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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 45

Le jeudi 3 juin 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 3 juin 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale de la santé et de la condition physique

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la Journée nationale de la santé et de la condition physique, qui sera soulignée samedi. Je remercie les sénateurs de leurs publications dans les médias sociaux, des efforts déployés et du partage des activités qui les font bouger.

Je veux également remercier la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique au Canada, qui parlera de la Journée nationale de la santé et de la condition physique samedi dans le cadre de sa déclaration hebdomadaire à la population.

Cette année, à l’approche de cette journée, je me suis dit que, au lieu de faire les invitations que j’ai l’habitude de faire, je demanderais à la nouvelle poète officielle du Parlement, Louise Bernice Halfe — de son nom cri, Sky Dancer —, de nous inspirer. Je présente donc le poème qu’elle a écrit en pensant à cette journée. Le poème s’intitule « Plus de 65 ans ».

Il arrive que l’esprit se refuse à l’effort. Mais un filet d’eau fraîche sur nos pieds meurtris après un jogging mené sans trop de conviction suffit à raffermir notre volonté. Les battements de notre cœur et l’essoufflement nous offrent cette euphorie arrachée à notre corps défendant.

Assis dans un canot, pagaie en main, glissant le long des falaises et de la forêt, à fendre les flots, notre esprit et notre corps s’élèvent dans ce doux balancement.

Tous les matins, mon mari et moi soulevons des poids. Étirements, fléchissement de la taille, bras qui battent l’air comme les ailes d’un papillon. Développé des jambes : il n’a jamais été si facile de plier les genoux. Nous entraînons nos triceps mollassons; nous faisons la planche.

Nous avons plus de 65 ans.

Pendant trois ans, nos pieds ont parcouru plus de deux cents miles dans les prairies de la Saskatchewan, depuis les pâturages jusqu’aux montagnes rocheuses des anges de Mystery Rocks, en passant par les lieux meurtriers où nous avons rendu hommage aux tribus d’origine.

Nous repoussons les limites de notre réticence. Nous honorons notre corps et notre esprit. Ces cadeaux que sont le vent, le soleil, l’eau et la terre circulent dans nos veines.

Honorables sénateurs, c’est aussi simple que cela. Prenez soin de vous. Merci. Meegwetch.

Le Sentier—Maison de transition pour vétérans

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, j’aimerais amorcer ma déclaration d’aujourd’hui par une citation de Mary Edwards Wertsch : « L’environnement ne guérit pas; il rend possible la guérison. »

Voilà une parfaite entrée en matière pour le deuxième chapitre de ma série d’allocutions visant à souligner le travail effectué par Le Sentier — Maison de transition pour vétérans, ou The Trail — Transition Housing for Veterans.

Les anciens combattants sont trois fois plus susceptibles de souffrir d’affections médicales, telles qu’un trouble musculosquelettique, un trouble de stress post-traumatique, de la douleur chronique et des problèmes de santé mentale. En 2019, Le Sentier — The Trail — a conclu un partenariat avec Équi-Sens, un centre équestre thérapeutique situé à Mirabel, au Québec, afin de créer un programme spécialisé à l’intention des anciens combattants appelé P.A.V.E.R.

[Français]

P.A.V.E.R, le Programme d’aide aux vétérans et premiers répondants en équithérapie, offre au personnel militaire actif et à la retraite ainsi qu’aux premiers répondants souffrant d’un trouble de stress post-traumatique ou de tout autre problème de stress opérationnel un programme spécialisé en thérapie équestre.

Les programmes sont d’une durée de 10 semaines, à raison d’une séance par semaine. Chaque programme est adapté spécifiquement à l’individu par un psychologue appuyé d’un thérapeute équestre spécialisé.

Équi-Sens dispose de 10 chevaux et de deux thérapeutes spécialisés en thérapie équestre afin d’offrir ses thérapies aux vétérans. Ces services de psychothérapie sont approuvés par Anciens Combattants Canada et peuvent être offerts gratuitement aux participants.

[Traduction]

Dirigé par Chantal Soucy, fondatrice et directrice du centre, Équi-Sens a adopté une approche d’équipe pour mieux servir sa clientèle. En plus des psychothérapeutes et des équithérapeutes, l’équipe est composée de professionnelles de la santé, d’une psychoéducatrice et d’une travailleuse sociale pour que les participants puissent bénéficier pleinement de chaque rendez-vous.

En suivant le modèle de base de l’EAGALA, l’Equine-Assisted Growth and Learning Association, on encourage et on aide chaque participant à trouver la meilleure solution à son problème en lui offrant les meilleures conditions thérapeutiques. Le code d’éthique de l’association assure le plus haut niveau d’intégrité, ce dont l’organisme de bienfaisance est très fier.

À l’heure actuelle, le programme P.A.V.E.R. compte sept participants, et deux personnes sont sur la liste d’attente. Les responsables du programme attendent avec impatience la fin de la pandémie. Merci.

Les jeunes devenus trop vieux pour les foyers d’accueil

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet des problèmes auxquels sont confrontés les jeunes qui sortent des foyers d’accueil lorsqu’ils atteignent la majorité. J’aimerais saluer le travail de la Ligue pour le bien-être de l’enfance du Canada qui réclame des changements dans le système et se fait le porte-voix des gens qui ont vécu ce genre de situation.

Généralement, les jeunes peuvent acquérir leur indépendance progressivement en fonction de leur maturité et reçoivent souvent de leur famille du soutien financier et émotionnel ainsi que de l’aide pour se préparer à voler de leurs propres ailes. En revanche, on s’attend à ce que les jeunes dans les foyers d’accueil deviennent indépendants dès qu’ils atteignent l’âge de la majorité, non lorsqu’ils sont prêts à le faire.

À l’heure actuelle, les services offerts après la sortie des foyers d’accueil diffèrent d’une province et d’un territoire à l’autre au Canada, et le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec n’offrent plus de services une fois que les jeunes deviennent majeurs. Cette abrupte transition peut déboucher sur l’itinérance, le chômage, la pauvreté, des problèmes de santé mentale et la maternité ou la paternité à un âge précoce.

De nombreux jeunes devenus trop vieux pour rester en foyer d’accueil risquent de se retrouver dans le système de justice pénale, que certains désignent comme le tunnel entre le foyer d’accueil et la prison. Or, il serait possible d’éviter de telles éventualités en changeant le critère de l’âge pour fixer le moment de la sortie du foyer d’accueil et en donnant accès à davantage de ressources, comme un logement sûr et des services en santé mentale culturellement adaptés.

Les jeunes des communautés autochtones et noires sont confrontés à des obstacles particuliers à cause de l’héritage de violence coloniale et du traumatisme intergénérationnel qui leur a été légué. Pour les jeunes Noirs, les conséquences de l’esclavage se traduisent par un traitement raciste dans les services de protection de l’enfance. Quant aux jeunes Autochtones, ils doivent composer avec l’héritage des pensionnats indiens et de la raffle des années 1960.

Les défenseurs des droits réclament une prise en charge plus équitable et exigeront que le gouvernement rende des comptes à l’égard de la promesse faite dans le budget de 2021 d’investir dans les services pour les enfants des Premières Nations, après la sortie des foyers d’accueil.

Honorables collègues, les jeunes vulnérables doivent être mieux soutenus pour faire la transition à la vie adulte. Selon le National Council of Youth in Care Advocates, tous les jeunes méritent d’être soutenus dans leur transition vers l’indépendance. Merci. Asante.

(1410)

La science d’abord

L’honorable Stan Kutcher : Merci, Votre Honneur. La montée de l’information antiscience a constitué une conséquence négative de la pandémie. Mêlant la peur et le mensonge, cette désinformation est largement diffusée, souvent sur les médias sociaux, par des personnes qui ne font peut-être pas la différence entre la science et la fiction. Elle est partagée involontairement par ceux qui sont émus par ces messages, et partagée à dessein par ceux qui ont des intentions malveillantes.

L’Organisation mondiale de la santé appelle ce phénomène « infodémie », qu’elle décrit ainsi :

Une infodémie [...] se caractérise par des tentatives délibérées de diffuser des informations erronées afin de saper la riposte de santé publique et de promouvoir les objectifs différents de certains groupes ou individus.

La diffusion d’informations fausses coûte des vies [...] la population n’utilisera pas les tests de diagnostic, les campagnes de vaccination [...] n’atteindront pas leurs objectifs et le virus continuera à se propager.

[...] la diffusion d’informations trompeuses a pour effet de diviser le débat public [...] d’amplifier les discours de haine, d’accroître le risque de conflit, de violence et de violation des droits humains, ainsi que de compromettre les perspectives à long terme de faire progresser la démocratie, les droits humains et la cohésion sociale.

Au Canada, la désinformation inclut, sans s’y limiter : la débâcle de l’hydroxychloroquine; la prétention que la COVID n’existe pas ou qu’il s’agit tout simplement de la grippe; le refus de certains de se conformer aux directives de base de la santé publique comme le port du masque; la prétention que les vaccins entraînent l’infertilité des femmes; et que les élites ont créé la pandémie pour asservir la population à des fins géopolitiques en implantant des micropuces dans les vaccins.

Au Canada, les réponses gouvernementales coordonnées à cette infodémie ont été lentes à se concrétiser et, par conséquent, les institutions scientifiques et de santé légitimes ont dû rattraper le temps perdu. Cependant, des scientifiques et des experts de la santé comblent la brèche.

Je suis heureux d’informer cette enceinte d’une initiative réussie qui a rassemblé des centaines de scientifiques, de fournisseurs de soins de santé et de communicateurs scientifiques pour combattre le problème. L’initiative s’appelle « Science Up First », « La science d’abord », et elle s’efforce de lutter contre l’infodémie et de mettre la science au premier plan. L’initiative aidera l’ensemble des Canadiens à prendre rationnellement et efficacement en charge leur santé, en apprenant à distinguer l’information pertinente des fausses informations, non seulement pendant la crise, mais aussi après la pandémie, qui, espérons-le, sera bientôt chose du passé.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour reconnaître, applaudir et soutenir le travail formidable des personnes qui participent à l’initiative « La science d’abord » et leur souhaiter beaucoup de succès.

Merci. Meegwetch.

Le Musée du portrait du Canada

L’honorable Patricia Bovey : Merci, Votre Honneur, et merci au Groupe des sénateurs canadiens de m’avoir cédé une place. Quelques mois à peine après mon arrivée dans cette auguste Chambre, 85 % d’entre vous ont répondu à mon invitation et ont signé une lettre appuyant le projet de Musée du portrait du Canada, dont la réalisation avait été entreprise, mais interrompue à plusieurs reprises au fil des ans. J’ai été ravie de me joindre aux anciens sénateurs Grafstein, Joyal et Black, en Alberta, et de faire de mon mieux pour que le projet se réalise.

Aujourd’hui, je suis très heureuse de pouvoir dire que le projet de Musée du portrait du Canada avance bien.

Lawson Hunter, président du conseil d’administration, me fournit des mises à jour régulières. L’organisme s’est constitué en personne morale et a obtenu un numéro d’organisme de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada. Son conseil d’administration comprend des gens du monde des arts visuels et du monde des affaires. Son comité consultatif, lui, est plus large, et l’ancienne sénatrice Charette-Poulin en fait partie.

Joanne Charette, qui était cadre supérieure au Musée des beaux-arts du Canada, a été nommée directrice du nouveau musée. Grâce à des partenariats officiels avec la Fondation communautaire d’Ottawa et la Royal Academy of Arts, le conseil d’administration est parvenu à recueillir suffisamment de fonds du secteur privé pour mener une étude de faisabilité, qui a été publiée il y a 18 mois et qui représente un jalon important. Elle servira à guider le travail à venir, la clarification des politiques, la planification des programmes et maintenant l’évaluation d’un lieu de construction possible. Deux expositions virtuelles sont en préparation. La première, de portée nationale, est dirigée par un conservateur d’Ottawa. Elle devrait être lancée en août. La deuxième, prévue pour janvier 2022, est l’œuvre d’un artiste autochtone de Winnipeg et sera dirigée par l’ancien conservateur d’un musée de l’Ouest du pays. D’autres détails seront annoncés bientôt.

Qu’est-ce qui définit un portrait, et quel est l’objectif de cette nouvelle institution canadienne? Ce musée n’aura pas comme rôle d’immortaliser les portraits d’anciens dirigeants blancs décédés ayant été peints par des artistes blancs décédés. On cherchera plutôt à célébrer la diversité des peuples du Canada et de l’ensemble des artistes canadiens, passés et actuels, autochtones et de toutes les couleurs de peau. Le musée s’emploiera aussi à explorer les nombreuses techniques et les divers supports que les artistes utilisent pour créer leurs œuvres : peinture, imprimé, crayon, argile, caméra, ordinateur, film, vidéo, et j’en passe. Je trouve leur travail stimulant et novateur, et ils sauront sûrement captiver les visiteurs et le public, comme cela a été le cas dans les musées du portrait d’Angleterre, d’Australie et des États-Unis. Ce groupe travaille à la manière canadienne, c’est-à-dire par la consultation, l’inclusion, la participation et l’engagement et le professionnalisme.

Chers collègues, vous comprendrez que j’adore ces mises à jour régulières. Cet important projet offrira à tous les Canadiens et aux visiteurs une fenêtre sur notre passé et notre présent à un moment où la pandémie a démontré à quel point il est important que le Canada soit de plus en plus autosuffisant et que nous célébrions notre nation et le rôle essentiel que les artistes jouent lorsque nous cherchons à nous définir, en tant que Canadiens. Je félicite toutes les personnes qui participent à ce projet ainsi que Lawson Hunter pour son leadership. Je les félicite pour ce qu’ils ont réalisé depuis la première fois que je vous ai demandé votre appui, au début de 2017. Merci.

Les Elks d’Edmonton

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, cette semaine, Edmonton nous a fièrement annoncé que son équipe de la Ligue canadienne de football venait de changer de nom pour devenir les Elks d’Edmonton.

Le moment choisi pour faire cette annonce ne pouvait pas mieux tomber, étant donné que nous entamons le Mois national de l’histoire autochtone, que nous apprenons la découverte vraiment horrible faite à Kamloops et que nous entreprenons un dialogue ardu, dans l’ensemble du pays, sur le récit de notre mémoire collective.

Pendant de nombreuses années, les Edmontoniens ont discuté du changement de nom de leur mythique équipe de football. Ces discussions n’ont pas été faciles. Beaucoup étaient très fiers de l’uniforme vert et or de leur équipe et de l’équipe elle-même, qui a accueilli en son sein des légendes vivantes comme Jackie Parker, Johnny Bright, Rollie Miles, Norman Kwong, Tom Wilkinson, Larry Highbaugh, Warren Moon, Gizmo Williams et Ricky Ray. C’est cette équipe qui a lancé la carrière politique de deux premiers ministres albertains : Peter Lougheed et Don Getty.

Or, le nom de l’équipe, celui que j’ai toujours connu, devenait de plus en plus gênant au fil des ans, étant donné que nous ne pouvions faire abstraction de son origine raciste. Ce nom n’était pas seulement considéré comme une insulte raciale par de nombreux Inuits. Il nous ramenait à une époque où de nombreuses équipes sportives nord-américaines choisissaient une mascotte autochtone, une coutume condescendante d’appropriation culturelle. Qui plus est, le nom n’avait aucun lien avec les peuples des Premières Nations vivant sur le territoire du Traité no 6.

Il nous faut assumer et entendre la vérité sur la douleur causée par ce racisme désinvolte avant de pouvoir passer à la réconciliation.

Selon moi, les fondateurs de la dynastie du football d’Edmonton n’avaient pas d’intention malveillante lorsqu’ils ont choisi le nom d’origine. Ils l’ont fait avec un enthousiasme teinté d’ignorance. Ils voulaient sincèrement complimenter le peuple inuit pour son courage et sa force d’âme, mais s’y sont pris de façon terriblement maladroite. En 2021, l’ancien nom était devenu un vestige anachronique de notre passé colonialiste et des attitudes qui méritent de passer à l’histoire, non pas pour qu’on les célèbre, mais pour qu’on ne les oublie pas.

Donc, Canada, souhaitez la bienvenue aux Elks d’Edmonton.

Je sais. Ceux qui aiment couper les cheveux en quatre nous diront que la forme plurielle du mot « elk » est « elk ». Pourtant, les Torontois, eux, persistent à applaudir loyalement, et parfois désespérément, leurs Leafs, et non leurs « Leaves ». D’autres diront que l’animal en question est en vérité un wapiti — mais qu’en serait-il alors de l’allitération?

Quoi qu’il en soit, je suis heureux de pouvoir affirmer que la plupart des gens d’Edmonton semblent avoir adopté leurs Elks avec optimisme et enthousiasme, à en juger par les ventes des marchandises portant le chouette logo des Elks. La ville est pleine d’entrain, non seulement parce qu’elle espère voir la saison se conclure par une victoire à la finale de la coupe Grey, mais aussi parce que les ​​Edmontoniens sentent qu’ils pourront crier le nom de leur équipe avec fierté. J’ai vu sur les médias sociaux des gens dire qu’ils assisteront à un match de la Ligue canadienne de football pour la première fois de leur vie en raison du changement de nom. Ils se sentiront désormais les bienvenus au stade du Commonwealth, où les Elks joueront et seront victorieux.

Accrochez-vous, tout le monde, et soyez prêts, car les Elks foncent vers un avenir que nous pourrons partager avec fierté, un avenir où nous pourrons honorer ce qu’il y a de mieux dans notre passé, sans nous accrocher aux souvenirs les moins glorieux.

Merci, hiy hiy.


AFFAIRES COURANTES

La Commission de vérité et réconciliation

Dépôt du rapport final

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

(1420)

L’étude des questions concernant les droits de la personne en général

Dépôt du troisième rapport du Comité des droits de la personne

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des droits de la personne intitulé La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion de la sénatrice Ataullahjan, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du quatrième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L’honorable Chantal Petitclerc, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 3 juin 2021

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l’honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (donneurs d’organes et de tissus), a, conformément à l’ordre de renvoi du 27 mai 2021, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,

CHANTAL PETITCLERC

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2021

Dépôt du deuxième rapport du Comité des banques et du commerce sur la teneur du projet de loi

L’honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui porte sur la teneur des éléments des sections 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8 et 9 de la partie 4 du projet de loi C-30, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 avril 2021 et mettant en œuvre d’autres mesures.

(Conformément à l’ordre adopté le 4 mai 2021, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi relative au cadre national sur le diabète

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-237, Loi prévoyant l’élaboration d’un cadre national sur le diabète, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Mégie, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-204, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (élimination définitive de déchets plastiques), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Français]

Les relations politiques entre le Canada et les peuples autochtones

Préavis d’interpellation

L’honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur les relations politiques entre le Canada et les peuples autochtones.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les relations Couronne-Autochtones

Les femmes et filles autochtones disparues ou assassinées—Le plan d’action national

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question est pour le leader du gouvernement.

C’est aujourd’hui que le gouvernement Trudeau a enfin répondu au rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, deux ans après sa publication, monsieur le leader.

Mardi, l’Association des femmes autochtones du Canada a dit en avoir assez, à juste titre, d’attendre le plan d’action du gouvernement Trudeau. Elle a rendu le sien public. Il y est dit ceci :

Les femmes autochtones voulaient que les affaires non résolues soient rouvertes. Elles voulaient savoir ce qu’il était advenu de leurs proches disparues ou assassinées [...] Elles voulaient que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice.

J’ai posé une question, inscrite au Feuilleton l’année dernière, sur les enquêtes menées par la GRC dans ces dossiers-là. La réponse que j’ai reçue en décembre faisait état de deux affaires résolues par la GRC au Yukon et de trois enquêtes terminées par la GRC en Colombie-Britannique.

Que fait votre gouvernement, monsieur le leader, pour aider la GRC à résoudre un plus grand nombre de ces affaires?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La GRC travaille avec diligence et elle fonctionne de façon indépendante du gouvernement, comme il se doit. Je ne détiens aucune information précise en lien avec votre question. Je vais certainement me renseigner.

Je saisis l’occasion pour remercier, au nom du gouvernement, tous les organismes qui se sont joints au gouvernement fédéral pour mettre au point ce plan d’action. Ce n’est que la première étape parmi d’autres étapes nécessaires, comme l’indique le plan, pour faire face à cette réalité honteuse et tragique.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader, nous ne devrions jamais oublier que derrière chaque enquête ou affaire dont nous parlons, il y a une famille qui a besoin d’aide et qui veut obtenir des réponses.

Selon la réponse que le gouvernement m’a donnée il y a six mois, les services de la GRC en Colombie-Britannique, au Nunavut, en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon passent en revue les enquêtes concernées depuis la publication du rapport final de l’enquête nationale il y a deux ans.

(1430)

Monsieur le leader, depuis que j’ai obtenu réponse à ma question en décembre, la GRC a-t-elle résolu d’autres cas concernant des femmes et des filles autochtones assassinées ou portées disparues? Si oui, combien? Y a-t-il eu des arrestations ou des accusations?

Le sénateur Gold : Sénateur, je vous remercie de votre importante question.

Si j’avais été informé à l’avance, j’aurais été en mesure de fournir une réponse. Ce n’est pas une critique, loin de là. Je ne connais tout simplement pas la réponse. Je vais tenter d’obtenir de l’information le plus rapidement possible.

Les finances

Le budget de 2021

L’honorable Larry W. Smith : Sénateur Gold, selon l’Institut C.D. Howe, les scénarios de projections à long terme du gouvernement, tels qu’ils sont énoncés dans le budget de 2021, sont optimistes. Le représentant a déclaré ce qui suit lors de son témoignage devant le Comité des finances nationales, durant l’étude du projet de loi C-30 :

[…] de légères modifications dans les projections de la croissance économique et des taux d’intérêt peuvent faire dévier drastiquement le fardeau de la dette sur la trajectoire du scénario le plus sombre.

La modélisation de l’institut suggère que le fardeau de la dette du gouvernement fédéral pourrait revenir aux seuils critiques des années 1990 selon diverses hypothèses sur la croissance et les taux d’intérêt.

Sénateur Gold, le gouvernement est-il disposé à réviser ses projections budgétaires afin que le pays soit sur la trajectoire de la viabilité financière?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur. Il est très important que le gouvernement suive de près — ce qu’il fait, je le précise — les plans mis en place pour aider le Canada à retrouver la prospérité économique au sortir de la pandémie. C’est d’ailleurs ce que font les groupes de réflexion et les agences de notation. Le gouvernement estime avoir pris les mesures et fait les dépenses et les investissements qui s’imposaient, notamment pour permettre que l’économie continue à tourner.

À cet égard, sénateur, il vaut la peine de noter qu’à la suite de la présentation du budget fédéral, l’agence mondiale de notation Standard & Poor’s a confirmé la cote AAA du Canada.

Néanmoins, le gouvernement continue de surveiller constamment la situation économique et estime que le Canada est sur la bonne voie.

Le sénateur Smith : Sénateur Gold, la ministre des Finances a récemment répété à plusieurs reprises au Comité sénatorial des finances nationales :

[...] je ne suis pas l’auteure des principales hypothèses sur lesquelles repose l’orientation financière du budget. Ces hypothèses sont tirées d’une enquête auprès d’économistes du secteur privé.

Quoi qu’il en soit, les Canadiens s’en remettent à la ministre et au gouvernement pour ce qui est des décisions en matière de dépenses et d’emprunts, peu importe qui est à l’origine des prévisions. Or, ces décisions peuvent avoir des répercussions financières pendant de nombreuses années.

Sénateur Gold, pourriez-vous présenter au Sénat divers scénarios mis à jour qui tiennent compte de la possibilité d’une croissance économique plus faible que prévue et d’une hausse des taux d’intérêt?

Le sénateur Gold : Sénateur, je vous remercie de cette question. Les gens s’attendent à ce que tout gouvernement, que ce soit le nôtre ou un autre, fonde ses décisions sur les sources d’information et d’expertise les plus fiables et les plus complètes qui soient. Le gouvernement assume la responsabilité de ses décisions. Cela dit, personne dans cette enceinte ne soutiendrait que pour faire des prévisions, le gouvernement devrait idéalement s’isoler sur la Colline du Parlement et avancer des chiffres sans demander l’avis d’économistes chevronnés et d’autres experts du domaine.

[Français]

La justice

Le bilinguisme judiciaire

L’honorable Josée Forest-Niesing : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Au cours des dernières décennies, il y a eu beaucoup de progrès en ce qui a trait à la reconnaissance des droits linguistiques devant les tribunaux, grâce aux efforts, entre autres, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA), de la Fédération des associations de juristes d’expression française de common law inc. (FAJEF), de la Section des juristes d’expression française de common law de l’Association du Barreau canadien et grâce aussi au gouvernement. Je pense ici aux dispositions linguistiques incluses dans la Loi sur le divorce, et à l’intention de moderniser enfin la Loi sur les langues officielles.

Le progrès se fait toutefois encore attendre en matière de faillite et d’insolvabilité, malgré les revendications qui sont formulées dans ce domaine depuis plus de 25 ans. La dure réalité de la pandémie, nous le savons, a été dévastatrice pour trop d’entrepreneurs canadiens. Il est tout à fait raisonnable de prévoir une augmentation des demandes de recours en matière de faillite et d’insolvabilité dans un contexte qui est déjà tellement difficile pour ces Canadiens. Il est impensable de leur nier le droit d’intenter un recours au tribunal dans la langue officielle de leur choix. Sénateur Gold, le temps n’est-il pas venu pour le gouvernement d’introduire un projet de loi pour offrir des garanties linguistiques nationales en matière de bilinguisme judiciaire dans ce domaine, en modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénatrice, d’avoir soulevé cette question. Le gouvernement sait très bien que l’accès à la justice dans les deux langues officielles est fondamental. Votre préavis m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement au sujet de ses plans concernant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Malheureusement, je n’ai pas encore reçu de réponse. Lorsque j’aurai des nouvelles du gouvernement, je vous en ferai part dans les meilleurs délais.

La sénatrice Forest-Niesing : Sénateur Gold, lorsque vous vous informerez, je vous prierais également de vous informer au sujet de l’intention du gouvernement d’introduire des garanties linguistiques dans la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies qui, nous le savons, a été invoquée récemment par l’Université Laurentienne dans ma ville, Sudbury. L’Université Laurentienne est une institution publique qui est désignée en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario et qui a procédé en anglais pour supprimer 28 programmes postsecondaires français.

Le sénateur Gold : Encore une fois, merci d’avoir soulevé cette question, chère collègue. Le gouvernement sait très bien qu’il est important de disposer d’institutions postsecondaires fortes pour les francophones du Nord de l’Ontario. Comme l’éducation relève de la compétence provinciale, on m’a informé que la ministre Joly a communiqué avec les provinces pour trouver des solutions par et pour les francophones du Nord de l’Ontario.

[Traduction]

Les relations Couronne-Autochtones

Les anciens pensionnats autochtones

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. J’ai été, comme la plupart des Canadiens, consterné et atterré d’apprendre que les corps de 215 enfants autochtones avaient été découverts sur le terrain d’un ancien pensionnat autochtone, à Kamloops.

Nous avons tous été touchés par les hommages chargés d’émotions prononcés au Sénat mardi. Le Canada ne peut plus nier cet héritage déplorable. J’espère que les Canadiens de tous les milieux s’engageront sur la voie de la vérité et de la réconciliation avec les peuples autochtones du pays. Je suis aussi d’avis que l’Église catholique ne peut plus nier le rôle qu’elle a joué dans ce sombre chapitre de notre histoire, et j’espère que le gouvernement demandera des excuses officielles de la part du pape.

Sénateur Gold, d’innombrables personnes demandent au gouvernement de soutenir la recherche et l’identification des enfants enterrés près des pensionnats de partout au pays. Mardi, à l’Assemblée législative du Québec, le premier ministre Legault s’est dit ouvert à l’idée de collaborer avec le gouvernement fédéral à des fouilles contrôlées et à des recherches sur le terrain des anciens pensionnats autochtones de la province. La communauté autochtone mérite de pouvoir faire son deuil, dans la mesure où cela demeure possible dans de telles circonstances.

Je sais que le gouvernement s’est engagé à distribuer de toute urgence un financement de 27 millions de dollars qui avait déjà été annoncé. Collaborera-t-il avec le Québec et établira-t-il un plan afin de tirer les choses au clair? Il faudra des ressources appropriées pour prendre toute la mesure de cette tragédie. Plus important encore, ce travail doit se faire rapidement : nous ne pouvons plus attendre.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. La Commission de vérité et réconciliation a mis la vérité en lumière. Trop de Canadiens ignorent encore ces pans de l’histoire du Canada et ce qui s’est passé dans les pensionnats autochtones. On m’a informé que le gouvernement a travaillé, et continuera de le faire, avec les communautés autochtones pour se pencher sur les meilleures façons de les appuyer, y compris sur le financement que vous avez mentionné.

(1440)

Cependant, il est essentiel de souligner que la ministre Bennett et le ministre Miller ont tous deux indiqué qu’il est crucial que la marche à suivre soit établie par les Autochtones, qu’elle soit axée sur les survivants et qu’elle ne soit pas dictée par le gouvernement. Je constate d’ailleurs que le premier ministre Legault a dit quelque chose de semblable dans le cadre de ses déclarations. Je vous remercie de votre question.

Le sénateur Loffreda : Merci de cette réponse, sénateur Gold.

Il y a un instant, j’ai parlé de faire son deuil. Les survivants des pensionnats autochtones, leur famille et leur communauté cherchent encore à faire leur deuil, à obtenir du réconfort et à avancer sur le chemin de la guérison. Le gouvernement a récemment annoncé un financement de près de 600 millions de dollars destiné à une stratégie sur la santé mentale et le bien-être fondée sur les distinctions pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Cette mesure visera aussi à renouveler le financement du programme de soutien en santé pour la résolution des questions des pensionnats autochtones et de la ligne d’écoute téléphonique connexe. Pour bien des gens, les nouvelles en provenance de Kamloops ont ravivé des blessures qui n’ont jamais complètement guéri. Une aide supplémentaire pourrait leur être utile.

Quelles ressources supplémentaires le gouvernement est-il prêt à fournir, tout en prenant soin de ne pas nuire au bien-être des travailleurs de la santé déjà surmenés, afin d’offrir des services de bien-être et de soutien psychologique adéquats à ceux qui en ont besoin au sein des communautés autochtones et ailleurs?

Le sénateur Gold : Monsieur le sénateur, je vous remercie de la question. Grâce à votre préavis, j’ai pu me renseigner auprès du gouvernement. On m’a informé que le gouvernement est en constante communication avec la Régie de la santé des Premières Nations de la Colombie-Britannique pour s’assurer que nous sommes en mesure de soutenir pleinement la communauté pendant cette période très difficile et déchirante.

Les fonctionnaires de Services aux Autochtones Canada ont été en contact avec la Thunderbird Partnership Foundation et le First Peoples Wellness Circle pour offrir leur aide, dans la mesure du possible. Les bureaux régionaux de Services aux Autochtones Canada en Colombie-Britannique ont du personnel prêt à intervenir au cas où un soutien supplémentaire en matière de coordination d’urgence serait nécessaire. De plus, Services aux Autochtones Canada continue de soutenir la ligne d’écoute nationale qui a été établie afin d’apporter un soutien aux anciens élèves des pensionnats autochtones, qui est accessible 24 heures sur 24 au 1-866-925-4419, et la Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être continue d’offrir des services d’intervention en cas de crise en ligne à l’adresse www.espoirpourlemieuxetre.ca ou par téléphone au 1-855-242-3310.

Les finances

Le crédit d’impôt pour personnes handicapées

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au sénateur Gold, représentant du gouvernement au Sénat. Le budget de 2021 propose de modifier la Loi sur l’impôt sur le revenu en reconnaissant davantage d’activités dans la détermination du temps consacré aux traitements de survie, ce qui permettra aux Canadiens atteints de diabète de type 1 d’accéder plus facilement au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Le budget prévoit aussi de réduire la fréquence minimale requise des traitements de survie afin d’être admissible au crédit. Ces modifications commencent à corriger les inégalités entre personnes atteintes de diabète de type 1 dans l’admissibilité au crédit d’impôt pour personnes handicapées, car même si elles sont atteintes de la même maladie incurable, certaines personnes y sont admissibles, alors que d’autres, non.

La motion des voies et moyens préliminaire visant à approuver la hausse d’impôt comprenait les modifications apportées au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Toutefois, et j’ai été déçue de le constater, ni la motion des voies et moyens adoptée par la Chambre des communes ni la loi d’exécution du budget n’incluaient les modifications qu’on avait pourtant promis d’apporter à ce crédit.

Étant donné que le gouvernement s’est engagé à examiner ces modifications en 2023, pourquoi ne se trouvent-elles pas dans la loi d’exécution du budget actuelle? Le gouvernement prévoit-il de les inclure dans la loi d’exécution du budget de l’automne?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Madame la sénatrice, je vous remercie d’avoir soulevé cette question. Le gouvernement du Canada sait très bien que tout le monde en profite quand l’ensemble des Canadiens peuvent contribuer également à l’économie et à la société canadiennes. Votre préavis m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement au sujet de la question que vous avez soulevée. Je n’ai pas encore reçu de réponse. Lorsque j’en recevrai une, je la transmettrai rapidement au Sénat.

La sénatrice Griffin : À l’heure actuelle, les Canadiens atteints du diabète de type 1 qui ont une pompe à insuline qui leur fournit de l’insuline vitale 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ne peuvent pas compter le temps pendant lequel la pompe leur administre de l’insuline dans le cadre de la règle arbitraire des 14 heures, car l’Agence du revenu du Canada juge que le processus est « automatisé ». Cependant, les personnes équipées d’une pompe à insuline ont des frais médicaux plus élevés et ne sont pas admissibles au régime enregistré d’épargne-invalidité ou au récent paiement unique de 600 $ dans le cadre des dépenses extraordinaires que les personnes handicapées doivent engager durant la pandémie de COVID-19.

Brooks Roche, membre du Conseil jeunesse du premier ministre et employé de Diabète Canada, a dit ce qui suit au comité permanent de la santé et du développement social de l’Île-du-Prince-Édouard :

Les Canadiens doivent payer en moyenne de leur poche entre 1 900 $ et 5 200 $ par année pour suivre le traitement par pompe à insuline. Cela représente le coût proportionnel le plus élevé au Canada, car l’Île-du-Prince-Édouard a le revenu médian le plus faible.

Le gouvernement prévoit-il ordonner à l’Agence du revenu du Canada d’adopter les recommandations du Comité consultatif des personnes handicapées qui proposent de rendre toute personne atteinte du diabète de type 1 automatiquement admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées?

Le sénateur Gold : Merci beaucoup, madame la sénatrice, d’avoir soulevé cette question. Le gouvernement accorde une grande importance au travail du Comité consultatif des personnes handicapées. C’est d’ailleurs pour cette raison que le gouvernement a rétabli le comité en 2017. Je vous remercie également de m’avoir donné avis de cette question. Je me suis renseigné. Je n’ai pas encore reçu de réponse, mais je ferai rapport au Sénat dès que ce sera le cas.

Les relations Couronne-Autochtones

Le rapport sur la Voie fédérale

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par dire que je me joins à vous depuis le territoire ancestral du peuple Mi’kmaq.

Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, j’ai été heureuse d’apprendre que le gouvernement avait publié aujourd’hui son plan d’action en réponse au rapport et aux recommandations découlant de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. J’applaudis la ministre Bennett et le gouvernement d’avoir pris l’initiative à ce sujet, et je suis encouragée par les efforts que ce gouvernement fait pour s’assurer que les personnes directement concernées fassent partie intégrante de l’élaboration du plan d’action, car sans la participation des gens, tout rapport ou toute recommandation est inutile.

L’engagement pris par le gouvernement de débloquer d’importantes sommes afin de tenir les promesses contenues dans le plan d’action est encourageant, mais il y a un problème : le rapport fait beaucoup de promesses, mais sans engagement véritable en faveur de mesures concrètes. Quel est l’échéancier? Quels sont les jalons? Je crains qu’un processus déjà très long ne se prolonge encore pendant une période indéterminée, alors que nous attendons la mesure législative promise annoncée aujourd’hui.

Sénateur Gold, pourriez-vous nous dire quand nous pouvons nous attendre à voir la mesure législative promise dans l’annonce aujourd’hui, et si cette mesure législative sera rédigée en consultation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis? Pourquoi la mesure législative annoncée aujourd’hui n’a-t-elle pas été rédigée en même temps que le rapport? Nous aurions ainsi pu les voir tous les deux le même jour.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de poser ces questions et de soulever ces enjeux très importants. Le processus vers l’établissement du plan d’action, qui, comme je l’ai dit plus tôt, n’est que la première étape de nombreuses étapes nécessaires, a reposé sur la collaboration avec les organismes autochtones, les survivants et d’autres intervenants. C’est une voie que le gouvernement continuera à suivre.

En fait, le gouvernement est très heureux de la collaboration des partenaires de partout au Canada et de la publication de ce plan d’action national.

(1450)

La Voie fédérale, qui est la contribution du gouvernement fédéral au plan d’action national, décrit les mesures actuelles et futures pour mettre fin au racisme systémique, au sexisme, à la discrimination fondée sur la capacité physique et aux inégalités économiques qui ont perpétué la violence faite aux femmes et aux filles autochtones ainsi qu’aux personnes 2ELGBTQQIA+. La voie du gouvernement fédéral indique certains domaines où des lois seront élaborées conjointement, comme une loi sur la santé des Autochtones fondée sur les distinctions, un cadre législatif pour les services de police des Premières Nations, qui reconnaît ces services comme un service essentiel, et des réformes législatives visant à reconnaître l’importance de la prise de mesures dirigées par les Autochtones, multisectorielles et axées sur la guérison dans le système de justice. Le plan d’action national, honorable collègue, prévoit un travail de collaboration continue et c’est pour cette raison — pour répondre à l’une de vos questions — que des lois n’y sont pas immédiatement associées. Ces lois seront élaborées en partenariat avec les divers intervenants dont j’ai parlé.

La sénatrice Cordy : Je me réjouis que vous ayez mentionné les partenariats à quelques reprises. Nous savons que les partenariats ont cruellement fait défaut dans les relations avec les peuples autochtones pendant la majeure partie de l’histoire de notre pays. Je suis donc ravie que ce soit un aspect important.

J’aimerais que le gouvernement nous assure qu’il ne fera pas attendre les Premières Nations, les Métis et les Inuits deux années de plus, le temps qu’on produise un autre rapport sur les mesures concrètes qui seront prises. Comme le sénateur Plett l’a dit plus tôt — je ne me souviens plus de ses paroles exactes —, chaque femme autochtone assassinée ou portée disparue avait une famille et des amis. Je crois qu’il faut comprendre par là que le facteur temps et, comme vous l’avez dit, les partenariats sont extrêmement importants. Pouvez-vous nous assurer que cela sera fait en temps opportun?

Le sénateur Gold : Chère collègue, j’aimerais tellement vous donner cette assurance et ce réconfort. Là d’où je viens, on dit que la perte d’une vie équivaut à la perte de tout un monde. C’est une évidence à la lumière de ce que tellement de personnes ont vécu et vivent encore depuis beaucoup trop longtemps.

Je ne peux confirmer d’échéancier dans le contexte du processus, du partenariat et de la collaboration dont j’ai parlé. Je peux toutefois assurer au Sénat et à tous les Canadiens que le gouvernement du Canada est déterminé à travailler avec célérité et en partenariat afin de progresser dans ce dossier de la plus haute importance.

Les services publics et l’approvisionnement

Les rénovations sur la Colline du Parlement

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, il y a deux ans, lors d’une séance du Comité de la régie interne, le haut fonctionnaire responsable du projet de rénovation majeure de l’édifice du Centre n’a pas voulu me donner une estimation du coût du projet ni de la date où il serait terminé. Deux années et demie après le début des travaux de ce projet de construction colossal — travaux qui se sont poursuivis pendant la pandémie —, le gouvernement Trudeau n’a toujours pas dit aux Canadiens combien ils paieront et quelle sera l’échéance. Or, selon ce qui a été rapporté dans les médias hier, les estimations de coût calculées par Services publics et Approvisionnement Canada s’élèveraient à 370 millions de dollars, pour les rénovations de l’édifice Victoria du Sénat, et à 569 millions de dollars pour celles à l’édifice de l’Est.

Sénateur Gold, je suis intriguée. Ces deux projets ne doivent commencer qu’après la fin des travaux à l’édifice du Centre, c’est-à-dire pas avant au moins 10 ans. Voilà que Services publics et Approvisionnement Canada a déjà des estimations de coûts. Pourquoi les chiffres ne sont-ils pas disponibles pour l’édifice du Centre? De toute évidence, le gouvernement Trudeau connaît les coûts et l’échéancier — surtout que le projet a commencé il y a deux ans —, mais il ne dit rien aux Canadiens. Les coûts sont-ils trop élevés, surtout à l’aube du déclenchement des élections?

Sénateur Gold, en tant que leader du gouvernement au Sénat, vous devriez avoir reçu des informations au sujet du plus grand projet de rénovation de tout le pays, surtout qu’il touche directement le Sénat. Combien le projet de rénovation de l’édifice du Centre sur la Colline du Parlement coûtera-t-il aux contribuables et quand sera-t-il terminé?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup de votre question, sénatrice. Comme les sénateurs le savent — et des sénateurs présents dans l’enceinte participent de plus près que moi au processus —, il s’agit d’un projet énorme qui touche non seulement l’édifice du Centre, mais aussi toute la Cité parlementaire. D’après ce que je comprends, le gouvernement attend toujours des directives du Sénat concernant certains aspects du projet. J’ajoute qu’il attend aussi des directives de la Chambre des communes concernant des demandes de cette Chambre, entre autres, relatives à des aspects des travaux à l’édifice du Centre. Ces aspects du projet entrainent certains coûts.

Encore une fois, je m’en remets aux sénateurs qui siègent au sous-comité saisi du dossier, mais je sais qu’il y a des échanges entre les représentants du Sénat et les responsables de l’ensemble du projet. D’après ce que je comprends, il n’y a toujours pas d’accord sur certains aspects du projet. C’est pourquoi les coûts définitifs du projet ne peuvent pas être pleinement déterminés.

J’ajoute également, chère collègue, que, comme nous l’avons appris les jours qui ont précédé notre départ de l’édifice du Centre, les débuts du projet — la première année en fait, si ce n’est plus —, et, encore une fois, je m’en remets aux collègues qui sont mieux renseignés que moi sur la question, étaient en grande partie exploratoires. Honnêtement, on ne savait pas ce que l’on découvrirait quand on a commencé à abattre les murs. Il ne s’agit pas de cacher les coûts aux Canadiens. Le projet est complexe. Les responsables au Sénat et leurs homologues de l’autre endroit collaborent activement afin de fournir les détails du projet dans sa totalité.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, l’édifice de l’Est, qui revêt une importance historique, c’est une chose, mais pourquoi le gouvernement Trudeau rénoverait-il l’édifice Victoria, qui n’a aucune valeur historique, à un coût estimé à 370 millions de dollars? Pourquoi ne pas simplement démolir ce bâtiment et en construire un nouveau, une solution sans doute moins chère et moins compliquée?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie de votre question. À ce que je comprends, déterminer ce qui sera fait dans les secteurs occupés par les bâtiments existants est en fait au cœur de l’exercice de planification en cours. Divers points de vue ont été exprimés par le Sénat et des sénateurs concernant ce secteur, et l’édifice Victoria en particulier, et les représentants du Sénat en discutent toujours avec les responsables du projet.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le mardi 1er juin 2021, je quitte maintenant le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-5. Le comité sera présidé par la Présidente intérimaire, l’honorable sénatrice Ringuette. Afin de faciliter la distanciation appropriée, elle présidera le comité à partir du fauteuil du Président.

La Loi sur les lettres de change
La Loi d’interprétation
Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier

L’ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre du Patrimoine canadien, accompagné d’au plus quatre fonctionnaires, afin d’étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation).

(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)


La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation).

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises. Cependant, tel qu’ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Steven Guilbeault et les fonctionnaires qui l’accompagnent se joignent à la séance par vidéoconférence.)

(1500)

[Français]

La présidente : Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre du Patrimoine canadien.

Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

L’honorable Steven Guilbeault, c.p., député, ministre du Patrimoine canadien : Honorables sénateurs et sénatrices, merci de m’accueillir parmi vous. Je comparais aujourd’hui au sujet du projet de loi C-5, un projet de loi important visant à créer un nouveau jour férié fédéral, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. J’aimerais commencer par reconnaître que nous sommes tous présents sur les terres ancestrales des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ce ne sont pas seulement quelques mots d’introduction que nous prononçons. C’est une reconnaissance essentielle alors que nous construisons de nouvelles relations avec les peuples autochtones dans le cadre de nos actions quotidiennes.

La récente découverte de la sépulture de 215 enfants en Colombie-Britannique, victimes des pensionnats autochtones, est un rappel difficile des lourdes séquelles de notre passé colonial.

[Traduction]

Je reconnais que cette semaine est extrêmement éprouvante pour bien des gens. Je sais également que de nombreux survivants siègent au Sénat. Il n’est pas facile de parler de cette importante mesure législative après l’annonce de la terrible découverte faite à Kamloops. Dans ce contexte, je suis honoré de l’invitation qui m’a été faite de témoigner devant vous aujourd’hui. À l’instar de nombre d’entre vous, je suis encore sous le choc de la découverte d’une fosse commune sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique.

En tant que gouvernement, il nous incombe de veiller à ce que de telles tragédies ne se reproduisent jamais. Les communautés des Premières Nations sont en deuil. Nous devons leur exprimer notre solidarité en ce moment difficile. Les Canadiens sont eux aussi en deuil.

Cela dit, on ne peut pas se contenter de discours si on veut s’attaquer aux conséquences de la violence coloniale. Voilà pourquoi tous les partis représentés à la Chambre des communes se sont concertés la semaine dernière pour adopter à l’unanimité le projet de loi C-5.

Je salue et je remercie Georgina Jolibois d’avoir présenté la première version de cette mesure au cours de la législature précédente et d’avoir défendu haut et fort les peuples autochtones du Canada et leurs droits. L’engagement de Mme Jolibois nous rappelle que la réconciliation n’incombe pas à un seul parti politique ou à une seule personne : c’est une responsabilité que les Canadiens doivent tous partager.

Le projet de loi C-5 constitue une étape importante sur la voie de la réconciliation, qui ne se fera pas du jour au lendemain. Toutefois, il est possible de faire des progrès dans ce cheminement essentiel en collaborant avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

La création de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation répond à l’appel à l’action no 80 du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation. C’est une mesure importante à prendre, et nous devons agir rapidement pour en faire une réalité dès cette année.

[Français]

Cette journée nous offre l’occasion de réfléchir à la violence infligée aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis. Une violence historique, mais aussi très actuelle. Une violence physique, verbale, psychologique et institutionnelle.

Les séquelles des pensionnats sont profondes. Les enfants de Kamloops ont été enterrés sans être identifiés. Leurs proches n’ont plus jamais reçu de nouvelles d’eux. Ce sont des familles entières qui se retrouvent aujourd’hui privées des leurs et de leur propre histoire. Mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation n’est que le début du processus de guérison. Nous nous devons de soutenir les communautés autochtones à chaque étape de celui-ci.

[Traduction]

Au terme d’une consultation et d’une étude attentives et respectueuses, nous avons choisi de désigner le 30 septembre comme la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. C’est d’ailleurs la date qui a été choisie par le mouvement populaire appelé Journée du chandail orange, créé par la formidable Phyllis Webstad et ainsi nommé en l’honneur du chandail orange que Mme Webstad avait reçu de sa grand-mère pour son premier jour au pensionnat, mais qu’on lui a confisqué dès son arrivée.

Son chandail orange symbolise toute la vitalité des cultures, des langues, des traditions, des identités et des enfances qui ont été réprimées au sein du système des pensionnats.

Il symbolise également la survie et la résilience et nous rappelle les efforts monumentaux déployés par Phyllis ainsi que les Premières Nations, les Inuits et les Métis afin de protéger et de revitaliser leurs cultures et leurs langues pour les futures générations.

[Français]

Durant les témoignages en comité, nous avons appris à quel point septembre est une période douloureuse pour les familles et communautés autochtones. C’est durant ce mois que les enfants étaient séparés de leurs proches et de leur communauté chaque année pour retourner à l’école. Plusieurs d’entre eux ne sont jamais revenus à la maison.

Il convient de souligner cette souffrance par une journée solennelle afin de se souvenir, mais aussi de réfléchir et d’apprendre ensemble à mieux connaître l’histoire et les séquelles des pensionnats et des politiques racistes. La guérison des peuples autochtones reposera sur la reconquête de leur histoire et de leur culture, mais aussi sur notre propre conscience historique relativement aux atrocités commises par le Canada.

J’ai toujours été convaincu que l’un des piliers de la réconciliation est l’éducation. Créer une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation fait partie de cet effort d’éducation. Ce sera une journée de commémoration, mais aussi d’apprentissage, de reconnaissance et d’engagement pour que de tels actes ne se reproduisent jamais.

La présidente : Monsieur le ministre, nous devons maintenant passer à la période des questions et réponses de 10 minutes.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Bienvenue au Sénat du Canada, monsieur le ministre. Mardi, tous les sénateurs ont pleuré la découverte horrible de Kamloops. Il y a eu des déclarations de sénateurs à ce sujet et une minute de silence a été observée. Nous continuons de pleurer cette tragédie, ainsi que tant d’autres partout au pays.

Cependant, monsieur le ministre, le projet de loi C-5 n’a pas été entrepris à la suite de cette tragédie. Il a plutôt été entrepris dans le cadre d’un des 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, et il n’est pas le simple résultat de la tragédie de Kamloops.

Plusieurs autres appels à l’action correspondent à votre mandat de ministre du Patrimoine. Ils concernent les Archives nationales, CBC/Radio-Canada, les musées et les sports amateurs.

Monsieur le ministre, en espérant que votre réponse ne sera pas « à cause de ce qui s’est produit à Kamloops », pourquoi avez-vous choisi de mettre l’accent sur cet appel à l’action, plutôt que sur d’autres? Est-ce parce qu’il est plus facile de le donner aux bureaucrates, puisque ce sont eux qui obtiendront ce jour de congé, que de se pencher sur les questions plus pressantes et plus complexes qui touchent les communautés autochtones au quotidien?

M. Guilbeault : Je remercie le sénateur de sa question. Ma réponse comportera plusieurs volets.

Tout d’abord, nous avons présenté ce projet de loi au début de notre mandat — en fait, c’est le premier projet de loi que j’ai présenté en tant que ministre du Patrimoine — parce que c’est quelque chose que réclamaient les communautés et les peuples autochtones partout au pays. Comme vous l’avez signalé à juste titre, c’est l’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je conviens que cela ne résoudra pas tous les enjeux liés à la réconciliation, et que ce n’est qu’une partie de la solution.

J’aimerais vous donner un exemple des autres choses que nous faisons au ministère du Patrimoine canadien. À notre arrivée au pouvoir en 2015, le gouvernement fédéral a investi 5 millions de dollars dans les langues autochtones à l’échelle du Canada. Je crois que nous pouvons tous les deux convenir que cette somme est loin d’être suffisante pour revitaliser, conserver et renforcer les plus de 80 langues autochtones connues au pays. Entre 2015 et 2021, nous avons multiplié par 12 le budget destiné aux langues autochtones. D’ici l’année prochaine, il sera 24 fois plus élevé.

Le sénateur Plett : Veuillez répondre à ma question, monsieur le ministre, car j’ai d’autres questions ensuite. Ne contournez pas la question en énumérant tout ce que le gouvernement a fait. Je vous ai posé une question précise.

Monsieur le ministre, les appels à l’action nos 71 à 76 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada concernent les enfants disparus et les renseignements sur l’inhumation. Comme nous l’avons vu ces derniers jours, découvrir la vérité sur ce qui est arrivé à ces enfants est un élément essentiel de la démarche de réconciliation.

(1510)

Le gouvernement n’a rien fait concernant ces appels à l’action précis. Il a plutôt décidé de créer un jour férié, monsieur le ministre. Monsieur le ministre, expliquez-moi ce choix, et de grâce, ne me donnez pas la liste de ce que le gouvernement fait chaque jour. C’est ce que nous entendons pendant la période des questions de la part du leader du gouvernement au Sénat; il fait bien son travail en louangeant le gouvernement chaque jour. Je veux connaître le raisonnement derrière certaines des décisions prises, monsieur le ministre.

M. Guilbeault : À la lumière des discussions que j’ai eues avec des Autochtones partout au pays, je dirais que la langue est un des fondements de la réconciliation. Elle est essentielle si les peuples autochtones souhaitent récupérer leur culture. Il ne peut y avoir de culture sans la maîtrise de sa propre langue, sénateur.

Parlez à n’importe quel Autochtone au pays, à n’importe quel organisme autochtone; ils vous diront à quel point c’est important. Vous avez dit que notre seule initiative, c’est la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Je vous réponds que c’est faux, sénateur. Nous avons entrepris plusieurs autres initiatives, dont des investissements dans les infrastructures, et mis fin à des avis de faire bouillir l’eau. Il y avait 150 de ces avis lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, et nous avons mis fin à plus d’une centaine d’entre eux.

Le chemin vers la réconciliation sera long, mais nous y travaillons chaque jour, sénateur.

Le sénateur Plett : Merci. Je suppose, en tout respect, qu’il y avait là-dedans une réponse à ma question. Je ne l’ai pas entendue, mais je vais néanmoins poursuivre.

M. Kakwfi, un des témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, a dit ceci au sujet de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation :

Cela devrait être une journée commémorative, une journée pour rendre hommage, une journée pour se souvenir, pas une journée pour rester à la maison bien installé dans un fauteuil à regarder la télé.

Monsieur le ministre, comment allez-vous vous assurer que le 30 septembre sera une journée commémorative, et non une journée pour rester à la maison à regarder la télé, comme ce témoin l’a laissé entendre?

M. Guilbeault : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je tiens à rappeler, une fois de plus, que cette journée a été recommandée par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Les organisations nationales et les nations autochtones de partout au pays demandent instamment au gouvernement fédéral d’établir cette journée.

Quand j’étais enfant, il n’était jamais question de ce volet de notre histoire dans les salles de classe. J’aimerais que mes enfants le connaissent, et cette journée spéciale pourra justement y contribuer. C’est pourquoi le budget de 2021 prévoit un financement de 7 millions de dollars qui nous permettra d’aider les organisations de partout au pays. Certaines, comme l’organisation qui s’occupe de la Journée du chandail orange, font déjà des activités de sensibilisation. Nous souhaitons toutefois que plus de communautés et de nations échangent avec les Canadiens à ce sujet, pour que nous sachions tous ce qui s’est passé, alors que beaucoup de gens l’ignorent encore, et pour que nous n’oubliions jamais ces sombres passages de notre histoire et qu’ils ne se reproduisent jamais.

Le sénateur Plett : Monsieur le ministre, en tout respect, personne n’est en désaccord avec vous. Au contraire, le projet de loi sera adopté à l’unanimité par le Sénat plus tard aujourd’hui. Nous comprenons tous la situation. Nous posons de simples questions concernant ce que vous entendez faire. Vous allez dépenser 7 millions de dollars — ou peu importe le montant que vous avez donné —, parfait, mais que ferez-vous pour que cette journée serve réellement à une commémoration?

Nous participons tous aux cérémonies du jour du Souvenir; je le fais chaque année. Le problème, c’est que, pour bien des gens, cette journée n’est qu’une journée de congé. Alors, s’il fait chaud — j’habite au Manitoba, cela n’arrive pas souvent —, ils vont jouer au golf ou font autre chose. Ma question est la suivante : que ferez-vous pour que cette journée soit une journée de commémoration et que les gens comprennent son importance?

Je trouve un peu navrant qu’on parle d’un jour de congé, parce que, pour moi, un jour de congé est un jour de fête, de joie. Il est question d’un jour pour se souvenir. J’espère que le gouvernement préparera des cérémonies pour souligner cette journée de commémoration.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous n’êtes pas ministre des Affaires autochtones. Toutefois, le problème, c’est que le gouvernement ne cesse pas de faire des promesses aux communautés autochtones. Vous en avez mentionné quelques-unes. Personne ne semble être tenu responsable quand ces promesses ne sont pas respectées. L’incapacité de régler le problème d’eau potable n’en est qu’un exemple. Au lieu de donner suite à ses promesses, le gouvernement fait constamment des proclamations de vertu.

Ne convenez-vous pas qu’il est très frustrant pour les Autochtones que si peu des problèmes fondamentaux dans leurs communautés ont été réglés par le gouvernement actuel? Monsieur le ministre, qu’êtes-vous prêt à faire? Qu’allez-vous faire exactement pour résoudre certains de ces problèmes?

M. Guilbeault : Tout d’abord, c’est vous qui avez qualifié cette journée de jour de congé. Je continuerai à l’appeler la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, nous vivons dans un pays libre. Nous ne pouvons pas forcer les gens à faire des choses, mais nous pouvons certainement travailler avec nos partenaires autochtones du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux et essayer d’inclure cette journée dans le programme scolaire afin d’encourager les Canadiens à apprendre ce chapitre sombre de notre histoire.

Cette période a duré plus de 100 ans au Canada, la réconciliation ne se fera donc pas en un clin d’œil. Je vous rappelle que les lettres de mandat de tous les ministres ont deux choses en commun, soit la réconciliation avec les peuples autochtones et la lutte contre les changements climatiques. Il s’agit d’une approche pangouvernementale. Elle ne se limite pas à un ou deux ministres au sein du gouvernement; il appartient à chaque ministre de faire tout ce qu’il peut pour faire avancer les questions de réconciliation dans le cadre de son propre portefeuille.

Pour ma part, je me penche sur les langues autochtones. Il est question de commémorer, de célébrer et d’apprendre. Nous avons d’ailleurs financé le projet de Kamloops...

[Français]

La présidente : Monsieur le ministre, je regrette, mais nous devons passer à la prochaine période de 10 minutes.

La sénatrice Saint-Germain : Bonjour, monsieur le ministre, et merci d’avoir accepté notre invitation.

Monsieur le ministre, je pense que c’est un fait acquis, nous reconnaissons tous l’importance de la profonde implication des peuples autochtones dans le processus de vérité et de réconciliation et dans toute forme de commémoration des douleurs du passé afin qu’ils puissent, dans leurs mots, exprimer leur histoire et protéger leur patrimoine.

Vous avez parlé de commémoration, d’apprentissage et d’engagement, et ce sont effectivement des mots substantiels, des mots forts.

Ma question comportera deux volets. D’abord, j’aimerais savoir, d’après les consultations que vous avez menées auprès des communautés autochtones, quelles sont leurs attentes quant à cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Ensuite, j’aimerais savoir de quelle façon ces peuples autochtones, ces diverses communautés seront impliqués dans les commémorations et les célébrations pendant cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

M. Guilbeault : Merci de votre question, sénatrice.

Comme je le disais à votre collègue, d’une part, il s’agit d’une des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation et, d’autre part, il s’agit aussi d’une demande qui nous est venue des communautés autochtones, des nations autochtones de partout au pays.

Cette journée vise spécifiquement à ce que l’on puisse se rappeler et commémorer ce triste passage de notre histoire, afin que nous n’oubliions jamais.

Votre collègue, plus tôt, établissait un parallèle que je trouve très pertinent avec ce que l’on fait pour le jour du Souvenir; dans ce cas précis, c’est une occasion pour l’ensemble de la population de se rappeler le sacrifice de gens qui sont allés se battre pour la liberté de notre pays. Je crois que le parallèle demeure pertinent même si, bien sûr, les circonstances sont très différentes.

Utilisons donc ce moment comme une occasion de réflexion, mais aussi d’apprentissage. Je le disais tout à l’heure, ce n’est pas l’histoire que j’ai apprise lorsque j’étais à l’école. Ce passage était complètement absent de mon éducation en tant que jeune homme blanc du Québec, et je pense que c’est vrai pour beaucoup de Canadiens et de Canadiennes partout au pays. J’aimerais que mes enfants puissent apprendre et connaître ce pan de l’histoire.

La sénatrice Saint-Germain : Si je peux me permettre, monsieur le ministre, je comprends très bien, étant une femme blanche francophone du Québec, et je sais très bien ce que vous avez vécu et ce que j’ai vécu aussi en ce qui a trait au manque d’information et de sensibilisation à cet égard. Vous avez donné l’exemple intéressant du jour du Souvenir; les vétérans sont engagés dans cette commémoration.

(1520)

Est-ce que vous avez des plans pour que les différents peuples autochtones puissent contribuer à cette sensibilisation des citoyens non-autochtones et nous aider à mieux participer à la commémoration? C’est le deuxième volet de ma question.

M. Guilbeault : Absolument. On a déjà commencé à financer des activités en collaboration avec des organisations, des nations et des communautés autochtones partout au pays.

Lorsque le budget a été annoncé, on ne savait pas encore que le projet de loi C-5 deviendrait une loi, mais c’était certainement notre espoir qu’on en fasse un événement important et qu’on puisse marquer le coup cette année et pour les années à venir.

Le ministère du Patrimoine canadien dispose également d’un programme de financement pour la commémoration, la célébration et l’enseignement. On a apporté une aide financière, par exemple, à la communauté autochtone de Kamloops, pas plus tard qu’en juin dernier, particulièrement dans le cadre de cette question.

Votre temps est précieux, alors je ne le ferai pas, mais je pourrais vous nommer plusieurs autres communautés qui ont reçu une aide financière grâce à ce programme. Nous offrons déjà aux organisations, aux nations autochtones et aux communautés autochtones un soutien en ce qui a trait à la question de la commémoration et de la célébration.

La sénatrice Saint-Germain : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

[Traduction]

La sénatrice Coyle : Merci d’être avec nous, M. Guilbeault. Je crois aussi que le Sénat, à l’instar de la Chambre des communes, tient à faire adopter rapidement le projet de loi C-5. Comme vous le savez, les jours fériés servent souvent d’outils pédagogiques dans le système scolaire. Nous en avons parlé un peu. Par exemple, lors du jour du Souvenir, dont nous avons aussi parlé, Anciens Combattants Canada fournit des ressources importantes aux enseignants pour qu’ils les utilisent dans leur classe.

Le gouvernement a-t-il l’intention de fournir des outils semblables aux enseignants pour qu’ils les utilisent lors de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation? Cela se fera-t-il en collaboration avec ceux qui ont organisé précédemment la Journée du chandail orange ou d’autres activités?

M. Guilbeault : La réponse courte aux deux questions est oui. En fait, nous soutenons déjà l’organisme de la Journée du chandail orange en lui versant des fonds. Comme le budget de 2021 a prévu davantage d’argent pour mon ministère, nous pourrons fournir un appui supplémentaire à des organismes comme celui de la Journée du chandail orange et à d’autres initiatives semblables partout au pays.

Nous travaillerons à l’échelon fédéral pour encourager les gouvernements provinciaux et territoriaux à ce chapitre. Certains gouvernements soulignent déjà cet événement. Ils ont déjà une journée pour commémorer ce sombre chapitre de notre histoire. Toutefois, ce n’est pas le cas de la majorité des provinces et des territoires. Nous voulons collaborer avec nos partenaires provinciaux et territoriaux pour qu’ils travaillent avec nous et avec les organismes et les communautés autochtones afin d’atteindre cet objectif.

La sénatrice Coyle : En fait, vous avez commencé à répondre à ma deuxième question, car, comme vous le savez, l’éducation est un champ de compétence des provinces et des territoires. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires? C’est fondamental. Par exemple, nous savons que le jour du Souvenir n’est pas célébré de la même manière selon les régions du pays. Parfois, il s’agit d’une semaine entière de célébrations qui se terminent à la date de l’événement et qui permettent aux élèves d’en apprendre beaucoup, tandis qu’ailleurs, il peut y avoir seulement une courte allocution précédant une minute de silence. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la façon dont le gouvernement fédéral collaborera avec les provinces et les territoires?

M. Guilbeault : Votre question est très importante. Évidemment, il faudra agir en étroite collaboration dans ce dossier. Le gouvernement fédéral n’est pas en mesure — et c’est dans l’ordre normal des choses — d’imposer cette initiative aux provinces et aux territoires. Vous avez probablement pris connaissance, cette semaine, d’une lettre signée par les premiers ministres de l’ensemble des provinces et des territoires ainsi que par le premier ministre fédéral. Je pense que toutes les parties concernées démontrent une volonté ferme de travailler ensemble et d’unir leurs efforts, dans un esprit de collaboration, à ceux des organisations, des communautés et des nations autochtones.

Je n’ai pas de plan détaillé à vous présenter aujourd’hui, mais nous nous attellerons à cette tâche au cours des prochaines semaines et des prochains mois.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Tannas : Monsieur le ministre, je crois qu’il y a une Journée de réconciliation en Afrique du Sud depuis 1995. J’aimerais savoir si cet exemple a inspiré à votre ministère diverses possibilités quant à la forme que pourrait prendre cette journée. Je crois qu’elle est placée sous un thème différent chaque année en Afrique du Sud. Ce serait probablement une bonne façon d’établir des liens avec des appels à l’action et de raconter des histoires qu’il faut connaître. Y a-t-il des réflexions en ce sens? A-t-on examiné ce qui se fait en Afrique du Sud, où cette journée spéciale s’avère très fructueuse?

M. Guilbeault : Je vous remercie, monsieur le sénateur. C’est un exemple très intéressant. Jusqu’ici, nous avons surtout travaillé avec les communautés, les nations et les organisations autochtones du pays, tant pour le projet de loi qu’à propos des programmes qu’offre Patrimoine canadien dans une optique de commémoration et de célébration.

J’aimerais décidément en savoir plus sur le modèle de l’Afrique du Sud. Je ne l’ai pas examiné personnellement mais, comme des fonctionnaires du ministère sont avec nous aujourd’hui, ils pourraient peut-être nous dire si le ministère a étudié ce qui se fait en Afrique du Sud.

Emmanuelle Sajous, sous-ministre adjointe, Sport, événements majeurs et commémorations, Patrimoine canadien : Nous n’avons pas examiné le modèle de l’Afrique du Sud. Comme l’a dit le ministre, nous collaborons étroitement avec des organismes autochtones du Canada, notamment le Centre national pour la vérité et la réconciliation, avec le Réseau de télévision des peuples autochtones, APTN, en ce qui a trait à la Journée du chandail orange, avec l’Assemblée des Premières Nations et toutes les organisations autochtones nationales. En ce moment, nous nous concentrons surtout sur le Canada. Toutefois, il pourrait être très intéressant d’examiner ce modèle.

Le sénateur Tannas : Je n’ai plus de questions, madame la présidente.

Le sénateur Francis : Bienvenue, monsieur le ministre Guilbeault. Merci d’être ici aujourd’hui pour nous aider à adopter rapidement le projet de loi C-5. L’histoire et le legs des pensionnats ont été mis en lumière grâce à la force, au courage et à la détermination des survivants. Nous ne pouvons oublier que c’est grâce à eux qu’a été conclue la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, le plus important règlement de recours collectif de l’histoire du Canada. Cette convention a mené à une certaine indemnisation financière, à la présentation d’excuses officielles et à l’établissement de la Commission de vérité et réconciliation. Par conséquent, il est important pour moi et pour bien d’autres que tous les événements spéciaux et toutes les cérémonies qui se dérouleront à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation soient guidés par les voix et le vécu des survivants, de leurs familles et de leurs communautés.

J’aimerais savoir de quelle façon le gouvernement, et plus précisément, le ministère, entend faire participer les survivants à la planification, à la promotion et à la célébration de la nouvelle Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

M. Guilbeault : Merci de votre question, sénateur. Je crois qu’il est important de ne pas oublier qu’aux yeux du gouvernement, ce processus de guérison doit être orienté et mené par les peuples autochtones dans ce pays. Je vois plutôt le gouvernement comme un partenaire qui est là pour les accompagner et pour favoriser des initiatives menées par les Autochtones.

Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit, mais j’ai mentionné que nous offrons déjà de l’aide financière à des organismes autochtones un peu partout au pays dans le cadre d’un programme de financement déjà en place. Le budget de 2021 nous permettra, notamment pendant la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, d’offrir beaucoup plus de ressources aux organismes autochtones qui souhaitent jouer un rôle plus proactif ou qui, dans bien des cas, ont déjà joué un tel rôle et veulent participer davantage aux efforts de sensibilisation et d’éducation pendant cette journée importante.

(1530)

Le sénateur Francis : Merci, monsieur le ministre. Il serait fort utile que les fonctionnaires de votre ministère ou vous-même puissiez nous indiquer les progrès réalisés et les efforts actuellement déployés en vue de mettre en œuvre les appels à l’action 79 à 83, qui portent sur les mesures de commémoration publique à l’égard de l’histoire et du legs des pensionnats autochtones.

M. Guilbeault : Nous avons parmi nous des collègues du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord. Comme vous le savez, le ministère du Patrimoine canadien est responsable d’une partie de ces dossiers, mais je prierais nos collègues de répondre à la question sur les autres appels à l’action.

Mandy McCarthy, directrice, Politiques, planification et rapports, Convention de règlement et revendication à l’enfance, Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada : Merci, monsieur le ministre. Malheureusement, je vais devoir vous proposer de vous répondre par écrit. L’appel à l’action no 79 relève de Parcs Canada.

Le sénateur Francis : Je vous remercie. Je n’ai plus de question.

La sénatrice Bovey : Merci, monsieur Guilbeault, d’être avec nous aujourd’hui pour discuter de cet important projet de loi que j’appuie sans réserve.

« Il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. » Ce sont les paroles de l’ancien sénateur et président de la Commission de vérité et réconciliation, l’honorable Murray Sinclair. On a aussi souvent rapporté qu’il avait dit : « C’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui nous en sortira. »

À mon avis, les galeries d’art et les musées du Canada sont capables de jouer un rôle prépondérant pour faire connaître la vérité à propos des pensionnats autochtones, et ils devraient le faire. Le 30 septembre pourrait être un jour spécial d’activités de commémoration.

Pensez-vous que le projet de loi C-5 permettra à tous les Canadiens de comprendre les horreurs des pensionnats et les profondes douleurs que vivent toujours les survivants et tous les Autochtones du Canada, en plus de contribuer au cheminement vers une réconciliation véritable?

M. Guilbeault : Merci beaucoup pour la question, sénatrice Bovey. Il est évident que le projet de loi C-5 ne suffira pas pour concrétiser la réconciliation, c’est le moins qu’on puisse dire, mais il constitue un pas important dans la bonne direction.

La Journée du chandail orange est célébrée depuis de nombreuses années maintenant, le 30 septembre. Il s’agit d’un exemple remarquable de journée commémorative non officielle. Ce jour-là, les Canadiens sont encouragés à porter un chandail orange pour rendre hommage aux enfants qui ont survécu aux pensionnats et pour se souvenir de ceux qui n’ont pas survécu.

Comme je l’ai dit plus tôt, cette journée est inspirée du vécu de Phyllis Webstad, mais elle est devenue un symbole de l’acculturation, de l’asservissement et de la perte d’estime de soi que subissent les enfants autochtones depuis des générations. Comme je l’ai dit, le budget de 2021 prévoit 7 millions de dollars sur deux ans, mais il prévoit également 13,4 millions de dollars sur cinq ans pour des activités visant à rappeler l’histoire et les séquelles des pensionnats et à honorer les survivants, leur famille et leur communauté.

À titre de ministre du Patrimoine, il va sans dire que je compte sur la participation de tous les éléments du secteur des arts et de la culture au Canada. Vous savez certainement mieux que la plupart d’entre nous dans cette enceinte que l’art peut être un puissant outil de communication, de changement et de participation. En fait, de nombreux artistes et musées se sont déjà mis à l’œuvre. Je songe notamment à une récente exposition au Musée des beaux-arts de Winnipeg. De nombreux représentants du milieu des arts et de la culture témoignent déjà de ce chapitre de notre histoire. Si le gouvernement fédéral prête main-forte et soutient davantage de ces initiatives à l’échelle du Canada, nous parviendrons certainement à la réconciliation.

La sénatrice Bovey : J’imagine que le fait d’aider les conservateurs autochtones à exposer leurs œuvres contribuerait à faire de ces histoires une réalité.

M. Guilbeault : Je suis tout à fait d’accord avec vous.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre présence, monsieur le ministre. Le sénateur Francis, parrain du projet de loi, a indiqué au Sénat hier que quelque 80 000 travailleurs fédéraux avaient participé à des séances portant sur le système d’éducation dans le cadre de la Commission de vérité et réconciliation. Ces séances de formation sont-elles obligatoires? Qui les organise et les anime? Qui a contribué à la rédaction des documents pédagogiques et a assuré l’uniformité à l’échelle du gouvernement?

Je le demande, parce qu’à mon avis, la ministre Jordan et ses fonctionnaires ont manqué de respect envers les aînés et les sénateurs autochtones. Par exemple, on a indiqué au Sénat que la proposition réfléchie faite à la ministre par mon collègue et sénateur mi’kmaq est restée lettre morte.

Il me semble qu’il faudrait en faire davantage pour assurer une compréhension vaste et uniforme des questions autochtones à l’échelle des ministères. Je vous remercie.

M. Guilbeault : Merci, sénateur. Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question. Je laisserai peut-être mes collègues du ministère du Patrimoine canadien ou du ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord y répondre.

Avant de le faire, je dirai que je suis d’accord avec vous. Je pense que c’est quelque chose qui devrait être fait, si ce n’est pas déjà le cas. Nous avons entrepris une telle initiative au ministère du Patrimoine canadien. En fait, il y a quelques semaines, nous avons organisé une séance avec nulle autre que Phyllis Webstad, durant laquelle elle nous a fait part de son expérience en tant qu’élève et survivante d’un pensionnat autochtone. Elle nous a dit ce qui avait inspiré le mouvement populaire de la Journée du chandail orange. J’espère certes que tous les ministres, les employés des bureaux des ministres et le personnel des ministères pourront participer à de telles séances de sensibilisation.

Madame Sajous, je ne sais pas si vous pouvez répondre à la question du sénateur.

Le sénateur Patterson : Cette réponse me suffit pour l’instant, monsieur le ministre. J’ai d’autres questions, si vous le permettez.

Lorsque vous êtes intervenu au sujet de ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit, vous avez dit espérer que, lorsqu’on célébrera cette journée dans les écoles, il y aura des cérémonies, des discussions avec des aînés et d’autres activités. Vous avez dit que cette journée pourrait devenir semblable au jour du Souvenir.

Quelles ressources prévoyez-vous consacrer à la coordination de cet objectif avec les provinces et les territoires, vu que, comme on le sait, l’éducation est de leur ressort?

M. Guilbeault : Selon moi, il y a deux possibilités, qui ne sont pas mutuellement exclusives. Le budget 2021 prévoit essentiellement 20 millions de dollars en argent frais pour collaborer avec des organisations dans cet objectif. Ces organisations ont déjà des partenariats avec des enseignants, des écoles et, dans certains cas, des conseils scolaires partout au pays. Même si cela ne fait pas nécessairement partie des programmes scolaires officiels, cela se fait. En débloquant plus de ressources pour un plus grand nombre d’organisations autochtones dans tout le pays, on créera sûrement un effet multiplicateur. Mais vous avez raison, cela ne fait pas partie des programmes scolaires officiels.

En ce qui concerne la seconde partie de la question et la collaboration avec les provinces et les territoires pour encourager cela, je dirai, encore une fois, que nous ne pouvons que les encourager. Je suis, cependant, personnellement convaincu que nous pouvons arriver à une entente pour modifier nos livres d’histoire afin que les enfants canadiens, les miens et tous les enfants canadiens, apprennent cette partie de notre histoire. Il y a une approche un peu plus formelle et directe et une autre un peu plus indirecte, mais nous avons probablement besoin des deux.

Le sénateur Patterson : Merci, monsieur le ministre. Nous avons parlé d’argent aujourd’hui et du budget. J’ai une question brève à laquelle vous devriez pouvoir facilement répondre et qu’il serait important de consigner au procès-verbal.

Combien cela coûtera-t-il de payer aux fonctionnaires et aux employés des sociétés d’État leurs indemnités de vacances ou leurs heures supplémentaires pour cette journée?

M. Guilbeault : Sénateur, je n’ai pas les chiffres avec moi.

(1540)

Stephen Diotte, directeur exécutif, Bureau de la dirigeante principale des ressources humaines, Secrétariat du Conseil du Trésor : Monsieur le ministre, je peux vous prêter assistance à cet égard.

Le coût permanent annuel pour la fonction publique est de 165,9 millions de dollars. La plus grande partie de cette somme, soit près de 90 %, représente la perte de productivité découlant du fait que les gens ne pourront pas travailler ce jour-là. Le reste est attribuable à la rémunération des employés dont le milieu de travail est fonctionnel 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tel que Services correctionnels Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada ou l’équipage et les officiers des navires de la Défense nationale ou de Pêches et Océans Canada. En tout, cela représente un coût permanent de 165,9 millions de dollars.

Le sénateur Patterson : Voilà une réponse utile. Merci, monsieur.

Qu’en est-il des sociétés d’État? Devront-elles donner congé à leurs employés? Quel en serait le coût? Le calcul a-t-il été fait?

M. Diotte : La modification du Code canadien du travail s’appliquerait à la fonction publique fédérale ainsi qu’aux employeurs sous réglementation fédérale. Par conséquent, elle inclut les sociétés d’État et les employeurs fédéraux.

Je n’ai pas les chiffres pour les entreprises du secteur privé ni pour les sociétés d’État. Elles sont indépendantes du Conseil du Trésor. Nous pourrions obtenir ce renseignement pour vous.

Le sénateur Patterson : Seront-elles avisées des attentes et leur donnera-t-on la chance d’en évaluer elles-mêmes les coûts?

M. Diotte : Oui.

Le sénateur Patterson : Merci.

Monsieur le ministre, la première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation sera célébrée dans moins de quatre mois et je pense que nous nous attendons à ce que le projet de loi C-5 soit adopté aujourd’hui. Quels sont les plans de votre ministère pour le 30 septembre 2021? Votre ministère prévoit-il une attribution de fonds pour cette occasion?

M. Guilbeault : Comme je l’ai dit tout à l’heure, je pourrais vous donner quelques exemples de projets qui sont déjà financés. J’ai parlé plus tôt du projet de commémoration des victimes du pensionnat de Kamloops que mon ministère a financé en juin dernier. Une partie du projet est déjà en cours.

Comme vous l’avez souligné, entre l’adoption du projet de loi C-5 et les fonds prévus dans le budget de 2021, il faudra que le Conseil du Trésor élabore des lignes directrices. Nous espérons que cela se fera rapidement afin que nous puissions verser des fonds au cours de l’été en vue de nous préparer pour la première Journée nationale officielle de la vérité et de la réconciliation et de soutenir les organisations et les communautés autochtones dans l’ensemble du Canada. Il s’agit de notre objectif.

Le sénateur Patterson : Merci.

Nous sommes saisis d’un projet de loi réclamé par la Commission de vérité et réconciliation, mais je crains qu’il ne profite principalement aux fonctionnaires, étant donné le manque de planification et de ressources. J’ai posé une question concernant le financement disproportionné destiné aux congés payés des fonctionnaires fédéraux.

Je m’interroge sur les progrès accomplis relativement à un autre appel à l’action dans la province qui est sous votre responsabilité. Il s’agit de l’appel à l’action no 15, où l’on demande la nomination d’un commissaire aux langues autochtones. Comme vous le savez, bien que la nomination était prévue dans le projet de loi C-91, qui a été adopté au cours de la dernière législature, aucune nomination n’a encore été annoncée.

Monsieur le ministre, je dois vous demander ceci : comment pouvons-nous croire que les initiatives d’éducation et de commémoration — lesquelles sont nécessaires, je crois que nous en convenons tous, à l’efficacité du projet de loi — seront bien conçues et adéquatement financées, alors que tant d’engagements comme la nomination d’un commissaire aux langues autochtones sont retardés ou laissés en plan?

M. Guilbeault : C’est une question légitime, sénateur.

Le sénateur Patterson : Merci.

M. Guilbeault : À titre de ministre responsable, j’étais censé mener des consultations auprès des communautés autochtones du pays au printemps de l’an dernier pour la nomination du futur commissaire aux langues autochtones et de ses trois directeurs. De toute évidence, à cause de la pandémie, ces consultations ont été reportées jusqu’à l’automne dernier, mais elles ont bel et bien eu lieu.

Nous avons mis en place un comité de sélection, qui était composé en grande partie de représentants de diverses nations autochtones au pays et de linguistes. Le comité m’a fourni leur liste de recommandations pour les postes du commissaire et des directeurs. Je suis heureux de vous apprendre que, au cours des prochaines semaines, nous aurons de bonnes nouvelles à ce chapitre.

Le sénateur Patterson : Merci. Qujannamik.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur le ministre Guilbeault, d’être parmi nous aujourd’hui pour discuter de ce projet de loi sur la création d’une journée de la vérité et de la réconciliation.

Il me semble qu’il s’agit d’un symbole important que de créer une journée particulière de réflexion consacrée aux valeurs de notre société en ce qui concerne la vérité et la réconciliation. Je suis préoccupée — je pense que vous l’avez dit vous-même d’entrée de jeu — parce que la nouvelle de l’inhumation des enfants non identifiés en Colombie-Britannique est brutale. Toutefois, cela dévoile également une autre réalité qui est aussi brutale, c’est-à-dire que ce sont des enfants qu’on a privés d’une inhumation digne. De plus, on a privé leurs familles de la possibilité de célébrer des rituels d’inhumation, de deuil, qui sont des pratiques fondamentales pour les sociétés humaines. On n’a pas beaucoup entendu parler de cet aspect.

Dans l’expression « Journée de la vérité et de la réconciliation », il y a en fait deux termes : vérité et réconciliation. Quand on a mis sur pied la Commission de vérité et réconciliation, on s’est engagé dans un mécanisme international. Le sénateur Tannas a fait référence à l’Afrique du Sud. On comprend très bien ce que représente la Commission de vérité et réconciliation en Afrique du Sud. Il y a eu des événements extrêmement graves et on a choisi d’adopter des mesures de justice transitionnelle pour créer des espaces de discussion, des forums de confrontation comprenant des points de vue opposés, des perspectives différentes.

Que comptez-vous prendre comme mesure pour que cette vérité soit non seulement exprimée, mais aussi entendue et reconnue, pour faire en sorte qu’on puisse passer à un processus de réconciliation? Vous avez des budgets, vous l’avez dit clairement, mais comment allez-vous faire pour relier ces deux pôles dans le cadre de cette journée de vérité et de réconciliation?

M. Guilbeault : Merci beaucoup, madame la sénatrice. C’est une question importante. Votre premier point porte sur l’attribution des rituels, sur ce que les pensionnats ont représenté pour de nombreuses familles autochtones, et c’est un point très important. On voit à quel point ces rituels sont importants dans toutes nos sociétés. On le vit à une bien moindre échelle depuis environ un an, alors que plusieurs sociétés partout sur la planète ont été privées de nombreux rituels en raison de la pandémie. Je pense que cela nous donne un petit aperçu de cette réalité.

Vous avez également raison de dire qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité. Notre rôle, à Patrimoine canadien, est vraiment de soutenir les organisations, les communautés et les nations dans leur désir, leur façon de commémorer cette journée. Pour ce qui est du volet « vérité », peut-être que je pourrais me tourner vers mon collègue de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC).

La ministre Bennett a fait une annonce récemment sur la façon dont le gouvernement fédéral entend soutenir les communautés autochtones qui voudront faire ce que la communauté de Kamloops a fait, c’est-à-dire avoir recours à une technologie très avancée pour pouvoir être en mesure de trouver la vérité en ce qui concerne l’ensemble des pensionnats autochtones, partout au pays. Je vais demander à nos collègues de RCAANC de vous donner des précisions à ce sujet.

La sénatrice Dupuis : Monsieur le ministre, puis-je vous poser une autre question?

M. Guilbeault : Bien sûr.

La sénatrice Dupuis : Vous avez fait référence à deux reprises au fait que vous êtes un père. Vous avez des enfants qui fréquentent l’école. Vous n’avez pas appris ces choses-là à l’école. Je suis une mère; j’ai deux filles qui n’ont pas non plus appris ces choses à l’école, mais à la maison. J’ai essayé, sans succès, d’amener les comités d’école à concevoir des projets de correspondance scolaire, des projets qui auraient pu créer des liens entre les enfants des écoles urbaines et ceux qui vivent dans des réserves indiennes.

(1550)

Ma question est la suivante. On sait que la vérité s’exprime aussi sur le plan individuel. Vous exercez une fonction ministérielle et vous nous parlez de millions de dollars, mais vous êtes également père de famille.

En tant que père d’enfants qui fréquentent l’école, qu’est-ce que vous vous engagez à faire pour inciter les écoles de vos enfants à favoriser un véritable apprentissage qui, en plus de se faire en classe avec les professeurs, se ferait en jumelant les enfants avec des enfants autochtones?

M. Guilbeault : C’est une excellente question. J’ai des enfants qui sont plus âgés, dont une qui n’est plus à l’école. Mes plus jeunes fréquentent des écoles qu’on pourrait facilement qualifier de très progressistes et ouvertes sur ces questions. Dans certaines écoles, il y a déjà eu des projets de coopération et d’apprentissage de la culture autochtone, qui ne traitaient pas nécessairement de toute la réalité autochtone et de celle des pensionnats, mais dans le cadre desquels des gens ont été invités en classe. Cela ne se fait pas nécessairement sur le plan que vous avez évoqué, avec des programmes de correspondance, par exemple, mais plusieurs gestes ont été posés.

Je comprends et je reconnais que ce ne sont pas nécessairement toutes les écoles qui ont cette ouverture à l’autre, à la différence et à la diversité.

La sénatrice Dupuis : C’est la raison pour laquelle je vous pose la question à vous, comme individu. Vous êtes un citoyen, et vos enfants fréquentent des écoles. Je pense que, à tous les échelons, en tant que citoyens d’une municipalité, nous devons nous demander ce que nous pouvons faire en ce qui concerne nos conseils municipaux.

C’est pour cela que je vous interpelle comme individu, parce que vous avez aussi une responsabilité. Certains se fient au fait que vous ferez quelque chose, ou peut-être que vous ne ferez rien, mais je crois que vous avez un rôle exemplaire à jouer à ce point de vue.

La présidente : Sénatrice Dupuis, il reste deux minutes et demie, et je crois que la sénatrice Miville-Dechêne aimerait poser une question.

La sénatrice Miville-Dechêne : Monsieur le ministre, merci d’être avec nous. Je vais poursuivre dans la même veine en disant que cette journée représente un symbole important visant à admettre que des atrocités ont été commises envers tout un peuple et à aller de l’avant. Toutefois, au-delà du symbole, comme nous sommes tous les deux du Québec, comment pensez-vous que ce jour férié pour les employés sous juridiction fédérale contribuera à changer les mentalités chez nous?

En effet, même s’il y a eu 12 pensionnats autochtones au Québec pendant une cinquantaine d’années, des mythes circulent selon lesquels le Québec a peut-être été, dans son histoire, moins inhumain que les autres provinces dans son traitement des populations autochtones. Donc — et je sais que c’est une question difficile —, comment peut-on corriger ces mythes?

M. Guilbeault : Fondamentalement, je pense que le plus grand mérite de cette journée, mis à part le fait que les gens pourront profiter d’un jour férié, c’est d’apprendre et de nous rappeler. Le fait d’avoir ce symbole, cette journée nationale, permettra à des gens de partout au pays de prendre conscience de ce chapitre de notre histoire et de le démystifier. Vous avez raison de dire que le Québec a ses propres mythes sur ces questions, et il faudra s’y attaquer.

On ne peut pas faire l’autruche et prétendre que c’est partout au pays, mais pas chez nous, au Québec. J’ai été très heureux de voir le premier ministre Legault signer l’entente avec les autres premiers ministres provinciaux et territoriaux ainsi qu’avec le premier ministre.

Je ne nie pas le fait que nous devons tous cheminer sur cette question. Le gouvernement fédéral a une responsabilité beaucoup plus importante que bien d’autres acteurs en ce qui a trait à cette question. Par ailleurs, il faut quand même se rappeler que plusieurs des recommandations de la Commission de vérité et réconciliation s’adressent également aux provinces et aux territoires, qui ont aussi un rôle à jouer. Sans l’ombre d’un doute, le gouvernement fédéral a des responsabilités, mais les provinces et les territoires en ont tout autant.

[Traduction]

La sénatrice Martin : Merci, monsieur le ministre, et merci à mes collègues des nombreuses questions qu’ils ont posées. Moi aussi, j’appuie ce projet de loi et son objectif. J’ai bien écouté vos réponses, monsieur le ministre.

D’abord, j’ai en main les renseignements provenant des séances d’information de l’année dernière concernant le projet de loi C-5. Les fonctionnaires qui avaient informé les députés et les sénateurs avaient parlé des coûts directs qu’entraînerait pour le gouvernement du Canada l’ajout d’une journée de congé pour les employés sous réglementation fédérale. Ces coûts se chiffraient à 300 millions de dollars et à 400 millions de dollars par année de façon récurrente. En outre, Derrick Hynes, le directeur général de l’association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, l’ETCOF, a estimé que le coût pour les employeurs sous réglementation fédérale avoisinerait les 3,6 milliards de dollars.

J’essaie de comprendre l’écart dans les chiffres qu’on nous donne aujourd’hui. Je crois que le fonctionnaire a dit qu’on parlait plutôt de 100 millions de dollars, mais dans les documents d’information que j’ai en main, on parle du double. Pourriez-vous préciser quel sera le coût?

M. Diotte : Oui. Le chiffre que vous avez concerne les employeurs sous réglementation fédérale, ce qui concerne la fonction publique fédérale, les sociétés d’État et le secteur privé. Les chiffres que j’ai donnés en réponse à votre question concernent le coût pour le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la fonction publique fédérale. Comme je l’ai dit, ce coût atteindrait 165,9 millions de dollars par année de façon récurrente.

Quant aux chiffres que vous avez obtenus de l’ETCOF, si je ne m’abuse, et qui représentent à peu près le double du montant que je viens de donner, rien n’indique qu’ils aient changé, mais ce n’est pas le genre de données que nous avons en main. Il faudrait s’informer pour les obtenir. Je pense que ce serait le Programme du travail qui pourrait nous les donner.

La sénatrice Martin : Je crois qu’on peut dire qu’il s’agit de beaucoup d’argent pour les contribuables canadiens. Il est très important de faire correctement les choses, surtout pour cette première journée, puisqu’elle servira de précédent aux futures journées nationales.

En tant qu’ancienne éducatrice, je connais le genre de coordination qui est nécessaire ne serait-ce que pour une seule école. J’essaie de m’imaginer la coordination de cette journée pour tout le pays. Le 30 septembre arrivera dans quelques mois à peine.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si l’on s’attend à ce que les entreprises et les ministères fédéraux organisent leurs propres événements? Vous avez parlé de certaines initiatives qui ont été mises sur pied, mais pouvez-nous nous dire jusqu’à quel point elles ont déjà été préparées? Peut-être y a-t-il une présentation ou avez-vous eu des rencontres.

Vous avez dit que la lettre de mandat de chacun des ministères contenait quelque chose à cet égard. Il faudrait donc une coordination interministérielle. En seriez-vous à la tête? Quelles rencontres ont déjà eu lieu pour préparer la célébration du 30 septembre? Il faut de quatre à six mois pour planifier un mariage. Il s’agit d’une journée nationale de grande importance. J’essaie de comprendre ce qui a déjà été préparé jusqu’à maintenant.

M. Guilbeault : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Je répète que nous convenons tous qu’il s’agit d’un des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Je ne m’attends pas à ce que tout soit parfait cette année. Ce sera une première. Pas plus tard que la semaine dernière, nous en étions encore à espérer que le projet de loi C-5 se concrétise. Nous sommes maintenant plus certains que ce sera le cas. Nous allons évidemment mettre les bouchées doubles afin que cette journée soit la plus réussie possible cette année.

Il est important de se rappeler que notre objectif est vraiment d’être là pour soutenir les organismes, les communautés et les nations autochtones. Il n’est pas question que le gouvernement fédéral se lance dans toutes sortes de projets en faisant cavalier seul. Nous voulons être des partenaires, soutenir ces organismes et travailler avec eux. C’est l’une des demandes que nous avons entendues très clairement dans le cadre des consultations. Les Autochtones veulent que ce dossier soit dirigé par des Autochtones.

(1600)

Bien sûr, vous avez raison : nous devons faire en sorte que les fonctionnaires fédéraux y participent, sans oublier les ministres et les ministères. Je n’ai pas dit que le projet de loi C-5 faisait partie de la lettre de mandat de tous les ministres. C’est plutôt la réconciliation qui se trouve dans toutes les lettres de mandat.

Douglas Wolfe, directeur principal, Direction de la politique stratégique, de l’analyse et de l’information sur les milieux de travail, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Les estimations que je vais donner ont été faites par le Programme du travail. Nous estimons que pour les employeurs assujettis à la réglementation fédérale, les coûts seraient d’environ 223 millions de dollars annuellement. Merci.

La sénatrice Martin : Monsieur le ministre, je crois comprendre que ces projets seront dirigés par des organisations de premier plan, mais elles auront des limites, et nous vivons dans un très grand pays. Vous disiez que, dans certaines écoles au Québec, pas toutes peut-être, ce genre de choses est déjà organisé. Je sais qu’en Colombie-Britannique, il y a déjà beaucoup de travail de fait. Les enseignants sont très actifs.

Je voudrais attirer votre attention sur une organisation qui pourrait être un partenaire important pour le gouvernement. Il s’agit d’une organisation nouvellement créée. C’est un groupe national d’éducateurs en études sociales appelé le Réseau des éducateurs en sciences sociales du Canada. Il y en a dans toutes les provinces et les territoires, car l’éducation relève de leur compétence. Il s’agit d’enseignants qui ont formé des associations et ont des réseaux intégrés à toutes les écoles. J’espère que vous êtes au courant et que vous travaillez avec ce genre de partenaires, en particulier parce que l’éducation est de compétence provinciale et qu’elle demande beaucoup de coordination. Ce que je voulais dire, c’est que, bien sûr, ce sont les communautés autochtones qui en prendront la direction, mais le gouvernement fédéral doit apporter son soutien sous toutes sortes de formes. Je voulais savoir ce qui a été fait jusqu’à ce jour, car en matière d’éducation, il ne suffit pas de claquer des doigts et voilà. Cela doit être très bien coordonné.

M. Guilbeault : Merci, madame la sénatrice. Comme je l’ai dit plus tôt, nous nous efforçons d’appuyer les organismes qui collaborent déjà avec des commissions scolaires dans l’ensemble du Canada. En ce qui concerne l’intégration officielle dans les différents programmes scolaires provinciaux et territoriaux, il faudra évidemment travailler avec les provinces et les territoires pour y parvenir. Il ne revient pas au gouvernement fédéral de le faire; cela ne relève pas de la compétence fédérale. Partout au pays, je pense que nous constatons maintenant une prise de conscience qui n’existait pas nécessairement il y a quelques semaines ainsi qu’une volonté d’agir. Je travaillerai sur ce dossier avec mes homologues fédéraux, provinciaux et territoriaux au cours des semaines et des mois à venir.

La sénatrice Martin : Je comprends que la tâche est complexe et qu’elle prendra du temps, mais la prise de conscience et la volonté sont distinctes du plan qui est en place. J’aimerais juste satisfaire ma curiosité au sujet des préparatifs.

Cela dit, monsieur le ministre, le 30 septembre est un jeudi. Ensuite, il y a évidemment la fin de semaine qui suit. Est-ce que toutes les initiatives dont vous parlez auront lieu ce jeudi-là?

M. Guilbeault : C’est ce qu’on vise.

La sénatrice Martin : Enfin, la lettre de mandat de votre collègue la ministre du Travail, indique qu’elle doit déposer un projet de loi pour créer un nouveau jour férié fédéral, soit le Jour de la famille. Je connais les chiffres pour ce jour férié national. Le gouvernement instaurera-t-il deux nouveaux jours fériés pour les fonctionnaires fédéraux et les personnes qui travaillent dans des entreprises sous réglementation fédérale? Prévoit-on aussi un deuxième jour de la famille?

M. Guilbeault : Je ne sais pas si un représentant du ministère de ma collègue pourrait répondre à la question. Dans la négative, nous pouvons certainement vous fournir une réponse par écrit, madame la sénatrice.

M. Wolfe : Je peux répondre à la question, si vous le voulez. Oui, le jour de la famille fédéral fait certainement partie de la lettre de mandat de la ministre du Travail, et on prévoit toujours l’instaurer en temps et lieu.

La présidente : Nous passons maintenant à la prochaine période de 10 minutes. La sénatrice Pate partagera son temps de parole avec la sénatrice McPhedran.

La sénatrice Pate : Je cède mon temps de parole à la sénatrice McCallum.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie, sénatrice Pate. Je ne l’ai appris qu’hier soir. Avec cette nouvelle qui s’ajoute à la découverte des corps, j’en perds mes mots. Les Premières Nations de Kamloops ont lancé, en 2012, un recours collectif auquel 105 Premières Nations participent à ce jour. Il s’agit de la première poursuite portant sur les conséquences de la séparation des communautés et la suppression des cultures et des langues. Le gouvernement fédéral nie toute responsabilité juridique et soutient que la perte de la langue et de la culture était une conséquence inéluctable de la doctrine chrétienne. Le gouvernement admet que les écoles avaient pour objectif l’assimilation des Autochtones, mais il refuse toute responsabilité pour l’acculturation et l’assimilation linguistique. Le procès devrait commencer en septembre 2022. Pourriez-vous nous dire comment vous avez tenu compte de cet enjeu dans une optique de réconciliation? Merci.

M. Guilbeault : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Ce dossier ne fait pas partie de mon portefeuille, de toute évidence. Je peux toutefois dire que le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité. Le premier ministre a souvent répété que, selon nous, chaque enfant devrait être indemnisé équitablement, et c’est à cela que nous travaillons. Je ne sais pas si quelqu’un pourrait vous fournir plus de détails. Un représentant de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada ou de Services aux Autochtones serait peut-être mieux placé que moi pour répondre à votre question de manière détaillée. Une personne de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada était avec nous plus tôt; je ne sais pas si elle est encore présente.

Mme McCarthy : Oui, nous pourrons fournir une réponse écrite à ce sujet après la rencontre.

La sénatrice McCallum : Je vous remercie.

La sénatrice McPhedran : Je vais raccourcir ma question en espérant que la sénatrice Pate ait suffisamment de temps. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. Cela montre à quel point le projet de loi est important pour l’âme collective du pays, tout comme la publication aujourd’hui du Plan d’action national pour les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées. Il marque, comme l’a dit la ministre Bennett, le début d’un processus transformateur.

Ma question porte sur le long processus de mise en œuvre des 94 appels à l’action, mais en particulier sur la journée qui a été désignée et le projet de loi. Il y a un écart entre ce que le gouvernement affirme avoir accompli et ce que CBC/Radio-Canada a relevé. Nous savons cependant que le projet de loi désigne enfin la journée, mais, monsieur le ministre, cela fait trois ans que le premier ministre a annoncé une journée nationale, en 2015. De surcroît, un an auparavant, une députée du NPD, Mme Jolibois, avait présenté un projet de loi d’initiative parlementaire, le projet de loi C-369.

Le projet de loi C-5 a franchi l’étape de l’étude en comité en novembre dernier et rien n’a été fait pendant près de six mois, puis il y a eu d’autres retards, ce qui fait que nous en sommes saisis aujourd’hui seulement. Monsieur le ministre, aidez-nous à comprendre les raisons de ces retards.

(1610)

M. Guilbeault : Je vous remercie pour votre question, monsieur le sénateur.

Comme vous l’avez si judicieusement fait remarquer, j’ai fait référence à Georgina Jolibois et à son travail lors de la législature précédente dans ce dossier, où le projet de loi est mort au Feuilleton alors qu’il était parvenu au Sénat. Je suis très heureux de constater que les choses semblent se passer différemment cette fois-ci. En toute honnêteté, dès que cela m’a été possible, j’ai présenté ce projet de loi en utilisant la version précédente, comme l’avait fait Mme Jolibois la dernière fois.

En toute honnêteté, j’avoue qu’il a été difficile de franchir les étapes à la Chambre des communes. Je travaille sur un autre projet de loi qui est bloqué à l’étape de l’étude par le comité. Nous n’avançons pas parce que les membres d’un parti en particulier ne veulent pas que ce projet de loi aboutisse. Le gouvernement est minoritaire. Dans ce contexte, il est plus difficile pour un projet de loi de franchir les étapes dans l’autre endroit.

Cela dit, je suis très heureux que la Chambre des communes ait adopté à l’unanimité le projet de loi C-5 à l’étape de la troisième lecture la semaine dernière. Nous n’avons pas pu le faire plus vite. Cependant, le voilà devant vous. Encore une fois, je suis très heureux que le Sénat ait décidé de l’adopter rapidement afin d’éviter qu’encore une fois, il ne meure au Feuilleton pendant son étude par le Sénat.

La sénatrice Pate : Merci à vous tous. Je vais passer directement aux questions. En 2009, lorsque la Commission de vérité et réconciliation a réclamé des ressources pour la recherche des sépultures anonymes, comme celles qui viennent d’être découvertes, sa demande a été refusée. Le gouvernement a prévu des ressources dans le budget de 2019 et je constate que l’on vient juste d’annoncer que ces ressources seront distribuées.

Quels autres processus sont en place pour que les enquêtes soient menées de manière à ne pas imposer aux communautés et aux peuples autochtones la responsabilité de mener des enquêtes dans des endroits qui pourraient fort bien être des scènes de crimes?

Deuxièmement, le gouvernement divulguera-t-il tous les documents du gouvernement et de l’Église afin de faciliter les recherches qui sont en cours pour retrouver les enfants disparus ou assassinés? Merci.

M. Guilbeault : Merci, sénatrice. Pour ne pas perdre de temps, je vais céder la parole à ma collègue de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada. Je n’ai pas les informations que vous demandez.

Mme McCarthy : Merci beaucoup, madame la présidente et monsieur le ministre.

Oui, vous avez raison, des fonds ont été affectés à la mise en œuvre des appels à l’action 72 à 76 concernant l’identité des enfants et l’emplacement des sépultures. Un montant total de 33,8 millions de dollars y a été affecté pour les trois prochaines années.

Au cours de l’été et de l’automne derniers, nous avons mené de vastes consultations à distance à l’échelle nationale, et plus de 200 organismes autochtones invités ainsi que plus de 140 participants y ont pris part. Nous avons tenu 15 séances pendant lesquelles nous avons entendu à maintes reprises que les communautés veulent que le gouvernement fédéral les aide à mettre en œuvre ces appels à l’action en veillant à ce que les initiatives soient menées par les communautés et axées sur les survivants, et en offrant les outils, les ressources et l’expertise que les communautés leur demanderont pour soutenir les survivants et leurs familles.

La sénatrice Pate : Nous pourrions peut-être obtenir une réponse par écrit pour avoir d’autres détails sur les raisons pour lesquelles les initiatives doivent être menées par les communautés. Je comprends l’idée de concevoir des approches axées sur les survivants, mais habituellement, les enquêtes sur les lieux d’un crime relèvent aussi de l’État.

Par ailleurs, j’aimerais avoir une réponse à la question concernant la publication de documents. Si le temps ne nous le permet pas, une réponse par écrit serait fort utile. Merci beaucoup.

M. Guilbeault : Nous pouvons certainement fournir une réponse par écrit. Toutefois, pour répondre à votre première question, où vous me demandiez pourquoi nous faisons cela, je vous dirais que c’est ce que les communautés nous ont demandé. Pour ce qui est de la deuxième question, nous devrons fournir la réponse par écrit. Merci, madame la sénatrice.

Le sénateur Klyne : Monsieur le ministre, merci d’être ici avec nous aujourd’hui. En établissant une journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le projet de loi C-5 répond à l’appel à l’action 80 de la Commission de vérité et réconciliation. Pour expliquer l’importance de cette mesure, la commission a écrit :

Les survivants ont partagé leurs souvenirs avec le Canada et le monde entier pour que la vérité ne soit plus niée. [...] Ils veulent que les Canadiens sachent, se souviennent, se soucient et changent.

L’établissement d’une journée nationale pourra dorénavant contribuer à la diffusion de l’histoire du Canada comme récit collectif national, ce qui procurera à tous les Canadiens une meilleure chance d’apprendre la vérité, qui est le fondement de toute réconciliation. Cet exercice s’avère particulièrement important pour les Canadiens à qui l’on a enseigné mensonges et racisme au cours de leurs années formatrices. À cet égard, le projet de loi C-5 offre à tous l’occasion de s’instruire.

Ironie du sort, il se pourrait bien que les enfants soient la clé de la réconciliation et du changement.

Les jeunes ont le cœur et l’esprit ouverts non seulement à l’apprentissage de la véritable histoire de la tragédie infligée par les générations précédentes, mais également à la richesse des histoires et des cultures des nations autochtones, qui remontent à des milliers d’années avant la colonisation.

Forts de cette vérité, les jeunes autochtones peuvent apprendre leur langue et renouer avec leurs cérémonies, ce qui leur insuffle un sentiment d’appartenance, une fierté et une conscience du legs familial. Ils sentent qu’ils triomphent de l’injustice et qu’ils ont leur place dans le monde d’aujourd’hui.

Les jeunes non autochtones peuvent également découvrir la richesse de l’histoire et des cultures de leurs voisins et trouver une source universelle d’inspiration dans ce qui sera, selon moi, un combat victorieux pour le respect des droits ancestraux des Autochtones au Canada.

Tout cela permettrait aux jeunes Canadiens s’unir pour créer la société demain, une société meilleure.

Pourriez-vous nous parler de l’importance de l’éducation et des programmes scolaires, de l’importance des commémorations publiques pour favoriser la compréhension et la fierté au sein de la fédération canadienne quant à la véritable nature de cette dernière et quant au fait qu’il s’agit d’une nation formée de nombreuses nations?

M. Guilbeault : Monsieur le sénateur, c’est une question très importante. Je crois que seule l’éducation nous permettra d’arriver à la réconciliation. Il est impossible d’adopter une loi contre le racisme; ce serait peut-être plus facile si nous pouvions le faire, mais c’est impossible. La solution passe par l’éducation et je suis d’accord avec vous, ce sont les enfants qui nous amèneront jusqu’à la réconciliation si on leur enseigne la véritable histoire du Canada sans essayer de cacher des choses, même si elles font partie d’un pan douloureux et difficile à accepter de notre histoire. Je crois que cela fera d’eux de meilleurs citoyens mieux renseignés qui seront mieux outillés que nous l’étions, voire mieux outillés que nous le sommes présentement, pour travailler à l’atteinte de la réconciliation.

Le sénateur Klyne : Monsieur le ministre, de nombreux éléments font que l’histoire mise en lumière par la découverte faite à Kamloops est une tragédie déchirante. La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation nous permettra de commémorer les divers éléments de cette tragédie.

Elle sera également l’occasion de célébrer les héros canadiens qui se sont illustrés lors de ce chapitre sombre. Je parle des survivants. Leur courage et leur résilience ont permis de faire ressortir la vérité, malgré toutes les épreuves et la souffrance qu’ils ont vécues. Les survivants ont obtenu une victoire juridique grâce à la convention de règlement issue de la Commission de vérité et réconciliation, et leur témoignage a mis le Canada face à la vérité. Comme l’indique le rapport de la commission, « leur victoire mérite d’être célébrée. »

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire comment, d’après vous, la journée nationale nous aidera à célébrer le courage des survivants qui ont raconté leur histoire et le legs qu’ils auront laissé en tant que héros de l’histoire du Canada?

M. Guilbeault : Dans mes observations, j’ai parlé à quelques reprises de Phyllis Webstad, une survivante qui a lancé le mouvement populaire de la Journée du chandail orange. Mme Webstad est un bel exemple des héros dont vous parlez.

(1620)

Il y a beaucoup de héros de ce genre au Canada, et la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation peut nous servir d’outil pour découvrir qui ils sont ainsi que pour célébrer et souligner le leadership dont ils ont fait preuve et le travail qu’ils ont accompli au fil des ans et, dans bien des cas, au fil des décennies.

Le sénateur Klyne : Merci.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui, monsieur le ministre. Comme vous le savez probablement fort bien, il n’y a que deux segments de la population canadienne qui connaissent une croissance : la population autochtone et la population immigrante du Canada. Pourtant, l’espace qui les sépare, dans tous les sens du terme, est immense.

Comment votre ministère collaborera-t-il avec le ministère de l’Immigration et les milliers de communautés d’immigrants au pays pour fournir des programmes de sensibilisation et d’éducation appropriés afin que les nouveaux Canadiens fassent aussi partie de la démarche de réconciliation?

M. Guilbeault : Merci. Vous avez clairement raison. Il s’agit d’un élément important de notre démarche de réconciliation, sur lequel nous devons travailler. Il est vrai que, dans bien des cas, les nouveaux immigrants ne connaissent pas le passé du Canada. C’est certainement quelque chose que nous devons améliorer.

Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, absolument tous les ministres, notamment mon collègue le ministre Mendicino et moi, ont la responsabilité de faire avancer la réconciliation avec les Autochtones. Nous travaillerons de concert pour faire en sorte que les nouveaux immigrants découvrent le passé du Canada, y compris certaines des périodes troubles concernant notre relation avec les peuples autochtones.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de votre réponse, mais je pense qu’il s’agit toujours d’une réponse essentiellement idéaliste. Je vous dirai que les communautés d’immigrants en savent très peu sur l’histoire autochtone du Canada et que les problèmes liés à l’établissement qui surviennent au cours des premières années l’emportent sur toute autre considération, à moins que le gouvernement n’ait l’intention délibérée d’instiller l’éducation dans les cours de langue, les programmes de citoyenneté et j’en passe.

Je vous laisse avec une préoccupation au sujet de la cohésion sociale. Vous êtes le ministre du Patrimoine; vous êtes responsable de la cohésion sociale. Vous devez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour rapprocher ces deux communautés.

M. Guilbeault : Merci, madame la sénatrice. Le gouvernement a clairement manifesté son intention lorsqu’il a présenté le projet de loi et fait en sorte de créer cette journée et de fournir des fonds aux organismes dans l’ensemble du pays à cette fin.

Je conviens toutefois avec vous que nous avons beaucoup de chemin à faire. Il y a tellement de choses à faire. Les points que vous avez soulevés sont très importants. Pour que la réconciliation soit un succès, nous devrons aborder ces points avec toute l’énergie et la détermination qu’ils méritent.

La sénatrice Omidvar : Merci.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, le ministre est avec nous depuis maintenant 95 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis maintenant obligée d’interrompre les délibérations.

Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que les témoins ont été entendus?

Des voix : D’accord.


[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

[Français]

Rapport du comité plénier

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, autorisé à étudier la teneur du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation), signale qu’il a entendu lesdits témoins.

[Traduction]

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Brian Francis propose que le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation), soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-5, qui institue la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Les mots manquent pour expliquer l’horreur et la profonde tristesse que j’ai ressenties, tout comme les Inuits du Nunavut et d’ailleurs au Canada, lorsque les restes de 215 enfants ont été découverts dans une fosse commune sur le site du pensionnat indien de Kamloops la semaine dernière.

Aucun parent ne devrait ressentir la douleur causée par la perte d’un enfant. Pourtant, des parents autochtones ont été contraints d’en souffrir année après année au pays, depuis l’ouverture du Mohawk Institute en 1831 jusqu’à la fermeture du Pensionnat indien de Gordon, le dernier pensionnat du Canada, en 1996.

Cela me fait réfléchir au rôle que nos prédécesseurs dans cette enceinte ont pu jouer pour faciliter ces horreurs, et je suis profondément attristé de savoir que cette découverte ne sera pas la dernière.

Comme le sénateur Francis l’a reconnu dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, cette politique raciste était imposée à tous les Autochtones du Canada : Premières Nations, Inuits et Métis. Au cours de mes quelque cinq décennies de travail dans le Nord, j’ai appris à connaître et à aimer de nombreux survivants, dont certains sont devenus membres de ma famille élargie par les liens du mariage. En tant que résidant et avocat de l’aide juridique, j’ai constaté — et je continue de constater — trop souvent les traumatismes intergénérationnels que les pensionnats ont infligé aux Inuits.

Lorsque j’ai été nommé ministre de l’Éducation des Territoires du Nord-Ouest en 1981, des pensionnats y étaient toujours ouverts. C’est la connaissance intime que j’avais des torts qu’avaient causé les pensionnats à ma famille, à mes amis et à mes clients qui m’a poussé à piloter une initiative visant à mettre en place un programme d’école secondaire dans chaque communauté, petite ou grande, afin d’assurer la fermeture de tous les pensionnats des Territoires du Nord-Ouest. Ces mesures étaient appuyées par les recommandations d’un comité spécial sur l’éducation, dont je faisais également partie, qui a été formé dans le cadre de la neuvième législature de l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest.

Pour moi, il était aussi évident à ce moment-là qu’il l’est aujourd’hui que le retrait de ces enfants de leur famille entraînait des conséquences négatives profondes et durables sur les familles en question, de même que sur les communautés dans leur ensemble.

À la suite de l’horrible découverte à Kamloops, les drapeaux ont été mis en berne au Nunavut. L’Assemblée législative du Nunavut l’a fait pour une durée de 215 heures. Les députés et les ministres territoriaux, tous unis dans le deuil, ont parlé des traumatismes collectifs. Le Président Paul Quassa, ancien premier ministre du territoire, a déclaré ceci :

En tant que survivant des pensionnats autochtones, je ressens une grande tristesse pour toutes les personnes qui ont été touchées directement par cet événement terrible.

Tous les députés dans cette Chambre ont des proches et des habitants de leur circonscription qui sont toujours aux prises avec le sombre héritage de l’histoire de notre pays.

Nous avons le devoir de faire tout ce que nous pouvons pour obtenir justice.

(1630)

La ministre Jeannie Ehaloak a aussi pris la parole :

Je suis une survivante. On m’a enlevée avec quatre autres membres de ma famille. Je n’avais que 4 ans. À mes parents, qui sont passés de six enfants à un seul en quelques heures, je ressens votre douleur.

Je vais citer un article du 31 mai 2021 du Nunatsiaq News :

Cathy Towtongie, la députée de Rankin Inlet Nord-Chesterfield Inlet, a dit qu’elle avait pleuré lorsqu’elle a appris la découverte des restes des enfants.

« C’est le passé du Canada, et il y en a encore d’autres », dit-elle.

« Lorsque les enfants ont été enlevés, il n’y avait plus d’enfants qui venaient dans les alentours. Il n’y avait plus d’enfants qui riaient et qui s’amusaient. »

« Nos aînés ont changé, tout a changé [...] »

Cela dit, les pensionnats autochtones ne sont pas la seule tragédie qui a frappé les Inuits. Les récits de pertes et de deuils ont fait remonter à la surface d’autres pratiques discriminatoires et racistes, comme l’envoi des patients tuberculeux dans les sanatoriums du Sud du pays. Beaucoup d’entre eux, tant des enfants que des adultes, ne sont jamais rentrés à la maison. Comme dans le cas des pensionnats, ils ont parfois été victimes de mauvais traitements. En ce qui concerne les patients qui mourraient, on en disposait trop souvent sans en informer leurs proches inquiets qui étaient restés à la maison.

Cela m’a affecté personnellement. Dans les années 1980, je suis allé à un sanatorium pour le traitement de la tuberculose à Ninette, dans le Sud du Manitoba. J’y suis allé avec ma conjointe de l’époque, dont la mère, comme bien d’autres, avait été séparée de sa jeune famille et obligée d’aller dans le Sud pour un traitement. Lorsque ma conjointe avait 10 ans, un hydravion est arrivé au camp de sa famille et a emmené sa mère. Elle ne l’a plus jamais revue. On n’a jamais dit aux membres de sa famille comment elle était morte ni où elle était enterrée. Pendant notre voyage, nous avons fait des recherches dans des cimetières en milieu rural. Avec l’aide d’un prêtre du coin, nous avons finalement trouvé la tombe anonyme de sa mère. Ce fut une expérience très émouvante pour nous. Cependant, ceux qui ont vécu des expériences semblables sauront que le modeste soulagement qui vient avec le fait de savoir enfin quelque chose ne fait rien pour atténuer la douleur permanente qui accompagne un tel deuil.

J’ai entendu des gens comparer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation au jour du Souvenir. J’aurais une observation à faire à ce sujet.

Avant le jour du Souvenir, ou soulignait le jour de l’Armistice, en l’honneur de l’armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale, le 11 novembre 1918. Selon une fiche de renseignements qui se trouve sur le site Web du ministère des Anciens Combattants :

De 1921 à 1930, le jour de l’Armistice fut célébré le lundi de la semaine où tombait le 11 novembre. En 1931, Alan Neill, député fédéral de Comox–Alberni, introduisit un projet de loi visant à commémorer l’Armistice le jour même du 11 novembre. Ce projet de loi adoptée par la Chambre des communes changea aussi le nom de cette journée à « jour du Souvenir ». Le premier jour du Souvenir fut célébré le 11 novembre 1931.

Par conséquent, chers collègues, le jour du Souvenir a été instauré à une époque où les atrocités de la guerre étaient fraîches à l’esprit de la population. En effet, chaque Canadien avait subi des pertes. Année après année, on rappelle constamment aux Canadiens l’ultime sacrifice consenti par les dizaines de milliers de Canadiens qui, à ce jour, sont morts à la guerre.

Pourquoi est-ce que je soulève ce point? C’est en raison de ce que le sénateur Francis a dit dans son discours à l’étape de la deuxième lecture. Il a dit, et d’autres l’ont répété aujourd’hui, que l’éducation est importante. Je suis tout à fait d’accord. Cette journée nationale que le gouvernement souhaite instituer pour honorer les Autochtones ayant perdu la vie dans des pensionnats ne peut pas être seulement célébrée par « quelques » Canadiens. Comme pour le jour du Souvenir, nous devons nous assurer que tous les Canadiens prennent le temps de faire une pause et de réfléchir, comme le prévoit le projet de loi.

Pour en arriver là, nous devons garantir l’accès à du matériel éducatif général, uniforme et adéquatement financé d’un bout à l’autre du pays. Au cours des premières années, nous devrons redoubler d’efforts, comme nous l’avons entendu aujourd’hui en comité plénier, pour que tous les Canadiens sachent la vérité. Je ne parle pas seulement de la vérité que nous avons entendue dans cette enceinte aujourd’hui, mais de toutes les vérités des survivants courageux partout au pays, qui ont été décrites avec rigueur et conviction dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Malgré les excuses officielles de l’ancien premier ministre Harper en 2009 et sa décision de lancer la Commission de vérité et réconciliation du Canada — et malgré la publication du rapport de cette dernière en 2015 avec ses appels à l’action —, je pense qu’il a fallu la macabre découverte à Kamloops pour ouvrir les yeux de bien des Canadiens sur les atrocités de ce sombre chapitre de notre histoire.

Nous savons et reconnaissons tous qu’il reste du travail à faire pour éduquer la population aux réalités des peuples autochtones au Canada.

Je suis porte-parole pour ce projet de loi, honorables sénateurs, et je dois admettre qu’il m’est difficile d’entendre parler des centaines de millions de dollars qui serviront à offrir aux employés fédéraux un jour de congé payé. Je pense à l’engagement permanent dont nous avons entendu parler aujourd’hui. Ce jour férié coûtera 388,9 millions de dollars par an, si l’on tient compte des coûts associés aux fonctionnaires fédéraux et aux organismes sous réglementation fédérale. Je pense à la façon dont cet argent pourrait changer radicalement la vie des Nunavummiuts et des peuples autochtones à l’échelle nationale. Imaginez ce que signifierait, à long terme, un financement réservé et stable pour assurer la sécurité alimentaire, mettre un terme au déficit infrastructurel, qui est énorme, en finir avec les avis de faire bouillir l’eau et s’attaquer à la pénurie de logements dans les communautés autochtones.

Permettez-moi de mentionner une fois de plus la crise aiguë du logement au Nunavut, sur laquelle un comité du Sénat s’est penché. Le gouvernement actuel n’a pu trouver que 25 millions de dollars dans son récent budget de plusieurs milliards de dollars pour le logement au Nunavut. En comparaison, combien dépensera-t-on pour l’éducation?

Pour mettre les choses en perspective, je dirai — comme nous l’avons entendu aujourd’hui — que seulement 60 millions de dollars ont été dépensés pour la protection et la revitalisation des langues autochtones entre 2019 et 2021.

Ce serait faire insulte aux membres de ma famille, à mes amis et aux souvenirs des survivants que j’ai perdus en cours de route si cette journée devait devenir une nouvelle journée payée au chalet pour les employés fédéraux. Il faut que ce soit vraiment une journée de commémoration et d’apprentissage.

Mentionnons également que l’apprentissage ne devrait pas se limiter à une journée. Nous devrions offrir des occasions d’apprentissage de façon constante tout au long de l’année. Je sais qu’il y a toujours plus de choses à apprendre et plus de possibilités d’en faire davantage. Je suis favorable à la création de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, mais je veux m’assurer qu’on ne perdra jamais de vue l’objectif de cette journée et qu’on fera constamment des efforts en conséquence.

Honorables sénateurs, j’aimerais conclure en citant les paroles d’un aîné inuit, Piita Irniq, qui milite depuis longtemps pour que l’on recense et soutienne les nombreux Inuits qui souffrent des traumatismes liés aux pensionnats autochtones. J’ai demandé sa permission pour citer ces propos qu’il a publiés récemment sur les médias sociaux.

Comme je suis le porte-parole de l’opposition officielle pour ce projet de loi, je crois que la convention veut qu’on me laisse clore le débat. Étant donné que le projet de loi va désigner une journée nationale pour rendre hommage aux survivants, je pense qu’il est tout à fait approprié que les derniers mots soient ceux d’un survivant.

(1640)

Voici les mots de M. Irniq :

J’ai été kidnappé par un prêtre catholique romain, en plein jour, sous les yeux de mes parents! Nous étions à notre camp d’été près de Naujaat, une minuscule localité sur la côte Ouest de la baie d’Hudson, et nous nous préparions à marcher vers l’intérieur des terres pour la chasse annuelle au caribou.

C’était en 1958. J’avais 11 ans et je m’apprêtais à entrer à l’Externat fédéral Sir Joseph Bernier à Igluligaarjuk, que l’on appelait à l’époque Chesterfield Inlet.

Mes parents et moi étions loin de nous douter que c’était le début de mon acculturation et de mon assimilation linguistique. J’allais vivre dans un monde dont seraient absentes la spiritualité inuite et la pratique du chamanisme, que nous utilisions pour la guérison. Je devais me dissocier le lien spécial qui unit les Inuits entre eux et qui les unit aussi aux animaux, à la terre, à leur passé et à leur avenir. Nous devions nous assimiler au monde des Blancs et penser comme un Européen.

Les pertes que nous avons subies allaient devenir permanentes. Elles ont été sources de traumatismes pour nous tous, c’est-à-dire pour ma famille, mes amis et beaucoup de gens qui sont considérés comme des leaders de notre peuple. Nous sommes nombreux à avoir passé notre vie à tenter, de bien des manières, de retrouver un « sens » à une vie qui avait été vidée des idées, des croyances et des relations qui avaient, pendant des millénaires, donné un sens et un but aux Inuits. Certains se sont tournés vers cette religion moderne qu’est le christianisme. D’autres, comme moi, sont convaincus qu’il faut retrouver la culture que nous avons perdue pour redonner une orientation non seulement à notre propre vie, mais aussi aux générations futures.

Honorables sénateurs, merci. Qujannamik.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens une fois de plus aujourd’hui pour parler du projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

J’avais beaucoup de questions la première fois que j’ai lu ce projet de loi. Mes questions et préoccupations se regroupent autour de cinq grands thèmes. Le premier thème est celui de l’immédiateté.

Les tribunaux canadiens reconnaissent déjà la déclaration comme un outil d’interprétation international. Elle a été mentionnée dans pas moins de 98 décisions judiciaires rendues dans l’ensemble du pays et dans au moins 10 mesures législatives fédérales récentes. En 2015, le gouvernement Trudeau s’est engagé à adopter, dans le domaine des relations avec les Autochtones, une approche fondée sur une relation renouvelée de nation à nation. Il a aussi promis un changement de paradigme pangouvernemental, axé sur une relation plus respectueuse avec les peuples autochtones du Canada.

Cela m’amène à me demander quelles seraient les conséquences immédiates et pratiques de cette mesure. Comment les attentes concernant ce projet de loi et ce qu’il accomplira diffèrent-elles parmi les différents intervenants, c’est-à-dire les groupes autochtones, les fonctionnaires, les organismes communautaires et les personnes non autochtones?

La Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest, anciennement connue sous le nom de Conseil tribal des Métis de South Slave, a soumis un mémoire au Comité des peuples autochtones, lors de son étude préalable du projet de loi, dans lequel la Nation dit s’attendre à ce que l’adoption du projet de loi mène à la résolution des négociations sur les revendications territoriales. Elle dit que « [...] le Canada n’a toujours pas pris de mesures positives en réponse à notre contre-offre déposée en 2017 ». Elle ajoute ceci :

La [Nation métisse des Territoires du Nord-Ouest] attend en outre la mise en œuvre de la décision rendue par la Cour suprême le 14 avril 2016 dans l’affaire Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), qui confirme la responsabilité du Canada d’offrir des programmes et des services aux Métis au même titre qu’il le fait pour les Premières Nations.

Cependant, la progression dans ces dossiers négligés ne devrait pas dépendre de l’adoption de ce projet de loi. Il n’y avait rien et il n’y a toujours rien qui empêche le Canada de répondre à la contre-offre ou de faire avancer le processus en vue de combler l’écart entre les services offerts aux Métis et ceux offerts aux Premières Nations.

Si ce projet de loi vise à créer le processus qui mènera à la production d’un plan d’action qui établira à son tour le processus de mise en œuvre de la déclaration, alors comment s’y prend-on pour que le projet de loi se traduise par des changements de politique entre l’entrée en vigueur du projet de loi et le parachèvement et la mise en œuvre du plan d’action proposé? Verra-t-on le moindre changement par rapport à la situation actuelle?

À maintes reprises, le comité a entendu des témoins comme le chef de la nation dénée Norman Yakeleya des Territoires du Nord-Ouest affirmer que « [...] le statu quo ne fonctionne pas ». Or, quel changement qui ne peut être réalisé maintenant sera rendu immédiatement possible par l’adoption du projet de loi?

Shannin Metatawabin, PDG de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement, qualifie les programmes et les services fédéraux de paternalistes. Le projet de loi à l’étude va-t-il permettre un virage vers une approche davantage axée sur l’avancement des droits des Autochtones? Je croyais que ce virage avait été entamé en 2015.

Le deuxième thème concerne la divergence des opinions sur le projet de loi qui, à mes yeux, sont flagrantes. Certains, comme le chef national de l’Assemblée des Premières Nations Perry Bellegarde, ont déclaré que le projet de loi contribuera « [...] à provoquer et à pérenniser le changement transformateur qui s’impose de toute urgence ». Le ministre Lametti en parle comme d’une mesure législative importante. Terry Teegee, le chef régional du Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique, a dit au comité : « Ce centimètre de progrès se transformera en kilomètres de progrès dans les années à venir. »

D’autres, comme la professeure Val Napoleon de l’Université de Victoria, ont décrit ainsi le projet de loi :

« [...] un pas sur le sentier qui mène à la reconnaissance réfléchie des peuples autochtones et des ordres autochtones politiques, juridiques et économiques avec lesquels le Canada pourra travailler à cette fin. »

En revanche, le grand chef Joel Abram de l’Association des Iroquois et Indiens alliés fait partie de ceux selon qui le projet de loi perpétue « une approche colonialiste de peuplement qui interfère avec notre relation de nation à nation ». Le grand chef Garrison Setee de la Manitoba Keewatinowi Okimakanak — nous préférons l’appeler MKO — nous prévient qu’à moins qu’on y apporte des amendements clés, le projet de loi ne rendrait pas exécutoire la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au Canada. Ces préoccupations ont été reprises par M. Drew Lafond, président de l’Association du Barreau autochtone. M. Russ Diabo, ancien coordinateur des modifications de la Loi sur les Indiens pour l’APN et militant communautaire parlant au nom des réseaux Defenders of the Land, Idle No More et Truth Before Reconciliation nous a dit :

Le projet de loi C-15 concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones doit être examiné et considéré dans le contexte plus large du bilan de sournoiserie et de tromperie du gouvernement Trudeau dans le traitement des communautés et des nations autochtones au cours des six dernières années, en particulier, l’élaboration unilatérale par le gouvernement fédéral d’une définition canadienne de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il s’agit de changements massifs et sans précédent aux politiques, aux lois et à la structure, qui contournent les peuples et les nations autochtones qui sont les véritables titulaires de droits.

(1650)

Cela m’amène au troisième thème de consultation, qui est aussi lié de près au quatrième thème du consentement.

Honorables sénateurs, ce projet de loi jette les bases de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones par le gouvernement fédéral. Puisqu’il s’agit d’un projet de loi d’initiative ministérielle, un certain niveau de consultation est requis dans le cadre du processus législatif, à la fois par la Constitution et selon les articles 19 et 38 de la déclaration elle-même. Le processus consultatif entrepris dans le cadre de ce projet de loi doit être scruté avec attention. Des intervenants autochtones considèrent-ils avoir été consultés de façon inadéquate? Chers collègues, la réponse simple est « oui ». Beaucoup se sentent exclus de ce processus.

Le ministre Lametti a invoqué la situation minoritaire du gouvernement et la pandémie pour expliquer la compression de la période de consultations. Ses collaborateurs et lui s’empressent toutefois de souligner que la consultation s’est poursuivie pendant tout le processus législatif. À trois reprises, on leur a demandé de produire le dossier complet de la consultation : je l’ai demandé deux fois et le sénateur Stewart Olsen, un des membres du comité, l’a également demandé. Lors de la réunion du 31 mai, les fonctionnaires nous ont dit à plusieurs reprises qu’ils avaient obtempéré en nous renvoyant au rapport du ministère de la Justice intitulé Ce que nous avons appris. L’annexe B de ce rapport donne la liste des personnes qui auraient été consultées avant le dépôt, mais elle ne mentionne pas le dialogue et les consultations continus qui, nous dit-on, se dérouleraient encore à ce jour.

Honorables sénateurs, je trouve également préoccupant que le dossier de consultation partielle qu’on nous a transmis mentionne Ia Confédération des Premières Nations signataires du Traité no 6, les Premières Nations signataires du Traité no 8 et la Première Nation d’Alexander, parmi les instances consultées en Alberta. Or, le grand chef Vernon de la Confédération des Premières Nations signataires du Traité no 6 a affirmé au comité que la confédération n’avait pas été consultée.

De la même manière, le chef George Arcand Jr. de la Première Nation d’Alexander a affirmé ceci :

Nous rejetons l’affirmation selon laquelle il y a eu des consultations exhaustives sur ce projet de loi. Certains prétendent que les consultations ont commencé en 2007; d’autres, qu’elles ont commencé lorsque le projet de loi C-262 a été présenté. C’est simplement faux. La Première Nation d’Alexander n’a pas été adéquatement consultée au sujet de ce projet de loi ou du précédent projet de loi, le projet de loi C-262 [...]

Honorables sénateurs, étant donné les vives critiques suscitées par l’insuffisance des consultations sur le projet de loi, on peut se demander quel processus de consultation sera mis en place pour la création du plan d’action proposé. Est-ce que le gouvernement tiendra compte de l’opinion de tous les Autochtones désireux de participer au processus, ou est-ce que la conversation continuera d’être dominée par des organisations autochtones nationales? Selon des fonctionnaires du ministère de la Justice et du ministère des Relations Couronne-Autochtones, le gouvernement a déjà commencé à travailler avec des « intervenants clés », y compris les organisations autochtones nationales.

Honorables collègues, les grands chefs et les chefs élus ne cessent de répéter que l’Assemblée des Premières Nations ne s’exprime pas en leur nom. Arthur Noskey, grand chef du Traité no 8, a dit sans équivoque au comité :

L’Assemblée des Premières Nations est un groupe de pression, et elle ne devrait pas prétendre s’exprimer au nom de toutes les Premières Nations. Elle ne représente pas les Premières Nations du Traité no 8, et elle ne parle pas en leur nom. Les Premières Nations du Traité no 8 en Alberta se représentent elles-mêmes en toutes circonstances.

Plusieurs articles de la déclaration demandent aux États de reconnaître les structures traditionnelles de gouvernance des Autochtones. Pourtant, le gouvernement semble déterminé à continuer d’ignorer les relations bilatérales qu’il entretient avec les communautés ayant signé les 11 traités numérotés avec le Canada.

Le plan d’action a été présenté comme le principal engagement du projet de loi. Le projet de loi nous donne les moyens de créer un processus pour régler les problèmes persistants des Autochtones. On a expliqué que le processus nous permettra de mener un examen important des lois fédérales pour nous assurer qu’elles s’harmonisent avec la déclaration. Le processus nous permettra, entre autres choses, d’accomplir le travail que le gouvernement avait promis de faire quand il a créé le Groupe de travail de ministres le 22 février 2017, qui, selon le Bureau du Conseil privé, serait :

[...] chargés d’examiner les lois, les politiques et les pratiques opérationnelles fédérales pertinentes dans le but d’aider à établir une relation de nation à nation avec les peuples autochtones.

Ce travail a abouti aux fameux 10 principes, qui ont été rejetés par une résolution adoptée lors d’un vote majoritaire à l’Assemblée des Premières Nations et critiqués par beaucoup d’autres détenteurs de droits partout au pays.

Par conséquent, compte tenu de l’importance du plan d’action pour déterminer les priorités à venir et les prochaines étapes et pour résoudre les problèmes persistants, et étant donné que le gouvernement ne semble pas avoir réalisé de progrès importants concernant cet examen stratégique au cours des quatre dernières années, je dois poser la question suivante : deux ans, est-ce suffisant?

On a beaucoup insisté sur la question du consentement. Beaucoup ont demandé une définition plus claire de la notion de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Nous pouvons tous convenir que cette notion, qui s’applique aux questions entourant l’exploitation des ressources, a suscité de grandes inquiétudes, mais qu’en est-il de la façon dont elle s’applique au titre de l’article 19?

L’article 19 de la déclaration se lit comme suit :

Les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

Dans ce contexte, je pose la question suivante. Qui a le droit d’accorder le consentement? À qui doit-on demander le consentement? Nous avons déjà entendu dire que l’Assemblée des Premières Nations n’a pas le pouvoir délégué de donner le consentement des nations. On nous a dit que nous devions reconnaître, respecter et honorer la relation bilatérale entre la Couronne et les signataires de traités. Il faut aussi se demander s’il est justifié de parler à certains détenteurs de droits, mais pas à tous, en raison des contraintes de temps et de la COVID-19. Quelle est l’influence des gens ordinaires dans le processus? Qui, au bout du compte, choisira les personnes qui rédigeront le plan d’action? Une fois que toutes ces questions seront réglées, comment saurons-nous que le consentement a été accordé? Que se passera-t-il s’il n’y a pas d’accord ou si le consentement est expressément refusé?

(1700)

Le ministre Lametti a déclaré ceci :

Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ne supprime ni ne remplace le pouvoir de décision du gouvernement, mais il met en place un processus qui garantit une participation significative des parties concernées.

D’autres témoins nous ont dit que cette approche ne fait qu’enchâsser encore plus profondément la relation coloniale que ce projet de loi vise à abolir. Il faut régler cette divergence de points de vue avant d’aller plus loin dans l’élaboration du plan d’action.

En tant qu’avocat de formation, j’ai des questions sur la manière dont la doctrine du précédent sera appliquée dans certains cas, et qu’elles en seront les conséquences sur la jurisprudence et les lois canadiennes. Je vous donne quelques exemples.

Premièrement, imaginons que le Canada est poursuivi dans la foulée de ce projet de loi. Les détenteurs de droits autochtones qui s’étaient déclarés contre ce projet de loi invoqueraient le fait qu’ils n’ont pas donné leur consentement, comme le prescrit l’article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et que le Canada a manqué à ses obligations en matière de consultation et de coopération avant d’adopter des mesures législatives qui visent à mettre en œuvre la déclaration, conformément à l’article 38. Comme réplique, d’autres pourraient soutenir que la décision rendue en 2018 par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Mikisew Cree First Nation c. Canada a déterminé qu’il n’y a aucune obligation de consulter en ce qui concerne l’ébauche des lois et que, bien que certains n’aient pas manifesté leur consentement, d’autres ont appuyé le projet de loi. On pourrait ainsi alléguer que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ne signifie pas que toutes les parties doivent s’entendre; par conséquent, la décision du gouvernement d’aller de l’avant serait justifiée.

Selon moi, il est légitime de vouloir savoir comment le ministère de la Justice ferait valoir sa position dans ce scénario. Appuierait-il une décision antérieure de la Cour suprême du Canada? Affirmerait-il qu’il s’est efforcé d’établir un consensus, mais, qu’au bout du compte, il s’en est remis au principe démocratique qu’est la règle de la majorité? Admettrait-il plutôt que son approche aurait dû être renouvelée après que les groupes autochtones ont exprimé leur rejet de vive voix et refusé leur consentement?

L’autre scénario que je soumets à votre attention est celui des pêcheurs mi’kmaqs de l’Atlantique. Durant le débat sur la motion no 40 du sénateur Francis dans cette enceinte, j’ai évoqué les décisions Marshall et les limites qu’elles permettent à la ministre des Pêches et des Océans d’imposer en respectant les contraintes du principe établi dans l’arrêt Badger. Une fois cela énoncé, que nous reste-t-il? Doit-on appliquer l’article 29, sur le droit des peuples autochtones d’instaurer leurs propres programmes de conservation; l’article 32, sur le droit des peuples autochtones de contrôler l’exploitation et l’utilisation des ressources sur les territoires traditionnels; ou l’article 4, qui accorde le droit à l’autonomie gouvernementale dans les affaires locales? Devrions-nous plutôt considérer ces deux articles dans le contexte de la jurisprudence canadienne et de la réglementation continue établie par les autorités canadiennes, tel qu’il est clairement énoncé dans Marshall et Marshall II?

Chers collègues, je n’ai pas obtenu de réponse définitive. Durant sa comparution devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, le ministre Lametti a déclaré :

[...] dans le projet de loi, on reconnaît que l’article 35 ainsi que les lois fédérales et provinciales canadiennes continuent d’exister, et que ces lois auront encore le dernier mot dans diverses circonstances.

Cependant, le même jour, Mary Ellen Turpel-Lafond a dit ceci au comité : « L’idée selon laquelle, d’une façon ou d’une autre, ce projet de loi assujettit un texte international à une décision quelconque est erronée. » C’est donc dire que le débat n’est pas terminé.

Plus tôt, je me suis interrogé sur les différentes interprétations et attentes en ce qui concerne les effets de ce projet de loi et les intervenants qui y seront assujettis. Je me suis posé la question parce qu’elle a été soulevée à plusieurs reprises dans diverses circonstances. En tant qu’ancien premier ministre d’un territoire, je m’intéresse plus particulièrement à mon cinquième thème, soit les effets potentiels sur les provinces et les territoires. La réponse du ministre Lametti était sans équivoque. Selon lui, les lois fédérales, provinciales et territoriales continueraient de l’emporter. En revanche, dans leur mémoire, et lors de leur comparution, des nations du Yukon, les Premières Nations de Champagne et d’Aishihik, ont dit être d’avis que « le projet de loi C-15 s’appliquait [...] au gouvernement du Yukon ».

Arlene Dunn, ministre provinciale du Nouveau-Brunswick responsable, entre autres, des Affaires autochtones, a clairement recommandé au comité :

L’ajout d’une disposition de non-dérogation aux lois provinciales pour indiquer clairement que les obligations imposées par le projet de loi relèvent exclusivement du gouvernement fédéral.

La ministre Dunn n’est pas la seule à s’en préoccuper. L’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Ontario et le Québec — six provinces représentant une vaste majorité de la population canadienne — ont également soulevé des préoccupations à l’égard de certaines dispositions du projet de loi, qui auraient des répercussions sur les traités modernes, ce qui risquerait de perturber la jurisprudence, la compétence constitutionnelle des provinces et les pouvoirs accordés aux territoires. Il est vrai que le ministre Lametti a affirmé à notre comité que de telles préoccupations relevaient de « manœuvres politiques » et qu’il croyait avoir été clair avec ses homologues lors de la conférence fédérale-provinciale-territoriale. Cependant, le fait que de la confusion demeure dans 6 administrations sur 13 — que nous sachions — devrait nous préoccuper.

Chers collègues, le 31 mai, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a conclu son étude préalable du projet de loi après 10 rencontres, plus de 50 témoins et 57 mémoires. Je dois admettre que bon nombre de mes questions restent sans réponse. En temps normal, je serais encouragé par le fait que des préoccupations puissent être atténuées par des amendements ayant pour but de lever les ambiguïtés. Les lacunes identifiées par les intervenants pourraient mener à des amendements réfléchis pouvant réparer les imperfections de la mesure législative. Cependant, telle n’est pas la réalité politique.

Le Sénat se voit encore une fois obligé de précipiter l’étude d’un projet de loi que le gouvernement qualifie de transformateur. On nous presse d’adopter le projet de loi sans amendement en cherchant à respecter une date limite artificielle et imposée par le gouvernement. Des témoins comme le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, nous demandent de nous rappeler que le mieux est l’ennemi du bien et de n’accepter aucun amendement. J’ai l’impression qu’on me dit de ne poser aucune question et de ne pas tenir compte des voix dissidentes parmi les détenteurs de droits et les organisations autochtones.

À la conclusion de mon discours, le projet de loi sera renvoyé au comité, qui procédera immédiatement à l’étude article par article. Cela doit avoir lieu lundi prochain. Très bientôt, je prendrai la parole alors que les mêmes questions sans réponse et les préoccupations soulevées par des Autochtones auront été laissées en plan. Merci, Qujannamik.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

(1710)

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénatrice Batters, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)

La Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Griffin, appuyée par l’honorable sénatrice Galvez, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (utilisation du bois).

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Nous sommes prêts à nous prononcer sur cette motion, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Griffin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts.)

Audit et surveillance

Quatrième rapport du comité—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du quatrième rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, intitulé Autorité intersessionnelle, présenté au Sénat le 1er juin 2021.

L’honorable David M. Wells propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j’aimerais dire quelques mots brièvement. Comme le Sénat a pu le constater mardi, lorsque le rapport complet a été lu par notre greffier, la création de ce comité a demandé énormément de travail, pendant des années, en fait, et en particulier depuis l’adoption de la motion à l’automne.

Chers collègues, la proposition clé de ce rapport, c’est que le nouveau Comité sénatorial permanent de l’audit et de la surveillance puisse disposer d’une autorité intersessionnelle, un peu comme le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, afin que ses travaux puissent se poursuivre. Nous avons conclu, chers collègues, que le travail du comité de vérification et de surveillance était extrêmement important parce qu’il fera partie intégrante du fonctionnement de l’Administration du Sénat. Ce travail ne comprendra pas seulement des vérifications, bien évidemment, mais aussi l’examen des procédures du Sénat pour s’assurer qu’elles sont efficaces et que l’argent des contribuables est dépensé de façon responsable. Nous avons donc estimé que si le comité cessait ses activités entre les sessions — ce qui implique que les sénateurs qui en sont membres cesseraient de l’être —, il ne fonctionnerait pas de manière efficace. C’est pourquoi j’ai proposé l’adoption du rapport et je voudrais que la motion soit mise aux voix.

(Sur la motion de la sénatrice Moncion, le débat est ajourné.)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Adoption du troisième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport (provisoire) du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, intitulé Étude des questions ayant trait au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, présenté au Sénat le 2 juin 2021.

L’honorable Judith G. Seidman propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, au sujet de son troisième rapport. Le rapport propose certaines modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et fournit des principes directeurs concernant la composition du comité.

(1720)

Le code a été adopté par le Sénat en mai 2005 à la suite de nombreuses années d’étude. Il est l’expression de deux privilèges parlementaires inhérents au Sénat à titre d’assemblée législative et délibérative : régir ses affaires internes et assurer la discipline de ses membres. C’est également un document évolutif.

Le comité a l’autorisation d’entreprendre, à tout moment et de sa propre initiative, une étude en vue de recommander au Sénat des modifications au code et de veiller à ce que ses dispositions tiennent compte des réalités contemporaines et accroissent la confiance du public à l’égard du Sénat et des sénateurs.

En août 2019, le comité a présenté son septième rapport au Sénat exposant ses conclusions et ses recommandations découlant de l’examen du code prescrit par l’article 59 du code. La 42e législature a été dissoute à peine un mois plus tard, avant que le Sénat puisse étudier ce rapport.

Le comité estime que le travail ayant pour objectif de garantir que le code est à jour doit se poursuivre. Il a donc examiné et étudié de nouveau les recommandations énoncées dans le septième rapport.

Conformément à la pratique habituelle pour un tel examen, le comité a invité le conseiller sénatorial en éthique et tous les sénateurs à lui faire part de leurs préoccupations, commentaires et suggestions de modifications concernant les dispositions et l’application du code. Les réponses que nous avons reçues ont été utiles et ont grandement contribué à façonner les propositions contenues dans le troisième rapport. Nous aimerions remercier tous ceux qui ont contribué aux travaux du comité.

Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, puisque les séances du Sénat ont été limitées, votre comité a discuté de la meilleure approche à adopter dans son étude des modifications possibles au code. Il n’aurait tout simplement pas eu le temps d’examiner chaque suggestion, et encore moins de rédiger et d’étudier les modifications correspondantes nécessaires, sans courir le risque que son travail soit interrompu par une prorogation ou une dissolution du Parlement. Par conséquent, votre comité a décidé d’étudier les modifications suggérées en petits groupes et de présenter les rapports quand ils étaient prêts. À cette fin, votre comité a d’abord étudié les propositions contenues dans le septième rapport afin de s’appuyer sur le travail important et exhaustif qu’il avait effectué lors de la législature précédente.

Par conséquent, votre comité présentera ses conclusions et recommandations dans une série de rapports intermédiaires. Le présent rapport, c’est-à-dire le troisième de votre comité, est le premier de cette série.

Le troisième rapport propose des modifications au code de nature procédurale ou administrative, ainsi que des principes pour déterminer la composition du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.

La première partie du rapport s’inspire d’un bon nombre de travaux entrepris au cours des dernières années. Elle propose neuf modifications au code de nature procédurale ou administrative et ne nécessiterait pas de modifications préalables ou simultanées du Règlement du Sénat .

Il se peut que certains collègues qui lisent attentivement aient une impression de déjà vu à la lecture de cette partie du rapport. En effet, certaines des modifications figurent dans le septième rapport et ont été accueillies favorablement par des sénateurs lors de la dernière série de consultations de votre comité. Je peux assurer aux sénateurs que toutes les modifications font consensus parmi les membres du comité.

Les modifications proposées dans la partie 1 portent sur les points suivants : la compilation des déclarations consignées des sénateurs par le conseiller sénatorial en éthique; la publication de l’avis du conseiller sénatorial en éthique concernant des contrats du gouvernement; la divulgation, par un sénateur, d’une partie d’un avis donné par le conseiller sénatorial en éthique; l’ajout des avantages indirects provenant de contrats du gouvernement; l’exclusion de certains avantages sociaux des déclarations confidentielles des sénateurs; les délais de communication de renseignements ou de documents au conseiller sénatorial en éthique; le dépôt électronique de certains documents du conseiller sénatorial en éthique auprès du greffier du Sénat; l’harmonisation de la terminologie du code avec le Règlement administratif du Sénat; les changements secondaires apportés par le conseiller sénatorial en éthique aux formulaires à remplir par les sénateurs.

Pour chaque modification, le rapport fournit le libellé actuel dans le code, la justification de ce qui est recommandé et le nouveau libellé proposé. Plutôt que de fournir les détails dans mon discours, j’encourage simplement tous les sénateurs à lire et à examiner ces modifications au moment qui leur conviendra. Le comité a méticuleusement présenté les questions techniques d’une manière simple et accessible dans son rapport.

La partie 2 contient quelques principes directeurs au sujet de la composition du comité. Pour définir ces principes, le comité a gardé à l’esprit son historique, son mandat et son fonctionnement. Bien que ces principes reposent sur ceux qui sont énoncés dans le septième rapport du comité, ils sont aussi le résultat d’autres observations de la part de sénateurs ainsi que de l’examen effectué par le comité et de ses délibérations. Ils sont aussi le produit d’un véritable consensus au sein des membres du comité.

Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, le code est un document qui évolue. Votre comité devrait tenir compte de l’évolution du Sénat. En effet, les règles qui régissent la composition du comité devraient refléter la nouvelle structure du Sénat, mais être assez souples pour s’adapter aux prochains changements.

Ces dernières années, le Sénat a plus ou moins adapté la composition du comité à sa nouvelle réalité en adoptant des motions de session pour y nommer des sénateurs, ce qui lui a permis de contourner les dispositions qui régissent la composition du comité.

En effet, actuellement, les règles sont muettes sur la composition du comité à part pour indiquer qu’il doit être composé de cinq membres nommés par le leader du gouvernement et le leader de l’opposition au moyen d’une motion adoptée au début de chaque session. Cette règle ne correspond plus à la structure actuelle du Sénat.

Le comité jugeait important de souligner dans son rapport certains des principes qui, selon lui, devraient être pris en compte lorsqu’on déterminera la composition du comité dans les futures législatures.

Premièrement, il faut tenir compte de la nature et du mandat particuliers du comité. Cela comprend, avant toute chose, la nature impartiale et neutre de ses travaux et son habitude de prendre des décisions fondées sur le consensus.

Deuxièmement, le comité est d’avis que chaque parti et groupe parlementaire reconnu devrait avoir le droit de choisir un membre du comité. Une fois que chaque parti et chaque groupe a choisi et nommé publiquement son représentant, l’ensemble des sénateurs devraient ensuite, par scrutin secret, élire un membre additionnel. Ainsi, tous les sénateurs pourront participer au processus de sélection. Comme le comité s’occupe de questions qui touchent l’ensemble des sénateurs, ils devraient tous avoir leur mot à dire quant à la composition du comité.

Troisièmement, le comité convient qu’il devrait compter au moins cinq membres et que le nombre de membres ne devrait pas être fixe : il faudrait plutôt l’ajuster en fonction du nombre fluctuant de partis et de groupes parlementaires reconnus qui sont représentés au Sénat. Nous tenons aussi à souligner l’importance d’assurer la stabilité et la continuité du comité, puisque ses membres sont souvent appelés à examiner des questions complexes pour lesquelles la mémoire institutionnelle est un atout. Pour cette raison, le comité est d’avis que si un membre du comité change de groupe ou de parti en cours de session parlementaire, ce changement ne devrait avoir aucune incidence sur sa participation aux travaux du comité pendant la session. Cette approche serait conforme à la nature impartiale et neutre des travaux du comité.

Par ailleurs, le comité insiste sur le fait qu’il serait préférable que les membres demeurent les mêmes pendant toute une législature plutôt qu’une session afin de préserver la stabilité et de conserver une certaine mémoire institutionnelle. Bien que le comité reconnaisse que cela nécessiterait des modifications législatives, il espère que le Sénat tiendra compte de cette observation lors de la sélection des membres du comité au cours de la prochaine session parlementaire et qu’il abordera éventuellement la question.

Cinquièmement, le comité estime également qu’il conviendrait de rétablir le comité à la première occasion au début d’une nouvelle session, avec les membres de la session précédente, jusqu’à la sélection des nouveaux membres. Cela éviterait tout risque de retard pour le comité au début de chaque session et permettrait la continuité de ses travaux.

Enfin, le comité estime que ces principes ouvriront la voie au Sénat pour établir les paramètres de la composition du comité afin de tenir compte des nouvelles structures du Sénat.

Le comité est bien conscient que la mise en œuvre de ces principes nécessiterait des modifications au Règlement et au code. Le comité n’a pas le mandat de recommander des modifications au Règlement et il ne propose pas de modifications au code à cet égard dans le présent rapport.

(1730)

Le comité recommande plutôt que le Sénat demande au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement de procéder à un examen afin de formuler des recommandations à l’intention du Sénat pour modifier la partie du Règlement portant sur la composition du comité. Ces modifications seraient en accord avec les principes décrits dans ce rapport. Si le Sénat adopte les modifications apportées au Règlement du Sénat, le comité déterminera quelles seront les modifications conséquentes à apporter au Code d’éthique.

Plus précisément, le rapport reconnaît et respecte l’autorité et les pouvoirs du Comité sénatorial permanent du Règlement, et il en a tenu compte dans les principes proposés à des fins d’examen. Dans le cas où le Sénat approuverait la recommandation dans ce rapport — soit, renvoyer le dossier pour examen au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement —, les membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs se feraient un plaisir de fournir tous les renseignements additionnels requis ou l’aide nécessaire pour procéder à cet important examen.

Bien que le comité ait l’intention d’examiner d’autres modifications au Code d’éthique — la plupart ayant été suggérées par d’honorables sénateurs —, le présent rapport constitue un pas important pour compléter les travaux amorcés par le comité dans les années passées.

En adoptant ce rapport, le Sénat affirmerait son engagement à améliorer le Code d’éthique, et il exprimerait son soutien pour les principes développés par le comité au sujet de la composition du comité.

Honorables sénateurs, l’adoption de ce rapport entraînerait des changements au code, étant donné les modifications administratives et procédurales. Cependant, elle ne modifierait pas le Règlement du Sénat. D’autres mesures seront requises pour implanter des changements à la composition du comité selon les principes directeurs que nous proposons. Comme je l’ai déjà dit, la prochaine étape serait que le Comité du Règlement se penche sur la question, et il serait ravi de le faire si on le lui demande.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à prendre en considération les propositions du comité. Les dispositions du code doivent être mises à jour pour en assurer la clarté et la transparence et inspirer de la confiance en l’intégrité du Sénat et de tous les sénateurs à la population. Honorables sénateurs, nous espérons que vous appuierez ce troisième rapport.

Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à exhorter le gouvernement à imposer des sanctions contre les autorités chinoises relativement aux abus des droits de la personne et à la persécution systématique des musulmans ouïgours en Chine

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Smith,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à imposer des sanctions, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), contre les autorités chinoises relativement aux abus des droits de la personne et à la persécution systématique des musulmans ouïgours en Chine.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Chers collègues, je salue d’abord les sénatrices Jaffer et McPhedran, qui ont pris position plus tôt cette semaine en faveur de la motion no 4 du sénateur Housakos, qui demande au gouvernement canadien d’imposer des sanctions contre le régime chinois en raison du traitement inhumain de sa minorité musulmane ouïghoure. Je veux ajouter ma voix à celles de mes deux collègues en parlant d’un autre aspect honteux des pratiques chinoises.

Je ne peux rester silencieuse face aux violations des droits de la personne subies par les Ouïghours, car, depuis plus d’un an, je pilote le projet de loi S-216, qui vise à combattre l’esclavage moderne, et plus particulièrement le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Or, le travail forcé imposé aux Ouïghours dans des manufactures à l’intérieur et à l’extérieur de la région autonome du Xinjiang a été la face la plus visible et la plus médiatisée de ce fléau pendant la pandémie, malgré le fait que cette pratique est bien présente ailleurs dans le monde. Ce travail forcé vient donc s’ajouter à la torture, aux violences sexuelles contre les femmes dans les camps de rééducation, aux témoignages relatifs aux stérilisations et aux techniques d’assimilation décrites par mes collègues. Le portrait est révoltant. Il a été long et difficile à documenter, car le régime autoritaire chinois contrôle les allées et venues des journalistes et des autres travailleurs humanitaires.

Il est impossible de croire à des cas isolés. Dans leur rapport publié en mars 2021, intitulé Le Génocide ouïghour : un examen des violations de la Convention sur le génocide de 1948 par la Chine, le Newlines Institute et le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne rapportait que, selon les rapports chinois de propagande, le travail forcé est nécessaire pour transformer la pensée paresseuse très ancrée chez les paysans et pour les sortir de leur supposée arriération et culture primitive.

On estime qu’un million d’Ouïghours et d’autres minorités ethniques ont été détenus dans des camps, qu’on devrait plutôt appeler des prisons, dans la région du Xinjiang, située dans le nord-ouest de la Chine. Les détenus sont systématiquement transférés dans des champs de coton ou dans des usines. Ces programmes de travail forcé sont liés aux camps, car des images satellites ont permis d’identifier de grands groupes de personnes portant les mêmes uniformes et qui sont transférés entre les sites. Il y a au moins 135 de ces usines de travail forcé, et on estime qu’un demi-million de personnes auraient été affectées à la récolte du coton.

Des milliers de travailleurs ouïghours sont transférés dans d’autres installations de travail forcé à l’extérieur de leur région, où ils fabriquent des produits qui sont vendus partout dans le monde. Grâce à des témoignages crédibles, aux images satellites, aux recoupements et aux nombreux indices, on peut conclure que le régime autoritaire chinois facilite ces transferts de masse de citoyens ouïghours. Pourquoi parle-t-on de travail forcé? Un rapport de l’Institut australien de politique stratégique a révélé en 2020 que, dans ces manufactures loin de chez eux, les Ouïghours sont l’objet d’une surveillance constante. Ils ont peu de liberté de mouvement, ils vivent dans des dortoirs séparés des autres travailleurs, ils ne peuvent pas pratiquer ouvertement leur religion et ils sont soumis à une rééducation idéologique et à des cours de mandarin, en plus de leurs heures de travail. Il y a donc une notion de contrainte qui correspond à la définition du travail forcé de l’Organisation internationale du travail. L’institut a admis qu’il ne peut pas confirmer que tous les Ouïghours qui travaillent à l’extérieur du Xinjiang sont forcés de le faire, mais il y a suffisamment de preuves pour sonner l’alarme.

C’est là que ces exactions se rapprochent de nous, les Canadiens, qui consommons sans le savoir des produits issus du travail forcé de cette minorité chinoise qu’on cherche à briser. Prenez un magasin comme Brick, qui, selon une enquête du Toronto Star, a fait venir en novembre dernier 31 conteneurs remplis de réfrigérateurs fabriqués par Changhong Meiling, une compagnie chinoise figurant sur la liste noire des Américains en raison d’allégations de travail forcé de citoyens ouïghours. L’enquête a également repéré 405 cargaisons à destination du Canada pour des compagnies de marques de vêtements, dont les chaînes d’approvisionnement se rendent jusqu’à un producteur de coton soupçonné, lui aussi, d’avoir recours au travail forcé. On parle ici de filiales canadiennes de géants comme Gap, Tommy Hilfiger et Calvin Klein.

Au total, selon l’Institut australien de politique stratégique, 83 marques connues mondialement dans les secteurs de la technologie, du vêtement et de l’automobile sont soupçonnées d’avoir eu recours au travail forcé de membres de la minorité ouïghoure par l’intermédiaire de sous-traitants. Parmi les compagnies identifiées, on retrouve Apple, BMW, Gap, Huawei, Nike, Samsung, Sony et Volkswagen.

La production mondiale de panneaux solaires ferait également appel au travail forcé des Ouïghours dans la région chinoise du Xinjiang, selon un rapport de l’Université de Sheffield Hallam, en Angleterre. De plus, une compagnie canadienne est soupçonnée d’importer ces produits.

Pour l’instant, ce que fait le gouvernement canadien me semble bien insuffisant. Affaires mondiales Canada exige que les entreprises canadiennes qui font des affaires au Xinjiang signent une déclaration d’intégrité si elles veulent recevoir des services et du soutien du Service des délégués commerciaux du Canada.

Toutefois, le Canada est encore loin d’avoir d’une liste noire de produits interdits d’entrée au pays. Apparemment, il n’y a toujours pas de saisies aux frontières canadiennes de produits susceptibles de provenir du travail forcé ouïghour ou d’une autre provenance, d’ailleurs, comme cela se fait chez nos voisins américains.

Le Sénat n’a pas le pouvoir de forcer le gouvernement canadien à imposer des sanctions contre la Chine, mais nous pouvons nous joindre à la Chambre des communes pour dénoncer haut et fort ces violations persistantes des droits de la personne dans ce pays. Merci.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(1740)

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Motion tendant à autoriser le comité à examiner les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Loffreda,

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2021.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j’interviens pour parler d’une motion présentée par mon amie et collègue la sénatrice McCallum. La motion donnerait un ordre de renvoi au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles pour :

[…] examiner, afin d’en faire rapport, les effets cumulatifs de l’extraction et du développement des ressources, et ses effets sur les considérations environnementales, économiques et sociales […]

J’ai quelques réserves au sujet de cette initiative relativement nouvelle d’essayer de convaincre la Chambre de dicter aux comités les sujets qu’ils devraient étudier lorsqu’ils ne sont pas chargés d’étudier un projet de loi. Dans ce cas-ci, je suis d’autant plus mal à l’aise que la motion soit proposée par un membre du comité. Il me semble que cela affaiblirait davantage le principe selon lequel les comités sont maîtres de leurs travaux. Cela dit, je reconnais que le Sénat a adopté quelques-uns de ces renvois non sollicités aux comités. Je vais donc me pencher sur la motion et son libellé et je terminerai par une petite modification.

Pas toujours, mais souvent, le mot « effets » a une connotation négative. Cela dit, la sénatrice McCallum a clairement dit dans son discours que nous avions tous des préjugés qui influenceraient l’étude et que le comité ne devrait pas renoncer au travail nécessaire pour produire un rapport équilibré, et je suis d’accord avec elle. Pour plus de clarté, je propose l’ajout des mots « positifs et négatifs » après les mots « effets cumulatifs » afin de souligner le désir transparent d’équilibre qu’elle a exprimé dans son discours, et que je partage.

Avant de le faire, je veux présenter des excuses à la sénatrice McCallum pour le temps qui s’est écoulé depuis que j’ai demandé l’ajournement de la motion. Nous vivons des temps exceptionnels. La motion n’a été étudiée qu’à quelques reprises au cours des six derniers mois, ce qui est dû aux nombres de fois que nous nous sommes réunis. Je tenais à dire que je ne voulais aucunement lui manquer de respect et que j’espère que nous pourrons traiter cette motion assez rapidement.

Motion d’amendement

L’honorable Scott Tannas : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par adjonction, avant les mots « de l’extraction », des mots « positifs et négatifs ».

L’honorable Mary Jane McCallum : Merci, sénateur Tannas, d’avoir proposé cet amendement. Je l’appuie. Je voulais parler de l’ordre de renvoi établi par le Sénat.

La raison pour laquelle j’en parle, c’est que, lorsque je suis arrivée au Sénat, j’ai remarqué que très peu de questions relatives aux Autochtones étaient soulevées et j’ai dû commencer à le faire moi-même, surtout en ce qui a trait à l’extraction des ressources. Je vais citer un discours que j’ai fait :

[...] il nous appartient, en tant que sénateurs, de jeter un regard neutre et sans contrainte sur cet énorme problème pour essayer de lui donner un sens.

Lors des réunions du Comité de l’énergie, 80 % des témoins représentaient l’industrie et 4 % représentaient les peuples autochtones. Les opinions exprimées au sujet du projet de loi C-69 n’étaient donc pas réparties de façon équitable.

Honorables sénateurs, c’est en ayant cette réalité en tête que j’espère que l’équilibre et le respect prévaudront au moment d’établir l’ordre de renvoi. J’espère que le rapport final reflétera vraiment tous les points de vue. J’espère aussi que les politiques publiques finiront par être fondées sur l’équilibre, l’équité et la compréhension. Les problèmes liés aux ressources naturelles et au territoire sont les principaux problèmes qui existent entre les Autochtones et les non-Autochtones, ce qui crée des frictions et des conflits. Si nous ne menons pas une étude équilibrée et exhaustive de cette question, alors que nous sommes ici pour représenter nos régions respectives et les personnes qui y habitent, qui le fera?

Comme j’ai dit, j’appuie le sénateur Tannas et l’amendement qu’il a proposé. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Retrait de la motion tendant à exhorter le gouvernement du Canada à déposer un projet de loi afin de geler les indemnités de session des parlementaires, étant donné la situation économique et la pandémie en cours

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Moncion, appuyée par l’honorable sénateur Cormier,

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à déposer un projet de loi afin de geler les indemnités de session des parlementaires pour une période de temps que le gouvernement estime appropriée étant donné la situation économique et la pandémie en cours ou pour une période maximale de trois ans.

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je demande le consentement pour que la motion no 33 soit retirée de l’ordre du jour.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(La motion est retirée.)

(1750)

[Traduction]

Motion tendant à condamner la détention injuste et arbitraire de la sénatrice Leila M. de Lima par le gouvernement des Philippines—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénateur Woo,

Que, relativement à la sénatrice Leila M. de Lima, sénatrice titulaire de la République des Philippines, qui a été arrêtée et est détenue arbitrairement depuis le 24 février 2017 sur la base d’accusations de trafic de drogue illégal portées contre elle par le gouvernement Duterte pour des motifs politiques, et qui continue d’être détenue sans caution, bien que les procureurs du gouvernement des Philippines n’aient présenté aucune preuve matérielle, le Sénat :

a)condamne la détention injuste et arbitraire de la sénatrice Leila M. de Lima par le gouvernement des Philippines;

b)exhorte le gouvernement des Philippines à libérer immédiatement la sénatrice de Lima, à abandonner toutes les accusations portées contre elle, à lever les restrictions visant ses conditions personnelles et professionnelles et à lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat de législatrice;

c)demande au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre tous les fonctionnaires philippins complices de l’emprisonnement de la sénatrice de Lima, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski);

d)demande au gouvernement des Philippines de reconnaître la primauté du droit et des droits de la personne, ainsi que le rôle important des défenseurs des droits de la personne, et de permettre à ces derniers de mener leurs activités librement, sans crainte de représailles;

e)exhorte les autres parlementaires et les gouvernements du monde entier à faire eux aussi pression sur le gouvernement Duterte en vue de protéger, de promouvoir et de faire respecter les principes de la primauté du droit et des droits de la personne, piliers essentiels d’une société démocratique libre et fonctionnelle aux Philippines.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, cela devient personnel ici. Pour comprendre le sérieux de la vendetta menée par le président philippin contre la sénatrice Leila de Lima, permettez-moi de reprendre les informations résumées dans la résolution bipartisane no 142 du Sénat américain, adoptée à l’unanimité en janvier 2020 et selon laquelle, entre autres, la Global Magnitsky Act des États-Unis peut s’appliquer au président et à des fonctionnaires philippins.

Je vais vous expliquer brièvement comment la sénatrice est devenue la cible du président Rodrigo R. Duterte. Premièrement, la sénatrice de Lima a enquêté, à titre de présidente de la Commission des droits de l’homme, sur l’implication présumée du maire de la ville de Davao, Rodrigo R. Duterte, dans les exécutions extrajudiciaires commises par un soi-disant escadron de la mort de Davao.

Deuxièmement, le 15 décembre 2014, Mme de Lima, devenue secrétaire d’État à la Justice, a dirigé une descente dans le pénitencier national, qui a abouti à la confiscation de drogues, d’armes à feu et de marchandises de contrebande et à l’extraction de 19 barons de la drogue et détenus notoires impliqués dans le trafic de drogue à l’intérieur de l’établissement.

Troisièmement, le 13 juillet 2016, la sénatrice de Lima, en sa qualité de présidente du Comité sénatorial de la justice et des droits de l’homme, a déposé la résolution sénatoriale no 9 demandant une enquête sur les exécutions extrajudiciaires et les exécutions sommaires de personnes soupçonnées d’avoir un lien avec le trafic de drogue dans le cadre de la « guerre contre la drogue » du président Duterte.

Quatrièmement, le 22 août 2016, la sénatrice de Lima a mené des audiences sénatoriales pendant lesquelles des gens soupçonnés d’avoir fait partie d’un escadron de la mort ont décrit des exécutions extrajudiciaires effectuées dans le cadre de la campagne antidrogue. L’un d’entre eux a affirmé que le président Duterte avait participé à des exécutions extrajudiciaires lorsqu’il était maire de Davao.

Cinquièmement, le 2 août 2016 et le 19 septembre 2016, la sénatrice de Lima s’est prévalue de son privilège parlementaire en faisant deux discours au Sénat pour exhorter le président Duterte à mettre fin aux exécutions. Selon des faits amplement documentés, peu après ces discours, le président Duterte a juré publiquement de détruire la sénatrice de Lima.

Honorables collègues, les accusations lancées par le président Duterte contre la sénatrice de Lima s’appuient sur des témoignages recueillis auprès de détenus dont les activités illégales ont été interrompues lorsqu’elle a ordonné une descente dans la prison en 2014.

En 2017, la Commission Tom Lantos des droits de l’homme du Congrès des États-Unis a tenu une audience sur les effets de la guerre antidrogue aux Philippines sur les droits de la personne, pendant laquelle Human Rights Watch a parlé d’une :

[...] campagne impitoyable que le gouvernement a menée contre elle et qui se veut sans aucun doute une réponse aux vives critiques qu’elle a adressées au président Duterte pour sa « guerre contre la drogue » et à ses appels à rendre des comptes.

En 2018, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté un avis dans lequel il conclut que la détention de Mme de Lima est arbitraire au titre de plusieurs catégories. Il affirme notamment que :

[...] les opinions politiques et les convictions de Mme [d]e Lima sont de toute évidence au centre de l’affaire et que les autorités ont adopté une attitude discriminatoire à son égard.

Elle a effectivement été la cible de persécution partisane. Rien n’explique ce traitement si ce n’est l’exercice de son droit d’exprimer de telles opinions et convictions en tant que défenseure des droits de la personne.

Le groupe de travail de l’ONU a ensuite recommandé au gouvernement des Philippines d’adopter certaines mesures, notamment la libération immédiate de la sénatrice de Lima, l’ouverture d’une enquête indépendante sur les circonstances de sa détention arbitraire et le versement d’indemnités et d’autres dédommagements, y compris la réintégration des fonctions dont elle a été évincée.

L’administration Duterte a riposté en plaçant la sénatrice de Lima en détention arbitraire sans possibilité de libération sous caution, en la calomniant au moyen d’accusations éhontées et d’insultes sexistes grossières, en divulguant ses informations personnelles au public, en l’expulsant du comité sénatorial de la justice et des droits de la personne et en lui refusant l’accès au Sénat dans le but de l’empêcher de remplir ses fonctions parlementaires.

En février dernier, juste avant la fin de sa quatrième année de détention, la sénatrice de Lima et son équipe d’avocats ont remporté une manche avec une motion visant à rejeter la première accusation portée contre elle au motif que les preuves présentées par les procureurs étaient insuffisantes pour obtenir une condamnation au criminel. Une fois accordée, une telle motion équivaut à un acquittement.

Le président Duterte continue de lancer des insultes racistes à l’endroit de la sénatrice de Lima, fidèle à son habitude autant avant son emprisonnement qu’après sa libération, qui est survenue il y a quatre ans. Il y a quelques semaines, lors d’un événement public, il a déclaré : « Elle est la seule putain qui a convaincu le monde qu’elle est une prisonnière de conscience. »

Honorables collègues, nous savons que le fonctionnement d’une démocratie repose sur la capacité de personnes dévouées, au sein de l’État et dans la société civile, de passer au peigne fin le travail du gouvernement et de demander des comptes aux dirigeants. Aux Philippines et au Canada, les sénateurs font partie de ces personnes.

Quand l’honorable Raynell Andreychuk a présenté au Sénat le projet de loi de Magnitski, cette démarche découlait de la persécution et du meurtre par l’État d’un jeune avocat russe, Sergueï Magnitski, qui avait dévoilé la corruption massive du gouvernement de la Russie. Voici ce que l’ancienne sénatrice Andreychuk avait déclaré à l’époque :

Je voudrais également souligner que ce projet de loi n’engendre aucune obligation pour le gouvernement; il ne fait que l’outiller. Le gouvernement dispose ainsi d’un argument de négociation lorsqu’il poursuit ses objectifs de politique étrangère.

Le projet de loi dont vous êtes aujourd’hui saisis demande notamment au gouvernement du Canada de réclamer que justice soit faite au nom de Sergueï Magnitski contre tous les individus impliqués dans sa détention illégale, sa torture et sa mort. Il ne s’arrête toutefois pas là, puisqu’il permettrait au Canada de prendre les devants dans les efforts visant à renforcer concrètement les dispositions du droit international sur la perpétration d’infractions et de crimes. Il cible directement les principaux contrevenants aux droits de la personne, où qu’ils se terrent et où que soient cachés leurs avoirs. Il reprend d’ailleurs à son compte les divers instruments, normes et définitions reconnus sur la scène internationale.

Chers collègues, à la Chambre des représentants de l’Australie, certains ont donné l’exemple du sort réservé à la sénatrice de Lima pour faire valoir que l’Australie devrait emboîter le pas au Canada et aux États-Unis et adopter une loi semblable à la loi de Magnitski.

Le 24 février 2021 marquait le quatrième anniversaire de l’emprisonnement de la sénatrice de Lima. Cette motion a été présentée pour souligner sa détention de plus de 48 semaines. Par ailleurs, au Royaume-Uni, 27 députés et pairs de la Chambre des lords, membres de divers partis, ont envoyé une lettre à l’ambassade des Philippines à Londres pour demander la libération immédiate de la sénatrice de Lima. Cette motion vient appuyer le Parlement européen dans sa demande aux autorités philippines d’abandonner toute accusation à motifs politiques contre la sénatrice de Lima, de la libérer pendant qu’elle attend son procès, de lui permettre d’exercer librement ses droits et devoirs de représentante élue et de lui fournir, pendant qu’elle est détenue, des conditions de détention adéquates du point de vue de l’hygiène et de la sécurité.

J’interviens aujourd’hui dans le débat sur la motion afin que nous joignions nos voix de sénateurs se distinguant par leur indépendance d’esprit à celles de députés et de défenseurs des droits de la personne, avec l’assurance que nous ne serons pas les seuls à prendre position pour appuyer notre collègue sénatrice. En plus de la résolution bipartisane adoptée l’an dernier à l’unanimité par le Sénat des États-Unis afin de condamner l’emprisonnement de la sénatrice de Lima et de s’opposer à l’arrestation et à la détention d’autres défenseurs des droits de la personne et de journalistes qui exerçaient leur droit à la liberté d’expression, bon nombre de nos alliés ont déjà pris position.

La libération immédiate de la sénatrice de Lima a été réclamée par des organismes non gouvernementaux, des groupes de défense des droits de la personne, des organes parlementaires, des individus et des entités particulières, comme le Parlement européen, le Parlement de l’Australie, l’organisme ASEAN Parliamentarians for Human Rights, Amnistie internationale, Human Rights Watch et le Raoul Wallenberg Centre for Human Rights. De plus, il y a seulement quelques jours, la plus vieille et la plus importante association de parlementaires, l’Union interparlementaire, a réitéré ses appels précédents pour la libération de la sénatrice de Lima.

(1800)

Honorables collègues, nous ne serons pas la première institution parlementaire à dénoncer cette situation. Toutefois, en donnant suite à cette motion, notre institution gagnerait beaucoup de respect, et elle ferait bien comprendre sa position à l’égard des droits de la personne en soutenant une collègue sénatrice qui paie un prix trop lourd pour avoir dit la vérité aux gens au pouvoir. Merci. Meegwetch.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement et aux ordres adoptés le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 19 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».

Des voix : Suspendre.

Son Honneur le Président : La séance est suspendue jusqu’à 19 heures.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(1900)

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président informe le Sénat qu’il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 3 juin 2021

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser que le très honorable Richard Wagner, administrateur du gouvernement du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 3 juin 2021 à 18 h 34.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,

Ian McCowan

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 3 juin 2021 :

Loi instituant la Semaine de la gentillesse (projet de loi S-223, chapitre 9, 2021)

Loi modifiant la Loi sur la santé et la sécurité dans la zone extracôtière (projet de loi S-3, chapitre 10, 2021)

Loi modifiant la Loi sur les lettres de change, la Loi d’interprétation et le Code canadien du travail (Journée nationale de la vérité et de la réconciliation) (projet de loi C-5, chapitre 11, 2021)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à condamner la détention injuste et arbitraire de la sénatrice Leila M. de Lima par le gouvernement des Philippines—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénateur Woo,

Que, relativement à la sénatrice Leila M. de Lima, sénatrice titulaire de la République des Philippines, qui a été arrêtée et est détenue arbitrairement depuis le 24 février 2017 sur la base d’accusations de trafic de drogue illégal portées contre elle par le gouvernement Duterte pour des motifs politiques, et qui continue d’être détenue sans caution, bien que les procureurs du gouvernement des Philippines n’aient présenté aucune preuve matérielle, le Sénat :

a)condamne la détention injuste et arbitraire de la sénatrice Leila M. de Lima par le gouvernement des Philippines;

b)exhorte le gouvernement des Philippines à libérer immédiatement la sénatrice de Lima, à abandonner toutes les accusations portées contre elle, à lever les restrictions visant ses conditions personnelles et professionnelles et à lui permettre de s’acquitter pleinement de son mandat de législatrice;

c)demande au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre tous les fonctionnaires philippins complices de l’emprisonnement de la sénatrice de Lima, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski);

d)demande au gouvernement des Philippines de reconnaître la primauté du droit et des droits de la personne, ainsi que le rôle important des défenseurs des droits de la personne, et de permettre à ces derniers de mener leurs activités librement, sans crainte de représailles;

e)exhorte les autres parlementaires et les gouvernements du monde entier à faire eux aussi pression sur le gouvernement Duterte en vue de protéger, de promouvoir et de faire respecter les principes de la primauté du droit et des droits de la personne, piliers essentiels d’une société démocratique libre et fonctionnelle aux Philippines.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’aimerais que le débat soit ajourné à mon nom. Je prendrai la parole lors de la prochaine séance du Sénat, si Dieu le veut.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, motions, article no 57 :

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 2 juin 2021, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 8 juin 2021, à 14 heures.

— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite à mon nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le lien entre la prospérité et l’immigration

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Omidvar, attirant l’attention du Sénat sur le lien entre la prospérité antérieure, actuelle et future du Canada et sa connexion profonde à l’immigration.

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Omidvar, attirant l’attention du Sénat sur le lien entre la prospérité antérieure, actuelle et future du Canada et sa connexion profonde à l’immigration.

Je veux remercier du fond du cœur madame la sénatrice de son engagement inégalé dans la défense des droits des immigrants et dans les questions de diversité et d’inclusion.

Je tiens aussi à remercier très sincèrement notre collègue le sénateur Ravalia, qui a livré un vibrant témoignage en affirmant à quel point le Canada, et particulièrement la magnifique province de Terre-Neuve-et-Labrador, a été pour lui une terre d’accueil fertile et bienveillante.

Son travail de médecin dans une région rurale, son engagement envers les plus démunis, son implication communautaire et le rayonnement national de ses actions montrent bien comment le Canada s’est enrichi de sa présence et témoigne de l’apport inestimable de toutes ces personnes qui choisissent notre pays comme terre d’accueil.

Si nos villes et nos cités ont indéniablement un pouvoir d’attraction énorme, celles et ceux qui, comme le sénateur Ravalia, osent s’installer à l’extérieur des grands centres, dans des régions rurales, trouvent là des milieux de vie moins denses, j’en conviens, mais tout aussi vibrants et enrichissants.

Tous ceux qui s’y installent dans un esprit d’ouverture, en ayant la curiosité d’apprendre des choses sur celles et ceux qui les ont précédés et qui ont façonné ce territoire, pourront s’y épanouir et combler leurs plus grandes aspirations.

Le sénateur Ravalia s’est installé dans la petite ville de Twillingate, dont le nom à l’origine était en fait Toulinguet. En effet, cet endroit a été nommé ainsi par des marins-pêcheurs bretons lors de leurs campagnes de pêche à la morue et aux baleines. Le paysage de ce littoral leur rappelait celui de la pointe du Toulinguet, en Bretagne.

C’est donc dire que ce n’est pas d’hier que notre vaste territoire, habité depuis des millénaires par les peuples autochtones, qui nous ont accueillis si généreusement et auxquels nous devons tant, a un pouvoir d’attraction et fascine autant de francophones partout dans le monde.

À cet égard, si le Québec est une terre d’accueil pour eux, les communautés francophones et acadiennes du Canada le sont tout autant.

C’est donc de l’importance de l’immigration francophone au Canada, et plus particulièrement pour l’Acadie et les communautés francophones en situation minoritaire au pays, que j’aimerais vous entretenir.

Rappelons d’abord que la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés a notamment pour objet, et je cite :

b) d’enrichir et de renforcer le tissu social et culturel du Canada dans le respect de son caractère fédéral, bilingue et multiculturel;

b.1) de favoriser le développement des collectivités de langues officielles minoritaires au Canada;

La loi précise également ce qui suit, et je cite :

(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet : [...]

e) de soutenir l’engagement du gouvernement du Canada à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada;

Au fil des ans, le gouvernement fédéral a multiplié les initiatives en vue d’encourager l’immigration francophone.

(1910)

Que ce soit par l’élaboration du Plan d’action fédéral-provincial-territorial visant à accroître l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, du Plan d’action pour les langues officielles — 2018-2023 : Investir dans notre avenir, qui a établi la cible à 4,4 % pour l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, de la Stratégie en matière d’immigration francophone de 2019 et, tout récemment, du document de réforme de la Loi sur les langues officielles intitulé Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada, ces nombreuses initiatives témoignent assurément d’une prise de conscience de l’importance de l’immigration francophone pour les communautés linguistiques en situation minoritaire, mais mettent aussi en relief les défis visant à se doter de stratégies d’immigration réellement efficaces, qui prennent en compte l’ensemble des défis que vivent ces communautés et toutes leurs réalités, qu’elles soient économiques, culturelles ou sociales.

Le document de réforme déposé par la ministre du Développement économique et des Langues officielles prévoit inclure dans la Loi sur les langues officielles une obligation pour le ministre de l’Immigration de présenter un plan d’action pour l’immigration francophone, et ce, afin de pérenniser cette pratique.

Le gouvernement propose donc que la loi modernisée encadre une politique d’immigration francophone et soutienne la francisation des nouveaux arrivants, et je cite :

[...] d’une façon adaptée à la réalité des provinces et des territoires et en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Cet engagement, de concert avec les plus récentes annonces ayant trait au pointage attribué aux candidats immigrants d’expression française et à l’absence de limite de candidats, me semble de bon augure, mais il faudra attendre de voir quels seront les résultats tangibles de ces stratégies avant de crier victoire.

Quel est le portrait de l’immigration francophone au Canada de nos jours, chers collègues? Sans vous submerger de chiffres, voici quelques informations éclairantes. En 2019, selon le rapport annuel d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au Parlement, l’immigration francophone à l’extérieur du Québec représentait 2,82 % de tous les résidents permanents admis au Canada, alors que la cible fixée est de 4,4 %. Le taux de 2,82 % représente donc 8 465 nouveaux francophones au pays pour 2019.

Nous avons appris récemment que ce taux avait augmenté, car il est de plus de 3 % pour 2020. Or, il faut mettre ces données en perspective en considérant la baisse d’immigrants observée en raison de la pandémie de la COVID-19. Effectivement, ce taux représente 5 755 immigrants francophones à l’extérieur du Québec sur un total de 184 000 nouveaux immigrants. Il ne s’agit donc pas d’une véritable hausse. Il nous faudra donc attendre quelques années avant de pouvoir vérifier si cette croissance représente une véritable tendance et si nous nous approchons effectivement des cibles fixées, qui sont nettement insuffisantes pour contrer le déclin démographique.

Avec environ 300 millions de francophones dans le monde, si l’on reconnaît que les candidats immigrants sont nombreux à vouloir s’établir au Canada, notre pays doit faire beaucoup plus et beaucoup mieux en matière d’immigration francophone. C’est essentiel pour tout le pays, mais aussi pour l’épanouissement des communautés francophones en situation minoritaire.

Partout au pays, des efforts impressionnants sont déployés par ces communautés afin de favoriser l’accueil de nouveaux arrivants. Des organismes se sont professionnalisés et ont développé une expertise précieuse en offrant aux personnes immigrantes un accompagnement considérable lors de leur arrivée dans nos régions.

Cela dit, bien que vibrantes et actives en matière d’immigration, les communautés francophones en situation minoritaire font face à de nombreux défis. Le premier et non le moindre est la diminution de leur poids démographique. En utilisant le français comme première langue officielle parlée, Statistique Canada a fait des prévisions selon lesquelles cette proportion de la population canadienne atteindra 3 % en 2036 si rien n’est fait. Si l’on tient compte du fait que nous étions à 6,6 % en 1971, cela a de quoi faire réfléchir.

En plus du déclin démographique, plusieurs de ces communautés évoluent dans des régions rurales. Comme nous le savons, les régions rurales canadiennes sont presque toutes confrontées à un exode vers les grandes villes, où les perspectives d’emplois sont parfois plus diversifiées. Il est donc impératif d’accorder la priorité à des actions concrètes en immigration qui tiennent compte de ces réalités.

À cet égard, je rejoins les propos de la sénatrice Omidvar qui a dit, et je cite :

[…] il serait avantageux d’avoir une vision multidimensionnelle et d’accepter qu’une économie a besoin de travailleurs et de gens talentueux à tous les postes.

J’ajouterais ceci : et ce, partout au pays, autant dans les régions urbaines que rurales, autant dans les communautés anglophones que francophones.

Des stratégies en matière d’immigration francophone qui tiendraient compte de toutes ces réalités permettraient de vraiment diversifier la répartition de l’immigration au pays et de s’éloigner du pôle Montréal-Toronto-Vancouver, des villes que nous aimons bien, par ailleurs.

Certaines études évoquent clairement la particularité des communautés francophones en situation minoritaire comme communautés d’accueil. La région de l’Atlantique, par exemple, se caractérise notamment par des régions rurales où le multiculturalisme est beaucoup moins présent qu’ailleurs au pays et où les communautés francophones, bien que minoritaires, sont importantes et possèdent une identité culturelle forte. Dans cette région, le peuple acadien forme la quasi-totalité de la population francophone.

Une personne immigrante d’expression française qui souhaite s’y établir, attirée par cette culture vibrante, se retrouve parfois dans un contexte majoritaire anglodominant, où l’intégration socioéconomique peut s’avérer plus ardue sans la maîtrise de l’anglais. Les aspirants immigrants doivent être conscients de cette réalité avant de s’installer dans ces communautés.

Plusieurs autres enjeux se posent pour les candidats à l’immigration dans les régions francophones. L’information sur les possibilités d’emplois fournie avant qu’ils prennent la décision d’immigrer doit être conforme à la réalité du territoire. Comme l’intégration au milieu de l’emploi est centrale au projet migratoire, c’est une information essentielle qu’il faut leur transmettre avant leur arrivée. Les missions de promotion de ces régions à l’extérieur du pays, par exemple, doivent fournir aux aspirants immigrants des renseignements clairs quant aux démarches qui doivent être effectuées pour faire reconnaître un diplôme en vue d’obtenir un emploi correspondant aux attentes de la personne immigrante.

À cet égard, d’importantes discussions doivent avoir lieu avec les ordres professionnels au sujet de la reconnaissance des diplômes de même qu’avec les établissements d’enseignement postsecondaire, afin de reconnaître et de créditer les expériences acquises d’un nouvel arrivant.

Enfin, les renseignements sur le contexte culturel, économique et social de ces communautés, ainsi que sur les processus d’accueil doivent être intelligibles et culturellement appropriés.

Voilà quelques-uns des enjeux avec lesquels doivent composer les communautés francophones et acadiennes au Canada, et dont le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent tenir compte dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs stratégies en matière d’immigration.

En conclusion, si je brosse aujourd’hui ce portrait des défis entourant l’immigration francophone dans les communautés en milieu minoritaire, c’est avant tout pour nous éveiller à cette réalité, mais je m’en voudrais de terminer sans témoigner des innombrables succès que connaissent les communautés francophones en milieu minoritaire pour ce qui est de leur capacité à accueillir de nouveaux arrivants. Malgré ces obstacles, ces communautés travaillent d’arrache-pied pour accueillir les nouveaux arrivants et sont profondément reconnaissantes lorsqu’une personne immigrante et sa famille les choisissent pour vivre cette grande expérience de l’immigration.

Lors des récentes élections municipales au Nouveau-Brunswick, la municipalité de Shippagan a élu son premier maire noir d’origine africaine, et nous en sommes très fiers. M. Kassim Doumbia, originaire de la Côte d’Ivoire, est arrivé au Nouveau-Brunswick en 2007. Très actif dans sa communauté, il est conseiller municipal de Shippagan depuis 2010 et il occupe également la vice-présidence de la Société nationale de l’Acadie, l’organisme porte-parole du peuple acadien sur la scène nationale et internationale. Je tenais à souligner son engagement dans sa communauté ainsi que son parcours inspirant.

Chers collègues, ces personnes qui émigrent chez nous sont des restaurateurs, des gens d’affaires, des pêcheurs, des agriculteurs. Ce sont des élus, des universitaires, des éducateurs, des artistes, des gestionnaires. Ces personnes sont de tous les métiers et de toutes les professions, mais elles sont avant tout des êtres humains animés d’un désir profond de s’épanouir, de se construire une vie dans ce nouveau pays, de s’intégrer à nos communautés et de faire une contribution à notre pays.

Je crois sincèrement que nous pouvons réussir cette rencontre entre nos communautés et les personnes immigrantes. Il en va de l’avenir de notre pays, mais avant tout, il en va de l’avenir des personnes qui prennent la courageuse décision de continuer leur vie dans notre pays, le Canada.

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1920)

[Traduction]

Recours au Règlement

L’honorable Mary Jane McCallum : Honorables sénateurs, j’invoque le Règlement dans le but d’obtenir des précisions à la suite des observations que le sénateur Tannas a faites à propos du processus et de la procédure entourant les ordres de renvoi aux comités sénatoriaux.

Comme l’a dit le sénateur Tannas, les comités sont maîtres de leurs travaux. Ainsi, le Sénat, dans son ensemble, ne devrait pas être chargé de leur déléguer du travail. J’admets que le processus et la procédure appropriés entourant les ordres de renvoi manquent de clarté. Différentes personnes m’ont parlé de différents processus, et j’aimerais bénéficier de vos sages conseils sur cette question. Je pense avoir respecté le processus établi; j’ai demandé conseil et j’ai suivi la procédure que l’on m’a indiquée.

Dans le Règlement du Sénat du Canada, sous la rubrique « Ordres de renvoi en comité », l’article 12-8(1) prévoit ceci :

Le Sénat peut renvoyer tout projet de loi, message, pétition, interpellation, document ou autre question au comité de son choix.

Selon moi, ce passage signifie que le Sénat a tout à fait la compétence pour déléguer et renvoyer des questions aux comités sénatoriaux, y compris au moyen de motions, comme je tente de le faire avec la motion no 17.

J’ai une dernière précision à apporter en réponse à la déclaration du sénateur Tannas selon laquelle il est inhabituel pour un sénateur de proposer au Sénat un ordre de renvoi à un comité dont il est membre, comme je l’ai fait. Je tiens à préciser qu’au moment où j’ai présenté la motion no 17 au Sénat, le 27 octobre 2020, les comités n’étaient pas encore constitués. Par conséquent, je n’étais membre d’aucun comité. Ce fait se reflète dans le libellé de la motion, qui dit, notamment, que l’étude devra être entreprise « dès que le comité sera formé, le cas échéant ».

J’ai présenté cet ordre de renvoi à ce moment-là à titre de précaution, pour permettre au Comité de l’énergie d’entreprendre une étude essentielle tandis qu’il n’avait pas encore de projet de loi au programme. Encore une fois, j’ai mentionné cela dans mon discours.

D’autres sénateurs soutiennent que seuls les sénateurs membres d’un comité devraient présenter un ordre de renvoi à ce comité, et que les comités ne sont pas tenus de respecter les ordres de renvoi qui leur sont adressés. Je sais également que, à cette même période, d’autres sénateurs ont proposé un ordre de renvoi à un comité dont ils n’étaient pas membres.

Un ordre de renvoi a-t-il la priorité sur les études de questions internes ou d’initiatives non ministérielles? Autrement dit, les comités sont-ils maîtres de leurs travaux?

Cela dit, Votre Honneur, je tiens à vous demander de vous prononcer sur cette question pour nous donner, à moi et aux autres sénateurs, des précisions sur les personnes qui ont le pouvoir de renvoyer des questions aux comités aux fins d’examen et sur le moment où il est permis d’exercer ce pouvoir. Merci.

L’honorable Scott Tannas : Je remercie la sénatrice McCallum d’avoir invoqué le Règlement.

En guise de précision pour vous, Votre Honneur, ce que j’ai dit, c’est que j’avais des réserves au sujet de cette initiative relativement nouvelle, où le Sénat tente d’imposer sa volonté aux comités. Je siège au Sénat depuis seulement huit ans, alors il y a peut-être eu des initiatives semblables auparavant, mais je remarque cette pratique seulement depuis quelques mois.

J’ai ajouté que je considérais la motion comme adoptée par le Sénat. Je n’ai jamais voulu laisser entendre que la sénatrice McCallum n’avait pas le droit de présenter une telle motion ou qu’il était inacceptable pour le Sénat de se prononcer sur cette question d’une façon ou d’une autre ou d’adopter ou non la motion de la sénatrice McCallum.

Dans la mesure où vous devez vous prononcer sur cette question, Votre Honneur, je me range du côté de la sénatrice McCallum pour dire que le Sénat a le droit de faire ce qu’elle demande, s’il en décide ainsi. Merci.

L’honorable Leo Housakos : Sénatrice McCallum, merci d’avoir soulevé ce point. Depuis quelque temps, j’ai entendu un certain nombre de collègues intervenir à ce sujet et brouiller les cartes à l’égard du Règlement, qui est pourtant clair, ainsi qu’à l’égard des pratiques et des procédures, qui sont parfaitement claires.

Les comités sénatoriaux sont au service du Sénat du Canada, et leurs membres le sont aussi. Il n’y a qu’une autorité ultime dans cette institution, et c’est le Sénat. Je l’ai déjà dit à ceux qui veulent bien m’entendre. Voilà pourquoi tous les ordres de renvoi qui sont présentés au Sénat doivent être approuvés avant qu’un comité ne commence une étude et avant, bien sûr, qu’on lui renvoie un projet de loi.

Évidemment, pour des raisons d’organisation et de fonctionnement de base, le Sénat a toujours fait preuve de souplesse concernant les dates et les délais. Il a toujours compris que, compte tenu de la séquence de travail effectuée, une grande marge de manœuvre est accordée à la direction et, au bout du compte, au comité. Je vous en donne un exemple simple : les comités ne peuvent même pas se réunir en dehors des horaires du Sénat, à moins d’avoir l’approbation du Sénat. Je pourrais continuer à énumérer toutes les approbations dont un comité a besoin.

Le budget pour une étude ne peut pas être unilatéralement adopté par un comité sans avoir été autorisé par le Sénat. On ne peut pas engager de frais de déplacement. Il en va de même pour les dépenses des témoins. Très peu de choses peuvent être faites sans l’aval du Sénat du Canada.

Comme je l’ai dit, sénatrice McCallum, quelques collègues ont semé la confusion et, malheureusement, certains collègues chevronnés qui ont remis en question ce principe. Comme vous l’avez relevé avec justesse, les règles de procédure du Sénat sont claires.

Merci, sénatrice McCallum, d’avoir soulevé la question. J’appuie de tout cœur les arguments présentés par la sénatrice et, bien entendu, je laisse notre Président trancher sur ce rappel au Règlement, lui qui a toute la compétence voulue.

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Merci, sénateur Housakos. Est-ce que d’autres sénateurs veulent intervenir dans le débat?

Honorables sénateurs, ces interventions ont été utiles. Je ne crois pas devoir prendre la question en délibéré. Les sénateurs Housakos et Tannas ont tous les deux convenu avec la sénatrice McCallum que le Sénat a le pouvoir ultime. Après que les questions ont été portées à l’attention du Sénat, celui-ci peut en débattre et décider s’il souhaite, dans son ensemble, donner des instructions à un comité.

Votre point est valable, sénatrice McCallum, et je ne crois pas devoir prendre la question en délibéré.

Le Sénat

Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat—Ajournement du débat

L’honorable Scott Tannas, conformément au préavis donné le 16 décembre 2020, propose :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par substitution, à l’article 3-6(2), de ce qui suit :

« Prolongation d’une période d’ajournement

3-6. (2) Lorsque le Président est convaincu, pendant une période d’ajournement, que l’intérêt public n’exige pas que le Sénat se réunisse à la date et à l’heure précédemment fixées par celui-ci pour la reprise des séances, il doit — après consultation de tous les leaders et facilitateurs, ou leur délégué — fixer la date ou l’heure postérieures qu’il estime appropriées. »;

2.par substitution, à l’article 4-2(8)a), de ce qui suit :

« Prolongation de la période des déclarations de sénateurs

4-2. (8)a) Si un whip ou le représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu lui fait la demande, le Président doit, à un moment opportun pendant cette période, demander le consentement du Sénat à la prolongation de celle-ci. Si le consentement est accordé, la période est prolongée d’au plus 30 minutes. »;

3.par substitution, à l’article 4-3(1), de ce qui suit :

« Discours en hommage

4-3. (1) À la demande de tout leader ou facilitateur, cette période est prolongée d’au plus 15 minutes pour permettre des discours en hommage à un sénateur ou à un ancien sénateur. »;

4.par substitution, à article 6-3(1)a), b), c) et d), de ce qui suit :

« Leaders et facilitateurs

a) limité à 45 minutes dans le cas d’un leader ou d’un facilitateur;

Parrain d’un projet de loi

b) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du parrain du projet de loi;

Critique d’un projet de loi

c) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du critique du projet de loi;

Porte-parole d’un projet de loi

d) limité à 45 minutes aux étapes des deuxième et troisième lectures dans le cas du porte-parole du projet de loi de chacun des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, sauf ceux du parrain et du critique;

Autres orateurs

e) limité à 15 minutes dans le cas de tout autre orateur. »;

5.par substitution, à l’article 6-5(1)b), de ce qui suit :

« b) soit au reste du temps attribué, sans excéder 15 minutes, si le premier sénateur est un leader ou un facilitateur. »;

6.par substitution du passage de l’article 7-1(1) qui précède l’alinéa a) par ce qui suit :

« Accord pour fixer un délai

7-1. (1) Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus se sont mis d’accord pour attribuer un nombre déterminé de jours ou d’heures pour terminer le débat : »;

7.par substitution du passage de l’article 7-2(1) qui précède l’alinéa a) par ce qui suit :

« Aucun accord pour fixer un délai

7-2. (1) Le leader ou le leader adjoint du gouvernement peut, à tout moment pendant une séance, annoncer que les représentants des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus n’ont pu se mettre d’accord pour fixer un délai pour terminer le débat précédemment ajourné : »;

8.par substitution, à l’article 7-3(1)f), de ce qui suit :

« f) le temps de parole de chaque sénateur est limité à 10 minutes, à l’exception des leaders et facilitateurs, qui disposent chacun d’un maximum de 30 minutes; »;

9.par substitution, aux articles 9-5(1), (2) et (3), de ce qui suit :

« (1) Le Président demande aux whips et aux représentants désignés des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus s’ils se sont mis d’accord sur la durée de la sonnerie.

(2) La durée convenue ne doit pas excéder 60 minutes.

(3) Avec le consentement du Sénat, l’accord sur la durée de la sonnerie vaut ordre de faire entendre la sonnerie pendant la durée convenue. »;

10.par substitution, à l’article 9-10(1), de ce qui suit :

« Report d’un vote par appel nominal

9-10. (1) Sous réserve du paragraphe (5) et sauf autre disposition contraire, un whip ou le représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu peut faire reporter le vote par appel nominal sur une motion sujette à débat.

DISPOSITIONS CONTRAIRES

Article 7-3(1)h) : Règles du débat sur la motion de fixation de délai

Article 7-4(5) : Mise aux voix sur une affaire avec débat restreint

Article 12-30(7) : Report du vote sur le rapport

Article 12-32(3)e) : Règles de procédure aux comités pléniers

Article 13-6(8) : Report d’office du vote par appel nominal sur un cas de privilège dans certaines circonstances »;

11.par substitution, à l’article 9-10(4), de ce qui suit :

« Vote reporté au vendredi

9-10. (4) Sauf disposition contraire, si ce vote est reporté au vendredi, un whip ou le représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu peut, pendant une séance, le faire reporter de nouveau au jour de séance suivant à 17 h 30, à condition que si la séance du Sénat n’ouvre qu’après 17 heures ce jour-là, le vote ait lieu immédiatement avant le début de l’Ordre du jour.

DISPOSITIONS CONTRAIRES

Article 12-30(7) : Report du vote sur le rapport

Article 13-6(8) : Report d’office du vote par appel nominal sur un cas de privilège dans certaines circonstances »;

12.par substitution, à l’article 12-3(3), de ce qui suit :

« Membres d’office

12-3. (3) En plus du nombre de membres prévu aux paragraphes (1) et (2), le leader du gouvernement et le leader ou facilitateur de chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu sont membres d’office de tous les comités sauf le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance et les comités mixtes; à ce titre, le leader du gouvernement est suppléé par le leader adjoint, et le leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu, par son délégué. Les membres d’office des comités ont tous les droits et obligations d’un membre de comité. »;

13.par substitution, à l’article 12-8(2), de ce qui suit :

« Proposition de frais de service

12-8. (2) Dès le dépôt d’une proposition de frais de service par le leader ou le leader adjoint du gouvernement, celle-ci est renvoyée d’office au comité permanent ou spécial désigné par lui après consultation avec les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus, ou leur délégué.

RENVOI

Loi sur les frais de service, paragraphe 15(1) »;

14.par substitution, à l’article 12-18(2)b)(ii), de ce qui suit :

« (ii) soit avec le consentement écrit de la majorité des leaders et facilitateurs, ou de leur délégué, en réponse à la demande écrite du président et du vice-président. »;

15.par substitution, à l’article 12-27(1), de ce qui suit :

« Nomination du comité

12-27. (1) Dès que les circonstances le permettent au début de chaque session, le leader du gouvernement présente une motion, appuyée par les autres leaders et les facilitateurs, portant nomination des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs; la procédure de nomination reste la même pour modifier la composition du comité au cours d’une session. Toute motion de nomination est adoptée d’office.

RENVOI

Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, paragraphe 35(4) »;

16.à l’annexe I :

a)par suppression de la définition de « Procédure ordinaire pour déterminer la durée de la sonnerie »;

b)par substitution, à la définition de « Porte-parole d’un projet de loi », de ce qui suit:

« Porte-parole d’un projet de loi

Le sénateur de chaque parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu que le leader ou facilitateur de celui-ci désigne comme principal intervenant au sujet d’un projet de loi. (Spokesperson on a bill) »;

c)par adjonction des nouvelles définitions suivantes, selon l’ordre alphabétique :

« Critique d’un projet de loi

Principal sénateur répondant au parrain d’un projet de loi. Le critique et désigné soit par le leader ou le leader adjoint du gouvernement (si le parrain n’est pas membre du gouvernement), soit par le leader ou le leader adjoint de l’opposition (si le parrain est membre du gouvernement). Il arrive souvent, mais pas systématiquement, que le critique soit le deuxième sénateur à prendre la parole sur le projet de loi. (Critic of a bill). »;

« Leaders et facilitateurs

Le leader du gouvernement et les leaders et facilitateurs des partis reconnus et des groupes parlementaires reconnus (voir les définitions de « Leader de l’opposition », de « Leader du gouvernement » et de « Leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu »). (Leaders and facilitators) »;

« Représentant désigné d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu

Le sénateur désigné de temps à autre par le leader ou facilitateur d’un parti reconnu ou d’un groupe parlementaire reconnu qui n’a pas de whip pour une fin ou pour des fins énoncées dans ce Règlement. (Designated representative of a recognized party or a recognized Parliamentary group) »;

17.en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, y compris les listes de dispositions contraires;

Que le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs soit modifié par suppression du paragraphe 35(5) et en changeant la désignation numérique des autres paragraphes et des renvois en conséquence.

 — Honorables sénateurs, cette motion que j’ai présentée remet au Feuilleton une motion qui y est morte lors de la prorogation de la dernière session. Cette motion combine la motion initialement proposée par le sénateur Woo et les amendements que j’avais présentés avant la prorogation.

(1930)

Essentiellement, la motion propose une série de modifications au Règlement du Sénat visant à procurer l’égalité à tous les groupes du Sénat. Les modifications portent principalement sur des actions qui, à ce jour, sont exclusives au gouvernement et à l’opposition et les étend aux autres groupes en leur conférant des droits égaux et en leur confiant des responsabilités égales. Par exemple, l’établissement d’un porte-parole de chaque groupe détenant les mêmes droits que le parrain et le critique pour un projet de loi donné; l’égalité des whips, des représentants désignés et des autres titulaires de fonctions semblables pour ce qui est de déterminer la durée de la sonnerie et le report d’un vote; l’égalité de tous les leaders pour certaines choses actuellement réservées aux leaders du gouvernement et de l’opposition, telles qu’être membre d’office des comités et pouvoir accorder la permission à un comité de se réunir hors des heures normales, et j’en passe.

Chers collègues, je tiens à mettre une chose au clair : ces modifications du Règlement sont proposées non pas pour retirer des outils aux leaders du gouvernement et de l’opposition, mais pour étendre ces outils à tous les groupes, en leur conférant des droits égaux et en leur confiant des responsabilités égales qui accompagnent ces outils.

Ces modifications sont proposées de bonne foi et elles tiennent compte du fait qu’il y a de multiples groupes au Sénat du Canada. Il en sera probablement ainsi, comme nous le savons, pendant de nombreuses années encore. Aujourd’hui, près de 75 % des sénateurs appartiennent à des groupes qui ne sont ni dans l’opposition ni au pouvoir. Cela dit, je n’ai pas l’intention de pécher par orgueil. J’attends avec impatience le débat animé où bon nombre de sénateurs exprimeront divers points de vue, et j’espère que nous finirons par trouver une solution. Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

[Français]

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité d’étudier la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19

L’honorable Chantal Petitclerc, conformément au préavis donné le 8 février 2021, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19, de même que les répercussions de la pandémie sur les groupes vulnérables et la recherche scientifique menée sur la COVID-19;

Que le comité examine notamment l’incidence particulière de la pandémie sur les peuples autochtones, les communautés racialisées et les personnes ayant un handicap;

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le comité à ce sujet au cours de la première session de la quarante-troisième législature soient renvoyés au comité;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 18 juin 2021.

— Honorables sénateurs, il s’agit d’une motion assez simple qui figure au Feuilleton des préavis depuis un certain temps et qui demande au Sénat d’autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19, de même que les répercussions de la pandémie sur les groupes vulnérables et la recherche scientifique menée sur la COVID-19.

Vous vous souviendrez que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a entrepris une première étude, du 13 mai au 26 juin 2020. Cette motion vise à obtenir votre appui pour que le comité puisse continuer et conclure cette étude.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion concernant le génocide perpétré par la République populaire de Chine contre les Ouïgours et d’autres musulmans turciques—Ajournement du débat

L’honorable Leo Housakos, conformément au préavis donné le 15 mars 2021, propose :

Que,

a)de l’avis du Sénat, la République populaire de Chine s’est livrée à des actions correspondant à ce que prévoit la Résolution 260 de l’Assemblée générale des Nations unies, couramment appelée « convention sur le génocide », dont la mise en place de camps de détention et de mesures visant à prévenir les naissances à l’égard des Ouïgours et d’autres musulmans turciques;

b)étant donné que (i) dans la mesure du possible, le gouvernement a comme politique d’agir de concert avec ses alliés lorsqu’il s’agit de reconnaître un génocide, (ii) il existe un consensus aux États-Unis, où deux administrations consécutives sont d’avis que les Ouïgours et d’autres musulmans turciques font l’objet d’un génocide organisé par le gouvernement de la République populaire de Chine, le Sénat reconnaisse qu’un génocide est actuellement perpétré par la République populaire de Chine contre les Ouïgours et d’autres musulmans turciques, demande au Comité international olympique de déplacer les Jeux olympiques de 2022 si la République populaire de Chine continue ce génocide et demande au gouvernement d’adopter officiellement cette position;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

 — Honorables collègues, à maintes reprises, j’ai souligné dans cette enceinte l’indépendance du Sénat au Parlement. Nous devons fonctionner indépendamment de l’autre endroit. Je défendrai toujours avec vigueur ce principe qui est au cœur du système de Westminster, au cours des 150 dernières années, mais rien n’empêche que les deux Chambres ont souvent fait la preuve d’une volonté et d’une capacité de travailler ensemble pour le plus grand bien de tous.

Il y a des moments dans l’histoire où nous nous sommes exprimés d’une seule voix puissante, et nous nous trouvons devant un de ces moments. Nous avons l’occasion de nous unir, comme nous l’avons fait plus tôt pour la motion no 4. Nous pouvons faire front commun, défendre des principes et être du bon côté de l’histoire.

C’est quelque chose que nous avons vu à maintes reprises tout au long de l’histoire. Partout dans le monde, des gens détournent le regard — parfois par inadvertance, parfois délibérément. Ils détournent le regard des atrocités qui sont perpétrées contre des hommes et des femmes. Il n’est pas toujours facile de prendre la parole ou de dénoncer. Les raisons peuvent être nombreuses, mais prendre la parole et dénoncer est la chose à faire. En tant que sénateurs et parlementaires, mais surtout en tant que Canadiens, nous devons nous exprimer au nom de notre nation et de notre peuple. Nous devons représenter le tissu social de notre nation, nos valeurs, et nous devons le faire d’une seule et même voix parlementaire.

C’est pourquoi la présente motion est la même que celle qui a été récemment adoptée par la Chambre des communes. Si le Sénat l’adopte, on pourra réellement dire que le Parlement du Canada a déclaré que les minorités musulmanes dans la région du Xinjiang sont victimes de génocide. Je crois que la gravité de la situation épouvantable des musulmans ouïgours et d’autres peuples en Chine continentale est évidente lorsqu’on constate que des sénateurs de tous les caucus et groupes ont cherché à attirer l’attention là-dessus et ont été en outre disposés à mettre de côté la partisanerie pour présenter cette motion.

Je souhaite remercier mon collègue de caucus, le sénateur Ngo, qui a travaillé avec moi durant la dernière législature sur la motion réclamant l’imposition de sanctions Magnitski à des dirigeants chinois impliqués dans ce génocide. Je le remercie de son appui indéfectible des droits de la personne.

Je veux aussi remercier la sénatrice McPhedran d’avoir fait un travail de sensibilisation et d’avoir accepté d’appuyer cette motion. Je la remercie de défendre indéfectiblement les droits de la personne.

Je remercie ma bonne amie, la sénatrice Jaffer, qui a aussi appuyé sans réserve la motion, d’être toujours du bon côté de l’histoire.

Je remercie également le sénateur Munson, ainsi que la sénatrice Julie Miville-Dechêne, qui m’a apporté son appui sans équivoque.

Je tiens aussi à remercier tous les sénateurs, qui savent que, en tant que Canadiens, nous devons être du bon côté de ces questions. Le fait est que cette question transcende la politique et les programmes politiques.

Chers collègues, je suis d’accord avec ceux qui demandent de faire preuve de prudence lorsqu’il s’agit d’utiliser le mot « génocide ». Ce n’est pas un mot à utiliser à la légère. Il comporte certaines ramifications juridiques pour la communauté internationale, alors nous devrions nous tourner, je crois, vers la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 pour nous guider lorsqu’il faut déterminer si certaines actions constituent un génocide.

Dans la présente convention, le génocide est défini comme suit :

[...] l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

La convention de 1948 porte sur des actes visant à détruire physiquement un groupe en particulier. Étant donné qu’elle a été conçue à la suite de l’Holocauste en Europe, les circonstances qui ont mené à l’adoption de ce texte sont sans équivoque. Il est tout aussi évident que le traitement réservé par le régime communiste chinois aux minorités musulmanes du Xinjiang est sans aucun doute un génocide.

(1940)

Afin de bien comprendre la portée des événements, nous devons remonter aux origines, en mentionnant d’abord que la région que la Chine appelle le Xinjiang est en réalité le territoire du Turkestan oriental occupé par la Chine. Cette région compte principalement des Chinois appartenant à l’ethnie han, comme partout en Chine, mais on y trouve aussi la minorité musulmane ouïghoure.

Au fil des années, l’arrivée de musulmans ouïghours venus des régions occidentales pour s’établir dans les centres manufacturiers dynamiques du Sud a créé des tensions ethniques. Ces tensions, qui se sont aggravées avec les années, ont parfois mené à de violentes manifestations.

Selon des documents obtenus par le New York Post, c’est dans ces circonstances que le président Xi Jinping a décidé, en 2014, de déployer toute la puissance du régime autoritaire de la Chine contre les Ouïghours et les autres minorités musulmanes de la région.

Aujourd’hui, comme à cette époque, le président se justifie en disant qu’il est nécessaire de prendre ces mesures contre ceux qu’il qualifie de terroristes. À quoi cela ressemble-t-il, honorables sénateurs? Les autorités chinoises ont immédiatement commencé à regrouper les musulmans ouïghours, à les enlever dans les rues, à les arracher à leurs foyers en disant aux membres de leurs familles, y compris les jeunes enfants, que leurs proches seraient envoyés dans des écoles de formation et qu’ils pourraient ne plus jamais revenir.

Au départ, le gouvernement chinois a nié l’existence de ces camps d’internement, mais lorsqu’on lui a présenté des images satellite prouvant leur existence, il a dit qu’il s’agissait de « camps de rééducation ». Les fonctionnaires chinois tentent encore de faire croire que tout le monde a terminé sa formation et a été libéré. C’est cependant tout à fait faux selon les images satellite et les membres de la famille des personnes internées.

Que se passe-t-il réellement dans ces camps, honorables sénateurs? Les prisonniers subissent un endoctrinement psychologique, de la torture physique dont des simulations de noyade, des sévices sexuels, des avortements forcés et une stérilisation de masse. Il y aurait apparemment jusqu’à 300 camps d’internement. Ils ont une superficie moyenne de 300 acres et bon nombre d’entre eux ont pris de l’ampleur au cours de la dernière année, selon les indications. Jusqu’à 3 millions de personnes, soit 30 % de la population ouïghoure, seraient détenues dans ces camps de concentration.

Les Ouïghours qui ne sont pas internés sont aussi victimes d’oppression et de travail forcé. Selon un rapport de l’Australia Strategic Policy Institute, les gens qui font du travail forcé travaillent pour des entreprises appartenant à BMW, à Nike et à Huawei, pour ne nommer que ceux-là.

La menace d’être interné pour la moindre infraction aurait terrorisé toute la population et l’aurait réduite au silence. Comme le rapporte la BBC, la région est maintenant couverte par un réseau omniprésent de surveillance, y compris des barrages policiers et des caméras qui balayent tout, des plaques d’immatriculation aux visages des gens, y compris leurs expressions, et les discussions qu’ils ont entre eux. Certaines personnes affirment avoir trouvé des caméras chez eux. La technologie de reconnaissance faciale n’est pas la seule à être utilisée, d’autres données biométriques sont également utilisées, notamment l’ADN et la reconnaissance vocale. Les Ouïghours sont contraints de remettre des échantillons de ces informations aux autorités locales et d’installer des applications de localisation sur leurs appareils mobiles.

À ce niveau de surveillance orwellien s’ajouterait une campagne de stérilisations forcées, chers collègues. Selon des documents obtenus par le Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes, cette région représente environ 80 % des implantations de stérilets en Chine. Le taux de natalité dans la région aurait diminué de presque 24 % dans la dernière année. Puis, il y a les politiques d’établissement qui visent à inciter un grand nombre de Hans à s’installer parmi la population locale d’Ouïghours.

Honorables sénateurs, cela relève indiscutablement du génocide selon la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide. Pourtant, le régime communiste de Chine s’attend non seulement à ce que nous croyions le contraire, mais il poursuit sa campagne de menaces et d’intimidation envers les pays occidentaux qui osent le questionner. Dans certains cas, des pays ont été complices des tentatives de Pékin visant à exterminer la population ouïghoure, en procédant à l’arrestation d’Ouïghours exilés pour les retourner en Chine.

Il ne fait aucun doute que le régime Xi cherche également à nous faire taire. Il lui est déjà arrivé de menacer de répercussions nos collègues du Parlement. Honorables sénateurs, nous ne devons toutefois pas le laisser nous décourager, puisqu’il n’a certainement pas réussi à décourager notre plus grand allié, les États-Unis d’Amérique.

Il y a quelques mois, le Sénat des États-Unis a présenté une résolution bipartisane visant à tenir la Chine responsable d’un génocide envers les personnes appartenant à l’ethnie ouïghoure, à l’ethnie kazakhe et à d’autres minorités musulmanes. Deux administrations successives, de même que l’ancien et le nouveau secrétaire d’État, ont reconnu que les actions du régime chinois constituaient un génocide. Tout cela se passe au vu et au su du monde entier. L’État autoritaire de Chine commet ces atrocités, ces crimes contre l’humanité, avec impunité. Il se montre arrogant dans l’affichage de son mépris flagrant de la vie humaine et des droits de la personne. Nous ne devons pas permettre que cela se poursuive de manière incontrôlée.

Nous disons toujours « plus jamais ». Nous l’avons fait après l’Holocauste. Puis, il y a eu le génocide au Rwanda, qui a profondément marqué notre ami et ancien collègue l’honorable Roméo Dallaire. Voici ce qu’a dit l’ancien sénateur Dallaire sur ce qui se passe en Chine :

Soit vous êtes une grande nation qui croit en ses valeurs et en ce que son drapeau représente, et ce pour quoi tant de gens sont morts [...] soit vous êtes cela, soit vous ne l’êtes pas.

Je suis tout à fait d’accord avec notre ancien collègue le sénateur Dallaire.

Nous ne pouvons pas prétendre être une nation qui défend les droits de la personne et la liberté de religion tout en restant silencieux lorsque nous voyons ce qui se passe en Chine. Nous ne pouvons pas dénoncer l’islamophobie dans notre pays, mais ne rien dire devant un génocide qui est perpétré contre des musulmans ailleurs dans le monde. Ce n’est pas la façon de faire au Canada. Notre nation n’a jamais reculé face à la tyrannie. Nous ne devrions pas commencer maintenant. Nos actions en tant que Canadiens et parlementaires doivent refléter nos valeurs et notre réputation de longue date de défenseurs des droits de la personne, de la liberté de religion, de la démocratie et de la primauté du droit. Nous devons nous exprimer d’une seule voix et dire non, nous ne permettrons pas qu’une telle chose se produise — plus jamais.

Honorables sénateurs, depuis trop longtemps, la Chine, le régime chinois, bafoue les libertés et la démocratie à Hong Kong avec les menaces qu’elle fait peser sur la population de Hong Kong. Nous avons vu comment ce pays se moque du droit international avec l’affaire des deux Michael et celle d’autres citoyens canadiens. Nous avons vu son penchant belliqueux avec les agressions qu’elle a menées contre ses pays voisins, comme Taïwan et l’Inde. Il faut dénoncer la Chine. Il faut lui demander des comptes. Nous ne devrions pas accepter qu’un partenaire commercial agisse d’une façon qui serait inacceptable au Canada.

J’espère que vous appuierez la motion à l’étude. Il a fallu bien trop de temps avant que soit présentée cette motion qui tombe sous le sens et qui reflète les valeurs du Canada et des Canadiens : défendre les hommes et les femmes qui sont écrasés par la tyrannie et par un régime autoritaire.

Je ne sais pas ce qui empêche cet appel à dénoncer la situation au nom des Canadiens, mais nous avons ce soir l’occasion de parler d’une seule voix, de soutenir la Chambre des communes et de soutenir les valeurs canadiennes et je vous exhorte à me redonner ma fierté de parlementaire, à défendre ces valeurs au bénéfice des minorités vulnérables qui sont écrasées par la tyrannie et par l’oppression autoritaire.

Merci, honorables sénateurs, merci beaucoup.

L’honorable Peter Harder : Honorables sénateurs, je vous parle ce soir depuis le territoire non cédé du peuple algonquin.

Ce débat intervient au cours d’une semaine où la découverte tragique de nouveaux charniers — contenant les restes de 215 enfants à Kamloops — vient aggraver la condamnation dont nous faisons l’objet pour le fonctionnement séculaire des pensionnats, la stérilisation forcée et ce que l’ancien juge en chef du Canada a qualifié de génocide culturel des peuples autochtones.

Cette horrible réalité de notre histoire contraste de façon plutôt cynique avec le ton moralisateur et arrogant de la motion dont nous sommes saisis ce soir.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour m’opposer à la motion dont nous sommes saisis, et j’aimerais prendre quelques minutes pour vous expliquer mes motivations.

Ce faisant, je voudrais parler des questions suivantes : l’objectif de la motion et le contexte dans lequel on nous la présente. Que signifie un vote contre cette motion, et comment le Sénat devrait-il traiter les enjeux soulevés? En examinant l’objectif de cette motion, je me suis posé certaines questions pour déterminer s’il m’était possible de l’appuyer, étant donné l’importance des questions qu’elle aborde. Comme première question, je me suis demandé : cette motion aidera-t-elle les deux Michael?

(1950)

Chers collègues, à la réflexion, j’en viens à la conclusion qu’elle ne les aidera pas, mais qu’elle compromettra plutôt le traitement réservé aux deux Michael. Dans sa chronique de ce matin du National Post, John Ivison explique qu’il a changé d’avis sur la façon dont le Canada devrait aborder la question des deux Michael, et qu’au bout du compte, une solution politique s’avérera nécessaire. Chers collègues, je dirais, puisque je crois qu’il a raison, que les motions comme celle dont nous sommes saisis ne nous aident pas à arriver à une solution politique. Je vous exhorte à tenir compte de la situation fragile et à ne pas compromettre les négociations concernant les deux Michael.

Comme deuxième question, je me suis demandé : cette motion exacerbera-t-elle la violence envers les Asiatiques au Canada ou l’atténuera-t-elle? À l’instar de nombreux sénateurs et de nombreux Canadiens, je me préoccupe de l’escalade de la violence envers les Asiatiques au Canada en général, et notamment de la violence envers les Chinois. Je crois qu’il nous revient, à nous qui formons la Chambre de second examen objectif, de chercher à apaiser la colère que plusieurs ressentent, qu’elle soit légitime ou non, et de ne pas adopter de motion qui exacerberait les attitudes que l’on retrouve dans notre société.

Cette motion nous aidera-t-elle à mieux comprendre les intérêts du Canada dans le cadre de ses relations avec la Chine? Non. C’est une motion qui relève de la colère. Elle vise à soulever la situation grave dans laquelle se trouvent nos compatriotes dans certaines régions de la Chine, mais, il faut le reconnaître, elle ne contribuera pas à améliorer notre dialogue avec la Chine au sujet de ces questions et du contexte général qui y est lié. Cette motion n’améliorera pas les droits de la personne en Chine, au contraire, elle mènera à une fermeture et à une réaction défavorable, et je ne crois pas que c’est de cette façon que nous arriverons à influencer la Chine concernant ces pratiques et d’autres enjeux qui nous préoccupent.

Cette motion améliorera-t-elle la capacité du gouvernement du Canada à intervenir auprès du gouvernement de la Chine au sujet d’enjeux bilatéraux et multilatéraux qui méritent une attention urgente? Je crois, chers collègues, que cette motion minera ce genre d’entreprises, alors que le monde doit discuter d’enjeux avec la Chine qui relèvent des relations multilatérales, mais aussi des relations bilatérales auxquelles le Canada est confronté.

La motion à l’étude demande que les Jeux olympiques qui doivent se tenir en Chine soient boycottés. D’après moi, ce sont les athlètes et le mouvement olympiques canadiens qui seront pénalisés par cette motion et par la demande qu’elle contient. Cela ne contribuera en rien à répondre aux préoccupations soulevées dans la motion et minera le mouvement olympique tout en faisant des athlètes canadiens des victimes.

Dans le cadre de la période des questions et du présent débat, certains ont mis en doute la motivation du gouvernement du Canada et sa capacité à « tenir tête à la Chine ». Le sénateur Housakos a parlé de la motion présentée à la Chambre des communes, et il a dit que le pouvoir exécutif canadien n’avait pas appuyé la motion. Certains ont avancé l’hypothèse que c’est par faiblesse ou par désir de la part du gouvernement canadien de ne pas critiquer trop sévèrement les autorités chinoises.

Honorables collègues, je crois que, si elle est adoptée, la motion à l’étude entraînera une détérioration considérable de nos relations avec ce pays, et que cela nuirait, non pas aux sénateurs, mais aux deux Michael et à notre capacité de trouver un terrain d’entente avec nos interlocuteurs chinois. Cela nous empêcherait de discuter avec eux d’enjeux liés aux droits de la personne.

Chers collègues, nous vivons un moment de l’Histoire ou de multiples périls nous guettent. La domination américaine de la période de l’après-guerre est remise en question non pas par le retour de la guerre froide, mais plutôt par l’émergence de la Chine, qui a presque atteint la parité. Cette remise en question de l’exceptionnalisme américain survient à un moment particulièrement difficile dans la vie démocratique de nos amis aux États-Unis. Je donne ce contexte parce que nous devons certainement nous concentrer sur la meilleure façon de guider la défense des intérêts du Canada dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Il ne suffit pas de susciter la rage du public pour défendre nos intérêts. Nous vivons une période où nos relations avec la Chine sont tendues sur un large éventail de questions, et la motion dont nous sommes saisis ne nous apporte aucune solution pour réduire les tensions.

Que signifie un vote contre cette motion? Pour ma part, cela ne signifie certainement pas que les questions soulevées ne sont pas importantes et, franchement, qu’elles ne devraient pas être soulevées auprès de nos interlocuteurs en Chine. Je les ai moi-même soulevées et je continuerai à le faire. Je les ai même soulevées aujourd’hui auprès de représentants chinois dans le contexte des événements à Kamloops. Nous devons trouver des façons de nouer des dialogues respectueux qui démontrent notre engagement sur les questions soulevées par le sénateur Housakos, mais qui ne mettent pas en danger nos intérêts nationaux et le bien-être des Canadiens.

Je dirais que le Sénat du Canada devrait se pencher sur les questions soulevées dans la motion et sur le contexte plus général dont j’ai parlé au sujet de la relation entre le Canada et la Chine, et que nous devrions faire ce que nous faisons le mieux, c’est-à-dire mener un second examen objectif et faire des recommandations au gouvernement du Canada pour que l’on se penche sur la forme que notre relation avec une Chine en pleine évolution devrait prendre dans les mois et les années à venir. Cela pourrait s’avérer utile tant pour informer le public que pour amener le gouvernement à réfléchir à la façon de composer avec les circonstances en évolution que j’ai mentionnées.

Je suis particulièrement préoccupé par deux changements qui se produisent dans les relations bilatérales entre les grandes puissances mondiales actuelles : la Chine et les États-Unis. Je crains que des erreurs de calcul stratégiques soient commises de part et d’autre, et que des discours politiques enflammés empêchent toute possibilité de compromis et de coopération politiques dans les dossiers que nous devons faire avancer pour le bien de la planète et pour entretenir les relations nécessaires pour faire des progrès à l’égard de ces enjeux.

L’ancien président Obama a dit avec éloquence que « ce qui est troublant, c’est l’écart entre l’immensité des défis qui nous attendent et le manque d’ambition de nos politiques [...] ».

Honorables collègues, j’espère que ce que nous ferons de cette motion reflétera non pas le manque d’ambition de nos politiques, mais la volonté du Sénat de relever les défis immenses qui nous attendent. Merci.

Le sénateur Housakos : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Certainement.

Le sénateur Housakos : Sénateur Harder, vous avez tout à fait raison de dire que nous devrions nous efforcer de relever les défis qui nous attendent. Nous devons faire face à un régime chinois qui ne respecte absolument aucune norme du travail comparativement au Canada. Le régime chinois n’a établi aucune norme pour la protection de l’environnement, comme il en existe au Canada. Le régime chinois ne respecte aucunement la propriété intellectuelle, alors que nous la respectons au Canada.

(2000)

Nous nous trouvons fondamentalement — c’est un point que vous n’avez pas mentionné — devant un régime qui détient des millions de membres de la minorité musulmane dans des camps de concentration, où ils sont torturés. Deux Canadiens sont détenus illégalement depuis plus de 900 jours. Voilà le problème qu’il faut régler. Vous n’en avez pas vraiment parlé dans votre discours, sinon pour expliquer pourquoi le gouvernement du Canada maintient le dialogue.

Le gouvernement actuel dialogue avec le régime chinois, il continue de fermer les yeux sur les comportements odieux que j’ai mentionnés, et plus encore. Je pourrais en parler pendant des heures. Pourriez-vous nous donner l’exemple d’un résultat concret que le gouvernement du Canada a pu obtenir grâce à ce dialogue et à ce qu’il fait pour apaiser le régime chinois? La situation des deux Michael s’est-elle améliorée depuis deux ans? Les Ouïghours de Chine souffrent-ils moins? La Chine est-elle soudainement prête à adhérer à certains des principes et des valeurs chers aux Canadiens?

Cette institution qu’on appelle le Sénat n’est pas le porte-parole du pouvoir exécutif : nous parlons plutôt au nom des Canadiens et des valeurs canadiennes.

Pourriez-vous me donner des exemples concrets qui illustreraient comment le dialogue a fait avancer les choses afin que ce régime tyrannique commence à se comporter de la façon attendue de la part d’un allié et d’un partenaire commercial?

Le sénateur Harder : Je vous remercie de la question, sénateur Housakos. Ma réponse portera sur un contexte plus large parce que vous avez utilisé des termes comme « apaiser » et « régime tyrannique » ainsi que d’autres descriptions de la Chine qui, en toute honnêteté, me semblent complètement inappropriés pour obtenir un engagement plus grand.

Bien franchement, vous formulez des critiques qui ne sont pas propres à un pays. Il serait possible d’attirer l’attention sur un certain nombre de pays auxquels s’appliquent les préoccupations que vous avez soulevées au sujet des droits de la personne et des pratiques internationales.

Pour ma part, je ne vais pas, dans une tribune publique comme le Sénat du Canada, chercher à condamner un pays au même moment où je veux établir des liens avec lui. Je ne vois pas comment, chers collègues, nous ferons des progrès dans le dossier des changements climatiques en insultant ceux que nous voulons convaincre de prendre des mesures plus strictes. Je ne vois pas comment nous allons établir un régime commercial plus fort sans chercher des partenaires en faveur d’une réforme de l’OMC dans le bassin de pays que nous condamnons avec cette résolution et le ton de la question.

Je vais aussi parler des mesures qui sont prises par certains pays. Je sais que, dans les derniers jours de l’administration Trump, le secrétaire d’État d’alors a formulé des commentaires au nom de son gouvernement au sujet de ce qu’il décrivait comme un « génocide ». L’administration Biden révise avec raison cette déclaration parce qu’il n’a pas été établi que les 48 critères de la convention ont été remplis.

Ce que je veux faire valoir, sénateur, c’est que nous devrions descendre de nos grands chevaux et tenter de collaborer plus efficacement, et non de façon belliqueuse ou agressive, avec les pays avec lesquels il faut collaborer, et pas seulement la Chine. J’en resterai là pour ce soir. Merci.

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, j’interviens pour appuyer la motion du sénateur Housakos, qui vise à reconnaître le génocide perpétré par la République populaire de Chine contre les Ouïghours et d’autres musulmans d’origine turque. Je tiens à remercier le sénateur Housakos d’avoir présenté cette motion extrêmement importante au Sénat.

Chers collègues, les atrocités commises depuis maintenant des années sont tellement scandaleuses, tellement troublantes en raison de la dépravation morale dont elles témoignent et d’une telle portée qu’elles correspondent parfaitement à la définition de génocide.

Des experts ont très bien décrit le sort des Ouïghours et d’autres musulmans d’origine turque comme la détention la plus massive de membres d’une minorité ethnoreligieuse depuis l’Holocauste.

Le Newlines Institute for Strategy and Policy, groupe de réflexion non partisan, en collaboration avec le Centre Raoul-Wallenberg pour les droits de la personne — important groupe de défense des droits de la personne auquel contribuent plus de 30 experts mondiaux et d’éminents avocats spécialisés en la matière — a publié en mars dernier un rapport qui montre sans l’ombre d’un doute que la Chine viole la convention des Nations unies sur le génocide et qu’elle commet un génocide contre les Ouïghours.

En février dernier, en dépit de l’absence remarquée et très suspecte du premier ministre et des membres de son Cabinet, une motion adoptée à l’unanimité à l’autre endroit a reconnu que les actes haineux perpétrés par le Parti communiste chinois contre les Ouïghours et d’autres musulmans d’origine turque constituent un génocide, faisant du Canada le premier pays à prendre une telle mesure après les États-Unis.

Des images satellite, les témoignages des survivants et les documents du gouvernement chinois ayant fait l’objet d’une fuite brossent un portrait sombre et horrible d’un mal orchestré à grande échelle : un appareil orwellien de surveillance de masse par l’État surveille les moindres faits et gestes des Ouïghours; les dirigeants ouïghours qui parlent ouvertement sont tués; les mosquées et les sites sacrés sont démolis; les enfants sont séparés de leurs parents et transférés dans d’autres régions de la Chine; et les parents sont séparés les uns des autres, interpellés arbitrairement et détenus de force dans ce que le gouvernement chinois qualifie hypocritement de « centres de rééducation ». Cependant, les survivants affirment sans équivoque qu’il s’agit de « camps de concentration » ou de « goulags chinois ».

En 2019, une fuite de documents hautement classifiés du gouvernement chinois, connus sous le nom de China Cables, confirme la nature sinistre de ces camps et révèle les manuels sur les opérations d’internement de masse et d’arrestation par algorithme.

Bien que les chiffres varient, on estime qu’au moins 2 à 3 millions d’Ouïghours sont incarcérés. Les détenus sont victimes d’abus sexuels et de tortures systématiques, ils font l’objet d’un endoctrinement politique, d’une stérilisation forcée, d’une régulation des naissances obligatoire et d’une assimilation forcée, et ils doivent renoncer à leur foi.

Chers collègues, je félicite le premier ministre d’avoir énoncé une évidence lorsqu’il a déclaré, à juste titre, que le génocide est un acte « extrêmement lourd de sens ». Je pense que nous sommes tous d’accord avec le premier ministre pour dire qu’une si grave allégation ne peut être faite que sur la base de « faits et de preuves » et qu’elle doit être « clairement et correctement justifiée et démontrée ».

Or, le premier ministre et son Cabinet refusent de reconnaître que plusieurs organismes crédibles et grands spécialistes ont déjà entamé un tel processus. Grâce à l’examen rigoureux des abondantes preuves et des nombreux témoignages convaincants, ils ont été en mesure de conclure que les atrocités perpétrées au Xinjiang constituent réellement des « crimes contre l’humanité » et qu’elles équivalent irréfutablement à un génocide.

Chers collègues, les preuves sont accablantes, si accablantes qu’une foule d’acteurs étatiques et non étatiques partout dans le monde ont déclaré qu’un génocide était commis au Xinjiang. La liste est longue et elle comprend, en plus de la Chambre des communes, le Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes, non pas une, mais deux administrations américaines consécutives, le Parlement néerlandais, le Parlement britannique, le Parlement lituanien, d’éminents groupes de réflexion, d’importants groupes de défense des droits de la personne, une coalition de plus de 30 experts mondiaux, d’éminents avocats spécialistes des questions internationales des droits de la personne, dont l’honorable Irwin Cotler, ancien ministre libéral de la Justice et procureur général; l’honorable Allan Rock, ancien ministre libéral de la Justice et ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies; l’honorable Lloyd Axworthy, ancien ministre libéral des Affaires étrangères; ainsi que l’honorable Yves Fortier, avocat en droit international de renom, ancien ambassadeur du Canada aux Nations unies et ancien président du Conseil de sécurité des Nations Unies.

(2010)

Honorables sénateurs, si cette liste n’est pas assez impressionnante pour vous, il y a aussi notre estimé et héroïque ancien collègue et lieutenant-général à la retraite, l’honorable Roméo Dallaire qui, comme vous le savez, a été le témoin direct du génocide rwandais au beau milieu d’une tragique indifférence de la communauté internationale. Lui aussi appelle cela un génocide et exhorte le gouvernement à agir.

Honorables sénateurs, je ne suis malheureusement pas surpris de la position mollassonne adoptée par le premier ministre et son cabinet, qui refusent d’appeler cela un génocide. Comme nous l’avons vu à maintes reprises, ils ont une politique claire d’apaisement vis-à-vis de la Chine et ils font preuve d’un mépris flagrant pour les avis d’experts, la sécurité nationale et les droits de la personne.

Comme la rédaction du Washington Post l’a déclaré dans un éditorial publié le 16 mai et intitulé « Selon un nouveau rapport, la répression des Ouïghours par la Chine n’est pas seulement culturelle, mais aussi physique ». Je cite l’article :

APRÈS l’Holocauste [...] On a promis « plus jamais ».

Soit que l’on croie à « plus jamais », soit que l’on contribue à « encore une fois ».

Voici un message au premier ministre et à son Cabinet. Je cite l’honorable Roméo Dallaire, qui a indiqué, à juste titre :

On est soit une grande nation qui croit en ses valeurs et en ce que représente son drapeau, et que tant de personnes ont défendu au prix de leur vie [...] On l’est ou on ne l’est pas.

En effet, le moment est venu pour le gouvernement Trudeau de faire ce qui s’impose : reconnaître que les actes odieux commis par le Parti communiste chinois contre les Ouïghours constituent un génocide; demander au Comité international olympique de déplacer les Jeux olympiques de 2022 si la République populaire de Chine continue ce génocide et imposer des sanctions au titre de la loi de Magnitsky à tous les fonctionnaires du gouvernement chinois qui sont responsables ou complices de la perpétration de violations flagrantes des droits de la personne.

Le Canada a toujours été une figure de proue dans la lutte pour la démocratie, la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit — les valeurs mêmes qui constituent le fondement de notre grande nation.

Chers collègues, je suis profondément convaincu qu’à titre de Chambre de second examen objectif, nous avons l’obligation morale de confirmer cette position courageuse fondée sur des principes. Veillons à ce que le Sénat ne soit pas reconnu comme une institution qui plie devant la lâcheté, l’intérêt individuel et la toute-puissance de l’argent. Choisissons plutôt de nous ranger du bon côté de l’histoire et d’honorer réellement cette promesse cruciale : « plus jamais ».

Honorables collègues, ne restons pas silencieux. Utilisons notre voix pour dénoncer cette terrible tragédie du XXIe siècle, ce véritable génocide. Merci.

L’honorable Pat Duncan : Je propose l’ajournement du débat à mon nom. J’ai été nommée, je crois. Sénatrice Ringuette, je crois que vous m’avez donné la parole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Duncan, avec l’appui de l’honorable sénateur Woo, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Je vois deux sénateurs se lever, pour demander la tenue d’un vote.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Des voix : Maintenant.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous votons maintenant? Il faut demander le consentement.

Les sénateurs sur place consentent-ils à la durée proposée de la sonnerie? Que ceux qui s’y opposent veuillent bien dire non. Le consentement est accordé pour la tenue du vote dès maintenant.

Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : l’honorable sénatrice Duncan, avec l’appui de l’honorable sénateur Woo, propose que le débat soit ajourné jusqu’au prochain jour de séance.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont...

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Pourriez-vous répéter sur quoi porte le vote, s’il vous plaît?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sur l’ajournement du débat.

Le sénateur Plett : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Voulez-vous que je répète la motion d’ajournement?

Le sénateur Plett : Non. Ce n’est pas ce que j’avais compris, mais c’est correct, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d’ajournement et qui sont présents dans la salle du Sénat veuillent bien se lever.

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Gold
Bernard Griffin
Boniface Harder
Bovey Hartling
Busson Klyne
Campbell Kutcher
Cordy LaBoucane-Benson
Cormier Lovelace Nicholas
Cotter McCallum
Coyle Mégie
Dagenais Mercer
Dasko Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moodie
Downe Oh
Duncan Omidvar
Dupuis Pate
Forest-Niesing Petitclerc
Francis Saint-Germain
Gagné Wetston
Galvez Woo—40

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Ngo
Batters Patterson
Boisvenu Plett
Dalphond Ravalia
Housakos Richards
Loffreda Seidman
MacDonald Smith
Manning Stewart Olsen
Martin Tannas
Miville-Dechêne Wells—21
Mockler

ABSTENTIONS
Les honorables sénatrices

Anderson Simons—2

(2020)

Recours au Règlement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Votre Honneur, le vote du sénateur Massicotte ne change rien au résultat, mais j’invoque le Règlement car il n’a pas voté lorsque vous avez recueilli les votes en faveur de la motion. Je demande donc que son vote ne compte pas. Cela ne change rien au résultat, mais nous devons établir des règles en bonne et due forme si nous voulons mener nos travaux en format hybride. Si nous ne pouvons pas faire cela, alors nous ne devrions pas siéger en format hybride.

Décision de la présidence

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’accepte le rappel au Règlement, car nous avons déjà recueilli tous les votes en faveur de la motion parmi les sénateurs présents dans l’enceinte, parmi ceux qui participent par vidéoconférence et parmi ceux qui n’ont pas été nommés. Par conséquent, sénateur Massicotte, si vous souhaitez réellement que votre vote compte, vous devrez demander le consentement du Sénat pour que votre vote à l’appui de la motion soit inscrit.

L’honorable Paul J. Massicotte : Passons.

(2030)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (appel à l’action numéro 94 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je propose que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, nous avons été saisis d’une motion portant que la séance soit maintenant levée.

[Français]

Recours au Règlement

L’honorable Lucie Moncion : Je veux soulever un recours au Règlement, madame la Présidente. Vous me corrigerez peut-être, mais le sénateur Plett ne participe pas à un débat sur une question, donc je ne suis pas certaine qu’il peut demander l’ajournement du Sénat.

[Traduction]

Une voix : On peut demander la levée de la séance en tout temps.

Le sénateur Plett : Votre Honneur, je crois que la sénatrice Moncion aurait intérêt à lire le Règlement du Sénat du Canada. Tout sénateur peut proposer la levée de la séance.

La sénatrice Moncion : J’ai posé cette question à quelques reprises aux greffiers et cela a toujours fait l’objet de débats. J’aimerais donc obtenir une décision ferme à ce sujet. Si j’ai tort, sénateur Plett, je me plierai au Règlement.

Décision de la présidence

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, la disposition qui s’applique est l’article 5-13(2) du Règlement, qui dit ceci :

Seul le sénateur qui a la parole dans un débat, sauf s’il l’a obtenue sur un rappel au Règlement, peut proposer que la séance soit levée.

Par conséquent, un sénateur ne peut proposer que la séance du Sénat soit levée à moins qu’il ait déjà la parole dans le cadre du débat sur une affaire qui a été appelée.

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à demander au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté d’attribuer la citoyenneté à Raif Badawi

L’honorable Julie Miville-Dechêne, conformément au préavis donné le 15 mars 2021, propose :

Que le Sénat demande au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté d’attribuer la citoyenneté à Raif Badawi, selon le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur la citoyenneté à l’article 5, qui lui permet d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse.

— Honorables sénateurs, je prends la parole pour expliquer pourquoi je présente une motion demandant au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, d’attribuer sans délai la citoyenneté canadienne au journaliste blogueur saoudien Raif Badawi, emprisonné depuis neuf ans en Arabie saoudite. C’est la Loi sur la citoyenneté qui octroie au ministre le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse. Il est clair pour moi qu’il s’agit bien dans ce cas-ci d’une situation particulière de détresse et de persécution. Toutefois, c’est aussi une cause qui a des liens indéniables avec le Canada, et plus particulièrement avec le Québec.

Raif Badawi est détenu depuis neuf ans en Arabie saoudite pour insulte envers l’islam. Sa courageuse épouse, Ensaf Haidar, et leurs trois enfants ont obtenu l’asile chez nous et se sont installés à Sherbrooke. Ils sont maintenant citoyens canadiens. Grâce à l’infatigable croisade de Mme Haidar pour la libération du père de ses enfants, Raif Badawi est devenu une cause célèbre au Québec. Son capital de sympathie est important.

Quel crime Raif Badawi a-t-il donc commis pour croupir en prison depuis neuf ans? Il a lancé en 2008 un site Web baptisé « Free Saudi Liberals », ce qui signifie « Libérez les libéraux saoudiens ». Il militait en faveur de la libéralisation morale en Arabie saoudite, soit la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’expression et l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui serait parfaitement légitime dans un pays démocratique où la liberté d’expression est respectée lui a valu d’être condamné à 10 ans de prison, à 1 000 coups de fouet et à une lourde amende pour avoir publié des propos jugés blasphématoires. Ce pays totalitaire, régi par la charia, est le berceau d’un islam intégriste, le wahhabisme, qui est exporté un peu partout.

Un tollé international a interrompu la flagellation après 50 coups de fouet, mais, depuis ce temps, les problèmes de santé physique et psychologique de Raif Badawi et ses grèves de la faim ont inquiété ses proches et ses alliés, dont l’ex-ministre canadien de la Justice Irwin Cotler, un de ses plus ardents défenseurs. Une campagne mondiale s’est déployée, ponctuée d’interventions des Nations unies. Il y a eu beaucoup d’appels infructueux à la clémence et à sa libération, notamment, de la part de l’ancien vice-président américain, Mike Pence, de la Chambre des représentants et du Sénat américain.

(2040)

En 2018, la ministre canadienne des Affaires étrangères de l’époque, Chrystia Freeland, a eu l’audace d’utiliser Twitter pour réclamer la libération immédiate de Raif Badawi et de sa sœur Samar Badawi, militante des droits des femmes qui venait d’être emprisonnée, ce qui a provoqué la furie du régime saoudien et a entraîné des sanctions à l’endroit du Canada.

Le Québec, de son côté, a fait reporter la candidature de l’Arabie saoudite à titre d’observateur au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, évoquant notamment la situation de Raif Badawi.

Raif Badawi est aussi devenu un symbole de la résistance. Il a d’ailleurs reçu le prestigieux prix Sakharov pour la liberté de l’esprit en 2015, une distinction qui honore la mémoire du grand physicien dissident persécuté pour avoir défié la dictature soviétique. À l’annonce de ce prix, le Président du Parlement européen a dit ceci de Raif Badawi, et je cite :

Raif Badawi est devenu un symbole et une source d’inspiration pour tous ceux qui luttent en faveur des droits fondamentaux dans la région et au-delà […]. Malgré un risque important, Raif Badawi a tenté avec courage de favoriser la libre pensée et a exercé son droit à la liberté d’expression, remplissant le vide laissé par l’absence d’une liberté de la presse dans son pays.

Ensaf Haidar a rajouté ce qui suit à cette occasion :

Raif n’est pas un criminel. C’est un écrivain et un libre-penseur, voilà tout. Le crime de Raif Badawi, c’est d’être une voix libre dans un pays qui n’accepte rien d’autre qu’un seul avis et qu’une pensée unique.

Le sort de tous les prisonniers politiques et de tous les prisonniers d’opinion est important. Il remet en cause les compromis que l’on fait en politique étrangère entre notre conscience et notre confort économique. Pour protéger la vie de Raif Badawi, vaut-il mieux garder le silence et agir en coulisses? « Non, non, et non », répète Irwin Cotler, du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, « le silence est désastreux ».

Rappelons-nous d’ailleurs que l’Arabie saoudite a été impliquée dans le meurtre atroce et le démembrement du journaliste Jamal Khashoggi en 2018. Raif Badawi a lui aussi été reconnu comme étant un journaliste par plusieurs solides institutions internationales, notamment Reporters sans frontières, qui lui a remis le Prix pour la liberté de la presse.

Cependant, pourquoi vouloir accorder la citoyenneté canadienne à Raif Badawi? Tout d’abord, Raif Badawi, me dit-on, attend avec une immense impatience cette citoyenneté canadienne : il l’implore depuis six ans.

L’Arabie saoudite ne reconnaît pas la double citoyenneté, mais en vertu du droit international, il n’est pas interdit pour un pays d’exercer sa protection diplomatique en faveur d’un ressortissant ayant la double nationalité. C’est ce qu’indique du moins une récente analyse du Groupe d’experts juridiques de haut niveau sur la liberté de la presse, constitué à la demande des gouvernements britannique et canadien.

Raif Badawi pourrait aussi tenter de renoncer à sa citoyenneté saoudienne. Si le prisonnier obtient sa citoyenneté canadienne, cela donne un argument de poids à ses défenseurs pour qu’il bénéficie de services consulaires canadiens. Par exemple, à titre de citoyen canadien, Raif Badawi pourrait recevoir la visite de diplomates canadiens, et peut-être voir ses conditions de détention améliorées. Ces visites pourraient soulager sa détresse psychologique. Il pourrait espérer, grâce à son passeport canadien, un sauf-conduit au moment de sa libération, car, autrement, il ne peut pas quitter l’Arabie saoudite pendant 10 ans.

Rien de tout cela n’est acquis, bien sûr, mais c’est l’espoir que porte la motion que je vous présente, l’espoir aussi que trois enfants canadiens puissent revoir leur père sans qui ils ont grandi dans leur pays d’accueil. Comme vous le savez, l’autre endroit a adopté à l’unanimité une motion similaire le 27 janvier dernier. Si les deux Chambres font la même demande auprès du gouvernement canadien, la pression politique sera d’autant plus forte. Malheureusement, jusqu’à maintenant, le ministre de l’Immigration n’a donné aucun signal qu’il allait agir dans le sens de la motion unanime de nos collègues députés.

Enfin, il ne faut pas tarder, car les choses continuent d’évoluer de façon inquiétante en Arabie saoudite. Dans la foulée des dernières révélations de la CIA sur le meurtre de Jamal Khashoggi, Raif Badawi aurait fait l’objet d’une enquête pour avoir nui à la réputation du royaume saoudien. Le 15 mars dernier, Raif Badawi est passé devant un tribunal pénal pour un nouveau procès. L’accusation interprète ses grèves de la faim pour obtenir des médicaments et des livres comme une tentative de suicide. Or, le suicide est un crime en vertu du droit saoudien, qui est fondé sur la charia. Une nouvelle condamnation compromettrait sa libération prévue dans un an.

Chers collègues, je vous demande donc d’appuyer cette motion humanitaire sans délai. Je vous remercie.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, j’appuierai par ce discours la motion de ma collègue la sénatrice Miville-Dechêne, qui vise à demander au ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marco Mendicino, d’attribuer la citoyenneté à l’écrivain et blogueur saoudien Raif Badawi, en vertu de son pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse. J’ajoute que le 27 janvier dernier, la Chambre des communes a unanimement adopté une motion similaire.

La saga de M. Badawi ne débute pas avec son arrestation par les autorités saoudiennes en 2012, mais en 2008, l’année où, à 24 ans, il a fondé le blogue et forum de discussion Free Saudi Liberals avec Souad al-Shamani, une défenseure saoudienne des droits des femmes. La même année, il a été arrêté, interrogé au sujet de son site Internet, puis relâché.

Il a ensuite été accusé d’avoir créé un site Internet injuriant l’islam. Il a alors quitté l’Arabie saoudite. Il n’y est retourné qu’après indication des procureurs saoudiens qu’ils laissaient tomber les accusations, mais c’était un leurre. En mai 2009, ses actifs et ceux de sa femme en Arabie saoudite ont été gelés. En décembre 2009, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol direction Beyrouth, on lui interdit, sans aucune explication, de quitter le pays.

En mars 2012, le religieux cheikh Abdul-Rahman Al-Barrak a publié une décision religieuse, une fatwa, déclarant que M. Badawi est un apostat qui doit être jugé et condamné pour avoir déclaré sur son site que les musulmans, les juifs, les chrétiens et les athées sont tous égaux.

Après cette fatwa, son épouse et ses enfants se sont enfuis en Égypte, puis se sont installés brièvement au Liban avant de demander l’asile politique au Canada — ce qu’ils ont obtenu —, et ils se sont installés ensuite dans la belle ville québécoise de Sherbrooke. Ils sont tous aujourd’hui citoyens canadiens et, ma foi, bien engagés, même que son épouse souhaite se présenter comme candidate aux prochaines élections fédérales pour le Bloc québécois.

En juin 2012, M. Badawi est officiellement arrêté et accusé d’avoir créé un site Web qui porte atteinte à la « sécurité générale », d’avoir ridiculisé l’islam et de s’être adonné à l’apostasie, un crime passible de la peine de mort en Arabie saoudite. Heureusement, ensuite, un juge a rejeté l’accusation d’apostasie, après que M. Badawi a pu convaincre le tribunal qu’il était musulman.

Cependant, en juillet 2013, M. Badawi est trouvé coupable des autres chefs d’accusation qui avaient été portés contre lui et on lui impose alors une peine de sept ans de prison et 600 coups de fouet. Dans le cadre d’une violation flagrante des normes internationales pour un procès équitable, l’avocat de M. Badawi a été empêché d’assister à l’audience — cela rappelle un peu le sort des Canadiens en Chine. Ce dernier, Waleed Abulkhair, également un défenseur des droits de la personne, sera ensuite emprisonné et condamné à 15 ans de prison.

(2050)

En 2014, la peine de M. Badawi est portée en appel et, à sa grande surprise, elle est revue à la hausse : 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet étalés sur une période de 20 semaines, une amende d’un million de riyals, c’est-à-dire 300 000 $ canadiens à l’époque, une interdiction totale d’utiliser Internet et de quitter l’Arabie saoudite pendant les 10 années suivant sa sortie de prison.

À la demande du roi d’Arabie saoudite, la Cour suprême du pays a examiné la décision, qu’elle a finalement maintenue dans un jugement datant de janvier 2015. Cet examen de la Cour suprême a été effectué sans que le nouvel avocat de M. Badawi soit autorisé à faire des représentations.

Comme vous le savez sans doute, la flagellation contrevient à l’interdiction de faire subir de la torture en vertu du droit international, et notamment à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, que l’Arabie saoudite a pourtant ratifiée en 1997. De plus, l’article 8 de la Charte arabe des droits de l’homme prévoit également ce qui suit :

a) Nul ne peut être soumis à des tortures physiques ou mentales ou à un traitement cruel, inhumain, humiliant ou dégradant .

Il s’agit d’un autre document ratifié par l’Arabie saoudite.

À cela, l’Arabie saoudite répond que l’interdiction de la torture, en vertu de la Charte arabe des droits de l’homme et du droit international, ne s’applique pas aux condamnations prononcées en vertu de la charia. Cela dit, il faut se réjouir du fait qu’en 2020, la peine de la flagellation a enfin été abolie en Arabie saoudite, ce que je considère comme étant un pas dans la bonne direction en ce qui a trait à la gouvernance de ce royaume. Je souligne que M. Badawi avait déjà reçu plusieurs dizaines de coups de fouet au moment où la peine de la flagellation a été abolie.

Toutefois, il reste que la situation de Raif Badawi est inacceptable et suscite beaucoup d’indignation et d’appels à la clémence au Québec, au Canada et partout dans le monde. Si on fait la liste des reconnaissances qu’a reçues M. Badawi, on peut mentionner une nomination au prix Nobel de la paix en 2015, le prix de la défense de la liberté d’expression, le prix du courage au Sommet de Genève sur les droits de la personne et la démocratie en 2015, et enfin, un doctorat honorifique de l’Université de Sherbrooke en 2017.

Ces reconnaissances ne sont pas passées inaperçues au Royaume d’Arabie saoudite. Au début du mois de mars 2021, le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, qui travaille sur le dossier, nous a appris que M. Badawi et son épouse, Ensaf Haidar, font tous deux l’objet d’une enquête pour avoir « influencé l’opinion publique et porté atteinte à la réputation du Royaume ».

Dans un article publié dans le défunt HuffPost, l’honorable Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice, directeur du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne et conseiller juridique de M. Badawi, expliquait ceci :

[Traduction]

La dernière fois que le ministre Dion a parlé à des représentants saoudiens du cas de M. Badawi, ceux-ci ont rétorqué que ce dernier n’a pas la citoyenneté canadienne et que, par conséquent, le Canada ne peut intervenir en sa faveur. J’ai représenté des prisonniers politiques pendant une quarantaine d’années dans toutes sortes de pays, comme l’ancienne Union soviétique, […]

 — M. Cotler représentait alors Andreï Sakharov, puis Saad Eddin Ibrahim en Égypte, et ensuite nul autre que Nelson Mandela en Afrique du Sud; maintenant, il représente Raif Badawi. —

[…] c’est la première fois qu’un pays met en doute mon droit — et celui du Canada — d’intervenir au nom d’un prisonnier politique parce qu’il n’est pas citoyen canadien.

[Français]

M. Badawi a obtenu la citoyenneté d’honneur de la Ville de Sherbrooke en 2015 et de la Ville de Montréal en 2018, mais il lui manque toujours celle qui compte, soit la véritable citoyenneté canadienne. Cette absence de citoyenneté canadienne agit comme une barrière à toute intervention de notre pays dans cette affaire et elle empêche d’offrir tout service consulaire à M. Badawi.

Par conséquent, la citoyenneté canadienne n’annulerait sûrement pas la condamnation de M. Badawi ni son interdiction de quitter l’Arabie saoudite pendant 10 ans, après sa période de détention, mais elle donnerait au Canada la possibilité d’intervenir. C’est pourquoi je vous invite à appuyer cette motion, chers collègues. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Motion concernant la fermeture de programmes à l’Université Laurentienne—Ajournement du débat

L’honorable Josée Forest-Niesing, conformément au préavis donné le 20 avril 2021, propose :

Que le Sénat :

1.s’inquiète de la fermeture à l’Université Laurentienne, à Sudbury, de 58 programmes de premier cycle et 11 programmes d’études avancées, dont 28 programmes en français représentant 58 % des programmes francophones, et du licenciement de 110 professeurs, dont près de la moitié sont francophones;

2.réitère sa solidarité à l’égard de la communauté franco-ontarienne;

3.rappelle le rôle primordial de l’éducation supérieure en français pour la vitalité des communautés franco-canadiennes et acadiennes et la responsabilité de défendre et de promouvoir les droits linguistiques, tels qu’ils sont exprimés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles;

4.exhorte le gouvernement du Canada à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à ses compétences, pour assurer l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse que nous en soyons enfin arrivés à cet article à l’ordre du jour pour la séance d’aujourd’hui. Je ne prononcerai pas d’autre discours. Vous vous rappellerez que, au moment où j’ai présenté cette motion le 20 avril dernier, j’ai profité de la possibilité de prononcer une déclaration pendant laquelle j’ai partagé mes préoccupations.

Je n’ai donc rien de plus à ajouter, à moins que mes collègues n’aient des questions auxquelles je répondrai avec plaisir.

(Sur la motion du sénateur Dagenais, le débat est ajourné.)

(À 21 heures, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 8 juin 2021, à 14 heures.)

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