Délibérations du comité spécial du Sénat sur les
Accords de l'aéroport Pearson
Témoignages
[Traduction]
Ottawa, le mardi 1er août 1995
Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 15 h, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi que pour faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: Bon après-midi, collègues, témoins, mesdames et messieurs. Nous commençons aujourd'hui la troisième semaine de notre examen des accords de l'aéroport Pearson. Durant la première semaine, nous avons entendu des témoignages sur le domaine général des politiques et des procédures. Durant la deuxième, nous avons abordé des questions plus précises relatives à l'aéroport Pearson. Nous avons entendu des messieurs de la Greater Toronto Regional Airport Authority, qui nous ont parlé de leurs efforts en vue de se faire reconnaître comme administration aéroportuaire locale. Nous avons aussi entendu des fonctionnaires des Transports qui ont participé à l'élaboration des critères et à la rédaction des demandes de propositions. Nous avons entendu le témoignage du président et des membres du comité d'évaluation de ces propositions au sujet de la procédure qu'ils ont suivie pour rédiger leur rapport final. Nous avons entendu un témoignage sur un examen indépendant, demandé par l'honorable Michael Wilson, au sujet de la capacité financière des soumissionnaires de remplir les obligations à long terme envisagées. Nous avons rappelé un témoin pour clarifier certaines questions relatives à la création d'une administration aéroportuaire locale dans la région métropolitaine de Toronto. Enfin, nous avons entendu le témoignage de l'auteur du rapport de vérification, qui nous a décrit ses activités de surveillance et de vérification au cours de l'évaluation.
Dans un instant, le conseiller juridique du comité, M. Nelligan, présentera le premier témoin de ce qui devrait être une semaine très enrichissante et très intéressante, puisqu'il sera question de l'étape des négociations.
Je félicite mes collègues, non seulement pour le temps et l'énergie qu'ils consacrent à cette tâche, mais aussi pour la qualité de leurs questions, qui démontre qu'ils comprennent de plus en plus les questions compliquées que nous creusons.
En ce qui concerne les renseignements confidentiels du Cabinet, aucun membre du comité n'a posé aux témoins des questions susceptibles de porter atteinte à cette convention. Je remercie aussi les témoins de répondre franchement aux questions des membres du comité.
Avant que je demande à M. Nelligan de présenter notre premier témoin, avez-vous des remarques, chers collègues? Monsieur Nelligan.
M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Sénateurs, je communique d'abord une demande des sténographes. Ils ont parfois du mal à identifier les documents qui sont mentionnés au cours des témoignages. Ils ne se plaignent pas des sénateurs, si je comprends bien, mais je vous rappelle que lorsque vous désignez un document, il est utile pour les sténographes de l'identifier de manière à ce qu'ils puissent vérifier le renvoi par la suite. Je prierais aussi les témoins qui souhaitent faire des renvois à des documents de les décrire suffisamment pour que le sténographe puisse vérifier ces renvois plus tard.
Nous avons l'honneur cet après-midi d'entendre Mme Huguette Labelle, qui est actuellement présidente de l'Agence canadienne de développement international mais, ce qui est plus important pour nous, qui a été sous-ministre de Transports Canada de 1990 à 1993. C'est à ce titre qu'elle sera très intéressante pour nous.
Mme Labelle, avez-vous une déclaration, s'il vous plaît?
(Mme Huguette Labelle, assermentée:)
Le président: Avez-vous une déclaration, madame Labelle?
Mme Huguette Labelle, présidente, Agence canadienne de développement international, ancienne sous-ministre, Transports Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, bon après-midi. Avec votre permission, j'aimerais présenter une brève introduction susceptible d'aider les sénateurs à situer le contexte du réaménagement des aérogares 1 et 2 lorsque j'étais sous-ministre des Transports.
Comme l'a indiqué le conseiller juridique, j'ai été sous-ministre des Transports d'octobre 1990 à juin 1993. Je travaille à la fonction publique fédérale depuis 22 ans, et, depuis 15 ans, j'ai été sous-ministre dans divers ministères fédéraux.
Durant la période où j'étais à Transports Canada, nous nous occupions de plusieurs dossiers importants relatifs à l'administration aérienne. Certains d'entre eux portaient directement sur le réaménagement des aérogares 1 et 2. Évidemment, lorsque je suis arrivée aux Transports, en octobre 1990, le gouvernement venait de décider de privatiser ces aérogares. Nous aurons bien sûr l'occasion de discuter de cette période au cours de l'après-midi. Quand je suis partie, en juin 1993, nous étions aux dernières étapes de la négociation d'un accord avec la Pearson Development Corporation, en vue de la privatisation complète de ces installations.
Mais permettez-moi d'abord de décrire brièvement quelques autres grands dossiers importants à cette époque pour les aérogares 1 et 2. Certains d'entre eux ont été évoqués, j'en suis convaincue, par plusieurs de mes prédécesseurs à cette table des témoins.
Parmi tous les dossiers, celui de l'aménagement des pistes, ou de l'ajout de pistes, était le plus important afin de nous assurer de pouvoir un jour exploiter au maximum l'aéroport Pearson en tant que grande plaque tournante et, bien sûr, que grande porte d'entrée au pays. La question des pistes, qui avait été épineuse et l'objet de controverses dès les années 70, sinon avant, n'était toujours pas réglée. Lorsque j'étais aux Transports, une évaluation environnementale a été faite, le rapport publié, et le gouvernement a décidé d'aller de l'avant et de construire des pistes supplémentaires (il l'a annoncé) et il a indiqué son intention de faire une demande de propositions pour la construction de la piste nord-sud, qui était importante non seulement pour l'expansion mais aussi pour le bon fonctionnement de l'aéroport.
L'accès à l'aéroport Pearson était un autre dossier brûlant. Nous avions travaillé avec les municipalités voisines pour voir comment nous pouvions améliorer l'accès routier à l'aéroport. Nous étions aussi en train d'effectuer une étude de faisabilité avec les gouvernements de l'Ontario et du Québec sur le train grande vitesse dans le corridor Québec-Windsor et nous cherchions à déterminer comment améliorer au mieux l'aspect intermodal de l'aéroport Pearson en déterminant comment le relier avec le réseau ferroviaire du pays, à l'avantage des voyageurs.
Comme d'autres témoins l'ont indiqué avant moi, certains autres dossiers qui touchaient directement à l'aéroport Pearson étaient: la stratégie pour le sud de l'Ontario; le plan d'ensemble de l'aéroport Pearson; l'amélioration des services aériens ou des services de contrôle aérien, dont on n'a pas encore parlé jusqu'ici, je crois, mais qui était assez importante pour le bon fonctionnement de l'aéroport; l'aménagement de l'infrastructure et des services à Hamilton; les négociations d'un nouveau traité bilatéral sur le transport aérien avec les États-Unis; et enfin, une grande question tout au long de cette période, la santé financière de l'industrie du transport aérien.
Les sénateurs se souviendront que les transporteurs du monde entier se restructuraient alors pour surmonter de graves difficultés; beaucoup ont d'ailleurs déclaré faillite. Le Canada n'était pas à l'abri de cette tendance et certains de nos petits et moyens transporteurs aériens ont déclaré faillite. Nos deux grands transporteurs aériens avaient certainement constaté une diminution du trafic. Canadien, en particulier, était assez fragile financièrement durant cette période. Voilà donc quelques-uns des grands dossiers importants à cette époque pour la santé de l'industrie, mais plus spécialement pour le rôle de l'aéroport Pearson en tant que grande plaque tournante.
Comme Nick Mulder vous l'a indiqué le premier jour de son témoignage, tous ces dossiers étaient reliés entre eux et tous devaient être menés de front durant cette période.
Je serai ravie, monsieur le président, de répondre aux questions et j'espère pouvoir apporter des renseignements nouveaux à cette enquête. Merci.
Le président: Merci beaucoup, madame Labelle. Deux sénateurs ont demandé à vous interroger. D'abord, le sénateur LeBreton, puis le sénateur Hervieux-Payette. Sénateur LeBreton.
Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur le président. Bienvenue, madame Labelle. Merci de comparaître devant nous aujourd'hui.
Je connais bien votre carrière dans la fonction publique et je tire une certaine fierté de mon rôle très limité auprès de l'ancien premier ministre dans l'avancement des femmes, à tous les paliers du gouvernement. Vous en êtes un exemple éloquent.
Je poserai d'abord quelques questions de base, puis d'autres questions relatives à la politique.
Quand avez-vous appris votre nomination au poste de sous-ministre des Transports et de qui?
Mme Labelle: Du greffier du Conseil privé, M. Paul Tellier, et j'ai appris... j'occupais alors un poste à durée déterminée à la Commission de la fonction publique, et il me restait cinq années avant de terminer un mandat de dix ans. À ce moment-là, les Transports constituaient pour moi l'un des ministères les plus intéressants au gouvernement fédéral. Quand on m'a demandé si je voulais accepter l'invitation du premier ministre, j'ai été ravie de le faire. C'était quelques semaines avant que je commence en octobre.
Le sénateur LeBreton: Merci. Dans votre longue carrière de fonctionnaire, était-ce votre premier contact avec des questions touchant les transports, ou aviez-vous de l'expérience dans ce domaine?
Mme Labelle: Lorsque j'étais au ministère des Affaires indiennes et du Nord, nous nous étions beaucoup occupés des transports dans le Nord et dans les réserves, mais surtout dans la moitié nord du pays. C'était ma participation la plus importante à des dossiers sur le transport.
Le sénateur LeBreton: D'accord. À titre de renseignement seulement (pour donner le ton). vous avez été sous-ministre des Transports du 9 octobre 1990 jusqu'au 24 juin 1993?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: D'accord. Sans donner une réponse trop longue, pouvez-vous décrire comment vous envisagez le mandat et les responsabilités d'un sous-ministre?
Mme Labelle: Il y a probablement trois aspects différents au rôle du sous-ministre: Le premier rôle consiste à conseiller le ministre sur la politique, sur les programmes; le deuxième consiste à administrer le ministère; le troisième, à faire partie d'une équipe de gestion, appelée le gouvernement canadien, et à participer de diverses façons (ce que j'ai fait, qu'il s'agisse de groupes de travail spéciaux, de comités), afin d'examiner la gestion du gouvernement et les politiques futures.
Le sénateur LeBreton: En ajouteriez-vous un quatrième: mettre en oeuvre les politiques du gouvernement?
Mme Labelle: Absolument.
Le sénateur LeBreton: D'accord. Combien de sous-ministres adjoints... c'était un grand ministère. Combien de sous-ministres adjoints ont relevé de vous?
Mme Labelle: Au ministère des Transports?
Le sénateur LeBreton: Oui.
Mme Labelle: Il y en avait trois: un pour la Garde côtière... je suis désolée, il y en avait quatre: un pour la Garde côtière, un pour le transport de surface, un pour les aéroports et un quatrième pour l'aviation civile, soit la navigation aérienne et la sécurité du système aérien.
Le sénateur LeBreton: C'est un gros ministère; il y a beaucoup de responsabilités hiérarchiques.
Est-ce qu'un seul sous-ministre adjoint, celui des aéroports, s'occupait du dossier des aéroports ou ce dossier ("ce dossier" désignant les aéroports et plus précisément l'aéroport Pearson) débordait-il dans d'autres secteurs?
Mme Labelle: Plusieurs autres sous-ministres adjoints ont été touchés, en particulier dans les secteurs fonctionnels. Il est arrivé que le sous-ministre adjoint du personnel, le sous-ministre adjoint des finances et de l'administration, le sous-ministre adjoint de la vérification et de l'évaluation, et aussi le sous-ministre adjoint de la politique ministérielle participent de diverses façons à des aspects différents du réseau des aéroports et à d'autres aspects des activités du ministère.
Le sénateur LeBreton: Quand vous avez assumé les fonctions de sous-ministre en octobre 1990, diriez-vous que la personne qui connaissait le mieux les questions relatives aux aéroports était évidemment votre sous-ministre adjoint des aéroports?
Mme Labelle: Oui. Et toute l'équipe derrière lui, parce qu'il y avait des directeurs généraux pour chacun des aéroports; il y avait aussi des économistes, des spécialistes des finances, des ingénieurs, des spécialistes des systèmes qui travaillaient dans le réseau des aéroports depuis de nombreuses années.
Le sénateur LeBreton: Cette personne, c'était M. Victor Barbeau?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: M. Victor Barbeau a-t-il été votre sous-ministre adjoint des aéroports durant toute la durée de votre mandat comme sous-ministre des Transports?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Le mardi 11 juillet 1995, en réponse aux questions du sénateur Jessiman au sujet de fonctionnaires qui auraient été réaffectés ou mutés sous prétexte que le processus était lent, M. Barbeau a répondu à la page 1600-7:
Il ne s'agissait pas d'une mutation à un autre ministère, parce que,...
Comprenne qui voudra:
...je suis encore là. Mais on m'a demandé de quitter le ministère pendant un certain temps.
En réponse à une autre question visant à savoir qui avait fait cette demande, M. Barbeau a répondu:
Huguette Labelle. C'est vraiment tout ce que je peux dire.
Interrogé davantage, il a déclaré:
[...] si je comprends bien les faits, certaines personnes avaient l'impression que je faisais d'une certaine façon obstruction à l'évolution du dossier. Je dirais que c'était une impression, pas un fait, mais c'est la raison qu'on m'a donnée.
Avez-vous donné ces instructions à M. Barbeau et pourquoi?
Mme Labelle: Oui. Avant de répondre à la question directement, permettez-moi de vous situer un peu le contexte. Quand nous étions sur le point d'engager les négociations, M. Barbeau lui-même m'a recommandé de nommer un haut fonctionnaire au poste de négociateur à plein temps, parce que ces négociations seraient longues, nécessiteraient des compétences élevées et qu'il estimait que la gestion du réseau des aéroports du Canada, ainsi que le pilotage des nombreux autres dossiers importants sur lesquels on travaillait à l'époque, ne lui donneraient pas assez de temps pour s'occuper aussi des négociations. J'étais d'accord avec lui. J'ai aussi discuté avec le ministre, à qui diverses personnes avaient indiqué qu'elles avaient l'impression que M. Barbeau ralentissait le processus.
J'estime quant à moi que Victor Barbeau est un fonctionnaire très professionnel qui travaillait très fort à l'époque pour s'acquitter de toutes ses responsabilités et donc, je n'étais pas d'accord avec ce point de vue. Mais nous convenions tous, moi y compris, qu'un négociateur spécial serait la meilleure façon de procéder.
Quand est arrivé le mois de mai, les négociations sont devenues très intenses (et, vous savez, tout le monde voulait que ce dossier avance et qu'il avance le plus rapidement possible), il m'est apparu évident qu'il devenait de plus en plus la cible de ceux qui estimaient que le processus n'avançait pas assez vite; qu'on considérait qu'il entravait les progrès. Afin de protéger le ministère et de protéger M. Barbeau lui-même professionnellement, j'ai jugé sage de lui demander de s'en aller quatre à cinq semaines (tout en ayant pleinement l'intention de lui faire réintégrer son poste) durant cette période très délicate, afin qu'il ne soit pas blâmé injustement pour ce qui arrivait à ce moment-là, que ce soit à cause de la vitesse ou du fait que les négociations n'aboutissaient pas.
Le sénateur LeBreton: Donc, il a déclenché lui-même le processus en le proposant, mais parce que... et vous avez établi la chronologie. Donc, simplement pour répéter la question, vous et vous seule avez pris la décision?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Personne d'autre?
Mme Labelle: La décision de lui demander de se retirer durant quatre à cinq semaines était la mienne.
Le sénateur LeBreton: Vous l'avez prise seule?
Le président: Sénateur LeBreton, permettriez-vous au sénateur Kirby de poser une question supplémentaire?
Le sénateur Kirby: Un éclaircissement seulement. Madame Labelle, vous avez déclaré: "pour empêcher M. Barbeau de devenir" et ce que j'ai écrit ici, c'est "une cible". Pouvez-vous me dire de qui il était la cible? Autrement dit, s'il est une cible, on peut supposer qu'il est la cible de quelqu'un. Pouvez-vous nous dire de qui il s'agit?
Mme Labelle: Bien sûr.
Le sénateur Kirby: Merci.
Mme Labelle: Je pense que les gens qui négociaient avec nous de l'autre côté de la table avaient l'impression que, d'une façon ou d'une autre, il... ils avaient l'impression qu'il entravait le processus, parce qu'il dirigeait encore le réseau des aéroports et les gens qui fournissaient de l'information, de la documentation, des conseils, et cetera. Mais comme je l'ai indiqué, ce n'était pas du tout mon point de vue personnel.
Le sénateur LeBreton: Donc, ces gens de l'autre côté de la table, suivaient-ils... nous pouvons peut-être leur poser la même question. D'accord. Merci.
Entre quelles dates exactement M. Barbeau n'a-t-il pas exercé ses responsabilités de sous-ministre adjoint des aéroports?
Mme Labelle: Je crois que c'était vers le 27 mai jusqu'au début de juillet.
Le sénateur LeBreton: Seulement au début de juillet. À quel poste l'avez-vous réaffecté?
Mme Labelle: Durant cette période, il y a eu... vous savez, je lui ai demandé de prendre un congé de direction. Il a pris des vacances en même temps. Il y a donc eu une partie en congé annuel et une partie en congé de direction.
Le sénateur LeBreton: Vous ne l'avez pas affecté à d'autres tâches?
Mme Labelle: Je l'aurais fait si la période avait été plus longue; elle ne devait pas se prolonger.
Le sénateur LeBreton: On peut donc affirmer qu'il a été écarté complètement du dossier de l'aéroport Pearson et de toutes les autres activités relatives aux aéroports?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Avez-vous nommé quelqu'un pour le remplacer temporairement?
Mme Labelle: Michael Farquhar, qui était l'un des directeurs généraux et que vous avez rencontré la semaine dernière, je pense, a agi au nom de M. Barbeau durant les semaines où ce dernier était absent.
Le sénateur LeBreton: Puisque vous êtes partie le 24 juin, je suis certaine que vous ne pouvez pas dire avec exactitude à quelle date il est revenu.
Mme Labelle: Je pense que c'était au début de juillet.
Le sénateur LeBreton: Au début de juillet. Vous avez entrepris les démarches pour son retour, selon votre témoignage précédent. On peut donc affirmer que vous avez pris les mesures pour qu'il retrouve son poste, son poste antérieur, poste qu'il occupe encore aujourd'hui?
Mme Labelle: Quand je lui ai demandé de s'absenter, il était entendu qu'il réintégrerait son poste quelques semaines plus tard. Mais je n'étais plus aux Transports lorsqu'il est revenu. C'est mon successeur, Jocelyne Bourgon, qui était là et qui pourrait peut-être, mieux que moi, répondre à cette question.
Le sénateur LeBreton: C'est exact. Bien. C'était donc une très courte période entre la fin de mai et le début de juillet, et vous lui avez demandé de s'absenter. Mais qu'est-ce qui a changé en si peu de temps? L'impression au sujet de M. Barbeau s'est-elle dissipée soudainement, ou pensiez-vous qu'elle se dissiperait s'il s'effaçait durant cinq semaines? Pouvez-vous expliquer pourquoi? Il y avait cette impression. Très peu de temps s'écoule et il revient. L'impression existait-elle encore, d'après vous?
Mme Labelle: Je n'en ai pas la moindre idée, parce qu'après avoir quitté le ministère, je n'ai plus suivi ce dossier. J'ai donc une fois de plus l'impression que mon successeur serait mieux en mesure de répondre à cette question. Je pense que ce que j'espérais, c'était réduire les pressions qui s'exerçaient injustement, à mon avis.
Le sénateur LeBreton: Madame Labelle, vous avez pris la direction des Transports lorsque Glen Shortliffe est parti. Dans son témoignage, le jeudi 13 juillet, ce dernier a déclaré que lorsqu'il est arrivé, la question de l'aéroport international Pearson était hautement prioritaire. Pour le citer:
[...] cet aéroport était un vrai gâchis. Une honte. Et pis encore, il ne fonctionnait pas...les aérogares de l'aéroport Pearson constituaient elles aussi une grande partie du problème. En 1988-1989, l'aérogare 1 était tout simplement sordide.
C'était ses termes, mais nous les avons repris souvent, et je ne fais pas exception, par la suite. C'était la fin de la citation.
Il a ensuite décrit l'état des garages, la technologie désuète à l'aérogare 1 et le fait qu'à l'aérogare 2 "il n'y avait pas suffisamment de portes".
Quand vous avez été nommée sous-ministre à l'automne de 1990, quelle était la situation à l'aéroport Pearson? La description de votre prédécesseur était-elle encore juste?
Mme Labelle: L'aérogare 1 était encore très chaotique. Le nombre de passagers dépassait nettement les capacités de l'aérogare à l'époque. Le nombre de contrôleurs aériens n'avait pas été porté au niveau nécessaire pour que les mouvements aériens s'effectuent en douceur à l'aéroport Pearson. Ce sont donc deux aspects très importants. Je suis arrivée en octobre 1990 et l'aérogare 3 a ouvert en février 1991. Il y a eu une période d'adaptation, lorsque les transporteurs sont passés d'un aéroport ou d'une aérogare à l'autre, mais... Cette situation chaotique a donc duré encore quelques mois après mon arrivée aux Transports.
Le sénateur LeBreton: On peut affirmer que la situation décrite par M. Shortliffe n'avait pas beaucoup changé lorsque vous êtes arrivée?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Durant votre mandat de sous-ministre des Transports (vous y avez fait allusion il y a un instant), pouvez-vous estimer combien de temps vous consacriez à la direction concrète des questions aéroportuaires, combien de temps à la direction du dossier Pearson, et combien de temps aux autres questions relatives aux transports? Je veux simplement savoir dans quelle mesure ce dossier dominait.
Mme Labelle: Monsieur le président, si je peux avancer une estimation (et j'espère que vous ne m'en voudrez pas de ne pas vous donner de chiffres exacts), je consacrais plus du tiers de mon temps, je dirais, aux questions aéroportuaires, à l'époque. Et il est certain que le dossier de l'aéroport Pearson était dominant. Je pense que les deux dossiers les plus importants en ce qui concerne les aéroports étaient l'aéroport Pearson et la cession des cinq grands aéroports aux quatre administrations aéroportuaires locales. J'ai suivi ces deux dossiers de très près durant toute cette période. Je consacrais donc un temps disproportionné aux aéroports, en particulier à l'aéroport Pearson.
Le sénateur LeBreton: C'est essentiellement ce que nous ont déclaré vos prédécesseurs, ainsi que le ministre de l'époque, M. Lewis. Il a répondu dans la même veine.
J'aimerais que vous parliez maintenant du rôle du Conseil du Trésor dans ce processus. Le sénateur Kirby a indiqué que dans une vie antérieure, il aimait se tenir aussi loin que possible du Conseil du Trésor; je suis plutôt d'accord avec lui. Pouvez-vous me décrire le rôle joué par le Conseil du Trésor? À quel moment avez-vous dû communiquer avec le Conseil du Trésor, et que s'est-il passé tout au long du processus? Pouvez-vous seulement... enfin, je voudrais seulement obtenir des indications, que vous m'aidiez un peu en me décrivant comment fonctionne le processus, qui fait la demande, comment on les traite, si elles sont secrètes? Deviennent-elles publiques, à un moment donné? Et si elles le deviennent avant l'heure, qu'arrive-t-il? Vous efforcez-vous... je suppose que je touche à la sécurité et au secret qui entourent le processus, ainsi que l'équité du processus.
Mme Labelle: Normalement, pour un gros projet d'État comme celui-ci, il faut obtenir l'approbation du Conseil du Trésor avant de faire une demande de propositions, en supposant qu'on a déjà l'autorisation du gouvernement, par l'entremise du Cabinet, d'entreprendre le projet, si sa taille et sa nature l'exigent. Mais il faut demander l'approbation du Conseil du Trésor pour pouvoir faire une demande de propositions, et le Conseil du Trésor peut fonder sa décision sur des facteurs qui sont énoncés en grande partie dans la demande de propositions. De plus, si des dépenses sont prévues, le Conseil du Trésor doit les autoriser. Ensuite, normalement à la fin, avant de conclure un accord, il faut demander l'autorisation du Conseil du Trésor de conclure une entente avec la partie en cause pour acheter le service, l'équipement ou, dans ce cas-ci, pour céder les aérogares à la Pearson Development Corporation. En cours de route, selon les projets, il se peut que le Conseil du Trésor nous demande de revenir le voir à certaines étapes. Pour un projet de cette envergure, nous tenions le Conseil du Trésor informé à certaines étapes. Il y avait un comité ministériel pour surveiller ce dossier aux Transports et, bien souvent, d'autres ministères étaient invités - principalement le Conseil du Trésor, les Finances et le Conseil privé. En ce sens, le Conseil du Trésor était informé. M. Barbeau informait régulièrement ses homologues de l'évolution du dossier et des personnes à d'autres niveaux faisaient la même chose. Il s'agit donc de tenir le Conseil du Trésor informé afin qu'il n'y ait pas de surprises; de demander conseil parfois, mais aussi d'obtenir les autorisations au début et à la fin.
Le sénateur LeBreton: Vous diriez donc qu'il y avait beaucoup de va-et-vient, beaucoup de consultation et de travail effectué avec le Conseil du Trésor au sujet de ce dossier?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Était-ce normal, plus intense que la normale, ou moins intense que la normale?
Mme Labelle: Pour un projet de cette nature, qui était différent et important, je pense qu'il était relativement normal de tenir le Conseil du Trésor aussi informé que nous l'avons fait.
Le sénateur LeBreton: Et peut-être simplement parce que c'est une question si longue, la sécurité du processus et des documents qui vont et viennent, parce que, vous savez, la presse a indiqué que des journalistes auraient eu entre les mains des documents du Conseil du Trésor, que les gens ayant participé au processus n'avaient jamais vus. Il y a donc des mesures de sécurité très strictes... y a-t-il des mesures de sécurité en place ou combien de copies ont été faites? Que faites-vous en tant que sous-ministre et que font les fonctionnaires du Conseil du Trésor et les vôtres pour protéger les documents?
Mme Labelle: Nous avons des systèmes en place pour que tout ce qui est protégé, surtout lorsque c'est secret, soit transmis de main à main, c'est donc doublement sûr, et qu'on ne tire que le nombre de copies exigées par l'organisme à qui on envoie le document. Dans le cas du Conseil privé, il tire ses propres copies et les distribue lui-même. Dans le cas du Conseil du Trésor, la plupart du temps, nous lui fournissons le nombre de copies dont il a besoin, afin qu'il puisse les distribuer plus rapidement.
Le sénateur LeBreton: Vous savez, pas que vous... qu'arriverait-il si un fonctionnaire divulguait un document du Conseil du Trésor? Que ferait le gouvernement? Le congédierait-il? Le réaffecterait-il à un autre poste? Qu'arriverait-il?
Mme Labelle: Il y a une foule de possibilités, selon la gravité de la situation et les circonstances qui l'entourent. Mais cela peut aller d'une réprimande, lorsque la personne n'a pas agi délibérément, au congédiement, si c'était délibéré... si la personne a pris volontairement la décision et que la fuite peut causer du tort.
Dans ce cas-ci, il y avait beaucoup d'information commerciale. Il faut donc être prudent avec l'information que nous avons.
Le président: Madame Labelle, puis-je vous demander si d'importants documents du Conseil du Trésor sont devenus publics? En connaissez-vous?
Mme Labelle: Je ne suis pas certaine, monsieur le président. Je pense qu'il vaudrait probablement mieux poser cette question au Conseil du Trésor, afin que je ne vous induise pas en erreur. Je pense qu'il y a une durée, comme pour tous les autres documents secrets. Tout ce qui est coté "secret" est assujetti aux mêmes règles, qu'il s'agisse des demandes au Conseil du Trésor ou d'autres documents.
J'ai l'impression que, s'il y a eu des fuites, cela ne devait pas arriver.
Le président: Je n'ai pas parlé de fuites, j'ai dit que des renseignements étaient devenus publics.
Mme Labelle: Devenus publics?
Le président: Oui. Désolé, sénateur LeBreton.
Le sénateur Tkachuk: Une question supplémentaire. Cela fait-il partie du serment d'office des hauts fonctionnaires?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Donc, divulguer un document du Conseil du Trésor aurait les mêmes conséquences que si un haut fonctionnaire comparaissait devant nous et divulguait de l'information qui... nous avons entendu des hauts fonctionnaires.
Mme Labelle: Ce serait une violation.
Le sénateur Tkachuk: Ce serait une violation de leur...
Mme Labelle: Je le crois.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. C'est bien, merci.
Mme Labelle: Mais j'espère qu'on pourrait poser ces questions aux institutions responsables, afin qu'elles puissent me corriger si j'ai tort.
Le sénateur Kirby: Je veux simplement que ce soit clair, parce que le sénateur Tkachuk a employé l'expression "serment d'office". Je pense que nous devons être clairs, aux fins du compte rendu. Les seules personnes qui font un serment d'office sont les sous-ministres.
Mme Labelle: Les sous-ministres.
Le sénateur Kirby: Pas les autres fonctionnaires.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Je pensais simplement que nous devions éclaircir ce point.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Donc, quelqu'un qui travaille pour vous n'aurait pas la même... Si vous rédigez un document à l'intention du Conseil du Trésor et qu'un de vos subalternes en a un exemplaire, ne tiendriez-vous pas cette personne responsable au même titre que vous?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Merci.
Le sénateur LeBreton: Pour revenir au dossier de l'aéroport Pearson, on nous a déclaré qu'à cause de la récession au début des années 90 (j'essaie toujours de situer les choses dans leur contexte), quand s'est développée la situation à l'aéroport Pearson, que l'économie a battu de l'aile à la fin des années 80 et que des pressions ont été exercées sur les ministres et sur le gouvernement pour qu'ils règlent le problème de cet aéroport, on nous a déclaré qu'à cause de la récession au début des années 90, le nombre de personnes qui passaient par l'aéroport Pearson a décliné. Donc, les craintes de la fin des années 80 au sujet des limites de capacité se sont un peu dissipées. On n'a pas cessé de nous répéter non plus que l'aéroport Pearson... et il était vrai que l'aérogare 1 tombait en ruine; le garage était fermé plus souvent qu'il n'était ouvert, et cetera. Il n'est pas nécessaire d'ennuyer le comité davantage avec les histoires d'horreur au sujet de l'aérogare 1. Par contre, certains ont essayé continuellement de faire valoir que si le nombre de passagers diminue, il n'est plus nécessaire d'effectuer des travaux à l'aéroport Pearson, qu'on peut attendre. Il n'y a pas de problème. À mon avis, c'est typique (ayant observé le gouvernement depuis plus de trois décennies), et cela explique clairement pourquoi nous avons des problèmes dans tant de domaines. La pression est tombée. Oublions le problème. Paniquons lorsqu'une politique de laisser-aller ramènera le problème de nouveau à la surface.
J'aimerais avoir votre opinion sur la méthode de planification des rénovations d'un aéroport. Est-il logique de faire dérailler une politique parce qu'il y a un ralentissement de l'économie? En guise d'éclaircissement, quelles étaient exactement les modalités des contrats? Parce que M. Power, un de vos fonctionnaires (ou de vos anciens fonctionnaires) a indiqué clairement que l'objet principal de la demande de propositions était la modernisation des aérogares, pas une augmentation de la capacité. De fait, il a parlé d'accroissement de la capacité. Il a déclaré que c'était une retombée secondaire.
J'aimerais donc seulement votre opinion sur la politique à long terme et sur le déraillement de la politique, simplement parce que l'économie se ralentit, et que vous nous décriviez le contenu de la demande de propositions.
Mme Labelle: Avant mon arrivée à Transports Canada, diverses études avaient été menées au sujet du sud de l'Ontario et de son réseau aéroportuaire, de la capacité et de l'efficience du réseau, et cetera. Les membres du comité, les sénateurs, se rappelleront que Pickering attend toujours. C'était l'une des questions: Aménage-t-on l'aéroport Pearson pour l'optimiser, ou recommence-t-on à zéro en aménageant un nouvel aéroport à Pickering? Ou faisons-nous comme à Londres, en créant un aéroport pour les gros porteurs et un autre pour le trafic local? Je pense que tous ces travaux ont abouti à la conclusion que, pour obtenir un aéroport qui servirait au mieux les passagers et qui serait aussi plus efficient pour les transporteurs aériens (parce que, lorsqu'il faut atterrir à plusieurs aéroports, le nombre d'aéronefs entre en jeu, et cetera), il fallait optimiser l'aéroport Pearson. Cette optimisation nécessitait plusieurs choses. Il fallait des pistes supplémentaires pour qu'elle réussisse. Il fallait aussi moderniser les installations. Cette décision a donc été prise. Il s'agissait de moderniser et de planifier l'expansion future du trafic.
Il ne fait aucun doute que la demande de propositions n'a pas nécessairement insisté davantage sur un aspect plutôt qu'un autre, mais comme elle le stipulait, nous cherchions des propositions qui permettraient une expansion future, parce que c'était vital pour voir jusqu'à quel point nous pouvions optimiser l'aéroport. Les deux aspects étaient donc importants.
Vous avez parlé de l'aérogare 1. Si on avait décidé seulement d'améliorer l'aérogare 1 et de continuer de rénover l'aérogare 2, il aurait fallu compter de 10 à 20 millions de dollars environ pour rénover et réparer le stationnement de l'aérogare 1 (qui est assez grand, il est important) et pour moderniser certains des services qui devaient être modernisés à l'époque.
Le sénateur LeBreton: Pour revenir à ma question, pensez-vous qu'il soit logique de faire dérailler une politique à long terme ou une politique quelconque au sujet d'un projet de cette envergure, simplement parce qu'il y a un ralentissement de l'économie?
Mme Labelle: Non. Je pense qu'il était important d'aller de l'avant pour tous les aspects, puisque le gouvernement avait décidé qu'il le voulait ainsi. Dans notre cas, notre rôle consistait à essayer d'y parvenir du mieux possible, de la manière la plus économique possible pour tous les intéressés, et ils étaient nombreux.
Le sénateur LeBreton: Pour faire suite à la dernière question, parlez-nous des contrats relatifs aux pistes et où ils en étaient lorsque vous êtes partie. Peu importe la situation des pistes, ne convenez-vous pas que la modernisation des aérogares s'imposait, qu'elle s'impose encore, même si le problème des pistes n'est pas réglé, à en juger par les témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, en particulier de votre fonctionnaire, M. Power, qui a indiqué que la demande de propositions portait sur la modernisation des aérogares? Les pistes étaient évidemment une autre question, mais il n'en demeure pas moins que les aérogares avaient besoin d'être rénovés et modernisés.
Mme Labelle: Lorsque je suis partie, les ministres Corbeil et Hockins avaient annoncé que le gouvernement ajouterait des pistes à l'aéroport Pearson, que le gouvernement fédéral dépenserait environ 30 millions de dollars pour commencer rapidement le processus relatif à la piste nord-sud, c'est-à-dire préparer l'aire de trafic, et cetera. Ces travaux devaient se faire parallèlement à la demande de propositions, afin que la construction puisse commencer à l'automne de 1993 ou à l'été de 1993. Le dossier des pistes en était là quand j'ai quitté les Transports.
Comme je l'ai déjà indiqué, des installations comme les aéroports doivent être améliorées constamment. Autrement, elles perdent rapidement leur attrait, mais il y a aussi de nombreux services qu'il faut constamment améliorer dans un aéroport. Il ne fait donc aucun doute que l'aérogare 1, à ce moment-là, avait besoin...
Le sénateur LeBreton: A encore besoin.
Mme Labelle: ...d'être modernisée si nous voulions continuer de nous en servir.
Le sénateur LeBreton: Madame Labelle, pour revenir au témoignage de M. Barbeau au sujet de l'impression... et je vous ai déjà demandé si cette impression était fondée, parce que j'ai fait allusion aux nouvelles parues dans la presse. Vous connaissez évidemment le témoignage du ministre Lewis. Vous avez évoqué il y a un moment les gens de l'autre côté de la table, alors j'ai dû tirer la conclusion que vous parliez d'un membre du consortium qui se serait opposé à M. Barbeau et à sa position durant les négociations. À qui faisiez-vous allusion?
Mme Labelle: Essentiellement, j'entendais alors de diverses sources que les gens avec qui nous travaillions pensaient ou avaient l'impression que M. Barbeau entravait les progrès. J'en ai discuté avec le ministre. Des gens lui en avaient parlé. Puis, j'en ai discuté avec le greffier du Conseil privé, parce qu'on lui en avait parlé à lui aussi.
Le sénateur Kirby: Qui était greffier?
Mme Labelle: Glen Shortliffe.
Le sénateur Kirby: Les gens ne cessent de dire les greffiers et les ministres, nous devrions savoir de qui il s'agit, aux fins du compte rendu.
Le sénateur LeBreton: J'ai essayé de dire le greffier ou le ministre. Je l'ai remarqué aujourd'hui quand j'ai rédigé mes questions.
Alors, vous ne pouvez désigner de personnes en particulier représentant l'autre partie et qui se seraient opposées expressément et directement à M. Barbeau?
Mme Labelle: Non. Ces remarques provenaient de diverses sources et leur intensité était telle que j'ai estimé qu'il valait mieux pour tout le monde, surtout pour le ministère et l'intéressé, de lui demander de s'absenter quelque temps.
Le sénateur LeBreton: Vous étiez à la tête d'un gros ministère. Nous devrons interroger les futurs témoins sur cette question particulière au sujet de M. Barbeau, mais il y avait de toute évidence des conflits au ministère. Les témoignages entendus jusqu'ici l'ont démontré. De nombreux fonctionnaires n'ont ménagé aucun effort pour faire avancer ce processus, et d'autres, croit-on, auraient résisté. D'ailleurs, M. Bandeen, du groupe qui voulait se constituer en administration aéroportuaire locale, a déclaré que M. Chern Heed, un employé du gouvernement fédéral, était, et je cite:
[...] extrêmement perturbé par les négociations et par ce qui se passait.
Pour résumer ma question, le gouvernement a établi la politique, certains bureaucrates se sont efforcés de la mettre en oeuvre, mais d'autres avaient, de toute évidence, d'autres intentions. Je vous renvoie à un article publié dans le Globe and Mail, et que j'ai devant moi.
En tant que sous-ministre, cela vous préoccupait-il, et en tant que sous-ministre, qu'avez-vous fait à ce propos et au sujet d'autres bureaucrates que M. Barbeau?
Mme Labelle: Je crois que dans toute organisation, peu importe le dossier, on veut un débat sain. On veut un bon examen de toute l'information disponible, et mieux vaut avant qu'après.
Évidemment, à Transports Canada, tout comme dans n'importe quel autre ministère où j'ai travaillé, il y a eu (et je l'ai stimulé) un bon débat afin que tous les points de vue puissent s'exprimer et que, au bout du compte, nous puissions en profiter, en tant que sous-ministre ou qu'équipe de gestion, dans les conseils que nous donnons aux ministres.
Je dis toujours clairement aux fonctionnaires qui travaillent dans les mêmes ministères que moi (et je me le rappelle régulièrement à moi-même) que mon rôle consiste à faire en sorte que le ministre et le gouvernement aient la meilleure information possible, afin qu'ils puissent prendre des décisions éclairées.
Après que le gouvernement a tranché, je pense que c'est notre rôle de nous assurer que nous mettons en oeuvre la décision de politique d'une manière qui, en prenant ce cas-ci comme exemple, sert au mieux les intérêts des voyageurs, du gouvernement, des contribuables et de l'industrie du transport aérien.
J'ai certainement collaboré de très près avec M. Heed, puisque vous parlez de lui. En tant que directeur général de l'aéroport Pearson, M. Heed avait de nombreuses tâches importantes à accomplir. L'une d'entre elles consistait à veiller à ce que l'aéroport continue de bien fonctionner, au moment où bien des gens étaient très inquiets à l'aéroport (transporteurs aériens, locataires, employés), parce qu'ils ne savaient pas trop ce qui arriverait.
Il collaborait aussi étroitement à l'évaluation environnementale sur les pistes, rencontrant presque tous les soirs des groupes locaux qui voulaient savoir comment on s'y prendrait, quels seraient les incidences sur les collectivités. Il a aussi joué un rôle crucial comme source de renseignements au moment de la demande de propositions. Il a participé à l'élaboration de la demande et aux négociations, en fournissant beaucoup de renseignements très importants. Alors, quand j'y étais, Chern Heed n'a ménagé aucun effort pour s'assurer que tous ces dossiers progressaient en douceur et aussi rapidement que possible. Chern Heed savait très bien, je crois, comment les fonctionnaires... quel rôle joue un fonctionnaire dans le gouvernement national.
Le président: Madame Labelle, arrive-t-il un moment où un débat sain, comme vous l'appelez, doit être concilié, doit prendre fin?
Mme Labelle: Absolument, monsieur le président. Je pense qu'en tant que sous-ministre ou que gestionnaire à divers niveaux, notre rôle consiste entre autres à parvenir à un consensus. S'il est impossible de s'entendre, il nous incombe alors de clore la discussion au moment opportun.
Lorsque j'étais à Transports Canada, j'ai certainement été très bien servie par les hauts fonctionnaires du ministère, dans tous les secteurs, et sans aucun doute dans celui des aéroports. Ils travaillaient d'arrache-pied et subissaient des pressions énormes pour mener tous ces dossiers de front. Bien souvent, personne d'autre n'aurait pu le faire, parce qu'eux seuls avaient l'expérience, les connaissances pratiques. Il fallait donc en tirer le maximum. Pendant des mois, beaucoup d'entre eux n'ont pas pris de congé, durant les étés 1992 et 1991, par exemple.
Le président: Pouvez-vous indiquer si des fonctionnaires, peu importe leur niveau, ont préconisé avec intransigeance, jusqu'à la fin, une administration aéroportuaire locale plutôt que la privatisation commerciale de l'aéroport? Combien de temps ce comportement a-t-il duré? Combien de temps avez-vous pu faire preuve de ce que je qualifie d'"intransigeance", ou préconiser une administration aéroportuaire locale plutôt que le processus dans lequel vous étiez déjà engagés?
Mme Labelle: Pour ce qui est de l'aéroport Pearson, nous n'avions pas, sauf à la toute fin, de proposition finale de l'administration aéroportuaire locale à laquelle répondre. En ce sens, l'équipe qui s'occupait de négocier la cession de nos aéroports à des administrations aéroportuaires locales travaillait donc d'arrache-pied, non seulement pour céder les cinq aéroports aux quatre administrations, mais il y avait aussi plus d'une douzaine d'autres aéroports (à Winnipeg et Ottawa, par exemple, ainsi qu'à Thunder Bay et Moncton) où l'équipe, qui était assez petite, répondait déjà aux questions, les aidait dans leur travail parce qu'ils faisaient partie du prochain groupe dont nous allions nous occuper après la cession du premier groupe d'aéroports. Pour l'aéroport Pearson, les exigences étaient différentes, comme vous l'avez entendu de la bouche de M. Farquhar et d'autres, durant la période où j'étais là. À la fin, leur grande difficulté était de parvenir à un consensus entre les diverses municipalités. Ils y sont arrivés avec le temps, mais pendant presque toute la période où j'étais là, ce n'était pas encore le cas. Nous n'étions donc pas en mesure de comparer leur proposition à l'orientation que le gouvernement avait décidé de prendre à l'époque.
Le sénateur LeBreton: Merci, monsieur le président. Je poursuis.
Je rappelle simplement qu'il ne s'agit pas de la privatisation de l'aéroport international Pearson, mais de la location à bail de deux aérogares.
Vous avez établi une très bonne description des états de service de M. Chern Heed au gouvernement. Je reviens en arrière et souligne les propos de M. Bandeen, qui a indiqué qu'il était "extrêmement perturbé par les négociations et par ce qui se passait". C'est très intéressant de constater que ce même M. Heed faisait partie de l'équipe d'évaluation et a été l'un des signataires du document d'août 1992 déclarant que la meilleure proposition était celle de Paxport. Vous avez peut-être simplement oublié de le mentionner, mais cela me paraît très révélateur, alors, qu'il le signe, puis, comme vous l'avez déclaré, qu'il participe aux négociations, puis, à l'été 1993, fasse affaire avec ce qui n'est pas encore... vous savez, l'administration aéroportuaire locale n'a pas encore de directeur général. Pour lui, alors, à cette étape du processus, essayer d'intervenir dans... mais c'est quelque chose que nous devrons évidemment...
Mme Labelle: Monsieur le président, je ne peux pas parler de discussions qui auraient pu avoir lieu entre deux autres personnes.
Le sénateur LeBreton: C'est exact.
Mme Labelle: Certainement, pour le rôle que j'ai joué à Transports Canada, Chern Heed était indispensable dans tous ces dossiers et il a travaillé très fort pour les faire avancer tous.
Le sénateur LeBreton: Il a admis lui même qu'il faisait partie de ceux qui résistaient. J'ai presque terminé, monsieur le président.
Madame Labelle, vous avez été sous-ministre des Transports du 9 octobre 1990 jusqu'au 24 juin 1993, deux ans et sept mois pour être précise. Cela vous a probablement paru beaucoup plus long.
Pourquoi ce processus a-t-il été aussi long? Le 18 août 1989, plus d'un an avant que vous n'arriviez aux Transports, le gouvernement du Canada annonce une stratégie pour les aéroports du sud de l'Ontario, prévoyant des pistes et des travaux de rénovation aux aérogares 1 et 2.
Le 17 octobre 1990, une semaine après votre entrée en fonction au poste de sous-ministre, le gouvernement annonce qu'il cherchera à obtenir la participation du secteur privé dans les aérogares 1 et 2, grâce à une demande de propositions concurrentielles.
Dix-sept mois plus tard, le 11 mars 1992, le gouvernement fait officiellement une demande de propositions invitant le secteur privé à financer la rénovation des aérogares 1 et 2, et il donne aux proposants 90 jours pour répondre à cette demande.
À une réunion avec les parties intéressées, presque à la même période, à une séance du comité des transports de la Chambre des communes, le ministre Corbeil se montre publiquement disposé à prolonger le délai, et il le prolonge effectivement. Les 90 jours accordés pour présenter une proposition, ce qui nous aurait mené en juin 1992, ont été prolongés jusqu'au 17 juillet 1992, ce qui représente 127 jours. Si vous vérifiez dans les dossiers de votre ministère, vous constaterez que c'est plus que le délai moyen entre l'annonce d'une demande de propositions et la réception des propositions.
M. Lane et son équipe d'évaluation prennent la relève et, comme il l'a indiqué dans son témoignage, ils travaillent tout l'été de 1992, à l'intérieur d'un échéancier fixe qu'ils se sont imposés eux-mêmes. Ils évaluent les propositions et déclarent que celle de Paxport est la meilleure proposition globale. On est encore à l'été 1992.
Le 7 décembre 1992, le gouvernement annonce, à partir du rapport du comité d'évaluation, que Paxport a présenté la meilleure proposition globale et que, à certaines conditions, les négociations seront engagées.
Le 1er février, Paxport et ATDC, ou l'Air Terminal Development Corporation, fusionnent, et les négociations se poursuivent et aboutissent à une approbation du Conseil du Trésor le 27 août et à un communiqué le 30 août 1993.
Depuis la première annonce du gouvernement relative aux aérogares 1 et 2 en octobre 1990, deux ans et dix mois se sont maintenant écoulés. Vous étiez sous-ministre durant toute cette période, sauf du 24 juin au 30 août 1993.
Ma question est très simple. Pourquoi a-t-il fallu tant de temps?
Mme Labelle: Lorsqu'il a décidé de privatiser les aérogares 1 et 2 par une location à bail, le gouvernement a aussi décidé qu'il aimerait obtenir une évaluation environnementale pour les pistes avant de faire la demande de propositions. Cette évaluation devait être terminée peu de temps après octobre 1990. Elle devait parvenir à l'hiver ou au printemps 1991. Les dates ont été changées à quelques reprises, ce qui nous a amenés assez rapidement à l'automne 1991. À l'été 1991, le ministre des Transports à l'époque, M. Corbeil, a alors décidé que nous devions aller de l'avant et demander au Cabinet l'autorisation de faire une demande de propositions avant la fin de l'évaluation environnementale. Nous nous sommes alors mis au travail en tenant compte de cette décision.
Essentiellement, il y avait de nombreuses étapes. Celle-ci a reporté, probablement de près d'un an, l'émission de la demande de propositions, de sorte qu'on se retrouve beaucoup plus tard. On n'est plus en octobre 1990. On est en réalité en octobre 1991, et c'est à ce moment-là que le gouvernement a songé à ce qu'il voulait faire (comme vous le savez, le gouvernement a décidé durant l'hiver 1991), désolée, en 1992, de faire une demande de propositions, et la demande a été émise très peu de temps après cette décision en mars.
Le sénateur LeBreton: Il y a eu une attente d'un an.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Dix-sept mois en tout.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: C'est un échéancier un peu étrange, un peu long. Il s'agit de louer deux aérogares à long terme. Je fais une comparaison avec l'échéancier du gouvernement actuel pour la privatisation du CN, qui comprend beaucoup plus que deux aérogares et un aéroport. Ils ont déposé le projet de loi au début de mai et l'opposition et le Sénat ont collaboré. Nous avons adopté le projet de loi au Sénat. Le tout sera réglé à la fin d'octobre, selon leur échéancier. Il me semble donc que le processus a traîné en longueur dans le cas des deux aérogares, par rapport au "rêve national", au Canadien National, mais ce n'est qu'une opinion personnelle.
Mme Labelle: J'aimerais faire une observation au sujet du dossier du CN, monsieur le président, parce que nous avions commencé à nous en occuper avant mon départ.
Le sénateur LeBreton: C'est une autre politique du gouvernement fédéral inspirée des nôtres.
Le sénateur Kirby: Je pense que c'est simplement signe d'un bon gouvernement que tout se soit déroulé aussi rapidement.
Le sénateur LeBreton: J'ai déclaré que je ne peux m'empêcher de penser que si nous ne nous étions pas enlisés dans ce processus, que le processus ait été incomplet ou que le gouvernement l'ait simplement accepté et approuvé, il n'y aurait pas eu tout cela, les aérogares seraient réparées et tout le monde serait content. Je me demande souvent si cela aurait été un autre ALÉNA, un autre accord de libre-échange, une autre TPS, et cetera.
Enfin, une dernière question, madame Labelle. Durant la longue période (elle a dû vous paraître longue et je suis certaine qu'elle l'a été) où vous avez été sous-ministre, avez-vous pris toutes les mesures nécessaires pour vous assurer que les procédures gouvernementales étaient suivies, du mieux que vous le pouviez?
Mme Labelle: Oui, sans aucun doute.
Le sénateur LeBreton: Merci beaucoup. Je n'ai plus d'autres questions, monsieur le président.
Le président: Sénateur Hervieux-Payette, je vous en prie.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Bienvenue à la présidente de l'ACDI qui, autrefois, j'étais bien fière de travailler avec elle comme sous-ministre lorsque j'étais au gouvernement. Je dois dire qu'à ce moment-là, j'ai jamais trouvé que l'on mettait beaucoup de temps à résoudre les dossiers et à préparer les dossiers. On est arrivé pour l'Année Internationale de la Jeunesse en même temps que tout le monde. Alors, un petit commentaire pour dire que j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous, madame Labelle, et que l'exercice d'aujourd'hui, je pense que n'est pas fait dans l'intention de faire de la partisanerie, comme disent certains journalistes, mais plutôt pour nous permettre de réaliser le mandat qui nous a été confié au sein du comité du Sénat. Je dois dire que l'été se passerait plus agréablement ailleurs que devant ce comité qui, en fait, nous enterre un peu avec les documents.
Vous allez m'excuser, parfois je vais prendre un peu de temps à poser les questions parce que tous les documents sont en anglais. J'ai convenu de travailler avec cette langue parce que nos documents de travail, on va les chercher auprès du secrétaire de notre comité. Il faut quand même avouer que parfois, je dois dire, j'ai seulement la terminologie anglaise et que je ne fais pas de traduction simultanée, alors si il y a des inconvénients, j'aimerais mieux vous parler en français qu'en anglais parce que finalement, c'est plus facile et à l'occasion, peut-être, lorsque que ce sera plus technique de vous poser quelques questions en anglais, parce que je ne sais pas les termes français.
Au début, je pense, qu'une chose qu'on essaie vraiment de clarifier, c'est la question du 90 jours qui, tout d'un coup, on est devenu tout à fait efficace. En 90 jours, on devait tout régler la question et, par contre, on nous dit que Price Waterhouse nous avait donné un rapport à l'effet, une recommandation à l'effet que six mois étaient nécessaires pour aller de l'avant pour émettre la demande de soumission.
Je demande, est-ce que c'est sur votre recommandation que l'appel d'offre a été fait pour une période de 90 jours? D'où vient ce 90 jours ?
Mme Labelle: Le ministre Corbeil, qui était le ministre à ce moment-là, a décidé que ça devait être 90 jours et a aussi décidé que l'on devrait indiquer que nous serions prêts à donner une extension si une des compagnies ou des entreprises qui faisaient demande le demandaient. Donc, c'était une décision de notre ministre à ce moment-là.
Le sénateur Hervieux-Payette: On a même accéléré le processus, finalement, en passant outre l'étape qui avait été suivie dans le Terminal ... bon, comment ça se dit en anglais, Terminal 3, on a passé outre "the expression of interest" (là encore je ne sais pas le terminologie française, je suppose que la traductrice est mieux placée que moi pour le dire), et quel était l'avantage, ou en vertu de quelle recommandation qu'on a passé finalement à cette étape-là et de ne pas aller plus en profondeur ? Je pense que pour le Terminal 3, on avait eu six ou sept groupes et vraiment des consortiums importants de cinq, six, sept, huit partenaires qui avaient pris le temps de signer des lettres d'ententes et qui avaient formé des groupes. Comme ce processus-là avait été respecté pour le Terminal 3, de par quelles règles ou en vertu de quoi, finalement, on a pris la décision de passer cette étape-là ?
Mme Labelle: De passer à deux étapes ou une étape n'est pas un règlement interne, cela dépend beaucoup du type de projet qui est en cours. Très souvent, on va vers expression d'intérêt, lorsqu'on croit qu'il y aura un nombre assez grand d'entreprises qui feront demande et dont un certain nombre ne seront probablement ... seront probablement très loin de passer le seuil pour être considérées sérieusement et donc, ça devient une dépense importante pour ces firmes-là. Et aussi, c'est une dépense parce qu'on doit y mettre beaucoup plus de temps pour évaluer un plus grand nombre de propositions.
Dans ce cas-ci, le ministre Corbeil a décidé d'aller directement en appel d'offre pour des propositions chiffrées dès le départ.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mon expérience antérieure avec le groupe SNC, c'est que cette étape-là, parce que l'on a passée à des étapes semblables dans le passé avec cette firme, permettait de faire plus ou moins une étude préfaisabilité qui coûtait beaucoup moins cher et de voir, finalement, si le projet était faisable autant sur le plan technique que financier et que si on voulait poursuivre l'expérience, donc, tant pour les proposeurs que pour le gouvernement, c'était une étape, c'est une étape, en fin de compte, pour les projets d'envergure, les projets majeurs de plusieurs centaines de millions qui, en fin de compte, pour les groupes qui proposent. Vous dites que le ministre Corbeil, à ce moment-là, croyait que le marché... finalement, il doit y avoir une raison qui a fait qu'on a eu seulement trois propositions dont une n'a pas été retenue. Finalement, comparativement à Terminal 3, est-ce qu'il y a eu, finalement, un malaise suite à l'autre proposition, qui a fait que maintenant, les gens qui auraient pu avoir un intérêt se sont abstenus de faire des propositions dans cette phase-là ?
Mme Labelle: C'est difficile de savoir si certaines firmes qui avaient démontré un intérêt les années précédentes, pourquoi elles n'ont pas fait demande à ce moment-là, on ne c'est vraiment pas. Mais entre autres, BAA, British Airport Authorities, avec un consortium canadien était intéressé, allé jusqu'à peu près six ou huit mois avant que la requête soit émise, l'appel d'offre soit émise. Ils ont décidé vraiment de fermer leurs portes ici. Ils avaient du personnel sur place, ainsi de suite. Donc, eux ont décidé de ne pas faire appel. Il n'y avait pas un très grand nombre, parce que ça demandait quand même des groupes assez spécialisés ou, du moins, des regroupements assez spécialisés. Je pense que le ministre Corbeil pourra probablement répondre à cette question. Je pense que son point de vue était que l'on n'aurait probablement pas un grand nombre de demandes. Enfin, je pense qu'il pourra répondre lui-même.
Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord. On a parlé tantôt du processus d'évaluation environnemental. Finalement, on parlait de moderniser deux terminaux et également de construire des pistes. Selon vous, qu'est-ce qui, finalement, pouvait causer, si vous voulez, des délais ?
D'une part, vous avez dit tantôt vous avez pris du temps avant faire l'évaluation, est-ce que c'est parce que les termes de référence pour faire l'évaluation, il faut quand même soumettre à l'équipe d'évaluation quel projet on va évaluer, d'une part, et, d'autre part, évidemment il y a l'impact sur l'environnement de constructions nouvelles versus aussi du trafic additionnel.
Si j'en crois, finalement, les autorités de ce qu'on a vu dans la documentation, que les autorités de Mississauga n'étaient pas très intéressées d'avoir plus de trafic parce que, évidemment, quand les avions nous passent au-dessus de la tête, c'est un peu plus déplaisant que lorsqu'on habite à plusieurs milles. Donc, cette étude-là était quand même très importante. Comment se fait-il que cette étude-là, finalement, on a eu deux positions: on a eu la position, si je souviens bien, on a une lettre du ministre Lewis qui, d'une part, dit que c'est entendu que le gouvernement n'ira pas de l'avant, il ne démarrera pas le projet tant et aussi longtemps que cette évaluation environnementale ne sera pas faite. Je pense bien qu'il prenait les intérêts des gens de la région. Et, d'autre part, un peu plus tard, on a décidé de procéder quand même avec un appel d'offre pour un projet de plusieurs centaines de millions sans avoir les résultats de cette évaluation environnementale.
Alors, d'où sont venues les directives de procéder immédiatement? Et quelles en étaient les raisons?
Mme Labelle: Cette étude environnementale était d'envergure. Elle était importante. C'était un sujet épineux pour cette région, comme vous l'avez dit, et donc le panel qui avait été nommé a demandé à différentes reprises pour de l'information supplémentaire, parce que lorsqu'ils ont eu des audiences préliminaires pour essayer de voir quelle sorte d'information est-ce qu'ils devraient nous demander de leur apporter, voir si on avait ce qu'il fallait, ils ont décidé qu'ils voulaient de l'information supplémentaire à deux reprises. Donc, à ce moment-là, nous on a tout mis en branle, tout activé pour rapidement organiser cette information supplémentaire.
Mais, ensuite lorsque l'été est arrivé, le panel a décidé que ce n'était pas dans le meilleur intérêt d'avoir des audiences l'été, encore là, ça l'a retardé ensuite, c'était des élections municipales, ils ont retardé à nouveau. Donc, il y avait toujours des choses qui s'enchaînaient. Et donc, c'est suite à l'arrivée du ministre Corbeil au ministère des Transports, que lorsqu'il a étudié cette situation, que lui est arrivé à la conclusion qu'il voulait aller de l'avant, il voulait que l'on aille avec un mémo au Cabinet, à ses collègues, pour étudier cette situation-là et arriver à une décision à savoir... que le gouvernement voulait arriver à une décision à savoir, est-ce qu'il continuait d'attendre que le panel ait terminé son travail ou est-ce qu'il allait de l'avant. Le gouvernement a décidé d'aller de l'avant, et à ce moment-là, c'est pour cette raison que l'on a inclus dans le demande d'appel, les deux options pour essayer de vraiment protéger le gouvernement si vraiment on n'avait pas une réponse positive de la part du panel.
Le sénateur Hervieux-Payette: Et ça, ça voulait dire que les plans préliminaires des pistes d'atterrissage nouvelles étaient déjà faits, que le ministère avait déjà finalement soumis ses devis-là pour que l'étude d'impact soit faite et on supposait que ... qui finançait à ce moment-là les nouvelles pistes ?
Mme Labelle: Nous étions en discussion avec le ministère des Finances depuis déjà un bon bout de temps pour trouver la meilleure solution pour financer les pistes, parce qu'encore là, il y avait différentes options; soit que le gouvernement décide d'en faire un projet du gouvernement et de le financer à partir des fonds consolidés, ou encore de mettre, de demander aux lignes aériennes et aux passagers de payer des frais spéciaux, spécialement pour cela ou, troisièmement, de demander au secteur privé de prendre ce projet de construire, gérer même, pendant un bout de temps et éventuellement, probablement, remettre au gouvernement les pistes.
Donc, pendant cette période, la question du financement a été un débat, des discussions constantes pour essayer d'arriver à une meilleure solution possible qui serait à l'avantage de tout le monde.
Le sénateur Hervieux-Payette: Moi ce que j'en ai compris, c'est qu'il y avait pratiquement deux projets: la modernisation, la mise en bon état des terminaux, d'une part, et la construction éventuelle de pistes qui pourrait avoir lieu presque simultanément sans avoir déterminé qui le ferait et aux frais de qui, sachant qu'un jour ou l'autre, de toute façon, ça serait l'utilisateur qui paierait.
Mais la question que je me pose, est-ce qu'il y avait ... lequel des deux contrats, finalement, avait le plus d'urgence, puisque on nous dit qu'il y avait urgence et tantôt vous avez dit, moi je suis entrée en octobre, le nouvel aéroport... le Terminal 3 commençait ses opérations en février, donc je suppose qu'au printemps suivant, est-ce qu'il y avait toujours la même urgence sur l'engorgement ? Comment définiriez-vous l'urgence, finalement, de procéder, parce qu'il me semble qu'on est confus un peu à savoir qu'est-ce qui était urgent? Qu'est-ce que qui faisait qu'on aurait pu vous accuser de prendre votre temps ?
Mme Labelle: Ce qui était, à ce moment-là, avec la récession, l'ouverture du Terminal 3, nous avions plus d'espace que nécessaire. Cela aurait toujours été très difficile d'évaluer quel serait le trafic éventuel. Et donc, il est certain que, à un certain moment, c'est important d'assurer qu'on ne serait pas à nouveau dans une impasse comme on l'avait été pendant les années 1980, la fin des années 1980.
Disons que ce qui était probablement ... la partie qui était le plus urgent, c'était de faire des réparations au Terminal 1, qui était en désuétude, surtout le stationnement. Il y avait certains aspects, les portes, le système d'électricité, qu'il fallait remettre à point, ainsi de suite. Donc, si on parle d'urgence immédiate, le Terminal 1 avait besoin d'être retapé, du moins dans certaines de ses fonctions.
Les pistes étaient importantes du point de vue d'être capables d'avoir, de garder et d'augmenter les capacités de Pearson dans son ensemble. D'optimiser, comme on disait tout à l'heure, le rôle que Pearson pouvait jouer dans le sud de l'Ontario et assurer que le Canada n'était pas au second plan, surtout vis-à-vis le trafic qui pouvait passer par les États-Unis pour quitter le Canada pour aller dans d'autres pays. Donc, c'est important pour nous de s'assurer que Pearson fonctionnait bien.
Donc, vraiment l'urgence immédiate c'était vraiment Terminal 1, au moins sur une base essentielle. Ensuite, c'était vraiment les pistes pour assurer une longue vie à Pearson et aussi, évidemment, la modernisation de tout, le Terminal 1 et 2, et de s'assurer que les trois terminaux fonctionnaient comme un tout, bien interreliés, ainsi de suite.
Le sénateur Hervieux-Payette: En ce qui concerne la... je comprends bien la définition de l'urgence des problèmes, mais T2, le Terminal 2, lui, a été... la question a été réglée, finalement, par des ententes avec Air Canada. Et, il me semble que Air Canada était satisfait, finalement, de l'entente qui était intervenue avec le ministère et que, quant à eux, cette formule-là de travailler avec le ministère et d'investir conjointement, finalement, pour la modernisation du Terminal 2, avait bien fonctionné. Donc, cette question-là pouvait être réglée à la satisfaction du client principal, qui était pratiquement le seul, finalement, du Terminal 2. Donc, il restait, finalement, le Terminal 1 à trouver une solution. Mais, qu'est-ce qui restait, finalement, si demain matin, si au lendemain d'avoir dit on démarre tout cela, et que on donne T 1 et T 2 à l'entreprise privée, qu'est-ce qui reste, finalement, pour la politique officielle du ministère qui s'appelait la "Local Airport Authority"? Qu'est-ce qui restait à gérer si les pistes étaient construites, si les terminaux étaient mis en place et que presque tous les revenus qui étaient générés par les trois terminaux, finalement, étaient déjà ... est-ce qu'il restait quelque chose à gérer, finalement, pour un "Local Airport Authority" ?
Mme Labelle: Disons que ce qui serait resté à gérer, c'était l'attribution des lignes aériennes à différents terminaux, l'accès à transport, le secteur 4, qui était un secteur qui n'avait pas été transféré, et puis les terres. Et, dépendant de ce qui serait arrivé aux pistes, si les pistes étaient privatisées avant, qu'une autorité locale prenne le contrôle de Pearson, si c'était ça qui était arrivé, à ce moment-là, il y aurait eu les pistes aussi. Mais disons que les trois terminaux auraient déjà été dans les mains de trois ou de deux entreprises ou de une, en fait ce qui est arrivé à la fin.
Le sénateur Hervieux-Payette: À votre connaissance, est-ce que l'entité là des "Local Airport Authority", est-ce qu'ils ont participé? Est-ce qu'ils ont eu un "input" ? Est-ce qu'ils ont... finalement, on a eu deux versions, finalement, que certains disaient qu'ils étaient pas capables de s'accorder et d'ajuster ou d'accorder leurs violons, comme on le dit en français, ou encore est-ce que, finalement, ils auraient pu participer au processus, avoir un mot à dire et vous assurer, finalement, d'avoir au niveau local un consensus sur le développement de l'aéroport, plutôt que la perception qu'on a de Montréal, qui voyait toujours Toronto comme la ville idéale où tout le monde s'entendait, on trouvait ça un peu bizarre d'entendre, je trouvais ça un peu bizarre d'entendre que, finalement, Toronto s'entendait pas et c'est ce qui avait fait que l'on avait eu cet appel d'offre pour régler la guerre entre les municipalités, alors qu'à mon avis, les témoignages que j'ai eus de ces gens-là, c'est que eux étaient prêts et que, à tout le moins, s'ils n'avaient pas l'administration, ils auraient voulu avoir un mot à dire dans le processus d'appel d'offre. Alors, à ma connaissance et ça, je vous pose la question, est-ce qu'ils ont participé, à un moment ou à un autre, dans l'élaboration du processus d'appel d'offre ? Est-ce que leurs considérations, leurs inquiétudes ont été prises en considération dans la rédaction du processus d'appel d'offre ?
Mme Labelle: Ils n'ont pas participé dans le processus d'appel d'offre à aucun moment, à ma connaissance. Donc, non, ils n'étaient pas là.
[Traduction]
Le président: Et pourquoi, madame Labelle?
Mme Labelle: Nous attendions encore qu'ils constituent une organisation que le gouvernement pouvait reconnaître comme une organisation dûment constituée. C'était la question à régler à l'époque.
Le président: Oui, ils n'ont pas participé parce qu'ils n'étaient pas reconnus.
Mme Labelle: Ils n'étaient pas reconnus.
Le président: D'accord. Et il y avait une bonne raison à cela?
Mme Labelle: Ils n'étaient pas reconnus parce qu'ils n'avaient pas convaincu le ministre qu'ils remplissaient toutes les exigences de base. Je pense qu'un obstacle important était le fait qu'il y avait encore une approbation conditionnelle de Mississauga, vers la fin tout au moins. Auparavant, il y avait d'autres problèmes, mais ils avaient réussi à les régler. Mais cette difficulté-là n'avait pas encore été surmontée à la fin de mai.
Le président: Vous étiez tout à fait d'accord avec le ministre qu'il fallait des résolutions inconditionnelles des gros joueurs et qui respectaient les exigences du ministère, de votre ministère?
Mme Labelle: Oui, les gros joueurs étaient importants. La ville de Mississauga était très importante, parce que la plus grande partie de cet aéroport, sauf une petite parcelle, se trouve dans cette municipalité. Il importait donc que Mississauga soit tout à fait d'accord. Le ministre de l'époque a donc jugé important de ne pas les reconnaître tant que toutes les grandes municipalités et régions n'avaient pas adopté des résolutions inconditionnelles.
Le président: Oui. Mississauga a évidemment continué à insister pour que l'aéroport des îles de Toronto soit inclus avec l'aéroport Pearson.
Mme Labelle: Oui.
Le président: Vos fonctionnaires ont déclaré la semaine dernière que c'était impossible.
Mme Labelle: Oui, parce que nous n'étions pas les seuls propriétaires de l'aéroport des îles. Dans le cas de Montréal et de Mirabel, les deux aéroports nous appartenaient, alors c'était plus facile de les unir.
Le sénateur LeBreton: Une question supplémentaire, monsieur le président, avec votre permission.
Le président: Oui.
Le sénateur LeBreton: Le ministre, le ministre Corbeil à l'époque, n'a-t-il pas écrit au maire de Mississauga, Mme McCallion, pour lui demander de renoncer à cette exigence et lui indiquer que, si elle le faisait, il reconnaîtrait l'AAL?
Mme Labelle: Je pense que oui, monsieur le président, mais j'aimerais vérifier notre correspondance. J'ai beaucoup de correspondance sur cette période.
Le sénateur LeBreton: Je pense que vous trouverez cette lettre.
Le président: Sénateur Hervieux-Payette.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: Pour le bénéfice de ceux qui peuvent nous écouter, je pense que Toronto Island Airport, ce n'est pas dans la municipalité de Mississauga, ce n'est pas du tout sur le territoire de Mississauga, c'est l'aéroport local qui est dans le lac Ontario et où on atterrit avec des petits avions et qu'on doit prendre un petit bateau pour se rendre sur la terre ferme. Bon, pour être bien sûr que l'on s'entend bien, même si Mississauga en faisait une condition, ce n'était pas un aéroport qui était situé sur son territoire et c'était un aéroport, finalement, où il y avait du trafic aérien effectivement, mais qui n'appartenait pas au gouvernement fédéral, mais qui appartenait à la ville de Toronto?
Mme Labelle: Nous y sommes en partie impliqués, la ville de Toronto est impliquée, nous y sommes aussi, mais la ville de Toronto est un gros joueur.
Le sénateur Hervieux-Payette: Il est important de savoir, et la ville de Mississauga, son objection venait de l'expansion, donc, à ce moment-là, est-ce qu'ils ont été consultés sur la mise en place d'un appel d'offre pour répondre aux exigences de la ville de Mississauga ?
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Hervieux-Payette: Alors, donc...
Mme Labelle: Ils ont été très impliqués, par exemple, pour toute la question de la revue environnementale sur les pistes. Ils ont été impliqués dans le développement du plan de Pearson, dans le développement de la stratégie pour le sud de l'Ontario. Comme tous les autres, ils ont été très impliqués dans tous ces éléments-là.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je vais sauter une petite étape et arriver au moment où, finalement, on a quand même beaucoup parlé de Paxport, on a parlé de la viabilité financière et, finalement, on est arrivé à l'opinion que Paxport avait besoin de renfort. Donc, qui a fait cette décision que Paxport avait besoin de renfort ? Est-ce que c'est une recommandation que vous avez fait aux autorités gouvernementales ou si... d'où est venue cette idée que Paxport ne pouvait pas supporter une opération financière de cette envergure ?
Et, finalement, qui a fait que l'on a invité le deuxième soumissionnaire, le seul qui est en liste, à se joindre à Paxport ?
Mme Labelle: Je voudrais juste peut-être donner un tout petit peu d'information, si vous le permettez, qui touche cette question-là et ensuite arriver à votre question.
Comme vous le savez, la firme de Richardson, Greenshield, avait été embauchée pour participer ou aviser l'équipe qui faisait l'évaluation des appels d'offre. Et, à ce moment-là, ils ont regardé toute la question de force, de frappe financière des deux groupes et, évidemment, de Paxport en particulier. Et eux, leur recommandation à la fin, c'est qu'avec l'information qu'ils avaient et que l'on ne peut pas en avoir plus, au moment où on fait un appel d'offre, il y a quand même des limites sur l'information qui nous est accessible, et surtout quand les compagnies sont privées comme celles-là l'étaient presque toutes, inclus du côté de Claridge, mais on avait de l'information que l'on a normalement. Et eux nous ont recommandé, ou ils ont déterminé, leur conclusion était que ces deux compagnies-là, ces deux consortia étaient capables d'entreprendre ce projet.
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est eux qui ont recommandé le mariage ?
Mme Labelle: Non. Non, non, excusez-moi, que chaque groupe qui avait fait appel était capable d'entreprendre financièrement ce projet-là. Comme vous le savez, lorsque à la fin ... au début décembre, que le gouvernement a annoncé que Paxport était le groupe qui avait la meilleure proposition dans son ensemble, à ce moment-là, le gouvernement a aussi spécifié qu'il voulait que la question de viabilité financière de la proposition soit démontrée avec encore plus de précision qu'on pouvait le faire pendant l'appel d'offre, et, à ce moment-là, nous avons embauché la firme de Deloitte & Touche pour nous aider dans cet effort et, évidemment, on avait laissé à la firme Paxport ou au groupe Paxport la responsabilité de vraiment démontrer eux-mêmes, d'apporter les instruments qu'il fallait, l'information qu'il fallait et ils ont travaillé de près avec Deloitte & Touche. Et, c'est pendant cette période de janvier 1993, que les deux compagnies sont revenues, que les deux groupes sont revenus et, à ce moment-là, m'ont informée à la mi-janvier qu'ils étaient en discussion et de là, nous avons eu un nombre de rencontres avec eux et, évidemment, de transactions, jusqu'au moment où ils m'ont écrit pour me dire qu'ils étaient maintenant un ou une, un groupe et qu'ils travailleraient à partir de la proposition de Paxport et seraient, en fait, un groupe unique.
Donc, c'est pendant cette période de fin décembre-janvier que les deux firmes nous sont revenues, me sont revenues à moi. Moi, je n'ai pas eu de rôle à créer des mariages à ce moment-là. Donc, je ne les ai pas invitées à travailler ensemble.
Le sénateur Hervieux-Payette: À votre connaissance, au niveau ministériel, il n'y a pas eu de contact pour leur dire: Écoutez, nous on a un projet?
Mme Labelle: Sûrement pas. Les fonctionnaires de Transports Canada, à ma connaissance, on ne leur a pas demandé de s'unir.
Le sénateur Hervieux-Payette: Merci. Une petite question, monsieur le président, à savoir qui a fait les fameux "booklets", les 35 "booklets" pour l'évaluation. À la première étape, j'ai demandé à plusieurs reprises à des gens qui ont utilisé ces "booklets"-là, en particulier le groupe RCMP la semaine dernière, et je n'ai jamais su qui les avait préparés et qui avait fait la feuille de pointage. Comme les personnes qui les ont utilisés et les personnes qu'on a interrogées n'ont jamais pu me répondre, je profite de votre venue pour poser cette question.
Mme Labelle: Le comité d'évaluation, qui a été formé sous la direction de Ron Lane, que vous avez rencontré, et ayant comme coprésident Chern Heed, ont préparé les critères et ont ajouté le pointage à ce moment-là. Donc, c'est ces équipes-là. C'est parce qu'il y avait un comité d'évaluation, comme vous savez, avec différents sous-comités qui ont fait ce travail-là.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ils ont préparé ces "booklets", ces petits cahiers?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: Et qui vous ont été, je suppose, soumis pour approbation et qui sont allés jusqu'à quel niveau dans l'administration? Est-ce que c'est monté jusqu'au niveau du ministre?
Mme Labelle: Mon rôle à moi a été de s'assurer qu'on avait une équipe en qui nous avions confiance, que le processus, l'approche, était établie et en était une qui nous amènerait à choisir, on espérait, la meilleure proposition et d'une manière objective et impartiale, et que l'ensemble nous permettrait d'arriver à des conclusions valides.
Lorsque ce travail a été complété, j'ai demandé de juste voir l'ensemble pour être satisfaite que le tout se tenait, et j'ai informé M. Corbeil et je lui ai donné... Il a eu un "brefage" sur l'approche, non pas en détail, mais pour l'informer pour qu'il puisse lui aussi être à l'aise que nous avions en place ce qu'il fallait. Donc, en gros, c'est l'approche qui a été suivie.
Le sénateur Hervieux-Payette: Qui avait recommandé la sélection de Richardson Greenshields et RCMP dans ce processus-là? D'où sont venues les recommandations?
Mme Labelle: Richardson Greenshields, c'est venu de l'équipe d'évaluation tandis que RCMP, Raymond Chabot, c'est une décision du ministre.
Le sénateur Hervieux-Payette: Donc, on a fait un petit "caveat" avec les "booklets". On parlait de la viabilité financière et de Paxport et du mariage. L'appel d'offre, la proposition de Paxport et le contrat final de la nouvelle compagnie, la Newco, est-ce qu'on parle des mêmes choses? Est-ce qu'on a des choses identiques ou à peu près, ou s'il y a des variables importantes et quelles sont les variables importantes?
Mme Labelle: Je dois vous dire que le contrat final, je n'étais plus à Transports lorsqu'il a été rédigé. Par contre, j'étais là lorsque les négociations battaient bon cours. Il est évident que, lors de négociations comme celles-là, on retrouve dans un contrat final bien souvent des choses qui sont supplémentaires, des choses qui sont différentes de ce qu'il y a dans la proposition initiale.
La proposition initiale est celle qui nous permet vraiment de choisir la meilleure proposition dans son ensemble, tandis que le contrat, bien souvent, dans un contrat, on retrouve des changements qui peuvent être importants. C'est là qu'il y a une différence entre, comme vous le savez, une question d'un contrat de services et un contrat pour acheter de l'équipement. Quand on achète de l'équipement, c'est beaucoup plus facile de prendre cette décision, tandis qu'un contrat de services comme celui-là a plusieurs éléments et demande des négociations qui peuvent amener des changements. Et cela a sûrement été le cas dans cette situation.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ce que moi je peux en déduire, c'est qu'il y avait quand même des changements considérables entre l'appel d'offre, les termes de référence entre la proposition Paxport, puis, finalement, le mariage des deux. Je pense qu'on ne parle à peu près pas du même contrat et des mêmes termes de référence. Je suppose que pour l'approbation, il faut suivre la même filière à l'intérieur du gouvernement, il faut refaire le cheminement pour faire l'approbation de la proposition financière. Mais on posera la question à la personne qui suit.
Mme Labelle: Je voudrais peut-être, monsieur le président, juste ajouter qu'au moment où j'étais à Transports, c'était à partir de la proposition de Paxport que les négociations se faisaient, et non pas un mélange des deux propositions, qui étaient celles de Claridge et de Paxport. Et pour nous, c'était important, justement pour souligner le point que vous venez de faire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mais si on a un petit peu de mémoire, on se souvient quand même que dans le cas de la proposition de Huang et Danckzkay, qui a le Terminal 3, on avait commencé avec un contrat de 300 millions et, dans la correspondance que je lisais de M. Hession, vous mettait en garde en disant: Ecoutez, la transaction s'est terminée à 520 millions et, à ce que je sache, en général, ça coûte un peu plus cher aux utilisateurs quand on a une différence de coûts.
Je pense que dans le cas présent, il y avait d'abord des joueurs qui avaient quitté le bateau au moment du Newco et que certains investisseurs ont laissé tout simplement et n'ont pas investi, n'ont pas continué dans la transaction. Comme je vous dis, je ne veux pas poser de questions sur la transaction finale, puisque vous n'y étiez pas à ce moment-là. Mais c'est important quand même de faire le point.
Une petite question.
[Traduction]
...et pour m'assurer que mes amis de l'autre côté comprennent... et ils excellent habituellement dans ce genre de questions. Des membres du personnel politique ont-ils tenté de faire partie de l'équipe de négociation du contrat? Y a-t-il eu des interventions de cabinets de ministres, votre ministre ou d'autres, pour que des gens fassent partie de l'équipe de négociation?
Mme Labelle: Le cabinet de notre ministre n'a pas demandé à participer à l'équipe de négociations. Nous nous sommes assurés que le chef de cabinet du ministre était informé de ce qui se passait. Michèle LeMay était chef de cabinet à ce moment-là.
À un moment donné, une personne que nous pensions être encore chef de cabinet de M. Jelinek a voulu participer aux négociations. Nous avons refusé, mais nous avions appris entre temps qu'il n'était plus chef de cabinet. Il avait quitté quelques semaines auparavant, et je pense qu'il travaillait pour le groupe Matthews, mais s'intéressait davantage aux pistes qu'à l'aéroport.
Le sénateur Hervieux-Payette: Au cours des négociations, aviez-vous des réunions périodiques avec certains de vos collègues hauts fonctionnaire ou du Conseil privé, afin de les informer et qu'ils puissent suivre l'évolution des négociations avec la nouvelle compagnie?
Mme Labelle: Oui, nous rencontrions périodiquement des gens du Bureau du Conseil privé pour nous assurer qu'ils savaient comment nous procédions, comment avançait ce dossier en général. D'habitude, nous profitions de ces réunions pour inviter le Conseil du Trésor et parfois les Finances, c'était selon, afin qu'eux aussi restent informés de l'évolution du dossier.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans de nombreux documents, nous voyons que des pressions s'exerçaient à cause des délais, de l'urgence. Il semble qu'en mars 1993, de fortes pressions aient été exercées en vue de conclure une entente. De qui, d'où provenaient ces pressions? La demande de propositions avait été faite. Le contrat allait être accordé sous peu. Il était en train d'être négocié. À la fin, qui exerçait des pressions pour que l'opération aboutisse? Diriez-vous que des personnes, des membres du personnel du premier ministre, M. Mulroney, sont intervenus?
Mme Labelle: Dès le début, notre ministre a voulu expédier ce dossier, tout comme d'autres. Je pense que les ministres aiment voir les décisions s'appliquer rapidement. Il ne faisait donc aucun doute que les cessions aux administrations aéroportuaires locales et ce dossier en particulier étaient importants et des enjeux très très élevés. Donc, les échéances que nous nous fixions étaient toujours difficiles à respecter parce que nous n'étions pas la seule partie à la table. De nombreux avocats et comptables essayaient de donner des conseils sur la meilleure façon de procéder.
Personnellement, je n'ai pas subi de pressions de la part du premier ministre.
Le sénateur Hervieux-Payette: Diriez-vous que vous aviez une espèce de date limite pour conclure l'opération?
Mme Labelle: Nous nous étions fixé plusieurs échéances, et le gouvernement en a fixé lui aussi au cours de ce projet. Lorsque la demande de propositions... lorsque la décision a été prise d'informer Paxport qu'ils avaient la meilleure proposition globale, on a estimé à ce moment-là que, quelques mois plus tard, au printemps, vers la fin du printemps 1993, l'accord serait signé.
Évidemment, lorsque les deux entreprises ont fusionné, et elles ont dû procéder elles aussi avec diligence, parce que plusieurs questions devaient être éclaircies, notamment comment l'opération serait financée, lorsque nous avons commencé à régler ces questions, à être certains que les deux entreprises ne faisaient plus qu'une, le printemps était déjà bien avancé. On était rendu en mars. D'ailleurs, le temps passait et, à cause de toute cela, nous n'étions pas... nous n'avions toujours pas conclu une entente. Il y avait des pressions pour que cette grande entreprise aboutisse, mais, d'une certaine façon, plusieurs facteurs ont freiné les progrès en cours de route.
Le sénateur Hervieux-Payette: Comment a-t-on réglé la question du droit de la concurrence? De fait, je vois de nombreuses lettres d'Air Canada, qui est certainement mal à l'aise face à la possibilité qu'une seule entreprise exploite les trois aérogares et ne lui laisse aucune chance de négocier et qu'elle devienne en quelque sorte prisonnière de ce propriétaire unique des trois aérogares. Comment a-t-on réglé cette question à l'époque?
Mme Labelle: Oui.
Nous avions informé le Bureau de la concurrence au moment de l'émission de la demande de propositions, afin qu'il sache qu'il devrait un jour examiner les résultats de cette demande. Puis, le 1er février, je crois, lorsque les deux entreprises nous ont informés qu'elles étaient en train de fusionner, que les démarches étaient avancées, nous en avons informé le Bureau de la concurrence. Nous avons aussi informé Paxport et Claridge et la nouvelle entreprise fusionnée qu'elles devraient rencontrer rapidement le Bureau de la concurrence, ce qu'elles ont fait, afin de s'assurer que leur fusion était conforme à la loi. Elles l'ont fait au printemps, elles ont eu plusieurs réunions avec le Bureau de la concurrence.
Le sénateur Hervieux-Payette: Mais en même temps, l'une des exigences des nouveaux propriétaires des aérogares 1, 2 et 3 était qu'on ne construise pas d'aéroport dans un certain rayon, ce qui limitait certainement la concurrence. C'est ainsi que je comprends la situation. En même temps, s'assurer que... et les prévisions de la clientèle future n'étaient certainement pas faciles à faire, comme vous l'avez déjà indiqué.
Mme Labelle: Dès le début, lorsque nous avons communiqué avec lui, le Bureau de la concurrence nous a indiqué qu'il devait voir la proposition finale avant de pouvoir se prononcer à son sujet. Il ne croyait pas qu'il devait rendre une décision si tôt, il estimait que cela devait venir beaucoup plus tard, alors il fallait... le Bureau de la concurrence a participé à deux reprises, d'abord lorsque les deux entreprises ont fusionné et, je suppose après mon départ, lorsqu'il y a eu une entente à lui présenter, avant qu'elle ne soit signée.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous êtes partie en juillet, comme vous l'avez indiqué...
Mme Labelle: Le 24 juin.
Le sénateur Hervieux-Payette: Juin 1993.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dans votre jargon de fonctionnaires, on m'a dit que vous aviez l'un des niveaux les plus élevés pour un sous-ministre, soit le niveau DM3. Vous êtes devenue présidente de l'ACDI. C'est un poste de DM2 ou DM1. Est-ce considéré comme une promotion? Pourquoi est-ce arrivé au milieu d'une transaction? Une mutation faisait-elle partie de votre plan ou de votre carrière et tombait-elle du ciel? Je sais que vous faites de l'excellent travail, mais pourquoi cette mutation si près de la conclusion d'une des plus importantes transactions... nous savons évidemment que M. Barbeau a été écarté du dossier, et cetera. On a donc certainement l'impression que le moment n'est pas particulièrement bien choisi. Si j'étais présidente d'une entreprise, je ne déplacerais pas un vice-président juste avant de conclure un marché. J'attendrais que le marché soit conclu. Pouvez-vous nous donner des explications?
Mme Labelle: Comme le savent les sénateurs, les sous-ministres sont nommés au gré du premier ministre. On nous mute dans un autre ministère de la même façon. Je pense que les sénateurs devraient le demander au premier ministre de l'époque et au conseiller spécial du premier ministre, qui était greffier du Conseil privé, Glen Shortliffe. On ne m'a pas donné de raisons. Plusieurs sous-ministres ont été mutés ce jour-là.
Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord. Nous approchions d'une élection, alors je suppose que c'est souvent le moment de déplacer les gens.
Lorsque M. Barbeau a été écarté, et c'est pourquoi je fais le lien entre les deux pour essayer de comprendre, et après vous avoir entendue déclarer que c'était pour le protéger (j'ai dans mes cahiers certaines lettres de Paxport indiquant qu'ils se préoccupaient de la lenteur et de leur propre) et je lis la même chose dans les notes qui nous ont été envoyées avant le témoignage de M. Broadbent. J'ai pris le temps de les lire ce midi, et lui aussi indique qu'il avait l'impression que les gens n'étaient pas trop... "Je m'étais déjà plaint quelquefois du manque de coopération ou de l'obstruction du Groupe des aéroports". Vous avez mentionné que vous étiez très contente, très satisfaite de votre équipe. Alors, M. Broadbent participait directement, il était votre négociateur en chef, et il a déclaré qu'il y avait de l'obstruction, et vous nous affirmez que le groupe a fait un excellent travail, que tout le monde travaillait fort. Alors, quelle version... comment puis-je les concilier?
Mme Labelle: Je parlerai d'abord de Paxport, puis commenterai les remarques de M. Broadbent.
En ce qui concerne Paxport, il faut se rappeler que cette société avait soumissionné pour l'aérogare 3 quelques années plus tôt et que son offre n'avait pas été retenue. C'était au milieu des années 80. Ils s'intéressaient donc... pour eux, ils s'intéressaient depuis longtemps au réaménagement de l'aéroport Pearson.
Comme l'a indiqué le sénateur LeBreton, même après que la décision a été prise, pour diverses raisons, le processus a été retardé. Il y avait d'abord l'évaluation environnementale. Puis, les deux entreprises ont fusionné; pour donner quelques exemples. Je pense que Paxport espérait d'ailleurs des progrès beaucoup plus rapides que ce qui s'est passé en réalité. Je n'ai pas été surprise par la correspondance qu'ils nous ont adressée.
En ce qui concerne M. Broadbent, cette remarque (j'ai vu), comme vous, on m'a remis copie de sa déclaration à votre comité. J'aimerais vous situer un peu le contexte de ses remarques.
Le président: Madame Labelle, c'est M. Broadbent qui vous a remis copie de son témoignage, personne d'autre?
Mme Labelle: Oui, c'est M. Broadbent, par politesse, qui m'a envoyé copie de ses remarques. D'ailleurs, il l'a fait hier.
Le président: Veuillez poursuivre.
Mme Labelle: D'accord.
Donc, en ce qui concerne ses points de vue, quand il est arrivé, nous espérions qu'en l'espace de trois mois environ, les négociations seraient terminées et auraient abouti à une entente satisfaisant toutes les parties.
Il cherchait pour sa part une équipe et une aide immédiate. Tout le monde l'aurait fait à sa place.
À un moment donné, M. Broadbent m'a demandé si je pouvais détacher Chern Heed à Ottawa, pour qu'il travaille à plein temps pour lui. J'ai dû refuser. Je pense avoir compris après coup, mais j'ai dû refuser parce que l'aéroport Pearson devait fonctionner.
Il fallait aussi que le processus environnemental fonctionne vraiment et réussisse, pour une fois, et donc... nous avions aussi besoin de lui parce que les proposants devaient aller sur place et obtenir l'information là où elle se trouvait. Il était évidemment le cadre le plus élevé. Voilà donc un exemple de demande que j'ai dû personnellement refuser.
Il est arrivé que M. Broadbent vienne me voir pour me raconter qu'il n'avait pas l'impression d'obtenir assez rapidement l'information qu'il demandait, l'analyse qu'il demandait. Chaque fois, je faisais enquête. Parfois, j'ai dit: "Désolée, nous ne pouvons pas". Tout le monde faisait tout son possible. Il n'y a que 24 heures dans une journée et les gens travaillaient tard, parfois toute la nuit.
Parfois, j'ai travaillé avec notre personnel et trouvé des solutions de rechange, des moyens de l'aider à lui donner ce dont il avait besoin pour faire avancer son travail. Je peux donc comprendre son impatience. Mais je suis tout de même fermement convaincue que l'équipe en place a travaillé très fort pour lui être utile.
Le sénateur Hervieux-Payette: Dernier sujet, nous avons reçu copie d'une lettre de l'Association du transport aérien du Canada. Le moins qu'on puisse dire... pour citer leur lettre, ils affirment:
[...] nous ne pouvons plus nous permettre le luxe d'aérogares qui coûtent cher.
Je suppose qu'il est question de l'aérogare 3. Ils recommandent de ne prendre aucune décision au sujet de l'aérogare 2 tant qu'Air Canada ne sera pas satisfaite, parce qu'ils ont apporté des modifications et que les choses semblent aller dans la bonne direction.
Contentez-vous de l'entretien nécessaire et des améliorations ordinaires à l'aérogare 1 jusqu'en 1993.
Et ils ajoutent:
Cette approche progressive, conjuguée à la propriété publique de l'aérogare 1, permettra de faire face de manière plus réfléchie à la question de la capacité et de l'expansion des aérogares.
M. Nelligan: Pouvez-vous donner le numéro du document, sénateur?
Le sénateur Hervieux-Payette: C'est le numéro 00036.
Au bas de la deuxième page de la lettre, ils affirment:
Nous ne sommes pas d'accord que l'expansion et l'exploitation des aérogares par des promoteurs privés est avantageuse pour nous ni pour les consommateurs qui, au bout du compte, doivent payer les infrastructures mises en place.
Ils concluent en terminant cette lettre au ministre:
Monsieur le ministre, nous croyons que l'initiative des promoteurs privés n'est ni opportune ni appropriée. Elle ne reçoit pas notre appui, parce que le volume des passagers ne justifie pas de tels projets.
Ma question est la suivante: Quel est le poids de cette association? Représente-t-elle un petit nombre ou un grand nombre de gens? Représente-t-elle toute l'industrie? Qui représente-t-elle, parce qu'elle ne mâche pas ses mots dans sa lettre et qu'elle en a envoyé des copies à M. Mazankowski, M. Beatty, M. Wilson, M. Jelinek, Barbara McDougall, M. Hockin, M. Lewis, M. McDermid et M. Martin. Je suppose que tout le monde a été informé de ses opinions. Toutes ces personnes siégeaient au Cabinet. Je pense donc que l'association fait autorité auprès de vous sur ces questions et que c'est ce qu'elle recommandait au gouvernement. Affirmez-vous que ce groupe a été totalement ignoré?
Mme Labelle: L'ATAC... et cette lettre était signée, je crois, par Gordon Sinclair, leur directeur exécutif...
Le sénateur Hervieux-Payette: Oui.
Mme Labelle: ...s'inquiétait alors beaucoup de la situation financière de l'industrie. Elle se souciait aussi qu'aucune mesure susceptible de nuire au succès de l'examen environnemental en cours au sujet des pistes ne soit prise. Mais je pense que sa principale préoccupation était la santé de l'industrie. Ils voyaient certains de leurs homologues acculés à la faillite, d'autres au bord de la faillite, et je pense qu'ils craignaient que d'autres investissements finissent par être financés par les transporteurs aériens.
Le sénateur Hervieux-Payette: Ils représentent les transporteurs aériens?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Hervieux-Payette: Était-ce à l'époque, ou en 1993 (pas nécessairement la lettre, mais l'année), où nous avons vu des Canadiens éprouver des difficultés importantes et le gouvernement être forcé de prendre des décisions et de délier les cordons de la bourse pour garantir leur existence? L'aérogare 3 a été construite presque pour eux et ils étaient presque acculés à la faillite. Je pense donc que leur opinion que... un examen approfondi de ces questions financières était très important et je suppose que ce genre de lettre devrait avoir un certain poids dans la décision d'aller ou de ne pas aller de l'avant. Diriez-vous que c'était une association qu'on n'a pas prise au sérieux à l'époque?
Mme Labelle: Non, l'ATAC a été prise au sérieux. Elle représentait les transporteurs aériens. Elle représentait... les grands transporteurs ont joué un rôle assez actif au sein de l'ATAC. L'ATAC représentait l'industrie dans de nombreux secteurs. Elle participait à la réglementation, à l'établissement des prix négociés pour l'industrie, à certains accords-cadres concernant les prix.
Je pense que sa lettre a été envoyée à de nombreux ministres et je pense, je suis convaincue que les ministres ont eu l'occasion... ils connaissaient les points de vue de l'ATAC lorsqu'ils ont pris leur décision, oui.
Le sénateur LeBreton: Une question supplémentaire, monsieur le président. À titre de renseignement, madame Labelle, cette association s'était aussi montrée intéressée à exploiter elle-même les pistes, et je pense que nous devrions le préciser aux fins du compte rendu.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: Ils avaient d'autres propositions, en plus de la lettre à laquelle fait allusion le sénateur Hervieux-Payette.
Mme Labelle: Je pense que le sénateur a raison. Ils étaient venus à Transports Canada et nous avaient indiqué que si l'État ne pouvait pas financer les pistes, ce qui leur paraissait la meilleure solution (mais que si ce n'était pas possible), ils seraient disposés à voir s'ils ne pourraient pas former un consortium de transporteurs aériens pour pouvoir financer la construction des pistes.
Le sénateur LeBreton: Ils avaient donc leurs propres intérêts.
Le sénateur Hervieux-Payette: Sur les pistes.
Le sénateur LeBreton: Oui, mais il n'en demeure pas moins qu'ils défendaient leurs propres intérêts.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je l'espère bien. Nous défendons tous nos intérêts, j'espère.
Le sénateur LeBreton: Non, mais je voulais seulement situer la correspondance dans son contexte et faire ressortir non seulement que leur lettre portait sur la question soulevée, mais aussi qu'ils s'étaient montrés intéressés à exploiter eux-mêmes les pistes.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je pense avoir épuisé ma liste de questions, monsieur le président.
Le président: Trois sénateurs, les sénateurs Kirby, Tkachuk et Jessiman ont demandé à poser des questions, puis il y aura évidemment M. Nelligan. Nous levons habituellement la séance à 17 h 30. Voulez-vous que nous essayions d'avoir terminé à cette heure-là, ou préférez-vous poursuivre jusqu'à 18 heures?
Le sénateur Kirby: Je supposais simplement, monsieur le président (je n'y avais pas pensé avant que vous ne posiez la question, mais enfin), je suppose que nous essayerons de terminer le plus tôt possible, mais que nous ferons comme la semaine dernière, quand nous avons demandé à des témoins de revenir. Dans ce cas-ci, ce sera en soirée. Quand était-ce, mardi soir dernier, n'avons-nous pas procédé ainsi? Je pensais que nous ferions comme la semaine dernière, c'est-à-dire nous arrêter à 17 h 30, je crois que c'est ce que vous avez fait quand nous avons entendu les gens de Toronto, les représentants de l'AAL, je crois, puis reprendre à 19 heures, comme nous l'avons déjà fait.
Le président: Êtes-vous d'accord?
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous avons de bons sandwichs.
Le sénateur Kirby: Monsieur, penser à ces sandwichs donne terriblement envie de finir nos questions.
Le sénateur LeBreton: Ou de ne pas les finir!
Le président: J'ai de bonnes nouvelles pour vous. C'est le soir de la lasagne! Sénateur Kirby.
Le sénateur Kirby: Merci beaucoup, monsieur le président. Puis-je souhaiter la bienvenue, un peu en retard, à une ancienne collègue avec qui j'avais souvent affaire quand nous étions tous les deux sous-ministres.
Je me demande si je peux revenir en arrière, madame Labelle, simplement pour clarifier quelques remarques, quelques-unes de vos réponses, avant d'aborder un aspect que ma collègue n'a pas soulevé avec vous.
Lorsque la question de la décision, de votre décision d'écarter Victor Barbeau a été discutée (ou tout au moins de l'envoyer à la maison pour quatre ou cinq semaines), vous avez indiqué que plusieurs personnes, par l'entremise de diverses sources non identifiées, exerçaient des pressions sur lui et qu'il était, je pense avoir écrit qu'il "subissait des pressions injustes". Vous avez aussi fait observer que des remarques semblables avaient été exprimées au Conseil privé. Vous l'avez mentionné. Je suppose... avez-vous effectivement discuté du cas de Victor Barbeau avec M. Shortliffe?
Mme Labelle: Oui. Permettez-moi d'abord de préciser que les pressions ne s'exerçaient pas directement sur lui, mais que l'impression qu'il entravait le processus avait été exprimée clairement. C'est un peu différent.
Oui, nous en avons discuté. J'ai discuté de la question avec M. Shortliffe. Il m'a indiqué qu'on s'était plaint à lui aussi que M. Barbeau freinait le processus.
Le sénateur Kirby: A-t-il indiqué s'il (comment m'exprimer), croyait-il ces plaintes, ou a-t-il indiqué qu'il ne les croyait pas fondées?
Mme Labelle: Je pense qu'il devrait répondre lui-même, mais l'impression que j'ai eue en discutant avec lui était qu'il s'agissait, d'après lui, d'impressions, mais d'impressions nuisibles.
Le sénateur Kirby: C'étaient des impressions, pas la réalité. Vous a-t-il demandé de réaffecter ou d'écarter temporairement M. Barbeau? Je sais que vous avez pris la décision.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: On vous a demandé de le faire?
Mme Labelle: J'ai pris la décision. Il estimait qu'il valait probablement mieux pour le ministère et pour M. Barbeau que ce dernier s'efface pendant un certain temps. Mais j'ai pris la décision finale.
Le sénateur Kirby: Mais il vous l'a demandé?
Mme Labelle: Non, j'ai pris la décision.
Le sénateur Kirby: Je comprends. D'accord. Puis-je passer dans ce cas à...
Le président: Sénateur Kirby, puis-je poser une question?
Le sénateur Kirby: Bien sûr.
Le président: C'est une question directe, madame Labelle. Vous étiez sous-ministre, et votre principal sous-ministre adjoint, M. Barbeau, était responsable des aéroports. Avez-vous... étant donné la relation professionnelle très étroite qui vous liait, avez-vous jamais eu l'impression que M. Barbeau n'était pas en faveur de la privatisation de l'aéroport de Toronto, parce que nous devons maintenant convoquer des témoins?
Mme Labelle: Oui. Non, je pense que M. Barbeau devrait s'exprimer lui-même à ce sujet...
Le président: Je sais. Mais j'aimerais que vous y alliez un peu franchement.
Mme Labelle: En ce qui concerne... j'avais l'impression qu'il aurait probablement préféré que les événements évoluent différemment, mais il était un bon fonctionnaire. Il connaissait son rôle et son rôle consistait à mettre en oeuvre les décisions du gouvernement. Mais je pense que vous devriez lui demander son opinion.
Le président: Oui.
Mme Labelle: Dans son travail avec moi, tous les jours, il comprenait très bien que le gouvernement avait décidé d'aller de l'avant et que nous cherchions tous la meilleure façon de procéder. Donc, comme je l'ai déjà indiqué, que les intérêts du public, du gouvernement, des contribuables, des transporteurs aériens étaient mieux servis par la façon de procéder qui serait adoptée.
Le président: Oui, je comprends cela. Je ne conteste pas le professionnalisme de votre fonctionnaire. Ce n'est pas la question. Vous déclarez toutefois que s'il avait été libre de choisir, il aurait préféré autre chose.
Mme Labelle: Diverses solutions avaient été envisagées au fil des années. Et le gouvernement avait d'abord décidé de faire faire l'évaluation environnementale, puis de passer à la demande de propositions. Évidemment, il a changé d'avis pour les raisons qui ont été indiquées, parce que l'évaluation environnementale sur les pistes traînait en longueur. À ce moment-là, il a pris une décision différente. Au bout du compte, je pense que Victor Barbeau, comme tous les autres fonctionnaires fédéraux, comprenait son rôle. Nous travaillions tous très fort pour mettre en oeuvre les décisions, de sorte qu'il n'y avait pas beaucoup de temps pour faire des hypothèses à propos d'autres solutions à ce moment-là.
Le président: Je pense que vous avez employé l'expression: "Vous avez procédé de manière objective et impartiale...
Mme Labelle: Oui.
Le président: ...pour arriver à des conclusions valides", que vous avez ensuite présentées au ministre ainsi que votre recommandation, en tant que sous-ministre, personne qui dirige le ministère. Et vous étiez convaincue que le processus était valide.
Mme Labelle: En ce qui concerne le processus que nous avons suivi, je crois que, une fois que le gouvernement eut pris la décision de faire une demande de propositions, mon rôle consistait, comme vous l'avez indiqué, à faire en sorte que le processus aboutisse à une décision impartiale.
Le président: Oui.
Mme Labelle: Ou tout au moins une décision objective.
Le président: Donc, le processus ne comportait aucune faiblesse, à votre avis.
Mme Labelle: Je suis satisfaite du processus de demande de propositions.
Le président: Très bien. Merci. Allez-y, sénateur Kirby.
Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président. Puis-je aborder un domaine dont vous n'avez pas vraiment parlé, soit le rôle de M. Broadbent en tant que négociateur de l'extérieur.
Premièrement, il est relativement inhabituel pour le gouvernement de ne pas faire appel à un fonctionnaire pour négocier des marchés importants. Tous ceux auxquels je peux penser ont été négociés par des gens de l'interne plutôt que par des gens de l'extérieur.
Comment a été prise cette décision de ne pas faire appel à un fonctionnaire pour diriger les négociations? Pourquoi a-t-on agi ainsi?
Mme Labelle: Quand on a pris la décision de recourir à un négociateur chevronné, la personne la plus évidente à mes yeux était Ran Quail, alors sous-ministre associé des Transports. Il m'avait appuyée tout au long de l'évolution de ce dossier. Il connaissait déjà assez bien le dossier et il a accepté cette tâche. Mais il a été nommé sous-ministre quelques semaines plus tard et a quitté le ministère des Transports.
J'ai donc cherché dans la fonction publique fédérale des personnes qui pourraient accomplir cette tâche. Je cherchais de préférence un sous-ministre qui aurait accepté ce travail en guise d'affectation finale ou qui travaillait déjà dans notre centre, par exemple, quelqu'un à qui aurait été confiée une affectation de pré-retraite ou encore un sous-ministre associé. Les résultats n'ont pas été concluants. Ceux qui m'intéressaient n'étaient pas capables ou intéressés. C'est alors que je me suis tournée vers l'extérieur. Nous cherchions... je cherchais le même genre de compétences. Il fallait que ce soit quelqu'un qui connaisse assez bien la fonction publique fédérale, qui ait occupé récemment un poste élevé et qui connaissait encore tous les joueurs clés et pouvait donc travailler tout de suite avec eux. C'est ainsi que M. Broadbent a été invité à se joindre à nous et est devenu le deuxième négociateur en chef.
Le sénateur LeBreton: Une question supplémentaire?
Le sénateur Kirby: Certainement.
Le sénateur LeBreton: Quand avait-il pris sa retraite, comme sous-ministre de la fonction publique? Vous souvenez-vous?
Mme Labelle: L'année précédente.
Le sénateur LeBreton: Moins d'un an.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur LeBreton: D'accord. Merci.
Le sénateur Kirby: Cela me semble exact, mais je ne me souviens pas.
Le sénateur LeBreton: Moi non plus.
Le sénateur Kirby: Simplement pour régler la question de savoir pourquoi vous n'avez pas cherché au ministère, étant donné que vous l'aviez fait la première fois, pourquoi n'avez-vous pas demandé à M. Barbeau?
Mme Labelle: Parce que, premièrement, il avait déjà indiqué qu'il fallait trouver quelqu'un d'autre. Il m'avait déjà recommandé, avant le début des négociations, d'embaucher - de trouver un cadre supérieur et qui s'occuperait des négociations à plein temps. Mais, deuxièmement, dans les discussions que j'ai eues avec mon ministre, il avait indiqué que certains avaient l'impression que M. Barbeau ne...
Le sénateur Kirby: Votre ministre vous a parlé de cette impression?
Mme Labelle: Pardon?
Le sénateur Kirby: Votre ministre vous a parlé de cette impression?
Mme Labelle: Oui. Nous pensions donc... il estimait donc qu'il ne conviendrait peut-être pas de demander à M. Barbeau. Mais, comme je l'ai indiqué, M. Barbeau a été le premier à faire remarquer que nous devrions trouver quelqu'un d'autre.
Le sénateur Kirby: Donc, vous avez embauché... vous avez pris unilatéralement la décision de choisir M. Broadbent ou la décision a été entérinée par le Conseil privé?
Mme Labelle: Oui. J'ai consulté mon ministre. J'ai consulté le greffier du Conseil privé, Glen Shortliffe. Et j'avais consulté de nombreux collègues, pour qu'ils m'aident à trouver quelqu'un. Nous avions très peu de temps. Je ne m'attendais pas au départ de Ran Quail, donc je devais trouver quelqu'un en l'espace de quelques semaines, voire quelques jours. Il m'a fallu quelques semaines.
Le sénateur Kirby: De qui relevait M. Broadbent?
Mme Labelle: De moi.
Le sénateur Kirby: Directement?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Cela veut dire qu'il ne... et je supposais qu'il relevait de vous, mais ne relevait-il pas en même temps du Conseil privé? Je supposais qu'il relevait de vous et que si des renseignements allaient à l'édifice Langevin, un côté ou l'autre de l'édifice Langevin, ils partaient de chez vous, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Ils partaient de chez moi, mais il était entendu qu'il tiendrait un certain nombre de personnes informées, surtout au Bureau du Conseil privé, au Conseil du Trésor, parce qu'il devait souvent vérifier des idées. Il m'informait tous les jours, mais il est arrivé qu'il communique directement tout en me tenant informée... en tous cas, c'est l'entente que j'avais avec lui; il devait me tenir informée de ses discussions avec les gens à l'extérieur des Transports.
Le président: Aucune tension entre vous et M. Broadbent?
Mme Labelle: Non. M. Broadbent prenait beaucoup de place en tentant de remplir ses fonctions, mais il faisait certainement de son mieux, je pense, pour essayer de mener sa tâche à bien.
Le président: Qui vous a recommandé M. Broadbent comme négociateur en chef?
Mme Labelle: J'ai parlé à plusieurs collègues. Son nom a été évoqué par plusieurs personnes.
Le président: L'a-t-il été par M. Barbeau?
Mme Labelle: Non.
Le président: D'accord.
Mme Labelle: Bien que j'en aie discuté avec M. Barbeau, avant d'embaucher M. Broadbent et nous... je pense qu'il était d'accord avec moi que M. Broadbent semblait un choix raisonnable.
Le sénateur Kirby: En réponse à la remarque du président, vous avez déclaré que vous avez collaboré en douceur ou étroitement.
Mme Labelle: Étroitement.
Le sénateur Kirby: Vous avez collaboré étroitement, mais aussi (en douceur, je pensais que vous aviez employé ce qualificatif) avec M. Broadbent. Mais ce n'est pas tout à fait cohérent, dans mon esprit, avec vos remarques antérieures, selon lesquelles il voulait souvent que les choses avancent plus rapidement que ce que vous estimiez (je ne suis certainement pas raisonnable), que l'effort que vous estimiez pouvoir réellement fournir. Cet aspect a-t-il créé des tensions entre vous?
Mme Labelle: Cela n'a pas créé de tensions, mais certainement, nous avons eu quelques discussions à ce propos au cours des mois où il était négociateur en chef.
Le sénateur Kirby: À votre avis, les échéanciers serrés qu'il voulait fixer étaient-ils des demandes raisonnables ou peu raisonnables?
Mme Labelle: Lorsque nous ne pouvions pas répondre à ses exigences, lorsque, en un sens, elles n'étaient pas raisonnables par rapport à l'effort que nous pouvions fournir, je le lui indiquais et je lui indiquais que nous trouverions la meilleure façon de lui fournir l'information dont il avait besoin ou l'analyse dont il avait besoin.
Le sénateur Kirby: Mais la façon dont... votre façon de vous exprimer me donne l'impression qu'il n'était pas très content lorsque vous n'étiez pas à la hauteur de ses exigences. Vous ne pouviez pas... je ne veux pas dire vous personnellement, je veux dire le ministère, votre personnel, acquiescer à ses demandes, même lorsqu'elles n'étaient pas raisonnables.
Mme Labelle: Je pense que lorsque j'informais M. Broadbent de ce que nous pouvions faire, il m'exprimait sa frustration s'il était frustré, sinon il me disait comprendre s'il comprenait, et retournait tout simplement vaquer à ses occupations.
Le sénateur Kirby: D'accord. À plusieurs reprises aujourd'hui (et c'est uniquement par curiosité de la part de quelqu'un qui a travaillé au Bureau du Conseil privé pendant un certain temps), à plusieurs reprises aujourd'hui vous avez parlé de la fréquence avec laquelle vous teniez le Conseil privé informé de ce qui se passait. C'est un peu inhabituel pour ce type de négociation de marché. Je ne prétends pas qu'on ne les informe pas de temps en temps, mais vous me donnez l'impression qu'ils suivaient ce dossier de très près, peut-être presque autant que vous. Cette impression est-elle juste et, dans l'affirmative, pouvez-vous expliquer pourquoi?
Mme Labelle: Je pense que le Conseil privé suivait alors tous les grands dossiers de très près. Il s'agissait d'un dossier important et, par conséquent, nous les informions sur son évolution. C'était aussi un dossier qui donnait lieu à des discussions fréquentes avec les ministres et, dans ce cas, le Conseil privé y participait évidemment lui aussi. Donc, oui, le Conseil privé restait dans le décor, était informé. Ils s'informaient aussi par eux-mêmes de l'évolution de ce dossier. Ce n'était pas si différent, à l'époque, dans l'histoire du gouvernement, du nombre, de l'attitude du Conseil privé à l'égard des autres grands dossiers des ministres, puisqu'il les suivait tous de près.
Le sénateur Kirby: Autrement dit, ils participaient de près, à un haut niveau, exerçant presque un contrôle sur les grandes questions?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Par simple curiosité, avez-vous une idée des raisons pour lesquelles la modernisation des deux aérogares est devenue un enjeu si important? Tous les gouvernements dont j'ai fait partie se sont toujours préoccupés d'une foule de dossiers un an avant des élections, mais la modernisation de deux aérogares ne me saute pas vraiment aux yeux.
Le sénateur LeBreton: Des emplois, des emplois et de l'argent.
Mme Labelle: Je pense que c'était un dossier qui, à leur avis, traînait depuis des années. Le sénateur LeBreton évoque les emplois. Il n'y avait pas beaucoup d'emplois, mais quelques-uns quand même, et c'était à un moment où la récession faisait mal.
Le sénateur LeBreton: Les deniers des contribuables.
Mme Labelle: Voilà donc quelques raisons qui ont été invoquées. Mais je suis convaincue que vous voudrez poser cette question à d'autres témoins.
Le sénateur Kirby: Ne craignez rien, nous le ferons.
Une question au sujet de la volonté de mener le dossier à terme. Beaucoup des documents que nous avons vus portent diverses dates, mais il y a clairement une échéance le 31 mai ou le 1er juin, ou vers cette date. C'était l'objectif...
Mme Labelle: C'était certainement la date limite.
Le sénateur Kirby: Quelle était l'importance de cette date? Savez-vous pourquoi cette date est devenue si importante dans l'esprit de plusieurs personnes?
Le sénateur LeBreton: Je pense que l'échéance était antérieure, mais qu'elle a été reportée à quelques reprises avant de devenir celle que vous avez indiquée. Un congrès à la direction d'un parti se préparait. Les joueurs allaient peut-être changer, notamment des ministres. J'ai donc l'impression que les gens voulaient simplement terminer ce travail avant les prochaines, vous savez.
Le sénateur Kirby: Avant les prochaines quoi?
Mme Labelle: Avant que l'été arrive et qu'il y ait un nouveau premier ministre.
Le sénateur Kirby: Je pense que vous avez répondu à cette dernière question avec beaucoup de brio.
Puis-je en poser une sur la fin du mandat de M. Broadbent?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Je fais seulement des suppositions; je ne sais pas comment il a été embauché, mais je suppose qu'il avait un contrat à durée fixe, comme c'est habituellement le cas pour quelqu'un à ce poste. En passant, quand le mandat se terminait-il? Parce qu'il est parti un peu en douce et vous avez embauché Bill Rowat. C'est un peu étrange. Son contrat s'achevait-il?
M, Labelle: Oui. M. Broadbent avait été embauché pour une période qui devait se terminer à la mi-juin. Et je peux peut-être apporter des précisions sur une des déclarations de M. Broadbent aux sénateurs. Lorsqu'il m'est apparu évident que nous dépasserions probablement la mi-juin, j'ai parlé à M. Broadbent et je lui ai demandé s'il accepterait de prolonger son contrat si nous le lui demandions. Il m'a alors indiqué qu'il avait d'autres projets pour l'été et, même s'il n'a pas donné de réponse définitive, il n'était pas très enthousiaste. Alors, lorsque le temps a passé et que j'ai appris qu'un nouveau sous-ministre associé venait aux Transports, quelqu'un qui avait suivi le dossier au Conseil privé... il s'agissait du haut fonctionnaire qui s'occupait, je crois, des opérations du gouvernement. Notre ministère faisait partie de ceux dont il s'occupait au Conseil privé. Il connaissait donc bien le dossier et, à la fin, je n'ai pas proposé à M. Broadbent de renouveler son contrat, avec l'accord du ministre.
Le sénateur Kirby: Et le fait...
Mme Labelle: Parce que quelqu'un connaissant bien le dossier arrivait chez nous; quelqu'un qui serait sous-ministre associé des Transports. Et, conjugué au fait que M. Broadbent m'avait déjà indiqué qu'il n'avait pas très envie de continuer, c'était quelques semaines auparavant, parce qu'il avait d'autres projets pour l'été, la décision a été assez facile à prendre.
Le président: Il n'a pas démissionné et n'a pas été congédié, vous en aviez tout simplement assez tous les deux.
Mme Labelle: Je pense que plusieurs facteurs se sont conjugués. Il y avait aussi le fait que M. Rowat avait été nommé sous-ministre associé, je crois, et qu'il arrivait aux Transports en connaissant déjà bien le dossier. C'était donc facile pour moi de proposer cette solution. Et à la même époque... alors, M. Broadbent, à la fin, dans les derniers jours, n'a pas été invité à prolonger son contrat, mais je pense que c'était aussi en accord avec son... le fait qu'il avait été tiède quelques semaines plus tôt, étant donné qu'il m'avait indiqué avoir d'autres projets pour l'été.
Le sénateur Kirby: Au cours des négociations, on fait des concessions... en tous cas, on en fait normalement des deux côtés. Plusieurs choses se sont produites au cours des négociations, une disposition de déroutement des passagers a été ajoutée, il y avait une option de début anticipé, un report de loyer, il y avait plein de choses négociables, dont beaucoup peuvent donner l'impression, avec le recul, on peut avoir l'impression avec le recul que le gouvernement a (j'allais dire "perdu") concédé quelque chose à l'autre partie afin d'accélérer les négociations.
Le sénateur Tkachuk: Comment en sommes-nous arrivés là, sénateur Kirby?
Le sénateur Kirby: Lisez simplement le contrat.
Le sénateur Tkachuk: Quelle preuve avez-vous qu'on a concédé à l'autre partie quelque chose qu'il n'était pas prévu de lui concéder?
Le sénateur Kirby: Je ne sais pas. Désolé. Je ne savais pas que nous avions l'intention de faire des concessions.
Le sénateur Tkachuk: Non, si nous voulons discuter de ces questions, faisons-le au Sénat. Mais si c'est pour poser une question, alors...
Le sénateur Kirby: D'accord. Je poserai donc une question portant uniquement sur les faits, parce que je ne m'intéresse qu'au processus. Je ne m'intéresse pas aux questions de fond ici.
Le sénateur LeBreton: Il cherche l'attention des médias.
Le sénateur Tkachuk: Nous pouvons tous faire des discours, vous savez.
Le sénateur Kirby: Je ne faisais pas un discours. Je ne peux pas faire un discours en une minute. J'en suis tout simplement incapable.
Le sénateur Tkachuk: Vous y voyez des intentions qui n'y sont pas, sénateur Kirby. J'avais décidé, après la semaine dernière (je suis désolé de perturber l'interrogatoire, monsieur le président, mais si nous faisons des hypothèses sans), il y a assez d'hypothèses non fondées comme cela. Tenons-nous en aux faits et si nous faisons des hypothèses, désignons-les comme telles.
Le sénateur Kirby: Je poserai alors une question très simple. Au cours des négociations, on apporte inévitablement des modifications à la proposition de départ. Nous discuterons de ces changements lorsque d'autres témoins viendront comparaître. Ma question est la suivante... j'essaie seulement de comprendre le processus. Un négociateur s'en va, finit... vous savez, il y a des propositions des deux parties sur la table. Quel était le processus d'approbation? M. Broadbent avait-il le pouvoir de faire des concessions ou d'obtenir des concessions de l'autre partie, simplement pour faire plaisir au sénateur Tkachuk ou...
Le sénateur Tkachuk: Je suis toujours content, sénateur.
Le sénateur Kirby: Ou devait-il demander une autorisation et, le cas échéant, pouvez vous me décrire précisément le processus d'approbation?
Mme Labelle: Il devait obtenir une autorisation parce qu'à la fin, toutes les dispositions du contrat devaient être approuvées, jusqu'au niveau du Conseil du Trésor. Il aurait donc été assez inutile pour lui de faire des propositions et d'accepter des propositions qui n'auraient pas été acceptées par les échelons supérieurs.
Le sénateur Kirby: Exact.
Mme Labelle: Il fallait recommander au Conseil du Trésor le contenu de l'accord. Donc, il me rapportait tous les jours certaines des discussions. Il y avait un comité ministériel, que j'ai déjà évoqué, au sein duquel siégeaient le vice-président du personnel de Finances et Administration, notre avocat, notre avocat-conseil, notre directeur du Groupe de l'aviation, parce que nous devions nous préoccuper de certaines questions de sécurité, et, de temps en temps, nous invitions le Conseil privé, les Finances et le Conseil du Trésor. De même, lorsque nous discutions des grands enjeux de l'époque, et périodiquement, nous avions une séance d'information à laquelle assistaient le greffier du Conseil privé, et parfois, un cadre supérieur des Finances, afin de passer en revue les progrès, d'examiner les grandes questions et de voir où nous en étions. En même temps, nous avions avec notre ministre des séances d'information périodiques sur tous les secteurs clés dont nous discutions avec l'entreprise, avec Pearson Development. Il y avait donc trois voies sur lesquelles nous avancions en même temps. Une voie ministérielle à Transports, une voie ministérielle intégrant d'autres ministères et évidemment une autre avec le ministre, périodiquement.
Le sénateur Kirby: Monsieur le président, il me reste encore une dizaine de minutes seulement, mais je pense que nous devrions nous interrompre maintenant. J'aimerais reprendre quand nous reviendrons, mais je n'ai plus beaucoup de questions.
Le président: Quelques remarques. Lorsque nous avons commencé, il y a trois semaines, j'ai indiqué d'entrée de jeu que le sénateur Kirby et moi-même nous étions entendus pour qu'il n'y ait pas de propos acrimonieux inutiles. Cela ne nous empêche pas de nous opposer de temps en temps. Je le dis pour que ce soit compris.
Le sénateur Kirby: Je pense que nous avons tenu parole, n'est-ce pas?
Le président: Oui, je le pense. Madame Labelle, pouvez-vous revenir à 19 heures?
Mme Labelle: Bien sûr. Je suis ravie d'être ici.
Le président: D'accord. Nous nous reverrons plus tard.
Le comité interrompt ses travaux jusqu'à 19 heures.
Ottawa, le mardi 1er août 1995
Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 19 heures, aux fins d'une étude de tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que des circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, en vue d'en faire rapport.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: La séance est ouverte.
Tout d'abord, quelques annonces. Nous avons reçu le témoignage de M. Broadbent dans les deux langues officielles. Désirez-vous qu'on vous en distribue copie ce soir?
Le sénateur Kirby: Oui, monsieur le président, je pense que c'est là une bonne idée.
Le président: Merci.
Une fois terminée la suite du témoignage de Mme Labelle, nous entendrons M. Hession. Si cela s'avère nécessaire, et si c'est ce que vous désirez, il faudra que M. Hession comparaisse de nouveau demain. Si les membres du comité sont d'accord, donc, j'aimerais qu'on réserve la demi-heure supplémentaire. Êtes-vous d'accord pour que l'on se réunisse demain matin à 9 heures?
Le sénateur Kirby: Cela nous convient parfaitement, monsieur le président. Entendons-nous pour dire que nous commencerons demain matin à 9 heures.
Le président: Lorsque nous avons levé la séance la dernière fois, c'était le sénateur Kirby qui avait la parole, et il était suivi, sur ma liste, par les sénateurs Tkachuk et Jessiman.
Bienvenue de nouveau devant nous, madame.
Le sénateur Kirby: Merci. Il me faut vous dire que ce semble être un petit plus compliqué lorsqu'on est le témoin du mardi. En effet, les seuls témoins qu'on a retenus pour une deuxième séance du comité ont été des personnes qui ont comparu le mardi. Peut-être que cela nous donne trop de temps pour préparer nos questions.
En tout cas, merci, monsieur le président. Je n'ai que trois ou quatre questions à poser.
J'aimerais revenir sur une réponse que vous nous avez donnée relativement à la création de Mergeco. Sauf erreur, la question qu'on vous avait posée (je vais la paraphraser) était plus ou moins la suivante: avez-vous participé à la création de Mergeco ou en avez-vous vous-même lancé la création? Vous avez répondu par non.
Mme Labelle: C'est non.
Le sénateur Kirby: Il me semblait bien que c'est ce que vous nous aviez dit. À votre connaissance, y a-t-il quelqu'un au gouvernement qui a fait quelque chose pour favoriser la création de Mergeco? Par "quelqu'un", j'entends toute personne du bureau du Conseil privé, du cabinet du ministre ou même d'ailleurs.
Mme Labelle: On ne m'a certainement pas dit cela non plus... c'est-à-dire que le ministre, par exemple, avait participé à la création de Mergeco. J'ai reçu un appel du greffier du Conseil privé aux environs de Noël, appel au cours duquel il m'a dit qu'il y avait de fortes chances que les deux compagnies se mettent ensemble, mais c'est tout ce que j'ai su.
La rencontre, ou plutôt la communication suivante, est venue à la mi-janvier: Paxport et Claridge m'apprenaient alors qu'elles étaient en pourparlers.
Le sénateur Kirby: Vos renseignements provenaient donc du greffier...
Mme Labelle: Seulement que cela... qu'il y avait une possibilité que les deux compagnies se mettent ensemble. Vous voudrez peut-être lui demander où il a obtenu ces renseignements.
Le sénateur Kirby: Vous ne savez pas où il les a eus... très bien. Nous ferons comme vous dites.
Permettez que je revienne sur quelques questions qui ont été soulevées précédemment. En réponse à une question du sénateur Hervieux-Payette au sujet d'une rumeur voulant qu'un adjoint ou qu'un ancien employé, membre du personnel exonéré de M. Jelinek, ait participé aux négociations, vous avez dit avoir éliminé cette possibilité étant donné que ce n'aurait pas été approprié. Je pense bien que c'est ce que vous avez dit.
J'aurais quelques questions à vous poser. Tout d'abord, pourquoi un quelconque membre du personnel de M. Jelinek... si je ne m'abuse, il était responsable, à l'époque, du ministère du Revenu, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Pourquoi se serait-il occupé, même de façon très lointaine, de la question de l'aéroport Pearson, étant donné qu'il était clair que ce n'était pas un dossier s'inscrivant dans la filière Transports, Finances, Conseil du Trésor? Savez-vous quel rôle il a joué dans le dossier?
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Kirby: Très bien. Avez-vous une idée des raisons pour lesquelles un membre de son personnel aurait voulu participer aux négociations?
Mme Labelle: Non. Au début des négociations, lors de la toute première ronde, on m'a informée de ce qui se passait et certaines personnes m'ont demandé conseil, m'ont demandé si, à mon avis, des "personnes de l'extérieur", soit à l'intérieur, soit à l'extérieur du gouvernement, devraient participer aux discussions. L'intéressé a été identifié comme étant une personne qui était présente et qui s'était dit intéressée à assister aux négociations.
J'avais à l'époque décidé qu'il serait bon d'éviter autant que possible que des personnes ne faisant pas partie des négociations y assistent, à moins qu'il ne s'agisse de conseillers spéciaux, par exemple des avocats ou des comptables auxquels les deux parties voudraient faire appel.
Cependant, d'après ce que m'a dit M. Nelligan juste avant la présente réunion, les renseignements qu'il avait étaient différents de ceux qu'on m'avait donnés à l'époque et c'est pourquoi je pense qu'il faudrait qu'il soit maintenant clairement établi, monsieur le président, si vous le voulez bien... car lorsque cela est arrivé, les gens sont venus me voir avec ces renseignements. D'après ce que je sais maintenant, ces renseignements ne sont peut-être pas tout à fait exacts, et si c'est le cas, il conviendrait de tirer cela au clair ici.
Le sénateur Kirby: Étant donné que je suis pour ma part perdu, monsieur le président, je suis tout à fait d'accord pour que le conseiller juridique du comité éclaircisse la situation.
M. Nelligan: Est-ce que par hasard c'est à un certain M. Kozicz que vous songez?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: Greg Kozicz?
Mme Labelle: Oui.
M. Nelligan: Coïncidence intéressante, M. Greg Kozicz a été pour la toute première fois cet après-midi dans l'assistance. Je l'ai rencontré à la fin de la séance. Il semble qu'il ne soit pas revenu.
Il m'a expliqué la situation et je lui ai demandé de m'écrire une petite note sur les circonstances pertinentes. Il a promis de le faire pour la fin de la pause, mais j'imagine qu'ils ont eu de la difficulté à trouver un restaurant dans le coin.
Quoi qu'il en soit, si j'ai bien compris, M. Kozicz n'a jamais travaillé pour M. Jelinek, mais il a travaillé pour un autre ministre. Cependant, il travaillait à l'époque depuis plusieurs mois dans le privé et il avait été envoyé en tant qu'observateur par le groupe Matthews, manifestement à cause de son expérience du côté fédéral. On doit donc me remettre une note là-dessus et lorsque je l'aurai, nous pourrons soit entendre M. Kozicz, soit demander à notre témoin de nous expliquer ce qu'elle en sait.
Le sénateur Kirby: C'est très bien. J'essayais tout simplement de suivre...
M. Nelligan: Mais, si j'ai bien compris, il y assistait pour le compte de Matthews, dont il était à l'époque employé, et il n'y assistait qu'en tant qu'observateur. Évidemment, Mme Labelle estimait qu'il n'y avait pas de place pour des observateurs.
Le sénateur Kirby: Parce qu'il ne faisait pas partie de l'équipe de négociation.
M. Nelligan: Ouais!
Le sénateur Kirby: Pour revenir un instant sur la question des délais, vous avez dit tout à l'heure qu'il s'agissait de l'une des principales priorités du gouvernement et c'est ainsi que vous expliquez l'étroite participation du Bureau du Conseil privé.
En réponse à une question... du sénateur LeBreton, ou peut-être d'un autre collègue, je ne sais plus... quoi qu'il en soit, on vous a demandé si le premier ministre vous avait jamais dit qu'il y avait un délai limite et que c'était important. Votre réponse a été que le premier ministre ne vous a jamais demandé de faire quelque chose pour une date précise. Je comprends votre réponse.
Ma question n'a donc rien à voir avec le premier ministre, mais plutôt avec le rôle du bureau du Conseil privé, qui a agi d'une façon que je ne peux m'empêcher de trouver quelque peu étrange. Le bureau du Conseil privé ou, pour être plus précis, le greffier du Bureau du Conseil privé, par exemple, ou M. Rowat, qui était, je pense, le principal responsable de ce dossier au bureau du Conseil privé à l'époque, vous a-t-il jamais dit qu'il était urgent que cette question soit résolue pour fin mai ou début juillet?
Mme Labelle: J'essaie de me souvenir, monsieur le président. Je ne me souviens pas de directives précises. Je pense que l'impression que j'ai eue, étant donné les différents délais qui avaient été fixés puis reportés, c'est qu'il était urgent de terminer le travail dans ce dossier étant donné que celui-ci remontait loin en arrière. Mais le bureau du Conseil privé ne m'a jamais donné pour instruction de mettre fin aux négociations à une date précise.
Le sénateur Kirby: Lors des séances de breffage régulières et des séances de mise à jour du bureau du Conseil privé auxquelles vous alliez, y avait-il des représentants du bureau du Conseil privé ou bien seulement des fonctionnaires?
Mme Labelle: Non, il n'y en avait pas.
Le sénateur Kirby: Il n'y avait donc que des fonctionnaires.
Mme Labelle : Oui.
Le sénateur Kirby: En ce qui concerne deux autres questions mineures, car elles seront soulevées de façon plus détaillée dans les interrogatoires des trois ou quatre témoins qui vous suivront, relativement à l'arrangement avec Air Canada... c'est-à-dire la question de savoir s'il y avait en place des lignes directrices et à quoi correspondait le bail, qui, semble-t-il, a soudain... il est réapparu plus tard dans la journée.
En ce qui concerne votre propre participation, ou celle du ministère... je dois dire que j'ai été quelque peu étonné, à la lecture des différents documents qu'on nous a fournis au cours des dernières semaines, d'apprendre que l'impression à un moment donné était qu'Air Canada avait les principes directeurs et le bail à long terme. Par la suite, l'impression était qu'Air Canada était en fait en faveur de l'entente avec Paxport. Puis, tout d'un coup, au fur et à mesure qu'on a avancé dans les négociations, il est apparu que le bail d'Air Canada était devenu un gros obstacle.
Je suppose que j'ai du mal à accepter l'idée qu'un bail de 40 ans pour les aérogares (en tout cas avec des options qui, ajoutées les unes autres, donnent un bail de 40 ans pour la plus grosse aérogare au Canada) ait pu rester dans l'oubli pendant quelque temps. Comment cela a-t-il pu se faire? Il s'agit d'un arrangement ou d'un enchaînement assez bizarre.
Mme Labelle: Comme vous l'aurez vu dans la documentation, c'est en 1989 que M. Shortliffe a signé une lettre adressée à Air Canada disant: voici quels sont les principes directeurs.
Le sénateur Kirby: Et, pour que les choses soient bien claires, ce M. Shortliffe était sous-ministre des Transports, et non pas...
Mme Labelle: Sous-ministre des Transports.
Le sénateur Kirby: Pour être juste envers lui, il serait bon d'expliquer les circonstances dans lesquelles il a fait cela.
Mme Labelle: Il a envoyé une lettre à Air Canada disant que les principes joints étaient ceux dont ils avaient discuté et convenu.
Je pense que Transports Canada a toujours eu pour position que le bail qu'il avait avec Air Canada était le document officiel qui déterminerait, si vous voulez, toute relation future avec Air Canada. À l'expiration de celui-ci, il allait bien sûr falloir négocier une autre entente... une autre entente, d'accord, mais les lignes directrices devaient servir de point d'appui pour la négociation de l'entente suivante avec Air Canada.
Lorsque, si j'ai bien compris, Air Canada et Paxport étaient en train de discuter ensemble de la possibilité de s'associer ou en tout cas d'avoir une alliance (jusqu'au printemps de 1991, il me semble, et peut-être que M. Hession pourra mieux vous renseigner là-dessus que moi) mais d'après la correspondance que j'ai vue, à l'époque, donc, Air Canada avait décidé de se retirer des discussions avec Paxport et l'en a, je pense, avisée.
Lorsque nous avons lancé la demande de propositions, vous vous souviendrez que l'un des articles importants, à la page 27, explique très clairement qu'il y avait... vous vous souvenez, c'est la première phrase, qui dit ceci:
Air Canada a fait ces investissements dans l'espoir qu'elle pourrait en recueillir les avantages sur une période raisonnable et normale d'amortissement.
Et cetera. C'est pourquoi nous avons pensé qu'il était important pour toute partie intéressée d'être au courant, de savoir qu'Air Canada avait investi de son argent dans l'aérogare 2, dans son réaménagement, et qu'il était logique qu'il y ait reconnaissance, sous une forme ou une autre, de cette participation financière.
C'est au printemps 1993 qu'il a été porté à mon attention que les lignes directrices ainsi qu'une lettre de M. Shortliffe, alors sous-ministre des Transports, n'avaient pas été déposées à la salle de documentation.
J'avais alors tout de suite repris la demande de propositions pour vérifier que celle-ci établissait qu'il y avait quelque chose de particulier en ce qui concerne Air Canada.
J'ai communiqué avec le président d'Air Canada pour obtenir son interprétation des lignes directrices et pour avoir une idée de ce qu'Air Canada visait. L'impression qu'il m'a donnée était que ce document était toujours valide aux yeux d'Air Canada à ce moment-là et qu'il les guiderait dans toute discussion subséquente. J'ai alors tout de suite rédigé une lettre adressée à Hollis Harris, président d'Air Canada, résumant notre discussion.
J'ai également écrit à Jack Matthews, le représentant de Paxport avec qui nous faisions affaire depuis quelques mois, ainsi qu'à Peter Coughlin. J'ai donc écrit aux deux responsables des deux compagnies qui s'étaient mises ensemble, j'ai fait des copies de ma correspondance et je les en ai avisés.
Maintenant, lorsque nous revoyons ce qui a été fait, il ne faut pas oublier qu'il y avait dans la demande de propositions une déclaration très explicite. Air Canada et Paxport avaient travaillé ensemble précédemment. Je suis à peu près certaine que pendant le mois de janvier il y a eu des discussions entre Paxport et Air Canada. Reste à savoir si celles-ci ont ou non été satisfaisantes.
En même temps, j'avais, depuis le début de l'année, encouragé le groupe Mergeco ainsi que les dirigeants d'Air Canada à se rencontrer pour discuter, en vue d'en arriver à une entente qui conviendrait aux deux.
Je pense que vous savez qu'il y aura d'autres témoignages là-dessus, et différentes parties diront si elles pensent que les discussions ont été faciles ou difficiles. Quoi qu'il en soit, il s'agit là de la toile de fond sur laquelle vient se poser votre question, sénateur.
Le sénateur Kirby: Si j'ai bien compris, vous dites que... cet historique nous est utile car l'histoire a été quelque peu confuse.
Dites-vous en gros que vous avez expliqué dans votre correspondance avec les deux parties que c'était à elles de s'occuper entre elles (Mergeco, ou Paxport, au tout début, et Air Canada) de la question du bail, par opposition au gouvernement?
Mme Labelle: Depuis le tout début, notre position a toujours été que nous voulions que les deux parties tentent de résoudre cela.
Au bout du compte, lorsque j'allais partir, cela se corsait et j'ai décidé, aux côtés d'autres personnes qui s'occupaient du dossier, dont M. Broadbent, qu'il nous faudrait inviter les deux parties à venir et à être présentes ensemble.
C'est ce qui s'est passé tout de suite après mon départ, et c'est M. Rowat qui s'en est occupé.
Le sénateur Kirby: Cela veut-il dire que le négociateur fédéral en chef, soit M. Broadbent, soit M. Rowat...
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Kirby: ...est intervenu en vue, principalement, d'essayer de... je ne sais pas si l'on parlerait d'arranger, de faire l'arbitre, de jouer le rôle d'intermédiaire, pour que les deux parties s'entendent (peu importe l'expression que l'on retient) et je ne voudrais imputer de paroles à quiconque... mais l'idée était d'amener les deux camps à s'entendre au lieu de dire: "La demande de propositions dit que vous devez régler la question avec Air Canada. Nous nous retirons". En fait, le négociateur fédéral est intervenu pour tenter de résoudre le problème, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Au bout du compte, oui. Mais pas au départ. Pendant tout le printemps, nous avions espéré que les deux parties parviennent à une entente et nous pensions que cela valait mieux que d'intervenir nous-mêmes, étant donné qu'il s'agissait de deux parties qui allaient devoir travailler ensemble par la suite.
Le sénateur Kirby: Qui a décidé que vous interviendriez?
Mme Labelle: C'était l'impasse. Tout de suite avant que je ne parte, une décision a été prise par le négociateur en chef, moi-même, et il y avait peut-être d'autres personnes également. Quoi qu'il en soit, l'idée à l'époque n'était pas de négocier, mais plutôt (en tout cas jusqu'à ce que je quitte le ministère des Transports) d'essayer de voir si l'on ne pourrait pas jouer un rôle pour rapprocher les deux parties et tenter de forger une entente.
Le sénateur Kirby: Une fois arrivés à cette étape dans les négociations, l'élément Air Canada était-il, si je peux m'exprimer ainsi, le dernier obstacle à franchir en quelque sorte?
Mme Labelle: Non, mais il était de taille.
Le sénateur Kirby: Quels autres éléments y avait-il à l'époque?
Mme Labelle: Je pense que la documentation pour la mutation des employés n'était pas encore terminée. Il faudrait que je me rafraîchisse la mémoire, mais je sais qu'en juin ce n'était pas la seule question non encore réglée.
Le sénateur Kirby: Ce que j'essaie de dire c'est que vous n'êtes pas intervenue parce que c'était le dernier morceau sur la table.
Mme Labelle: Non, mais c'était... non. C'était néanmoins un élément important, un élément qui avait jusque-là posé des problèmes aux deux parties concernées.
Le sénateur Kirby: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, madame Labelle.
Le président: Madame Labelle, j'espère que ça ne sonnera pas trop dramatique, mais cela force quelque peu la crédulité.
Glen Shortliffe a signé une lettre qu'Air Canada a interprétée comme étant le début... ou un bail, en bonne et due forme, pour une longue période de temps, et il a fait cela en 1989. Et le sous-ministre et le sous-ministre adjoint responsables des Aéroports n'en ont pris connaissance, dites-vous, qu'en avril 1993?
Mme Labelle: J'aimerais éclaircir quelque chose, monsieur le président. J'ai su environ un an avant que cette lettre existait. En effet, l'un des vice-présidents d'Air Canada m'a envoyé une correspondance à cet effet, indiquant que... me disant qu'il avait une lettre, un engagement de mon prédécesseur... celui de faire en sorte que ces lignes directrices, dont ils avaient convenu ensemble, fassent partie de leurs discussions futures.
Ce que je n'ai su qu'au printemps c'est que ces documents n'avaient pas été déposés dans la salle de documentation mise à la disposition des proposants.
Mais cette documentation était là. J'imagine que toute personne raisonnable aurait pensé qu'étant donné les discussions qu'il y avait eues entre Air Canada et Mergeco et, auparavant, Paxport, ces renseignements auraient eux aussi été mis à leur disposition. J'ai néanmoins tenu à ce que ces renseignements soient communiqués officiellement à ce qui était sans doute devenu entre-temps la Pearson Development Corporation. C'est pourquoi j'ai envoyé cette lettre. Je voulais que ce soit encore plus clair.
Le président: Oui. Mais ces renseignements n'étaient manifestement pas... ils ne faisaient pas partie de la demande de propositions.
Mme Labelle: La déclaration qui figure à la page 27 de la demande de propositions est une déclaration très importante indiquant très clairement qu'Air Canada... enfin, tous les intervenants faisant des propositions devaient savoir qu'Air Canada avait fait des investissements dans l'aérogare 2, qu'il faudrait en tenir compte, et qu'Air Canada espérait pouvoir en recueillir des avantages sur une période raisonnable et normale d'amortissement. Et la demande de propositions traite ailleurs également d'Air Canada.
Ce qui ne se trouvait pas dans la salle de documentation c'était la lettre du sous-ministre des Transports d'alors, Glen Shortliffe, ainsi que les lignes directrices. Ces éléments-là manquaient. Lorsque j'en ai pris connaissance, j'ai voulu faire en sorte que la signification de ces lignes directrices aux yeux d'Air Canada soit claire. Une fois cela fait, j'ai couché cela sur papier et j'ai également écrit à MM. Matthews et Coughlin pour les en aviser.
Le président: Sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk: Merci, monsieur le président.
Madame Labelle, j'aimerais revenir un petit peu en arrière et j'aimerais que le processus lui-même soit clair. Par conséquent... et j'espère que cela ne va pas ennuyer tous les autres sénateurs, mais vous savez, je lis les journaux et j'essaie avec l'aide des journaux de décortiquer le processus. Peut-être qu'il y a quelque chose qui ne va pas ici. Peut-être que nous ne faisons pas en sorte que les choses soient claires.
Lorsque le ministre a annoncé en 1990 que l'énoncé de politique, publié en 1987, allait être mis en application et que le gouvernement allait envisager de louer les aérogares 1 et 2 au secteur privé, il n'a pas fallu attendre longtemps avant que vous n'arriviez.
Avez-vous chargé quelqu'un du processus de demande de propositions?
Mme Labelle: Oui. Ce que nous avons fait à l'époque... vous vous souviendrez également que lors de l'annonce faite par M. Lewis, il a également indiqué que cela suivrait; que la demande de propositions serait lancée une fois rendu public le rapport de la commission d'évaluation environnementale portant sur des pistes supplémentaires.
À l'époque, bien sûr, nous nous sommes concentrés là-dessus et nous y avons déployé beaucoup d'énergie en vue de régler cette question et de pouvoir passer aux étapes suivantes.
Le sénateur Tkachuk: Une étape n'était pas conditionnelle à une autre. D'après ce que j'ai compris des propos de M. Lewis, ces différentes questions étaient parallèles.
Mme Labelle: Oui. À l'époque, ce que nous avons fait c'est demander à Price Waterhouse de nous aider à élaborer la demande de propositions. Comme vous le savez sans doute, c'est précisément à ce moment-là que le personnel a commencé à s'en occuper.
Le sénateur Tkachuk: Qui en était responsable?
Mme Labelle: Victor Barbeau, en tant que sous-ministre adjoint responsable des aéroports, aurait été le premier responsable pour les groupes des aéroports. L'équipe qui a commencé à y travailler comptait certaines des personnes que vous avez rencontrées: par exemple, M. Wayne Power, qui était à l'aéroport, et qui était membre d'un groupe responsable de l'agrandissement de l'aéroport.
Le sénateur Tkachuk: Mais dans la hiérarchie, le ministre fait l'annonce, le sous-ministre dit: "Il faudrait que je commence à bouger là-dessus", il désigne un responsable et c'est cette personne qui lance le processus de demande de propositions.
Combien de temps a-t-il fallu à M. Barbeau pour organiser tout cela?
Mme Labelle: Voyez-vous, l'une des choses que nous étions... c'est un processus qui s'est échelonné sur une certaine période de temps, car il fallait, pour pouvoir élaborer la demande de propositions, qu'un certain nombre de décisions soient prises.
Par exemple, s'il allait y avoir des pistes de décollage et d'atterrissage supplémentaires, les exigences allaient être très différentes de ce qu'elles auraient été dans le cas contraire.
Nous attendions donc de connaître le résultat final pour un certain nombre de choses avant de pouvoir conclure notre travail, et ce que je viens de vous citer n'est qu'un exemple.
Deux initiatives ont néanmoins été prises tout de suite: premièrement, on a immédiatement passé contrat avec Price Waterhouse pour que celle-ci nous aide à arrêter le contenu de la demande de propositions; deuxièmement, on a fait faire l'étude d'évaluation, ce qui était très important. En effet, il nous fallait avoir une évaluation indépendante des aérogares 1 et 2 car, comme vous le savez, il faut avoir des repères par rapport auxquels évaluer les propositions déposées. Voilà donc ce qui se faisait. Il y avait, voyez-vous, différents éléments auxquels on travaillait en même temps.
Le sénateur Tkachuk: Un grand nombre de personnes se sont intéressées à cette affaire pendant tout ce processus, y compris les deux qui ont fini par être les principaux concurrents en lice. Y avait-il à l'époque quelqu'un d'autre en ville qui en parlait et qui s'y intéressait?
Mme Labelle: Pendant cette période, le consortium de l'administration aéroportuaire British Airways (je m'excuse de ne pas connaître le nom exact, monsieur le président) mais c'était un groupe qui était très désireux de participer au réaménagement des aérogares 1 et 2. Paxport...
Le sénateur Tkachuk: Le consortium de British était-il en ville?
Mme Labelle: Oui. Il avait des bureaux à Toronto.
Le sénateur Tkachuk: Des représentants de ce consortium sont-ils venus vous rendre visite?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Pour parler de quoi... et à quel moment?
Mme Labelle: C'était sans doute en 1991, fin 90, début 91.
Le sénateur Tkachuk: Les gens étaient donc au courant de tout cela même à Londres... les nouvelles, ça se propage vite. Non? Mais si, certainement. Quelqu'un a dû leur téléphoner pour leur dire: "Devinez quoi, il y a des possibilités pour nous là-bas. Allons y faire un tour. Allons voir ce qui s'y passe".
Alors voici que l'annonce est faite en 1990, à l'automne, et en 1991, peu après... je ne devrais pas dire "peu après", car je devrais suivre mes propres conseils.
En 1991, les Britanniques sont ici en train d'envisager de faire une proposition.
Des témoins que nous avons entendus avant vous nous ont dit que comptait parmi les autres intéressés un associé de Paxport, la AGRA Industries, qui avait son siège à Saskatoon à l'époque, et qui se trouve maintenant malheureusement à Calgary. Jusqu'en Angleterre, jusque dans les Prairies... jusqu'à Saskatoon, bon sang, les gens étaient au courant de cette proposition. Ce n'était pas un gros secret.
Le sénateur Kirby: Monsieur le président, ce que dit mon collègue ne me pose aucun problème. Tout simplement, je ne peux pas résister à la tentation de souligner que son discours est plus long que le mien de tout à l'heure, dont il m'a reproché la durée.
Le sénateur Tkachuk: Je tente de résumer. J'essaie de faire ressortir quelque chose et je fais de mon mieux.
Le sénateur LeBreton: Pensez à jeudi dernier.
Le sénateur Kirby: Je ne me plains pas. Je voulais juste faire cette observation.
Le sénateur Tkachuk: Sénateur Kirby, tout ce que j'essaie de faire c'est de rattraper.
Le sénateur Kirby: Cela prendra du temps.
Le sénateur Tkachuk: Je sais, je sais.
C'est M. Barbeau qui est responsable de cela maintenant. C'est lui qui prépare la proposition. J'imagine qu'il vous consulte, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Ainsi que d'autres personnes au gouvernement?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Au ministère de la Justice?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Et dans quels autres ministères?
Mme Labelle: Ministère de la Justice, Conseil du Trésor, ministère des Finances, Conseil privé... vous savez, plusieurs ministères et tout particulièrement des organismes centraux sont intervenus.
Le sénateur Tkachuk: Il y avait des gens d'un petit peu partout, pour essayer d'en arriver à la meilleure formule possible.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: La demande de propositions a donc été prête quand?
M. Nelligan: La dernière demande de propositions a été prête au moment de son lancement. Mais il y a eu... comme je l'ai mentionné, ce processus suivait ou accompagnait plusieurs autres dossiers qui avançaient simultanément et qui avaient une incidence sur la substance de la demande de propositions.
L'élaboration de la demande de propositions a dû franchir diverses étapes, et la demande a été prête pour diffusion le jour où elle est sortie. Une fois l'annonce faite par le gouvernement qu'il souhaitait aller de l'avant avec une demande de propositions, et il me semble que cela est intervenu en février 1992, il a fallu quelques semaines seulement... au bout de quelques semaines, la demande de propositions sortait.
Le sénateur Tkachuk: Vous étiez-vous attendue à ce que M. Barbeau ait fait un examen attentif de cette demande de propositions?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Obteniez-vous conseil auprès de lui?
Mme Labelle: Lors de la préparation d'un tel document... il faut se rappeler que ce document devait être transmis au Conseil du Trésor, car il nous fallait obtenir son approbation pour aller de l'avant avec la demande de propositions. Au ministère des Transports, y travaillaient quotidiennement des gens des Finances, du Personnel, et cetera, et il en était de même du côté du ministère de la Justice. D'autres spécialistes, par exemple des ingénieurs, ont fait partie de l'équipe chargée d'élaborer la demande de propositions. Au bout du compte, bien sûr, c'est le Conseil du Trésor qui a dû l'examiner.
Le sénateur Tkachuk: Permettez-moi de reprendre. Vous vous seriez attendue à ce qu'il ait examiné cela de très près. Il n'aurait pas dit: "Qu'en pensez-vous, M. Lane? Cela semble bien? Parfait, je transmets"? Ou bien vous étiez-vous attendue à ce qu'il dise: "Merci beaucoup, monsieur Lane, je vais l'examiner"?
Mme Labelle: Eh bien, je me serais attendue à ce que les intervenants en fassent l'examen. Je l'ai moi-même examiné très attentivement, car je ne l'ai pas transmis.
Le sénateur Tkachuk: Vous vous seriez donc attendu à ce qu'il lise la demande.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Aurait-il été au courant du fait que l'équipe d'évaluation fixait ses propres délais pour faire son évaluation de la proposition?
Mme Labelle: Je pense que l'équipe d'évaluation... on a demandé à l'équipe de nous dire ce qui serait selon elle raisonnable pour être en mesure de...
Le sénateur Tkachuk: Aurait-il été au courant de cela?
Mme Labelle: J'imagine que oui.
Le sénateur Tkachuk: Il aurait su que l'équipe d'évaluation fixait ses propres délais, décidait elle-même du temps qu'il lui faudrait pour examiner la proposition?
Mme Labelle: On a demandé à l'équipe d'évaluation combien de temps il lui faudrait. Elle a répondu penser pouvoir faire le travail dans tel délai. Ça semblait bien et on a dit d'accord.
Le sénateur Tkachuk: Et M. Barbeau aurait participé à cette discussion...
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: ...ainsi qu'à la réunion?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Cela ne l'aurait donc guère étonné qu'ils soient en train de suer à Toronto...
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Tkachuk: ...à travailler les fins de semaine, à rater des congés, et cetera. Il n'y a pas de gros problème ici? Il aurait été au courant du fait qu'ils avaient eux-mêmes décidé qu'ils feraient cela...
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: ...par courtoisie, par politesse?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Tous les Canadiens étant bons citoyens?
Mme Labelle: Absolument.
Le sénateur Tkachuk: Très bien. Je tenais à ce que ce soit clair, car ce n'est pas là l'impression que j'ai eue pendant son témoignage, et je voulais en connaître la vôtre.
Mais maintenant, il y a la proposition, il y a les gens en lice, tout a été passé en revue, et vient enfin l'équipe d'évaluation. Tout cela est fait et il en sort une recommandation. La recommandation est venue de l'équipe d'évaluation. Où va-t-elle ensuite?
Mme Labelle: Une fois terminé le travail de l'équipe d'évaluation et une fois le dossier fermé en ce qui la concernait (l'équipe avait en effet, du début à la fin, fait ce qu'on lui avait demandé de faire), alors j'ai constitué mon comité interministériel pour obtenir une séance de breffage auprès de M. Lane sur les résultats de leurs conclusions... encore une fois, il s'agissait de passer en revue la façon dont ils avaient procédé, pour être bien certain que cela était conforme avec le plan original. En même temps, nous... très peu de temps après cela, j'ai également rencontré M. L'Abbé, qui travaillait avec le cabinet de vérification Raymond, Chabot, Paré, qui avait été chargé de valider et de surveiller le processus, ce en vue d'obtenir son rapport.
C'est à ce moment-là que les deux ont été déposés auprès du ministre puis auprès du Cabinet, avec la recommandation finale, qui est demeurée la même.
Le sénateur Tkachuk: Les recommandations de l'équipe d'évaluation ont donc franchi toutes les étapes du processus, passant à M. Barbeau puis à vous, qui avez alors fait votre recommandation en disant: "Oui, voici ce qu'ils ont dit". C'est bien cela?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Pendant cette même période, avez-vous reçu des appels du cabinet du ministre du genre: "Assurez-vous que tel Tory reçoive cela. Veillez à ce que tel Conservateur reçoive cela"?
Mme Labelle: Non, ni mon bureau ni le sien ne sont intervenus...
Le sénateur Tkachuk: Personne n'était...
Mme Labelle: ...dans le processus d'examen de la demande de propositions.
Le sénateur Tkachuk: Ils ne vous ont pas demandé quelles étaient les allégeances politiques des autres associés?
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Tkachuk: Ils ne vous ont pas demandé quelles étaient les allégeances politiques du président d'Agra Industries? Ils ne vous ont pas posé ce genre de questions?
Je vous le demande, car cela est extrêmement important. La situation est ce qu'elle est à cause de tout cela. Je tiens à être bien certain qu'on ne vous bombardait pas de tous côtés pour être sûr que tel associé conservateur du groupe Paxport allait se voir accorder le contrat. Cela n'est pas arrivé?
Mme Labelle: Cela n'est pas arrivé. Pas à moi.
Le sénateur Tkachuk: Il y a deux problèmes... et il y en a un en particulier. Toute cette question de l'aéroport m'ennuie, et cela a été soulevé par le président. Lorsque tout cela est arrivé, lorsque vous avez découvert que le bail... que l'entente avec Air Canada qui avait été négociée...
Le sénateur Kirby: Excusez-moi, vous avez dit "aéroport". Vous vouliez dire Air Canada. Bon, d'accord.
Le sénateur Tkachuk: Toutes mes excuses. C'est en effet du bail d'Air Canada que je veux parler. En avez-vous discuté avec M. Barbeau? Qui a assumé la responsabilité de ce qui ressemble à mes yeux... je devrais retenir de me le dire... j'assume, moi aussi, la responsabilité de ce que je vais dire ici. Qui donc en a assumé la responsabilité?
Mme Labelle: Ceux et celles qui préparaient les données destinées à la salle de documentation disposaient de quantité d'informations. Cela pourrait se comparer à la documentation que vous vous recevez. Il y avait donc, comme vous pouvez vous l'imaginer, énormément de dossiers à trouver, de pièces à ajouter.
Au bout du compte, je pense qu'ils ont été amenés à prendre des décisions sur ce qui était selon eux vraiment nécessaire, vraiment essentiel et... par exemple, il y avait là les baux de tous les locataires, de la documentation sur l'aéroport lui-même, sur les différents systèmes, sur l'architecture, sur quantité d'aspects, sur la sécurité et tout le reste, sur l'aéroport tout entier. Par conséquent...
Le sénateur Tkachuk: Mais on parle ici d'une grosse affaire. Ce contrat était extrêmement important. Le bail ou l'entente entre Air Canada et Transports Canada était devenu très important dans le contexte du contrat lui-même. Toutes ces personnes faisaient des offres en s'appuyant sur de fausses hypothèses, sur de fausses hypothèses financières, ce qui allait avoir une incidence sur leur rentabilité, sur leurs revenus, et sur leurs projets de construction. Tout cela allait avoir des conséquences sur bien des plans. Vous le convoquez, donc, et vous lui demandez: "Monsieur Barbeau, comment cela est-il arrivé"? Lui avez-vous posé cette question?
Mme Labelle: Non. Je lui ai cependant demandé, tout d'abord, si les renseignements étaient manquants et, deuxièmement, ce qui s'était passé. Mais, encore une fois, je vous renverrai à la demande de propositions, qui indiquait clairement à quiconque était désireux de faire une proposition qu'Air Canada s'attendait à un amortissement à long terme de l'investissement qu'elle avait fait dans l'aérogare.
L'on se serait attendu à ce que les proposants, voyant cela, essaient d'obtenir davantage de renseignements là-dessus. Ce n'est pas tout blanc d'un côté et tout noir de l'autre. Il y avait un avertissement couché en des termes très clairs.
Le sénateur Tkachuk: On parle ici de M. Bronfman; il n'était pas au courant. Non seulement les proposants qui ont eu le contrat ne le savaient pas, mais les proposants qui ne l'ont pas eu ne le savaient pas non plus. Personne n'était au courant.
Mme Labelle: Ce que j'essaie de dire, c'est que la demande de propositions dit très clairement qu'il y avait une incidence en aval sur l'investissement d'Air Canada. Il est important de mettre tout cela en contexte.
Le sénateur Tkachuk: Passons maintenant au 7 décembre. La proposition sort et c'est Paxport qui l'emporte. C'est à ce moment-là que M. Barbeau a été chargé des négociations? Était-ce lui le responsable?
Mme Labelle: À l'époque, nous n'étions pas... ce que nous cherchions à obtenir auprès de Paxport c'était des renseignements supplémentaires sur la capacité de financement de leur proposition, ce avant d'entamer les négociations. Il ne s'agissait donc pas encore de négocier: l'on cherchait à éclaircir un certain nombre de questions qui nous préoccupaient. Nous avons soumis ces questions à Paxport mais vous vous souviendrez également du communiqué qui est sorti, informant les Canadiens que Paxport avait fait la meilleure proposition d'ensemble et que la première étape, avant d'entamer les négociations, allait être de déterminer la capacité de financement.
Voilà donc, sénateur, comment cela s'est passé.
Le sénateur Tkachuk: Très bien. Est-ce que le gouvernement, une fois... ce à quoi je veux en venir... et je tiens à m'exprimer correctement afin d'éviter que le sénateur Kirby ne me dispute.
Le gouvernement a établi très clairement que l'acceptation de la proposition de Paxport, celle qui avait été retenue, était conditionnelle à la fourniture d'une garantie de financement satisfaisante, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Cela n'a donc étonné personne, n'est-ce pas?
Il ne me reste plus que quelques questions à vous poser. J'ai trouvé toute cette discussion très amusante. La lettre...
Lorsqu'on franchit le cap des 50 ans, c'est amusant, n'est-ce pas?
Mme Labelle: Si c'est le cas, je m'amuse depuis quelques années déjà.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous reçu une lettre de M. Bronfman disant : "Je pense que le processus est injuste si c'est Paxport qui a gagné"?
Mme Labelle: Je n'ai reçu aucune lettre de M. Bronfman.
Le sénateur Tkachuk: Des représentants de la compagnie de M. Bronfman se sont-ils plaints, reprochant au processus d'être injuste?
Mme Labelle: Je ne pense pas que la compagnie... que Claridge, l'autre proposant, se soit plaint de l'équité du système. Je pense qu'à l'époque il aurait préféré que les aérogares 1 et 2 ne soient pas privatisées et que le statut de l'aéroport demeure inchangé. Mais pour répondre à votre question, non, je n'ai pas reçu de lettre.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous reçu une lettre du chef de l'opposition, de M. Chrétien, disant: "Bon sang, qu'est-ce qui s'est passé ici? Comment cela a-t-il pu se produire"?
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous jamais reçu une lettre de lui?
Mme Labelle: Non. Je ne reçois pas de lettres des chefs de l'opposition.
Le sénateur Tkachuk: Les gens à l'époque... il n'y a pas eu beaucoup de plaintes là-dessus à l'époque? Les gens n'ont pas été nombreux à vous dire que c'était un gros problème et que votre processus était injuste?
Mme Labelle: Je n'ai reçu de lettre de personne.
Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez reçu aucune lettre.
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Tkachuk: Très bien. Je n'ai pas d'autres questions. Excusez-moi d'avoir pris tout ce temps. Là n'était pas mon intention.
Le président: Madame Labelle, lorsque vous avez mis sur pied l'équipe d'évaluation, vous avez dû vous adresser au Conseil du Trésor pour obtenir des crédits afin de la financer.
Mme Labelle: Oui.
Le président: Combien avez-vous demandé et obtenu?
Mme Labelle: Il faudrait que je vérifie, monsieur le président, car je ne veux pas...
Le président: Serait-ce aux alentours de 10 millions de dollars?
Mme Labelle: Non, je pense que c'était moins que cela, mais il faudrait que je vérifie pour m'assurer de vous donner le bon chiffre car, vous savez, il y avait différents chiffres pour divers aspects de... ce projet. Donc, il faudrait que je vérifie avant de vous donner les renseignements.
Le sénateur Hervieux-Payette: Juste pour préciser la question, souhaitez-vous connaître la somme qu'a coûtée le processus d'évaluation, ou bien voulez-vous le montant pour l'ensemble de la période? Je veux simplement m'assurer que nous ayons la bonne...
Le président: Non, non.
Mme Labelle: Pour l'évaluation.
Le président: Oui. Il a bien fallu que Mme Labelle s'adresse au Conseil du Trésor pour demander les crédits nécessaires pour mettre sur pied et financer l'équipe d'évaluation, uniquement l'équipe d'évaluation et son rapport.
Le sénateur Hervieux-Payette: D'accord.
Le président: Le sénateur Jessiman, puis M. Nelligan.
Le sénateur Jessiman: Madame Labelle, je vais peut-être répéter certaines choses qui ont déjà été dites, et je vous prie de m'en excuser.
Il faut cependant que vous sachiez que l'une des principales doléances concernant cette transaction en particulier était le fait que premièrement, il n'y a pas eu d'appel de déclarations d'intérêt.
Deuxièmement, au sujet de la demande de propositions, le délai n'était que de 90 jours. Certains disent 90, d'autres 95.
Troisièmement, les administrations aéroportuaires locales n'ont pas été invitées à participer au processus.
Quatrièmement, il y a eu l'influence des lobbyistes.
Cinquièmement, la signature du contrat, aux alentours du 7 octobre 1993, était soit illégale, soit immorale ou contraire à quelque tradition.
J'aimerais vous parler uniquement des quatre premières doléances, car je ne pense pas que vous soyez en mesure... vous le pouvez peut-être, mais le 7 octobre 1993 vous n'étiez plus en poste et cet aspect est en fait une question de constitutionnalité.
Parlons donc des déclarations d'intérêt. En 1986, le ministre des Transports d'alors, M. Crosby, a fait savoir, le 11 septembre 1986, que le secteur privé aurait une part dans la réalisation de l'aérogare 3. Et on nous dit que diverses parties ont exprimé un intérêt.
Si j'ai bien compris (et rectifiez si je me trompe) à cette époque, ni Transports Canada ni quiconque au ministère des Transports ou au gouvernement, ne savait réellement qui étaient les partenaires possibles, qui étaient les personnes capables de construire des aérogares de cette taille au Canada. Ai-je raison?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et on m'a dit, et les témoignages faits ici l'indiquent, que sept ou huit personnes ont fait savoir qu'elles seraient intéressées. On m'a dit également que seuls quatre consortium ont effectivement soumissionné. Est-ce exact?
Mme Labelle: C'était avant mon arrivée, sénateur, mais c'est ce qu'il me semble.
Le sénateur Jessiman: Permettez-moi de vous dire qui étaient ces quatre.
Il y avait Bramalea-Ward Air, et nous savons tous, ou du moins la plupart d'entre nous savons, que Bramalea avait quelques problèmes; Ward Air en avait aussi et a disparu depuis; Cadillac Fairview était à la tête d'un autre consortium; il y avait encore Falconstar, qui était en réalité l'ancêtre de Paxport. Et il y avait enfin la Airport Development Corporation, c'est-à-dire Huang et Danczkzay, mais je crois savoir que les Bronfmans avaient aussi une part. Ce sont les quatre groupes qui ont effectivement présenté une soumission. Ai-je raison?
Mme Labelle: C'est ce qu'il me semble.
Le sénateur Jessiman: Et Huang et Danczkzay ont remporté le marché?
Mme Labelle: Hm-hmm.
Le sénateur Jessiman: Et à cette époque, le groupe Bronfman avait une part minoritaire dans l'aérogare 3 et est devenu plus tard actionnaire majoritaire parce qu'il a racheté la part de Huang et Danczkzay.
Ensuite, il a été question d'effectuer des réparations ou des travaux de quelque sorte dans les aérogares 1 et 2. Et on nous a dit que, au départ, ou du moins c'est ce que dit le rapport de M. Nixon, qu'il n'y avait qu'une offre spontanée, celle du groupe Paxport, alors qu'en réalité il y en avait trois. Ai-je raison?
Mme Labelle: C'est ce qu'il me semble aussi. C'était l'été avant mon arrivée aux Transports.
Le sénateur Jessiman: Et ces trois personnes, ou ces trois sociétés, étaient le groupe Paxport, Canadian Airports Limited et Airport Development Corporation. C'étaient donc les trois compagnies qui étaient intéressées, qui étaient capables de faire le travail si on leur accordait le marché.
Donc, lorsque l'annonce a été faite que les travaux allaient être entrepris (et 17 mois se sont passés avant le lancement de la demande de propositions), votre ministère, Transports Canada, savait en réalité qui étaient les soumissionnaires possibles? N'est-ce pas exact? J'entends par là que vous saviez de façon générale qui allait soumissionner pour ce marché, qui en avait la capacité?
Mme Labelle: Nous savions certainement qui avait exprimé un intérêt. Nous ne savions pas si d'autres viendraient s'y ajouter, mais nous pouvions supposer que ce projet était bien connu dans le pays car il avait été annoncé depuis déjà pas mal de temps.
Le sénateur Jessiman: Oui. Il n'était donc pas déraisonnable, dans ces conditions, de... parce que ce n'est pas toujours que vous avez des déclarations d'intérêt. Vous le savez parce que vous avez été en poste dans d'autres ministères. Ce n'est que lorsque vous ignorez qui sont les soumissionnaires éventuels que vous allez dire: "Qui va soumissionner là-dessus?", et donc vous demandez aux intéressés à s'identifier. Mais dans bien des cas, ce n'est pas nécessaire. Ai-je raison?
Mme Labelle: C'est juste.
Le sénateur Jessiman: Et, en l'occurrence, une décision a été prise. Vous saviez qui ils étaient. Vous aviez fait l'annonce. Tout le monde était au courant. Ils avaient eu 17 mois depuis que vous aviez fait l'annonce. Et donc vous avez lancé la demande de propositions.
Et maintenant ils se plaignent des 90 jours. N'est-il pas vrai que lorsqu'on a annoncé que ce serait 90 jours, le ministre a déclaré à la Chambre des communes (et a fait répéter à d'autres, et je me souviens d'une réunion, deux semaines après, à laquelle 200 personnes étaient présentes) que si des parties sérieusement intéressées pensaient que ce délai était déloyal, qu'un prolongement serait accordé?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Jessiman: C'est donc vrai. Je vous remercie. Bien, passons à un autre sujet; je ne l'ai peut-être pas encore abordé. Je vais revenir quelque peu en arrière, car le troisième groupe dont nous parlions étaient les administrations aéroportuaires locales.
Vous avez indiqué, je pense, que jusqu'en mai 1993, elles n'avaient pas réussi à s'organiser, à votre avis, et vous êtes partie en juin 1993. Vous avez dit qu'elles n'étaient pas prêtes en mai, mais vous n'entendiez pas par là qu'elles pouvaient l'être en juin?
Mme Labelle: Non.
Le sénateur Jessiman: Et cela ne vous surprendrait pas d'apprendre (comme il ressort de la correspondance que je possède) qu'en octobre 1993, elles n'étaient toujours pas organisées. Était-ce le cas, à votre avis? Est-ce vrai? Je peux vous montrer une lettre qui l'indique, mais savez-vous s'il en était ainsi ou non?
Mme Labelle: Je n'ai pas suivi ce dossier, sénateur, après mon départ des Transports, mais je vous crois sur parole.
Le sénateur Jessiman: Mais cela ne vous surprendrait pas. Car Mississauga, une partie de la municipalité de Peel, n'a jamais accepté que... elle exigeait que l'aéroport du centre-ville de Toronto en fasse partie. Et le gouvernement fédéral a répondu: "Voyons, nous n'avons aucun contrôle là-dessus. Nous ne pouvons englober cela dans le projet". N'est-ce pas exact?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Jessiman: Je vous remercie. Maintenant, il y avait aussi la question de l'évaluation environnementale, et on a beaucoup reproché au ministre de n'avoir pas attendu l'évaluation environnementale sur les pistes avant de décider de faire quelque chose au sujet des aérogares.
Et sa réponse (et elle me paraît logique) a été de mener les deux en parallèles.
Savez-vous que l'évaluation environnementale a été déposée en novembre 1993? Le saviez-vous?
Mme Labelle: Je pense que l'évaluation environnementale a été achevée l'année précédente, en 1992, et je pense...
Le sénateur Jessiman: Je vous crois sur parole.
Mme Labelle: Je pense que c'était juste une année plus tôt que ce que vous avez dit, sénateur.
Le sénateur Jessiman: Bien, je vous remercie. Et le marché a été adjugé en décembre, n'est-ce pas? Désolé, vous avez raison, c'était en novembre 1992 et le gagnant a été déclaré en décembre.
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Jessiman: Donc, si le ministre avait attendu, comme d'aucuns affirment qu'il aurait dû, cela signifie qu'il y aurait eu une grosse perte de temps. Est-ce exact?
Mme Labelle: C'est juste.
Le sénateur Jessiman: Maintenant, pour ce qui est de la demande de propositions, vous nous avez expliqué que le ministère avait fait appel à une aide externe pour la rédiger?
Mme Labelle: Oui.
Le sénateur Jessiman: Qui étaient les gens de l'extérieur?
Mme Labelle: Price Waterhouse a contribué à rédiger la demande de propositions.
Le sénateur Jessiman: Et la demande de propositions prévoyait aussi, n'est-ce pas, nonobstant la signature d'un contrat, qu'une administration aéroportuaire locale puisse reprendre le contrat car le gouvernement, aux termes de la demande de propositions, se réservait le droit d'attribuer le bail foncier à une administration aéroportuaire locale. Est-ce exact?
Mme Labelle: Oui, nous avons indiqué, à la page 31 de la demande de propositions, je crois, aux proposants qu'une administration aéroportuaire locale pourrait éventuellement prendre le contrôle.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Labelle: De l'administration de l'aéroport. L'administration d'ensemble de l'aéroport et des terrains.
Le sénateur Jessiman: Je n'ai que deux autres questions. Je sais que vous l'avez déjà dit, mais j'aimerais que vous le répétiez, si vous voulez bien, et je ne doute pas que vous direz la même chose.
Sur la question des lobbyistes, M. Nelligan a demandé à M. Shortliffe:
M. Nelligan: Quelle était la procédure vis-à-vis des lobbyistes au sein du ministère; quelle influence avaient-ils, le cas échéant?
Sa réponse, et je vous demanderais de répondre après avoir entendu ceci:
M. Shortliffe: On les écoutait. On les recevait courtoisement, j'espère, la plupart du temps, sauf s'ils insistaient trop lourdement. Avaient-ils une influence? Je dois dire, monsieur, que j'ai vu au fil des ans quantité de lobbyistes se faire payer beaucoup d'argent, mais leur influence réelle sur la façon dont les projets étaient élaborés, négociés ou décidés était nulle.
Cela semble parfaitement clair.
Et voilà ma réponse à votre question.
Je vous pose maintenant la même question.
Mme Labelle: Il ne fait aucun doute que, pendant que j'étais aux Transports, tout comme dans les autres ministères, je recevais la visite d'un certain nombre de lobbyistes représentant divers groupes à divers moments. Je ne peux parler que pour moi, je ne peux parler au nom de personne d'autre.
En ce qui me concerne, j'acceptais certainement leurs appels téléphoniques, je les recevais, je les écoutais, ainsi que Glen Shortliffe l'a dit. Et au bout du compte, ils n'avaient aucune influence sur les avis ou conseils que je donnais à mes ministres, quels qu'ils soient.
Le sénateur Jessiman: Ma dernière question intéresse le bail d'Air Canada et la manière dont il est présenté dans la demande de propositions.
Avez-vous dit que M. Barbeau vous rendait compte de cet aspect de la demande de propositions?
Mme Labelle: M. Barbeau me rendait compte à l'époque sur...
Le sénateur Jessiman: Il est le responsable de la rédaction de ce document?
Mme Labelle: Il était chargé de veiller à ce qu'il soit rédigé.
Le sénateur Jessiman: Et vous avez dit qu'il était tout à fait clair que, lorsque nous avons utilisé les termes suivants - et je vais les relire afin qu'ils figurent de nouveau au compte rendu:
Air Canada a fait ces investissements dans l'espoir qu'elle pourrait en recueillir les avantages sur une période raisonnable et normale d'amortissement.
Vous vous êtes arrêtée là. Ce que cela dit, c'est qu'Air Canada compte sur un certain nombre de choses. C'est ce que vous faites valoir. C'est ce que M. Barbeau faisait valoir:
Air Canada détient à l'heure actuelle un bail pour les locaux qu'elle occupe dans l'aérogare 2. La durée de ce bail...
...et voici la partie importante...
...et les options de renouvellement prendront fin en 1997.
Mais si Air Canada avait une lettre, si quelqu'un dans votre ministère, si c'est bien le vôtre qui était responsable, savait qu'elle avait une lettre dont elle prétend qu'elle lui accorde une option de renouvellement, l'affirmation précédente, voulant que le bail vienne à terme en 1997, est fausse.
Vous avez réellement induit en erreur les soumissionnaires à ce sujet.
Mme Labelle: Je pense qu'il faut lire l'ensemble du paragraphe.
Le sénateur Jessiman: Très bien, voyons plus loin.
Mme Labelle: Il ne faut pas faire abstraction de la première ligne.
Le sénateur Jessiman: Dites-moi ce que l'on dit d'autre.
Mme Labelle: Juste cette première ligne, encore une fois. Ces deux lignes sont essentielles.
Le sénateur Jessiman: Mais ce qu'Air Canada escompte est une chose. Je peux comprendre qu'elle ait certaines attentes. Mais vous donnez à penser à ces soumissionnaires, dans ce texte, que le bail et les options de renouvellement expireront en 1997.
À mon avis, madame, on ne peut s'attendre à ce que quelqu'un qui lit cela déduise des deux premières lignes qu'Air Canada possède peut-être une option de renouvellement pour 40 autres années, ou quel que soit le terme.
Je pense que c'était déloyal à l'égard des soumissionnaires. C'est peut-être une erreur regrettable, dont je suis sûr qu'elle n'était pas intentionnelle, mais je pense que c'était regrettable.
Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Monsieur Nelligan?
M. Nelligan: Madame Labelle, sans vouloir critiquer le sénateur Kirby qui affirmait que les fonctionnaires ne prêtent pas serment à leur entrée en fonctions, j'attire votre attention et la sienne sur les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, dont je crois que vous avez eu à connaître dans vos fonctions. L'article 23 dit:
Les administrateurs généraux et fonctionnaires ayant été recrutés hors de la fonction publique prêtent et souscrivent, dès leur nomination, le serment ou l'affirmation solennelle d'allégeance ainsi que le serment ou l'affirmation solennelle figurant à l'annexe III...
Il est donc établi que vous êtes tous sur le même pied.
Mme Labelle: Je fais amende honorable.
Le sénateur Kirby: Je ne le savais pas non plus. Je ne savais pas que cela avait jamais été appliqué.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur le conseiller, il était sous-ministre. Comment aurait-il pu savoir?
M. Nelligan: Deuxièmement, pour ce qui est de l'adjoint de M. Jelinek. Sénateurs, j'ai ici une déclaration de M. Kozicz. Je propose, au lieu de le convoquer, de faire lecture de cette déclaration et de demander au témoin sa réaction. C'est très court. Voici le texte:
Pendant le témoignage de Mme Labelle, en réponse à une question des sénateurs, Mme Labelle a déclaré qu'un membre du cabinet du ministre Jelinek avait demandé à participer à l'équipe de négociation mais que cette demande a été rejetée. Mme Labelle a ajouté qu'elle pensait que cette personne ne faisait plus partie du personnel de M. Jelinek au moment de la demande et était en réalité employée alors par Paxport ou le groupe Matthews.
J'étais présent lors de ce témoignage et voudrais apporter les précisions suivantes car je pense que c'est de moi que parlait Mme Labelle. J'ai été agent du Service extérieur de 1986 à 1990 et suis devenu ensuite membre du personnel exonéré du ministre fédéral des Sciences William C. Winegard, d'abord à titre d'adjoint exécutif puis de chef de cabinet. J'ai travaillé dans le cabinet du ministre Winegard pendant environ trois ans.
Après mon départ du cabinet du ministre Winegard, en janvier 1993, j'ai pris un emploi chez Matthews Group Ltd., à Toronto. En mai 1993, mon employeur m'a demandé d'aider la Pearson Development Corporation (Mergeco) dans ses négociations avec le gouvernement. Cette affectation a duré environ quatre semaines.
Je pense que mon emploi antérieur, tant comme fonctionnaire que comme membre du personnel exonéré, a pu causer quelque confusion chez ceux qui négociaient pour le compte du gouvernement.
Madame Labelle, contestez-vous quelque chose dans cette déclaration ou bien avez-vous connaissance de faits autres?
Mme Labelle: Monsieur le président, j'accepte certainement la déclaration faite par M. Kozicz lui-même. Lorsque j'ai été informée de la situation, en 1993, c'est de la façon que j'ai dite que les circonstances m'ont été présentées, mais je pense qu'il faut ajouter foi au rectificatif car l'intéressé est évidemment la personne la mieux informée.
M. Nelligan: Et je pense qu'il est facile de vérifier la composition du cabinet de M. Jelinek. Je voulais simplement clarifier cet aspect. Heureusement, le témoin était venu de son propre chef écouter votre témoignage.
La question suivante intéresse le bail d'Air Canada et je pense devoir vous avertir, madame Labelle, du fait que certains témoins pourraient venir indiquer ici que la valeur contraignante de la lettre d'engagement avait été portée à l'attention du ministère dès le début de 1993, même si la chose a été tue pendant quelque temps.
Pourriez-vous dire au comité à quelle date vous avez appris que la lettre d'engagement envers Air Canada avait valeur contraignante, au lieu d'être non contraignante?
Mme Labelle: J'ai été informée, je pense, début avril, fin mars, tout début avril, du fait que les principes directeurs et la lettre de M. Shortliffe n'avaient pas été placés dans la salle des données.
Là-dessus, comme je l'ai mentionné, j'ai tout d'abord revu ce que disait la demande de propositions; j'ai demandé un avis juridique à nos juristes pour déterminer la valeur de ce document, car il semblait y avoir des points de vue divergents quant à la valeur légale de lignes directrices, la mesure dans laquelle elles pouvaient être considérées comme contraignantes pour quiconque.
Il a donc fallu quelque temps pour clarifier tout cela.
J'ai ensuite pris langue avec le président d'Air Canada qui m'a demandé un petit délai, une semaine ou à peu près, pour revoir le dossier lui-même et me donner une réponse. C'est lorsqu'il m'a indiqué qu'à son avis cette lettre conservait valeur juridique, que j'ai décidé de mettre cela immédiatement sur papier et de lui adresser une lettre, suivie d'une lettre à MM. Matthews et Coughlin.
M. Nelligan: Oui, car il se pourrait que d'aucuns affirment que Matthews et Coughlin ont été informés le 11 juin. Est-ce que cela correspond à votre souvenir?
Mme Labelle: La notification officielle, oui, a été faite; en tout cas, la lettre a été signée à cette époque. Mais, lorsque j'y repense, monsieur le président, il ne faut pas oublier non plus qu'Air Canada et l'un des principaux proposants, Paxport, avaient eu des pourparlers en vue d'une association l'année précédente; Paxport avait eu des pourparlers avec Air Canada pendant l'hiver, c'est-à-dire les mois de janvier, février de cette même année, 1993; et la nouvelle société, Mergeco, avait elle-même eu des discussions ultérieures avec Air Canada.
Donc, voyez-vous, je ne sais pas dans quelle mesure ce renseignement n'a pas été mis sur la table par Air Canada, mais on peut raisonnablement penser qu'il en a été fait état durant cette période.
M. Nelligan: La question suivante que j'aimerais aborder avec vous intéresse certains passages du rapport Nixon et, en particulier, à la page 8, le chapitre 4, intitulé "La dimension politique du processus". Et, sous le titre "Le rôle joué par le favoritisme", il est fait mention de certaines personnes.
Premièrement, avez-vous jamais eu des contacts avec M. Donald Matthews avant l'adjudication du... ou plutôt avant l'annonce de décembre 1992?
Mme Labelle: Non.
M. Nelligan: Avez-vous jamais eu des contacts avec lui par la suite?
Mme Labelle: Je l'ai rencontré une fois, ainsi que M. Bronfman, en présence du négociateur en chef à l'époque, et je pense que M. Coughlin était présent également.
J'ai également rencontré une fois, dans mon bureau, à une date ultérieure, Don Matthews dans le cadre du travail sur ce dossier pendant les négociations. Mais la première fois que j'ai rencontré Don Matthews, selon mon souvenir, c'était avec M. Bronfman en février 1993, je pense.
M. Nelligan: Êtes-vous au courant de quelque rôle que M. Otto Jelinek aurait joué dans le processus?
Mme Labelle: M. Jelinek était membre du Cabinet, comme vous le savez.
M. Nelligan: Mais aurait-il joué quelque rôle, à votre connaissance?
Mme Labelle: Autrement qu'à titre de membre du Cabinet?
M. Nelligan: Oui.
Mme Labelle: Pas à ma connaissance.
M. Nelligan: Je vais vous lire une phrase à la fois. Dans le paragraphe suivant, M. Nixon dit:
Les groupes de pression, cela ne laisse aucun doute, ont joué un rôle déterminant en vue d'infléchir les décisions prises à ce moment-là, débordant largement le principe acceptable de la "consultation".
Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez, s'il vous plaît, et nous dire si vous avez fait des observations à cet égard?
Mme Labelle: Je pense que les observations que j'ai formulées au ministre Nixon allaient tout à fait dans le sens de la discussion que nous avons eue aujourd'hui. Il me posait le même genre de questions que les sénateurs.
M. Nelligan: Dans ce cas, et selon votre expérience de sous-ministre, est-ce que les échanges que vous avez eus avec les lobbyistes sur cette affaire débordaient le principe acceptable de la consultation, à votre avis?
Mme Labelle: Non, les interventions des lobbyistes pendant que j'occupais les fonctions de sous-ministre des Transports étaient régulières et fréquentes, mais elles n'ont pas influencé mes - le genre d'avis que je donnais au ministre.
M. Nelligan: On lit plus loin:
Lorsque les bureaucrates supérieurs qui représentent le gouvernement du Canada dans des négociations estiment que ces groupes influencent leurs actes et leurs décisions au point où ceux-ci l'ont fait dans cette affaire...
Est-ce que cela vous englobe, en tant que haut fonctionnaire?
Mme Labelle: Comme je l'ai dit, je n'estime pas que mes actes ou mes avis aient été influencés personnellement par les lobbyistes.
M. Nelligan: Très bien. Il ajoute:
[...] le personnel politique a donné l'impression que cette transaction l'intéressait de manière fort peu commune.
Était-ce votre perception?
Mme Labelle: Beaucoup de gens étaient intéressés par ce dossier, monsieur, et certainement aussi le personnel politique. Beaucoup de gens en dehors du gouvernement étaient intéressés également par ce dossier; les lobbyistes y étaient intéressés et c'est donc un dossier qui suscitait l'intérêt de beaucoup de gens.
M. Nelligan: Qualifieriez-vous leur intérêt d'hautement inhabituel?
Mme Labelle: Il y avait certainement... si je considère tous les dossiers dont j'ai été responsable pendant les nombreuses années où j'ai été sous-ministre, je dirais que le degré d'intérêt était plutôt élevé, mais de dire qu'il était inhabituel, je ne le pense pas.
M. Nelligan: Je vous remercie.
Et il dit ensuite:
[...] les pressions qui entouraient ce dossier ont entraîné la réaffectation de plusieurs fonctionnaires...
À votre connaissance, des fonctionnaires ont-ils été réaffectés par suite de pressions?
Mme Labelle: À Transports Canada, outre le cas dont on a parlé aujourd'hui, je n'ai pas eu connaissance de fonctionnaires ayant été... c'est moi qui m'en serais chargée, et je n'ai pas réaffecté d'autres fonctionnaires, sauf pour les affecter au dossier.
M. Nelligan: Oui.
Mme Labelle: Ou à d'autres dossiers qui étaient importants à cette époque.
M. Nelligan:
[...] et en ont poussé d'autres à faire eux-mêmes une demande en ce sens.
Des membres de votre personnel ont-ils demandé à être déssaisis de ce projet?
Mme Labelle: Pas à ma connaissance; aucune demande n'est parvenue jusqu'à mon niveau.
M. Nelligan: Et vous nous avez déjà dit que vous avez parlé à M. Nixon.
Mme Labelle: Oui.
M. Nelligan: Et vous lui avez dit la même chose que ce que vous nous dites aujourd'hui.
Mme Labelle: Oui.
M. Nelligan: Vous a-t-il demandé autre chose ou lui avez-vous dit autre chose?
Mme Labelle: Pas que je me souvienne, monsieur.
M. Nelligan: Combien de temps avez-vous passé avec M. Nixon?
Mme Labelle: Environ 50 minutes lors d'une première réunion et environ 15 minutes lors d'une deuxième.
M. Nelligan: Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
Le président: Madame Labelle, je vous remercie d'être venue et d'avoir témoigné avec autant de bonne volonté.
M. Nelligan va présenter notre prochain témoin.
M. Nelligan: Sénateurs, notre prochain témoin est M. Ray Hession, qui a jadis été sous-ministre des Approvisionnements et Services Canada, mais surtout, pour ce qui nous concerne, président de Paxport depuis sa création début mars 1993. Il dirige actuellement sa propre entreprise, Hession, Neville & Associés. Je crois savoir qu'il a une déclaration écrite à soumettre. Après sa prestation de serment, il en distribuera le texte ainsi que quelques autres documents.
(Raymond Hession, assermenté:)
Le président: Vous avez la parole, monsieur Hession.
M. Raymond Hession, Hession, Neville & Associates: Oui, je vous remercie, monsieur le président. Je sais que cela a été une longue journée pour vous, mais aussi une longue journée pour certains d'entre nous qui nous préparions à cette comparution.
Je pense, monsieur le président, être le premier témoin à représenter ce que l'on pourrait qualifier la partie amère de ce litige, puisque vous avez entendu ces dernières semaines des responsables gouvernementaux, des représentants de l'administration aéroportuaire locale, et cetera. Je le dis en guise d'introduction à la supplique que j'adresse aux sénateurs et à vous, monsieur le président, de me donner un peu plus de temps que vous ne le souhaiteriez peut-être, et que je ne le souhaiterais moi-même en d'autres circonstances, pour une déclaration liminaire. J'ai tout autant hâte que vous de passer à la période des questions et hâte de pouvoir donner mes réponses à vos questions.
Je vous demande donc votre indulgence, monsieur le président. Je vais peut-être parler 20 à 25 minutes et je prie tous les sénateurs de faire preuve de patience.
Sur un point de procédure, monsieur le président, je ne sais pas ce que vous souhaitez faire concernant la distribution du texte de mes remarques liminaires. Préférez-vous les distribuer avant ou après?
Le président: Nous pouvons le faire maintenant, si vous avez les copies.
M. Hession: Je les ai ici, si le greffier veut bien les distribuer.
Ma déclaration fait mention d'autres documents, monsieur le président. Ma déclaration liminaire mentionne d'autres documents dont, par exemple, la table des matières de la proposition de Paxport. Peut-être le greffier pourrait-il les distribuer également?
Par ailleurs, monsieur le président (soyez patient) mes remarques font également mention des membres de l'équipe Paxport; des sociétés et consultants qui nous ont aidés à formuler notre proposition. Voilà donc les documents qui accompagnent ma déclaration liminaire.
Si tous les documents ont bien été distribués, puis-je commencer, monsieur le président?
Le président: Je vous en prie.
M. Hession: Je vous remercie. Je suis ici ce soir, tout comme vous, pour établir la vérité, mais aussi pour m'élever contre ce que je considère comme des appréciations fallacieuses, des compromissions bureaucratiques et des attaques injustifiées et diffamatoires contre des hommes d'affaires canadiens intègres.
Jusqu'à l'annonce de l'adjudication du marché à Paxport le 7 décembre 1992, j'ai dirigé pendant presque trois ans et demi son équipe de préparation de la proposition. Après cette date, mon rôle est devenu celui d'un conseiller jusqu'à l'expiration de mon contrat.
Aujourd'hui, six ans après le début de l'aventure de Paxport, les obstacles à la croissance et à l'efficience de l'aéroport Pearson subsistent toujours. Je pense que l'intérêt du public serait le mieux servi par des décisions rapides à Pearson, connaissant le long processus de développement nécessaire avant que les pistes et les aérogares puissent être dotées de la capacité voulue pour répondre à la demande actuelle et future. Monsieur le président, j'ai fourni à ce sujet à votre comité un exemplaire de la prévision de trafic voyageurs de Transports Canada de 1992, et je pense que le greffier avait déjà distribué ce document avant mon arrivée.
Les sénateurs ont relevé la baisse sensible de trafic en 1991. Cette année-là, le volume du trafic voyageurs a chuté d'environ deux millions sur une base annuelle, passant de 21 millions de voyageurs à 19 millions. Depuis 1991, conformément à la prévision, on a assisté à une augmentation régulière des volumes de trafic. Notamment, la prévision de 21 500 000 voyageurs en 1995 faite par Transports Canada (et il s'agit toujours de la prévision de 1992) pourrait bien être dépassée cette année. On pourrait bien s'approcher de 22 millions de passagers passant par l'aéroport cette année. En tout cas, la prévision de 25 à 26 millions de voyageurs est bien en passe de se réaliser, pour la date de 1999-2000 qui était prévue pour la mise en service des installations améliorées prévues dans le projet de développement des aérogares qui a maintenant été annulé.
En d'autres termes, ces installations nouvelles auraient été en place en temps voulu lorsque les besoins accrus amenés par la croissance inévitable du trafic voyageurs se matérialiseraient. Dans la situation actuelle, les besoins de Pearson ne seront pas satisfaits en temps voulu.
À cet égard, monsieur le président, et je vous demande encore une fois votre indulgence car je pense que les sénateurs ont déjà entendu de la bouche d'autres ce que je vais dire, je voudrais expliquer clairement le contexte dans lequel mes collègues et moi-même avons commencé à travailler en 1989.
Les circonstances, à l'époque, comportaient les facteurs suivants: premièrement, l'octroi par Transports Canada à un consortium privé dirigé par Huang & Danczky, d'un contrat pour la construction de la nouvelle aérogare 3 de Pearson, sur la base d'un bail de 60 ans.
Deuxièmement, le transfert de la gestion et du contrôle de l'exploitation des aéroports de Vancouver, Calgary, Edmonton et Montréal à des administrations aéroportuaires locales sans but lucratif était en cours.
Il manquait environ 1,5 milliard de dollars à Transports Canada pour financer les travaux d'aménagement et l'entretien des aéroports canadiens.
Les installations de l'aéroport Pearson étaient de plus en plus congestionnées, ainsi que de nombreux observateurs vous l'ont mentionné.
Air Canada, installée dans l'aérogare 2, était profondément inquiète pour sa compétitivité et ses projets d'expansion, face à la concurrence de Lignes aériennes Canadien International installée dans l'aérogare 3 moderne et flambant neuve.
Des sociétés internationales d'exploitation d'aéroports, notamment BAA plc, se montraient très intéressées à mettre la main sur des aéroports canadiens, en particulier l'aéroport international Pearson.
La crainte que les plaques tournantes nord américaines viennent à manquer de capacité amenait les aéroports de Pittsburgh, Détroit, Cleveland, Buffalo et New York, de même que Cincinnati, tous concurrents régionaux de l'aéroport Pearson, à planifier une expansion.
L'Accord de libre-échange venait d'être conclu, frayant la voie à ce que l'on connaît maintenant sous le nom de ciels ouverts.
Et enfin, facteur le plus criant, l'aérogare 1 tombait en morceaux.
C'est dans ce contexte que, le 19 août 1989, le ministre des Transports a annoncé son plan de développement de l'aéroport international Pearson pour l'amener à ce qu'il appelait sa capacité optimale. L'annonce du ministre énonçait une stratégie d'ensemble, englobant la construction éventuelle de pistes supplémentaires et la modernisation et le réaménagement des aérogares 1 et 2.
À peu près au même moment, Huang & Danczky, sous le nom de Airport Development Corporation, et Air Canada ont présenté des propositions spontanées; le premier groupe visait à étendre son influence aux aérogares 1 et 2, au-delà de l'aménagement et de la propriété de l'aérogare 3, dans le contexte de son propre plan d'expansion. Air Canada soumit plusieurs propositions spontanées visant à la rénovation d'urgence de ses locaux dans l'aérogare 2 de façon à pouvoir concurrencer la nouvelle aérogare 3 flambant neuve et faire face à l'augmentation du trafic tant existante que prévisionnelle.
Paxport n'envisageait pas la privatisation de l'aéroport Pearson. Paxport proposait purement et simplement de réaménager les aérogares 1 et 2, soit en collaboration avec Transports Canada, soit en collaboration avec l'administration aéroportuaire locale.
Les objectifs commerciaux de Paxport comprenaient également la poursuite d'une stratégie industrielle. Le conseiller a mentionné dans ses remarques liminaires que j'ai été sous-ministre des Approvisionnements et Services. J'ai également été sous-ministre du Développement industriel régional et je portais un intérêt particulier à l'intérêt économique du Canada dans ce contexte. Cette stratégie industrielle devait mettre une industrie proprement canadienne d'aménagement aéroportuaire en situation de livrer concurrence sur un marché international devant atteindre un volume de 55 milliards de dollars dans la décennie 1990. Dans sa proposition, Paxport avait engagé 50 millions de dollars sur plusieurs années pour la réalisation de projets aéroportuaires à l'étranger, ce qui aurait été un avantage économique à long terme pour le Canada. Nous étions occupés, et je l'ai été moi-même tout particulièrement, à conduire d'importantes missions commerciales canadiennes en Amérique du Sud, en Asie du Sud-Est, en Europe de l'Est et aux États-Unis; je suis désolé de devoir dire que toutes ces activités se sont arrêtées net avec l'annulation du contrat.
Les activités de Paxport pendant toute cette période étaient parfaitement transparentes. J'ai préconisé l'option privée pour l'aménagement des aérogares de Pearson à l'occasion de rencontres personnelles avec toute une série de responsables gouvernementaux et d'usagers du secteur privé, sur une période de trois ans. Chaque fois, j'expliquais notre démarche et ses avantages. J'ai demandé et reçu quantité de suggestions constructives, qui toutes se sont retrouvées dans notre proposition gagnante.
L'année avant le lancement de la demande de propositions, des discussions actives se sont déroulées avec des fonctionnaires de Transports Canada concernant le processus d'appel d'offres. S'agirait-il d'un processus à deux étapes, à une étape, ou de quelque chose d'autre? Le processus suivi pour l'aérogare 3, comme vous le savez, comportait deux phases: une phase de présélection et une phase d'adjudication. Le processus suivi pour les aérogares 1 et 2 ne comportait qu'une seule phase car, je pense, les soumissionnaires probables s'étaient fait connaître de Transports Canada des mois et même, dans certains cas, des années à l'avance. Cette industrie était encore au berceau au Canada. J'entends par là, monsieur le président, que le secteur de l'aménagement aéroportuaire dans notre pays reste encore très limité. C'est une industrie naissante et rien ne permettait de penser que d'autres soumissionnaires que ceux déjà connus se mettraient sur les rangs. Il y avait un nombre suffisant de soumissionnaires potentiels pour qu'il y ait une véritable concurrence et le gouvernement avait fait part de ses intentions depuis déjà plus d'un an, ainsi que je l'ai indiqué.
Quoi qu'il en soit, pendant toutes les années où j'ai eu à m'occuper de passation de marchés et d'acquisitions dans l'administration fédérale, les demandes de propositions, à de très rares exceptions près, étaient à une seule phase et ce processus était indiqué dans les circonstances.
J'ajoute entre parenthèses, monsieur le président, que ce processus est totalement, absolument conforme à la réglementation gouvernementale des marchés.
J'ai pris note des propos de certains sénateurs et témoins concernant le délai accordé aux proposants pour répondre; le délai initial de 95 jours a ultérieurement été porté à près de 120 jours. Les 95 jours initiaux représentaient certes un délai très serré. Mais il est tout à fait erroné de le qualifier de déloyal ou d'inapproprié, comme certains l'ont fait, et cela trahit une méconnaissance de la façon dont ces processus ont fonctionné année après année dans la passation des marchés publics, ainsi que (et je souligne cela, monsieur le président) de la capacité du secteur privé canadien à réagir vite quand il le faut.
Quoi qu'il en soit, dans les 95 jours dont nous disposions, nous avons rassemblé une équipe canadienne d'associés et d'experts dans notre bureau de projet de la rue Bloor, à Toronto. Cette équipe, travaillant jour et nuit, samedis et dimanches compris, a élaboré une proposition de 2 000 pages qui a été jugée la meilleure sur l'ensemble. J'ai remis aux sénateurs la table des matières de cette proposition afin que vous puissiez chacun vous faire une meilleure idée de son ampleur et de l'attention extrême qu'elle portait à l'intérêt public. Moi-même et les autres participants sommes très fiers du travail de cette équipe, monsieur le président, qui a regroupé à son apogée près de 60 des personnes les plus douées que le secteur privé canadien puisse offrir. Ces gens provenaient de certaines des sociétés les plus en vue du Canada. Là encore, monsieur le président, je vous ai remis la liste de ces compagnies afin que votre comité puisse juger par lui-même de la haute qualité de l'équipe Paxport.
Si je puis faire une courte digression, j'ai remarqué, en arrivant ici, que certains de mes anciens collègues sont venus de leur propre chef. Je ne m'y attendais pas. Une personne en particulier, M. Allan Robinson, se trouve avec moi. M. Robinson était l'administrateur de la proposition. Il a fait un travail magnifique. C'est en grande partie grâce à lui que nous avons obtenu les résultats que nous avons réalisés dans les 95 jours dont nous disposions et je tiens personnellement à le féliciter, encore une fois, pour son énorme contribution.
Monsieur le président, nous avons élaboré notre stratégie en songeant au tout premier chef aux voyageurs fréquentant l'aéroport Pearson. Nous avons cherché à répondre à leurs préférences telles qu'elles ressortaient de sondages que nous avons menés jusqu'au dernier instant avant le dépôt de la proposition. Ces sondages étaient réalisés pour nous par Decima Research. Nous avons proposé une conception et une exploitation aéroportuaire moderne répondant aux attentes des usagers, à un coût par voyageur inférieur à celui de l'aérogare 3 tant vantée et inférieur au coût moyen par voyageur des grands aéroports du continent nord-américain. Il n'était pas question de percevoir une taxe de 10 $ par passager en partance comme le fait aujourd'hui Vancouver.
Pour arrêter notre stratégie d'investissement de 700 millions de dollars, nous avons évalué les attributs des meilleurs aéroports du monde et avons même conclu un accord d'échange officiel avec l'un d'eux, à savoir l'aéroport Schiphol d'Amsterdam. Schiphol, monsieur le président, est régulièrement classé comme le meilleur aéroport du monde. C'est ce que nous voulions faire de Pearson, en Amérique du Nord.
En résumé, monsieur le président, notre proposition était fondée sur la logique suivante: premièrement, offrir un bon rapport aux contribuables canadiens, afin qu'ils n'en soient pas plus de leurs poches qu'auparavant. Deuxièmement, offrir aux compagnies aériennes des installations modernes, à des loyers convenables, afin qu'elles puissent être compétitives et efficientes. Troisièmement, offrir ces installations modernes et efficientes aux voyageurs à un coût unitaire inférieur à la moyenne nord-américaine. Quatrièmement, réaliser un rendement raisonnable et adéquat sur l'investissement pour les actionnaires de Paxport.
Voilà, monsieur le président, le résumé succinct de la proposition. En outre, celle-ci était conforme aux recommandations de la Commission royale sur le transport des voyageurs, à ce même principe de l'usager payant qui semble maintenant déterminer les nouvelles politiques gouvernementales en matière de transport, et ce dans tous les modes, air, surface et eau.
La proposition de Paxport a été choisie comme globalement la meilleure, après une évaluation exhaustive faite par une équipe d'experts des secteurs public et privé dont l'effectif a atteint jusqu'à 100 personnes, à un moment donné, et aussi après une vérification complète de tout le processus d'évaluation (par un cabinet de comptables des plus réputés) afin de donner l'assurance au ministre qu'il était conduit avec loyauté, prudence et probité.
Jeudi dernier, des témoins ont dit que les honoraires de gestion auraient été initialement de 24 p. 100, pour passer à 42 p. 100 en l'espace de cinq ans. Ces honoraires ont été qualifiés d'"exorbitants". C'est là une appréciation totalement erronée, monsieur le président. Les honoraires de gestion de Paxport, qui comprenaient les redevances payées pour le transfert de technologie et de savoir-faire par l'aéroport Schiphol, étaient fondés sur une formule de 3 p. 100 des recettes et de 6 p. 100 des profits. Cette formule est proche de ce que perçoivent les firmes de gestion hôtelières, par exemple. Elle comprend une incitation évidente à contrôler les dépenses et à réaliser des profits adéquats pour les actionnaires.
Le rapport Nixon, dans son annexe A, parle d'un rendement global de 13,8 p. 100 et ne prévoit, je le souligne, monsieur le président, aucun profit sur les honoraires de gestion pendant les dix premières années du projet. M. Nixon dit que le taux de rendement global de 13,8 p. 100 "pourrait bien être jugé excessif", bien qu'il soit comparable au taux de rendement des services d'utilité publique et qu'aucun expert que je connaisse dans les milieux financiers et bancaires ne soit d'accord avec M. Nixon sur ce point.
Donc, nous avons M. Nixon et Mme Edlund exprimant des positions sur les honoraires de gestion et les profits qui sont totalement erronées et trompeuses.
Mais c'est loin d'être tout, monsieur le président. Mme Edlund dit que Paxport s'en remettait à une émission publique de créances en 1996 pour financer son projet. Il n'en est rien, monsieur le président. Mme Edlund dit que Paxport tablait sur une renégociation immédiate de tous les baux. C'est totalement faux, monsieur le président. Le bail qui devait être renégocié immédiatement était celui d'Air Canada, de toute évidence, car le plan prévoyait des travaux majeurs dans ses locaux.
Le rapport Edlund, hâtif et fautif, semble ignorer les garanties inhérentes du plan de financement de Paxport, à savoir que de nouvelles dépenses d'immobilisation pour le réaménagement des aérogares ne devaient être faites qu'au rythme de la croissance du volume de trafic. Cette notion fondamentale rendait l'échéancier d'aménagement de Paxport à la fois prudent et réaliste, et non pas exagérément optimiste comme Mme Edlund le prétend. Elle dit également que le coût pour les concessionnaires augmenterait. Au contraire, dans la proposition de Paxport, les loyers minimaux payés par les concessionnaires baisseraient.
Mme Edlund et M. Nixon ont certaines choses en commun, monsieur le président. Tous deux ont été mal renseignés et n'ont eu que très peu de temps pour analyser le contrat et rédiger leur rapport. Elle a pris cinq jours, après un cours accéléré de deux jours sur l'exploitation et le financement aéroportuaires, à Toronto, pour analyser deux propositions hautement complexes. M. Nixon a pris 30 jours. C'est un défi au bon sens et au discernement que de penser qu'une affaire si complexe puisse être adéquatement analysée dans de telles circonstances, mêmes si les auteurs de ces rapports avaient les connaissances voulues pour cela.
Les rapports de l'équipe d'évaluation de Transports Canada, rédigés par du personnel expérimenté, professionnel, impartial et apolitique, disposant de tout l'été 1992, sont certainement plus dignes de confiance que ce que j'appellerais les conclusions hâtives de Mme Edlund et de M. Nixon. Cette inclination au jugement hâtif semble persister d'après ce que je peux voir des manipulations auxquelles se livrent certains à ce comité, monsieur le président.
L'équipe d'évaluation de Transports Canada a travaillé dans les circonstances les plus propices que l'on puisse raisonnablement escompter. Néanmoins, les réponses équivoques données par le sous-ministre adjoint, Aéroports à ce comité à la question de savoir si le processus était équitable, défient la logique et la raison. Les fonctionnaires concernés peuvent tous être fiers de la façon dont ils ont géré la demande de propositions et l'évaluation des offres. Dans ma longue expérience de la passation des marchés et des achats dans le secteur public, ce processus, jusqu'au moment de l'adjudication en décembre 1992, a été non seulement équitable, il a été exemplaire. C'est après cette date que la résistance bureaucratique a commencé. Les premiers indices de tactiques dilatoires bureaucratiques se sont fait jour dans les échanges entre le sous-ministre adjoint, Aéroports et le directeur de l'aéroport Schiphol d'Amsterdam. Dans la longue période ayant précédé la demande de propositions, Victor Barbeau a donné à entendre à plusieurs reprises à Karel Noordzy, le directeur de l'aéroport Schiphol, qu'il avait de sérieuses réserves sur le projet. M. Noordzy m'a fait savoir que M. Barbeau semblait opposé par principe à un rôle aussi important du secteur privé à l'aéroport Pearson. M. Barbeau m'a exprimé l'avis qu'un tel rôle devrait être confié aux autorités locales.
Bien que sachant que son ministre s'engageait dans une direction différente à Pearson, M. Barbeau a déclaré au Comité permanent des transports, le 3 avril 1990, et je cite:
[...] les entreprises privées désireuses de prendre le contrôle de Pearson ne manquent pas. Notre politique est de leur opposer un non catégorique. Ce n'est pas envisageable. Nous décourageons très vite ceux qui expriment un tel intérêt.
Je crois savoir que l'évaluation des propositions concurrentes était terminée et prête à soumettre au Cabinet en octobre 1992. Suite à l'annonce de l'adjudication à Paxport le 7 décembre 1992, l'administration centrale de Transports Canada a décidé que les négociations contractuelles postérieures à l'adjudication se dérouleraient à Ottawa, et non à Toronto. De fait, le personnel de l'aéroport Pearson, qui avait su si bien gérer la demande de propositions, s'est tourné les pouces pendant des semaines en attendant que l'administration centrale à Ottawa se mette en branle. Au bout du compte, il a été relégué à un rôle d'arrière plan dans les négociations.
Le calendrier était flou dans les premières semaines de préparation aux négociations, pendant que Transports Canada semblait avoir du mal à s'organiser et à décider un plan précis. Il est vite apparu que le désir du gouvernement de progresser avec diligence vers un accord négocié n'était pas partagé par certains des hauts fonctionnaires de Transports Canada. Voyons deux exemples de leurs comportements dilatoires.
Après l'annonce de l'adjudication à Paxport, après qu'il ait annulé une rencontre précédemment prévue, nous avons fini par pouvoir rencontrer le sous-ministre adjoint, Aéroports, le 15 décembre, pour discuter des conditions contenues dans la lettre qu'il m'avait fait parvenir le 7 décembre pour m'informer que nous avions été choisis. La condition clé, comme les sénateurs le savent, concernait les assurances demandées à Paxport que le projet était finançable.
Lorsque je lui ai demandé de quels éléments il avait besoin, outre ceux contenus dans notre proposition, il a dit qu'il ne répondrait pas à ma question mais s'en remettrait plutôt à un conseiller financier pour déterminer la qualité de notre réponse. C'est seulement alors, deux mois après l'achèvement des évaluations, qu'il a entrepris les démarches pour acquérir les services de ce conseiller financier. Ce conseiller, Deloitte Touche, n'a finalement été nommé qu'un mois plus tard et avait naturellement besoin d'un certain temps encore pour se familiariser avec ce dossier très complexe.
On aurait pu s'attendre, monsieur le président, étant donné le niveau de priorité que le gouvernement attribuait à ce projet, à ce que le conseiller financier soit prêt à se mettre au travail au moment de l'annonce de l'adjudication. À notre sens, au moins huit semaines ont été perdues à cause de cette tactique dilatoire apparemment calculée.
Le deuxième exemple, monsieur le président, a été un choc. Il mettait en jeu une entente conclue en 1989 entre le sous-ministre des Transports d'alors et Air Canada. Cette entente, qui n'a pas été divulguée par Transports Canada dans les documents de la demande de propositions sur Pearson, garantissait à Air Canada un prolongement de bail de 40 ans et d'autres avantages en échange de l'investissement d'Air Canada dans les améliorations de l'aérogare 2, entre autres. Ces aménagements ont été réalisés en 1990 et 1991. Ces conditions privilégiées avaient un effet potentiellement important et néfaste sur les hypothèses financières et les offres faites par Paxport.
Transports Canada, sans nous informer de l'accord de 1989, nous a pressés pendant trois ou quatre mois de régler avec Air Canada les conditions du bail futur, comme condition préalable à l'ouverture officielle de négociations. Cela a rendu Air Canada exigeante puisqu'elle avait quasiment un droit de veto sur les négociations. Cette affaire connue cyniquement au sein du groupe Aéroports de Transports Canada sous le nom de "sandwich Air Canada", a finalement été réglée en juin 1993 lorsque le gouvernement a accepté la responsabilité financière de ses propres actes en 1999 (sic). Mais les dégâts au calendrier de négociation avaient déjà été causés par cet acte de négociation de mauvaise foi de la part de certains fonctionnaires de Transports Canada.
Lorsque l'élection de 1993 a été déclenchée en septembre, j'ai commencé à recevoir des appels et des demandes de renseignements émanant d'amis dans les médias au sujet de Pearson. Ils m'expliquaient que l'avalanche pré-électorale habituelle d'enveloppes brunes avait commencé, dont une bonne partie provenait de fonctionnaires de Transports Canada mécontents du dossier Pearson. Je suppose, monsieur le président, que ce sont ces mêmes personnes qui ont dit à Stevie Cameron que "Hession déjeune avec Shortliffe tous les jours", pendant les négociations.
Monsieur le président, je n'ai jamais déjeuné avec Glen Shortliffe, encore que j'accepterais certainement son invitation à le faire quand il voudra.
Quoi qu'il en soit, ces journalistes me lisaient des extraits des affirmations de ces sources anonymes. Il y avait là des renseignements qui dataient, généralement présentés hors contexte. Des questions réglées par voie de négociation en mai étaient présentées comme en suspens aux mois de septembre et d'octobre, par exemple.
Parallèlement, je commençais à voir dans la presse des déclarations outragées des partisans d'une administration aéroportuaire locale pour Toronto (Bob Bandeen étant leur porte-parole) à l'effet qu'ils avaient été écartés des négociations sur Pearson. La réalité était toute autre. L'administration aéroportuaire locale putative éprouvait ses propres difficultés à remplir les conditions préalables appliquées à tout autre groupe demandant le statut d'administration aéroportuaire locale. Le groupe était tout simplement mal préparé et dénué des qualifications requises. Aujourd'hui encore, en 1995, et après 1 million de dollars de dépenses et 5 ou 6 millions de dollars encore à couvrir, il n'a pu établir qu'il possède les qualifications voulues pour gérer la pièce maîtresse du système d'aviation canadien. Mais néanmoins, ses représentants avaient reçu des assurances multiples que le contrat négocié par Transports Canada dans l'intérêt public pourrait être transféré à la nouvelle administration aéroportuaire locale lorsqu'elle serait finalement reconnue.
Monsieur le président, je conclus comme j'ai commencé il y a six ans. L'aéroport international Pearson a besoin d'un investissement majeur et d'aménagements s'il veut tenir son rôle pivot dans le système d'aviation canadien. Nos énergies collectives devraient être mises au service de cette tâche d'intérêt public.
Paradoxalement, la structure d'un accord de financement parrainé par la Greater Toronto Airports Authority s'avérera être, à mon avis, une version plus coûteuse de l'accord avec la Pearson Development Corporation que le gouvernement a annulé.
Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président. je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Je vous remercie, monsieur Hession. Le premier intervenant sera le sénateur Bryden.
Le sénateur Bryden: Je vous remercie, monsieur le président.
Avant de commencer, et bien qu'il se fasse tard, monsieur Hession, aimeriez-vous une tasse de café?
M. Hession: Non, merci beaucoup, sénateur, j'ai un verre d'eau devant moi.
Le sénateur Bryden: Quand avez-vous été engagé par la Matthews Company et à quel date cet engagement a-t-il été prolongé par Paxport?
M. Hession: En décembre 1988. J'ai été engagé comme consultant à l'époque. Quelle était la deuxième partie de votre question, sénateur?
Le sénateur Bryden: À quelle date la compagnie est-elle devenue Paxport?
M. Hession: Paxport, je crois, a vu le jour en juin 1989; mai ou juin, dans cette période.
Le sénateur Bryden: Vous avez dit au comité des transports de la Chambre des communes que la raison pour laquelle vous avez été engagé par elle était que "les actionnaires de Paxport considéraient que je pouvais les aider à acquérir les droits d'aménagement et de gestion des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Pearson". C'était votre objectif, et c'était votre mission?
M. Hession: Non.
Le sénateur Bryden: Non?
M. Hession: C'est ce que j'ai dit au comité de la Chambre des communes et c'était vrai, mais notre objectif est ce que j'ai expliqué dans mes remarques liminaires, notamment la poursuite d'une stratégie industrielle visant la création au Canada d'une industrie de développement aéroportuaire nationale capable d'exploiter un marché international énorme.
Le sénateur Bryden: Vous avez aussi (et vous voudrez peut-être là aussi préciser) dit au comité permanent des transports comment vous comptiez vous y prendre pour obtenir à Paxport le contrat d'aménagement de T1 et T2, à savoir que vous entreprendriez une campagne de lobbying intensive, et je vous cite de nouveau:
sous forme de rencontres en personne avec des fonctionnaires des ministères des Transports, des Finances, de la Justice, de l'Industrie, du Commerce international, du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé. J'ai également rencontré du personnel politique aux ministères des Transports, de l'Industrie et des Finances, au Conseil du Trésor et aux bureaux du vice-premier ministre et du premier ministre. En outre, j'ai rencontré des ministres, notamment ceux des Transports, des Finances et de l'Industrie, du Conseil du Trésor, ainsi que les critiques de l'opposition pour les Transports et les Finances, de même que des députés.
C'est la citation exacte.
M. Hession: Oui, je pense qu'elle est exacte, bien que je n'aie pas le texte sous les yeux. Mais puisque vous m'avez demandé des précisions, permettez-moi d'ajouter quelque chose. J'ai dit dans ma déclaration liminaire que le processus suivi par Paxport était transparent et je le pense vraiment. J'ai rencontré toutes les personnalités concernées par la situation financière du Canada, sa capacité à financer son infrastructure, la capacité de Transports Canada à remplir ses obligations non seulement à Pearson, mais aussi dans les autres aéroports, ainsi que tous les gens d'affaires de Toronto que j'ai pu trouver qui ont un intérêt à ce que les lacunes de Pearson soient réparées afin que les retards qui nuisent à leur productivité puissent être éliminés. J'ai rencontré les PDG de toutes les grandes entreprises de Toronto, dont certains, je suis ravi de le dire, ont écrit au ministre pour lui faire comprendre, ainsi qu'il l'a dit lui-même, qu'il fallait agir. Voilà ce que je m'efforçais de faire avec ce lobbying.
Le sénateur Bryden: Vous ne pouviez mener à bien cette stratégie de lobbying seul, et c'est pourquoi vous avez engagé quelques adjoints, dont M. Bill Neville?
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Je voudrais maintenant vous renvoyer à deux ou trois documents, si je puis. Pour éviter de faire faire la navette entre nous à chaque document, le greffier ou le greffier adjoint ou quelqu'un d'autre pourrait-il simplement remettre... ce sont des documents qui ont été fournis à notre comité par M. Hession.
Le premier est une note de Ray Hession datée du 12 juillet 1990, adressée à Don Matthews, Peter Goring, Trevor Carnahoff. Vous y rendez compte d'une réunion que vous avez eue avec Glen Shortliffe, avec lequel vous avez parlé de critères plutôt détaillés, et cetera, concernant...
M. Nelligan: Excusez-moi, sénateur, pourriez-vous identifier le document afin que les procès-verbalistes puissent en consulter l'original, s'il vous plaît. Il devrait y avoir un numéro sur la page.
Le sénateur Bryden: Est-ce 478? C'est le document de M. Hession. Ce sont les documents que M. Hession a remis au comité.
M. Nelligan: Je pense qu'ils sont numérotés.
M. Hession: Monsieur le président, sénateur, si vous me permettez d'intervenir, ce ne sont pas des documents que j'ai remis au comité. Franchement, je reconnais les documents, mais je n'en connais pas l'origine, très franchement.
M. Nelligan: Je pense qu'ils viennent du ministère de la Justice, et ils figuraient sans doute dans les classeurs du ministère de la Justice, mais je pense qu'il y a un numéro sur chaque page.
Le sénateur Bryden: Il n'y a pas de numéro de document. Il y a un numéro sur chaque page. Je vois 478 dans le coin supérieur, mais ces documents nous ont été remis. Je crois savoir qu'ils figurent dans ce que nous appelons la bibliothèque et je vais demander au greffier si c'est vrai, car je commence à être un peu préoccupé de voir qu'à chaque fois que je fais mention d'un document, quelqu'un me lance: "Monsieur Bryden, vous ne pouvez utiliser ce document".
Je pourrais procéder comme en tribunal, montrer un document après l'autre à M. Hession pour qu'il les identifie, si c'est ainsi que le président souhaite faire les choses.
M. Nelligan: C'est uniquement pour le procès-verbaliste. Vous pouvez indiquer la date précise, ils pourront le retrouver plus tard.
Le sénateur Bryden: La date précise est le 12 juillet 1990. Il émane de Ray Hession. Il s'agit d'une note d'information de Paxport sur l'aéroport international LBP et les destinataires sont Don Matthews, Jack Matthews, Peter Goring, Trevor Carnahoff.
Je vous renvoie au milieu de la page 2. Dans votre rapport aux Matthews, vous dites au milieu de la page 2:
Bill Neville a rencontré Warren Everson avant hier.
Qui était Warren Everson?
M. Hession: Permettez-moi de vérifier la date. Je pense qu'à l'époque il était l'adjoint exécutif de la ministre d'État aux Transports, à savoir Shirley Martin. Je pense que c'est cela.
Le sénateur Bryden: Et vous dites ensuite:
Voici son rapport.
Pourriez-vous lire, pour le procès-verbal, et puisque tout le monde n'a pas ce texte, le contenu de ce rapport, en commençant par "j'ai eu un compte rendu complet..."
M. Hession: En fait, c'est le rapport de Bill Neville que vous me demandez de lire, et non le mien. Je ne fais que transmettre.
Le sénateur Bryden: Vous transmettez à votre patron.
M. Hession: Exactement. Vous me demandez donc de commencer à l'endroit de cette citation?
Le sénateur Bryden: Oui, s'il vous plaît.
M. Hession:
J'ai eu un compte rendu complet hier...
Soit le 10 juillet...
...de Warren Everson sur la situation après la réunion P et P...
Soit Priorités et Planification...
...de la semaine dernière.
Le sénateur Bryden: Puis-je vous arrêter ici, car nous ne connaissons pas tous le sigle. Que signifie P et P?
M. Hession: Priorités et Planification.
Le sénateur Bryden: Et c'est un comité du Cabinet?
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Et M. Neville vous a indiqué dans un rapport qu'il a eu un compte rendu complet de M. Everson, qui est l'adjoint exécutif d'un ministre.
M. Hession: Oui, c'est ce qu'il était à l'époque.
Le sénateur Bryden: Oui. Et c'était après une réunion du comité des priorités et de la planification?
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Si vous ne vous souvenez plus quels ministres étaient présents, quel type de ministres sont membres de ce comité?
M. Hession: Des priorités et de la planification?
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Hession: La tradition (et c'était également le cas du gouvernement Mulroney) est que le comité des priorités et de la planification est le comité de plus haut rang du Cabinet, c'est-à-dire que ses membres sont les ministres de plus haut rang.
Le sénateur Bryden: Est-il normal qu'un adjoint exécutif fasse à quelqu'un un compte rendu de ce qui s'est dit à une réunion d'un comité supérieur du Cabinet?
M. Hession: Votre question est-elle de savoir si c'est normal?
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Hession: Je dirais que tout dépend du sujet. Ce ne serait pas normal s'il s'agissait d'une affaire secrète, mais s'il s'agit d'opinions générales et de la tendance de ce qui s'est dit dans la réunion, ce n'est pas inhabituel.
Le sénateur Bryden: Voulez-vous poursuivre?
M. Hession: Certainement.
En gros, Lewis...
J'imagine qu'il s'agit du ministre Lewis...
...a promis au premier ministre qu'il présenterait au Cabinet en septembre des recommandations précises sur:
1) la construction de nouvelles pistes;
2) les travaux d'amélioration immédiats dans les aérogares 1 et 2 (le programme actuel de 62 millions de dollars d'Air Canada plus quelques ajouts);
3) un processus de concours "efficient" pour choisir un promoteur pour le réaménagement complet de 1 et 2.
Je suppose qu'il s'agit des aérogares 1 et 2.
Le sénateur Bryden: Cela me paraît un compte rendu extrêmement détaillé. Cela n'a pas l'air d'être un compte rendu qui se contenterait de confirmer qu'il y a eu une réunion d'un comité supérieur du Cabinet. Ce sont là des choses très précises qui se seraient dites à cette réunion, ou du moins que Warren Everson prétend...
M. Hession: Je vois où vous voulez en venir, sénateur, mais je pense aussi qu'il était de notoriété publique que toutes ces questions faisaient l'objet de discussions très générales au sein du ministère et beaucoup de gens le savaient. Ce qui figure dans le rapport est presque anecdotique, sans vouloir minimiser l'importance des réunions du Cabinet et des comités du Cabinet. Mais je ne vois rien de particulièrement révélateur dans ce qui est relaté.
Le sénateur Bryden: N'est-il pas surprenant qu'un compte rendu sur une réunion du P et P soit fait à M. Neville?
M. Hession: Eh bien, vous utilisez des termes que je ne comprends pas tout à fait. Vous demandez si c'est surprenant; je ne suis pas surpris que ce genre de conversation ait lieu.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous poursuivre?
M. Hession: Certainement.
Le sénateur Bryden: À partir de "sur ce dernier point, c'est-à-dire le processus de concours efficient".
M. Hession: Oui. Voulez-vous que je lise la suite?
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Hession:
Sur ce dernier point, Everson a décrit Lewis comme "plutôt nerveux" concernant toute tentative de contourner quelque forme de concours au profit d'une décision unilatérale, même avec le nouveau rôle d'Air Canada ("qui n'est plus, comme vous le savez, "l'instrument choisi" du gouvernement") et en dépit des avantages reconnus sur le plan du temps et du coût.
Je suppose qu'il parle de l'alternative entre une décision unilatérale et un rôle pour Air Canada.
Le sénateur Bryden: Et le rapport que vous fait M. Neville sur le compte rendu fait par l'adjoint exécutif poursuit avec... il dit: "Everson dit que la liste des problèmes englobe...". Pourriez-vous lire le premier point?
M. Hession: Certainement. Si vous le permettez, sénateur, pour l'information de tous les sénateurs, concernant cette dernière remarque sur le contournement du processus de concours, vu la date, il faut savoir qu'Air Canada avait présenté quelques jours auparavant, si mes dates sont correctes, une proposition au ministre concernant des travaux d'amélioration à l'aérogare 2. C'était une proposition spontanée. On saisit donc mieux le sens de cette remarque sur la nervosité du ministre à la lumière de l'urgence qu'Air Canada attribuait à ces travaux, Air Canada venant juste de présenter une proposition.
Si vous voulez, je vais lire tout le paragraphe.
Le sénateur Bryden: Oui, je vous en prie.
M. Hession:
Everson dit que les problèmes englobent:
1. Le fait que le réaménagement des terminaux doive éventuellement faire l'objet de quelque évaluation environnementale, ce qui en soit va ralentir la prise de décision. Il reconnaît que ce n'est pas une certitude: d'aucuns (dont Glen Shortliffe) font valoir que l'évaluation environnementale devrait être réservée au "plan cadre" de Pearson et non appliquée aux aérogares en soi.
Le sénateur Bryden: Si vous voulez bien lire le point 2.
M. Hession: J'espère que les sénateurs ne sont pas las d'entendre ma voix. C'est beaucoup de lecture. Dois-je poursuivre?
Le sénateur Bryden: Nous avons eu le temps de nous habituer pendant votre déclaration liminaire de 40 minutes.
M. Hession: Oui. Je fais de mon mieux pour accélérer les choses, comme vous l'avez sans doute remarqué dans tout le lobbying que j'ai fait. Apparemment, ce n'est pas le cas dans mes discours.
Le sénateur Bryden: Le président me rappellera de faire de mon mieux pour ralentir les témoins.
M. Hession: Très bien, très bien.
Le sénateur Bryden: Nous voulons déterminer les faits ici et peu importe combien de temps cela vous prend.
M. Hession: Je vous remercie. Je passe donc au point 2, sénateur?
Le sénateur Bryden: Je vous en prie.
M. Hession:
2. L'existence d'une analyse interne de fonctionnaires du ministère des Transports informant le ministre que, à leur avis, un réaménagement majeur de T1 et 2 n'est pas requis avant 1997.
Le sénateur Bryden: Bien. Le point 3.
M. Hession:
Une évaluation de Coopers, Lybrand évaluant les aérogares actuelles à 1,6 milliard de dollars, valeur qui devrait être reflétée dans toute privatisation.
Le sénateur Bryden: Pourquoi, dans son compte rendu sur la réunion du Comité des politiques et de la planification, Warren Everson dirait-il que ces éléments posent problème? Est-ce un problème que les fonctionnaires du ministère estiment qu'aucune expansion ne soit nécessaire avant 1997?
M. Hession: Je n'y vois pas un problème personnellement, mais l'auteur le pensait apparemment.
Le sénateur Bryden: Cet auteur c'était vous, monsieur.
M. Hession: Non. Non. Si j'ai bien saisi, il s'agit d'un rapport fait par M. Neville d'une conversation avec M. Everson, rapport que je ne fais que transmettre.
Le sénateur Bryden: Lequel M. Neville (soyons clair) a été engagé par vous comme lobbyiste et vous faisait un rapport à ce titre du compte rendu que lui a fait l'adjoint exécutif d'un ministre d'une réunion d'un haut comité du Cabinet.
M. Hession: Oui. Sauf que ce passage où il dresse la liste des problèmes est apparemment en dehors du contexte des discussions intervenues au comité des priorités et de la planification. Je pense que c'est là l'opinion propre d'Everson.
Le sénateur Bryden: Non.
M. Hession: Est-ce ainsi que vous l'interprétez?
Le sénateur Bryden: Je n'interprète pas. C'est écrit ici et c'est inclus dans les guillemets. Voudriez-vous lire...
M. Hession: Vous avez peut-être raison.
Le sénateur Bryden: Voulez-vous lire le point 4?
M. Hession: Numéro 4:
Les fortes pressions d'autres soumissionnaires potentiels, notamment des menaces de plus en plus nettes formulées par les associés Bitove et Cogan dans BAA d'intenter des poursuites en justice si on leur refuse une juste possibilité de se mettre sur les rangs.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous (nous savons de qui il s'agit) je pense que nous savons tous qui sont les associés dans BAA.
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Qui sont Bitove et Cogan?
M. Hession: Je n'en suis pas absolument certain, mais j'ai l'impression qu'il s'agit de John Bitove, qui a les concessions de restauration dans les aérogares 1, 2 et 3, et je pense que M. Cogan est un promoteur (ou était un promoteur à l'époque) de Toronto. Et je me souviens que ces messieurs faisaient partie du consortium BAA, qui s'appelait à l'époque Canadian Airports Limited, je crois.
Le sénateur Bryden: Voudriez-vous poursuivre avec le reste du point 4?
M. Hession:
D'ici septembre, Lewis est censé négocier les points clés avec d'autres ministres intéressés (principalement Mazankowski, Wilson, de Cotret et le BPM) et obtenir leur accord sur l'ensemble de propositions à soumettre au Cabinet.
Le sénateur Bryden: Je vous remercie.
Certains de ces ministres siégeaient-ils au comité P et P?
M. Hession: Oui, je pense qu'ils y sont tous; du moins ces trois-là.
Le sénateur Bryden: Et le rapport que vous fait M. Neville poursuit:
Autres éléments intéressants de la conversation:
Je suppose qu'il s'agit de sa conversation avec l'adjoint exécutif.
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Encore une fois, voudriez-vous lire le premier point?
M. Hession:
1. Comme on pouvait s'y attendre, le groupe BAA a lancé une contre-offensive sur la question de la participation étrangère. Leur argumentation principale: l'intérêt étranger dans le groupe BAA (25 p. 100) n'est pas supérieur à la participation étrangère actuelle dans Air Canada elle-même. (Évidemment, cela ne répond pas à l'objection concernant le contrôle opérationnel et la perte d'une capacité canadienne potentielle exportable en matière d'aménagement aéroportuaire).
Le sénateur Bryden: Si vous voulez, pour que la lecture soit complète, vous pouvez lire le point 2, encore que ce ne soit pas nécessaire pour moi, mais peut-être devriez-vous...
M. Hession: Je le ferai avec plaisir pour vos collègues.
Le sénateur Bryden: ...pour que nul ne pense que nous essayons d'omettre quelque chose.
M. Hession: Oui, certainement.
2. Bien que le ministère soit évidemment au courant de tout ce qui se dit sur les problèmes que rencontre CAL à financer sa participation à T3, il n'y ajoute franchement pas grande foi et, pour le moment, ne croit pas que CAL va tout simplement laisser tomber T3. Une option plus réaliste, à son sens, est que CAL ralentisse le rythme de son déménagement de 1 a 3 et continue à utiliser 1 pendant quelque temps, pour son trafic soit intérieur soit international.
Le sénateur Bryden: Oui. Et la note poursuit avec "Pour en revenir à l'essentiel..."
M. Hession: Dois-je lire?
Le sénateur Bryden: Je vous en prie.
M. Hession:
Pour en revenir à l'essentiel, il est clair pour le moment que Lewis n'est pas prêt, de son propre chef, à adjuger unilatéralement à PAXPORT/Air Canada l'aménagement. Il faudra qu'il soit poussé ou reçoive l'ordre, ce qui, à mon sens, pose la question de savoir si c'est une bonne stratégie, même si c'est faisable. J'ai mes doutes.
Le sénateur Bryden: J'aimerais vous poser une question. Vous avez été longtemps fonctionnaire, vous êtes peut-être l'un des plus grands experts de la Colline, et je mets cela entre guillemets. Dans notre système, le système de Cabinet, qui est en mesure de soit pousser soit donner un ordre à un ministre?
M. Hession: Il n'y a qu'une seule personne qui puisse le faire.
Le sénateur Bryden: Et qui est-ce?
M. Hession: Le premier ministre.
Le sénateur Bryden: Donc, Brian Mulroney, à l'époque?
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Voulez-vous poursuivre, je vous prie?
M. Hession: Le paragraphe commençant par "Quant à la question de savoir"?
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Hession:
Quant à la question de savoir ce que pourrait être un processus de concours "efficient", Everson dit qu'ils sont toujours intéressés par le modèle CDIC d'une gestion d'ensemble avec intermédiaire, où le ministère lui-même fournirait le soutien sur les grandes questions d'orientation et où le gestionnaire pourrait faire appel à des sources non gouvernementales pour l'analyse des options financières et juridiques.
Le sénateur Bryden: Encore une fois, je sais ce que signifie le sigle car je l'ai cherché et écrit sur un autocollant jaune. Que signifie CDIC? Vous souvenez-vous?
M. Hession: CDIC signifie Canada Development and Investment Corporation, la Corporation de développement des investissements du Canada.
Le sénateur Bryden: Bien, je vous remercie. Voulez-vous poursuivre?
M. Hession: Je vois les signes de votre collègue. Il y a une autre organisation qui a pour sigle anglais CIDC. Je pense que mon collègue Bill Neville a un peu mélangé les choses. Il voulait parler de la Corporation de développement des investissements du Canada, mais il a écrit Canada Deposit Insurance Corporation. Je pense qu'il a un peu confondu les sigles. Je ne puis imaginer que la Société d'assurance-dépôts du Canada s'intéresse aux aéroports.
Le sénateur Kirby: C'est ce qui m'a étonné lorsque je l'ai lu la première fois.
Le sénateur Bryden: Voulez-vous poursuivre? Il n'en reste plus beaucoup.
M. Hession: Avec plaisir.
Lorsqu'on essaie de lui faire dire...
Je ne sais pas trop qui est le "lui" ici.
Le sénateur Bryden: C'est toujours une citation de M. Neville, et donc M. Neville essaie de faire dire à M. Everson...
M. Hession: Je vois, d'accord.
Le sénateur Bryden: ...qui est l'adjoint exécutif du ministre.
M. Hession: Très bien, très bien.
Lorsque vous essayez de lui faire dire ce que signifie "efficient", il reconnaît que même si on peut court-circuiter une bonne partie du processus T3 (les soumissions fréquentes au Conseil du Trésor, les retards de traduction de documents), il faut néanmoins compter six mois - DDP à l'automne, décision à la fin de l'hiver ou au début du printemps 1991.
Le sénateur Bryden: Juste pour vous donner le temps d'une pause pour boire une gorgée d'eau...
M. Hession: Oui, merci.
Le sénateur Bryden: ...cette note est datée du 12 juillet 1990, juste pour...
M. Hession: Celle que nous venons de lire.
Le sénateur Bryden: Oui, celle que nous lisons, et nous n'avons pas fini.
M. Hession: Non? Très bien.
Le sénateur Bryden: Il n'y a que trois paragraphes, si vous voulez bien - il y en a encore un sur la page où vous êtes.
M. Hession: Voulez-vous que je finisse de lire toute la note?
Le sénateur Bryden: Oui, s'il vous plaît.
M. Hession:
Notre position fondamentale à l'effet que la meilleure façon de réaliser un échéancier approprié et d'atteindre la viabilité financière sont des négociations directes reste encore valide et le restera jusqu'au moment de la décision du Cabinet en septembre 1990. Cette décision, à la lumière de tous les faits...
Le sénateur Bryden: Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre, mais le Cabinet aurait-il annoncé par avance qu'il prendrait une décision en septembre 1990?
M. Hession: Franchement, il faudrait que je revoie le document, mais il est peu probable qu'il fasse une telle annonce.
...la décision du Cabinet en septembre 1990. Cette décision, à la lumière de tous les faits (dont l'inopportunité de voir des intérêts étrangers prendre le contrôle de la gestion des aérogares à Pearson, l'inopportunité d'une domination monopolistique de l'exploitation des aérogares par ADC, etc., ainsi que nous l'avons fait valoir), pourrait influencer la décision du Cabinet de procéder à des négociations directes ou d'accepter un processus concurrentiel hautement favorable à notre cause.
Nous devons, par conséquent, éviter de relâcher nos efforts et, je pense, élargir leur champ pour y englober tout le Cabinet et le caucus.
Le sénateur Bryden: De quels efforts parlons-nous ici?
M. Hession: Très franchement, je ne sais pas. Je me contente de lire.
Le sénateur Bryden: Mais c'est vous qui avez écrit cela.
M. Hession: Oui. Encore une fois, je ne faisais que relayer les propos de M. Neville.
Puis-je poursuivre?
Le sénateur Bryden: Certainement.
M. Hession: Oui.
Nous devons également étayer davantage nos arguments par des faits et rectifier les conceptions erronées qui influencent actuellement le ministre des Transports (notamment l'évaluation de T1/T2 à 1,6 milliard de dollars).
Pour ce qui est des relations entre Air Canada/PAXPORT, je pense qu'elles devraient être déterminées par un seul critère, à savoir que si le gouvernement procède à une demande de propositions et indique que le rapport pour l'État sera un facteur important, voire déterminant de la décision, nous devrions accepter d'élaborer conjointement une proposition gagnante ou mettre fin à la relation.
Le sénateur Bryden: Vous avez également engagé un autre lobbyiste pour vous aider, une personne du nom de Andy Pascoe.
M. Hession: C'est juste.
Le sénateur Bryden: Je vous demande de vous reporter... je pense que vos notes sont à l'onglet 2.
M. Hession: J'ai un onglet B.
Le sénateur Bryden: Je précise à l'intention du conseiller et de la presse, que la note est adressée à Bill Neville.
Le sénateur Jessiman: C'est à l'intention du procès-verbaliste qui prend les notes, et non de la presse.
Le sénateur Bryden: Oh, je pensais qu'il se souciait des journalistes. Je peux facilement remettre une copie à cette dame.
C'est une note adressée à Bill Neville par Ray V. Hession; date, 21 février 1992; sujet, DDP Pearson... relations gouvernementales. Il n'y a pas de numéro.
Voudriez-vous, sans lire le tout, car je pense que tout cela est manifestement...
M. Hession: Non, non, je connais très bien cette note.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire la dernière phrase du premier paragraphe?
M. Hession:
Cette organigramme vous place, vous, Andy Pascoe, John Legate et Hugh Riopelle dans la case des relations gouvernementales.
Le sénateur Bryden: Bien. Et pourriez-vous, s'il vous plaît, lire le paragraphe 3?
M. Hession:
3. Andy Pascoe traitera directement avec la province de l'Ontario et les municipalités de l'agglomération de Toronto.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous dire au comité ce que devait faire Andy Pascoe?
M. Hession: Oui, avec plaisir. Mon but était d'avoir une rencontre d'information personnelle, avec chaque maire, chaque commissaire au développement économique, chaque président de région de l'agglomération de Toronto, y compris le président de la municipalité métropolitaine, et le groupe de travail aéroportuaire formé par le maire de Toronto d'alors, et c'est ce que j'ai fait. Andy Pascoe a organisé cela pour moi.
Le sénateur Bryden: Qu'est-ce qu'Andy... mettons les choses ainsi, car cela ira plus vite: M. Pascoe était un ancien membre du Cabinet du ministre Doug Lewis, n'est-ce pas?
M. Hession: C'est vrai.
Le sénateur Bryden: Et moins d'un an avant que vous l'engagiez, M. Pascoe s'occupait de près de la question des aérogares 1 et 2, du côté gouvernemental.
M. Hession: C'est également vrai.
Le sénateur Bryden: Et comme les documents le prouvent, et comme vous vous en souvenez, il représentait même le ministre lors d'une importante réunion tenue le 15 avril avec des fonctionnaires de Transports Canada, au cours de laquelle vous défendiez le dossier de Paxport.
M. Hession: Le 15 avril de quelle année, sénateur?
Le sénateur Bryden: Le 15 avril 1991. Je vous renvoie à la pièce C.
M. Hession: Oui, je me souviens de cette réunion. Nous parlons ici du 21 février 1992, presque un an plus tard.
Le sénateur Bryden: Mais pas tout à fait un an.
M. Hession: Non, je suis d'accord, pas tout à fait un an. Dix mois.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous, juste pour le procès-verbal...
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: ...lire le premier paragraphe de ce document daté du 16 avril 1991. Il s'agit du numéro C, celui qui porte l'étiquette marquée C.
M. Hession: Ah oui, merci. Le premier paragraphe?
Le sénateur Bryden: Je dois faire cela pour les procès-verbalistes.
M. Hession: Je comprends.
Le sénateur Bryden: 16 avril 1991, à Don Matthews, Jack Matthews, Lorne Sinclair, Trevor Carnahoff, de Ray Hession; sujet: aéroport international Pearson.
M. Hession: Effectivement, effectivement. Premier paragraphe:
Le 15 avril 1991 s'est tenue une réunion importante avec des fonctionnaires de Transports Canada. Le ministère était représenté par Gerry Berigan et Wayne Power. Andy Pascoe représentait le Cabinet du ministre, avec John Moore de Coopers, Lybrand qui a été engagé par le ministre pour assurer la probité du processus de demande de propositions.
Le sénateur Bryden: Je vous remercie.
Ne craigniez-vous pas d'enfreindre le code sur les conflits d'intérêt?
M. Hession: Pas du tout, et c'est pourquoi j'ai très explicitement, très délibérément limité le rôle d'Andy à la province et aux municipalités. Il n'avait, conformément à mes ordres express, aucun contact avec le gouvernement fédéral.
Le sénateur Bryden: Monsieur le président, je voudrais demander à notre conseiller de bien vouloir examiner le code sur les conflits d'intérêt et, en particulier, l'article 59. En outre, et sous cet angle, déterminer s'il serait utile pour le comité de demander à M. Pascoe de comparaître.
M. Nelligan: Je vérifierai.
Le sénateur Bryden: Pour m'éviter d'y revenir demain, puisque nous avons ce rapport sous les yeux, pourriez-vous (si j'ai bien le bon rapport) passer au paragraphe 4?
M. Hession: Il s'agit bien de la note du 16 avril, sénateur?
Le sénateur Bryden: C'est juste.
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous lire le paragraphe qui parle d'un facteur clé à la première...
M. Hession: Oui.
Il reste, cependant, quelques désaccords sur un facteur clé. Le ministre a lié le calendrier de la demande de propositions pour le réaménagement de l'aérogare à l'achèvement de l'évaluation environnementale de son projet de construction de nouvelles pistes à Pearson. Transports Canada estime que le rapport d'évaluation environnementale devrait être remis au ministre en octobre 1991 et pense que la demande de propositions sera émise alors.
Le sénateur Bryden: Bien. Et le paragraphe suivant traite de la possibilité d'un appel de déclaration d'intérêt ou d'une procédure de présélection et votre réponse à cette éventualité. Pourriez-vous lire cela, s'il vous plaît?
M. Hession: Oui, avec plaisir.
Dans l'intervalle, dans les 90 prochains jours, le ministère pourrait lancer un appel de déclaration d'intérêt/présélection. Lors de la réunion, nous avons déclaré qu'un tel appel était inutile et une mesure coûteuse vu l'existence d'au moins trois soumissionnaires qualifiés, ce qui suffit pour avoir une véritable concurrence. Le temps dira si nos arguments à ce sujet prévaudront.
Le sénateur Bryden: Bien. Et voulez-vous passer à la page suivante? La page suivante traite (et je pense que vous en avez fait état dans votre exposé) des résultats d'un sondage Decima qui montre...
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Et je pense que vous aviez tout à fait raison... excusez-moi, bien entendu vous aviez raison dans votre déclaration.
M. Hession: Je vous remercie, sénateur.
Le sénateur Bryden: Je pense que vous en avez dit suffisamment à leur sujet dans votre déclaration.
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Mais à la rubrique "Autres points abordés", au bas de la page...
M. Hession: Oui, je vois.
Le sénateur Bryden: Si vous passez à la page 2...
M. Hession: Qui est en fait la page 3?
Le sénateur Bryden: Qui est en fait la page 3, le deuxième paragraphe...
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Voudriez-vous nous lire ce passage?
M. Hession: Oui, sénateur.
La demande de propositions devrait suivre la méthode de la "définition de contrat" pour donner au ministre, à ses collègues et au ministère la flexibilité maximale pour régler avec le promoteur choisi les difficultés touchant le plan cadre;
Le sénateur Bryden: Pourriez-vous expliquer au comité en termes simples ce qu'est la méthode de la "définition de contrat"?
M. Hession: Oui. C'est une méthode d'achat avérée peu employée par l'administration fédérale mais utilisée dans les cas où il n'existe qu'un nombre très restreint de fournisseurs des services ou des biens considérés; dans ces cas, le gouvernement, en collaboration avec habituellement deux, mais parfois plus ou moins d'entreprises ou de consortium d'entreprises, invite les compagnies à définir un contrat elles-mêmes. C'est un mécanisme qui permet au gouvernement et aux entreprises de travailler de façon plus concertée pour créer, dans la pratique, une capacité. Si, par exemple (et cela s'est passé près de chez vous, sénateur) cette technique a été utilisée pour le programme des frégates, par exemple. Il y avait une entreprise montréalaise et une société de Saint John. Il n'y avait pas au Canada la capacité de construire ce type de navire, et l'on a donc eu recours à la méthode de la définition de contrat.
Le sénateur Bryden: Je vois.
M. Hession: Oui. Et en l'occurrence, comme je l'ai indiqué et je veux le souligner, c'est au coeur de ma réflexion et de celle de ma société. Il n'y avait pas à l'époque au Canada, et il n'y a toujours pas aujourd'hui, d'industrie nationale d'aménagement aéroportuaire. Nous cherchions à en créer une par le biais du projet Pearson. C'est pourquoi nous avons recommandé cette méthode, sénateur, pour disposer de cette flexibilité.
Le sénateur Bryden: Vous recommandiez cela?
M. Hession: Oui.
Le sénateur Bryden: Ce n'est pas ce que vous avez obtenu.
M. Hession: C'est juste, mais nous nous sommes retrouvés avec une demande de propositions comportant un volet avantages économiques régionaux dans lequel les proposants pouvaient soumettre leurs idées sur la façon d'utiliser le projet Pearson pour créer une capacité au Canada pouvant être commercialisée à l'échelle internationale pour concurrencer les aéroports britanniques, les Francfort, les Schiphol, et cetera, qui sont en train de nous enlever le pain de la bouche.
Le sénateur Bryden: Voudriez-vous lire le paragraphe 3?
M. Hession: Le paragraphe 3?
Le sénateur Bryden: Non, désolé, le paragraphe 5.
M. Hession:
Les municipalités et d'éventuelles administrations aéroportuaires locales devraient être exclues de l'appel d'offres;
Le sénateur Bryden: Bien. Juste une dernière chose. Voudriez-vous lire le dernier paragraphe, s'il vous plaît?
M. Hession: Oui.
Pour protéger l'intégrité de toute cession future de la gestion de l'aéroport à une AAL et apaiser les partisans d'une AAL, Transports Canada devrait décider la part respective des versements forfaitaires initiaux à l'État et la quote-part des bénéfices en aval. Plus grande est la valeur prélevée initialement, et moins il en restera pour une éventuelle AAL en aval.
Le sénateur Bryden: Je vous remercie.
Monsieur le président, il est maintenant 21 h 30 et puisque nous en étions convenus ainsi, c'est un bon moment pour que je m'interrompe, si nous pouvons poursuivre demain.
Le président: Oui. Monsieur Hession, serez-vous disponible demain matin à 9 heures? Est-ce convenu?
M. Hession: Oui, monsieur le président.
Le président: Nous allons lever la séance.
La séance est levée.