dans l’Ouest et dans l’Est, d’agression sexuelle à l’endroit du personnel et des prisonniers respectivement. Pour ce qui est de les prévenir et de les régler, n’en parlons même pas. Comme tant d’autres, l’enquêteur correctionnel demande une surveillance externe efficace des services correctionnels.
Quelles mesures le gouvernement prend-il pour garantir que la loi, particulièrement les droits protégés par la Charte et les droits de la personne des employés et des prisonniers, est respectée par le Service correctionnel du Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Les rapports auxquels vous faites référence brossent un tableau terrible et troublant qui, j’en suis sûr, est inacceptable pour nous tous.
J’ai été informé que le gouvernement s’occupe de ce dossier. Il est bien au fait des préoccupations que vous avez mentionnées, celles qui ont été soulevées par le vérificateur général au sujet de la violence, de la discrimination et du harcèlement en milieu de travail au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada et du Service correctionnel du Canada.
J’ai également été informé que l’Agence des services frontaliers du Canada et le Service correctionnel du Canada ont déjà pris des mesures pour répondre à ces préoccupations, ainsi que du fait que le ministre de la Sécurité publique a réclamé des mises à jour régulières et continues sur la mise en œuvre des nombreuses recommandations formulées dans le rapport du vérificateur général.
Plus précisément, le Service correctionnel du Canada s’est engagé — d’après ce que j’ai cru comprendre — à mettre en œuvre d’ici le 31 mars, c’est-à-dire la fin de l’exercice 2019-2020, une stratégie globale visant à éliminer le harcèlement en milieu de travail et à garantir un milieu de travail où les employés sont traités avec respect, dignité et justice et qui établira des « plans d’action comportant des responsabilités claires et des mesures du rendement ».
Je le répète : le ministre de la Sécurité publique s’occupe de ce dossier, il exige des mises à jour régulières, et il veillera à ce que les organismes donnent suite aux recommandations.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup de votre réponse. Je demanderais également que le gouvernement étudie la possibilité — et peut-être pourriez-vous nous indiquer s’il l’a déjà fait — de mettre en place le genre de surveillance externe recommandée par le Sénat au moment de l’étude du projet de loi C-83. Ce genre de surveillance judiciaire aurait fait en sorte que certains de ces problèmes puissent être réglés sans délai. Ce n’est pas la première fois qu’il y a une recommandation en ce sens, mais elle a été incluse pour la première fois dans une mesure législative grâce aux amendements proposés par le Sénat qui auraient pu être acceptés par le gouvernement et qui auraient offert à certaines personnes, les détenus en particulier, un recours pour réparer les torts subis.
Envisage-t-on de réétudier ces amendements?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Je ne connais pas la réponse, mais je vais, en tant que représentant du gouvernement, m’informer et communiquer la réponse au Sénat.
[Français]
La justice
Les barrages érigés en guise de protestation—La primauté du droit
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, le blocus autochtone des voies ferrées se poursuit encore aujourd’hui. Le Globe and Mail a écrit ce matin que « ce n’est pas en disant des platitudes que votre premier ministre pourra régler la situation ». Nous avons de la difficulté à comprendre ce qu’il peut négocier avec des manifestants qui lui demandent ni plus ni moins de renier des ententes signées avec d’autres représentants autochtones du pays.
(1450)
Votre premier ministre ne semble pas comprendre qu’il est dans un cul-de-sac. Pire, depuis quand un gouvernement négocie-t-il avec des gens qui se livrent à des activités illégales, qui ne respectent pas nos tribunaux et qui tiennent l’économie et la population en otage? En 2016, un Canadien du nom de Robert Hall a été assassiné aux Philippines par des individus qui le tenaient en otage depuis huit mois. Le gouvernement Trudeau avait refusé de négocier et, pourtant, une vie humaine était en jeu.
Monsieur le représentant du gouvernement, vous qui êtes professeur de droit, pouvez-vous nous expliquer la différence entre l’approche qu’avait adoptée votre gouvernement en 2016 et la main qu’il tend aujourd’hui, on ne sait trop à qui?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La situation à laquelle nous faisons face au Canada est extrêmement compliquée. Elle implique des principes importants, mais soulève aussi des questions quant à notre conception du droit, laquelle comprend les droits reconnus par la Cour suprême sur les territoires non cédés qui ne font pas partie des traités dans le nord. Il y a également la question de déterminer qui parle pour les communautés, soit les chefs héréditaires ou les chefs élus, ainsi que plusieurs autres complications.
La position du gouvernement du Canada est fondée sur le principe selon lequel il faut trouver une façon paisible et pacifique de résoudre ce problème qui interpelle et qui touche tous les Canadiens et les Canadiennes partout au Canada.
Ainsi, la position du gouvernement est très claire. Pour éviter une escalade de la violence telle que nous l’avons malheureusement vécue au Canada, au Québec, à Oka, à Ipperwash et ailleurs, il faut absolument s’engager dans la voie de la négociation et du dialogue. Je reconnais qu’il peut être difficile pour tous les Canadiens d’en comprendre la raison. Par contre, nous n’avons pas le choix, parce que faire autrement serait de risquer une escalade de la violence et des pertes de vies.
Le sénateur Dagenais : Je comprends pourquoi le représentant du gouvernement a fait référence à la situation qui s’est passée au Québec. J’y ai participé, car j’étais policier de la Sûreté du Québec à l’époque. Cependant, je dois préciser que cette situation au Québec ne s’est pas réglée grâce à une négociation paisible, et vous savez comment on y a remédié.
Croyez-vous que l’attitude de votre premier ministre, qui parle de discussions et de paix, permettra de régler le problème? Selon le Globe and Mail d’hier, la déclaration du premier ministre n’était même pas une déclaration pacifique, mais plutôt un résumé de platitudes.
Le sénateur Gold : Je souhaite, comme tous les Canadiens et les Canadiennes, que la situation se règle très bientôt.
En parlant d’Oka, il y a une trentaine d’années, j’y étais également impliqué, car j’étais le fils du médiateur qui a été engagé afin que le conflit se règle paisiblement.
Je répète que la position du gouvernement du Canada est de trouver des moyens de faire baisser les tensions et de favoriser un règlement le plus tôt possible sans escalade de la violence.
[Traduction]
Les affaires étrangères et le commerce international
L’utilisation d’enfants réfugiés par l’armée syrienne
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, durant la période des questions du 6 février dernier, vous avez dit que la Division Fatemiyoun « est principalement constituée de réfugiés afghans recrutés en Iran et en Afghanistan. »
Sénateur Gold, savez-vous que les réfugiés afghans sont ciblés par le gouvernement iranien, qui recherche des soldats pour son alliance avec le régime Assad? On promet à des enfants d’à peine 14 ans de leur donner quelques centaines de dollars par mois ou de leur accorder le statut d’immigrant en Iran s’ils se battent pour le dictateur syrien Bachar al-Assad.
Sénateur Gold, savez-vous aussi que beaucoup de ces enfants ont servi de boucliers humains et qu’ils ne sont jamais retournés dans leur famille? Ma question est la suivante : quelle discussion, le cas échéant, le ministre Champagne a-t-il eue avec son homologue afghan sur cette question très grave?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Elle a soulevé les exemples les plus importants et les plus déchirants d’enfants victimes d’abus ou enrôlés pour de telles activités.
Je vais me renseigner auprès du ministre et je ne manquerai pas de rapporter au Sénat toutes les réponses qu’il pourra me donner.
La défense nationale
Le Système d’alerte du Nord
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, je reviens sur la question posée la semaine dernière par le sénateur Patterson à propos du NORAD et du Système d’alerte du Nord. Le Comité sénatorial des finances, dont je suis membre, s’est abondamment penché sur le ministère de la Défense nationale et ses dépenses d’investissement. L’année dernière, le comité a publié un rapport sur les achats militaires. C’est tout un défi de suivre les dépenses d’investissement associées aux divers projets d’immobilisations menés par le ministère.
Le NORAD et le Système d’alerte du Nord suscitent beaucoup d’intérêt depuis que des avions canadiens ont intercepté deux bombardiers russes près des côtes nord-américaines plus tôt cette année.
L’Institut canadien des affaires mondiales a organisé le mois dernier une conférence sur les achats militaires au cours de laquelle les sujets du NORAD et du Système d’alerte du Nord ont été longuement débattus. À cette occasion, le Commodore Jamie Clarke, directeur adjoint de la stratégie du NORAD, a déclaré que la politique de défense du gouvernement pour 2017 comprenait des plans de modernisation du NORAD, sans toutefois fournir des détails précis. En fait, il a déclaré que la modernisation du NORAD n’est pas incluse dans le financement prévu dans la politique de défense de 2017. Bien que le sujet soit également abordé dans la lettre de mandat du ministre, ni les détails ni les coûts ne sont indiqués. De son côté, Jody Thomas, sous-ministre de la Défense nationale, a évoqué la nécessité de moderniser le système.
Les dirigeants militaires tirent maintenant la sonnette d’alarme au sujet du Système d’alerte du Nord. Or, à ce que je sache, le ministère est si lent à mettre en œuvre des projets d’investissement ou à se procurer des biens d’équipement qu’il donne l’impression qu’il n’y a aucune urgence. Ma question est donc assez simple : quel est le coût estimé de la modernisation du NORAD et du Système d’alerte du Nord, et quels sont les délais prévus pour ce faire?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Parfois, des questions simples nécessitent des réponses plus longues, des réponses que je n’ai pas nécessairement.
Le NORAD fait partie de notre défense commune du Nord et est fondamental pour la protection de la souveraineté de notre pays dans la région, une souveraineté qui est menacée par les activités d’autres pays dans la région. Je vous remercie également d’avoir parlé de la lettre de mandat concernant le Système d’alerte du Nord, car c’est quelque chose que le gouvernement prend très au sérieux.
Il y a eu et il continue d’y avoir des investissements dans la région, mais à propos du coût total et des délais prévus, je n’ai honnêtement pas la réponse. Je vais me renseigner pour savoir qui pourrait avoir la réponse. S’il y a une réponse, je serai heureux de la fournir.
La sénatrice Marshall : Je remercie l’honorable sénateur de sa réponse. Pourrais-je également vous demander de faire un suivi dans un autre dossier — à moins que vous ayez la réponse maintenant? L’énoncé de politique de 2017 date de trois ans et il s’accompagne d’un plan de financement qui s’étend sur les 20 prochaines années. Cependant, énormément de changements ont eu lieu au cours des trois dernières années; par exemple, on parle d’un autre chantier naval. Je pense qu’ils vont construire un navire supplémentaire. Il y a actuellement un problème concernant les sous-marins.
(1500)
Il semble y avoir beaucoup de dépenses d’investissement à venir qui ne sont pas incluses dans le plan d’investissement de 2017. Même si le plan d’investissement a été élaboré il y a seulement 3 ans, il s’échelonne sur 20 ans et il semble déjà dépassé.
J’aimerais savoir si le ministre a l’intention de mettre le plan à jour, car il semble qu’à ce stade-ci, quelqu’un devrait examiner ce qu’il contient et ce qu’il devrait contenir et le revoir.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de poser cette question. Je l’ajoute à l’information que je dois obtenir. J’espère que, comme sénateurs, nous pouvons contribuer, que ce soit dans le cadre de notre travail dans les comités ou autrement, au suivi des plans au fil de leur évolution. Le gouvernement entend veiller à ce que nos investissements dans divers systèmes soient à la hauteur de nos besoins, qu’ils répondent à nos besoins comme pays souverain. Je vous remercie de poser cette question et je vais m’informer.
ORDRE DU JOUR
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Premier rapport du comité—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Patterson, tendant à l’adoption du premier rapport (intérimaire) du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Faits nouveaux et les mesures prises concernant le cinquième rapport du comité au sujet de la sénatrice Beyak, déposé auprès du greffier du Sénat le 31 janvier 2020.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, nous ne pouvons pas encore prendre une décision au sujet de ce rapport. À moins qu’un sénateur ne veuille proposer l’ajournement, le débat sera ajourné d’office jusqu’à la prochaine séance du Sénat.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, la suite du débat sur la motion est ajournée à la prochaine séance.)
[Français]
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :
À Son Excellence la très honorable Julie Payette, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je profite du dernier discours du Trône, qui insistait sur la volonté du gouvernement de renforcer la classe moyenne, pour vous parler d’un sujet qui est essentiel à la poursuite de cet objectif. Vous l’aurez deviné, il s’agit du développement des compétences.
Il faut souligner d’entrée de jeu que le renforcement de la classe moyenne préoccupe non seulement le gouvernement du Canada, mais également de nombreux pays et organisations internationales, et pour cause. Un tout récent rapport de la firme McKinsey intitulé The social contract in the 21st century nous apprenait que, depuis le tournant du siècle, et je cite en anglais :
[Traduction]
La polarisation vers les emplois hautement spécialisés et les emplois peu spécialisés a causé l’érosion de 7 millions d’emplois semi-spécialisés à salaire moyen dans 16 pays européens et aux États-Unis, et ce, malgré la forte croissance de l’emploi en général [...]
Même si les auteurs de l’étude signalent que cette tendance s’est ralentie, en particulier aux États-Unis, l’avenir du marché du travail n’est pas nécessairement brillant.
[Français]
En effet, le directeur de la Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE, Stefano Scarpetta, soutient ce qui suit :
Un monde du travail meilleur n’est pas garanti — cela dépendra, dans une large mesure, de la mise en œuvre des politiques et des institutions adaptées.
Il est dorénavant impératif pour la santé économique du Canada, le progrès de sa classe moyenne et l’inclusion des groupes vulnérables que les groupes stratégiques et les gouvernements se concertent afin de développer une vision commune, voire une stratégie de développement des compétences.
Les compétences sont devenues une monnaie d’échange sur le marché du travail. Je n’ai pas inventé cette expression, même si j’utilise souvent cette comparaison. Elle est de plus en plus utilisée dans le monde. Or, pour renforcer la classe moyenne et soutenir les groupes vulnérables, il faudra faire en sorte que tout un chacun possède les compétences nécessaires, cette monnaie d’échange du XXIe siècle, pour bien évoluer sur le marché du travail.
J’expliquerai plus loin pourquoi et comment la prospérité, le développement des compétences et le dialogue social sont intimement liés.
D’abord, parlons brièvement du contexte à venir. Selon les experts, les changements technologiques, y compris l’arrivée de l’intelligence artificielle, auront des effets perturbateurs sur le marché du travail beaucoup plus importants que ce que l’on a vu par le passé. L’arrivée de ces technologies dans un contexte de vieillissement des populations, de changements climatiques et de rapidité des changements nécessitera une mise à jour continue des compétences.
Dans son rapport sur l’emploi de 2019, l’OCDE prévoit que, au cours des 15 à 20 prochaines années, 14 % des emplois au sein des pays membres risquent d’être automatisés, et que 32 % seront fort probablement radicalement transformés. L’impact sera différent d’un pays à l’autre, mais il sera assurément important.
L’OCDE prévoit que, au Canada, plus de 40 % des emplois seront automatisés ou transformés. Les Canadiennes et les Canadiens doivent se préparer à cette réalité. Je le répète, il en va de la préservation de la classe moyenne, du principe de l’égalité des chances et d’une prospérité partagée.
Comme par le passé, les changements technologiques vont créer de bons emplois et feront disparaître de nombreux emplois routiniers, notamment ceux qui sont occupés par les travailleurs les moins qualifiés. L’OCDE prévoit que plusieurs de ces changements toucheront davantage des groupes déjà vulnérables. La conséquence de ceci est la suivante : si rien n’est entrepris collectivement pour aider les personnes à s’adapter et à profiter de ces changements, les inégalités de revenu risquent de s’accroître.
Il faut agir dès maintenant. Les organismes internationaux comme l’OCDE, le Bureau international du travail, le Forum économique mondial, pour ne nommer que ceux-là, invitent tous les pays à passer à l’action. Plusieurs pays l’ont déjà fait et ont adopté des stratégies audacieuses en matière de développement des compétences.
Au Canada, malheureusement, malgré de belles initiatives dans le domaine, nous faisons face à un problème d’action collective. Une vision partagée, qui permettrait d’engager de nouveaux investissements, de développer un langage commun pour répondre aux besoins de formation et de favoriser l’implantation d’une culture de l’apprentissage tout au long de la vie, fait cruellement défaut.
[Traduction]
Au Canada, il est difficile d’implanter une action collective, car il est difficile de parvenir à un consensus dans de nombreux dossiers. Outre les questions touchant les compétences, les stratégies électorales entre des gouvernements de différentes allégeances nuisent souvent aux décisions et aux actions à grande échelle. Il existe toutefois une solution.
[Français]
Le dialogue social peut contribuer à définir des consensus et à favoriser l’action collective. Le dialogue social peut contribuer à adopter des stratégies visant à augmenter la participation des Canadiens au développement des compétences tout au long de la vie.
Plus spécifiquement, le dialogue social permet de produire une information plus complète sur les enjeux, les besoins, les coûts et les bénéfices. Cela est particulièrement important pour les défis relatifs à la main-d’œuvre et au marché du travail. Les gouvernements et les fonctionnaires — malgré tout le respect que j’ai pour les fonctionnaires, puisque je l’ai été moi-même dans autre une vie — n’ont pas toute l’information nécessaire qui leur permettraient de créer des programmes parmi les plus efficaces. Ils se basent sur des statistiques qui ne représentent qu’une partie de la réalité, ou encore sur des consultations qui ne montrent souvent qu’un seul côté de la médaille.
Les associations qui représentent la main-d’œuvre et les entreprises peuvent, ensemble, brosser un tableau plus complet des besoins en matière de main-d’œuvre et de développement des compétences. Le dialogue social permet aussi d’éclairer des zones de consensus mutuellement avantageuses, ce que des consultations peuvent laisser dans l’ombre. Cela est majeur. Enfin, grâce au dialogue social, il devient plus facile de mettre en œuvre des programmes et des mesures qui auront les impacts durables souhaités.
[Traduction]
Les groupes sociaux et économiques comme les associations de travailleurs et d’entreprises peuvent montrer la voie à suivre pour atteindre certains objectifs communs en matière de développement des compétences, comme d’autres relativement au dynamisme du marché du travail. Ces associations ont de nombreux intérêts en commun. Elles ont parfois des divergences d’opinions, mais elles peuvent souvent être des partenaires et élaborer des stratégies qui profitent à tout le monde.
[Français]
À l’échelle canadienne, le dialogue social entre la main-d’œuvre et les entreprises n’est pas une pratique aussi courante que, par exemple, dans ma province, le Québec. Pourtant, la pratique du dialogue social, même informelle, peut être fort utile pour promouvoir une action collective inclusive et efficace à la fois.
C’est dans cette perspective que je travaille depuis plusieurs mois, depuis presque plus d’un an, à construire un lieu de dialogue entre les associations patronales et syndicales ainsi que les institutions de formation, afin de promouvoir le développement des compétences tout au long de la vie.
Une première table ronde s’est tenue le 31 janvier dernier dans la Chambre du Sénat. Cette rencontre a été possible grâce à la collaboration de la Chambre de commerce du Canada, du Congrès du travail du Canada et de Collèges et instituts Canada.
(1510)
[Traduction]
Je tiens à remercier tout particulièrement Perrin Beatty et Leah Nord, de la Chambre de commerce du Canada, Hassan Yussuff et Chris Roberts, du Congrès du travail du Canada, ainsi que Denise Amyot et Anna Toneguzzo, de Collèges et instituts Canada, de leur soutien lors de l’organisation de cet événement.
[Français]
Plus de 40 personnes représentant des associations patronales, syndicales et les milieux de l’éducation et de la formation se sont réunies toute la journée dans le but de discuter et de dégager des consensus sur des moyens à prendre pour combler le déficit dans les compétences et relever les défis en matière de formation de la main-d’œuvre. Tous ont convenu de respecter la règle de Chatham House, selon laquelle chacun peut rapporter les propos qui ont été abordés sans les attribuer à des individus particuliers.
On peut considérer que cette première rencontre a été un succès, puisque tous les participants ont exprimé le désir d’échanger à nouveau. Les participants se sont réjouis de constater que le Sénat du Canada pouvait jouer un rôle pour alimenter le dialogue autour de la question des compétences.
Nous avons commencé la journée du 31 janvier en présentant les résultats d’un sondage que j’ai entrepris dans le but de connaître les perceptions des Canadiennes et des Canadiens quant aux répercussions des changements à venir et à leurs besoins de formation.
Mon bureau a financé la réalisation de ce sondage hybride mené de façon aléatoire auprès de 1 010 Canadiens âgés de 18 ans et plus et exécuté par la firme Nanos, entre le 29 novembre et le 2 décembre 2019. J’en profite pour remercier chaleureusement M. Michel Cournoyer, éditeur du Job Market Monitor, de son travail méticuleux dans l’élaboration et l’analyse des données de ce sondage. Ce sondage, tout comme la journée du 31, n’aurait pu voir le jour sans sa précieuse collaboration.
Permettez-moi maintenant de vous présenter les faits saillants du sondage. Vous pourrez consulter mon site Web pour obtenir plus de détails.
[Traduction]
La première chose qui en est ressortie est que la perception qu’ont les Canadiens de l’impact de l’évolution de la technologie sur leur emploi est réaliste comparativement aux prévisions des spécialistes, mais un peu plus pessimiste que les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques.
En fait, environ 18 % des répondants qui travaillent, ou environ 3,4 millions de travailleurs canadiens, croient que les changements technologiques menacent leur emploi, et 35 % des répondants qui travaillent croient que ces changements auront une incidence sur leurs tâches professionnelles et qu’ils auront besoin de formation. Cela représente environ 6,6 millions de travailleurs. En tout, environ 10 millions de Canadiens croient que leur emploi sera touché par les changements technologiques.
La deuxième chose qui est ressortie du sondage est que plus de la moitié des Canadiens manifestent de l’intérêt pour suivre des cours de formation. Cependant, 40 % de ces derniers disent qu’ils n’ont ni les moyens ni le temps de suivre des cours. Plus précisément, on estime que 11,4 millions de travailleurs canadiens actifs aimeraient suivre des cours de formation, mais 4,6 millions d’entre eux ne peuvent pas se le permettre ou n’ont pas de temps à y consacrer.
Maintenant, je vais parler plus longuement des compétences nécessaires. La troisième chose qui est ressortie du sondage est que près de la moitié des répondants pensent qu’ils devraient suivre une formation pour améliorer leurs compétences professionnelles ou informatiques. De plus, un travailleur actif sur 10, ou 2,1 millions de Canadiens, croient qu’ils doivent améliorer certaines compétences essentielles, comme leurs habiletés de lecture. Également, 5,4 millions de personnes veulent améliorer leurs compétences en mathématiques.
Nous avons aussi demandé aux Canadiens si un compte personnel de formation pourrait être utile, selon eux, pour augmenter la formation. Plus de la moitié des répondants sont d’avis qu’un compte personnel de formation — un compte semblable au Régime enregistré d’épargne-études, auquel le gouvernement, l’employeur ou les deux pourraient cotiser — permettrait d’augmenter la formation. De plus, 4 répondants sur 10 se sont dits prêts à cotiser à un tel compte.
Ces résultats s’ajoutent à ceux d’un sondage que j’ai mené avec CROP en 2014, qui révélait qu’une grande majorité de Canadiens, soit 8 sur 10, seraient ouverts à suivre une formation pour améliorer leurs compétences si elle était financée par l’assurance-emploi.
[Français]
Ces résultats indiquent clairement qu’une bonne majorité de Canadiennes et de Canadiens perçoivent les défis auxquels ils ou elles doivent faire face. Une bonne majorité d’entre eux souhaitent développer leurs compétences et accueilleraient favorablement une stratégie publique à cet effet. Les résultats plus détaillés indiquent aussi qu’il sera nécessaire d’adopter des mesures ciblées pour les groupes les plus vulnérables, qui sont moins prêts à faire de la formation.
Revenons à la journée du 31 janvier 2020. Comme je le disais, la journée a été fructueuse. Les participants se sont entendus sur des principes de base qui pourraient orchestrer les multiples initiatives déjà entreprises dans une stratégie cohérente et globale de développement des compétences. Ces principes incluent notamment l’universalité, l’égalité des chances et l’inclusivité, le respect des champs constitutionnels, l’accessibilité et la simplicité, l’efficacité et la pertinence, pour ne nommer que ceux-là.
Les discussions se sont déroulées dans le respect du point de vue des participants et tous ont exprimé le désir de se revoir bientôt pour poursuivre les échanges. Alors que la première rencontre portait davantage sur l’état de la situation, les implications et les enjeux du financement, la prochaine devrait aborder principalement une lecture commune des besoins.
Il a été clairement établi que les réflexions de cette table ronde devraient s’arrimer, mais sans s’y limiter, aux initiatives gouvernementales en cours. On a également souligné qu’une telle table ronde ne peut exister indéfiniment de manière informelle et en parallèle avec l’action gouvernementale. Toutefois, même si une collaboration éventuelle avec les représentants...
L’honorable Lucie Moncion (Son Honneur la Présidente suppléante) : Sénatrice Bellemare, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous quelques minutes de plus?
La sénatrice Bellemare : Oui, s’il vous plaît.
Toutefois, même si une collaboration éventuelle avec les représentants du gouvernement paraît souhaitable, cela n’exige pas nécessairement que ces derniers participent aux échanges de la table informelle. Il y a des avenues de communication à privilégier avec la ministre de la Prospérité de la classe moyenne, l’honorable Mona Fortier, qui est venue saluer les participants à l’heure du déjeuner, ainsi qu’avec la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, l’honorable Carla Qualtrough, qui était représentée à l’heure du déjeuner par son secrétaire parlementaire, Irek Kusmierczyk.
De toute évidence, le Sénat, en raison de sa nature même et parce que ses membres sont nommés pour plus longtemps que pour un mandat électoral, est en mesure de contribuer au développement du dialogue social au Canada.
En terminant, je tiens à remercier tous ceux et celles qui ont participé à cette journée, ainsi que les traducteurs, le personnel du Sénat, le bureau de l’huissier du bâton noir, ma conseillère Julie Labelle-Morissette, ainsi qu’Éline Hu et Amélie Crosson, qui ont travaillé sur ce projet et, enfin, Benoît Hubert, de la firme PGF, pour ses services-conseils.
Chers collègues, merci de m’avoir écoutée. C’est avec plaisir que je vous informerai plus en détail des suites de cette journée. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Affaires étrangères et commerce international
Motion concernant la composition du comité et tendant à autoriser le comité à étudier la teneur du projet de loi C-4—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p.,
Que, nonobstant les articles 12-2(2) et 12-3(1) du Règlement et les pratiques habituelles, les honorables sénateurs Ataullahjan, Boehm, Bovey, Cordy, Coyle, Dawson, Dean, Greene, Housakos, Massicotte, Ngo, Plett et Saint-Germain soient nommés membres du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international jusqu’à ce que le Sénat adopte un rapport du Comité de sélection recommandant les sénateurs qui seront membres dudit comité ou que les membres soient nommés autrement par le Sénat;
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains, déposé à la Chambre des communes le 29 janvier 2020, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;
Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, et que l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement soit suspendue à cet égard.
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que parrain du projet de loi C-4. Il s’agit, comme tout le monde le sait probablement, de la loi de mise en œuvre de l’accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique.
Je dirai quelques mots à propos de la motion du gouvernement concernant l’étude préalable du projet de loi C-4. Soulignons que l’accord s’appelle Accord Canada-États-Unis-Mexique ou ACEUM au Canada, tandis que les États-Unis parlent plutôt de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada et le Mexique, du T-MEC.
(1520)
Honorables collègues, il s’agit là d’une question extrêmement importante. Il s’agit non seulement d’approuver et d’adopter cette motion avec célérité, mais aussi d’assurer la mise en œuvre de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique. Il est important pour le Sénat de montrer que nous allons de l’avant et que l’intérêt national est au cœur de nos préoccupations.
Comme le sénateur Gold l’a dit hier au sujet de la constitution temporaire d’un comité composé des mêmes membres que pendant la dernière législature, il y a eu un précédent pas plus tard qu’en décembre dernier, lorsque le Comité des finances a été reconstitué afin d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses. Évidemment, il y a aussi des précédents en ce qui a trait aux études préalables, notamment pour les projets de loi d’exécution du budget et d’autres projets de loi importants.
Dans tous les secteurs, les travailleurs et les entreprises du pays veulent de la certitude et de la prévisibilité dans leurs échanges commerciaux en Amérique du Nord. Ils veulent tourner la page sur les tourments engendrés par les négociations. Je pense qu’il est crucial que nous votions rapidement pour l’adoption de cette motion afin que nous soyons prêts à faire notre travail dans cette enceinte lorsque nous recevrons le projet de loi C-4 de l’autre endroit.
J’ai lu attentivement les débats du comité de la Chambre des communes, et il me semble qu’une entente est survenue en relativement peu de temps. Je dirais que le Sénat devrait être prêt à aller de l’avant.
La ratification rapide de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique a été réclamée par le Conseil de la fédération, les 13 premiers ministres provinciaux et territoriaux de toutes allégeances, les associations d’entreprises, les dirigeants, les syndicats, les agriculteurs et la population canadienne elle-même. Ce n’est pas un enjeu politique, mais un dossier très important pour les Canadiens. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux).
L’honorable Tony Dean : Honorables collègues, je prends la parole au sujet du projet de loi S-208, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux).
Entre autres choses importantes, le projet de loi vise à modifier le Code criminel afin de donner aux tribunaux un pouvoir discrétionnaire de modifier la peine à infliger à l’égard d’une infraction lorsqu’une disposition prescrit une peine donnée ou différents degrés ou genres de peine.
Je me joins aux nombreux sénateurs qui appuient ce projet de loi. Le Sénat a été saisi de la question au cours de la dernière législature, et je suis heureux de voir la sénatrice Pate présenter de nouveau ce projet de loi afin de poursuivre le débat. Je remercie la sénatrice Pate de son travail diligent dans ce dossier et de la foule de renseignements qu’elle nous a aimablement transmis au cours des deux dernières législatures.
On sait que la judiciarisation cause des torts considérables aux individus et à leur famille. Comme l’a souligné la Commission de réforme du droit du Canada, les peines plus longues et les pénalités plus sévères ne préviennent pas efficacement la criminalité. En fait, les données suggèrent que le risque de récidive est plus élevé pour les personnes qui purgent des peines de placement sous garde, y compris les peines d’emprisonnement, que pour les personnes qui purgent une peine non privative de liberté comportant des mesures correctionnelles communautaires.
En Ontario seulement, le taux de récidive dans les deux années suivant une peine de prison de six mois ou plus a été de 35 % entre 2014 et 2015. Certes, ce taux a décru de façon constante au cours de la dernière décennie, mais il reste qu’on a enregistré un taux de récidive de seulement 20 % la même année pour les peines purgées dans la communauté et axées sur l’intervention et la réhabilitation.
Les peines minimales obligatoires limitent la capacité des juges de donner des peines plus clémentes lorsque les circonstances le justifient. Les peines purgées dans la communauté sont exclues. Si une personne est reconnue coupable, elle sera incarcérée, ce qui la rend plus susceptible de souffrir de préjudices sociétaux et psychologiques. De surcroît, les peines minimales obligatoires coûtent plus cher que les autres formes de peines axées sur la réadaptation.
En effet, selon Statistique Canada, le gouvernement fédéral a consacré, en 2015-2016, 4,6 milliards de dollars aux mesures correctionnelles. En tout, 70 % de cet argent a été investi dans des mesures carcérales. Cela montre que, dans certains cas, les peines minimales obligatoires constituent non seulement des peines cruelles et inusitées, comme l’a affirmé la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Nur en 2013, mais qu’elles entraînent aussi des dépenses inutiles.
Le projet de loi S-208 rétablirait le pouvoir discrétionnaire des juges à l’égard de la soixantaine de crimes qui sont assortis d’une peine minimale obligatoire.
Je vais maintenant parler plus en détail de quelques peines qui me semblent particulièrement dignes de mention, pour ne pas dire troublantes.
Il n’y a pas si longtemps, on imposait des peines minimales obligatoires pour la possession de cannabis. En 2016, plus de la moitié des infractions en matière de drogue — près de 55 000 infractions signalées à la police — étaient liées au cannabis, et 81 % de ces infractions liées au cannabis avaient trait à la possession. Cela a mené au dépôt d’approximativement 23 000 accusations, dont 76 % étaient liées au cannabis. La peine maximale imposée à toute personne reconnue coupable de possession simple est de cinq ans moins un jour.
Ces peines continuent d’être infligées pour la possession de substances énumérées à l’annexe I, comme la cocaïne, l’héroïne et la méthamphétamine. La simple possession de telles substances pourrait donner lieu à une peine d’emprisonnement de un à deux ans.
Je tiens à rappeler aux sénateurs que le coût annuel moyen d’incarcération d’un seul prisonnier s’élève à plus de 162 000 $. Pour les femmes, ce coût est presque trois fois et demie plus élevé. En effet, on estime les coûts annuels d’incarcération d’une détenue à 533 000 $.
Il est important de nous rappeler que les groupes racialisés et autochtones sont déjà surreprésentés dans le système carcéral. En 2017-2018, les jeunes Autochtones représentaient presque la moitié — 48 % — des jeunes placés en détention dans les neuf administrations participantes, à l’exclusion de la Nouvelle-Écosse, du Québec, de l’Alberta et du Yukon, alors qu’ils ne forment que 8 % de la jeunesse canadienne.
D’après des données récentes du Bureau de l’enquêteur correctionnel, 42 % des femmes incarcérées dans des pénitenciers fédéraux sont des Autochtones. Nous devons tenir compte de ces statistiques et reconnaître que les peines minimales obligatoires touchent de façon disproportionnée les Canadiens autochtones et racialisés. Pour cette raison, les groupes minoritaires se heurtent à davantage de barrières et de préjudices sociaux.
La menace d’incarcération ne dissuade pas les gens de consommer de la drogue et ne remédie pas aux torts causés par la dépendance. L’imposition d’une peine d’emprisonnement minimum obligatoire pour la possession de drogues illicites n’est pas un moyen de dissuasion efficace. Comme nous l’a déjà dit la sénatrice Pate, les personnes ayant d’importants problèmes de santé mentale sont également touchées de manière disproportionnée par les peines minimales obligatoires. Le taux de récidive dont j’ai parlé plus tôt donne à penser qu’une approche axée sur la santé publique, comprenant notamment le recours à des peines autres que l’emprisonnement mettant l’accent sur la réadaptation et non le châtiment, constitue un moyen plus efficace d’aider la personne ayant une dépendance et de la garder hors de prison.
L’inverse est également vrai. Dans le cas des crimes assortis d’une peine minimale obligatoire, on encourage les accusés à plaider coupable pour éviter une sanction plus sévère. Les opposants soutiennent que cela mène à la condamnation de personnes pour des infractions qui ne correspondent pas à l’infraction réellement commise. Par exemple, certains pourraient plaider coupables d’homicide involontaire, même si les faits révèlent que l’acte était intentionnel. Le juge exerçant son pouvoir discrétionnaire veillerait à ce que la peine soit appropriée par rapport au crime et à la situation de la personne.
Cette question a été examinée en long et en large et soulève la controverse. Dans l’affaire R. c. Nur, la Cour suprême du Canada a déclaré :
La preuve empirique indique que, dans les faits, les peines minimales obligatoires ne sont pas dissuasives [...]
Dans l’affaire R. c. Lloyd, la Cour suprême a souligné, dans une décision rendue à la majorité :
[...] la peine minimale obligatoire qui [...] s’applique à une infraction susceptible d’être perpétrée de diverses manières, dans maintes circonstances différentes et par une grande variété de personnes se révèle vulnérable sur le plan constitutionnel.
Certaines peines ont même été invalidées parce qu’elles ont été déclarées incompatibles avec la Charte. Cela a notamment été le cas notamment dans l’affaire R. c. Nur.
(1530)
Honorables sénateurs, le projet de loi S-208 n’élimine pas les peines minimales obligatoires. Les juges pourraient toujours imposer la peine minimale obligatoire — ou même une peine plus sévère — s’ils estiment que c’est la peine appropriée. Selon moi, le fait de donner aux juges le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine différente permettra de garantir que justice soit faite et que la peine soit proportionnelle à la gravité du crime.
J’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer le projet de loi S-208. J’attends avec impatience une étude exhaustive et un débat plus approfondi sur le sujet. Je vous remercie.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, au nom de la sénatrice Forest-Niesing, le débat est ajourné.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Motion tendant à autoriser le comité à étudier l’avenir des travailleurs—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Lankin, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné,
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’avenir des travailleurs pour évaluer :
a)comment sont recueillies les données et l’information sur l’économie à la demande au Canada ainsi que les lacunes potentielles sur le plan des connaissances;
b)l’efficacité de la protection des travailleurs accordée actuellement aux gens qui travaillent par l’entremise de plateformes numériques et de programmes de travailleurs étrangers temporaires;
c)les effets néfastes du travail précaire et de l’économie à la demande sur les avantages sociaux, les pensions et d’autres services gouvernementaux liés à l’emploi;
d)l’accessibilité des programmes de recyclage professionnel et de perfectionnement des compétences pour les travailleurs;
Que, ce faisant, le comité porte une attention particulière au fait que les effets néfastes de la précarité de l’emploi sont particulièrement ressentis par les travailleurs de couleur, les nouveaux immigrants et les travailleurs autochtones;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 7 avril 2022.
L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de la sénatrice Lankin visant à ce que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie étudie, pour en faire rapport, l’avenir des travailleurs, en mettant l’accent sur les emplois précaires, l’économie à la demande et les travailleurs étrangers temporaires.
Je félicite la sénatrice Lankin de cette motion pertinente qui tombe à point. En confiant cette étude au comité, nous nous assurons d’avoir des données précises, organisées et transparentes sur des questions qui sont importantes pour tous les Canadiens.
Honorables sénateurs, nous savons que les marchés du travail au Canada et partout dans le monde subissent des changements. Cela créé de nouvelles occasions, mais aussi des défis. Plus récemment, l’essor des plateformes numériques en ligne permet aux gens de participer beaucoup plus facilement à cette nouvelle économie, que ce soit à temps plein, à temps partiel ou à titre occasionnel.
Les relations traditionnelles entre les employés et leurs employeurs sont mises au défi, comme le sont les cadres législatifs et réglementaires que nous avons mis en place pour protéger les travailleurs. Aujourd’hui, j’aimerais me concentrer particulièrement sur l’économie à la demande.
Selon certains observateurs, notamment l’Institut économique de Montréal, les avantages d’une économie à la demande pour les travailleurs et les employeurs surpassent de loin les inconvénients. D’après cette hypothèse, les gouvernements et les organismes de réglementation devraient adopter une approche non interventionniste.
En même temps, d’autres voudraient qu’on étende la portée de la réglementation du travail, ou de variantes de celle-ci, au nombre croissant de travailleurs vulnérables. Ceux parmi nous qui ont déjà été témoins des pires cas d’inégalités dans les rapports de force au travail savent à quel point ces protections sont importantes.
La première étape sera cependant d’arriver à mieux comprendre le potentiel et les défis que suppose la nature en mutation rapide du travail, et c’est pourquoi la proposition de la sénatrice Lankin est aussi importante.
Chers collègues, la structure du travail évolue sous nos yeux. Chaque fois que nous utilisons les services d’Uber ou de Lyft ou que nous faisons livrer un repas à la maison, nous bénéficions des services d’un travailleur à la demande. C’est la même chose pour les innombrables personnes qui assurent la prestation du vaste éventail de services qui sont offerts à partir d’une plateforme numérique, de la livraison de pizzas à l’expédition de colis en passant par la conception numérique ou la production de vidéos ou de musique.
Une étude de décembre 2019 de Statistique Canada montrait qu’un habitant de Toronto sur dix fait un travail à la demande. Le nombre de personnes qui travaillent dans ce secteur de l’économie a augmenté de 70 % au Canada entre 2005 et 2016.
Les concepts classiques pour déterminer qui est un « employé » dans le contexte de la réglementation du travail sont mis à mal par l’économie à la demande, tout comme les frontières juridictionnelles. Bien comprendre la nature de cette économie est donc essentiel pour déterminer la nécessité et l’applicabilité d’une réglementation ainsi que la façon de la mettre en œuvre.
On emploie souvent les termes « travail précaire » et « travail à la demande » de façon interchangeable. Il s’agit dans les deux cas de modalités de travail moins structurées, atypiques, qui reposent souvent sur des contrats de courte durée avec une entreprise ou un particulier pour une tâche ou une période donnée moyennant une rémunération négociée à l’avance, mais il y a des différences entre les deux.
Le travail précaire est toujours assorti d’un faible salaire, de mauvaises conditions de travail et d’occasions limitées d’acquérir des compétences et de l’expérience permettant au travailleur de passer à un meilleur emploi. Il peut s’agir d’un travail temporaire ou à plus long terme, mais il reste fondamentalement précaire. Dans le cas du travail à la demande, par contre, il s’agit presque toujours de court terme. Souvent, les travailleurs à la demande ont un faible revenu, mais les contractuels bien rémunérés peuvent aussi être considérés comme des travailleurs à la demande. Les plateformes numériques en ligne, comme Uber ou SkipTheDishes, facilitent de plus en plus le travail à la demande, qui peut comprendre le télétravail dans les domaines liés à la conception numérique. Bref, le travail à la demande est en général de courte durée et repose souvent sur l’utilisation d’Internet. Il n’est pas toujours précaire, mais il peut souvent l’être.
Il importe de définir le travail à la demande, car c’est ce qui nous permet de qualifier la nature de la relation d’emploi, de déterminer si une personne est un « employé » par opposition à un « entrepreneur indépendant » au sens des lois du travail, un facteur qui entre en ligne de compte quand vient le moment d’envisager des mesures réglementaires. Or, les lois qui déterminent qui peut être considéré comme un employé sont de plus en plus complexes.
Dans l’économie à la demande, le fait de traiter les travailleurs comme des entrepreneurs indépendants est la clé de la rentabilité du modèle d’affaires de certains employeurs. Cette façon de faire réduit les coûts parce que les travailleurs qui ne sont pas considérés comme des employés ne sont pas admissibles aux avantages de base prévus par la loi, comme les normes d’emploi, dont font partie les préavis, les indemnités de départ et les heures supplémentaires. Il va sans dire que, pour les travailleurs, l’absence de telles protections constitue un désavantage.
Les définitions associées à la situation juridique des travailleurs sont mises à l’épreuve à plusieurs endroits, notamment en Ontario, en Californie et dans certains pays de l’Union européenne. En Californie, les tribunaux ont été saisis de ces questions, et l’État a récemment adopté une loi pour définir plus précisément le statut d’employé. Depuis le 1er janvier 2020, le projet de loi no 5, ou AB-5, de l’Assemblée législative de la Californie impute dorénavant aux employeurs la responsabilité de prouver la situation des employés en fonction des critères révisés. Ce n’est plus aux employés qu’incombe cette responsabilité.
Les modifications apportées à la partie III du Code canadien du travail, prévues dans la Loi d’exécution du budget de 2018, interdiraient aux employeurs de mal classifier les employés pour se soustraire à leurs obligations en matière de normes du travail. Désormais, c’est à l’employeur qu’il incombe de prouver qu’une personne n’est pas un employé. Ce genre de modifications législatives sont graduelles, mais constituent un point de départ.
Outre les complexités liées à la définition des modèles émergents en matière de relations de travail, d’importantes questions se posent en ce qui concerne les compétences. L’accès universel à Internet et l’explosion des plateformes numériques ont entraîné l’élargissement de l’économie à la demande à l’échelle mondiale, ce qui pose des défis additionnels aux organismes de réglementation.
Les transactions directes entre les travailleurs et les consommateurs, facilitées par l’infrastructure numérique, constituent un élément fondamental de l’économie à la demande axée sur Internet. Cette structure offre d’importantes possibilités aux travailleurs indépendants de fournir des services directement aux consommateurs, mais des questions se posent quant au rapport entre les travailleurs et les plateformes numériques qui leur donnent accès aux emplois à la demande.
(1540)
Un bon exemple de ce type de question a été soulevé dans l’arrêt Heller c. Uber Technologies Inc., dont la sénatrice Lankin a parlé brièvement hier. Dans cette affaire, un Ontarien, David Heller, conducteur enregistré d’Uber, a intenté un recours collectif en 2019, sous prétexte qu’Uber l’avait classé à tort comme un entrepreneur indépendant, alors qu’il se considérait comme un employé de la société.
Avant que l’affaire puisse être instruite, Uber a contesté le droit de David Heller d’entamer des poursuites puisque les conducteurs d’Uber conviennent de régler leurs différends par voie d’arbitrage lorsqu’ils s’enregistrent auprès de la société. À première vue, cette pratique semble plutôt juste. Cependant, il s’avère que la procédure d’arbitrage doit être traitée et entendue aux Pays-Bas et que son lancement coûte plus de 14 000 $. Il n’est pas surprenant qu’un juge de la Cour d’appel de l’Ontario ait conclu que cette clause d’arbitrage était abusive en vertu de la common law et invalide en vertu de la Loi sur l’arbitrage. Uber a depuis fait appel de la décision devant la Cour suprême et une décision est à venir.
Honorables sénateurs, je parle de cette affaire parce qu’elle porte en partie sur des questions liées à la définition des relations d’emploi dans l’économie à la demande, aux complexités découlant du travail à la demande offert sur les plateformes numériques et dépendant de ces plateformes, et à la délocalisation des mécanismes de résolution des différends, qui peut essentiellement mettre ces mécanismes hors de la portée des travailleurs. Ces sujets, comme d’autres d’ailleurs, méritent qu’on s’y attarde compte tenu de la nature changeante de notre économie et de son incidence sur le travail. Cette étude constituerait aussi une occasion d’envisager des solutions possibles concernant les importants impacts sociaux de l’économie à la demande dans les diverses collectivités.
Selon une étude de Statistique Canada publiée en décembre dernier, les travailleurs qui se situent à l’échelon inférieur de la répartition des revenus annuels sont environ deux fois plus susceptibles de faire du travail à la demande que les autres travailleurs. Les travailleurs à faible revenu, qui représentent près de la moitié des travailleurs à la demande, sont particulièrement vulnérables et davantage susceptibles d’être traités injustement par les employeurs. L’instauration possible d’un salaire de subsistance de base retient beaucoup l’attention. Cela permettrait aux travailleurs vulnérables comme les néo-Canadiens, les jeunes et les femmes, qui sont tous très présents dans l’économie à la demande, d’avoir davantage de choix quant à leur mode et leur lieu de travail.
Deuxièmement, j’aimerais que cette étude se penche sur des mesures de protection d’emploi plus efficaces, plus solides et peut-être totalement différentes, en mettant l’accent sur la recherche d’un juste équilibre entre les intérêts des employeurs et ceux des employés.
Troisièmement, comme l’a recommandé la sénatrice Lankin, l’étude proposée devrait se pencher sur les possibilités de formation et de développement des compétences, l’ajout de ressources et une meilleure coordination entre l’enseignement, le développement des compétences et les secteurs en croissance de l’économie, et elle pourrait peut-être recouper l’étude dont il a été question plus tôt. Un meilleur jumelage des compétences et de la formation dans les industries en croissance nous permettra d’influencer positivement l’avenir du travail, d’améliorer les choix de carrière et de soutenir l’économie de toutes les régions.
Le Sénat du Canada est tenu de protéger les populations les plus vulnérables, y compris les travailleurs qui sont au bas de l’échelle salariale, qui sont exposés à de piètres conditions de travail et qui ont des contrats de travail à court terme. Ils comptent sur notre aide.
Je félicite la sénatrice Lankin d’avoir demandé la réalisation de cette importante étude, qui arrive à point nommé, et je vous encourage tous à appuyer la motion. Merci.
L’honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Dean, je vous remercie sincèrement de vos commentaires. En ce qui concerne l’économie à la demande et les employés ou travailleurs à la demande, je crois — et j’aimerais avoir votre avis à ce sujet — que certains articles relèveraient des lois provinciales sur le travail et certains, du fédéral. Si un employé à la demande travaillait à un centre d’appels desservant tout le Canada, je suppose que son emploi relèverait du fédéral, non seulement en raison de l’étendue du territoire, mais aussi de l’outil de travail qui relève de la compétence du gouvernement du Canada. J’aimerais avoir votre avis sur l’éventuelle inclusion de ces considérations dans l’étude.
Le sénateur Dean : Merci. J’aimerais penser que ce sera inclus dans l’étude. Nous savons, pour en avoir maintes fois discuté dans cette enceinte, que le droit du travail comprend, dans une perspective fédérale, le Code canadien du travail, mais aussi les codes provinciaux du travail.
Il y a une chose sur laquelle je voudrais certainement qu’on se penche. Il s’agit d’une mesure législative relativement récente en Ontario, présentée par le gouvernement précédent. Elle se fonde sur une étude approfondie portant sur l’avenir du travail réalisée par des avocats spécialisés en droit du travail, l’un traitant du point de vue des employeurs et l’autre du point de vue syndical. Cette étude a mené à l’introduction, dans le droit du travail de l’Ontario, de nouvelles protections très intéressantes pour les types d’employés dont nous parlons. Elles comprennent notamment des préavis raisonnables de modification des heures de travail et s’attaquent aux problèmes des contrats « zéro heure ».
Malheureusement, les principales dispositions de cette mesure législative ont été abrogées par le gouvernement de l’Ontario actuel. Les gouvernements ont le droit d’adopter, puis d’abroger des lois. C’est tout à fait normal. Je pense toutefois que nous avons intérêt à nous pencher sur les modifications qui avaient été apportées à la loi et sur l’extraordinaire étude approfondie qui les avait amenées. Vous avez soulevé une question importante. Selon moi, il faut prendre le temps d’examiner aussi attentivement et aussi largement que possible la question des compétences si nous voulons pouvoir cerner cet ensemble très complexe de problèmes.
Son Honneur le Président : Monsieur le sénateur Dean, votre temps de parole est écoulé, mais je pense que la sénatrice Deacon souhaite vous poser une question. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à la question?
Le sénateur Dean : Certainement.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
L’honorable Colin Deacon : Sénateur Dean, je voulais poser ma question à la sénatrice Lankin hier soir; ce n’est pas que vous arrivez deuxième derrière elle, mais je voudrais savoir ce que vous en pensez. Un pan entier de l’économie canadienne repose sur des entrepreneurs qu’on pourrait tout à fait qualifier de travailleurs vulnérables. Les entrepreneurs bâtissent des entreprises et créent la richesse et les emplois de demain. J’ai pu moi-même constater que, souvent, la dernière personne à être payée est celle qui bâtit l’entreprise et qui a le plus à perdre.
Je crois que les moyens pris par la société pour soutenir les entrepreneurs constituent une question vraiment importante, car c’est la création d’emplois de salariés qui est en jeu. Cette création d’emplois et d’occasions permet de faire passer les travailleurs de l’économie des microcontrats temporaires à des postes de salariés. J’aimerais savoir ce que vous pensez d’inclure les entrepreneurs dans la main-d’œuvre précaire qui a besoin d’être comprise et soutenue au pays.
Le sénateur Dean : Ayant travaillé pour la sénatrice Lankin en tant que fonctionnaire en Ontario, je peux confirmer que j’arrive deuxième derrière elle. C’est une excellente question. Un peu plus tôt, j’ai parlé des définitions. Si le Sénat souscrit à l’idée et que nous menons cette étude, comme je l’espère, les définitions seront très importantes parce qu’elles peuvent limiter la portée des études de ce genre.
Il s’agit d’une occasion unique de confier l’étude de bon nombre de questions à un comité pour qu’il en fasse un examen aussi large qu’approfondi. Connaissant le Sénat et la structure de nos comités, je m’attendais à ce qu’il y ait des discussions approfondies sur la portée de ce projet. Un travailleur précaire au Canada n’est rien d’autre qu’un travailleur précaire au Canada, et nous devons le reconnaître.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(1550)
Les enjeux concernant l’Arctique
Interpellation—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bovey, attirant l’attention du Sénat sur la nécessité de renouveler et approfondir son intérêt pour les enjeux concernant l’Arctique.
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l’interpellation de la sénatrice Bovey, qui demande au Sénat de renouveler et d’approfondir notre intérêt pour les enjeux concernant l’Arctique. La sénatrice souhaite également que le Sénat appuie sa suggestion d’envisager la création d’un comité d’une certaine envergure — probablement un comité sénatorial spécial — pour poursuivre le travail important qui a été entrepris par le Comité sénatorial spécial sur l’Arctique au cours de la législature précédente.
Le rapport du comité, qui s’intitule Le Grand Nord : Un appel à l’action pour l’avenir du Canada, a servi d’assise aux travaux du Sénat dans ce dossier. Cependant, comme tous les membres du comité en témoigneront, nous avions à peine commencé à effleurer la surface des enjeux propres à cette région très importante et très diversifiée de notre pays. Mis sur pied sur la recommandation de l’ancien sénateur Charlie Watt, du Nunavik, le comité a fini par formuler 30 recommandations sur diverses questions allant des économies saines à l’Arctique dans un contexte mondial en passant par la culture, la science, le savoir autochtone et la conservation de l’environnement.
Notre collègue, le sénateur Patterson, a présidé le comité avec compétence après le départ à la retraite du sénateur Watt, qui a repris ses fonctions au sein de la Société Makivik. L’idée était d’établir un lien — et d’étoffer ce lien — avec le Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du Canada, qui a été publié en septembre dernier, trois mois après la publication du rapport du comité sénatorial.
Je participe au débat sur la présente interpellation en tant que membre du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique, qui a examiné les changements importants et rapides dans l’Arctique et leurs effets sur ses premiers habitants. Si je prends la parole, c’est également parce que j’ai un vif intérêt pour cette région du monde, notamment en raison de liens familiaux au Nunatsiavut, au Nunavut et, maintenant, au Yukon. Je suis aussi une professionnelle du développement communautaire en milieu rural, une Canadienne qui a à cœur la réconciliation avec nos voisins autochtones et une personne qui est consciente de la force et du potentiel des gens de l’Arctique et de leurs terres.
Plus tôt au cours de la présente session, lorsque j’ai présenté une interpellation sur les parcours à suivre pour que le Canada respecte ses cibles de zéro émission nette de carbone, j’ai qualifié le Canada de pays de l’Arctique et j’ai souligné le fait qu’une bonne partie de l’Arctique est constituée de territoires autochtones. J’ai aussi qualifié l’Arctique de climatiseur de la Terre.
La Nunavimmiut Sheila Watt-Cloutier, ancienne présidente à l’international du Conseil circumpolaire inuit et auteure de l’ouvrage Le droit au froid, insiste sur ce fait. Elle a expliqué ce qui suit :
La glace est pour nous source de vie. C’est une énergie maternelle, nourricière et généreuse. C’est notre université et notre supermarché. La glace est au cœur de la santé et du bien-être de tout un peuple qui vit au sommet du monde.
Elle a aussi écrit ceci :
Pour les Inuits, la glace est beaucoup plus que de l’eau gelée, elle constitue nos routes, notre terrain d’entraînement et notre force vitale. Nous pensions qu’elle serait aussi permanente que les montagnes et les rivières du Sud. Or, ma propre génération voit déjà dans l’Arctique une diminution de la glace marine et de la neige, dont les Inuits sont tributaires depuis des millénaires.
Elle ajoute ceci :
En protégeant l’Arctique, vous sauverez la planète [...]
Ce n’est pas Las Vegas.
[...] ce qui se passe dans l’Arctique ne reste pas dans l’Arctique. Tout est relié parce que nous partageons la même atmosphère, mais aussi parce que nous sommes reliés par l’esprit et par l’humanité.
Une autre dirigeante du Nunavik, Mary Simon, qui a été présidente de l’ITK et, plus récemment, représentante spéciale de la ministre des Affaires autochtones et du Nord, a publié, en 2017, son rapport sur un nouveau modèle de leadership partagé dans l’Arctique. Dans le rapport, Mary Simon dit ceci :
À maintes reprises, on m’a parlé de l’incidence du réchauffement de l’Arctique sur la sécurité alimentaire, l’infrastructure, le logement et la sécurité au sol et sur l’eau. Le message était très clair : dans ses engagements à l’égard du changement climatique, le Canada doit faire de l’établissement d’une stratégie d’adaptation et d’un plan de mise en œuvre une priorité nationale.
Lors de notre visite à Iqaluit avec le comité sénatorial spécial en septembre 2018, les membres de la chambre de commerce nous ont parlé des répercussions complexes et sérieuses des changements climatiques sur la salubrité de l’eau potable de la collectivité. En raison des changements dans les tendances de précipitations, le niveau du lac qui était leur source d’eau potable avait beaucoup baissé. L’eau se faisait rare. Comble de malheur, le pergélisol sur lequel repose l’utilidor hors terre qui achemine l’eau partout dans la collectivité, était en train de fondre. Cela a provoqué l’effondrement et le bris de certains tronçons de l’utilidor, ce qui a fait perdre de l’eau précieuse qui se faisait déjà rare. C’était un double coup dur pour la collectivité. Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons appris que des maisons étaient tombées dans la mer. Au Yukon, nous avons entendu parler du danger croissant que représentent les incendies de forêt.
Je pourrais parler pendant longtemps des répercussions cataclysmiques des changements climatiques dans l’Arctique, car il est impératif de prendre des mesures d’atténuation, de résilience et d’adaptation de toute urgence. Il est toutefois important de parler aussi des autres priorités de l’Arctique.
Aluki Kotierk, le président de Nunavut Tunngavik Inc., l’organisme de revendications territoriales du Nunavut, m’a envoyé un courriel pour dire ceci :
Je suis heureuse d’apprendre que vous tentez de relancer le comité spécial sur l’Arctique. L’Arctique fait partie du Canada et comprend la zone côtière la plus longue du pays. Il a aussi marqué profondément l’identité canadienne. Les Inuits ont servi en quelque sorte de drapeaux humains pour assurer la souveraineté du Canada. Le Canada se montre aussi fier de symboles identitaires issus de la culture inuite, comme l’inukshuk et le kayak.
Elle ajoute :
Les Inuits sont Canadiens. Les déterminants sociaux de la santé montrent toutefois qu’ils affichent des résultats considérablement inférieurs à ceux des autres Canadiens en ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement alimentaire, les diplômes d’études secondaires, l’accès aux soins de santé, l’emploi, etc., et des chiffres beaucoup plus élevés quand on regarde le nombre de décès par suicide, l’incarcération, la violence, etc. Il faut porter une attention spéciale à ces enjeux pour pouvoir s’y attaquer sans détour et faire en sorte que tous les Canadiens jouissent d’une qualité de vie semblable.
Nous savons que 7 enfants inuits sur 10 se couchent le soir le ventre creux. Il faut donc voir à ce que la croissance économique amène plus d’argent dans les poches des Inuits.
Une autre chef de file de l’Arctique, la première ministre des Territoires du Nord-Ouest, Caroline Cochrane, a dit ceci :
Je suis arrivée à la table en me demandant non seulement ce que nous pourrions faire pour le Nord, mais aussi ce que le Nord pourrait faire pour le reste du Canada.
Chers collègues, je le répète, nous avons le nouveau Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord du Canada. Ce cadre est fondé sur l’engagement du Canada envers le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies et a le même échéancier, c’est-à-dire d’ici 10 ans.
Les huit buts et les 67 objectifs du cadre guideront les investissements et les activités du gouvernement fédéral au cours des 10 prochaines années. Ils comprennent les points suivants : favoriser la santé des familles et des communautés; investir dans l’infrastructure de l’énergie, des transports et des communications dont les gouvernements, les économies et les communautés du Nord et de l’Arctique ont besoin; créer des emplois, favoriser l’innovation et faire croître les économies de l’Arctique et du Nord; appuyer les sciences, les connaissances et la recherche qui ont un sens pour les communautés et pour la prise de décisions; faire face aux effets des changements climatiques et soutenir des écosystèmes sains; veiller à ce que le Canada et les résidents du Nord et de l’Arctique soient en sécurité et bien défendus; redonner au Canada sa place de chef de file international dans l’Arctique; promouvoir la réconciliation et améliorer les relations entre les peuples autochtones et non autochtones.
Son Honneur le Président : Sénatrice Coyle, je regrette de devoir vous interrompre, car il est 16 heures.
(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 5 février 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)