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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 30

Le jeudi 30 octobre 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le jeudi 30 octobre 2025

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, j’ai reçu un avis de la facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants qui demande que, conformément à l’article 4-3(1) du Règlement, la période des déclarations des sénateurs soit prolongée aujourd’hui afin de rendre hommage à l’honorable sénatrice Boniface.

Est-il convenu que le temps alloué pour les hommages soit prolongé pendant les déclarations des sénateurs jusqu’à la fin des hommages anticipés?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes, et qu’aucun sénateur ne peut parler plus d’une fois.

Cela n’inclut toutefois pas le temps alloué pour la réponse de la sénatrice.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L’honorable Gwen Boniface, C.O.M., O.Ont.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, elle était réputée et avait une carrière distinguée et des réalisations exceptionnelles à son actif lorsqu’elle a accepté, en novembre 2016, de poursuivre son service public au Sénat du Canada.

Pour certains, le nom de Gwen Boniface était synonyme de « madame la commissaire », puisqu’elle a été la première femme à diriger la Police provinciale de l’Ontario, après avoir également occupé le poste de commissaire de la Commission du droit du Canada. Pour d’autres, elle était « madame la présidente », comme elle a également été la première femme à diriger l’Association canadienne des chefs de police, avant d’occuper à l’international le poste de directrice générale adjointe de l’Association internationale des chefs de police. D’autres encore se souvenaient d’elle au début de sa carrière, lorsqu’elle était avocate ou agente de police.

En 2016, après s’être distinguée au cours de ses 40 ans de service public, Gwen Boniface aurait pu prendre sa retraite tranquillement et profiter d’un emploi du temps beaucoup plus léger. Au lieu de cela, elle a choisi de continuer à servir à la Chambre haute du Parlement. Ici aussi, elle s’est distinguée par ses réalisations, qui sont nombreuses.

Elle a présidé le Comité de la sécurité nationale et de la défense, elle a été coprésidente du Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise. Elle a commandé conjointement avec les sénatrices Hartling et Boyer un rapport sur la violence entre partenaires intimes pendant la pandémie.

En 2019, elle a travaillé sans relâche pour mettre en place, à Orillia, une table ronde sur la vérité et la réconciliation qui se réunit régulièrement depuis avec des habitants du comté de Simcoe, la région où elle vit.

Elle a défendu au Sénat un projet de loi sur la crise des opioïdes et s’est efforcée de sensibiliser le public aux troubles de stress post-traumatique dont souffrent les premiers intervenants et les membres des forces armées.

Elle nous a impressionnés par sa grande expertise, sa compréhension approfondie des enjeux nationaux et internationaux, son éthique exemplaire et son pragmatisme.

Bien que nous comprenions pourquoi elle nous quitte, nous sommes attristés par l’annonce de son départ imminent. Ses collègues louent unanimement sa compétence, sa crédibilité, sa fiabilité et sa sagesse. Elle a gagné le respect non seulement de ses collègues du Sénat, mais aussi des nombreux députés de la Chambre des communes qui ont eu l’occasion de faire sa connaissance et de travailler avec elle.

Sur le plan plus personnel, Gwen a toujours été discrète, ne faisant jamais étalage de sa vie privée, mais son attachement à sa famille est évident. Chaque année, à l’occasion des Fêtes, elle nous envoyait de magnifiques cartes de vœux conçues par son artiste préféré, l’aîné de ses deux petits-fils. D’ordinaire si humble, elle en était immensément fière. Je me souviens de sa réaction spontanée lorsque je lui ai dit que ces cartes étaient les plus belles que j’avais jamais reçues. En parlant de ses petits-fils, Hudson et Grayson, elle a dit : « Ce sont de véritables rayons de soleil dans ma vie. »

Honorable sénatrice Boniface, chère Gwen, au nom des membres du Groupe des sénateurs indépendants, je tiens à vous exprimer notre gratitude pour votre solide contribution au groupe et à vous féliciter pour votre immense contribution au service public, tant au Canada qu’à l’étranger. Vous serez toujours l’une des nôtres. Nous vous souhaitons encore de nombreuses années de bonheur avec le soleil de votre vie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Iris G. Petten : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du bureau du représentant du gouvernement pour faire affectueusement mes adieux à une collègue qui m’est très chère.

Quand je suis arrivée au Sénat, j’ai été invitée, avec plusieurs autres sénateurs, à un dîner pour discuter du maintien de l’ordre dans les collectivités rurales. La sénatrice Boniface était bien sûr du nombre. Je n’ai pas mis longtemps à comprendre que j’étais en présence de quelqu’un qui connaissait le domaine en profondeur et qui y avait acquis une longue expérience.

En rentrant à pied après le dîner, nous avons poursuivi notre conversation, et j’ai réalisé que nous avions beaucoup de points en commun : nous ne renâclons pas à la besogne, nous avons de solides valeurs familiales et nous menons notre vie de femme dans ce qui est souvent considéré comme un « monde d’hommes ».

En parlant de famille, tout récemment, la sénatrice Boniface a assisté à un événement organisé par la Police provinciale de l’Ontario en compagnie de son fils, qui est également policier. Son fils lui a fait le plus beau compliment qu’une mère puisse recevoir en déclarant publiquement qu’elle avait exercé une influence déterminante sur sa vie et sa carrière, et qu’il avait suivi ses traces.

Lors d’un dîner que j’ai organisé récemment pour la sénatrice Boniface, à son insu, j’ai profité de l’occasion pour mener ma petite enquête. Je lui ai demandé ce qu’elle avait préféré dans son rôle de sénatrice. Sa réponse? Assurer la présidence du Comité de la sécurité nationale et de la défense, bien sûr.

Je lui ai également demandé ce qui allait lui manquer le plus, et ceux qui la connaissent bien ne seront pas surpris de sa réponse : « Le travail communautaire. »

Elle a notamment lancé une table ronde sur la vérité et la réconciliation dans le territoire des traités Williams, avec des Autochtones et des non-Autochtones. Ce lieu d’échange continue de s’élargir grâce à des rencontres régulières avec des aînés locaux, des jeunes leaders et de nombreux autres membres de cercles communautaires.

(1340)

Je ne rendrais pas hommage comme il se doit à la sénatrice Boniface si je ne prenais pas un moment pour souligner l’une des causes qui lui tiennent à cœur depuis longtemps. Tout au long de son mandat, la sénatrice Boniface a défendu les femmes et leurs droits au sein de notre Chambre. De son interpellation sur la violence entre partenaires intimes à ses déclarations marquant les 50 années de présence des femmes dans la police, elle a rendu hommage au legs des grandes femmes qui l’ont précédée, tout en ouvrant la voie à celles qui la suivront.

Au nom du bureau du représentant du gouvernement, sénatrice Boniface, merci d’avoir été une pionnière et une visionnaire, merci pour votre calme et votre assurance qui nous ont permis de garder le cap dans les moments difficiles et merci pour votre humilité, votre gentillesse et votre courage moral.

J’attendrai avec impatience votre visite l’année prochaine à Terre-Neuve-et-Labrador.

Vous nous manquerez beaucoup. Merci.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à notre chère collègue, l’honorable Gwen Boniface, qui prend sa retraite du Sénat du Canada pour entamer un nouveau chapitre de sa vie.

La sénatrice Boniface a mené une brillante carrière avant et après sa nomination au Sénat. Avant d’être sénatrice, elle a fait sa marque au sein des forces de l’ordre canadiennes. Devenue policière dans la Police provinciale de l’Ontario, en 1977, elle a gravi les échelons jusqu’à être la première femme à occuper le poste de commissaire de ce service de police, à compter de 1998.

Elle s’est aussi beaucoup investie dans la réforme des services de police autochtones et dans les services de police à contrat du Nord et de l’Ouest de l’Ontario.

Après son mandat de commissaire, la sénatrice Boniface a aussi travaillé à l’international pendant 10 ans. Son savoir et son sens du leadership ont été appréciés par de nombreux membres des forces de l’ordre au Canada et à l’étranger.

En 2016, elle a été nommée au Sénat du Canada, où elle a pu mettre à profit son expérience dans les services de police, la prévention de la criminalité et l’action communautaire. Elle a exercé ses fonctions avec rigueur au sein de plusieurs comités sénatoriaux permanents, notamment à titre de présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

Son travail au Sénat est le reflet de tout ce qu’elle a fait au cours de sa vie pour la sécurité publique et la justice. Elle s’est notamment démarquée dans les dossiers de la traite des personnes, de la violence au foyer, de la crise des opioïdes, de la sécurité nationale et de la réconciliation avec les Autochtones, par exemple en dirigeant, en 2019, l’initiative communautaire de vérité et réconciliation à Orillia.

Au cours des discussions sur les hommages rendus à la sénatrice Boniface, il est apparu évident qu’aucun sénateur ne voulait la voir partir. La sénatrice Clement a dit de notre collègue qu’elle est aimée, ce qui reflète le sentiment de beaucoup. Sénatrice Boniface, nous vous portons un profond respect.

Au nom du caucus conservateur, je tiens à vous adresser nos meilleurs vœux, sénatrice Boniface, alors que vous vous apprêtez à quitter le Sénat. Merci de vos décennies au service des Canadiens et de votre volonté inébranlable de défendre la justice, l’égalité et la réconciliation.

L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais mes premières semaines au Sénat ont été marquées par la perplexité, l’anticipation et un peu d’appréhension. Je me souviens aussi de m’être demandé pourquoi tout le monde ignorait le Président lorsqu’il nous demandait constamment de nous lever. Rien n’avait de sens.

J’ai ensuite eu la chance de m’asseoir aux côtés de la sénatrice Gwen Boniface. Tout simplement, la sénatrice Boniface vous met en confiance. Elle dégage une combinaison extraordinaire de chaleur, de gentillesse, de calme, de compréhension, d’empathie et de bonne humeur. Aux yeux de tous, elle est tout à fait le contraire d’une personne agitée.

Quand je repense à la carrière de la sénatrice Boniface, je suis impressionné par les défis qu’elle a acceptés, mais aussi relevés avec brio. Il y a 30 ans, en septembre 1995, les tensions montaient rapidement autour du différend territorial au parc provincial d’Ipperwash, au bord du lac Huron. Ce différend était né du refus de rendre des terres, qui avaient été expropriées pendant la Deuxième Guerre mondiale, à la bande ojibwée de Stony Point.

Au plus fort des tensions, un tireur d’élite de la Police provinciale de l’Ontario a abattu Dudley George, un membre non armé de Stony Point âgé de 38 ans. Dix ans plus tard, le responsable de l’enquête sur Ipperwash a conclu que le gouvernement de l’Ontario, Ottawa et la Police provinciale de l’Ontario portaient l’entière responsabilité des événements qui ont conduit à sa mort.

Toutefois, cette clarté établie par l’enquête n’existait pas lorsque la surintendante en chef Gwen Boniface a été nommée commandante de la région de l’Ouest de la Police provinciale de l’Ontario.

Les efforts déployés par Gwen Boniface ont permis de redéfinir la façon de concevoir la guérison à partir de sa nomination jusqu’à la publication du rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash.

J’en veux pour preuve le fait qu’elle avait déjà mis en œuvre pratiquement toutes les recommandations du rapport d’enquête avant sa publication et le fait que la Première Nation de Stony Point a invité la Police provinciale de l’Ontario, alors dirigée par la commissaire Gwen Boniface, à prendre un repas avec sa communauté ce soir-là. Je suppose que la plus grande réalisation de sa carrière policière a été de chercher à découvrir la vérité, à trouver un terrain d’entente et à bâtir la confiance. Trop souvent, ce ne sont pas les premières compétences qui nous viennent à l’esprit quand nous pensons aux services de police, mais c’est ce qui a distingué la carrière de Gwen partout où elle a travaillé et dans tout ce qu’elle a accompli.

Elle s’est aussi distinguée de cette façon lorsqu’elle était en Irlande du Nord, aux Nations unies et en Afghanistan. La sénatrice Gwen Boniface incarne bien le dicton selon lequel les apparences sont souvent trompeuses.

Gwen, 98 sénateurs sont tout sauf ravis de votre décision, mais il y a cinq personnes à Orillia qui attendent votre retour chez vous.

Nous sommes ravis pour eux, mais, au Groupe des sénateurs canadiens, nous en sommes plutôt attristés.

L’honorable Judy A. White : Honorables sénateurs, au nom du Groupe progressiste du Sénat, je tiens à offrir mes meilleurs vœux, ainsi qu’exprimer une certaine tristesse, à la sénatrice Boniface, qui a décidé de quitter le Sénat avant la fin de son mandat.

La sénatrice Boniface est très consciente de l’importance des collectivités, ayant grandi dans une ferme en région rurale au nord de Toronto. Son père était conseiller municipal à Georgina, sur la rive du lac Simcoe. Lui-même connaissait bien la notion de collectivité. Son pupitre et la plaque portant son nom se trouvent aujourd’hui dans le bureau de la sénatrice Boniface au Parlement, et ils lui rappellent constamment qui nous représentons.

Malgré son enfance à la campagne, un avenir prometteur attendait la sénatrice Boniface. Elle a commencé une carrière dans la police, et nous savons tous qu’elle a gravi les échelons pour devenir la première femme commissaire de la Police provinciale de l’Ontario. Manifestement motivée dans son parcours, elle ne s’est pas arrêtée là; elle a fait des études à la Faculté de droit Osgoode Hall et elle a ensuite été admise au barreau.

Après sa retraite de la Police provinciale de l’Ontario, elle a décidé de mettre ses compétences au service de l’île d’Émeraude en tant qu’inspectrice en chef adjointe de l’Inspectorat de la Garda d’Irlande. Elle y a contribué à la réforme et à la modernisation des services de police nationaux irlandais. Elle s’est attachée à ce pays et à ses habitants, et nous soupçonnons qu’elle y effectuera un voyage dans un avenir proche.

Après avoir travaillé en Irlande, elle a occupé les fonctions de spécialiste de la criminalité transnationale organisée à la Division policière des Nations unies, où elle a élaboré un plan pour lutter contre le crime organisé dans les pays en conflit et les pays qui sortent d’un conflit, en plus d’être membre de l’Équipe spéciale de lutte contre le terrorisme des Nations unies.

Cela l’a conduite au Sénat, où, comme nous l’avons entendu, elle a été présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, à peine un an après sa nomination. Elle a parrainé le projet de loi sur la conduite avec facultés affaiblies — le projet de loi connexe au projet de loi légalisant le cannabis — et elle est devenue la première sénatrice à coprésider un comité mixte chargé d’étudier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence.

Comme l’a dit le sénateur Peter Harder :

Mais surtout, vous avez lancé votre propre démarche de réconciliation, chez vous, à Orillia, en établissant un dialogue continu entre les habitants autochtones et non autochtones. Cela a donné naissance à un projet autonome et continu. Vous avez atteint les sommets de votre profession et voyagé partout dans le monde, mais vous n’avez jamais oublié vos origines ni l’importance de la communauté. Votre père serait fier de vous.

Sénatrice, nous pourrions parler longuement de vos réalisations, mais je préfère vous remercier au nom de nous tous pour votre pragmatisme, votre sang-froid et votre engagement envers le service public. Vous nous manquerez beaucoup.

(1350)

Vous pouvez désormais vous consacrer au plus beau rôle de votre illustre carrière. Comme vous l’avez affirmé à maintes occasions : « Grand-mère est le plus beau titre que j’ai jamais eu. » Wela’lioq. Merci.

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole pour souligner, non sans quelques regrets, le départ à la retraite de la sénatrice Gwen Boniface.

Gwen a été assermentée le 10 novembre 2016, la même semaine que plusieurs autres de ses collègues, dont moi-même, ainsi que le sénateur Marwah, qui est aujourd’hui à la retraite, la sénatrice Pate, la sénatrice Hartling, qui est venue nous voir aujourd’hui, le sénateur Woo et le sénateur Cormier. Nous sommes tous rapidement devenus des amis.

La présence de la sénatrice Boniface au Sénat a été très marquante. À titre de présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, elle a été un véritable modèle pour ceux qui l’ont suivie, moi y compris. Gwen s’est aussi distinguée au sein du Comité des peuples autochtones, du Comité des affaires étrangères et du commerce international, du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement et du Comité de l’éthique et des conflits d’intérêts des sénateurs, en plus de son travail dans les dossiers de la traite des personnes, de la violence familiale et de la crise des opioïdes.

Auparavant, la sénatrice Boniface était surtout connue pour être la première femme à avoir exercé les fonctions de commissaire de la Police provinciale de l’Ontario. C’est dans le cadre de ces fonctions que je l’ai rencontrée pour la première fois, lorsque j’étais à la tête de la fonction publique de l’Ontario. Gwen exerçait alors ses fonctions tout comme elle l’a fait au Sénat, c’est-à-dire avec un énorme professionnalisme, une volonté de régler les problèmes et une fine compréhension des rapports délicats entre la fonction publique, le milieu politique et l’un des plus importants corps policiers du Canada.

Gwen s’inscrit également dans la tradition des Canadiens qui ont apporté une contribution significative à des gouvernements d’autres pays et à la résolution de conflits à l’étranger. Elle a eu un impact extrêmement important et positif grâce au travail qu’elle a accompli en Irlande après la signature de l’Accord du Vendredi saint du 10 avril 1998, qui a mis fin à la violence sectaire en Irlande du Nord. Cette violence remontait au moins à 1921 et avait également touché l’Angleterre et ma ville natale, Birmingham. C’est un autre élément qui nous lie, Gwen et moi.

Le succès n’était pas garanti, mais Gwen y a joué un rôle essentiel. En tant que membre de l’Inspectorat de la Garda Síochána, elle a contribué à la révision des structures, des rôles et des responsabilités de la police irlandaise. Gwen a dit que ce qu’elle avait appris de ce travail en Irlande, c’est que l’histoire des services de police est l’histoire d’un pays, une philosophie qu’elle a ensuite pu transposer dans le contexte canadien.

La sénatrice Boniface a mené des réformes policières largement considérées comme parmi les plus ambitieuses et les plus délicates au monde, puisqu’il s’agissait de passer d’une approche influencée par les conflits et une vision paramilitaire à une approche moderne, fondée sur les civils et les droits, tant dans le Nord que dans le Sud de l’Irlande. Gwen a apporté au Sénat une vaste expertise, un jugement exceptionnel et une grande intelligence émotionnelle, ce qui lui a valu d’être nommée au Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise, il y a quelques années.

Gwen, vous allez beaucoup nous manquer ici. Vous avez montré à merveille comment nous pouvons mettre à profit le meilleur de nos parcours professionnels et personnels dans le cadre du travail important que nous accomplissons au Sénat, toujours en faisant preuve de modestie et de grâce au Sénat et envers nous tous.

Merci, sénatrice Boniface. Nous vous souhaitons bonne chance pour votre prochain chapitre.

L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia : Honorables sénateurs, chère Gwen, aujourd’hui, nous nous levons pour reconnaître et célébrer vos admirables services alors que vous terminez votre mandat au Sénat du Canada. Votre carrière a toujours été définie par votre intégrité, votre dévouement et votre engagement continu envers la fonction publique et la sécurité des collectivités.

Avant de se joindre à cette chambre, la sénatrice Boniface a brisé des plafonds de verre en devenant la première femme commissaire de la Police provinciale de l’Ontario. Son leadership au sein de cet organisme a redéfini ce que pouvait être une police inclusive, compatissante et proche de la communauté. Mes collègues ont souligné ses nombreuses réalisations professionnelles remarquables. Lorsqu’elle a été nommée ici en 2016, elle a conservé la même vision et le même sens de la justice.

Dans cette enceinte, Gwen, vous avez mis votre expérience pratique directement au service de votre travail législatif. Vous avez assumé avec distinction vos fonctions au sein de comités axés sur la sécurité nationale, l’application de la loi, les affaires autochtones et la justice. Votre opinion a toujours reflété un certain équilibre, nous appelant à défendre à la fois la sécurité publique et les droits de la personne. Qu’il s’agisse d’examiner des réformes complexes du système de justice, de lutter contre la crise des opioïdes ou de faire progresser la réconciliation, vos contributions étaient réfléchies, fondées sur des preuves et toujours profondément humaines.

Au-delà de ses réalisations dans la sphère politique, la sénatrice Boniface est une amie, une mentore et une source d’inspiration pour beaucoup de personnes, autant dans cette Chambre qu’à l’échelle du pays. Elle incarne ce que l’on entend par servir avec force et compassion. Ses capacités à écouter, à établir un consensus et à diriger avec humilité sont des qualités que nous aurions tous avantage à imiter. Il ne faut surtout pas oublier son sens de l’humour espiègle et cette adorable étincelle dans ses yeux.

Alors qu’elle entame un nouveau chapitre de sa vie, nous la remercions pour les décennies qu’elle a consacrées au service des Canadiens et de la communauté internationale comme autorité respectée dans le domaine de l’application de la loi, comme sénatrice et, surtout, comme pionnière pour les femmes dans le service public. Gwen, je suis convaincu que votre héritage continuera de façonner cette institution et notre pays pendant de nombreuses années.

Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour exprimer notre sincère gratitude et nos meilleurs vœux à Gwen pour sa retraite bien méritée et pour le temps qu’elle passera avec sa famille bien-aimée.

Je chérirai toujours notre lien spécial. Votre présence va me manquer. J’ai le cœur lourd. Je vous promets qu’Iris et moi allons attendre sur le rivage terre-neuvien pour ne pas manquer votre arrivée.

L’honorable Bev Busson : Honorables sénateurs, c’est avec un plaisir éminemment personnel et une profonde tristesse que je prends la parole aujourd’hui pour parler de ma collègue exceptionnelle et chère amie Gwen Boniface, qui conclut un chapitre remarquable de son épopée consacrée au service public.

Le courage, l’intégrité et un leadership avant-gardiste ont défini la carrière de Gwen. Bien avant de se joindre à nous, ici au Sénat, elle marquait déjà l’histoire en tant que première femme commissaire de la Police provinciale de l’Ontario. Ses compétences en leadership lui ont valu d’autres rôles prestigieux dans les services de police, comme mes collègues l’ont mentionné. Par ailleurs, sa réputation dépassait nos frontières, elle qui a contribué à moderniser la police nationale irlandaise et qui a conseillé les Nations unies sur des questions relatives au crime organisé transnational, tout en faisant preuve de la force, de l’équité et de la compassion que nous avons tous appris à connaître et à aimer chez elle. Cela nous rappelle qu’au-delà de chaque décision, politique et loi que nous examinons, il y a des gens qui comptent sur nous pour bien faire les choses.

Pour moi, Gwen a été plus qu’une collègue; elle a été ma mentore et, si j’ose dire, mon amie. C’est aussi une personne qui prêche par l’exemple.

Le jour même où je suis devenue la première inspectrice de la Gendarmerie royale du Canada, j’ai reçu un coup de fil de la sénatrice Boniface, qui était alors inspectrice à la Police provinciale de l’Ontario. Je ne savais même pas qui elle était. Je me souviens de ses paroles : elle voulait seulement établir un contact avec moi, parce que lorsqu’elle avait été promue, il n’y avait alors aucune autre femme pour l’appeler, lui offrir des conseils ou simplement échanger. Voilà le genre d’attitude de leader, empreinte d’authenticité, de gentillesse et de générosité, qui a fait sa renommée. Nous sommes depuis devenues de fidèles amies et confidentes.

Toutes deux, nous avons tracé notre propre voie, nous avons accédé à des espaces de décision où jamais les femmes n’avaient mis les pieds auparavant. Elle était ma marraine au Sénat et elle a aussi été un modèle pour moi, ce qu’elle ne savait pas. Je me suis sentie aussi intimidée qu’inspirée de suivre ses traces.

Quel que soit le dossier — les droits des Autochtones, la sécurité publique, le crime organisé ou le bien-être collectif —, elle parlait avec l’authenticité de celle qui avait déjà été témoin du meilleur comme du pire de l’humanité et qui savait tout de même offrir des conseils positifs et constructifs, souvent avec délicatesse, mais toujours avec fermeté.

Gwen, vous prenez votre retraite du Sénat, mais sachez que vous y laissez une présence qui y restera longtemps. Vous avez contribué à rendre le Sénat plus moderne et plus efficace. Votre exemple de toute une vie continuera d’inspirer ceux d’entre nous qui cherchent à améliorer la vie des autres par le service public, tant en uniforme que dans la vie civile.

(1400)

Au nom de tous ceux qui vous connaissent bien, je vous souhaite de vous reposer et de rire avec vos amis et votre famille et, surtout, de passer de nombreuses années de bonheur avec vos petits-enfants que vous chérissez tant. Profitez de votre retraite bien méritée, le fruit d’une vie consacrée à rendre le Canada meilleur. Vous nous manquerez, mais c’est à moi que vous manquerez le plus. Je fais partie de ceux qui n’oublieront jamais votre générosité. D’une pionnière à une autre, merci de votre service et de votre amitié.

Des voix : Bravo!

Visiteurs de marque à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Garry Boniface, le mari de la sénatrice Boniface, de Brett Boniface et Lisa Boniface, son fils et sa belle-fille, ainsi que de Grayson et Hudson, ses petits-fils. Ils sont accompagnés de ses amis Mark Reber et Robin Jones et de notre ancienne collègue Nancy Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Gwen Boniface, C.O.M., O.Ont.

Remerciements

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, chers amis et invités spéciaux, je tiens d’abord à remercier la Présidente, qui fait toujours preuve de compétence et de dignité au Sénat. Je tiens à remercier notre greffière et son équipe, ainsi que tout le personnel qui contribue au bon fonctionnement du Sénat.

Je tiens à remercier chaleureusement l’huissier du bâton noir. Nous faisons partie d’un club de deux personnes qui s’admirent mutuellement. J’ai été enchantée de voir l’huissier du bâton noir le jour où j’ai franchi les portes du Sénat.

Je tiens à remercier les leaders du travail qu’ils accomplissent afin d’assurer le bon fonctionnement du Sénat, et je remercie tout particulièrement la sénatrice Saint-Germain, facilitatrice du Groupe des sénateurs indépendants. Je tiens à remercier tous mes chers collègues qui ont choisi de prendre la parole aujourd’hui.

Vos paroles ont été aimables et bienveillantes. Je suis profondément touchée et, je dois l’avouer, un peu plus émue que ce que j’anticipais. Trouver les mots justes pour cette occasion est donc à la fois un privilège et un défi, mais permettez-moi de tenter le coup.

Je tiens d’abord à remercier chaleureusement le personnel qui m’a soutenue tout au long de mes neuf années au Sénat. J’ai eu l’immense chance de travailler avec deux personnes très dévouées et compétentes pendant toute la durée de mon mandat au Sénat.

Cameron Ross est arrivé à mon bureau sans aucune expérience dans le domaine, mais son inexpérience n’a pas duré longtemps. Dès notre deuxième année ensemble, Cam savait trouver les mots justes avant même que je ne les lui demande. C’était comme s’il vivait dans ma tête, le pauvre. Cam, merci pour votre loyauté, votre professionnalisme et votre sang-froid dans les moments difficiles. Je vous souhaite à vous, à Kristen et à votre ravissant nouveau-né, Sullivan, né en août dernier, tout le bonheur possible alors que vous entamez ce nouveau chapitre de votre vie de famille. Je suis convaincue que vous serez un excellent collaborateur pour le sénateur Harder.

Lori McAlpine est venue travailler au Sénat, et ce fut toute une aventure. Lori, vous avez été mon bras droit, mon bras gauche et tout ce qui se trouve entre les deux. Vous m’avez guidée, pilotée et soutenue avec une force tranquille. Alors que vous avez décidé de choisir une autre voie, je vous souhaite tout ce qu’il y a de meilleur, peu importe où la vie vous mènera.

De retour chez nous, Erin Dixon a été le pilier de notre travail dans la région. Elle a dirigé notre table ronde sur la vérité et la réconciliation, l’une des réalisations dont je suis le plus fière depuis ma nomination au Sénat. Erin, merci pour votre leadership et votre profonde compassion.

Honorables collègues, avant d’être au Sénat, j’ai connu des débuts modestes. Les valeurs qui ont façonné la personne que je suis me viennent de ma famille, en particulier de deux femmes extraordinaires, mes grands-mères. Ma grand-mère paternelle était une enfant Barnardo. Née dans la misère en Angleterre, elle a été envoyée au Canada alors qu’elle n’avait que 14 ans, ayant perdu sa mère, morte en donnant naissance à son jeune frère, tandis que son père était parti combattre pendant la Première Guerre mondiale. Elle n’allait revoir ce frère que 50 ans plus tard.

Ma grand-mère maternelle a perdu son père le jour de sa naissance, et sa mère est décédée alors qu’elle n’avait que 10 ans. Elle est passée par plusieurs familles d’accueil jusqu’à ce qu’elle puisse subvenir elle-même à ses besoins.

Elles ont toutes deux subi des épreuves inimaginables, mais elles sont malgré tout devenues des femmes fortes et résilientes qui ont donné plus que ce qu’elles avaient reçu dans la vie. Aujourd’hui, je tiens à profiter de cette occasion pour leur rendre hommage.

Pendant mon enfance, nous discutions tous les jours des questions d’actualité dans notre foyer. Autour de la table de la cuisine, les discussions étaient houleuses et animées, en grande partie en raison de mon père, un loyal progressiste-conservateur qui était toujours prêt à prendre part à un bon débat. Sa seule règle était la suivante : « Nous avons deux oreilles et une bouche, alors il faut les utiliser en respectant ces proportions. »

Mon père était agriculteur et, comme je l’ai mentionné, il a été conseiller municipal pendant 23 années consécutives. Il n’a jamais perdu une élection. Il n’avait que huit années de scolarité, mais c’est l’une des personnes les plus intelligentes que j’aie connues. Il était respecté, avait des principes et était considéré comme le patriarche de notre petite communauté agricole. Lorsqu’il est décédé, c’est exactement le souvenir qu’il nous a laissé.

Ma mère a eu huit enfants en 17 ans. Notre maison était bruyante, animée et parfois chaotique, mais toujours pleine de vie. Mes parents ont été mariés pendant 69 ans et formaient une équipe formidable. Il n’y avait pas de démocratie dans notre foyer. Je regrette que mon père n’ait pas vécu assez longtemps pour voir le jour de mon assermentation au Sénat. Cela aurait donné lieu à une conversation mémorable. Ma mère, en revanche, n’hésitait jamais à me rappeler son opinion sur le Sénat. J’espère avoir réussi à la faire changer d’avis, ne serait-ce qu’un peu, avant son décès.

Je n’avais jamais imaginé siéger au Sénat, mais je suis profondément honorée d’avoir pu le faire. Les délibérations du Sénat ont peut-être mis ma patience à rude épreuve à plus d’une reprise, voire à dix reprises, mais, à mon avis, c’est au sein des comités que se fait le travail le plus important. J’ai eu le plaisir de présider le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants et de coprésider le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise. Ces deux fonctions ont été très exigeantes, mais m’ont beaucoup appris.

J’ai beaucoup apprécié le travail en comité et je suis heureuse d’avoir pu y prendre part. Je tiens à remercier tout particulièrement le sénateur Peter Boehm et mes collègues du Comité des affaires étrangères. Nous avons fait un travail très important, en lien avec des enjeux très actuels. C’est un travail qui correspondait parfaitement à l’expérience que j’avais acquise pendant la dizaine d’années ayant précédé mon arrivée au Sénat. Merci à tous.

Au cours des neuf dernières années passées ici, j’ai tenté de rappeler aux sénateurs les sacrifices que font les policiers lorsqu’ils servent la population, car ils risquent leur vie et leur santé mentale. Je vous demande avec beaucoup de respect de vous souvenir de ceux qui ont payé le prix ultime et des familles qu’ils ont laissées derrière eux.

J’ai essayé, dans cette enceinte, de mettre l’accent sur des enjeux comme la violence entre partenaires intimes, le crime organisé — y compris la traite des personnes —, la santé mentale et la toxicomanie, ainsi que la résilience des collectivités. J’espère avoir contribué d’une certaine manière aux débats en cours sur ces questions.

Rien de tout cela ne serait possible sans les personnes qui m’ont accompagnée. J’ai eu le grand privilège d’être accueillie dans cette chambre par l’ancien sénateur Vern White. Il m’a envoyé un texto ce matin. Il est malade et ne pouvait donc pas être présent.

Est présente parmi nous la mairesse Robin Jones, qui était là aussi quand j’ai été assermentée. Mais surtout, elle était dans ma classe, en 1977, lorsque je suis entrée dans la police. Nous étions en tout 320 recrues, dont 14 femmes. Lorsque je suis devenue commissaire de la Police provinciale de l’Ontario, elle est devenue cheffe du service de police Nishnawbe Aski, dans le Nord. Nous avons défié les probabilités.

Mark Reber est aussi parmi nous aujourd’hui, comme il l’était lors de mon assermentation. J’ai travaillé avec lui en Irlande et, avant cela, en Irlande du Nord. Je les remercie énormément de leur présence avec nous aujourd’hui.

(1410)

Entre ces murs, je me suis fait de nombreux amis, et je tiens à vous remercier tous. D’abord et avant tout, je tiens à remercier ma chère amie, l’honorable Nancy Hartling, qui est aussi avec nous. Nancy, nous n’avons aucun lien de sang, mais nous n’en sommes pas moins des sœurs. Nancy et moi avons prêté serment le même jour et, par un heureux hasard, nos bureaux étaient situés l’un en face de l’autre. Pour couronner le tout, nous habitions dans le même immeuble. On ne peut pas rêver mieux. Certains pourraient nous accuser d’avoir passé les neuf dernières années à faire bonne chère à Ottawa, mais nous avons vraiment passé de bons moments.

Le sénateur Peter Harder a été le premier à être nommé leader du gouvernement au Sénat et il a été l’un des principaux architectes de la réforme du Sénat. Il entretient des relations solides avec les autres leaders et il est magistral quand vient le temps de négocier et de trouver un compromis. Au fil du temps, il est également devenu un grand ami. Je suis ravie de savoir que Cam travaillera désormais dans l’équipe de Peter, car il pourra approfondir ses connaissances auprès d’un maître et d’un ami.

Chers collègues, je suis très chanceuse d’avoir des amis dans tous les groupes et caucus de cette Chambre et dans toutes les régions du pays. J’ai noué de nouvelles amitiés et j’en ai renouvelé d’autres, comme celle qui me lie à la sénatrice Busson. Peu de gens peuvent vraiment comprendre notre parcours au Sénat, et je suis heureuse d’avoir partagé cette expérience avec vous.

Je passe maintenant aux remerciements les plus importants de tous, ceux que j’adresse à ma famille.

Je remercie mon fils, Brett, et sa femme, Lisa, d’avoir été plus convaincus que moi que je devrais siéger au Sénat. Ils élèvent deux merveilleux garçons. Beaucoup d’entre vous savent que Brett est un policier. Il a passé les dernières années à travailler avec des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, de toxicomanie et d’itinérance. C’est un travail difficile. Lorsque je suis chez moi, on me désigne plus souvent comme la mère de Brett que comme sénatrice. Je suis très fière de porter ce titre.

Je remercie Grayson et Hudson, mes petits-fils, qui sont mon cœur et mon âme. Vous avez apporté plus de joie dans ma vie que je n’aurais jamais cru possible. Ces garçons étaient ravis de venir à Ottawa pour voir les Sénateurs. Je crains que ce ne soit pas à vous qu’ils pensaient.

Je remercie enfin mon mari, Garry. Notre aventure s’étend sur 49 ans de mariage. Des quatre coins de l’Ontario jusqu’à Dublin, en Irlande, en passant par New York, Washington et, enfin, chez nous, tu as été là — à chaque étape, à chaque tournant, à chaque saut dans l’inconnu. Merci d’avoir cru en moi alors que je ne croyais pas en moi.

En terminant, je reconnais que mon parcours ici s’est effectué loin de mes racines rurales, mais j’espère ne pas avoir perdu ce que ces racines m’ont si généreusement donné. J’espère avoir été fidèle aux valeurs qui m’ont été inculquées et avoir honoré ceux qui ont rendu ce parcours possible.

Chers collègues, je vous souhaite à tous la santé, des débats constructifs et du courage pour relever les défis qui vous attendent. Je regarderai chacun d’entre vous et je vous encouragerai de loin.

Pour la dernière fois, merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Le conflit au Soudan

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à exprimer ma reconnaissance et mes félicitations à la sénatrice Boniface pour les services qu’elle a rendus au Sénat et aux Canadiens. Merci.

Honorables sénateurs, alors qu’une grande partie du monde regarde ailleurs, le Soudan se noie dans le sang. Ce n’est pas une exagération.

Les Forces de soutien rapide, des milices islamistes affiliées aux Frères musulmans, commettent des massacres de civils, en grande majorité des chrétiens. Elles exécutent des familles, incendient des villages et détruisent des églises, et elles filment leurs actes meurtriers afin que le monde entier puisse en être témoin. L’ampleur de ces atrocités est telle que l’imagerie par satellite révèle des rues littéralement couvertes de sang.

Cependant, si vous vous fiez aux autorités morales habituelles en Occident, à savoir les militants, les universitaires et les comités de rédaction, vous ne savez rien de tout cela. Ceux qui, depuis deux ans, accusent bruyamment, sans relâche et sans fondement Israël de génocide, par exemple, sont soudainement devenus muets. Plus regrettable encore, mais sans surprise, le gouvernement canadien n’a même pas le courage de se prononcer clairement.

La ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, a publié cette semaine une déclaration dans laquelle elle exprime son horreur devant ces massacres. Bien entendu, elle n’a pas nommé directement les auteurs de ces crimes dans sa déclaration. Elle a plutôt appelé « toutes les parties » à respecter la loi, comme s’il y avait le moindre doute quant à l’identité des responsables de ces exécutions massives. Ce n’est qu’après la pression de l’opinion publique qu’Affaires mondiales Canada a nommé les Forces de soutien rapide. On se tait pour éviter de déranger, mais on condamne haut et fort quand ça sert un discours politique.

En agissant ainsi, on ne fait pas preuve de prudence, on fait passer une idéologie ainsi que la partisanerie et les calculs politiques avant les principes. Cette lâcheté et cet échec servent de caution morale pour ce groupe terroriste islamiste.

Les victimes au Soudan sont laissées pour compte parce que leur souffrance dérange, parce que dire la vérité mettrait en évidence l’hypocrisie de la gauche et parce que les principes sont sacrifiés au profit des discours politiques et des gains à court terme. C’est honteux. Cela souille notre conscience et porte atteinte à notre démocratie.

Nous devons tous dénoncer cette situation et soutenir les hommes, les femmes et les enfants innocents du Soudan qui sont confrontés chaque jour à la terreur et à la mort. Nous ne devons pas rester silencieux, et nous ne le resterons pas.

Merci, chers collègues.

Le décès de l’honorable Ken Dryden, c.p., O.C.

L’honorable Rodger Cuzner : Honorables sénateurs, cela fait presque deux mois que Ken Dryden nous a quittés, et compte tenu des hommages magnifiques et émouvants qui lui ont été rendus dans cette enceinte, je ne voyais pas la nécessité d’y ajouter mes propres réflexions.

Je sais que Ken aurait apprécié la gentillesse de ces hommages, même si, ayant mené une vie si riche avec une modestie sincère, il l’avait fait avec un certain malaise.

J’ai servi pendant sept ans avec Ken à l’autre endroit et j’ai continué à entretenir notre amitié après sa carrière politique. J’ai donc une assez bonne idée de ce qu’il représentait pour le Canada et de ce que le Canada représentait pour lui.

Ne vous méprenez pas, ce n’était pas un homme parfait. Je ne connais personne d’autre que Ken Dryden qui soit capable de transformer une phrase en un paragraphe, puis de transformer ce paragraphe en un livre à succès. En revanche, l’un de ses nombreux talents était son indéniable capacité à écouter les Canadiens, à comprendre leurs points de vue et à traiter des questions qui leur tiennent à cœur. Il avait un don remarquable pour saisir et exprimer les valeurs fondamentales des Canadiens.

Ces dernières années, nous avons eu l’occasion de discuter. Il commençait invariablement par me torturer à cause de mon affection de longue date pour les Maple Leafs de Toronto, puis la conversation prenait une tournure politique et gravitait notamment autour de l’effritement de la démocratie au sud de la frontière. Il se montrait très inquiet de la perte de confiance dans des institutions longtemps respectées, de l’omniprésence de la mésinformation et de la désinformation, et du fait que les citoyens choisissent un camp non en fonction de ses politiques, mais en fonction de leur identité. Il était troublé par le fait que, trop souvent, des slogans et des formules-chocs caustiques remplacent le dialogue sincère.

Il estimait également que, en tant que Canadiens, il ne fallait pas nous montrer suffisants ou satisfaits de nous-mêmes, car il pensait que les voix de l’extrême droite continueraient à éroder ce que nous considérons au Canada comme un discours politique approprié, compromettant ainsi le ton et la teneur du débat.

Je ne doute pas qu’il aurait partagé la vague d’inquiétude qui a déferlé sur le pays à la suite des récentes déclarations sur l’intégrité et l’indépendance de la GRC. Il croyait que les Canadiens attendaient de leurs dirigeants qu’ils préservent et protègent nos institutions, et non qu’ils les mettent en pièces.

Tous ceux qui connaissaient Ken savaient qu’il adorait lancer des piques et taquiner. En général, il le faisait vers la fin d’une conversation. Il disait quelque chose comme « Cuzner, je sais que tu n’es pas capable de faire grand-chose, mais fais au moins ce que tu peux ».

Sénateurs, dans ma déclaration d’aujourd’hui, je fais ce que je peux pour rendre hommage à Ken Dryden en dénonçant les propos obscènes et inacceptables, et pour encourager chacun d’entre nous à faire de même.

Ken Dryden aimait ce pays, et ce pays l’aimait en retour. C’était une personnalité emblématique du Canada, un grand homme et un ami cher.

(1420)

Le décès de Jack Troake

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je suis heureux de présenter aujourd’hui le chapitre 95 de « Notre histoire ».

Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson a dit un jour : « N’allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n’y a pas de chemin et laissez une trace. »

Je crois sincèrement que le capitaine Jack Troake, de Twillingate, à Terre-Neuve, a non seulement laissé sa trace, mais aussi un formidable héritage qui inspire la fierté.

Pêcheur durant la majeure partie de sa vie, le capitaine Jack est né dans une famille de marins. C’était un ardent et passionné défenseur de gens qui vivent de la mer, en particulier ceux qui travaillent dans l’industrie du phoque.

Les historiens, les marins, les journalistes et les folkloristes s’adressaient à lui en raison de ses connaissances et de ses qualités de conteur. Il se rendait toujours disponible pour les médias, en particulier pour défendre la chasse au phoque, que ce soit chez lui, à Terre-Neuve-et-Labrador, ailleurs au Canada ou sur la scène internationale.

De nombreux journalistes du monde entier ont été accueillis chez Jack, et son épouse, Florence, leur offrait à manger et un endroit où dormir, même s’ils s’opposaient à la chasse au phoque. Jack estimait qu’ils devaient comprendre l’importance de cette industrie pour le tissu social de nos communautés et qu’il valait toujours mieux qu’ils puissent en être témoins directement. À de nombreuses reprises, les gens ont quitté Terre-Neuve avec un point de vue différent de celui qu’ils avaient à leur arrivée. Beaucoup pensent que le capitaine Jack a, à lui seul, accompli plus pour l’industrie que tous les politiciens des 30 dernières années réunies.

Le capitaine Jack était le genre d’homme qui ne mâchait pas ses mots et qui n’hésitait pas à agir. La famille Troake était d’origine anglaise. Lorsque le gouvernement britannique a cédé à la propagande anti-chasse au phoque, cela l’a profondément contrarié. Il était tellement en colère qu’il a hissé le drapeau britannique à l’envers pendant plusieurs jours pour manifester son mécontentement.

Les gens faisaient confiance à Jack et le respectaient, et celui-ci utilisait tous les moyens à sa disposition pour lutter en faveur d’un traitement juste et honnête lorsqu’il constatait une injustice envers sa province et ses habitants. Il aimait visiter les écoles de la région et parler de la culture et du patrimoine de Terre-Neuve-et-Labrador dans le secteur de la pêche. Même en classe, il défendait et promouvait la chasse au phoque. Lorsque l’on était en sa compagnie, son amour et sa compassion pour notre mode de vie sautaient aux yeux.

Le capitaine Jack était également membre fondateur de la section de Terre-Neuve-et-Labrador de la Garde côtière auxiliaire canadienne, ainsi que de l’Association canadienne des chasseurs de phoques et de la coopérative des chasseurs de phoques de la côte Nord-Est. Il a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa vie et a été admis au Temple de la renommée des industries maritimes du Canada atlantique en 2010.

Notre collègue le sénateur Ravalia a exercé comme médecin à Twillingate pendant de nombreuses années et était un ami très proche du capitaine Jack. Il lui a remis la médaille du 150e anniversaire du Sénat du Canada en 2017. À la mort du capitaine Jack, le sénateur Ravalia a déclaré :

Aujourd’hui, nous pleurons la perte d’une icône. Le capitaine Jack Troake a transmis sa connaissance du monde à tous ceux qui étaient en contact avec sa sagesse, ses idées et son sens de l’humour espiègle. Merci pour la gentillesse dont vous avez fait preuve envers ma famille et moi.

Le capitaine Jack et sa famille ont vécu une terrible tragédie personnelle en 2000, lorsque son fils Garry est décédé dans un accident de bateau qui a également coûté la vie à Roger Blake. La vie de pêcheur n’est pas faite pour les âmes sensibles.

Le capitaine Jack est parti pour son dernier voyage le 4 juin 2025, lorsqu’il est décédé au centre de santé de Twillingate à l’âge de 88 ans.

Il laisse dans le deuil Florence, son épouse depuis près de 71 ans, son fils Hardy et sa bru Sharon, ses petits-enfants, ses arrière-petits-enfants et beaucoup d’amis et d’autres membres de la famille.

Même si la voix du capitaine Jack Troake s’est désormais éteinte, son héritage incroyable et fier perdure. Qu’il repose en paix.


AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Marty Klyne dépose le projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi sur la concurrence.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Klyne, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Régie interne, budgets et administration

Les travaux du comité

L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse à la présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.

Sénatrice Moncion, il y a trois ans et demi, le 29 mars 2022, le Sénat a adopté à l’unanimité une motion nous engageant à atteindre la carboneutralité d’ici 2030. Cet engagement a démontré notre leadership mondial, nous a donné l’occasion d’apprendre en tant que législateurs par l’entremise de nos actions et nous a conféré la crédibilité nécessaire pour demander des comptes au gouvernement.

Le Sénat a fait appel à un expert externe pour évaluer les émissions résultant de nos activités, qui s’élèvent à 3 557 tonnes d’équivalent CO2 en 2022-2023. Le contractant a également fourni une méthodologie permettant de mesurer avec précision nos émissions à l’avenir.

Des évaluations précises des émissions de carbone sont de plus en plus intégrées dans la comptabilité des secteurs privé et public, tant au niveau national qu’international, notamment grâce aux Normes IFRS de divulgation sur le développement durable.

Le Comité de la régie interne envisage-t-il d’intégrer la déclaration des émissions dans les processus comptables du Sénat?

L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie, monsieur le sénateur, de la question. Merci de l’avoir soumise à l’avance.

Nos états financiers sont préparés conformément aux normes comptables canadiennes pour le secteur public. Comme l’indique le rapport du vérificateur externe, nos états financiers donnent une image fidèle de la réalité et sont conformes aux normes applicables. Je note également l’importance accordée à la surveillance des émissions de gaz à effet de serre et des opinions standard dans d’autres institutions similaires.

Nous continuerons à veiller à appliquer les meilleures pratiques dans la préparation de nos états financiers, conformément aux normes en vigueur.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, sénatrice Moncion.

Il existe des outils numériques qui peuvent traiter de façon efficiente les questions comptables relatives aux émissions de carbone, et certaines entreprises qui respectent les normes internationales font surtout fonctionner leur logiciel à partir des données financières actuelles.

Le Groupe de travail consultatif sénatorial sur l’environnement et le développement durable, dont je faisais partie, a présenté son rapport il y a deux ans. Le Comité de la régie interne a-t-il discuté de cette question depuis?

Je pose la question parce qu’il n’y pas eu de mise à jour sur IntraSen au cours de cette période.

La sénatrice Moncion : Merci, sénateur.

La réponse est non, le comité n’en a pas discuté, mais j’en profite pour vous dire une chose, à vous et à l’ensemble des sénateurs : quand il y a des questions comme celle-ci, je vous invite à écrire au comité. Écrivez-moi, la présidente, ou écrivez à la greffière, Pascale Legault, pour proposer que ce point soit soulevé lors d’une réunion du Sénat. Nous nous pencherons sur la question et nous préparerons les documents nécessaires pour que nous puissions vraiment aborder les questions qui comptent pour les sénateurs.


ORDRE DU JOUR

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 29 octobre 2025, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 4 novembre 2025, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1430)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Dasko, appuyée par l’honorable sénateur Forest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques).

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de marraine du projet de loi S-213, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (données démographiques). Le projet de loi S-213 est identique au projet de loi S-283, qui a été présenté lors de la dernière législature, et pour lequel je suis intervenue le 19 mars 2024.

Le projet de loi S-213 repose sur un principe simple. Il est temps que les Canadiens aient facilement accès à des données démographiques plus complètes et de meilleure qualité sur les candidats aux élections fédérales et sur les mesures prises par les partis politiques fédéraux pour que la Chambre des communes reflète mieux la diversité du Canada.

Le projet de loi S-213 vise à remédier à l’incapacité chronique du Canada à élire davantage de femmes et de citoyens issus d’autres groupes sous-représentés. Les mesures proposées s’appuient sur les recommandations formulées par des entités reconnues qui relèvent directement du Parlement. Elles sont fondées sur la recherche et s’inspirent de la Constitution canadienne ainsi que des lois et des politiques fondées sur les droits mises en place pour accroître la diversité dans d’autres institutions fédérales.

Je cite le directeur général des élections du Canada :

De nombreux groupes sont sous-représentés à la Chambre des communes, et les raisons en sont complexes. L’importance de déployer des efforts pour que le Parlement reflète véritablement la diversité de la société canadienne fait peu de doute. Toutefois, il faut avant toute chose disposer de données de qualité [...]

C’est exactement la raison d’être du projet de loi.

Le projet de loi S-213 ajoute deux dispositions à la Loi électorale du Canada. La première concerne la collecte de données et la communication par le directeur général des élections du Canada de données démographiques sur les participants aux élections, y compris les candidats, les candidats à l’investiture et les candidats à la direction. Le directeur général des élections a demandé qu’on lui accorde ce mandat.

La deuxième, c’est que les principaux partis politiques rendront des comptes sur les mesures qu’ils prennent pour accroître la diversité dans la sélection des candidats, y compris les objectifs et les calendriers quant au nombre de femmes, mais aussi d’autres membres des communautés diversifiées.

Permettez-moi d’expliquer pourquoi je présente ce projet de loi.

Chers collègues, l’augmentation du nombre de femmes élues à une charge publique est un objectif qui me tient beaucoup à cœur depuis plus d’une trentaine d’années. Je milite dans ce domaine depuis très longtemps et, depuis ma nomination au Sénat, je suis déterminée à trouver un moyen pour que le Parlement remédie à la faible représentation des femmes et d’autres groupes sous-représentés.

Je suis également motivée par le désir d’améliorer nos institutions démocratiques en cette période trouble où le monde fait face à des menaces que nous n’avions pas vues depuis la Seconde Guerre mondiale. Bâtir un Parlement qui reflète mieux l’ensemble des Canadiens améliorera les résultats et la prise de décision et renforcera la confiance dans nos institutions démocratiques.

Le temps presse. Nos progrès pour combler les lacunes historiques en matière de représentation ont été lents — c’est le moins qu’on puisse dire —, et les récentes élections fédérales montrent que ces progrès sont fragiles.

Il est tout à fait pertinent que la question dont nous sommes saisis fasse l’objet d’un projet de loi d’intérêt public du Sénat. J’ai déjà dit et je demeure convaincu que le Sénat a non seulement le droit, mais aussi la responsabilité de délibérer et de faire preuve de leadership à l’égard de toute question qui touche notre démocratie et nos institutions démocratiques. Nous ne pouvons pas laisser ce travail à d’autres.

Ce projet de loi va renforcer notre démocratie en obligeant le Parlement et les partis politiques à être plus transparents, dans l’intérêt de tous les Canadiens.

J’aimerais d’abord parler des résultats des élections d’avril 2025. En ce qui a trait à la diversité, les résultats ont été pour le moins décevants. Lors des dernières élections, 104 femmes ont été élues, ce qui représente 30,3 % des sièges à la Chambre des communes, comparativement à 30,5 % en 2021. Il s’agit bien d’une baisse, même si certains pourraient croire que cette baisse de la représentation des femmes n’est pas si grave.

Cependant, lors des 18 élections fédérales tenues depuis 1968, le pourcentage de femmes a augmenté à toutes les élections, sauf en 2006, et maintenant, en 2025. Dans seulement 2 élections sur 18, le pourcentage de femmes a diminué, et les dernières élections en font partie. Il n’y a pas de quoi être fier de cette différence. Certainement pas.

Pourtant, même si nous avons réalisé des progrès, ils ont été très lents. Au cours des dix élections fédérales qui se sont tenues entre 1997 et 2025, la proportion de femmes au Parlement est passée de 20,6 % à 30,3 %, ce qui représente un gain d’environ un point de pourcentage à chaque élection. Cela montre à quel point les progrès sont lents.

L’Union interparlementaire fait un classement du pourcentage de femmes dans les Parlements nationaux du monde entier depuis 1997 et constitue la source la plus fiable pour ces données. En 1997, lors de la création du classement, le Canada occupait le 21e rang dans le monde. Nous sommes maintenant au 70e rang pour le pourcentage de femmes dans notre Parlement. Une autre distinction malheureuse pour notre pays.

Toujours au sujet des élections de 2025, les deux principaux partis politiques du Canada, les libéraux et les conservateurs, occupent actuellement 90 % des sièges à la Chambre des communes. Les deux partis ont désigné beaucoup moins de femmes comme candidates en 2025, malgré la longue période qui a précédé les élections. Les données de la Bibliothèque du Parlement indiquent que 35,6 % des candidats du Parti libéral étaient des femmes, contre 43,6 % lors des élections fédérales de 2021. En 2025, 22,9 % des candidats du Parti conservateur étaient des femmes, contre 33,8 % lors des élections de 2021. Au total, il y avait 627 candidates, contre 763 en 2021.

Jerome H. Black et Andrew Griffith ont analysé la diversité des candidats lors des dernières élections dans leur article intitulé « The diversity of candidates and MPs stalled for some groups in this election », qui est paru dans Options politiques en mai dernier. Ils ont constaté que le nombre de candidats issus de minorités visibles avait légèrement augmenté en 2025 par rapport à 2021. La majorité de ces candidats étaient des hommes, soit 65 %, tandis que les femmes représentaient 35 % de tous les candidats issus de minorités visibles élus. Le nombre de candidats autochtones a diminué en 2025 par rapport à 2021. Il y a eu une baisse importante du nombre de candidats et de députés LGBTQ élus.

Malheureusement, les auteurs n’ont pas été en mesure de se prononcer sur les candidats handicapés en raison d’un manque de données.

Une comparaison entre le pourcentage de candidats recensés dans cette étude et les données du recensement montre que la représentation des Autochtones, des minorités raciales et des Canadiens LGBTQ laisse encore beaucoup à désirer.

J’attire votre attention sur une nouvelle ressource bienvenue, intitulée Black on the Ballot: Black Canadians in Electoral Politics, publiée en janvier 2025, qui comprend une série de données sur les 74 Canadiens noirs qui se sont présentés aux élections à la Chambre des communes entre 1968, l’année où Lincoln Alexander a été élu pour la première fois, et 2021. Sur ces 74 candidats, 32 étaient des hommes et 42, des femmes. Sur les 20 candidats élus, 12 étaient des hommes et 8, des femmes, soit 60 % et 40 % respectivement.

Chers collègues, cela fait des décennies que les partis politiques et la société civile déploient des efforts et prennent, de bonne foi, des mesures volontaires, même si elles ne sont que partiellement efficaces, pour améliorer la représentation à la Chambre des communes. Or, nous ne pouvons nier le fait que nous sommes à la traîne par rapport aux attentes légitimes des Canadiens et par rapport à la plupart des autres pays du monde.

Nous sommes également en retard par rapport à ce que nous avons accompli dans d’autres sphères de la société et ailleurs dans le système démocratique. Pensez aux progrès réalisés au cours des 50 dernières années en ce qui concerne la Constitution, la Charte des droits et libertés et la Couronne au Canada. Pensez à la représentation ici, au Sénat, au sein de la magistrature, aux postes de direction, au sein de l’administration publique et de la fonction publique, ainsi que dans les industries sous réglementation fédérale. Les progrès réalisés dans ces domaines ont été plus importants.

(1440)

Les résultats que nous avons obtenus au Parlement ne reflètent pas nos aspirations, nos valeurs, notre approche de l’égalité et de la lutte contre la discrimination, ni l’image que nous projetons sur la scène internationale. À mes yeux, ces résultats sont indéfendables, et j’espère qu’ils le sont pour vous également.

Passons maintenant aux dispositions du projet de loi S-213. Soyons clairs : le projet de loi ne prévoit pas de modifications structurelles du système électoral canadien. Il ne dit pas aux partis ou aux participants aux élections ce qu’ils doivent faire et il ne limite pas la liberté d’un parti de choisir les candidats ou les procédures de sélection des candidats qui, selon lui, représenteront le mieux ses intérêts. Le projet de loi ne dit pas : « Faites ceci. » Il dit plutôt : « Dites aux Canadiens ce que vous avez décidé de faire. »

Le projet de loi s’appuie sur quatre sources : premièrement, les recommandations du directeur général des élections du Canada demandant à ce qu’Élections Canada recueille des données démographiques de haute qualité sur les participants aux élections; deuxièmement, les recommandations du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes dans son rapport d’avril 2019 — que j’appellerai « le comité » ou « le rapport du comité » — où il demande également l’amélioration des données démographiques et une représentation accrue de femmes issues de la diversité chez les élus; troisièmement, la vaste expérience fédérale sur l’équité en matière d’emploi, fondée sur des rapports sur des plans d’action visant à promouvoir la diversité en milieu de travail, au sein des conseils d’administration et aux postes de direction; et quatrièmement, des décennies de recherche nationale et internationale sur les femmes en politique.

Malheureusement, peu de recherches ont été menées sur d’autres aspects de la diversité.

L’article 1 du projet de loi établit un seuil minimal en deux volets pour ce qui est de rendre publics des renseignements sur la diversité. Au minimum, les rapports doivent porter sur les groupes désignés définis à l’article 3 de la Loi sur l’équité en matière d’emploi. Ces groupes sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles. C’est ce que définit cette loi.

De plus, le projet de loi donne au directeur général des élections et aux partis politiques la possibilité d’ajouter d’autres motifs s’ils le jugent nécessaire. La collecte de données ne doit pas nécessairement se limiter à ces groupes.

Comme vous vous en souvenez peut-être, le ministre fédéral de l’Emploi et du Développement social du Canada a confirmé en décembre 2023 que le gouvernement fédéral avait l’intention de modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’y ajouter deux nouveaux groupes désignés : les personnes noires et les membres de la communauté 2ELGBTQI+.

De plus, cela permettrait de mettre à jour trois autres groupes : les Autochtones, les personnes racisées et, pour correspondre à la Loi canadienne sur l’accessibilité, les personnes handicapées. Cet engagement de la part du gouvernement a été réaffirmé dans le budget fédéral du Canada d’avril 2024, et j’exhorte le gouvernement fédéral à honorer cet engagement qu’il a pris à au moins deux occasions.

Les conseillers juridiques m’ont assuré que toute modification apportée à la définition de « groupes désignés » sera intégrée aux dispositions de ce projet de loi lorsqu’elles entreront en vigueur.

Les articles 4 et 5 de ce projet de loi autorisent le directeur général des élections à recueillir des données démographiques sur les participants aux élections et à en faire rapport. Comme je l’ai mentionné, le directeur général des élections et le comité ont tous deux recommandé cette mesure. Le directeur général des élections est tenu de fournir, sur une base volontaire et confidentielle, un questionnaire d’auto-identification à tous les candidats visés par la Loi électorale du Canada, y compris les candidats visés à l’article 67, les candidats à l’investiture visés à l’article 476 et les candidats à la direction visés à l’article 478.

Ces données démographiques doivent inclure au minimum, comme je l’ai mentionné, les groupes désignés en vertu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, et le format des données doit permettre la désagrégation et l’analyse de variables intersectionnelles.

Le directeur général des élections doit publier un rapport contenant les données anonymisées dans les 90 jours suivant la réception du rapport d’élection à la suite d’une élection générale, et le Président de la Chambre des communes doit déposer ce rapport à la Chambre.

Je note aussi que le rapport Black on the Ballot préconise la collecte de données ventilées par race sur les candidatures et les fonctions occupées dans la sphère politique canadienne.

L’article 3 du projet de loi exige que les principaux partis politiques fédéraux divulguent leurs plans d’action en matière de diversité. Le projet de loi met en œuvre une partie importante des recommandations 8 et 9 du rapport du comité, mais il élargit la portée de ces recommandations au-delà des candidates issues de la diversité pour englober tous les groupes visés par l’équité en matière d’emploi.

Il est important de souligner ce que ce comité de la Chambre des communes a demandé en 2019. Il a demandé que les partis enregistrés fassent rapport publiquement de leurs efforts visant à recruter davantage de candidates issues de la diversité. Il a invité les partis enregistrés « [...] à se fixer des objectifs et à faire rapport publiquement de leurs efforts visant à désigner plus de candidates [...] ». Il les a également invités à établir des comités de recherche de candidates en vue des élections générales et des élections partielles fédérales.

Dans le projet de loi, les plans d’action en matière de diversité doivent être publiés par les partis politiques enregistrés dont les candidats ont obtenu, lors de l’élection générale, la plus récente, soit au moins 2 % du nombre de votes validement exprimés, soit au moins 5 % du nombre de votes validement exprimés dans les circonscriptions où le parti a soutenu un candidat. Ce seuil de déclaration est tiré directement de l’article 444 de la Loi électorale du Canada.

À l’heure actuelle, sur 16 partis politiques enregistrés, les 5 partis représentés dans le cadre de la 45e législature atteignent ce seuil.

Selon le projet de loi, le directeur général des élections a le pouvoir de veiller à ce que les partis respectent leurs obligations en matière de production de rapports.

Le projet de loi S-213 exige qu’un parti qui atteint le seuil rende publics sur son site Web :

[...] toute règle qu’il applique ou qu’appliquent ses associations de circonscription en ce qui concerne la désignation des candidats; [...]

Dans une certaine mesure, les cinq partis à la Chambre des communes le font déjà.

Soit dit en passant, l’actuel directeur général des élections a formulé cette même recommandation en 2024 à la Commission d’enquête publique sur l’ingérence étrangère, qui l’a adoptée.

Les mesures prévues dans le projet de loi concernant la présentation, par les partis, de renseignements relatifs à la diversité s’inspirent de dispositions fédérales comparables qui s’appliquent à l’emploi dans le secteur public, aux entrepreneurs fédéraux et aux sociétés privées sous réglementation fédérale. Plus précisément, les exigences en matière de déclaration visant les partis politiques s’inspirent du règlement sur la présentation de renseignements relatifs à la diversité prévu à l’article 172.1 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Depuis 2020, les « sociétés ayant fait appel au public » — qui sont généralement des sociétés constituées en vertu de cette loi et qui offrent leurs actions au public — doivent chaque année rendre compte des mesures qu’elles prennent pour accroître la diversité au sein de leur conseil d’administration et de leur équipe de direction en ce qui concerne les groupes visés par la Loi sur l’équité en matière d’emploi ainsi que tout autre groupe que les sociétés choisissent d’inclure.

Ces règles fédérales s’inspirent des règles provinciales régissant les valeurs mobilières, qui exigent des sociétés inscrites à la Bourse de Toronto qu’elles rendent compte de la représentation des femmes, et sont en vigueur depuis décembre 2014.

Vous avez peut-être entendu ces régimes fédéral et provinciaux être qualifiés de systèmes du type « se conformer ou s’expliquer ». Les entreprises ont la possibilité d’indiquer comment elles se conforment aux exigences de divulgation ou d’expliquer pourquoi elles choisissent de ne pas s’y conformer. Les entreprises établissent les politiques, les plans et les échéanciers qui leur conviennent le mieux, et les actionnaires leur demandent des comptes comme ils l’entendent.

(1450)

Chers collègues, je me suis appuyée sur le régime de divulgation des sociétés parce qu’il constitue un excellent modèle pour rendre compte de la diversité, et je m’appuie sur lui parce qu’il fonctionne. L’éditorial du 22 janvier 2024 du Globe and Mail indiquait ceci à propos de l’approche « se conformer ou s’expliquer » :

Il s’agit d’une première étape fondamentale : il est essentiel de quantifier la situation actuelle. Les règles de divulgation ont contribué à faire avancer les choses [...]

La représentation des femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées à la Bourse de Toronto a franchi la barre des 30 % pour la première fois cette année, et, en 2025, il y a également eu des améliorations dans la représentation des minorités visibles, des personnes handicapées et des Autochtones.

La divulgation des renseignements relatifs à la diversité dans les entreprises fonctionne également d’une autre façon importante. Le principe « se conformer ou s’expliquer » a changé le discours. Il a fait bouger les choses. Il a braqué les projecteurs sur le manque de diversité au sein des conseils d’administration et parmi les cadres supérieurs. Il a relevé la barre de ce qui est considéré comme un résultat acceptable, et il n’y aura pas de retour en arrière; on ne peut qu’avancer. C’est précisément ce que nous devons faire en ce qui concerne la diversité dans la sélection des candidats.

L’importance de ce bulletin public va en grandissant. Selon les premières indications provenant des documents soumis pour 2025, les décrets du président Trump qui ciblent les programmes de diversité, d’équité et d’inclusion dans les secteurs public et privé ont peut-être un effet négatif sur la divulgation d’informations relatives à la diversité par des entreprises publiques canadiennes, et sur les résultats concrets dans ce domaine. L’accès à des informations de qualité nous aidera à relever ce défi au Canada, tout comme nous relevons d’autres défis venant des États-Unis et d’autres pays.

Selon le projet de loi S-213, qui s’appuie sur un modèle désormais bien établi au Canada, les partis politiques fédéraux enregistrés qui atteignent le seuil fixé seraient tenus de publier sur leur site Internet des renseignements sur les programmes qu’ils ont mis en place pour favoriser une plus grande diversité dans la sélection des candidats, notamment parmi les groupes désignés, ainsi que sur le recours à des comités de recherche officiels et à des politiques écrites concernant le repérage de personnes appartenant à chaque groupe désigné et leur nomination comme candidates.

Ces dispositions reconnaissent qu’il est peu probable qu’il existe une solution unique pour tous les groupes sous-représentés. Ce qui fonctionne pour un groupe ne fonctionnera pas nécessairement pour un autre. Il faut donc faire preuve de souplesse, ce que respecte le projet de loi S-213.

Les partis peuvent décider de ne mettre en œuvre aucune de ces initiatives, mais, dans ce cas, ils doivent exposer les raisons de leur refus — comme le dit l’expression « se conformer ou s’expliquer » — et préciser s’ils ont prévu un échéancier en vue de se conformer à ce qui est demandé.

Chers collègues, j’aimerais maintenant aborder les dispositions finales de l’article 3 du projet de loi, également inspirées de ce modèle, qui traitent directement de la situation des femmes dans la politique électorale fédérale telle qu’elle ressort de la recherche. Le projet de loi exige des partis qu’ils publient des renseignements sur trois mécanismes relatifs aux candidates : toute règle relative au remplacement d’élus sortants lorsque le parti est au pouvoir; toute règle relative à l’accès à des circonscriptions où une victoire électorale est possible; tout objectif volontaire que les partis se sont fixé concernant la nomination de femmes avant une date précise; et les progrès cumulatifs réalisés.

Le recours à des objectifs n’est pas une nouveauté pour les partis politiques fédéraux. Ce qui est nouveau, c’est l’idée de garantir aux Canadiens l’accès à l’information concernant les objectifs fixés par les partis.

Je vous invite maintenant à prendre un peu de recul par rapport aux détails du projet de loi afin de considérer la situation dans son ensemble et de comprendre l’écart indéniable et persistant entre les sexes à la Chambre des communes. Laissons-nous guider par les faits et par la recherche, et non par les mythes et les faux-fuyants.

Premièrement, les électeurs ne sont pas responsables de l’écart entre les sexes. Les recherches montrent qu’il n’y a pas de préjugé significatif à l’encontre des femmes au sein de l’électorat. Les Canadiens votent pour des partis. Si le parti que vous soutenez présente une candidate, vous voterez pour ce parti; le sexe du candidat n’a pas d’influence. Une étude contrôlée portant sur plus de 21 000 candidats qui se sont présentés à la Chambre des communes depuis 1921 montre que les candidates reçoivent autant de voix que leurs homologues masculins lorsque l’on contrôle les conditions. C’est le premier point.

Deuxièmement, les femmes ne sont pas responsables de l’écart entre les sexes. Abacus Data a mené une enquête nationale en janvier 2022 pour le compte d’À voix égales. Je citerai deux conclusions clés.

Un nombre égal de femmes et d’hommes, 5 % dans chaque cas, déclarent avoir absolument l’intention de se présenter à des élections pour l’obtention d’une charge publique dans l’avenir. Voilà le bassin de candidats potentiels au pays, et il est composé d’autant de femmes que d’hommes.

Cependant, lorsqu’il s’agit de faire le saut en politique, les hommes sont deux fois plus susceptibles que les femmes d’avoir été sollicités : 14 % des Canadiens déclarent avoir été approchés ou invités à poser leur candidature, comparativement à seulement 7 % des Canadiennes. Deux fois plus d’hommes que de femmes ont donc été sollicités pour se présenter à des élections. C’est là le nœud du problème.

De plus, des recherches menées au Canada ont démontré que les partis ont tendance à privilégier les hommes dans les circonscriptions où ils pensent avoir un avantage électoral, dans les circonscriptions qu’ils détiennent déjà et dans les circonscriptions qu’ils jugent à leur portée. Les partis sont plus enclins à nommer des femmes dans les circonscriptions où la lutte s’annonce moins serrée. Le rapport Black on the Ballot suggère également que les candidats noirs sont nommés dans des circonscriptions où les partis qu’ils représentent sont moins compétitifs.

Le fait est que les processus de sélection des candidats des partis politiques sont le principal facteur responsable de l’écart entre les sexes.

Tout Canadien qui souhaite devenir député à la Chambre des communes devra presque assurément le faire sous la bannière d’un parti politique, car ce sont les partis politiques qui contrôlent l’accès à l’autre endroit. Dans une étude réalisée en 2019, le Samara Centre for Democracy a conclu que :

Plus de 99 % des députés [...] élus au Parlement canadien au cours des 30 dernières années ont agi à titre de représentants d’un parti politique [...]

Les partis politiques contrôlent l’accès au Parlement.

Cette même étude souligne que les candidats, qui étaient auparavant nommés à l’issue d’une course à l’investiture dans leur circonscription, sont maintenant nommés par les responsables nationaux de la campagne électorale du parti. L’étude révèle que, dans 83 % des cas, un seul candidat est en lice ou le candidat est carrément nommé sans la moindre course à l’investiture.

De nombreuses recherches internationales montrent que la diversité de la représentation ne peut être améliorée qu’en mettant en œuvre des mesures ciblées et intentionnelles. Les données recueillies par ONU Femmes indiquent que 93 pays ont choisi d’imposer, par la voie législative, des quotas en matière de genre. La plupart de ces pays affichent de meilleurs résultats que le Canada.

Le projet de loi S-213 n’impose pas de quotas, même volontaires. Il s’appuie plutôt sur les témoignages d’experts entendus par le comité permanent selon lesquels l’amélioration de la transparence des processus de sélection des candidats utilisés par les principaux partis est la prochaine étape minimale pour améliorer les résultats en matière de représentation. Selon les experts, ma démarche est l’effort minimum à entreprendre.

Nous ne devons pas perdre de vue le fait que les principaux partis politiques du Canada bénéficient d’avantages publics importants, notamment le remboursement des dépenses électorales par les contribuables, la possibilité de délivrer des reçus fiscaux aux donateurs, l’accès aux listes électorales, etc. Les contribuables leur accordent des avantages.

(1500)

Les avantages s’accompagnent de responsabilités, auxquelles j’ajouterais l’approche ciblée et délibérée en matière de diversité que prévoit le projet de loi S-213.

Il ne sera pas bien taxant de fournir tous les ans en ligne les politiques et les pratiques en matière de diversité. Les principaux partis politiques sont modernes. Ce sont des organismes à la fine pointe qui emploient du personnel spécialisé. Ils disposent de sites Web accessibles.

L’article 6 du projet de loi prévoit que celui-ci entrera en vigueur deux ans après avoir reçu la sanction royale, ce qui constitue un délai de mise en œuvre généreux.

Chers collègues, pour conclure, le projet de loi S-213 constitue une prochaine étape raisonnable pour remédier à l’incapacité chronique du Canada à élire davantage de femmes et de personnes issues de groupes historiquement sous-représentés à la Chambre des communes. Il impose les mêmes obligations de déclaration raisonnables que nous imposons déjà à d’autres institutions au Canada. Nous possédons énormément d’expérience avec ce type de dispositions.

Grâce à ce projet de loi, nous aurons accès à des données démographiques importantes qui nous font actuellement défaut, surtout en ce qui concerne les Autochtones, les personnes handicapées, les membres des minorités visibles et d’autres groupes sous-représentés. Nous disposerons des données qui nous font actuellement défaut.

Nous pouvons également nous attendre à faire bouger les choses afin de créer un Parlement qui reflète mieux la société canadienne dans l’intérêt supérieur de notre démocratie.

J’espère que vous conviendrez que le projet de loi mérite de passer à la prochaine étape du processus, soit l’étude en comité pour obtenir la rétroaction des Canadiens.

Chers collègues, je vous invite à poser vos questions et à appuyer ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Merci.

L’honorable Denise Batters : La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à des questions? J’en ai beaucoup.

La sénatrice Dasko : Oui, je répondrai aux questions.

La sénatrice Batters : Je suis la porte-parole pour ce projet de loi. En examinant le projet de loi, un certain nombre de questions me viennent à l’esprit.

Vous avez mentionné que les cinq partis représentés à la Chambre des communes sont inclus. Selon la définition à l’article 446.1 du projet de loi, les changements s’appliqueraient :

[...] aux partis enregistrés dont les candidats ont obtenu lors de l’élection générale la plus récente soit au moins 2 % du nombre de votes validement exprimés, soit au moins 5 % du nombre de votes validement exprimés dans les circonscriptions où le parti a soutenu un candidat.

À la suite de la dernière élection générale, le Parti vert est-il inclus?

La sénatrice Dasko : Je ne peux pas dire avec certitude si le Parti vert est inclus à ce moment-ci. Je dois revoir les données.

Cette disposition figure déjà dans la Loi électorale du Canada. Elle sert de seuil aux partis pour réclamer le remboursement de leurs dépenses électorales et d’autres avantages. Elle existe dans la loi et s’appliquera à ces partis. Je ne sais pas si le Parti vert dépasse ce seuil. Il faudrait que je vérifie.

La sénatrice Batters : Pour les candidats, le Parti vert est loin d’atteindre ce seuil. Dans le cas des candidats pris individuellement, le seuil est de 10 %.

La question suivante concerne certaines parties du projet de loi qui utilisent des expressions différentes. Parfois, il s’agit de « données démographiques », parfois de « diversité » et parfois de « groupes désignés ». Certains articles du projet de loi n’utilisent pas de définitions uniformes à cet égard.

Par exemple, la partie qui traite du questionnaire d’auto-identification, qui doit être rempli par tous ceux qui se présentent comme candidat à la députation, mais aussi par ceux qui veulent être investis par leur parti et devenir candidats, ce qui pourrait représenter plusieurs milliers de personnes. Que doit-il contenir? Le projet de loi ne précise pas quelles données démographiques doivent être incluses dans ce questionnaire d’auto-identification. En outre, il utilise trois définitions différentes qui prêtent à confusion dans le même article.

La sénatrice Dasko : Je pense que le projet de loi est clair. Les données qui doivent être incluses sont des paramètres figurant dans le questionnaire des groupes désignés. Voilà ce qui doit être inclus. D’autres données peuvent être incluses dans un questionnaire, mais celles du questionnaire des groupes désignés sont les données de base qui doivent être incluses.

Il y a quatre groupes désignés, et il y aurait des questions relatives à chacun d’entre eux, ce qui constituerait la base du questionnaire, peut-être aussi avec d’autres paramètres. Si le projet de loi devait être adopté, j’espère qu’il sera possible d’ajouter d’autres données au questionnaire, en plus de celles qui sont requises.

Il est assez clair que ce genre d’information doit être incluse dans un questionnaire.

La sénatrice Batters : En fait, ce n’est pas le cas. Le paragraphe 535.1(1) qui est proposé comprend trois expressions différentes et ne fournit pas vraiment de précisions à ce sujet.

Voici ma prochaine question. Au paragraphe 535.1(3), on peut lire ceci : « Les données démographiques recueillies comprennent des variables pertinentes pour chaque groupe désigné. » Qu’est-ce qu’on entend par « variables pertinentes »?

La sénatrice Dasko : Le terme « variables » désigne un élément d’information qui peut prendre diverses valeurs. C’est ce que le projet de loi exige. Les variables sont des mesures différentes.

Les études effectuées pourraient constituer une variable. D’autres variables pourraient être ajoutées. Le but est de préciser qu’il y a des données de base dans le questionnaire, mais que d’autres variables pourraient être ajoutées. Ce serait laissé à la discrétion du directeur général des élections au moment de préparer ce questionnaire. Voilà ce qu’est une variable. Il pourrait s’agir de différentes mesures.

La sénatrice Batters : En plus de demander aux gens leur âge, leur sexe, leur appartenance à une minorité visible, et d’autres données de cette nature, pourrait-on également leur demander leur niveau de revenu et de scolarité? Est-ce prévu dans votre projet de loi? Le projet de loi ne dit rien à ce sujet.

La sénatrice Dasko : Le projet de loi indique sans détours quelles questions constituent la base du questionnaire. Il donne également la possibilité d’ajouter d’autres questions qui mesurent les variables démographiques. Cette décision est laissée à la discrétion du directeur général des élections au moment d’élaborer le questionnaire. Le directeur général peut recevoir les observations de certains groupes, par exemple la communauté LGBT, afin qu’une question soit incluse dans le questionnaire. Le projet de loi fixe un nombre minimum de questions, mais prévoit la possibilité d’en ajouter d’autres.

On pourrait certainement ajouter des questions sur le niveau d’éducation, en plus de celles sur les quatre groupes. Vous avez mentionné l’âge. L’âge est en fait automatiquement indiqué, car les candidats doivent vérifier qu’ils sont en âge de voter pour pouvoir se présenter. Cela fait déjà partie des renseignements de base. D’autres mesures peuvent être ajoutées. C’est précisément ce qui était prévu.

Comme je l’ai dit dans mes observations, il y aura des changements. On s’attend à ce que la Loi sur l’équité en matière d’emploi soit modifiée afin d’inclure davantage de groupes dans la désignation de base. Si les changements proposés par le gouvernement entrent en vigueur, ce projet de loi reflétera automatiquement les modifications.

La sénatrice Batters : Merci. J’aimerais avoir des précisions sur le paragraphe 535.11(1) qui est proposé, car il est indiqué que le directeur général des élections ne disposerait que de 90 jours après une élection générale pour publier son rapport sur toutes les données démographiques obtenues auprès des milliers de candidats. C’est très court.

Je pense que le directeur général des élections aurait besoin de beaucoup plus de temps pour obtenir les renseignements des candidats aux élections, des personnes qui dépensent beaucoup d’argent — souvent 100 000 $ par candidat —, et veiller à ce que cette somme importante leur soit restituée. Ne serait-il pas nécessaire de donner au directeur général des élections plus de temps pour recueillir toutes ces informations?

(1510)

La sénatrice Dasko : Merci pour cette question. Ce délai nous a semblé raisonnable. Je pense qu’il est tout à fait possible de soumettre un rapport dans ce laps de temps.

La sénatrice Batters : Je me pose aussi la question suivante : le directeur général des élections a de nombreuses obligations importantes pendant la campagne électorale et après, souvent immédiatement après le scrutin. Élections Canada vient d’ailleurs de connaître des problèmes importants pendant la campagne électorale du printemps dernier. Je parle notamment de l’ingérence étrangère et parfois même de principes de base. Rappelons par exemple que le site Web d’Élections Canada a été en panne pendant des heures le jour même des élections, et ce, même si la grande majorité des publicités d’Élections Canada encourageaient les électeurs à consulter son site Web pour obtenir de l’information sur les bureaux de vote, les candidats, les pièces d’identité à présenter, ce genre de chose, mais sans donner de coordonnées plus précises. Le jour du scrutin, tous ces gens se sont rendus sur le site Web pour découvrir qu’il était en panne — panne qui a duré plusieurs heures — et qu’ils n’y avaient pas accès.

Avant d’assumer les nouvelles responsabilités qui sont mentionnées dans votre projet de loi et qui sont assorties des longs délais que l’on sait, est-ce que les responsables d’Élections Canada ne devraient pas d’abord s’assurer de bien maîtriser les bases, c’est-à-dire ce qui compte le plus pour les Canadiens?

La sénatrice Dasko : Merci de votre question.

Je suis tout à fait d’accord avec vous : à notre époque, il est devenu très compliqué d’organiser des élections. Avec l’ingérence étrangère et d’autres questions de ce genre, il est très difficile de tenir des élections, et c’est sans parler de la pression provenant des médias, de la population et des citoyens.

Selon moi, il faut absolument que les parlementaires voient à ce qu’Élections Canada dispose des ressources nécessaires pour s’occuper de ces nouveaux problèmes très difficiles. Je suis d’accord avec vous : il s’agit de questions tout à fait nouvelles, et nous devons nous assurer que cet organisme puisse les régler de manière à établir un lien de confiance avec le système électoral.

L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : La sénatrice Dasko accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Dasko : Oui.

Le sénateur Housakos : Merci, sénatrice. L’expérience menée par le gouvernement Trudeau afin de rendre le Sénat indépendant au cours de la dernière décennie est une chose, mais voir quelqu’un qui a adopté le Sénat indépendant avec autant d’enthousiasme présenter un projet de loi de cette nature est vraiment déconcertant. Bon nombre des personnes nommées par le gouvernement libéral au cours de la dernière décennie sont des femmes fantastiques qui ont été très partisanes à un moment ou à un autre de leur vie — il s’agit d’anciennes candidates, donatrices et organisatrices du Parti libéral, ou de femmes qui participaient au processus de recrutement et qui, dans certains cas, se sont présentées aux élections et ont été élues.

Ce que nous faisons au Sénat ne va-t-il pas à l’encontre de l’objectif de votre projet de loi, selon lequel l’une des conditions pour accepter de siéger ici est de se soustraire au processus politique partisan? Comme vous l’avez souligné à juste titre dans votre discours, c’est le processus des partis qui permet d’obtenir plus de ceci, moins de cela et tout le reste.

La sénatrice Dasko : Merci de votre question, sénateur. Si je comprends bien votre question, je dirais, comme je l’ai mentionné dans mes remarques, que le Sénat a un rôle très important à jouer pour garantir la solidité de la démocratie et maintenir la confiance des Canadiens.

La Chambre des communes est une chambre partisane, et nous ne pouvons l’ignorer lorsque nous discutons de démocratie, car elle est la gardienne du Parlement, et le Parlement est le cœur de notre démocratie.

Les sénateurs doivent apporter leur contribution. Je crois qu’il est de notre responsabilité d’intervenir activement lorsqu’il s’agit de maintenir, de bâtir et de renforcer la démocratie. Je considère le projet de loi comme un moyen très important d’y parvenir. Nous avons un rôle important à jouer, que nous soyons partisans ou non. Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a beaucoup de gens partisans formidables, et je les connais aussi bien que vous, mais il s’agit ici de renforcer la démocratie et la Chambre des communes.

J’ai relevé une déficience qui me semble très importante et j’ai proposé une solution qui, selon moi, nous permettrait d’y remédier, une solution pratique et raisonnable, une solution que d’autres institutions fédérales ont déjà mise en œuvre, conformément à la législation et à la réglementation. Je pense que nous pouvons nous inspirer de ces modèles. Ce sont d’excellents modèles que nous pouvons adopter et mettre en œuvre à la Chambre des communes, mais je pense que nous devons aller plus loin. Je pense que l’on ne peut pas se contenter d’occuper le 70e rang dans le monde en matière de représentation des femmes.

Tous les partis doivent faire mieux. C’est ce que ce projet de loi vise à encourager, compte tenu de notre expérience et des preuves fournies par les experts. Les quotas fonctionnent, mais je n’étais pas prête à présenter cette initiative. Je pense que l’approche que j’ai proposée est très raisonnable et que nous pouvons espérer des changements positifs.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Dasko, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps? Quelques autres sénateurs voudraient poser des questions.

La sénatrice Dasko : Si les sénateurs le souhaitent, je serais heureuse de demander plus de temps. Merci.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Housakos : Si j’ai bien entendu — et je ne veux pas vous prêter des propos que vous n’avez pas tenus —, je crois que vous reconnaissez que nous devons faire plus. En demandant aux parlementaires de se dégager du processus politique partisan, nous n’obtenons pas les résultats que vous recherchez avec ce projet de loi, mais je suppose que nous pourrons en débattre une autre fois.

Êtes-vous d’accord pour dire qu’Élections Canada a un seul mandat, et il consiste à faire en sorte que nos élections soient libres et justes? Tel est son mandat. Il ne consiste pas à influencer les résultats. Dès qu’une démocratie a une loi qui dicte quels doivent être les résultats aux élections, on s’engage sur une pente savonneuse. Vous conviendrez que dans tous les Parlements conçus selon le modèle de Westminster, la seule Chambre où les résultats sont entre les mains de personnes dont les pouvoirs dépassent largement ceux de l’électorat est le Sénat. Voilà pourquoi celui-ci est probablement la Chambre la plus diversifiée dans le système de Westminster, ce qui est positif. L’un des résultats positifs d’une assemblée nommée et non élue comme la nôtre est sa grande diversité. En fait, on vous dira que sa diversité est disproportionnée par rapport à celle de la population, et cela fait partie de l’équilibre que nous servons ici.

Vous conviendrez certainement que lorsqu’on se met à tenter de définir des facteurs tels que la couleur, la religion ou la langue à l’autre endroit, on remplace soudainement la pureté d’un processus électoral juste et ouvert par ce que dicte quelqu’un, et je crois qu’il s’agit là d’une pente très savonneuse.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de la question, sénateur. Le projet de loi ne prévoit pas de résultats précis. Il propose un processus pour que les partis fournissent des rapports. Il s’agit d’un mécanisme pour produire des rapports, et c’est ce qu’ils font. Il n’y a pas de résultat ni de pourcentage prévu. Aucune mesure n’est requise, si ce n’est de rendre compte de ce qu’ils font. Cela devrait être clair, et je suis désolée si ce n’était pas tout à fait clair dans mes observations.

Deuxièmement, le directeur général des élections a demandé ce mandat. Il l’a demandé dans des rapports à la suite des élections fédérales de 2019 et de 2021. Il m’a dit qu’il recevait beaucoup de demandes d’information sur la question précise de la diversité des candidats. Élections Canada reçoit des appels de gens qui veulent plus de renseignements et qui se demandent pourquoi ils ne peuvent pas les obtenir.

Il a dit très clairement que, à l’heure actuelle, il n’a pas le mandat de recueillir ces données. Il ne peut pas le faire s’il ne reçoit pas de mandat législatif en ce sens, et c’est ce que ce projet de loi vise à faire. Il vise à lui fournir ce qu’il a demandé. On peut voir cela dans les recommandations qu’il a formulées dans ses rapports après les élections de 2019 et de 2021. Il mènerait cette activité et ce processus et, encore une fois, cela ferait partie du mandat qu’il a demandé. Merci.

(1520)

L’honorable Salma Ataullahjan : Sénatrice Dasko, accepteriez-vous de répondre à une question?

L’honorable Donna Dasko : Oui.

La sénatrice Ataullahjan : Il y a un terme que j’entends souvent, « minorités visibles ». Qu’est-ce que cela signifie?

La sénatrice Dasko : Honnêtement, sénatrice, je ne sais pas trop comment répondre à cette question. Le gouvernement a laissé savoir qu’il allait redéfinir la terminologie. L’expression « minorités visibles » ne serait plus utilisée. Il opterait plutôt pour les termes « groupes racisés » et « Noirs ». C’est ce que le gouvernement propose pour modifier la Loi sur l’équité en matière d’emploi afin d’inclure davantage de groupes.

On pourrait en conclure que l’expression « minorités visibles » n’est pas assez précise. Des communautés ont présenté leurs arguments pour que la terminologie soit modifiée. Cela explique peut-être l’origine de cette idée.

L’honorable David M. Wells : J’invoque le Règlement. Lorsque la sénatrice Dasko s’est vu accorder du temps de parole supplémentaire, ce qui est une procédure normale, ce temps est généralement défini : cinq minutes, épuisement de la liste, trois questions supplémentaires ou quelque chose de ce genre. Cela n’a pas été le cas; il s’agissait d’une autorisation illimitée que vous avez demandée au Sénat. Il s’agit d’un privilège accordé aux leaders au cours de débats sans limite de temps, mais généralement pas au parrain d’un projet de loi pour son discours à l’étape de la deuxième lecture.

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie de votre question. Si le temps de parole n’est pas défini, nous accordons généralement cinq minutes. Ces cinq minutes sont presque écoulées. Par conséquent, si vous souhaitez poser une question supplémentaire ou demander plus de temps, il s’agira de cinq minutes supplémentaires.

L’honorable Andrew Cardozo : Étant donné que je suis reconnu comme le prochain intervenant sur la liste, je pense que ce temps m’inclurait.

Son Honneur la Présidente : J’ai invité la sénatrice Ataullahjan à poser une question complémentaire. Comme je l’ai dit, je crois qu’il reste 16 secondes.

Sénatrice Dasko, demandez-vous plus de temps pour répondre à plus de questions?

La sénatrice Dasko : Je peux répondre à une autre question.

Son Honneur la Présidente : Ce sera la question complémentaire de la sénatrice Ataullahjan. Demandez-vous cinq minutes de plus, sénatrice Dasko?

La sénatrice Dasko : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Ataullahjan : Sénatrice Dasko, personnellement, j’ai cessé d’employer le terme « minorités visibles » il y a très longtemps, car je le trouve quelque peu offensant. Je pense que pour décrire certains de vos collègues, il serait plus approprié d’utiliser le terme « personnes racisées ». Êtes-vous d’accord?

La sénatrice Dasko : Oui, je suis d’accord avec vous. Je viens de revoir les modifications proposées par le gouvernement. Le terme sera « personnes racisées ». C’est ce qui est proposé dans le cadre des modifications apportées à la Loi sur l’équité en emploi. C’est donc dire que le premier terme que vous avez mentionné ne sera plus utilisé.

Le sénateur Cardozo : Merci, sénatrice Dasko. Accepteriez-vous de répondre à une question de ma part? Peut-être avons-nous déjà établi que vous êtes disposée à le faire. Merci.

C’est un projet de loi intéressant que vous avez présenté, et je le soutiens pleinement. Le moment pour le faire est intéressant, parce que, si l’on y réfléchit bien, avant 1929, les femmes ne pouvaient pas être nommées au Sénat, et cela n’a changé qu’en 1929; la première femme a été nommée en 1930. Un siècle plus tard, la majorité des sénateurs sont des femmes.

Je voudrais vous poser une question sur l’état d’esprit actuel et sur la décision que vous anticipez. Je constate qu’il y a une opposition considérable — vous y avez fait allusion — aux politiques de diversité, d’équité et d’inclusion aux États-Unis. Il est indéniable que cette tendance se répand en partie de ce côté-ci de la frontière.

Vous attendez-vous à ce que ce type d’opposition à tout ce qui touche à la diversité, à l’équité et à l’inclusion fasse partie du débat que vous lancez?

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de votre question. Je pense effectivement que nous allons ressentir ici l’influence de ces développements aux États-Unis. Je pense même que nous commençons déjà à la ressentir.

Je pense toutefois que nous sommes résilients et que, en tant que Canadiens, nous aurons la force de continuer à valoriser la diversité et les progrès que nous avons accomplis.

Je pense que nous serons capables de trouver un moyen de traverser cette épreuve. J’essaie d’être optimiste quant à l’issue de ces événements.

Disons que j’essaie de rester optimiste et que je pense que nous avons toutes les raisons de continuer dans la même voie. Ce projet de loi est un effort dans ce sens, alors j’essaie de rester optimiste.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénatrice Dasko, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Dasko : Oui.

La sénatrice Martin : De notre point de vue, lorsque nous allons au caucus national, les résultats des dernières élections ont donné lieu à un groupe de candidats très diversifié provenant de l’ensemble du Canada. Je sais qu’en tant que parti, nous maintenons certainement un système fondé sur le mérite. Que les meilleurs candidats se présentent. C’est ensuite à l’électorat de décider.

Je crains qu’il y ait également un risque de poser un geste purement symbolique et que des gens ne soient pas récompensés pour le travail qu’ils ont accompli et leur mérite, si nous commençons à dicter certains des paramètres dont vous parlez et à mettre en place des systèmes dans lesquels nous faisons des concessions ou tentons d’imposer certains résultats. Je crains que l’on s’éloigne d’un système fondé sur le mérite. Depuis les dernières élections, je constate les changements en matière de diversité au Parlement, qu’il s’agisse du personnel, des fonctionnaires ou des parlementaires.

J’essaie donc de comprendre la nécessité de votre projet de loi, qui semble s’éloigner d’un système véritablement fondé sur le mérite et d’un système électoral juste et démocratique.

Son Honneur la Présidente : Sénatrice Dasko, il reste très peu de temps. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Dasko : Je ne devrais probablement pas demander plus de temps.

Son Honneur la Présidente : Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Dasko : Oui.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de votre question. Tout d’abord, j’ai cité des chiffres qui montrent une baisse marquée du nombre de femmes candidates au sein de votre parti ainsi que du Parti libéral. À mon avis, ce n’est pas un signe encourageant.

Le projet de loi vise à résoudre le problème de l’extrême lenteur des progrès réalisés pour assurer la diversité à la Chambre des communes. Les mesures de déclaration qui s’appliquent actuellement à de nombreuses autres institutions fédérales sont raisonnables.

Si vous estimez avoir fait d’énormes progrès en matière de diversité, vous devriez être heureuse de produire les rapports exigés par le projet de loi. Je pense que vous seriez heureuse de le faire. Vous pourriez en informer le directeur général des élections. Vous pourriez en informer les Canadiens parce que le rapport leur est destiné. Vous pourriez informer les Canadiens des mesures que vous avez prises pour obtenir des résultats. Cela ferait partie de votre processus de reddition de comptes, qui vous permettrait de vanter ce que vous avez accompli. Je pense donc que vous devriez considérer cette mesure législative avec un certain optimisme et y voir un changement bénéfique. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(1530)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénatrice Osler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, en tant que porte-parole favorable au projet de loi S-216, je veux répondre brièvement à l’affirmation de mon ami et collègue, le sénateur McNair, selon laquelle le projet de loi est désormais inutile et malavisé. Je ne pense pas que ce soit le cas.

La décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse n’empêche en rien le Sénat d’aller de l’avant avec le projet de loi S-216. En fait, les raisons invoquées par la Cour pour refuser de répondre à la question soumise indiquent pourquoi il est important que le Sénat transmette le projet de loi à la Chambre des communes et qu’elle tienne une discussion et un débat approfondis sur la question de savoir si le réseau de digues de l’isthme de Chignecto est dans l’intérêt général du Canada.

Dans la question soumise, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse demandait à la Cour de déterminer si les infrastructures ou les ouvrages spécifiques qui protègent les liaisons interprovinciales de transport, de commerce et de communication à travers le réseau de digues de l’isthme de Chignecto relèvent de la compétence fédérale ou provinciale. Permettez-moi d’en lire le libellé :

L’infrastructure qui protège les liens interprovinciaux de transport, de commerce et de communication à travers l’isthme de Chignecto relève-t-elle de la compétence législative exclusive du Parlement du Canada?

Le sénateur Marc Gold, ancien représentant du gouvernement et constitutionnaliste, a dit :

Le paragraphe 92(10) comporte trois alinéas. Comme l’a correctement souligné le sénateur Quinn, et comme je l’ai aussi mentionné, l’affaire dont est saisie la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse concerne l’alinéa a), qui porte sur les infrastructures de transports ou de communication reliant les provinces. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse demande à la cour de confirmer que cette définition englobe l’isthme.

Le sénateur Gold poursuit en soulignant que l’utilisation du pouvoir déclaratoire est une question tout à fait distincte :

L’alinéa 92(10)c) est un élément distinct. Qu’il relie les provinces ou non ou qu’il corresponde à une « entreprise », qui s’entend de l’assemblage d’activités autour d’un objet physique, les travaux sur l’isthme pourraient, en vertu de cet alinéa, être considérés comme des ouvrages à l’avantage général du Canada.

Au bénéfice de la Chambre, je vais lire l’intégralité de l’alinéa 92(10)c) :

Les travaux qui, bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces;

Honorables sénateurs, la formulation clé ici est « [...] déclaré par le Parlement du Canada [...] » et non par le gouvernement ni par les tribunaux. Il s’agit d’une décision politique et stratégique qui revient uniquement aux parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes.

Je tiens à exprimer mon profond respect envers le sénateur McNair, mais ses citations de la décision de la Cour d’appel ajoutent une certaine confusion involontaire. En particulier, le sénateur McNair n’a pas mentionné que la question renvoyée concernait une autre partie de la Constitution du Canada et n’avait aucune incidence sur le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

Je le répète : la Cour examinait la question d’attribuer la compétence à un pouvoir provincial ou fédéral, et elle a finalement refusé de trancher. Elle a motivé sa décision en indiquant qu’il s’agissait d’une décision politique qu’il valait mieux laisser aux politiciens. C’est ce qu’on entend par « fins politiques ».

Chers collègues, la Cour suprême du Canada respecte l’exercice du pouvoir déclaratoire par le Parlement. Dans l’affaire Luscar Collieries, Ltd. c. McDonald, en 1925, le juge Mignault de la Cour suprême du Canada a écrit ce qui suit au sujet du pouvoir déclaratoire :

Seul le Parlement peut juger de l’opportunité de faire cette déclaration, car il s’agit d’une décision politique que lui seul peut prendre.

Encore une fois, chers collègues, je souligne que seul le Parlement — et non le gouvernement ou les tribunaux — peut décider d’invoquer ou non le pouvoir déclaratoire.

Le principe selon lequel les tribunaux doivent respecter le rôle exclusif du Parlement a été réaffirmé en 1993 dans l’affaire Ontario Hydro c. Ontario (Commission des relations de travail), lorsque la Cour suprême du Canada a de nouveau refusé de limiter la capacité du Parlement à exercer son pouvoir déclaratoire :

[...] les tribunaux, y compris notre Cour, ne se sont jamais montrés enclins à en limiter ainsi l’application, et ont jugé que toute une gamme d’ouvrages — chemins de fer, ponts, installations téléphoniques, silos, provenderies, énergie atomique et fabriques de munitions — ont été validement déclarés à l’avantage général du Canada. Je souligne que ni le Juge en chef ni le juge Iacobucci n’ont exprimé de doute sur ce point.

Avec tout le respect que je lui dois, l’affirmation de mon collègue du Nouveau-Brunswick selon laquelle l’invocation du pouvoir déclaratoire « reviendrait essentiellement à dire que le Parlement n’est pas d’accord avec la décision de la cour » et aurait une incidence sur la réputation de la magistrature n’a aucun fondement en droit. Ce n’est pas l’avis de la Cour suprême du Canada, cela n’a aucun lien avec ce projet de loi et, surtout, cela ne correspond pas au point de vue du gouvernement, comme l’a déclaré le sénateur Gold au sujet de l’utilisation du pouvoir déclaratoire :

Bref, je ne dis pas qu’il est inapproprié pour nous, sur le plan constitutionnel, d’adopter ce projet de loi. Je dis simplement que le gouvernement est d’avis qu’il serait préférable d’attendre que la cour rende sa décision sur cette question fondamentale.

Honorables sénateurs, les tribunaux ne se sont jamais prononcés sur la question fondamentale de la compétence en vertu d’une autre partie de la Constitution. Il n’y a pas de désaccord à ce sujet. Le projet de loi propose que le Parlement utilise un pouvoir qui lui est conféré par la Constitution, par les Pères de la Confédération. Les tribunaux respectent le fait que l’utilisation de ce pouvoir relève uniquement du Parlement. Il n’est plus nécessaire d’attendre. Il aurait été utile de savoir si la cour avait trouvé une compétence dans une autre partie de la Constitution, mais ce n’est pas impératif.

Je termine en citant, encore une fois, le sénateur Gold : « [...] invoquer le pouvoir déclaratoire constitue un exercice légitime prévu par la Constitution. »

Lorsque j’ai ajourné le débat sur ce projet de loi la semaine dernière, j’ai déclaré que nous devions respecter la décision de la cour. Je maintiens cette déclaration, mais le fait de donner suite à ce projet de loi n’entrera en aucun cas en conflit direct avec une décision de la cour.

En tant que sénateurs, nous avons l’obligation de représenter et de protéger les intérêts de nos provinces au niveau fédéral. Il ne s’agit donc pas d’une question qui concerne uniquement la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. L’approche adoptée par le gouvernement fédéral à l’égard de cette question devrait préoccuper tous les sénateurs.

Chers collègues, nous devons suivre la procédure éprouvée à cet égard. Votons en faveur de l’examen du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture afin de pouvoir remplir et respecter notre rôle constitutionnel de représentation régionale.

Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Sénateur McNair, avez-vous une question?

L’honorable John M. McNair : Oui. Le sénateur MacDonald accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : Bien sûr.

Le sénateur McNair : Merci. Sénateur MacDonald, j’apprécie le mémoire juridique qui a été présenté aujourd’hui. Je ne conteste pas le fond de vos propos, mais encore une fois, si la question du financement de la remise en état du réseau de digues de l’isthme est réglée, ce qui est le cas — le gouvernement fédéral assumant 50 % des coûts et les provinces, 25 % chacune — et si l’on accepte la même formule de financement pour tout dépassement de coûts, pourquoi serait-il nécessaire d’utiliser le pouvoir déclaratoire?

Le sénateur MacDonald : C’est parce que la question du pouvoir déclaratoire reste en suspens. Oui, c’est bien qu’ils soient parvenus à cet accord pour obtenir un financement, mais il incombe au Parlement de trancher cette question. Ce n’est qu’une question parmi d’autres; d’autres détails pourraient devoir être réglés plus tard. Nous devons donc conserver une certaine ouverture à la possibilité et à la responsabilité d’utiliser le pouvoir déclaratoire sans faire appel aux tribunaux.

Je crois qu’il est de notre responsabilité, en tant que sénateurs, de veiller à maintenir le respect du pouvoir déclaratoire.

Le sénateur McNair : Une fois encore, je ne parviens pas à suivre le raisonnement selon lequel il serait nécessaire d’exercer le pouvoir déclaratoire. Rien ne l’exige. Le financement est réglé. Les parties auraient tout intérêt à entamer les travaux et à remettre les digues en état.

(1540)

Le sénateur MacDonald : Cela n’a aucune incidence sur le financement. Si nous campons sur nos positions à cet égard — et je pense que nous devons le faire au Sénat —, rien n’empêchera les gouvernements d’aller de l’avant et d’effectuer les travaux. Il s’agit là de deux questions totalement distinctes. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont libres d’entamer les travaux dès maintenant, sans avoir à consulter la cour ou le Parlement.

Son Honneur la Présidente : Sénateur McNair, avez-vous une question complémentaire?

Le sénateur McNair : Oui.

Vous avez dit qu’il ne s’agissait pas d’une question de financement. Nous avons entendu cela à maintes reprises au cours de ce débat, y compris de la part du sénateur Quinn lors de son discours à l’étape de la deuxième lecture. Cependant, pour citer la décision :

[...] Dans leur demande au Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse affirment que la responsabilité constitutionnelle du paiement des coûts des travaux incombe à 100 % au gouvernement fédéral [...]

Si le pouvoir déclaratoire est exercé, la province reviendra et demandera un financement à 100 % alors que la question aura déjà été réglée par les parties. Pourquoi nous engagerions-nous dans cette voie?

Le sénateur MacDonald : En tant que Néo-Écossais — et, je suppose, puisque vous êtes Néo-Brunswickois —, si nous sommes d’avis que le gouvernement fédéral devrait fournir 100 % du financement... Alors je veux que nous réclamions ce financement; cela ne me dérange pas le moins du monde. Nous avons déjà vu ce pouvoir déclaratoire à l’œuvre. Il a déjà été utilisé pour financer le pont Champlain à Montréal. Il s’agissait d’un pont municipal, et quand on a demandé au gouvernement conservateur de l’époque de le financer, il a dit qu’il fournirait les fonds. Nous avons déboursé près de 5 milliards de dollars en supposant que le pont comprendrait un poste de péage et que l’argent serait reversé dans le Trésor fédéral. Le nouveau gouvernement qui est arrivé au pouvoir par la suite a rejeté cet accord et déclaré que le gouvernement fédéral paierait lui-même le pont.

Si le gouvernement fédéral peut financer un pont municipal à Montréal, il peut financer ce projet nécessaire à la frontière entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

Son Honneur la Présidente : Sénateur McNair, souhaitez-vous poser une autre question?

Le sénateur McNair : Votre Honneur, j’ai une autre question.

Je déteste lorsqu’on utilise l’exemple du pont Champlain pour justifier le fait qu’on poursuive le processus, en pensant que toutes les provinces vont trouver des projets fédéraux et demander un financement de 100 %. Je pense que, de nos jours, tout le monde doit payer sa part et que c’est ce que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont convenu de faire avec le gouvernement fédéral pour régler le problème. Je ne comprends pas le raisonnement et les motifs qui poussent à encore réclamer un financement complet au gouvernement fédéral.

Je suppose que c’était un commentaire plus qu’une question.

Son Honneur la Présidente : Sénateur, vouliez-vous qu’il approuve votre commentaire?

Le sénateur MacDonald : Je pense que ma position à ce sujet est relativement claire. Je crois que le gouvernement fédéral devrait accepter de payer la totalité des coûts. Il faut le faire. Il ne devrait pas y avoir le moindre délai. Nous voulons que cela soit fait, et les fonds seront disponibles, alors allons-y.

Toutefois, en ce qui me concerne, cela ne change rien au principe. Si nous parvenons à convaincre le gouvernement fédéral de tout payer, je pense que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse s’en porteraient mieux.

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Projet de loi contre la rétribution du silence

Deuxième lecture—Report du débat

À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 21 :

Deuxième lecture du projet de loi S-232, Loi concernant les accords de non-divulgation.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je demande le consentement pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

La nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle

Interpellation—Report du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Moodie, attirant l’attention du Sénat sur la nécessité d’un développement et d’une utilisation sûrs et productifs de l’intelligence artificielle au Canada.

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je demande donc le consentement du Sénat pour que l’étude de cet article soit reportée à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)

Transports et communications

Autorisation au comité d’étudier les possibilités et les défis de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des technologies de l’information et des communications

L’honorable Larry W. Smith, conformément au préavis donné le 28 octobre 2025, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les possibilités et les défis de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur des technologies de l’information et des communications, notamment :

a)l’application de l’IA dans la création, la diffusion et le traitement du contenu dans ce secteur;

b)les répercussions de l’IA sur le droit d’auteur et la propriété intellectuelle au Canada, notamment les questions relatives à la paternité et à la propriété du contenu, à l’application de la loi et à l’équilibre entre l’innovation et la protection des droits des créateurs;

c)la montée de la désinformation, de la mésinformation et des hypertrucages générés par l’IA, ainsi que leur possible incidence sur la confiance de la population et l’intégrité des médias;

Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2027 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Adoption de la motion concernant la composition du comité

L’honorable Raymonde Saint-Germain, conformément au préavis donné le 29 octobre 2025, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénateur Dean prenne la place de l’honorable sénatrice Boniface à titre d’un des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, à compter du 30 octobre 2025.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 15 h 49, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 4 novembre 2025, à 14 heures.)

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