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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 82

Le mardi 22 novembre 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 22 novembre 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Coupe Grey de 2022

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, mes activités de la fin de semaine dernière m’ont rendu fier et privilégié d’être un Canadien. Vendredi, j’ai assisté à une cérémonie de citoyenneté à Saskatoon, probablement la plus importante jamais organisée dans cette ville. Trois cent six personnes ont prêté serment pour devenir de nouveaux Canadiens. Dirigée par Suzanne Carrière, une juge de la citoyenneté exceptionnelle, cette cérémonie a été une expérience inspirante et remplie d’émotion. Je suis reconnaissant d’être canadien.

Puis, dimanche, mon frère et moi — je sais que le sénateur Smith attend cette partie — sommes allés au match de football de la Coupe Grey à Regina. J’avais acheté des billets pour cette partie en août, lorsqu’il semblait que mes Roughriders de la Saskatchewan bien-aimés allaient se rendre en finale. Hélas, ils sont loin d’avoir atteint cet objectif.

La partie opposait les Blue Bombers de Winnipeg aux Argonauts de Toronto. Ce fut un événement exceptionnel, et je félicite la Ligue canadienne de football, mon ami Scott Banda, le président du conseil des gouverneurs de la ligue, le commissaire Ambrosie et surtout les bonnes gens de Regina, qui ont offert une autre célébration de la Coupe Grey exceptionnelle et inspirante. À mon avis, la Coupe Grey et les deux championnats nationaux de curling, le Brier et le Tournoi des cœurs Scotties, sont les événements sportifs les plus éminemment canadiens au pays.

Parlons maintenant de la partie. Il existe une convention dans plusieurs régions du pays selon laquelle on encourage seulement les équipes de Toronto lorsqu’il n’y a pas d’autre équipe à encourager. En revanche, il existe une loi en Saskatchewan, qui fait partie de la Saskatchewan First Act, dont vous avez peut-être entendu parler. Il s’agit de l’article 13 de la loi. Comme le sénateur Smith le sait, l’article 13 occupe une place spéciale dans le cœur des Saskatchewanais. Il est écrit à l’encre invisible dans la loi. Seuls les Saskatchewanais peuvent le lire. Moi, je peux le lire. Il se lit comme suit : « Les Roughriders de la Saskatchewan occupent la première place dans notre cœur, et les Blue Bombers de Winnipeg, la dernière. » Néanmoins, j’ai encouragé les Blue Bombers de Winnipeg pendant la partie. Il se pourrait que j’aie des explications à donner à la maison.

La partie a été fascinante et elle s’est probablement conclue de la façon la plus spectaculaire de l’histoire de la Coupe Grey. Toronto a remporté la partie par un point. Félicitations aux Argonauts de Toronto, les champions de la Coupe Grey de 2022.

Par contre, pour ce qui est de Winnipeg, il s’agit d’une équipe de football exceptionnelle qui remonte aux dynasties des Blue Bombers des années 1960 — certains amateurs de sport s’en souviendront —, où les vedettes étaient des personnes comme Kenny Ploen, Leo Lewis et Ernie Pitts, qui étaient dirigés par Bud Grant, probablement le meilleur entraîneur de football de l’histoire du football professionnel.

Il est tout à fait possible que la défaite de Winnipeg lors de cette finale de la Coupe Grey ne soit qu’une interruption momentanée dans ce qui pourrait très bien être pour les Blue Bombers de Winnipeg d’aujourd’hui la création d’une nouvelle... le mot que je veux employer est « dynastie », mais je n’ose pas le prononcer.

Félicitations à tous. La Coupe Grey de 2022 était un remarquable événement canadien. Merci.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Andrew Furey, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Denise Pictou-Maloney. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Audette.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale également la présence à la tribune de Camilla Daun Rizzi, de Zoe Côté, de Radia Sentissi et de Philippe Trancart. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Audette.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1410)

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées
Denise Pictou-Maloney

L’honorable Michèle Audette : Bonjour, honorables sénateurs.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu.]

Je vous salue.

Chers collègues, je prends la parole devant vous aujourd’hui avec beaucoup d’amour et d’émotions, ainsi qu’avec beaucoup de fierté. Comme vous le voyez, on vous présente des femmes fortes, de douces guerrières.

[Traduction]

Ce sont des femmes qui ont parcouru des milliers et des milliers de kilomètres pour défendre leur cause, qui se sont dressées contre vents et marées et qui n’ont jamais abandonné — jamais. Ce sont des femmes qui n’ont jamais renoncé à sensibiliser les gens et à faire en sorte qu’une enquête sur les femmes et les filles autochtones portées disparues ou assassinées ait lieu et que justice soit rendue. En outre, j’ai eu le grand privilège de recevoir leurs conseils pendant l’enquête nationale. Je tiens à toutes les remercier, du fond du cœur. Vous êtes géniales, vous êtes incroyables.

Parmi ces femmes merveilleuses, il y a bien sûr une amie spéciale, Denise Pictou-Maloney, la fille d’Anna Mae Pictou-Aquash, une éminente militante du mouvement indien américain qui a été brutalement tuée en 1976. Denise et sa famille se sont battues avec acharnement afin d’obtenir justice pour sa mère. Aujourd’hui, une équipe de tournage suit Denise dans son périple. L’histoire de sa mère sera immortalisée et diffusée, ce qui signifie aussi que son héritage vivra et que la vérité gagnera.

[Français]

Chers collègues, ces femmes sont parmi les maîtres d’œuvre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. C’est l’histoire de toutes ces femmes, l’histoire de trop de femmes auxquelles un être cher a été arraché.

[Traduction]

Je tiens à remercier le Cercle national des familles et des survivants de son militantisme, au nom de ma fille et de toutes les jeunes filles au pays.

[Français]

Lorsque je questionne le gouvernement au sujet de la mise en œuvre des appels à la justice, de l’importance de se doter d’un ombudsman, d’un mécanisme de suivi et de reddition de comptes, d’un tribunal, c’est ma voix qui porte celle de milliers de femmes qui méritent que leur sécurité demeure une priorité.

[Traduction]

Il y a un an jour pour jour, j’ai été assermentée comme sénatrice, et vous êtes mon cadeau aujourd’hui. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des membres de la Kamengo Cultural Troupe, de l’Ouganda. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Bovey.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

L’étude sur les obligations découlant des traités et les responsabilités constitutionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral envers les Premières Nations, les Inuits et les Métis

Dépôt du huitième rapport du Comité des peuples autochtones

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Visions de la vérité et de la réconciliation : Voix de jeunes leaders autochtones 2022. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Francis, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi sur la sécurité des postes au Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pierre J. Dalphond dépose le projet de loi S-256, Loi modifiant la Loi sur la Société canadienne des postes (saisie) et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Dalphond, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après‑demain.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 2 au 6 juillet 2022—Dépôt du rapport

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Birmingham, au Royaume-Uni, du 2 au 6 juillet 2022.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L’agriculture et l’agroalimentaire

Le soutien aux agriculteurs et aux producteurs

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, les producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard en sont encore à se remettre des conséquences dévastatrices de l’interdiction d’exportation qui a touché leurs récoltes. Ils ont dû détruire quelque 250 millions de livres de pommes de terre, ce qui représente des pertes supérieures à 50 millions de dollars pour l’industrie. Même si les exportations vers nos voisins du Sud ont repris depuis avril dernier, la perte de clients de longue date aux États-Unis fait craindre aux agriculteurs de l’Île‑du-Prince-Édouard que les dommages soient irréversibles. Un récent article de CTV cite les propos d’Andrew Smith, un agriculteur de Newton :

Nous avons perdu cette part de marché et nous ne la récupérerons pas. Je présume que ce sont des producteurs américains qui l’ont absorbée, car ils n’ont pas à subir des mesures protectionnistes à la frontière.

Si j’ai bien compris, d’ici à ce que le département américain de l’Agriculture ait terminé son examen approfondi, l’exportation de pommes de terre de semence — qui représentent approximativement 10 % de la production annuelle de la province — demeure interdite. Cela pourrait prendre des années, sénateur Gold.

Monsieur le leader, j’estime que les agriculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard ont été suffisamment patients. Quand le gouvernement leur présentera-t-il un plan d’action immédiat incluant des mesures concrètes pour rétablir le plein accès au marché?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, le gouvernement partage la fierté des producteurs de pommes de terre de l’Île-du-Prince-Édouard qui produisent depuis fort longtemps les meilleures pommes de terre au monde pour les Canadiens et les consommateurs internationaux. Nous savons que le problème dont vous parlez a touché la vie de nombreux habitants de la province, des fermes familiales multigénérationnelles aux emballeurs, en passant par les expéditeurs et beaucoup d’autres.

Il est possible que l’on détecte d’autres cas de gale verruqueuse de la pomme de terre, mais je crois comprendre que le risque de propagation est atténué considérablement grâce aux mesures fondées sur des données scientifiques, notamment celles prévues dans le Plan national de lutte à long terme contre la gale verruqueuse de la pomme de terre et l’arrêté ministériel sur la galle verruqueuse. Il s’agit d’une industrie importante pour l’ensemble de l’économie canadienne, et le gouvernement a offert un soutien considérable pour aider les agriculteurs à traverser cette période difficile, notamment environ 28 millions de dollars pour le plan d’intervention visant la gestion des pommes de terre excédentaires afin d’aider les producteurs de pommes de terre pendant la durée de ces perturbations commerciales. Le gouvernement continuera à collaborer avec les producteurs de pommes de terre pour alléger le fardeau qui pèse encore sur eux.

Le sénateur Plett : Sénateur Gold, il est clair que les politiques de votre gouvernement nuisent directement aux agriculteurs sur plusieurs fronts. Comme si l’interdiction d’importation n’était pas assez préoccupante, ils doivent également faire face à des coûts gonflés par les politiques économiques ratées du gouvernement. L’Île-du-Prince-Édouard a déclaré que la récolte de pommes de terre de cette année a été la plus coûteuse jamais enregistrée, à cause de la hausse du coût des engrais et du carburant diésel. Dans de nombreux cas, les producteurs constatent que leurs factures d’engrais ont plus que doublé, et il va sans dire que si les coûts pour les agriculteurs augmentent, les Canadiens le ressentiront sûrement à l’épicerie. C’est déjà le cas.

(1420)

Sénateur Gold, le gouvernement est-il prêt à admettre que ses politiques font monter les prix à la ferme, ou est-ce que le premier ministre persiste à ignorer ce que lui disent les agriculteurs de partout au pays?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, sénateur. Le gouvernement n’est pas en train d’ignorer ce que lui disent les agriculteurs ni, d’ailleurs, ce que qui que ce soit d’autre au pays affirme. Il a été démontré que les politiques économiques du gouvernement ont aidé le Canada au cours d’une période des plus difficiles. Le gouvernement continuera à soutenir l’économie et tous ses secteurs. Pour ce qui est des politiques sur les engrais et d’autres sujets, le gouvernement s’engage à les maintenir afin de nous aider à opérer une transition vers un avenir plus propre et plus durable.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Sviatlana Tsikhanouskaya.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les finances

Le rapport sur les résultats ministériels

L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, pendant l’exercice financier en cours, nous avons approuvé le Budget principal des dépenses, le Budget supplémentaire des dépenses (A) et le projet de loi d’exécution du budget. Nous étudions maintenant le Budget supplémentaire des dépenses (B) et l’Énoncé économique de l’automne 2022. Cependant, le gouvernement n’a toujours pas présenté les rapports sur les résultats ministériels pour l’année dernière. Nous les attendons depuis huit mois. Nous en avons beaucoup parlé ce matin au Comité des finances. Ma question est la suivante : quand le gouvernement va-t-il présenter les rapports sur les résultats ministériels, où sont ces rapports, et quel est le problème?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénatrice.

Comme vous l’avez indiqué, les rapports sur les résultats ministériels sont des documents utiles. Les plus récents, présentés en février, ont orienté l’étude du Budget principal des dépenses effectuée au mois de mars. Comme la sénatrice devrait le savoir, la loi ne prévoit actuellement aucune échéance pour le dépôt des rapports sur les résultats ministériels. Cependant, en réponse à une autre question que vous avez posée précédemment — je crois que c’était il y a quelques semaines à peine —, j’ai dit que, à ma connaissance, le gouvernement compte encore présenter les prochains rapports sur les résultats ministériels cet automne, et l’automne n’est pas encore tout à fait terminé.

La sénatrice Marshall : Merci pour cette réponse, sénateur Gold, mais en ce qui concerne les plans de dépenses du gouvernement, la plupart ont été approuvés, et nous approchons de la fin des processus d’approbation. Donc, lorsque nous recevrons ces documents, il sera trop tard, et ils ne nous seront pas d’une grande utilité.

Pour en revenir au manque de transparence et de responsabilité du gouvernement, celui-ci a fourni un certain nombre de stratégies de gestion de la dette au cours des deux dernières années, nous disant ce qu’il prévoit de faire à l’égard du programme d’emprunt du gouvernement, mais nous n’avons reçu aucun rapport en particulier, comme le Rapport sur la gestion de la dette. Nous attendons toujours ce rapport depuis l’année dernière. Quand allons-nous le recevoir? Nous avons tous ces plans de dépenses à approuver, mais nous ne recevons pas les documents de reddition de comptes du gouvernement dont nous avons besoin pour mener à bien nos études.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je vais devoir m’enquérir de la date à laquelle nous pourrions les attendre, et je serai heureux de fournir une réponse plus tard.

L’emploi et le développement social

Les régions économiques de l’assurance-emploi

L’honorable Pat Duncan : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, en juin dernier, George Rae, directeur du service Initiatives et analyse des politiques à Emploi et Développement social Canada, a dit au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts que la Commission de l’assurance-emploi du Canada examine les frontières des régions économiques de l’assurance-emploi au moins une fois tous les cinq ans. Il a précisé que le dernier examen avait été conclu en 2021. Pierre Laliberté, commissaire des travailleurs et travailleuses à la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a aussi dit que l’examen était terminé. Le prochain sera lancé l’année prochaine, en 2023.

Ma question est la suivante : quelles ont été les recommandations de l’examen au sujet des deux zones de l’Île-du-Prince-Édouard et, le cas échéant, quand la ministre a-t-elle l’intention de faire connaître ces recommandations aux parlementaires et, plus important encore, aux Canadiens? Elles ne semblent pas avoir été rendues publiques.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je vais devoir me renseigner pour vous répondre. Je sais qu’il s’agit d’un projet de loi que le Sénat a renvoyé au comité — du moins, c’est le cas d’une mesure législative sur la situation de l’Île-du-Prince-Édouard. J’espère que l’examen en comité permettra d’obtenir des réponses à ce sujet, mais quoi qu’il en soit, je vais me renseigner.

La sénatrice Duncan : Merci au représentant du gouvernement pour cette réponse. Pourriez-vous nous fournir une réponse écrite détaillant les recommandations qui ont été faites après cet examen initial? Ces recommandations ne semblent pas être publiques, et le comité n’a pas eu l’occasion de les examiner. Pourriez-vous nous fournir une réponse écrite détaillant les recommandations et nous indiquer quand ces recommandations seront rendues publiques?

Le sénateur Gold : Je vous remercie. Je ne manquerai pas de me renseigner, et je répondrai au Sénat en fournissant la réponse que je peux fournir aussi rapidement que possible.

[Français]

La santé

Les transferts en matière de santé

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, ma question porte sur le conflit qui oppose le ministre Duclos et les provinces en ce qui a trait aux transferts en matière de santé. La santé est un domaine de compétence provinciale, ce qui rend le blocage actuel frustrant. Nous ne sommes pas dans la situation d’une compétence partagée.

Le cœur du problème semble être la volonté du gouvernement fédéral de lier ces transferts à des conditions en particulier, afin « que tous travaillent pour créer un système de données sur la santé “de classe mondiale” ». Or, il existe déjà un Institut canadien d’information sur la santé, organisme sans but lucratif, dont le conseil d’administration comprend un sous-ministre de Santé Canada, une représentante de Statistique Canada et des représentants des systèmes de santé des provinces.

Pourquoi le gouvernement cherche-t-il à réinventer la roue et à ajouter une nouvelle couche de bureaucratie plutôt que de transférer rapidement leur juste part aux provinces?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Je vais répondre brièvement, mais la question soulève des enjeux complexes. La vie serait très simple si chaque fois que les provinces demandent plus d’argent, peu importe l’utilisation de ces ressources, le gouvernement fédéral disait oui. Ce n’est pas ainsi qu’un gouvernement responsable peut agir.

Les discussions entre le ministre Duclos et ses homologues n’ont malheureusement pas abouti à cause de l’intervention des premiers ministres auprès de leurs ministres de la Santé. Ils ont insisté sur le fait que l’argent devait être versé sans conditions et qu’ils voulaient une réunion avec le premier ministre le plus rapidement possible. Ce n’est pas comme cela que le gouvernement du Canada devrait agir face à un problème aussi important que le financement de la santé.

Pour ce qui est de votre question, je pense qu’il est approprié pour le gouvernement fédéral de demander aux gouvernements provinciaux et territoriaux de partager leurs données afin de donner aux Canadiens et Canadiennes, peu importe où ils habitent, l’accès à un système de santé le plus approprié possible pour un pays développé.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis d’accord avec vous sur la question du partage de données. Cependant, il existe déjà l’Institut canadien d’information sur la santé qui réunit les provinces et le gouvernement fédéral. Je comprends ce que veut créer le gouvernement fédéral, selon les experts qu’il a mandatés, et je vous cite ce qu’est censé être ce nouvel organisme pour que vous compreniez bien mon questionnement :

[La mise en œuvre... serait informée par] un Conseil de gérance de l’information sur la santé (le Conseil) fondé sur les compétences et facilitée par un ou plusieurs représentants de la ou des table(s) du système de santé apprenant (SSA), responsables devant la Conférence des sous-ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé. [...]

La ou les table(s) du SSA travailleront avec le Conseil pour établir des feuilles de route intégrées en vue de la mise en œuvre du système de santé apprenant et sécuriser les investissements [...]

Bref, sénateur Gold, ma question est simple. Pourquoi le gouvernement préfère-t-il ce charabia administratif qui décrit un nouvel organisme plutôt qu’un organisme existant avec un mandat clair et fonctionnel?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas de réponse directe à votre question, je l’avoue. La raison pour laquelle le gouvernement a demandé aux provinces de partager leurs données est évidemment parce que ce que nous avions n’était pas adéquat pour mieux servir les Canadiens. Cela dit, je ferai une recherche auprès du gouvernement pour essayer de répondre plus directement à votre question. Merci.

(1430)

[Traduction]

Les relations Couronne-Autochtones et les Affaires du Nord
Les services aux Autochtones

Les indicateurs de rendement

L’honorable Brian Francis : Sénateur Gold, selon un rapport du directeur parlementaire du budget, qui a témoigné la semaine dernière devant le Comité des peuples autochtones, l’augmentation importante du financement alloué à Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et à Services aux Autochtones Canada entre 2015 et 2023 ne s’est pas traduite par une augmentation proportionnelle de leur capacité à respecter leurs propres indicateurs de rendement. En outre, alors que les cibles ont souvent été modifiées, changées ou n’ont pas été atteintes du tout, la rémunération des sous-ministres et des autres membres du personnel de direction responsables des opérations quotidiennes reste inchangée.

Pourriez-vous nous expliquer en détail comment les indicateurs de rendement actuels sont établis et mesurés par ces deux ministères? En outre, quels sont les facteurs qui contribuent à cette incapacité permanente à respecter ces indicateurs, quelles sont les conséquences de cette incapacité et quelles sont les solutions pour y remédier?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de votre conviction que je détiens la réponse sous la main. Malheureusement, je regrette, mais ce n’est pas le cas. Cela dit, je vais certainement me renseigner et vous revenir avec une réponse.

Les finances

La taxe d’accise sur l’alcool

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

La Loi d’exécution du budget de 2017 du gouvernement prévoyait une disposition fiscale en vertu de laquelle les droits d’accise sur la bière, le vin et les spiritueux allaient dorénavant augmenter automatiquement chaque année au même taux que l’inflation. Lorsque cette indexation de la taxe sur l’alcool a été proposée, les brasseurs, les vignerons et les distillateurs canadiens ont prévenu le gouvernement qu’il serait malavisé d’imposer un mécanisme permanent qui augmenterait automatiquement la taxe sans tenir compte de la conjoncture.

Ils n’étaient pas les seuls à réclamer la suppression de cette disposition. En fait, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a adopté un amendement au projet de loi d’exécution du budget de 2017 visant à supprimer cette indexation. Or, l’amendement a ensuite été rejeté par l’autre endroit et le Sénat n’a pas insisté.

Par conséquent, à compter d’avril prochain, la taxe sur l’alcool augmentera de plus de 6 %.

Le Canada a déjà les taxes parmi les plus élevées au monde. En moyenne, les taxes comptent pour 47 % du prix de la bière, 65 % du prix du vin et 80 % du prix des spiritueux au pays. En 2021, les Canadiens payaient déjà, annuellement, quelque 20 milliards de dollars en taxes sur l’alcool. Toute augmentation supplémentaire de ces taxes nuira aux brasseries, aux vignobles et aux distilleries canadiennes ainsi qu’à tout le reste de la chaîne d’approvisionnement.

Sénateur Gold, le gouvernement peut-il s’engager à réévaluer l’indexation de la taxe sur l’alcool afin de rendre le régime fiscal plus équitable pour les consommateurs, les producteurs et tous les intervenants de la chaîne d’approvisionnement au Canada, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la fabrication et des services d’alimentation?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.

Comme d’autres taxes et différentes prestations, le taux du droit d’accise sur l’alcool est automatiquement ajusté à l’inflation chaque année. Le gouvernement considère qu’il s’agit de la bonne approche, parce qu’elle offre plus de prévisibilité au secteur tout en garantissant que le système fiscal est équitable pour tous les Canadiens.

D’après ce que j’en ai compris, l’augmentation dont vous parlez sera de moins d’un cinquième de cent par canette de bière et des mesures précises ont été prises afin de tenir compte des besoins des microbrasseries. Le gouvernement entend continuer de travailler à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens tout en favorisant la saine concurrence, de façon à bâtir l’économie du futur.

Le sénateur Black : Sénateur Gold, nous savons que les bars et les restaurants ont été gravement touchés par la pandémie. De nouvelles augmentations de la taxe sur l’alcool augmenteront les coûts d’exploitation déjà élevés de ces entreprises et réduiront leur capacité à attirer des clients et à conserver leurs employés, alors qu’elles tentent déjà de rester à flot. Je tiens à souligner que la taxe avec indexation touche non seulement le secteur de l’hôtellerie, mais aussi le secteur agricole et agroalimentaire, d’autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement ainsi que les consommateurs.

Je pense que beaucoup d’entre vous conviendront que le moment est mal choisi pour augmenter les taxes sur l’alcool imposées aux Canadiens ainsi qu’aux restaurants, aux bars et aux producteurs d’alcool canadiens en difficulté.

Sénateur Gold, comme nous le savons tous ici, le gouvernement travaille déjà sur des mesures visant à mettre en œuvre le budget de 2023. Afin de permettre à tous les Canadiens d’économiser, veillerez-vous à ce que le gouvernement soit au courant de cet enjeu et lui rappellerez-vous l’amendement adopté par cette Chambre en 2017, alors qu’il s’apprête à présenter sa prochaine loi d’exécution du budget en 2023?

Le sénateur Gold : Merci, sénateur. C’est quelque chose que je porterai à l’attention du gouvernement.

Nous sommes tous conscients des difficultés que la pandémie a engendrées, non seulement pour l’industrie hôtelière, mais aussi pour de nombreuses autres entreprises. Je répète que la hausse annuelle automatique de la taxe sur l’alcool augmentera la taxe sur une canette de bière de moins d’un cinquième de cent. J’espère que les propriétaires de bars et de restaurants responsables ne transmettront pas cette augmentation de manière disproportionnée à leur clientèle.

La sécurité publique

Le crime organisé

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, sous le gouvernement Trudeau, les rues du Canada sont devenues moins sûres, c’est un fait. Un rapport récent de Statisque Canada en témoigne. On y indique que le taux national d’homicides a augmenté pour la troisième année de suite. De plus, près du quart des homicides commis en 2021 étaient liées aux activités des gangs. Sans aucun doute, cela montre l’échec total du gouvernement à combattre le problème des gangs, qui n’a cessé de s’aggraver au cours des quatre dernières années.

Sénateur Gold, le gouvernement reconnaît-il que son approche laxiste envers la criminalité en a facilité l’augmentation? Assume‑t‑il le moindrement la responsabilité de tous les préjudices causés à d’innocents Canadiens?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Ce doit être génial d’être l’opposition, parce que l’on peut dire ce que l’on veut sans avoir à rendre de comptes.

Non, le gouvernement n’accepte pas cette caractérisation de son approche envers la criminalité. À mon humble avis, se servir de la tragique augmentation de la violence commise au moyen d’une arme à feu et de ses répercussions sur les collectivités, y compris la mienne, pour marquer des points sur le plan politique est inapproprié.

Le gouvernement prend au sérieux le contrôle des armes à feu illégales. Il a mis en place une loi et des mesures sérieuses en la matière, malgré les objections de certains membres de cette assemblée et de députés à l’autre endroit, afin de contrer le problème de la violence commise avec une arme à feu au pays. Il continuera de le faire dans l’intérêt des Canadiens.

Le sénateur Plett : Il est honteux de voir à quel point le gouvernement ne respecte pas les Canadiens. Accuser l’opposition de ne pas poser les bonnes questions — parce qu’elles ne vous plaisent pas, sénateur Gold —, montre aussi ce manque de respect. Vous n’aimez peut-être pas nos questions, sénateur Gold, mais vous avez l’obligation d’y répondre honnêtement.

Monsieur le leader, malgré l’accumulation des éléments de preuve montrant que son plan est inefficace, votre gouvernement s’entête à maintenir son approche indulgente envers les criminels, ce qui place les Canadiens dans une position vulnérable. Nous avons d’ailleurs pu le constater la semaine dernière, sénateur Gold.

Le premier ministre continue de se targuer fièrement d’avoir pris des mesures pour contrer la violence armée, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt pris des mesures contre des gens qui ne nuisent à personne et ne le feront jamais. Ce même premier ministre a aussi réduit les sanctions qui sont imposées aux personnes dangereuses qui se servent d’armes à feu acquises illégalement pour commettre des crimes liés à des gangs. Ce sont des faits, sénateur Gold.

Quand votre gouvernement cessera-t-il de faciliter la tâche des criminels et commencera-t-il à assurer la sécurité des victimes et des Canadiens?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Gold : Le gouvernement a mis en place un ensemble de mesures afin de réformer le système de justice pénale et de réprimer l’importation et la vente illégales de drogues ainsi que l’utilisation d’armes d’assaut. Toutes ces mesures sont conçues pour que les Canadiens se sentent davantage en sécurité. Elles sont conçues pour répondre de façon responsable à un grave problème social. Le gouvernement continuera de travailler en ce sens de manière responsable.

Le sénateur Plett : Si le gouvernement agit de manière responsable, ce sera quelque chose de nouveau. Au cours des sept dernières années, nous n’avons vu aucune indication qu’il était en mesure de se comporter de la sorte.

La défense nationale

La capacité opérationnelle des forces armées

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, ma prochaine question concerne une réponse que j’ai reçue à une question inscrite au Feuilleton que j’ai posée il y a quelque temps sur la capacité opérationnelle des avions de chasse d’occasion que le gouvernement a achetés de l’Australie en 2018. On m’a répondu que sur 18 avions achetés, seulement 6 sont opérationnels. Je ne tente pas ici de marquer des points politiques. Il semblerait que chaque avion devra faire l’objet de vastes modifications et d’inspections approfondies pendant un mois avant de devenir opérationnel.

Tout cela signifie que les avions d’occasion que nous avons achetés ne seront pas pleinement opérationnels avant au moins le milieu de l’an prochain, et peut-être même après.

Monsieur le leader, comment le gouvernement justifie-t-il le fait qu’il a soutenu avoir acheté ces avions pour combler une lacune, mais que, quatre ans après, seulement six de ces avions sont opérationnels?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Je vais certes examiner de plus près ce qui se passe avec les avions ayant besoin de travaux supplémentaires d’entretien. Je suis certain que tous les sénateurs conviendront que, tant que ces avions n’auront pas été passés en revue et qu’ils ne pourront être entretenus adéquatement, ils doivent demeurer au sol. Je vais assurément m’informer et revenir avec les réponses lorsque je les aurai.

(1440)

Le sénateur Plett : Bien sûr, achetons plus d’aéronefs qui ne sont pas fonctionnels. Nous conviendrons également que ces aéronefs doivent rester au sol.

Monsieur le leader, en 2015, le premier ministre a clamé haut et fort que le pays n’achèterait pas de F-35. Sept ans plus tard, voilà que le gouvernement semble avoir changé son fusil d’épaule, mais nous n’avons toujours pas de confirmation quant au modèle qui sera commandé. Le Canada s’est contenté d’acheter des F-18 vieux de 40 ans à l’Australie et il est contraint de garder en service ses propres CF-18, qui sont tout aussi vieux.

Monsieur le leader, pourriez-vous déposer un rapport au Sénat sur le coût total de l’achat et de la mise en état de fonctionnement des 18 aéronefs usagés? En outre, quand déposerez-vous un rapport sur les coûts supplémentaires nécessaires pour garder les CF-18 de notre flotte, qui sont tout aussi âgés, en état de fonctionnement jusqu’à ce que les nouveaux avions soient livrés?

Le sénateur Gold : Je vais m’informer et je vous ferai part de ce que j’aurai appris.

Les finances

L’Énoncé économique de l’automne 2022

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, les Canadiens se préparent à une récession en 2023 et ils ajustent leurs budgets en fonction de l’incertitude économique qui l’accompagnera. En revanche, le gouvernement ne fait pas la même chose. Au contraire, à la manière typique de Trudeau, le gouvernement néo-démocrate—libéral continue de faire comme d’habitude, c’est-à-dire de dépenser comme si la prospérité était sans limites.

La ministre des Finances ne cesse de nous assurer que le gouvernement est prudent. Pourtant, la récente mise à jour économique prévoit des dépenses de 472,5 milliards de dollars cette année. C’est 20 milliards de dollars de plus que ce que prévoyait le budget en avril, qui contenait déjà 90 milliards de dollars de dépenses supplémentaires par rapport à avant la pandémie. Monsieur le leader, est-ce là ce que vous et le gouvernement appelez de la prudence financière?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’énoncé économique de l’automne du gouvernement et sa gestion de l’économie s’avèrent judicieux et responsables. Les dépenses fédérales ont diminué de 21,6 % entre 2020-2021 et 2021-2022. Je crois comprendre que les plus récentes données sur l’emploi qui ont été publiées par Statistique Canada montrent que notre marché du travail a gagné plus de 100 000 emplois en octobre, avec un taux de chômage de 5,2 % de moins que le taux enregistré avant la pandémie. Le taux de croissance du PIB réel demeure à 2,3 %, ce qui est supérieur au taux enregistré avant la pandémie lors du quatrième trimestre de 2019. Notre croissance reste forte. S&P a récemment confirmé notre note AAA avec des perspectives stables, ce qui souligne encore davantage le cadre financier responsable du Canada.

J’ajouterais que la récente mise à jour du directeur parlementaire du budget dit ceci :

Pour l’exercice en cours, 2022-2023, il devrait revenir à 25,8 milliards de dollars (0,9 % du PIB), si la politique demeure inchangée.

Elle se poursuit ainsi : « [...] le déficit budgétaire devrait continuer de baisser pour atteindre 3,1 milliards de dollars (0,1 % du PIB) en 2027-2028 [...] »

Au début de la pandémie, le Canada avait le ratio de la dette nette par rapport au PIB le plus bas des pays du G7, et nous avons augmenté notre avantage relatif tout au long de cette période.

Le sénateur Plett : Il est vraiment difficile de défendre l’indéfendable, n’est-ce pas?

Monsieur le leader, vous comprendrez que c’est sans aucun doute une source de grande confusion et de préoccupation pour les Canadiens. D’une part, ils entendent les économistes sonner l’alarme au sujet d’une récession et les mettre en garde contre l’augmentation des dépenses en période d’inflation, et d’autre part, ils voient leur gouvernement poursuivre ses dépenses, en opposition directe avec les conseils des économistes.

Monsieur le leader, votre gouvernement utilise-t-il des manuels d’économie différents de ceux des économistes canadiens, et si oui, pouvez-vous en donner les titres aux Canadiens?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Comme l’a indiqué la ministre des Finances et comme l’ont affirmé de nombreux économistes, la position du gouvernement, telle qu’elle est reflétée dans l’énoncé économique de l’automne, est équilibrée et responsable. Oui, il y a une augmentation ciblée du financement pour aider les Canadiens, les étudiants et d’autres personnes à traverser cette période difficile, qui les touche encore — comme nous tous, en fait — en raison de l’augmentation du coût de la vie.

En même temps, le gouvernement a fixé des objectifs clairs et a fait preuve d’une grande retenue dans ses dépenses afin de ne pas aller à l’encontre de la politique que la Banque du Canada a mise et continue de mettre en œuvre pour lutter contre l’inflation. Il s’agit d’une approche responsable et équilibrée, qui sert bien les Canadiens.

L’emploi et le développement social

La politique nationale en matière d’alimentation dans les écoles

L’honorable Leo Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, le leader de l’opposition a tenté d’obtenir des réponses claires, mais il n’a manifestement obtenu que des notes d’allocution concernant l’excellent travail du gouvernement.

Je peux vous dire qu’au cours des dernières semaines, j’ai rencontré des gens qui sont en première ligne, des gens de la classe moyenne et de milieux défavorisés, des directeurs de commissions scolaires et des enseignants. C’est malheureux, mais le fait est que des enfants vont à l’école le ventre vide. En ce moment, les soupes populaires sont confrontées à des demandes sans précédent à Montréal.

Ne venez pas nous parler des succès du gouvernement, parce que ce que les enseignants et les directeurs de commissions scolaires me disent, c’est que des enfants arrivent à l’école sans fournitures, avec des chaussures, des bottes et des manteaux usés et le ventre vide. Ne venez pas nous parler des succès du gouvernement, car les faits sont là. Nous pourrions faire la tournée des commissions scolaires de Montréal ensemble. Dites-nous comment on va régler ce problème.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est un grave problème et je vous remercie de le soulever. Un enfant sur cinq se rend à l’école l’estomac vide. Ceux qui ont regardé « Les coulisses du pouvoir » dimanche dernier ont vu la ministre Gould expliquer le travail qu’elle a entrepris avec ses homologues d’un bout à l’autre du pays pour examiner la possibilité d’instaurer une politique et un cadre pancanadien pour assurer la sécurité alimentaire des élèves. Ce ne sera pas une mince tâche étant donné que l’éducation et la santé relèvent de la compétence des provinces. Néanmoins, il incombe à l’ensemble des Canadiens de veiller à ce que les enfants de notre pays aient tous les appuis dont ils ont besoin pour aller à l’école.

Le gouvernement prend les devants pour lancer cette initiative en collaboration avec les provinces et les territoires. J’espère, tout comme vous j’en suis certain, que ce processus sera couronné de succès.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 7 décembre 2021, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Patty Hajdu, c.p., députée, ministre des Services aux Autochtones et ministre responsable de l’Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l’Ontario, aura lieu le jeudi 24 novembre 2022, à 14 h 30.

[Français]

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Premier rapport du Comité des langues officielles sur la teneur du projet de loi—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles (teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois), déposé au Sénat le 17 novembre 2022.

L’honorable René Cormier : Chers collègues, je prends brièvement la parole aujourd’hui au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, déposé dans cette enceinte le 17 novembre dernier, et portant sur la teneur du projet de loi C-13, intitulé Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

La modernisation de la Loi sur les langues officielles est attendue depuis de nombreuses années alors que la dernière réforme majeure de cette loi, de nature quasi constitutionnelle, a eu lieu en 1988.

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a produit cinq rapports sur cette question de 2017 à 2019, à la suite d’une étude approfondie à laquelle ont participé de nombreuses personnes et de nombreux organismes sectoriels. De toute évidence, l’idée de moderniser cette loi ne date pas d’hier.

Depuis le 31 mai dernier, dans le cadre de son étude préalable, le comité a consacré à ce projet de loi 8 réunions, a entendu plus de 41 témoins et a reçu 22 mémoires pour examiner la teneur du projet de loi.

Le comité s’est penché plus particulièrement sur l’étude de certaines parties du projet de loi C-13, soit la disposition d’objet, la partie VII, les nouveaux pouvoirs du commissaire aux langues officielles ainsi que la nouvelle loi concernant l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

Je souhaite remercier sincèrement l’ensemble des membres du comité pour leur travail rigoureux et leur engagement indéfectible tout au long de ce processus d’étude préalable. Je tiens aussi à remercier les témoins ainsi que les organismes et personnes qui ont comparu ou déposé des mémoires durant cette étude préalable.

En s’appuyant sur sept principaux thèmes, ce rapport fait état d’observations générales du comité quant à certains enjeux qui ont rallié le consensus ou qui ont suscité la division auprès d’experts et de diverses parties prenantes.

(1450)

Le comité demande au gouvernement fédéral de considérer, sans délai, les divers enjeux soulevés dans ce rapport.

Chers collègues, je suis d’avis que les réactions multiples et variées relatées dans ce rapport révèlent que le projet de loi C-13, une fois adopté, façonnera l’avenir et la vitalité de nos deux langues officielles et de notre pays. Je crois aussi que ce rapport nourrira vos réflexions individuelles quant au bien-fondé de cette loi.

En ma qualité de président de ce comité, je suis donc heureux et honoré d’avoir déposé ce rapport au Sénat.

Merci. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Autorisation au Comité des finances nationales d’étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 17 novembre 2022, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi sur la citoyenneté
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénateur Cormier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je propose donc que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat pour le reste du temps dont je dispose.

(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénateur Ravalia, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-239, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel).

(Sur la motion du sénateur Dean, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Yvonne Boyer propose que le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat pour le reste du temps dont je dispose.

(Sur la motion de la sénatrice Boyer, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Ravalia, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-253, Loi concernant un cadre national sur l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale.

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi du sénateur Ravalia.

J’ai grandi dans une région où, il y a des années, les adolescents de 15 ans transportaient du bois sur leurs épaules jusqu’au chantier à l’automne et manquaient l’école pour travailler dans les cales de navires pour 1 $ l’heure. Même s’ils venaient de milieux très humbles, ils parvenaient à mener une vie décente, sans prendre un seul sou qui ne leur appartenait pas et sans commettre de crime. Je crois donc à l’autodétermination et à l’intégrité autant que quiconque au Sénat.

Cependant, des personnes subissent de tels dommages dans le ventre de la mère qu’ils font leur entrée dans le monde en ayant très peu de chances de développer un sens de l’intégrité et une bonne connaissance de soi.

Pendant de nombreuses années, ma belle-sœur a été famille d’accueil pour des enfants atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale. Elle sentait qu’elle en avait le devoir parce qu’elle a eu un frère de famille d’accueil atteint de ce syndrome. Elle ne sait plus où il se trouve ou même dans quelle prison il s’est peut-être retrouvé. Aujourd’hui, il est à la fin de la quarantaine, mais elle n’est pas certaine qu’il est encore en vie. La dernière fois qu’elle l’a vu, il lui a demandé si elle savait pourquoi il était en prison parce qu’il l’ignorait ou ne s’en souvenait plus.

Il se peut que vous reconnaissiez les enfants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisme fœtal; leurs traits sont très légèrement altérés. Ils ont souvent une surface plate à la place de l’arête du nez. Ils supportent rarement le bruit et, pis encore, en tant qu’enfants, beaucoup ne supportent pas d’être touchés par une autre personne, de sorte qu’il est presque impossible de tisser un lien avec quelqu’un comme le frère de famille d’accueil de ma belle-sœur.

Parfois, n’importe quoi peut déstabiliser un enfant atteint du trouble du spectre de l’alcoolisme fœtal et il se met à crier sans pouvoir s’arrêter. Ils sont donc dans leur propre monde et celui de personne d’autre dès la naissance. Cependant, ils sont également susceptibles d’être influencés, car ils ont souvent un besoin et un désir désespéré d’appartenance. Ils se présentent partout où quelqu’un peut s’occuper d’eux et font des choses dans l’espoir d’être aimés ou appréciés.

Ils sont également blâmés par leurs parents, qui ne peuvent pas gérer les personnes qu’ils sont ou ce que leur dépendance à l’alcool a créé lorsque l’enfant atteint du trouble du spectre de l’alcoolisme fœtal commence à semer la pagaille dans la maison. Dès l’âge de six ans, beaucoup d’enfants atteints du trouble du spectre de l’alcoolisme fœtal se font dire : « Si ce n’était de toi, je ne serais pas en train de boire. C’est ta faute. » Dans leur monde, ils commencent eux aussi à consommer de l’alcool et de la drogue et, bien souvent, les parents le permettent et s’en réjouissent. J’ai vu des garçons de 6 ans drogués et ivres et, rendus à l’âge de 8 ans, les parents ont disparu et ils sont eux aussi placés dans des familles d’accueil.

Ils sont envoyés dans des foyers d’accueil et, comme dans le cas du frère de ma belle-sœur, plus aucun foyer d’accueil ne peut les retenir, et ils se retrouvent dans la rue ou en prison, parfois pour des gestes qu’ils ne se souviennent même pas d’avoir commis. Ma belle-sœur craint qu’on lui téléphone pour lui annoncer la mort de son frère, et que les sacrifices qu’elle a faits pendant une bonne partie de sa vie par amour pour son frère et pour d’autres enfants, blancs et autochtones, n’aient rien donné.

(1500)

D’ailleurs, aucun travailleur social n’est vraiment bien outillé pour composer avec une situation aussi horrible, et les juges ou les policiers ne sont certainement pas en mesure de remédier complètement au problème, et ce n’est pas par manque de volonté ou d’efforts de leur part.

Ma sœur, qui est juge au Nouveau-Brunswick, a demandé à nombre de jeunes hommes et femmes à peine sortis de l’enfance et atteints du syndrome d’alcoolisation fœtale pourquoi ils avaient fait telle ou telle chose. La plupart du temps, leur seule réponse est que quelqu’un leur a mis cela dans la tête et qu’ils trouvaient que c’était une bonne idée à ce moment-là. Par exemple, sur notre rue, quatre maisons ont été incendiées par un garçon autochtone atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale. Cela aurait pu tout aussi bien arriver à un garçon blanc. Les occupants s’en sont sortis sains et saufs, mais ils ont perdu leurs animaux de compagnie; un homme est retourné dans sa maison pour tenter désespérément d’y retrouver ses trois chats. Le jeune garçon a choisi d’incendier les maisons qui étaient de l’autre côté de la rue. Il aurait tout aussi bien pu choisir celles qui se trouvaient de notre côté. Plus tard, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait fait cela, il a répondu qu’il ne le savait pas vraiment.

Quelqu’un m’a dit que cela prouve que ces enfants n’auraient pas dû venir au monde, mais j’y vois la preuve d’une chose différente : que toute vie est sacrée et qu’à cause de notre bêtise et de nos égarements, nous avons perdu de vue, comme leurs parents, nos responsabilités envers eux. Il faut commencer à le reconnaître.

Aucune exigence ne réussira à éliminer les comportements imprudents ni même les comportements criminels. Beaucoup de femmes et leurs partenaires mènent une vie tourmentée; bon nombre d’entre eux ont eu très peu de chance, ou pas de chance du tout, dans la vie. Comme beaucoup de sénateurs, je viens d’une région où il est presque obligatoire de consommer de l’alcool pendant les occasions sociales. Cela dit, j’appuie le projet de loi proposé par le sénateur Ravalia. J’espère que ses suggestions seront examinées avec soin. Il faut faire tout ce qui est possible, même de petites choses.

Le sénateur Brazeau a parlé de l’étiquetage des bouteilles, une mesure qui a déjà trop tardé. On pourrait aussi voir, dans tous les bars du Canada, une affiche disant que la consommation d’alcool pendant la grossesse peut être extrêmement néfaste pour le fœtus, et qu’une consommation excessive entraînera un syndrome d’alcoolisation fœtale.

Étant donné la gravité de ce problème, il faudrait aussi une base de données nationale efficace et des programmes de sensibilisation d’un bout à l’autre du pays.

Si ces modestes mesures avaient été mises en place il y a plusieurs années, ma belle-sœur ne chercherait peut-être pas en vain son frère, égaré dans un réseau de prisons, et les maisons de ma rue n’auraient peut-être pas été incendiées au milieu de la nuit.

Pour ces raisons, je vous demande de soutenir le projet de loi du sénateur Ravalia. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Patrick Brazeau propose que le projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, avant de présenter ce projet de loi, j’aimerais commencer par remercier les employés de l’Institut canadien de recherche en toxicomanie de l’Université de Victoria, en particulier M. Tim Stockwell, le Dr Tim Naimi, M. Adam Sherk, Mme Kate Vallance et Mme Ashley Wettlaufer.

Je prends la parole aujourd’hui pour proposer un amendement modeste, mais indispensable, à la Loi sur les aliments et drogues, afin d’exiger que les produits alcoolisés présentent un étiquetage honnête, soit une mise en garde contre le cancer.

La plupart des Canadiens savent que la consommation excessive d’alcool nuit à leur santé. Tout le monde sait qu’avec le temps, l’alcool peut endommager le foie. Nous savons tous que l’hyperalcoolisation rapide peut entraîner une altération du discernement et du contrôle des fonctions corporelles. De plus en plus de gens sont au courant des troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Et nombreux sont ceux qui sont au fait des conséquences dévastatrices de la conduite en état d’ivresse sur les routes.

[Français]

Pour ceux qui ne le sauraient pas, honorables sénateurs, un rapport publié récemment indiquait que chaque jour, quatre Canadiens sont tués par des conducteurs intoxiqués sur les routes. Certains dans cette assemblée connaissent peut-être les coûts de l’abus d’alcool sur les plans de la perte de productivité, des soins de santé et du système de justice pénale. En 2017, ces coûts ont été estimés à 16,6 milliards de dollars, selon le Rapport canadien sur les coûts et méfaits de la consommation de substances.

Cependant, ce que la plupart des Canadiens ne savent pas, honorables sénateurs, c’est que l’alcool provoque des cancers mortels. La consommation d’alcool provoque au moins sept cancers mortels connus. Même en petite quantité, il provoque des cancers de la bouche et de la gorge, des cordes vocales, de l’œsophage, du sein, du foie et du côlon.

[Traduction]

Comme l’affirme M. Tim Stockwell, scientifique chevronné de l’Institut canadien de recherche sur la toxicomanie de l’Université de Victoria : « le simple fait de prendre une consommation par jour augmente le risque de contracter certains types de cancers […] ».

Ces données ne sont pas contestées. Il ne s’agit pas d’une hypothèse. Plus la quantité d’alcool consommée est importante, plus le risque de contracter l’un de ces cancers est élevé.

La plupart des efforts de lutte contre le cancer sont axés sur la guérison ou la gestion de la maladie. Des progrès considérables ont été réalisés pour permettre aux personnes atteintes du cancer de vivre plus longtemps en gérant leur maladie. Ce sont des objectifs louables.

[Français]

Je crois, honorables sénateurs, qu’autant, sinon plus d’efforts devraient être consacrés à la prévention. Les recherches montrent que seulement un Canadien sur quatre sait que l’alcool peut causer le cancer. J’ai fait partie de ces 25 %. Ce n’est pas suffisant. Aujourd’hui, les gens, surtout les jeunes, veulent savoir ce que contiennent leurs aliments et leurs boissons. Ils veulent aussi savoir qui fabrique leurs vêtements et comment sont extraits les composants de leurs appareils électroniques. C’est leur droit. La majorité des consommateurs ne savent pas que l’alcool provoque des cancers mortels et ils ont le droit de le savoir. Ils ont le droit de savoir ce qu’ils mettent dans leur corps.

[Traduction]

Comme l’affirme le Dr Tim Naimi de l’Institut canadien de recherche sur la toxicomanie de l’Université de Victoria, il est facile pour quiconque de savoir quelle quantité de calcium se trouve dans une boîte de petits pois. Par contre, quand on achète une « substance riche en calories, potentiellement accoutumante et cancérigène », ce n’est pas indiqué sur l’étiquette.

Les Canadiens obtiennent de nombreux renseignements sur les aliments et les boissons qu’ils consomment grâce à leurs étiquettes. Pourtant, cela n’est pas le cas de l’alcool.

La consommation de petits pois n’augmente pas le risque de contracter sept types de cancers mortels, Votre Honneur. Par contre, c’est le cas de la consommation d’alcool.

L’alcool est une drogue qui semble bénéficier d’un traitement de faveur dans notre société. Il semble que cette substance ne soit pas soumise aux mêmes avertissements que d’autres drogues dangereuses.

[Français]

Pourquoi, honorables sénateurs? Les illusions et les mythes font partie des raisons. Un folklore culturel charmant nous dit que les jeunes adultes peuvent consommer du vin à la table familiale et, ainsi, apprendre à être des buveurs responsables. En fait, ceux qui consomment de l’alcool à un jeune âge ont plus de risque de devenir des buveurs excessifs plus tard dans la vie.

Il existe une autre croyance populaire selon laquelle la consommation de petites quantités de vin rouge est bénéfique pour la santé. Même si certains effets très mineurs sur la santé ont été notés, ils ont été largement exagérés; une quantité écrasante de données montre le contraire. En fait, la World Heart Federation met l’accent sur le fait que l’alcool ne protège pas la santé cardiaque. Non seulement il ne la protège pas, mais il est nuisible à la santé du cœur. Comprenez bien une chose : le mythe selon lequel l’alcool comporte des bienfaits pour la santé cardiaque est peut-être bon pour mousser les ventes, mais il est complètement faux. C’est injuste de laisser les consommateurs croire que l’alcool comporte des bienfaits pour la santé.

Voici ce que ce projet de loi ne représente pas. Ce projet de loi n’est pas la manifestation d’une nouvelle ère de la prohibition. Les honorables sénateurs ont sans doute déjà entendu des contestations concernant la moralisation excessive et la réintroduction de la prohibition. Ce projet de loi n’impose pas la prohibition. Personne ne sera forcé de boire de l’alcool de contrebande dans des bars clandestins et nous ne retournerons pas à l’époque des trafiquants d’alcool de contrebande. Pas du tout, mais bien essayé. Ce projet de loi vise simplement à protéger les consommateurs. Les Canadiens ont le droit de savoir ce que contiennent leurs consommations et quels sont leurs effets avérés sur la santé.

[Traduction]

Par ailleurs, ce projet de loi ne préconise pas l’instauration d’une nounoucratie. Lorsqu’il est question de rendre l’étiquetage plus transparent, certains dénoncent les excès d’un État nounoucratique. On brandit l’image d’un parlement autoritaire et rabat-joie. Cependant, Votre Honneur, les étiquettes d’information n’ont pas pour objectif de jouer les trouble-fête. Les étiquettes que je préconise visent à donner des renseignements nécessaires en matière de santé.

Le fait de donner des renseignements de base sur les risques pour la santé de certains produits ne constitue pas une ingérence excessive du gouvernement. Il s’agit plutôt d’une responsabilité élémentaire de l’industrie. Si l’industrie refuse de s’acquitter de cette responsabilité — pour n’importe laquelle des nombreuses raisons apparemment sincères que feront valoir les lobbyistes —, alors il incombe au Parlement d’intervenir.

(1510)

Les Canadiens méritent que des étiquettes les informent de façon simple et honnête des risques de cancer associés aux boissons alcoolisées qu’ils consomment. C’est la moindre des choses. Ceux qui insistent pour dire que ce serait une intervention exagérée de la part du gouvernement pourraient en fait être qualifiés de partisans d’une « lobbycratie » où des campagnes sophistiquées sont généreusement financées pour dire aux consommateurs qu’il est dans leur intérêt de ne pas avoir des renseignements honnêtes sur les étiquettes des produits.

Votre Honneur, ce projet de loi vise à prévenir des risques de cancer grâce à l’apposition d’une étiquette. Contrairement à ce que prétendent d’aucuns, il n’a pas pour objectif de nuire aux entreprises. Cela ne tient pas debout. Les entreprises devraient étiqueter honnêtement leurs produits.

Tout au long du processus, l’industrie, de concert avec les spécialistes de la santé publique et les chercheurs dans le domaine du cancer, aura amplement l’occasion de collaborer avec les organismes de réglementation pour déterminer ce qui sera inscrit sur l’étiquette de mise en garde contre les risques de cancer. Toutes les entreprises devraient avoir pour principe de dire la vérité sur leurs produits.

Évidemment, ces dernières préféreraient que les consommateurs ne soient pas au courant que leur produit est directement lié à au moins sept types de cancer mortels. C’est difficilement un bon argument de vente, mais il n’en demeure pas moins que c’est la vérité, et les consommateurs ont le droit de le savoir.

Si le projet de loi survit aux propos alarmistes le qualifiant de mesure nuisible aux entreprises, nounoucrate et prohibitionniste, les lobbyistes déploieront sans doute une autre arme, que j’appelle l’argument « nous sommes prêts à tout pour l’amour, sauf à cela ». D’ailleurs, je remercie l’excellent et regretté Meat Loaf de m’avoir inspiré ce titre.

Dans ce cas-ci, les lobbyistes épateront les parlementaires en leur décrivant tout ce qu’ils font pour la collectivité à bien d’autres égards. Ils fourniront des brochures éducatives sur papier glacé et transmettront leurs messages sur la consommation responsable. Ils soutiendront que tout cela fonctionne déjà bien. L’industrie et le gouvernement travaillent si bien ensemble, pourquoi faire des vagues avec une mise en garde alarmiste au sujet du cancer?

Si vous avez l’impression d’avoir déjà entendu ces arguments, Votre Honneur, c’est parce qu’ils ont été utilisés abondamment par le lobby du tabac. C’est exactement la même chanson : notre produit ne cause pas le cancer, et si c’est le cas, nous ne devrions pas avoir à l’inscrire sur les étiquettes. Songez à tout le bien que nous faisons dans la collectivité, en fournissant des emplois, en parrainant le sport et la culture, etc. Pourquoi punir les hommes et les femmes qui travaillent dur dans notre industrie? Voilà ce que nous entendrons.

Il est louable, Votre Honneur, que les industries financent des projets communautaires valables. Nous pouvons tous applaudir ces initiatives. Mais ces bonnes œuvres ne devraient jamais être utilisées comme un bouclier moral, comme une façon de se soustraire à la responsabilité d’informer les consommateurs sur la dure vérité concernant les risques de cancer.

Je demande à mes collègues de résister au chant des sirènes des lobbyistes assez longtemps pour m’entendre. Laissez-moi vous présenter les quatre éléments que le projet de loi exigerait d’inscrire sur les étiquettes.

À l’alinéa 5.1a), nous demandons à ce que l’étiquette indique la quantité qui constitue un verre standard, car les recherches montrent que les Canadiens ne savent pas ce qu’est un verre standard. Comment pourraient-ils suivre les lignes directrices en matière de santé ou prendre des décisions intelligentes à propos de leur consommation d’alcool s’ils ne disposent pas de cette information essentielle?

À l’alinéa 5.2b), nous demandons à ce que l’étiquette indique le nombre de verres standard dans l’emballage. À l’heure actuelle, certaines personnes croient qu’une bouteille de vin contient deux verres standard ou plus, tandis que d’autres personnes croient que la bouteille au complet correspond à un seul verre standard. Comment les consommateurs peuvent-ils prendre des décisions éclairées intelligentes s’ils ne connaissent pas l’information essentielle sur les risques de cancers mortels?

À l’alinéa 5.2c), nous demandons à ce que l’étiquette indique l’avis de Santé Canada sur le dosage de ce carcinogène. Les risques devraient être clairement énoncés sans détour.

Finalement, à l’alinéa 5.2d), ce qui est le plus important, à mon avis, nous demandons à ce que le message sur les liens directs entre la consommation du produit et le développement de plusieurs cancers mortels soit rédigé en langage clair, facilement accessible et compréhensible.

Voilà en quoi devrait consister la mise en garde. C’est le cœur du projet de loi. Si nous voulons réduire le nombre d’êtres chers qui meurent trop tôt, il est absolument primordial de fournir aux consommateurs cette information de manière directe et sans détour.

Le cancer est pernicieux et sournois. Une personne peut faire absolument tout ce qu’il faut pour éviter d’avoir le cancer, et finir par l’avoir malgré tout. Le cancer tue les jeunes aussi bien que les moins jeunes, les personnes soucieuses de leur santé aussi bien que les toxicomanes.

Nous savons que le cancer peut sembler survenir de nulle part et que, dans une large mesure, nous sommes tous vulnérables. Votre Honneur, j’espère toutefois avoir été clair. Le Sénat peut contribuer à réduire le nombre de cancers mortels de la bouche, de la gorge, des cordes vocales, du sein, du foie et du côlon.

[Français]

En appuyant ce projet de loi, les Canadiens seront mieux équipés pour lutter contre le cancer. Grâce à un étiquetage direct et simple, les Canadiens recevront l’information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés sur leur propre santé.

Les décès attribuables au cancer de la bouche, de la gorge, des cordes vocales, de l’œsophage, du foie, du sein et du côlon vont-ils diminuer du jour au lendemain? Non, pas nécessairement, mais ils diminueront parce que les Canadiens seront confrontés à des faits médicaux avant de consommer de l’alcool.

Certains ignorent l’avertissement de cancer, et nous comprenons cela. Comme je l’ai dit plus tôt, nous ne sommes pas un État‑nounou : les adultes ont le choix. Toutefois, beaucoup plus de Canadiens tiendront compte de l’avertissement. Beaucoup, nous l’espérons, liront l’avertissement et modéreront leur consommation.

Ils commenceront à tenir un décompte personnel de leur consommation par semaine; certains le feront délibérément, d’autres inconsciemment. Ils sauront ce qu’est un verre conforme, combien de verres contient une consommation et à quel moment ils augmentent leur risque de développer un cancer mortel.

[Traduction]

Est-ce que cela va contrarier les lobbyistes? Oui. Ils vont être contrariés. Les lobbyistes de l’industrie du tabac étaient contrariés au sujet des avertissements sur le cancer, à l’époque. Ils ont piqué bien des crises coûteuses, donnant par le fait même beaucoup de travail aux avocats. Les recours juridiques concernant le tabac et le cancer se poursuivent encore aujourd’hui. Grâce à un étiquetage honnête relatif à la santé, tous les fumeurs sont parfaitement au courant des risques accrus de cancer.

En résumé, Votre Honneur, je ne me tiens pas devant vous aujourd’hui en tant que personne ayant eu des problèmes d’abus d’alcool et venant prêcher l’abstinence à mes collègues avec de grands principes moralisateurs. Même si je suis heureux d’être sobre depuis presque trois ans, mes propres problèmes n’ont rien à voir. Je suis ici en tant que personne qui souhaite réduire le nombre de cancers au Canada.

J’ai déjà boxé contre un certain premier ministre afin de recueillir de l’argent pour la recherche contre le cancer. J’ai fait cela en l’honneur de ma mère, qui est morte du cancer en 2004.

Votre Honneur, il est évidemment impossible de prévenir tous les cas de cancers mortels, mais nous pouvons réduire considérablement le nombre de décès dus au cancer en étiquetant de façon honnête les produits alcoolisés.

Le rôle du gouvernement consiste à intervenir le plus légèrement et rarement possible. Nous ne disons pas aux gens comment mener leur vie, Votre Honneur. À mon avis, le Parlement peut jouer un rôle en insistant pour que les produits de consommation soient étiquetés honnêtement.

L’alcool est un cancérigène de catégorie 1 — ou du groupe 1, comme certains le préfèrent —, au même titre que le tabac et l’amiante, et cette information doit figurer sur l’étiquette. Grâce au projet de loi S-254, cela se fera.

Merci, Votre Honneur.

Des voix : Bravo!

L’honorable Jim Quinn : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Brazeau : Bien sûr.

Le sénateur Quinn : Sénateur, je vous félicite de votre initiative dans ce dossier, mais nous avons maintenant un avertissement sur les produits alcoolisés concernant les malformations congénitales qui peuvent se développer pendant la grossesse. Vous avez énuméré de nombreux avertissements que vous voulez voir sur la bouteille. Cependant, si j’ai bien compris, le message principal porte sur le lien entre la consommation d’alcool et le risque accru de cancer chez une personne.

Existe-t-il un moyen de réduire cette liste d’avertissements à ses éléments fondamentaux, comme c’est le cas des avertissements sur les emballages de cigarettes? Si je comprends bien, il est écrit que fumer peut causer le cancer.

Ce que j’entends, c’est que vous voulez mettre une longue description sur une étiquette. Ne serait-il pas préférable d’en extraire le message principal et de transmettre ce message?

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Comme je l’ai dit, l’objet du projet de loi n’est pas de suggérer, mais de dire que, selon des études scientifiques et des recherches, même une consommation minimale d’alcool peut causer le cancer. C’est aussi simple que cela.

De toute évidence, ce projet de loi doit être renvoyé à un comité afin que les vrais experts puissent en débattre et en discuter et formuler des recommandations concernant l’étiquetage. Cependant, le message est que la consommation d’alcool cause le cancer.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1520)

Le Code criminel
La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénateur Harder, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, novembre est le Mois de la prévention de la violence familiale au Nouveau-Brunswick, alors je considère que c’est le mois parfait pour parler du projet de loi C-233, que parraine notre collègue le sénateur Dalphond. Ce dernier a récemment fait un plaidoyer passionné au sujet de la nécessité d’adopter cet important projet de loi. Dernièrement, j’ai également pris la parole au sujet de l’interpellation no 10 et j’ai parlé de certains des plus graves problèmes que vivent les femmes victimes de violence entre partenaires intimes dans les régions rurales ontariennes.

Au Nouveau-Brunswick, le projet Une témoin silencieuse rend hommage aux femmes assassinées par leur partenaire intime. À l’heure actuelle, cette exposition itinérante présente 50 silhouettes grandeur nature représentant ces femmes et racontant leur histoire. Cette histoire, racontée par les proches de chacune des femmes, est inscrite sur une plaque en métal fixée sur la poitrine des silhouettes. Dans certains cas, les membres de la famille ajoutent une écharpe ou un autre article ayant appartenu à la femme représentée par la silhouette.

Une des témoins silencieuses dont l’histoire m’a vraiment touchée est Monique Breau, de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Le 19 décembre 2005, alors qu’elle avait 36 ans, elle a été tuée par balle par son conjoint de fait dont elle était séparée et avec qui elle n’avait pas parlé depuis neuf mois. Il est entré chez elle, l’a abattue et s’est ensuite tué avec la même arme. Monique était une mère qui allaitait. Lorsqu’elle a été tuée, elle tenait son bébé de trois mois dans ses bras. Son autre enfant, qui avait deux ans et demi, était tout près, dans une chambre. Lorsque la police est arrivée, elle a trouvé une triste scène. C’était juste avant Noël. Monique était physiothérapeute à l’Hôpital de Moncton, où tout le monde a été attristé et choqué par ce qui était arrivé. On l’a décrite comme une personne honnête, généreuse et joviale. Elle aimait le plein air, la peinture, le jardinage et le bénévolat. Personne ne connaissait le danger qui la guettait, et, maintenant, ses deux enfants sont devenus orphelins à la suite de cet horrible acte.

Je crois que cette histoire met l’accent sur les dangers posés par les conjoints violents, surtout compte tenu du fait que les femmes courent les plus grands risques après une séparation. De plus, elle montre que les victimes de violence ne sont pas seulement les femmes, mais aussi leurs enfants, dont le foyer est si souvent détruit. Les deux enfants de Monique n’ont pas juste été témoins d’un acte de violence. Ils l’ont subi, et ils devront vivre avec ses conséquences pour toujours. Tout acte de violence contre un partenaire intime est un acte de violence contre toute la famille de cette personne, plus particulièrement ses enfants. Des réformes, telles que celles proposées dans le projet de loi C-233, peuvent permettre de prévenir et de maîtriser la violence, mais il y a encore beaucoup à faire. Si je peux me permettre de faire une analogie sur la violence familiale, l’éradication de la violence entre partenaires intimes s’apparente à la construction d’une maison. Nous avons besoin d’une fondation. Nous avons aussi besoin de murs, de pièces et d’un toit; nous avons besoin de tous ces éléments pour achever la construction. Il faut absolument établir un cadre national pour mettre un terme à la violence faite aux femmes.

Voici quelques statistiques importantes. De 2014 à 2020, au Canada, parmi les 576 victimes d’homicides commis par un partenaire intime, 80 % étaient des femmes. Par ailleurs, 43 % des femmes ont déjà été victimes de violence psychologique de la part d’un partenaire intime; 23 % ont été victimes de violence physique; 12 % ont été victimes de violence sexuelle; et 30 % des femmes ayant été victimes de violence entre partenaires intimes ont signalé que cela s’était produit à plusieurs reprises.

La violence psychologique se manifeste souvent par un contrôle coercitif, une forme de violence insidieuse et difficile à détecter, où un partenaire intime adopte un ensemble de comportements visant à isoler, humilier, exploiter ou dominer sa victime, la privant ainsi de sa liberté et de son identité. Le contrôle coercitif conduit à un resserrement de l’emprise sur la victime et à l’affirmation du pouvoir de l’agresseur sur tous les aspects de la vie de la victime. Le contrôle coercitif est un facteur important permettant de prévoir des actes de violence et même le meurtre.

Dans le rapport publié en 2022 par le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes intitulé Vers un Canada sans violence : Combattre et éliminer la violence entre partenaires intimes et la violence familiale, le comité a noté l’importance de reconnaître le contrôle coercitif dans tous les domaines du droit canadien. Je note qu’en 2019, la mise à jour de la Loi sur le divorce, promulguée par le projet de loi C-78, a fait un pas dans la bonne direction en indiquant comment les tribunaux doivent tenir compte des formes de comportement coercitif et dominant à l’égard d’un membre de la famille dans leur évaluation des effets de la violence familiale. Cela ne constitue pas une criminalisation en soi du contrôle coercitif, comme le font certains projets de loi, notamment le projet de loi C-202 qui est actuellement en deuxième lecture à l’autre endroit.

Le projet de loi C-233, par contre, cherche à ancrer davantage le concept de contrôle coercitif dans le système de justice non pas en le criminalisant, mais plutôt en offrant des possibilités de formation et des séminaires aux juges. Même si je crois que le contrôle coercitif devrait être criminalisé, mon point de vue est éclairé par l’observation du comité selon laquelle certains témoins ont exprimé des inquiétudes quant à la capacité du système de justice de gérer une nouvelle infraction de ce genre, surtout si le système n’est même pas assez nuancé pour comprendre la violence physique, et encore moins un acte de violence aussi insidieux que le contrôle coercitif. Je crois donc que la formation prescrite par le projet de loi C-233 permettrait de jeter les bases de réformes plus importantes.

Pamela Cross, directrice juridique de Luke’s Place, a observé que les territoires de compétence qui combinent la criminalisation du contrôle coercitif avec des programmes de formation spécialisés ont plus de succès que les territoires qui ne le font pas. Dans cette optique, en dotant les juges des connaissances les plus récentes et les plus approfondies sur les effets du contrôle coercitif, je crois que nous jetterons les bases d’un meilleur accès à la justice pour les victimes. Je pense que l’incidence d’une telle formation serait immédiate. Elle permettrait de réfuter l’opinion injustifiée de certains juges qui estiment que la violence à l’égard d’une mère ne doit pas être considérée comme un risque pour l’enfant.

En fait, la disposition du projet de loi C-233 qui oblige les juges à suivre une formation s’appelle « la loi de Keira », en référence à Keira Kagan. Lors de son témoignage devant le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, la mère de Keira a décrit ses expériences du système judiciaire après qu’elle a échappé à son partenaire violent. Une douzaine de juges différents ont minimisé ses expériences de contrôle coercitif et de violence. L’un d’entre eux a même déclaré que la violence qu’elle a subie était sans rapport avec le rôle parental et que son partenaire aurait donc un droit d’accès non supervisé à leur fille Keira. Tristement, par la suite, Keira a été tuée par son père colérique et dangereux dans ce qui semble avoir été un meurtre suivi d’un suicide. Cela s’est produit en 2020; il est donc clair que les attitudes qui ont conduit aux décisions des juges dans ce triste cas persistent toujours dans les tribunaux canadiens.

Le professeur Peter Jaffe, une sommité dans le domaine de la violence familiale, ajoute du poids au récit de Keira. Ses recherches montrent qu’il existe encore, dans le système de justice pénale, beaucoup de fausses idées au sujet de la violence entre partenaires intimes, notamment l’idée selon laquelle le fait d’être exposé à la violence familiale ne cause aucun préjudice aux enfants s’ils ne sont pas eux-mêmes agressés directement. Les recherches du professeur Jaffe montrent qu’être exposé à la violence familiale entraîne régulièrement des conséquences négatives pour l’enfant, par exemple des traumatismes, des flashbacks, des cauchemars, une dépression, une régression vers des stades de développement antérieurs, et un développement social et scolaire compromis. Je rappelle qu’il s’agit des préjudices que subit l’enfant quand il n’est pas lui-même agressé directement; ces répercussions peuvent donc se multiplier de façon exponentielle. De toute évidence, quand les tribunaux négligent de tenir compte des conséquences plus générales de la violence familiale, la protection des enfants en pâtit. Les personnes violentes ne peuvent pas être de bons parents. Le professeur Jaffe souligne qu’une formation est essentielle pour que tous les acteurs du système judiciaire comprennent le portrait complet de la violence entre partenaires intimes.

Je crois que nous avons une certaine avance au Nouveau-Brunswick, puisque nous reconnaissons ces faits depuis plusieurs années. Nous savions déjà qu’il fallait reconnaître qu’un enfant subit un préjudice quand il est témoin d’actes de violence subis par ses parents, et prévoir un traitement en conséquence. Les recherches du professeur Jaffe nous ont aidés à trouver une sensibilisation et une formation adéquates à l’intention des mères, pour qu’elles puissent aider leurs enfants. Nous l’avons fait pendant des années; c’était décidément un énorme progrès.

Je pense que la formation pour les juges cadre bien avec la recommandation no 29 de l’enquête du coroner de l’Ontario sur la mort de trois femmes dans une région rurale de la province. Elle demande à la province de fournir une éducation et une formation professionnelles au personnel du système de justice sur les questions liées à la violence conjugale. Elle donne ensuite une précieuse liste de sujets de formation, y compris des indicateurs de contrôle coercitif et d’autres facteurs de risque associés à la violence et possiblement à la mort. Même si les recommandations de l’enquête s’adressent à une province, elles peuvent tout aussi bien s’appliquer à l’échelle nationale, et j’ai vu qu’elles ont été souvent reprises ailleurs au fil des ans.

J’aimerais passer à la deuxième partie du projet de loi, qui obligerait le juge à considérer s’il est souhaitable d’imposer à un prévenu inculpé d’une infraction contre son partenaire intime de porter un dispositif de surveillance à distance comme condition d’une ordonnance de mise en liberté. En clair, le projet de loi C-233 envisage l’utilisation de la surveillance à distance seulement comme condition d’une ordonnance de mise en liberté, à un moment délicat où la victime a déjà subi des actes de violence, mais où le présumé agresseur pourrait être libéré en attente d’un procès. Les recherches montrent que les victimes sont soumises à un risque plus élevé dans les premiers mois suivant la séparation, une période qui est prise en compte dans le projet de loi. Comme je l’ai dit plus tôt, Monique Breau a été tuée par son ex-conjoint de fait seulement neuf mois après la rupture. Même si la mesure législative ne couvre qu’une étape précise dans le processus juridique, elle est importante. De plus, la mise en œuvre du projet de loi C-233 n’empêcherait pas de prendre des mesures additionnelles dans le cadre d’autres projets de loi et, certainement, d’une stratégie nationale globale de prévention de la violence fondée sur le sexe.

(1530)

Le sénateur Dalphond a fourni un certain nombre d’exemples d’administrations qui ont mis en œuvre la surveillance électronique dans le cadre de leur stratégie de protection des victimes de violence entre partenaires intimes. Par exemple, le modèle de l’Espagne se révèle particulièrement intéressant, car il est en vigueur depuis 2009 et constitue donc une formidable source de données.

Il est important de comprendre que l’utilisation de la surveillance électronique en Espagne fait partie d’un ensemble de réformes comprenant des tribunaux spécialisés dans la violence entre partenaires intimes. Cette approche véritablement pangouvernementale de la question a permis une réduction de 25 % du nombre de féminicides depuis 2004.

Dans le cadre d’un éventail d’outils plus vaste, la surveillance électronique, lorsqu’elle est disponible et associée à une intervention efficace et immédiate de la police, accroît le bien-être et le sentiment de sécurité des victimes et augmente le respect des ordonnances de traitement.

Il convient toutefois de noter que la surveillance électronique n’est pas sans poser problème. Elle peut ne pas être appropriée dans toutes les circonstances.

Pamela Cross, dans son témoignage à l’autre endroit, a soulevé des préoccupations à l’égard de l’accès équitable à la justice. Les délinquants sont censés assumer les frais d’installation et de surveillance, souvent effectués par des entreprises privées, qui peuvent coûter jusqu’à 600 $ par mois. Pour une famille qui a déjà été touchée par la violence, cette charge financière supplémentaire semble injuste, voire totalement inaccessible pour les personnes qui n’ont pas les moyens.

Il se peut donc que la justice soit rendue différemment selon les conditions socio-économiques d’une personne. Il en va de même pour les habitants des régions rurales, où l’accès à des données cellulaires peut être inégal. Dans le cas des femmes qui ont été assassinées dans le comté de Renfrew, la surveillance électronique n’aurait peut-être même pas été une option. C’est pourquoi il est essentiel de tenir compte du contexte social dans ces circonstances, et je suis donc heureuse de constater que cela fait partie des aspects pris en compte dans la formation recommandée par le projet de loi C-233.

Honorables collègues, la violence contre un partenaire intime est un problème complexe. Même s’il est court, le projet de loi C-233 soulève des préoccupations et des questions sérieuses sur les mesures qui sont prises pour mettre fin à la violence. Lorsqu’on a les connaissances que ce projet de loi vise à fournir aux juges, on est mieux outillé pour prendre des décisions éclairées en fonction de ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Le projet de loi C-233 est un pas dans la bonne direction, et j’y suis généralement favorable.

Je remercie le sénateur Dalphond de parrainer le projet de loi et d’avoir fourni autant d’information à mon bureau. Il me tarde que le comité étudie davantage ce projet de loi ainsi que d’autres mesures importantes qui sont proposées par mes collègues afin de combattre la violence contre un partenaire intime. Poursuivons nos efforts pour assurer la sécurité de chaque femme, de chaque fille et de chaque enfant au Canada. Prenons tous les moyens nécessaires. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L’étude sur les questions concernant l’agriculture et les forêts en général

Adoption du sixième rapport du Comité de l’agriculture et des forêts et de la demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Simons, appuyée par l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse),

Que le sixième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Remettre à flot : L’impact et la réponse aux inondations de 2021 en Colombie-Britannique, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 27 octobre 2022, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, le ministre des Affaires intergouvernementales, de l’Infrastructure et des Collectivités et le ministre des Transports.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Finances nationales

Motion tendant à autoriser le comité à étudier une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, une feuille de route pour une politique économique et sociale post-pandémie en vue d’aborder les coûts humains, sociaux et financiers occasionnés par la marginalisation et l’inégalité économiques, dès que le comité sera formé, le cas échéant;

Que, vu les appels à l’action des autorités compétentes autochtones, provinciales, territoriales et municipales, le comité examine en particulier des approches potentielles nationales pour une collaboration intergouvernementale afin de mettre en œuvre un revenu de base de subsistance garanti;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2022.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Obtenir des résultats dès maintenant pour les Canadiens : une entente de soutien et de confiance

L’impact sur les finances publiques du Canada de l’entente néo-démocrate—libérale—Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition), ayant donné préavis le 18 mai 2022 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur l’impact sur les finances publiques du Canada de l’entente NPD-libérale intitulée Obtenir des résultats dès maintenant pour les Canadiens : une entente de soutien et de confiance.

 — Merci, Votre Honneur. Je vois que cet article en est au 15ejour, et je demanderais que le débat soit ajourné pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

La vie de Larry Dohey

Interpellation—Fin du débat

L’honorable Fabian Manning, ayant donné préavis le 8 juin 2022 :

Qu’il attirera l’attention du Sénat sur la vie de Larry Dohey.

 — Honorables sénateurs, « La vie nous apporte son lot de larmes, de sourires et de souvenirs. Les larmes sèchent, les sourires s’estompent, mais les souvenirs restent ».

C’est avec cette pensée à l’esprit que je profite de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui au Sénat du Canada de rendre hommage à la vie et aux contributions de Larry Dohey, qui, grâce à son travail à titre d’archiviste, d’historien et de bénévole, est devenu un véritable patriote de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le 26 août 2019, Larry faisait ce qu’il aimait le plus : il prononçait un discours à l’intention d’un groupe de visiteurs venus d’Irlande dans la ville de Placentia. Les visiteurs s’étaient rassemblés pour célébrer le lien qui unit Terre-Neuve et l’Irlande en compagnie de plus d’une centaine d’habitants du coin. Au beau milieu de son discours, Larry a soudainement eu un malaise. Deux jours plus tard, le 28 août, Larry est décédé, laissant un incroyable vide au sein de sa famille de même que dans toutes les régions de notre province, d’ailleurs.

Je saisis l’occasion pour souhaiter la bienvenue à plusieurs membres de la famille de Larry qui se sont joints à nous ici aujourd’hui, notamment l’époux et le meilleur ami de Larry, Ian Martin. Je vous suis très reconnaissant d’avoir pris le temps de venir à Ottawa pour assister à mon hommage à Larry.

Larry Dohey est né le 23 octobre 1959 dans le petit village de pêcheurs de St. Bride’s, à Terre-Neuve-et-Labrador. Il était l’un des 13 enfants de Clem et Loretta Dohey. Il a grandi dans une région de la province qu’on appelle Cape Shore, composée d’une grande population catholique irlandaise, et il était entouré de gens qui racontaient notre histoire et notre culture au moyen de chants et de récits. Grâce à ces expériences vécues lorsqu’il était enfant, Larry a hérité de la riche culture orale qui, plus tard, allait l’amener à devenir l’un des historiens les plus renommés de notre province.

Après avoir achevé ses études secondaires à l’académie Fatima de St. Bride’s, Larry a obtenu un baccalauréat en études religieuses et en philosophie à St. John’s. Il a ensuite décroché une maîtrise en théologie à l’Université de Toronto et au séminaire St. Augustine. En outre, il a reçu un grade canonique de Rome lors de ses études à l’Université Saint-Paul, ici même à Ottawa.

Au début des années 1980, Larry a commencé à travailler pour le Monitor, un journal publié par l’Église catholique romaine de Terre-Neuve-et-Labrador de 1934 à 2003. Il a travaillé au journal en tant qu’auteur et plus tard en tant que rédacteur en chef, en plus d’avoir contribué à sa distribution et à sa publication.

En 1994, alors qu’il travaillait à l’archidiocèse, Larry a commencé à suivre des cours d’archivistique et à travailler à temps partiel comme archiviste de la vaste collection archidiocésaine. Plus tard, il est devenu directeur de la bibliothèque Mullock du Musée de la basilique. C’est là que Larry a développé l’habitude quotidienne d’organiser et de décrire les collections, cherchant des faits dans les nombreux documents et écrits.

En 2004, à l’aide d’une liste de quelques adresses électroniques et, en 2006, à l’aide d’articles qu’il avait rédigés pour le compte du magazine Downhome, Larry a entrepris de susciter l’intérêt de la province pour les archives. En se servant des nombreuses adresses électroniques qu’il avait recueillies au fil des ans, il a commencé à envoyer des récits intéressants sur notre province à sa liste de contacts. En peu de temps, Larry a commencé à recevoir de nombreux appels à son bureau chaque semaine de la part de personnes voulant être ajoutées à ces courriels de groupe. Grâce à l’engouement de Larry pour notre province et à sa détermination à nous renseigner sur notre passé riche et illustre, il a rapidement été connu pour son expertise sur tous les sujets touchant Terre-Neuve-et-Labrador.

Cette solide expérience de travail et l’énergie inépuisable de Larry ont vite attiré l’attention d’un autre employeur. En octobre 2010, Larry a obtenu un emploi en face du Musée de la basilique, à la Division des archives provinciales du Musée The Rooms, où il est devenu gestionnaire des collections et des projets spéciaux. C’est dans ce domaine que l’auditoire de Larry a continué à croître. Il s’est fait connaître non pas comme un gardien de l’accès, mais comme une personne très cultivée qui était tout à fait disposée à partager des informations sur le contenu des archives avec des confrères archivistes, des bibliothécaires, toutes sortes de chercheurs et quiconque communiquait avec lui pour obtenir des renseignements sur l’histoire de notre province ou sur ses propres racines familiales.

(1540)

En 2011, la longue liste de diffusion de Larry est devenue un blogue en ligne intitulé Archival Moments, qui reflétait son intérêt pour l’histoire archivistique riche et colorée de Terre-Neuve-et-Labrador. Larry creusait profondément dans les annales des archives et relayait ses découvertes de manière intéressante et informative. Des gens du monde entier contactaient Larry et lui rendaient visite, à la recherche d’informations, sachant pertinemment qu’ils seraient accueillis avec le plus grand respect, le plus grand professionnalisme et, toujours, une bonne tasse de thé Tetley.

L’année 2016 a été vitale pour le perfectionnement et la croissance de Larry. La connaissance qu’il avait de la collection des archives provinciales, son habileté à donner vie aux histoires du passé et sa personnalité chaleureuse et accueillante ont conduit à sa nomination comme directeur de la programmation et de la mobilisation du public du centre culturel The Rooms. Il s’agissait d’un poste aux responsabilités accrues. Avec cette nomination, Larry a trouvé sa voie dans la vie, et nous sommes tous les bénéficiaires de son engagement total dans la tâche à accomplir. Larry allait consacrer le reste de sa vie à la préservation de l’histoire et du patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador. En 2016, un moment fort pour lui a été la visite de la princesse Anne à The Rooms, ainsi que la diffusion de ses propres commentaires à la télévision canadienne sur les commémorations du 1er juillet et les expositions que la princesse Anne a visitées ce jour-là.

L’année 2016 a également marqué le 100e anniversaire d’un chapitre sombre de l’histoire de notre province, la bataille de Beaumont-Hamel, où, le matin du 1er juillet 1916, les plus de 800 braves et courageux soldats du Royal Newfoundland Regiment ont traversé le champ de bataille en France. Plus de 700 d’entre eux ont été tués, blessés ou portés disparus. Seuls 68 de ces soldats ont répondu à l’appel nominal le lendemain. Larry a mené des recherches approfondies sur la bataille elle-même, sur ceux qui y ont perdu la vie et sur les nombreuses histoires personnelles qui en ont découlé. Les médias locaux et nationaux ont communiqué à maintes reprises avec Larry au sujet de cet événement historique dans l’histoire de notre province. Sa connaissance des détails de cette tragédie et sa façon de raconter les récits de cette journée fatidique ont enrichi notre compréhension de ce très triste événement de l’histoire de notre province. Beaucoup de gens ont commencé à considérer Larry comme une encyclopédie ambulante de tout ce qui concerne Terre-Neuve-et-Labrador.

À l’automne 2016, Larry a commencé à présenter son émission sur les archives sur notre station de radio locale, VOCM. Avec Larry comme animateur, dialoguant avec le producteur Brian O’Connell, les merveilleuses histoires de notre passé ont été ramenées dans le présent. Larry évoquait ces faits historiques qui, en fin de compte, avaient été oubliés au fil du temps, et les remettait au goût du jour. Il avait une façon très unique et spéciale de raconter ces histoires. Lorsque Larry parlait, tout le monde l’écoutait. Il suscitait l’intérêt de la communauté comme nul autre. C’était un conteur hors pair, et il avait la capacité de faire sentir aux gens que tous faisaient partie de l’histoire qu’il racontait à ce moment-là, même s’il s’agissait d’un événement qui s’était produit des décennies auparavant. Il faisait resurgir ces événements du passé, ce qui nous a permis d’apprendre beaucoup de choses sur nous-mêmes. Il était unique en son genre.

Après le décès de Larry, Brian O’Connell a dit que Larry Dohey :

[...] était un bon ami et un excellent promoteur de tout ce qui concerne Terre-Neuve-et-Labrador. Ce fut un honneur d’avoir produit le programme Archival Moments pour VOCM avec Larry. Il a mis des visages et des noms sur notre histoire commune. Il va me manquer.

Brian a ajouté : « C’était un vrai patriote, un vrai Terre‑Neuvien. »

Larry et Ian adoraient voyager. Lorsqu’ils franchissaient les douanes, on leur demandait souvent quel était leur emploi. Larry répondait qu’il était archiviste. Peu importe le pays où ils allaient, la plupart des douaniers demandaient ensuite en quoi cela consiste. Larry répondait alors : « Je suis le gardien des documents. »

Larry avait un incroyable désir de faire mieux comprendre aux gens ce que sont les archives et ce que font les archivistes. Aux yeux de Larry, les archives n’étaient pas simplement une collection de vieux documents, photographies et instruments de recherche. Aux yeux de Larry, les archives étaient une lettre qu’un enfant de six ans avait écrite lorsqu’il avait fait don du prix de 1 $ qu’il avait remporté à l’école pour avoir contribué à la construction du monument commémoratif de guerre à St. John’s il y a 100 ans. C’était l’histoire d’un soldat adolescent dont le fils avait découvert les papiers, lui permettant ainsi de retrouver son père. Ce sont les journaux personnels, les lettres et les notes qui mettent en contexte les artéfacts et les peintures exposés à The Rooms, où Larry était en quelque sorte parvenu à combiner les tâches traditionnelles d’un archiviste à celles d’un promoteur de concert. Même si son titre officiel à The Rooms était directeur de la Division des programmes et de la participation du public, pour bien des gens, il demeurait « l’archiviste », et il ne les corrigeait jamais. C’est un titre qu’il adorait.

Larry a quitté la province qu’il adorait riche de tous les moments d’histoire qu’il avait racontés en ligne, à la radio et en personne. Son nom apparaît dans la section des remerciements d’une multitude de livres, d’articles, de films, de documentaires, de pièces de théâtre et de thèses. En plus de son dévouement à son emploi, Larry faisait généreusement don de son temps et de son savoir en tant que bénévole auprès d’un nombre incalculable de comités nationaux, provinciaux et locaux, d’organisations et de causes, surtout ceux qui œuvraient pour promouvoir et préserver notre histoire et notre culture. Il a été membre des associations nationales et provinciales consacrées aux archives, agissant notamment comme président de l’Association of Newfoundland and Labrador Archives de 1995 à 1999, puis de 2003 à 2006. Larry a aussi siégé au conseil d’administration de Destination St. John’s et de l’Irish Newfoundland Association. Par ailleurs, il a été membre du comité de revitalisation du parc Bannerman et du parc Victoria. Il a même été vice-président de la Société historique de Terre-Neuve-et-Labrador, l’organisation historique la plus ancienne de la province.

Larry a joué un rôle central dans la recherche pour la conception du monument commémoratif Home from The Sea Sealers, situé à Elliston, à Terre-Neuve. Afin de remercier Larry pour tout le temps et les connaissances qu’il a fournis dans la mise en œuvre de ce projet de calibre mondial, le groupe responsable du monument a placé un panneau en son honneur sur le site en guise de reconnaissance pour sa contribution. Voici un extrait du texte qui y est inscrit :

Sans Larry, le monument à la mémoire des chasseurs de phoque aurait été incomplet et inexact. Ses recherches minutieuses ont permis de repérer des erreurs d’identification et des inexactitudes à partir des documents des navires, en plus de révéler des histoires qui, sans lui, auraient été perdues à jamais. Larry nous a quittés beaucoup trop tôt, mais nous n’oublierons jamais sa contribution.

Larry était reconnu comme quelqu’un qui déployait des trésors d’enthousiasme et d’énergie dans tout ce qu’il entreprenait. Il avait le même entrain à 8 h le lundi matin qu’à 17 h le vendredi. Il croyait en l’amour de la famille, dans la valeur du travail, à l’importance de s’amuser et au pouvoir d’un « oui ». Il travaillait chaque jour d’une manière tranquille et sans prétention, mais c’était une force de la nature. Il incarnait vraiment l’adage selon lequel la plume est plus puissante que l’épée.

Larry était un homme humble; il n’était absolument pas du genre à se mettre en valeur. Quand la nouvelle de son décès a commencé à circuler dans la province, elle a suscité de vastes effusions, que ce soit dans des blogues, des émissions de radio et de télévision, aux nouvelles nationales ou dans les médias sociaux. Voici quelques‑uns de ces commentaires, pour vous donner une idée de la marque indélébile que laissera Larry.

Anne Chafe, qui était alors PDG par intérim de l’espace culturel The Rooms, a dit ceci : « Nous sommes profondément attristés d’apprendre, ce matin, le décès de notre cher collègue et ami... »

Elle ajoute :

Il a fait connaître The Rooms par monts et par vaux. C’était un ambassadeur exceptionnel de notre travail.

Jack Harris, ancien député de St. John’s-Est, a dit que le décès de Larry était :

[...] une grande perte pour notre collectivité et notre province. Larry était un ami formidable, un archiviste accompli et une véritable mine de renseignements sur notre histoire et notre culture.

Rick Mercer a dit :

Quelle perte énorme. A-t-on déjà vu quelqu’un aimer la province et son histoire plus que lui? Son émission Archival Moments, sur les ondes de VOCM, était un trésor inestimable. Reposez en paix, monsieur Dohey.

Terry Sutton, qui a travaillé aux archives de la basilique avec Larry, et qui l’a aidé à lancer l’émission Archival Moments, a dit ceci :

Larry se passionnait pour l’histoire et se consacrait humblement à la faire découvrir à ceux qui voulaient mieux la connaître. Il laisse un vide que personne ne pourra combler et un sentiment impérissable de tristesse mêlée de joie.

Mark Critch a déclaré ceci :

Je suis atterré par le décès de @LarryDohey. C’était un homme gentil, drôle et surtout bienveillant, une rare qualité de nos jours. Non seulement Larry en savait plus que n’importe qui sur notre histoire, mais il avait le don de donner à n’importe qui le goût de mieux la connaître. Il était l’un de nos meilleurs concitoyens.

Mark a ajouté ceci :

Larry Dohey rencontrera saint Pierre. Saint Pierre lui dira : « Entrez, mon fils. » Et Larry répondra : « Avant que j’entre, voulez-vous entendre une histoire intéressante sur cette porte? »

Enfin, et surtout, parce que des centaines de beaux hommages personnels ont été rendus à Larry, Joan Ritcey, ancienne présidente du conseil d’administration de la Newfoundland & Labrador Historical Society, a dit ceci à propos de Larry :

Grâce à son travail dans les médias, il a rendu l’histoire de Terre-Neuve-et-Labrador plus intéressante pour le grand public; grâce à son travail d’archiviste qualifié, il a découvert des informations longtemps enfouies et a déployé de grands efforts pour faciliter la recherche d’autres personnes; grâce à son travail de perfectionnement professionnel pour ses pairs, il a été un bâtisseur de normes archivistiques; et grâce à son vaste rayonnement, il a été un bâtisseur de monuments commémoratifs du patrimoine communautaire. Son travail a été une source d’inspiration et portera ses fruits pour le pays.

Cela résume assez bien l’héritage incroyable et durable que laisse Larry.

Par un heureux hasard, la messe de funérailles de Larry a eu lieu à la basilique Saint-Jean-Baptiste de St. John’s le 2 septembre 2019, où l’on estime que quelque 3 000 personnes étaient présentes. L’intérêt était si grand que près de 300 personnes ont dû rester debout.

Le frère de Larry, le père Wayne Dohey, a célébré la messe cette journée-là. Pendant la magnifique homélie qu’il a prononcée, il a qualifié Larry de grand défenseur de notre histoire et de notre culture, de grand champion de notre province et, dans les mots des Premières Nations, de « gardien du savoir ». Il a parlé du grand cadeau que Larry a été pour notre famille, notre province et notre pays. Il a dit que nous devrions incarner ce que nous aimons le plus chez les disparus :

Soyez gentils. Soyez brillants. Soyez un ami. Soyez vous-mêmes. C’est ainsi que le monde vous aimera. Il ne fait aucun doute que Larry Dohey était lui-même. Il aimait l’Église, mais il traçait sa propre voie.

Lorsque Larry nous a quittés, tout le monde a ressenti une perte immense, en particulier sa famille. C’est une perte que nous ressentons encore dans notre cœur aujourd’hui et qui ne s’effacera jamais. Larry était un professeur de maintes façons : il nous a enseigné toute l’importance d’accepter les gens pour qui ils sont réellement, d’être toujours fiers de nos racines et, par-dessus tout, dans un monde où on peut être ce qu’on veut, d’être aimables avec les autres. Il nous a montré que le véritable amour ne s’éteint jamais. Larry continue à vivre dans les souvenirs merveilleux et précieux que nous avons tous de son aventure ici, sur la Terre. Nous savons maintenant à quel point nous avons eu de la chance de partager cette aventure avec Larry.

(1550)

À Terre-Neuve-et-Labrador, il y a une petite fleur spéciale, le myosotis, qu’on porte parfois en signe de respect pour les soldats tombés au combat. Cette fleur est devenue un réel symbole de l’admiration et du respect d’autrui et les gens peuvent la porter de différentes façons, notamment sous forme d’épinglettes, que toute la famille de Larry porte aujourd’hui en sa mémoire.

J’ai l’honneur de porter aujourd’hui la cravate à myosotis de Larry. C’est un cadeau que m’a offert Ian. J’ai eu de la difficulté à trouver les mots pour exprimer toute ma gratitude à Ian lorsqu’il me l’a donnée. C’est avec une énorme fierté que je porte aujourd’hui pour la première fois la cravate de Larry. Je la chérirai jusqu’à la fin de mes jours. Merci, Ian.

Larry a remporté de nombreux prix et il a reçu de nombreux éloges pour ce qu’il a accompli dans sa vie, notamment le Newfoundland and Labrador Historical Society Heritage Fellowship Award. On lui a décerné le prix qu’on appelait autrefois l’Advocacy and Outreach Award, remis annuellement par l’Association canadienne des archivistes. Dorénavant, ce prix s’appellera le Larry Dohey Award. C’est une excellente façon de perpétuer son souvenir.

J’estime sincèrement que le plus grand cadeau que Larry ait reçu était son époux et meilleur ami, Ian. Ils ont vécu ensemble pendant 27 ans, voyageant et explorant le monde qui nous entoure. Ils ne manquaient jamais un rassemblement de famille, et c’était toujours un immense plaisir de les avoir en notre compagnie. La mère de Larry, Loretta, disait souvent : « Je remercie Dieu pour Ian. Il garde Larry sur le droit chemin. »

En terminant, je tiens à mentionner que nous avons le privilège d’avoir une bibliothèque remplie de merveilleux souvenirs de Larry, une personne douce, gentille et fantastique qui a laissé un héritage remarquable dont nous pouvons tous être fiers.

Je conclus avec les paroles d’Ian qui est sans aucun doute la personne qui connaissait le mieux Larry. Lorsque Larry est décédé, Ian a déclaré :

Tout ce qu’il faisait, y compris son travail et tout son bénévolat, était une façon de célébrer Terre-Neuve-et-Labrador. Il estimait que chaque Terre-Neuvien est un ambassadeur de la province. Il souhaitait que tout le monde sache à quel point cet endroit est merveilleux.

Ian a ajouté :

Larry n’a jamais cru à l’idée de dire non aux gens [...] Il donnait généreusement de son temps [...] Il était simplement tellement gentil envers tout le monde [...]

En effet, il l’était. Puisse-t-il reposer en paix. Merci.

Des voix : Bravo!

(Le débat est terminé.)

(À 15 h 52, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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