Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 120
Le jeudi 4 mai 2023
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- DÉCLARATION DE SÉNATEUR
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation
- L’ajournement
- Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers
- Projet de loi sur l’édiction d’engagements climatiques
- La Loi sur les aliments et drogues
- Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
- La violence entre partenaires intimes
- Affaires étrangères et commerce international
LE SÉNAT
Le jeudi 4 mai 2023
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La santé mentale chez les jeunes
L’honorable Sharon Burey : Chers collègues, j’aimerais attirer aujourd’hui votre attention sur la Semaine de la santé mentale des enfants, qui se déroule du 1er au 7 mai 2023.
La santé mentale est représentée par un continuum. Parler de santé ou de maladie mentale peut être stressant, car c’est un enjeu qui touche de très près beaucoup d’entre nous. Au Canada, environ 1,2 million d’enfants et d’adolescents sont atteints d’un trouble de santé mentale, mais moins de 20 % d’entre eux reçoivent un traitement approprié. Offrir des services d’intervention précoce et de soutien aux enfants, aux adolescents et à leurs parents permet de réaliser des économies nettes importantes.
La pandémie a mis en lumière les failles systémiques de notre système de santé publique, de notre système d’aide sociale et de notre système d’éducation. Les investissements dans les services de santé mentale qui découlent de la pandémie sont encourageants, mais il nous faudra des données et des mesures de reddition de compte.
J’ai consacré ma carrière à l’étude de certains de ces problèmes. La Commission de la santé mentale du Canada, qui a été créée en réponse au rapport produit par cette assemblée grâce au travail du sénateur Kirby et intitulé De l’ombre à la lumière : La transformation des services de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie au Canada, continue de formuler des recommandations et de tracer la voie à suivre.
Les enfants qui ont des troubles du développement neurologique, de lecture et d’apprentissage sont particulièrement vulnérables aux problèmes de santé mentale. C’est pourquoi, en tant que leader dans le milieu de la pédiatrie, je me suis jointe à de nombreux autres défenseurs, sous la direction de l’enquête de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulée Le droit de lire, pour plaider en faveur de mesures d’intervention en littératie structurée fondées sur des données probantes dans toutes les écoles de l’Ontario. Cela réduira le développement de problèmes de santé mentale. Cela fait maintenant partie du programme d’enseignement des langues de l’Ontario. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans toutes les provinces. Nous avons du pain sur la planche.
Nous devons réfléchir aux effets permanents des politiques sociales et du racisme sur la santé physique, la santé mentale, l’économie et la justice et à la manière dont le développement de la résilience et la promotion d’environnements résilients, sûrs et stimulants feront du Canada un pays où nous pouvons tous réussir.
Voici mon message aux enfants et aux jeunes : nous avons besoin de vous. Le Canada a besoin de vous, de vos idées, de votre créativité et de votre innovation. Vous représentez la totalité de notre avenir. Merci.
La bataille de la colline 187
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Pendant la Guerre de Corée, plus de 26 000 volontaires canadiens ont franchi l’océan Pacifique pour se rendre dans la péninsule de Corée afin de protéger la population de la Corée du Sud. Parmi tous les courageux soldats qui ont péri au combat, environ 5 % ont trouvé la mort dans l’une des batailles les plus dévastatrices de la guerre pour les Canadiens, la bataille de la colline 187.
Sur la colline 187, le 3e Bataillon du Royal Canadian Regiment a défendu héroïquement sa position contre les troupes chinoises, beaucoup plus nombreuses et déterminées à rependre le contrôle de l’endroit. Cette bataille fut l’un des derniers affrontements de la guerre.
Aujourd’hui, elle est pour ainsi dire oubliée, et c’est une véritable tragédie, considérant le prix qu’il a fallu payer pour conserver la colline 187.
Quelques semaines après l’arrivée en Corée du Sud du 3e Bataillon, qui était sous le commandement du lieutenant-colonel K. L. Campbell, l’ennemi a voulu savoir à qui il avait affaire. Dans la soirée du 2 mai 1953, le lieutenant Gerard Meynell et son unité effectuaient une patrouille quand ils ont été attaqués. La moitié des hommes de Meynell ont été tués ou blessés, et le lieutenant lui‑même a perdu la vie. Les survivants se sont repliés sur leur position juste au moment où l’avant-garde chinoise leur tombait dessus.
Pendant toute la nuit et la journée du lendemain, les Chinois ont envoyé des vagues successives de soldats à l’assaut du 3e Bataillon, sous un feu nourri d’artillerie. Quand les réserves de munitions ont commencé à diminuer, les Canadiens ont été forcés de livrer un combat corps à corps dans une tentative désespérée de maintenir leur position. À un moment critique de cette mêlée chaotique, le lieutenant Ed Hollyer a demandé à l’artillerie d’ouvrir le feu sur la position où il se trouvait parce que celle-ci risquait de tomber aux mains des troupes d’assaut chinoises, qui comptaient plus de 800 soldats.
Le regretté Don Sudden, un ami très cher et un héros de la guerre de Corée qui s’était porté volontaire pour servir outre-mer, a participé à la bataille de la colline 187 en tant qu’artilleur de première ligne.
Le régiment a fait son devoir et a défendu la colline. Cependant, cet exploit a coûté la vie à 26 Canadiens, 27 autres ont été blessés et 7 ont été faits prisonniers. Parmi les soldats qui ont participé à la bataille de la colline 187, deux ont reçu la croix militaire, trois une médaille militaire et cinq une citation à l’ordre du jour.
Une fois terminée, la bataille n’a pas fait couler beaucoup d’encre au Canada mais, à peine huit semaines plus tard, soit le 27 juillet 1953, l’armistice était signé mettant ainsi fin aux hostilités.
Honorables sénateurs, alors que les anciens combattants comme Don Sudden nous quittent, il importe plus que jamais de reconnaître et de rappeler les sacrifices qu’ils ont consentis pour que nous nous souvenions toujours de la contribution du Canada au maintien de la paix et de la stabilité en Corée du Sud. Nous ne les oublierons jamais.
(1410)
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Excellence Tomasz Grodzki, Président du Sénat de la République de Pologne, de Witold Dzielski, ambassadeur de la Pologne au Canada, et d’une délégation du Sénat de la Pologne.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée mondiale de la liberté de la presse
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, hier, le 3 mai, c’était le 30e anniversaire de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Pour souligner cette journée, j’ai participé, avec d’autres parlementaires, au dîner annuel de la Journée mondiale de la liberté de la presse, au cours duquel nous avons eu le plaisir d’entendre des journalistes et des chefs du service des nouvelles nous parler du harcèlement en ligne dont sont victimes les femmes et les journalistes marginalisés.
Toutefois, je dois avouer que j’utilise le mot « plaisir » avec circonspection, compte tenu du stress et de l’intimidation que vivent actuellement nos collègues des médias. Comme beaucoup le savent, le harcèlement et les menaces en ligne contre les journalistes ont atteint un niveau record au Canada, et de nombreux journalistes reçoivent régulièrement des messages haineux, racistes, sexistes, misogynes ou autrement violents. Certains ont même été agressés physiquement et ont fait l’objet de chantage exercé au moyen de menaces de violence envers leur famille.
Ce comportement inacceptable se produit même si la Charte canadienne des droits et libertés garantit la liberté de la presse. Nous savons tous ce qui se passe dans les pays qui n’offrent pas les protections garanties par la Charte.
Idéalement, nous devrions dialoguer respectueusement avec les médias et les journalistes, que ce soit en ligne ou en personne. Nous devons et nous pouvons faire mieux, car une atteinte à la liberté de la presse au Canada est une atteinte à notre droit de savoir.
Selon Reporters sans frontières, en 2022, 533 journalistes ont été détenus dans le monde, un nouveau record, 57 ont été assassinés, 65 ont été pris en otage, et 49 sont toujours portés disparus. Nos pensées accompagnent le journaliste américain Evan Gershkovich, détenu en Russie depuis la fin du mois de mars pour avoir fait son travail, qui consiste à diffuser de l’information au monde entier depuis un État autoritaire.
Ces violences se produisent alors que les médias d’information doivent faire face aux difficultés associées à l’évolution constante du monde numérique. C’est au moment où nous avons le plus besoin d’eux que nous voyons de plus en plus de médias d’information contraints de fermer leurs portes ou de réduire leur personnel.
Dans notre pays, la protection de la liberté de la presse dépend en grande partie d’une infrastructure médiatique efficace qui soutient un large éventail de professionnels de ce secteur. Il nous faut plus de voix, et non pas moins.
Pour conclure, je tiens à remercier les journalistes du Canada et du monde entier pour leur travail acharné et leur dévouement à l’égard de la vérité, de la transparence et de la responsabilité. La liberté de la presse est un fondement de notre démocratie et doit être protégée.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’étudiants de la Dr. Eric Jackman Institute of Child Study Laboratory School de l’Université de Toronto. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Omidvar.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’organisme Autism Speaks Canada
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, même si le Mois de la sensibilisation à l’autisme est maintenant terminé — mois qu’on appelle de plus en plus le Mois de l’acceptation de l’autisme —, les défis auxquels les autistes canadiens doivent faire face et la réponse à ces défis durent toute l’année.
J’ai mentionné le passage de « sensibilisation » à « acceptation » dans la désignation du mois d’avril et c’est une différence fondamentale, comme nous l’avons appris dans le cadre de l’étude du projet de loi S-203.
Même si le mot « autisme » a largement été adopté dans la langue courante, il reste du travail de sensibilisation à faire quant à ce que cela signifie d’être autiste, à ce que les autistes peuvent faire et à la contribution qu’ils peuvent apporter au monde autour d’eux. C’est là où interviennent des organismes comme Autism Speaks Canada et bien d’autres.
Dimanche dernier, j’ai eu le plaisir de passer une matinée avec Autism Speaks Canada, à Toronto, à l’occasion d’un événement mettant en lumière l’excellent travail accompli par cet organisme et par ses partenaires.
Un des principes directeurs de l’organisme est : est d’améliorer la vie des gens aujourd’hui et d’accélérer l’avènement des solutions de demain. Un des principaux objectifs des efforts de l’organisme est de faire du Canada un pays inclusif où les autistes peuvent atteindre leur plein potentiel.
Autism Speaks Canada travaille à écouter la communauté des autistes et à apprendre d’elle. L’organisme est fier d’être, parmi les organismes qui œuvrent auprès des autistes, celui qui a la plus grande portée, mais aussi le plus apprécié du secteur de bienfaisance au Canada.
Je tenais à saisir l’occasion pour féliciter cet organisme et le remercier de tout ce qu’il fait.
Je remercie tout particulièrement la directrice exécutive, Jill Farber, de ses efforts soutenus et de son dévouement inébranlable envers les Canadiens autistes et leur famille.
Je remercie également Neil Forester et son partenaire d’affaires Xavier Pinto, qui dirigent un salon de l’emploi appelé Spectrum Works. Neil a communiqué avec moi pour la première fois l’an dernier après avoir vu un reportage sur le projet de loi S-203. Il a communiqué avec mon bureau pour me parler de son projet incroyable qui vise à jumeler des Canadiens autistes à des employeurs.
À ses débuts, ce salon de l’emploi était de faible envergure et se déroulait en personne, mais, évidemment, la pandémie a forcé les organisateurs à le tenir en ligne. Maintenant, les organisateurs envisagent un retour au format en personne tout en maintenant le format en ligne et ils espèrent lui donner beaucoup plus d’envergure.
Il s’agit d’une initiative incroyable et essentielle. Or, il ne devrait pas toujours appartenir à des organismes comme Autism Speaks Canada ou à des particuliers comme Neil et Xavier d’entreprendre de tels efforts. Le gouvernement, le secteur privé du Canada et les gens de tous les horizons doivent s’impliquer.
Enfin, je tiens à rendre hommage aux deux personnes les plus spéciales que j’ai eu le plaisir de rencontrer dimanche : Arjun Goenka, ambassadeur national de Team Up, un jeune homme qui est venu parler de sa passion pour la course; ainsi qu’une petite fille appelée Faith Abraham, ambassadrice de la marche de Toronto, qui a conquis le cœur de toutes les personnes présentes à cette activité.
Ce sont ces personnes qui m’inspirent et me poussent à poursuivre la lutte pour un Canada inclusif où toutes les parties unissent leur voix pour bâtir en équipe ce grand pays. Merci, chers collègues.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Ousmanou Ngam et d’Anaïs Astrid Bytha. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Gerba.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
La Semaine de la santé mentale
La Semaine nationale de la police
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, j’aimerais vous rappeler aujourd’hui que c’est en mai qu’ont lieu la Semaine de la santé mentale et la Semaine nationale de la police. Les personnes en crise représentent 40 % des appels à la police, une hausse considérable par rapport à il y a 10 ans.
Les services offerts aux personnes en état de crise n’ont pas suivi la cadence, malgré toutes les bonnes intentions des travailleurs. Résultat : faute de soutien ou de solutions concrètes pour ceux qui souffrent, les mêmes personnes s’enferment dans un cercle vicieux et exigent continuellement l’intervention de la police.
La situation affecte aussi les policiers. Les problèmes de santé mentale causés par les traumatismes qu’ils subissent lorsqu’ils sont les premiers arrivés sur les lieux d’un appel ont un effet dévastateur sur les agents des quatre coins du pays.
Selon un rapport de l’ombudsman de l’Ontario, les policiers sont plus susceptibles de se suicider que de succomber à un crime violent. Selon une étude portant sur deux services de police du Canada, 88 % des policiers disent éprouver des symptômes d’anxiété allant de modérés à graves. Selon un rapport du coroner en chef de l’Ontario, dans certains services de police de la province, 20 % des policiers sont en congé pour cause de maladie mentale.
Ces problèmes ne sont plus relégués dans l’ombre et sont de plus en plus souvent évoqués publiquement, et j’en suis reconnaissante aux policiers qui ont enduré des traumatismes, qui ont réussi, à force de militer sans relâche, à faire connaître leur réalité et à obtenir des ressources pour leurs collègues et eux.
L’un d’entre eux est présent parmi nous aujourd’hui. Dave Blair, un agent de la Police provinciale de l’Ontario à la retraite, s’est porté volontaire et travaille sans relâche afin de sensibiliser les gens à cette cause et d’obtenir de l’aide pour les policiers et les premiers répondants qui souffrent des effets cumulatifs du syndrome de stress post-traumatique et des préjudices moraux. Il a joué un rôle déterminant dans la mise en place d’un programme californien en Ontario.
Lui et de nombreux pairs continuent de travailler dur pour soutenir les personnes qui en ont besoin sur la voie de la guérison.
Honorables sénateurs, il y a une forte réduction du nombre de candidats aux fonctions de policier. Les services de police connaissent à leur tour une grave pénurie de personnel, ce qui ne fait qu’aggraver la situation. Le nombre d’appels associés à des traumatismes est trop élevé, et le nombre de personnes disponibles pour y répondre est insuffisant.
Ce week-end à Toronto, les noms de quatre policiers décédés dans l’exercice de leurs fonctions cette année seront ajoutés au monument commémoratif de la police de l’Ontario, soit les agents Northrup, Russell, Hong et Pierzchala.
Je souhaite que tous les policiers qui ont répondu à ces appels et qui souffrent aujourd’hui puissent recevoir tout le soutien dont ils ont besoin. Dans les affaires policières, on ne peut pas ignorer ce que l’on a entendu et vu ni effacer ce qui a été fait. Que leur parcours les conduise vers la lumière et non vers l’ombre. Je vous remercie de votre attention.
Des voix : Bravo!
(1420)
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Dave Blair, agent à la retraite de la Police provinciale de l’Ontario. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Boniface.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Affaires étrangères et commerce international
La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada—Préavis de motion tendant à inscrire à l’ordre du jour le vingt-sixième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-deuxième législature
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le vingt-sixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international intitulé La diplomatie culturelle à l’avant-scène de la politique étrangère du Canada, déposé au Sénat le 11 juin 2019, durant la première session de la quarante-deuxième législature, soit inscrit à l’ordre du jour sous la rubrique Autres affaires, Rapports de comités – Autres, pour étude à la prochaine séance.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
L’ingérence étrangère
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, je reviens sur la réponse que vous avez donnée hier au sujet de l’ingérence étrangère et sur vos observations au sujet du respect.
L’opposition officielle voue un grand respect à l’institution qu’est le Parlement. C’est plutôt le premier ministre et son gouvernement incompétent qu’elle ne respecte pas. L’opposition éprouve un immense respect pour l’institution qu’est le Parlement.
Monsieur le leader, nous avons posé des questions au gouvernement au sujet du pire scandale de l’ère Trudeau — aux dires même du libéral Warren Kinsella —, et vous, monsieur le leader, refusez de répondre parce que vous n’aimez pas nos questions. Or, cette attitude constitue un manque de respect envers le Parlement.
Voici ce que Mme Cherie Henderson, directrice adjointe au Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, a déclaré au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, le 9 février 2023 :
Nous avons vu des cas précis d’activités hostiles d’États menées contre des politiciens. Nous informons alors notre gouvernement des défis auxquels nous sommes confrontés.
Monsieur le leader, cette affirmation contredit la déclaration du premier ministre et bien sûr, ce que vous avez dit hier. Qui dit la vérité, monsieur le leader?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.
Comme je l’ai indiqué hier, le premier ministre a clairement et catégoriquement affirmé ne pas avoir été informé par le SCRS des pressions et des menaces visant la famille du député fédéral Michael Chong. Il l’a affirmé clairement et catégoriquement. Le premier ministre a déclaré à l’ensemble des Canadiens que c’est en lisant le Globe and Mail qu’il a appris l’affaire. J’estime que cette déclaration se passe d’explication et qu’elle doit être considérée comme vraie.
Le sénateur Plett : Ces affirmations ne peuvent pas être vraies toutes les deux, monsieur le leader. Les gens du SCRS soutiennent avoir brossé un portrait détaillé au premier ministre des menaces de la part de gouvernements étrangers pesant contre des parlementaires, mais le premier ministre et vous soutenez que c’est faux. Je ne sais plus comment interpréter vos réponses, pour être honnête. Vous dites une chose, mais ils en disent une autre.
Monsieur le leader, je vous ai demandé hier si d’autres parlementaires ou proches de parlementaires avaient fait l’objet de menaces. Pendant la période des questions de la Chambre des communes, hier, la même question a été reprise par des députés de tous les partis, mais ils n’ont obtenu aucune réponse.
Vous n’aimez peut-être pas ces questions, monsieur le leader. Vous estimez peut-être même que vous ne devriez pas vous abaisser à y répondre, mais ne vous en déplaise, mon travail consiste à demander des comptes au gouvernement, et le vôtre, à répondre à nos questions.
Les menaces que font les gouvernements étrangers contre les parlementaires ou les membres de leur famille constituent un problème extrêmement grave, monsieur le leader, et si le gouvernement Trudeau ne peut toujours pas répondre à cette question, c’est qu’il est vraiment incompétent.
Je repose donc la question : y a-t-il d’autres parlementaires ou proches de parlementaires qui ont reçu des menaces, oui ou non?
Le sénateur Gold : J’ai répondu à chacune des questions que vous m’avez posées. Vous n’aimez peut-être pas mes réponses, et il arrive parfois que je n’en aie pas — je le dis en toute honnêteté et intégrité.
Je répète donc ma réponse : je n’ai eu connaissance d’aucune autre menace de ce genre et aucune autre menace de ce genre n’a été portée à mon attention, comme je le disais hier.
Quand vous dites que mes affirmations ne peuvent être vraies toutes les deux, sénateur Plett — et vous me pardonnerez de tomber un instant dans la pédagogie —, mais la déclaration exacte du SCRS était : « Chaque fois que nous prenons connaissance d’une menace contre un député, nous en informons le premier ministre. » Alors à moins de vous avoir mal compris — je n’ai pas la transcription dont vous parlez —, il n’y a aucune contradiction là‑dedans.
La réponse du premier ministre concernait les mesures prises contre la famille de M. Chong à Hong Kong et les menaces dont elle a fait ouvertement l’objet, elle était parfaitement limpide et je vous la répète aujourd’hui.
[Français]
La justice
La prévention de la violence faite aux femmes
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Sénateur Gold, Radio‑Canada nous a appris, le 29 avril dernier, que votre gouvernement procédera, en septembre prochain, à des compressions budgétaires de 145 millions de dollars dans le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.
Selon les réponses à mes questions des gestionnaires de ce réseau, plusieurs centres d’hébergement de toutes les provinces devront fermer leurs portes ou réduire radicalement le nombre de femmes hébergées.
Sénateur Gold, considérant le fait que, entre 2019 et 2022, le nombre de femmes assassinées dans un contexte de violence conjugale a augmenté de 20 % au Canada, cette décision de votre gouvernement est-elle respectueuse envers les femmes victimes de violence, oui ou non?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question.
Voici la position du gouvernement : le gouvernement fait beaucoup et dans plusieurs domaines, non seulement pour aider les victimes de violence familiale et conjugale, mais aussi pour faire en sorte que, dans le cadre des projets de loi, les droits des victimes soient mieux protégés et respectés. Cela comprend les mesures inscrites dans le projet de loi S-12 dont nous allons débattre et que nous allons étudier davantage à compter de la semaine prochaine.
Les décisions budgétaires qu’un gouvernement doit prendre face aux multiples demandes et défis n’ont rien à voir avec le respect et l’engagement de ce gouvernement envers les victimes de violence.
Le sénateur Boisvenu : Sénateur Gold, en plus d’effectuer ces compressions budgétaires de 145 millions de dollars en septembre prochain, votre gouvernement adopte des projets de loi qui mettent la sécurité des femmes en danger parce qu’il permet à des agresseurs de se trouver à proximité des femmes agressées; je fais référence au projet de loi C-5, lequel a été adopté.
Votre gouvernement s’engage-t-il à ne pas effectuer ces compressions budgétaires de 145 millions de dollars en septembre prochain, oui ou non?
(1430)
Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question, mais je vais m’informer des intentions gouvernementales au fil des jours et des semaines qui viennent. Je vous reviendrai avec une réponse sous peu.
[Traduction]
L’innovation, les sciences et le développement économique
L’intelligence artificielle et les données
L’honorable Stan Kutcher : Sénateur Gold, on sonne l’alarme partout dans le monde au sujet des effets extrêmement perturbateurs — et pas dans le bon sens — de l’intelligence artificielle générative sur la santé des gens et des populations, les processus et les institutions démocratiques, le travail, le développement économique, les arts, la culture et pratiquement tous les aspects du comportement humain. Cela ne tient même pas compte des torts qui peuvent être causés si ce qu’on appelle des données toxiques se retrouvent dans l’univers de l’intelligence artificielle. Si le déluge de fausses informations qui circulent dans les médias sociaux actuels peut servir d’exemple, nous devrions nous attendre à ce que cela se produise également dans l’intelligence artificielle.
Ma question est la suivante : compte tenu des activités en cours aux États-Unis, notamment l’élaboration d’une déclaration des droits relatifs à l’intelligence artificielle et d’un cadre de gestion des risques relatifs à l’intelligence artificielle relevant directement de la Maison-Blanche, et alors que le projet de loi C-27 doit être étudié par un comité à l’autre endroit, que fait actuellement le gouvernement canadien pour gérer l’incidence de l’intelligence artificielle au Canada?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. La technologie de l’intelligence artificielle a énormément de potentiel, mais elle présente aussi des risques considérables et doit être utilisée de manière responsable et réglementée adéquatement.
En ce qui concerne l’un des aspects de votre question, le ministre Champagne collabore déjà activement avec des experts de premier plan dans le domaine ainsi qu’avec des homologues d’autres pays. Les Canadiens doivent, entre autres, avoir l’assurance que la réglementation est appropriée et que leurs données et leur vie privée sont respectées.
Monsieur le sénateur, vous avez parlé du projet de loi C-27. Il s’agit d’un élément important, mais pas le seul, permettant de s’attaquer aux problèmes que pose la technologie de l’intelligence artificielle. Ce projet de loi garantira que les Canadiens bénéficient d’une protection de premier ordre de leur vie privée et de leurs données et que les entreprises respectent ces règles, sous peine d’en subir les conséquences. En ce qui concerne l’intelligence artificielle, le projet de loi mettra également en place des garde-fous pour s’assurer que la technologie de l’intelligence artificielle est développée et déployée de manière responsable, et il prévoira des sanctions en cas de non-conformité.
Le sénateur Kutcher : Sénateur Gold, je crois comprendre que le Japon a mis sur pied un comité consultatif national sur l’intelligence artificielle et que d’autres pays cherchent à mieux comprendre ces technologies et à définir les façons proactives d’en tirer avantage. Le Japon présidera la prochaine rencontre du G7. Ce dossier est-il au programme? Le Canada participe-t-il à d’autres forums internationaux pour discuter de cette question avec des pays aux vues similaires?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question complémentaire. Le ministre Champagne a récemment convoqué une réunion d’urgence du Conseil consultatif en matière d’intelligence artificielle du Canada précisément sur le sujet de l’intelligence artificielle générative dans le but d’entendre des experts sur les voies à suivre pour assurer aux Canadiens que l’intelligence artificielle sera utilisée de façon responsable.
De plus, le gouvernement collabore avec ses partenaires du G7 pour assurer la progression de règlements sur les risques élevés de l’intelligence artificielle. Il discute également de ce sujet avec l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Partenariat mondial sur l’intelligence artificielle. Comme j’y ai fait allusion dans ma réponse précédente, le ministre Champagne rencontre effectivement des partenaires internationaux, y compris le Japon, pour coordonner la réglementation internationale responsable sur l’intelligence artificielle.
Les transports
Les exigences en matière de déclaration maritime
L’honorable Dennis Glen Patterson : Sénateur Gold, depuis juillet 2012, Transports Canada oblige les navires de 300 tonnes et plus à signaler leur présence à la Garde côtière canadienne par l’intermédiaire du Système de trafic de l’Arctique canadien, afin d’améliorer notre connaissance des navires se trouvant dans les eaux canadiennes et de renforcer la connaissance du domaine maritime. Cependant, une lettre du 8 mars 2023 de l’Association des municipalités du Nunavut adressée à l’ancien commandant de la Force opérationnelle interarmées (Nord), le colonel à la retraite Pierre Leblanc, indique : « [...] nous continuons à constater davantage d’activités de navigation dans les eaux du Nord, dont beaucoup ne sont pas annoncées. » Une augmentation de 40 % a été constatée ces dernières années.
Dans une lettre qu’il m’a récemment adressée, le colonel Leblanc a invoqué plusieurs raisons pour justifier l’abaissement du tonnage à 15 tonnes et plus. Il s’agit notamment de mettre un terme à la pêche illégale, d’accroître la connaissance du domaine maritime, de répondre aux communautés inuites contrariées par l’arrivée inopinée de super-yachts, et ainsi de suite.
Sénateur Gold, voici ma question : le gouvernement envisagera-t-il d’abaisser les exigences de déclaration à 15 tonnes en réponse aux municipalités inuites du Nunavut et aux experts de la défense? Cela peut se faire d’un simple trait de plume réglementaire.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Patterson, merci pour votre question et pour avoir attiré mon attention sur ce point. Je n’étais pas au courant de cette correspondance.
Je serais heureux de me renseigner à ce sujet, et peut-être pourrions-nous nous rencontrer. Vous pourriez m’informer davantage afin que mes démarches auprès du gouvernement soient d’autant plus productives. S’il est utile d’organiser une réunion avec les fonctionnaires du ministère responsable, vous savez que mon bureau est toujours heureux de le faire pour vous ou pour tout autre sénateur sur une question de cette importance.
Le sénateur D. Patterson : Je vous remercie de votre réponse, sénateur Gold. Dans son sixième rapport, la vérificatrice générale du Canada a indiqué que les problèmes de longue date comprennent une surveillance incomplète des eaux arctiques canadiennes et des données insuffisantes sur le trafic des navires dans ces eaux. La nécessité d’améliorer la surveillance dans l’Arctique a également été soulevée dans le rapport du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes publié en avril 2023 et intitulé Un Arctique sécurisé et souverain.
Sénateur Gold, compte tenu notamment des réalités géopolitiques actuelles qui découlent de la guerre en Ukraine et du fait que la Chine se décrit comme un État quasi arctique, convenez-vous que le Canada devrait redoubler d’efforts pour protéger son territoire arctique et améliorer sa connaissance du domaine maritime en général?
Le sénateur Gold : Je suis bien d’avis qu’il faut défendre et protéger l’Arctique et ses habitants. C’est un écosystème, et il est essentiel d’exercer notre souveraineté dans l’Arctique. Je crois comprendre — et j’ai annoncé cela à maintes reprises, alors je vais m’en tenir à des observations générales — que le gouvernement du Canada a fait des investissements importants dans tous ces aspects, qu’il s’agisse de renforcer le NORAD ou d’investir dans de l’équipement pour que nous puissions encore mieux établir et protéger notre souveraineté.
Encore une fois, ce sont des questions dont je serais heureux de discuter davantage avec vous, mais le gouvernement a pris des engagements importants dans ce dossier. Ses investissements et ses engagements en ce qui concerne les budgets et la relation du Canada avec les États-Unis et ses alliés témoignent de cet engagement.
[Français]
Les services publics et l’approvisionnement
Postes Canada
L’honorable Pierre J. Dalphond : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
[Traduction]
Sénateur Gold, le projet de loi d’exécution du budget propose de modifier l’article 41 de la Loi sur la Société canadienne des postes. Cette modification vise à assurer la constitutionnalité de l’inspection des colis de Postes Canada par les inspecteurs de Postes Canada. Il s’agit d’une modification qui réglera probablement le problème soulevé par la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador l’an dernier dans la décision du Gorman.
Cependant, cette modification n’autorise pas les inspecteurs à ouvrir les lettres livrées par Postes Canada même s’ils ont des raisons de soupçonner la présence de produits dangereux tels que le fentanyl. Comme je l’ai déjà dit, l’expédition de lettres par l’entremise de Postes Canada est le mode de livraison favori des trafiquants de fentanyl.
Le gouvernement envisagera-t-il de modifier la section 30 du projet de loi budgétaire afin de permettre l’inspection des lettres par les inspecteurs de Postes Canada qui ont des motifs raisonnables de soupçonner la présence de fentanyl dans celles-ci?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de votre engagement à l’égard de ce dossier important, monsieur le sénateur. Comme vous l’avez souligné à juste titre, la modification dont vous parlez était une réponse directe à une situation bien précise : la modification reflète la pratique habituelle de Postes Canada qui consiste à n’inspecter les colis que s’il y a des raisons de soupçonner la présence de matériel interdit à l’intérieur. À cet égard, cette modification ne change pas les pratiques quotidiennes, bien qu’elle règle la question de la constitutionnalité.
Cela dit, le gouvernement estime qu’une réforme plus large du traitement et de l’inspection du courrier nécessite une étude approfondie et probablement plus de changements qu’une simple disposition dans la loi d’exécution du budget.
À cet égard, je serais très heureux de faciliter une réunion entre la ministre et vous pour discuter plus en détail de cette question. Je ne sais pas, à ce stade du processus législatif, si votre suggestion peut être prise en considération. Toutefois, elle mérite certainement d’être discutée. Je serais heureux de faciliter cette discussion.
(1440)
Le sénateur Dalphond : Sénateur Gold, en 2017, le Parlement a adopté le projet de loi C-37 autorisant les agents des douanes à ouvrir le courrier en raison du problème des importations de fentanyl en provenance de l’étranger.
Ne pensez-vous pas que le moment est venu pour les inspecteurs de Postes Canada d’avoir le même pouvoir en ce qui concerne les lettres provenant de l’intérieur du pays?
Le sénateur Gold : En ma qualité de représentant du gouvernement, je comprends la logique de votre proposition. C’est une question qu’il me faudrait aborder plus en profondeur. Je vous invite à prendre part à ces discussions.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les demandes de visas
L’honorable Salma Ataullahjan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, jeudi dernier, j’ai posé une question sur le délai d’attente inacceptable pour les visas de visiteur pour le Pakistan, qui était de 638 jours. Hier, des membres de la communauté m’ont dit que ce délai était passé cette semaine à 802 jours — c’est inhumain.
Leader, cela signifie que les membres de la famille doivent attendre près de deux ans avant de pouvoir rendre visite à leurs proches. Que fait-on pour réduire le temps d’attente pour les visas?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement a déployé des efforts et des ressources considérables pour accélérer le processus, qui est d’une longueur inacceptable pour beaucoup trop de demandeurs et leurs familles.
Le gouvernement traite ces demandes plus rapidement qu’avant la pandémie, à un rythme de plus ou moins 200 000 demandes par mois. Cela a été rendu possible par la numérisation de certains processus et l’embauche de nouveaux employés.
Les chiffres que vous rapportez sont très préoccupants. Je vais me renseigner, madame la sénatrice. Nous espérons tous voir la situation s’améliorer. J’espère obtenir bientôt une réponse à ce sujet.
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, vous dites que le processus est plus rapide et qu’il a été numérisé. Néanmoins, entre jeudi dernier et mercredi de cette semaine, le temps de traitement est passé à 802 jours.
Sénateur Gold, je tiens à vous lire un des messages que j’ai reçus :
Pourquoi sommes-nous les plus durement touchés? Nous participons au marché du travail, nous payons des impôts, et pourtant, personne ne nous aide. Le bureau canadien des visas aux Émirats arabes unis est le plus pénible de tous.
Que dois-je dire à cet homme et à d’autres qui se sentent abandonnés par le gouvernement libéral?
Le sénateur Gold : Encore une fois, sénatrice, je vous sais gré de votre question et, plus important encore, je sympathise avec ceux qui attendent.
Je ne suis pas en mesure d’expliquer pourquoi le temps de traitement a changé dans cet intervalle. Je réitère mon engagement à essayer de trouver la réponse le plus rapidement possible.
La santé
La réglementation des liquides à vapoter
L’honorable Judith G. Seidman : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
En juin 2021, Santé Canada a proposé des modifications réglementaires aux arômes autorisés dans les produits de vapotage et a lancé une consultation. Voici un extrait du communiqué de presse publié par Santé Canada à cette occasion :
La recherche montre que les produits de vapotage aromatisés sont très attrayants pour les jeunes, et que les jeunes sont particulièrement sensibles aux effets indésirables de la nicotine, notamment l’altération le développement du cerveau, ce qui engendre des défis au niveau de la mémoire et la concentration.
Selon l’Enquête canadienne sur le tabac et la nicotine de 2021, les arômes les plus utilisés par les jeunes de 15 à 19 ans sont des arômes de fruit.
Dans un communiqué publié le 12 mars 2023, l’organisme Médecins pour un Canada sans fumée fait un triste constat :
Plus de 600 jours se sont écoulés depuis la dernière fois où des responsables fédéraux ont signalé la moindre intention de mettre la touche finale à ce règlement. Il semble donc prudent de conclure que la proposition d’interdire les arômes a été oubliée et abandonnée.
Sénateur Gold, le gouvernement fédéral a-t-il simplement abandonné l’idée d’interdire les produits de vapotage aromatisés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Pour répondre brièvement, je ne sais pas où en est cette initiative, mais je me renseignerai.
Par ailleurs, on peut décidément se réjouir du fait qu’il y a maintenant beaucoup moins de gens, notamment beaucoup moins de jeunes, qui fument, c’est-à-dire qui font brûler du tabac pour en inhaler la fumée. Il faut toutefois se préoccuper de l’utilisation croissante de produits de vapotage infusés de nicotine, et de la dépendance que ceux-ci créent inévitablement.
Je me renseignerai, madame la sénatrice. J’espère obtenir une réponse dès que possible.
La sénatrice Seidman : Il est abondamment prouvé que le vapotage ouvre la voie au tabagisme, à l’usage du tabac ou de la cigarette. C’est inquiétant. Notre pays affiche certains des plus hauts taux de vapotage chez les jeunes.
Ma question complémentaire est la suivante. Mardi, l’Australie a présenté des mesures de réforme pour renforcer sa loi déjà très stricte sur le vapotage. Ce pays a banni toutes les vapoteuses jetables. Les consommateurs devront dorénavant se procurer une ordonnance pour tous les produits de vapotage qui continueront d’être autorisés par la loi.
Au Québec, ma province et la vôtre, le gouvernement prend aussi des mesures. En avril, il a emboîté le pas à la Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et aux Territoires du Nord-Ouest pour interdire tous les produits de vapotage aromatisés.
Sénateur Gold, de 2017 à 2019, le taux de vapotage chez les jeunes a doublé. Le gouvernement a les données en main, il doit agir maintenant. Quand, précisément, le gouvernement agira-t-il pour interdire les produits de vapotage aromatisés?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de ces renseignements additionnels. Ma réponse demeure la même. Je vais m’informer à ce sujet.
Les affaires étrangères
L’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises
L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, je reviens sur la question que je vous avais posée après avoir indiqué que Chevron, la multinationale étatsunienne de l’énergie, a récemment annoncé qu’elle vendait sa part de 41,1 % dans le projet de champ gazier de Yadana, au Myanmar, à une filiale de MTI Energy Inc., dont le siège social se trouve à Edmonton.
Pour sa part, TotalEnergies, une entreprise française, a annoncé en janvier 2021 qu’elle quittait le Myanmar à cause des violations des droits de la personne et de la dégradation du respect de la primauté du droit.
Voici la question que j’avais posée : pourquoi les entreprises canadiennes sont-elles autorisées à investir dans ce régime brutal au Myanmar? Aujourd’hui, toutefois, ma question concerne le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises. Cet organisme a pour mandat d’examiner les plaintes concernant de possibles violations des droits de la personne par des entreprises canadiennes qui mènent des activités à l’étranger, notamment dans les secteurs vestimentaire, minier et pétrolier et gazier, et de promouvoir l’application des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations unies et des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales.
Sénateur Gold, que fait le Bureau de l’ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises à l’égard des entreprises canadiennes qui permettent au régime brutal de la Tatmadaw d’enfreindre les droits de la personne au Myanmar?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et d’avoir fait mention de la responsabilité du Canada en ce qui concerne la possible implication d’entreprises canadiennes dans des violations des droits de la personne.
Je ne suis pas au courant des activités du bureau de l’ombudsman. Je vais me renseigner et je vous reviendrai là-dessus.
Les relations sino-canadiennes
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, de nombreux incidents survenus sous le gouvernement Trudeau révèlent l’incroyable manque de jugement et de leadership dont le premier ministre fait preuve lorsqu’il s’agit de la dictature de Pékin. Je songe notamment au fait que son gouvernement a, pendant des années, été réticent à bannir Huawei de notre infrastructure 5G.
Sénateur Gold, depuis plus de deux ans — le 30 mars 2021 en fait —, j’ai une question inscrite au Feuilleton du Sénat, dans laquelle je demande des renseignements concernant les contrats que le gouvernement Trudeau a accordés à Huawei depuis 2016.
Depuis octobre 2020, soit depuis plus de deux ans et demi, j’ai une question inscrite au Feuilleton dans laquelle je demande des détails au sujet de l’examen de la sécurité du gouvernement concernant le réseau 5G.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement Trudeau ne veut-il pas répondre à mes questions? Que tentez-vous de nous cacher?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement ne tente pas de cacher quoi que ce soit. En ce qui concerne ses relations — dans ce cas-ci avec la Chine —, le gouvernement agit de manière responsable et prudente sur tous les fronts.
Chers collègues, le gouvernement est déterminé à protéger nos infrastructures et nos institutions contre toute ingérence de la part d’acteurs étrangers ou malveillants, peu importe d’où ils viennent. Nos relations avec la Chine sont complexes. La saga des deux Michael montre à quel point les Canadiens qui résident en Chine ou qui font des affaires en Chine, ou les entreprises qui font des affaires en Chine, sont vulnérables aux mesures coercitives.
(1450)
Le gouvernement doit très souvent agir de manière diplomatique et prudente. C’est ce que fait le gouvernement.
Le sénateur Plett : Bien sûr, ils pourraient alors revenir avec une réponse écrite disant qu’ils ne peuvent pas répondre à notre question. Deux ans et demi se sont écoulés, et je n’ai toujours pas de réponse, sénateur Gold. Hier encore, vous avez indiqué que nous n’avions pas de respect pour cette institution. Comment peut-on parler de respect envers cette institution quand, depuis deux ans et demi, j’ai une question écrite qui reste sans réponse? Vous expliquez dans cette enceinte ce que fait le gouvernement? Pourquoi est-ce si difficile d’obtenir une réponse?
J’ai également une question écrite au Feuilleton concernant le rôle de l’ancienne juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, à titre membre étranger non permanent de la cour d’appel final de Hong Kong. Ma question vise à savoir si le gouvernement Trudeau pense que le maintien de l’ancienne juge en chef McLachlin au sein de cette cour confère une légitimité à l’ingérence de Pékin dans le système juridique de Hong Kong. Il y a plus d’un an, deux juges britanniques ont démissionné de cette cour. Le gouvernement britannique a salué cette décision, déclarant qu’il n’était plus approprié que des juges britanniques y siègent, car leur présence risquait de légitimer l’oppression. Ma question, sénateur Gold, est inscrite au Feuilleton depuis juin dernier.
Monsieur le leader, vous avez récemment indiqué que les difficultés que vous éprouvez à donner des réponses à cette Chambre n’étaient pas le résultat d’un manque de ressources. Quelle en est donc la cause? Comment se fait-il que le gouvernement, c’est-à-dire vous, refusiez de répondre à des questions simples et que vous vous contentiez de défendre ses agissements? Comment se fait-il que cela fasse plus de deux ans et demi que nous ne sommes pas en mesure de recevoir de réponses par écrit?
Le sénateur Gold : Merci de votre question. Je continue à m’efforcer de répondre à toutes les questions qui me sont posées, et le Sénat obtiendra ces réponses lorsqu’elles me seront communiquées.
DÉCLARATION DE SÉNATEUR
La Semaine de la santé mentale
Consentement ayant été accordé de revenir aux déclarations de sénateurs :
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, en cette Semaine de la santé mentale, j’aimerais parler du fait que l’entrepreneuriat numérique est non seulement essentiel pour notre prospérité collective, mais qu’il s’agit aussi d’un outil pour améliorer la santé mentale. Je l’ai constaté de mes propres yeux. Il y a 25 ans, j’étais le PDG d’une entreprise en démarrage qui mettait au point des programmes sophistiqués et fondés sur des données scientifiques pour remédier à de graves troubles de lecture comme la dyslexie. Dans ce domaine hautement technique, nous avons élargi l’accès, réduit les coûts et amélioré les résultats. Ces facteurs ne s’excluent pas mutuellement.
Permettez-moi de citer quelques exemples plus récents. Rise, un programme national basé à Toronto, fournit des prêts ainsi que de l’encadrement et du mentorat dans le domaine des affaires aux personnes qui démarrent des entreprises, en particulier celles qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. Au cours des 10 dernières années, Rise a accordé plus de 3 millions de dollars en prêts à des clients qui ont lancé plus de 700 entreprises variées. L’un de ces entrepreneurs a déclaré à CTV que Rise l’avait non seulement aidé à lancer une entreprise prospère, mais avait aussi contribué à réduire ses symptômes de dépression et d’anxiété, surtout au plus fort de la pandémie. Bien que le fait de donner accès à des ressources qui appuient les passions des gens et qui créent des sources de revenus supplémentaires ne corresponde pas exactement à ce que le médecin a prescrit, il est indéniable que cela aide les gens à s’épanouir malgré leurs problèmes de santé mentale.
Pensons aussi aux familles occupées. Les familles, tant en milieu urbain que rural, ont du mal à avoir accès à des services de soutien en santé mentale. L’institut des familles solides est une organisation fondée sur la recherche menée à l’Université Dalhousie et au centre de soins de santé IWK, en Nouvelle-Écosse. Au cours de la dernière décennie, l’institut s’est efforcé d’accroître l’accès à ses services spécialisés en matière de santé mentale et de troubles du développement. Aujourd’hui, grâce à sa plateforme de prestation électronique de services de santé mentale, qui est axée sur les données, il peut offrir à distance des soins personnalisés aux enfants et à leur famille, dans la plupart des provinces et des territoires du pays.
Enfin, pensons aux parents ayant un enfant qui montre des signes de troubles neurodéveloppementaux. Pour recevoir de l’aide, il faut obtenir un diagnostic officiel. Imaginons l’inquiétude et le désespoir que ressentent ces parents quand ils se rendent compte que cela prendra des années. Heureusement, il y a le programme Outillons nos enfants, qui fournit à distance des stratégies et des outils fondés sur des données probantes permettant aux parents de mieux aider leurs enfants et d’améliorer la vie à la maison. Plus de 400 familles des régions rurales du Canada atlantique ont pu accéder, à partir de chez elles, à ces soins et à ces services de santé mentale fondés sur des données probantes.
Honorables sénateurs, je vous prie d’encourager le développement de modèles novateurs de prestation de programmes de santé mentale, ce qui permettra à davantage de Canadiens de vivre une vie plus productive, joyeuse et saine. Nous devons sortir des sentiers battus et miser sur des outils non conventionnels, comme l’entrepreneuriat, la technologie et le personnel auxiliaire, si nous voulons créer la capacité nécessaire pour répondre aux besoins croissants. Merci.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement
Message des Communes
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-211, Loi édictant la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement et modifiant le Tarif des douanes, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-29, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Félicitations, sénatrice Miville-Dechêne.
Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-29, Loi portant sur un conseil national de réconciliation, et c’est à titre de porte-parole de l’opposition que je le ferai. Ce texte est le moyen qu’a trouvé le gouvernement, après quasiment sept ans d’attente, pour tenter de donner suite aux appels à l’action nos 53 à 56 de la Commission de vérité et réconciliation.
Le projet de loi C-29 établit le cadre qui servira à la constitution d’un conseil national de réconciliation, mais ce cadre était déjà bancal quand il a été présenté au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes. Le comité s’est efforcé d’en corriger les lacunes, mais il en demeure deux sur lesquelles j’attire l’attention des sénateurs. Il s’agit de la composition du conseil d’administration, dont il est question au paragraphe 10(1), et du fait que le texte ne reconnaît pas l’importance de la réconciliation économique comme levier des efforts de réconciliation du Canada avec les peuples autochtones.
Le projet de loi décrit la manière dont le conseil d’administration sera constitué. Il sera composé d’au moins 9 administrateurs et d’au plus 13. Au départ, trois sièges devaient être garantis : un pour l’Assemblée des Premières Nations, un pour l’Inuit Tapiriit Kanatami et un pour le Ralliement national des Métis.
Les témoins entendus nous avons appris que ces trois groupes ne représentent pas l’ensemble des Autochtones, des Inuits ou des Métis du Canada. C’est grâce aux interventions des députés conservateurs du comité que deux autres organisations nationales ont été prises en considération pour ces sièges garantis : l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones.
L’Association des femmes autochtones du Canada permet aux femmes, aux filles et aux personnes de diverses identités de genre autochtones du Canada, y compris les membres des Premières Nations, — qu’elles habitent à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, qu’elles soient inscrites, non inscrites ou privées de leurs droits —, les Métis et les Inuits de se faire entendre. L’association travaille sur divers dossiers, comme l’emploi, la main-d’œuvre et les entreprises; la santé; la sécurité et la prévention de la violence; la justice et les droits de la personne; l’environnement, l’éducation préscolaire et les garderies; ainsi que les affaires internationales.
(1500)
Le Congrès des peuples autochtones représente les intérêts des Métis, des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits et des Inuits du Sud vivant hors réserve du Canada. Il travaille en collaboration avec ses 11 organisations provinciales et territoriales de partout au Canada pour améliorer les conditions socioéconomiques de leurs collectivités dans des régions rurales ou urbaines.
Heureusement, grâce au travail des députés conservateurs et au soutien d’autres partis de l’opposition, le projet de loi a été amendé à l’étape de l’étude en comité afin de prévoir un nombre garanti de sièges pour l’Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des peuples autochtones, en plus de l’Assemblée des Premières Nations, de l’Inuit Tapiriit Kanatami et du Ralliement national des Métis. Or, à l’étape du rapport de la Chambre des communes, le gouvernement libéral a présenté une motion visant précisément à retirer le Congrès des peuples autochtones du paragraphe 10(1) du projet de loi C-29.
Le gouvernement libéral et son allié de la coalition, le NPD, ont voté ensemble pour assurer l’adoption de la motion, réduisant ainsi au silence plus de 800 000 Métis, Indiens inscrits, Indiens non inscrits et Inuits du Sud vivant hors réserve du Canada.
L’appel à l’action no 53 de la Commission de vérité et réconciliation établit les conditions de la mise sur pied du conseil. Il demande :
[...] au Parlement du Canada d’adopter, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, des dispositions législatives visant à mettre sur pied un conseil national de réconciliation. Plus particulièrement, nous demandons que ces dispositions établissent le conseil en tant qu’organisme de surveillance indépendant de portée nationale dont les membres, autochtones et non autochtones, sont nommés conjointement par le gouvernement du Canada et des organisations autochtones nationales.
À noter, rien n’empêche le gouvernement de garantir un siège au conseil, et rien ne précise quelles organisations devraient y siéger. Tout ce que dit l’appel à l’action, c’est que la loi doit prévoir la mise sur pied d’un conseil qui comprend des membres « autochtones et non autochtones [...] et des organisations autochtones nationales ».
Le Canada compte cinq organisations nationales autochtones reconnues, mais seulement trois d’entre elles sont incluses dans le libellé original du projet de loi. Bien que, heureusement, les deux autres aient été ajoutées à l’étape de l’étude en comité, le Congrès des peuples autochtones, une organisation nationale autochtone reconnue, a été retiré par un amendement proposé par les libéraux à la Chambre des communes.
L’un des problèmes flagrants dans le projet de loi C-29 était l’absence de représentation par les Autochtones inscrits et non inscrits qui vivent dans les collectivités principalement urbaines de notre pays. Les conservateurs ont voulu remédier à cette lacune majeure, mais le gouvernement a choisi de priver un grand nombre de personnes du droit de faire entendre leur voix.
En tant qu’ancien chef élu du Congrès des peuples autochtones, le sénateur Brazeau a déclaré ce qui suit :
Si une organisation autochtone reconnue a été exclue, je ne vois pas comment on peut parler de respect, de coopération ou de partenariat.
En outre, l’Inuit Tapiriit Kanatami, l’ITK comme on l’appelle, a fait part de ses propres préoccupations au sujet du paragraphe 10(1), allant même jusqu’à retirer son appui au projet de loi C-29. Le président de l’ITK, Natan Obed, dit craindre que le conseil créé aux termes du projet de loi mine les efforts des Inuits en vue de l’établissement d’une relation directe avec le gouvernement fédéral et de la défense des droits et des intérêts des Inuits, et il ajoute que le projet de loi, dans sa version actuelle, ne comprend pratiquement rien pour exiger du gouvernement fédéral qu’il rende des comptes au sujet du respect de ses obligations en matière de réconciliation.
D’après l’ITK, le conseil proposé forcerait les Inuits — dont les droits ancestraux sont protégés par la Constitution — à s’asseoir en compagnie d’organisations qui ne détiennent pas de droits et le projet de loi pourrait forcer le gouvernement à choisir les personnes qu’il écoutera et le contraindre à agir d’une certaine façon.
L’ITK a maintenant officiellement retiré son appui au projet de loi C-29 et soutient que le gouvernement libéral a tort de prétendre que ce projet de loi a été développé conjointement. Comme l’a affirmé le président Obed :
Pour les Inuits, il est discutable de dire que la façon dont nous avons interagi avec le gouvernement fédéral signifie que le projet de loi a été développé conjointement.
La cheffe de l’Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, a affirmé que le projet de loi C-29 était « très paternaliste et contraire à l’esprit et à l’intention de la réconciliation ». L’assemblée est très inquiète du fait que le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones serait responsable de nommer la majorité des membres du premier conseil d’administration du conseil national de réconciliation proposé.
Cette question a été soulevée par des membres conservateurs du comité, qui ont demandé dans quelle mesure ce conseil serait indépendant si les membres de son conseil d’administration étaient choisis par le ministre des Relations Couronne-Autochtones. Bien que le projet de loi précise que les administrateurs doivent être choisis par le conseil et non par le ministre, il prévoit également que le premier conseil d’administration sera choisi « conjointement » par le ministre et le comité de transition. Cependant, il ne faut pas oublier que les membres du comité de transition ont été sélectionnés par le ministre en décembre 2021.
Pourquoi est-ce important? Le premier conseil d’administration aura pour tâche essentielle de rédiger les statuts constitutifs et d’autres documents fondateurs qui définiront le mode d’élection et les critères d’admissibilité des futurs administrateurs. En d’autres termes, le ministre et son équipe de transition triée sur le volet détermineront l’avenir de ce conseil soi-disant indépendant, dont la mission consiste notamment à ramener le ministre à l’ordre en raison de son piètre bilan en matière de réconciliation.
L’autre lacune de ce projet de loi sur laquelle j’aimerais attirer l’attention des sénateurs est le fait que le projet de loi omet de faire mention de la réconciliation économique comme facteur de véritable réconciliation.
Qu’est-ce que la réconciliation économique? Selon Reconciliation Canada, un organisme qui, par l’entremise de partenariats et de programmes d’action directe dans la collectivité, offre des ateliers sur la réconciliation un peu partout au Canada, la réconciliation économique :
Vise à créer des partenariats fructueux et des occasions avantageuses pour les deux parties fondés sur une approche holistique axée sur les valeurs en vue d’apporter une prospérité économique à l’ensemble de la collectivité.
Cette approche de la prospérité partagée s’appuie sur les valeurs de la communauté dans le but d’influencer les structures, les processus et les milieux afin de stimuler les initiatives favorisant la résilience de la communauté.
L’Assemblée des Premières Nations dit que la réconciliation économique est un processus dans le cadre duquel les Premières Nations tirent un profit des ressources extraites de leurs terres et de leurs eaux pour bâtir leur propre richesse et sont en mesure d’utiliser la richesse découlant de ces ressources.
Le Conseil de gestion financière des Premières Nations est un organisme dirigé par des Autochtones qui vise à fournir des outils et des conseils qui inspireront confiance dans les systèmes de gestion financière et de rapports financiers des Premières Nations dans le but de soutenir le développement économique et communautaire. Cet organisme affirme que la réconciliation économique fait en sorte que la propriété autochtone, l’édification du pays et l’accomplissement personnel sont source de fierté.
L’article 20 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dit :
1. Les peuples autochtones ont le droit de conserver et de développer leurs systèmes ou institutions politiques, économiques et sociaux, de disposer en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres.
Bref, la réconciliation économique repose sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ainsi que sur les partenariats qui créent des possibilités avantageuses pour les peuples autochtones et qui suscitent chez les Autochtones un sentiment de fierté et de réalisation de soi.
La réconciliation économique constitue un pilier important de la réconciliation globale. Elle représente les efforts du Canada visant à renverser l’objectif défini dans la Loi sur les Indiens, qui consistait à exclure les Premières Nations de l’économie nationale. La Loi sur les Indiens contenait des restrictions précises sur l’éducation, sur la manière de quitter une réserve et sur la façon d’obtenir la permission de le faire, ce qui entravait grandement toute forme de commerce ou d’échanges. Elle a restreint l’accès aux zones riches en ressources en créant de minuscules réserves et elle a empêché les Premières Nations d’engager des avocats pour défendre leurs droits. Tandis que les Autochtones sombraient dans la pauvreté et la misère, le reste du Canada se développait et prospérait. Pourtant, le principe de la réconciliation économique n’est absolument pas pris en compte dans le projet de loi.
La réconciliation économique doit être envisagée pour remédier à 155 ans d’échecs des politiques à l’égard des Autochtones, qui ont grandement contribué aux lacunes socio-économiques en matière de logement, d’infrastructures, d’eau et de bien d’autres choses encore.
(1510)
Les peuples autochtones veulent pouvoir régler eux-mêmes leurs problèmes, avec leurs propres ressources, et ils veulent retrouver le sentiment d’autosuffisance et d’honneur dont les a privés la paternaliste, archaïque et irrémédiablement bancale Loi sur les Indiens.
Comme ils sont conscients de tout cela, les conservateurs ont tenté de remédier à la situation en ajoutant l’alinéa suivant à l’article 12 : « f) des organisations autochtones qui mettent l’accent sur la réconciliation économique et la prospérité pour ouvrir la voie à l’autodétermination ».
L’article 12 détaille la composition du conseil d’administration. Y sont mentionnés les aînés autochtones, les Premières Nations, les Inuits, les Métis, les jeunes, les femmes, les hommes, les personnes de diverses identités de genre ainsi que les organisations autochtones au sens de l’article 2 de la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, mais rien sur les organisations qui favorisent la réconciliation économique.
En muselant ainsi plus de 800 000 Autochtones et en niant l’importance de la réconciliation économique, on nuit aux efforts qui pourraient mener à une véritable réconciliation. À la lumière des réserves exprimées par l’Assemblée des Premières Nations et dans la mesure où l’Inuit Tapiriit Kanatami a retiré son appui, j’invite les sénateurs à réfléchir longuement avant d’avaliser cette mesure législative.
C’est l’avenir des peuples autochtones qui doit être au cœur des efforts de réconciliation, pas les intérêts du gouvernement du jour.
Honorables sénateurs, il reste du travail à faire pour régler ce dossier et pour corriger le projet de loi. Je remercie les sénateurs qui ont participé au débat à l’étape de la deuxième lecture pour leurs analyses rigoureuses, les consultations qu’ils ont menées et les efforts qu’ils ont déployés jusqu’ici. La sénatrice Anderson a déclaré ce qui suit :
En tant que parlementaires, nous avons le devoir de mener des études, de poser des questions et de procéder à un second examen objectif pour garantir que, lorsque nous nous penchons sur un projet de loi qui découle des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation en plus d’avoir des répercussions sur les peuples autochtones, nous ne répétons pas les torts historiques du Canada sous le couvert de la réconciliation.
Je partage ce point de vue. Il nous incombe également d’examiner attentivement les projets de loi que nous renvoie la Chambre et de les réexaminer lorsque nous relevons des lacunes et des problèmes flagrants. J’ai bon espoir que c’est précisément ce que fera le Comité des peuples autochtones et que nous ferons de même en tant que Chambre de second examen objectif, dans l’intérêt de toutes les personnes visées par ce projet de loi.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Ratna Omidvar : Je vous remercie, sénatrice Martin, de votre excellent discours. Je profite de l’occasion pour féliciter notre collègue la sénatrice Miville-Dechêne pour l’adoption de son projet de loi.
Je vous remercie d’avoir attiré l’attention du Sénat sur la gouvernance parce que, comme nous le savons, la mauvaise gestion a de graves répercussions sur la réconciliation, notamment dans le cas qui nous intéresse ici.
Vous avez signalé que l’équipe de transition et le premier conseil d’administration seront nécessairement des entités politiques étant donné qu’ils seront mis sur pied dans le cadre d’un processus politique. Je ne peux qu’être d’accord là-dessus. Il y a donc lieu de chercher une solution. Par ailleurs, croyez-vous que le comité devrait examiner la question de la gouvernance indépendante?
La sénatrice Martin : Merci pour votre question, sénatrice Omidvar.
Comme je ne suis pas une spécialiste de la question et que ce sujet est extrêmement important, j’ai fait très attention à ce que j’ai dit. Il convient de prendre en considération la question de savoir qui est représenté au sein de ce conseil d’administration et le fait que plus de 800 000 voix, représentées par le Congrès des peuples autochtones, ne soient pas prises en compte.
Si les membres du comité veulent se pencher sur l’importance de ce pilier de réconciliation économique, ce sont des éléments que le comité devra étudier attentivement.
Je sais qu’un solide avant-projet est en cours d’élaboration. De nombreux témoins seront appelés à comparaître. En tant que membre du Comité des peuples autochtones, j’ai confiance dans le travail du comité. Nous nous efforcerons d’examiner attentivement ces questions au sein du comité.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Martin : Oui.
La sénatrice Dupuis : Merci. Sénatrice Martin, j’ai écouté attentivement votre intervention — et je vous remercie.
Pour ce qui est de votre deuxième point, vous dites qu’il n’y a pas de mention de réconciliation économique. Lorsque je regarde la définition à l’article 12 — puisque vous y avez référé — elle se lit comme suit :
c) des organisations autochtones au sens de l’article 2 de la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, de manière à refléter la diversité des ententes qui régissent les relations entre les collectivités autochtones et le gouvernement du Canada;
À l’article 2 de ladite loi, on définit une organisation autochtone comme suit : « Corps dirigeant autochtone ou toute autre entité qui représente les intérêts d’un groupe autochtone et de ses membres. »
En ce sens, pensez-vous que la formulation actuelle de l’article 12, qui réfère à l’article 2 de la Loi sur le ministère des Services aux Autochtones, n’est pas suffisamment large pour comprendre des organisations qui s’occupent de réconciliation économique?
Merci.
[Traduction]
La sénatrice Martin : Je ne sais pas s’il faut élargir la formulation, mais je pense qu’en tant que comité, nous pourrions examiner s’il conviendrait qu’un groupe — ou peut-être deux — qui se concentre sur la réconciliation économique soit représenté. Encore une fois, c’est quelque chose que nous étudierons attentivement, et il est possible que des amendements soient proposés, par moi-même ou quelqu’un d’autre.
Le sénateur Plett : Bonne réponse.
L’honorable Mary Coyle : Je remercie infiniment notre collègue la sénatrice Martin de tout son travail et d’avoir souligné le travail que nous collègues ont accompli jusqu’à présent. Je suis heureuse de vous entendre nous encourager à renvoyer ce projet de loi à un comité, car il faut vraiment que tous les membres du Comité des peuples autochtones se penchent sur ce projet de loi pour mieux cerner tous les problèmes que vous avez soulevés.
J’aurais une question à poser pour m’assurer que je comprends bien ce que vous dites. Le Congrès des peuples autochtones est une organisation autochtone nationale reconnue, n’est-ce pas? Vous avez fait valoir qu’étant donné que l’Association des femmes autochtones du Canada est une organisation autochtone nationale, elle devrait avoir sa place à cette table. C’est ce que j’ai entendu; je crois que c’est ce que vous avez dit.
Vous avez également dit que 800 000 Autochtones du Canada ne seraient pas représentés si... Je crois que vous avez établi un lien entre ces personnes et ce groupe?
La sénatrice Martin : Oui.
La sénatrice Coyle : D’accord. Voici sur quoi porte ma question. Je ne conteste pas le fait que l’organisme soit une organisation autochtone reconnue. La question qui se pose est celle de la représentation de 800 000 personnes — et je pense que vous parlez surtout d’Autochtones vivant en milieu urbain. Le Comité des peuples autochtones a appris que les autres organisations autochtones nationales travaillent dur, à leur manière, pour représenter les intérêts de leurs membres qui ne vivent pas nécessairement sur leurs territoires — qui vivent dans d’autres parties du pays — et qu’il peut y avoir des problèmes à cet égard, et nous savons qu’il y en a.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Coyle, avez-vous une question?
La sénatrice Coyle : L’Association nationale des centres d’amitié offre des services à beaucoup d’Autochtones en milieu urbain au Canada.
Ma question est la suivante : Dites-vous que si nous voulons que ce nouveau conseil représente ces 800 000 personnes, il faut que ce groupe soit représenté au sein du conseil national? Est-ce la réponse?
La sénatrice Martin : Oui. Ma réponse est oui. Le Congrès des peuples autochtones nous a dit qu’il a un nombre considérable de membres, en plus des organismes provinciaux et territoriaux avec lesquels il collabore. Alors, oui, absolument. J’espère que le comité examinera cette question de près et que toutes les organisations nationales reconnues seront représentées au sein du conseil.
(1520)
La sénatrice Coyle : Je n’ai qu’une question rapide, cette fois-ci. Je tiens à la poser pour préciser le contexte. À votre connaissance, le Congrès des peuples autochtones est une assemblée élue représentant les quelque 800 000 Autochtones qui vivent dans des territoires qui ne sont pas représentés par d’autres organismes nationaux, c’est bien cela?
La sénatrice Martin : En effet. Je ne suis pas l’experte de ces questions au Sénat, mais c’est ce que je comprends d’après ma conversation avec le Congrès des peuples autochtones. Je sais aussi que le sénateur Brazeau a représenté ce groupe, dont il a été le chef élu. L’organisation existe depuis des décennies et devrait avoir sa place au conseil. Je crois, en effet, qu’elle représente tous ceux qui vivent à l’extérieur des réserves ainsi que les Métis, les Indiens inscrits et non inscrits, et les Inuits du Sud qui vivent hors réserve au Canada.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
[Français]
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Audette, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 3 mai 2023, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 9 mai 2023, à 14 heures.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi sur la responsabilité et le registre des agents d’influence étrangers
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Wells, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-237, Loi établissant le registre des agents d’influence étrangers et modifiant le Code criminel.
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur l’édiction d’engagements climatiques
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénateur Gignac, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-243, Loi édictant la Loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois.
L’honorable Marilou McPhedran : Bonjour. Tansi. En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés, et de la patrie de la nation métisse. Je tiens à souligner que le Parlement du Canada est situé sur un territoire algonquin anishinabe non cédé et non restitué.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi S-243, Loi édictant la loi sur la finance alignée sur le climat et apportant des modifications connexes à d’autres lois. La sénatrice Galvez a indiqué que son projet de loi vient compléter le plan d’action actuel du gouvernement, la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, et qu’il vise à s’attaquer aux obstacles à l’atteinte de nos engagements en matière de lutte contre la crise climatique tout en protégeant le système financier de notre pays contre les risques liés au climat.
Il y a quelques jours, nous avons appris que le banquier du Sénat, la Banque Royale du Canada, avait le triste honneur d’avoir détrôné J.P. Morgan en tant que principal financier de l’industrie des carburants fossiles. Selon le rapport annuel Banking on Climate Chaos, publié par le Rainforest Action Network et approuvé par 624 organismes provenant de 75 pays, en 2022, la Banque Royale du Canada a financé des sociétés qui produisent des combustibles fossiles pour un montant total de 42,1 milliards de dollars, dont 4,8 milliards de dollars pour les sables bitumineux.
Par ailleurs, la Banque Scotia, une des cinq principales banques canadiennes, se retrouve aussi sur la liste mise à jour des 10 principales institutions financières de ce genre. L’étude a permis de constater que les banques canadiennes ont fourni 862 milliards de dollars américains, soit 1,13 billion de dollars canadiens, aux sociétés qui produisent des combustibles fossiles depuis que le Canada a signé l’Accord de Paris.
Le dérèglement climatique menace les moyens de subsistance et la vie de millions de personnes dans le monde. Les collectivités vulnérables et — pour reprendre l’expression utilisée par la sénatrice McCallum dans son projet de loi sur le racisme environnemental — les « milieux vulnérables » subissent de manière disproportionnée les effets néfastes du changement climatique. Grâce à son projet de loi, la sénatrice Galvez encourage la prise en compte des collectivités et des écosystèmes vulnérables et prévoit des garanties particulières pour les collectivités autochtones. Bien que les populations autochtones aient le moins contribué à ce problème croissant, elles sont confrontées à certaines de ses pires conséquences.
Les collectivités nordiques sont en première ligne face au changement climatique. La fonte de la calotte glaciaire et du pergélisol affecte les sources de nourriture traditionnelles tout en faisant augmenter le coût des produits de substitution importés et accroître les risques pour les êtres humains et la faune. La sécurité alimentaire continue de se détériorer, en particulier dans les collectivités isolées. Les effets du changement climatique ne sont pas uniformes, mais une constante demeure : le changement climatique qui affecte nos terres, nos eaux et nos systèmes météorologiques met en péril des modes de vie établis depuis longtemps.
En d’autres termes, la crise climatique menace les écosystèmes et les droits de la personne. Respecter nos engagements en matière de climat ne signifie pas seulement ne pas exacerber les effets du changement climatique ou y contribuer, mais exige aussi de respecter les droits de la personne, y compris les droits des peuples autochtones énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration stipule que les peuples autochtones ont droit à la conservation et à la protection des terres qui leur appartiennent traditionnellement et qui revêtent pour eux une grande importance spirituelle et culturelle.
La déclaration énonce également que les pays doivent reconnaître la contribution des connaissances autochtones lors de la conception d’une protection durable et équitable de notre environnement.
Dans cette optique, le projet de loi S-243 permet d’intégrer le point de vue autochtone dans le processus décisionnel de deux manières distinctes. Premièrement, il propose que certains conseils d’administration, y compris ceux des sociétés d’État, disposent d’une expertise en matière de climat — la connaissance des modes de vie et des façons d’être des Autochtones rend une personne admissible à ce poste. Deuxièmement, le projet de loi exige des rapports sur la mise en œuvre afin de permettre la coopération entre la Banque du Canada et les représentants des peuples autochtones.
Honorables sénateurs, le nouveau plan d’action canadien contient des avancées positives vers un avenir plus propre. Il y est notamment question de faire passer le prix du carbone à 50 $ la tonne et de faciliter la transition vers les véhicules électriques.
(1530)
Ces investissements dans les infrastructures sont essentiels si l’on veut réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 à 45 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030, et ils rapprocheraient concrètement le Canada de la carboneutralité, objectif qu’il a promis d’atteindre d’ici 2050.
Or, ce ne sera possible que si la totalité des secteurs d’activités et industries se décarbonent. Après tout, les effets de la décarbonisation dans un secteur peuvent facilement être annulés par les émissions d’un autre. Le plan d’action actuel est pourtant muet sur ce qui devrait constituer une priorité, c’est-à-dire le recensement et la restriction des investissements dans les activités produisant beaucoup de gaz à effet de serre.
En plus de mettre le système financier du pays en danger en raison des millions de dollars en capitaux qui sont consacrés à un secteur imprévisible, ces investissements alimentent les effets néfastes des changements climatiques.
Si seulement les grandes banques du pays avaient investi ce billion de dollars — et même plus — dans la décarbonation.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, est l’organisme onusien chargé d’évaluer les données scientifiques sur les changements climatiques. Dans son sixième rapport, qu’il a rendu public en février 2023, il en arrive à la conclusion inébranlable que les combustibles fossiles doivent disparaître pour ne jamais revenir. Le GIEC est sans équivoque : pour demeurer sous la barre du degré et demi de réchauffement qui est prévu dans l’Accord de Paris, les émissions de CO2 devront diminuer de 45 % d’ici 2030, soit au courant des 7 prochaines années.
Chers collègues, l’Union interparlementaire a lancé un appel aux parlementaires afin qu’ils deviennent des défenseurs d’initiatives législatives visant à apporter des changements concrets qui réduiront les répercussions des changements climatiques. La sénatrice Galvez donne suite à cet appel de la meilleure façon possible, car elle nous offre une excellente occasion d’être des acteurs de changement en soutenant et en facilitant l’adoption de ce projet de loi, lequel a attiré l’attention du milieu des affaires partout dans le monde.
Dans un rapport de l’an dernier, intitulé Climate Change 2022: Mitigation of Climate Change, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a souligné que les investissements dans les infrastructures à fortes émissions représenteraient un obstacle à l’atteinte des objectifs du Canada en matière de réduction des gaz à effet de serre. Le financement et le développement subséquent de technologies vertes atteignent peut‑être des sommets inégalés, mais les secteurs à émissions élevées continuent de prospérer et de miner les progrès réalisés. En d’autres mots, notre approche législative actuelle accorde la priorité par défaut à l’économie polluante traditionnelle. Les engagements en matière de lutte contre les changements climatiques sont toujours relégués au second plan.
Dans le cadre d’un examen critique des progrès du Canada, nous devons nous méfier de l’écoblanchiment. Par exemple, la 13e édition du rapport annuel intitulé Banking on Climate Chaos note que les investisseurs dans les sables bitumineux ont augmenté leur financement de 51 %. Cette même année, les banques derrière ces fonds se sont engagées à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, comme elles le promettent année après année.
L’un des principaux objectifs de la loi est de cibler le fossé entre les déclarations sur la carboneutralité des institutions financières et le fait qu’elles continuent d’investir dans les industries à forte empreinte carbone. N’en doutez pas : le projet de loi permettra d’accroître la reddition de comptes des entités déclarantes qui sont visées par la loi.
Chers collègues, vous vous demandez peut-être en silence pourquoi une ingénieure et une avocate spécialisée en droits de la personne pensent qu’elles sont qualifiées pour évaluer notre système économique. Permettez-moi de vous encourager à reformuler cette question, car notre système économique exacerbe la crise climatique de notre planète. En fait, si vous vous interrogez secrètement sur les compétences d’une ingénieure et d’une avocate spécialisée en droits de la personne, ajoutons à cette liste une dentiste puisque la sénatrice McCallum a déposé un projet de loi sur le racisme environnemental.
Nous sommes qualifiées parce que nous sommes des mères, des grands-mères, des citoyennes du monde et des sénatrices.
De nouvelles voix doivent se faire entendre dans le monde des finances, des voix provenant de ceux qui ne sont pas protégés par la richesse. Les leaders du système financier ont perdu le contact avec la réalité d’une planète dont nous devons respecter les limites pour que la vie humaine — nos vies à tous, chers collègues, et celles des générations à venir — puisse s’épanouir.
Ce projet de loi suit la piste de l’argent, en abordant la réalité des choix financiers qui blessent notre mère la Terre et réduisent sa capacité à maintenir la vie. Les chiffres abstraits d’un bilan financier aident les leaders du monde des finances à faire fi des dimensions cruciales de la valeur de la vie sur cette planète.
Les racines grecques du mot « économie », oikos et nomos — excusez-moi sénateur Housakos si j’ai mal prononcé ces termes — se traduisent littéralement par « bonne gestion du ménage ». En cette période de crises multiples où nous n’avons pas très bien géré notre ménage mondial, il est grand temps que des voix divergentes de l’extérieur soient entendues par ceux qui tiennent les rênes de notre bourse collective — le petit groupe de membres de l’élite privilégiés très bien rémunérés qui contrôlent des milliards de dollars en fonds publics et privés et qui semblent avoir du mal à comprendre que notre avenir commun est désormais en péril.
Le projet de loi reconnaît à juste titre ce que les experts de la communauté scientifique disent depuis longtemps. La crise climatique ne connaît pas de frontières géographiques. Cela signifie que les entités déclarantes canadiennes doivent rendre compte de leurs émissions ayant un lien de causalité, quel que soit l’endroit où elles se produisent.
La Banque Royale du Canada et la Banque Scotia, qui figurent toutes les deux parmi les 10 principaux bailleurs de fonds des combustibles fossiles, ont montré que les institutions financières canadiennes investissent à l’échelle mondiale et que ce qu’elles font à l’étranger est tout aussi important que ce qu’elles font au Canada.
Le projet de loi définit une entité alignée sur les engagements climatiques comme une entité qui respecte la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne limite pas la définition des peuples autochtones aux Canadiens, ce qui signifie que les droits des peuples autochtones doivent être respectés peu importe où ces peuples se trouvent.
Le projet de loi est à la fois fondé sur des données scientifiques et sur l’équité.
Honorables collègues, s’aligner sur les engagements climatiques signifie aussi ne pas favoriser ou exacerber l’insécurité alimentaire ou les inégalités dans la société, et éviter de causer un préjudice important aux obligations sociales et environnementales déjà reconnues par le Canada. Cela signifie que nous espérons que, à l’avenir, les projets à faible teneur en carbone ne bafoueront pas les droits de la personne, comme l’ont fait par le passé tant de projets d’extraction et de transport des combustibles fossiles.
Puisque les femmes — et surtout les femmes pauvres — sont les principales victimes des changements climatiques, nous ferions bien de les inclure parmi les principaux intervenants dans l’élaboration de solutions méritant qu’on y investisse.
Depuis sa présentation il y a un an, le projet de loi a généré un certain intérêt au Canada et ailleurs. Le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada a publié une ligne directrice sur la gestion des risques climatiques et la Banque du Canada, elle, vient de publier son premier rapport annuel sur les risques climatiques.
Cependant, même si nos organismes de réglementation financière utilisent enfin les mots à la mode du moment, nous ne semblons toujours pas en mesure d’apporter des changements significatifs. Ce projet de loi est plus nécessaire que jamais, maintenant qu’une banque canadienne est devenue le plus grand bailleur de fonds au monde pour les projets de combustibles fossiles et qu’elle finance un projet de pipeline transformant les terres ancestrales des Wet’suwet’en — qui s’opposent à ce projet — en zone militarisée.
Chers collègues, l’escalade des calamités environnementales est une question urgente. Jusqu’à maintenant, le Canada n’a jamais réussi — depuis 1990 — à atteindre ses objectifs de réduction des émissions. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre une autre décennie de cibles manquées, de mesures échouées et d’ambitions contrariées. Nous devons régler ce problème aussitôt que possible afin d’atteindre nos cibles climatiques d’ici la fin de la décennie.
En imposant un processus d’examen public annuel sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de toutes les dispositions, le projet de loi S-243 nous permet de faire un apprentissage itératif. Il nous permettra de tirer des leçons de nos erreurs en temps réel et d’adapter notre approche en fonction des résultats produits. Nous devons demeurer flexibles en ce qui a trait à la recherche émergente. Comme chef de file dans de nombreux autres secteurs, le Canada doit prendre ses responsabilités.
Honorables sénateurs, l’accélération des changements climatiques ainsi que leurs répercussions relèvent d’un problème créé par l’homme. Ce problème exige donc une intervention humaine pour trouver des solutions novatrices afin d’effectuer la transition vers une économie plus propre et plus durable.
(1540)
En tant que législateurs agissant dans l’intérêt des Canadiens d’aujourd’hui et de demain, il nous incombe de chercher à mettre en œuvre des solutions ambitieuses et fondées sur la science afin de préserver notre planète pour notre génération et les suivantes.
Grâce au projet de loi S-243, la sénatrice Galvez nous donne une excellente occasion d’agir en ce sens. Joignons-nous à elle et appuyons ce projet de loi qui sauvera des vies. Merci, meegwetch.
(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)
La Loi sur les aliments et drogues
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Brazeau, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-254, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées).
L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, j’ai attendu la Semaine de la santé mentale pour lire ce texte. Je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-254 du sénateur Brazeau. Tout d’abord, parce que je suis tenu de le faire, étant donné que j’ai parcouru le même chemin, que j’ai vu les mêmes résultats et que j’ai été témoin des mêmes conséquences. Je soutiens également ce projet de loi parce que l’apposition d’une étiquette d’avertissement, même si elle ne résoudra pas le problème de l’alcoolisme ou tous les dommages liés à l’alcool, pourrait bien, d’une certaine manière, aider ceux qui en tiennent compte et atténuer les souffrances que de nombreuses personnes endurent chaque jour en raison de l’abus d’alcool, à savoir la honte et la déchéance que l’alcool peut causer non seulement à la personne touchée, mais aussi à sa famille, la perte d’emploi, de revenus et de respect de soi, ainsi que les maladies que la consommation d’alcool peut engendrer, sans parler de tout ce qui s’ensuit.
J’aimerais donc moi aussi que l’on appose sur les bouteilles d’alcool une étiquette indiquant les graves risques pour la santé, le développement des fœtus et le risque de maladies qui peuvent découler d’une surconsommation. Je serais le dernier à vouloir sermonner les gens, mais je serais le premier à dire qu’il faut les informer. L’étiquette devrait nous informer que la consommation excessive d’alcool pourrait bien être dangereuse pour notre bien‑être et celui de notre famille, tout comme elle entraîne un retard dans le développement du fœtus et les conséquences dévastatrices du syndrome d’alcoolisation fœtale.
Je sais que cela s’est déjà vu, cela peut causer des ravages horribles dans une famille. Je n’entrerai pas dans les détails, mais j’ai vu beaucoup de destruction à cause de l’alcool et je parie que beaucoup de sénateurs en ont aussi été témoins.
L’étiquette de mise en garde pourrait être une bonne chose. Je sais qu’il ne s’agit pas d’une panacée pour les jeunes et que la rébellion est essentielle à la croissance d’un jeune. La consommation d’alcool fait partie de cela. Je crois aussi que la responsabilité individuelle est essentielle à la vie d’une personne.
Sans entrer dans les moindres détails de ma propre histoire, j’ai commencé à boire à l’âge de 14 ans et, rendu à 20 ans, je buvais tous les jours. Il est inutile de s’étendre sur le sujet. Je ne ferai jamais non plus étalage de mes afflictions dans cette enceinte.
Ces étiquettes de mise en garde seront-elles utiles? Je ne saurais le dire, mais je sais qu’elles ne feront pas de mal. Je sais que ce projet de loi est le fruit d’une expérience et d’un combat personnels, et j’en félicite le sénateur Brazeau.
Je vais vous raconter une histoire. Il y a plusieurs années, un ami à moi voulait que j’aille boire avec lui. C’était le meilleur ami de mon frère. Nous avons chassé et bu ensemble. C’était un jeune Mi’kmaq, et nous étions des amis si proches qu’il pouvait entrer à la maison sans frapper à la porte. Quand nous nous retournions, il était là, dans notre cuisine, et il nous regardait en souriant. Il m’a demandé de l’accompagner ce soir-là. Je lui ai dit que je devais finir le livre que j’étais en train d’écrire. J’avais six mois de retard, et l’éditeur attendait après moi. J’ai ajouté : « De toute façon, on dirait que chaque fois qu’on va boire ensemble, on se met dans le pétrin. » Il a répondu : « C’est ce qui rend les choses amusantes. » C’est la dernière chose qu’il m’a dite. Une heure plus tard, il est mort dans un accident qui a aussi démoli les jambes de mon frère. Je me suis souvent dit que ma décision de rentrer à la maison pour travailler sur mon livre m’a sauvé la vie, alors je lui ai dédié ce livre qui, par une étrange coïncidence, s’intitule Lives of Short Duration. Il est l’un des 17 jeunes que j’ai connus dans mon enfance et qui ne se sont pas rendus à l’âge adulte.
Pour lui et pour les dizaines d’autres que j’ai connus et que je connais encore, pour les enfants avec qui j’ai grandi, aussi vibrants d’amour et de compassion que tous les autres et qui sont morts dans un accident de voiture ou qui se sont donné la mort, et pour tous ceux et celles à qui l’alcool a enlevé la santé et les repères, j’appuie le sénateur Brazeau et son projet de loi et je vous demande de renvoyer celui-ci au comité.
L’honorable Patrick Brazeau : Le sénateur répondrait-il à une question?
Le sénateur Richards : Oui.
Le sénateur Brazeau : Sénateur Richards, merci de votre intervention et merci de nous avoir raconté votre propre expérience. Je sais que vous avez dit vouloir éviter d’entrer dans les détails, mais je crois qu’on en sait suffisamment pour avoir une idée claire de ce que votre famille et vous avez pu vivre.
Que cela nous plaise ou non, le Sénat est une institution partisane. Or, le projet de loi S-254 est apolitique. L’enjeu, ici, c’est la santé des Canadiens et le droit qu’ont les consommateurs du pays de connaître les effets et les conséquences auxquels ils s’exposent en consommant de l’alcool.
Aujourd’hui, nous sommes au Sénat, mais je caresse le rêve de voir ce projet de loi se rendre au moins jusqu’à une salle de comité afin que les spécialistes puissent venir nous dire ce qu’ils en pensent et répondre aux questions que nous avons tous. Ce combat, nous l’avons mené il y a plusieurs années contre les cigarettiers, et je vous demande aujourd’hui de m’indiquer ce qui, à votre avis, permettrait que ce projet de loi soit renvoyé au comité le plus rapidement possible.
Le sénateur Richards : Je viens de dire ce que j’en pense, c’est‑à-dire que le projet de loi devrait être renvoyé au comité pour étude. Selon moi, une étiquette de mise en garde sur les boissons alcoolisées n’est pas une mauvaise chose. En fait, c’est une bonne chose. Il est tout à fait logique que cela puisse se faire, qu’un comité étudie le projet de loi. Dans mon discours, j’ai énoncé les raisons explicites pour lesquelles je pense cela. C’est à peu près tout ce que je peux dire, monsieur le sénateur.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Boisvenu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-226, qui est parrainé par la sénatrice McCallum. Le projet de loi propose d’obliger le ministre de l’Environnement et du Changement climatique à élaborer une stratégie nationale pour promouvoir les efforts visant à réparer les dommages causés par le racisme environnemental. C’est la deuxième fois que l’on tente de faire adopter le projet de loi au Parlement. Son prédécesseur, le projet de loi C-230, est mort au Feuilleton à la fin de la 43e législature. J’espère qu’ensemble, nous parviendrons à faire en sorte que cette version du projet de loi franchisse la ligne d’arrivée.
J’appuie le projet de loi parce que le racisme environnemental est une question que les gouvernements successifs ont omis d’aborder, et parce que les efforts pour s’attaquer à ce problème n’ont que trop tardé et qu’il est temps de s’y attaquer. Le projet de loi C-226 est un élément important de la réconciliation, non seulement avec les peuples autochtones, mais aussi avec toutes les personnes dont les terres ou les eaux ont été empoisonnées, dont la qualité de l’air s’est détériorée et dont la vie a été mise à mal à cause de ce type de discrimination — une forme d’autoritarisme, en quelque sorte.
(1550)
Il n’existe pas de définition universellement acceptée du « racisme environnemental ». Comme nous l’a appris le discours de la sénatrice McCallum, l’une des définitions, plutôt générale, parle de discrimination dans l’élaboration des politiques environnementales. J’ajouterais, ou en l’absence de telles politiques. Cela peut vouloir dire prendre des décisions sans faire preuve de la prudence et de l’attention nécessaires, dans le cas d’installations de traitement des déchets et d’infrastructures connexes qui touchent de façon disproportionnée des communautés racialisées ou marginalisées, permettre la présence de niveaux élevés de polluants potentiellement mortels dans des régions principalement peuplées de groupes minoritaires, ou encore exclure les voix minoritaires de dirigeants du mouvement écologiste. Bien que les définitions exactes diffèrent, le problème est simple.
Si le racisme est largement reconnu et compris, le concept de racisme environnemental est parfois remis en question. De quoi s’agit-il, alors?
Depuis plusieurs générations, les gouvernements et les sociétés civiles prennent des décisions en matière d’environnement dont les effets néfastes touchent de façon disproportionnée les communautés racialisées et marginalisées. Bon nombre de ces décisions ont été prises sans que les communautés concernées soient consultées ou aient leur mot à dire. Il suffit de regarder le bilan du Canada en matière de politique environnementale pour conclure que le racisme environnemental est indéniable. J’en donnerai des exemples dans un instant.
Les sénateurs ont peut-être déjà entendu un autre argument déconcertant, à savoir que le changement climatique a une composante raciale. En fait, cela tombe sous le sens si l’on considère que les pays occidentaux industrialisés ont bâti leur économie en brûlant de façon disproportionnée des combustibles fossiles, ce qui a causé en même temps des dommages disproportionnés dans les régions moins développées du monde. D’ailleurs, à la COP 26, la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques de 2021, les dirigeants de l’Afrique ont fait valoir qu’il faudrait des investissements d’une valeur de 1,3 billion de dollars au cours des deux prochaines décennies pour que ce continent puisse mettre en place des mesures d’adaptation aux changements climatiques et d’atténuation des risques.
Les effets sont déjà visibles. Dans un rapport publié par la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, on apprend que les catastrophes climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes sont responsables du décès de plus de 410 000 personnes, principalement dans des pays à faible revenu.
Quand il est question de racisme environnemental, l’un des plus grands défis est que la discussion tourne souvent autour des emplois et du développement économique. Quand on parle de racisme environnemental, on pense habituellement aux usines de papier, aux usines de fabrication, aux stations de traitement des eaux usées et à l’exploitation minière, qui sont des exemples d’entreprises pouvant avoir un impact majeur sur l’environnement et étant habituellement situées loin de la banlieue urbaine. Ces installations emploient de nombreuses personnes et elles soutiennent une grande part de l’activité économique au Canada. Par ailleurs, les emplois dans ces entreprises sont souvent bien rémunérés et assortis d’avantages sociaux et d’un régime de retraite. Nous ne pouvons pas et ne devons pas mettre de côté ces facteurs.
Néanmoins, lorsqu’on demande au gouvernement de s’attaquer au racisme environnemental, cela signifie souvent qu’il doit avoir des conversations difficiles avec des entreprises qui emploient nos amis, les membres de notre famille et nos voisins. Il n’est pas facile pour les élus de décider de fermer une scierie locale ou de dire à un grand employeur qu’il doit faire plus pour répondre aux préoccupations environnementales. Il est encore plus difficile de dire à ces entreprises que leurs actions ont affecté de manière disproportionnée les personnes racialisées. Souvent, ces entreprises riposteront et les gouvernements reculeront, préférant laisser perdurer le statu quo plutôt que de se battre pour ce qui est juste.
C’est pour cela que je soutiens ce projet de loi, car il aidera le gouvernement fédéral à opérer un changement positif — à tout le moins, à opérer un changement, même s’il peut être difficile.
Permettez-moi de vous présenter quelques exemples de racisme environnemental au Canada. Je vais commencer par ma province. Comme nous le savons tous, le Canada rural est parsemé de petites localités et de petits villages. Le Nord de la Saskatchewan ne fait pas exception à la règle. C’est un vaste espace peu peuplé qui foisonne de beautés naturelles. La population du Nord est composée en grande partie d’Autochtones qui entretiennent un lien sacré avec la terre. Toutefois, le Nord de la Saskatchewan est aussi bien connu pour ses mines d’uranium. En fait, c’est là qu’on retrouve le plus important gisement de minerai d’uranium à haute teneur au monde. Comme c’est le cas pour la plupart des industries d’extraction de ressources, l’extraction de l’uranium peut avoir des répercussions sur l’environnement. Malheureusement, ces répercussions semblent avoir frappé de manière disproportionnée les peuples autochtones qui vivent dans la région depuis des temps immémoriaux.
Prenons l’exemple d’Uranium City. C’est une petite bourgade située juste au sud de la frontière entre la Saskatchewan et les Territoires du Nord-Ouest, sur le territoire traditionnel des Dénés Chipewyans. Comme son nom le laisse entendre, Uranium City a déjà été un haut lieu de l’extraction d’uranium et sa population a explosé dans les années 1950. Pendant une courte période, cette ville et d’autres semblables ont fait fortune pendant que les mines étaient en activité. Aujourd’hui, la ville qu’était autrefois Uranium City n’est plus qu’un lointain souvenir.
Même si l’extraction de l’uranium était rentable, les Dénés et d’autres peuples autochtones étaient souvent dans l’impossibilité de profiter de la prospérité économique apportée par les mines. Non seulement ils ont subi le racisme et des pratiques d’embauche discriminatoires, mais ils étaient aussi exposés à la poussière radioactive et aux résidus dangereux des mines. Nombre de travailleurs autochtones n’ont pas été informés des dangers liés au travail dans les mines, et beaucoup sont morts plus tard du cancer ou ont éprouvé d’autres problèmes de santé.
L’exploitation des mines près d’Uranium City a cessé dans les années 1980. Malheureusement, initialement, très peu a été fait pour assainir la terre. Il a fallu des décennies pour assainir les anciens sites d’exploitation minière, et le processus a été enlisé dans des litiges et des querelles de compétence. Entretemps, ceux qui ont travaillé dans des mines semblables et aux alentours ont présenté des taux élevés de cancer du poumon et d’autres problèmes de santé plusieurs années après avoir cessé d’y travailler.
La voix des Dénés de la région n’a pas pu se faire entendre au moment de la construction des mines. Elle n’a pas pu se faire entendre lorsque les travailleurs ont commencé à avoir des problèmes de santé. Et elle n’a pas pu se faire entendre lorsque les gouvernements et les sociétés ont laissé la terre dans un état lamentable après la fermeture des mines.
Malheureusement, les mines d’uranium du Nord du Canada ne constituent pas le seul exemple de racisme environnemental au pays. Je m’en voudrais de ne pas souligner que, de nos jours, ces mines tiennent adéquatement compte des enjeux environnementaux et sociaux et des enjeux liés à la gouvernance et à la responsabilité des entreprises. Il faut être réaliste : ces mines, usines, cimenteries et autres installations du genre ne peuvent pas prendre les lignes électriques, les canalisations de gaz et les dépôts de minerais et s’en aller ailleurs en laissant la communauté à son sort.
Néanmoins, nous avons entendu parler d’exemples similaires de racisme environnemental notamment à Boat Harbour, en Nouvelle-Écosse, où des effluents ont été rejetés dans les cours d’eau dont la Première Nation de Pictou Landing se sert depuis des décennies. Il y a un autre exemple ici, en Ontario, sur le territoire de la Première Nation de Grassy Narrows. Là-bas, l’eau a été rendue insalubre et les impacts ont été subis par des générations de familles.
Depuis des générations, il y a une usine de papier à Dryden, en Ontario. Il y a encore à ce jour une usine de papier. Son passé est entaché. Dans les années 1960 et 1970, l’usine de produits chimiques connexe a déversé 9 000 kilogrammes de mercure dans la rivière English-Wabigoon. Le mercure a empoisonné la rivière dont la population de Grassy Narrows avait besoin pour la pêche. Il y a des problèmes d’empoisonnement au mercure dans la communauté depuis cette époque. Au départ, ni l’entreprise ni le gouvernement provincial n’acceptaient la responsabilité de ce qui s’était produit. Il a fallu des années avant d’arriver à un règlement, mais il était alors déjà beaucoup trop tard.
Enfin, mon dernier exemple provient de la Nouvelle-Écosse. Il s’agit de l’histoire d’une communauté historique dont la mémoire se perpétue. Il y a plusieurs décennies, dans le secteur Nord d’Halifax, se trouvait une communauté baptisée Africville. C’était une petite communauté majoritairement noire, que les anciens habitants décrivent comme agréable, dynamique, et dotée d’une ambiance familiale. Pourtant, cette communauté n’a pas été bien traitée par la Ville d’Halifax, qui lui a refusé des services qui avaient pourtant été consentis à d’autres quartiers au fil des années, comme l’éclairage public, le ramassage des ordures, et l’eau courante dans les foyers. Pire encore, la ville s’est souvent servie d’Africville et de ses environs pour y implanter des services dont personne ne voulait dans d’autres quartiers, comme une usine d’engrais, une prison, un abattoir et, oui, une décharge. Tous ces services ont été implantés dans une communauté de 400 personnes et dans ses environs immédiats, sans tenir compte de ses habitants.
Lorsqu’on parle de racisme environnemental, on devrait penser ni aux usines de pâtes et papiers ni aux mines d’uranium, pas plus qu’à l’activité économique que génèrent ces entreprises. Lorsqu’on parle de racisme environnemental, on devrait plutôt penser aux hommes de la nation dénée qui ont travaillé dans ces mines et qui sont morts du cancer. On devrait aussi penser aux grands-mères qui vivent sur le territoire de la Première Nation de Grassy Narrows et qui craignent que le mercure qui a détruit leur santé n’affecte aussi la santé de leurs petites-filles. On devrait aussi penser à une petite communauté noire, ignorée par la ville où elle réside et dont le milieu de vie est utilisé comme dépotoir. Voilà des exemples de racisme environnemental, et c’est aux victimes de ce racisme que nous devrions penser lors de l’étude du projet de loi C-226.
(1600)
Une stratégie nationale aidera de façons bien précises. Premièrement, nous devons nous assurer que les communautés marginalisées sont consultées et que leurs voix sont entendues et prises en considération dans la prise de décisions liées à leur environnement. Ces communautés doivent avoir voix au chapitre par rapport à ce qui se produit dans leurs voisinages. Une stratégie nationale nous permettra d’apprendre des erreurs du passé et de progresser de manière plus inclusive. De plus, elle aidera à déterminer les prochaines étapes et les investissements ciblés nécessaires au développement durable des communautés marginalisées si résilientes.
Une stratégie nationale est un premier pas important vers la planification d’un avenir meilleur et l’élimination du racisme environnemental.
Personnellement, je trouve bien peu d’éléments dans ce projet de loi auxquels on pourrait s’opposer. J’ai été étonné d’apprendre qu’il n’ait pas été adopté à l’unanimité à l’autre endroit. Par conséquent, j’aimerais revenir sur certaines des préoccupations soulevées au cours du débat.
Certains ont remis en question l’efficacité de la création d’une stratégie nationale supplémentaire. Selon moi, cela n’a rien à voir avec le choix de l’intervention la plus facile ou la plus difficile. D’autres ont souligné l’importance de reconnaître les différences entre les régions et les provinces. Faisons des progrès. Intervenons. Je comprends ces critiques, mais je crois qu’un outil législatif tel qu’une stratégie nationale s’impose pour remédier aux problèmes que vivent les victimes de racisme environnemental.
Bien que je comprenne les préoccupations liées au fait qu’il s’agit d’une énième stratégie nationale et qu’elle ajoute un élément de plus au régime complexe de la politique environnementale du Canada, il est évident qu’une telle stratégie est nécessaire pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les personnes racisées. Elles ont autant le droit à un environnement sain que les autres Canadiens, et, alors que nous sommes en 2023, elles se voient encore refuser ce droit.
Lorsque nous voterons sur ce projet de loi, j’espère que les sénateurs penseront aux communautés les plus touchées par le racisme environnemental. Ces communautés ne peuvent pas attendre plus longtemps, et c’est un problème que nous ne pouvons plus ignorer. J’espère que les sénateurs appuieront le projet de loi C-226 afin que nous puissions le renvoyer au comité et faire un pas de plus vers un Canada plus équitable pour tous. Je vous remercie. Hiy kitatamîhin.
(Sur la motion de la sénatrice Audette, le débat est ajourné.)
La violence entre partenaires intimes
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Boniface, attirant l’attention du Sénat sur la violence entre partenaires intimes, en particulier en milieu rural dans tout le Canada, en réponse à l’enquête du coroner menée dans le comté de Renfrew, en Ontario.
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation de la sénatrice Boniface, qui attire l’attention du Sénat sur la violence entre partenaires intimes, en particulier dans les régions rurales du Canada, en réponse à l’enquête du coroner menée dans le comté de Renfrew, en Ontario. Je remercie la sénatrice Boniface d’avoir présenté cette importante interpellation et de m’avoir demandé de réfléchir plus particulièrement à l’épidémiologie concernant le groupe des femmes qui vivent dans les régions rurales et éloignées du Canada et qui sont confrontées à la violence exercée par un partenaire intime.
Dans ce cas, je l’interprète comme signifiant « du point de vue de la santé de la population », c’est-à-dire dans la tentative de comprendre les déterminants ou la causalité, et plus particulièrement les déterminants sociaux de leur état de santé. On appelle parfois les déterminants sociaux les causes des causes de l’état de santé d’une personne. Ils se situent très en amont de celui-ci; il est donc difficile d’établir une véritable causalité.
Une explication avancée par l’Organisation mondiale de la santé et souvent citée par d’autres organismes de santé publique explique que les déterminants sociaux de la santé sont :
[...] les facteurs non médicaux qui influencent l’état de santé des individus. Les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, travaillent, vivent, et vieillissent ainsi que toutes les forces et tous les systèmes qui influencent les conditions de la vie quotidienne. Ces forces et systèmes comprennent les politiques et les systèmes économiques, les programmes de développement, les normes sociales, les politiques sociales et les systèmes politiques.
L’Agence de la santé publique du Canada recense 12 déterminants sociaux de la santé, soit le revenu et le statut social; l’emploi et les conditions de travail; l’éducation et la littératie; les expériences vécues pendant l’enfance; l’environnement physique; le soutien social et la capacité d’adaptation; les comportements sains; l’accès aux services de santé; la biologie et le patrimoine génétique; le genre; la culture; et la race et le racisme.
Comme l’écrit Mandana Mardare Amini dans un rapport pour Statistique Canada, publié en 2022 et intitulé Portrait des femmes et des filles selon l’éloignement relatif de leurs collectivités, Série 3 : Santé et bien-être :
Vivre dans une région rurale demeure un déterminant significatif des disparités en matière de santé pour les femmes, tant à l’échelle mondiale qu’au Canada […]
Bien que l’emplacement rural en soi n’entraîne pas nécessairement une mauvaise santé, des recherches antérieures ont démontré que le fait de vivre en région rurale pouvait non seulement limiter l’accès aux services de santé, mais également influencer d’autres déterminants socioéconomiques, environnementaux et relatifs à la santé au travail […]
Le rapport indique que les femmes et les filles vivant dans des régions très éloignées sont celles qui déclarent que leur état de santé perçu est le moins bon, qui déclarent les plus bas niveaux d’activité physique, et dont le pourcentage sans fournisseur habituel de soins de santé est le plus élevé. Elles déclarent également avoir une moins bonne santé mentale, et leur mortalité — toutes causes confondues et par suicide — est beaucoup plus élevée que chez les autres femmes et filles.
Dans le rapport, on révèle également que les décès par suicide ou lésions auto-infligées comptent parmi les principales causes de décès uniquement dans les régions très éloignées. Par ailleurs, les inégalités en matière de santé sont plus prononcées chez les femmes et les filles autochtones, qu’elles vivent en milieu urbain ou rural. Le rapport de 2022 de Statistique Canada indique que le risque de mauvaise santé est plus élevé dans les régions plus éloignées.
Dans Epidemiology: Principles and Methods, Brian MacMahon et Dimitrios Trichopoulos expliquent ceci :
[...] on considère généralement que l’existence d’une relation exposition-réponse, c’est-à-dire d’une association dans laquelle la fréquence de l’effet augmente ou diminue à mesure que l’exposition à la cause supposée augmente, peut laisser présager une relation de cause à effet.
Il faut toutefois déployer des efforts considérables afin de confirmer si les associations en question sont effectivement causales. En l’absence d’expériences directes, l’interprétation des preuves est complexe. Ainsi, à partir des statistiques canadiennes mentionnées, nous pouvons soupçonner un lien de cause à effet entre l’éloignement géographique d’une collectivité et la santé d’une personne qui y vit.
Bien que la criminologie ne soit pas mon domaine d’expertise, je remarque une tendance similaire dans les données sur les homicides commis par un conjoint ou un partenaire intime. Au cours des 10 dernières années, la proportion d’homicides commis par un conjoint ou un partenaire intime au Canada a été plus élevée dans les collectivités rurales que dans les régions urbaines.
(1610)
Dans un rapport intitulé L’homicide au Canada, 2021, Jean-Denis David et Brianna Jaffray du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités ont relevé que les homicides de personnes qui entretenaient une relation conjugale ou intime avec l’auteur présumé représentaient 23 % des homicides commis dans les régions rurales contre 17 % de ceux perpétrés dans les régions urbaines. Nous pouvons donc supposer qu’il y a un lien possible entre la violence entre partenaires intimes et le fait de vivre dans une région rurale et éloignée du Canada. Malheureusement, il faudrait bien d’autres données.
Comme Eve Valera, une professeure agrégée de psychiatrie de la faculté de médecine de l’Université Harvard, l’a dit au Globe and Mail en décembre dernier : « Les femmes en général [...] ont été peu étudiées dans bon nombre des projets scientifiques. »
Par exemple, l’article du Globe rapporte le travail fait par le centre canadien des commotions cérébrales, à Toronto. Cet établissement a plus de 100 cerveaux d’athlètes que les scientifiques étudient pour en savoir plus sur les effets des commotions cérébrales répétées. Il n’a toutefois qu’un seul cerveau d’une victime de violence familiale. C’est un problème.
Comme l’article le souligne, les chercheurs estiment qu’environ une Canadienne sur huit est susceptible de souffrir de lésions cérébrales non reconnues qui sont associées à la violence familiale. Nous en savons toutefois très peu sur les effets de ces lésions.
Dans un article publié en juin 2021 dans le JAMA Network Open et intitulé « Analysis of Female Enrollment and Participant Sex by Burden of Disease in US Clinical Trials Between 2000 and 2020 », la Dre Jecca Steinberg et ses collègues parlent de la sous‑représentation historique des femmes dans la recherche clinique :
Historiquement, la recherche médicale s’est concentrée sur la santé masculine. Les femmes ont souvent été exclues des essais cliniques, sous prétexte de garantir l’homogénéité de l’effet du traitement et de réduire la responsabilité potentielle à l’égard de la mère et du fœtus. Les préjugés fondés sur le sexe ont persisté, même après que la recherche a fait état de différences entre les sexes dans les résultats des tests de diagnostic, dans la progression de la maladie, dans la réponse au traitement, dans le métabolisme des médicaments et dans les résultats des interventions chirurgicales. Or, des études ont associé ce manque d’inclusion des femmes à des soins de santé sous-optimaux et à des résultats médicaux défavorables.
La Dre Steinberg et ses collègues ont constaté que les participantes sont toujours sous-représentées en oncologie, en neurologie, en immunologie, en urologie, en cardiologie et en hématologie par rapport à leur charge de morbidité. En revanche, les hommes inscrits sont sous-représentés par rapport à leur charge de morbidité dans huit catégories de maladies, y compris en ce qui a trait à la recherche sur la santé mentale et sur les traumatismes. Par conséquent, les préjugés fondés sur le sexe dans les essais cliniques peuvent avoir des conséquences négatives pour les deux sexes.
Dans son discours, la sénatrice Boniface nous a rappelé une autre enquête qui a eu lieu après un féminicide entre partenaires intimes en Ontario, c’est-à-dire l’enquête May-Iles de 1998. La sénatrice Boniface a demandé : « [...] comment pouvons-nous nous retrouver dans une position similaire 24 ans plus tard? » Il se peut que la réponse à sa question soit que le manque de données et la partialité de celles-ci contribuent à la persistance de ce problème.
Selon un rapport du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes publié en juin 2021 et intitulé Défis auxquels font face les femmes vivant dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques au Canada, le manque de services de transport, la difficulté pour les survivantes d’actes de violence à accéder à des services, l’absence de services Internet fiables, abordables et adéquats, l’absence d’options d’études accessibles à l’échelle locale, la difficulté à trouver un emploi stable, ainsi que la difficulté d’accès des services locaux ou l’absence de tels services, y compris des services de garde et des services de santé mentale ou de consultation, sont des facteurs intersectionnels qui ont une incidence sur la sûreté, la sécurité économique et le bien-être des femmes qui vivent dans les collectivités rurales, éloignées et nordiques. Les recherches visant à mieux comprendre la situation et les investissements visant à résoudre les difficultés en matière de santé pour les femmes des collectivités rurales et éloignées peuvent nous aider à mieux connaître et combattre la violence envers ces femmes.
À cet égard, le Canada fait des pas dans la bonne direction. Étant donné que « [l]a proximité géographique avec les centres de services et les centres de population est un déterminant important des résultats socioéconomiques et des résultats en matière de santé » et que « [c]’est pourquoi il s’agit d’une dimension pertinente de l’analyse et de l’exécution des politiques et des programmes », en avril 2020, Statistique Canada a publié l’ensemble de données de l’indice d’éloignement. Ce nouvel outil a déjà facilité d’importants travaux de recherche qui ont mené notamment à la publication du rapport de Statistique Canada rédigé par Mandana Mardare Amini, que j’ai cité plus tôt.
En outre, le gouvernement fédéral a reconnu que :
« [...] les facteurs qui influent sur l’état de santé des femmes, des femmes transgenres, des filles et des communautés de diverses identités de genre ne sont pas toujours bien reflétés dans le système de santé [...] »
En octobre dernier, le gouvernement fédéral a lancé l’Initiative nationale de recherche sur la santé des femmes. Dans un premier temps, les Instituts de recherche en santé du Canada et Femmes et Égalité des genres Canada s’associeront pour investir dans une coalition pancanadienne pour la santé des femmes. J’espère que cet investissement conduira à des améliorations tangibles dans la recherche et la prestation de soins de santé pour les femmes.
Nous devons continuer à nous pencher sur la sous-représentation historique des femmes dans la recherche afin de mieux comprendre et, ultimement, d’améliorer les résultats pour les femmes des collectivités rurales et isolées et pour les femmes en général. La vie des femmes en dépend. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
Affaires étrangères et commerce international
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada
L’honorable Peter M. Boehm, conformément au préavis donné le 3 mai 2023, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 7 février 2023, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant son étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada soit reportée du 29 septembre 2023 au 29 décembre 2023.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 16 h 19, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 9 mai 2023, à 14 heures.)