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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 43e Législature
Volume 151, Numéro 19

Le samedi 11 avril 2020
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le samedi 11 avril 2020

(Conformément à l’article 3-6(1) du Règlement, le Sénat a été rappelé pour se réunir en ce jour, au lieu du 21 avril 2020 tel qu’ordonné antérieurement.)

La séance est ouverte à 16 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Adoption de la motion tendant à nommer la Présidente intérimaire suppléante pour la séance d’aujourd’hui

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique normale, l’honorable sénatrice Ringuette soit Présidente intérimaire suppléante pour la séance d’aujourd’hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du Groupe des sénateurs indépendants, le sénateur Woo. Je ne vois pas nécessairement de problème avec sa motion, mais j’aimerais lui poser quelques questions. Nous avons des règles et des procédures au Parlement qui régissent le Sénat depuis 153 ans. Or, depuis votre arrivée parmi nous, sénateur Woo, vous semblez déterminé à remettre en question chacune de ces règles et procédures. Vous vous appuyez sûrement sur une certaine logique et un certain raisonnement, mais là d’où je viens, on ne passe pas généralement son temps à tenter de modifier un système qui fonctionne.

Certains honorables sénateurs savent et certains ignorent peut-être que, en l’absence du Président intérimaire, le vice-président suppléant, c’est en fait le Président en place qui a la prérogative de choisir ce président. Nous considérons qu’en présentant cette motion, le sénateur Woo rompt cette tradition. Voici mes deux questions : Pourquoi pensez-vous, sénateur Woo, que vous êtes éminemment plus qualifié que le Président lui-même pour choisir le Président intérimaire? Pourquoi ne faites-vous pas confiance au Président, qui est éminemment qualifié? Nous, de l’opposition, lui faisons pleinement confiance. J’aimerais croire que c’est le cas de tous les sénateurs. Pourquoi ne pas le laisser exercer sa prérogative, exercer son pouvoir et le laisser faire son travail?

Pourquoi pensez-vous que vous êtes éminemment plus qualifié que le Président même?

Le sénateur Woo : Merci, Votre Honneur. C’est malheureux que le sénateur Housakos veuille soulever une question de la sorte alors que nous sommes en temps de crise et que nous souhaitons qu’un Président intérimaire puisse présider une séance où nous aurons la possibilité de poser des questions au ministre sur un projet de loi très important, qui aura une incidence sur la vie de millions de Canadiens. Nous voulons tous étudier attentivement ce projet de loi — du moins, je l’espère —, mais nous devons l’adopter avant la fin de la journée.

J’ai énormément de respect pour Votre Honneur le Président et pour mes collègues de la direction du Sénat, et le fait d’avoir choisi la sénatrice Ringuette ne brise aucunement cette confiance et ne va pas à l’encontre de la volonté de mes collègues de la direction. Merci beaucoup.

Le sénateur Housakos : Sénateur Woo, j’ai une dernière question. Étant donné que le temps presse et que nous traitons de questions d’importance nationale, ne pensez-vous pas que nous devrions justement permettre à la procédure et au Règlement du Sénat d’être appliqués comme d’habitude plutôt que de perdre notre temps avec des motions inutiles? Si vous faisiez confiance au Président, vous lui auriez permis de faire son travail.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Adoption de la motion tendant à prolonger la séance d’aujourd’hui et à autoriser les sénateurs à prendre la parole ou à voter à partir d’un autre siège que leur place désignée

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant l’article 3-4 du Règlement, la séance continue au-delà de l’heure fixée pour la clôture de la séance aujourd’hui;

Que l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendu aujourd’hui;

Que, nonobstant les articles 6-1 et 9-8(1)b) du Règlement, les sénateurs puissent prendre la parole ou voter à partir d’un siège autre que la place qui leur est attribuée au cours de la séance d’aujourd’hui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-13—Dépôt de document

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.

(1610)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin d’étudier la teneur du projet de loi C-14

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou procédure ordinaire :

1.le Sénat se forme en comité plénier au début de l’ordre du jour aujourd’hui afin d’étudier la teneur du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, déposé à la Chambre des communes le 11 avril 2020, avant que ce projet de loi soit soumis au Sénat;

2.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-14 reçoive l’honorable Bill Morneau, c.p., député, ministre des Finances, accompagné d’un fonctionnaire;

3.le comité plénier sur la teneur du projet de loi C-14 lève sa séance au plus tard 125 minutes après le début de ses travaux;

4.la durée des interventions prévue à l’article 12-32(3)d) du Règlement soit de cinq minutes pour le comité plénier aujourd’hui, le temps des questions et des réponses y compris.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Adoption de la motion concernant les Comités de la régie interne, des budgets et de l’administration, des finances nationales et des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, nonobstant l’article 12-2(2) du Règlement et toute pratique habituelle, et conformément aux dispositions du paragraphe suivant du présent ordre, les honorables sénateurs Carignan, c.p., Dean, Downe, Dupuis, Forest, Jaffer, Marshall, Marwah, McPhedran, Moncion, Munson, Plett, Seidman, Saint-Germain et Verner, c.p., soient nommés à titre de membres du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration;

Que, nonobstant les articles 12-2(2), 12-2(3) et 12-5 du Règlement, et toute pratique habituelle, l’honorable sénateur Munson, ou tout sénateur qui l’a remplacé à titre de membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, cesse d’être membre du comité à la levée de la troisième séance successive du Sénat comprenant une assistance quotidienne d’au moins 60 sénateurs suivant l’adoption du présent ordre, la place vacante qui en résulte devant être comblée par le facilitateur du Groupe des sénateurs indépendants ou son délégué;

Que, nonobstant l’article 12-2(2) du Règlement et toute pratique habituelle, les honorables sénateurs Boehm, Dagenais, Deacon (Ontario), Duncan, Forest, Galvez, Klyne, Loffreda, Marshall, Mockler, Smith et Tannas soient nommés à titre de membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales;

Que, nonobstant l’article 12-3(1) du Règlement et toute pratique habituelle, en plus des membres nommés conformément au paragraphe précédent du présent ordre, l’honorable sénateur Harder, c.p., soit également nommé à titre de membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et ce jusqu’à ce que le comité termine l’étude autorisée par le présent ordre, auquel moment il, ou tout sénateur qui l’a remplacé à titre de membre, cesse d’être membre du comité;

Que, nonobstant toute pratique habituelle, le sénateur qui était le plus récemment président du Comité sénatorial permanent des finances nationales continue d’occuper ce poste, pendant qu’il est membre du comité, et ce jusqu’à ce que le comité en décide autrement;

Que, nonobstant toute pratique habituelle, le sénateur qui était le plus récemment vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales continue d’occuper ce poste, pendant qu’il est membre du comité, et ce jusqu’à ce que le comité en décide autrement;

Que, nonobstant l’article 12-2(2) du Règlement et toute pratique habituelle, les honorables sénateurs Black (Ontario), Dasko, Forest-Niesing, Griffin, Kutcher, Manning, Mégie, Moodie, Omidvar, Petitclerc, Poirier et Seidman soient nommés à titre de membres du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie;

Que, nonobstant l’article 12-3(1) du Règlement et toute pratique habituelle, en plus des membres nommés conformément au paragraphe précédent du présent ordre, l’honorable sénateur Munson soit également nommé à titre de membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, et ce jusqu’à ce que le comité termine l’étude autorisée par le présent ordre, auquel moment il, ou tout sénateur qui l’a remplacé à titre de membre, cesse d’être membre du comité;

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport :

1.toutes les actions entreprises conformément aux parties 3, 8 et 19 du projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, qui a reçu la sanction royale le 25 mars 2020, de même que les dispositions et l’application de ladite loi en général;

2.les dispositions et l’application du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, si et quand il reçoit la sanction royale;

3.la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques;

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19;

Que le gouvernement soit autorisé à déposer auprès du greffier du Sénat, en suivant les processus établis à l’article 14-1(6) du Règlement, tout rapport ou document relatif à sa réponse à la pandémie de COVID-19 et ses effets économiques, et aux actions entreprises conformément au projet de loi C-13, Loi concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, qui a reçu la sanction royale le 25 mars 2020, ou au projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, si et quand il reçoit la sanction royale, de même que les dispositions et l’application desdites lois, y compris tout rapport régulier déposé à la Chambre des communes à ce sujet, et que le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient autorisés à prendre en considération ces rapports ou documents aux fins de leurs études autorisées par le présent ordre;

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient autorisés à déposer auprès du greffier du Sénat tout rapport sur les études autorisées par le présent ordre, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, lesdits rapports étant alors réputés avoir été présentés ou déposés au Sénat;

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient autorisés à se réunir aux fins des études autorisées par le présent ordre quand le Sénat est ajourné, et que l’application de l’article 12-18(2) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou pratique habituelle, et à la lumière des circonstances exceptionnelles de la pandémie actuelle de COVID-19, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, le Comité sénatorial permanent des finances nationales et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient autorisés à se réunir par vidéoconférence ou téléconférence, si cela est techniquement possible, pour :

1.les études autorisées par le présent ordre;

2.toute affaire dans le cas du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration;

3.une séance d’organisation conformément à l’article 12-13 du Règlement;

4.l’élection à la présidence ou à la vice-présidence si l’un ou l’autre de ces postes est vacant; ou

5.tenir une réunion convoquée conformément au dernier paragraphe du présent ordre ou à l’ordre du 11 mars 2020, auquel il fait référence;

Que les sénateurs et les témoins soient autorisés à participer à des réunions de ces comités par vidéoconférence ou téléconférence, ces réunions étant réputées à toutes fins des réunions du comité en question et les sénateurs prenant part à ces réunions étant réputés à toutes fins présents à la réunion;

Qu’il soit entendu que, sans limiter le pouvoir général accordé par le présent ordre, lorsqu’un comité se réunit par vidéoconférence ou par téléconférence :

1.les membres du comité qui participent font partie du quorum;

2.il est prioritaire de faire en sorte que les membres du comité soient en mesure de participer;

3.ces réunions sont considérées comme ayant lieu dans l’enceinte parlementaire, peu importe où se trouvent les participants;

4.le comité est tenu d’aborder les réunions à huis clos avec toutes les précautions nécessaires, en tenant compte des risques pour la confidentialité inhérents à ces technologies;

Que, lorsqu’un comité se réunit par vidéoconférence ou téléconférence, les dispositions de l’article 14-7(2) soient appliquées afin de permettre l’enregistrement ou la diffusion de la réunion grâce aux arrangements pris par le greffier du Sénat, et, si une réunion diffusée ou enregistrée ne peut être diffusée en direct, que le comité soit réputé s’être acquitté de l’obligation de tenir une réunion publique en rendant tout enregistrement accessible au public le plus tôt possible par la suite;

Qu’un préavis minimum de 72 heures soit donné pour la tenue d’une réunion d’un comité par vidéoconférence ou téléconférence, sous réserve de la faisabilité technique;

Que, nonobstant les dispositions du cinquième paragraphe de l’ordre du 11 mars 2020, qui autorise certains membres d’un Sous-comité du programme et de la procédure à donner instruction qu’une réunion d’un comité soit convoquée, dans le cas du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, du Comité sénatorial permanent des finances nationales et du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, les dispositions dudit paragraphe s’appliquent également de façon à permettre aux membres du Sous-comité du programme et de la procédure du comité en question, mis à part le président, de donner instruction qu’une réunion du comité en question soit convoquée, et, si une telle demande est faite au cours d’une période où le Sénat est ajourné, la réunion soit convoquée au moment prévu dans ce paragraphe dudit ordre ou, si cela est techniquement faisable, à 14 heures, heure d’Ottawa, le quatrième jour durant la période du lundi au vendredi après réception de la lettre par le greffier du comité, selon la première éventualité.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(1620)

Son Honneur le Président : Le sénateur Housakos a la parole.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, il s’agit davantage d’une question pour le leader du gouvernement que d’un débat, et je serai bref.

Je suis très inquiet, et j’aimerais bien que vous nous expliquiez ce qu’il en est. Je comprends très bien que l’objectif est de permettre aux comités de surveillance du Sénat de faire leur travail, comme l’ont fait les Communes avant nous, et je suis conscient de l’importance de cette démarche. Or, si on se fie à ce qui s’est passé du côté de la Chambre, il y a eu beaucoup de difficultés techniques, notamment en ce qui concerne la traduction.

Je m’interroge tout particulièrement au sujet du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, à qui la Loi sur le Parlement du Canada accorde une série de pouvoirs particuliers, comme vous le savez tous déjà. Le comité directeur du Comité de la régie interne a notamment les pleins pouvoirs pour agir au nom du Sénat, même en cas de prorogation ou de suspension.

Pourquoi devrions-nous aujourd’hui accorder un nouveau pouvoir à ce comité, en l’occurrence celui de pouvoir siéger par Skype ou par un quelconque autre moyen permettant au comité plénier de se réunir? Ma question est d’autant plus pertinente que le Comité de la régie interne se réunit souvent à huis clos et qu’il doit se conformer à une série d’exigences en ce qui concerne le personnel et la sécurité. Une bonne partie de ses délibérations se fait à huis clos. Vous dites que vous avez cherché un moyen pour que le tout se fasse sans risque pour la sécurité.

Comment pouvons-nous vraiment avoir la certitude qu’il serait possible de tenir une réunion à huis clos du Comité de régie interne dont la confidentialité sera assurée? Et, encore une fois, du point de vue de nos deux langues officielles, comment pouvons-nous être certains que tous les comités qui tiendront des réunions... nous avons pu voir des cas où, déjà, il a été difficile de gérer les aspects traduction, audio et vidéo pour entendre un ou deux témoins à distance? Quelles précautions ont été prises et quelles garanties vous a-t-on données que les choses seront gérées adéquatement sur ces deux plans?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Elle porte sur un élément de base. Comme il est clairement indiqué dans la motion, la sécurité et les services de traduction — surtout dans le cas du Comité de la régie interne — sont des éléments essentiels à la tenue des réunions, tout comme les aspects techniques qui en assurent la confidentialité.

Comme nous le savons tous, le Président et l’administration, de même que la présidence de l’autre endroit, essaient de trouver des réponses à toutes ces questions. Ce n’est que lorsque l’administration, par l’intermédiaire de notre Président, pourra nous garantir que cela est possible que cette option sera mise en œuvre.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Adoption de la motion tendant à constituer un Comité spécial sur les leçons apprises de la pandémie de la COVID-19 et la planification future

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Qu’un Comité sénatorial spécial sur les leçons apprises de la pandémie de la COVID-19 et la planification future soit formé pour procéder à une évaluation de second examen objectif des divers impacts causés par la pandémie du coronavirus au Canada, ainsi que des initiatives entreprises pour faire face à cette crise, pour mener une vaste consultation auprès des Canadiens afin de déterminer les défis et les besoins spécifiques des diverses régions et communautés, et pour identifier les leçons apprises afin de se préparer aux pandémies futures;

Que, sans limiter son mandat, le comité soit autorisé à :

1.évaluer les étapes clés et l’évolution de la propagation du coronavirus, tant à l’étranger qu’au Canada;

2.examiner l’utilisation et l’efficacité de la législation, des politiques, des initiatives de collaboration fédérales-provinciales-territoriales, et des mesures fiscales et de dépenses du gouvernement fédéral pendant cette urgence sanitaire, sociale et économique;

3.examiner les effets spécifiques de la pandémie et de sa gestion, notamment sur le public canadien, la santé publique, les soins de santé et le secteur privé, les ministères fédéraux, les agences et les sociétés d’État, les travailleurs essentiels, les groupes vulnérables, les peuples autochtones, ainsi que les communautés linguistiques et culturelles;

4.examiner le respect par le Canada de ses obligations internationales en matière de santé publique et sa coopération avec d’autres pays et avec les organisations internationales;

5.étudier les façons dont les relations intergouvernementales et internationales peuvent être abordées et renforcées aux niveaux national et international, tout en tenant compte du partage des compétences pour le contrôle des maladies transmissibles, de la sûreté et de la sécurité des chaînes d’approvisionnement et de l’amélioration des investissements et de la recherche en santé publique;

6.élaborer des recommandations visant à améliorer l’état de préparation et la réponse du Canada aux pandémies futures;

Que le comité soit composé de 13 membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de 5 membres;

Que, nonobstant l’article 12-13 du Règlement, le comité tienne sa réunion d’organisation au plus tôt au début du mois d’octobre 2020;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à entendre des témoins et à faire publier au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner la publication;

Que, nonobstant l’article 12-12(1) du Règlement, le comité soit habilité à nommer des sénateurs qui ne sont pas membres du comité à titre de membres de tout sous-comité qu’il pourrait établir, ceux-ci ayant tous les droits et obligations d’un membre du sous-comité, et que le comité soit également autorisé à permettre des changements à l’adhésion des membres, pour ces membres, conformément aux dispositions de l’article 12-5 du Règlement;

Que, nonobstant toute pratique habituelle, si le Sénat autorise tout autre comité à étudier une question relative à la pandémie de la COVID-19, le Comité sénatorial spécial sur les leçons apprises de la pandémie de la COVID-19 et la planification future soit autorisé à prendre en considération les rapports et témoignages de ces autres comités aux fins de son étude, à mesure que ces rapports sont déposés ou présentés au Sénat;

Que, conformément aux dispositions de l’article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit autorisé à siéger du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d’une semaine;

Que le comité soit autorisé à faire rapport de temps à autre, à soumettre un rapport provisoire global au plus tard six mois après la tenue de sa réunion d’organisation et à soumettre son rapport final au plus tard six mois après le dépôt ou la présentation du rapport provisoire global;

Que le comité soit autorisé à déposer ses rapports auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, ces rapports étant alors réputés avoir été déposés ou présentés au Sénat;

Que le comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 60 jours suivant la publication son rapport final.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Préavis de motion tendant à autoriser le greffier du Sénat à préparer un rapport présentant les options technologiques et procédurales les mieux adaptées pour assurer la continuité des activités du Sénat en situation d’urgence

L’honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, au nom de l’honorable sénateur Tannas, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, considérant l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur les délibérations du Sénat et la possibilité que d’autres situations d’urgence aient des effets similaires dans l’avenir, il soit donné au greffier du Sénat, sous la direction du Président du Sénat, la consigne de préparer un rapport présentant les options technologiques et procédurales les mieux adaptées pour assurer la continuité des activités du Sénat en situation d’urgence;

Que, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, cet examen comprenne notamment :

1.l’évaluation de l’efficacité des technologies, des règles et des pratiques temporaires, et des mesures de sécurité visant à protéger la santé et le bien-être des sénateurs et du personnel qui ont été mises en place par le Sénat pour appuyer les délibérations pendant la pandémie de la COVID-19;

2.la revue des pratiques technologiques exemplaires mises en œuvre dans d’autres juridictions, dont les provinces et les territoires, ainsi que les pays étrangers, en particulier ceux du Commonwealth qui ont un système parlementaire de type Westminster, pour assurer la continuité des délibérations législatives en cas d’urgence;

3.l’élaboration de recommandations pour la mise en œuvre d’un plan de contingence qui permettra au Sénat d’adapter rapidement ses règles, ses pratiques habituelles et ses technologies en cas d’urgence dans l’avenir;

Que le Président soit autorisé à distribuer le rapport du greffier du Sénat à tous les sénateurs dès sa réception, et qu’il dépose le rapport au Sénat au plus tard 45 jours civils après l’adoption du présent ordre, ou à la séance suivante du Sénat s’il ne siège pas à ce moment-là;

Que, dès son dépôt, le rapport soit réputé avoir été renvoyé au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, dès que le comité sera formé, le cas échéant, ce comité étant autorisé à examiner et à faire rapport sur les conclusions du greffier du Sénat, et à adresser au Sénat des recommandations sur les pratiques exemplaires qu’il devrait intégrer à un plan de contingence pour assurer la continuité de ses fonctions législatives en situation d’urgence — pratiques qui peuvent comprendre, au besoin, la modification du Règlement et des pratiques habituelles du Sénat;

Que le comité soumette son rapport au plus tard 60 jours civils après la réception du rapport du greffier du Sénat, étant entendu que, si le Sénat ne siège pas à l’expiration de ce délai, le comité est alors autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, le rapport étant alors réputé, à toutes fins, avoir été déposé ou présenté au Sénat;

Que, après le dépôt ou la présentation au Sénat de tout rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement découlant du présent ordre, le sujet du rapport soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour qu’il en fasse l’étude et qu’il fasse rapport de tout changement administratif requis — y compris, au besoin, l’acquisition de technologies de l’information ou d’immobilisations — pour la mise en œuvre des changements procéduraux que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement aura recommandé d’intégrer à un plan de contingence;

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration présente ce rapport au plus tard 60 jours civils après la réception du rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, à condition que :

1.si le rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a été déposé auprès du greffier du Sénat, le délai imparti au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration pour effectuer son étude ne commence qu’à compter du jour de séance suivant du Sénat;

2.si le Sénat ne siège pas à l’expiration de ce délai, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, le rapport étant alors réputé, à toutes fins, avoir été déposé ou présenté au Sénat.


(1630)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté plus tôt aujourd’hui, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Tel que convenu lors des discussions, l’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité.

[Français]

Projet de loi no 2 sur les mesures d’urgence visant la COVID-19

Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Bill Morneau, c.p., député, ministre des Finances, accompagné d’un fonctionnaire, relativement à la teneur du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Tel qu’ordonné plus tôt aujourd’hui, le temps de parole est de cinq minutes — questions et réponses y comprises. De plus, tel qu’ordonné par le Sénat, le comité accueillera le ministre des Finances. Je l’invite maintenant à entrer, accompagné d’un fonctionnaire de son ministère.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Bill Morneau et un fonctionnaire de son ministère prennent place dans la salle du Sénat.)

La présidente : Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter votre fonctionnaire et à faire vos observations préliminaires.

[Traduction]

L’honorable Bill Morneau, c.p., député, ministre des Finances : Merci beaucoup. Je vais commencer par vous présenter Andrew Marsland, qui est sous-ministre adjoint principal des Finances et qui a une excellente maîtrise de la fiscalité. Il est ici pour répondre à vos questions lorsque vous voudrez obtenir davantage de précisions.

Je tiens à vous dire que je suis heureux d’être là, aujourd’hui. Si jamais vous deviez vous résoudre à raccourcir la séance, sachez que je ne m’y opposerai pas. Ce pourrait être utile d’y songer si je vous ennuie trop cet après-midi.

J’aimerais commencer en parlant du contexte de nos travaux d’aujourd’hui. Nous savons évidemment tous que les Canadiens doivent affronter d’énormes difficultés à l’heure actuelle et qu’il en va de même pour nous qui les représentons. Nous savons qu’au pays, les gens s’inquiètent, d’abord pour leur santé et ensuite, bien sûr, pour leur sécurité financière. C’est dans cette perspective que le gouvernement a envisagé la situation : d’abord en s’assurant que notre système de santé est suffisamment solide pour surmonter la crise causée par la COVID-19, et ensuite en réfléchissant très sérieusement aux mesures que nous pouvons prendre pour aider les Canadiens en ces temps particulièrement durs.

Vous vous rappelez certainement que la dernière fois que j’étais dans cette enceinte, nous avons parlé du premier train de mesures que le gouvernement a mis en place. Nous avons notamment examiné la Prestation canadienne d’urgence, qui vise à soutenir l’ensemble des Canadiens qui ne sont pas en mesure de travailler dans le moment, soit 5,7 millions de travailleurs autonomes sur une main-d’œuvre totale de 19 millions de personnes. Compte tenu de la situation, il était particulièrement important que nous agissions immédiatement.

Aujourd’hui, nous nous penchons sur une seconde mesure que nous estimons très importante non seulement pour appuyer les Canadiens, mais aussi pour faire en sorte que lorsque le Canada sortira de cette crise, les travailleurs auront conservé leur emploi.

Il s’agit plus précisément de la Subvention salariale d’urgence du Canada qui vise à permettre aux employeurs de verser aux employés 75 % de leur salaire d’avant la crise, jusqu’à concurrence de 847 $. Cette mesure vise également à faire en sorte que les travailleurs puissent subvenir à leurs besoins ainsi qu’à ceux de leur famille et maintiennent leur lien d’emploi.

Vous savez certainement que ces deux mesures constituent l’investissement le plus considérable que le Canada ait fait depuis la Seconde Guerre mondiale. On estime qu’elles coûteront respectivement 24 milliards de dollars et 73 milliards de dollars et auront une incidence directe sur les Canadiens puisqu’elles leur seront versées directement. Ces mesures représentent un investissement total d’environ 97 milliards de dollars.

Elles s’ajoutent à d’autres initiatives que nous avons déjà prises pour soutenir les entreprises, notamment la subvention salariale de 10 % pour les petites entreprises de tous les secteurs d’activités, pas uniquement celles qui sont touchées par la COVID-19. Des mesures additionnelles aideront particulièrement les groupes vulnérables ou ceux qui ont été touchés de plein fouet.

[Français]

Je suis très heureux d’être ici parmi vous aujourd’hui. Je sais que nous devons envisager les prochaines étapes. Je vous assure que nous avons d’autres idées pour améliorer la situation des Canadiens et Canadiennes lors de cette période très difficile. Dans le cadre d’une crise aussi dynamique, nous devons également proposer des mesures dynamiques. Nous allons continuer d’examiner comment nous pouvons nous attaquer au problème et, grâce à vos conseils, j’espère que nous aurons davantage d’idées pour les prochaines étapes.

Merci beaucoup. Je suis prêt à répondre à vos questions.

(1640)

[Traduction]

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, lors de votre dernière présence ici, le 25 mars, vous avez rejeté du revers de la main ma question concernant le fait qu’une subvention salariale de 10 % était trop basse. Vous avez dit que je faisais erreur. Quarante-huit heures plus tard, votre gouvernement a fait volte-face et annoncé une subvention salariale de 75 %, dont les détails n’ont été connus que cinq jours plus tard. Deux semaines et demie après votre première tentative de subvention salariale, nous voici saisis du projet de loi C-14; les Canadiens devront encore attendre de trois à six semaines avant de recevoir leur argent.

Monsieur le ministre, c’est merveilleux d’apprendre que les grandes sociétés comme Air Canada vont pouvoir réembaucher des employés grâce à cette subvention, mais elles ont les reins assez solides pour pouvoir se permettre cette attente. Le moment de payer le loyer du mois de mai arrive bientôt. Comment croyez-vous que les petites entreprises vont réussir à tenir le coup jusqu’à ce qu’elles reçoivent cette subvention salariale?

M. Morneau : Merci, sénateur. Vous avez dit plusieurs choses dans votre déclaration. Je vais tenter d’y répondre une par une.

Premièrement, à ma dernière présence ici, j’ai parlé de l’importance d’avoir une approche canadienne. Si je me souviens bien, votre question concernait l’approche adoptée par un autre pays. Au Canada, ce qu’il est essentiel de prendre en considération au départ, c’est que beaucoup d’employés — 5,7 millions sur 19 millions, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration liminaire — ne retireraient aucun avantage d’une subvention salariale parce qu’ils ne sont pas liés à un employeur. Sachant que nous devions d’abord et avant tout les aider de toute urgence, nous avons choisi une autre approche.

Deuxièmement, la subvention salariale de 10 % que nous avions prévue à l’origine était différente de celle dont il est question aujourd’hui. Cette subvention était destinée à toutes les petites entreprises, sans égard aux répercussions de la situation sur leur chiffre d’affaires, et elle leur était versée directement.

Le sénateur Plett : Vous ne répondez pas à ma question.

M. Morneau : Donc, les entreprises qui comptent jusqu’à 18 employés obtiendront cette subvention salariale de 10 %.

Aujourd’hui, il est question d’une subvention salariale de 75 % destinée aux employeurs qui encaissent une perte de revenus d’au moins 30 %. Vous avez cité l’exemple d’Air Canada. Je pourrais avoir recours à de nombreux autres exemples d’entreprises canadiennes qui sont durement touchées par la COVID-19. En fait, la situation actuelle présente d’énormes défis pour toutes les entreprises, petites ou grandes, en raison de la diminution de leurs revenus. Nous pensons que cette subvention est essentielle pour que ces entreprises puissent conserver leurs effectifs.

Pour ce qui est des petites entreprises, vous remarquerez que nous avons adopté d’autres mesures. Pour les plus petites entreprises du pays, nous avons mis en place le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, qui leur permettra d’obtenir un prêt sans intérêt pouvant atteindre 40 000 $ d’ici le 31 décembre 2022. Si l’entreprise arrive à rembourser ce prêt à temps, on radiera 10 000 $ du montant, ou jusqu’à concurrence de 25 %. Cette mesure permettra aux entreprises de traverser une période particulièrement difficile.

Nous tiendrons compte également d’autres facteurs. Nous pensons que cette mesure aidera de nombreuses entreprises à rémunérer leurs employés. Nous avons aussi décidé de retarder le paiement des taxes et des impôts dus par les entreprises, comme la TPS ou l’impôt sur le revenu, afin qu’elles puissent bénéficier d’une source de liquidités.

Enfin, nous avons adopté des mesures qui permettront à toutes les entreprises, peu importe leur taille, d’avoir accès au crédit. Nous savons que ces mesures les aideront également à traverser cette période difficile.

Si vous avez des idées précises, nous serions heureux de les examiner afin de déterminer leur faisabilité.

Le sénateur Plett : Il y a quelques semaines, j’avais une idée bien précise.

Monsieur le ministre, l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador attendent toujours de l’aide de la part du gouvernement alors qu’elles sont aux prises avec la COVID-19 et l’effondrement des cours du pétrole.

Lors de votre passage le 25 mars dernier, vous aviez dit que ces provinces recevraient de l’aide du gouvernement « dans quelques heures, ou peut-être dans quelques jours ». Pourquoi y a-t-il un délai? Où sont les mesures d’aide que vous aviez promises à ces provinces il y a deux semaines et demie?

Les coûts d’emprunt de Suncor ont considérablement augmenté plus tôt cette semaine. Vous aviez affirmé, en mars, que vous examineriez comment soutenir les bailleurs de fonds de nos sociétés d’énergie. Qu’allez-vous faire à ce sujet?

M. Morneau : En réalité, monsieur le sénateur, il n’y a eu aucun délai. Nous avons entrepris un certain nombre de mesures qui auront une incidence positive sur les sociétés du secteur de l’énergie ainsi que sur les entreprises de manière plus générale. Nous avons procédé étape par étape.

Premièrement, en ce qui concerne les nombreuses petites entreprises du secteur de l’énergie, le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes leur offrira un accès à des capitaux. C’est primordial. Comme vous le savez, il y a de nombreuses petites entreprises en Alberta, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador.

Deuxièmement, il y a la subvention salariale. La majorité de ces entreprises ont été durement touchées sur le plan des revenus en raison des trois contrecoups...

La présidente : Je suis désolé, monsieur le ministre, mais nous devons passer à une autre question.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les travailleurs saisonniers et le secteur de la culture. On remarque, pour ces catégories de travailleurs, un décalage entre les revenus et la période visée. Par exemple, pour une entreprise qui travaille en ce moment dans la production de légumes en serres, les revenus seront décalés à la période estivale. Ainsi, la baisse des revenus se fera sentir à un autre moment que la période d’admissibilité.

J’ai aussi parlé à des gens du domaine des médias écrits, qui n’ont pas encore constaté de baisse des revenus publicitaires, étant donné que les gouvernements font beaucoup de publicité en ce moment. Toutefois, quand la crise aura pris fin et que le gouvernement fera moins de publicité, ces médias subiront une baisse, car les grosses entreprises qui achètent de la publicité, comme les concessionnaires d’automobiles, le secteur de l’immobilier et tout ce qui a trait à la culture, ne feront pas de publicité au cours de l’été. Cette chute de revenu sera donc éventuelle.

Que comptez-vous offrir à ces entreprises en guise de compensation financière ou afin de les rendre admissibles au crédit?

M. Morneau : C’est une bonne question. Je sais que plusieurs secteurs se trouvent en ce moment dans une situation très difficile. Il ne fait aucun doute que les entreprises des secteurs du tourisme et de l’hébergement vivent une situation précaire.

Nous avons commencé par prendre des mesures qui aideront les entreprises à faire face aux grands défis qui s’imposent à elles aujourd’hui. On parle des entreprises dont le revenu a diminué de 30 % par rapport à l’an dernier ou même aux mois de janvier et de février. Ces défis, et d’autres difficultés, continueront de se présenter. La situation évolue constamment et nous ajusterons le tir pour trouver des façons d’aider les secteurs en difficulté. Bien sûr, l’accès au crédit est très important. C’est pourquoi nous nous penchons sur les façons de donner accès au crédit à chaque secteur. Nous pourrons en dire plus long à ce sujet au cours des prochains jours.

Il est évident que de nouveaux défis se présenteront et que nous devrons les examiner au fur et à mesure que nous disposerons de plus d’information.

Le sénateur Carignan : De quelle façon comptez-vous venir en aide aux entreprises? Dans certains modèles d’affaires, une entreprise peut avoir une compagnie de gestion et une compagnie opérante. La compagnie opérante gagne des revenus et une partie des dépenses est transférée à la compagnie de gestion; les revenus qui ont un lien de dépendance sont transférés à la compagnie de gestion. Dans cette formule, on doit tenir compte des revenus. Comment comptez-vous offrir une compensation financière à ces compagnies de gestion qui ont un lien de dépendance, par exemple, avec une compagnie opérante?

M. Morneau : Nous avons entendu plusieurs entreprises nous dire qu’elles fonctionnent selon une telle structure. Par exemple, le groupe peut se trouver dans une bonne position, mais peut-être qu’une de ses succursales vit une situation plus précaire. À notre avis, nous devons considérer le groupe dans son entier, car nous croyons qu’il a la possibilité d’aider ses succursales. Si on trouve une autre solution, nous l’examinerons. Pour l’instant, nous estimons qu’il faut évaluer le groupe dans son ensemble en ce qui a trait au revenu. Ainsi, selon cette approche, nous tenons compte des entreprises qui ont une perte totale de revenu à cause de la COVID-19.

Le sénateur Carignan : Je parle de toutes les compagnies de gestion et pas nécessairement d’un groupe qui a plusieurs filiales. Peut-être que votre sous-ministre pourra répondre à ma prochaine question.

Dans le texte du projet de loi, à la page 8, au paragraphe 4, sous la rubrique « Calcul du revenu », à l’alinéa d), sous-alinéa (ii), on retrouve la formule suivante : 100 $ x (A/B)(C/D). Or, il m’apparaît que cette formule contient une coquille, car, lorsqu’on lit les divisions A et B qui suivent, on constate qu’elles veulent dire exactement la même chose. Cependant, il me semble inutile de répéter deux fois la même chose.

Est-ce que vous ou votre sous-ministre pourriez me fournir une clarification sur la différence, dans la formule, entre les divisions A et B, aux lignes 30 à 40 de la page 8 du projet de loi?

(1650)

La présidente : Je regrette, la période de cinq minutes est terminée. Je vous invite à remettre une réponse écrite au sénateur.

La sénatrice Pate : Monsieur le ministre, ma collègue la sénatrice Renée Dupuis, sénatrice indépendante de la division des Laurentides, et moi tenons à vous remercier, vous et vos collègues, pour votre travail durant cette période difficile.

[Traduction]

Cette mesure législative souligne l’importance cruciale d’une source de revenus suffisante pour assurer à chaque Canadien la stabilité et la capacité de suivre et de maintenir sa santé individuelle ainsi que notre santé collective. Elle vise également à favoriser la reprise économique qui suivra la crise de la COVID-19. Si les mesures d’urgence relatives au crédit d’impôt pour TPS constituent un bon début, elles ne sont pas suffisantes, et nombre des personnes les plus marginalisées ont besoin d’une aide et d’une approche particulières pour pouvoir bénéficier de ces mesures.

Quelles dispositions sont prises pour assurer la stabilité économique de tous pendant cette pandémie et au-delà, y compris pour les personnes les plus marginalisées socialement et économiquement, notamment les personnes vulnérables, pauvres, sans abri, autochtones, noires et issues d’autres communautés racialisées, et celles qui ne reçoivent pas assez d’argent pour joindre les deux bouts, ou n’ont pas pu s’inscrire pour recevoir l’aide d’urgence actuellement offerte?

[Français]

Aussi, le gouvernement fédéral envisage-t-il d’utiliser les outils actuels prévus dans le système fiscal pour fournir des mesures de revenu minimum garanti de manière à permettre à toutes ces personnes, y compris les personnes les plus vulnérables de notre société, de maintenir un niveau de vie qui assure leur dignité?

[Traduction]

M. Morneau : Je vous remercie de votre question. En cette période de crise, nous tentons de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Nous nous intéressons donc tout particulièrement aux personnes qui ont été touchées par la COVID-19 et nous essayons de les soutenir pendant cette période. C’est en fonction de cet objectif que nous avons conçu les mesures que nous avons mises en place.

La Prestation canadienne d’urgence vise à faire en sorte que les nombreuses personnes qui quitteraient assez rapidement le marché du travail aient suffisamment d’argent pour continuer à subvenir à leurs besoins en matière de nourriture et de logement. En combinaison avec le crédit pour la TPS que nous avons mis en place pour les personnes à faible revenu et l’augmentation ponctuelle de l’Allocation canadienne pour enfants, le montant de 500 $ par semaine pendant 16 semaines fournit un soutien important aux gens qui se trouvent au bas ou près du milieu de l’échelle des revenus.

Comme je l’ai dit plutôt, la subvention salariale a pour but d’aider les gens qui sont liés à un employeur. Elle vise les personnes qui ont un revenu légèrement supérieur, mais le revenu annualisé qui donne droit à 100 % de la subvention est plafonné à 58 700 $.

Nous faisons de notre mieux pour trouver une solution qui permettra aux gens de traverser la crise actuelle. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de Canadiens vulnérables qui continueront d’éprouver des difficultés pendant cette crise et au-delà. Nous reconnaissons aussi que certains de ces Canadiens vulnérables sont particulièrement touchés par la COVID-19, c’est pourquoi nous avons accordé des fonds expressément aux Autochtones, aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits.

Nous avons adopté une approche où nous examinons les problèmes rencontrés par les gens ainsi que des groupes précis. Nous versons des fonds à des organismes qui, nous le savons, devront fournir des services; par exemple les banques alimentaires et les refuges, où nous savons que les gens éprouveront d’importantes difficultés pendant cette période. Nous tentons de faire en sorte que nos mesures ciblent les endroits où nous estimons qu’elles auront la plus grande incidence, conscients que nous aidons les gens à traverser une période difficile afin que l’économie reprenne normalement, nous espérons, dans un avenir pas trop lointain.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Comme vous l’avez déjà admis et comme mes collègues l’ont mentionné, nous accumulons des déficits. On prend actuellement un ensemble disparate de mesures qui laissent encore des gens pour compte. Comment compte-t-on s’assurer que ces gens recevront de l’aide tant à court qu’à long terme?

M. Morneau : Il y a certains groupes auxquels nous devons apporter un soutien pendant cette période. Je ne vous en donnerai pas une longue liste, mais je pense en particulier aux 2,1 millions d’étudiants que compte le pays, dont 1,6 million ont cherché un emploi l’été dernier et 1,4 million d’entre eux en ont trouvé. On peut supposer que beaucoup d’entre eux ne pourront pas trouver d’emploi cet été. Nous examinons attentivement leur situation pour voir comment nous pouvons les aider. Il y a aussi d’autres groupes, dont je serai heureux de parler ultérieurement.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Merci, monsieur le ministre, d’être présent parmi nous pour répondre à nos questions. Comme nous le savons tous, la pandémie à laquelle nous faisons face a mis en lumière le travail considérable que font nos professionnels de la santé. Nous les remercions du fond du cœur. Cela nous a également permis de comprendre le travail vital accompli par des travailleuses et des travailleurs qui sont souvent sous-évalués. Je songe bien sûr aux employés qui travaillent dans les épiceries, aux ouvriers du système sanitaire, aux chargés de livraison et à beaucoup d’autres qui risquent tous les jours leur santé pour nous permettre de continuer à fonctionner. Ces personnes ne reçoivent pas, nous le savons bien, un salaire adéquat. Elles n’ont pas accès à des avantages sociaux et elles travaillent souvent dans des conditions instables, variables et à temps partiel.

Quel est le plan du gouvernement pour s’assurer que ces individus reçoivent non seulement un salaire adéquat, mais aussi des protections comme des congés de maladie pendant la pandémie et par la suite également?

M. Morneau : C’est un autre défi comme celui que j’ai exposé au sujet des étudiants. Nous sommes à évaluer la façon d’assurer aux ouvriers des protections essentielles pour qu’ils puissent travailler dans un milieu sans danger pour leur santé, bien sûr, et pour qu’ils reçoivent un salaire suffisant qui leur permettra de continuer à travailler. Nous travaillons avec les provinces. C’est très important.

Vous savez sans doute que le Québec a déjà mis en œuvre des mesures en faveur des ouvriers qui offrent des services essentiels tout en prévoyant une augmentation de leur tarif horaire. Nous sommes en train d’examiner une façon de travailler avec les autres provinces pour veiller à ce que des programmes similaires soient mis en place pour les travailleurs du secteur des services essentiels. Bien sûr, la santé des ouvriers est très importante, et c’est pour cette raison que nous devons travailler avec les provinces tout en tenant compte de leurs compétences au sein de notre système de santé.

La sénatrice Petitclerc : Je partage une inquiétude avec la sénatrice Simon, de l’Alberta. Le programme de soutien salarial de 75 % ne s’applique pas aux organisations publiques telles que les municipalités, les bibliothèques, les universités et les écoles de formation artistique. Plusieurs de ces entités ont été obligées de procéder à des congédiements massifs de leur personnel et nous aimerions savoir, à la lumière de tout cela, quel soutien fédéral pourrait être accordé prochainement aux municipalités ainsi qu’au secteur postsecondaire.

M. Morneau : Nous avons décidé d’axer ces mesures sur les entreprises, soit les entreprises comme les compagnies ou les entreprises à but non lucratif qui ont subi une diminution de leurs revenus. Cela veut dire que les municipalités et les autres institutions gouvernementales se trouvent dans une situation différente et, à notre avis, il est important de prendre en compte les secteurs impliqués immédiatement.

Je suis certain que nous allons travailler avec les provinces à l’avenir pour voir comment nous pouvons aider aussi les autres types d’institutions. Cependant, la grande majorité des institutions dont vous parlez ainsi que les institutions du secteur gouvernemental relèvent plutôt des compétences provinciales.

(1700)

Le sénateur White : J’ai deux questions. La première vient de la sénatrice Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard. Celle-ci nous informe que le premier ministre de sa province a déclaré que le premier ministre lui a dit que les personnes qui n’auront plus droit aux prestations d’assurance-emploi et qui n’ont pas d’emploi saisonnier — dans la pêche, le tourisme, voire l’agriculture — pourraient continuer de toucher la Prestation canadienne d’urgence. Pouvez-vous le confirmer aujourd’hui?

M. Morneau : Je peux confirmer que c’est une mesure que nous envisageons. Nous reconnaissons que certains travailleurs sont dans une situation difficile parce qu’ils travaillent dans des industries saisonnières. Nous devons trouver un moyen de les rassurer par rapport au soutien qu’ils recevront pendant cette période, mais je n’ai pas de réponse précise à ce moment-ci sur la manière dont nous allons procéder.

Le sénateur White : La question suivante vient du sénateur Black, de l’Alberta : monsieur le ministre, il y a deux semaines ou plus qu’on a promis de l’aide pour le secteur énergétique canadien. Quand les vaillants travailleurs de ce secteur peuvent-ils s’attendre à des secours spécifiques à leur industrie? À quelles mesures peuvent-ils s’attendre et, surtout, quand?

M. Morneau : Diverses mesures qui ont déjà été mises sur pied aident considérablement les secteurs de l’énergie. Évidemment, la subvention salariale dont il est question aujourd’hui apporte une aide énorme. Comme vous le savez, beaucoup d’organisations de ce secteur doivent garder leurs employés même en cas de baisse des revenus, pour assurer l’efficacité à long terme de leurs opérations. Cela signifie qu’elles continuent de payer leurs employés. Bien entendu, la subvention salariale aidera considérablement ces organisations.

En outre, nous sommes à examiner des mesures d’aide au crédit pour les entreprises de tous les secteurs et en particulier celles du secteur de l’énergie, où les gens sont durement touchés. Nous sommes près de conclure une entente avec le secteur bancaire sur la manière de garantir les fonds adéquatement. Je m’attends à être en mesure d’en parler davantage dans un avenir relativement proche.

Le sénateur White : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Munson : Monsieur le ministre, je vous remercie de ce que vous faites, mais je doute que les banques aient pleinement compris le message. En effet, les grandes banques appliquent des frais d’intérêt sur l’intérêt des paiements reportés, des sursis de paiement pouvant aller jusqu’à six mois. En moyenne, on parle d’un montant supplémentaire à payer de 7 400 $ pour certaines familles. Six cent mille Canadiens ont demandé un sursis. Il s’agit d’une façon de faire main basse sur leur argent, en quelque sorte. Je ne peux pas croire que la situation vous enchante.

M. Morneau : Je vous remercie de la question. Notre approche consiste à mobiliser tous les Canadiens — y compris le secteur bancaire et d’autres secteurs — dans le cadre de nos efforts pour traverser cette épreuve. Je travaille avec le secteur bancaire en particulier parce que donner accès au crédit est d’une importance capitale. Nous avons débloqué d’énormes sources de liquidités sur le marché. Le défi consiste à nous assurer que ces liquidités sont réellement disponibles et qu’elles bénéficient aux entreprises canadiennes. C’est très important.

Nous avons également poussé les banques à participer à la mise en place du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes visant les petites entreprises, une énorme initiative qui a été lancée pour aider plus d’un million de petites entreprises. Enfin, comme vous avez pu le constater la semaine dernière, après des discussions assez approfondies, nous avons travaillé avec les banques pour qu’elles réduisent de moitié environ leurs frais de carte de crédit dans la plupart des cas pour les Canadiens en difficultés.

Il y a certainement encore du travail à faire. Je pense que les banques continueront à jouer un rôle important dans le contexte actuel et je m’engage à continuer à collaborer avec elles.

Le sénateur Munson : J’espère que les banques se pencheront un peu plus sérieusement sur les taux d’intérêt du genre, monsieur le ministre. Comme on l’a dit, c’est plutôt rapace.

Je vais parler brièvement de la situation d’un plombier d’Edmonton, en Alberta. Il dit que son employeur ne lui versera pas les 25 % restants. Selon le Huffington Post, l’entreprise recevra la subvention salariale de 75 %, mais elle refuse de verser les 25 % restants à son employé. Jeudi dernier, vous avez dit que vous encouragez les employeurs à faire tout leur possible pour que leurs employés reçoivent 100 % de leur rémunération. Pouvez-vous utiliser des termes plus forts que le mot « encourager »? Je sais que vous souhaitez que les entreprises versent 100 % des salaires, mais certaines d’entre elles ne comptent pas le faire.

M. Morneau : Non, nous n’utiliserons pas de termes plus forts. Nous ne le ferons pas parce que nous considérons que ce serait une erreur. La subvention est prévue pour les entreprises qui ont enregistré une perte de revenus d’au moins 30 %. Beaucoup d’entre elles n’ont aucun revenu. Nous demandons à des entreprises qui n’ont aucun revenu de garder leurs employés, et nous versons jusqu’à 75 % des salaires. Si nous les obligeons à payer les 25 % restants, elles ne voudront pas de la subvention. Si nous adoptions votre approche, monsieur le sénateur, il faudrait prendre en compte la loi des conséquences imprévues. Nous avons décidé d’aller de l’avant avec la subvention salariale de 75 %. Cette mesure permettra de protéger un très grand nombre de Canadiens. Pour les entreprises qui ont les moyens de continuer à rémunérer leurs employés, nous sommes convaincus et nous savons qu’un bon nombre d’entre elles sont prêtes à payer les 25 % restants pour verser le plein salaire, y compris les avantages sociaux. Pour les entreprises sans revenu, il serait irréaliste d’avoir les mêmes attentes, à l’exception de cas d’extrême bienveillance.

Le sénateur Loffreda : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence et d’avoir, une fois de plus, conçu un excellent train de mesures qui aide les entreprises et les travailleurs canadiens à demeurer au travail ou à retourner au travail, lorsque cela est faisable. Je comprends qu’il s’agit d’un processus en constante évolution qui est loin d’être immuable. Nous frayons en quelque sorte le chemin à mesure que les choses s’accélèrent. Je comprends cela.

Le Programme de crédit aux entreprises est un sujet qui soulève des préoccupations. Les nouveaux prêts, et l’énergie qui sera déployée pour les mettre en œuvre, ne posent aucun problème. C’est l’insuffisance de marge pour les prêts existants relatifs à des actifs dont la valeur a diminué qui est préoccupante. Envisagez-vous d’autres solutions ou mesures d’aide à cet égard?

M. Morneau : Notre approche en ce qui concerne le Programme de crédit aux entreprises consiste à fournir une garantie gouvernementale pour les nouveaux prêts de manière à encourager les banques à consentir aux entreprises de nouveaux prêts en sus de leurs prêts existants. Par l’entremise de la Banque de développement du Canada et d’Exportation et développement Canada, le gouvernement fédéral offre une garantie de 80 % pour ces prêts, en deux tranches distinctes, mais jusqu’à concurrence de 12,5 millions de dollars. Cela permettra aux banques de porter cet argent au titre des prêts existants, si bien qu’elles auront une raison de continuer de prêter puisque, comme vous le savez, elles peuvent maintenant protéger leur prêt initial, ce qui injecte une liquidité accrue dans le système et accroît le crédit de leurs clients. De plus, elles seront directement concernées, puisqu’elles avanceront les 20 % restants.

Selon nous, ce mécanisme devrait fonctionner. Il a fonctionné lors de la crise de 2008-2009, au cours de laquelle plus de 11 000 entreprises se sont prévalues de cette forme d’aide. Nous envisageons en outre la prise d’autres mesures pour les grandes entreprises qui éprouvent d’importantes difficultés en raison de la situation actuelle.

Le sénateur Loffreda : Puisque les clients et les banques ont certaines préoccupations par rapport aux prêts déjà consentis, je voulais seulement vous en faire part. J’aimerais que vous apportiez des précisions. Il y a des secteurs qui ont besoin de mesures ciblées. Dans l’ensemble, c’est un programme exceptionnel, mais, lorsqu’on se penche sur certains secteurs comme ceux mentionnés précédemment, notamment les industries de l’hébergement, de l’alimentation, du divertissement et de la culture, on se rend compte que, pour ces secteurs, qui emploient 2 millions de Canadiens, la relance sera extrêmement difficile.

D’autres mesures ou options sont-elles envisagées à l’heure actuelle? La prochaine étape consisterait à prendre des mesures ciblées pour donner de l’espoir à ces secteurs, car, lorsque j’en discute avec certains de mes anciens clients de ces secteurs, je m’aperçois qu’ils ont besoin d’espoir, de perspectives d’avenir. À long terme, il faudrait peut-être à nouveau envisager de rendre entièrement déductibles les dépenses du secteur du divertissement. À court terme, il faudrait peut-être envisager d’éliminer la TPS applicable à certaines de ces dépenses. Par ailleurs, si on va un peu plus loin en considérant les cotisations aux charges sociales, il faudrait peut-être aussi envisager de reporter certains de ces paiements de manière à faciliter quelque peu la relance lorsqu’elle arrivera. Avez-vous envisagé certaines de ces options, ou est-ce que vous considérez d’autres options pour certaines industries qui auront beaucoup de difficulté à relancer leurs activités?

M. Morneau : Nous avons envisagé certaines de ces options et, comme vous le savez, nous en avons mis en œuvre. Les coûts économiques cumulatifs du report de la TPS payable en avril, en mai et en juin s’élèvent à environ 30 milliards de dollars. Cela représente des liquidités pour ces organisations. Nous avons aussi reporté la perception d’approximativement 55 milliards de dollars en impôts auprès des particuliers et des sociétés. Il s’agit là de mesures très importantes.

Nous envisageons la prise d’autres mesures axées essentiellement sur le crédit, afin que ces organisations puissent passer à travers cette crise. Nous avons annoncé quelques mesures, notamment les premiers 12,5 millions de dollars de crédit potentiel. Certaines organisations sont plus grandes que d’autres. Elles auront donc besoin de plus de crédit. Nous travaillons là-dessus, et nous sommes sur le point de faire une annonce à cet égard.

Bon nombre de secteurs seront touchés. Comme le sénateur d’en face l’a mentionné, certains secteurs sont particulièrement touchés, et je suis sûr que beaucoup de sénateurs dans cette enceinte peuvent en nommer d’autres que ceux indiqués par le sénateur. Nous faisons de notre mieux pour ne privilégier aucun secteur en accordant de l’aide à différentes entreprises et en faisant en sorte qu’elles puissent y avoir accès si elles en ont besoin, sans que cela ait des effets sur leurs avoirs. Nous croyons qu’il est important de le faire d’une manière appropriée. Ce sont les mesures que nous entendons bientôt mettre en œuvre.

(1710)

Le sénateur Ngo : Monsieur le ministre, ma question concerne les seuils de 50 000 dollars à 1 million de dollars du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Il s’agit d’un grave problème pour les petites et moyennes entreprises qui ne pourront tout simplement pas être admissibles. Je pense entre autres aux travailleurs autonomes, aux entreprises individuelles, aux salons de coiffure et de manucure, aux femmes de ménage, à d’autres propriétaires d’entreprises dont le revenu repose sur les dividendes plutôt que sur un salaire, à ceux qui ont peu d’employés.

Monsieur le ministre, qu’est-ce qui justifie l’établissement de ces seuils? À votre connaissance, combien de petites entreprises ces seuils excluront-ils?

M. Morneau : Vous soulevez un point important que d’autres ont aussi soulevé. Nous travaillons à faire en sorte que le système fonctionne de la façon dont il a été conçu. Au départ, il faut comprendre que, dans le système canadien actuel, bien des gens ont créé une entreprise simplement pour des raisons fiscales. Bien des entreprises au pays n’existent que pour faciliter la gestion de la situation fiscale d’un particulier. Ce n’est pas ce genre d’entreprises que nous voulons soutenir au moyen de ce prêt de 40 000 $. Nous voulons soutenir les petites entreprises.

Dans le cas des personnes qui détiennent une microentreprise ou une entreprise individuelle, nous croyons que la Prestation canadienne d’urgence est une mesure appropriée. Il s’agit de 5 000 $ par semaine pendant 16 semaines soit, si on annualise, l’équivalent de 26 000 $ que pourrait recevoir une personne. Je comprends que certains souhaiteraient un niveau de soutien plus élevé, mais nous voulons nous assurer qu’il y ait suffisamment de soutien.

En termes de chiffres, c’est à plus d’un million de petites entreprises que ce prêt de 40 000 $ pourra être accordé. Il s’agit donc d’une mesure très vaste que nous avons mise en place pour aider les entrepreneurs à réduire le manque à gagner au cours des prochains mois. Nous continuons de nous pencher sur les critères d’admissibilité à ce prêt pour veiller à ce qu’il soit bien ciblé. Comme toutes les situations qui sont survenues pendant cette crise, celle-ci est dynamique et nécessite que nous prenions les mesures appropriées. Je n’ai pas de nouvelles informations à vous relayer à ce sujet, mais nous poursuivrons notre travail dans ce dossier.

Le sénateur Ngo : Merci pour la réponse.

Deuxièmement, le gouvernement a annoncé cette semaine que d’autres modifications seraient apportées à la subvention salariale et il espère pouvoir faire passer la période d’attente de six semaines à trois semaines. Malheureusement, selon moi, cette période d’attente est encore trop longue. De nombreuses entreprises sont sur le bord de la faillite ou ont fermé leurs portes à tout jamais. Il s’agit d’une période très sombre pour les propriétaires d’entreprises. Plus d’un million d’employés ont été mis à pied. Ces entreprises et ces travailleurs ont besoin d’aide immédiatement et ne peuvent plus se permettre d’attendre.

Pourquoi le gouvernement ne met-il pas en œuvre des mesures immédiates et nécessaires, comme le remboursement de la TPS payée au cours de la dernière année, qui permettraient réellement d’aider financièrement les propriétaires de petites entreprises? Il s’agit pourtant du genre de soutien dont ils ont besoin à l’heure actuelle pour se maintenir à flot et conserver leurs employés pendant qu’ils attendent de recevoir la subvention salariale.

M. Morneau : D’abord, nous essayons de rendre la subvention salariale disponible le plus rapidement possible. Nous avons trouvé le moyen le plus rapide de le faire, et j’espère qu’il faudra moins de temps que ce qui a été annoncé. C’est ce à quoi nous nous efforçons.

Ensuite, nous avons fourni des liquidités aux entreprises. Le report du paiement de la TPS et des impôts a permis de débloquer des liquidités sans attendre. Ce sont des mesures importantes.

Il n’est tout simplement pas faisable de rembourser la TPS, idée qui a été avancée par certains, et ce, pour trois raisons. D’abord, les entreprises détiennent la TPS en fiducie; ce n’est pas leur argent. Elles ne possèdent en fait pas cet argent. Nous ne pouvons donc pas leur rembourser quelque chose qui ne leur appartient pas.

Ensuite, la manière dont la TPS est appliquée varie beaucoup. En raison de la manière dont elle fonctionne, c’est de la valeur ajoutée que les entreprises profitent parce que la TPS prend en compte les crédits sur les intrants. Cela aurait donc un effet significatif sur certains et aucun sur d’autres, comme les agriculteurs.

Enfin, notre système de TPS diffère d’une province à une autre, et déterminer la TPS ou la TVH province par province prendrait trop de temps. Ce serait vraiment inefficace.

Nous y avons réfléchi. Cela ne marche pas. Alors, nous essayons de faire parvenir l’argent aux Canadiens aussi vite que possible et de la manière la plus pratique possible. Nous pensons avoir trouvé le meilleur moyen.

[Français]

La sénatrice Galvez : Merci, monsieur le ministre, d’avoir déposé ce projet de loi qui vient à la rescousse des travailleurs et travailleuses du Canada.

[Traduction]

Comme nous en avons discuté récemment, plusieurs amendements apportés au projet de loi C-13 prévoyaient des dispositions de caducité à l’égard de nombreuses modifications législatives effectuées dans le contexte de la COVID-19. Dans le même ordre d’idées, la partie 2 du projet de loi C-14 prévoit le retour à la version de la Loi sur la gestion des finances publiques antérieure à l’adoption du projet de loi C-13. Essentiellement, cela signifie que le gouvernement met en place des mesures d’urgence uniquement à titre temporaire pour gérer la crise sans remanier en permanence les lois, sans un débat et une surveillance adéquats de la part du Parlement.

Compte tenu de cette approche, je me demande pourquoi la même chose n’est pas prévue dans le projet de loi C-14, en ce qui concerne toutes les lois. La Loi sur le développement des exportations sera-t-elle modifiée en permanence alors que les modifications à d’autres lois ne seront en vigueur qu’aussi longtemps qu’il sera nécessaire pour réagir à la crise? Comment le gouvernement décide-t-il quelles modifications sont temporaires et quelles sont permanentes?

M. Morneau : Je vais demander au sous-ministre, M. Andrew Marsland, de répondre en donnant des précisions. Globalement, nous mettons en place des mesures pour faire face à la situation actuelle et assurer la reprise une fois la pandémie passée. Voilà l’approche que nous avons retenue et en fonction de laquelle nous avons élaboré un projet de loi qui nous donne les pouvoirs nécessaires pour agir. C’est également ce qui explique pourquoi ces pouvoirs sont assortis d’une disposition de caducité. J’invite M. Marsland à donner des précisions.

Andrew Marsland, sous-ministre adjoint principal, Finances Canada : Honorables sénateurs, si je ne m’abuse, les modifications apportées à la Loi de l’impôt sur le revenu comportent, de par leur nature même, une disposition de caducité, dans la mesure où elles s’appliquent à une période bien précise, soit mars, avril et mai. Par ailleurs, elles confèrent le pouvoir de prolonger les changements pour des périodes additionnelles, au besoin, mais ne comportent pas de disposition de caducité proprement dite. Néanmoins, elles précisent que le gouvernement ne pourra se prévaloir de ces pouvoirs prescriptifs au-delà du 30 septembre.

La sénatrice Galvez : Merci.

Prévoyez-vous redémarrer l’économie d’une façon précise? Prévoyez-vous que certains secteurs reprendront avant d’autres, les infrastructures par exemple? C’est ce qu’ils font dans d’autres pays.

M. Morneau : Il est évident que nous travaillons aux prochaines étapes de notre plan, mais il n’est pour l’instant pas assez avancé pour que je puisse les décrire en détail.

La sénatrice Galvez : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur Morneau, il y a plusieurs programmes qui, selon certaines estimations, aident 84 % de ceux qui ont perdu leur emploi à cause de la COVID-19. Par contre, des calculs du Centre canadien de politiques alternatives indiquent que, malgré tout, 862 000 Canadiens sans emploi ne recevront ni assurance-chômage ni prestation d’urgence.

Trouvez-vous que cette estimation est réaliste? Si ce n’est pas le cas, quelle estimation proposeriez-vous plutôt en ce qui concerne les Canadiens qui tomberont entre les mailles du filet? Qu’allez-vous faire pour ces Canadiens?

M. Morneau : Dans cette situation de crise, nous avons évalué les moyens nous permettant d’améliorer la situation dès que possible. Cela signifie que nous avons créé des programmes durant les trois ou quatre dernières semaines. Il est certain qu’il y aura des gens que nous devrons prendre en considération dans les prochains jours et les prochaines semaines. Je ne peux pas vous confirmer si les estimations sont justes ou non, parce que je n’ai pas lu le rapport. Cependant, nous allons certainement tenir compte de ces gens, comme les travailleurs saisonniers. On a encore du travail à faire.

La sénatrice Miville-Dechêne : Sans commenter cette estimation, avez-vous fait vos propres estimations du nombre de Canadiens qui, pour l’instant, ne reçoivent pas de prestation en raison des différents critères de ces deux programmes?

M. Morneau : Nous avons tenu compte des personnes qui se trouvent dans une situation difficile, et c’est la raison pour laquelle nous cherchons à trouver une solution pour chaque problème. J’espère que nous pourrons présenter d’autres approches au cours des prochains jours.

(1720)

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais revenir à la question du sénateur Ngo en ce qui a trait aux petites entreprises.

J’ai parlé à quelques représentants d’entreprises, notamment à une coiffeuse. Clairement, les programmes sont très difficiles d’accès pour sa petite entreprise, car elle ne pourra pas bénéficier de la subvention de 75 % puisqu’elle a mis à pied ses employés et qu’elle ne peut pas ouvrir son salon de coiffure.

Aussi, le prêt de 40 000 $ qui est offert est complexe parce qu’on doit commencer à en effectuer le remboursement dans un an. Or, ces entreprises ont déjà des charges qu’il serait difficile de ne pas considérer. Croyez-vous alors que l’échéance d’un an pour le début du remboursement représente une période de temps réaliste, étant donné que, selon certains experts, le vaccin ne sera pas prêt avant 12 ou 18 mois et qu’on ne reviendra pas à la normale d’ici là?

M. Morneau : Premièrement, dans votre exemple, si cette petite entreprise compte des employés qui n’ont plus de revenus en ce moment, cette dernière peut bénéficier de la subvention salariale. C’est possible. Elle n’aura pas besoin de tout payer, car 75 % du revenu des employés peut être subventionné pour elle. En même temps, si cette petite entreprise compte des employés, cela veut dire que sa rémunération au total est probablement de plus de 50 000 $; elle est donc admissible au prêt sans intérêt et elle n’a pas à payer l’intérêt ou à rembourser le capital jusqu’à la fin de 2022. Cela voudrait dire qu’il reste encore deux ans et demi, ce qui représente assez de temps. Aussi, si cette petite entreprise bénéficie d’un prêt de 40 000 $, elle ne devra en rembourser que 30 000 $. Cela pourrait représenter une aide pour l’entreprise si elle a des charges à payer au cours des quatre prochains mois, par exemple.

Bien entendu, ce n’est pas parfait, mais nous allons évaluer d’autres approches et il y a des mesures que l’on peut prendre. Cependant, jusqu’à maintenant, je crois que plusieurs options sont offertes à cette petite entreprise qui lui permettront d’améliorer sa situation.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’aimerais finalement obtenir une petite clarification : les petits entrepreneurs ont-ils droit à la Prestation canadienne d’urgence de 500 $ par semaine?

M. Morneau : Les très petits entrepreneurs peuvent bénéficier de la Prestation canadienne d’urgence de 500 $ par semaine.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Monsieur le ministre, il y a eu cette semaine plusieurs reportages accablants sur l’incapacité de maîtriser la pandémie pendant les premières étapes cruciales du processus. Votre gouvernement cite sans cesse les experts pour défendre ces cafouillages des premières heures, mais au bout du compte, c’est le Cabinet qui prend les décisions et qui doit assumer les responsabilités.

Je m’inquiète du fait que votre gouvernement s’en remet uniquement à l’Agence de la santé publique et non à l’expertise de l’unité du renseignement médical de nos forces armées, qui avait sonné l’alarme dès janvier dernier. Cette unité s’appuie sur des renseignements provenant non seulement de l’Organisation mondiale de la santé, mais aussi de nos alliés du Groupe des cinq, y compris les États-Unis, dont les services de renseignement avaient déjà signalé la possibilité d’une épidémie en novembre 2019.

Monsieur le ministre, pourquoi nous sommes-nous fiés à un organisme qui ne semble que répéter ce qui provient de l’Organisation mondiale de la santé et de la Chine communiste sans tenir compte de notre unité du renseignement militaire, qui peignait certainement un tableau différent si seulement le Cabinet avait daigné l’écouter il y a quelques mois?

M. Morneau : Je vous remercie pour cette question. Je peux vous assurer que nous avons examiné et continuerons à examiner toutes les sources de renseignements que nous avons, et que cela constituera notre réponse. Selon nous, nous devons continuer à tenir compte des données scientifiques et de l’expertise médicale ici, et aussi regarder les exemples d’autres pays et la façon dont ils font face à ce défi. Certains sont en avance sur nous, en ce sens qu’ils ont déjà connu un défi plus important, et nous pouvons tirer parti de leur expérience en examinant ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné. Nous examinerons toutes ces sources de renseignements, nous l’avons fait, et nous pensons qu’il est important de le faire.

Le sénateur Housakos : Je répète, monsieur le ministre, que nous avons eu vent du danger dès novembre, et encore en janvier. Les renseignements qui nous ont été transmis disaient clairement qu’il y avait urgence, alors que les responsables gouvernementaux de la santé ont passé les mois de janvier et de février à dire qu’il ne fallait pas s’inquiéter outre mesure et ne pas paniquer. Je pense que le Cabinet doit se demander pourquoi ces renseignements ne sont pas parvenus jusqu’à lui et n’ont pas été pris suffisamment au sérieux.

La dernière fois que vos collègues et vous étiez ici, monsieur le ministre, j’ai cité un rapport prophétique de 2006 qui disait déjà que nous étions mal préparés à une pandémie et que nous n’aurions pas l’équipement nécessaire pour y faire face. Ce rapport recommandait la constitution d’une réserve fédérale, et quand j’ai posé la question à la ministre Hajdu, la dernière fois qu’elle était ici, elle a refusé de répondre. Elle a reconnu depuis que la réserve en question n’a pas été maintenue, alors j’aimerais bien savoir ce que le gouvernement libéral fait pour corriger cette terrible négligence, et pas seulement en prévision de la prochaine pandémie, mais pour celle que nous vivons présentement aussi.

Outre les sommes faramineuses que nous débloquons, avec raison, pour venir en aide aux Canadiens, avez-vous entamé des pourparlers contractuels avec les fabricants afin non seulement de rattraper le retard accumulé, mais aussi de constituer une réserve si jamais le pays est frappé par une deuxième, voire une troisième vague, ou par une autre pandémie, bref afin que nous soyons mieux préparés si jamais cela arrive?

M. Morneau : Tout d’abord, je rejette les prémisses de votre question. Au moment d’élaborer nos plans, nous prenons en considération toutes les sources d’information — et nous continuerons de le faire. Pour les prochaines étapes, nous devrons tenir compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons et de notre état de préparation.

À la question de savoir si nous sommes en train de passer des contrats avec des organisations pour la fourniture d’équipements de protection individuelle, la réponse est oui. Si votre question porte sur des éléments tels que les respirateurs, la réponse est oui. Nous sommes en train de nous assurer d’obtenir pour notre pays les ressources dont il a besoin dès maintenant et nous cherchons à avoir une source d’approvisionnement sûre et permanente.

Le sénateur Housakos : Ma dernière question porte sur les finances et concerne directement les décisions que vous avez prises au cours des quatre dernières années. Au cours de cette période, le gouvernement a décidé d’adopter une approche de financement de gestion des déficits.

Regrettez-vous d’avoir accumulé des déficits au cours des quatre dernières années, alors que la conjoncture économique était relativement bonne? Maintenant que nous sommes au milieu d’une crise réelle et profonde, regrettez-vous de ne pas disposer de ces 70 milliards de dollars pour concrétiser encore davantage l’aide que vous apportez aux Canadiens?

M. Morneau : Tout d’abord, il est important d’examiner la prémisse de votre question. Au début de cette période difficile, nous nous trouvions dans une situation financière très solide. Depuis notre arrivée au pouvoir, il y a quatre ans et demi, nous avons réduit le montant de la dette par rapport au produit intérieur brut, ce qui, selon nous, était la bonne chose à faire. Nous disposons donc de la capacité nécessaire pour financer les mesures qui s’imposent au cours de cette période exigeante. Nous allons poursuivre dans la même voie lorsque, évidemment, la période de crise sera terminée.

La présidente : Je suis désolée, mais nous devons passer à l’intervenant suivant.

Le sénateur R. Black : Monsieur le ministre, à ce temps-ci de l’année, de nombreuses petites villes et localités rurales seraient normalement en train de se préparer en vue de leurs foires et de leurs expositions. Ces événements font partie intégrante de nombreuses municipalités rurales. Ils mettent en valeur les industries et les produits agricoles locaux, fournissent des emplois à des jeunes et contribuent à hauteur de 2,9 milliards de dollars par année au PIB du Canada.

Selon l’Association canadienne des foires et des expositions, une foire sur dix environ ne pourra pas se remettre de cette pandémie et disparaîtra donc à jamais, à moins de pouvoir bénéficier de mesures de soutien. En outre, l’avenir de 5 foires sur 10 est incertain, encore une fois à cause de la pandémie actuelle.

Que fait le gouvernement pour veiller à ce que les foires, les expositions, les festivals et les sociétés agricoles puissent survivre à cette année très difficile?

M. Morneau : Je pense qu’on peut dire que la pandémie a d’importantes répercussions sur un grand nombre de Canadiens et d’organismes du pays. Je sais que, dans bien des domaines, tant dans les petites localités que dans les grandes villes, les rassemblements ne seront pas possibles. Cela va avoir des répercussions très concrètes.

Nous allons devoir réfléchir aux répercussions dans tous les secteurs de l’économie. Il y en aura dans de nombreux domaines différents. Nous essayons d’adopter des mesures pour protéger les gens d’abord et, comme je l’ai déjà dit, de trouver des moyens de soutenir les entreprises en offrant un crédit. Nous devrons ensuite voir si des mesures sont nécessaires dans des secteurs en particulier. Nous allons continuer de nous pencher sur la question. Je n’ai rien à annoncer sur ce plan aujourd’hui, mais nous comprenons assurément les difficultés.

(1730)

Le sénateur R. Black : Merci. J’ai une deuxième question. Il y a de nombreuses fermes familiales au Canada qui n’ont pas d’employés, des fermes exploitées par une ou deux personnes, souvent par un couple. La pandémie les prive d’une partie ou de la totalité de leurs débouchés. Ces agriculteurs doivent prendre maintenant des décisions d’affaires sur des questions comme les semailles, la reproduction de leurs animaux et la vente de leurs produits, des décisions qui vont avoir une incidence à long terme sur leur exploitation, mais ils ne veulent pas s’endetter davantage en faisant appel au programme de Financement agricole Canada ou aux banques. Qu’est-ce que le gouvernement offre à ces producteurs — les exploitants de petites fermes familiales du Canada — pour leur éviter un coup dur qui pourrait être fatal à leur entreprise?

M. Morneau : Cette question est ressemble un peu à votre dernière question. Des gens dans tout le pays se trouvent dans des situations difficiles. Les agriculteurs sont manifestement du nombre. Certains d’entre eux ont vu leur revenu baisser de 30 %, mais ce n’est pas le cas de bien d’autres. S’ils sont dans cette situation, ils auront droit à la subvention salariale. S’ils ne sont pas en mesure de garder leurs employés, ils pourraient bénéficier de la Prestation canadienne d’urgence. Pour ceux qui reçoivent le crédit offert par l’intermédiaire de Financement agricole Canada, ce sera utile.

Je suis sûr qu’il y aura d’autres éléments que nous devrons prendre en compte. Nous avons considéré un certain nombre de points dans le secteur de l’alimentation pour assurer notre sécurité alimentaire, et nous continuerons de nous concentrer sur ce secteur. Bien entendu, c’est encore plus important en cette période où la sécurité alimentaire est particulièrement cruciale.

Le sénateur R. Black : Ma dernière question porte sur Internet et l’accès à Internet dans les régions rurales et éloignées du Nord du Canada. Vos programmes prévoient essentiellement la présentation de demandes par Internet. Que faites-vous pour aider les personnes qui n’ont pas accès à un service Internet haute vitesse ou qui se trouvent dans une région sans accès à Internet à s’inscrire aux programmes?

M. Morneau : Nous avons reconnu d’emblée que notre approche pose problème pour les gens dans cette situation. Ce n’est pas tout le monde qui peut accéder au site Web de l’Agence du revenu du Canada pour demander la Prestation canadienne d’urgence. Nous avons constaté qu’environ 70 % des Canadiens sont inscrits au dépôt direct, ce qui est excellent et donne probablement une idée de ceux qui ont à tout le moins un accès en ligne.

Nous avons alors décidé d’augmenter considérablement l’effectif du service téléphonique afin que les gens puissent joindre quelqu’un. Nous savons que cette solution n’est pas parfaite et nous essayons d’accroître l’effectif en recourant à des employés du groupe de l’assurance-emploi de l’Agence du revenu du Canada, car il ne faut pas oublier qu’en raison du report des dates limites pour l’impôt, beaucoup de ces gens, qui seraient normalement occupés à d’autres tâches, peuvent être réaffectés. Nous avons également mis en place des équipes distinctes d’employés de centres d’appels. En raison du volume d’appels, il y aura des moments difficiles. Nous le comprenons, mais nous essaierons d’aider les gens pendant cette période.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup, monsieur le ministre, et bienvenue au Sénat encore une fois.

D’abord, je suis très satisfait du fait que votre gouvernement ait augmenté la subvention salariale de 10 % à 75 %. Je vous rappellerai que c’est une proposition que je vous avais faite lors de votre dernier passage ici, et que vous n’aviez pas trouvée intéressante. Je vous remercie beaucoup. Je crois que vous avez fait preuve d’une bonne écoute à ce moment-là.

Ma première question vient d’un groupe de chômeurs qui m’ont contacté et dont plusieurs voient une iniquité dans la Prestation canadienne d’urgence. Plusieurs voient leur prestation réduite par rapport au montant auquel ils ont droit. Par exemple, la prestation maximale d’assurance-emploi est de 2 484 $ par mois, soit 574 $ par semaine, alors qu’avec la PCU, ces travailleurs se retrouvent avec une réduction de leur revenu brut mensuel de 484 $. C’est beaucoup d’argent pour des gens qui sont en chômage et qui ont des responsabilités.

Monsieur le ministre, comment se fait-il que la Prestation canadienne d’urgence pénalise un travailleur qui a cotisé à l’assurance-emploi, de sorte qu’il reçoive des prestations inférieures au montant auquel il a droit?

M. Morneau : C’est une bonne question. Nous sommes dans une situation extrêmement difficile. Une pandémie est un grave problème. Nous avons décidé que, à l’heure actuelle, la prestation d’urgence doit être offerte à tout le monde. C’est nécessaire. Par la suite, nous allons poursuivre avec notre programme d’assurance-emploi. Cela signifie que pendant cette période, nous allons utiliser la Prestation canadienne d’urgence pour tout le monde et que, par la suite, les gens pourront à nouveau faire appel à notre programme d’assurance-emploi.

Il est clair qu’il y a des différences entre la prestation d’urgence et la subvention salariale. C’est à cause de la pandémie. Nous sommes dans une situation très difficile à l’heure actuelle et nous avons pris ces mesures dans une très courte période de temps. Nous allons voir s’il est nécessaire d’apporter des changements dans les semaines à venir, mais, pour l’instant, nous pensons avoir protégé la grande majorité des gens avec nos programmes.

Le sénateur Boisvenu : Ma dernière question concerne le déficit anticipé du gouvernement fédéral, qui sera gigantesque. Aux 100 milliards de dollars accumulés durant vos quatre dernières années, il faudra rajouter presque 200 milliards de dollars en faveur des programmes de gestion de la crise actuelle. Si l’on considère que la baisse de revenu du gouvernement canadien sera autour de 550 milliards de dollars, on parle d’un déficit accumulé de près de 400 à 450 milliards de dollars.

Compte tenu du fait que la dette nationale du Canada se monte à 700 milliards en ce moment, cela veut dire que le Canada pourrait se retrouver l’automne prochain avec une dette accumulée de plus de 1 billion de dollars, ce qui représente 50 milliards par année uniquement en remboursement des intérêts. Devant le gigantesque défi d’un déficit aussi massif, est-ce que votre gouvernement a déjà commencé à préparer un plan de relance?

On pense au Québec à relancer certaines industries, comme la construction. Est-ce que vous avez déjà dans vos cartons une stratégie pour relancer ces entreprises et, surtout, les financer afin qu’elles puissent reprendre la route?

M. Morneau : C’est une autre bonne question. Comme presque tous les autres pays, nous pensons à la façon de protéger nos citoyens et notre économie en ce moment. Il est clair que nous devons faire des investissements sans précédent et que nous ferons face à des défis liés à ces investissements, mais nous croyons que la chose la plus importante est de protéger notre situation actuelle et notre économie pour le long terme. Nous devons faire des investissements. Après la crise, nous nous retrouverons dans une meilleure situation et nous ferons d’autres investissements afin d’augmenter notre niveau de croissance. Cela est certain.

Nous devrons aussi affronter notre défi fiscal, mais pour l’instant, je consacre mon temps à la crise. Nous aurons certainement d’autres problèmes à l’avenir et nous allons travailler avec vous et d’autres parties pour évaluer la question.

[Traduction]

Le sénateur Boehm : Monsieur le ministre, je me range derrière vous — physiquement.

M. Morneau : Je suis heureux de l’entendre. Vous pouvez vous arrêter là.

Le sénateur Boehm : Je vous remercie, monsieur le ministre et M. Marsland, de votre présence au Sénat aujourd’hui. Si vous le permettez, je vais présenter tous mes points d’entrée de jeu afin de vous donner le temps de répondre.

Les dirigeants des pays du G20 ont tenu une réunion virtuelle le 26 mars et ont convenu de prendre tous les moyens nécessaires pour soutenir l’économie mondiale, ce qui a mené à une injection de 5 billions de dollars. Voici ma question sur le sujet. Cette mesure comporte de la consultation. Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales doivent assurer un suivi, de même que le Conseil de stabilité financière, et on envisage d’ouvrir les économies, en quelque sorte, à différents moments. À quel point vous concertez-vous avec vos collègues? Je vous saurais gré de faire le point sur ce sujet.

Mon deuxième point a été soulevé par le sénateur Black. Il s’agit de l’accès à Internet, en particulier dans les régions rurales.

(1740)

Au Sénat et dans tout le pays, on parle souvent d’un revenu de base garanti, mais pourquoi ne parle-t-on pas également d’un Internet de base garanti? Dans le budget de 2019, un montant de 1,7 milliard de dollars a été consacré à la création d’un Fonds pour la large bande universelle. Peut-être pourrions-nous en faire plus dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les sociétés de télécommunications.

Dans le cadre de notre travail, la sénatrice Boyer de l’Ontario et moi voyons des gens, dans des communautés éloignées des Métis, des Inuits et des Premières Nations, qui ne sont pas à l’aise avec la technologie ou qui n’ont même pas de connexion Internet. Ces gens sont habitués à gagner de maigres revenus en vendant ou en cousant des objets d’artisanat, entre autres, mais maintenant ils sont réellement pris au dépourvu. Bien que le financement fondé sur les distinctions soit utile, il ne suffit pas à atténuer les problèmes financiers qu’ont les Autochtones des villes qui gagnent eux aussi leur vie en vendant de l’artisanat, par exemple. Est-ce que des mesures d’aide sont prévues pour ces gens?

M. Morneau : Merci. Il s’agit de trois questions distinctes. En ce qui a trait à la première question, pendant cette période de crise, nous avons énormément collaboré avec nos homologues étrangers partout dans le monde. Le premier ministre a travaillé avec ses homologues des pays du G20 et du G7. J’ai moi-même travaillé avec des ministres des Finances et des gouverneurs de banques centrales de partout dans le monde, par l’intermédiaire du G7, du G20 et du Fonds monétaire international.

Cette semaine, nous aurons plusieurs réunions. Mardi matin, il y aura une réunion des ministres des Finances du G7; mercredi matin, il y aura une réunion des ministres des Finances du G20; jeudi matin se tiendra une réunion entre les représentants du Fonds monétaire international, les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales. Ces réunions nous permettront de continuer à faire état de la situation dans différents pays. On constate que des mesures assez semblables ont été adoptées par les pays industrialisés, notamment en ce qui a trait à l’ampleur de celles-ci par rapport à l’économie, ainsi qu’en ce qui a trait au soutien apporté aux particuliers et aux entreprises. Il existe des différences dans les mesures d’un pays à l’autre, mais, en gros, il s’agit de mesures foncièrement semblables. Nous continuons donc de communiquer avec nos homologues étrangers. Cela nous donne d’autres perspectives pour préparer les prochaines mesures à prendre contre cette crise en constante évolution. J’ai aussi des discussions quotidiennes avec mes différents collègues.

Pour ce qui est de l’accessibilité d’Internet dans l’ensemble du pays, cela fait partie des dossiers auxquels nous accordons une attention particulière. Évidemment, c’est une question particulièrement importante dans les circonstances actuelles, puisque cette accessibilité est essentielle à nos activités quotidiennes. Nous sommes d’avis que certaines mesures que nous avons prises, y compris la mise en œuvre d’un régime de déduction pour amortissement accéléré, le financement que nous avons offert pour l’infrastructure du dernier kilomètre ainsi que les fonds accordés par l’entremise du CRTC, ont eu d’importants effets positifs, mais nous savons qu’il reste encore du travail à faire, notamment dans certaines des collectivités les plus éloignées.

Enfin, en ce qui concerne les difficultés éprouvées par les Autochtones du pays en cette période, nous sommes conscients qu’elles sont bien réelles. Nous avons offert du financement depuis le début parce que nous savions que la situation serait particulièrement difficile pour ces communautés. Heureusement, les cas n’ont pas été aussi nombreux dans les différentes communautés, mais nous savons que leur situation pourrait très bien devenir problématique. Nous explorons les mesures de financement que nous pourrions avoir à mettre en œuvre dans les collectivités du Nord canadien. Nous examinons aussi les différentes façons dont nous pouvons offrir du financement à d’autres communautés autochtones. Nous faisons déjà des efforts en ce sens. Il va sans dire que c’est un autre dossier où tous les moyens doivent être déployés d’urgence.

Le sénateur Smith : Je suis heureux de vous voir. Vous avez travaillé d’arrache-pied. Ma question fait plutôt suite à celle du sénateur Boehm. Avez-vous une cellule de crise pour le système de prestation? Quel type de relations établissez-vous avec les provinces, le gouverneur de la banque, et cetera? À ce stade précoce, pouvez-vous nous donner un aperçu de cette activité importante? À mesure que la situation évoluera, les Canadiens chercheront probablement à ce qu’on les informe, à ce qu’on fasse preuve de transparence et à ce qu’on tire des leçons pour que, la prochaine fois, nous disposions d’un plan stratégique qui nous permettra d’être mieux préparés en cas de pandémie.

Je ne critique pas le Canada ni le gouvernement. C’est arrivé aux États-Unis. C’est arrivé partout dans le monde. Certains pays ont des moyens plus avancés que d’autres pour faire face à la pandémie. Selon vous, comment faut-il mettre en place la cellule de crise et établir les relations? Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont ce système peut fonctionner et d’où cela vous mènera? Lorsque vous publierez le rapport à la fin du processus — et je sais qu’il est encore très tôt —, ce dernier permettra-t-il d’avoir une orientation ou une stratégie pour la suite des choses?

M. Morneau : C’est une question importante, et nous devrons y réfléchir lorsque nous disposerons d’un peu plus de temps.

Si Andrew derrière moi a l’air fatigué, c’est parce qu’il l’est fort probablement. Nous travaillons tous pratiquement sans relâche. Nous avons donc dû trouver de nouvelles façons de collaborer : nous travaillons jour et nuit, mais sans nous retrouver dans la même pièce. Nous sommes tous dans des endroits différents, principalement dans nos maisons. Par exemple, nous communiquons régulièrement, pour ne pas dire continuellement, avec le Bureau du surintendant des institutions financières et la Banque du Canada en cette période.

Nous avons eu plusieurs longues conférences téléphoniques qui se sont étirées toute la nuit — Andrew, assis derrière moi, y était également — pour que certaines politiques directes soient mises en place.

Nous avons établi des procédures de travail avec l’ensemble des provinces. Nous collaborons assez régulièrement. Une fois par semaine, tous les ministres des Finances et moi échangeons de l’information. Nous avons aussi de bonnes communications informelles.

Heureusement pour moi, je fais maintenant ce travail depuis cinq ans, et j’entretiens des relations solides avec bon nombre des ministres des Finances, ce qui nous a beaucoup aidés à travailler ensemble. Les leçons apprises seront importantes pour nous. Nous devrons déterminer comment déployer des ressources rapidement lors de périodes difficiles comme celle-ci. Jusqu’à présent, je dirais que les choses se déroulent très bien.

Par ailleurs, le ministère des Finances, le ministère de la Santé, le Cabinet du premier ministre et le ministère de l’Emploi sont les entités gouvernementales les plus actives dans ce dossier. Le ministère de l’Approvisionnement joue lui aussi un rôle important. Nous collaborons très étroitement avec les groupes de travail.

Le sénateur Smith : Parlons maintenant des problèmes de service. Les bureaux de Service Canada sont fermés. Il est donc plus difficile d’avoir accès à de l’aide ou de communiquer avec quelqu’un. Si vous allez sur Internet, vous pouvez envoyer des messages, mais vous n’avez pas accès à une personne-ressource.

Êtes-vous en mesure de signaler des problèmes de service à l’heure actuelle et de vous y attaquer immédiatement afin de pouvoir au moins les régler temporairement, ce qui permettra de remédier à ces types de situations à long terme?

M. Morneau : Nous devons faire preuve d’agilité pour trouver des solutions. Afin d’offrir la Prestation canadienne d’urgence et la subvention salariale, nous avons choisi d’utiliser le système qui, à notre avis, est le plus solide à l’échelle du gouvernement. La bonne nouvelle, c’est qu’il fonctionne. La semaine dernière, plus de 3 millions de personnes se sont inscrites à la Prestation canadienne d’urgence. C’est très condensé. Vous avez probablement entendu parler des créneaux très courts. Le système semble tenir le coup. Je suis convaincu que des Canadiens doivent faire preuve de patience au bout du fil pour certaines demandes. C’est inévitable avec les flux très élevés. Toutefois, si je comprends bien, le système fonctionne.

L’ARC fait un travail remarquable pour mettre en place les ressources nécessaires, mais nous devons maintenir la cadence. Nous aurons des obstacles à franchir en raison du volume élevé de demandes qui affluent. C’est inévitable. Toutefois, je dirais que jusqu’ici, tout va bien.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Monsieur le ministre, merci d’être parmi nous aujourd’hui. J’aurai deux questions à vous poser concernant les organisations sans but lucratif. Ma première question traite des organisations qui s’occupent des femmes battues, des femmes qui vivent actuellement de la violence à la maison, un phénomène qui est malheureusement présent dans notre société et qui est exacerbé par les mesures liées au confinement.

Dans le dernier budget, vous aviez annoncé des enveloppes supplémentaires pour financer les refuges. Que fait-on en ce moment pour que ces fonds soient acheminés le plus rapidement possible vers ces organisations, afin qu’elles puissent louer des chambres d’hôtel ou des appartements leur permettant d’héberger ces femmes dans des endroits sûrs alors que les centres d’accueil sont déjà saturés?

M. Morneau : C’est une très bonne question. Nous savons que la situation actuelle crée des problèmes liés au fait que les personnes sont confinées ensemble, notamment et en particulier les personnes vulnérables. C’est pour cela que nous avons envisagé depuis le début la nécessité de prévoir des fonds en faveur des refuges pour femmes. Je crois que nous avons commencé avec une somme de 50 millions de dollars. Je n’ai pas les détails exacts de la façon dont nous allons procéder, mais je sais que nous avons prévu des fonds à ce chapitre.

(1750)

Nous demeurerons à l’affût des problèmes dans les prochains jours et les prochaines semaines afin de voir si nous devons en faire plus.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Mais dois-je comprendre, d’après votre réponse, que l’argent n’est pas encore acheminé vers ces refuges?

M. Morneau : Ce que vous devez comprendre, c’est que je ne connais pas exactement le mécanisme, mais nous avons déjà alloué les fonds. Je n’en suis pas certain, pas parce que ce n’est pas important, mais j’ai travaillé sur beaucoup de choses. Je ne sais pas exactement de quelle manière ces fonds ont été alloués.

Le sénateur Dalphond : La question suivante porte sur ce programme de subventions salariales. Comment est-il adapté pour prendre en considération les particularités des organismes de bienfaisance, comme le suggère ma collègue la sénatrice Omidvar, qui vient de Toronto? Je crois qu’elle vous a écrit à ce sujet.

M. Morneau : D’abord et avant tout, ce que nous avons constaté pour de nombreux organismes du secteur caritatif, c’est qu’ils sont aux prises avec les mêmes problèmes que les organismes d’autres secteurs, à savoir une baisse importante des revenus. Ce qui est différent dans le secteur caritatif, c’est que certains organismes de bienfaisance qui reçoivent une aide financière du gouvernement ne perdent pas nécessairement d’argent parce que cette aide financière est maintenue, mais ils perdent tous leurs dons. D’autres organismes de bienfaisance, comme les refuges, entre autres, reçoivent un revenu du gouvernement parce que ce dernier leur verse une allocation quotidienne pour les personnes qui ont recours à leurs services. Ainsi, ce que nous avons choisi de faire pour ces organismes de bienfaisance, c’est de déterminer si nous tenons compte ou non de l’aide financière du gouvernement pour calculer la baisse totale des revenus.

Par exemple, si un organisme de bienfaisance recevait une aide financière stable du gouvernement et subissait uniquement une diminution des dons, il ne pourrait pas seulement tenir compte de cette diminution pour prouver une baisse des recettes. Par contre, s’il y a une diminution de l’aide financière du gouvernement, il est possible de se servir de ces données pour prouver une baisse importante des revenus.

Nous avons établi un double critère pour les organismes de bienfaisance qui, selon nous, leur permet de démontrer les difficultés qu’elles éprouvent. Puis, bien entendu, nous avons des mesures d’aide propres à certaines catégories d’organismes, telles que les banques alimentaires et les refuges, que vous venez de mentionner et qui sont particulièrement éprouvés en ce moment. Nous continuerons de penser aux organismes qui constituent un mécanisme de soutien pour la population. Nous devons trouver un moyen de faire en sorte qu’ils disposent des ressources voulues.

Le sénateur Dalphond : Merci. Puis-je vous implorer de veiller à ce que les refuges touchent cet argent dès demain ou après-demain, car ils en ont besoin immédiatement? Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, cette question vient d’un de nos collègues, le sénateur Patterson, du Nunavut. Les Chambres des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut ainsi que celle du Yukon ont publié une lettre commune dans laquelle on peut lire ceci :

Le maintien des emplois est essentiel à la réussite des entreprises d’exploration et de développement du Nord. Non seulement leurs employés possèdent l’expérience et les connaissances techniques liées aux projets sur lesquels ils travaillent, mais ils entretiennent aussi des rapports importants et bien établis avec les dirigeants des communautés autochtones locales, les organisations de chasseurs et de trappeurs, les organismes de réglementation, les employés autochtones locaux et les fournisseurs de services. Ces liens sont très précieux, ils ont une valeur supérieure à ce qui est prévu dans la proposition de subvention salariale d’urgence.

Monsieur le ministre, comment le projet de loi inclut-il les entreprises dont le travail ne génère pas de revenus, comme les petites sociétés minières et les petites sociétés d’exploration minière?

M. Morneau : J’imagine que de nombreuses entreprises du Nord vivent une situation particulièrement difficile présentement, comme tant d’autres partout au pays.

Je crois que les travailleurs de ces secteurs sont très importants, comme l’indiquait la lettre que vous avez citée, et que c’est aussi le cas dans d’autres secteurs de l’économie. Notre objectif est de soutenir autant de gens que possible pendant cette crise, et cela signifie que nous voulons d’abord nous occuper des entreprises qui peuvent garder leurs employés; les entreprises minières sont peut-être un bon exemple d’entreprises qui veulent garder leurs employés, et c’est important. C’est pourquoi nous espérons qu’elles auront recours à la subvention salariale et que, si elles en ont les moyens, elles se chargeront de verser aux employés la partie manquante de leur salaire. Si ces entreprises ne sont pas en mesure de le faire parce qu’elles considèrent que les perspectives d’avenir ne le leur permettent pas ou pour toute autre raison, les employés touchés pourront avoir recours à la Prestation canadienne d’urgence pour obtenir de l’aide.

Si nous devons examiner certains enjeux propres à un secteur donné, nous le ferons, mais en règle générale, nous espérons que les employeurs maintiendront le lien d’emploi des travailleurs de qualité comme ceux dont vous parlez, et c’est ce que la subvention salariale devrait leur permettre de faire.

Le sénateur Plett : Vous disiez tout à l’heure que vous souhaitiez entendre nos recommandations, et j’ai bien l’impression que les sénateurs qui représentent le Nord du pays risquent de vous prendre au mot.

Ma prochaine question, monsieur le ministre, car nous essayons d’en poser le plus possible, provient du sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, et elle a pour sujet les étudiants.

Il faut absolument que le Canada fasse le nécessaire pour que les étudiants, malgré la COVID-19, puissent poursuivre leurs études sans être distraits par des considérations d’ordre pécuniaire. Qu’allez-vous faire pour que tous les étudiants du pays, mais plus particulièrement ceux qui ne sont pas indépendants financièrement, aient la certitude qu’ils pourront terminer leurs études sans trop de heurts?

M. Morneau : J’imagine que vous avez entendu ce que j’ai dit plus tôt aujourd’hui : nous estimons qu’il s’agit d’un enjeu crucial. Nous nous penchons actuellement sur la question. Force est d’admettre, toutefois, que le délai d’intervention est serré. Deux de mes quatre enfants fréquentent présentement l’université. L’un termine dans deux semaines et l’autre, dans environ quatre ou cinq semaines. Je sais que le temps presse. Il va sans dire que nous nous efforçons d’agir rapidement.

Les étudiants à faible et à moyen revenu qui bénéficient de prêts et bourses pourront continuer de toucher cette aide financière pendant l’été. Ils pourront poursuivre leurs études pendant l’été s’ils le souhaitent. Comme nous sommes conscients que tous les étudiants n’opteront pas pour cette formule et que bon nombre souhaiteront travailler, nous examinons diverses formules pour les soutenir. Dès que j’aurai des nouvelles à ce sujet, je les rendrai publiques. J’ose espérer que ce sera très bientôt.

Le sénateur Plett : Avez-vous décidé si les étudiants sont admissibles à la Prestation canadienne d’urgence? Envisagez-vous de faire davantage dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants ou du Prêt canadien aux apprentis?

M. Morneau : Par définition, certains étudiants seront admissibles. Voici les critères d’admissibilité : il faut avoir gagné au moins 5 000 $ au cours de la dernière année, être résident canadien et avoir perdu son revenu à cause de la COVID-19. Par conséquent, bien des étudiants qui travaillaient à temps partiel pendant l’année scolaire, soit presque la moitié d’entre eux, auront perdu ces entrées d’argent et dépassé le seuil d’admissibilité de 5 000 $, et pourront présenter une demande. De nombreux étudiants sont admissibles, mais nous examinerons néanmoins d’autres mesures pour aider ceux qui ne le sont pas.

La sénatrice M. Deacon : J’ai deux questions pour l’instant. La première provient de la sénatrice Bovey, du Manitoba, et du sénateur Cormier, du Nouveau-Brunswick. Elle concerne les organisations artistiques et la subvention salariale. Compte tenu du fait que ces organisations sont sans but lucratif, elles sont très préoccupées par leur capacité de verser la portion de 25 % du salaire des employés. Elles n’ont pas de rentrées d’argent et elles doivent rembourser les billets que les gens ont achetés. Il s’agit parfois d’importants donateurs du secteur privé.

Certaines organisations ont des fonds de dotation, ce qui est bien, et les surplus sont possibles, mais le gouvernement fédéral limite l’utilisation du capital pouvant provenir de ces fonds dans le calcul du pourcentage des revenus annuels qu’ils génèrent. Serait-il possible de suspendre ces règles fédérales pendant cette crise afin que ces organisations puissent utiliser librement ces fonds de dotation pour payer leur part de 25 % des salaires de leurs employés?

M. Morneau : Premièrement, je dois préciser que ces organisations ne sont pas obligées de verser les 25 %. Il y a peut-être une certaine confusion à ce sujet. Si elles ne peuvent verser leur part des salaires, elles n’ont pas à le faire. Nous les encourageons à le faire si elles le peuvent. J’espère que cela atténuera pour ces organisations le sentiment d’urgence qui semble accompagner votre question.

(1800)

Deuxièmement, un autre sénateur a posé une question au sujet des changements systémiques à long terme et demandé si nous allions changer notre approche en matière de fiscalité ou de fonds de dotation. Nous ne cherchons pas à apporter des changements systémiques qui auraient des effets ou des conséquences à long terme sur ce que nous espérons être un problème à plus court terme.

Modifier en profondeur notre approche à l’égard des fonds de dotation pour résoudre un problème ne serait pas l’option que nous privilégierions d’emblée. Heureusement, à voir comment vous avez présenté les choses, il ne s’agit probablement pas d’un problème de toute façon.

La sénatrice M. Deacon : Espérons-le. Merci pour la réponse.

La deuxième question porte sur les subventions salariales accordées aux grandes entreprises cotées en bourse. Dans ce cas, la perspective est différente.

Compte tenu du nombre de gens que les sociétés cotées en bourse emploient, je suis favorable à l’idée qu’elles puissent avoir accès à ce service. Toutefois, je m’inquiète des faillites et des acquisitions qui pourraient survenir après la fin de la crise. Il n’y a pas si longtemps, on a eu la faillite de Sears Canada. La société s’est dépouillée de ses actifs pour payer les actionnaires, alors qu’elle n’était plus en mesure de financer les retraites de ses employés.

Le gouvernement envisage-t-il de mettre en place un moratoire temporaire sur le paiement des dividendes et les rachats d’actions ou les augmentations de salaire des dirigeants des entreprises qui reçoivent cet argent pendant la crise de la COVID-19 — et peut-être pendant une courte période par la suite, même si ces entreprises redeviennent rapidement rentables?

M. Morneau : Votre question suppose, je pense, que les entreprises reçoivent de l’argent. Nous ne leur en offrons pas. L’entreprise demande ces fonds. Elle doit prouver qu’elle a versé l’argent à ses employés. L’argent va dans les faits à ses employés. Il ne peut pas être utilisé pour la rémunération des cadres ou le rachat d’actions ou ce genre de choses, parce qu’il a déjà été versé aux employés.

Ce cas de figure ne nous préoccupe pas pour le moment. Il pourrait prendre une certaine importance pour nous lorsque nous réfléchirons à l’approche à adopter pour offrir des crédits aux organisations et pour faire face aux problèmes, le cas échéant, des entreprises qui se placeraient sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. En l’occurrence, il faudra en examiner les conditions. Nous ne l’envisageons pas encore. Nous espérons éviter ces situations en fournissant un crédit qui permettra aux organisations de s’en sortir.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je veux simplement m’assurer que l’engagement est bien pris de répondre par écrit à ma question technique de tout à l’heure. Donc, aurai-je une réponse écrite?

M. Morneau : Peut-être que M. Marsland peut vous répondre immédiatement si vous le désirez.

Le sénateur Carignan : J’ai d’autres questions à poser, mais allez-y, vous pouvez répondre.

[Traduction]

M. Marsland : Vous avez posé une excellente question, car je me suis demandé exactement la même chose quand j’ai lu la version provisoire. Quelle est la différence entre ces deux éléments?

Voici quelques précisions sur cette disposition. Cette disposition vise les cas où une société, par exemple, a une filiale à l’étranger et tout ce qu’elle produit va à cette filiale et est vendu dans l’autre pays. L’intention est essentiellement d’en faire abstraction — parce que la perte de revenu est assumée par une filiale à l’étranger — et de reconnaître qu’en réalité, la société canadienne a subi une baisse de revenu comme en témoignent les ventes de la filiale, la société vendeuse.

Ces deux dispositions sont semblables parce qu’elles visent les cas où une société du Canada vend ce qu’elle produit par l’entremise de deux filiales ou plus situées dans d’autres pays. La formule a pour but d’obtenir un résultat juste pour les structures organisationnelles complexes, les structures d’entreprise qu’on trouve dans divers secteurs, comme ceux des ressources et des mines.

[Français]

Le sénateur Carignan : La prochaine question provient de la sénatrice Batters.

Monsieur le ministre, le premier projet de loi du gouvernement sur la COVID-19 vous donnait le pouvoir de créer une société d’État qui appartiendrait à 100 % au gouvernement afin de promouvoir la stabilité et de maintenir l’efficacité. Le projet de loi C-14 inclut une disposition de caducité qui prévoit que la société d’État ne pourra pas être créée après le 30 septembre 2020. Cependant, la disposition ne nous empêche pas de créer la société d’État avant le 30 septembre 2020 et de dépenser l’argent après cette date.

Donc, la question de la sénatrice Batters est la suivante : monsieur le ministre, avez-vous l’intention de nationaliser des secteurs entiers du système canadien en utilisant cette échappatoire?

M. Morneau : La chose importante à retenir ici, c’est que nous voulons nous doter des pouvoirs nécessaires dans le cas d’une situation où des compagnies relèveraient de la LACC.

Nous ne connaissons pas l’avenir, mais nous voulons avoir les pouvoirs appropriés pour faire face à cette situation, comme celle que nous avons vécue en 2008-2009 lorsque GM et Chrysler ont éprouvé des difficultés, par exemple.

J’espère que nous ne serons pas dans cette situation. Cependant, il est nécessaire d’évaluer ces possibilités.

Le sénateur Carignan : Ma deuxième question porte sur le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Sur le formulaire de demande de la Banque Royale et de la CIBC pour obtenir le montant de 40 000 $, il y a une section qui énonce les critères d’admissibilité requis par le gouvernement du Canada. Parmi ces éléments, il y a le suivant :

[Traduction]

L’entité n’est pas détenue par des personnes qui exercent des fonctions politiques.

[Français]

Donc, l’entreprise ne doit pas être détenue par une personne qui occupe un poste politique. Ainsi, cela exclut les élus municipaux, les députés provinciaux, les chefs de bande; bref, toute une série de personnes.

Est-ce une demande de votre gouvernement d’exclure les centaines d’entreprises qui sont la propriété de gens impliqués en politique à quelque niveau que ce soit?

M. Morneau : C’est une bonne question. Je sais que c’est un élément qu’il est nécessaire de considérer en tout temps.

Je n’ai rien à rajouter.

Le sénateur Carignan : Alors, ce n’est pas une demande que vous avez formulée.

M. Morneau : Non, je ne saurais le dire, mais si c’est important, nous pouvons examiner votre question et y répondre directement.

Le sénateur Carignan : S’il vous plaît.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, monsieur le ministre Morneau et monsieur Marsland, d’être parmi nous aujourd’hui. Merci à vous et à votre vaillante équipe, y compris Sean Fraser, député de Nova-Centre — mon député —, pour tous les efforts que vous déployez. Les Canadiens apprécient ce programme de subvention salariale d’urgence du Canada, ainsi que votre volonté de procéder à des ajustements au fur et à mesure. Je pense qu’il est vraiment important de le reconnaître.

J’ai trois questions. Ma première question est la suivante : pourriez-vous nous dire quelle a été la réaction à cette subvention salariale initiale de 10 %? Quel est le statut de cette subvention?

Ma deuxième question est la suivante : pouvez-vous nous parler des mesures supplémentaires que vous envisagez actuellement pour compléter le projet de loi C-14 en ce qui concerne le secteur des jeunes entreprises technologiques qui ont eu des problèmes avec les différents programmes? Y a-t-il d’autres mesures que vous envisagez pour le secteur caritatif?

Ma troisième question est la suivante : étant donné que vous êtes extrêmement préoccupés par la crise immédiate qui nous attend, quelle planification pourrait être en cours pour la période qui suivra le pic de la pandémie afin de dynamiser notre économie et de prendre davantage soin des Canadiens touchés par cette crise?

M. Morneau : Merci.

Pour ce qui est de la première question, je ne sais pas combien d’entreprises ont eu recours au programme de subvention salariale de 10 %. Il est probablement trop tôt pour connaître les chiffres. Je m’attends à ce que le programme soit très populaire, car presque toutes les entreprises comptant au plus 18 employés peuvent obtenir 1 375 $; une subvention salariale de 10 %. Si vous connaissez quelqu’un qui n’a pas recours à ce programme, vous devriez lui suggérer de s’en prévaloir. Je m’attends à ce qu’il soit largement utilisé et à ce qu’il soutienne tout le monde.

(1810)

Pour ce qui est des jeunes entreprises de haute technologie, nous avons apporté des changements au programme de subvention salariale qui sont importants pour ce secteur. On s’est demandé sérieusement si le programme devrait être destiné aux toutes nouvelles entreprises ou aux entreprises en croissance très rapide. Dans notre approche initiale relativement à la subvention salariale, on a pensé à comparer les revenus du mois d’avril de cette année à ceux d’avril de l’an dernier. Par exemple, une jeune entreprise de haute technologie qui a touché des revenus de 100 000 $ en avril dernier et dont le rythme annuel des revenus est de 500 000 $ ne pourra pas démontrer qu’elle est en voie de perdre des revenus. C’est pourquoi nous avons choisi un critère secondaire, soit les revenus en mars par rapport aux revenus en janvier ou en février, par exemple.

C’était très important pour ce secteur. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’autres problèmes, mais celui-ci en était un de taille. De même, comme on l’a déjà dit, nous avons pris certaines mesures pour les organismes du secteur caritatif qui leur permettront d’examiner leurs revenus de différentes façons afin d’améliorer leur situation.

Enfin, pour ce qui est des prochaines étapes, nous traversons une période très difficile. Il y aura d’autres problèmes et nous continuerons quotidiennement à traiter ceux-ci selon leur ordre de priorité. Je dispose d’une équipe interne qui travaille sur les prochaines étapes au fur et à mesure que nous progressons et qui réfléchit à la manière dont il sera possible de faire cela. Celle-ci fait également appel à certaines ressources externes. J’imagine que nous nous pencherons sur ce point une fois que nous aurons franchi la période particulièrement intense que nous traversons actuellement.

La sénatrice Coyle : J’aimerais approfondir la question des entreprises technologiques en démarrage. Certaines d’entre elles sont si nouvelles et évoluent si rapidement qu’elles ne génèrent pas encore de revenus; ces entreprises se trouvent donc dans une situation très précaire. Y a-t-il des mesures, autres que celles dont nous avons parlé, pour les aider à traverser la présente crise?

Ma seconde question est la suivante : en dehors de cette mesure et de la Prestation canadienne d’urgence, y a-t-il autre chose en préparation pour le secteur caritatif?

M. Morneau : Soyons clairs, nous essayons de nous concentrer sur les organismes touchés par la COVID-19. En ce qui concerne les entreprises qui ne génèrent pas encore de revenus, elles sont largement financées par du capital de risque et d’autres sources de financement. Si elles ont déjà affecté leur financement, cela ne signifie pas nécessairement que ces fonds ont disparu. Il faut que l’entreprise puisse démontrer qu’il y a réellement eu perte de revenus. Tout le monde a des problèmes et notre travail consiste à déterminer quels problèmes sont les plus urgents et les plus importants. Nous continuerons d’avoir diverses choses à annoncer en ce qui concerne les prochaines étapes dans de nombreux secteurs.

La présidente : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Ngo : J’ai deux questions. La première, de la part du sénateur Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador et, la deuxième, de la sénatrice Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Monsieur le ministre, nos aînés sont touchés le plus sévèrement par la pandémie de la COVID-19. Je m’inquiète des répercussions financières de la COVID-19 chez les aînés dans ma province, Terre-Neuve-et-Labrador, et ailleurs au pays. Nos aînés sont isolés. Ils sont plus dépendants des autres pour se procurer des articles essentiels, et ils ont besoin d’une aide financière additionnelle tout au long de la pandémie.

Les aînés ont besoin de médicaments plus que toute autre tranche de la population. Les pharmacies limitent les achats par visite. Cela augmente les coûts liés aux honoraires des pharmaciens et autres frais que de nombreux aînés ne peuvent pas payer.

Ma question va comme suit : comment le gouvernement réglera-t-il ce gros problème alors que de nombreux aînés sont au seuil de la pauvreté et que, pour eux, une augmentation des dépenses pour un article signifie qu’il y aura moins d’argent pour d’autres articles essentiels?

M. Morneau : D’abord, nous sommes conscients que les aînés sont, à bien des égards, les plus touchés par cette crise parce qu’ils s’inquiètent beaucoup pour leur santé. Par conséquent, soutenir le système de santé est crucial pour donner confiance aux aînés.

De toute évidence, nous ne voulons pas que les aînés aient à retirer de l’argent de leur régime d’épargne-retraite au même rythme, c’est pourquoi nous avons réduit de 25 % le montant qu’ils doivent retirer de leur fonds enregistré de revenu de retraite. Cette mesure n’aura aucune incidence sur un grand nombre des aînés les plus pauvres dont vous parlez.

La bonne nouvelle, c’est que les aînés les plus pauvres de ce segment de la population ont toujours des sources de revenus, soit la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti. Ainsi, contrairement à d’autres Canadiens, leurs revenus n’ont pas diminué. L’une des mesures que nous avons mises en place, à savoir le crédit pour la TPS accordé aux personnes à faible revenu, a des répercussions sur plus de 80 % des aînés vivant seuls et sur plus de 40 % des aînés vivant en couple. Toutes ces personnes ont vu leurs revenus augmenter considérablement, même si leurs sources de revenus n’ont pas diminué. Nous devrons continuer à examiner ce dossier, mais nous croyons avoir pris certaines décisions qui auront une incidence positive sur les aînés.

Le sénateur Ngo : Je vous remercie. La deuxième question est celle de la sénatrice Yonah Martin de la Colombie-Britannique, et elle est en lien avec la question de la sénatrice Coyle au sujet des entreprises en démarrage qui ont obtenu leur permis d’exploitation cette année et qui n’ont pas enregistré de recettes en 2019-2020. Les propriétaires doivent utiliser leurs épargnes personnelles pour bâtir et démarrer leur entreprise en se disant que celle-ci va générer des revenus dans l’année. Le gouvernement a forcé les entreprises non essentielles à fermer, mais celles qui étaient en démarrage ne satisfont pas aux exigences du nouveau programme que vous avez annoncé.

Quand allez-vous introduire des mesures d’aide destinées aux entreprises en démarrage ou revoir les programmes existants afin qu’ils tiennent compte de ces entreprises et de ces familles qui peinent à survivre pour des raisons indépendantes de leur volonté?

M. Morneau : Tout d’abord, il est important de souligner que ces entreprises ont accès à un certain nombre de mesures d’aide. Vous parlez de la Subvention salariale d’urgence du Canada, mais, comme tout le monde, les employés de ces entreprises sont aussi admissibles à la Prestation canadienne d’urgence. Deuxièmement, les entreprises qui rémunèrent des employés seront également admissibles au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, c’est-à-dire à un prêt sans intérêt de 40 000 $. Elles ont donc accès à d’autres mesures d’aide si elles ne sont pas admissibles à la Subvention salariale d’urgence du Canada en raison des critères liés au revenu.

Bien évidemment, nous continuerons à étudier la situation de différents groupes. Nous avons essayé d’élaborer des mesures qui aideront le plus grand nombre possible d’entreprises canadiennes. Nous sommes conscients que certaines organisations ont des difficultés particulières, sur lesquels nous allons nous pencher. Nous en tiendrons compte et nous tiendrons aussi compte des mesures d’aide dont elles peuvent bénéficier lorsque nous aurons à prendre des décisions.

Le sénateur Ngo : Quand pensez-vous mettre en place les mesures d’allégement fiscal pour les entreprises en démarrage?

M. Morneau : Je n’ai pas dit que je mettais en place de telles mesures. Beaucoup de gens ont des préoccupations un peu partout au pays, et je les comprends très bien. Nous essayons d’aider les gens de manière judicieuse, donc nous devons nous montrer équitables et prévoir des mesures d’aide appropriée.

[Français]

La sénatrice Saint-Germain : Avant de poser ma question, monsieur le ministre, je tiens à reconnaître la complexité de la gestion d’une telle crise, tant au chapitre de la santé qu’à celui de l’économie. J’aimerais saluer les efforts du gouvernement, des entreprises et, bien évidemment, des travailleurs.

Je commencerai en citant l’économiste québécois Pierre Fortin qui a dit ceci : « Il n’y a pas de conflit entre sauver des vies et sauver l’économie. » C’est le choix nécessaire et temporaire que fait le gouvernement dans le cadre de cette première phase qui, comme l’indique le titre du projet de loi, est en réponse à la COVID-19. Les mesures comptent des investissements en faveur de la santé et, parallèlement, une compensation pour répondre aux impacts économiques liés au fait que l’économie est réellement en suspens.

Ma question porte plus directement sur la prochaine phase qui aura lieu lorsque les mesures temporaires seront levées, lors du retour progressif de l’économie et du retour à l’emploi, une fois que la reprise sera possible sans provoquer une deuxième vague d’épidémie. On parle encore une fois de cohabitation, dans la stratégie de reprise, du respect des mesures en matière de santé et du soutien à l’économie.

Dans cette phase de retour progressif, j’aimerais savoir quel scénario vous envisagez et quels sont vos principaux critères pour décider de l’action du gouvernement en soutien à cette reprise économique. De plus, dans ces scénarios, quelle est votre évaluation de l’impact qu’aura également le retour progressif de la reprise des exportations vers les États-Unis? On sait que les États-Unis vivent une crise très importante à l’heure actuelle. Leur rythme de reprise sera différent du nôtre. Comment, dans ce scénario, puisque nos économies sont tellement intégrées, envisagez-vous des mesures progressives liées aux difficultés ou aux impacts sur nos exportations aux États-Unis?

(1820)

M. Morneau : C’est une bonne question. Cependant, je ne connais pas l’avenir. Il est difficile pour le moment de prédire ce que nous allons faire.

Comme je l’ai dit, il y a maintenant une équipe au sein de mon ministère qui évalue les prochaines étapes. Ces gens travaillent avec des experts. Il est évident que nous n’avons pas encore assez d’information pour savoir ce qui se passera à la prochaine phase. C’est clair.

Il est important pour moi d’être ici avec vous aujourd’hui. Bien sûr, j’aurai probablement d’autres occasions dans les prochaines semaines de comparaître à nouveau devant vous et je pourrai alors vous fournir davantage d’information. Je sais certaines choses aujourd’hui, mais j’aurai plus d’information pour les prochaines étapes lorsque nous serons passés à une autre phase et que nous pourrons faire des prévisions.

Les autres pays du monde sont dans la même situation que nous en ce moment. Je parle avec mes homologues du G7 et du G20, et nous sommes tous dans la même situation. Notre situation est très dynamique. Nous devons faire des investissements pour protéger notre économie et protéger notre main-d’œuvre et, bien sûr, nos entreprises. Ainsi, nous pouvons envisager une deuxième phase où il sera possible d’être dans une meilleure situation. Il faut agir ainsi. Lorsque nous aurons suffisamment d’information, nous prendrons des décisions. Si nous pouvons obtenir davantage de renseignements de la part d’autres pays qui sont dans une meilleure posture que nous, nous pourrons étudier leur façon de faire pour planifier nos prochaines étapes.

La sénatrice Saint-Germain : J’ai une question complémentaire.

La présidente : Je suis désolée, sénatrice, votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Bonjour, monsieur le ministre. Ma question fait suite à celle du sénateur Plett. Je la pose au nom de nos collègues du Nord, en particulier des sénateurs du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut.

La question est du même genre que tant d’autres. Quelles exceptions êtes-vous prêts à faire en ce qui concerne les programmes actuels? Il y a tellement de cas particuliers. Dans ce cas-ci, le cas particulier est celui des sociétés d’exploration et des sociétés minières du Nord. Vous savez qu’elles sont très importantes pour l’économie de la région, car elles sont une source de revenus et d’activité économique, en particulier pour les Autochtones.

Au nom du secteur de l’exploration, nos collègues représentant le Nord du pays vous demandent si vous pourriez envisager de modifier la période d’admissibilité. Plus précisément, ils voudraient qu’on tienne compte de l’année complète pour 2019 plutôt que de seulement trois mois ou d’une année sur l’autre, et peut-être utiliser une période de comparaison différente, comme les recettes prévues en 2020. Je cherche en fait à savoir si vous seriez prêt à envisager une période de référence différente pour le calcul de la perte de revenus de 30 %.

M. Morneau : Comme vous nous avez sans doute entendus reconnaître au cours de la crise et du dernier mois, nous ne nous attendons pas à la perfection à tous les égards. Avant d’entrer dans cette enceinte, Andrew et moi avons parlé du fait que nous avions pratiquement accompli cinq ans de politiques en cinq semaines. Dans les circonstances, le mieux est l’ennemi du bien.

Les mesures que nous avons mises sur pied sont celles qui sont les plus susceptibles d’avoir une incidence positive importante. Nous acceptons le fait qu’il faudra reconsidérer et peut-être corriger ou modifier certaines d’entre elles.

Je ne sais pas si ce que vous suggérez pour le secteur minier est une bonne idée. Il y a de nombreux points auxquels il faut réfléchir. J’ignore si les revenus du secteur minier ont été particulièrement touchés, au point où on voudrait présenter une chose particulièrement profitable pour l’industrie. Il nous faudrait étudier la question, mais rien n’est écarté d’emblée. Nous évaluerions une telle demande avec la même diligence que toute autre demande afin d’en déterminer le bien-fondé. Il faut reconnaître que nous ne pouvons pas faire une exception pour chaque industrie et situation au pays, peu importe leur ampleur. Nous devons nous attarder à celles dont l’incidence est vaste et très importante. Autrement, nous n’arriverons pas aux résultats souhaités.

Le sénateur Woo : Je vous remercie, monsieur le ministre. Je vous invite à examiner la lettre que mes collègues ont adressée à vos collaborateurs en tenant compte des circonstances particulières qui semblent affecter les entreprises du secteur de l’exploration.

Ma deuxième question porte sur la garantie offerte par le gouvernement sur les prêts aux petites entreprises administrés par les banques et sans intérêt, et les 25 % du prêt qui pourront être exonérés à la fin de la période si l’entreprise n’arrive pas à le rembourser. C’est une offre extrêmement généreuse, mais ne craignez-vous pas que les petites entreprises utilisent ces prêts pour rembourser aux banques commerciales les sommes qu’elles leur ont empruntées à des taux d’intérêt élevés et qu’en fin de compte, ces prêts garantis par le gouvernement constituent plutôt une subvention pour les grandes banques? N’est-ce pas une raison de pousser un peu plus les banques à participer aux efforts pour aider les petites entreprises canadiennes?

M. Morneau : Ce qu’il faut savoir, c’est que nous menons des négociations très serrées avec les grandes banques depuis quelques semaines. Je crois comprendre que votre question et d’autres questions que j’ai entendues ici aujourd’hui se fondent sur la prémisse voulant que nous n’ayons exercé aucune pression sur les banques. Or, cette prémisse est fausse. Nous avons travaillé fort pour pousser les banques à prendre la bonne décision.

En ce qui concerne les banques, la plus considérable et la plus importante des mesures que nous avons prises a été d’injecter énormément de liquidités dans le système, à hauteur de plus de 500 milliards de dollars, et il faut maintenant que les banques utilisent ces liquidités pour offrir du crédit sur le marché. Il s’agissait de négocier des garanties suffisamment importantes pour les encourager à consentir des prêts, mais pas au point où les banques ne seraient pas parties prenantes. Ces négociations ont été importantes et déterminantes, et elles auront des répercussions considérables sur l’ensemble du secteur des affaires. En fait, l’injection de plus de 500 milliards de dollars de liquidités est la principale mesure qui peut avoir une incidence sur l’économie canadienne, mais nous avons également pris d’autres mesures pour encourager les banques à apporter leur contribution.

Je ne laisse nullement entendre que nous n’avons pas davantage de travail à faire. Votre prémisse est juste : le prêt de 40 000 $ destiné aux petites entreprises est utile pour les banques. Cependant, il est aussi utile pour les petites entreprises, ce qui constitue notre véritable objectif. Nous savons que cela accroît les capacités financières des banques dans d’autres secteurs, ce que nous voulons. Nous devons maintenant nous assurer que les banques utilisent ces capacités pour débloquer des prêts. Nous travaillons là-dessus, tout comme elles.

Nous n’avons pas fini. Nous continuerons à collaborer avec les banques pour veiller à ce qu’elles aillent de l’avant et qu’elles assument les responsabilités qui leur incombent.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, l’urgence de venir en aide financièrement à nos citoyens et aux entreprises qui les embauchent fait en sorte que je n’ai pas l’intention de contester le projet de loi C-14. Toutefois, étant donné que c’est la seconde fois que vous comparaissez devant nous pour parler de mesures économiques, qui sont des ajouts nécessaires, soit dit en passant, mais qui sont aussi des corrections aux manquements du précédent projet de loi, cela m’amène à soulever une question qui fait suite à la question du sénateur Carignan en ce qui a trait au milieu culturel.

Êtes-vous sûr que les nombreux conseillers et fonctionnaires qui vous entourent ont une vision politique et économique adéquate de la situation? Certains changements mis en place par le gouvernement m’apparaissent comme étant soit des pas en arrière, soit des modifications à des oublis flagrants qui ont été soulevés sur la place publique par des analystes et des commentateurs.

M. Morneau : Ce qui est important lorsqu’on fait de la politique, c’est de s’assurer d’avoir fait les analyses nécessaires pour obtenir les bonnes mesures. Ça prend du temps. C’est comme ça.

(1830)

Nous avons essayé de rédiger nos politiques aussitôt que possible. Il est clair que c’est difficile. Nous utilisons les exemples d’autres pays et d’autres crises. Cette situation est différente; elle est dynamique. Nous devons donc examiner notre approche et y apporter des améliorations. Nous allons poursuivre notre travail avec cette approche. Nous savons qu’il n’est pas possible d’avoir quelque chose de parfait et qu’il est nécessaire de prévoir une approche qui continue d’incorporer les changements nécessaires dans le cadre d’une situation qui va sûrement évoluer au cours des prochaines semaines. Je crois que nous avons trouvé la bonne approche.

Le sénateur Dagenais : Je ne sais pas si vous allez apprécier ma deuxième question, monsieur le ministre. Depuis l’arrivée au pouvoir de votre gouvernement, il y a eu plusieurs déficits. Malgré tout l’argent dont disposait votre gouvernement, je crois que vous n’avez pas toujours accordé les sommes nécessaires à l’achat des équipements essentiels pour faire face à une telle pandémie. Plusieurs rapports indiquent que le gouvernement — et peut-être les gouvernements précédents — était au courant depuis 14 ans que des sommes auraient dû être versées à l’achat d’équipements. Face à cette pandémie, ne pensez-vous pas que les Canadiens méritent des excuses aujourd’hui?

M. Morneau : Nous pensons qu’aujourd’hui il est crucial de faire des investissements très importants dans notre économie afin qu’elle fonctionne à l’avenir. C’est une période difficile où nous devons prendre des décisions sans précédent. Il est certain que nous aurons des défis par la suite, mais grâce à une économie fonctionnelle et à la main-d’œuvre, nous aurons une meilleure situation à l’avenir en raison des actions que nous aurons menées.

Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre.

La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 125 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat plus tôt aujourd’hui, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier le fonctionnaire de votre ministère.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.


[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

[Français]

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette (Son Honneur la Présidente intérimaire suppléante) : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, signale qu’il a entendu lesdits témoins.

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Deuxième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

(1840)

[Traduction]

Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Gold : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour proposer la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Je vous remercie tous d’être ici aujourd’hui ainsi et je tiens également à remercier notre personnel dévoué qui veille toujours à ce que nous puissions bien faire notre travail.

Je voudrais aussi prendre une minute pour remercier les fonctionnaires du ministère qui ont travaillé sans relâche pour mettre au point le projet de loi C-14 et, avant cela, le projet de loi C-13 : Andrew Marsland, Miodrag Jovanovic, Maude Lavoie, Brian Ernewein, Ted Cook et Trevor McGowan. Ils méritent toute notre gratitude pour les efforts herculéens qu’ils ont déployés.

[Français]

Nous faisons face à une crise sans précédent, et les Canadiens comptent sur nous, leurs législateurs, pour travailler pour eux. Chers collègues, notre adoption rapide et décisive du projet de loi C-14 aidera les entreprises et les travailleurs à traverser la tempête à laquelle tant de gens font face. De plus, cela enverra un signal positif de réconfort à des millions de Canadiens qui doivent combattre cette crise. Le plan d’intervention économique du Canada à la COVID-19 consiste en un ensemble complet de mesures visant à fournir un soutien aux Canadiens : 107 milliards de dollars en soutien direct, 85 milliards de dollars en soutien aux liquidités grâce à des reports d’impôts, de TPS, de TVH et de droits de douane, et plus de 570 milliards de dollars supplémentaires en soutien au crédit et aux liquidités.

[Traduction]

Le projet de loi C-14 prévoit des mesures essentielles pour appuyer les travailleurs et les entreprises du Canada. La Subvention salariale d’urgence du Canada aidera les entreprises les plus touchées par la pandémie de COVID-19 et contribuera à protéger les emplois dont dépendent les Canadiens. La subvention vise à empêcher la perte d’autres emplois et à encourager les employeurs à réembaucher les travailleurs qui ont été mis à pied à cause de la COVID-19. Elle vise à permettre aux employeurs de reprendre leurs activités normales plus facilement après la crise.

Vu l’évolution de la situation, et grâce à la participation et à la coopération de tous les législateurs, le gouvernement a pris la décision d’accorder une subvention bonifiée aux personnes les plus touchées par la crise. Au titre du projet de loi C-14, la subvention correspond à 75 % de la première tranche de 58 700 $ normalement touchée par un employé. Il s’agit d’une prestation pouvant atteindre 847 $ par semaine par employé. Le programme sera en vigueur du 15 mars au 6 juin 2020. Chers collègues, le programme fournira une aide à la rémunération estimée à 73 milliards de dollars.

La subvention salariale sera offerte aux employeurs de toutes tailles et de tous les secteurs de l’économie, à l’exception des entités du secteur public. Boulangeries, cinémas, quincailleries, et j’en passe : si vous avez été durement touché par la COVID-19, vous pourriez être admissible.

Pour être admissible, un employeur devrait attester d’une baisse de ses revenus bruts d’au moins 15 % en mars de cette année et de 30 % en avril ou en mai. Pour déterminer la baisse de revenus, les entreprises peuvent choisir de comparer leurs revenus avec ceux du même mois de l’année 2019 ou prendre la moyenne des revenus de janvier et février 2020.

Le critère relatif à la baisse des revenus de 15 % pour le mois de mars tient compte du fait que les gouvernements provinciaux ont obligé beaucoup d’entreprises à cesser leurs activités entre la mi-mars et la fin mars.

Pour accroître la souplesse du programme, une fois qu’un employeur est jugé admissible pour une période donnée, il serait automatiquement admissible pour la période suivante du programme. Par exemple, un employeur dont la baisse des revenus était supérieure à 15 % en mars serait admissible pour les deux premières périodes du programme couvrant la rémunération versée entre le 15 mars et le 9 mai. De même, un employeur dont les revenus ont chuté de 30 % en avril serait admissible pour les deuxième et troisième périodes du programme couvrant la rémunération versée entre le 10 mai et le 6 juin.

[Français]

Les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés pourront également bénéficier de tous les assouplissements nécessaires aux fins de l’application du critère de la baisse des revenus. Ce secteur, qui est d’une importance primordiale en cette période de crise, fait face à différentes pressions en ce qui a trait au financement. Par conséquent, les organismes à but non lucratif et les organismes de bienfaisance pourront décider d’inclure les revenus gouvernementaux ou de les exclure lorsqu’ils établiront à combien s’élève la baisse de leurs revenus.

La Subvention salariale d’urgence du Canada est une mesure clé qui permettra de garantir que les emplois sont protégés en cette période incertaine, et que les travailleurs disposent de revenus fiables pour subvenir aux besoins de leurs familles. Cela permettra aux employeurs de réembaucher des travailleurs qu’ils ont dû mettre à pied, et de conserver ceux qui sont encore en poste.

[Traduction]

Pour que la subvention soit utilisée correctement, le gouvernement met en place des mesures sévères de lutte contre la fraude. Les entreprises devront désigner un agent pour vérifier l’exactitude de ce qu’elles réclament. S’il s’avère qu’un employeur a réduit artificieusement son revenu afin d’être admissible à la subvention, il se verra imposer une pénalité de 25 % sur la subvention reçue. De plus, les employeurs qui font des déclarations fausses ou trompeuses seront passibles d’une peine d’emprisonnement de cinq ans.

Le programme existe pour aider les employeurs qui sont les plus durement touchés. Il existe pour les grandes et les petites entreprises, les organismes sans but lucratif et les organismes de bienfaisance enregistrés, pour qu’ils puissent garder leurs employés ou les réembaucher pour reprendre rapidement leurs activités une fois cette crise passée. Par exemple, une petite entreprise familiale ayant 25 employés qui a été obligée de fermer à la mi-mars serait admissible à la subvention. Si le salaire moyen des employés était de 4 250 $ par mois, l’entreprise serait admissible à une subvention salariale de 79 688 $ par mois, pour une subvention totale de 239 063 $ sur les trois prochains mois. Cela représente 75 % des salaires mensuels et permettra à l’entreprise de garder ses 25 employés pendant la crise. De plus, l’entreprise disposera d’un délai supplémentaire pour le paiement de l’impôt sur le revenu — jusqu’au 31 août 2020 —, ce qui lui donnera la souplesse financière nécessaire pour répondre à ses besoins immédiats. Les versements de TPS/TVH et les paiements de droits de douane peuvent aussi être reportés jusqu’au 30 juin.

Le gouvernement s’efforce constamment de recueillir les commentaires et les avis des intervenants, des représentants élus, des sénateurs et des gouvernements provinciaux et territoriaux en ce qui a trait à l’ensemble des mesures qui sont mises en œuvre. Il s’agit notamment de cerner les lacunes, puisqu’il y en aura certainement, étant donné la rapidité avec laquelle il a fallu concevoir un programme d’une telle ampleur. Par exemple, nous tiendrons compte des réalités propres aux collectivités rurales et nordiques du pays. Le gouvernement s’engage également à soutenir les activités précommerciales des entreprises et à aider les entreprises qui devraient subir une baisse de revenus dans les mois à venir. Il faudra peut-être leur offrir des mesures différentes si l’ensemble des autres mesures actuellement offertes ne sont pas suffisantes. Quoi qu’il en soit, honorables sénateurs, il est encore trop tôt pour proposer d’autres solutions. Les mesures proposées dans le projet de loi C-14 à l’égard des revenus sont conçues en fonction des baisses de liquidités actuelles. Cependant, le gouvernement continuera de tenir compte de la rétroaction, et il s’engage à soutenir les divers secteurs et les différentes entreprises selon leurs besoins.

Honorables sénateurs, les mesures d’aide mises en place lors de l’adoption du projet de loi C-13, qui visait à créer la Loi sur les mesures d’urgence visant la COVID-19, sont considérées comme des mesures d’urgence. Ainsi, avec l’adoption du projet de loi C-14, ces mesures prendront fin le 30 septembre.

Honorables collègues, tous les ordres de gouvernement, qu’il s’agisse des administrations municipales ou des gouvernements provinciaux et fédéraux, ont dit sans équivoque qu’ils prendront toutes les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité des Canadiens, stabiliser l’économie et atténuer les répercussions économiques de cette pandémie. Tous les législateurs doivent composer avec les effets de la pandémie en adoptant les bons outils, dans le bon ordre et au bon moment.

(1850)

Je demande à tous les honorables sénateurs d’appuyer le projet de loi C-14 afin que nous puissions aider les Canadiens en cette période critique et permettre au pays de se remettre sur pied quand le moment viendra. Je vous remercie de votre très bienveillante attention.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Chers collègues, j’aimerais commencer, une fois de plus, en disant que nos pensées et nos prières accompagnent tous les Canadiens touchés par la COVID-19, et en particulier ceux qui ont perdu des membres de leur famille ou des amis à cause de ce virus. Le décès d’un être cher est toujours difficile, mais en ce moment, ce l’est encore plus en raison des restrictions liées à la quarantaine qui prive de moments précieux les familles souhaitant accompagner leurs proches qui en sont à leurs derniers jours.

Je voudrais aussi remercier chaleureusement tous ceux qui sont aux premières lignes de la lutte contre cette pandémie, des travailleurs de la santé en passant par les camionneurs jusqu’aux employés dans les supermarchés. Nous vous remercions tous pour le travail que vous accomplissez.

Sur une note plus personnelle, chers collègues, j’aimerais vous souhaiter à tous ainsi qu’à ceux qui nous regardent de joyeuses Pâques.

Aujourd’hui, nous célébrons la journée entre la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ce fut une journée d’incertitude, d’appréhension et de peur pour les disciples du Christ, qui ne savaient que le lendemain serait la journée de la résurrection, qui changerait tout.

Je sais que cette année, Pâques sera très différent pour nous tous, mais je prie pour que nous trouvions tous un peu de joie et que nous espérions en l’avenir.

Chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est le projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19. Ce projet de loi met en œuvre la Subvention salariale d’urgence du Canada, et c’est la loi no 2 parce que la première était inadéquate tout simplement.

La dernière fois que nous nous sommes réunis dans cette enceinte, il y a deux semaines à peine, vous vous souviendrez que j’ai demandé au ministre des Finances pourquoi il avait opté pour une subvention salariale de seulement 10 %, alors que le Royaume-Uni et le Danemark avaient instauré une subvention à hauteur de 80 % et de 75 % respectivement.

La réponse du ministre m’a abasourdi. Il a affirmé qu’il devait rectifier mes propos parce qu’en fait, le programme du gouvernement était semblable à celui du Royaume-Uni et meilleur que celui du Danemark. La période des questions s’est poursuivie, mais j’essaie toujours de comprendre comment une subvention salariale de 10 % peut être meilleure qu’une subvention de 75 %.

À peine deux jours plus tard, le gouvernement a soudainement fait volte-face et a annoncé qu’il allait finalement accorder une subvention salariale de 75 %. Moins de 48 heures plus tôt, le ministre des Finances s’était indigné que je lui demande si cette subvention était suffisante et avait agi comme si c’était la meilleure initiative au monde. Maintenant, le gouvernement s’empresse d’ajouter 71 milliards de dollars supplémentaires aux fonds pour répondre aux lacunes bien précises que nous avions soulevées, même s’il avait affirmé ne pas en avoir besoin.

Honorables sénateurs, il y a quelque chose qui cloche avec ce scénario, et je n’éprouve aucun plaisir à le souligner. C’est comme si des pompiers s’étaient précipités sur les lieux d’un incendie pour finalement se rendre compte qu’il n’y a pas assez d’eau dans leur citerne.

Le fait que nous soyons obligés de le souligner m’a beaucoup inquiété, et je suis toujours aussi inquiet aujourd’hui. Le manque de discernement, la piètre planification, les mauvaises décisions et la lenteur à réagir sont devenus la règle pour le gouvernement, et non l’exception.

Le premier ministre nous assure encore et encore que le gouvernement a la situation bien en main, qu’il suit les choses de très près et qu’il s’appuie sur les meilleurs avis médicaux et scientifiques. Or, nous découvrons ensuite qu’il en fait trop peu et qu’il a agi trop tard.

Prenons par exemple la réaction du gouvernement lorsque la Chine a finalement confirmé la flambée de coronavirus à Wuhan. Alors que d’autres pays se sont empressés de contrôler les passagers des lignes aériennes et d’interdire l’entrée de voyageurs en provenance de la Chine, le premier ministre a prétendu que nous devions continuer comme si de rien n’était. Il suffisait de se laver les mains.

Deux jours plus tard, alors que Taïwan commençait déjà à mettre en quarantaine les voyageurs en provenance de la Chine, la grande responsable de la santé au fédéral a publié le message suivant sur Twitter : les Canadiens qui se rendaient à Wuhan devraient consulter un professionnel de la santé s’ils ne se sentaient pas bien à leur retour. Pas un mot sur un contrôle, un dépistage ou une quarantaine. Pour les voyageurs symptomatiques de retour au pays, on a simplement recommandé d’envisager de s’isoler pendant 14 jours.

Seulement trois jours plus tard, le 25 janvier, le Canada a annoncé son premier cas de COVID-19. Sans surprise, c’était une personne qui avait récemment voyagé à Wuhan, en Chine.

La ministre libérale de la Santé, Patricia Hajdu, a assuré aux Canadiens que le gouvernement prenait des mesures. Ils ont dû — croyez-le ou non — afficher des messages sur les tableaux des arrivées dans les aéroports et ajouter des questions de dépistage sanitaire supplémentaires aux kiosques électroniques destinés aux voyageurs internationaux.

Nous étions censés croire que ces efforts reflétaient les meilleurs conseils médicaux et scientifiques disponibles pour protéger les Canadiens.

Inutile de dire, chers collègues, que cela n’a pas convaincu tout le monde. Seulement deux jours plus tard, un deuxième cas de COVID-19 a été déclaré au Canada.

Le député conservateur Matt Jeneroux a pris la parole à la Chambre et a demandé :

[...] comment les Canadiens peuvent-ils être assurés [que le gouvernement] prend les mesures appropriées pour empêcher le virus de se propager?

La ministre Hajdu a répondu :

[...] le risque pour les Canadiens demeure faible. Nos services continuent de travailler en étroite collaboration [...]

Ce n’était certainement pas une réponse rassurante.

Le député conservateur Todd Doherty a relancé la ministre :

Quand le gouvernement va-t-il mettre en place un plan réel incluant un processus de dépistage plus poussé?

La ministre Hajdu a donné une réponse typiquement évasive :

Nous avons pris de nombreuses mesures pour informer les voyageurs en provenance des régions touchées sur ce qu’ils doivent faire s’ils soupçonnent qu’ils ont la maladie. Nous avons donné une formation aux agents de l’Agence des services frontaliers du Canada pour qu’ils soient en mesure d’aider les personnes qui pourraient être malades.

C’était comme si le gouvernement ne se rendait pas compte que le virus constituait un véritable danger pour les Canadiens, même si d’autres pays étaient déjà confrontés à une phase avancée d’infection et avaient fermé leurs frontières et imposé la quarantaine.

Pendant un mois et demi, le gouvernement libéral a continué à dire qu’il n’était pas nécessaire de soumettre les voyageurs à un contrôle, notamment à des tests à l’arrivée, de limiter les déplacements et de fermer les frontières. On nous a affirmé que l’isolement volontaire suffisait. Et encore, on disait qu’il n’était nécessaire que dans le cas des personnes présentant des symptômes.

Le gouvernement a manqué de vigilance alors que des voyageurs porteurs du virus traversaient la frontière à pied, en voiture et en avion.

Pas plus tard que le 13 mars, le premier ministre justifiait encore son inaction en déclarant :

Rappelons-nous qu’il y a quelques semaines, nous nous sommes interrogés pour savoir si nous devrions entièrement fermer nos frontières à la Chine comme l’ont fait les États-Unis. Nous n’avons pas retenu cette approche. Nous avons géré la situation de façon à assurer un contrôle et la non-propagation du virus, ce qui nous porte à croire que les autorités nationales de la santé publique nous donnent les bonnes recommandations pour le Canada.

Le premier ministre nous donnait ni plus ni moins une petite tape virtuelle sur l’épaule alors qu’il se vantait de l’approche de son gouvernement.

Or, à peine trois jours plus tard, il a abruptement changé son fusil d’épaule, annonçant que le Canada fermait ses frontières et limitait les vols internationaux. C’était comme s’il venait de se réveiller. Mais il n’était pas encore pleinement réveillé puisque le gouvernement n’avait pas encore imposé de contrôle en bonne et due forme ni de quarantaine obligatoire aux voyageurs en provenance de l’étranger.

Chers collègues, je pourrais continuer encore longtemps. Ce gouvernement a, à maintes reprises et de manière tragique, mal géré cette crise en faisant trop peu, trop tard. Trop peu parce qu’il ne voulait offenser personne en fermant les frontières. Trop tard parce qu’au moment où il a pris des mesures, nous étions déjà aux prises avec une pandémie et la transmission communautaire. Trop peu parce qu’il a envoyé notre matériel de protection excédentaire en Chine, pour se rendre compte trop tard que nous aurions nous-mêmes besoin de ce matériel. Trop peu parce qu’il a insisté sur le fait que les tests n’étaient pas nécessaires pour les voyageurs internationaux qui entraient au Canada. Trop tard parce que même si les passagers symptomatiques ne sont plus autorisés à prendre un avion à destination du Canada, ils ne font toujours pas l’objet de tests à leur arrivée.

(1900)

Honorables collègues, je crois que par ses constantes maladresses dans la gestion de cette crise de santé le gouvernement nous a menés directement vers une crise économique. Imaginez si au lieu de nous traiter tous comme des enfants pendant deux mois et de refuser de nous écouter, le premier ministre avait pris des mesures concrètes. Imaginez si, il y a un mois à peine, nous avions été convoqués ici en vue d’adopter un projet de loi visant à injecter 71 milliards de dollars dans notre système de santé pour protéger les travailleurs de la santé de première ligne, augmenter le nombre d’unités de soins intensifs, équiper adéquatement les foyers pour personnes âgées, accroître le nombre de tests de dépistage exhaustifs menés partout au pays, ériger des hôpitaux temporaires, et assurer un approvisionnement amplement suffisant de masques faciaux, de respirateurs et d’autres fournitures essentielles.

Imaginez comment cela aurait amélioré les choses, mais cela ne s’est jamais produit. Au lieu de cela, nous tentons tant bien que mal d’aider les Canadiens à conserver leur emploi, à payer leur loyer et à payer l’épicerie, alors qu’on nous demande d’accepter le fait qu’entre 11 000 et 22 000 Canadiens pourraient mourir.

Je me rends compte que même si le gouvernement avait agi rapidement, préventivement et courageusement, il y aurait quand même eu des répercussions économiques. Toutefois, en en faisant constamment trop peu et en agissant constamment trop tard pour protéger la santé des Canadiens, en minimisant les risques et en gaspillant du temps précieux, il a accru spectaculairement les répercussions économiques.

Voilà qu’il remet ça en attendant encore à la dernière minute pour annoncer quelques demi-mesures destinées à protéger le bien-être financier des Canadiens. Je rappelle que le gouvernement a attendu jusqu’au 18 mars pour annoncer son Plan d’intervention économique pour répondre à la COVID-19. Il avait alors prévu de consacrer 27 milliards de dollars en mesures de soutien direct aux Canadiens et 55 milliards de plus pour garantir les besoins en liquidités. Aussi bien dire qu’il s’est armé d’un fusil à eau pour éteindre un véritable brasier. Le pire, c’est que tout le monde à part le gouvernement semblait l’avoir constaté. Selon un sondage réalisé par le Conseil canadien des innovateurs auprès de 651 PDG, 94 % d’entre eux croyaient qu’ils n’auraient pas droit à la subvention salariale parce que les critères étaient trop restrictifs, et ce, même après que le gouvernement a annoncé qu’il faisait marche arrière et qu’il faisait passer le taux de subvention salariale de 10 à 75 %.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a elle aussi sondé ses membres, et elle a constaté que la subvention salariale n’aiderait que le tiers d’entre eux.

Il y a de quoi se demander qui le gouvernement a consulté, finalement, avant de rédiger son projet de loi. Nous savons que le comité du Cabinet et les sous-ministres se sont rencontrés, mais qu’en est-il des entreprises que l’on cherchait à aider?

Dans une lettre adressée au ministre des Finances, les sénateurs Anderson, Duncan et Patterson ont souligné que le projet de loi en question exclut des industries et des secteurs de premier plan dans les territoires et dans l’ensemble des régions rurales et nordiques du Canada. Apparemment, le gouvernement n’a même pas pris la peine de communiquer avec eux, mais les sénateurs que je viens de mentionner l’ont fait. Ils ont rapidement découvert que les entreprises qui ne génèrent pas de revenus, notamment les sociétés d’exploration minière, les petites sociétés minières, les entreprises de construction et les jeunes pousses du secteur des technologies ne sont pas admissibles aux subventions. Voilà qui aura un effet de dominos ainsi que des répercussions négatives sur le secteur du tourisme réceptif, un secteur saisonnier, ainsi que sur les entreprises autochtones qui participent au dynamique secteur d’exploitation des ressources, car celles-ci seront toutes laissées pour compte. C’est alarmant.

Chaque jour, les travailleurs essentiels quittent la sécurité de leur foyer pour servir leur pays. Le premier ministre aurait peut-être dû faire la même chose et se rendre à son bureau pour consulter les Canadiens de manière appropriée au lieu de rester à Rideau Cottage bien longtemps après ses 14 jours d’isolement.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit la mise en œuvre de la Subvention salariale d’urgence du Canada. Cette initiative porte bien son nom parce qu’elle vient en aide aux familles et aux entreprises qui éprouvent des problèmes financiers urgents. Or, chers collègues, je tiens à vous dire que l’une des pires choses qui puissent arriver lorsqu’on tente de répondre à une urgence, c’est de prendre des mesures insuffisantes, mais que la pire de toutes, c’est de les prendre trop tard.

Voilà ce que ne cesse de faire le gouvernement, au beau milieu de la pire crise des 100 dernières années. Il n’en fait pas assez et il le fait trop tard. Le gouvernement ne fait que réagir, il ne voit pas venir les coups. L’approche fragmentaire qu’il a adoptée fait que des milliers de Canadiens passent entre les mailles du filet, qui ressemble plutôt à une passoire.

Le caucus conservateur permettra que le projet de loi à l’étude soit adopté rapidement aujourd’hui, chers collègues, parce que les Canadiens en ont urgemment besoin. Toutefois, ce dont les Canadiens ont vraiment besoin, c’est d’un meilleur leadership de la part du gouvernement. Pour le bien du pays, j’espère que le gouvernement le comprendra. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, lorsque j’ai pris la parole au sujet du premier projet de loi de réponse d’urgence à la COVID, le projet de loi C-13, il y a moins de deux semaines, je déplorais le fait que 25 Canadiens avaient été emportés par le nouveau coronavirus. Il y en a maintenant 700 et le nombre continue d’augmenter.

Dans la même période, le nombre d’entreprises qui ont suspendu leurs activités ou qui ont carrément fermé s’est multiplié et plus de 1 million de Canadiens se retrouvent désormais sans emploi. Ce sont 5,6 millions de demandes — un nombre ahurissant — qui ont été reçues pour la prestation d’urgence liée à la COVID-19 qui faisait partie du projet de loi adopté le 25 mars.

Si quelqu’un doutait encore de la nécessité d’élargir et de bonifier le plan d’intervention économique en réponse à la crise sanitaire actuelle, les événements des deux dernières semaines l’auront sûrement convaincu.

Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui : pour étudier un nouveau train de mesures élargies présentées en réponse à la COVID-19 au moyen du projet de loi C-14.

Je voudrais d’abord reconnaître le travail de nos collègues de l’autre endroit, qui ont tout fait pour en arriver à une entente au sujet du projet de loi dans un laps de temps relativement court. J’appuie le projet de loi et je suis impatient de le voir adopté plus tard aujourd’hui.

J’ai aussi hâte qu’on crée un mécanisme de surveillance relatif à la COVID-19 selon lequel deux comités sénatoriaux permanents pourront suivre les progrès d’Équipe Canada face à la crise actuelle et offrir des conseils constructifs concernant les mesures prises. De plus, j’appuie la création d’un comité spécial sur la COVID-19 à une date ultérieure dans le but d’étudier, avec du recul, les leçons à tirer de cette crise et la façon pour le Canada de mieux se préparer à une future pandémie ou à d’autres situations sanitaires d’urgence.

L’autre endroit s’est doté de son propre mécanisme de surveillance, alors il est important que nos comités ne refassent pas simplement ce que la Chambre des communes aura déjà fait. La pire chose que nous pourrions faire subir aux fonctionnaires de première ligne pendant la crise serait de jouer aux gérants d’estrade et de dédoubler les efforts de surveillance. C’est pourquoi le Sénat, en tant qu’institution moins partisane que la Chambre des communes, doit être à la hauteur de ce rôle pour lequel il est particulièrement bien outillé.

Je ne parle pas ici du proverbial « second examen objectif », puisque nous n’aurons probablement pas à nous pencher sur de nouvelles lois durant la pandémie. Je fais plutôt référence aux qualités d’une Chambre haute qui lui procurent une saine distance à l’égard des clivages politiques, un certain détachement par rapport au moment présent et, par conséquent, cela lui permet d’être plus orientée vers l’avenir. Même s’il est difficile pour quiconque de voir au-delà de la crise économique et sanitaire qui nous afflige à l’heure actuelle, c’est précisément le Sénat qui doit regarder en avant et réfléchir à « l’après-COVID-19 ».

Devant vous, chers collègues, je reconnais que penser à cet « après » pourrait comprendre d’innombrables aspects, et ce n’est pas le moment d’examiner chacun d’eux. J’aimerais toutefois soulever quelques points de réflexion :

Premièrement, nous devrions prendre en considération la répartition des répercussions de la crise sanitaire de la COVID-19 et la répartition des mesures d’aide financière qui ont été mises en place pour l’affronter. C’est un triste fait que lorsque l’économie traverse une crise majeure, les mesures mises en place pour remédier aux répercussions de cette crise — bien qu’admirables —, aident souvent davantage les personnes qui étaient mieux nanties avant la crise que les plus démunis au départ.

(1910)

Dans la mesure où l’inégalité des revenus et de la richesse était déjà un facteur de stress au sein de la société canadienne, nous devons veiller à ne pas aggraver ce stress par les choix que nous faisons en réponse à la crise actuelle.

Deuxièmement, nous devrions songer à ce que la crise de la COVID-19 nous révèle au sujet du contrat social du Canada et de ce que les Canadiens considèrent comme étant le filet de sécurité sociale national. Au cours des dernières semaines, il y a eu d’extraordinaires discussions sur la place publique partout au pays — et aujourd’hui en comité plénier — sur le fait de veiller à ce que personne ne passe entre les mailles du filet. La population canadienne procède à une extraordinaire réflexion sur ce sujet, ce qui est assurément un reflet de l’évolution de notre contrat social et de ce que nous considérons comme étant le filet de sécurité sociale canadien approprié.

Cet état d’esprit — je n’ose dire ce consensus — en évolution soulève bien des questions quant à cette détermination à ne laisser tomber personne : des questions au sujet du rôle du gouvernement et de son importance pour la société; des questions au sujet de la tolérance à l’égard de la dette et des déficits; des questions au sujet des attentes des citoyens; et de nombreuses questions et nouvelles idées importantes au sujet de l’aide sociale et du soutien du revenu.

Troisièmement, comme certains de nos collègues l’ont déjà demandé : quand doit-on redémarrer l’économie, et comment? Le premier ministre Trudeau a déjà dit qu’il s’attendait à ce que l’économie canadienne rebondisse :

[...] je sais que, si nous unissons nos efforts, l’économie va rebondir une fois la crise terminée.

J’espère sincèrement qu’il a raison, chers collègues, mais nous ne pouvons pas nous y fier.

Comme je le disais lorsqu’il était question du projet de loi C-13, le meilleur moyen de protéger l’économie demeure de juguler le mieux possible la crise sanitaire actuelle afin que les taux d’infection tombent à des niveaux acceptables ou de trouver un traitement à cette nouvelle maladie, idéalement les deux.

Il est beaucoup trop tôt pour que le gouvernement et l’opposition commencent à parler de redémarrer l’économie, et nous l’avons encore entendu de la bouche du ministre Morneau. Il n’est toutefois pas trop tôt pour que le Sénat indépendant se penche sur la question, avec l’aide des plus grands cerveaux du pays. La clé pour comprendre les coûts d’un quelconque relâchement des restrictions de même que les risques pour l’activité économique, c’est d’avoir des données de qualité et de les appliquer à toute une panoplie de modèles.

Une grande partie de ces données existe déjà, mais il devrait y avoir une base centrale permettant aux chercheurs du pays et du monde entier d’y avoir accès pour faire leurs travaux de modélisation. Le gouvernement pourrait déjà consacrer des ressources à ce genre de chose et en faire une priorité. Il n’est pas trop tôt pour cela.

Quatrièmement, même si l’économie rebondit, elle aura changé. Les nouveaux modèles d’affaires, l’accélération de tendances économiques séculaires, les réflexes politiques découlant des pressions sociales et, élément très important, les changements de comportements auront causé des dommages permanents à certains secteurs et à certaines entreprises. Il ne serait pas opportun de refuser dans la crise actuelle un soutien à des secteurs touchés par des problèmes structurels de plus longue date, des problèmes qui ont été aggravés par la crise de la COVID-19. Le coût d’un bouleversement économique sur le plan humain est bien réel et tout ensemble de mesures d’aide doit en tenir compte, même si la crise sanitaire actuelle n’est pas à l’origine de ce bouleversement.

Il serait toutefois irresponsable de la part d’un gouvernement de ne pas se soucier des causes immédiates, par opposition aux changements fondamentaux ou structurels qui influent sur certaines industries et causent des difficultés qui pourraient se prolonger bien au-delà de la présente crise sanitaire. Il est donc plus important que jamais, chers collègues, que nous réfléchissions à la nouvelle économie et à la manière dont le Canada ne peut pas se contenter de traverser cette crise, mais doit la traverser de façon à positionner le pays pour l’avenir.

Cinquièmement, nous devons réfléchir au contexte économique international, qui change aussi vite que le contexte économique national que je viens de décrire. Nombreux sont ceux, dans ce pays et ailleurs, qui prônent l’esprit de clocher, une économie repliée sur elle-même, l’isolationnisme et le protectionnisme. Nous devons nous y opposer et garder à l’esprit que le Canada ne peut prospérer que s’il fait partie de l’économie mondiale.

Bien sûr, les choses ne seront plus les mêmes qu’avant. Toutes les entreprises devront se pencher sur des concepts tels que le second approvisionnement ou la redondance d’entreprises et peut-être même un certain degré d’autosuffisance dans un certain nombre de secteurs stratégiques. Toutefois, ce n’est pas le moment de parler de la mise en place de barrières tarifaires ou d’autres mesures protectionnistes simplement par réflexe politique face aux défis sanitaires et économiques du moment.

Chers collègues, de nombreux autres dossiers qui se pointent à l’horizon doivent retenir l’attention du Sénat. Je n’ai pas le temps de tous les énumérer, mais je mentionnerai, par exemple, l’incidence de l’après-COVID-19 sur les relations internationales, en particulier sur les relations entre les grandes puissances, la coopération multilatérale, les déplacements de réfugiés et le techno-nationalisme. Tous ces dossiers devront être étudiés un autre jour.

Cependant, comment ferons-nous ce travail sans nous réunir? Comment le Sénat pourra-t-il jouer un rôle en période de distanciation sociale et dans un contexte où il est convoqué aussi peu fréquemment?

Premièrement, permettez-moi de remercier Son Honneur du leadership dont il a fait preuve en amorçant les démarches visant à trouver des solutions techniques, logistiques et administratives afin que le Sénat et ses comités puissent se réunir à distance. Je remercie également l’Administration du Sénat du travail qu’elle fait déjà pour étudier ces options. Je sais que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration déploie également des efforts à ce chapitre.

Nous avons entendu plus tôt le préavis d’une motion demandant que l’Administration du Sénat poursuive ses efforts en vue d’étudier des solutions techniques et logistiques qui permettraient au Sénat de se réunir à distance. Cette motion reflète le profond désir de nombreux sénateurs de s’acquitter de leurs fonctions parlementaires ou, ce qui est encore plus probable, leur frustration face à leur incapacité de s’acquitter pleinement de ces fonctions à l’heure actuelle.

Si je puis me permettre, je dirais qu’elle illustre aussi le désir de nombreux sénateurs d’adapter notre institution bien-aimée aux réalités du XXIe siècle en donnant aux sénateurs la possibilité de se réunir à distance. D’autres parlements se penchent sur cette question avec beaucoup de sérieux et d’intensité. D’autres organisations qui fonctionnent bien et qui sont beaucoup plus grandes que la nôtre relèvent déjà ces défis. Je reconnais que nous avons des besoins spéciaux au sein du Parlement en raison de notre caractère bilingue particulier et du Règlement du Sénat — et que tous ces besoins doivent être satisfaits —, mais il est temps de nous attaquer à ces questions. Il n’y aura jamais une meilleure occasion de le faire que maintenant que nous nous trouvons dans une situation qui nous prive de la possibilité de nous réunir en personne.

Chers collègues, comme vous le savez, la Chambre des communes donne suite à certaines de ces questions. Aujourd’hui même, le leader du gouvernement à la Chambre nous a informés que, en plus des deux comités de surveillance qui ont été établis, c’est-à-dire ceux de la santé et des finances, la Chambre va trouver un moyen pour permettre aux membres d’au moins quatre autres comités de se réunir à distance : le Comité de l’industrie, le Comité des ressources humaines, le Comité des opérations gouvernementales et le Comité de la procédure.

(1920)

Chers collègues, nous ne savons pas quand nous reviendrons à notre mode de fonctionnement normal. Cela pourrait bien être long. Voilà pourquoi nous ne devons pas gâcher l’occasion de travailler sur des solutions pour les réunions à distance afin que, lorsque nous reviendrons, ce soit à un Sénat qui non seulement aura prouvé sa responsabilité et sa pertinence pendant la crise actuelle, mais qui sera aussi nouvellement équipé pour fonctionner plus efficacement grâce aux nombreux outils de connectivité déjà disponibles.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, permettez-moi d’ajouter mon point de vue sur le projet de loi C-14 qui est devant nous. Ne soyez pas surpris : vous ne m’aurez probablement jamais entendu dire une chose pareille à propos du gouvernement actuel du Canada. La situation commande de notre part que nous soyons tous et toutes unis derrière ceux qui nous gouvernent, afin de leur permettre de mettre en place, le plus rapidement possible, des mesures d’aide pour nos entreprises et pour nos travailleurs et travailleuses. L’emploi est un facteur de santé économique. Il y a donc urgence d’agir, un point, c’est tout. Les Canadiens et les Canadiennes vivent actuellement le drame de leur vie. On n’a jamais imaginé l’ampleur qu’allait prendre ce virus qui a déjà tué beaucoup trop de personnes, ici et ailleurs dans le monde.

Malgré tous les efforts du personnel de nos systèmes de soins de santé, la liste des morts s’allonge tous les jours et ce n’est pas fini. Cependant, comme plusieurs, je n’ose même plus croire aux projections qui sont faites. Au-delà des morts, l’économie de la planète est bouleversée. Sans des interventions politiques parfois vertigineuses, pour ne pas dire improvisées, plusieurs secteurs de l’économie canadienne ne se relèveront jamais de la pandémie qui nous frappe. La faillite guette plusieurs entreprises, grandes ou petites, et les mises à pied seront financièrement catastrophiques pour les travailleurs et leurs familles. Le gouvernement doit donc être en mesure d’agir.

Après le projet de loi C-13, que nous avons adopté le 25 mars, nous avons devant nous le projet de loi C-14. Il ne faudrait pas se surprendre d’avoir bientôt un projet de loi C-15. Imposer des délais serait irresponsable, et ceux qui attendent impatiemment des interventions financières ne nous le pardonneraient jamais. Convenons de la chose suivante : nous faisons une pause en ce qui a trait à notre devoir de poser des questions pour sauver l’économie, mais nous examinerons ultérieurement les actions des décideurs politiques. Le Sénat est un acteur politique de vérification, et je suis tout à fait persuadé que nos comités actuels, et peut-être d’autres qui viendront s’y ajouter ultérieurement, feront en sorte que nous pourrons poser, au cours des semaines et des mois à venir, toutes les questions requises sur ce qui est en train de se passer.

À mon avis, ce n’est pas le moment de s’objecter par conviction politique aux décisions qui sont prises dans l’urgence afin de sauver nos citoyens, notre économie et le Canada. Cela étant dit, il ne faut pas comprendre, de la position que j’adopte aujourd’hui, que je suis en train de faire de l’aveuglement volontaire. À mon âge, j’ai encore un bon œil et je suis parfaitement lucide. En échange de l’adoption rapide du projet de loi C-14, je m’attends à un exercice de transparence sans précédent de la part du gouvernement du premier ministre Justin Trudeau. La démocratie l’exige.

Le gouvernement du premier ministre Trudeau ne doit pas faire de dépenses déraisonnables même durant cette même période. Il n’a jamais trouvé l’argent nécessaire pour acheter les équipements médicaux recommandés par divers organismes de vérification pour que le Canada soit capable de faire face à une pandémie. On voit le résultat de cette insouciance aujourd’hui. Le Canada avait de l’argent pour tout, sauf pour l’essentiel.

Ce que je viens de vous dire est extrêmement grave. Des rapports de vérification, dont un qui remonte à 2006, mettaient en évidence le fait que le Canada manquait d’équipements médicaux pour faire face à une pandémie. Un rapport plus récent faisait état en 2018 du manque de respirateurs au pays, des respirateurs pour lesquels on est prêt à payer le gros prix actuellement. J’ai été surpris de constater qu’une des auteures du rapport qui nous alertait déjà en 2006 est la Dre Theresa Tam, l’actuelle directrice de la santé publique du Canada. Elle ne pouvait pas ignorer les lacunes en équipements médicaux au pays, qui ont été mises en évidence à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie par des experts d’ici et de partout ailleurs dans le monde.

Si elle accepte un jour de venir témoigner devant le Sénat, il serait intéressant de lui demander comment elle a pu conclure, le 29 janvier dernier, que le Canada courait un très faible risque d’être touché par le coronavirus, d’autant plus que l’on sait que les services de renseignement des Forces armées canadiennes, où l’on retrouve des scientifiques comme elle, avaient prévenu le gouvernement Trudeau un mois plus tôt du risque d’éclosion du coronavirus chez nous.

Je veux bien être accommodant pour sauver l’économie, mais je ne serai jamais accommodant pour camoufler l’incompétence qui a mis en danger la vie des Canadiens.

Au-delà de l’examen de cette loi sur l’aide financière que le gouvernement propose d’accorder aux entreprises et aux sociétés, le Sénat aura tout intérêt à se pencher sur les informations dont disposaient le premier ministre et certains de ses ministres dès le début de janvier 2020. On sera peut-être surpris d’apprendre que le gouvernement actuel n’a pas pris au sérieux les avertissements de nos alliés, d’où le comportement insouciant, négligent et incompétent du premier ministre et de ses troupes à l’apparition du virus. Nous allons en payer le prix, nous allons nous relever, mais il faudra aussi demander des comptes à ceux qui ont manqué à leur devoir.

Quand on ajoute à ce que je viens de vous dire le fait que le premier ministre Trudeau a tardé de façon — j’irais presque jusqu’à dire honteuse — à fermer nos frontières aux étrangers, malgré les informations dont il disposait, il y a de quoi être furieux devant cette absence totale de leadership que je ne suis pas le seul à avoir constaté depuis le début de cette crise et à l’occasion d’autres crises que le Canada a vécues depuis sa réélection.

Je vous le dis sans détour, le leadership du premier ministre Trudeau, quand une crise frappe, est désolant, pour ne pas dire inquiétant. En plus, nous avons eu droit à une série d’improvisations qui font que certains Canadiens sont traités de façon inéquitable, pour ne pas dire discriminatoire, en ce qui a trait aux programmes d’aide qui sont mis en place.

Puis-je me permettre de vous rappeler qu’il y a encore au Canada des millions de citoyens qui ne sont pas branchés sur Internet, malgré les milliards de dollars d’investissements promis par les libéraux lors des campagnes électorales de 2015 et 2019? Savez-vous qu’en pleine crise ce gouvernement a pu traiter de façon instantanée les demandes soumises par Internet pour obtenir l’aide de 2 000 $ par mois? Comment peut-on dire à ceux qui ne sont pas branchés sur Internet que cela prendra 10 jours de plus pour traiter leur dossier parce qu’ils ne peuvent pas communiquer avec le gouvernement en utilisant cet outil? Je vous dirais qu’en 2020, c’est honteux.

Je vais quand même approuver le projet de loi C-14 aujourd’hui. Je le fais pour le bien de l’économie. Je ne peux m’empêcher de condamner le manque de vision politique et économique de ceux qui nous gouvernent actuellement. Pensons simplement à la réouverture éventuelle de nos frontières aux étrangers. Il faudra bien le faire un jour. Pourtant, je n’ai encore rien vu ou entendu au sujet de la mise en place d’un système de contrôle sanitaire qui protégera nos citoyens contre tout arrivant qui risquerait de les infecter ou de déclencher une seconde vague de la COVID-19.

Il faudra consacrer d’importantes sommes d’argent pour le contrôle futur de l’immigration et des touristes qui viendront nous visiter. Cela nécessitera une nouvelle réglementation et des investissements dans le contrôle de nos frontières. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a rien entendu de la part du premier ministre Trudeau, qui était pourtant si réfractaire à la fermeture de nos frontières.

Si on se fie aux dernières semaines, on aura encore droit à une belle improvisation politique coûteuse quand viendra le moment d’ouvrir nos frontières. Va-t-on, encore une fois, être à la remorque des décisions américaines?

Revenons maintenant au projet de loi C-14 et à l’obligation morale que j’ai de l’approuver pour sauver nos entreprises et les emplois qui s’y rattachent. Ce projet de loi va permettre aux libéraux de distribuer des millions de dollars parce que le pays se trouve en état d’urgence économique. Sincèrement, j’espère qu’ils ne le feront pas dans l’espoir qu’on oublie leurs décisions fort discutables depuis le début de la pandémie.

J’aimerais rappeler à tous les sénatrices et sénateurs, comme le disait notre collègue le sénateur Dalphond dans une lettre d’opinion publiée hier, que le Sénat doit assumer son devoir de surveillance des décisions politiques, même en période de crise. Nous devons le faire sans priver le gouvernement actuel du pouvoir d’agir rapidement.

(1930)

Nos comités ont fait la preuve de leur aptitude pour la recherche et l’écoute et leurs rapports ont toujours démontré le sérieux avec lequel les sénateurs abordent les grands enjeux de notre société. Nous devrons assurément faire une analyse sérieuse de cette triste période dans l’histoire de notre pays dès que nous pourrons reprendre nos travaux.

Je reconnais d’emblée que certaines erreurs sont excusables, pourvu qu’on les corrige. Cependant, je serais profondément désolé de nous voir nous engager dans des exercices et des examens qui ne serviraient qu’à camoufler les erreurs et l’incompétence politique. La transparence sera un élément essentiel de ce à quoi nous nous attendrons de la part de ceux qui ont pris des décisions durant cette pandémie.

Pour les travaux à venir, je serai vigilant pour les Canadiennes et les Canadiens que je représente et je souhaite que tous les sénateurs en fassent autant.

En terminant, j’en profite pour offrir un message de sympathie à tous nos concitoyens qui ont perdu des êtres chers durant cette pandémie et pour leur souhaiter bon courage à tous et à toutes. Merci.

[Traduction]

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet du projet de loi C-14, Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19.

Je vais parler au nom de notre leader, la sénatrice Cordy. Par courtoisie, j’ai l’intention de céder le reste du temps qui m’est imparti au sénateur Harder, ancien représentant du gouvernement et actuel sénateur non-affilié.

Avant de vous faire part des propos de notre leader, je tiens à souligner que le groupe progressiste du Sénat est petit, mais combatif. Il est composé de sénateurs qui sont d’ardents partisans de la Charte des droits et libertés et qui croient au renouvellement de la relation avec les peuples autochtones du Canada. Notre devise vient du terme algonquin Mamidosewin, qui peut signifier un lieu de rencontre ou le fait de se diriger ensemble vers un but commun. Dans le cas qui nous occupe, Mamidosewin peut vouloir dire travailler en collaboration durant la pandémie pour le bien de tous les Canadiens.

Passons maintenant aux propos de la sénatrice Cordy :

Honorables sénateurs, le projet de loi à l’étude constitue une bouée de sauvetage fort nécessaire aux employeurs durant cette période de bouleversement économique sans précédent au pays.

Tandis que se poursuivent les mesures du gouvernement en réponse à la COVID-19 afin de restreindre la propagation, les entreprises canadiennes pâtissent. C’est ce que nous avons entendu aujourd’hui. Les revenus ont chuté et, dans bien des cas, ils sont minimes ou inexistants. Résultat : un nombre effarant de Canadiens sont maintenant sans emploi. Le taux de chômage au Canada monte en flèche. En mars, le taux s’est chiffré à 7,8 % et il continue d’augmenter.

Le portail de la Prestation canadienne d’urgence du gouvernement fédéral a été lancé cette semaine pour les Canadiens qui ont perdu leur emploi directement à cause de la COVID-19. Le gouvernement rapporte que, depuis l’activation du portail lundi, 3,8 millions de travailleurs ont demandé la Prestation canadienne d’urgence et que Service Canada a traité un peu plus de 5,6 millions de demandes d’assurance-emploi avec effet rétroactif au 15 mars.

Les travailleurs canadiens et les entreprises canadiennes ont un urgent besoin de l’aide du gouvernement pour les aider à traverser cette crise. J’applaudis les initiatives que le gouvernement a prises pour réagir à la situation. Je songe particulièrement à la Prestation canadienne d’urgence et au processus de demande qui a été lancé cette semaine. De toute évidence, c’est un succès. Force est de reconnaître qu’il est facile d’obtenir la prestation et qu’elle est versée très rapidement dans le compte bancaire des demandeurs.

Maintenant, nous devons nous occuper des entreprises et leur donner les outils nécessaires pour endiguer les pertes d’emplois et leur permettre de garder leurs employés. J’ose espérer que la subvention salariale prévue dans la mesure législative dont nous sommes saisis permettra d’atteindre ces objectifs.

Malheureusement, certaines entreprises et organisations passeront à travers les mailles du filet et ne pourront pas bénéficier du programme de subvention salariale. Des questions demeurent quant à l’admissibilité des organismes caritatifs et sans but lucratif, des organisations religieuses et des nouvelles entreprises.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aidera un grand nombre d’entreprises canadiennes dans l’immédiat, mais le gouvernement doit continuer à chercher des moyens de soutenir les organisations qui ne bénéficieront pas de cette mesure.

Honorables sénateurs, alors que nous naviguons dans ces eaux troubles et inconnues, je tiens à remercier tous nos dirigeants et travailleurs de la santé partout au pays qui sont chaque jour confrontés à de nouveaux défis. Je les remercie pour leur dévouement et leur capacité d’adaptation au fur et à mesure qu’on leur présente de nouvelles informations. Je les remercie également de nous garder en sécurité et d’intervenir auprès de nos êtres chers dans les moments où ils sont le plus effrayés et où il nous est impossible de les réconforter en personne.

Je tiens à féliciter ceux qui sont en première ligne dans nos épiceries et nos pharmacies, dans nos ports et sur nos routes afin d’assurer le maintien des chaînes d’approvisionnement, sans oublier ceux qui livrent du propane et du mazout domestique dans nos foyers. Nous sommes conscients des longues heures et de l’énergie que vous consacrez à votre travail tout en vous mettant peut-être en danger.

Merci à tous nos créateurs et artistes qui ont imaginé des initiatives destinées à nous faire participer et à nous divertir afin de nous aider à mieux supporter les interminables heures passées à la maison.

Un gros merci aux enseignants qui trouvent de nouvelles façons de rejoindre leurs élèves et de veiller à ce qu’ils continuent d’apprendre à la maison dans des classes virtuelles et au moyen d’activités en ligne.

Enfin, à tous les Canadiens qui restent à la maison et pratiquent la distanciation sociale pour limiter la propagation, on ne saurait trop insister sur l’importance de vos efforts. À tous ceux qui font preuve d’une grande bienveillance en vérifiant si leurs voisins, les membres de leur famille et leurs amis vont bien, je vous invite à continuer de le faire. On parle de distanciation sociale, mais il serait peut-être plus approprié de parler de distanciation physique. Nous sommes naturellement des êtres sociables. Dans une période comme celle que nous vivons, il est essentiel d’accorder une grande importance à la santé mentale, ce qui veut dire, entre autres choses, de garder contact avec les êtres qui nous sont chers et d’avoir un mot gentil pour les personnes qui sont seules et vulnérables.

Honorables sénateurs, pour conclure, je tiens à répéter que j’appuie entièrement le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Les entreprises et les travailleurs canadiens ont désespérément besoin de l’aide qui y est prévue. Plus vite les entreprises canadiennes recevront cette aide, mieux ce sera.

À tous les Canadiens qui nous regardent ou nous écoutent aujourd’hui et à tous mes collègues du Sénat, soyez prudents, veillez à votre santé et, comme le dit le premier ministre McNeil de la Nouvelle-Écosse, « restez donc chez vous, bon sang ».

Ce sont les paroles de la sénatrice Cordy. Merci.

L’honorable Peter Harder : Merci, sénateur Munson, de me laisser les quelques minutes qui restent.

Honorables sénateurs, nous vivons une période de profondes turbulences qui vient bousculer la façon dont nous vivons, dont nous travaillons et dont nous jouons. De la moindre ferme aux grands centres urbains, le Canada et le monde au grand complet sont touchés, et nous sommes encore incapables de prédire avec précision comment tout cela finira, et quand.

Parce qu’elle est exceptionnelle, la période actuelle requiert des efforts exceptionnels de la part des Canadiens, des municipalités, des provinces, du gouvernement du Canada et, de plus en plus, des organismes internationaux. Aujourd’hui, nous approuverons une de ces mesures exceptionnelles afin de subventionner une part importante du salaire d’un grand nombre de travailleurs canadiens des secteurs privé, caritatif et à but non lucratif.

C’est du jamais vu pour le Canada, ce qui en dit long sur la nature encore inédite du défi que nous devons encore relever. L’objectif de cette politique publique est clair : l’économie ne doit pas manquer de liquidités, les ménages doivent pouvoir subvenir à leurs besoins et les travailleurs doivent conserver leur emploi si nous voulons survivre à court terme et retomber sur nos pieds dès que les circonstances le permettront.

Quand cette initiative a été annoncée, il y a une dizaine de jours, un grand nombre de chefs d’entreprise m’ont appelé pour me témoigner de leur appui le plus complet et pour me dire qu’ils n’auraient plus besoin de remercier leurs employés, car ils auraient désormais les moyens de survivre et de se préparer à reprendre le collier le moment venu.

Les organismes caritatifs et à but non lucratif, de leur côté, m’ont dit que, grâce à ce soutien, ils pourront voir aux besoins immédiats tout en commençant à se réinventer.

Rien que par cette mesure, nous augmentons considérablement notre déficit collectif à court terme pour atténuer les coûts du ralentissement économique et mieux nous équiper collectivement pour un retour à une situation économique plus normale. Le gouvernement du Canada ne peut pas être le trésorier pour toujours, mais il peut et doit l’être pour l’instant. Ce projet de loi mérite notre soutien.

La grande perturbation du dernier mois a révélé beaucoup de choses sur nous-mêmes. J’aimerais souligner brièvement certains des faits que j’ai observés.

Premièrement, le fédéralisme canadien fonctionne. Les gouvernements provinciaux sont intervenus et, dans certains cas, ont surpris leurs citoyens par la façon dont ils ont collaboré avec les villes de leur juridiction, et avec le gouvernement fédéral. Un Sénat voué aux intérêts des régions devrait marquer une pause et dire d’une seule voix : les choses vont très bien. Il suffit en effet de regarder à quelques kilomètres au sud pour constater que le fédéralisme peut être mis à rude épreuve dans des moments comme celui-ci.

(1940)

Certes, tous les gouvernements comptent, mais je m’inquiète de plus en plus des instances de coordination internationale, telles que le G7, le G20, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et les autres organismes des Nations unies. Plus précisément, ce n’est pas leur insuffisance que je déplore, mais le fait que leurs États membres ne leur donnent pas les outils nécessaires pour faire le travail qui doit être accompli. Je m’inquiète, chers collègues, pour l’Afrique, mais c’est un autre sujet.

Deuxièmement, la science et l’expertise comptent, de même que les agents de première ligne en cas d’urgence, les premiers intervenants, les chercheurs. La gestion du secteur privé en cette période de crise est remarquable. Lorsqu’on voit certaines entreprises se réorganiser et se rééquiper aussi rapidement, on constate qu’elles ont bénéficié, si l’on peut dire, de l’expérience de 2008-2009. Par exemple, l’Ontario a perdu 50 000 entreprises manufacturières au cours de ces années. Cela signifie que celles qui ont survécu ont une certaine résilience qui est manifestement mise à l’épreuve ces jours-ci, mais elles ont une certaine expérience pour s’en sortir.

Les institutions sont importantes. Elles sont importantes parce que la confiance est importante. Si nous ne croyons pas pouvoir compter sur les institutions pour donner des avis éclairés, utiles et justifiés, il nous sera impossible de respecter le principe de la distanciation sociale et d’adopter les comportements nécessaires. Par conséquent, nous devrions réfléchir à l’idée que nos institutions doivent davantage permettre la critique lorsqu’il s’agit de gérer des situations comme celle que nous vivons actuellement. La recherche de l’efficacité pure et simple dans nos institutions n’est pas dans notre intérêt à long terme.

Il faut être capable de s’adapter sans tarder dans une situation qui évolue rapidement. Cette capacité doit être respectée, et non ridiculisée, y compris au Sénat. Lorsque de nouvelles lacunes surviennent, nous devons être en mesure de réagir rapidement et être encouragés à le faire. La surveillance parlementaire est extrêmement importante, tandis qu’il n’est pas vraiment utile de remettre les décisions en question dans les coulisses.

Enfin, nous devons commencer à réfléchir à notre retour à la normale ou à notre nouvelle réalité. En cette période de transition, je dirais que nous devons acquérir une plus grande tolérance au risque dans le secteur public.

J’ai quelque peu critiqué les prétendues réformes sur la reddition de compte il y a 10 ans. J’ai dit une fois que, si la fonction publique était une partie de hockey, les équipes seraient composées uniquement de gardiens de but parce qu’il est préférable de ne pas se faire compter de but que d’en compter. Nous ne traverserons pas cette crise si nous n’avons pas une équipe de hockey complète, avec des attaquants et des personnes qui prennent des risques, des gens qui sont prêts à encaisser des buts parce que la partie doit être gagnée. Pour ce faire, il faut que les institutions publiques, comme le Sénat, la Chambre des communes, le Bureau du vérificateur général et les autres qui sont chargées d’assurer une surveillance adéquate, soient aussi conscientes de la nécessité d’insuffler une culture du risque et de l’innovation dans la fonction publique. Je félicite les fonctionnaires qui ont su nous amener jusqu’ici en prodiguant des conseils et en les appliquant, mais, chers collègues, la mise en œuvre du projet de loi que nous adopterons aujourd’hui signifie que des erreurs seront commises. Des gens déjoueront le système, et je suis persuadé que des sages nous diront comment tel ou tel choix n’aurait pas dû être fait.

La prise de risques est essentielle pour traverser cette crise.

Ainsi, ce que nous faisons est absolument nécessaire, mais pas viable à long terme. Pour que le Canada sorte de cette crise, il faut que tout le monde se montre patient, compréhensif et courageux.

L’honorable Larry W. Smith : Bon sang, c’est difficile de passer en dernier, mais je vais essayer de faire quelques commentaires au sujet du projet de loi C-14.

Les mesures que le gouvernement a annoncées sont des mesures exhaustives et ciblées qui visent à fournir une aide financière aux Canadiens les plus vulnérables ainsi qu’à stimuler l’activité économique et à maintenir la liquidité de l’économie canadienne. Aujourd’hui plus que jamais, les Canadiens comptent sur leur gouvernement pour prendre des décisions difficiles qui protègent la santé et le bien-être de ses citoyens, mais aussi leurs moyens de subsistance.

Plus que jamais, il est impératif d’empêcher l’érosion de la confiance dans nos institutions. Nous y parviendrons grâce à une politique transparente et responsable, comme celle dont vient de parler le sénateur Harder.

Le total de la réponse budgétaire du gouvernement à la COVID-19 a dépassé les centaines de milliards de dollars et comprend notamment des mesures de dépenses directes totalisant 107 milliards de dollars. Selon les prévisions du directeur parlementaire du budget, le déficit fédéral devrait maintenant atteindre 184 milliards de dollars, ce qui pourrait faire grimper le ratio de la dette par rapport au PIB du Canada à son plus haut niveau en 20 ans, soit 40 %. Bien que ces chiffres soient décourageants, nous comprenons qu’il est du devoir du gouvernement de faire tout ce qu’il faut pour que le pays traverse cette période difficile.

À l’heure actuelle, ces programmes de dépenses ne sont assortis d’aucune note de calcul des coûts de la part du gouvernement. Il existe une incertitude quant à la durée et à la portée de ces programmes. Il existe une incertitude quant à la manière dont ces programmes seront financés, et il y a une incertitude quant à l’impact de la crise sur les recettes fiscales fédérales à venir.

Actuellement, il est impossible de connaître les répercussions futures de ces dépenses sur les Canadiens. En bref, je crains que le gouvernement manque à son devoir de transparence et de responsabilité à cet égard.

Cependant, le Parlement, surtout en situation de gouvernement minoritaire, peut jouer un rôle important sur le plan de la reddition de comptes. Le premier ministre a parlé d’Équipe Canada dans ses remarques depuis le début de la pandémie de COVID-19 au Canada. Il a dit que la lutte contre ce virus doit être un effort d’Équipe Canada, ce qui signifie que le gouvernement fédéral devra travailler en collaboration non seulement avec les autres ordres de gouvernement, mais aussi avec les autres partis. Ainsi, lorsque l’opposition à la Chambre des communes a rejeté l’idée d’accorder au ministre des Finances des pouvoirs illimités en matière de dépenses et de fiscalité pendant deux ans, il ne s’agissait pas d’une tactique partisane; c’est plutôt que le Parlement, en tant qu’institution, a exercé son devoir constitutionnel de demander des comptes au gouvernement en place.

N’oublions pas une chose. La vérité crée toujours la confiance et conduit à la transparence. Comme le sénateur Harder l’a dit, le ton et l’attitude sont extrêmement importants pour nous tous à mesure que nous avançons.

[Français]

Pour ces raisons, je crois que le Sénat dispose de tous les outils et est en position d’agir en qualité d’organisme de surveillance — un rôle que notre institution exerce déjà dans notre système démocratique. Le Sénat se doit de prendre la responsabilité d’examiner attentivement ces programmes fiscaux en questionnant les experts et en offrant des recommandations s’il y a lieu. Nous pouvons agir rapidement et, dans la mesure du possible, nous pouvons nous adapter au nouvel environnement de travail, mais nous ne devons jamais céder notre devoir constitutionnel, qui est de tenir le gouvernement responsable de ses décisions.

[Traduction]

Par exemple, s’il est vrai que le gouvernement s’est efforcé de venir en aide aux Canadiens et aux entreprises d’ici qui sont touchés par cette pandémie, l’industrie pétrolière et gazière de l’Ouest canadien, elle, attend toujours un plan fédéral pour ce secteur. Je ne vais pas m’attarder longtemps sur le sujet, mais je tiens à dire que nous devons régler cette question. L’Ouest canadien est extrêmement important et son secteur énergétique représente jusqu’à 10 % du PIB du pays. Nous nous devons de trouver des façons de protéger cette industrie et l’environnement. Il faut tenir compte de ces deux réalités : comment pouvons-nous les concilier?

Je n’ai pas de réponse définitive à donner. Aujourd’hui, le ministre Morneau est venu nous parler de la gestion de la crise actuelle. J’espère toutefois que le gouvernement prendra les devants bientôt pour faire avancer le dossier de l’énergie.

Toujours en ce qui concerne la transparence et la reddition de comptes, nous avons appris que, pendant la pandémie, le traitement des demandes d’accès à l’information fonctionne au ralenti à l’échelle du pays et qu’il est même suspendu au fédéral. Les Canadiens qui souhaitent demander des comptes au gouvernement en s’appuyant sur l’accès à l’information se butent à des obstacles. En réponse à une demande, Services publics et Approvisionnement Canada a dit ce qui suit dans un courriel :

Le Bureau de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels a décidé de mettre en suspens toutes les demandes liées à l’accès à l’information et à la protection des renseignements personnels jusqu’à ce que la situation revienne à la normale.

Toby Mendel, directeur général du Centre for Law and Democracy, a exprimé ses craintes en ces mots :

D’une part, on a ce besoin pressant de reddition de comptes par le gouvernement et, d’autre part, le fonctionnement des institutions chargées de la reddition de comptes est réduit par rapport à la norme.

Je le répète, nous devons renforcer un modèle de comportement qui nous permettra d’aller de l’avant plutôt que de mettre des bâtons dans les roues.

Il s’agit là d’un autre exemple où le gouvernement échoue à son devoir en matière de reddition de comptes envers la population. La COVID-19 a certainement mis en évidence de nombreuses failles dans notre système de santé publique de même que dans notre économie. Tous s’entendent pour dire que les erreurs politiques commises par le gouvernement fédéral ont amplifié la gravité de l’impact du virus.

(1950)

Sandy Buchman, le président de l’Association médicale canadienne a dit ceci :

J’essaie de comprendre la réponse du gouvernement aujourd’hui, car je pense que tout le monde a été pris par surprise. Ceux qui sont en première ligne ne cessent de nous répéter qu’ils ne sont pas prêts et qu’ils ont peur. On entend cela partout.

Le rapport de 2006 de la Dre Theresa Tam a été mentionné précédemment : elle y lançait une mise en garde contre une pandémie similaire à la COVID-19 et donnait des conseils pour maintenir des stocks suffisants d’équipements médicaux et la capacité d’accueil des hôpitaux pour faire face à une forte augmentation du nombre de patients.

Le temps passant et le virus s’affaiblissant, les gens retrouveront lentement une vie normale — quelle que soit cette nouvelle normalité —; il sera alors important pour nous de poser des questions difficiles au nom des Canadiens. Les Canadiens voudront savoir où les politiques de leur gouvernement ont échoué, où il y a eu des lacunes en matière de responsabilités et quelles leçons ont été tirées, et ce, afin d’être mieux préparés en cas de nouvelles tragédies.

Sans obligation de rendre des comptes et sans transparence, il n’y a pas de confiance. La confiance dans nos institutions et notre gouvernement est primordiale aujourd’hui. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une plus grande reddition de comptes, et pas l’inverse. Nous avons besoin de plus de transparence, et pas l’inverse. Le gouvernement fédéral doit chiffrer de manière détaillée les coûts liés aux mesures fiscales qu’il a annoncées. Il doit expliquer minutieusement ses décisions relativement à la COVID-19.

Enfin, ce dont nous avons besoin pour l’avenir, c’est un plan stratégique à long terme assorti des ressources financières, du matériel et du leadership appropriés afin de nous montrer proactifs et pour que notre pays soit prêt à surmonter la prochaine épidémie à laquelle nous serons confrontés et à laquelle nos concitoyens canadiens seront confrontés. Merci.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, au cours des derniers jours, le gouvernement fédéral a fait preuve d’écoute en assouplissant les critères des subventions salariales de 75 % destinées à aider les entreprises à traverser le pire de la crise. Aucun programme ne peut répondre à tous les besoins. Il sera beaucoup plus difficile pour de petites entreprises qui ont déjà mis à pied leurs employés et qui ont peu de liquidités de se prévaloir de ces subventions. Si elles ont une masse salariale de plus de 50 000 $, il leur reste la possibilité de demander un prêt de 40 000 $ sans intérêt pendant deux ans et demi, le quart étant non remboursable. Encore faut-il que ces petites entreprises soient capables de rembourser ce prêt. Qui sait comment l’économie se relèvera?

Des centaines de milliers de travailleurs mis à pied à cause de la COVID-19 reçoivent, ces jours-ci, leur paiement de l’assurance-emploi ou de la Prestation canadienne d’urgence. J’ai été soulagée de constater que le système informatique de l’Agence du revenu du Canada a tenu bon. Il y a eu des ratés, mais, somme toute, moins de lenteur administrative qu’on pouvait le craindre. Je tiens donc à remercier les employés de la fonction publique qui ont participé à ce vaste effort.

Toutefois, il y a aussi les laissés-pour-compte, ceux qui ont perdu leur emploi, par exemple, avant que le coronavirus frappe et qui n’ont droit ni aux prestations d’urgence ni à l’assurance-emploi. Combien sont-ils? Le ministre Morneau, tout à l’heure, n’a pas voulu nous donner une estimation de leur nombre. Peut-être ne le connaît-il pas. On ne sait pas non plus quand et comment on leur viendra en aide. Pourtant, c’est notre devoir de le faire.

Cette crise sanitaire sans précédent nous oblige à faire un profond examen de conscience. Je vis au Québec, où le nombre de décès attribuables à la pandémie dans les CHSLD, les ressources intermédiaires et les résidences privées pour personnes âgées est devenu un enjeu des plus dramatiques. La moitié de tous les décès causés par la COVID-19 y sont survenus. Évidemment, nous savons que les personnes âgées de plus de 70 ans sont les plus susceptibles de mourir de ce nouveau virus, mais ce n’est là qu’une partie de l’explication. La société québécoise — donc nous tous — a fait le choix de l’institutionnalisation des personnes âgées vulnérables dans de grands établissements où il manque chroniquement et cruellement de personnel, dont le taux de roulement est affolant. Trois fois plus d’aînés vivent dans des institutions au Québec qu’ailleurs au pays. Ce choix de société donne lieu aujourd’hui, dans certains de ces établissements, à une véritable médecine de guerre. Ces établissements sont des mouroirs derrière des portes closes. Des êtres humains souffrent durant leur agonie, et ils meurent souvent sans soins médicaux et sans être accompagnés.

Le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont mal évalué l’énorme besoin en masques. Il n’y avait pas assez d’équipement de protection pour protéger le personnel infirmier et médical ainsi que les préposés à l’extérieur des hôpitaux. On a donc envoyé au front, sans masques et sans formation, des préposés aux bénéficiaires payés 13 $ de l’heure pour s’occuper, souvent seuls, de 10 à 25 personnes âgées en lourde perte d’autonomie. Pourtant, ils prennent soin d’êtres humains fragiles, dans des foyers où des centaines de personnes âgées, atteintes de démence ou de la maladie d’Alzheimer, se touchent et se contaminent, faute d’un encadrement suffisant.

On a retrouvé dans une de ces résidences, que l’on a qualifiée de camp de concentration, des malades affamés, souillés ou morts. Les employés avaient fui et déserté l’établissement. Ces incidents se produisent chez nous!

Depuis quelques jours, le gouvernement redirige du personnel vers ces oubliés de la crise. Il est clair qu’il faudra réfléchir, une fois passée cette crise sanitaire aiguë, à la préparation et à la réponse des autorités face aux plus vulnérables qui n’ont pas droit, aujourd’hui, à une mort digne. Il faudra aussi s’interroger sur le peu de valeur que l’on accorde aux métiers pourtant essentiels et difficiles d’auxiliaires et de préposés aux bénéficiaires qui s’occupent de personnes âgées en perte d’autonomie, des métiers essentiellement féminins, sous-payés et dévalorisés. Depuis la pandémie, on les appelle les « fées » au Québec. Cependant, cette admiration pour leur courage et leur dur labeur devrait se refléter dans leurs conditions de travail.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui avec une pensée toute particulière envers nos concitoyens et concitoyennes du Canada et du Québec, qui vivent sans doute la crise la plus difficile de leur existence. C’est pourquoi j’aimerais, dans un premier temps, offrir mes condoléances aux familles qui ont malheureusement perdu un proche en raison du coronavirus et leur offrir tout mon soutien.

J’aimerais aussi saluer le courage et la volonté de tous ceux et celles qui travaillent, de près ou de loin, au service des Canadiens et des Canadiennes durant cette crise. Ces personnes qui risquent leur vie dans l’intérêt national méritent toute notre reconnaissance, et j’aimerais que vous vous joigniez à moi pour leur dire merci pour leur dévouement et leur sens du devoir.

Je veux, au passage, souligner le travail exceptionnel de notre premier ministre, M. Legault, et de son équipe. Depuis le début de cette crise, M. Legault a fait preuve d’un grand leadership qui rassure le Québec. Nous lui disons merci.

Chers collègues, je suis préoccupé par la gestion actuelle du gouvernement. Je ne doute aucunement de sa volonté d’aider et de protéger les Canadiens et les Canadiennes. Toutefois, je suis troublé par la qualité dans les communications du gouvernement depuis le début de cette crise. Celui-ci s’est engagé à collaborer avec les partis de l’opposition et à être transparent avec la population du pays. Or, je constate que, sur plusieurs sujets extrêmement importants, comme ceux de l’économie et de la sécurité publique, nous n’avons pas de réponses claires aux questions légitimes que nous avons posées.

Les décisions gouvernementales qui ont été prises pour stopper cette crise auront de graves conséquences à long terme sur l’économie et sur les Canadiens et les Canadiennes. Je comprends la nécessité de devoir soutenir l’économie en faisant d’énormes dépenses budgétaires. Je ne conteste pas ce choix. Toutefois, je m’interroge sur le plan à long terme du gouvernement qui fera suite à l’énorme déficit accumulé, un plan qui aura un effet pendant une longue période. Je suis bien conscient que l’économie est un enjeu majeur sur lequel nous devons réfléchir durant cette crise, mais je suis avant tout préoccupé, vous le comprendrez, par la sécurité publique du Canada.

Les réponses évasives du ministre de la Sécurité publique, M. Blair, à mes questions lors de notre précédent échange ne m’ont pas convaincu et, surtout, sont loin de me rassurer.

Au Canada, nous comptons près de 70 000 agents de police, dont 20 000 sont membres de la GRC. Quelque 7 000 agents en uniforme font partie de l’Agence des services frontaliers du Canada. Plus de 6 000 agents correctionnels travaillent pour le Service correctionnel du Canada, en plus de 1 000 agents de libération conditionnelle et membres du personnel de soutien. Ces agents protègent les Canadiens et les Canadiennes, mais nous avons aussi l’obligation de les protéger.

(2000)

J’avais demandé au ministre Blair quels étaient les moyens envisagés pour protéger les agents du Service correctionnel face à la COVID-19. Voici sa réponse, et je cite :

Nous donnons également de la formation à nos agents. Nous nous assurons qu’ils disposent d’un stock d’équipement de protection individuelle adéquat pour répondre à leurs besoins.

Ce passage illustre le manque de profondeur de la réponse du gouvernement en ce qui concerne la protection du personnel des pénitenciers. Nous n’avons pas de plan réel ni de détails. Il semblerait que la situation soit de plus en plus préoccupante dans plusieurs pénitenciers fédéraux au Québec et, sans doute, ailleurs au Canada. Quelles sont les exigences précises en matière d’équipement de protection individuelle pour l’ensemble de ces agents? Avons-nous suffisamment de stock d’équipement de protection pour les protéger? Quel est le plan du gouvernement en cas d’éclosion de la COVID-19 dans un pénitencier, comme cela se produit au Québec à l’heure actuelle?

Ce qui me préoccupe davantage, c’est la solution de libérer des détenus dans la collectivité. C’est une réponse illogique et dangereuse pour la sécurité publique du Canada et à laquelle la majorité des Québécois et des Canadiens s’opposent. C’est comme si, dans une résidence pour personnes âgées, nous décidions de libérer des lits par crainte d’une pandémie. Ce serait illogique.

Je peux comprendre la problématique de la contamination de la COVID-19 dans les pénitenciers. Cependant, nous devons admettre que nous n’avons pas les moyens de surveiller ces délinquants remis en liberté en cas de récidive. Cette constatation a été confirmée par le vérificateur général lui-même.

Est-ce que nos maisons de transition et nos établissements correctionnels communautaires sont prêts à recevoir un afflux de délinquants? Est-ce que les municipalités et les services de santé locaux sont informés en amont des décisions prises par Service correctionnel Canada?

Dans sa réponse au Sénat, le ministre Blair avait conclu qu’il avait demandé à la commissaire de Service correctionnel Canada et à la présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada d’envisager la possibilité de prendre des mesures pour faciliter la libération anticipée de délinquants non dangereux. J’aimerais savoir ce que l’on entend par « délinquants non dangereux ». Est-ce que cela inclut les individus reconnus coupables d’infractions commises à l’aide d’une arme à feu ou liées au crime organisé? Qu’en est-il des individus trouvés coupables de multiples introductions par effractions ou vols, et des trafiquants de drogue?

D’autre part, je rappelle que le contexte actuel au Canada n’ajoute aucune crédibilité à la libération anticipée des détenus. En effet, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes étudie en ce moment même les circonstances de la libération d’Eustachio Gallese. Ce dernier, qui a commis le terrible meurtre de Marylène Levesque, était un récidiviste, puisque quelques années auparavant, il avait tué sa propre conjointe, Chantal Deschênes.

J’ajoute, par ailleurs, que le 30 mars, le syndicat représentant les agents correctionnels a déclaré ceci, et je cite :

La libération de quelques individus ne résoudra pas la propagation potentielle de la COVID-19 dans nos établissements. Elle ne fera qu’augmenter le risque pour les Canadiennes et les Canadiens.

Même les détenus en liberté sous condition peuvent constituer une menace pour la société. Le Canada est en crise et ses citoyennes et citoyens font face à une menace potentiellement mortelle. Il serait irresponsable de l’accentuer.

Chers collègues, nous ne pouvons pas prendre la sécurité publique du Canada à la légère. Les questions sans réponses que laisse le gouvernement sur ce sujet doivent nous faire réagir. Le principe de libération anticipée de détenus est déjà un risque en soi, mais une libération anticipée sans planification est un geste irresponsable pour la sécurité de la collectivité.

D’après moi, nous essayons de résoudre un problème en en créant un autre bien plus grand. Nous devrions plutôt réfléchir à la façon de doter le Service correctionnel du Canada de ressources et de mesures adéquates pour protéger le personnel des prisons et pour garantir un fonctionnement normal des pénitenciers canadiens, comme l’ont fait la plupart des provinces. Elles ont doté les hôpitaux de personnel additionnel et de ressources supplémentaires pour assurer des services à ceux qui sont atteints de ce virus.

J’aimerais aussi attirer votre attention sur un autre problème que pourrait provoquer la libération anticipée des détenus. La priorité fondamentale de la Commission des libérations conditionnelles du Canada est de protéger la population canadienne. Cependant, comment pourrait-elle le faire si nous ne testons pas les délinquants qui risquent d’être remis en liberté ou si nous sommes incapables de surveiller leurs conditions de logement de manière à assurer la distanciation sociale requise? Combien de ces criminels risquent simplement de grossir les rangs de l’itinérance et de mettre davantage leur santé et celles des autres en danger? Nous savons que la COVID-19 est extrêmement contagieuse. Pourquoi le gouvernement n’est-il pas plus clair sur cette question? Libérer des détenus contagieux ne fera qu’aggraver la situation sanitaire.

J’estime qu’avec des moyens appropriés, donc avec plus de ressources pour les services correctionnels, ceux-ci seraient en mesure d’éviter que l’épidémie ne se propage dans les pénitenciers.

D’après un article de TVA que j’ai lu ce matin, des détenus libérés à l’établissement de Port-Cartier se retrouvent à 50 kilomètres de là, confinés dans un hôtel à Sept-Îles pour une durée de deux semaines. La députée de Duplessis et porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique a exprimé sa grande préoccupation quant à la sécurité de la région. En vertu de quelle autorité le ministre ordonnerait-il légalement à la Commission des libérations conditionnelles de remettre en liberté certaines catégories de délinquants avant leur période d’admissibilité?

En vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Commission des libérations conditionnelles est un tribunal administratif indépendant qui doit garder cette responsabilité.

Au cours des derniers jours, j’ai été informé que plusieurs victimes n’ont pas été invitées aux audiences de libération conditionnelle. Le droit des victimes de participer aux audiences est donc brimé; elles se sont senties lésées et oubliées par notre système de justice, encore une fois.

Pourquoi sommes-nous si pressés de libérer des détenus en invoquant leurs droits tout en bafouant volontairement les droits des victimes et ceux de leur famille? Il est très important de se rappeler que le Canada s’est doté, en 2015, de la Charte canadienne des droits des victimes, laquelle a une valeur supraconstitutionnelle sur les lois des ministères. Alors, comment expliquer cette situation? Je trouve dommage d’affirmer que ce gouvernement a oublié ses obligations et qu’il démontre plus de sensibilité au sort des droits des criminels qu’au respect des droits des victimes.

Honorables sénateurs, il est du devoir du gouvernement d’assurer en priorité la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Il est de notre responsabilité de le questionner et d’obtenir des réponses claires de sa part.

La sécurité de la population canadienne est l’une des plus importantes responsabilités du gouvernement sur laquelle nous ne pouvons transiger. Nous devons faire front commun face à cette crise qui nous touche tous et toutes de très près.

Je suis convaincu que nous trouverons les bons compromis pour aider les Canadiennes et les Canadiens à surmonter cette épidémie.

J’en profite pour souhaiter à tous les Canadiens, Canadiennes, Québécois et Québécoises de joyeuses Pâques!

Honorables sénateurs, que vous et vos proches restiez en santé et en sécurité. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Kim Pate : Est-il possible de poser une question?

[Français]

Son Honneur le Président : Sénateur Boisvenu, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Boisvenu : Absolument.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je vous remercie de vos commentaires. J’allais me lever pour invoquer le Règlement au sujet de la pertinence de vos commentaires à la lumière de ce dont nous discutons, mais je ne le ferai pas.

Son Honneur le Président : Y a-t-il un problème avec la traduction?

La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je trouve intéressant que certains de vos commentaires proviennent des syndicats des gardiens.

Je ne suis pas sûre si le sénateur sait que de nombreux professionnels de la santé, y compris des épidémiologistes de premier plan au Canada, ont écrit aux autorités correctionnelles de tous les paliers de gouvernement pour leur recommander de réduire le nombre de personnes dans les prisons et de libérer des prisonniers afin que les prisons ne deviennent pas des vecteurs de transmission du virus et n’augmentent pas les pressions exercées sur le système de santé publique, surtout dans les collectivités où se trouvent des prisons. Ces mesures laisseraient le personnel et les prisonniers vraiment mettre en pratique la distanciation physique dans les prisons, ce qui nous permettrait de ne pas prolonger ou répéter la pandémie actuelle, de prévenir la réintroduction cyclique du virus et d’éviter que la pandémie actuelle persiste alors que c’est évitable. Je ne suis pas certaine si vous êtes au courant de cela. Si vous ne l’êtes pas, je serais ravie de vous communiquer cette information.

(2010)

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie de votre question. J’ai visité l’ensemble des pénitenciers du Québec et je peux vous assurer que la surpopulation qu’on y retrouve est rarissime. Les pénitenciers fédéraux au Québec sont très bien outillés, autant en équipement qu’en personnel, pour pratiquer la distanciation sociale requise. Il s’agit d’une question de gestion et de gros bon sens.

[Traduction]

L’honorable Mary Coyle : Chers et honorables sénateurs, je suis profondément honorée de prendre la parole parmi vous aujourd’hui en cette enceinte à l’appui du projet de loi C-14, qui prévoit une subvention salariale essentielle. Ce projet de loi vise à soutenir les travailleurs et les familles, les entreprises ainsi que la santé future de l’économie canadienne. Je signale que les sénateurs Ratna Omidvar et Colin Deacon ont contribué à mes observations.

À son point de presse du 8 avril, le ministre Morneau a déclaré :

En réponse à une crise de santé publique historique, nous offrons un soutien historique. Ces mesures économiques sont les plus importantes jamais prises de notre vivant.

Ces mesures comprennent le projet de loi à l’étude.

Avant de parler du projet de loi et d’autres mesures prises par le gouvernement, j’aimerais me joindre à mes collègues pour vous dire, ainsi qu’à tous les Canadiens, à quel point je suis reconnaissante des efforts surhumains des nombreuses personnes qui travaillent sans relâche et qui font preuve d’une grande intelligence, d’une grande créativité et d’un grand dévouement pour nous aider à traverser cette énorme crise sans précédent qui sévit au Canada et dans le monde entier.

Je suis reconnaissante envers les dirigeants politiques et de la santé publique de tous les ordres de gouvernement, dont la compétence inspire la confiance.

Je suis reconnaissante envers les fonctionnaires. Je salue notamment Rhonda Kropp, de l’Agence de la santé publique du Canada, et tous les fonctionnaires si essentiels avec qui nous interagissons à l’occasion des séances d’information technique quotidiennes à l’intention des parlementaires.

Je suis reconnaissante envers nos courageux et compétents travailleurs de la santé, notamment les travailleurs dans les services de santé mentale ainsi que les travailleurs de première ligne dans les épiceries, les banques d’alimentation, les refuges pour femmes et les organisations de défense et de soutien des prisonniers. Je suis surtout reconnaissante envers les personnes qui s’occupent de nos concitoyens les plus précieux et vulnérables, comme ma belle-mère, Eileen Coyle, une résidente dans une maison de santé à Almonte, en Ontario, qui est actuellement aux prises avec une flambée de cas de la COVID-19.

Je remercie les éducateurs, dont beaucoup s’occupent de leurs propres enfants tout en essayant de veiller au bonheur et à l’apprentissage de leurs élèves.

Je suis reconnaissante envers les artistes, qui ponctuent cette crise de beauté, qui nous divertissent et qui nous encouragent à amorcer une réflexion en cette période où nous avons le plus besoin d’eux. Comme l’a dit un rabbin pendant un discours que j’ai écouté récemment, « c’est le moment de réconforter les personnes perturbées et de perturber les personnes confortables ».

Je suis reconnaissante aux journalistes, qui travaillent jour et nuit pour tenir nos collectivités au courant des questions de santé publique et des mesures d’intervention d’urgence.

Je remercie les innovateurs, les scientifiques et les entrepreneurs, comme mes concitoyens d’Antigonish Kulbir Singh et Mike McAlduff, de Sona Nanotech, qui travaillent sans relâche pour créer et commercialiser leur test de dépistage rapide de l’antigène de la COVID-19.

Je remercie également tous leurs homologues sur la scène mondiale. Vous et de nombreux autres êtes d’importants membres d’Équipe Canada et d’Équipe Terre.

J’appuie ce projet de loi, ainsi que les autres vastes mesures sans précédent mises en place rapidement par le gouvernement pour aider les Canadiens à traverser la crise. J’étais bien contente de voir que le projet de loi reconnaît autant l’importance du secteur commercial privé que des secteurs caritatifs et sans but lucratif. Assurer la sécurité d’emploi et soutenir la continuité des activités est essentiel dans ces deux secteurs. C’est essentiel pour tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, le Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance a mis en évidence le rôle essentiel joué par ce secteur au Canada et partout sur la planète. À l’heure où nous avons besoin de ce secteur plus que jamais, Imagine Canada estime que les organismes de charité subiront cette année des pertes de 9,5 milliards de dollars à 15,7 milliards de dollars et qu’ils devront mettre à pied entre 118 000 et 194 000 personnes. Ce n’est que pour le secteur de la bienfaisance.

Compte tenu de cette situation urgente et potentiellement critique, il faut soutenir les organismes de charité au moyen des bonnes politiques afin qu’ils puissent continuer leur travail vital de réponse aux incidences de la crise. La subvention salariale de 75 % prévue dans le projet de loi qu’a décrite le sénateur Gold dans son discours aidera à coup sûr de nombreux organismes de charité à continuer leurs activités. Nous en sommes heureux. Cependant, le secteur réclame d’autres mesures du gouvernement pour répondre à ses besoins particuliers.

Le secteur de la bienfaisance réclame une approche pangouvernementale et demande au Conseil du Trésor d’émettre une directive à cet effet. Il réclame également l’apport de changements à la façon dont les diminutions des revenus sont calculées. Les accords de financement conclus par les organismes de bienfaisance avec le gouvernement fédéral et des organismes d’État seraient automatiquement renouvelés. Les fonds non dépensés des années précédentes seraient reportés. Il faudrait faire preuve de flexibilité quant à l’utilisation des fonds, ainsi que simplifier les exigences en matière de rapport — oui, le gouvernement doit vraiment passer de la défensive à l’offensive — et imposer un moratoire temporaire sur les restrictions qui permettent uniquement aux organismes de bienfaisance et aux fondations de verser des fonds aux donataires reconnus, afin qu’elles puissent former les partenariats essentiels requis pour atteindre les populations vulnérables en ce moment, y compris les Autochtones. Par ailleurs, au moment même où le gouvernement envisage de mettre en place des mesures d’aide spéciale pour des industries, comme les compagnies aériennes, le secteur de la bienfaisance exhorte le gouvernement à créer un important fonds de stabilisation adapté à ses besoins urgents.

Honorables sénateurs, il ne s’agit pas de demandes frivoles, mais de demandes de soutiens essentiels pour un secteur qui s’efforce tous les jours d’aider les Canadiens à surmonter cette crise.

En plus du secteur de la bienfaisance, il importe d’accorder une attention particulière aux entreprises en démarrage et aux sociétés en pleine croissance. Ces dernières sont essentielles à la reprise et à la force de l’économie canadienne de demain.

Depuis des dizaines d’années, on observe une hausse considérable des investissements canadiens dans des entreprises comme Shopify à Ottawa, Verafin à Terre-Neuve et SkipTheDishes dans l’Ouest. Pour parvenir à ses fins, le gouvernement fédéral devra mettre en place des programmes qui permettront de débloquer les investissements pour les particuliers et les entités qui ont été ébranlés, comme nous tous.

Honorables collègues, j’appuie le projet de loi C-14. Comme vous, je suis impatiente d’en savoir davantage et de contribuer à la mise en place de mesures supplémentaires pour répondre à d’autres besoins pressants qui découlent de la crise de la COVID-19.

Honorables sénateurs, j’aimerais conclure mes observations d’aujourd’hui en vous rappelant que, outre la distanciation sociale que nous devrons tous observer pendant les célébrations de Pâques, de la Pâque juive, du Vaisakhi, du ramadan et des autres fêtes, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, Theresa Tam, a recommandé aux Canadiens de rester chez eux pendant les vacances. À l’instar de la sénatrice Jane Cordy, j’aimerais citer un compatriote néo-écossais, le premier ministre Stephen McNeil, qui a dit à tout le monde : « Restez donc chez vous, bon sang. »

Honorables sénateurs, je termine ce soir en récitant des paroles — n’ayez crainte, je ne chanterai pas — d’une célèbre chanson de la famille Rankin :

[...] tout comme le soleil levant

Tout comme la mer

Tout comme le vent dans les arbres

Nous nous levons encore [...]

Oui, nous nous relèverons; j’en suis convaincue.

Welalioq. Merci.

[Français]

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je veux parler aujourd’hui des défis économiques sans précédent auxquels le Canada est confronté dans le contexte de la pandémie mondiale. Souvent, dans cette enceinte, et trop souvent peut-être, nous avons utilisé le mot « crise » pour décrire des événements et des défis que nous avons dû surmonter en tant que pays. Cependant, je crois que ce mot convient parfaitement à la situation qui sévit aujourd’hui dans le monde. En fait, je crois qu’il est impossible d’exagérer la dislocation économique et le choc que ressentent à l’heure actuelle les Canadiennes et les Canadiens.

(2020)

[Traduction]

Le Conference Board du Canada a annoncé qu’il prévoit que le Canada perdra 2,8 millions d’emplois en mars et avril seulement. Avant la crise actuelle, le taux de chômage au pays était de 5 %. Ce taux s’élève maintenant à 20 % et on s’attend à ce qu’il augmente considérablement.

[Français]

Dans ma province, le Québec, on a perdu 264 000 emplois en mars seulement. Le taux de chômage au Québec est passé de 4,5 % à 8,1 %. Au Canada, seul l’Ontario a perdu plus d’emplois que le Québec.

[Traduction]

Nous avons été avertis de nous attendre à ce que certaines régions du pays atteignent un taux de chômage aussi stupéfiant que 85 %. Une telle ampleur du chômage et du ralentissement économique est sans précédent, même en comparaison avec d’autres crises, comme le grand krach boursier de 1929. Nous appliquons une solution radicale pour que la distanciation sociale soit efficace et que le virus disparaisse. Même en réussissant à maintenir l’efficacité de la distanciation sociale, le virus tuera de 11 000 à 22 000 Canadiens. Nous avons tous pris connaissance de projections bien plus troublantes encore. Cependant, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les conséquences à long terme pour notre économie et les moyens de subsistance des Canadiens. Mes commentaires ce soir porteront sur certaines de ces conséquences.

Face à cette pandémie mondiale, tous les pays doivent surmonter des défis économiques semblables. Je crois toutefois qu’il faut faire preuve de franchise : certains pays sont mieux préparés que d’autres. De plus, certains parviennent à mieux gérer les défis économiques que d’autres.

À la base, il faut se demander à quel point notre pays est bien placé pour affronter les difficultés économiques imprévues qui surgissent inévitablement de temps à autre. Penchons-nous sur la première moitié de la dernière décennie. Le gouvernement d’alors a déployé des efforts considérables pour que le pays renoue avec l’équilibre budgétaire après les chocs économiques de 2008 à 2009. Grâce à ces efforts, les finances publiques fédérales ont retrouvé l’équilibre budgétaire en 2015. Le pays était donc bien placé pour prospérer et se préparer en vue d’un éventuel ralentissement économique. Le premier ministre Stephen Harper avait compris que les politiciens ont tendance à prendre les mesures qui sont populaires, mais que les véritables dirigeants prennent les mesures qui s’imposent.

Cependant, dans la seconde moitié de la décennie, le gouvernement actuel a adopté une approche différente. Au lieu d’accorder la priorité à son rôle de bon gestionnaire de l’économie, le gouvernement s’est délibérément lancé dans les déficits comme s’il n’y aurait plus jamais de temps difficiles. Par conséquent, au cours des cinq dernières années, la dette fédérale s’est alourdie de plus de 100 milliards de dollars. Face à la crise actuelle, le directeur parlementaire du budget a calculé que le déficit fédéral atteindra 184 milliards de dollars pour la prochaine année seulement. Ces dépenses seront trois fois supérieures à celles prévues dans le budget de 2009 pour répondre à une profonde récession en 2008 et 2009. Toutefois, à cette époque, le gouvernement fédéral avait réalisé des surplus budgétaires et bien géré les finances pendant près d’une décennie. Il y a 10 ans, il a été beaucoup plus facile de traverser la tempête, même si le retour à l’équilibre budgétaire dans les années suivantes a nécessité des efforts considérables. Malheureusement, l’avantage que nous avions alors a été cavalièrement dilapidé au cours des quatre dernières années.

Selon les prévisions, le ratio dette-PIB du Canada devrait passer de 30 % à 40 % en un an seulement. Chers collègues, on ne parle ici que de la dette fédérale. Les provinces ont une dette supplémentaire qui, comme l’indiquent de récents articles du Financial Post, représente le ratio dette collective-PIB le plus élevé au monde. Les gouvernements infranationaux du pays ont des ratios dette-PIB inégalés.

Chers collègues, je crains que nous ayons été tout simplement trop optimistes et trop irresponsables sur le plan financier au cours des quatre dernières années. Maintenant, nous ne pouvons qu’espérer que la reprise mondiale soit relativement rapide pour que nous puissions nous sortir de la crise actuelle.

Quelle que soit l’évolution de la situation économique mondiale, le Canada va être amené à faire des choix économiques et financiers très difficiles dans les années à venir. Une grande partie de cette situation sera attribuable aux décisions économiques désinvoltes qui ont été prises. À ce stade, il n’y a rien que l’on puisse faire pour corriger les mauvaises décisions du passé, chers collègues. Malheureusement, je suis tout aussi préoccupé par l’approche actuelle du gouvernement.

[Français]

Tout d’abord, il est clair que le gouvernement n’a pas réagi assez vite à la crise. Le 18 mars, voilà à peine trois semaines, le gouvernement a annoncé la création d’une subvention salariale de 10 % pour les entreprises qui pourraient démontrer une perte de revenus de 30 % par rapport à la même période l’an dernier. Les entreprises ont largement critiqué cette mesure, qu’elles jugeaient tout à fait inadéquate face à l’ampleur de la crise.

Nous avons appris depuis que la subvention salariale sera multipliée par cinq pour atteindre 75 % et que les entreprises n’auront qu’à montrer une perte de 15 % au titre de leurs revenus. La portée de ce changement — et ce n’est pas là un changement mineur — indique que le processus de consultation du gouvernement auprès des entreprises canadiennes était tout à fait inapproprié.

[Traduction]

Chers collègues, il y a aussi d’autres problèmes. Le programme est très complexe. Lorsqu’il a témoigné devant le Comité des finances de la Chambre des communes cette semaine, Dan Kelly, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a déclaré que son groupe reçoit 800 appels par jour de la part d’entreprises canadiennes qui cherchent à comprendre les complexités des critères d’admissibilité à la Subvention salariale d’urgence du Canada. Kim Moody, du Conseil en matière de fiscalité canadienne, a dit au comité qu’il faudra de trois à six semaines avant que les entreprises canadiennes puissent obtenir des fonds en suivant le processus de demande prévu. Il a dit ceci :

De trois à six semaines, c’est tout simplement trop long — beaucoup trop long.

Chers collègues, il a tout à fait raison. Ceux d’entre nous qui ont déjà été entrepreneurs savent que six semaines, cela peut représenter la différence entre déclarer faillite et rester à flot.

La Chambre de commerce du Canada a exprimé des préoccupations semblables. Cela laisse supposer, chers collègues, que les consultations auprès des groupes d’entreprises ont été inadéquates. Je regrette, mais ce n’est pas une chose que nous pouvons nous permettre en cette période de crise. Le gouvernement ne peut pas fonctionner comme d’habitude parce que nous ne sommes pas dans une époque normale. Il devrait travailler en étroite collaboration avec les entreprises, et avec empressement.

Il y a également de plus en plus d’indications que le programme pourrait présenter des lacunes importantes. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a indiqué que jusqu’à 80 % des petites entreprises du Canada sont actuellement fermées. Cela représente un total stupéfiant de 110 000 entreprises dans tout le pays. Certaines PME auraient du mal à obtenir les prêts nécessaires. Cela a suscité de vives inquiétudes quant au fait que les critères de prêt de la Banque de développement du Canada sont tout simplement trop stricts et qu’ils favorisent les moyennes et grandes entreprises dont les flux de trésorerie sont déjà positifs. Nous ne répondons donc certainement pas à ceux qui en ont le plus besoin. Cela risquerait de laisser de nombreuses petites entreprises sur le carreau, et les petites entreprises sont la base sur laquelle fonctionne l’économie canadienne.

Tout cela est très préoccupant et devrait l’être pour nous tous. Le gouvernement a affirmé qu’une approche collaborative est un principe fondamental de la manière dont il prévoit affronter cette crise. Toutefois, ce à quoi nous assistons n’est pas le signe d’une approche collaborative.

[Français]

Certaines personnes ont suggéré, en pleine crise, que le gouvernement devrait avoir des pouvoirs inconditionnels supplémentaires pour agir sans que les parlementaires assurent la surveillance de leurs actions ou les remettent en question.

Cependant, en présence d’un gouvernement qui traite plutôt cavalièrement les finances nationales depuis des années, qui tarde à adopter des mesures pour aider les entreprises canadiennes et qui semble maintenant élaborer des politiques sans trop se soucier de la transparence ou de la nécessité de mener des consultations efficaces, la surveillance parlementaire, chers collègues, prend toute son importance.

[Traduction]

Chers collègues, il est indéniable que nous devons agir et adopter le projet de loi de toute urgence. Nous ne pouvons tout simplement pas faire autrement. J’ai toutefois de sérieuses réserves. Je ne peux qu’implorer le gouvernement de s’engager de nouveau à consulter les entreprises et d’autres intervenants et à susciter leur participation durant la crise actuelle. Nous faisons face à une crise qui n’est pas sans rappeler ce que nous avons vécu durant la Deuxième Guerre mondiale. L’ennemi n’est pas le même qu’à l’époque, mais il est tout aussi nécessaire que le gouvernement et l’industrie canadienne adoptent une approche concertée et véritablement nationale. Aujourd’hui, la survie des entreprises canadiennes et de l’économie nationale dépend de la solidité de cette collaboration. J’exhorte le gouvernement à s’engager de nouveau et sans équivoque à l’atteinte de cet objectif. Je presse la Chambre des communes et le Sénat d’insister clairement là-dessus.

Cela dit, le gouvernement tente de faire de son mieux — et je tiens à ce qu’il soit clair que je crois que tout le monde s’y emploie de bonne foi — mais force est de reconnaître que le Canada n’était pas prêt à faire face à une pandémie. Nous n’étions pas préparés, ni sur le plan financier ni sur le plan sanitaire. Nous avons laissé nos réserves d’équipement médical et nos réserves financières s’épuiser. Le gouvernement avait été mis en garde que ses dépenses effrénées des quatre dernières années allaient éventuellement mettre le Canada dans une situation désastreuse. Voilà ce qui se passe aujourd’hui, chers collègues. Que cette crise nous serve de leçon, une fois pour toutes. Nous ne devons plus jamais nous retrouver en pareille situation dans l’avenir. Merci.

(2030)

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, l’adoption du projet de loi C-14, que j’appuie, achèvera probablement l’étape de secours immédiat pour le contrôle de la crise de la COVID-19. Je félicite le gouvernement, la Chambre des communes et tous ceux qui ont accompli un travail remarquable pour offrir une protection essentielle et un filet de sécurité d’urgence aux Canadiens dont les moyens de subsistance ont été perturbés par la pandémie.

Lorsque la situation se stabilisera au cours des prochains mois et que nous passerons de la planification des secours à celle du rétablissement, il faudra analyser les causes sous-jacentes et les circonstances qui ont permis à la crise d’atteindre une ampleur catastrophique. Les chercheurs en santé publique nous mettent en garde concernant une seconde vague d’infection et nous exhortent à la vigilance. Nous devons tirer des leçons rapidement et nous doter d’outils adéquats afin de préparer de meilleurs plans d’urgence pour la santé, la démocratie, l’éducation et l’économie.

Il apparaît évident que nous étions mal préparés pour faire face à la pandémie et aux répercussions économiques des mesures qui ont dû être prises. La crise met en lumière l’interdépendance absolue et la fragilité extrême du système hyper-capitaliste mondial. Nous dépendons de fabricants étrangers pour des produits sanitaires essentiels, et l’économie industrielle moderne, qui n’est pas viable sur le plan structurel, a provoqué une réaction en chaîne. Résultat : nous faisons face à un ensemble de crises. Par exemple, l’empiètement accru des êtres humains sur les habitats naturels fait augmenter les contacts entre les animaux sauvages et les êtres humains, ce qui accroît le nombre de pandémies en plus de contribuer aux changements climatiques. Ces questions sont interreliées et les solutions doivent donc être intégrées.

J’implore le gouvernement et tous les partis politiques de travailler ensemble et de concevoir des plans axés sur les données scientifiques, une vision à long terme, l’inclusion, l’efficacité économique et la durabilité environnementale.

[Français]

Alors que nous nous tournons vers l’avenir, il y aura des appels au retour à la normale et, pour certains, cela signifiera de sacrifier encore davantage les mesures de protection de l’environnement minimales en place pour obtenir des gains à court terme.

Ce serait ignorer que la pollution est un facteur aggravant pour les virus comme la COVID-19 et que la pollution fait déjà beaucoup plus de victimes que ce virus, en plus de contribuer au dérèglement climatique. La pollution est une cause fondamentale de problèmes multiples et c’est un enjeu que nous ne pouvons plus continuer de négliger. Les pauvres conditions sanitaires des ouvriers outremer qui font partie de la chaîne de production des manufactures sont aussi à l’origine de cette pandémie.

[Traduction]

Nous devons reconnaître qu’il n’est plus acceptable de retourner aux conditions d’avant la pandémie de COVID-19. Nous vivons un grand bouleversement. Cette situation sans précédent nous pousse à apporter des changements considérables. Nous ne pouvons pas minimiser l’ampleur des défis et du travail qui nous attendent. En cette période de crise, nombre de personnes pleureront la perte d’un être cher et connaîtront des épreuves douloureuses qui réduiront à néant leurs idées préconçues et qui les obligeront à voir les choses autrement.

Cependant, nous avons également une occasion exceptionnelle de nous préparer et d’amorcer un processus de planification intégrée et d’adaptation qui nous aidera à être plus résilients, plus heureux et plus solidaires.

Sur cette planète minuscule par rapport à l’immensité de l’univers, nous devons partager des ressources limitées. Les écosystèmes du monde entier, qui sont essentiels à notre survie et qui sont aussi vulnérables qu’indispensables, sont sur le point de s’effondrer. Heureusement, la créativité humaine n’a pas de limites, et il faut maintenant lui donner libre cours.

Dans les semaines et les mois qui suivront, nous serons à même de constater si les efforts seront à la hauteur des défis. Nous craignons déjà que certains groupes, en particulier les gens vulnérables, soient laissés à eux-mêmes, et il faudra peut-être trouver prochainement une solution universelle pour y remédier. Étant donné que nous avons conclu une entente, plus tôt aujourd’hui, afin que la Chambre de second examen objectif exerce une surveillance limitée à l’égard des mesures d’urgence, j’espère que nous serons en mesure de veiller à ce qu’aucun Canadien ne soit laissé pour compte.

Enfin, j’espère que les économies qui se régénèrent et qui sont résilientes, circulaires et centrées sur le bien-être des hommes et des écosystèmes, deviendront la nouvelle norme. L’économie est au service de l’humanité et non l’inverse. Il est temps que nos macro-indicateurs reflètent le bien-être et pas seulement la richesse.

La sécurité n’est pas un thème sur lequel on revient. La sécurité est le résultat d’une construction commune. Je vous remercie.

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, il y a un mois, nous ajournions nos travaux sans savoir à quoi nous attendre. Dans les semaines qui ont suivi, nous avons vécu — et continuons de vivre — des moments extraordinaires et sans précédent. Face à la crise, les Canadiens ont fait preuve d’ouverture, d’honnêteté, de vulnérabilité et de lassitude. Nous avons presque tous vu notre vie bouleversée. On nous a dit de garder nos distances avec nos amis et nos proches. Certains ont contracté cette maladie. D’autres ont perdu la vie.

Alors que nous sommes ici pour soutenir le projet de loi C-14, nous pensons au travail accompli dans notre lutte contre la COVID-19. En me voyant entourée d’un groupe restreint de sénateurs, je pense que nous devons représenter nos collègues absents de cette enceinte. Nous continuons également à être soutenus virtuellement par un personnel incroyable et souple, que je remercie vivement.

Bien que nous soyons au cœur d’une crise mondiale que notre génération n’a jamais connue, nous sommes quand même capables d’apporter notre soutien en cas de graves perturbations. Nous devons rendre des comptes à nos communautés, soutenir les plus vulnérables, les informer des dernières nouvelles des gouvernements, trouver des solutions. Je suis très reconnaissante pour les mises à jour quotidiennes des parlementaires et le réseau de mes collègues du Sénat de toutes tendances qui nous ont aidés à aider les autres.

J’ai perdu une première amie des suites de la COVID-19. Quel chagrin. Quel choc. C’était une personne en bonne santé, dynamique, hors du commun. C’est une épreuve que nous allons probablement tous vivre. Au milieu de cette crise, il y a des gens extraordinaires, des Canadiens qui sont là pour aider les autres. Nous témoignons naturellement notre reconnaissance envers les professionnels de la santé qui font face à des situations que très peu d’entre nous sauraient imaginer.

Or, la liste ne s’arrête pas là. Les travailleurs des services essentiels méritent aussi nos remerciements. Dans bien des cas, ce sont des jeunes Canadiens qui travaillent à temps partiel et gagnent à peine plus que le salaire minimum. Ils ne pensaient pas travailler dans de telles conditions, mais ils continuent de se rendre au boulot. Nous devons les remercier et nous assurer que ce qu’on leur demande ne dépasse pas leurs forces.

En tant que sénatrice, je suis également reconnaissante du leadership que je vois en cette période de crise et de l’occasion qui m’est donnée de porter une plus grande attention aux besoins des gens de ma collectivité et de toutes nos collectivités. Je pensais comprendre ma collectivité. Ce n’était pas le cas. J’ai rencontré des représentants de différentes entités ou différents groupes — la prison locale pour femmes, les itinérants, les personnes ayant des problèmes de santé mentale, la banque alimentaire. Chacune de ces rencontres influe et va influer sur ma façon de voir les choses et ma façon de voir la mesure législative dont nous sommes saisis.

Comme chacun d’entre vous, j’ai écouté de nombreux Canadiens : les plus vulnérables; ceux qui essaient de garder la lumière allumée; ceux qui sont passés d’un bon revenu et d’une identité positive à un isolement total et à l’absence de chèque de paie; ceux qui travaillent dans le milieu des arts et qui n’ont absolument plus aucun revenu; ceux qui essaient simplement de naviguer sur les sites et les liens Web du gouvernement et qui tentent de trouver leur place; et ceux qui ont le sentiment de n’avoir leur place nulle part. Je comprends mieux ceux qui passent à travers les mailles du filet et la possibilité qu’a le Parlement d’influer sur l’adoption des mesures qui s’imposent.

Nous sommes tous témoins d’innovations importantes provoquées par des changements rapides. J’ai assisté virtuellement à de grandes réalisations sur le plan de la modernisation et de la réaffectation de nouveaux équipements à l’échelle locale. Je suis particulièrement fier que le terme « innovation » soit respecté comme quelque chose de bien plus grand que la technologie. C’est une façon de s’adapter et d’aider, de rester proches de ceux que nous aimons et d’aider ceux qui en ont besoin.

Les Canadiens, jeunes et moins jeunes, apportent leur contribution à leur manière. J’aimerais vous citer deux exemples de personnes qui m’ont écrit pour montrer comment les Canadiens de tous âges contribuent comme ils le peuvent. Dawn, d’Ottawa, a écrit ce qui suit :

Notre fils de 7 ans, Ollie, a un lymphome et a besoin d’une greffe de cellules souches. En raison de la COVID-19, nous avons dû faire appel à un donneur familial à demi compatible plutôt qu’à un donneur anonyme. Notre fille de 11 ans, Abby, a décidé de se porter volontaire au beau milieu d’une pandémie. Elle est incroyablement courageuse.

Carol, de Hammond, en Ontario, a écrit ceci :

Mon père a servi durant la Seconde Guerre mondiale. À 73 ans, voilà que je me bats dans la Troisième Guerre mondiale contre un ennemi appelé la COVID-19. Je fais mon effort de guerre en restant à la maison et en pratiquant la distanciation sociale. Maintenant, c’est à mon tour de me battre pour mon pays.

Honorables sénateurs, la lutte contre la COVID-19 ainsi que l’entraide et le leadership dont nous devons faire preuve ne cesseront pas de sitôt d’être nécessaires. Nous allons nous en sortir. Nous ne savons pas à quoi la suite ressemblera, mais nous pouvons contribuer à la façonner. Maintenant, nous avons le temps de réfléchir et de nous engager à prendre des mesures dès que cette crise sera terminée, puisque nous en aurons tiré des leçons. Par exemple, nous pourrions considérer les avantages d’un revenu de base garanti. Aujourd’hui, alors que nous étudions le projet de loi C-14 pour aider les Canadiens qui ont des besoins urgents, nous devons continuer à réfléchir et nous poser la question suivante : quel sera l’incidence de cette crise mondiale sur la Chambre des communes, sur le Sénat, sur le pays et sur le monde?

(2040)

En tant que sénateurs, que sommes-nous prêts à faire différemment? Comment nos priorités changeront-elles? À l’avenir, comment appuierons-nous, individuellement et collectivement, les travailleurs de première ligne et ceux que nous avons peut-être oubliés dans tout cela?

J’ai entendu dire que ce que le gouvernement a entrepris revient à construire un avion en plein vol. Tout le monde est en territoire inconnu, et, pour que le scénario optimiste se concrétise, il est essentiel de faire confiance à tous les pouvoirs publics. Cela dit, le Parlement a un rôle crucial à jouer.

Tant ici qu’à l’autre endroit, on nous demande d’examiner le projet de loi dont nous sommes saisis à la lumière de nos connaissances. Nous sommes ici à titre de représentants de tous les Canadiens. Nous ne devons pas fuir nos responsabilités. Au contraire, nous devons faire de notre mieux pour trouver les solutions qui conviennent en cette période difficile. La patience est de mise, des erreurs seront commises, mais la meilleure façon de sortir de cette crise est de collaborer dans un esprit de collégialité. Peu importe le groupe ou le caucus auquel nous appartenons, nous sommes plus que jamais unis en tant que Canadiens, et je sais que nous sommes tous animés par le même désir d’apporter notre aide.

Honorables sénateurs, prenez soin de vous, de votre famille et de votre collectivité. J’espère que chacun d’entre nous pourra collectivement utiliser ce temps pour faire des Canadiens notre priorité numéro un tout en améliorant la souplesse et l’adaptabilité de la Chambre rouge dans la crise actuelle. Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, avant de traiter de l’important objectif du projet de loi, je tiens à saluer les efforts du gouvernement, du ministre des Finances et des milliers de fonctionnaires qui les appuient dans la conception et l’opération de divers programmes gouvernementaux conçus pour aider les Canadiens qui doivent traverser une période très difficile, dont certains doivent même pleurer des morts.

Je salue également le travail des partis de l’opposition à la Chambre des communes qui, le 25 mars dernier, tout en appuyant les efforts du gouvernement, avec l’esprit de l’« Équipe Canada», ont mis en place des mécanismes de frein et de contrepoids permettant aux élus de tous les partis de continuer d’exercer leurs fonctions dans un nouvel environnement technologique forcé par la pandémie.

Enfin, je transmets mon appréciation aux divers groupes représentés ici dans cette Chambre qui ont travaillé fort au cours des dernières semaines pour faire en sorte que le Sénat soit capable de remplir, lui aussi, son devoir constitutionnel de surveillance, au nom des Canadiens, par l’entremise de deux comités qui reflètent adéquatement la composition du Sénat.

[Traduction]

Lorsqu’une personne est nommée au Sénat, cela signifie l’arrivée d’un nouveau sénateur. Je dois ajouter que tous les sénateurs sont égaux : ils ont les mêmes droits, les mêmes privilèges et les mêmes devoirs, peu importe leur origine, leur sexe, leur orientation sexuelle, leurs préférences politiques ou leur affiliation à un groupe du Sénat.

Comme je l’ai dit lors de la dernière réunion du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, je crois à l’égalité de tous les sénateurs. En cette période où le Sénat ne siégera pas régulièrement pendant un certain temps, il est essentiel que la composition des deux comités reflète bien la composition du Sénat, car ces deux comités seront le mini-Parlement, la mini-Chambre puisque nous suspendons les travaux de la Chambre du Sénat.

[Français]

Compte tenu de l’importance des mesures proposées et de la rapidité de leur conception, le travail de ces deux comités pourra permettre de déceler, puis au gouvernement de corriger, toute lacune dans les mesures mises en place.

[Traduction]

Je suis fermement convaincu, honorables sénateurs, que ce serait manquer à notre devoir que de ne pas jouer le rôle complémentaire qui est le nôtre et de ne pas passer au peigne fin le plan d’intervention du gouvernement en réponse à la COVID-19, surtout vu l’étendue des pouvoirs extraordinaires qu’il s’attribue. L’expérience nous montre que les comités du Sénat, comme celui des finances nationales ou des affaires sociales, abordent souvent des sujets différents de ceux abordés par les députés, comme les détails des politiques, les enjeux régionaux et territoriaux et les droits des minorités et des sans-voix, comme les Noirs, les habitants des régions rurales et les détenus.

D’accord, les comités autant que leurs employés dévoués devront s’adapter à la réalité des audiences à distance et aux contraintes technologiques, mais je suis persuadé que le Sénat saura relever ce défi, comme l’ont fait les Communes et de nombreux autres Parlements du monde.

Passons maintenant au projet de loi à l’étude et à ce qu’il contient. Plus tôt cette semaine, j’ai fait part au ministère des Finances d’une série de commentaires très techniques portant sur certains aspects du texte, mais je vous en fais grâce aujourd’hui. Je les ai avec moi, cela dit, si jamais vous souhaitez en prendre connaissance.

Je m’intéresserai plutôt à l’objectif avoué du projet de loi, à savoir réduire le nombre de travailleurs mis à pied en raison des graves répercussions économiques de la pandémie. Le but, ce n’est pas d’aider les entreprises, mais les travailleurs.

Honorables sénateurs, comme nous le savons tous — et comme l’a dit plus tôt mon collègue le sénateur Housakos —, des millions de Canadiens sont au chômage, et beaucoup d’autres risquent de perdre leur emploi. J’espère que le projet de loi servira à préserver ou à rétablir les emplois de centaines de milliers ou plus de Canadiens qui, autrement, seraient privés d’un chèque de paie ou d’un emploi.

Quand je songe à l’objectif du projet de loi à l’étude, je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’un célèbre juge manitobain, le regretté juge en chef Brian Dickson, a écrit dans une décision de la Cour suprême rendue en 1987. J’étais déjà avocat à l’époque. Je le cite :

Le travail est l’un des aspects les plus fondamentaux de la vie d’une personne, un moyen de subvenir à ses besoins financiers et, ce qui est tout aussi important, de jouer un rôle utile dans la société. L’emploi est une composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être sur le plan émotionnel […]

En cette période difficile où les employés, à l’instar des autres Canadiens, doivent endurer beaucoup de stress à domicile et au sein de leur famille, le projet de loi dont nous sommes saisis aidera grandement les nombreuses personnes ayant récemment été mises à pied ou étant sur le point de l’être. Je suis donc fier aujourd’hui de voter en faveur du projet de loi qui, en plus de soutenir des pans de l’économie nationale, contribuera à préserver la dignité de centaines de milliers de travailleurs canadiens.

[Français]

En conclusion, le travail est un élément fondamental de la vie d’une personne, et touche sa subsistance, son estime de soi et sa dignité humaine. En cette période difficile pour des millions de travailleurs et de travailleuses, cette loi permet à plusieurs de préserver leur dignité, de réduire l’angoisse que ressentent les membres de leur famille et d’inspirer la confiance en des jours meilleurs. Merci. Meegwetch.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Honorables sénateurs, je tiens aussi à prendre la parole pour exprimer mon appui pour le projet de loi et je remercie tous nos collègues ici et à la maison de leurs contributions judicieuses et utiles à la discussion.

Au cours de cette pandémie, on a décrit la COVID-19 comme un important facteur d’égalisation. D’ailleurs, elle a mis en évidence le résultat de décennies de coupes dans les systèmes de santé et de services sociaux dans tout le Canada. Elle a également révélé la dévalorisation qui existe depuis longtemps du travail des intervenants de première ligne, les bas salaires et l’absence d’avantages sociaux et de protection pour les travailleurs sur lesquels nous comptons aujourd’hui, des commis de magasin aux livreurs, en passant par les nettoyeurs, les éboueurs, les employés saisonniers, les personnes qui font de petits boulots et — comme l’a souligné la sénatrice Miville-Dechêne — les gens qui travaillent dans les foyers de soins de longue durée à titre de préposés aux services de soutien à la personne, sans parler des artistes et de tant d’autres.

De jour en jour, il devient plus clair que, loin de toucher tout le monde de la même manière, la COVID-19 met en évidence et exacerbe les inégalités et fait des ravages disproportionnés parmi les personnes à faible revenu, les femmes qui tentent d’échapper à la violence, les sans-abris et les personnes racialisées, en particulier les Autochtones, les Asiatiques et les Afro-Canadiens. L’amalgame de mesures dont nous disposons aujourd’hui laisse encore pour compte bien trop de personnes.

(2050)

Honorables sénateurs, le ministre nous invite à le conseiller sur les façons de répondre aux besoins des personnes qui ne sont toujours pas admissibles ou en mesure d’accéder aux ressources que nous mettons maintenant à leur disposition. En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité particulière de représenter les membres les plus vulnérables de la société. Je suis impatiente de participer à nos efforts collectifs en vue de remédier aux lacunes qui subsistent.

Nous devons remédier à l’inégalité au chapitre de l’accès aux mesures économiques et remédier à la discrimination fondée sur la classe sociale, la race, le lieu de résidence géographique et le genre dénoncée tant par ceux qui sont le plus durement touchés par la COVID-19 et qui y sont le plus vulnérables, que par ceux que notre réponse à la COVID-19 a laissés en plan jusqu’à présent. Nous savons que les mesures que nous prenons en réponse à la COVID-19 risquent d’exacerber les énormes inégalités que cette pandémie met fortuitement en lumière.

Ceux d’entre nous qui travaillent à ces dossiers vous invitent tous, que vous soyez ici ou à la maison, à joindre vos efforts aux nôtres pour mettre fin à la discrimination dont trop de gens au pays sont actuellement victimes.

En terminant, je tiens à remercier tout spécialement l’ensemble des travailleurs de première ligne, mes collègues ici et à la maison, les équipes du Sénat qui ont rendu la séance d’aujourd’hui possible et tous les gens, où qu’ils soient, qui travaillent pour que nous traversions cette épreuve.

Meegwetch. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence, la sonnerie se faisant entendre pendant cinq minutes avant la reprise de la séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Par conséquent, l’honorable sénateur Gold propose que la séance... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Son Honneur le Président : Par conséquent, la séance est suspendue jusqu’à l’appel de la sonnerie, laquelle retentira pendant cinq minutes.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2130)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 11 avril 2020

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que la très honorable Julie Payette, gouverneure générale du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite au projet de loi mentionné à l’annexe de la présente lettre le 11 avril 2020 à 21 h 09.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

La secrétaire de la gouverneure générale et chancelière d’armes,

Assunta Di Lorenzo

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projet de loi ayant reçu la sanction royale le samedi 11 avril 2020 :

Loi no 2 concernant certaines mesures en réponse à la COVID-19 (projet de loi C-14, chapitre 6, 2020)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5(g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 21 avril 2020, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de demander au sénateur Gold de proposer l’ajournement, je souhaite remercier de tout cœur tous ceux qui rendent possible la poursuite des travaux du Sénat malgré les circonstances extraordinaires.

[Français]

Je sais que je parle au nom de tous les sénateurs en exprimant ma profonde reconnaissance pour leur dévouement envers notre institution et leur engagement à l’égard de la santé et de la sécurité de tous les membres de la famille du Sénat.

[Traduction]

Du même souffle, nous devons aussi souligner le travail inlassable des travailleurs de la santé de première ligne, des premiers répondants, des experts en santé publique et de tous ceux qui maintiennent la chaîne d’approvisionnement au Canada et en assurent la sécurité; nous leur sommes immensément redevables et reconnaissants.

[Français]

Enfin, j’aimerais remercier tous les honorables sénateurs de leur patience et de leur compréhension au cours des dernières semaines.

[Traduction]

Il s’agit d’une période difficile pour tous les Canadiens et je vous félicite tous pour votre travail mené de façon collaborative, positive et solidaire. Je vous dis à vous et à votre famille de faire attention à vous et de garder le moral; nous passerons à travers cette épreuve ensemble. Merci. €

(À 21 h 35, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 21 avril 2020, à 14 heures.)

Annexe - Liste des sénateurs

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