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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 25

Le mardi 21 octobre 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 21 octobre 2025

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Tony Wakeham

Félicitations pour sa victoire électorale

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, la semaine dernière, les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador sont allés aux urnes et ont choisi une nouvelle orientation pour notre province. Le Parti progressiste-conservateur, sous la direction du premier ministre désigné Tony Wakeham, a reçu un mandat clair et sûr de la part des électeurs. Je tiens à adresser mes sincères félicitations au premier ministre désigné Wakeham et à son équipe.

Tony Wakeham est un ami de longue date, et je sais qu’il est une personne réfléchie, terre-à-terre et profondément dévouée aux habitants de ma province. Il comprend les défis de Terre-Neuve-et-Labrador, mais surtout, il comprend son potentiel.

Les Terre-Neuviens et les Labradoriens sont résilients. Nous savons la valeur du travail acharné, de la persévérance et de la capacité à tirer parti de ce que nous avons. Ce nouveau gouvernement entre en fonction à un moment où les secteurs de l’énergie, des pêches, de la technologie et du tourisme sont tous prêts à stimuler un regain de croissance. Cela exigera une gestion rigoureuse, une coopération entre tous les secteurs et une défense vigoureuse des intérêts de notre province, tant à Ottawa qu’ailleurs.

Je suis convaincu que le premier ministre désigné Wakeham et son Cabinet gouverneront avec intégrité, transparence et respect pour les citoyens qu’ils servent.

Les élections nous rappellent que la démocratie au Canada est forte et que les citoyens, par le simple fait de voter, continuent de définir leurs collectivités et leur avenir.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter le premier ministre désigné Tony Wakeham et tous les députés qui ont été élus pour servir. Puissent-ils faire preuve de sagesse dans leur leadership, trouver force dans leurs objectifs et être toujours fiers de représenter la grande province de Terre-Neuve-et-Labrador.

Merci.

[Français]

Le regretté honorable Louis J. Robichaud, c.p., c.r., C.C., O.N.-B.

Le centième anniversaire de sa naissance

L’honorable Victor Boudreau : Honorables sénateurs, c’est un grand honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour commémorer un événement important. Aujourd’hui, nous soulignons le 100e anniversaire de naissance d’un grand Canadien, Néo-Brunswickois et Acadien, l’honorable Louis J. Robichaud.

« P’tit Louis », comme on l’appelle encore affectueusement au Nouveau-Brunswick, a profondément transformé notre province pendant ses 10 années comme premier ministre, poste qu’il a occupé de 1960 à 1970. D’ailleurs, il fut le premier Acadien qui a été élu premier ministre. Grâce à des changements politiques audacieux, il a modernisé presque tous les aspects de la vie publique au Nouveau-Brunswick, de l’éducation et des soins de santé aux services sociaux et à la politique fiscale. Il nous a quittés en 2005, mais plusieurs de ses politiques sont encore en vigueur aujourd’hui.

[Traduction]

On se souvient surtout de Louis Robichaud en raison de son programme Chances égales pour tous. Ses réformes ont permis de sortir de la pauvreté des milliers de Néo-Brunswickois anglophones et francophones et d’assurer une distribution équitable des services et des programmes dans toutes les régions de la province. Encore aujourd’hui, les Néo-Brunswickois qui vivent et qui travaillent à l’extérieur des trois plus grandes villes de la province doivent la viabilité de leurs collectivités aux changements apportés par Louis Robichaud.

[Français]

Au début de l’année, le plus grand journal francophone du Nouveau-Brunswick, L’Acadie Nouvelle, a renouvelé son appel en faveur d’une commémoration depuis longtemps attendue de l’héritage de Louis J. Robichaud. L’équipe de rédaction du journal soutient depuis un bon moment que l’homme qui a fait du Nouveau-Brunswick la seule province officiellement bilingue du Canada devrait être honoré. Une idée précise a déjà été avancée par L’Acadie Nouvelle : son équipe de rédaction a proposé de renommer un tronçon de la Transcanadienne au Nouveau-Brunswick. D’autres idées devraient être également prises en considération. J’encourage les Néo-Brunswickois à communiquer avec leurs représentants pour leur faire part de leurs réflexions à ce sujet.

En prenant aujourd’hui la parole depuis le Sénat, la Chambre dans laquelle il a siégé de 1973 à 2000, je suis fier de me joindre à l’appel lancé pour célébrer en grand la vie de Louis J. Robichaud.

[Traduction]

Profitons de cette année marquante pour lui rendre l’hommage qu’il mérite.

[Français]

Bonne fête, Louis. Merci. Meegwetch.

[Traduction]

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Antoinette Perry, ancienne lieutenante-gouverneure de l’Île-du-Prince-Édouard, et de notre ancienne collègue l’honorable Diane Griffin. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Galvez.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui a célébré son 80e anniversaire le 16 octobre 2025.

Comme vous le savez tous, je prends souvent la parole au Sénat pour souligner la vigueur de l’industrie agricole canadienne. Les gens de ce secteur travaillent chaque jour sans relâche pour que les Canadiens aient accès à des aliments sains cultivés localement.

Cependant, partout dans le monde, des personnes de tous les horizons ont faim, tandis que de la nourriture est gaspillée ailleurs. C’est là que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture entre en jeu en tant que chef de file des efforts internationaux visant à vaincre la faim.

Créé à Québec, au Canada, en 1945, cet organisme spécialisé des Nations Unies se consacre à la lutte contre la faim dans le monde et à l’atteinte de la sécurité alimentaire pour tous. Il veille à ce que chaque personne ait régulièrement accès à des aliments nutritifs de grande qualité qui favorisent un mode de vie sain et actif.

Afin de souligner ce 80 e anniversaire, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a organisé le Forum mondial de l’alimentation, qui s’est déroulé du 10 au 17 octobre à Rome, en Italie, sous le thème « Main dans la main pour des aliments et un avenir meilleurs ». À la base de ce thème figurent les « quatre améliorations » de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture : une meilleure production, une meilleure nutrition, un meilleur environnement et de meilleures conditions de vie.

Ces piliers ont guidé le Forum alimentaire mondial la semaine dernière, montrant qu’avec les innovations, les pratiques durables et la collaboration entre les pays, nous pouvons mettre de l’avant la vision d’une meilleure production alimentaire, d’aliments plus sains, d’un environnement plus résilient et de meilleurs moyens de subsistance.

Alors que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture célèbre cet anniversaire, il est important pour les Canadiens de réfléchir à l’équité et à l’insécurité alimentaires dans notre pays.

Selon Banques alimentaires Canada, l’utilisation des banques alimentaires au Canada a augmenté de 90 % en 2024 par rapport à mars 2019. Le tiers des personnes qui ont recours aux banques alimentaires sont des enfants de moins de 18 ans. Ces statistiques indiquent que le Canada a également du travail à faire pour lutter contre l’insécurité alimentaire.

Tout le monde a besoin de manger et de pouvoir mettre du pain sur la table; ce ne devrait pas être un privilège. L’accès équitable à des aliments nutritifs est un droit fondamental.

Comme l’Organisation l’a souligné, même les plus petits gestes comptent, comme faire un don à votre banque alimentaire locale, réduire le gaspillage alimentaire, préserver les sols et l’eau, et sensibiliser la population à l’importance de déployer tous les efforts nécessaires pour une société juste et durable où chacun peut avoir accès à une alimentation suffisante et nutritive de façon soutenue.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture pour ses huit décennies de plaidoyer soutenu, d’initiatives ciblées et d’efforts assidus en vue de nourrir les familles démunies à l’échelle mondiale.

Merci à tout le personnel de l’Organisation. Votre travail contribue à rendre le monde plus juste, plus équitable et meilleur en général.

Merci, meegwetch.

Visiteur à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Michaël Robach, directeur général par intérim de QMUNITY. Il est l’invité de l’honorable sénateur Wilson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1410)

[Français]

QMUNITY

L’honorable Duncan Wilson : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour reconnaître et saluer le rôle essentiel joué par QMUNITY, un centre de ressources qui, depuis sa création en 1979, offre des programmes et des services indispensables aux personnes 2ELGBTQ+ et à leurs alliés partout en Colombie-Britannique.

Depuis plus de 45 ans, QMUNITY favorise le développement d’une communauté solidaire où les personnes queers, trans et bispirituelles peuvent se rencontrer, grandir et s’épanouir. Les programmes offerts comprennent des services sociaux et de santé mentale facilement accessibles, du counseling, des groupes de soutien par les pairs et des cliniques juridiques. Le centre offre également des programmes adaptés aux besoins particuliers des jeunes queers et transgenres, et de leurs familles, ainsi que des programmes destinés aux adultes et aux personnes âgées.

[Traduction]

Chers collègues, la dure réalité est que les personnes queers, trans et bispirituelles du monde entier sont encore victimes d’oppression et de violence.

Au Canada, nous observons un recul croissant des droits et des protections de la personne durement acquis et obtenus par les communautés de diversité sexuelle et de genre. Des lois récentes et des projets de loi dans certaines régions du pays exigent le consentement parental pour qu’on utilise le pronom préféré d’un jeune à l’école. Cibler ces enfants vulnérables les laissera sans recours. Nous ne connaissons que trop bien les risques d’automutilation et même de suicide que peut entraîner l’intimidation, sans parler de l’isolement sanctionné par l’État qui est encouragé dans certaines provinces canadiennes.

Chers collègues, dans un monde où les politiques populistes et clivantes gagnent du terrain, ce sont les prestataires de services communautaires comme QMUNITY qui constituent un refuge dans la tempête. Ces organisations offrent une présence sur le terrain et sont souvent le premier point de contact pour les personnes qui ont besoin d’aide.

C’est donc avec grand plaisir, honorables sénateurs, que j’accueille aujourd’hui à Ottawa les représentants de QMUNITY, qui rencontrent des fonctionnaires et des députés afin de mettre en lumière le travail essentiel qu’ils ont accompli et qu’ils continuent d’accomplir.

En soutenant des organisations comme QMUNITY partout au Canada, nous enrichissons notre société et démontrons exactement ce que Sa Majesté a déclaré dans le discours du Trône, à savoir que le Canada est véritablement un pays fort et libre.

Merci, meegwetch.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Louisane Leblanc, accompagnée de son frère, Bertrand Leblanc. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Oudar.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les relations entre le Canada et le Mexique

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, je me suis rendu à Mexico pour participer à un panel de législateurs dans le cadre du North Capital Forum.

Cet important événement annuel organisé par la U.S.-Mexico Foundation réunit des chefs d’entreprise, des législateurs et d’autres personnes du Canada, du Mexique et des États-Unis. J’avais été invité par mon homologue mexicain, le sénateur Alejandro Murat Hinojosa, qui préside le comité des relations étrangères au Sénat du Mexique.

Outre ma participation à un panel sur le thème « Signer, sceller, livrer : La politique régionale en mouvement » avec un représentant du Congrès américain et une sénatrice mexicaine, j’ai participé à une conversation publique avec des sénateurs mexicains lors d’une réunion combinant le comité des relations étrangères et le comité de l’Amérique du Nord du Sénat mexicain, et à un événement similaire au Congrès du Mexique.

C’était une excellente occasion d’exercer mes compétences en espagnol.

Du côté gouvernemental, j’ai également eu un entretien individuel productif au ministère des affaires étrangères avec le secrétaire adjoint du Mexique chargé de l’Amérique du Nord.

Chers collègues, le Canada et le Mexique partagent plus de 81 ans de relations diplomatiques et 31 ans de libre-échange. Le Mexique est notre troisième partenaire commercial au chapitre des marchandises, devant l’Union européenne. L’année dernière, le Canada avait plus de 46 milliards de dollars d’investissements directs au Mexique, notamment dans les secteurs de l’énergie, des pièces d’automobile, de l’agroalimentaire et de l’aérospatiale.

Le nouveau Plan d’action Canada-Mexique 2025-2028, signé il y a deux mois par la présidente Sheinbaum et le premier ministre Carney, établit un cadre ambitieux pour une collaboration accrue, notamment dans les domaines de la facilitation et de la promotion du commerce, de la promotion des investissements, de la coopération en matière de ports, de main-d’œuvre et de mobilité, de la résilience aux catastrophes naturelles et de la sécurité. Cette relation bilatérale est sérieuse. Elle se développe et elle est actuellement imprégnée d’un esprit de bonne volonté. Il faut continuer de l’entretenir et de la protéger des aléas de la politique. Des événements mondiaux tels que la Coupe du monde de la FIFA — qui sera organisée en 2026 par le Canada, le Mexique et les États-Unis — ne feront que renforcer nos liens.

De plus, la révision prévue l’an prochain de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou l’ACEUM — ou T-MEC comme on l’appelle au Mexique —, figure en bonne place dans les programmes gouvernementaux des deux pays. L’administration Trump adopte peut-être une approche consistant à diviser pour mieux régner, mais le Canada et le Mexique estiment qu’il faut que toute renégociation soit ciblée et que les parties évitent l’approche « à prendre ou à laisser ».

Notre engagement économique soutenu a permis d’accroître la croissance, l’emploi et la prospérité chez les trois partenaires et de mettre en place une infrastructure solide pour la chaîne d’approvisionnement. Le réseau de la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique Kansas City Limitée, établie à Calgary, relie les trois pays. Les Mexicains ont souvent souligné l’importance du Programme des travailleurs agricoles saisonniers entre le Mexique et le Canada, qui existe depuis plus de 50 ans. J’ai également eu l’occasion de remercier nos amis mexicains pour l’aide précieuse qu’ils nous ont apportée dans la lutte contre les incendies de forêt au Canada au début de l’année.

Enfin, il est apparu clairement que les législateurs mexicains souhaitent rencontrer leurs homologues canadiens plus fréquemment.

La diplomatie parlementaire est aujourd’hui plus importante que jamais. Nous avons tant de choses à discuter.

[Note de la rédaction : Le sénateur Boehm s’exprime en espagnol.]

Merci. Gracias.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de participants au Programme d’études des hauts fonctionnaires parlementaires.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les petites et moyennes entreprises

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, cette semaine, nous célébrons l’entrepreneuriat canadien. Du 19 au 25 octobre, la Banque de développement du Canada (BDC) organise la Semaine de la PME.

Depuis 45 ans, la BDC célèbre les PME en leur offrant des conférences, des tables rondes avec des leaders du secteur, des outils pour faire croître leur entreprise et des occasions de réseautage.

C’est une semaine qui leur est pleinement dédiée, mais c’est aussi une occasion pour nous de souligner le travail exceptionnel de nos petites et moyennes entreprises présentes dans chaque coin du pays.


[Traduction]

La COVID a été difficile pour le milieu des PME. La situation après la pandémie n’est pas beaucoup plus facile. Les entreprises continuent de subir des pénuries de main-d’œuvre, l’inflation et des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. Toutefois, les entrepreneurs sont résilients, débrouillards et créatifs. Lorsqu’ils sont confrontés à l’adversité, ils innovent et s’adaptent pour assurer leur survie et leur réussite à long terme.

J’ai toujours dit que les entrepreneurs sont le pilier de notre économie. La richesse est créée par les entrepreneurs.

Chaque matin, un petit entrepreneur joue le tout pour le tout. Chaque jour, il risque de tout perdre, mais il continue parce qu’il aime ce qu’il fait. Il est fier des produits qu’il vend et des services qu’il offre. Il fait également partie intégrante d’une collectivité. En fait, il joue un rôle important dans notre économie.

Au Canada, 98,1 % de toutes les entreprises comptent moins de 100 employés. Cela représente plus de 1 million d’entreprises. Les moyennes entreprises représentent près de 17 000 entreprises supplémentaires. Ensemble, les PME emploient près de 8 millions de Canadiens, soit 63,6 % de la main-d’œuvre totale du secteur privé. Nous savons aussi qu’environ 75 % des propriétaires d’entreprise prévoient prendre leur retraite au cours des 10 prochaines années. Beaucoup d’entre eux possèdent des entreprises familiales qui desservent leur région depuis des générations.

L’une des façons de préserver cet héritage et de créer de la richesse pour les travailleurs est de recourir aux fiducies collectives des employés, ou FCE, un mécanisme fiscal qui permet aux propriétaires de vendre des actions de l’entreprise à leurs employés. Les avantages des FCE sont nombreux : des économies locales plus fortes, un meilleur rendement des employés, une productivité accrue et des salaires plus élevés pour les familles de la classe moyenne. De façon plus générale, les FCE peuvent renforcer la souveraineté économique du Canada, ce que nous devrions tous appuyer en cette période charnière de notre histoire. C’est pourquoi il est plus important que jamais de favoriser un environnement où les petites et moyennes entreprises peuvent prospérer.

J’encourage donc tous les Canadiens et les honorables sénateurs à continuer de soutenir les entreprises locales. Il est de notre devoir de contribuer à la croissance de notre économie, surtout en cette période d’incertitude où les pressions mondiales sont imprévisibles et en constante évolution.

Merci, meegwetch.

(1420)


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt des rapports de l’automne 2025

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de l’automne 2025 de la vérificatrice générale du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985, ch. A-17, par. 7(3).

[Traduction]

La Commission des débats des chefs

Les débats – Des exercices démocratiques au service des électeurs – Rapport sur l’expérience de la Commission des débats des chefs lors des élections fédérales de 2025—Dépôt du rapport

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la Commission des débats des chefs intitulé Les débats – Des exercices démocratiques au service des électeurs – Rapport sur l’expérience de la Commission des débats des chefs lors des élections fédérales de 2025.

Agriculture et forêts

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le rôle du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans la sécurité alimentaire

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, le rôle du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire dans la sécurité alimentaire au Canada;

Que le comité se penche en particulier sur les aspects suivants :

a)l’état actuel de la sécurité alimentaire par rapport à la Politique alimentaire pour le Canada élaborée par Agriculture et Agroalimentaire Canada;

b)la manière dont le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire pourrait améliorer la sécurité alimentaire, plus particulièrement dans les collectivités autochtones, noires et nordiques, ainsi que dans d’autres collectivités rurales et urbaines confrontées à des difficultés d’accès à la nourriture;

c)les facteurs qui ont une influence sur la sécurité alimentaire, notamment les systèmes de production agricole, les changements climatiques, la concentration des entreprises dans le secteur agroalimentaire, entre autres facteurs liés à l’agriculture;

d)les mesures fédérales qui sont actuellement en place pour contrer les problèmes de sécurité alimentaire, en particulier en ce qui concerne les agriculteurs, la production alimentaire locale et la souveraineté alimentaire;

e)les éléments de ces mesures fédérales qu’il serait possible d’améliorer pour renforcer la sécurité alimentaire;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 4 juin 2025, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Jill McKnight, c.p., députée, ministre des Anciens Combattants et ministre associée de la Défense nationale, aura lieu le jeudi 23 octobre 2025, à 14 heures.

Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs

Troisième lecture

L’honorable Marty Deacon propose que le projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S‑211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs.

Je tiens d’abord à remercier mes collègues du Comité sénatorial permanent des transports et des communications et leur président, le sénateur Smith, d’avoir accéléré l’adoption de ce projet de loi en passant directement à l’étude article par article. J’espère que cette décision reflète à la fois le fait que le projet de loi est une copie conforme du projet de loi S‑269, qui avait été adopté par le Sénat au cours de la dernière législature, et la reconnaissance que le projet de loi porte sur un problème qui ne se réglera pas tout seul — que cette mesure législative est nécessaire dès maintenant.

Je tiens également à remercier les anciens membres du Comité des transports et son président, le sénateur Housakos, pour leur étude approfondie du projet de loi S‑269, qui a sans aucun doute donné aux membres actuels l’assurance que la diligence raisonnable avait été exercée et qu’il était convenable de passer directement à l’étude article par article.

Comme je l’ai fait dans mes observations précédentes au sujet de cette mesure législative, j’aimerais rappeler à mes collègues les raisons qui nous ont menés jusqu’ici. Comme beaucoup d’entre vous s’en souviennent, en 2021, le Parlement a adopté le projet de loi C‑218, qui modifiait le Code criminel en abrogeant l’interdiction de longue date de parier sur le résultat d’une course, d’un combat ou d’une épreuve ou manifestation sportive. Ce projet de loi, en supprimant une ligne du Code criminel qui faisait référence aux paris sur une seule épreuve sportive, a permis aux provinces d’autoriser les paris sur une seule épreuve sportive sur leur territoire.

C’est intéressant, car les publicités que nous voyons sur les écrans de téléphone et de télévision à travers le pays proviennent toutes de l’Ontario, la seule province où les entreprises privées sont autorisées à exercer leurs activités. À ce jour, l’ensemble des autres provinces et des territoires autorisent uniquement les paris sur une seule épreuve sportive par l’intermédiaire de leurs propres sociétés de loterie. Pourtant, des Canadiens d’un océan à l’autre m’ont dit qu’ils sont las de voir autant de messages publicitaires de cet ordre et qu’ils sont de plus en plus préoccupés par ces publicités provenant de l’Ontario.

En conséquence, en juin 2023, j’ai présenté le projet de loi S‑269, qui a été adopté en troisième lecture par le Sénat en juin dernier. Malheureusement, il est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été prorogé. Tout comme le projet de loi S‑269, le projet de loi S‑211, dont nous sommes saisis aujourd’hui, aurait un certain nombre de répercussions s’il était adopté.

Il ferait en sorte que le gouvernement doive collaborer avec le Cabinet, les provinces et d’autres intervenants afin de définir des mesures visant à réglementer la publicité pour les paris sportifs au Canada, par exemple en limitant ou en interdisant la participation de célébrités ou d’athlètes, en restreignant l’utilisation de la publicité non diffusée, ou en limitant le nombre, la portée ou l’emplacement de ces annonces; de définir des mesures visant à promouvoir la recherche et la communication intergouvernementale sur la prévention et le diagnostic du jeu compulsif chez les mineurs et des mesures de soutien destinées aux personnes touchées; et d’établir des normes nationales relatives à la prévention et au diagnostic du jeu compulsif et de la dépendance au jeu et relatives aux mesures de soutien destinées aux personnes touchées. Ces éléments méritent d’être soulignés, car ce projet de loi comporte trois ou quatre aspects clés qui nous préoccupent beaucoup.

Il chargerait également le CRTC d’examiner ses règlements et politiques afin d’en évaluer la pertinence et l’efficacité pour réduire l’incidence des préjudices résultant de la prolifération de la publicité sur les paris sportifs.

Chers collègues, à lui seul, le projet de loi n’interdirait pas complètement les publicités sur les paris. Même si c’est ce que j’aimerais voir, je comprends qu’il y a des implications liées à la Charte, et je crois que si j’avais cherché à obtenir une interdiction complète au moyen de cette mesure législative, le processus aurait certainement été beaucoup plus difficile. Comme le veut la sagesse populaire, il ne faut pas laisser le mieux être l’ennemi du bien. Si le gouvernement décide qu’une interdiction totale est justifiée après l’adoption de ce projet de loi ou même avant, j’en serais ravie, mais c’est à lui d’en décider.

À défaut d’une interdiction totale, le gouvernement dispose de plusieurs options pour élaborer un cadre national. L’une d’entre elles consiste à interdire la diffusion de publicités pour les sociétés de paris cinq minutes avant le début d’un événement jusqu’à cinq minutes après sa fin. J’espère que cette mesure s’étendrait aux pauses commanditées et aux segments de mi-temps, pendant lesquels des commentateurs donnent les cotes des paris au lieu de l’analyse du match à laquelle nous sommes habitués. Cet aspect a fait l’objet d’une attention accrue au cours de la dernière année. Certains éléments ont été très subtils hier soir pendant le match des Blue Jays.

D’autres options consistent à interdire les publicités dans les arénas ou les terrains fréquentés par les enfants et les jeunes; à interdire les promotions dans les jeux au sein même des applications, qui incitent les joueurs à parier en leur offrant de l’argent virtuel à miser s’ils s’inscrivent; et à interdire toutes les publicités pour les jeux d’argent pendant les heures de la journée où les enfants et les jeunes sont plus susceptibles de les voir.

Je rappelle que, il n’y a pas si longtemps, parier signifiait enfiler son manteau d’hiver, quitter son domicile et se rendre dans un casino, ce sur quoi je reviendrai un peu plus tard.

(1430)

De nombreux autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie et l’Allemagne, ont mis en œuvre de telles politiques dans une certaine mesure. On a beaucoup appris. L’Italie a carrément interdit les publicités. Il faut reconnaître que, dans tous ces pays, du travail reste à faire.

La semaine dernière, l’Université de Bristol a constaté que pendant un seul match de la Premier League, les téléspectateurs ont été exposés à 5 000 publicités visibles sur les paris, et ce, malgré une interdiction tout au long du match que l’industrie s’est elle-même imposée, qui ne couvre toutefois pas d’autres formes de publicité visible, comme les commandites sur les chandails, les panneaux publicitaires autour du terrain et les logos sur les structures des stades. Tout ce travail est en cours, mais, ce qu’il faut retenir ici, c’est que d’autres pays font au moins quelque chose à cet égard. Et pourquoi? Parce qu’ils ont légalisé les paris sur une seule épreuve sportive avant nous et qu’ils doivent également faire face aux conséquences.

Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture et dans d’autres observations sur cette question, nous avons l’avantage d’avoir été prévenus. Nous voyons où cela nous mènera, mais nous foncerons quand même droit sur cet iceberg si nous ne faisons rien.

La situation actuelle au Canada rappelle le Far West — sans vouloir manquer de respect envers le Far West, bien entendu. Comme je l’ai dit précédemment, seul l’Ontario a ouvert son marché aux jeux d’argent privés avec son marché réglementé appelé Jeux en ligne. Néanmoins, les publicités de ce marché sont visibles d’un océan à l’autre.

Comme nous l’avons entendu lors de l’étude du comité sur le projet de loi S-269, cette façon de faire pourrait s’avérer illégale. Toutes les administrations qui n’ont pas libéralisé leur marché devraient s’inquiéter de voir leur population invitée à parier auprès d’entreprises qui ne sont pas autorisées à conclure ces transactions sur leur territoire. Si elles ont retardé la privatisation par prudence, pourquoi leur population devrait-elle être bombardée de publicités provenant de la seule province qui a décidé d’ouvrir les vannes? C’est une question parmi bien d’autres qu’un cadre national permettrait sans aucun doute de régler, et de régler efficacement.

Dans l’état actuel des choses, les mesures de protection contre les publicités sur les paris à l’échelle nationale ne correspondront qu’au plus petit dénominateur commun. Les sites Web et même les services traditionnels de câblodistribution ne se soucient guère des frontières provinciales et territoriales, et tous les Canadiens méritent le même niveau de protection contre la promotion des jeux d’argent et les préjudices qui y sont associés.

Quelle forme prennent ces préjudices? Un rapport récent du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances indique que le volume considérable de publicités auxquelles les Canadiens sont exposés normalise ce comportement, amenant les gens à considérer les paris comme faisant partie intégrante du sport et, par conséquent, comme une activité saine et sans danger. Même en Ontario, où l’on a interdit la participation de célébrités et d’athlètes à la promotion des paris sportifs, il existe des moyens de contourner l’interdiction. Ces personnes peuvent apparaître dans ce qui sont censées être des annonces d’intérêt public, diffusées par les entreprises, qui vous incitent à parier dans les limites de vos moyens. C’est presque pire, car non seulement ces annonces associent toujours un athlète à une marque, mais elles laissent également entendre que parier est une activité saine et sans danger tant que les gens connaissent leurs limites.

Le rapport du centre révèle aussi que le type de jeu promu, à savoir les paris sur une seule épreuve sportive ou les paris en direct, est associé à un risque accru de préjudice et qu’il favorise l’augmentation de l’intensité, de la fréquence et des dépenses liées au jeu. De plus, les paris sur une seule épreuve sportive donnent une illusion de contrôle. Alors que les machines à sous ou la roulette sont à première vue des jeux de hasard, les émissions et les sites Web qui analysent les cotes et les matchs convainquent les participants aux paris sportifs qu’un certain niveau de connaissances leur donnera un avantage. Qui frappera un coup de circuit? Quel receveur accumulera le plus de verges? Qui marquera en avantage numérique? Vous pouvez parier sur tous ces éléments et bien d’autres encore pendant une rencontre.

Enfin, et c’est le plus inquiétant, le rapport révèle que l’exposition précoce à la promotion des jeux d’argent est associée à un risque accru de subir des préjudices et de développer des problèmes liés aux jeux d’argent plus tard dans la vie, comme des problèmes familiaux, la perte d’un emploi et même le suicide. Cependant, pour être claire, toutes les populations sont vulnérables, tous les groupes d’âge sont touchés. Nous nous concentrons sur les jeunes, en particulier les jeunes hommes, mais, peu importe le moment, personne n’est à l’abri.

J’ai déjà dit que les jeunes étaient les plus à risque, mais en réalité, chers collègues, ce sont presque exclusivement les jeunes hommes qui sont les plus prédisposés à subir les préjudices associés à la promotion des jeux d’argent et à la dépendance au jeu. J’ai reçu des messages d’innombrables pères inquiets de voir leurs fils adolescents s’intéresser aux jeux d’argent et de constater que la démarcation entre les paris sportifs et les sports eux-mêmes s’estompe au point de disparaître.

L’un de ces pères, le Dr Shawn Kelly, a attiré mon attention quand il a coécrit un article d’opinion dans le Canadian Medical Association Journal sur l’omniprésence des publicités sur les paris, les préjudices qui en résultent et notre incapacité, en tant que pays, à y apporter une réponse adéquate. Le Dr Kelly, pédiatre et médecin spécialiste en toxicomanie chez les adolescents, ici, à Ottawa, a eu l’amabilité de venir au Sénat il y a deux semaines pour discuter de cette question avec mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants. Vous vous souviendrez l’avoir vu quand nous avons souligné sa présence à la tribune.

En plus de ses commentaires sur les tendances et les conséquences en général, dont certaines ont déjà été mentionnées, il nous a fait part de détails personnels, comme le fait que dans sa pratique, il rencontre des enfants, dont certains n’ont que 14 ans, qui sont aux prises avec des comportements de jeu. Il a dit qu’avant 2021, c’était presque du jamais vu, mais que c’est en train de devenir un phénomène courant dans sa pratique et que les parents ne remarquent même pas le problème jusqu’à ce qu’il y ait des pertes financières, de l’absentéisme scolaire ou des crises de nerfs. Je me suis rendu dans des écoles, et il n’était pas rare que j’aperçoive des jeunes tenir une cigarette électronique d’une main et s’adonner au jeu sur leur téléphone de l’autre.

Le Dr Kelly a également mentionné s’être senti personnellement concerné par cette crise un jour que lui et son fils, alors âgé de 7 ans, regardaient les faits saillants des matchs de hockey. Son fils lui a demandé : « Papa, quelle est la différence entre les écarts de points et le handicap? ».

Chers collègues, les méfaits de la promotion des jeux d’argent sont particulièrement insidieux à cause de la manière d’acquérir la dépendance. Il existe une certaine distance entre les consommateurs et les fournisseurs dans les autres industries du vice, comme l’alcool, le tabac et le cannabis. Il faut voir une publicité et se rendre physiquement quelque part pour acquérir ces produits. Il y a au moins un décalage entre la promotion et la consommation. Dans le cas des jeux d’argent, la promotion peut déclencher la participation en quelques secondes sur un téléphone intelligent.

Les dépendances que nous avons à l’égard de nos téléphones et des réseaux sociaux, dont nous avons tous fait l’expérience à un moment ou à un autre, se développent de la même manière lorsqu’il s’agit des habitudes de jeu. Je vous cite un article récent que j’ai trouvé sur le site de l’American Institute for Boys and Men :

Au-delà d’un accès plus facile, l’augmentation des paris en ligne s’explique en grande partie par le fait que les entreprises de paris ont conçu leurs jeux de manière à ce qu’ils soient de plus en plus addictifs. Ils utilisent les mêmes incitations comportementales et les mêmes mécanismes de libération de dopamine que les plateformes de réseaux sociaux. Ce ne sont pas les machines à sous de l’époque de vos grands-parents.

Chaque volet d’une application de paris est conçu pour être amusant, facile à utiliser et difficile à quitter. Après un processus sommaire de vérification de l’âge [...] les parieurs peuvent déposer de l’argent aussi facilement qu’ils achètent n’importe quel autre produit en ligne. Les applications ont leur propre version du défilement à l’infini, avec un menu constamment mis à jour des paris possibles.

[...] « Imaginez que vous soyez accro au jeu et que vous ayez toujours une machine à sous dans votre poche, sauf que vous avez également besoin de cette machine à sous pour rester en contact avec vos amis et votre famille, pour trouver un emploi et communiquer avec vos collègues, pour effectuer des opérations bancaires ou pour vous déplacer. »

Au sujet de la comparaison, aux États-Unis, entre, d’une part, les États où les paris en ligne et les paris sur une seule épreuve sportive sont illégaux et, d’autre part, les États où ces paris sont permis, l’auteur ajoute ceci :

[les États où ces paris sont permis] constatent une augmentation des faillites et des défauts de paiement des prêts automobiles, une baisse des cotes de crédit, ainsi qu’une réduction de l’épargne et des investissements parmi les ménages à faible revenu.

Chers collègues, comme c’est la quatrième fois que je prends la parole sur ce sujet au Sénat, j’ai remarqué certaines tendances dans les questions qui sont posées, alors je tenterai d’y répondre dès maintenant.

La première question, et la plus courante, est la suivante : où vont les recettes provenant du jeu en ligne? Plus précisément, sont-elles affectées à des programmes publics destinés à lutter contre la dépendance au jeu et ses répercussions sur la santé mentale? Dans chaque province, les recettes provenant des sociétés de loterie provinciales ou les recettes fiscales provenant des paris privés sont versées dans le Trésor de la province.

Pour déterminer la part de ces recettes qui servent à financer les programmes de lutte contre la dépendance, il faudrait examiner le budget de chaque province pour voir les sommes qui sont consacrées aux dépenses en santé publique, puis déterminer quelle part de ces sommes provient de ces recettes. Le rapport dont j’ai parlé tout à l’heure a révélé que le financement de la prévention et de la réduction des méfaits liés au jeu par les organismes de santé publique, les organismes à but non lucratif et d’autres organismes a été grandement négligé, car une multitude de problèmes sociaux se disputent les fonds limités alloués à la santé publique.

En outre, le rapport a révélé que le financement de la recherche sur les méfaits liés au jeu au Canada est désespérément insuffisant pour répondre aux besoins actuels. Je peux donc affirmer avec une certaine assurance que non, les recettes provenant du jeu ne sont pas affectées à des programmes de lutte contre la dépendance au jeu ou à l’étude de ses effets sur la société. C’est pourquoi cet élément est également inclus dans le projet de loi.

L’autre question qui m’est souvent posée est la suivante : quelles seraient les conséquences d’une réduction de la publicité pour les diffuseurs et les ligues sportives qui dépendent des recettes qu’elle génère? Ma réponse ici est plutôt de type anecdotique, mais en ce qui concerne les diffuseurs, je pense qu’ils s’en sortiront très bien. La diffusion au Canada est largement assurée par trois sociétés qui, compte tenu de la récente série de fusions et d’acquisitions qui ont fait les manchettes ces dernières années, affichent des résultats financiers plutôt satisfaisants. L’une d’entre elles est même propriétaire de l’équipe que tout le Canada soutient actuellement.

Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de mettre en péril la santé mentale et le bien-être d’une cohorte croissante de Canadiens pour garantir que les recettes que les entreprises de télécommunications tirent de la publicité sur les paris sportifs restent inchangées.

En ce qui concerne les ligues sportives, les quatre grandes ligues nord-américaines — la NFL, la LNH, la NBA et la MLB — survivront si ces publicités sont réduites. Elles ne sont pas interdites, elles sont simplement réduites.

(1440)

Je comprends que cela relève en grande partie de la responsabilité des États-Unis, puisque que c’est là que se trouvent la majorité de ces équipes et, donc, à partir de là que leurs rencontres sont diffusées. Toutefois, les législateurs américains font aussi l’objet de pressions pour réduire ces publicités.

Il va sans dire que ce n’est pas le moment de baisser les bras parce que les États-Unis prennent des mesures. J’ai une certaine hésitation en ce qui concerne la Ligue canadienne de football, une entité exclusivement canadienne. Je ne peux pas affirmer avec certitude qu’il n’y aurait aucune incidence négative sur les résultats financiers de cette ligue si l’on supprimait une bonne partie des revenus provenant de la promotion des jeux d’argent. Cependant, comme je l’ai expliqué, l’ampleur actuelle de la promotion cause beaucoup de tort. Où faut-il fixer la limite?

Il est interdit aux équipes de la Ligue canadienne de football d’orner les casques des joueurs ou leurs terrains de publicités pour le tabac, le cannabis ou des sites Web pour adultes. Pourquoi les sites de paris sportifs devraient-ils faire exception? L’incohérence de cette exception est d’autant plus flagrante dans la mesure où des études empiriques ont prouvé que la dépendance au jeu est aussi nocive, sinon plus, que deux des trois exemples de dépendances que j’ai cités.

Honorables sénateurs, nous sommes en partie responsables de ce problème. Je m’inclus dans ce groupe, car j’ai voté en faveur du projet de loi C-218. Le fait de renvoyer le projet de loi dont nous sommes saisis à l’autre endroit contribuerait grandement à corriger le tir, et j’espère sincèrement que nous pourrons le faire rapidement.

En tant que sénatrice, j’estime qu’il est important de remédier à la situation. En tant que Canadienne ayant entraîné et dirigé des équipes à l’échelle communautaire et dans le cadre des Jeux olympiques, des Jeux du Commonwealth et des Jeux panaméricains, j’ai été témoin de ce que le sport peut être et de ce qu’il peut offrir comme bienfaits et comme possibilités.

J’ai participé à des activités de sensibilisation et j’ai été mentor dans de nombreux pays, où j’ai vu la joie des jeunes à qui on donne de l’équipement et des installations rudimentaires qui leur permettent d’apprendre et d’être des leaders grâce au sport. C’est ce que le sport devrait être et ce que nous devrions célébrer. On nous dit cependant que ces paramètres deviennent flous.

Comme c’est la dernière fois — pour moi et pour vous, je l’espère — que je prends la parole à la Chambre pour discuter de cette question, je tiens à offrir des remerciements. J’ai déjà mentionné mes collègues du Comité sénatorial permanent des transports et des communications qui, tant au cours de la présente législature que pendant la législature précédente, ont recommandé l’adoption de ce projet de loi sans amendement.

En tant que porte-parole pour l’ancien projet de loi S-269 et pour le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, le sénateur Housakos a prononcé deux discours pour appuyer ce projet de loi, avec l’éloquence et la compétence dont il sait faire preuve.

Je remercie la sénatrice Saint-Germain, qui a questionné le ministre Guilbeault à ce sujet lors de sa comparution il y a quelques semaines. Je remercie également le sénateur Downe, qui s’est dit en faveur de ce projet de loi chaque fois qu’il en a eu l’occasion et qui, comme vous l’avez vu aujourd’hui, demande publiquement au gouvernement d’imposer une interdiction complète.

J’ai joint ma voix à cette demande parce que, comme je l’ai mentionné, même si le projet de loi ne vise pas à imposer une interdiction complète, je serais heureuse que le gouvernement prenne l’initiative de le faire.

À l’extérieur du Sénat, je tiens à remercier le Dr Kelly, que j’ai cité aujourd’hui, et M. Bruce Kidd, qui a communiqué avec moi au début de l’étude de ce projet de loi et qui a lancé sa propre campagne publique sur son site Web banadsforgambling.ca.

Je remercie également notre ancien collègue, le cher sénateur Cotter, qui était mon avocat et mon mentor et qui a joué un rôle essentiel dans notre apprentissage de la Charte et des arrêts antérieurs de la Cour suprême lors de l’élaboration de l’ancien projet de loi S-269, et donc du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui.

Honorables sénateurs, je suis heureuse d’être de retour dans cette enceinte après avoir passé un certain temps à me remettre d’une intervention chirurgicale. Vous m’avez manqué. Ce fut un honneur de travailler avec vous tous sur cette question importante. Le moment venu, veuillez voter pour que ce projet de loi soit renvoyé à l’autre endroit. Je vous remercie. Meegwetch.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler brièvement du projet de loi S-211, Loi concernant un cadre national sur la publicité sur les paris sportifs. La sénatrice Deacon a très bien résumé la situation, et il n’y a pas grand-chose à ajouter.

Ce projet de loi a été rédigé par notre honorable collègue, et la seule raison pour laquelle nous en sommes encore saisis, c’est qu’il n’a pas franchi la ligne d’arrivée lors de la dernière législature.

Je ne prendrai pas trop de votre temps. Nous avons déjà longuement discuté de ce projet de loi au cours de la 44e législature, tant dans cette salle qu’au Comité des transports et des communications. Je demeure le porte-parole bienveillant pour ce projet de loi, comme je l’étais déjà lors de la présentation de sa mouture précédente.

Même si nous ne comprenons pas encore parfaitement le lien entre le déclin de la diffusion traditionnelle des événements sportifs et la dépendance croissante de l’industrie à l’égard des revenus publicitaires générés par les paris sportifs, une chose est claire, chers collègues : la publicité pour les paris sportifs est un problème évident et généralisé.

Malheureusement, la semaine prochaine, nous ne pourrons pas regarder les Blue Jays participer à la Série mondiale sans être exposés à des publicités sur les paris sportifs toutes les quelques minutes. Cependant, nous pouvons faire ce qu’il convient de faire et renvoyer rapidement le projet de loi à l’autre endroit — où il se trouvait avant les élections —, afin que les succès des équipes sportives canadiennes puissent être bientôt diffusés sans publicités dangereuses et irresponsables, tant pour les Blue Jays que pour les Canadiens de Montréal, lorsqu’ils auront l’occasion de remporter la Coupe Stanley cette année — de même que les Canucks de Vancouver, bien sûr, s’ils se qualifient également pour les séries éliminatoires cette année. N’entrons pas dans les rivalités sportives de notre fédération canadienne.

Je tiens à remercier la sénatrice Deacon du leadership dont elle a fait preuve dans ce dossier, de sa détermination et de sa patience. J’appuie de tout cœur l’adoption du projet de loi à l’étape de la troisième lecture et j’espère que nos collègues de l’autre endroit lui accorderont l’examen attentif qu’il mérite. Merci, chers collègues. Allez, les Jays!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi interdisant la promotion des boissons alcooliques

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Brazeau, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi visant à interdire la promotion des boissons alcooliques.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je propose donc l’ajournement du débat pour le temps de parole qu’il me reste.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je prends la parole brièvement au sujet du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Je tiens tout d’abord à remercier la sénatrice Pate de présenter cette mesure et, plus important encore, de tout ce qu’elle fait pour les personnes oubliées et défavorisées de notre société, particulièrement pour les personnes incarcérées. Vous faites des efforts incessants, et j’ai fini par comprendre que c’est nécessaire : il le faut pour que ces enjeux soient mis en lumière et pour qu’on en parle. Je vous en remercie.

J’ai assisté aux travaux du comité des affaires juridiques lorsqu’il a examiné ce projet de loi pendant la dernière législature. Après avoir été adopté par le comité puis par le Sénat, il a été envoyé à la Chambre des communes, où il est mort au Feuilleton. Et maintenant, il est de retour.

J’étais contre ce projet de loi lors de la dernière législature, et il n’est pas surprenant que je sois toujours contre aujourd’hui. J’ai quelques préoccupations. Le projet de loi a un objectif louable, qui est de fournir aux détenus un accès à des services de santé mentale. Je suis surpris que ce ne soit pas déjà chose faite. Nous avons entendu beaucoup d’informations et de statistiques sur la santé mentale et son lien avec la criminalité et l’incarcération. Devant le comité, des groupes ont exprimé beaucoup de frustration au sujet des fonds qui auraient dû être disponibles — et qui l’étaient quelque part — au Service correctionnel du Canada, mais qui n’étaient pas du tout utilisés aux fins prévues. Je ne pense pas que nous ayons jamais reçu de réponse claire sur la localisation de ces fonds et sur le mode de prestation des services aux détenus.

À mon avis, ce projet de loi est le fruit de cette frustration, car il est très précis quant à la manière de fournir des services de santé mentale aux personnes incarcérées. Ma première préoccupation, je l’ai soulevée pendant la dernière législature et je la soulèverai à nouveau; toutefois, je n’ai pas l’intention d’en faire tout un plat comme je l’ai fait lors de la dernière législature en demandant au directeur parlementaire du budget de réaliser une étude sur les coûts. Mais il n’en demeure pas moins que tout cela entraîne des coûts. Comme vous le savez, dans le cas des projets de loi d’intérêt public du Sénat, nous ne sommes pas censés dépenser de fonds publics pour financer nos propositions.

(1450)

Le directeur parlementaire du budget a affirmé que le coût du projet de loi se situait entre 5 millions et 2 milliards de dollars, selon la façon dont on l’envisageait. Le libellé même du projet de loi exige que les détenus qui déclarent avoir besoin de services de santé mentale soient transférés vers un établissement de santé mentale pour y être traités, mais il ne précise pas qu’ils doivent nécessairement recevoir un traitement une fois transférés. Le directeur parlementaire du budget a déclaré qu’il ne faut pas nécessairement couvrir le coût du traitement, mais simplement celui du transport vers l’hôpital, où le détenu sera refusé, puis ramené à son point d’origine.

À mon avis, c’était une sorte d’argument technique sur lequel nous nous appuyions pour dire : « Nous pouvons adopter ce projet de loi parce qu’il ne coûte en réalité que 5 millions de dollars. » Le problème, c’est que si nous voulons que le projet de loi ait l’effet escompté, ou si, dans l’esprit du projet de loi, Service correctionnel Canada veut réellement faire quelque chose à cet égard, il en coûtera des centaines de millions, voire des milliards de dollars supplémentaires. Personne ne le sait vraiment, car ce serait au gouvernement fédéral de négocier les services, de construire des hôpitaux ou de faire tout ce qui est nécessaire pour fournir les services, ce qui, de toute évidence, n’est pas autorisé dans le cadre de notre système de projets de loi d’intérêt public du Sénat.

Si le projet de loi à l’étude prévoit uniquement le transport aller-retour des détenus vers un hôpital de temps à autre, comme nous le croyons, sans la fourniture de services, il pourra être considéré comme un projet de loi d’intérêt public en bonne et due forme. Par contre, si, comme nous l’espérons ou nous nous y attendons, il prévoit la fourniture de services aux détenus, avec les dépenses que cela suppose, il ne pourra plus être considéré comme un projet de loi d’intérêt public recevable et approprié. Il s’agit là de ma première véritable préoccupation.

Je crains également que cette mesure législative laisse beaucoup de décisions et d’appels à l’action entre les mains des détenus. Bien que je comprenne la motivation, je pense que bon nombre de détenus ne souhaitent pas être en prison et aimeraient être transférés ailleurs. J’estime donc que cette initiative pourrait donner lieu à des abus. Je ne sais pas comment atténuer ce risque tout en laissant aux détenus le soin d’exprimer leurs besoins. C’est l’autre élément qui me chicote.

Le troisième sujet de préoccupation est un peu plus épineux pour moi. Je crois que l’opinion publique à l’égard de ce genre de questions a radicalement changé au cours des cinq dernières années. Le discours public est bien différent, et je m’interroge donc sur le moment choisi et sur le soutien de la population à l’égard d’un projet de loi comme celui-ci s’il était renvoyé à la Chambre des communes. Je pense au temps que nous consacrerons à faire progresser le projet de loi dans le processus législatif et à le renvoyer à la Chambre des communes. C’est, je crois, la dernière chose que je voulais mentionner.

Le débat est le moment le moins coûteux que nous consacrons aux projets de loi d’intérêt public du Sénat. L’étape la plus coûteuse est celle de l’étude en comité. C’est à ce moment-là que nous nous éloignons des études percutantes qui ont fait notre renommée — et qui, espérons-le, feront à nouveau notre renommée, voire nous rendront encore plus célèbres. De tels travaux nous éloignent d’autres projets de loi d’intérêt public qui bénéficient peut-être d’un plus grand soutien, sont plus urgents, plus novateurs ou moins complexes.

Je tiens à soulever cette question, chers collègues, car je pense que, compte tenu du nombre considérable de projets de loi d’intérêt public dont le Sénat a été saisi lors de la dernière législature et dont il sera clairement saisi lors de la présente législature, nous devons, dans notre manière d’examiner ces projets de loi, adopter une approche plus réfléchie et plus ciblée lors de l’étape de la deuxième lecture.

La deuxième lecture était naguère une récompense que nous accordions à chaque projet de loi. Nous disions : « Laissons-le passer et le sénateur Untel le fera examiner comme il se doit par le comité. » Nous n’avions que quelques projets de loi, cela n’avait donc pas d’importance. Toutefois, si nous ne faisons pas attention, nous risquons de submerger les comités du Sénat de projets de loi d’intérêt public. Nous en revenons à cette dilution de la valeur du travail des comités, qui est un élément essentiel de la valeur du travail du Sénat pour les Canadiens.

Avec des projets de loi complexes comme celui-ci, nous devons vraiment agir avec intentionnalité quand nous envisageons de leur faire franchir l’étape de la deuxième lecture. Nous connaissons ce projet de loi. Nous l’avons déjà vu. C’est un bon projet de loi. Il est complexe et un peu controversé. Je pense donc que le moment est bien choisi pour adopter une approche plus intentionnelle et réfléchie lors de l’approbation en deuxième lecture.

Je vais demander que nous nous déclarions pour ou contre ce projet de loi lors d’un vote par appel nominal aujourd’hui, en faisant retentir la sonnerie dès que nos whips et nos agents de liaison le jugeront opportun. Merci, sénateurs.

L’honorable Marty Deacon : Le sénateur Tannas accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice M. Deacon : Merci beaucoup. Je pense que les souvenirs sont vivaces. Il y a 18 ans, Ashley Smith a perdu la vie dans un pénitencier. Je faisais partie de la communauté immédiate qui a pris part aux consultations visant à déterminer les mesures de soutien qui allaient être offertes ou non aux jeunes prisonniers.

Vous avez dit que vous avez participé aux réunions du comité. Avez-vous parlé des services offerts à la prison? Nous parlons des coûts liés au fait d’envoyer des gens à l’hôpital et des services de santé mentale appropriés, mais a-t-on également parlé des services offerts sur place?

Le sénateur Tannas : Il y a eu beaucoup de témoignages sur le manque de services et sur le fait que, d’une part, la réglementation, les lois, les intentions et les déclarations disent une chose, alors que d’autre part, la réalité est toute autre. Je suis loin de prétendre que les services offerts dans les prisons sont acceptables. Ils ne le sont pas. Toutefois, le problème se situe au niveau des comportements et de la gestion. Je ne crois pas que ce soit un problème législatif, surtout qu’on fournit une échappatoire autorisant de simplement ramener la personne jusqu’au stationnement ou jusqu’à son domicile sans avoir à consacrer le temps, l’argent et les efforts nécessaires pour s’assurer que cette personne reçoive l’aide dont elle a besoin.

Si nous croyons réellement — et nous sommes nombreux à le croire — que Service correctionnel Canada fait à sa guise, pourquoi serions-nous étonnés qu’il fasse comme bon lui semble à cet égard? Nous lui fournissons une échappatoire qui lui permet de ne pas vraiment avoir à fournir les services. D’après tout ce que nous avons entendu, en gros, il semble qu’on ne fait pas ce qui est censé être fait, et ce, même dans un contexte où des fonds sont prévus pour que ce soit fait.

L’honorable Hassan Yussuff : D’abord, j’aimerais remercier le sénateur Tannas pour ses observations réfléchies au sujet du projet de loi.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai dû mal à composer avec bien des sujets que nous abordons dans cette enceinte. J’éprouve un profond sentiment de perte lorsque nous n’arrivons pas à trouver un moyen législatif de rectifier une chose ou un comportement que nous savons être inacceptable au XXIe siècle.

(1500)

Je vis dans une collectivité qui se trouve près d’une maison de transition. Je sais que, souvent, beaucoup de ceux qui en sortent ne bénéficient pas des services nécessaires à leur réadaptation lorsqu’ils réintègrent la société. Pourtant, nous les laissons sortir quand même, en espérant, parfois de façon un peu naïve, qu’ils ont réussi à se réformer et à devenir de meilleurs citoyens.

Comment se fait-il que, dans une société dotée d’une Constitution qui a donné naissance aux principes fondamentaux des droits de la personne, nous continuions à permettre que les détenus soient isolés d’une manière qui leur cause un tel préjudice que, lorsqu’ils sont libérés, ils n’ont jamais la capacité de repartir du bon pied?

Ma question est très directe. Les relations entre le gouvernement fédéral et les provinces, que nous nous efforçons d’améliorer depuis près de 160 ans, n’ont jamais été un exemple parfait de la façon d’exercer ses responsabilités. Toutefois, en tant que législateurs, nous devons à un moment donné obliger le gouvernement fédéral à jouer son rôle, car il a assurément le devoir de superviser les prisons dont il est responsable.

Je ne sais pas comment nous y parviendrons, mais je pense que ce projet de loi met en lumière cette question. Vous pourriez peut-être réfléchir à certaines choses qui vous sont venues à l’esprit lorsque vous en avez entendu parler au comité.

Le sénateur Tannas : Je suis d’accord avec vous. Les dernières audiences du comité — et le Comité des affaires juridiques a consacré beaucoup de temps à ce projet de loi — ont certainement contribué à faire la lumière sur le sujet. Si nous le souhaitons, nous pouvons également le faire ici dans le cadre de la période de questions avec un ministre.

Il faut changer les comportements. Plus nous essayons de légiférer sur un sujet aussi précis tout en continuant de nous tromper... On pourrait d’ailleurs dire que c’est le cas ici, puisque la seule obligation prévue dans le projet de loi est celle de conduire les personnes concernées à l’hôpital. Bien sûr, d’un point de vue moral, il faudrait faire bien plus que cela, mais nous n’avons pas le pouvoir d’imposer cela dans le projet de loi, d’où le problème.

Nous devons faire preuve de prudence quand nous utilisons nos pouvoirs législatifs. Nous devons avoir l’assurance raisonnable qu’ils seront utilisés conformément à nos intentions. Il nous appartient ensuite de veiller à ce que cela se produise en posant des questions et en soulevant le sujet de manière appropriée.

Tout ce que je voulais faire aujourd’hui, c’était soulever mes préoccupations — rappeler aux gens ce qu’elles étaient — et suggérer que, parfois, nous devons vraiment faire des choix difficiles concernant les mesures législatives qui sont présentés au Sénat, compte tenu du nombre de projets de loi d’initiative parlementaire que les sénateurs sont désormais enclins à déposer.

Merci.

L’honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Tannas, accepteriez-vous de répondre à quelques questions supplémentaires?

Le sénateur Tannas : Bien sûr.

La sénatrice Ringuette : Je vais essayer d’être brève et d’aller droit au but.

Vous avez indiqué que le projet de loi contient une lacune qui doit être clarifiée et corrigée. Ne pensez-vous pas que la meilleure façon d’y parvenir est de renvoyer le projet de loi au comité, d’entendre des témoins et de proposer des amendements?

Le sénateur Tannas : Selon moi, nous réglerons le problème en proposant un amendement, mais nous rendrons le projet de loi inadmissible parce qu’il nécessitera la dépense d’une somme considérable d’argent.

La sénatrice Ringuette : C’est ce qu’on pourrait penser, mais l’objet de l’amendement n’a pas été déterminé, donc nous l’ignorons.

Voici ce que j’essaie de dire : en tant que groupe collectif de citoyens responsables, tant que nous ne choisirons pas une procédure différente de celle sur laquelle nous nous entendons actuellement pour les projets de loi d’initiative parlementaire, je ne vois pas pourquoi nous devrions empêcher un projet de loi d’initiative parlementaire d’un sénateur en particulier ou de tout autre sénateur d’être renvoyé au comité et de suivre le processus.

Le sénateur Tannas : Vous semblez vouloir passer outre l’étape de la deuxième lecture, ne pas débattre et ne pas voter. Cependant, le fait est que le débat de deuxième lecture a lieu et que nous allons tous voter. La raison d’être de ce débat est d’examiner le principe du projet de loi et de déterminer si nous pouvons envisager de l’appuyer un moment donné.

Nous avons maintenant un autre facteur à prendre en considération, à savoir l’utilisation du temps précieux qui nous manque pour effectuer l’étude en comité, vu les nombreuses autres tâches qui nous attendent.

Je vous remercie.

[Français]

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Pendant les travaux du comité, a-t-on démontré que les problèmes de santé mentale qui nécessitent un traitement en centre hospitalier sont plus aigus chez les personnes incarcérées qu’au sein de la population non incarcérée? Le lien a-t-il été fait entre l’impact éventuel de la mise en œuvre de ce projet de loi sur un manque de services déjà criant pour les personnes qui ont des besoins plus grands et vivent encore en société? En d’autres termes, a-t-on pu faire le parallèle entre la prévention de la criminalisation et le traitement efficace des problèmes de santé mentale chez les personnes non incarcérées lors de l’étude du comité?

[Traduction]

Le sénateur Tannas : Je ne m’en souviens pas. Je ne veux pas me prononcer dans un sens ou dans l’autre.

Je pense qu’il est clair que la toxicomanie, la santé mentale et l’incarcération constituent un cercle vicieux, et que la cause profonde de la toxicomanie et de l’incarcération est, dans de nombreux cas, la santé mentale. Tant que nous ne nous attaquerons pas aux causes profondes, qu’il s’agisse de la toxicomanie ou de l’incarcération, je pense que nous continuerons à tourner en rond.

L’honorable Lucie Moncion : Sénateur Tannas, le projet de loi S-205 était entre les mains de l’autre endroit, mais il est mort au Feuilleton parce que nos projets de loi n’y étaient pas débattus. Nous sommes d’accord là-dessus.

Je comprends vos arguments au sujet des projets de loi d’initiative parlementaire. Par contre, je ne comprends pas pourquoi vous incluez aussi ce projet de loi compte tenu du fait qu’il a précédemment franchi toutes les étapes de l’étude par le Sénat. Il en va de même du projet de loi que je présenterai.

J’aimerais comprendre votre raisonnement, car je pense que vous essayez de nous expliquer qu’il y a trop de projets de loi d’initiative parlementaire dans cette enceinte et que cela complique les travaux des comités. Or, les sénateurs soumettent toutes sortes de questions au Sénat, et compte tenu de la teneur des projets de loi et du contexte dans lequel le Parlement fonctionnait, l’étude de nombreux projets de loi adoptés par le Sénat et déjà renvoyés à l’autre endroit était au point mort. Nous voulons simplement que le travail reprenne là où nous étions rendus en renvoyant tout de suite les mêmes projets de loi à la Chambre des communes, de manière à ce que nous soyons capables de nous concentrer sur les projets de loi du gouvernement.

Sommes-nous d’accord là-dessus?

Le sénateur Tannas : Je ne suis pas sûr. Tout ce que je sais, c’est ce que j’ai dit. Je suis préoccupé par les délais et je crois que nous devons être plus sérieux lors de la deuxième lecture relativement à ce que nous avons les moyens de faire.

Au cours de la dernière législature, j’ai proposé un projet de loi assez controversé. J’ai l’intention de le proposer à nouveau. Son principe est clair, et je m’attends certainement à ce que, lors de la deuxième lecture, certains expriment leurs préoccupations à son sujet et déclarent qu’ils ne peuvent pas le soutenir, même s’il est renvoyé au comité et revient sans amendement, ils ne le soutiendront jamais et ils voteront donc contre.

Voilà en somme pourquoi j’ai ressenti le besoin de prendre la parole aujourd’hui. Nous vivons une nouvelle ère avec le public, mais nous devons également établir une nouvelle ère ici, en faisant preuve de considération et de détermination à l’égard des projets de loi d’initiative parlementaire et en étant prêts à nous lever et à voter sur un sujet dès le début du processus. Nous devons procéder à un tri si nous voulons avoir du succès et laisser suffisamment de temps aux comités pour qu’ils puissent mener à bien leur important travail d’études thématiques.

Merci.

(1510)

Je sais que le temps file. Je répondrai à d’autres questions, mais j’aimerais que nous puissions passer au vote.

La sénatrice Moncion : Sur ce point, je suis tout à fait d’accord avec vous, sénateur. Nous examinons en effet différents projets de loi controversés qui n’auraient pas dû faire l’objet d’un vote pendant la dernière législature et probablement pas pendant celle-ci non plus.

Je pense que nous sommes d’accord sur le fait qu’il y a beaucoup de travail à faire. Je crois qu’il faut réfléchir à chaque projet de loi d’initiative parlementaire présenté ici. Il s’agit d’une conversation que nous n’avons pas eue avec différents sénateurs sur les projets de loi d’initiative parlementaire.

Je pense que nous sommes d’accord sur ce point, mais j’aimerais savoir si nous sommes sur la même longueur d’onde.

Le sénateur Tannas : Je crois que oui.

L’honorable Kim Pate : Merci, sénateur Tannas, de vos propos très aimables au début de votre discours.

Pour les besoins de cette enceinte, je voudrais vous demander si vous vous souvenez qu’avant d’être un projet de loi d’initiative parlementaire, cette mesure correspondait en fait aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-83. Il ne s’agissait pas d’un projet de loi d’initiative parlementaire, mais bien d’un projet de loi assorti de la recommandation royale.

Comme vous l’avez souligné à juste titre, 74 millions de dollars n’ont pas été comptabilisés par le gouvernement. Cela comprend des fonds qu’il avait affectés à des places en établissement psychiatrique externe, donc pas seulement au transport aller-retour à l’établissement, mais bien aux places qui n’avaient pas fait l’objet d’un contrat.

Une partie des témoignages que nous avons entendus indiquait que ce type de mesures pourrait contribuer à garantir la disponibilité de ces ressources et, comme l’a montré le directeur parlementaire du budget, à un coût qui permettrait d’économiser plus de 100 000 $ par année par détenu.

Est-ce que mon souvenir est exact, selon vous?

Le sénateur Tannas : Vous avez raison. C’était un amendement apporté par le Sénat à un projet de loi, et c’est peut-être vous qui l’aviez proposé ou un autre sénateur, je ne sais trop. En fin de compte, cet amendement a entraîné l’affectation d’une enveloppe budgétaire à l’usage dont vous parlez, sans toutefois que l’argent soit dépensé.

Donc, la même question se pose, à savoir que les dispositions de la loi ne semblent pas amener les autorités pénitentiaires à faire ce qu’elles prescrivent. C’est un problème de gestion.

L’honorable Andrew Cardozo : Merci beaucoup, sénateur Tannas, de vos observations. Je suis tout à fait d’accord avec vous pour dire que nous devrions être prêts à examiner des projets d’intérêt privé ou des projets de loi d’intérêt public et à voter pour ou contre. Je pense que vous avez présenté les choses de façon respectueuse, et que nous faisons les choses de manière respectueuse.

Ce que j’aimerais dire répond en partie à vos observations, mais on dit parfois qu’au Sénat, nous consacrons trop de temps aux projets de loi d’intérêt public, que les gens se concentrent sur leurs projets favoris. Je ne dis pas que c’est ce que vous dites.

J’aimerais dire que, d’après ce que je comprends, nous n’étudions les projets de loi d’intérêt public du Sénat qu’après avoir étudié les affaires du gouvernement. Les affaires du gouvernement passent toujours en premier, et les autres projets de loi que nous présentons ne retardent jamais les projets de loi du gouvernement, et ils ne devraient pas les retarder. Cela arrive parfois, mais cela ne devrait pas se produire. Je pense que nous sommes généralement d’accord là-dessus. Nous présentons des projets de loi d’intérêt public, mais cela ne retarde jamais l’étude des affaires du pays et de l’État, qui sont notre priorité.

Le sénateur Tannas : Merci pour cette précision. Vous avez raison de dire que, quand il s’agit des projets de loi, nous traitons toujours en priorité les affaires du gouvernement, et il est important que le public le comprenne.

Le problème se situe au niveau des travaux des comités, qui ont l’obligation de traiter les projets de loi avant les études. Nous avons franchement pris du retard dans nos études pendant la pandémie de COVID, mais nous reprenons lentement notre élan en menant des études efficaces qui susciteront l’intérêt et donneront de l’importance à des questions que le gouvernement devrait examiner. Cependant, les projets de loi d’initiative parlementaire accaparent beaucoup de temps aux comités, qui ne peuvent donc plus se consacrer aux études.

L’honorable Marty Klyne : Je sais que le sénateur Tannas souhaite passer à autre chose, mais je voudrais juste faire une observation et poser une question afin de m’assurer que tout est clair.

La sénatrice Pate a parlé du projet de loi C-83. J’étais le parrain de ce projet de loi, et elle et moi avons travaillé ensemble sur ce dossier. Pour ceux qui ne connaissent pas le projet de loi C-83, il porte sur les unités d’intervention structurée. Plus précisément, les unités d’intervention structurée au Canada sont des établissements correctionnels conçus pour séparer des détenus de la population carcérale générale pour des raisons de sécurité ou autres, tout en offrant un environnement propice à des interventions ciblées et à la réadaptation.

Je vais aller droit au but. Les objectifs étaient les suivants. Il y a la séparation : gérer les prisonniers qui ne peuvent pas être détenus en toute sécurité parmi la population carcérale générale. Il y a l’aspect de l’intervention : fournir des interventions et des programmes ciblés pour répondre aux risques et aux besoins qui ont conduit au transfèrement du détenu. Il y a aussi la réintégration : faciliter un retour sûr et structuré vers la population carcérale générale. Il est également question de droits : garantir aux détenus des unités d’intervention structurée les mêmes droits que les autres détenus dans la mesure du possible, tout en reconnaissant certaines limitations liées à la sécurité. Il faut tenir compte des principales caractéristiques de la routine quotidienne, du temps passé hors de la cellule, des contacts humains, de la participation significative et de l’accès aux services.

Il y a une chose dont vous semblez avoir évité de discuter lorsque vous avez mentionné le projet de loi. C’était une bonne mesure législative, qui partait d’une bonne intention et qui contenait de bonnes mesures. Toutefois, le hic, c’est que le Service correctionnel du Canada semble vouloir agir à sa guise. J’avais fait promettre à ses représentants de donner suite aux mesures prévues, et ils avaient un plan pour le faire et mener à bien ce projet. Or, quatre mois plus tard — je crois —, la sénatrice Pate et moi sommes allés vérifier ce qui se passait, et nous n’avons observé aucun signe d’avancement. Il n’y avait aucun programme de réinsertion sociale progressive visant à aider ces détenus à se sentir en sécurité lorsqu’ils réintègrent la collectivité et à rassurer la collectivité quant à leur réinsertion.

Il y a donc quelque chose qui cloche dans tous ces projets de loi dont nous parlons : le Service correctionnel du Canada n’y donne pas suite et ne met pas en œuvre leur contenu avec précision et conviction. C’est particulièrement le cas des programmes de réinsertion sociale et de réadaptation. Nous devons faire quelque chose à ce sujet. Je n’ai pas suivi les dernières réunions du comité, et je ne sais pas s’il s’est lui aussi attardé à ces questions.

Êtes-vous du même avis que moi?

Le sénateur Tannas : Je vous remercie d’avoir posé cette question et résumé l’historique du dossier.

Je crois que c’est le cas. Nous revenons souvent à la question de savoir si le problème est législatif ou comportemental. Certains éléments de l’appareil gouvernemental fédéral ont développé un excellent système immunitaire qui leur permet de ne pas tenir compte des lois qu’ils n’aiment pas. L’adoption de mesures législatives supplémentaires n’est pas la solution. La solution est probablement un ministre tenace, du bon journalisme d’enquête et des voix plus fortes pour sensibiliser la population.

Chers collègues, nous pouvons écouter d’autres intervenants dans ce débat. Tout ce que je souhaite, c’est que nous ne donnions pas de passe-droit à des projets de loi controversés pour ce qui est du renvoi au comité. Il est facile pour nous de laisser une telle chose se produire par la voie d’un vote oral. Quelle que soit notre opinion, nous devrions être prêts à la défendre. Nous pouvons justifier individuellement notre vote comme nous le voulons, mais nous devons voter.

(1520)

La sénatrice Pate : Je suis d’accord avec vous. Un point qui n’a pas été mentionné, en plus de ce que le sénateur Marty Klyne a présenté, est que l’un des amendements concernait la surveillance judiciaire. Dans les amendements que nous avons apportés au projet de loi C-83, comme l’a indiqué le sénateur Klyne, le gouvernement avait promis qu’une autre forme de surveillance serait mise en place. Elle l’a été, puis elle a pris fin et rien n’a été fait.

Je dirais que la surveillance judiciaire offre une autre possibilité. Je vous demande si vous êtes d’accord pour dire que si, en fait, les tribunaux doivent examiner cette question, cela signifie que ces documents doivent être produits, ce qui les rendrait publics d’une façon qui permettrait à ce que vous décrivez — les problèmes de comportement — de ne pas survenir à l’abri des regards du public.

Le sénateur Tannas : Cela aurait été un excellent projet de loi à présenter. Il aurait mis en évidence la mauvaise foi à notre égard, tout comme à l’égard du parrain et d’autres personnes ici présentes, ainsi que le Parlement. Le simple fait de présenter un projet de loi rétablissant le contrôle judiciaire aurait été une façon intéressante de procéder, plutôt que d’essayer de trouver autre chose. Le simple rétablissement de la surveillance judiciaire là où elle avait sa place aurait été une mesure que beaucoup de gens auraient pu soutenir, moi le premier.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Merci, Votre Honneur. Je n’avais pas l’intention d’intervenir, mais je serai bref. Je remercie le sénateur Tannas de certaines de ses remarques pertinentes.

D’après ce que j’ai pu constater, le débat a pris deux directions différentes. Nous parlons du projet de loi S-205, mais nous parlons aussi de manière générale des projets de loi d’initiative parlementaire au Sénat. Ces deux sujets méritent qu’on s’y attarde et qu’on en discute.

Tout d’abord, je dirai ceci au sujet des projets de loi d’initiative parlementaire. Ils constituent une partie essentielle du travail que nous accomplissons ici, au Sénat, mais nous devons également être bien conscients que l’objectif premier de cette institution est d’examiner les projets de loi du gouvernement. La bonne nouvelle, c’est que, comme nous l’avons vu jusqu’à présent au cours de cette législature, il n’y en a pas. Nous devons donc trouver des sujets à aborder pour l’instant. Cependant, nous devons également veiller à ce que, lorsque nous nous penchons sur des projets de loi d’initiative parlementaire, nous comprenions que, en tant que membres nommés à la Chambre haute du Parlement du Canada, nous avons une marge de manœuvre très limitée en matière de législation.

Notre privilège le plus important dans cette institution est notre capacité à défendre nos intérêts et à exercer des pressions, en particulier pour ceux d’entre nous qui siègent à un caucus national. Nous faisons pression sur nos homologues d’en face. Ceux d’entre vous qui ne le font pas ont tout de même d’autres moyens à leur disposition. Vous pouvez bien sûr défendre vos intérêts par écrit, vous pouvez vous exprimer ici dans des rapports, et ainsi de suite. Cependant, nous devons faire très attention lorsque nous utilisons l’outil ultime dont nous disposons constitutionnellement, soit la légifération, afin de respecter notre rôle.

Premièrement, nos projets de loi ne doivent jamais inclure de dépenses. Il s’agit d’un principe que la Chambre haute respecte depuis très longtemps. Lorsque nous franchissons cette ligne, nous devons faire preuve de discipline et prendre un pas de recul. Avant d’élaborer des projets de loi d’initiative parlementaire, nous devons nous demander si nous respectons notre rôle constitutionnel. C’est quelque chose qui doit être évalué.

Deuxièmement, et c’est tout aussi important, le projet de loi pourrait-il faire l’objet d’un large consensus au Sénat? Est-ce qu’il y a suffisamment d’appuis au sein des cinq groupes pour qu’un sénateur lance un projet de loi d’initiative parlementaire? Ensuite, si vous voulez passer à l’étape suivante, posez-vous cette question : si le projet de loi est renvoyé à l’autre Chambre, y aura-t-il un groupe important qui le défendra? Si vous répondez « non » à une de ces questions, chers collègues... Je pense que le point que le sénateur Tannas essaie de faire valoir est le suivant : ne créons pas de goulot d’étranglement et ne devenons pas un obstacle aux projets de loi d’initiative parlementaire qui sont vraiment dans l’intérêt public, qui pourraient être traités de manière appropriée par les comités et qui pourraient faire l’objet d’un vote.

Vous le savez tous : je suis d’avis que chaque parlementaire ici a le droit d’être entendu, et que chaque projet de loi mérite d’être débattu et doit faire l’objet d’un vote. Cependant, si nous ne respectons pas les critères que je viens d’énoncer, nous allons non seulement à l’encontre de la raison d’être de cette institution, mais nous nuisons également à notre légitimité. Dans l’autre Chambre, les députés regardent le travail que nous faisons. Ils l’examinent lorsque le projet de loi leur est renvoyé. Lorsqu’ils voient un projet de loi qui suscite des interrogations, ils le mettent simplement de côté, et nous devenons une caricature du Parlement plutôt qu’un contributeur important au processus législatif.

Voilà ce que je pense des projets de loi d’initiative parlementaire en général. C’est un sujet qui mérite d’être débattu et de faire l’objet d’un consensus, mais j’espère que nous respecterons tous ces grands principes que le Sénat respecte depuis des décennies.

En ce qui concerne ce projet de loi en particulier, je pense qu’il ne mérite pas d’être appuyé pour la simple raison qu’il ne respecte pas l’un de ces principes, à savoir qu’il entraînera des dépenses, ce sur quoi le Sénat n’a pas le droit de voter. C’est un principe clair que nous respectons depuis longtemps. Voilà pourquoi je voterai contre le projet de loi. Merci beaucoup.

L’honorable Rosemary Moodie : J’ai une question à poser au sénateur Housakos.

Sénateur Housakos, je réfléchis à vos bons mots au sujet des projets de loi d’initiative parlementaire. Je souscris à une partie de ce que vous dites, mais voici le point qui me préoccupe, dont vous n’avez pas parlé. Le projet de loi a déjà été adopté par le Sénat, puis renvoyé à l’autre endroit. Il a été mis à l’épreuve dans la mesure où nous mettons les projets de loi à l’épreuve. En convenez-vous? Qu’est-ce qui rend ce projet de loi différent, et pourquoi devrions-nous tenter de le bloquer maintenant?

Le sénateur Housakos : Comme je l’ai clairement souligné, il était manifestement erroné de la part du Sénat d’agir ainsi et d’appuyer un projet de loi qui entraînerait des dépenses. Nous n’avons pas le droit constitutionnel de le faire, pas plus que nous n’avons le droit de modifier un projet de loi d’exécution du budget.

Avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas avoir appuyé ce projet de loi la première fois. Donc, pour les mêmes raisons, je ne l’appuierai pas plus maintenant. J’aimerais demander à tous les sénateurs de prendre en considération les droits constitutionnels par rapport à ce que nous sommes autorisés ou non à faire dans l’exercice de nos fonctions, et de les respecter. Nous pouvons corriger l’erreur que nous avons commise lors de la précédente législature.

L’honorable Denise Batters : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Housakos : Oui.

La sénatrice Batters : Dans vos observations, vous avez mentionné que l’une de nos tâches les plus importantes consiste à défendre les intérêts des gens. Il nous incombe également de nous prononcer au moyen d’un vote. N’est-ce pas ce qu’on nous demande de faire dans cette enceinte à l’étape de la deuxième lecture, à savoir voter pour ou contre le projet de loi de la sénatrice pour indiquer si nous appuyons ou non le principe du projet de loi, ce qui correspond en fait à un vote en deuxième lecture?

Le sénateur Housakos : En effet. Je suis d’accord.

La sénatrice Pate : Merci de votre intervention, sénateur Housakos. N’avons-nous pas demandé à la présidence si ce projet de loi nécessiterait une recommandation royale? La décision de la présidence rendue pendant la dernière législature ne disait-elle pas clairement que cette recommandation n’était pas nécessaire?

Le sénateur Housakos : C’est un tout autre sujet, mais je vais l’aborder brièvement. Comme nous le savons tous, le Sénat est une des chambres du système de gouvernement britannique dans laquelle le Président joue un rôle très particulier. Le Président du Sénat agit comme un baromètre du consensus et non comme un arbitre. Cela le distingue du Président de la Chambre des communes, du Président de Westminster ou de tout autre Président d’un parlement fondé sur le modèle britannique.

Comme nous le savons tous très bien, et comme nous avons pu le constater à plusieurs reprises, c’est la Chambre qui décide. La majorité l’emporte, mais la majorité peut parfois se tromper, comme on le sait, même si je n’étais pas d’accord avec la décision de la présidence à ce moment-là. Comme nous le savons tous, nous avons le droit de contester la présidence dans notre système.

Dans une enceinte comme la nôtre, quand la majorité prend une mauvaise décision, il n’est pas rare que le Président l’accepte. C’est son droit. Si le Président ne l’accepte pas, il peut également être rejeté par la majorité. Pour être franc avec vous, à la Chambre haute, la décision du Président n’a pas le même poids que celle du Président à l’autre endroit.

L’honorable Marilou McPhedran : J’ai une question, si le sénateur Housakos veut bien y répondre.

Le sénateur Housakos : Avec plaisir.

La sénatrice McPhedran : Selon vous, lorsqu’un projet de loi est adopté et devient une loi, y a-t-il des projets de loi importants qui apportent de réels changements dans notre société et qui n’entraînent aucun coût?

Le sénateur Housakos : C’est le cas d’un grand nombre de projets de loi. Certains projets de loi modifient le Code criminel. Nous avons eu un projet de loi qui a créé le Mois du patrimoine libanais. Nous adoptons régulièrement des motions et des projets de loi qui ne comportent aucun élément pécuniaire. Nous pouvons donc adopter ces projets de loi. Nous pouvons les proposer. Nous pouvons les amender. Nous pouvons faire tout ce que nous voulons. Dans cette enceinte, il y a des tonnes de projets de loi que nous adoptons sans qu’aucun financement ne leur soit rattaché.

(1530)

La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup. Une précision : ma question portait sur les projets de loi qui entraînent un changement important pour la société, comme ce serait le cas pour ce projet de loi. Tout changement dans un système gouvernemental, et les lois ont une incidence sur les systèmes gouvernementaux, entraîne certains coûts. Le seuil, à ma connaissance, est bien plus élevé que cela. Il semble s’agir d’une discussion sur la création d’un autre seuil, qui est inférieur à celui que nous avons généralement été incités à respecter.

Le sénateur Housakos : Le directeur parlementaire du budget a clairement indiqué que cela pourrait coûter jusqu’à 2 milliards de dollars aux contribuables canadiens. C’est ridicule. Sénatrice, vous serez d’accord avec moi sur le principe fondamental du modèle britannique selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation. Il est évident que la Chambre basse et la Chambre haute de notre démocratie suivent ce principe depuis longtemps. Compte tenu de ce seul principe, vous serez d’accord avec moi pour dire que nous n’avons même pas de raison de débattre de ce genre de projet de loi d’initiative parlementaire.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire: À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Quinze minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il entente sur une sonnerie de 15 minutes?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote aura lieu à 15 h 47. Convoquez les sénateurs.

(1540)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Al Zaibak Klyne
Arnold MacAdam
Audette McBean
Bernard McCallum
Black McPhedran
Boehm Miville-Dechêne
Boniface Mohamed
Boudreau Moodie
Boyer Muggli
Busson Osler
Cardozo Oudar
Clement Pate
Coyle Petitclerc
Cuzner Prosper
Dasko Quinn
Deacon (Nouvelle-Écosse) Ringuette
Dean Robinson
Dhillon Ross
Francis Senior
Gerba Simons
Gignac Surette
Greenwood Wells (Alberta)
Hay White
Hébert Wilson
Ince Youance
Karetak-Lindell Yussuff—53
Kingston

CONTRE
Les honorables sénateurs

Adler Martin
Arnot McNair
Batters Patterson
Carignan Poirier
Dalphond Saint-Germain
Downe Smith
Harder Tannas
Housakos Varone
Loffreda Verner
MacDonald Wells (Terre-Neuve-et-Labrador)—21
Manning

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Duncan Petten
Forest Pupatello—5
LaBoucane-Benson

(1550)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

Projet de loi sur la Semaine d’appréciation de la fonction de juré

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Lucie Moncion propose que le projet de loi S-226, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, en tant que marraine du projet de loi S-226, Loi instituant la Semaine d’appréciation de la fonction de juré, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture.

Le projet de loi S-226 vise à instituer, à l’échelle nationale, la Semaine d’appréciation de la fonction de juré chaque année durant la deuxième semaine du mois de mai.

L’entérinement de cette semaine par une loi permettrait de reconnaître officiellement les contributions et le dévouement de milliers de Canadiennes et de Canadiens appelés annuellement à exercer cette fonction. Une telle reconnaissance devient de plus en plus nécessaire, notamment pour favoriser une meilleure sensibilisation des gouvernements, des employeurs et du public aux enjeux de santé mentale associés à ce devoir civique.

Malheureusement, lors de la dernière législature, le projet de loi, qui portait alors le numéro S-252, est mort au Feuilleton en raison de la prorogation puis de la tenue des élections. Je dépose donc à nouveau ce projet de loi pour votre considération, dans l’espoir que les travaux réalisés lors de la dernière législature soient pris en compte pour une délibération rapide et efficace.

Après mes multiples interventions dans cette enceinte, ainsi qu’en comité, je suis certaine que plusieurs d’entre vous comprennent mieux la réalité que plusieurs citoyens et citoyennes vivent lorsqu’ils sont appelés à exercer la fonction de juré. Pour les sénateurs qui n’auraient pas entendu ces discours, ou qui sont moins familiers avec cet aspect de notre système judiciaire, je me permets de faire quelques rappels afin de vous fournir l’information pertinente pour une réflexion éclairée.

Le 4 juin 2024, ce projet de loi franchissait l’étape de la troisième lecture au Sénat après avoir fait l’objet d’un examen rigoureux par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le projet de loi n’a fait l’objet d’aucun amendement; il a fallu plusieurs années pour en arriver là.

En 2017, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a mené une étude sur le counseling et d’autres soutiens en santé mentale pour les jurés. L’étude a abouti à la publication d’un rapport intitulé Mieux soutenir les jurés au Canada en mai 2018. Le rapport contient une série de recommandations qui nécessitent un fort leadership fédéral, puisque l’administration de la justice appartient aux provinces et territoires. C’est dans ce contexte que mon projet de loi s’inscrit.

Une motion que j’ai déposée dans cette enceinte pour appeler le gouvernement à reconnaître la Semaine d’appréciation de la fonction de juré a été adoptée le 12 mai 2022. Le représentant du gouvernement au Sénat avait alors pris la parole pour l’appuyer au nom du gouvernement et du ministre de la Justice. Son discours soulignait le service inestimable des jurés et réitérait que l’adoption d’une motion est un geste modeste. Dans la même veine, je suis d’avis qu’une reconnaissance officielle à travers un projet de loi est un geste très modeste, compte tenu des sacrifices que font les jurés et anciens jurés pour assurer le bon fonctionnement de notre système judiciaire et démocratique.

À la suite de cette motion, j’ai déposé le projet de loi S-252. Ce projet de loi est identique au projet de loi S-226, qui fait l’objet de mon discours aujourd’hui.

Dans le cadre de l’étude du projet de loi, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a pu entendre plusieurs témoins lors des réunions du 8 février et du 15 février 2024. Je vous invite à aller lire les témoignages.

(1600)

À l’unanimité, les témoins ont réitéré qu’il était urgent de reconnaître formellement la contribution des anciens jurés à la justice, notamment en raison des sacrifices importants qu’ils doivent faire et des conséquences liées à l’exercice de leurs fonctions, notamment un diagnostic de stress post-traumatique qu’ont obtenu certains d’entre eux qui ont siégé comme juré dans le cadre de procès criminel particulièrement éprouvant.

[Traduction]

J’ai eu le privilège de témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans le cadre de cette étude. Les membres du comité ont écouté mon témoignage avec compassion. Non seulement ils ont fait preuve d’une grande sensibilité à mon égard et à l’égard des autres témoins, mais ils ont également adopté une approche pragmatique et analytique pour examiner ces questions. Le rapport du comité ne contient aucune modification, mais il formule trois observations constructives.

La première concerne le manque de diversité au sein des jurys au Canada et recommande que les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et autochtones s’efforcent de trouver des mesures visant à améliorer la diversité des jurys, conformément à l’intention d’être jugé par un jury composé de pairs.

La deuxième observation concerne le traumatisme vicariant subi par les jurés et les personnes qui travaillent dans les programmes et services de santé mentale. Santé Canada définit le traumatisme vicariant comme suit :

On subit un traumatisme vicariant en ressentant le témoignage d’atrocités commises à l’endroit d’une autre personne. Par empathie, on voit, sent, entend, touche et ressent la même chose que la victime, en écoutant celle-ci raconter ses expériences en détail, dans le but d’atténuer sa propre douleur [...] Le traumatisme est lié à l’énergie qui se dégage de l’exposition au récit d’événements traumatiques et à la manière dont le corps et l’âme réagissent à la rage, à la douleur et au désespoir profonds.

Comprendre les fondements scientifiques de notre expérience pourrait favoriser grandement notre rétablissement, et il est essentiel d’avoir accès à des programmes fondés sur des données probantes. J’aurais aimé connaître la notion de traumatisme vicariant lorsque je vivais des moments difficiles à la suite de mon expérience comme jurée.

Par rapport à cette deuxième observation, le comité recommande la création d’un programme gouvernemental complet axé sur la gestion des traumatismes afin de soutenir et de protéger le bien-être des jurés.

La troisième observation attire l’attention sur les répercussions financières des fonctions de juré sur les Canadiens qui les exercent, notamment la perte de salaire, mais également l’indemnisation inadéquate des dépenses liées à ces fonctions, dont les frais de garde d’enfants et de déplacement. Ces obstacles expliquent en partie le manque de diversité au sein des jurys. En réponse, le comité propose que le gouvernement du Canada envisage d’utiliser le programme d’assurance-emploi pour offrir un soutien financier aux jurés pendant leur service.

Au sujet de la compensation financière, Tina Daenzer, ancienne jurée ayant témoigné devant le comité, a fourni l’explication suivante :

La rémunération des jurés est encore nettement insuffisante pour former un jury vraiment équilibré. À vrai dire, en Ontario, les montants n’ont pas changé depuis ma participation au procès de Paul Bernardo en 1995. Les 10 premiers jours ne sont pas rémunérés, puis on commence à toucher 40 $ par jour.

Des millions de Canadiens occupent des emplois au salaire minimum ou sont des travailleurs indépendants, ce qui signifie qu’ils sont financièrement incapables de faire partie d’un jury. Si nous voulons vraiment former des jurys de pairs, nous devons veiller à ce que chaque Canadien puisse en faire partie.

Les anciens jurés et les autres témoins entendus par le comité ont été unanimes : cette semaine d’appréciation est nécessaire non seulement pour sensibiliser la population, mais aussi pour reconnaître et célébrer les personnes qui ont exercé cette fonction.

Les efforts de sensibilisation déployés par de nombreux anciens jurés, le travail de la Commission canadienne des jurys et de son chef de la direction, Mark Farrant, ainsi que l’étude que nous avons menée ici, au Sénat et au comité, ont eu une certaine incidence sur la modeste augmentation de la rémunération des jurés dans certaines provinces. Il y a quelques semaines à peine, le 1er octobre, la rémunération des jurés en Ontario a été portée à 120 $ par jour à compter du premier jour de service. Le procureur général Doug Downey a déclaré que cette réforme était attendue depuis longtemps et il a fait remarquer que la structure des indemnités versées aux jurés dans la province avait été négligée, puisqu’elle n’avait pas changé depuis 1989. C’est cette année-là que j’ai siégé comme jurée.

Il s’agit d’une avancée majeure qui montre que la mobilisation peut faire bouger les choses. Une semaine nationale d’appréciation de la fonction de juré permettrait de jeter les bases d’une mobilisation durable et d’une sensibilisation à plus grande échelle, garantissant ainsi la poursuite des progrès dans tout le pays.

[Français]

Instaurer une Semaine d’appréciation de la fonction de juré pourrait aider à conscientiser les décideurs sur les lacunes qui existent dans le soutien offert.

L’absence de soutien financier adéquat, en particulier pour les personnes à faible revenu, représente un facteur de stress majeur qui compromet la représentativité et la diversité des jurés canadiens. La rémunération actuelle des jurés est inférieure au salaire minimum.

Les employeurs sous-estiment souvent les difficultés auxquelles sont confrontés les employés qui sont appelés à siéger comme jurés. Le soutien et la compensation offerts par les employeurs, les provinces et les territoires sont généralement négligeables et insuffisants. Ce manque de soutien peut rendre la participation à un jury difficile pour les employés, ce qui entraîne parfois des difficultés financières, voire une perte d’emploi.

Enfin, une fois le procès terminé, notre société s’attend à ce que les jurés reprennent leur vie normale, comme si de rien n’était.

Les employeurs perçoivent souvent cette longue absence comme une période de vacances. Il est essentiel de sensibiliser les employeurs en particulier. Ces derniers doivent être informés des défis auxquels sont confrontés les jurés et être prêts à soutenir leurs employés lorsqu’ils sont appelés à remplir ce devoir civique.

Il est impératif de remettre en question ces attentes irréalistes et d’ouvrir un dialogue sur l’élimination de ces obstacles, afin de bâtir un système plus inclusif et équitable.

Soutenir le bien-être de celles et ceux qui font des sacrifices pour assurer le bon fonctionnement du système judiciaire canadien et de notre démocratie est fondamental. Cela passe par un soutien financier adéquat, la garantie de la sécurité d’emploi et l’accès à des ressources en santé mentale pour les jurés.

Le projet de loi S-252 constitue la pierre angulaire de la création d’un environnement favorable à la réalisation de ces objectifs.

À la suite de mon expérience comme premier juré dans un procès pour meurtre au premier degré, de conversations engagées avec d’anciens jurés et intervenants, de réflexions fournies par nos comités parlementaires, j’en suis venue à croire qu’un leadership à l’échelle fédérale était nécessaire.

Au fil des années, la pertinence du projet de loi a été maintes fois démontrée et il a obtenu un vaste appui, tant de la part des parties prenantes que de nombreux parlementaires.

Ce projet de loi représente donc une initiative célébrée à l’échelle nationale qui permettra de remédier aux fragmentations de notre système actuel, qui favorise les discussions en silos entre divers organismes et les provinces et territoires au chapitre de l’administration de la justice, mais aussi en ce qui a trait à l’offre de services en santé mentale. Tout en respectant les compétences des provinces et des territoires, le projet de loi permet de jeter les bases d’un fédéralisme coopératif en matière de soutien aux jurés et fait le pont entre une variété d’acteurs de la société civile qui œuvrent dans des domaines liés à la justice, à l’éducation et à la santé.

[Traduction]

Le Sénat a déjà voté en faveur de l’instauration de la Semaine d’appréciation de la fonction de juré par l’intermédiaire d’une motion et en faveur de cette mesure législative en troisième lecture. Chers collègues, j’espère pouvoir compter sur votre appui pour cette proposition législative à la fois simple et modeste.

J’aimerais citer une nouvelle fois Tina Daenzer, cette fois-ci au sujet du manque de reconnaissance de la société canadienne envers les jurés. Voici ce qu’elle a déclaré lors de son témoignage devant le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet du projet de loi S-252 :

Si la fonction de juré est si importante pour l’ensemble de notre système juridique, pourquoi les personnes sélectionnées souffrent-elles d’un tel manque de reconnaissance, tant sur le plan de la rémunération que sur celui de la santé mentale? De nombreuses études ont montré que la reconnaissance en milieu de travail stimule l’engagement, attire de meilleurs employés, aide le personnel à trouver un sens à son travail et renforce les aspects positifs. Dans notre pays, nous devrions tous souhaiter ces bienfaits, non seulement pour les employés, mais aussi pour les personnes choisies comme jurés. Nous devons veiller à ce qu’ils se sentent soutenus et valorisés et que, à la fin du procès, ils puissent repartir avec le sentiment d’avoir vécu une expérience gratifiante et enrichissante.

(1610)

[Français]

Je vous demande donc bien humblement votre appui afin que ce projet de loi puisse être rapidement renvoyé à l’autre endroit. Je vous remercie pour votre attention.

[Traduction]

L’honorable David M. Wells : La sénatrice Moncion accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Oui.

Le sénateur D. M. Wells : Vous avez mentionné certaines des raisons de rendre hommage aux jurés, et je les comprends. Vous avez également mentionné d’autres éléments qui pourraient découler ou faire partie de cette reconnaissance. Vous avez parlé d’une plus grande diversité dans les jurys, mais aussi d’une allocation, qu’elle soit fédérale ou provinciale. Cela ne fait pas partie du projet de loi. Est-ce que ce serait l’un des avantages de la reconnaissance?

La sénatrice Moncion : Je vous remercie pour la question. C’est exact. La fonction de juré est méconnue. Par exemple, lorsque je suis devenue jurée il y a 37 ans, j’ignorais dans quoi je m’embarquais. On m’a convoquée au tribunal. On nous a tous invités à nous asseoir. Il y avait un baril contenant le nom de chacun de nous pour un tirage au sort. Lorsque mon nom a été pigé, j’ai dû me présenter devant les deux accusés. Ils devaient approuver chacun des jurés choisis au hasard.

Si vous n’êtes pas choisi, vous retournez chez vous, mais si vous êtes choisi, qu’arrive-t-il ensuite? Vous êtes séquestrés pendant que vous travaillez au jugement, mais vous passez également les 10, 20, 40 ou je ne sais combien de jours suivants au palais de justice, sauf les fins de semaine. Les gens ignorent tous ces détails.

Ils ne sont pas au courant des différentes réactions qui peuvent se produire une fois qu’on quitte le tribunal. Dans mon cas, les deux accusés ont été reconnus coupables de meurtre au premier degré. Au sortir du procès, je me suis notamment questionnée à savoir si j’avais pris la bonne décision, s’il avait été juste et équitable de condamner ces deux hommes. Cette question m’a hantée pendant des années.

J’ai encore des informations sur les deux hommes. Il y a quelques années, j’ai fait des recherches sur Internet pour voir s’ils s’y trouvaient. L’un d’eux y était. Il vit aujourd’hui à Vancouver et se rend dans les universités pour donner des conférences à des étudiants en droit. Il a notamment déclaré avoir commis le meurtre. Il a expliqué les circonstances, en ajoutant : « Je ne demande pas pardon. Je reconnais avoir commis cet acte et le fait qu’il est répréhensible. »

Cette conclusion à toute l’affaire m’a fait comprendre que la décision que j’avais prise était la bonne.

Lorsqu’on est juré, on ne sait rien de cela. L’employeur ne sait rien de ce que cela implique ni des raisons pour lesquelles l’employé doit être là. La Semaine d’appréciation de la fonction de juré a pour but de fournir ce genre d’informations.

En Ontario, on prépare désormais les commissaires au palais de justice à aider les jurés nouvellement nommés à comprendre le travail qu’ils auront à faire et la durée probable du procès. De nos jours, ils les aident à comprendre le travail qu’ils auront à accomplir, les raisons qui le sous-tendent et les conséquences possibles sur leur santé mentale de ce qu’ils verront et de ce à quoi ils seront exposés. Cette semaine permettra de mettre en lumière de nombreux éléments et aidera les gens à comprendre une partie importante du système judiciaire, que la plupart des Canadiens connaissent mal.

Le sénateur D. M. Wells : Merci pour cette réponse. Sénatrice Moncion, accepteriez-vous de répondre à une autre brève question?

La sénatrice Moncion : J’accepterais une brève question.

Le sénateur D. M. Wells : Connaissez-vous d’autres endroits où on a instauré une journée, une semaine ou un mois de reconnaissance semblable? Si oui, êtes-vous au courant des résultats obtenus?

La sénatrice Moncion : Merci pour cette question. Cela se fait dans certains États américains, avec de bons résultats. C’est pourquoi des gens de l’Ontario — comme Mark Farrant, qui a participé à un procès très difficile, et Tina Daenzer, qui a été affectée à l’affaire Bernardo — ont commencé à parler de mettre en place une telle mesure dans cette province. C’est le premier endroit où cette question a été soulevée ici, au Canada. Ces personnes collaborent maintenant avec d’autres ordres de gouvernement à travers le Canada pour étendre cette mesure à d’autres provinces, étant donné le fonctionnement de notre système. Quelques endroits aux États-Unis ont adopté une mesure similaire, et les résultats sont très positifs.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur la capitale nationale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Galvez, appuyée par l’honorable sénatrice Pate, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (parc de la Gatineau).

L’honorable Andrew Cardozo : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-229, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (parc de la Gatineau).

[Traduction]

Je tiens à remercier la sénatrice Rosa Galvez d’avoir présenté ce projet de loi et à saluer le soutien de tous les députés de la région de la capitale nationale qui appuient cette idée depuis longtemps.

En tant que sénateur qui habite dans la région de la capitale nationale, je m’intéresse particulièrement à ce projet de loi. Résidant à Ottawa depuis de nombreuses années, j’ai souvent eu l’occasion de visiter le parc de la Gatineau.

En effet, ce parc occupe une place particulière dans le cœur des membres de ma famille. Au fil des ans, nous y sommes allés à maintes reprises, et les photos que nous y avons prises relatent l’histoire de notre famille; on y voit nos enfants grandir. Nous y allions souvent avec des amis et des proches qui venaient généralement de l’extérieur de la région de la capitale nationale. C’est d’ailleurs ce que font des milliers de personnes et de familles dans cette région.

Cet immense espace vert de 361 kilomètres carrés, situé au seuil de notre capitale nationale, abrite le légendaire lac Meech et plus de 50 autres lacs, des sentiers de classe mondiale pour le ski de fond, la randonnée et le vélo de montagne, trois zones d’escalade, trois grands terrains de camping, plusieurs écosystèmes uniques et le site historique du domaine Mackenzie-King.

Je vous invite à visiter le parc de la Gatineau pendant que vous êtes en ville. Si vous manquez vraiment de temps, venez visiter mon bureau. J’ai réalisé de nombreuses peintures sur ce parc, et vous pourrez au moins vous en faire une idée. Je vous assure que je ne vends pas ces peintures; ceci n’est pas une publicité.

Le magnifique escarpement d’Eardley, à l’extrémité sud des collines de la Gatineau, sépare le Bouclier canadien des Basses-terres du Saint-Laurent. On trouve dans ce parc un grand nombre d’espèces végétales et animales rares, dont environ 90 espèces végétales et 60 espèces animales en péril. Le parc de la Gatineau est une aire de conservation essentielle dont la biodiversité mérite notre attention et notre protection.

[Français]

Ce parc est l’un des joyaux de la région de la capitale nationale et il est temps de le protéger et de le préserver pour les générations futures. Le parc de la Gatineau est un attrait important pour la capitale nationale. Il améliore la qualité de vie des résidants et renforce leur sentiment de fierté à l’égard de leur région. Il s’agit du deuxième parc fédéral le plus populaire au Canada, après le parc national Banff, avec 2,6 millions de visites annuelles. Pourtant, malgré sa popularité, il ne s’agit pas d’un véritable parc fédéral : en effet, il n’est pas inscrit dans la législation fédérale. Le projet de loi S-229, que nous examinons aujourd’hui, vise à remédier à cette situation.

[Traduction]

Ce projet de loi donne au parc une assise législative solide. Le parc de la Gatineau n’est pas inclus dans le réseau des parcs nationaux. Il faut que cela change. Pour corriger la situation, le projet de loi S-229 apporterait une série de modifications et d’ajouts à la Loi sur la capitale nationale.

(1620)

Permettez-moi de citer un article du projet de loi. Il s’agit de l’article 3 du projet de loi S-229, qui modifie l’article 10 de la Loi sur la capitale nationale. L’article 10.01 proposé se lit ainsi :

Le parc de la Gatineau est voué au peuple canadien, y compris la Nation algonquine Anishinabeg, pour son bienfait, son agrément et l’enrichissement de ses connaissances, sous réserve de la présente loi et des règlements; il doit être entretenu et utilisé — et son intégrité écologique protégée — de façon à rester intact pour les générations futures.

L’adoption de ce projet de loi et la mise en place d’un cadre législatif pour le parc de la Gatineau devraient constituer la première étape importante vers la création d’une capitale nationale dynamique et intégrée dont le Canada a besoin pour le XXIe siècle et au-delà. J’espère que l’adoption de ce projet de loi inspirera d’autres améliorations aux infrastructures et embellissements de notre capitale nationale.

Chers collègues, je souhaite inscrire le parc de la Gatineau dans une vision plus large et plus ambitieuse afin de mettre en valeur notre fière capitale nationale. Voici quelques idées que j’aimerais proposer. En effet, je pense que notre capitale nationale semble quelque peu fatiguée à certains égards et qu’elle a besoin d’un sérieux coup de fouet.

En plus de cette idée de parc national, je souhaite appuyer la proposition avancée par de nombreuses personnes de piétonniser la rue Wellington devant la Colline du Parlement, ce qui renforcerait la sécurité de la Colline et augmenterait la beauté et l’attrait de la Colline et de ses environs pour les visiteurs.

À mon avis, il est nécessaire de construire un nouveau musée des sciences et de la technologie afin qu’il soit moderne, neuf et situé au centre-ville plutôt que dans une ancienne boulangerie industrielle choisie au hasard dans un parc industriel du Sud d’Ottawa. Je n’ai rien contre le Sud d’Ottawa, mais vous voyez ce que je veux dire.

Une autre suggestion est de créer un musée du graffiti et de l’art urbain. L’un des endroits qui pourraient l’accueillir assez rapidement est le grand magasin de la Baie d’Hudson qui se trouve de l’autre côté de la rue, qui est vide et qui le restera probablement pendant un certain temps.

Au fil des ans, de nombreuses personnes ont proposé de créer une galerie de portraits. Un bon endroit pour l’installer serait le bâtiment dans lequel nous nous trouvons lorsque nous quitterons les lieux vers 2032-2033.

C’est une bonne idée.

Une autre idée avancée par de nombreuses personnes est la création d’un jardin botanique dans la région de la capitale nationale. Ces installations contribueraient énormément à la préservation et à l’amélioration de notre patrimoine culturel et à la promotion du Canada.

[Français]

Le parc de la Gatineau est l’un de nos grands atouts nationaux. Nous devons à nos enfants de veiller à ce que le parc de la Gatineau soit préservé pour eux.

[Traduction]

Chers collègues, le projet de loi concerne l’environnement, la biodiversité, les loisirs et le plaisir des visiteurs du Canada et du monde entier. Voilà les objectifs que le projet de loi permettra d’atteindre.

J’espère que vous vous joindrez à moi pour voter en faveur du renvoi du projet de loi S-229 au comité afin qu’il fasse l’objet d’une consultation et d’un examen appropriés.

Merci, chers collègues.

L’honorable Lucie Moncion : Sénateur Cardozo, acceptez-vous de répondre à une question?

Sénateur, si le parc de la Gatineau devient un parc national, quelles seront les incidences de ce changement pour le parc?

Le sénateur Cardozo : À l’heure actuelle, le parc n’a pas de pouvoir législatif. C’est simplement un parc qui peut cesser d’être un parc à tout moment. On pourrait changer sa nature. On pourrait y autoriser n’importe quel degré de développement. Quand on crée un parc national, on met fin à la menace de ce genre de développement et on veille à ce que le parc soit là pour longtemps. Cette mesure renforce certainement l’importance que lui accordent les gouvernements et les collectivités, de même que leur capacité à l’entretenir constamment et à améliorer ses diverses installations.

La sénatrice Moncion : C’est juste que le parc de la Gatineau est un très grand espace. Nous pourrions peut-être demander la même chose pour le parc Algonquin. Je ne suis pas certaine si c’est un parc national; c’est possible. Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que c’est une bonne idée, mais je trouve que c’est un très grand espace pour faire un parc national. N’en convenez-vous pas?

Le sénateur Cardozo : En fait, non. Comparativement au parc national Banff et à beaucoup d’autres parcs nationaux dans différentes régions du Canada, il n’est pas si grand. Il est grand pour un parc situé près d’une zone urbaine ou suburbaine comme Gatineau et Ottawa. En fait, il y a quelques résidences dans le parc qui bénéficient en quelque sorte de droits acquis. À plusieurs reprises, la Commission de la capitale nationale a eu un premier droit de refus si un particulier souhaitait vendre sa propriété. Il y a donc une tendance à tenter non pas de faire quitter les résidents, mais plutôt de réduire progressivement leur nombre au sein du parc.

Je ne pense pas qu’il soit trop grand. Je pense que sa taille est raisonnable. L’une des choses qu’on indique, c’est son emplacement. L’annexe 2 contient des pages et des pages de texte que je ne comprends certainement pas, mais elle contient de nombreuses descriptions très détaillées des limites du parc. Il ne sera donc pas clôturé, mais il y aura une série de routes et parfois des ruisseaux ou des montagnes qui définissent la zone qui constituera le parc. Essentiellement, on conserve la zone qui est actuellement considérée comme le parc de la Gatineau.

L’honorable Marty Klyne : Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cardozo : Bien sûr.

Le sénateur Klyne : Je suis un peu perdu. Vous avez dit « des ruisseaux et des montagnes »?

Le sénateur Cardozo : Je pense que ce sont davantage des ruisseaux que des montagnes.

Le sénateur Klyne : D’accord. J’ai l’impression d’être à l’hôtel de ville de Regina, en train de parler à quelqu’un qui veut faire quelque chose avec l’un des parcs. Qui est le propriétaire de ce parc? Est-ce la Ville d’Ottawa ou la Commission de la capitale nationale? Qui en est responsable, qui peut prendre ces décisions, qui peut accorder des autorisations fiscales, etc.?

Le sénateur Cardozo : Le propriétaire actuel du parc est la Commission de la capitale nationale. Il ne s’agit pas de la Ville de Gatineau ni de la Ville d’Ottawa. Il s’agit d’une zone qui a été définie par la Commission de la capitale nationale. Le projet de loi vise à transformer cette zone en parc national, placé sous l’autorité des deux administrations.

Le sénateur Klyne : Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Cardozo : Bien sûr.

Le sénateur Klyne : Pourquoi sommes-nous saisis de ce projet de loi? Pourquoi les responsables que vous venez de mentionner n’assument-ils pas cette responsabilité, puisqu’ils sont là pour cela? Ont-ils besoin d’une mesure législative pour aller de l’avant?

Le sénateur Cardozo : En fait, l’objectif de ce projet de loi est de passer d’une pratique et d’une entente relatives au pouvoir de la Commission de la capitale nationale à un parc national en bonne et due forme. Pour cela, il faut une loi. Comme vous le savez, ce projet de loi pourrait venir de la Chambre ou du Sénat. La sénatrice Galvez travaille avec les députés de la région de la capitale nationale. Ensemble, ils ont convenu qu’il serait plus pratique de présenter ce projet de loi ici, au Sénat, et c’est donc ce que la sénatrice Galvez a fait.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1630)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) propose que le projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant), afin de demander votre appui pour que le Sénat adopte ce projet de loi sans le renvoyer à un comité, de sorte qu’il puisse passer directement à la troisième lecture et être renvoyé à l’autre endroit.

Le projet de loi S-233 vise à ajouter une circonstance aggravante au Code criminel pour les agressions commises contre des travailleurs de la santé et des premiers répondants dans l’exercice de leurs fonctions. Il ne crée pas de nouvelle infraction, mais précise simplement que lorsqu’un tribunal impose une peine pour une agression contre ces professionnels, il est tenu de considérer la profession de la victime comme une circonstance aggravante, bien que le juge conserve le pouvoir de déterminer une peine appropriée.

Il convient de noter que ce projet de loi n’est pas nouveau. Il a été présenté pour la première fois à la Chambre des communes pendant la 44e législature par le député Todd Doherty, sous le numéro C-321. Je tiens à remercier M. Doherty pour son leadership constant et son travail assidu dans ce domaine.

Je tiens également à rendre hommage à M. Paul Hills, qui est à la tribune aujourd’hui. Il est ambulancier paramédical en Saskatchewan et représentant de l’association des ambulanciers paramédicaux de Saskatoon. Il a été le moteur de cette importante mesure législative. Son travail visant à mettre en lumière la violence croissante envers les travailleurs de première ligne a été essentiel pour faire avancer cette mission, et il a jeté les bases de ce dont nous discutons ici aujourd’hui.

Le projet de loi S-233 est donc identique au projet de loi C-321 et il correspond à la version qui a été amendée et adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes. À la suite de son adoption à l’autre endroit, le projet de loi C-321 a été renvoyé au Sénat, où il a été étudié par le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles et renvoyé à la Chambre sans amendement. Il a été appuyé à l’unanimité par notre comité.

Le projet de loi C-321 avait donc franchi toutes les étapes parlementaires. La seule raison — et je dis bien la seule raison — pour laquelle ce projet de loi n’est pas devenu loi, c’est la dissolution du Parlement. Il est mort au Feuilleton à la fin de la quarante-quatrième législature. Son contenu n’a suscité aucune objection, aucun retard, aucune controverse et aucun désaccord. Le projet de loi était appuyé de toutes parts, il avait été examiné en profondeur et il était prêt à être adopté définitivement.

Chers collègues, ce fait est crucial dans le cadre du débat d’aujourd’hui. Nous n’examinons pas une proposition législative nouvelle ou non éprouvée. Nous reprenons l’examen d’un projet de loi qui a déjà été examiné, appuyé et validé à chaque étape du processus législatif dans les deux Chambres. Son contenu reste inchangé et sa portée est limitée, car il s’agit d’une modification ciblée et modeste du Code criminel.

[Français]

Le Sénat a déjà établi des précédents clairs en matière d’adoption accélérée de projets de loi fondés sur un consensus, sans renvoi au comité, lorsque leurs objectifs sont ciblés et non controversés. Au cours de la 44e législature, des projets de loi comme les projets de loi S-202, S-206, S-214, S-223 et S-245 ont été adoptés selon ce processus accéléré. Plus récemment, au cours de la 45e législature, le Sénat a procédé de la même manière pour les projets de loi S-210 et S-227. Le projet de loi S-233 s’inscrit donc pleinement dans cette tradition parlementaire.

[Traduction]

Alors que nous examinons le projet de loi, la réalité de la violence à l’égard des travailleurs de première ligne continue de s’aggraver : 75 % des ambulanciers paramédicaux canadiens déclarent avoir été victimes de violence au travail; 61 % des infirmières déclarent avoir été victimes de harcèlement, de menaces ou d’agressions; en 2021, 70 % des médecins d’urgence ont déclaré que la violence dans les services d’urgence avait augmenté au cours des cinq dernières années.

Dimanche dernier, à Hamilton, en Ontario, une ambulance garée devant l’hôpital général d’Hamilton a été délibérément incendiée quelques instants après que les ambulanciers aient déchargé un patient. La police a rapporté qu’un homme avait jeté un accélérant dans le véhicule avant de s’enfuir à pied. Heureusement, personne n’a été blessé, mais l’ambulance a été complètement incendiée et détruite.

Le suspect, un homme de 31 ans, a depuis été arrêté et inculpé d’incendie criminel avec danger pour la vie humaine. Cet incident choquant nous rappelle de manière brutale que ces actes de violence ne sont pas isolés; ils se produisent ici, dans nos propres collectivités, et mettent directement en danger ceux qui risquent déjà leur vie pour sauver et servir la nôtre.

Ces chiffres et les événements récents illustrent une crise humaine et professionnelle à laquelle nous pouvons répondre aujourd’hui par des mesures claires et concrètes qui indiquent que le Parlement ne tolérera aucune violence à l’encontre de ceux qui protègent et soignent des citoyens canadiens.

Le projet de loi S-233 reflète un effort non partisan fondé sur le respect et la reconnaissance des premiers intervenants et des travailleurs de la santé. Les discussions menées avec les représentants des différents groupes du Sénat ont déjà montré une compréhension commune et une volonté d’agir rapidement.

À cet égard, je tiens à souligner l’approche constructive et collégiale du sénateur Yussuff, qui a exprimé son soutien au projet de loi, reconnaissant à la fois sa nécessité et son bien-fondé. Je le remercie.

Je m’en voudrais de ne pas remercier également le sénateur Ravalia, qui n’est pas avec nous cette semaine en raison d’autres fonctions sénatoriales, pour son gentil appui en tant que porte-parole bienveillant au sujet de ce projet de loi à la législature précédente.

[Français]

Il faut également souligner que le Canada ne serait pas le seul à prendre cette mesure. Plusieurs démocraties comparables, notamment la France, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ont déjà adopté des mesures semblables en vue de reconnaître la vulnérabilité particulière des premiers intervenants et des professionnels de la santé et de prévoir des peines plus sévères lorsque ceux-ci sont victimes d’actes de violence. Le projet de loi S-233 aligne donc le Canada sur une tendance internationale claire et cohérente.

[Traduction]

En adoptant ce projet de loi maintenant, le Sénat démontrera qu’il peut agir avec efficacité et compassion lorsque l’urgence morale est évidente et que le consensus est fort.

Je vous invite donc, honorables collègues, à consentir à ce que le projet de loi S-233 soit adopté à l’étape de la deuxième lecture sans renvoi en comité, et à passer directement à la troisième lecture et au renvoi à l’autre endroit, sans délai.

Les Canadiens qui dépendent de ces héros de tous les jours, nos premiers intervenants et nos travailleurs de la santé, méritent de voir ce travail législatif achevé bientôt, par respect pour tout le travail qu’ils font pour eux. Merci.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je prends la parole afin d’appuyer le projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant).

Comme vous le savez, cette idée n’est pas nouvelle. En tant que porte-parole bienveillant, je remarque que ce projet de loi est essentiellement le successeur du projet de loi C-321, qui, lors de la 44e législature, a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit et qui avait comme objectif clair de favoriser la reconnaissance, le respect et la protection de ceux qui nous servent, prennent soin de nous et nous protègent.

Ayant passé ma vie à défendre les droits et la dignité des travailleurs sur leur lieu de travail, je peux affirmer avec certitude que la crise de la violence à l’égard des prestataires de services de santé et des premiers intervenants est bien réelle. Partout au Canada, nous avons entendu des récits d’agressions contre des ambulanciers, d’infirmières constamment agressées et de préposés aux soins à domicile qui ont peur de se rendre au travail.

Lorsque le comité de la Chambre des communes a entendu les témoignages des représentants syndicaux, qui connaissent cette réalité de première main, ceux-ci ont clairement mis en évidence le coût humain de cette situation. Linda Silas, de la Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers, a déclaré aux députés que les deux tiers des infirmières avaient signalé des incidents d’agressions physiques au cours de la dernière année, et que 40 % d’entre elles étaient victimes de violence physique plus d’une fois par mois dans l’exercice de leurs fonctions. Un taux de violence aussi élevé serait impensable dans toute autre profession, et il faut mettre fin à cette situation.

Ce projet de loi est un message clair à l’intention de ceux qui répondent à l’appel quand nous sommes vulnérables : le système de justice sera votre allié. À ceux qui vous attaquent pendant que vous travaillez, nous disons qu’ils devront répondre de leurs actes.

Je demande à mes collègues de ne pas tarder. L’autre endroit a déjà adopté le projet de loi C-321 à l’unanimité lors de la dernière législature. Nous n’avons pas réussi à faire le nécessaire avant la dissolution du Parlement. Nous avons maintenant l’occasion de le faire. Le Sénat devrait agir rapidement pour que cette importante mesure de protection devienne loi sans retard indu.

Le problème auquel nous sommes confrontés n’est pas abstrait. Le Comité permanent de la santé de l’autre endroit a mentionné ceci dans son rapport de 2019 :

Or, au-delà des chiffres, il y a aussi le coût humain. Certains aides médicaux se font agresser sexuellement par les clients atteints de démence qui reçoivent des soins à domicile. Des infirmières se font frapper à la mâchoire par des personnes âgées en état confusionnel aigu. Des préposés aux services de soutien à la personne ne savent pas comment ils vont faire pour revenir au travail.

(1640)

Nous savons également que les années de pandémie ont amplifié la pression exercée sur les professionnels de la santé et les premiers intervenants. Il y a plus de cas, plus de stress et plus de dangers.

M. Paul Hills, de l’Association internationale des pompiers, qui représente plus de 27 000 ambulanciers paramédicaux et pompiers, a déclaré devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne en 2023 :

[...] nous appuyons fermement le projet de loi C-321 [...]

[...] les peines plus sévères qu’il propose établiront une base solide pour lutter contre la tendance croissante à la violence à l’égard des premiers intervenants et des travailleurs de la santé partout au Canada.

Nous devons reconnaître que lorsqu’une personne qui travaille à l’urgence, dans un camion de pompiers ou dans un établissement de soins de longue durée est agressée, ce n’est pas seulement cette personne qui est blessée. Ce sont aussi le système de soins, la confiance de la population et le sentiment collectif de sécurité qui sont ébranlés.

Les projets de loi S-233 et C-321 vont dans ce sens. Le texte de l’ancien projet de loi C-321 — désormais repris dans le projet de loi S-233 — modifie le Code criminel en ajoutant l’article 269.02 :

Le tribunal qui détermine la peine à infliger à l’égard d’une infraction [...] est tenu de considérer comme circonstance aggravante le fait que la victime est une personne qui fournissait des services de santé, notamment des services de soins personnels, ou un premier répondant et qu’elle exerçait ses fonctions [...]

En termes plus simples, si vous vous livrez à des voies de fait sur une personne qui fournit des services de santé ou qui travaille en tant que premier répondant alors qu’elle exerce ses fonctions, ce fait devient une circonstance aggravante officielle pour la détermination de la peine.

L’objectif n’est pas de créer de nouvelles infractions, mais de faire comprendre que notre système de justice tiendra compte du fait que ces personnes risquent leur sécurité pour servir leurs concitoyens. Si elles se font attaquer, les tribunaux considéreront cela comme un facteur important.

Voilà pourquoi le Sénat ne devrait pas retarder l’adoption de ce projet de loi.

Au cours de la dernière législature, nous avons déjà vu la Chambre des communes appuyer à l’unanimité le projet de loi C-321. Il s’agissait là d’un bel exemple de collaboration bipartisane. Le projet de loi est prêt. Au cours des deux dernières années, les deux Chambres du Parlement ont confirmé sa raison d’être. Nous devons nous demander ce qu’il reste à débattre. Les parlementaires s’entendent sur la nécessité de protéger ceux qui nous protègent. Il ne reste plus qu’à agir. Tout retard envoie un mauvais message aux fournisseurs de services de santé qui sont victimes de mauvais traitements et d’actes de violence, ainsi qu’à nos concitoyens qui s’attendent à ce que leur sécurité soit assurée.

En outre, ayant cherché toute ma vie à garantir un traitement équitable et respectueux des travailleurs — que ce soit à la table de négociation ou dans les assemblées législatives —, je crois qu’une telle mesure législative réaffirme notre dignité fondamentale.

Certains pourraient se demander si ce projet de loi va assez loin pour répondre aux préoccupations potentielles et favoriser l’inclusivité. Des protections supplémentaires sont-elles nécessaires? La portée est-elle adéquate? Ce sont là des questions raisonnables.

Le libellé du projet de loi a été soigneusement examiné par des comités lors de la dernière législature, et les amendements apportés par le comité à l’autre endroit ont élargi sa portée afin d’inclure les personnes qui fournissent des services de santé plutôt que d’appliquer une définition plus restrictive des professionnels de la santé. Le projet de loi ne remplace pas les lois sur la santé et la sécurité au travail; il les complète. Il met l’accent sur la détermination de la peine, en ce sens que lorsqu’une personne agresse un travailleur de première ligne, nos tribunaux reconnaîtront le rôle de la victime comme une circonstance aggravante.

La prévention et la sécurité au travail sont également importantes, mais ce projet de loi envoie dès aujourd’hui un message dissuasif et symbolique nécessaire.

Chers collègues, en conclusion, permettez-moi de répéter que le projet de loi S-233 représente la concrétisation législative d’une promesse sociétale. Il s’agit de la promesse que les fournisseurs de services de santé, de soins personnels, de soins à domicile et de soins hospitaliers, ainsi que les premiers répondants qui se précipitent vers le danger pour nous protéger, ne sont pas oubliés, ne sont pas considérés comme remplaçables et ne sont pas laissés sans protection.

Nous sommes saisis d’une mesure qui unit les parlementaires, qui s’attaque à un problème urgent et concret et qui améliore le Code criminel de façon claire, symbolique et pratique. Ne retardons pas davantage le projet de loi et ne l’examinons pas plus en profondeur. La voie à suivre est claire. Je demande plutôt au Sénat de se joindre au sénateur Housakos et à moi pour envoyer un message de soutien, de solidarité et de respect en appuyant le projet de loi et en le renvoyant le plus rapidement possible à l’autre endroit. Ce faisant, nous rendons hommage aux hommes et aux femmes qui servent, nous renforçons le système de justice et nous indiquons à tous les Canadiens que la violence contre les personnes qui prennent soin de nous ne sera pas tolérée.

Merci.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant).

Comme l’ont souligné les sénateurs Housakos et Yussuff, le projet de loi est relativement simple : il obligerait les juges à considérer comme circonstance aggravante pour la détermination de la peine le fait que la victime de voies de fait est une personne qui fournit des services de santé, un fournisseur de services de santé, un ambulancier paramédical, un pompier ou tout autre premier répondant dans l’exercice de ses fonctions.

La version initiale de ce projet de loi, alors connu sous le nom de projet de loi C-321, visait spécifiquement les professionnels de la santé. Toutefois, la version soumise au Sénat, présentée à nouveau par le sénateur Housakos, a été élargie pour inclure toute personne qui « fournit des services de santé ». Ainsi, ce projet de loi protégerait aussi les aides-soignants qui fournissent des soins à domicile aux personnes âgées, les aidants naturels ou les bonnes d’enfants souvent prises au piège dans des conditions d’emploi qui leur permettent difficilement d’échapper aux mauvais traitements, les massothérapeutes agréés qui pourraient être exposés à des risques d’agression sexuelle de la part de leurs clients et le personnel médical des cliniques d’avortement qui risque d’être agressé par des militants antiavortement.

Si, effectivement, nous n’allons pas entendre de témoins sur le projet de loi S-233 — j’ai toujours à l’esprit les paroles du sénateur Tannas —, je veux que nous sachions qu’il y a encore de la place pour le débat et la discussion sur certains aspects de ce projet de loi. Quand nous avons participé aux réunions du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles l’an dernier, nous avons entendu des témoignages vraiment troublants sur la fréquence et la violence croissantes des attaques contre les travailleurs de la santé et les premiers répondants, une situation qui s’est beaucoup aggravée, nous a-t-on dit, dans la foulée de la pandémie de COVID-19 et parallèlement aux problèmes croissants de dépendance au fentanyl et des grands campements de sans-abri.

Même si les témoignages que nous avons entendus étaient largement anecdotiques, il ne fait aucun doute que le problème est réel et grave. Dans son témoignage, le syndicat des infirmières et infirmiers de la Colombie-Britannique nous a dit que 39 % de ses membres ont déclaré avoir été exposés à des armes chaque mois. La moitié d’entre eux disent avoir été victimes de violence physique au moins une fois par mois. Une proportion stupéfiante de 99 % des répondants en Colombie-Britannique ont déclaré avoir vécu des incidents devant être signalés, c’est-à-dire des agressions et des menaces qui, techniquement, ont atteint un niveau tel qu’elles auraient pu être signalées à leur employeur. Pourtant, plus de la moitié des infirmiers interrogés ont déclaré ne rien avoir signalé à leur employeur parce qu’ils ne croyaient pas qu’on y donnerait suite.

C’est là que nous arrivons aux complications et aux dilemmes du projet de loi S-233. Les nouvelles dispositions sur la détermination de la peine prévues dans ce projet de loi n’ont force de loi qu’une fois que les individus ont été arrêtés, inculpés et condamnés. Ce projet de loi ne protège en aucune façon les infirmiers ou les aides-soignants qui sont si souvent agressés par des patients atteints de démence, ni les ambulanciers paramédicaux et les pompiers qui s’occupent d’une personne en proie à une psychose induite par la drogue ou à un épisode maniaque. Si un patient ou un client n’a pas d’intention coupable, s’il est incapable d’avoir une intention coupable, il est peu probable qu’il soit accusé ou poursuivi. Dans de telles circonstances, les garanties offertes par le projet de loi S-233 ne peuvent pas servir de moyen de dissuasion ou de protection. Elles ne peuvent en aucun cas protéger les travailleurs de la santé vulnérables et les intervenants de première ligne.

On pourrait certainement appliquer ces nouveaux protocoles de détermination de la peine à un mari violent qui a agressé un ambulancier paramédical qui tentait de soigner sa femme blessée ou à un patient frustré coincé dans la salle d’attente d’un hôpital qui a agressé l’infirmier chargé du triage. Cependant, même dans ces cas-là, il faudrait supposer qu’un individu qui s’en prend à quelqu’un d’autre dans un accès de colère, durant l’un des pires moments de sa vie, ne pense peut-être pas aux effets dissuasifs d’une modification du Code criminel.

Le projet de loi S-233 ne serait toutefois d’aucune utilité dans le cas d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer qui aurait tripoté une aide-soignante, ou dans le cas d’une personne intoxiquée au fentanyl qui, réanimée par une injection de naloxone, s’en prendrait aveuglément à son sauveteur. Cette légère modification au Code criminel nous donne l’impression d’agir, mais après avoir écouté tous les témoignages présentés au comité, je crains qu’il ne s’agisse que d’un beau geste et non d’une solution à la crise que traverse notre système de santé. L’un des témoignages les plus percutants que nous ayons entendus au comité est celui d’Erin Ariss, infirmière autorisée et présidente de l’Association des infirmières et infirmiers de l’Ontario.

(1650)

Permettez-moi de citer un extrait de son témoignage.

En tant qu’infirmières, infirmiers et travailleurs de la santé, nous sommes quotidiennement victimes d’actes de violence et de mauvais traitements, et ce phénomène s’accentue. Nous prodiguons des soins à des personnes en situation de crise, mais les mesures existantes ne nous protègent pas.

Nous travaillons en première ligne dans les hôpitaux, les maisons de retraite, les cliniques et nos collectivités. Lorsque nous travaillons en équipe, nous manquons de personnel la plupart du temps. Lorsque nous travaillons seuls, comme lorsque nous prodiguons des soins à domicile, il n’y a personne d’autre autour de nous, personne à qui faire appel lorsqu’une situation devient dangereuse. En tant qu’infirmiers, nous sommes agressés ou bousculés, on nous crache dessus, on profère des injures à notre encontre, et on nous inflige intentionnellement des blessures causées par des aiguilles.

En ma qualité d’infirmière, j’ai travaillé en première ligne dans un service d’urgence pendant 20 ans, et pendant que j’œuvrais au chevet de patients, j’ai été agressée trop souvent pour en avoir tenu un compte. Un patient m’a cassé la main. J’ai été menacée avec une arme à feu, une machette, des couteaux à lame rétractable et des couteaux traditionnels, et j’ai été agressée à l’aide du matériel que nous utilisons pour prodiguer des soins. J’ai reçu un coup de pied dans l’abdomen alors que j’étais enceinte de huit mois de mon fils.

En écoutant son témoignage, nous avons nous aussi eu l’impression de recevoir un coup de pied dans le ventre. Je lui ai donc demandé si les agressions qu’elle avait personnellement subies avaient fait l’objet d’une enquête. Quelqu’un avait-il été accusé ou déclaré coupable de ces actes?

Je pense que nous avons tous été surpris quand elle a répondu que non, aucune accusation n’avait jamais été portée.

Elle nous a raconté que, lorsqu’elle était une jeune infirmière, un patient lui a dit :

« Je vais vous tuer, vous et vos deux beaux enfants, qui vous attendent dans la voiture après vos gardes tous les jours. »

Elle a essayé de le signaler, nous a-t-elle dit, « mais rien n’a été fait ».

Le sénateur Prosper lui a alors demandé pourquoi il en était ainsi. Elle a décrit un milieu de travail où l’on apprenait aux infirmières à minimiser leurs blessures et à ne pas s’attendre à recevoir de soutien de la part de leurs supérieurs, un milieu de travail où elles subissaient des pressions pour ne pas signaler les agressions, mais plutôt les accepter comme faisant partie intégrante de leur travail, sous peine d’être congédiées. Elle a déclaré :

Si nous ne nous occupons pas de nos patients, résidents ou clients, selon le contexte, cela pourrait être considéré comme un abandon des patients et entraîner la suspension de notre autorisation d’exercer nos fonctions.

C’est une épée de Damoclès qui pend toujours au-dessus de nos têtes, et on nous apprend qu’il faut nous mettre au second plan, que nous devons nous occuper de notre patient, quoi qu’il arrive — ce message est omniprésent dans le système de soins de santé, mais aussi à l’école.

L’autre chose que vous constaterez dans tous les secteurs de la santé, et en particulier pour les infirmières ou infirmiers, c’est que si vous êtes agressé ou victime de violence, on vous fait souvent sentir comme si cela découlait d’un manquement de votre part. On vous reproche la violence ou l’agression, et on vous dit qu’elle a été causée par un retard dans les soins ou par quelque chose que vous avez omis de faire. Vous êtes donc responsable du problème en tant qu’infirmière ou infirmier.

Nous avons entendu un témoignage étonnamment similaire de la part de Paul Hills, président de la Saskatoon Paramedic Association, qui est parmi nous aujourd’hui. Permettez-moi de citer M. Hills :

Rien qu’à Saskatoon, des vitres d’ambulances ont été brisées alors que les ambulanciers s’occupaient de patients à l’intérieur. Des ambulanciers ont été attaqués avec des armes. Cette année, une ambulance a été volée alors que deux ambulanciers s’occupaient de patients à l’intérieur. Une personne a été malmenée à l’intérieur du véhicule et les deux ambulanciers ont été blessés, ce qui les a obligés à s’absenter du travail.

Ma vie et celle de ma famille ont été menacées trop souvent pour que je puisse les compter [...] dans le cadre de mon travail, il m’est impossible de garder l’anonymat. N’importe qui peut savoir quel préposé a répondu à son appel. Je suis dans l’annuaire. Je suis au bout de la rue, et les membres de gangs, les membres de gangs rivaux, peuvent me trouver. Ils me suivent à la trace depuis mon travail. Ils savent où vit ma famille et où mes enfants vont à l’école. Lorsque ces choses vous sont dites dans la cabine arrière de votre ambulance, elles ne manquent pas de faire leur effet. On nous a menacés avec des battes, des machettes et des couteaux, et nous avons été contraints de retirer des armes à feu à des patients, tout en essayant de leur prodiguer des soins.

Cependant, comme dans le cas du personnel infirmier, selon M. Hills, il n’existe pratiquement aucune aide juridique, et encore moins de protection, pour les ambulanciers victimes d’agressions dans le cadre de leur travail. Il nous a dit :

[...] nous ne signalons pas souvent ces incidents. Nous en sommes arrivés au point où certaines de ces situations font, soi-disant, partie de notre travail, parce qu’il y a eu des cas où des procureurs de la Couronne nous ont dit que cela faisait partie de notre travail, que ce n’était pas très grave si l’on nous poussait dans les escaliers [...]

Il a ensuite expliqué que les ambulanciers paramédicaux et les pompiers évoluent dans un milieu dominé par les hommes, très masculin, où on apprend à ne jamais montrer ses émotions, à ne jamais demander de l’aide, à ne pas se plaindre et à ne pas se présenter comme une victime.

C’est là le principal défi que pose le projet de loi. Ces mesures ne fonctionneront pas si on ne porte pas plainte et si on ne porte pas d’accusations.

Au comité, nous avons entendu parler à maintes reprises d’une culture toxique du silence, d’une culture du stoïcisme qui décourage les travailleurs de la santé et les premiers intervenants de porter des accusations, et d’une culture de négligence qui décourage la police d’enquêter sur ces plaintes, et les procureurs de la Couronne de porter des accusations. Pire encore, nous avons entendu des témoignages bouleversant sur l’incapacité des gestionnaires de soins de santé et des organisations de premiers intervenants à prévenir les agressions contre leurs travailleurs.

Au mieux, le projet de loi S-233 ne peut qu’alourdir les peines après coup. Plus nous entendions des témoignages, plus il nous semblait évident que nous devions être beaucoup plus proactifs. Nous devons trouver de meilleurs moyens de prévenir les agressions contre les travailleurs vulnérables. On ne peut pas tout simplement hausser les épaules et considérer que les agressions font partie du travail. On ne peut pas s’attendre à ce que les travailleurs de la santé et les premiers intervenants acceptent que la violence soit monnaie courante dans leur milieu de travail.

Le projet de loi S-233 pourrait avoir un effet positif en mettant en lumière la condamnation nationale de la violence envers ceux-là mêmes qui se sacrifient tant pour nous protéger et prendre soin de nous. Il pourrait envoyer le message que nous, Canadiens, ne tolérerons pas ces attaques répétées contre certains des membres les plus héroïques et les plus essentiels de notre collectivité.

Il faut néanmoins appuyer ce symbolisme juridique et politique sur des mesures concrètes. Notre système de santé doit protéger et défendre les travailleurs sur leur lieu de travail. Les ambulanciers paramédicaux et les pompiers doivent pouvoir travailler en toute sécurité dans les rues. Il faut briser le mur du silence qui empêche les gens de signaler les actes de violence et démanteler les cultures d’entreprise qui normalisent la violence comme faisant partie intégrante du travail.

Il faut le faire non seulement pour protéger les travailleurs en première ligne, mais aussi pour nous assurer qu’il y aura encore des personnes disposées à exercer les professions d’infirmier, d’aide-soignant, d’ambulancier paramédical et de pompier l’année prochaine, dans 10 ans et bien après cela. Sinon, nous n’aurons fait qu’ajouter une ligne au Code criminel pour apaiser notre conscience.

Je voudrais conclure mes observations en remerciant toutes les personnes courageuses qui ont témoigné de manière franche et percutante, ainsi que tous les travailleurs de la santé et les premiers répondants canadiens pour les services qu’ils rendent à leurs patients, à leurs collectivités et à notre pays.

Je tiens à remercier tout particulièrement les infirmiers, les aides-soignants et les ambulanciers paramédicaux qui ont tant fait pour soigner les membres de ma famille en situation de crise médicale. Dans ces moments de stress, de peur et de chagrin, je n’ai probablement pas pris le temps de vous remercier suffisamment, mais soyez bénis pour tout ce que vous faites. Puissiez-vous être en sécurité et rester en sécurité, et puissiez-vous avoir le respect que vous méritez, tout en poursuivant votre travail vital et précieux. Hiy hiy.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Des voix : Bravo!

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous rappelle que vous devez déposer votre oreillette sur l’autocollant qui a été apposé sur votre pupitre lorsque vous ne l’utilisez pas et qu’il faut éviter de la manipuler.

[Français]

Cela nous aidera à réduire les risques d’incident acoustique. Nous avons trop de respect pour nos interprètes, auxquels nous tenons. Je vous remercie de votre collaboration.

Peuples autochtones

L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Adoption du vingtième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante et unième législature et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du vingtième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Archives manquantes, enfants disparus, déposé auprès de la greffière du Sénat le 7 octobre 2025.

L’honorable Michèle Audette propose :

Que le vingtième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Archives manquantes, enfants disparus, déposé auprès de la greffière du Sénat le 25 juillet 2024, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature, et inscrit à l’ordre du jour dans la session actuelle conformément à l’ordre du 7 octobre 2025, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Relations Couronne-Autochtones ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Services aux Autochtones.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1700)

L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Adoption du vingt et unième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du vingt et unième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Respectés et protégés : Vers l’établissement d’un cadre régissant les droits de la personne des Autochtones, déposé auprès de la greffière du Sénat le 7 octobre 2025.

L’honorable Michèle Audette propose :

Que le vingt et unième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Respectés et protégés : Vers l’établissement d’un cadre régissant les droits de la personne des Autochtones, déposé auprès de la greffière du Sénat le 12 décembre 2024, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature, et inscrit à l’ordre du jour dans la session actuelle conformément à l’ordre du 7 octobre 2025, soit adopté et que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Justice et procureur général du Canada ayant été désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Relations Couronne-Autochtones et le ministre de l’Industrie et ministre responsable de Développement économique Canada pour les régions du Québec.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion concernant la situation à Gaza—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Dean,

Que, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le Sénat demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.

L’honorable Tony Dean : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion du sénateur Woo concernant le soutien que le gouvernement du Canada pourrait apporter à l’État d’Israël dans le contexte du conflit actuel à Gaza.

La motion du sénateur Woo demanderait au gouvernement de déterminer si certaines de ses politiques ou de ses exportations sont en contradiction avec ses obligations juridiques internationales dans le contexte d’un génocide. Il s’agit d’un appel à un audit des exportations d’armes et de toute aide ou de tout soutien connexe à Israël dans le contexte de la guerre à Gaza.

Chers collègues, cette guerre est brutale, sanglante et dévastatrice.

Nous tous ici, ainsi que tous les Canadiens au pays, avons été horrifiés par les attaques brutales perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023, au cours desquelles près de 2 000 Israéliens et ressortissants étrangers — dont 815 civils — ont été tués et 215 ont été pris en otage. Les premières victimes de ces attaques du Hamas ont été des femmes, membres de l’Armée de défense d’Israël, qui travaillaient ce jour-là en première ligne comme gardiennes de la frontière et dont les avertissements répétés concernant des activités irrégulières de l’autre côté de la frontière dans les jours précédant l’attaque n’ont pas été pris en compte. Les proches de ces femmes font pression pour qu’une enquête, longtemps retardée, soit menée afin de déterminer pourquoi le dispositif de sécurité frontalier réputé d’Israël a été si facilement franchi ce jour-là.

Néanmoins, comme on pouvait s’y attendre, le gouvernement israélien et son Cabinet ont riposté. La réponse d’Israël a fait 68 000 morts parmi les Palestiniens dans la bande de Gaza. Près de la moitié des victimes, soit 34 000 personnes, sont des femmes et des enfants. Plus de 170 000 personnes ont été blessées par des missiles, des bombes et des armes puissantes conçues pour infliger des dommages considérables aux membres et aux tissus corporels. Le nombre de morts et de blessés inclut des journalistes indépendants du Moyen-Orient. Je le mentionne, car la communauté journalistique mondiale au sens large s’est bien sûr vu interdire l’accès à la zone de guerre par le gouvernement israélien.

Par rapport à d’autres conflits mondiaux récents, le nombre de morts recensés parmi les journalistes, les travailleurs humanitaires, les professionnels de la santé et les enfants compte parmi les plus élevés. On estime que des milliers d’autres corps non recensés gisent sous les décombres des bâtiments détruits dans la bande de Gaza.

En date de mai 2025, le nombre de décès dus à des blessures traumatiques était estimé à 93 000, soit 4 à 5 % de la population de Gaza avant la guerre. Le nombre de blessés dépasse les 160 000.

En conséquence, Gaza compte le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde; la guerre dans la bande de Gaza a rendu plus de 21 000 enfants handicapés.

Parallèlement à ce carnage, les hôpitaux et les cliniques de Gaza, les infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement, les habitations, les lieux de travail et les installations de préparation des aliments ont été délibérément et massivement détruits.

La distribution de l’aide d’urgence a été gravement perturbée. Nous avons vu des salles d’urgence être délibérément détruites au beau milieu d’opérations chirurgicales vitales; nous voyons des enfants et des nourrissons palestiniens émaciés; nous voyons des familles entières anéanties; et nous voyons des enfants ensanglantés qui errent sur des routes détruites en pleurant pour leurs parents, comme nous imaginons que cela a pu être le cas dans les villages israéliens le 7 octobre 2023.

Dans le contexte de cette vaste étendue de dévastation dans la bande de Gaza, la distribution alimentaire d’urgence précédemment organisée et assurée par l’office de secours des Nations Unies est devenue la responsabilité d’une organisation sous contrat qui, comme nous l’avons appris la semaine dernière au cours d’une réunion d’un comité sénatorial, était principalement gérée par des entrepreneurs militaires enclins à tirer sur certaines des personnes faisant la queue pour obtenir de la nourriture et à les tuer. Ces sites de distribution alimentaire, qui ont heureusement été remplacés depuis, étaient devenus des pièges mortels. N’ayant pas d’autre choix, ceux qui devaient nourrir leur famille affamée, y compris les enfants qui parcouraient de longues distances, risquaient littéralement leur vie pour un sac de farine, et beaucoup en sont morts. Ils ont été délibérément tués alors qu’ils cherchaient à obtenir de la nourriture pour leur famille.

Le dénominateur commun dans cette histoire, chers collègues, est le fait que la bande de Gaza est devenue littéralement un piège mortel qui a été délibérément conçu et mis en œuvre de manière meurtrière par les Forces de défense israéliennes, dont de nombreux membres vivront avec ce massacre motivé par des raisons politiques et religieuses pour le reste de leur vie. Cela les hantera comme cela nous hante.

Les parents des otages ne se réjouissent pas de la situation, pas plus que de nombreux autres Israéliens. Ceux qui se réjouissent de ce carnage sont, pour la plupart, des fanatiques religieux qui occupent des postes de pouvoir et d’influence, qui ont profité de la guerre pour étendre les colonies illégales dans la bande de Gaza et chasser les agriculteurs palestiniens et leurs familles, en tuant nombre d’entre eux au passage. Dans ce contexte de dévastation, le sénateur Woo nous demande ce que nous pouvons faire.

(1710)

Premièrement, il faut s’informer. Ensuite, il faut dénoncer la situation, comme je le fais aujourd’hui, ce qui est difficile pour moi, compte tenu des dommages collatéraux subis par nos amis juifs, ici au Canada et dans le monde entier.

Deuxièmement, il faut s’élever contre le harcèlement et la violence envers les Juifs. Il est révoltant que des écoles et des synagogues aient été attaquées et endommagées partout au pays. Il est révoltant que nos amis et collègues juifs se sentent intimidés et menacés, et il faut tout faire pour s’attaquer à ce problème.

Troisièmement, je souligne les conclusions de la Cour internationale de justice selon lesquelles Israël a violé la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. À cela s’ajoutent des efforts comme la motion du sénateur Woo, qui vise à garantir que le gouvernement n’approuve ni ne soutient, volontairement ou involontairement, la tragédie qui se déroule dans la bande de Gaza. Je veux dire par là qu’il ne fournit pas, directement ou indirectement, du matériel susceptible d’intensifier ou de prolonger les horreurs commises dans la bande de Gaza.

Chers collègues, je ne le dis pas à la légère. Je ne fais pas ces déclarations à la légère. J’ai fait mon examen de conscience. J’ai replongé dans mon éducation religieuse et j’ai été horrifié à maintes reprises. J’aimerais savoir que notre gouvernement ne facilite et n’encourage d’aucune façon cette crise brutale et sauvage. Dans la mesure où il l’a fait, même de façon restreinte, il devrait immédiatement mettre fin à ces gestes et déposer sa réponse à la motion du sénateur Woo, qui dit essentiellement ce que nous dirions ici au Sénat, je crois, c’est-à-dire : « ça suffit, ça suffit, ça suffit ».

Chers collègues, je vous demande d’envisager de soutenir cette motion. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)

Finances nationales

Autorisation au comité d’examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition), au nom du sénateur Carignan, conformément au préavis donné le 9 octobre 2025, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les programmes et initiatives fédéraux visant à soutenir la création de logements, y compris, mais sans s’y limiter :

a) le lancement de l’agence Maisons Canada et la manière dont elle coordonnera ses activités avec celles de la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour la mise en œuvre des programmes de logements abordables;

b) la conversion de terrains fédéraux en logements afin de créer des occasions de développement de logements;

c) la construction hors site;

d) le rôle des municipalités;

e) le développement de logements abordables;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer ses rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 h 14, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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