Délibérations du comité spécial du Sénat sur les
Accords de l'aéroport Pearson
Témoignages
Ottawa, le jeudi 14 septembre 1995
[Traduction]
Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 9 h, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi que pour faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: Chers collègues, j'aimerais remercier MM. Matthews et Baker d'avoir accepté de revenir ce matin pour que nous puissions terminer.
Nous savons, monsieur Matthews, que vous avez un vol plutôt important à prendre à midi, et nous nous interrompons à 11 h 30, alors nous en tiendrons compte. Nous entendrons M. Baker jusqu'à 11 h 30, s'il le faut. Je ne sais pas si ce sera nécessaire. Nous sommes conscients que vous devez partir à midi. Nous essayerons de faire preuve de diligence.
M. Matthews: Avez-vous dit que nous nous interromprons à 11 h 30 et que j'ai un vol à midi?
Le président: L'aéroport n'est qu'à 20 minutes d'ici.
M. Matthews: Vous ne changez pas. Toujours égal à vous-même. L'âge devrait pourtant faire son oeuvre.
Le président: Avant de commencer, messieurs, voulez-vous ajouter quelque chose aux témoignages d'hier?
M. Matthews: J'ai déclaré hier ne pas me souvenir d'avoir parlé à M. Stehelin, et c'est vrai. Je ne me souvenais pas. Mais mon fils Jack m'a téléphoné hier soir pour me dire qu'il m'avait effectivement téléphoné, mais que je ne l'avais pas reconnu quand j'ai répondu. Il a commencé à me demander des renseignements financiers, j'ai refusé de les lui donner, et nous en sommes restés là, essentiellement. Je prie donc M. Stehelin et le comité de m'excuser. Mais je ne me souviens toujours pas de cet appel. Mon fils m'affirme pourtant qu'il a eu lieu. Voilà.
Le président: Le sénateur Bryden vous interrogera en premier. Il a indiqué vouloir environ une heure?
Le sénateur Bryden: Je croyais que le sénateur Tkachuk était le premier, mais je suis prêt, et je...
Le sénateur LeBreton: Monsieur le président, une remarque - au sujet du témoignage d'hier. Monsieur... M. Bryden a passé en revue l'agenda de M. Hession et indiqué que, le jeudi 17 janvier 1991, M. Hession a déjeuné avec Gérard Veilleux. Il a ensuite été question des fonctions de M. Veilleux. Certaines de mes facultés commencent peut-être à flancher, mais pas la mémoire. J'étais presque convaincue qu'il était président de la CBC. Le sénateur Kirby a répliqué qu'il était plutôt à la tête du Conseil du Trésor.
Le sénateur Kirby: [Inaudible.]
Le sénateur LeBreton: Non, pardonnez-moi. Il a été secrétaire du Conseil du Trésor de 1986 à 1989, puis président et chef de la direction de la Canadian Broadcasting Corporation, de 1989 à 1993. À l'époque, il était donc président de la CBC. Merci.
Le président: Nous sommes donc d'accord; d'abord le sénateur Bryden, puis le sénateur Tkachuk? À vous la parole.
Le sénateur Bryden: J'ai revu mes questions pour ce matin et j'en ai éliminé quelques-unes. Je vais donc essayer de procéder aussi rapidement que possible pour que quelques documents figurent au compte rendu.
Il y a eu le 3 mars 1993 une rencontre à laquelle ont participé Jack Matthews, M. Hession et M. Kozicz, de Paxport, que je ne connais pas. Un appel téléconférence le 4 mars le confirme. Il s'agit du document 0189. Dans mon cahier, c'est l'onglet "L".
M. Matthews: Me posez-vous une question?
Le sénateur Bryden: Non, j'attends simplement que vous obteniez le document.
Le sénateur Kirby: Je fais remarquer, pendant que Ross s'en occupe, monsieur le président, que, de notre côté, nous avons veillé scrupuleusement à faire des copies des documents et à les distribuer à tout le monde. Je le rappelle simplement... le sénateur Jessiman a fait de même. Je le rappelle afin que le sénateur Lynch-Staunton ne se lance pas dans une autre tirade.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'était une question de documents confidentiels, considérés comme tels, entre les hauts fonctionnaires et le ministère. C'est tout.
Le sénateur Bryden: Je fais d'abord remarquer qu'il est indiqué... la note de service du 4 mars indique que l'objet de la conversation visait à se renseigner sur la réunion du 3 mars entre Paxport et le sous-ministre. Et parmi les personnes qui ont assisté à cette réunion se trouvait M. Hession. La réunion a eu lieu le 3 mars 1993.
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Bryden: Vous avez mentionné hier que M. Hession n'était plus dans le paysage.
M. Matthews: Un instant. Seulement lorsque nous avons noué des liens avec Claridge. Seulement pour cette très brève période.
Le sénateur Bryden: D'accord, il est revenu dans le paysage?
M. Matthews: Absolument.
Le sénateur Bryden: D'accord. Quant au document que j'ai entre les mains, nous pouvons procéder de deux façons. Vous pouvez le lire aux fins du compte rendu, ou je peux le faire moi-même.
M. Nelligan, conseiller du comité: Sénateur, avec votre permission, il s'agit d'un document du gouvernement. C'est une note de service, consignée dans les documents du gouvernement, au sujet d'un appel téléphonique entre des fonctionnaires, et je pense qu'il faudrait d'abord demander au témoin s'il est au courant de ce document avant de le lire aux fins du compte rendu, par souci d'équité envers le témoin.
Le sénateur Bryden: Alors, êtes-vous au courant de ce document?
M. Matthews: Eh bien... non, je ne le suis pas, non.
Le sénateur Bryden: Dans le... alors vous n'êtes pas au courant des remarques qu'on y trouve à l'effet que votre employé, M. Hession... de la réunion à laquelle il a participé, indiquant, au bas de la deuxième page du document...
Le sous-ministre adjoint estime que M. Shortliffe essaie d'orchestrer quelque chose, mais ne sait pas exactement quoi.
... ou...
Les lobbyistes sont en commotion.
... de quels lobbyistes s'agit-il, ou pourquoi ils étaient en commotion?
M. Matthews: Je ne le sais pas. Je ne sais même pas ce que veut dire cette phrase.
Le sénateur Bryden: Voilà pourquoi j'ai posé la question. Je ne le savais pas moi non plus.
Le sénateur Stewart: Quelle phrase? Quelle phrase? Vous ne savez pas ce que veut dire: "Les lobbyistes sont en commotion" ou que M. Shortliffe essaie d'orchestrer quelque chose?
M. Matthews: Il a mentionné la deuxième phrase, celle où il est question de M. Shortliffe, et j'ai déclaré que je ne sais pas ce que veut dire cette phrase.
Le sénateur Stewart: D'accord, merci.
Le sénateur Bryden: Je devrais peut-être montrer celui-ci à M. Nelligan. Il se trouve dans les documents du gouvernement, mais...
Il s'agit du document 002191, mon onglet "M". Je veux simplement vous signaler, monsieur Matthews, les trois paragraphes relatifs au financement. Le document s'adresse au premier ministre et il porte la signature de M. Shortliffe; "... l'apport de capital supplémentaire de 61 millions de dollars n'est pas un engagement ferme..." et, à la fin:
[...] la contribution de 20 millions de dollars de Matthews Group Limited sera en réalité financée par un emprunt auprès de Allders...
Vous étiez-vous entendus là-dessus à ce moment-là?
M. Matthews: Pardon?
Le sénateur Bryden: Était-il entendu que les 20 millions de dollars proviendraient d'Allders?
M. Matthews: Oui, nous avions conclu une entente à cet effet.
Le sénateur Bryden: Il y avait une entente. Je mettrai cela dans... le financement par emprunt dans cet...
M. Matthews: La preuve en est qu'ils ont versé ces 20 millions de dollars par la suite.
Le sénateur Bryden: Oui. Mais le 5 mars 1993, au moment où ce mémoire est rédigé, le financement par emprunt est encore conditionnel au fait que votre financement par capitaux propres se concrétise.
M. Matthews: Pardon?
Le sénateur Bryden: Si vous lisez le troisième paragraphe - pardon, le deuxième, celui où M. Shortliffe déclare:
[...] le financement par emprunt reste conditionnel au fait que le financement par capitaux propres se concrétise et que Paxport s'entende avec les locataires actuels [...]
Vous souvenez-vous si...
M. Baker: C'est exact. C'est écrit dans la lettre du 2 mars 1993 que Deloitte & Touche adressait à Huguette Labelle. Et, sénateur Bryden, dans tout projet commercial, plusieurs questions normales sont soulevées et doivent être réglées. De fait, à la lecture de cette lettre ce matin, parce que vous avez indiqué que vous vous pencheriez sur les questions financières, toutes les questions soulevées dans la lettre du 2 mars 1992 ont été réglées à la satisfaction du gouvernement du Canada, des négociateurs et du ministère des Finances, si je me souviens bien.
De fait, les témoignages de MM. Rowat, Jolliffe, Desmarais, Stehelin, Coughlin, Spencer, Cappe - et j'oublie les noms des deux messieurs qui l'accompagnaient - le confirment tous, sénateur.
Le sénateur Bryden: Oui, d'accord. Alors, - avez-vous - à la fin de ce document, je lis, à la deuxième page, juste avant la partie qui a été masquée. Nous avons demandé aux Transports de réfléchir à des solutions en cas d'impasse.
Vous rappelez-vous de discussions entre vous et les Transports au sujet de leurs solutions en cas d'impasse entre vous et Air Canada?
M. Baker: Non, je ne me souviens pas. Sénateur Bryden, j'aimerais... je ne pense pas que Transports Canada ait proposé des solutions, mais je reviens à l'endroit où monsieur... - Deloitte & Touche évoque les questions qui restent à régler et au fait que cette lettre signale, comme on le fait dans la note de service sur la réunion que vous avez identifiée comme le document "L", le caractère frustrant des négociations avec Air Canada. Le 4 mars 1993, la question est soulevée. Elle l'est aussi dans la lettre du 2 mars que M. Stehelin adressait à Huguette Labelle, et ce n'est que le 16 juin - je crois que c'est le 16 juin, que Transports Canada nous a informés qu'ils avaient prolongé le bail d'Air Canada et oublié de prolonger également la demande de propositions. Il a fallu encore... du 3 mars au 16 juin, pour régler cette question.
M. Stehelin souligne dans sa note de service que la capacité de financer le projet, l'un des principaux critères, en particulier pour les prêteurs, dépend des accords avec Air Canada. Pourtant, ils ont caché ce fait crucial, très crucial, jusqu'au 16 juin.
Le sénateur Bryden: Il est un peu étrange que cela se produise...
M. Baker: C'est très étrange.
Le sénateur Bryden: ...étant donné que Paxport et les représentants de Matthews Group étaient en contact presque permanent avec Air Canada depuis 1989. D'ailleurs, à un moment donné...
M. Baker: Et ils ne nous ont jamais informés des principes directeurs.
Le sénateur Bryden: À un moment donné, vous avez proposé d'effectuer le réaménagement ensemble.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Bryden: Cette proposition a été faite au moment où les modalités du bail étaient négociées par...
M. Baker: Je devrais vérifier les dates, sénateur. Je ne me souviens pas... quelle est la date de la lettre au sujet des principes directeurs?
Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, je ne...
M. Baker: Nous avions proposé de travailler avec Air Canada. Nous ne voulions pas prendre en main... la première proposition ne prévoyait pas que Paxport devienne propriétaire de l'aérogare 2. Elle prévoyait qu'Air Canada soit propriétaire et que nous agissions comme partenaire pour le réaménagement, si je me souviens bien. C'est donc une proposition assez différente, sénateur Bryden. Ils auraient détenu le bail et ne se seraient donc pas souciés - ils ne nous ont pas révélé les modalités de leur bail.
M. Matthews: Le bail a été modifié. L'échéance de 40 ans s'est imposée parce qu'Air Canada a dépensé une somme considérable pour rénover la partie locale de l'aérogare 2. Vous vous souviendrez des travaux qu'ils y ont effectués.
M. Baker: Ils ont déclaré dans leur témoignage avoir dépensé 125 millions de dollars, je crois.
M. Matthews: Ils ont effectivement dépensé ce montant. Et ils ont alors négocié avec Transports Canada pour protéger cet investissement.
M. Baker: Je pense qu'on peut le démontrer, parce que M. Shortliffe, je crois, était sous-ministre des Transports au moment de ces négociations et il est maintenant...
M. Matthews: C'est exact.
M. Baker: J'ajoute simplement, sénateur, que j'ai entendu le sénateur... ou les témoignages d'Huguette Labelle et de M. Barbeau et que ni l'un ni l'autre n'ont parlé d'une lettre, que je n'ai pas en main mais que vous avez dans vos dossiers, qu'Air Canada a adressée à Huguette Labelle, avec copie à Victor Barbeau, jointe à une lettre d'accompagnement télécopiée - elle se trouve quelque part dans vos documents - à Victor Barbeau, et qui rappelle expressément à Huguette Labelle qu'il y a des principes directeurs et que, de l'avis d'Air Canada, ils lient le gouvernement. Cette lettre a été envoyée avant que la demande de propositions ne soit présentée.
Vous l'avez peut-être vue, sénateur. Elle n'a pas été mentionnée dans les témoignages. J'en ai été un peu étonné.
Le sénateur Bryden: Comme je l'ai indiqué, j'essaie de faire figurer ceci dans le compte rendu. Je peux raccourcir mes questions, mais pas vos réponses. N'allez pas croire que je vous demande de le faire, mais j'essaie de tenir compte du temps que vous pouvez nous consacrer.
M. Baker: Merci, sénateur.
Le sénateur Bryden: L'argument principal de ces deux documents... jusqu'à ce moment-là tout au moins, on doutait encore grandement, le greffier du Conseil privé et chez Deloitte & Touche tout au moins, de votre capacité de financer le projet. Vous avez dissipé ces doutes par la suite, mais le 5 mars, ils subsistaient encore, n'est-ce pas?
M. Matthews: C'est faux.
Le sénateur Bryden: Pardon?
M. Matthews: À mon avis, c'est faux. En ce qui me concerne, nous avons toujours pu le financer. Mais nous devions nous entendre avec Air Canada, cela ne fait aucun doute.
Le sénateur Bryden: Je voudrais signaler maintenant un document qui se trouve à l'onglet "N". Il porte le numéro 749. C'est une note de service de M. Hession à Don Matthews, Jack Matthews, et copie à quatre autres personnes. Elle est datée du 9 mars 1992 et, si je procéderai en grande partie en ordre chronologique, je voulais revenir sur ce document en particulier.
Il porte sur une séance d'orientation stratégique, dont il a déjà été question en partie. Mais je veux insister sur les critères indiqués vers la fin. Ce serait... les pages ne sont pas numérotées. Cela commence par... oui, c'est la dernière partie de la note de service. Cela commence par, critères, et il y en a environ six pages.
Il y a une cote, des facteurs positifs et négatifs et une évaluation concurrentielle. Je sais que nous n'assistons pas à une partie de football, mais néanmoins c'est un document interne, et je m'intéresse à l'évaluation concurrentielle. En ce qui concerne "Canadien au sens de la Loi sur Investissement Canada", c'est bon. "Pouvoir de construction, capacité et rendement démontré de Paxport", faible pour la rénovation, fort pour les installations neuves.
Il s'agit donc d'une évaluation interne.
Si vous allez à la deuxième page, sur l'expérience en planification financière et la capacité financière, l'évaluation concurrentielle... l'évaluation concurrentielle interne en 1992 est faible. La capacité d'obtenir du financement par emprunt ou par capitaux propres à des conditions favorables est faible.
Au bas de la page suivante, la pertinence des arrangements financiers proposés pour assurer l'achèvement de l'aménagement est faible. Ce sont les seuls aspects qui portent sur la situation financière.
Par conséquent, j'aimerais vous demander, monsieur Matthews - cette note de service vous est adressée -, même le 19 mars 1992, vous saviez que vos principaux points faibles étaient la capacité de trouver des capitaux et de financer ce projet. Ils sont certainement demeurés des points faibles jusqu'au 5 mars 1993, n'est-ce pas?
M. Baker: Je suis en train de lire cette note de service, sénateur, j'aimerais prendre le temps de la lire.
Le sénateur Bryden: Bien sûr.
M. Baker: Si je comprends bien ce document, il propose de recourir à une évaluation concurrentielle et de discuter des points faibles qui subsistent encore à ce moment-là. Je vous rappelle que nous sommes le 19 mars 1992, que la proposition se prépare. M. Hession est rentré d'Europe ou d'Asie vers le 14 mars, si je me souviens bien, et il se préparait pour la proposition. Il s'occupait donc des problèmes qui se posaient. Il est intéressant de noter, sénateur, qu'il s'attendait à un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit propositions. En fin de compte, il n'y en a eu que deux.
Il a certainement visé juste, en ce qui concerne les risques, "Processus politisé - syndrome Matthews". Avec le recul, on peut dire que nous n'aurions jamais dû soumissionner. On dirait qu'il dresse la liste de toutes les questions dont on pourrait discuter à une réunion.
Je fais remarquer qu'Ellis Don s'est jointe à notre consortium, ce qui soulève probablement l'une de ses difficultés, des difficultés qu'il percevait. Vous devez vous rappeler que M. Hession n'était pas un analyste financier et ne participait pas... n'était pas responsable du financement. Ces difficultés sont ses impressions en mars 1992, avant la demande de propositions, avant la réponse à la demande de propositions. Je ne peux donc que vous déclarer que vous auriez dû demander à M. Hession ce qu'il entendait par là et si chacune de ces appréhensions a été dissipée. Je dirais que oui. Nous avons démontré dans la proposition notre force globale, notre capacité et notre expérience et on a jugé que nous avions présenté la meilleure proposition globale, et pour tous ces aspects de la proposition, sauf pour les avantages accordés aux employés transférés, que notre proposition était supérieure à l'autre.
En ce qui concerne le pouvoir de construction, la capacité et le rendement démontré, je pense que vous avez entendu le témoignage... je pense que Mme Hewlyn [phonétique] a mis quelques pendules à l'heure. Matthews s'est bien acquitté de tous les projets de construction qu'il a entrepris. Il n'y a eu aucune preuve de manquement.
Je pense que cela répond à cette objection. Faible - il parle de la capacité de financer le projet, de l'expérience en planification financière et de la capacité financière. On a fait appel à KPMG et à Wood Gundy. J'espère que vous n'allez pas prétendre, sénateur, que Wood Gundy et KPMG ne sont pas des planificateurs financiers solides et n'ont pas une bonne capacité financière.
La question de la capacité d'obtenir du financement par emprunt à des conditions favorables a été soulevée et analysée avec...
Le sénateur Bryden: Monsieur Baker, si vous me permettez...
M. Baker: Je réponds simplement à vos questions. J'essaie de dresser une liste...
Le sénateur Bryden: Bien sûr, mais vous avez donné deux noms, Wood Gundy et Ellis Don, qui sont... vous avez déclaré qu'ils...
M. Baker: Oui, Wood Gundy et Ellis Don se sont retirés...
Le sénateur Bryden: ... étaient capables et solides financièrement - vous ne l'avez pas déclaré.
M. Baker: Non, j'ai affirmé que Wood Gundy était financièrement... la contribution financière. La capacité financière, la planification...
Le sénateur Bryden: Et ils se sont tous les deux retirés du projet.
M. Baker: Expérience en planification financière, ils ont continué de contribuer...
Le président: Nous sommes en train de rendre les sténographes fous. Vous parlez tous les deux en même temps. Faites attention. Attendez que l'autre ait terminé.
M. Baker: Wood Gundy a continué de fournir des conseils en planification et des conseils financiers et s'est retiré en août... à un moment donné en août, ils ont envoyé une lettre pour indiquer qu'ils se retiraient, et M. Matthews a signalé une conversation téléphonique avec Ed King. À ce moment-là, Mergeco avait été acceptée par le gouvernement. Mergeco s'était engagée à fournir le financement et l'a effectivement fourni. En ce qui concerne la capacité d'obtenir du financement par emprunt et par capitaux propres à des conditions favorables, ces aspects ont été réglés, comme en témoigne le plan et en investissant 61 millions de dollars de capitaux propres et... comme le prévoyait la proposition, et aussi en parlant à 11 gros prêteurs, si je me souviens bien, tels que la Mutuelle-Vie, qui était le principal prêteur pour l'aérogare 3 et les aérogares de fret Vista; la caisse de retraite Omers [phonétique]; de grandes institutions - les investisseurs institutionnels qui, normalement, participent à des projets de cette nature.
Et la plupart de ces institutions avaient participé au financement de l'aérogare 3, et évidemment, la Mutuelle-Vie aux aérogares de fret Vista.
Il le fallait pour évaluer les conditions à remplir afin d'obtenir les prêts et les capitaux propres et nous avons obtenu des réponses favorables de ces gens.
Quelle autre question avez-vous posée? La pertinence des mesures de sécurité durant la construction et le cadre opérationnel. Elle a été évaluée dans la... a été démontrée dans la proposition et elle répondait à tous les critères. Comme l'a souligné M. Hession, la sécurité a été démontrée.
Et la question du programme de transfert, qualifié de facteur négatif, je ne sais pourquoi, a été réglée. C'est le seul aspect, le seul domaine pour lequel notre proposition a été jugée inférieure à celle de Claridge.
Puis-je vous aider autrement, sénateur?
Le sénateur Bryden: Oui, je vous renvoie au document 002092, l'onglet "O" de ma liste de documents à distribuer.
Il s'agit d'un mémoire au premier ministre, provenant encore une fois de Glen Shortliffe. Il est daté du 3 février 1993, et je veux vous interroger sur deux aspects. Au quatrième paragraphe, la deuxième phrase se lit comme suit:
Les Transports ont demandé à Paxport de démontrer sa capacité financière et fait appel à des conseillers financiers externes pour évaluer la réponse.
Deloitte & Touche étaient ces conseillers externes, je suppose, n'est-ce pas?
M. Baker: Je pense que oui.
Le sénateur Bryden: Et le prochain...
M. Baker: À notre connaissance, il n'y en a pas...
Le sénateur Bryden: D'autres?
M. Baker: Il a été question quelque part de Richardson Greenshields, mais je ne connais pas l'ampleur de leur rôle, sénateur. Mais je pense que si vous consultez les dossiers, vous trouverez qu'il est question de Richardson Greenshields. Et à un moment donné, je pense que Coopers & Lybrand... je n'ai aucune idée de qui était en coulisse. Nous savons que les services de Deloitte & Touche ont été retenus, parce que nous avons la correspondance devant nous ce matin, sénateur.
Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, vous pouvez peut-être donner votre opinion sur le prochain paragraphe, au bas de la page, qui se lit comme suit:
Le financement proposé au départ par Paxport prévoyait un levier financier élevé, comprenant 66 millions de dollars de capitaux propres, le reste des coûts du projet de 857 millions de dollars étant financé par emprunt.
Est-ce exact, monsieur Matthews?
M. Matthews: Ce n'est pas exact... il n'a pas compris cette partie de la proposition.
Le sénateur Bryden: Donc, M. Shortliffe se trompe?
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Bryden: Dans la dernière phrase:
Paxport pourrait maintenant profiter de la base de capital élargie que lui procure le nouveau partenariat...
Il s'agirait du partenariat avec Claridge?
M. Matthews: Évidemment.
Le sénateur Bryden: Qui comprend les intérêts dans l'aérogare 3. Et comme vous nous l'avez déclaré hier - ce qu'a d'ailleurs confirmé Claridge -, lorsque vous vous êtes retrouvés avec des intérêts partagés moitié-moitié, les capitaux propres apportés par Claridge ont en quelque sorte réglé la question du levier financier. D'accord.
M. Baker: Je lis au début de ce document, sénateur, et je le souligne simplement en passant:
Tel que prévu, le 1er février 1993, Paxport [...] Terminal 3 Limited Partnership a annoncé [...]
Et je me souviens, dans le témoignage de Mme Huguette Labelle, je crois, ou dans celui de M. Hession, il est ressorti que M. Shortliffe... il est question du fait que M. Shortliffe savait quelque chose. Comme l'a déclaré M. Matthews, notre groupe était très petit mais savait que des négociations étaient en cours, jusqu'à ce qu'elles soient approuvées par le conseil d'administration de Paxport. Et, comme l'a indiqué M. Coughlin, ils avaient informé divers membres du consortium, notamment, je crois, leurs conseillers en relations publiques.
Je suppose donc que M. Shortliffe fait allusion au fait que le gouvernement avait été informé de la fusion après le 17 janvier, je crois. Parce que je ne pense pas qu'on ait tiré cette question au clair. Le 17 janvier, il y a eu une réunion avec Huguette Labelle, je crois, pour la conseiller. Simplement pour éclaircir ce point, sénateur.
Le sénateur Bryden: Merci. Je vous renvoie maintenant au document "P" de mon cahier, daté du 22 février 1993. Il a peut-être été inscrit au compte rendu à un moment où j'étais absent. Il s'agit de la lettre de Deloitte & Touche à M. Barbeau. Il dit simplement... voici:
Nous souhaitons donner un compte rendu de l'état de nos travaux concernant les aspects financiers de la proposition présentée à la Couronne au sujet des aérogares 1 et 2.
Il y a une évaluation des diverses parties, dont le groupe Matthews. C'est à la page 3. Il est question de l'actif total, et cetera, et cela semble assez clair. Mais je veux attirer votre attention sur la page 4.
À cause de la relation avec Allders International Canada concernant l'investissement de 20 millions de dollars à la date de la livraison...
Il s'agit des 20 millions de dollars qu'Allders devait fournir.
[...] nous n'avons pas tenté de vérifier si cette somme serait obtenue par Mathews [sic] Group grâce à des emprunts auprès de prêteurs classiques... Étant donné le bilan actuel de l'entreprise...
Ce serait le groupe Matthews.
... et la nature de ses activités, nous avons quelques réserves quant à la capacité du groupe Mathews d'obtenir 20 millions de dollars auprès de prêteurs classiques si l'accord financier conclu entre Mathews et Allders était remis en question. Pour nous convaincre de cette capacité, nous nous fondons sur la situation d'Allders International Canada et sur la santé financière de la société mère et sa capacité de financer le groupe Mathews...
Monsieur Matthews, à cette époque, le groupe Matthews n'aurait pas été capable d'obtenir 20 millions de dollars sans le soutien d'Allders, n'est-ce pas?
M. Matthews: Non. Mais nous avions conclu une entente avec Allders, et elle a été respectée. Les 20 millions de dollars ont été versés, point final.
Le sénateur Bryden: J'ai lu autant de documentation que je pouvais pour essayer de déterminer la relation entre Allders et le groupe Matthews. À en juger par votre proposition, elle devait être financée par... avant la création de Mergeco, elle devait être financée par 66,5 millions de dollars de capitaux propres, dont 20 millions... 23 millions provenant de votre groupe, et 20 millions sur ces 23 d'un prêt de Allders, n'est-ce pas?
J'aimerais vous renvoyer au document "Q" de mon cahier. Il s'agit d'une note de service de Paul Stehelin, sur du papier en-tête de Deloitte & Touche.
S'agit-il de la conversation téléphonique qui aurait eu lieu, selon votre fils?
M. Matthews: Je pense que oui. C'est le jour de mon anniversaire, alors je devrais... pas étonnant que je ne m'en sois pas souvenu.
Le sénateur Bryden: Vous êtes né le même jour que moi.
Cela vous rappelle-t-il quelque chose?
M. Matthews: Je suis désolé, je dois...
Le sénateur Bryden: Je n'essaie pas simplement de vous rafraîchir la mémoire, mais de compléter la documentation, à mes fins, de confirmer qu'à cette époque, on s'inquiétait de la possibilité d'obtenir ces 20 millions de dollars si la participation d'Allders était remise en question, comme l'a exprimé M. Stehelin.
M. Matthews: Si vous lisez la dernière phrase de cette lettre, j'ai réussi à obtenir ses coordonnées, et je les ai probablement données à Jack Matthews.
J'ai déclaré... cette lettre précise:
Il a pris mon nom et mon numéro de téléphone et indiqué que quelqu'un me rappellerait.
M. Baker: Ce "quelqu'un", c'était M. Matthews.
M. Matthews: C'était Jack Matthews.
M. Baker: Non, il...
M. Matthews: Ah oui, c'est moi, oui, oui.
M. Baker: Et Jack a appelé hier soir pour me dire que cela s'est passé ainsi.
Le sénateur Bryden: C'est donc Jack qui devait répondre.
M. Baker: On a effectivement demandé à Jack de s'en occuper. D'ailleurs, sénateur, si vous voulez des renseignements supplémentaires à ce sujet, Scott McMaster, d'Allders, a donné à M. Stehelin tous les renseignements concernant ce prêt. Scott était président d'Allders International Canada.
Le sénateur Bryden: J'aimerais revenir au document que je vous ai remis juste avant le - il y a deux documents de Deloitte & Touche; celui-ci, d'une page, puis le document plus important, daté du 22 février, à l'intention de Victor Barbeau.
Est jointe à cette lettre copie d'une entente entre Allders International et Paxport Management Group. Elle est datée du 10 juin 1992. Reconnaissez-vous cette entente?
M. Matthews: Non, je ne la reconnais pas. Jack Matthews l'a signée, alors je vous suggère de l'interroger à ce sujet.
Le sénateur Bryden: Dans ce... monsieur Baker, avez-vous participé à cette entente...
M. Baker: Je suis au courant du marché avec Allders et j'ai préparé les documents pour son règlement définitif, sénateur.
Le sénateur Bryden: Vous pouvez donc répondre aux questions concernant ce document.
M. Baker: Oui, je le ferai.
Le sénateur Bryden: Est-il juste d'affirmer qu'il établit une coentreprise comprenant Allders et Paxport et un autre des... une entreprise du groupe Matthews? Paxport Investment Limited?
M. Baker: C'est ce qu'on proposait dans cette lettre, monsieur. Cela ne s'est pas fait.
Le sénateur Bryden: Cela ne s'est pas fait?
M. Baker: Non.
Le sénateur Bryden: Alors cette entente n'a jamais...
M. Baker: Cette entente a été remplacée par les ententes ultérieures, et Matthews n'a pas pris de participation dans le volet relatif aux boutiques.
Le sénateur Bryden: Mais n'était-ce pas l'entente...
M. Baker: Il s'agit de l'entente du 10 juin 1992, qui a été remplacée par les accords conclus en octobre 1993. Et Matthews n'y a pas participé.
Matthews n'a pas participé parce que, même si, je pense... même s'il n'était pas... il y a eu des discussions, et je ne me souviens pas quand elles ont commencé, avec le gouvernement du Canada, qui se préoccupait des intérêts d'Allders dans l'aéroport, du fait qu'il s'agissait d'une concession, des intérêts dans la propriété. Donc, au cours de ces discussions, d'autres dispositions ont été prises. Matthews n'avait pas d'intérêts dans les boutiques et des dispositions prévoyaient que la participation d'Allders ne dépasserait pas 15 p. 100.
Le sénateur Bryden: Il en a été convenu ainsi dans l'entente finale.
M. Baker: Au cours des discussions et des négociations avec le gouvernement, avec l'accord de la Couronne.
Le sénateur Bryden: Mais n'est-il pas vrai que le prêt ou l'engagement de 20 millions de dollars du groupe Matthews pour la partie en capitaux propres de vos 23 millions de dollars dépendait de l'accord avec Allders. C'était la condition.
Savez-vous si, lorsque les évaluations ont été faites pour la demande de propositions, si les fonctionnaires de Transports Canada étaient au courant de cette entente?
M. Baker: Non, évidemment. Ce n'est pas pertinent pour... ce n'était pas pertinent pour la proposition, sénateur.
Le sénateur Bryden: Lorsque vous étiez en train de trouver - d'essayer de trouver du financement par vos propres moyens, avant que Claridge n'arrive avec ses goussets bien remplis, les 20 millions de dollars provenaient d'Allders.
M. Baker: C'est exact, sénateur.
Le sénateur Bryden: Et ils fournissaient ces 20 millions de dollars en fonction de... l'un des facteurs, au moins, était cette entente?
M. Baker: Oui. Ils ont conclu cette entente, sénateur, parce qu'ils voulaient exploiter les boutiques hors taxes aux aérogares 1 et 2 et voulaient avoir une option sur le bail de ces boutiques. C'est une opération commerciale normale.
Ils ne voulaient toutefois pas courir de risque financier tant que le marché n'était pas effectivement conclu et ont donc conclu cette entente et le contrat de prêt, mais ils n'ont avancé les fonds que lors de la signature du bail. Ils ont alors avancé les fonds et obtenu leur titre de participation.
En réalité, ils ne prenaient aucun risque tout au long du processus de demande de propositions, durant le choix de la proposition ou la négociation, et ils ont conclu une opération commerciale normale avec le groupe Matthews.
Le sénateur Bryden: La difficulté que cela pose est notamment qu'ils devaient obtenir un pourcentage de toutes les concessions, n'est-ce pas?
M. Baker: Non, ce n'est pas le problème. En ce qui concerne la propriété, la demande de propositions ne s'intéressait qu'aux transporteurs aériens, si je me souviens bien. Mais au cours des négociations, le gouvernement du Canada a pensé - et je n'étais pas nécessairement d'accord, mais cela fait partie du jeu - qu'un concessionnaire ne devrait pas posséder des intérêts importants dans les aérogares et donc, pour satisfaire le gouvernement, comme on le fait dans toute négociation, sénateur - vous êtes avocat, vous avez participé à des négociations, j'en suis convaincu - la situation a changé, mais le financement était toujours là.
Le sénateur Bryden: L'article 3 de cette entente du 10 juin - à la page 2 - se lit comme suit:
Allders sera rémunérée pour les services de consultation sur les commerces et pour la coordination des baux et des locataires, à un tarif annuel représentant 5 p. 100 des revenus nets tirés des baux commerciaux (services, opérations bancaires, publicité, location de voitures et stationnements exclus) durant les cinq premières années du bail et 2,5 p. 100 des revenus nets tirés des baux commerciaux pour le reste du bail relatif aux boutiques hors taxes.
N'exploitent-ils pas des boutiques hors taxes?
M. Baker: Oui, ils le font.
Le sénateur Bryden: Et, en vertu de cette entente, ils allaient obtenir 5 p. 100 des revenus de toutes les autres...
M. Baker: C'est écrit, ils allaient fournir des services consultatifs et agir comme coordonnateurs des baux et des locataires à l'aéroport. Il s'agit d'une fonction de gestion. D'ailleurs, je crois que M. McMaster et son organisation ont passé des mois à préparer les documents à cet effet et à redessiner les installations commerciales de l'aérogare 3 qui n'étaient pas bien situées.
Ils ont été pressentis parce qu'Allders vient au deuxième rang en importance parmi tous les exploitants de boutiques hors taxes au monde. Cette entreprise possédait une vaste expérience des opérations commerciales et apportait cette expérience au consortium. C'était la rémunération prévue pour la prestation de ces services sur une base permanente, sénateur, et de fait, cet article a été supprimé dans l'analyse finale. Ils y ont renoncé.
Le sénateur Bryden: Mais entre temps, cela faisait partie des aspects qui retardaient les choses et qui préoccupaient grandement...
M. Baker: Non, cela n'a rien retardé. La question a été réglée assez rapidement quand elle a été soulevée. Ce qui retardait... vous parlez des négociations?
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Baker: Non, ce n'était pas important.
Le sénateur Bryden: On avait dissipé la crainte exprimée par M. Stehelin...
M. Baker: Oh oui, nous avons dissipé toutes les craintes de M. Stehelin.
Le sénateur Bryden: Après l'arrivée de Claridge?
M. Baker: Cela n'a rien à voir avec Claridge. Rien à voir. Il y a plusieurs questions...
Le sénateur Bryden: Mais lorsque Claridge est arrivée, vous n'aviez plus besoin... aviez-vous encore accès aux 20 millions de dollars d'Allders?
M. Baker: Oui.
Le sénateur Bryden: D'accord, mais pas en vertu de ce contrat?
M. Baker: Ce contrat a été modifié, et Allders n'a pas été retenue pour les services de consultation... a cessé d'offrir ces services.
Le sénateur Bryden: Je voudrais passer maintenant à Mergeco. C'est le 7 décembre que vous êtes devenus... que la meilleure proposition globale a été acceptée, puis, le 14 janvier, vous avez conclu l'entente avec Claridge?
M. Baker: Je pense que oui.
Le sénateur Bryden: Et si je comprends bien, il s'agissait alors d'un accord confidentiel entre vous, Claridge et Transports Canada.
M. Baker: C'était confidentiel... non.
Le sénateur Bryden: Non?
M. Baker: Non, c'était un accord confidentiel entre Claridge et Matthews. Transports Canada n'était pas partie...
Le sénateur Bryden: Pas partie à l'accord, mais au courant de son existence?
M. Baker: Je ne pense pas qu'ils aient vu cet accord avant le 17 janvier. Vous devrez vérifier les témoignages pour confirmer la date. Je crois que M. Coughlin a déclaré l'autre jour que la réunion avait eu lieu le 17 janvier.
Le sénateur Bryden: Cela ne me préoccupe pas vraiment, mais au départ, l'accord a été conclu entre Paxport et Claridge, au départ, seulement trois parties étaient au courant, soit vous, les parties. À un moment donné, vous avez informé... je me soucie peu que ce soit le 14 ou le 17... j'essaie de démontrer que l'accord est resté confidentiel. Vous ne l'avez pas crié sur les toits.
M. Baker: Il est resté confidentiel, très confidentiel, parce que dans les négociations normales, les accords sur la confidentialité sont très... je dois signaler, sénateur, que j'ai parfois passé une semaine et demie à négocier un accord de confidentialité avant de pouvoir entrer dans le vif du sujet.
C'était un accord confidentiel entre les parties, et on a informé le gouvernement, puis le public, lorsqu'il s'est concrétisé et que le gouvernement l'a eu accepté.
Le sénateur Bryden: Ce mémoire a été présenté, mais je veux l'ajouter pour compléter cet aspect de la documentation. C'est mon document "R", qui a été présenté lorsque le groupe Claridge est venu témoigner. Je le présente simplement pour attirer votre attention et demander votre opinion, monsieur Matthews, sur ce mémoire de M. Shortliffe au premier ministre.
C'est une mise à jour concernant la demande de propositions, datée du 16 novembre 1992, soit près d'un mois avant qu'elle ne soit rendue publique, le 7 décembre. Dans ce document, M. Shortliffe indique au premier ministre, conclut que, même si les deux propositions sont acceptables, celle de Paxport est la meilleure.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je crois qu'il s'agit du mémoire dont nous avons discuté hier, et notre conseiller, je crois, a convenu qu'il n'aurait pas dû être publié. Si mon interprétation est exacte, nous devrions peut-être respecter l'esprit de cette remarque. Cela n'a rien à voir avec le contenu du mémoire; cela n'a absolument rien à voir avec mon argument, mais certains documents, et celui-ci en particulier, si je comprends bien, étant un mémoire au premier ministre et considéré comme un conseil confidentiel au premier ministre, n'a pas... sa publication n'a pas été autorisée.
Et je crois, conseiller, qu'il s'agit du mémoire dont nous avons discuté hier.
M. Nelligan: On s'est opposé à la partie manuscrite à la fin du mémoire.
Le sénateur Kirby: Le document figure déjà dans le compte rendu.
M. Nelligan: En effet.
Le sénateur Bryden: Je ne veux pas me lancer dans cette discussion, mais le chat est déjà sorti du sac.
Le sénateur Lynch-Staunton: Par simple politesse, pourquoi ne pas ne pas le remettre dans le sac?
Le sénateur Kirby: On ne peut pas le remettre dans le sac une fois qu'il en est sorti.
Le sénateur Tkachuk: Nous ne l'oublierons pas.
Le sénateur LeBreton: Vous nous donnez un bel exemple, messieurs.
Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement. Quand on leur donne l'occasion de faire preuve d'un peu de respect envers les traditions fondamentales du régime parlementaire, tout ce qu'on obtient en retour c'est: "Ha, Ha, nous avons sorti le chat du sac et vous ne pouvez pas l'y remettre".
Le sénateur Bryden: Je me demande, monsieur Matthews, si vous...
Le sénateur Lynch-Staunton: Soit dit en passant, il manque une phrase sur notre photocopie. Ce n'est pas complet. La troisième phrase se poursuit, bien sûr. Qui a une copie complète? Si vous faites sortir le chat du sac, faites-le sortir complètement.
Le sénateur Bryden: J'ai noté de demander au conseiller s'il pouvait nous procurer une meilleure copie. La mienne non plus n'est pas complète.
M. Nelligan: Je crois que M. Shortliffe en a une et je suppose qu'il l'apportera quand il viendra.
Le sénateur Bryden: En tous cas, dans ce mémoire - et il est antérieur à la publication de la demande de propositions -, il est question de quelques...
Le sénateur LeBreton: Pardonnez-moi, mais cela ne fait pas partie de la demande de propositions.
Le sénateur Bryden: Désolé, décidée le 7 décembre.
Le sénateur Jessiman: Non, c'est faux. Déclarée.
Le sénateur LeBreton: C'était avant l'annonce faite par l'équipe d'évaluation.
Le sénateur Bryden: Peu importe:
Les Transports ont dégagé quelques questions à régler avant d'aller plus loin:
- la récession dure plus longtemps que prévu et le trafic pourrait décliner à cause de l'expansion (sic) actuelle de l'industrie aérienne, par conséquent, le besoin d'agrandir les aérogares est reporté de deux à trois ans. Il n'est pas nécessaire de commencer la construction avant 1996.
Si vous vous souvenez bien, vous essayiez de - vous étiez au coeur de l'action. Était-ce votre évaluation de la situation?
M. Baker: Sénateur, juste avant que M. Matthews ne réponde, je crois que vous avez déclaré "l'expansion de l'industrie aérienne", et c'est écrit "la situation de l'industrie aérienne". J'ai peut-être mal entendu, mais je crois que c'est ce que vous avez dit.
Le sénateur Bryden: Je dois me ralentir. Je me dépêche, je ne voudrais pas que M. Matthews rate son avion. Je lirai plus attentivement à partir de maintenant.
La deuxième...
M. Baker: M. Matthews n'a pas répondu à votre question.
M. Matthews: C'est une question presque philosophique. Les grands aéroports du monde, ceux qui réussissent le mieux, par exemple Schipol, Singapour, et cetera, prennent de l'expansion bien avant la demande, de sorte qu'ils ne deviennent jamais embouteillés, et je suis d'accord avec ce genre de mentalité.
Au Canada, et je ne prétends certainement pas que Transports Canada soit responsable, on fait le contraire. On attend qu'il y ait un problème, puis on essaie de le régler.
M. Baker: Sénateur, j'ajouterais que le besoin d'agrandir les aérogares était reporté de deux ou trois ans, comme je l'ai déclaré hier. L'expansion était minime. Le projet portait surtout sur la modernisation. Et la modernisation - Air Canada l'a confirmé - s'imposait déjà. D'ailleurs, ils ont écrit au... et exercé des pressions en 1990, 1991, 1992 pour l'expansion. En 1993, ils en avaient besoin. Ils avaient besoin de la modernisation, et moins de l'expansion. Ils affirment désormais, monsieur, qu'ils ont désespérément besoin de la modernisation et de l'expansion, si vous consultez le témoignage d'Air Canada.
Le sénateur Bryden: Le paragraphe suivant, monsieur Matthews, et je le place dans le contexte du temps qu'il a fallu pour négocier le contrat. À cette date, le 16 novembre:
[...] il avait été prévu au départ que la construction puisse commencer l'an prochain. Les estimations actuelles des Transports sont désormais 1994 au plus tôt, puisqu'il faudra au moins 12 mois pour négocier le bail.
Dans les faits, selon la date qu'on retient comme étant celle où le bail a été conclu, le 31 juin était la date visée, je crois, puis des documents ont été signés en août, enfin, la première ministre Campbell a autorisé la signature ou il a finalement été signé le 7 octobre.
M. Baker: Il n'a pas été signé.
Le sénateur Jessiman: Pas signé, autorisé. Vous avez ajouté "et signé".
Le sénateur Bryden: Si nous consultons les dossiers, il est établi clairement que la première ministre Kim Campbell a ordonné la signature du document. Il n'a pas été signé.
Le sénateur Jessiman: On a déclaré qu'il était... le document était erroné. Le témoin l'a affirmé. Il s'agissait d'une autorisation.
M. Nelligan: De tous les documents nécessaires, il s'est avéré que seule l'autorisation devait être signée, sénateur.
Le sénateur Jessiman: Autorisé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le contrat n'a pas été signé le 7 octobre, que ce soit clair.
Le sénateur Bryden: Mais il n'était pas davantage signé le 7 décembre, ce qui correspond, au moins avant que ce processus ne commence, à la période qu'avaient prévue les Transports pour la négociation du contrat.
M. Baker: Je dirais, sénateur, que le 4 janvier 1993, nous pensions qu'il serait signé avant la fin d'avril, ce qui représentait un délai raisonnable pour une opération commerciale, et la date réelle... à un moment donné, William Rowat a écrit à Glen Shortliffe, je n'ai pas le document devant les yeux, mais je crois que c'était le 25 mai, pour dire qu'ils s'attendaient à conclure les ententes la semaine suivante. Mais nous savons tous que nous nous plaignions sans cesse de ne pas pouvoir avoir des discussions fructueuses avec Air Canada. Ce n'est donc qu'en juin, d'après le témoignage de M. Broadbent, que "le scénario des chiens qui n'ont pas aboyé", que personne ne semblait... les fonctionnaires de Transports Canada ne semblaient pas trop se préoccuper du fait qu'ils ont caché, pendant si longtemps, un facteur qui, de l'avis de leurs propres experts et conseillers, posait des difficultés, soit la négociation du bail avec Air Canada, nécessaire pour obtenir le financement. M. Broadbent a aussi parlé dans son témoignage des retards qui en sont découlés et M. Hession a évoqué dans le sien les délais concernant la nomination d'un conseiller financier. Je pense que c'était un mois après l'annonce. Puis, M. Rowat a déclaré qu'il n'y a pas eu trop de délais après son arrivée, parce qu'ils avaient révélé les difficultés avec Transports Canada et, du 16 juin au 21 juillet, je crois, on a négocié une entente avec Air Canada et la situation a évolué normalement, comme elle l'aurait fait dans une opération commerciale normale. Compte tenu des délais qui ont été confirmés par les témoins, nous aurions donc pu gagner beaucoup de temps. Nous aurions probablement pu gagner quelques mois, comme l'ont indiqué les témoins, et achevé l'opération beaucoup plus tôt.
Le sénateur Bryden: J'aimerais maintenant attirer votre attention sur le document "S" dans mon cahier, le document 0179. Il s'agit d'une note de service de David Broadbent à Glen Shortliffe, avec copie à Huguette Labelle, au sujet d'une "Réunion avec MM. Bronfman et Matthews".
Compte tenu des questions délicates qui se posent et des incertitudes actuelles, j'ai pensé que vous devriez avoir un bref compte rendu de la situation.
M. Matthews, savez-vous de quelles questions délicates il s'agit... nous sommes après le début des discussions, je suppose?
M. Matthews: J'aimerais lire le document en entier, mais, de toute évidence, je ne peux lire que ce que j'ai devant moi, et j'aimerais le faire, avec votre permission.
Le sénateur Bryden: Pouvez-vous lire à haute voix, sinon, un de nous le fera.
M. Matthews: Non, je voudrais le lire et y réfléchir.
M. Baker: Il s'agit de la note de service de M. Broadbent, sénateur.
Le sénateur Bryden: Je peux le lire aux fins du compte rendu.
M. Nelligan: Sénateur, soyez juste, il ne s'agit pas d'un document du témoin. Nous avons entendu M. Broadbent. Nous avons entendu M. Shortliffe. Nous savons que ce que nous pouvons demander au témoin, c'est de commenter le contenu, mais je ne pense pas que le moment soit bien choisi pour lire le document... nous l'avons. Mais vous pouvez lui demander son opinion sur des documents et voir s'il est d'accord ou non.
M. Matthews: C'est bon, je l'ai lu.
Le sénateur Bryden: Pouvez-vous nous dire quels seraient les principaux points litigieux susceptibles de surgir lors des réunions avec MM. Bronfman et Matthews?
M. Matthews: Non, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que dans toute négociation raisonnable, il y a des problèmes. Il signale à son supérieur qu'il a un problème et qu'il essaiera de le régler. C'est ainsi que j'interprète cette lettre.
Le sénateur Bryden: Vous rappelez-vous, votre fils Jack - Jack Matthews - vous a-t-il tenu au courant des résultats du dîner ce soir-là?
M. Matthews: J'en doute, j'en doute. Je ne me souviens pas.
Le sénateur Bryden: Vous ne vous souvenez pas?
M. Matthews: Non.
M. Baker: Pour que ce soit clair, je lis le premier paragraphe avant la partie qui a été supprimée. Il serait bon de savoir ce qui a été supprimé, parce que c'est peut-être pertinent. Je ne sais pas si la suppression est légitime ou s'il s'agit d'une des suppressions dont M. Hession est friand. Mais il est question de la fusion de deux propositions, et les témoignages de tous les témoins, nous y compris, indiquent que les propositions n'ont pas été regroupées et qu'il craignait peut-être une telle fusion. Il n'y en a pas eu. Il s'agissait de la proposition de Paxport et, dans le témoignage ultérieur de M. Broadbent, il a été confirmé qu'il s'agissait de la proposition de Paxport. Sa note de service parlait de la proposition de Paxport. Sa note de service au début des négociations officielles parle de la proposition de Paxport. M. Rowat affirme qu'il s'agit de la proposition de Paxport. Je pense donc qu'il craignait... un problème surgi de nulle part, qui ne s'est jamais produit.
Celui qui est intéressant, et je ne l'ai pas lu, c'est... je ne sais pas la date. Le voici. Je suppose que c'est la date - le 18 mars 1993 - il est question des principes directeurs concernant Air Canada.
[...] l'envoi ne contenait pas la lettre que vous avez signée, à titre de sous-ministre pour rassurer Air Canada au sujet des conséquences d'une rénovation partielle de l'aérogare 2.
À ce moment-là, c'était donc très clairement dans l'esprit des fonctionnaires de Transports Canada.
À première vue, les avocats (ici plus Cassels) sont d'avis qu'Air Canada pourrait s'estimer protégée légalement contre des modifications à l'aérogare 1 pendant de nombreuses années.
Nous ne le savions pas, aucun des proposants ne le savait et nous ne l'avons appris que près de deux mois plus tard. Comme l'a déclaré M. Coughlin, c'était stupéfiant - je ne me souviens pas du terme exact qu'il a employé, mais c'était stupéfiant d'apprendre qu'on était allé si loin, tandis que tout le monde était au courant de l'importance d'Air Canada, notamment M. Stehelin et Mme Huguette Labelle, sans que ce renseignement ne nous soit communiqué.
Le sénateur Bryden: J'aimerais maintenant tenter de déterminer le taux de rendement, et je laisse tomber autant de sujets que possible. Il s'agit de mon document "W".
En deux mots, dans la partie sur le taux de rendement, on indique que le taux de rendement prévu du projet est de 14 p. 100.
M. Baker: Où lisez-vous cela?
Le sénateur Bryden: Désolé, à la page 6, taux de rendement, le taux de rendement interne. Je pense que...
M. Baker: Environ 14 p. 100, c'est exact, sénateur.
Le sénateur Bryden: Ce taux de rendement est-il calculé après ou avant les honoraires d'aménagement et de consultation qui devraient être versés au groupe Matthews?
M. Baker: Toutes les dépenses sont déduites, sénateur, soit les frais d'intérêt, l'amortissement, la gestion, toutes les dépenses relatives à l'aéroport. Et je pense que M. Coughlin a déclaré qu'il existait des dépenses relatives à des activités exercées par les partenaires à l'aéroport, des services fournis à l'aéroport sur une base commerciale. Toute opération touchant des partenaires à la transaction devait être négociée avec Claridge, le principal partenaire, qui ne recevait pas ces honoraires ou ne participait pas à la gestion de la construction, par exemple. Elles ont été négociées conformément à la lettre du 14 janvier sur les modalités commerciales, conformément à la lettre que M. Coughlin a fait parvenir à Transports Canada et conformément au bail, ou au contrat d'aménagement ou d'exploitation... je ne me souviens plus duquel il s'agit, peut-être le contrat d'aménagement et d'exploitation. Il y a donc eu des négociations. Par exemple, le bail d'Allders, dans lequel le gouvernement du Canada s'engageait à ne pas faire déménager les locataires, a été négocié entre Claridge et Allders, et le gouvernement du Canada a donné son avis. De fait, si je peux la trouver, dans la note de service de Judy à John Desmarais, directeur intérimaire des opérations commerciales pour le groupe des aéroports... j'en ai des copies, si vous le voulez, ou je peux le lire aux fins du compte rendu. Il s'agit d'une note de service de John Desmarais...
Le sénateur Bryden: Vous pouvez la lire, si vous le voulez.
M. Baker:
L'examen du bail d'Allders révèle qu'il est beaucoup plus restrictif que tout autre bail actuel entre le Ministère et un concessionnaire, surtout en ce qui concerne la définition du revenu brut.
L'accord visant à éviter les déménagements semble aller. Je fais remarquer que les avocats ont décidé que l'article 19.3.2.5 du bail d'Allders ne s'applique pas à la Couronne. Cet article porte sur les frais de déménagement du locataire tenu de déménager. Il stipule que le propriétaire paiera tous les frais, y compris les frais d'aménagement des nouvelles installations. D'habitude, le ministère paie les frais de déménagement des locataires, et la partie des frais d'aménagement assumée par la Couronne fait habituellement l'objet de négociations. Étant donné qu'Allders a déjà effectué quelques déménagements aux frais du ministère, on se demandera probablement pourquoi nous modifions cette pratique dans ce cas-ci.
Il s'agit toutefois d'une pratique avantageuse pour la Couronne.
Soumis à votre attention.
Il est malheureux que la Couronne n'ait pas signé cet accord avec Allders et ne lui ait pas fourni les installations, en vertu du meilleur bail jamais conclu.
Le sénateur Bryden: Désolé, je ne voulais pas vous couper la parole.
À propos du taux de rendement de 14 p. 100, on peut croire que M. Hession a reçu ses honoraires conditionnels, ou appelez-les comme vous le voulez, et que si M. Fred Doucet a reçu les siens, ils ont été payés avant le calcul du taux de rendement de 14 p. 100?
M. Baker: Le taux de rendement de 14 p. 100 ne comprend pas les honoraires de M. Hession, ni ceux de M. Doucet.
Le sénateur Bryden: J'aimerais vous renvoyer au document "X" de ma liste. Il s'agit d'un document qui ressemble à un contrat avec Matthews Investments Inc., où il est écrit:
Le soussigné s'engage par la présente à vous verser des honoraires de consultation de 350 000 $ par année pendant dix (10) ans (payables tout les mois), le premier paiement s'effectuant le 31 octobre 1993.
Ce contrat n'est pas résiliable, il est cessible et vous pouvez le céder.
C'est signé par Peter Coughlin et Norm Spencer. Norm Spencer est un cadre de...
M. Baker: C'est un cadre de T1T2 Limited Partnership. Il était ici avec M. Coughlin et il a témoigné l'autre jour.
Le sénateur Bryden: Oui. Et ces honoraires auraient été versés avant le calcul du 14 p. 100?
M. Baker: Qu'entendez-vous par avant le calcul? Vous voulez dire que ce seraient des honoraires...
Le sénateur Bryden: Oui.
M. Baker: Cela fait partie des frais qui ont été négociés avec le groupe Claridge. De fait, comme l'a indiqué M. Coughlin, ce contrat a été négocié en même temps que le contrat de gestion de l'aéroport et le contrat de gestion de la construction avec Paxport, qui prévoyait des honoraires de gestion de la construction de 2,5 p. 100. Le taux final a été ramené a 2 p. 100 et le contrat a été signé, tout comme les autres contrats de gestion. Ils portaient sur des activités commerciales normales à exercer à l'aéroport, sénateur, et il s'agit de coûts normaux pour quiconque exploite l'aéroport.
Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, ce contrat prévoit-il d'autres dispositions? Quelles fonctions devait exercer Matthews Investments pour gagner 350 000 $?
M. Baker: Ce contrat a été signé, comme vous le voyez, le 4 octobre. Nous étions à la veille de la clôture. Il a été signé au moment où nous tentions d'organiser diverses activités. De fait, le 3 octobre, nous avons entrepris les démarches en vue du règlement définitif du marché. Comme vous l'avez entendu, les documents ont été signés...
Le sénateur Bryden: Je me demande, monsieur Baker, si vous pouvez laisser M. Matthews répondre à ma question.
Quelles fonctions devait exercer Matthews Investments pour gagner 350 000 $ par année?
M. Matthews: Je devais fournir des services de consultation, mais je dois vous préciser que M. Baker jouait un rôle de premier plan dans ces activités. Il devait prendre des dispositions de dernière minute entre Claridge et nous-mêmes.
M. Baker: J'ai rédigé les documents.
Le sénateur Bryden: Monsieur Baker, ce document est-il complet?
M. Baker: Il s'agit d'un document de travail, et, comme l'a indiqué M. Coughlin, tous les contrats n'étaient pas encore signés et l'on prévoyait qu'après la clôture... il s'agissait simplement d'un document de travail. Mais il vous a renvoyé à sa lettre du 25 novembre et d'autres précisions devaient s'ajouter.
Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander, étant donné que vous m'avez répété de temps en temps que nous sommes tous les deux avocats, si cette somme de 350 000 $ n'est pas versée tous les ans, peut-on conclure que, d'après ce document, que la partie qui ne paie pas manque à ses engagements?
M. Baker: C'est écrit "honoraires de consultation". Il est donc implicite, sénateur, que des services de consultation sont fournis, c'est exact. M. Matthews...
Le sénateur Bryden: Pouvez-vous fournir au comité une liste ou une annexe décrivant la nature des services de consultation en cause?
M. Baker: Non, sénateur, tout comme, normalement, quand on embauche un cadre qui est nommé président, il y a rarement une liste précise. La lettre indiquerait que vous êtes embauché au poste de président ou de président du conseil d'une entreprise. Les parties prévoyaient régler ces questions plus tard, comme l'a indiqué M. Coughlin dans son témoignage, et, comme il l'a indiqué dans sa lettre du 25 novembre à laquelle il a fait allusion dans son témoignage.
Le sénateur Bryden: Il n'y a donc rien par écrit...
M. Baker: Sénateur, vous vous souviendrez que le gouvernement a annulé le contrat pour l'aménagement de l'aéroport et qu'il devenait donc inutile d'aller plus loin et d'essayer d'apporter plus de précisions. Vous vous rappelez que les contrats relatifs à l'aménagement de l'aéroport ont été annulés?
Le sénateur Bryden: Oui. Cela fait-il partie des réclamations, des dommages-intérêts demandés?
M. Baker: Oui, sénateur.
Le sénateur Bryden: Avec une certaine latitude, sans vous renvoyer aux documents, afin d'aller plus vite...
Le sénateur LeBreton: Vous avez une nouvelle définition de "vite"?
Le sénateur Bryden: Nous savons ce qu'est la précipitation, à l'examen de cette opération.
Le sénateur LeBreton: C'est exact, vous le savez très bien.
Le sénateur Bryden: Certains autres contrats font partie... je ne fais que renvoyer aux poursuites, pas pour argumenter, je m'intéresse seulement à la valeur des contrats. Il y a aussi le contrat avec Matthews Contractors pour la gestion de la construction à l'aéroport Pearson. Si je mentionne un contrat qui n'est pas inclut dans les frais de la compagnie avant le rendement de 14 p. 100, voulez-vous me le signaler, s'il vous plaît, m'indiquer que c'est inexact.
Paxport International devait obtenir un minimum de 4 millions de dollars de T1T2 pour promouvoir à l'échelle internationale les compétences canadiennes en aménagement des aéroports.
M. Baker: C'est exact. Cela fait partie des dépenses. Cela faisait partie du programme d'avantages pour l'industrie qui aurait répandu les compétences canadiennes dans le monde. J'ai indiqué hier tous les aéroports que Paxport International avait en tête, et ce financement devait être versé à cette entreprise. Je ne me souviens plus des estimations du nombre d'emplois que ces activités devaient créer au Canada, mais je pense que c'était de l'ordre de 20 000 emplois.
Le sénateur Bryden: Pour que ce soit clair, monsieur le président, les contrats auxquels je fais allusion figurent dans l'affidavit de John Desmarais qui a été présenté au comité.
M. Baker: Exactement. Nous n'avons rien à cacher, sénateur. Nous sommes ravis que vous posiez ces questions.
Le président: Sénateur Bryden, je ne veux pas couper le fil de vos idées, mais j'aimerais vous prévenir.
Le sénateur Bryden: Je le sais, j'ai presque terminé.
Le sénateur LeBreton: Une heure et demie, monsieur le président.
Le sénateur Bryden: Oui, une demi-heure pour mes questions et une heure de réponses, ce qui est probablement une bonne proportion.
Le sénateur Tkachuk: Il ne devrait peut-être même pas répondre. Cela vous permettrait de poser toutes vos questions.
Le sénateur Bryden: Un autre m'intéresse, il y en avait un avec Blacknell Corporation...
M. Baker: Bracknell. C'est une grande entreprise canadienne. Je vous ai décrit ses activités hier, sénateur.
Le sénateur Bryden: Oui. Et ils demandent des dommages- intérêts d'environ 20 millions de dollars?
M. Baker: Si c'est dans l'affidavit, c'est exact, sénateur. Je ne m'occupe pas de ces poursuites.
Le sénateur Bryden: Pardon?
M. Baker: Je ne m'occupe pas de ces poursuites, alors je ne sais pas. Si c'est dans l'affidavit, c'est exact. Je suppose que c'est exact.
Le sénateur Bryden: Il y a un contrat avec Patrick Brigham, sur des droits exclusifs d'agent de voyages, et une demande d'indemnité figure dans ce document.
M. Baker: Oui.
Le sénateur Bryden: Ce serait avant le taux de rendement?
M. Baker: Non.
Le sénateur Bryden: Non?
M. Baker: Non, non, c'est un bail.
Le sénateur Bryden: Mais ce serait une dépense, n'est-ce pas?
M. Baker: Ce n'est pas une dépense. C'est un contrat de location d'espace.
M. Matthews: C'est un revenu.
M. Baker: C'est de l'argent qui entre.
Le sénateur Bryden: D'accord.
M. Baker: Le bail avec Allders est du même genre. Nous en aurions tiré des revenus, et le gouvernement du Canada aussi.
Le sénateur Bryden: Un dernier point, pour résumer; les résultats, monsieur Matthews, des efforts déployés, depuis le moment où vous avez soumissionné pour l'aérogare 3, puis les aérogares 1 et 2, vous ont coûté très cher, en frais remboursables que vous avez dû effectivement payer, n'est-ce pas?
M. Baker: Oui, sénateur, environ 30 à 32 millions, selon qu'on inclut ou non certains frais occasionnés après l'annulation.
M. Matthews: Sans compter mon temps.
Le sénateur Bryden: Il s'agit donc de sommes effectivement dépensées?
M. Baker: Oui.
Le sénateur Bryden: Et ces montants ont été dépensés, investis, dans l'espoir qu'ils rapporteraient davantage plus tard.
M. Matthews: Vous devez comprendre que... c'est vrai, mais la plus grande partie de cette somme a été dépensée après que notre proposition a été jugée la meilleure. Il s'agissait d'honoraires juridiques et d'autres... d'honoraires de génie.
M. Baker: Je suis convaincu que le sénateur ne rechigne pas sur les honoraires juridiques.
M. Matthews: Je ne rechigne pas, moi non plus. Je vous assure que compter Gordon Baker parmi mes amis est très important pour moi.
Le sénateur Bryden: Je comprends.
L'annulation du contrat par le gouvernement vous empêche certainement de recouvrer ces dépenses, n'est-ce pas?
M. Matthews: Celles-là et beaucoup d'autres encore.
Le sénateur Bryden: Et le rendement sur l'investissement est perdu.
M. Matthews: Nous avons beaucoup perdu, non seulement parce qu'ils l'ont annulé, mais aussi parce qu'ils se sont exprimés en des termes qui mettaient en doute mon intégrité et, en affaires, c'est très grave.
Le sénateur Bryden: Vous voulez parler de l'affaire Nixon.
M. Matthews: Des qualificatifs employés, oui.
Le sénateur Bryden: Je n'essaie absolument pas d'entrer dans les poursuites.
Monsieur Baker, vous pouvez peut-être répondre à cette question. À votre avis, quelle serait l'incidence du projet de loi C-22, s'il est adopté, sur les poursuites?
M. Baker: L'incidence du projet de loi C-22... soit dit en passant, s'il est adopté, il sera contesté devant les tribunaux, parce qu'il est inconstitutionnel. Mais en supposant qu'il soit adopté, il renversera un jugement déjà rendu et approuvé par la Cour d'appel de l'Ontario et essaiera de fausser l'établissement de l'indemnisation d'après les règles qui s'appliquent généralement au Canada depuis longtemps. Voilà l'effet. Il a aussi pour effet d'essayer de protéger - par une protection spéciale, sinon pourquoi serait-elle prévue dans le projet de loi - ceux qui ont participé à l'annulation de ce projet.
Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander si vous êtes d'accord avec ce qui suit: l'un des objectifs du projet de loi est de limiter les dommages-intérêts qui peuvent être demandés par suite de l'annulation de ce contrat?
M. Baker: Le premier ministre a menacé de poursuivre durant la campagne électorale. M. Nixon l'a indiqué dans son rapport. Dans leurs séances d'information avec M. Nixon, M. Rowat et d'autres ont proposé des moyens légitimes permettant au gouvernement d'annuler le contrat, et ces moyens ont été écartés. Il s'agissait de négocier ou d'exproprier. Mais, comme ils l'ont fait ressortir, il aurait alors fallu verser une compensation équitable, conformément aux lois du Canada. Ils ont donc voulu adopter une loi...
Le sénateur Bryden: Puis-je vous demander...
M. Baker: J'aimerais terminer, sénateur, s'il vous plaît. Le projet de loi avait donc pour but de faire quelque chose d'implicite dans les séances d'information... ils n'avaient aucune justification légitime et avaient donc besoin d'une loi pour limiter les indemnités, tel qu'indiqué, à des fins politiques et à cause des déclarations faites durant la campagne électorale.
Tel est l'objet du projet de loi, sénateur.
Le sénateur Bryden: Vous répondez donc oui, le projet de loi limite le montant des dommages-intérêts.
M. Baker: Le projet de loi tente non seulement de limiter ce qui constitue autrement une juste évaluation par un tribunal, mais aussi de légitimer des actes illégaux d'un gouvernement et de nier le droit... il vise à refuser aux Canadiens le droit d'intenter des poursuites.
Cela ne s'est jamais vu, sénateur, dans une société démocratique. C'est ce qui est arrivé... c'est pour cette raison, sénateur, qu'au début du siècle, comme l'indique M. Baldwin dans un rapport, notre pays s'est retrouvé avec un gouvernement omniprésent dans l'infrastructure, contrairement aux États-Unis, où les droits à la propriété sont protégés par la constitution.
S'approprier les chemins de fer du Grand Tronc sans une indemnisation équitable et d'autres actes de ce genre...
Le sénateur Bryden: Quel chemin de fer?
M. Baker: Les chemins de fer. S'approprier les chemins de fer - je crois que c'était le Grand Tronc - et les installations hydroélectriques et d'autres infrastructures sans une indemnisation équitable, de manière opportuniste, explique, d'après M. Baldwin, la fuite des investissements au Canada et l'incapacité d'obtenir du financement canadien privé ou des investissements étrangers pour financer des projets. C'est exactement l'effet de ce genre de loi.
Heureusement, depuis cette époque, les droits relatifs à la propriété se sont développés au Canada, des lois ont été adoptées et nous avons la Constitution. Les droits canadiens sont donc mieux protégés, désormais. Voilà pourquoi les témoignages devant le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, ceux de l'Association du Barreau canadien, de Patrick Monahan et d'autres, ont fait clairement ressortir que ce projet de loi est inconstitutionnel à de nombreux égards, mais surtout, et c'est absolument important maintenant, il est inconstitutionnel parce qu'il enfreint le principe de la primauté du droit enchâssé dans notre Constitution.
Par ce projet de loi, le gouvernement a enfreint la primauté du droit et il ne peut se défiler en adoptant ce projet de loi, parce qu'il est inconstitutionnel.
Le sénateur Bryden: On peut supposer, monsieur Baker, que si le comité présente un rapport en ce sens, les tribunaux en décideront.
M. Baker: Pourquoi le gouvernement ne soumet-il pas cette question constitutionnelle à la Cour suprême du Canada? Pourquoi attendre un rapport du comité? Ce genre de délai n'est pas nouveau de la part du gouvernement. Le gouvernement a délibérément retardé l'aménagement de l'aéroport et, même après la décision du juge Borins du 16 janvier d'exclure les baux du titre de propriété - ce à quoi nous ne nous opposions pas - le ministre des Transports déclare que les baux empêchent l'aménagement de l'aéroport. En réalité, Transports Canada n'a pas d'autre plan que d'essayer de le refiler à l'AAL, qui n'a aucun plan d'affaires, aucun plan d'aménagement, aucun plan conceptuel complet. Il y aura donc d'autres délais, et le transfert s'imposera.
Le gouvernement remet sans cesse à plus tard. La congestion dont a parlé Air Canada augmente et les problèmes nuisent au Sud de l'Ontario. Ils nuisent aux emplois et à la création d'emplois et ont nui a plusieurs entreprises canadiennes.
Le sénateur Bryden: J'ai dit que je pouvais limiter la longueur de mes questions, mais pas celle des réponses.
M. Baker: Je suis heureux de pouvoir répondre à vos questions, sénateur.
Le sénateur Bryden: C'est évident.
M. Baker: Je n'aurais jamais pensé en avoir la possibilité.
Le président: Sénateur Bryden, vous avez eu...
Le sénateur Bryden: Croyez-moi...
Le sénateur Stewart: Puis-je invoquer le Règlement, monsieur le président? Ce n'est pas très important, mais il y a peut-être un aspect pratique.
On nous a dit que M. Don Matthews a un avion à prendre, mais je remarque que la plupart du temps, M. Baker répond. Est-il possible de vous assurer que, tant que M. Matthews est parmi nous, il réponde aux questions et que M. Baker, dont l'emploi du temps semble plus souple, puisse rester et dire ce qu'il veut dire?
M. Baker: Monsieur le président, les réponses sont longues, parce que nous voulons nous assurer qu'elles sont complètes.
Le sénateur Stewart: Monsieur le président, ce n'est pas une objection.
Je parlais au président.
Je ne m'objecte pas à la longueur des réponses. Je conteste le fait que M. Baker semble écouler le temps que vous, monsieur le président, avez accordé à M. Matthews.
Le président: Je n'ai rien accordé du tout. C'est une équipe. C'est l'équipe Matthews/Paxport.
J'ai laissé beaucoup de temps au sénateur Bryden, et nous nous interrompons à 11 h 30 pour manger. Je pense que votre objection aurait pu être fondée, sénateur Stewart, mais elle aurait dû être exprimée il y a une heure et demie.
Le sénateur Bryden: La dernière chose que je voulais dire... j'aurais pu vous faire gagner cinq minutes.
Je voulais vous remercier beaucoup, monsieur Matthews, pour votre témoignage, et j'espère que vous ne raterez pas votre avion.
M. Matthews: Merci beaucoup.
Le président: Sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: J'en ai pour environ 15 minutes.
M. Matthews: Merci.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur Matthews et M. Baker, merci de votre témoignage. Je veux simplement discuter un peu de la raison pour laquelle nous sommes ici. Hier, dans votre exposé, monsieur Baker... vraiment, peu m'importe qui répond à la question. Vous pouvez en décider entre vous deux.
Je veux parler un peu de l'équipe Paxport, parce que Paxport a été reliée à Don Matthews, par la politique, des mythes et des rumeurs. Je pense que le gouvernement du Canada vous doit de profondes excuses, monsieur Matthews, après les déclarations de M. Nixon dans son rapport et les déclarations d'autres personnes.
Monsieur Baker, vous avez donné les noms de quelques entreprises qui font partie du groupe Paxport, notamment le groupe Matthews, mais je voudrais parler de certaines autres.
Agra Industries est inscrite à la Bourse de Toronto et constitue donc une société publique canadienne. Il s'agit d'une entreprise de génie, que je connais un peu. Je leur fais sans cesse de la publicité. Je pense que c'est une entreprise merveilleuse. Qui en est le président?
M. Matthews: Un dénommé Alex Taylor.
Le sénateur Tkachuk: Pardon?
M. Matthews: Alex Taylor.
Le sénateur Tkachuk: Alex Taylor?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Dans ce genre de situations, quel pourcentage de Paxport représentaient-ils?
M. Matthews: Je pense environ 5 p. 100, mais je ne suis pas certain. Gordon pourrait vous le dire.
Le sénateur Tkachuk: Les capitaux auraient été fournis par l'entreprise elle-même, c'est-à-dire les actionnaires.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Alors, quand le contrat a été annulé, les actionnaires d'Agra Industries ont été pénalisés.
M. Matthews: Vous avez bien compris.
Le sénateur Tkachuk: Et Agra Industries compte des millions d'actionnaires.
M. Matthews: Je ne sais pas s'ils sont des millions.
Le sénateur Tkachuk: Des centaines de milliers d'actionnaires.
M. Matthews: Beaucoup d'actionnaires.
Le sénateur Tkachuk: Des millions d'actions, c'est ce que je voulais dire, mais des milliers d'actionnaires. Cette annulation a eu des répercussions directes sur eux.
M. Matthews: C'est certain.
Le sénateur Tkachuk: Connaissez-vous l'orientation politique du président d'Agra Industries?
M. Matthews: Non, je ne la connais pas.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cela vous importe?
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi Agra Industries était-elle partenaire?
M. Matthews: Parce qu'ils étaient très compétents... nous avons mis sur pied un consortium qui aurait été au coeur d'un groupe nous fournissant les compétences dont nous avions besoin, et Agra en faisait partie.
Pour concevoir, construire et exploiter des aérogares, il faut plus de 200 compétences. Il faut donc rassembler ce personnel technique. Nous avons constaté... Ray Hession a constaté, lorsqu'il a organisé ce groupe, que nous pouvions faire presque tout au Canada.
Certaines compétences n'existaient pas au Canada, par exemple, pour l'exploitation d'installations de haut calibre. Nous ne les avions pas, parce que nous ne les avions jamais développées. Nous nous sommes donc adressés aux meilleurs au monde, soit à la direction de Schipol. Nous avons signé un contrat avec eux, et ils devaient nous montrer comment faire. Nous avions un contrat pour deux ou trois ans, pour un certain temps et nous les aurions payés. Ils nous auraient montrés, à nous Canadiens, comment faire et nous aurions pu offrir ensuite ce savoir-faire au monde entier.
Le sénateur Tkachuk: L'une des principales responsabilités du président d'une société publique consiste à optimiser le rendement pour les actionnaires.
M. Matthews: Il pensait sans aucun doute effectuer un bon investissement, c'est certain.
Le sénateur Tkachuk: Je n'en doute pas.
Par conséquent, cette décision du gouvernement libéral d'annuler le contrat parce que Donald Matthews... l'une des raisons était que Donald Matthews était Conservateur et qu'il y avait peut-être eu du patronage, cette décision frappe des milliers et des milliers d'actionnaires.
M. Matthews: Pas seulement dans une entreprise.
Le sénateur Tkachuk: Et a empêché le président d'optimiser le rendement pour tous ces investisseurs et actionnaires au Canada.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Il se peut que même les caisses de retraite aient des actions d'Agra Industries. Je suis convaincu qu'elles en ont.
M. Matthews: Je ne sais pas qui détient leurs actions.
M. Baker: Je crois savoir qu'elles en ont, sénateur, ainsi que de Bracknell, une autre société publique.
Le sénateur Tkachuk: Passons à Bracknell et à la prochaine question. Qui est président de Bracknell Corporation?
M. Matthews: Un dénommé George Ploder.
Le sénateur Tkachuk: Et connaissez-vous son orientation politique?
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cela vous importe?
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi Bracknell Corporation fait-elle partie du groupe Paxport?
M. Matthews: Ils apportent beaucoup de compétences dans la gestion et l'exploitation mécanique des installations, ce que les voyageurs ne voient pas, mais qui est très important pour le succès de l'entreprise.
Le sénateur Tkachuk: Eux aussi comptent des milliers d'actionnaires au Canada, aux États-Unis et peut-être ailleurs dans le monde. N'importe qui peut acheter des actions à la Bourse de Toronto.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Il y a donc le groupe Matthews, dirigé par M. Matthews à Toronto, un homme qui a eu la mauvaise fortune d'oeuvrer au sein d'un parti politique. Il y a Agra Industries, une entreprise de génie. Vous ne connaissez pas son orientation politique, mais vous vous associez à elle. Et il y a Bracknell Corporation, dont l'orientation politique vous importe peu.
M. Matthews: Je veux que vous sachiez que ma fille est venue ici, hier matin, pour m'appuyer, et c'est une Libérale de la pure espèce.
Le sénateur Tkachuk: Doux Jésus. J'allais vous poser la question. Et votre gendre? Avez-vous un gendre Libéral à tous crins?
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Qui s'appelle?
M. Matthews: David Peterson.
Le sénateur Tkachuk: Lui avez-vous fait subir une épreuve politique lorsqu'il fréquentait votre fille? Avez-vous pensé: "Mon Dieu, c'est inacceptable"?
M. Matthews: Si vous parlez à sa mère, elle vous dira que oui.
Le sénateur Tkachuk: Ou un Conservateur était-il avantagé?
Je pose ces questions, monsieur Matthews, parce que M. Nixon a publié son rapport, qui a été suivi de l'annulation, et M. Young a fait ces déclarations, a dit ce que je n'oserais pas affirmer en privé, encore moins en public...
Le sénateur LeBreton: Vous ne seriez pas assez grossier.
Le sénateur Tkachuk: ...ce que je n'aurais pas la grossièreté de dire à propos de quelqu'un. Il ne parle pas de vous. Il parle de... je veux mentionner le nom du président d'Agra Industries, encore une fois. Je veux que M. Young sache de qui il parle, et je veux que le premier ministre et M. Nixon sachent de quoi il parle. Comment s'appelle le président d'Agra Industries?
M. Matthews: Alex Taylor.
Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, s'il est l'un de vos partenaires, les accusations faites dans le rapport Nixon s'appliquent à lui aussi. Il le faut.
M. Matthews: Je suppose.
Le sénateur Tkachuk: Il le faut.
M. Matthews: C'est une déduction logique.
Le sénateur Tkachuk: Et M. Bracknell (sic), comment s'appelle-t-il?
M. Matthews: George Ploder.
Le sénateur Tkachuk: Je veux que les gens connaissent aussi ce nom.
Par conséquent, quand M. Nixon, M. Young et M. Chrétien parlent de ces gens avec désinvolture et sur un ton méprisant, ils les visent eux aussi, n'est-ce pas?
M. Matthews: Je suppose, mais je dois vous avouer que si vous pouviez lire dans leurs pensées, ce ne serait pas certain; mais oui, en fait, ils les visent.
Le sénateur Tkachuk: En fait, ils les visent. C'est ce que j'essayais de faire ressortir. Paxport n'était pas seulement Don Matthews.
M. Matthews: Non, loin de là. Nous avions de nombreux projets en route et ne pouvions certainement pas être le principal investisseur dans chacun d'eux.
À la même époque, j'étais le chef de file de la proposition concernant la construction de la route 407. J'ai dû abandonner ces fonctions à cause de cette situation, mais vous savez que nous voulions investir dans ce projet. Alors, c'est certain...
Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez pas pu investir à cause de ce qui est arrivé et de ce qu'on a appris.
M. Matthews: À cause de ce qui est arrivé, c'est certain.
Le sénateur Tkachuk: Qui est président d'Allders International Canada?
M. Baker: Scott McMaster.
M. Matthews: Scott McMaster était président, mais je ne sais pas qui l'est maintenant.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce qu'Allders a beaucoup de boutiques hors taxes dans les aéroports?
M. Matthews: Ils viennent au deuxième rang au monde.
Le sénateur Tkachuk: Ils en ont beaucoup au Canada. Ont-ils obtenu ces contrats dans les années 70 et 80?
M. Matthews: Je...
Le sénateur Tkachuk: Je suppose que oui. Je le sais, en fait. Ils exploitaient des boutiques hors taxes dans les années 70. Vous est-il jamais venu à l'esprit de demander à M. McMaster s'il était Libéral, parce qu'il avait tous ces contrats?
M. Matthews: Pas du tout.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi faisaient-ils partie de...
M. Matthews: Parce qu'ils apportaient de grandes compétences, très importantes pour nous. Vous savez, on a demandé plus tôt pourquoi nous les avions embauchés pour repenser l'aspect commercial des aéroports et des aérogares, et ils apportaient une contribution très importante. Il est important que ces boutiques soient situées de manière commode pour les voyageurs.
Le sénateur Tkachuk: Agra Industries possède des actions d'Allders, n'est-ce pas?
M. Matthews: Oui. Ils possèdent 51 p. 100 d'Allders Canada.
Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, les actionnaires d'Agra Industries, qui se comptent par milliers, et les caisses de retraite qui possèdent des actions d'Agra Industries sont pénalisés eux aussi par cette décision. Ils le sont doublement, parce qu'ils sont aussi actionnaires d'Allders.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Et le groupe NORR, qui comprend des experts-conseils, des architectes et des concepteurs, qui est président de ce groupe, ou directeur général? Je ne sais pas qui c'est.
M. Matthews: C'est une grande société, mais le groupe avec lequel nous faisions affaire était dirigé par un dénommé Trevor Carnahoff.
Le sénateur Tkachuk: Trevor Carnahoff. Et le siège social se trouve à quel endroit?
M. Matthews: Toronto.
Le sénateur Tkachuk: C'est un cabinet d'experts-conseils assez important.
M. Matthews: En effet, et ils étaient considérés comme des chefs de file dans le domaine de la conception des aéroports au Canada.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi parlez-vous au passé?
M. Matthews: Parce que, en grande partie à cause de cette situation, ils ont été mis sous...
M. Baker: Séquestre.
M. Matthews: ... une espèce de séquestre.
M. Baker: Il y a eu une proposition et une restructuration, et le groupe des aéroports a été scindé.
M. Matthews: Les répercussions ont été énormes pour eux.
Il faut employer les bons termes juridiques et Gordon est simplement... je sais simplement qu'ils sont en difficulté.
Le sénateur Tkachuk: Je pose des questions en général, parce que j'essaie d'humaniser une situation qui s'est développée depuis quelques années.
M. Matthews: En passant, vous devriez savoir... vous n'avez pas demandé quelle est l'orientation politique de Trevor Carnahoff. Aviez-vous l'intention de le faire?
Le sénateur Tkachuk: Oui. Je voulais le faire pour tout le monde.
M. Matthews: Trevor est un libéral très actif.
Le sénateur Tkachuk: Sans blague.
M. Matthews: Et c'est un type formidable.
Le sénateur Tkachuk: Malgré tout?
M. Matthews: Malgré tout.
Le sénateur Kirby: Malgré tout.
Le sénateur Tkachuk: Le raisonnement cloche un peu, n'est-ce pas? M. Nixon peut affirmer qu'ils ont peut-être obtenu le contrat à cause de l'orientation politique d'un partenaire, mais il ne voit pas qu'un autre partenaire peut être du camp opposé? Cela cloche un peu, n'est-ce pas? Je veux que ce soit très clair. Paxport ne comprend pas seulement le groupe Matthews.
M. Matthews: C'est exact, et les sociétés n'ont pas vraiment d'idéologie politique.
Le sénateur Tkachuk: Peu vous importait qu'il soit Libéral, n'est-ce pas?
M. Matthews: En effet.
Le sénateur Tkachuk: Le groupe NORR vous intéressait parce qu'ils connaissaient l'architecture aéroportuaire.
M. Matthews: Ils apportaient les compétences dont nous avions besoin.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi Patrick Brigham, la fiducie familiale propriétaire de Sunquest Vacations, est-il partenaire?
M. Matthews: C'est un aspect important des opérations aéroportuaires. Les groupes d'agences de voyages, en particulier ceux qui vendent des forfaits, sont très importants. Beaucoup soutiennent qu'ils représentent l'avenir des aéroports. Il faut donc en tenir compte et tenir compte de leurs besoins dans l'aménagement.
Jusqu'ici, en réalité, ils ont presque toujours été à l'arrière-plan de l'aménagement des aéroports. Nous voulions qu'ils soient à l'avant-plan.
Le sénateur Tkachuk: Connaissez-vous l'orientation politique de Patrick Brigham?
M. Matthews: Non, je ne la connais pas.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce qu'elle vous importe?
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous avez constitué Paxport, vous n'avez pas posé de questions pour vous assurer qu'ils étaient tous Conservateurs afin d'obtenir le contrat.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: De fait, vous avez peut-être pensé que cela pourrait vous nuire.
M. Matthews: Je ne le croyais pas à l'époque, mais j'ai certainement changé d'avis depuis.
Le sénateur Tkachuk: Donc, un contrat est annulé à cause du rapport Nixon. M. Nixon, nous a-t-on déclaré, a été embauché par le Premier ministre, et M. Rowat vous a appelé ou a appelé la Pearson Development Corporation avant que le gouvernement ne prenne le pouvoir et que M. Nixon soit embauché par le premier ministre. On a annulé un contrat, notamment parce qu'il y aurait eu du patronage, alors qu'au sein de Paxport, il y a des Libéraux et des Conservateurs. Pour plusieurs d'entre eux, vous ne savez pas, mais la plupart des gens d'affaires que je connais sont Libéraux ou Conservateurs. Il n'y a pas trop de socialistes. Il y a peut-être quelques réformistes maintenant, mais peut-être pas dans la région de Toronto, bien que je ne connaisse pas l'orientation politique d'Agra. Il est certain qu'il ne s'agissait pas ici d'une entreprise entièrement conservatrice.
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: De fait, ce n'était pas un facteur dans le processus.
M. Matthews: Pas vraiment.
Le sénateur Tkachuk: Je vais poser quelques questions sur le processus, mais en m'en tenant essentiellement au rapport Nixon. Je vais poser quelques questions que j'ai préparées en me fondant sur certaines analyses qui ont été effectuées.
Quand vous avez décidé de participer au processus, aviez-vous l'impression d'être avantagé ou désavantagé parce qu'il y avait un délai de 90 jours, ou pensiez-vous jouir d'un avantage concurrentiel sur tous les autres?
M. Matthews: Non. C'est en moyenne le temps qu'il faut compter pour ce type de projet. Souvent, c'est beaucoup moins. Alors la plupart des gens qui ont l'habitude de répondre à des demandes de propositions savent que, peu importe l'échéance fixée par le propriétaire, il faut la respecter.
Le sénateur Tkachuk: Avant la demande de propositions, vous aviez présenté une offre - que M. Baker nous a montrée - en partenariat, une proposition spontanée concernant la gestion des aérogares 1 et 2.
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Vous ne l'avez pas fait?
M. Matthews: Non. Nous avons proposé avec Air Canada de reconstruire l'aérogare 2, et cette proposition n'a pas été acceptée.
Le sénateur Tkachuk: Il s'agissait d'une proposition de construction.
M. Matthews: Oui, il n'était nullement question d'acquisition, ni d'investissement.
Le sénateur Tkachuk: Et votre proposition a été refusée.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Elle a été refusée par... quel parti était au pouvoir à l'époque?
M. Matthews: C'était un gouvernement conservateur.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez fait une proposition. Étiez-vous le partenaire majoritaire?
M. Matthews: Avec Air Canada?
Le sénateur Tkachuk: Oui.
M. Matthews: Je crois que c'était moitié-moitié, mais je ne... Ils devaient... nous devions être le promoteur. Ils auraient été propriétaires et ils négociaient leurs propres ententes avec le gouvernement du Canada.
Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, vous, un Conservateur, étiez propriétaire à 50 p. 100 d'une société qui demandait à construire l'aérogare 1 - l'aérogare 2, pardon - et votre proposition a été refusée.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez posé votre candidature pour l'aérogare 3?
M. Matthews: En effet.
Le sénateur Tkachuk: Et qui était votre partenaire à cette aérogare?
M. Matthews: Le consortium était assez gros, mais il comprenait Canadien, de Calgary.
Le sénateur Tkachuk: Les Lignes Canadien?
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Et vos concurrents étaient...
M. Matthews: Nous avons commencé avec CP, c'est à l'époque où CP est devenue les Lignes Canadien.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Donc, dans le cas de l'aérogare 3, vous aviez d'autres concurrents.
M. Matthews: Oui. Oui.
Le sénateur Tkachuk: Qui a fini par obtenir le contrat?
M. Matthews: Huang & Danczkay.
Le sénateur Tkachuk: Connaissiez-vous leur orientation politique?
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Cela paraît bien étrange. Vous avez fait une proposition pour construire l'aérogare 3, et elle a été refusée.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Et le contrat a été accordé à quelqu'un dont vous ne connaissez même pas l'orientation politique, et je ne pense pas que personne la connaisse.
M. Matthews: Hum.
Le sénateur Tkachuk: En tous cas, on n'en a pas parlé. Je veux dire, je ne sais pas. Je m'en balance, mais...
M. Matthews: En effet.
Le sénateur Tkachuk: ...cela n'a pas fait couler beaucoup d'encre.
M. Matthews: Non.
Le sénateur Tkachuk: Puis, vous avez présenté une proposition spontanée, qui a été refusée elle aussi.
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Puis, vous répondez à une demande de propositions et, parce que votre proposition est retenue, l'orientation politique devient un enjeu.
M. Matthews: En effet.
Le sénateur Tkachuk: Alors, je suppose que tant que vos offres étaient refusées, tout allait bien.
M. Matthews: Je pense que c'est une conclusion très sensée.
Le sénateur Tkachuk: Et tant que quelqu'un sans orientation politique peut-être ou d'orientation libérale l'emportait lorsque les Conservateurs étaient au pouvoir, tout allait bien.
M. Matthews: Il vaut mieux être un eunuque politique.
Le sénateur Tkachuk: Et ne pas participer au processus.
M. Matthews: Je le pense.
Je ne le préconise pas vraiment, parce que le Canada a besoin de gens qui s'intéressent à la politique. Comme je l'ai indiqué hier, peu me chaut à quel parti on appartient, pourvu qu'on appartienne à un parti.
Le sénateur LeBreton: Exactement.
Le sénateur Tkachuk: M. Nixon a cependant affirmé que vous jouissiez d'un énorme avantage à cause de votre proposition spontanée. Vous déclarez quant à vous qu'elle se rapportait à un contrat de construction, et pas à un bail à long terme.
M. Matthews: Je ne sais pas ce qui l'a poussé à faire cette affirmation. Vous devrez le lui demander.
Le sénateur Tkachuk: Vous a-t-il déjà parlé?
M. Matthews: Jamais.
Le sénateur Tkachuk: Vous a-t-il déjà téléphoné pour dire... connaissez-vous M. Nixon?
M. Matthews: Nous sommes allés à la même école secondaire, le Brantford Collegiate Institute.
Le sénateur Tkachuk: Le bloquiez-vous au football et l'avez-vous blessé à la tête?
M. Matthews: Je ne crois pas qu'il jouait au football. Moi si. C'est ainsi que je me suis ruiné les genoux.
Le sénateur Tkachuk: Il était probablement un peu jaloux. Vous plaisiez à toutes les filles. "Don plaisait à toutes les filles, alors je vais me venger maintenant".
M. Matthews: Non. C'est un chic type. Franchement, je ne le connais pas beaucoup, mais ma première femme était dans sa classe, alors elle le connaissait très bien. Je l'ai toujours tenu en très haute estime, jusqu'à ce...
Le sénateur Tkachuk: Jusqu'à cette affaire. N'avez-vous pas trouvé plutôt étrange qu'il ne vous appelle pas?
M. Matthews: J'étais assez déçu, franchement, que...
Le sénateur Tkachuk: Sans blague.
M. Matthews: ... cela arrive. Mais je dois vous avouer que j'ai reçu un appel d'un type qui était et est encore président de l'une des municipalités régionales de Toronto, qui m'a raconté avoir rencontré M. Nixon, ainsi que l'autre président.
Le sénateur Tkachuk: De qui s'agit-il?
M. Matthews: Je ne lui ai pas demandé la permission de vous révéler son identité, mais je peux lui demander de vous appeler si vous voulez. Il m'a dit... il m'a dit que M. Nixon l'avait vraiment assuré que le contrat irait de l'avant, mais que certaines modifications y seraient apportées. C'est tout.
Le sénateur Tkachuk: Dans ce cas, demandez à ce type de m'appeler. Ce serait bien. Je l'apprécierais. Je vais vous donner ma carte, avant que vous partiez.
L'une des critiques de M. Nixon est qu'on a agi un peu à la hâte. Je pense qu'avec le temps, nous avons dissipé cette idée qu'on a agi en vitesse. Pouvez-vous nous dire quand vous avez commencé à penser à ce projet, quand vous avez commencé à penser... de toute évidence, vous y pensiez depuis un certain temps puisque vous aviez présenté une offre auparavant et que vous avez fait une proposition spontanée; mais quand avez-vous commencé à réfléchir aux possibilités des aérogares 1 et 2?
M. Matthews: Quand le gouvernement a annoncé ses intentions à cet égard, en 1990 ou en 1991.
Le sénateur Tkachuk: En 1990. Qu'avez-vous fait?
M. Matthews: À ce moment-là, nous étions en train de mettre pied une organisation. Ray Hession a mis l'organisation sur pied en tenant compte de ce facteur et en tenant compte du fait que nous travaillerions dans d'autres aéroports. Comme l'a indiqué Gordon hier, nous avions des projets dans de nombreux aéroports, et nous avions beaucoup de succès. Si ce projet s'était poursuivi, nous construirions aujourd'hui des aéroports dans le monde entier.
Le sénateur Tkachuk: Dites-moi, connaissez-vous l'orientation politique de M. Hession?
M. Matthews: Non, je ne la connais pas.
Le sénateur Tkachuk: Vous en souciez-vous?
M. Matthews: Pas du tout. La seule employée dont je me soucierais, dont l'orientation politique m'intéresserait, serait probablement ma secrétaire. J'ai toujours... pour une raison ou une autre, elle est conservatrice.
Le sénateur LeBreton: Une secrétaire intelligente. Les secrétaires sont intelligentes. J'ai été moi-même secrétaire, je le sais, mais je ne prétends pas être intelligente.
Le sénateur Tkachuk: Des membres du groupe Matthews, du groupe Paxport que vous avez mis sur pied ont-ils été appelés par M. Nixon?
M. Matthews: Je crois que Jack a rencontré M. Nixon.
M. Baker: Jack a rencontré M. Nixon, et personne d'autre, je crois.
Le sénateur LeBreton: L'avez-vous rencontré, vous, monsieur Baker?
M. Baker: Non.
Le sénateur Tkachuk: Alors, ils ont parlé à Jack. Ont-ils parlé à M. Hession?
M. Matthews: Je ne crois pas, mais je ne saurais dire.
Le sénateur Tkachuk: Je ne me souviens plus si je lui ai posé la question.
Le sénateur LeBreton: Je pense que oui.
M. Baker: Je ne sais pas.
Le sénateur Tkachuk: Mais vous, oui.
M. Matthews: J'ai certainement...
M. Baker: Je ne crois pas qu'ils lui aient parlé.
Le sénateur Tkachuk: Savez-vous combien de temps Jack Matthews, votre fils, a passé avec...
M. Matthews: Vous devriez lui poser la question.
M. Baker: Environ une heure et demie.
Le sénateur Tkachuk: À peu près le même temps que pour M. Coughlin.
M. Baker: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Croyiez-vous, comme M. Coughlin, que M. Nixon aurait passé plus de temps...
M. Matthews: Je dois vous avouer, quand M. Nixon a été nommé, vous savez, on ne peut s'empêcher de penser à comment on réagirait si on devait faire le même travail, j'ai pensé que, premièrement, il avait besoin de conseillers et, deuxièmement, il devrait rencontrer les principaux intéressés. Je ne connais pas l'ampleur des conseils qu'il a obtenus, mais il n'a certainement pas passé beaucoup de temps à discuter avec les intéressés.
Le sénateur Tkachuk: A-t-il parlé... savez-vous s'il a parlé à des membres d'Agra ou de Bracknell, deux sociétés publiques, des conséquences sur les actionnaires?
M. Baker: On me dit que non.
Le sénateur Tkachuk: Qu'il ne l'a pas fait?
M. Baker: Qu'il ne l'a pas fait.
Le sénateur Tkachuk: Je ne peux pas croire qu'il n'a pas - mais je vais poser la question à nouveau - parlé aux entreprises cotées à la Bourse de Toronto, dont les actionnaires pourraient être touchés, des actionnaires publics pouvant être touchés par ce que bien des gens pourraient considérer comme une décision politique. Vous a-t-il interrogé à ce sujet? Vous a-t-il écrit pour vous demander s'il y avait d'autres actionnaires dans votre société et qui ils étaient?
M. Matthews: Je n'ai jamais eu de contact avec lui.
Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, il n'était même pas intéressé à savoir qui étaient les autres actionnaires du groupe Matthews et à vérifier certains faits?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Vous a-t-il interrogé à propos des 20 millions de dollars?
M. Matthews: Il ne m'a rien demandé.
Le sénateur Tkachuk: A-t-il interrogé quelqu'un à propos des 20 millions de dollars?
M. Matthews: Je ne sais pas.
Le sénateur Tkachuk: Jack pourrait répondre à cette question.
M. Matthews: Jack est la seule personne qui peut répondre pour nous.
Le sénateur Tkachuk: C'est une grande préoccupation du comité, et beaucoup de questions ont été posées à ce sujet, mais lui ne l'a jamais fait?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: J'aurai bientôt terminé. Certaines questions ont déjà été posées, alors je prends mon temps. Je ne veux pas les poser à nouveau.
Venons en à l'administration aéroportuaire locale de Toronto.
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Je sais que je fais du coq-à-l'âne, et j'en suis désolé.
M. Matthews: Je me prépare à partir.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Quand partez-vous?
Le sénateur LeBreton: Il a un vol à midi, et il est 11 h 15.
Le sénateur Tkachuk: D'accord. Je suis désolé.
Vous auriez été disposés à travailler avec une administration aéroportuaire locale?
M. Matthews: Évidemment. À mon avis, les administrations aéroportuaires locales visaient à jouer le rôle que joue actuellement Transports Canada.
Le sénateur Tkachuk: Vous aviez 61 millions de dollars à investir en partenariat avec le groupe d'entreprises Claridge, qui est devenu la Pearson Airport Development Corporation.
M. Matthews: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Ce groupe de sociétés formant Paxport a un peu plus d'argent que l'administration aéroportuaire locale?
M. Matthews: L'administration aéroportuaire locale n'en a pas.
Le sénateur Tkachuk: Elle n'en a pas.
M. Matthews: En effet.
Le sénateur Tkachuk: Je veux tirer quelque chose au clair. L'administration aéroportuaire locale est en quelque sorte le groupe préféré pour diriger l'aéroport, et elle n'a pas un sou?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Elle n'a pas de capitaux propres?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Et elle va réaménager les aérogares 1 et 2.
M. Matthews: Je n'ai aucune idée de ses intentions. Il faut faire quelque chose.
Le sénateur Tkachuk: Elle doit faire quelque chose, n'est-ce pas? Mais elle n'a pas un sou.
M. Matthews: Il se peut que l'intention soit continuer d'exploiter les aérogares 1 et 2 dans leur état actuel. Qui sait? Je n'en sais rien.
Le sénateur Tkachuk: Il y a une administration aéroportuaire locale sans le sou, et pourtant, le gouvernement semble se préoccuper beaucoup du fait qu'une société ayant 61 millions de dollars en poches allait réaménager et louer les aérogares 1 et 2.
M. Matthews: Et une participation de 150 millions de dollars dans l'aérogare 3 pour appuyer ce projet.
Le sénateur Tkachuk: Parlons de la capacité financière.
M. Matthews: Plus les 300 millions de dollars qui avaient été dépensés en travaux de conception pour arriver à cette étape.
Le sénateur Tkachuk: Parce que, je veux parler du projet de 800 millions de dollars, puis des 61 millions ou... était-ce 61 ou 67 millions en espèces?
M. Matthews: 61 millions de dollars à la clôture.
Le sénateur Tkachuk: À la clôture. Et ce ne serait pas le seul financement par capitaux propres pour le projet de 800 millions de dollars sur une période de 57 ans, n'est-ce pas?
M. Matthews: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Comment alliez-vous vous financer?
M. Matthews: Des capitaux supplémentaires étaient exigés dans la troisième tranche.
M. Baker: Mais ce problème a été réglé en se servant des intérêts de toutes les parties dans l'aérogare 3 comme garantie. Il y avait des garanties contre les manquements aux obligations relatives aux aérogares 1 et 2. Nous avions déjà dépensé plus de 30 millions de dollars, des sommes qui auraient été consacrées au développement et à la préparation de la construction si nous avions conclu le marché plus tôt - il s'agissait notamment de conception, de génie, d'environnement, et cetera. Nous aurions été prêts et la base de capitaux propres sur laquelle nous nous serions appuyés à la clôture représente environ un quart de milliards de dollars.
Le sénateur Tkachuk: Dont une partie, si je comprends bien, provient...
M. Baker: Et des liquidités.
Le sénateur Tkachuk: Exactement. Les liquidités...
M. Baker: Les liquidités provenant de l'aérogare 3 et les capitaux réinvestis, il y avait une restriction sur les dividendes. Les capitaux étaient sans cesse réinvestis. Nous avions une trésorerie positive, et il fallait accumuler au moins 5 millions de dollars par année en espèces en vue de la prochaine étape de l'aménagement. De plus, peu après la clôture, le prêteur s'était engagé à fournir le financement nécessaire pour les 350 millions de dollars prévus pour les deux premières étapes de la construction.
Le sénateur Tkachuk: Je voulais seulement, simplement pour que tout le monde comprenne, quand on parle de faible dette, de capitaux propres peu élevés, il est tout à fait faux de parler de capitaux de 61 millions de dollars par rapport à l'ensemble de la valeur de la construction...
M. Baker: C'est exact, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: ... selon le contrat...
M. Baker: C'est exact, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Et d'affirmer que ces 61 millions de dollars constituaient votre premier apport en capitaux.
M. Baker: En réalité, c'est 61 millions de dollars plus les 30 millions qui avaient déjà été dépensés, soit 91 millions, plus les intérêts dans l'aérogare 3 engagés à l'appui du projet, soit 150 millions de dollars de plus.
Le sénateur Tkachuk: Mais même avant...
Le président: Sénateur Tkachuk, je ne veux pas que M. Matthews rate son avion. Nous pouvons peut-être continuer avec M. Baker, si vous le jugez nécessaire. Ne pouvons-nous pas libérer M. Matthews?
Le sénateur Tkachuk: Bien sûr.
Le président: Monsieur Matthews, nous vous remercions beaucoup pour votre témoignage très franc.
M. Matthews: Merci beaucoup.
Le président: Merci d'être resté avec nous aujourd'hui.
Le sénateur Tkachuk: Merci beaucoup.
M. Matthews: Merci, monsieur. J'espère avoir répondu à vos questions.
Le sénateur Tkachuk: N'oubliez pas de demander à cette personne de me téléphoner.
M. Matthews: Je n'oublierai pas. Et merci à tous les membres du comité. Je veux déclarer, à titre de citoyen de notre grand pays, que ces audiences sont très importantes, à mon avis, et que, pour ma part, je vous apprécie tous. Merci.
Le président: Vous êtes conscient, monsieur Matthews, que nous avons décidé dès le départ de ne protéger personne. Nous sommes ici... il s'agit d'un examen de la politique publique relative à la privatisation des aéroports au Canada.
M. Matthews: Je le sais, monsieur le président, mais, en tant que citoyen, j'étais personnellement intéressé et vous m'avez permis de donner mon opinion.
Le président: Merci beaucoup. Voulez-vous poser d'autres questions à M. Baker?
Le sénateur Kirby: Nous n'avons pas d'autres questions, monsieur le président.
M. Baker: Sénateur, une déclaration d'hier...
Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement en finir avec ces questions financières, puis ce sera tout.
M. Baker: Sa participation dans les diverses sociétés. J'allais signaler que... M. Matthews a mentionné hier qu'il avait environ 130 compagnies. Je leur ai demandé de me télécopier les organigrammes de ces sociétés en partant. Je pense qu'ils ont envoyé 17 pages, puis encore 30 pages. Je vous laisserai les organigrammes des diverses sociétés d'exploitation, d'investissement et de portefeuille et j'en ferai la lecture. M. Matthews était à la tête de bien des gens dans le groupe Matthews. Il était président du conseil.
Le sénateur Tkachuk: Mais, monsieur Baker, je veux insister sur le...
M. Baker: Je veux faire ressortir que cette opération en était une parmi tant d'autres pour lui.
Le sénateur Tkachuk: Oui.
M. Baker: Il y avait Dick Verny, chez Matthews Contracting Inc. Rick Matthews, chez Matthews Southwest, au Texas; et il avait quelques autres sociétés de portefeuille et d'exploitation dans le sud-ouest. Il avait Matthews Investments BD, aux Pays-Bas, dont le directeur administratif était M. Gruter; il y avait M. Bouclair, président de Mustang Engineering and Construction; il y avait M. Hession; il y avait M. Ashe, de Construction Angor Group; il y avait M. Parks, chez Carlson Construction.
Le sénateur Tkachuk: Monsieur Baker, j'ai compris. Il agissait davantage comme président du conseil.
M. Baker: Également, M. Buckner, chez Matthews Buckner. M. Smith, chez Anderin, qui est désormais le nouveau président du conseil de la SCHL.
Le sénateur LeBreton: Vraiment?
M. Baker: M. Kirbel, chez d'autres sociétés. Il y a une longue liste.
Le sénateur Tkachuk: Je comprends. Je vois.
M. Baker: Je ne suis qu'à la moitié de la liste.
Le sénateur Stewart: Vous êtes trop pressé de poser des questions. Laissez le témoin répondre.
Le sénateur Tkachuk: Je n'ai pas posé cette question.
M. Baker: Je voulais simplement que cela figure au compte rendu.
Le sénateur Tkachuk: Je ne sais même pas comment nous en sommes arrivés là.
Le sénateur Stewart: Il ne ménage pas le temps du comité.
Le sénateur Tkachuk: J'aime qu'il réponde à mes questions. Je veux cependant m'attarder encore un peu au financement, quelques minutes encore, puis nous nous en irons, parce que je pense qu'il faut des éclaircissements. Sans le groupe Claridge, toutefois, les 61 millions de dollars en espèces ne représentent que l'investissement initial.
M. Baker: En effet.
Le sénateur Tkachuk: Le reste des coûts d'aménagement devait être payé à même des capitaux supplémentaires qui pouvaient être obtenus ou des profits réalisés, de la trésorerie.
M. Baker: Les liquidités auraient été réinvesties.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons un peu entendu parler de... je veux comprendre le mécanisme, parce qu'on a avancé des chiffres comme 350 000 $. Paxport est une entreprise du secteur privé.
M. Baker: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Je sais que cela paraîtra un peu... je ne veux pas qu'on se méprenne, mais supposons que Pearson Development Corporation ait obtenu le contrat, en réalité ils l'ont obtenu, mais il est contesté actuellement. Supposons que ce ne soit pas arrivé et que le gouvernement n'ait pas pris les mesures qu'il a prises et que vous dirigiez l'aéroport. Les revenus appartiennent à qui?
M. Baker: Ils appartiennent à la société, à l'entreprise qui exploite les installations.
Le sénateur Tkachuk: Pearson Development Corporation.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Son obligation envers la Couronne consiste à payer le loyer.
M. Baker: C'est exact, et à entretenir et exploiter, et cetera, à respecter toutes les dispositions du bail foncier et de l'accord de gestion et d'aménagement.
Le sénateur Tkachuk: D'accord, mais ils doivent verser un montant au gouvernement.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: C'est leur argent.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Ce que vous en faites, c'est votre affaire, à condition de ne pas mettre en péril l'investissement des actionnaires et de bien gérer l'entreprise.
M. Baker: Ce qu'on en fait dépend de nous, c'est exact, dans les limites des accords.
Le sénateur Tkachuk: Plus vous gérez bien et plus vous êtes efficients, plus le rendement pour vos investisseurs est élevé.
M. Baker: Exactement, et plus les coûts pour les transporteurs aériens sont bas. Parce que les coûts d'exploitation de l'aérogare sont répartis entre les transporteurs. Donc, si on peut abaisser ces coûts, on réduit le coût de l'aéroport.
Le sénateur Tkachuk: J'essaie de montrer que quand il est question de ces 350 000 $...
M. Baker: Et ils sont surveillés, soit dit en passant.
Le sénateur Tkachuk: ...et quand on parle de gestion par-ci et de gestion par-là, il n'est pas question d'une espèce de marché privé, parce que M. Matthews vient de nous parler de son partenariat, de Paxport...
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: ...qui est partenaire. Il y a des sociétés publiques parmi ces partenaires.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Des sociétés publiques qui doivent rendre des comptes à la Bourse. Elles ne peuvent prendre, au sein du partenariat, des mesures susceptibles de mettre en péril l'investissement des actionnaires, n'est-ce pas?
M. Baker: Non, elles ont des obligations et des responsabilités.
Le sénateur Tkachuk: Elles ont des obligations fiduciaires envers leurs actionnaires.
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Des obligations légales, en réalité, envers leurs actionnaires, n'est-ce pas?
M. Baker: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Comme lorsque Paxport et Claridge forment un partenariat et que ce partenariat comprend des sociétés publiques, telles que Bracknell et Avro Industries.
M. Baker: Il n'est pas nécessaire qu'il y ait des sociétés publiques.
Le sénateur Tkachuk: Exactement.
M. Baker: Claridge est l'une des plus grandes sociétés privées au Canada et, de toute évidence, les obligations envers elle sont identiques à celles de n'importe quelle entreprise publique.
Le sénateur Tkachuk: Alors, quand ils paient un groupe de gestion ou des frais de consultation, ils ne le font pas parce qu'ils ne devraient pas payer ces sommes à quelqu'un d'autre, mais parce qu'il convient tout aussi bien de payer un partenaire, pourquoi ne pas payer un partenaire, si la valeur marchande est équitable.
M. Baker: Nous avons un conseil d'administration - 14 ou 15 administrateurs, je ne me souviens pas du nombre exact - et un comité de gestion comprenant le même nombre de membres. Je fais partie des deux. Nous devons approuver tous les contrats. Vous pouvez donc vous imaginer qu'aucun contrat n'est approuvé sans que tout le monde ait donné son opinion. Par conséquent, aucun intérêt minoritaire ayant un contrat n'obtient de faveurs.
Le sénateur Tkachuk: Évidemment, si l'un des partenaires obtient un contrat supérieur à la juste valeur marchande au niveau interne, le rendement sur l'investissement des actionnaires serait moins élevé, n'est-ce pas?
M. Baker: Exactement, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Ils ont donc intérêt à veiller à ce que cela ne se produise pas, parce que si cela arrive, ils empocheront moins d'argent.
M. Baker: C'est tout à fait vrai, sénateur. Voilà pourquoi un article de nos accords du 14 janvier stipule expressément que tous les contrats seront établis à la juste valeur marchande, afin de protéger la Couronne, et que tous les ajustements et calculs se fonderont sur des prix justes et compétitifs. C'est parce que la Couronne participait à un loyer en pourcentage.
Le sénateur Tkachuk: C'est tout, monsieur le président. Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Baker. Vous avez été très très utile.
M. Baker: Monsieur le président, je vous remercie et je remercie les membres du comité, ainsi que tous les autres membres du Sénat, de tenir ces audiences.
Le président: Nous ferons une pause jusqu'à 12 h 30, dans une heure. Nous entendrons alors Mme Jocelyne Bourgon, greffière du Conseil privé.
Le comité interrompt ses travaux jusqu'à 12 h 30.
Ottawa, le jeudi 14 septembre 1995
Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 12 h 30, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et faire rapport à ce sujet.
Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.
Le président: Avant d'entendre notre témoin cet après-midi, j'aimerais faire la déclaration suivante:
Honorables sénateurs, hier matin, M. Donald Matthews, président et directeur général de Paxport, a fait la chronologie, dans la déclaration d'ouverture qu'il a présentée devant notre comité, des événements entourant la création de Paxport sous la direction de Ray Hession. Voici ce qu'a déclaré M. Matthews:
Dans le cadre de son mandat, Ray Hession a rendu visite aux principaux chefs de file des milieux politiques, des milieux d'affaires et des milieux du travail. Quelqu'un m'a recommandé que l'on rende visite à M. Jean Chrétien. Paul LaBarge, qui nous représentait à Ottawa, a par la suite organisé une rencontre entre M. Chrétien, Jack Matthews et lui-même. M. Jean Chrétien, comme pratiquement tout le monde, appuyait la privatisation de l'aéroport Pearson.
À la suite de la déclaration d'ouverture de M. Matthews, le sénateur Bryden a invoqué le règlement en ces termes:
[...] dans le cadre de son témoignage, M. Matthews a déclaré que M. LaBarge avait organisé une rencontre entre Jack Matthews et Jean Chrétien et, qu'au cours de cette dernière, celui-ci avait manifesté son appui à la privatisation de Pearson. Comme vous le savez, le premier ministre a catégoriquement nié cette allégation...
Un débat a alors eu lieu entre les sénateurs pour savoir si d'autres témoins devaient être invités à comparaître pour témoigner sur la question.
J'ai indiqué à ce moment-là que j'avais écouté avec soin le témoignage de M. Matthews, et j'ai informé le comité que:
[...] si M. Matthews avait fait une déclaration dont on aurait largement fait état au cours des derniers mois en ce qui a trait à ce qui s'est passé à cette soi-disante réunion, j'étais prêt à décider de ne pas accepter cette déclaration et à la déclarer irrecevable. Je ne croyais pas que M. Matthews avait dépassé les bornes.
Je n'ai donc pas déclaré à ce moment-là que M. Matthews n'avait pas respecté le règlement.
Après la suspension de notre séance, à midi, j'ai informé le comité qu'au cours de la pause du déjeuner, le comité directeur, c'est-à-dire moi-même et le sénateur Kirby, s'était réuni avec notre conseiller législatif et avec le greffier du comité pour réexaminer la question et qu'une décision serait rendue en temps utile. Je suis maintenant prêt à rendre ma décision qui, aux termes du Règlement du Sénat, est susceptible d'appel.
Honorables sénateurs, l'article 91 du Règlement du Sénat dispose:
Un comité permanent est autorisé à faire enquête et rapport sur toute question que le Sénat lui soumet de temps à autre...
Cette règle renvoie précisément à un comité permanent, mais je suis convaincu qu'elle s'applique tout aussi bien à un comité spécial, ce qui est notre cas.
Voici ce qui est dit à l'article 831 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, sixième édition:
(1) Un comité ne peut étudier que les questions qui lui ont été déférées par la Chambre [...]
(2) Le comité doit s'en tenir à son ordre de renvoi et ne saurait y déroger [...]
Il n'est pas facile de déterminer ce qui est pertinent à l'ordre de renvoi d'un comité. Il incombe cependant à celui qui préside, que ce soit à la chambre ou au sein d'un comité, de faire appliquer les règles de pertinence. La pertinence est une règle fondamentale de la procédure parlementaire. Dans un document élaboré par la Direction des recherches de la Chambre des communes en 1982 et intitulé: "Règles s'appliquant à la répétition et à la pertinence dans les débats", on nous dit:
Il est nécessaire d'exiger que l'on fasse preuve de pertinence pour que la Chambre puisse exercer son droit d'en arriver à une décision et exclure du débat toute discussion qui ne contribue pas à y parvenir...
Le problème qui se pose à la présidence est donc de savoir si, en faisant témoigner des personnes sur les circonstances d'une réunion donnée qui a eu lieu en 1989, bien avant que les demandes de propositions ne soient émises, on contribue à la prise de décisions conformément à notre ordre de renvoi.
Je vous le répète une fois de plus, l'ordre de renvoi que nous a confié le Sénat est le suivant: étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et pour faire rapport à ce sujet.
Je ne veux pas que l'on pense que les réponses à ces différentes questions, lorsqu'il s'agit de savoir ce que les différents participants se rappellent de cette réunion, ne me paraissent pas importantes. Elles ont peut-être une très grande importance, surtout lorsque l'on sait que différentes versions ont été rapportées par les médias et discutées à la fois au Sénat et à la Chambre des communes. Je considère toutefois que ces discussions ne paraissent pas pertinentes quels que soient les domaines qu'ait étudiés notre comité au cours des trois derniers mois au sujet des accords portant sur l'aéroport Pearson. Nous avons étudié les questions telles que le cadre politique, le précédent fournit par l'aérogare 3, la décision de réaménagement, l'élaboration de la demande de propositions, l'évaluation des propositions, l'évolution de la situation après l'évaluation, les négociations, la signature du contrat et l'examen des conclusions tirées par M. Nixon. Tout ce qui a pu être discuté au cours de cette réunion entre M. Matthews et M. Chrétien n'apparaît pas pertinent dans l'un quelconque des domaines que je viens d'évoquer.
Je statue donc que ce sujet de discussion ne relève pas de l'ordre de renvoi confié à notre comité par le Sénat, et que toute déclaration d'un témoin qui se rapporterait d'une façon quelconque à ce sujet sera jugée à l'avenir non conforme au règlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je voudrais invoquer le règlement, monsieur le président. Je suis d'accord pour dire que nous devons respecter le règlement. Il s'agit d'un document officiel du comité et il aurait dû par conséquent nous être présenté dans les deux langues officielles et, tant que ce n'est pas fait, je ne crois pas qu'il soit recevable. Je crois qu'il est très important, pour que cette décision soit acceptée, qu'elle soit présentée dans les deux langues afin que tous les membres en comprennent bien toutes les conséquences, si le document doit être approuvé. En attendant, je ne crois pas qu'il soit acceptable. Il peut toujours être déposé, mais il ne peut pas faire l'objet d'un débat.
Le président: Nous n'avons aucunement l'obligation, sénateur, de présenter ce genre de document dans les deux langues officielles. Je le lis parce que...
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais voir le texte en français. C'est une décision très importante. Je veux être sûr que le texte en français... nous avons éprouvé de nombreuses difficultés par le passé au sein des comités et dans d'autres instances, lorsqu'il est arrivé que les versions française et anglaise ne soient pas tout à fait conformes. Je crois que par simple mesure de politesse pour nos collègues qui ont une préférence pour une langue plutôt que pour l'autre, nous nous devons de mettre à leur disposition un document bien traduit, et ça servira aussi aux témoins à l'avenir.
Le président: Vous ne voulez pas qu'on le distribue s'il n'est pas en français et en anglais?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je soutiens, monsieur le président, qu'en vertu du Règlement du Sénat, notamment sur la question linguistique, tous les documents officiels émanant d'un comité ou du Sénat doivent être rédigés dans les deux langues. Nous avons été extrêmement tolérants en acceptant que les documents remis par le gouvernement le soient uniquement dans leur langue d'origine plutôt que de l'obliger à les traduire, conformément à ce qu'exige notre règlement. Nous avons fait une exception. Nous n'allons certainement pas faire une exception lorsqu'il s'agit de notre propre document.
Le président: Nous le ferons traduire. Sénateur Tkachuk, vous voulez parler?
Le sénateur Tkachuk: Finalement, allons-nous discuter de ce document?
Le sénateur Lynch-Staunton: Si nous le faisons, ce n'est pas réglementaire en ce qui me concerne.
Le sénateur Tkachuk: Je serais enclin à être d'accord avec M. Lynch-Staunton. Nous avons ici un témoin. Pour guider son intervention, est-ce que ce document est déposé en anglais, ou est-ce qu'il ne peut pas être mis sur la table tant qu'il n'est pas rédigé dans les deux langues officielles, et que par conséquent, on ne peut pas en tenir compte?
M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: D'après mon interprétation, ce n'est absolument pas un document. C'est une décision prise par le président au cours de l'audience. Il se peut qu'il lise des notes, de même que vous avez pu lire ce matin, sénateur, les questions que vous avez préparées, mais l'exposé qui est effectivement présenté devant ce comité est fait oralement par le président. Évidemment, si un sénateur propose que la discussion soit reportée à une date ultérieure, je suppose que cette recommandation peut toujours être acceptée par le comité.
Le sénateur Jessiman: Je propose que la discussion soit reportée à mardi prochain.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je vous signale, monsieur le conseiller, que les décisions prononcées par le Président du Sénat sont toujours rédigées dans les deux langues officielles, qu'elles soient lues dans une langue ou dans l'autre. Cette règle s'applique aussi aux décisions prises par les comités. C'est un principe fondamental. Il ne s'agit pas de savoir si l'on est d'accord ou non avec la décision. Nous avons un règlement, et nous devons l'appliquer dans toute la mesure du possible. Je trouve que nous nous en écartons, ici et ailleurs, de plus en plus souvent.
Le président: Nous ferons distribuer ce document dans les deux langues et nous l'étudierons mardi.
Le sénateur LeBreton: Est-ce qu'il est retiré du débat?
Le président: Voulez-vous présenter notre témoin?
M. Nelligan: Donc, si nous pouvons passer à autre chose, nous avons devant nous aujourd'hui madame Jocelyne Bourgon, qui est à l'heure actuelle greffière du Conseil privé et qui, au moment considéré, était sous-ministre au ministère des Transports. Vous avez une déclaration d'ouverture à faire, madame Bourgon?
Mme Jocelyne Bourgon, greffière du Conseil privé: Oui, très brièvement, si vous me le permettez.
Le président: Nous faisons prêter serment aux témoins, madame Bourgon, comme vous le savez.
(Mme Jocelyne Bourgon, assermentée:)
Le président: Madame Bourgon, veuillez faire votre déclaration d'ouverture.
Mme Bourgon: Je vous remercie.
[Français]
Je ferai de mon mieux pour être aussi utile que possible aux délibérations de votre comité. Simplement pour situer la période de temps dans laquelle j'étais, je vais limiter mes remarques initiales à situer ce contexte, parce que cela pourrait faciliter l'échange entre les membres du comité et mon témoignage. J'ai été sous-ministre des Transports de juin 1993 à mars 1994.
[Traduction]
Avant d'être nommée à ce poste, j'ai travaillé au bureau des relations fédérales-provinciales et à l'ACDI et, par conséquent, je n'ai eu aucune connaissance préalable des négociations portant sur l'aéroport Pearson et autres questions s'y rapportant et je n'y ai aucunement participé. Lorsque je suis arrivée au ministère des Transports, en juin, c'était tout de suite après ... souvenez-vous de ce qui a été dit devant vous lors des discussions antérieures, c'était après qu'une lettre d'intention a été signée le 18 juin entre les associés et l'État, Mme Labelle signant au nom de l'État, et c'était à la suite d'une période très intense de négociations sous la direction de M. Rowat, qui était alors le négociateur en chef.
Laissez-moi alors replacer ma participation dans son contexte. Trois ministres, deux sous-ministres, deux sous-ministres adjoints et quatre négociateurs en chef avaient été impliqués dans les négociations lorsque je suis arrivée. Après en avoir discuté avec le ministre, M. Corbeil, nous avons décidé qu'il était préférable, dans l'intérêt du ministère, qu'au lieu de chercher à m'impliquer dans tous les détails de la négociation, qui était si avancée à ce moment-là, je me préoccupe avant tout de la situation d'ensemble du ministère et des différentes questions, nombreuses et très vastes, qui se posent dans le secteur des transports au Canada.
Donc, sur le dossier Pearson, mon rôle a consisté essentiellement à m'assurer que le ministre disposait de l'appui dont il avait besoin, qu'il recevait l'information et les conseils nécessaires au moment où il en avait besoin, que ses décisions étaient mises en application de manière efficace, rapide et professionnelle, que les rôles et les prérogatives du cabinet étaient respectés et que l'équipe de négociation bénéficiait de l'orientation et de toute l'aide nécessaire au moment où elle en avait besoin. C'est ainsi que nous avons alors procédé, et je me suis occupée des affaires du ministère des Transports.
Donc, d'une certaine façon, je veux vous faire remarquer deux choses. Je ne serai peut-être pas en mesure de vous aider autant que vous le voudriez sur le détail des négociations, sur le contenu technique des accords, et cetera, étant donné que je n'étais pas personnellement impliquée. J'espère toutefois pouvoir vous aider au sujet d'un certain nombre d'événements critiques qui ont eu lieu lorsque j'étais là. Je ne vous en mentionnerai que quelques-uns pour que l'on voit bien ce qui s'est passé au cours de cette période:
Les 27 et 28 août, vous vous souviendrez du décret accordant une délégation de pouvoirs au ministre des Transports pour ce qui est de la signature d'un certain nombre d'accords. Le 30 août, il y a eu l'annonce ministérielle des clauses générales de l'accord. Les mois de septembre et d'octobre correspondent à la période de négociation de toutes sortes de textes juridiques et d'éléments de l'accord. Le 4 octobre, il y a eu la procédure définitive de signature des accords. Les premiers documents ont été signés par M. Corbeil le 7 et l'accord définitif a eu lieu avec la signature de tous les documents juridiques. Vous savez alors ce qui s'est passé par la suite.
[Français]
L'élection d'un nouveau gouvernement, le 25 octobre, le mandat de monsieur Nixon, le 28, le dépôt de son rapport, le 29, et la décision du gouvernement d'annuler et de procéder à des discussions additionnelles, le 3 décembre.
[Traduction]
Cela correspond à la période pendant laquelle j'étais au ministère des Transports, une période tout à fait essentielle, compte tenu du nombre d'événements que je viens de mentionner.
Monsieur le président, j'étais la sous-ministre qui a été appelée à exercer ses fonctions à la fois sous le gouvernement de Mme Campbell et sous celui de M. Chrétien, au moment de la conclusion des négociations, puis du réaménagement de la politique. Monsieur le président, vous ne serez pas surpris si je vous dis que je considère que ces deux gouvernements ont été très bien servis par le ministère des Transports.
Voilà donc quelle a été la chronologie des événements, et j'ai cru utile de vous la rappeler, sénateurs, pour qu'elle éclaire nos discussions.
Le président: Je vous remercie. Madame Bourgon, êtes-vous venue ici aujourd'hui avec le sentiment que les questions que l'on allait vous poser porteraient sur les fonctions que vous avez exercées précédemment en tant que sous-ministre des Transports?
Mme Bourgon: C'est exact.
Le président: Êtes-vous disposée à répondre à des questions portant sur vos fonctions en tant que greffière du Conseil privé?
Mme Bourgon: Eh bien, si c'est ce que veut le comité, je ferai de mon mieux pour répondre à ses désirs, mais on m'a clairement indiqué que je devais comparaître devant vous en ma qualité d'ancienne sous-ministre des Transports et, par conséquent, c'est à ce titre que j'ai pensé à vous aider. Je n'ai pas été informée qu'il y aurait un débat ou des discussions concernant mes attributions en tant que greffière du Conseil privé. Je suis tout à fait disposée à faire là aussi de mon mieux. Il serait toutefois plus facile que nous traitions d'abord de la période de mon passage en tant que sous-ministre des Transports et que nous passions ensuite éventuellement à d'autres questions. Si je ne suis pas prête pour la discussion, ou si je ne peux vous apporter les réponses attendues aujourd'hui, je vous demanderai éventuellement de me laisser le temps d'y réfléchir ou de faire d'autres recherches, étant donné que je ne savais pas jusqu'à aujourd'hui que vous vouliez procéder ainsi.
Le président: C'est parfait. Le sénateur Kirby posera les premières questions.
Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président. Madame Bourgon, je vous souhaite la bienvenue. Je crois que c'est la première fois que vous comparaissez, en tant que secrétaire du Cabinet, devant un comité sénatorial, du moins devant un comité au sein duquel je siège, et je vous souhaite donc la bienvenue. J'espère que ce ne sera pas la dernière fois.
Je veux simplement revenir sur votre passage en tant que sous-ministre des Transports pour préciser quelques questions qui ont été abordées, je crois, par d'autres témoins ayant comparu devant le comité.
Vous avez pris votre poste le 25 juin, je crois; c'est exact?
Mme Bourgon: J'ai été nommée à cette date, mais ce n'est que dix jours plus tard que j'ai pris en charge le ministère.
Le sénateur Kirby: Très bien. À votre arrivée comme sous-ministre, est-ce que l'on vous a informée du dossier Pearson? Dans l'affirmative, qui l'a fait?
Mme Bourgon: Pas immédiatement, mais dans les semaines qui ont suivi ma nomination, oui.
Le sénateur Kirby: Pouvez-vous nous en dire davantage? Est-ce que l'on vous a simplement informée qu'il s'agissait là d'un problème dont s'occupait M. Rowat pour votre compte et qu'il ne fallait pas s'en inquiéter, ou s'agissait-il d'une séance d'information assez détaillée sur les questions de fond qui étaient en jeu?
Mme Bourgon: C'était une séance d'information comme une autre, car vous pouvez imaginer que lorsqu'on arrive à la tête d'un ministère de cette taille, il faut se tenir au courant de bon nombre de dossiers. Il s'agissait cependant d'une séance d'information de bon niveau et très complète qui visait à me tenir au courant du déroulement des principaux dossiers, et celui-là ne manquait pas d'en faire partie. Je me souviens qu'à ce moment-là il y a eu des discussions au cours desquelles j'ai été informée par M. Rowat et par son équipe.
Le sénateur Kirby: Et vous a-t-on tenue au courant des subtilités - sans que ce terme soit péjoratif - des détails de la transaction, ou est-ce qu'au cours de cette séance d'information, on a abordé à un moment donné la date à laquelle les accords devaient être signés en tenant compte du climat politique au moment considéré?
Mme Bourgon: Je ne me souviens plus si on en a discuté à ce moment-là, mais je vais essayer de vous donner une réponse plus précise. La première séance d'information visait à me donner une idée des questions en suspens, de ce qui était en jeu, de ce dont on discutait, sur quel point on avait plus ou moins progressé, ce qui restait litigieux à ce moment-là, pour que je puisse me familiariser avec l'ensemble du dossier considéré et avec ces différents éléments; c'est sur cela qu'auront porté les premières discussions.
Dans ce cadre, on a estimé lorsque je suis arrivée qu'il y avait... que les employés, les membres de l'équipe de négociation, faisaient véritablement de gros efforts pour que les choses aillent aussi vite que possible. Vous vous souviendrez en outre que dans la lettre d'intention signée par Mme Labelle au nom de l'État, on espérait pouvoir faire avancer assez rapidement un certain nombre d'éléments de l'accord et qu'à la fin juillet une partie pourrait être prête. Lorsque je suis arrivée, il était d'ores et déjà clair que l'échéancier ne pourrait pas être respecté. Puis, peu de temps après, ou à peu près à ce moment-là, nous nous sommes mis à penser et à dire au ministère qu'il nous fallait nous préparer pour l'automne, ce qui s'est traduit plus tard par la divulgation ministérielle faite par M. Corbeil. Lors de cette divulgation, il a déclaré à la fin août qu'il était d'ores et déjà en mesure de déclarer à ce moment-là que l'échéancier visé pour l'achèvement de l'opération était l'automne. Est-ce que...
Le sénateur Kirby: Je crois que l'expression "à l'automne" figurait à l'époque dans le communiqué de presse du ministre.
Mme Bourgon: Oui, en effet.
Le sénateur Kirby: Est-ce que l'échéancier n'était remis en question que dans le sens qui suit, c'est-à-dire qu'au moment où l'on vous a informée du dossier, ou par la suite, comme vous nous le dites, lorsque les dates limites ont été repoussées et compte tenu que l'on s'attendait d'un moment à l'autre à une élection, a-t-on discuté à un moment ou à un autre de la pertinence de conclure l'accord dans ce contexte politique plutôt que d'attendre après l'élection?
Mme Bourgon: Oui, ce fut le cas, mais là encore, j'aimerais refaire la chronologie des événements.
Le sénateur Kirby: Allez-y.
Mme Bourgon: Nous n'avons pas discuté de la pertinence de ce que nous faisions en juillet et en août. Le Parlement n'avait pas été dissous. Il n'y avait pas d'élection. La décision du Cabinet était tout à fait claire. La politique était claire. La volonté du ministre était claire. Nous savions ce que nous avions à faire, et nous négociions dans d'aussi bonnes conditions et aussi rapidement que possible. Nous n'avions donc pas besoin de discuter de ce que j'appellerais l'éventualité de solliciter des directives politiques à ce moment-là. Je crois que les décisions étaient très claires, les décisions du Cabinet étaient très claires.
À la suite de la dissolution du Parlement, en septembre, nous avons eu besoin de directives politiques et, si je me souviens bien, nous en avons demandé à deux reprises: une fois au ministre, dans le cadre d'une discussion générale, et une autre fois à la première ministre. Mais avant cela, ce n'était pas nécessaire.
Le sénateur Kirby: Quand avez-vous alors sollicité des directives du ministre? Juste avant que le bref d'élection soit déposé?
Mme Bourgon: Avant de lui remettre les documents pour qu'il les signe. J'aurais bien du mal à dire exactement à quelle date...
Le sénateur Kirby: Il les a signés le 4 octobre.
Mme Bourgon: Je dirais que c'était à la fin septembre.
Le sénateur Kirby: Bon. Parce qu'il les a signés le 4 octobre. Très bien. Quelle est en substance la question que vous lui avez posée?
Mme Bourgon: Je ne voudrais pas rapporter des entretiens privés entre les ministres et les sous-ministres.
Le sénateur Kirby: Parfait.
Mme Bourgon: Toutefois, il était nécessaire dans mon esprit que l'on nous confirme que le gouvernement avait bien l'intention de poursuivre dans cette voie. D'ailleurs, il n'y a là rien d'anormal. Je ne voudrais pas donner l'impression qu'il y a là quelque chose d'anormal. Il y a une règle de conduite qui veut généralement que l'on agisse avec prudence dès que le Parlement est dissous. Si l'on demande des directives, c'est pour s'assurer que ceux qui ont le pouvoir de prendre ces décisions sont bien ceux qui vont les prendre et non pas ceux qui n'en ont pas le pouvoir. Il était donc nécessaire de s'assurer que le ministre souhaitait bien faire avancer le dossier, et celui-ci a fait connaître très clairement son intention. Par la suite, la même chose a été demandée à la première ministre.
Le sénateur Kirby: Très bien. J'y reviendrai. Je veux respecter l'ordre chronologique et je reviendrai dans une minute à votre demande de directives à la première ministre.
Pour que les choses soient claires et que l'on en prenne acte, M. Rowat était à la fois SM adjoint, excusez-moi, sous-ministre adjoint, et négociateur en chef.
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Kirby: Donc, à ce titre, c'est lui qui, par exemple, était en contact avec le Bureau du Conseil privé, ou étiez-vous automatiquement incluse dans la procédure?
Mme Bourgon: Je crois que j'aurais été tenue au courant de tout entretien entre M. Rowat et le Bureau du Conseil privé. C'est l'une des règles de conduite que je fais appliquer dans tous les ministères pour lesquels je travaille, je veux que les gens qui sont sous mes ordres me tiennent au courant de leurs entretiens, des entretiens qui présentent un certain intérêt, et je considère que tout entretien avec le Bureau du Conseil privé présente un intérêt. J'aurais donc été tenue au courant. Ce n'est pas nécessairement moi qui aurait été appelée, mais j'aurais été au courant.
Le sénateur Kirby: Est-ce qu'au cours de cette période il y a eu une assez grande participation de la part du Bureau du Conseil privé?
Mme Bourgon: Non. Il était convenu avec M. Rowat que ce dernier organiserait régulièrement des réunions avec les organismes centraux. Je crois qu'il est souhaitable que les ministères impliqués dans des opérations majeures prennent l'initiative d'organiser régulièrement des réunions avec les autres organismes et ministères susceptibles d'être intéressés pour que, à mesure que le dossier avance, on puisse s'assurer que chacun sache ce qu'il a à savoir et que l'on évite que des gens viennent vous voir avec une longue liste de questions parce qu'on ne les a pas tenus au courant. Il n'y a donc pas eu de nombreuses allées et venues. Je dirais qu'on a fait preuve de discipline. Il organisait régulièrement des rencontres, peut-être même toutes les semaines, si je me souviens bien, avec ceux qui avaient besoin de savoir.
Le sénateur Kirby: Qui les convoquait?
Mme Bourgon: Lui-même.
Le sénateur Kirby: Excusez-moi, qui c'est, lui?
Mme Bourgon: Le négociateur en chef, c'est-à-dire...
Le sénateur Kirby: Du nom de Rowat. Très bien. C'est ce que je voulais savoir. Donc, en fait, les organismes centraux ont été tenus au courant toutes les semaines?
Mme Bourgon: Plus ou moins.
Le sénateur Kirby: Oui. Pas strictement toutes les semaines, mais enfin. Poursuivons donc.
Si je comprends bien, vous avez reçu des instructions de M. Corbeil à la fin septembre. Puis-je vous demander - et je ne sais pas, monsieur le président, s'il me faut redéposer ce document. Je ne sais pas quelles sont les règles. C'est simplement un document qui, je crois, a déjà été déposé devant le comité au moins une fois auparavant, le document numéro 0092, qui est une note de service envoyée par Mme Bourgon à M. Rowat en date du 7 octobre 1993. C'est cela - nous l'avons déjà vu. C'est un document sur lequel je crois en effet que le sénateur Lynch- Staunton a posé des questions auparavant. Pouvez-vous me donner quelques précisions au sujet de ce document? Par exemple, quelle en est l'origine?
Mme Bourgon: Disons qu'il y a deux façons de répondre à cela, une courte et une longue. Je vais commencer par la façon la plus courte.
Le sénateur Kirby: Je suis tout à fait prêt à accepter la façon la plus longue.
Mme Bourgon: Laissez-moi commencer...
Le sénateur Kirby: Même en nous répondant de la façon la plus longue, ce sera bien plus court que tout ce que nous avons entendu depuis un jour et demi, il y a donc une grosse amélioration.
Mme Bourgon: Et bien, je suis tentée de vous répéter où nous en étions à un certain nombre de moments critiques qui ont débouché sur ce résultat, parce que j'ai relevé dans certaines de vos discussions que certaines personnes ont pu penser - certains se sont demandés s'il était justifié que la première ministre donne ces directives. Je tiens donc à vous dire qu'il est clair dans mon esprit que la première ministre était justifiée de donner ces directives. En fait, elles lui ont été demandées. Laissez-moi replacer tout cela dans son contexte.
Nous étions passé d'une lettre d'intention le 18 juin, le ministère, quand je dis nous, je veux dire l'État, à une entente de principe à la fin août. C'est beaucoup de travail. C'est un progrès notable. C'est un progrès rapide. En août, toutefois, je veux qu'il soit bien clair que rien n'était encore signé. Rien n'avait été signé, entériné et promulgué. Il y avait un accord général et lorsque M. Corbeil a fait sa conférence de presse à la fin août, il a déclaré, et je crois que c'est dit dans le document, que nous avions l'intention d'en arriver à un accord juridique à l'automne. C'est donc au cours de cette période que je suis retourné voir la première ministre en lui disant qu'il était nécessaire que des directives appropriées soient données aux fonctionnaires pour qu'ils agissent dans ce sens.
Entre la fin août et la dissolution du Parlement, le 8 septembre, nous en étions encore à l'étape de la transformation de cette entente de principe en différents éléments devant donner effet à l'accord. Vous aviez finalement déjà reçu un document, je crois, qui vous expliquait que pour que l'on puisse parachever l'opération, nous avions besoin de signer plus de 100 documents de toute sorte.
Après la dissolution du Parlement, il y a une règle générale qui s'applique à la conduite des fonctionnaires. Ce n'est pas un article de loi. C'est une règle générale qui veut qu'à partir de ce moment-là, il faille agir avec prudence. La question se pose alors de savoir qui va décider si on agit ou non avec prudence. Ce n'est pas aux fonctionnaires d'en décider. Il faut s'adresser au ministre ou au premier ministre selon les circonstances.
Entre la fin août, date à laquelle nous nous sommes adressés au ministre, et les 3 et 4 octobre, il y avait une étape essentielle et, à mon avis, c'est à ce moment-là que nous avions besoin que l'on nous précise si nous agissions avec prudence en faisant signer ces documents. Par la suite, après le 3 et 4 octobre, j'ai reçu des directives et nous avons procédé à l'application. Vous me suivez?
Après cela, deux événements supplémentaires se sont produits. Pour le premier, il faut se souvenir que nous étions en pleine campagne électorale. Il y a eu une déclaration du chef de l'opposition dans laquelle il demandait publiquement à la première ministre de tout arrêter - je crois que c'est ce qu'il a dit. C'était la première demande. Le lendemain, je crois que le chef de l'opposition...
Le sénateur Tkachuk: C'était quel jour?
Mme Bourgon: Le 5, il me semble.
Le sénateur Tkachuk: De quel mois? Octobre?
Mme Bourgon: Ou le 6 octobre. Après que M. - après les directives de M. Corbeil. Le 5, il y a eu cette déclaration, et le 6, je crois, le chef de l'opposition a par ailleurs déclaré que s'il devait former le gouvernement, il souhaitait revoir l'opération.
Ces deux événements m'ont fait dire qu'il était nécessaire d'obtenir des directives sur l'opportunité de faire avancer les choses, c'est-à-dire de signer le 7, mais cette fois je me suis adressée à la première ministre. C'est parce que le premier ministre est responsable de l'action du gouvernement en période d'élections. La demande ayant été présentée par le chef de l'opposition, il ne suffisait pas à mon avis de demander tout simplement des directives au ministre au moment considéré. Voilà donc quel était le contexte.
Vous comprendrez qu'il n'appartient pas à la sous-ministre des Transports de prendre le téléphone et d'appeler la première ministre pour lui dire: "Je veux que vous me donniez des directives." L'affaire doit être soumise au greffier, dont le travail est de s'assurer que nous respectons la tradition, les principes et la procédure établie. Lorsque j'ai fait part de mon point de vue au greffier, ce dernier a estimé lui aussi qu'il était justifié de demander des directives à la première ministre. C'est ce qu'il a fait et il m'a donné des instructions. Voilà donc le cadre dans lequel cette action...
Le sénateur Kirby: Au cours de cette opération, est-ce qu'il y a eu des discussions ou avez-vous demandé l'avis du ministère de la Justice pour savoir si vous étiez justifiée d'agir ainsi?
Mme Bourgon: Non. À ce moment-là, au moment où je discutais avec le greffier, en lui disant...
Le sénateur Kirby: Ou sur ce qui vous a motivé en fait à demander ces directives?
Mme Bourgon: À mon avis, ce n'était pas une question de droit. Il est hors de doute que même après la dissolution du Parlement, le gouvernement conserve en droit toute son autorité et tous ses pouvoirs. C'est davantage une question de jugement. Ce n'est pas une question de droit, une règle de droit. Je me souviens d'un bref échange que nous avons eu lorsque nous avons évoqué cette même question avec M. Shortliffe, le greffier, et c'est exactement ce qu'il m'a confirmé, qu'il ne s'agissait pas d'une question de droit. Il s'agissait de savoir ce qu'il convenait de faire - en fonction du jugement de la première ministre concernant la façon dont il était souhaitable que le gouvernement se comporte en pleine campagne électorale.
Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question supplémentaire à ce sujet? La discussion est intéressante. Lorsque vous avez demandé des directives, est-ce en raison de ce qui se passait dans la campagne électorale ou en tenant compte de la question de fond?
Mme Bourgon: On demande des directives lorsque le pouvoir discrétionnaire doit être exercé à l'échelon politique. On demande des directives lorsque la décision n'appartient pas à l'administration. C'est à ce moment-là que l'on demande des directives.
Le sénateur Tkachuk: N'y avait-il pas eu l'approbation du Conseil du Trésor?
Mme Bourgon: Mais ce n'était pas...
Le sénateur Tkachuk: Je pose simplement la question.
Mme Bourgon: Non, je suis d'accord.
Le sénateur Tkachuk: À quel moment...
Mme Bourgon: Il y avait eu une présentation au CT. J'aimerais vous dire pourquoi je ne me suis pas arrêtée à cela dans mon raisonnement.
Le sénateur Tkachuk: Allez-y.
Mme Bourgon: Voilà. Les ministres ont une autorité et certains pouvoirs. Les fonctionnaires ont une autorité et certains pouvoirs. Parfois, nous en avons suffisamment; parfois nous n'en avons pas assez. Nous obtenons alors un décret qui nous confère des pouvoirs supplémentaires. Ce n'est pas parce qu'on a le pouvoir de signature que l'on est obligé de signer. Nous devons donc prendre bien soin de demander une délégation de pouvoir de signature au ministre si les circonstances l'exigent. Il ne s'agit pas de juger des circonstances. Donc, ce n'est parce qu'on a une délégation de pouvoir que l'on est obligé de l'exercer. Vous me comprenez? La présentation au CT n'était donc pas pertinente à mon sens.
Le sénateur Tkachuk: Très bien.
Le sénateur Kirby: Bien. Puis-je ajouter une autre question supplémentaire à cette question supplémentaire, si vous me le permettez? En réponse au sénateur Tkachuk, et aussi lorsque vous avez évoqué un peu plus tôt la date du 27 août, qui je crois est celle de l'approbation par le Conseil du Trésor, vous nous dites que l'approbation du Conseil du Trésor a en fait conféré au ministre le pouvoir de signer lorsque, pour reprendre l'expression que vous venez d'employer, les circonstances font qu'il a l'impression que sa signature est justifiée. Ça ne constitue donc pas en fait une forme quelconque d'accord qui lierait en droit le gouvernement; c'est bien ça?
Mme Bourgon: Ça n'oblige pas le ministre à signer. Ce n'était pas l'intention...
Le sénateur Kirby: Laissez-moi vous poser la question sous un angle légèrement différent. Bien des gens qui ne sont pas des avocats ont évoqué des questions de légalité devant nous. Aviez-vous le sentiment que le gouvernement conservait, par exemple, la possibilité de ne pas signer par la suite, sans encourir de responsabilité? Plus précisément, que l'accord n'était pas encore effectif?
Mme Bourgon: Disons que je ne suis pas avocate.
Le sénateur Kirby: Moi non plus. Nous avons tous deux cette chance aujourd'hui. Poursuivez.
Mme Bourgon: J'en reviens donc à la présentation au CT et à la question de la responsabilité. Dans mon esprit, aussi bien à l'époque qu'aujourd'hui, la présentation au CT visait à s'assurer que la responsabilité collective des ministres était respectée lorsque c'était nécessaire et que le ministre avait le pouvoir de mettre en oeuvre cette responsabilité collective. Je tombe dans le charabia. Je vais essayer de faire mieux.
Il s'agissait d'un accord complexe et d'une grande envergure. Il dépassait les seules compétences du ministre des Transports en l'absence de la volonté et de l'appui des ministres, disons du Cabinet, de faire en sorte ... de signer tous ces accords et d'en arriver à cette transformation fondamentale du système des transports.
Ce que nous avons mis là, et j'étais présente, ce que nous avons mis dans la présentation au CT, c'était une description suffisante, une description approfondie, de tous les éléments de base qui - du nouveau régime afin que tous ensemble les ministres soient convaincus qu'elle reflétait en fait la volonté collective du cabinet de mettre en place ce nouveau régime. De ce point de vue, elle conférait au ministre des Transports une délégation de pouvoirs lui permettant de signer ces accords clés au moment approprié lorsqu'il serait convaincu que tout était en place, que c'était le moment, que le travail professionnel avait été effectué, et cetera. La présentation au Conseil du Trésor ne visait pas à demander au ministre des Transports de signer même s'il n'était pas convaincu qu'il convenait de signer. Il n'en a jamais été question.
On en vient maintenant à une autre question. Il faut se demander maintenant s'il n'y avait pas déjà une responsabilité à compter du mois d'août. À mon sens, sénateur, et je ne suis pas avocate, j'ai considéré qu'il y avait une certaine responsabilité tout au long de l'opération. Et si je devais fixer une règle, je suis partie du principe que cette responsabilité augmentait à chaque étape. Je ne sais pas pourquoi, je n'en sais pas beaucoup plus, mais c'était le principe qui orientait mon action.
En juin, lorsque la lettre d'intention a été signée entre l'État et les associés, il y avait un certain degré de responsabilité. Je ne sais pas lequel. Il appartient aux avocats ou aux tribunaux, à des gens plus compétents que moi, d'en juger. J'ai pensé toutefois qu'il était raisonnable d'estimer qu'une certaine responsabilité était engagée.
En août, lorsque le ministre a déclaré que nous en étions arrivés à un accord général et que nous avions désormais l'intention d'élaborer des documents juridiques, il y avait un certain degré de responsabilité. Toutefois, cette responsabilité augmentait à chaque étape. C'est pourquoi des précautions étaient nécessaires et des directives devaient être données à chaque étape jusqu'à ce que tout soit terminé. Rien n'est terminé tant que tout n'est pas terminé.
Y avait-il donc une responsabilité? Je suis partie du principe, sous réserve, bien entendu, d'une confirmation donnée par des personnes bien plus compétentes que moi sur toutes ces questions, que la responsabilité augmentait à chaque étape.
Le sénateur Kirby: Très bien. Toutefois, ce n'est qu'une certaine responsabilité, et je veux dire par là - vous faites preuve d'une très grande prudence lorsque vous nous dites que la responsabilité augmentait éventuellement à chaque étape, mais quoi qu'il en soit l'accord n'était pas définitivement signé.
Une dernière question au sujet de la note de service que vous avez envoyée à M. Rowat pour lui conseiller de signer les documents le 7. J'ai deux questions à vous poser. La première, pourquoi cette note de service a été envoyée à John Tait, qui était alors sous-ministre des Finances - excusez-moi, sous-ministre de la Justice? Ça me paraît étrange étant donné qu'il s'agissait d'un accord entre les Transports et le Bureau du Conseil privé. Pourquoi a-t-on agi ainsi?
Mme Bourgon: Au moment où j'ai rédigé cette note de service, les ministres faisaient une retraite. Ils s'étaient réunis pour envisager l'avenir, faire la planification, et cetera. Lorsque j'ai discuté avec le greffier pour obtenir des directives, John Tait, qui était sous-ministre de la Justice, est intervenu. À cette occasion, il a confirmé ce que je viens de vous dire, lorsqu'il s'agit de savoir si l'on a affaire à une question de droit ou à une question de principe. Il a indiqué très clairement et sans hésitation que nous avions affaire à une question de principe.
Le sénateur Kirby: Ça m'a paru étrange. C'est tout. Finalement, le 7, qu'est-ce que l'on a signé en fait? Je veux dire par là qu'il y a des opinions divergentes autour de cette table lorsqu'il s'agit de savoir si l'on a signé un document de fond.
Mme Bourgon: Et bien, sur ce point, j'ai bien peur de compliquer encore davantage la vie des membres du comité. J'ai été informé par un échange de vues qui a eu lieu entre un témoin et un membre du comité qu'en fait, ce qui s'est passé en substance le 7, c'est qu'on a retiré les documents des mains des tiers. C'est une chose qui m'a frappée, parce que je ne m'en souvenais pas. Donc, pour m'en assurer, j'ai demandé au ministère des Transports de me rappeler ce qui avait été effectivement fait et signé le 7, et je pourrais peut-être vous répondre tout simplement que le ministère des Transports pourrait peut-être davantage aider le comité en passant en revue avec soin la liste de tout ce qui a été fait ce jour-là.
Le 7, souvenez-vous que je vous ai dit que pour que cet accord soit parachevé, pour que l'intention de toutes les parties prenne effet, il fallait signer 111 textes, projets ou ententes. Dans certains cas il s'agissait de documents; parfois de véritables documents de fond; parfois encore de documents plus informels. Tous cependant devaient être réunis pour constituer l'accord, pour que celui-ci soit effectif. Le 7, M. Rowat a dû signer au moins 20 documents, l'un d'entre eux étant la libération des documents déjà signés, c'est-à-dire qu'on a retiré les documents des mains des tiers.
Le sénateur Kirby: Un sur une vingtaine, ou sur plus de 20. Très bien.
Mme Bourgon: Parmi ceux qu'il a dû signer ce jour-là. C'est ce que j'ai compris.
Le sénateur Kirby: Très bien.
Le sénateur Kirby: Pouvez-vous nous dire...
Le sénateur Tkachuk: Qu'est-il advenu des autres?
Mme Bourgon: Il les a tous signés.
Le sénateur Kirby: Quels étaient les autres?
Le sénateur Tkachuk: Ceux d'avant?
Mme Bourgon: Non, ce jour-là.
Le sénateur Tkachuk: Les 90 autres.
Mme Bourgon: Oui, bien sûr.
Le sénateur Kirby: Excusez-moi. Quels étaient les autres en plus de celui qui procédait au retrait des documents des mains des tiers, simplement de manière générale? S'agissait-il...
Mme Bourgon: Il y en avait un certain nombre - par exemple, il y avait un accord avec Allders qui contrôlait tous les concessionnaires...
Le sénateur Kirby: Oui?
Mme Bourgon: ...qui n'a été terminé que très tard et qui a dû être signé ce jour-là. Et ce n'était pas sans signification parce qu'il s'agissait aussi d'un des associés. Il y a eu un accord au sujet de l'utilisation, de la garantie que l'État allait se charger de la fourniture des services publics. Il y avait un engagement pris par les Transports, qui représentait l'État au nom de nombre d'autres ministères et qui confirmait que toute une foule de services allaient être maintenus, les services de la GRC, et cetera. Je ne suis pas au courant de tous les détails, mais il y a de nombreuses ententes qui ont dû être signées lorsqu'on a parachevé l'accord.
Le sénateur Kirby: On peut donc légitimement comprendre à partir de ce que vous nous dites que le 7, en plus de la signature retirant les documents des mains des tiers, il y a eu la signature d'un certain nombre de documents, de documents de fond qui portent sur la transaction?
Mme Bourgon: C'est mon opinion.
Le sénateur Kirby: J'aimerais vous poser une question sur un autre document, qui là encore, pour que cela soit consigné dans notre procès-verbal, est le document 002068. Il s'agit d'une note de service que l'on est en train de distribuer. Vous devez l'avoir sur vous. C'est une note de service envoyée par Andy MacDonald à Mel Cappe et à Ian Clark. C'est en fait un courrier électronique. Je crois que c'est la copie d'une transmission par courrier électronique. Pour les besoins de notre procès-verbal, étant donné que nous n'avons pas encore rencontré le nom d'Andy MacDonald, qui est Andy MacDonald?
Mme Bourgon: Andy MacDonald était le contrôleur général. Il était membre de la haute administration du Conseil du Trésor.
Le sénateur Kirby: Très bien. Cette note de service résume la situation - je vais vous en lire simplement une phrase. On nous dit:
[...] Jocelyne Bourgon m'a demandé conseil au sujet d'une étude qu'elle envisageait [...] revoir l'intégralité de la décision et toute la procédure de consultation pour ce qui est de la décision prise concernant l'aéroport Pearson. Elle...
C'est vous, madame Bourgon.
... a bien peur que certains fonctionnaires se retrouvent pris dans l'engrenage sur cette question à l'avenir et elle veut un dossier complet sur toute l'opération.
Pourquoi avez-vous écrit cela? Ou plutôt, excusez-moi, pouvez-vous nous expliquer...
Mme Bourgon: Je n'ai pas écrit cela.
Le sénateur Kirby: Excusez-moi, ce n'est pas vous qui l'avez écrit. C'est pourquoi je me suis interrompu en posant ma question. Pouvez-vous nous expliquer un peu quelles étaient vos préoccupations et, plus particulièrement, pourquoi vous aviez peur que des fonctionnaires se retrouvent pris dans l'engrenage?
Mme Bourgon: Je n'ai pris connaissance de cette note que très récemment lorsqu'on en a parlé dans le cadre des délibérations de votre comité. Je pourrais probablement contester certaines formules employées, mais je ne conteste pas les préoccupations qui y sont évoquées. Laissez-moi vous parler des questions de fond.
Le sénateur Kirby: Ce n'est pas la formulation mais les questions de fond qui m'intéressent.
Mme Bourgon: La question est de savoir pour quelle raison la sous-ministre des Transports s'inquiétait le 12 octobre. En fait, je jugeais qu'il était souhaitable pour toutes les personnes impliquées, étant donné que l'opération s'était déroulée sur une si longue période, pour tous ceux qui y avaient participé, qu'il s'agisse du ministère des Transports et de tous les organismes en cause, le Conseil du Trésor, le Bureau du Conseil privé, la Justice, les services gouvernementaux, et cetera, je jugeais qu'il était fortement souhaitable pour toutes les parties prenantes de sortir toute la documentation pertinente, d'établir, de s'assurer que tout était en ordre, de veiller à ce que tout soit prêt pour un réexamen, que les échéanciers étaient clairs, que la chronologie avait été fixée, que le dossier avait été établi en bonne et due forme et que tout était clair et bien documenté.
Il était bien clair pour moi à l'époque que c'était une question très controversée et, avec ce que je savais, je partais du principe qu'il y aurait une révision du dossier, ce qui a été effectivement le cas par la suite. Je voulais simplement m'assurer à ce moment-là que les fonctionnaires qui avaient travaillé sur le dossier et qui s'étaient impliqués en négociant pour le compte du gouvernement du Canada, de manière compétente et professionnelle, puissent se préparer à l'avance, faire un dossier sur tout ce qui s'était passé, étape par étape, afin de ne pas perdre de temps ensuite et de se demander où était la présentation au Conseil du Trésor, le décret, les signatures autorisées. Il fallait que notre dossier soit en ordre et prêt à être révisé s'il y avait une révision.
Le sénateur Kirby: Est-ce que ça a été fait? Est-ce que les fonctionnaires ont agi dans ce sens?
Mme Bourgon: C'est de toute façon ce que j'ai demandé aux Transports. Nous l'avons fait. J'ai conseillé la même chose au Conseil du Trésor. De toute évidence, il a au minimum pris note de ma demande.
Le sénateur Kirby: On mentionne un dénommé Paul Gonu, un nom que je ne connais pas, au bas de la page. Vous pouvez voir qu'un dénommé Mel Cappe a griffonné en bas une note à Paul Gonu en lui disant: "Veuillez discuter de toute divulgation de vos documents", vous est souligné, "avec moi..." Est-ce que ça vous dit quelque chose? Paul Gonu, ça ne me dit rien à moi non plus.
Très bien. Merci, monsieur le président. C'est...
Puis-je poser une dernière question? Je sais que vous n'étiez pas là lorsque M. Barbeau a reçu congé pour aller cultiver son jardin. Lorsqu'il est rentré de congé, vous étiez là; c'est bien ça?
Mme Bourgon: C'est bien ça.
Le sénateur Kirby: Et lorsqu'il est revenu, il a retrouvé son poste de sous-ministre adjoint des Transports; c'est bien ça?
Mme Bourgon: C'est bien ça.
Le sénateur Kirby: Même si vous n'étiez pas là, je présume que vous avez appris dans quelles circonstances il a été amené à prendre congé pour cultiver son jardin. Étiez-vous convaincue qu'il était en mesure d'exercer ses activités en tant que SMA lorsque vous l'avez fait revenir?
Mme Bourgon: Je ne connaissais pas M. Barbeau lorsque je suis arrivée au ministère. Je le connaissais de réputation, je connaissais son nom, mais je ne l'avais pas rencontré personnellement. Dans tout ce que m'a dit Mme Labelle, il y a deux choses qui n'étaient pas remises en cause: sa compétence professionnelle et sa volonté de s'acquitter de ses obligations. Je crois d'ailleurs qu'il revenait au ministère la semaine même où je suis arrivée, et il s'est présenté à moi. Il m'a confirmé qu'il était tout à fait disposé à reprendre son travail.
J'aime à juger des situations par moi-même. Je lui ai demandé de reprendre son travail et d'exercer ses fonctions. Il m'incombe en tant que sous-ministre de m'assurer que le ministère offre au gouvernement tout l'appui nécessaire, et les SMA relèvent de moi. J'en ai discuté... j'ai informé le ministre de ma décision, et il m'a appuyé, de sorte que nous avons tout simplement procédé de cette façon.
Le sénateur Kirby: Pendant tout le temps que vous êtes restée en tant que sous-ministre des Transports, avez-vous eu des raisons de douter du professionnalisme de M. Barbeau dans son travail de fonctionnaire?
Mme Bourgon: Absolument pas.
Le sénateur Kirby: Je vous remercie, monsieur le président.
Le sénateur Tkachuk: Ce M. Barbeau en qui vous aviez tellement confiance, c'est ce même M. Barbeau qui a procédé à l'organisation ou qui était chargé de l'organisation de la procédure de demande de propositions et qui a mis sur pied et réuni l'équipe qui a pris la décision concernant Paxport; n'est-ce pas?
Mme Bourgon: Puis-je en revenir...
Le sénateur Tkachuk: C'est cette même personne?
Mme Bourgon: C'est cette même personne. Puis-je en revenir...
Le sénateur Tkachuk: C'est tout ce que je voulais savoir.
Mme Bourgon: ... aux commentaires qui me sont attribués? Souvenez-vous que je vous ai dit que je ne connaissais pas M. Barbeau avant d'entrer au ministère, et je ne pouvais donc pas juger ses activités passées ni en avoir connaissance. C'est la même personne, le même SMA, le même poste. Et à compter du jour où je suis entrée au ministère, je peux vous confirmer qu'il s'est avéré un SMA très solide et très compétent.
Le sénateur Tkachuk: Il y est toujours?
Mme Bourgon: À ma connaissance, oui.
Le sénateur Jessiman: Merci, madame Bourgon. Je voudrais simplement vous faire préciser une fois de plus votre point de vue. Est-ce que le contrat définitif interdit la création d'une AAL?
Mme Bourgon: Je n'en sais rien. Je ne peux pas vous répondre.
Le sénateur Jessiman: Saviez-vous que dans la demande de propositions, le bail sur le terrain mis à la disposition d'une AAL pouvait être cédé? Vous n'avez jamais examiné la demande de propositions?
Mme Bourgon: Si, je l'ai fait, mais pas d'une manière ... Vous savez, l'une des décisions que j'ai prise d'une manière tout à fait délibérée lorsque je suis venue vous voir, c'est d'essayer de ne pas étudier les questions, de ne pas me préparer à l'avance ou d'essayer de me souvenir des choses dont je ne me souviens pas automatiquement. Je ne peux pas me rappeler quels étaient les détails de la demande de propositions ou les différents éléments de l'accord en soi.
Le sénateur Jessiman: Et si je vous dis que l'accord définitif prévoyait aussi que l'AAL pouvait prendre en main la gestion de l'aéroport même si l'aérogare 3, qui était l'aéroport, était louée et que les aérogares 1 et 2 allaient aussi être louées, mais que ce qu'allait faire l'AAL, c'est prendre la place des Transports ... n'est-ce pas ce que fait l'AAL, reprendre l'aéroport et non pas nécessairement certains bâtiments. N'est-ce pas cela?
Mme Bourgon: En fait, il me faudrait faire des suppositions. Les AAL...
Le sénateur Jessiman: Dites-le simplement, si vous ne le savez pas.
Mme Bourgon: Les AAL peuvent jouer de nombreux rôles. Du fait de l'organisation à Toronto, une AAL aurait un rôle différent à jouer parce qu'il y aurait un certain type de propriété pour l'aérogare 3; des types différents de propriété pour les aérogares 1 et 3; l'État aurait un rôle à jouer. Donc, par définition, le rôle de l'AAL à Toronto aurait été différent tout en étant encore légèrement différent d'un endroit à l'autre.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: Il était prévu d'avoir un modèle souple, de sorte que ce que je viens d'entendre ne m'inquiète pas.
Le sénateur Jessiman: Avez quelle fréquence vous êtes-vous réunis au cours de votre mandat? Je parle maintenant de la période qui mène au 7 octobre 1993. Avez-vous rencontré souvent M. Shortliffe sur ce dossier en particulier?
Mme Bourgon: Bien franchement, je ne me souviens pas avoir rencontré M. Shortliffe sur ce dossier au cours de cette période.
Le sénateur Jessiman: Je vous remercie. Avez-vous senti que quelqu'un faisait des pressions sur vous pour que ce dossier soit réglé?
Mme Bourgon: Est-ce que nous ressentions des pressions? Oui et non. Soyons justes. Nous ressentons tous des pressions. Tout le monde travaillait beaucoup. Il faut pousser un dossier d'une telle complexité pour le voir aboutir. Donc, tout le monde a énormément travaillé. C'est de la pression. Une grande partie vient de nous-même, je dois le reconnaître. Cela relève de la dynamique de négociation d'un accord très complexe. On ne peut pas le laisser de côté pendant trop longtemps. Donc, oui, il y avait de la pression et oui, nous souhaitions en finir et mener à bien notre mandat. Y avait-il des pressions indues? Je dirais que non.
Le sénateur Jessiman: M. Broadbent a aussi déclaré que la pression, c'est vous-même qui vous vous l'imposiez. Tous ceux qui travaillaient sur le dossier étaient très désireux d'en finir et s'imposaient des dates limites.
Mme Bourgon: Cela tient en partie à la nature de négociations très complexes. On se fixe des délais et on s'efforce de les respecter. C'est ainsi qu'on fait progresser le dossier.
Le sénateur Jessiman: Oui. Et au moment où vous avez pris vos fonctions de sous-ministre, la grande question qui se posait en fait à M. Rowat n'était-elle pas en fait celle du bail d'Air Canada?
Mme Bourgon: C'était une question tout à fait fondamentale. C'était une des grandes questions en suspens. Je ne dirais pas que c'était la seule. Je ne me souviens pas si l'accord d'aménagement avait bien progressé ou s'il avait autant progressé qu'il l'aurait dû. Je ne me souviens pas si l'accord de service et d'exploitation était aussi avancé que nous aurions aimé le voir. Ce n'était pas la seule question. Et, comme je vous l'ai dit, il y avait d'autres éléments des accords dont on avait besoin pour la signature définitive qui sont entrés en jeu très tard au cours de la procédure. Donc, effectivement, c'était une question très importante. Elle était essentielle pour la réussite du projet, mais ce n'était pas la seule.
Le sénateur Jessiman: Je vous remercie.
Avez-vous rencontré des lobbyistes lorsque vous avez travaillé sur ce dossier?
Mme Bourgon: Non, pas sur ce dossier en soi. Je me souviens avoir rencontré M. Hession à une occasion et je me souviens avoir rencontré...
Le sénateur Jessiman: M. Hession n'était pas à ce moment-là ... on ne peut pas le considérer comme un lobbyiste; il était président de l'une des parties prenantes.
Mme Bourgon: Dont acte.
Le sénateur Jessiman: Très bien. Outre M. Hession, qui avez-vous rencontré?
Mme Bourgon: Non, je n'ai pas rencontré de lobbyiste sur ce dossier. Je pense que les gens savaient que je ne participais pas activement aux négociations et, par conséquent, ce n'était de toute façon pas nécessaire.
Le sénateur Jessiman: Lorsque Victor Barbeau est revenu de ce que quelqu'un a appelé son stage de jardinage - je crois que c'était vers la fin mai ou au début de juin...
Mme Bourgon: En juillet.
Le sénateur Jessiman: Dans la première quinzaine de juillet. Il l'a dit lui-même. Il était resté absent pendant quatre ou cinq semaines. A-t-il été réintégré dans son ancien emploi?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Y a-t-il eu des répercussions négatives de ce point de vue?
Mme Bourgon: Non, pas à ma connaissance.
Le sénateur Jessiman: Parfait. Passons maintenant à ce document 2068 dont nous a parlé le sénateur Kirby et que vous avez ici. Je crois savoir qu'il s'agit d'un courrier électronique envoyé par Mel Cappe à différentes personnes et que...
Le sénateur Kirby: C'est envoyé à Mel Cappe.
Le sénateur Jessiman: On nous dit en haut que c'est envoyé par Cappe.
Le sénateur LeBreton: Envoyé par Cappe à MacDonald.
Le sénateur Jessiman: Je lis envoyé par Mel Cappe à MacDonald.
Le sénateur LeBreton: Et qui est Richard Patten?
Le sénateur Jessiman: Clark, Ian Patten, Richard Fleury, ça n'a pas d'importance.
Le sénateur Kirby: Je lisais ce qui est marqué plus bas. Excusez-moi. Ça n'a pas d'importance.
Le sénateur Jessiman: Toutefois, on fait référence à vous. On nous dit, "Lors de la retraite organisée par les SM la semaine dernière" - Donc, si ça fait exactement une semaine - et je ne sais pas si c'est le cas - ça nous ramène au 5 octobre.
Mme Bourgon: C'était le 7 octobre.
Le sénateur Jessiman: Le 7 octobre.
Mme Bourgon: C'est ce que je pense.
Le sénateur Jessiman: Très bien. Parfait. Vous vouliez alors mettre le dossier en ordre pour que tout soit prêt lors de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Toutefois, lorsque l'élection a été déclenchée le 8 septembre pour se tenir le 25 octobre, même si vous saviez qu'il allait y avoir un nouveau gouvernement quel que soit le parti élu - que ce soit les Progressistes-Conservateurs, les Libéraux, et cetera - avez-vous entrepris de préparer des documents à l'intention du nouveau ministre?
Mme Bourgon: Non, pas à ce moment-là.
Le sénateur Jessiman: Quand avez-vous commencé?
Mme Bourgon: Je pense que vous avez vu le document daté du 4 novembre qui a été divulgué par M. Young à la Chambre, il me semble...
Le sénateur Jessiman: Je vais vous montrer... oui?
Mme Bourgon: ...c'était essentiellement un document de transition qui a été élaboré. Il a été élaboré par la suite. Il est antérieur d'une semaine ou quelque chose comme ça. Nous avons effectivement élaboré...
Le sénateur Jessiman: Antérieur d'une semaine par rapport à quoi?
Mme Bourgon: Par rapport à la date indiquée sur le document, soit le 4 novembre, je pense.
Le sénateur Jessiman: Très bien. Je vais vous montrer quatre documents.
Mme Bourgon: Bien.
Le sénateur Jessiman: Et je vais demander à mon assistant de vous en fournir un jeu, la même chose à la presse, et j'en ai aussi un ici. Je vais les passer en revue, madame Bourgon, dans l'ordre - le premier dont je vais vous parler porte le numéro 00304.
Mme Bourgon: Oui?
Le sénateur Jessiman: Et il y a aussi celui-ci qui porte le numéro 1235 écrit à l'encre à droite.
Mme Bourgon: Oui?
Le sénateur Jessiman: Il y a aussi celui-là, qui porte le numéro 1236 en bas et à droite?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Enfin, il y a celui-là qui porte le numéro 803278.
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et en haut le numéro 803279. Vous le voyez?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Ce sont donc quatre documents. Vous souvenez-vous d'avoir vu l'un d'entre eux? Regardez-les attentivement, s'il vous plaît, particulièrement le premier d'entre eux.
Mme Bourgon: J'ai vu celui du 4 novembre, c'est certain.
Le sénateur Jessiman: Mais vous nous avez dit que le 7 octobre vous aviez déclaré vouloir présenter quelque chose au nouveau ministre. Est-ce que ce sont ces documents que vous élaboriez à l'intention du nouveau ministre?
Mme Bourgon: Non. Puis-je revenir sur ce que vous venez de dire?
Le sénateur Jessiman: Bien sûr.
Mme Bourgon: Très bien. Le courrier électronique que vous avez mentionné provient...
Le sénateur Jessiman: Je sais, de Mel Cappe.
Mme Bourgon: ...une personne qui appartient à l'organisme central du Conseil du Trésor. Il se réfère à une conversation qu'il a eue avec moi, au cours de laquelle j'ai déclaré: "il serait souhaitable que tous les ministères et organismes mettent de l'ordre dans leurs dossiers". Cela n'a rien à voir avec la transition. Je n'envisage pas différentes options, savoir s'il faut envisager différentes options politiques.
Le sénateur Jessiman: Quel est celui qui n'a rien à voir avec un document de transition, celui-ci, le courrier électronique?
Mme Bourgon: Oui, le courrier électronique. Le courrier électronique n'est pas lié à la préparation de la transition. Le courrier électronique fait état d'un jugement de ma part en vertu duquel il serait souhaitable que chacun mette de l'ordre dans ses dossiers.
Le sénateur Jessiman: Très bien.
Mme Bourgon: Je suis donc revenue m'adresser à ma propre organisation et j'ai donné des instructions, mes collègues, les autres SM, étant libres d'agir à leur guise.
Le sénateur Tkachuk: Des dossiers sur quoi?
Mme Bourgon: Tout ce qui avait trait à l'affaire Pearson parce que ça couvrait une période de trois ou quatre ans; c'est complexe. J'ai donc estimé à ce moment-là qu'il serait souhaitable que chacun s'assure que ses dossiers sont nets, en bon ordre, qu'il a tous les documents pertinents, autrement dit, qu'il a tout sous la main.
Le sénateur Jessiman: Et c'est ce que vous avez fait par la suite?
Mme Bourgon: C'est ce que nous avons fait aux Transports; nous avons organisé nos dossiers.
Le sénateur Jessiman: Je me demande, madame Bourgon, pourquoi au bout de quatre mois nous n'avons pas encore tous les documents? Et vous nous dites que tout est en ordre; que vous avez tout sous la main. Voilà qui est intéressant.
Mme Bourgon: Laissons de côté cette question pour l'instant.
Le sénateur Jessiman: Oui. Très bien.
Le sénateur Tkachuk: Toutefois, vous avez rédigé un rapport.
Mme Bourgon: Non. Nous n'avions pas l'intention de remettre un rapport. Vous savez, nous avions aux Transports probablement des milliers et des milliers de documents et de dossiers sur l'affaire Pearson. J'avais l'instruction de demander aux gens: assurez-vous que vos dossiers sont bien en ordre. Nous n'avions donc pas l'intention de publier un rapport, nous voulions simplement nous assurer que notre documentation, nos dossiers, étaient bien organisés. Voilà donc à quoi se référait le courrier électronique, vous comprenez? Ensuite, sénateur, nous abordons une autre question que celle de la documentation administrative. Votre question, sénateur, était la suivante: qu'avez-vous fait pour préparer la transition. C'est bien ça?
Le sénateur Jessiman: Oui. Voilà les quatre documents que je vous ai présentés, est-ce qu'ils correspondent à ce que vous avez préparé en vue de la transition? Est-ce que nous avons là un document? Vous nous dites qu'un document a été présenté à la Chambre par le ministre?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et c'est celui qui porte la date du 4 novembre?
Mme Bourgon: C'est bien ça.
Le sénateur Jessiman: Très bien. J'aimerais l'évoquer en premier, cependant, parce qu'il semble qu'il y a ici d'autres documents qui s'apparentent quelque peu, mais qui ne sont pas exactement les mêmes que celui du 4 novembre. Examinons tout d'abord celui qui porte le numéro 00304. C'est celui que je veux que nous examinions en premier.
Mme Bourgon: Très bien.
Le sénateur Jessiman: Mais tout d'abord, avant que vous examiniez l'un d'entre eux - en fait, vous pouvez les regarder - je parle en termes généraux. On nous dit que M. Rowat a participé à la rédaction de ces documents et il relevait de vous?
Mme Bourgon: Hm-hmn.
Le sénateur Jessiman: C'est bien ça?
Mme Bourgon: Hm-hmn.
Le sénateur Jessiman: Savez-vous si M. Desmarais y a participé?
Mme Bourgon: Non.
Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous me dire qui l'a rédigé?
Mme Bourgon: Bien. Je vais essayer de vous aider.
Le sénateur Jessiman: Très bien.
Mme Bourgon: Nous avons effectivement élaboré un doc...
Le sénateur Jessiman: Qui "nous"? Qui c'est, nous?
Mme Bourgon: Le ministère des Transports.
Le sénateur Jessiman: Oui. J'aimerais que vous me donniez le nom des personnes.
Mme Bourgon: Je ferai de mon mieux.
Le sénateur Jessiman: Examinons tout d'abord le numéro 00304.
Mme Bourgon: Je ne peux pas parce qu'à ma connaissance, je n'avais pas vu ce document auparavant. Je peux donc difficilement vous en parler. Puis-je commencer par le document du 4 novembre?
Le sénateur Jessiman: Non, j'aimerais que vous commenciez par celui-ci si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Parce que...
Mme Bourgon: Bon, je ne pense pas, sénateur, avoir vu ce document auparavant, et j'aurais bien du mal à vous dire qui l'a rédigé.
Le sénateur Jessiman: Très bien. En fait, on peut lire à la première page: "Privatisation de l'aérogare 1 et de l'aérogare 2", ce qui est exactement la même chose que sur le document dont vous voulez nous parler maintenant - et nous allons en parler - c'est exactement la même chose sauf qu'il n'y a pas de date. Vous voyez la première page?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Pouvez-vous prendre quelques instants pour le consulter et nous dire ce que vous en pensez... C'est un document... de toute évidence celui que je regarde ici , le numéro 00304, a déjà ce que l'on appelle une page deux avec un historique. Vous voyez qu'il y a des choses que l'on a enlevées. Il y a donc quelqu'un qui a regardé ce document et qui a décidé que ce paragraphe ne devait pas être montré à d'autres.
Mme Bourgon: En effet.
Le sénateur Jessiman: Nous sommes d'accord? Regardez donc ce document et dites-moi si, à votre avis, il fait partie de ceux dont nous avons parlé, soit en fait qu'il vise à ce que l'on soit prêt pour l'entrée en fonction du nouveau ministre?
Mme Bourgon: Et bien, sénateur, je peux faire une hypothèse, mais ce ne sera qu'une hypothèse.
Le sénateur Jessiman: Oui, mais c'est très important parce que je veux savoir si un membre quelconque du personnel politique a eu son mot à dire dans la rédaction de ce document ou de l'un des autres.
Mme Bourgon: Bien. Je vais faire une hypothèse.
Le sénateur Jessiman: Allez-y.
Mme Bourgon: Le document que vous venez de me demander d'examiner.
Le sénateur Jessiman: Oui?
Mme Bourgon: Je crois qu'il serait raisonnable de penser...
Le sénateur Jessiman: Oui?
Mme Bourgon: Que c'est une version antérieure qui a mené à l'élaboration du document dont je vous ai parlé. Je n'en sais rien. Je ne peux pas le confirmer ni le garantir, mais c'est une hypothèse raisonnable.
Le sénateur Jessiman: Très bien. Cette hypothèse étant faite, allons un peu plus loin. Doit-on ensuite supposer que ce document a été rédigé par M. Rowat - parce qu'il nous a dit qu'il était responsable ou partiellement responsable de la rédaction de ces documents. La question que je vous pose... Vous dites toujours "nous" et je vous demande "qui c'est, nous?". Vous me répondez "le ministère des Transports".
Mme Bourgon: Effectivement.
Le sénateur Jessiman: Je continue à chercher à savoir si c'est M. Rowat ou quelqu'un d'autre qui a rassemblé ce document ... c'est un travail qui vous est destiné, n'est-ce pas? C'est vous qui leur avez demandé de le rédiger. Qui donc s'en est chargé? Rowat et qui d'autre? Y avait-il quelqu'un d'autre, ou l'a-t-il rédigé seul?
Mme Bourgon: Il vous faudra poser la question à M. Rowat. Vous comprenez, lorsqu'un sous-ministre demande qu'un certain travail soit fait, il définit les besoins, il précise ses instructions, et il confie à tâche à quelqu'un.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: J'aurais donc confié la tâche à M. Rowat en lui disant: "pour la période de transition, assurez-vous que nous avons passé en revue toutes nos options". De son côté, il aura organisé le travail d'une manière conforme à son style, à sa manière d'opérer, en fonction des employés disponibles. Je n'ai pas dit au chef de projet: "voici exactement quels doivent être les membres de votre équipe". Ce n'est pas ainsi que j'ai procédé.
Le sénateur Jessiman: Vous étiez là toutefois.
Mme Bourgon: Effectivement.
Le sénateur Jessiman: Je vous montre quatre documents différents - en fait, il n'y en a que trois. L'un a des blancs, l'autre n'en a pas. Mais vous ne pouvez pas me dire... Vous ne vous rappelez pas l'avoir vu, mais d'après ce que vous vous rappelez en fonction de votre courrier électronique, vous avez certainement... Non, excusez-moi. C'était pour plus tard. C'était un plus grand projet. Toutefois, c'est vous qui à ce moment-là avez donné à ces gens l'instruction de commencer à rédiger ce genre de documents à l'intention du nouveau ministre?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Oui. Vous avez donc demandé que l'on rédige ce document.
Mme Bourgon: Tous les ministères ont l'obligation de se préparer pour la période de transition.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: D'ailleurs, "transition" n'implique pas un changement de gouvernement. Cela s'applique à la période qui suit l'élection et à l'entrée en fonction d'un gouvernement. Il se peut que ce soit le même gouvernement.
Le sénateur Jessiman: Oui, et le même ministre.
Mme Bourgon: Nous avons donc l'obligation de faire un travail de transition, c'est ainsi qu'on l'appelle. Cette "transition" signifie que l'on va élaborer des documents devant permettre au ministre confirmé dans son poste de savoir quels sont les enjeux, les décisions en instance et les options possibles. Donc, oui, j'ai dû demander au ministère des Transports, j'ai dû demander à chacun des sous-ministres adjoints et associés à mettre en route le travail s'appliquant à la période de transition. En conséquence, chacun d'entre eux a dû préparer des analyses et des documents devant permettre de dire au ministre, une fois nommé, "Voici quels sont les enjeux, les décisions à prendre et les options qui s'offrent".
Le sénateur Jessiman: Et vous saviez qu'il s'agissait là d'un dossier assez délicat sur lequel allait devoir se pencher le ministère et que le ministre allait devoir réexaminer tout le dossier et les accords en question, n'est-ce pas?
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Jessiman: Ce que je vous demande maintenant c'est si, à votre connaissance, lorsqu'on a rédigé ces documents - et je parle aussi bien du premier que de tous les autres - il y a des responsables politiques qui ont été impliqués dans cette rédaction?
Mme Bourgon: Non. J'en serais extrêmement surprise. Je répondrais, sans avoir vérifié, que ce serait inhabituel, et je ne crois pas que les choses se soient passées ainsi.
Le sénateur Jessiman: Très bien. Et l'on ne devrait pas envisager ou étudier ici des questions de type politique. Cela relève des politiciens, n'est-ce pas?
Mme Bourgon: En fait, lorsqu'on élabore des documents au sujet de la transition, comme je vous l'ai dit, on doit s'assurer que l'on définit bien les questions, toutes les options, et que l'on comprend le cadre dans lequel ces options vont être discutées. On n'est donc pas coupé des réalités dans le pays. On ne doit pas ignorer ce qui se passe en réalité.
Le sénateur Jessiman: Bien. Je ne sais pas si vous vous êtes tenu au courant de ces audiences - vous pourrez me le dire. Avez-vous écouté certaines d'entre elles ou avez-vous lu des transcriptions?
Mme Bourgon: J'ai effectivement écouté certaines d'entre elles et j'ai eu heureusement la possibilité de partir en vacances pendant trois semaines. Ce n'est pas votre cas. Je sais que vous avez travaillé tout l'été. Je n'aurais pas dû dire ça. J'ai donc manqué au moins trois semaines de vos délibérations.
Le sénateur Jessiman: Et d'après ce que vous nous avez dit, vous n'avez eu aucun contact avec des lobbyistes. Il y a aussi un problème de clientélisme.
D'après ce que je crois comprendre des témoignages, il n'y a personne qui soit venue nous dire: "vous savez, il y a eu beaucoup de clientélisme dans cette affaire. D'après ce que vous savez du dossier à compter de votre nomination jusqu'au 7 octobre, pensez-vous qu'il y a eu du clientélisme? Y a-t-il un problème de clientélisme?
Mme Bourgon: Je n'en ai aucune preuve si j'en juge par mes informations.
Le sénateur Jessiman: Bon, très bien. Passons maintenant à la troisième page de ce document 00304 - comme vous voyez, nous parlons maintenant de cette transaction en particulier et nous avons désormais un ministre. Nous rédigeons ce document et nous sommes des fonctionnaires. Nous nous disons: "quelles sont ses options?" Vous voyez ce qu'il y a en haut de cette page?
Mme Bourgon: De quelle page parlez-vous?
Le sénateur Jessiman: La troisième page du document 00304 - ou est-ce l'avant-dernière page? Excusez-moi, l'avant-dernière page. Non, la troisième avant la fin. J'avais raison.
Le sénateur LeBreton: Très bien. Celle qui commence par "Renégocier certains éléments"?
Le sénateur Jessiman: Non. C'est le numéro 00304.
Le sénateur LeBreton: Oui?
Le sénateur Jessiman: Et mon ... on y parle "d'options". Vous ne le voyez pas?
Le sénateur Bryden: Sénateur Jessiman, auriez-vous un document que nous n'avons pas?
Le sénateur Jessiman: Je n'en sais rien. J'ai eu bien du mal à l'obtenir, je vous l'avoue, mais...
Le sénateur LeBreton: Il vous faut maintenant apprendre à compter, sénateur. Ce n'est pas trois pages avant la fin.
Le sénateur Tkachuk: Il faut dire que nous ne les recevons pas par courrier électronique, mais dans des sacs bruns.
Le sénateur LeBreton: Ce ne sont pas en fait trois pages mais un, deux, trois, quatre, cinq, six.
Le sénateur Jessiman: Je sais compter. Je compte une page pour une page, les deux côtés n'en faisant qu'un.
Le sénateur LeBreton: Ah, pour moi chaque côté compte pour un.
Le sénateur Jessiman: D'accord. Pour moi, ça c'est une page. Est-ce que ça c'est une page et ça une autre page?
Le sénateur LeBreton: Ça c'est deux pages.
Le sénateur Jessiman: Bien. Nous sommes d'accord. Elles ne sont pas numérotées, mais en haut... vous me suivez?
Le sénateur LeBreton: Oui, nous y sommes.
Le sénateur Jessiman: Vous peut-être, mais le témoin?
Mme Bourgon: Est-ce que c'est la page qui commence par "options"?
Le sénateur Jessiman: Oui, en effet. Et la première option que vous signalez au ministre, ou que la personne qui a rédigé ce document lui indique, c'est de "Retenir les services de PDC", soit de la Pearson Development Corporation, "pour aménager les aérogares T1/T2". Vous voyez ça? C'est l'une des options, n'est-ce pas?
Mme Bourgon: Hm-hmn.
Le sénateur Jessiman: Cela paraît raisonnable. Les responsables entrent en fonction et voici l'une des choses qu'ils pourraient faire. On nous dit qu'il y a des avantages:
Aucun problème juridique, aucune indemnisation, la construction se fait comme prévu.
Les inconvénients, maintenant... et c'est la partie qui m'inquiète. Pourquoi quelqu'un, un fonctionnaire... et si c'était M. Rowat, en ce qui le concerne et d'après ce qu'il nous a dit, il s'est montré d'accord avec M. Broadbent, qui s'est exprimé en ces termes: "Cet accord est tout à fait limpide". Donc, pourquoi quelqu'un comme M. Rowat, ou comme celui qui a rédigé ce document, nous dit: "Voici quels sont les inconvénients si l'on procède comme prévu sans revenir au statu quo:
L'impression que l'accord "est mauvais", sans écarter le clientélisme, continuera à poser des problèmes dans l'opinion publique.
Pourquoi un fonctionnaire - bien sûr, ce n'est pas vous; vous n'avez pas vu ce document, mais n'est-ce pas inhabituel?
Le sénateur LeBreton: On parle ici d'impression et non pas de réalité.
Mme Bourgon: Je vous remercie de nous dire qu'il m'est difficile de commenter un document que je n'ai pas vu.
Le sénateur Jessiman: C'est tout à fait vrai.
Mme Bourgon: C'est donc très complexe. Mais laissons de côté le commentaire sur le document...
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: ... pour passer à la question que vous soulevez, qui porte de manière plus générale sur la conduite qu'il convient d'adopter.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: Est-ce que c'est juste de s'exprimer ainsi?
Le sénateur Jessiman: Parfaitement.
Mme Bourgon: Et vous nous dites que les fonctionnaires devraient s'en tenir aux faits.
Le sénateur Jessiman: En fait, il me paraît... vous nous dites que ce n'est pas le cas à votre avis. J'ai l'impression que peut-être, je dis bien peut-être, il y a d'autres influences qui s'exercent ici - mais c'est mon impression. Je ne peux pas croire que de manière indépendante...
Mme Bourgon: Sénateur, ce serait...
Le sénateur Jessiman: ...un fonctionnaire qui est censé être neutre, qui a déclaré que l'accord était limpide, puisse écrire ce genre de chose à son ministre.
Mme Bourgon: J'aimerais faire deux observations qui pourraient vous être utiles.
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: Tout d'abord, je n'aimerais pas que vous pensiez que des documents de transition aient pu être rédigés au ministère des Transports en collaboration avec des responsables politiques. Je suis fermement convaincue que ce n'était pas le cas.
Le sénateur Jessiman: Très bien.
Mme Bourgon: J'aimerais donc que vous preniez le temps de contacter quelqu'un au ministère des Transports qui puisse vous confirmer, plutôt que de me demander de faire des spéculations, que les choses se sont bien passées ainsi afin que vous ayez l'esprit tranquille.
M. Nelligan: Sénateur, ma question pourrait vous aider. Je me demande, madame Bourgon, si vous avez examiné la page 1 du document. Elle se trouve de l'autre côté de la page de couverture. On y évoque la question et il semble que l'on ait inscrit un nom à l'encre. Pouvez-vous déchiffrer cette écriture et nous aider éventuellement à identifier l'auteur du document?
Mme Bourgon: Je n'arrive pas à lire ce nom.
M. Nelligan: Il ne vous est pas familier, quoi qu'il en soit? C'est tout ce que je voulais savoir.
Mme Bourgon: Pour moi, c'est juste un gribouillage.
Le sénateur Jessiman: Je crois qu'il y en avait un précédemment qui était en grande partie écrit à l'encre, mais je n'arrive pas à le trouver. Quoi qu'il en soit, je crois que j'ai fait passer mon message.
Ce document en fait ne comporte pas de date, mais je suis parti de la même hypothèse que vous, à savoir qu'il est antérieur au document suivant, numéro 1235, qui est une note de service - et vous le voyez sur ce document - envoyée à Brad Wilson. C'est une note de service envoyée par William Rowat à Brad Wilson. À titre de confirmation, Brad Wilson n'était-il pas l'administrateur ou l'agent de M. Nixon? Êtes-vous au courant?
Mme Bourgon: Je crois savoir que oui.
Le sénateur Jessiman: Oui. On nous dit dans ce document... il s'agit de revoir la situation des aérogares 1 et 2: "Vous trouverez ci-joint tel que demandé pour les besoins du réexamen de M. Nixon". Le document porte la date du 29 octobre et voici ce qu'on nous dit:
Vous trouverez ci-joint tel que demandé pour les besoins du réexamen de M. Nixon un compte rendu sur "la privatisation des aérogares 1 et 2". Veuillez vous assurer que M. Nixon a signé l'accord de confidentialité avant de lui remettre ce document. Merci.
C'est signé par M. Rowat. Je constate que mon document porte la mention "secret". Toutefois, le document qui nous a été remis et qui était joint à cette lettre et qui comportait plusieurs - deux ou trois pages au moins - comporte des blancs. Je pensais avoir compris que lorsqu'on signait un accord de confidentialité, on pouvait tout voir, qu'en pensez-vous? C'est peut-être une question de droit à laquelle vous ne pouvez pas répondre.
Mme Bourgon: Vous parlez de celui qui a signé l'accord de confidentialité?
Le sénateur Jessiman: M. Nixon. On nous dit ici, comme vous pouvez le voir "Vous trouverez ci-joint tel que demandé pour les besoins du réexamen de M. Nixon...
Mme Bourgon: Non.
Le sénateur Jessiman: Non? Pourquoi?
Mme Bourgon: Je ne pense pas que l'on puisse tout voir à partir du moment où l'on a signé un accord de confidentialité.
Le sénateur Jessiman: Je comprends, on peut toujours laisser des blancs...
Mme Bourgon: Cela signifie que l'on est lié par un accord de confidentialité au sujet de tout ce qui est communiqué. Ce n'est pas parce qu'on a signé un accord de confidentialité que l'on a automatiquement accès à tout ce qui appartient au gouvernement du Canada.
Le sénateur Jessiman: Très bien.
Le sénateur LeBreton: À titre de précision, est-ce qu'un document comme celui-là, qui aurait remis à M. Nixon, comporterait des blancs?
Mme Bourgon: Non. Bon, laissez-moi en revenir un instant à la question posée par le sénateur LeBreton. Nous venons d'évoquer deux points, n'est-ce pas?
Le sénateur Jessiman: Oui.
Mme Bourgon: Vous êtes un mandataire - ce n'est pas le cas, mais supposons pour les besoins de la démonstration que vous soyez un mandataire dont les services ont été retenus par l'État.
Le sénateur LeBreton: Ce qui était le cas de M. Nixon.
Mme Bourgon: Ce qui était le cas de M. Nixon. En retenant vos services, je sais que je peux avoir besoin de vous donner accès à certains documents. Ce n'est pas parce que je vous demande de signer un accord de confidentialité que je renonce à mon pouvoir discrétionnaire de décider de ce dont vous avez besoin pour exercer le mandat qui vous a été confié et, par conséquent, qui a été confié à l'État. Dans un tel cas, celui qui retient vos services doit décider de ce qui est indispensable à l'exécution de votre mandat. Donc, la réponse à votre première question: Est-ce que la signature d'un accord de confidentialité vous donne accès à tout? C'est "non". Mais une fois...
Le sénateur LeBreton: Que l'on a décidé de vous donner un document.
Mme Bourgon: Effectivement. Une fois que l'on a décidé que pour exercer votre mandat vous avez besoin d'avoir accès aux documents X ou Y et que je vous les ai remis, vous êtes tenu par la signature de l'accord de confidentialité de vous comporter d'une certaine manière et, dans ce cas, je vais vous fournir une information ne comportant aucun blanc. Nous sommes d'accord?
Le sénateur LeBreton: D'accord.
Le sénateur Jessiman: Le document que vous avez ici porte le numéro 1235.
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: C'est une lettre, ou une note de service, tout au moins?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et l'on y a joint quelque chose, on nous dit que l'on y a joint un document à l'intention de M. Nixon à condition d'obtenir sa signature. Toutefois, vous nous indiquez que les documents qu'il a eus ne comportaient pas de blancs. C'est bien ça?
Mme Bourgon: Je le suppose.
Le sénateur Jessiman: Toutefois, celui-ci comporte des blancs et c'est ce qui était joint. C'est pourquoi je vous pose la question.
Mme Bourgon: Il faudra vous renseigner auprès de ceux qui ont fourni le document pour vous en assurer. Je suppose que M. Nixon a reçu ce document avec une note d'accompagnement indiquant: "Veuillez signer l'accord de confidentialité" et, une fois qu'il a eu signé, on lui a remis ce document sans aucun blanc. C'est mon interprétation. Il vous faudrait toutefois vérifier auprès de ceux qui ont remis le document pour en être plus sûr.
Le sénateur Jessiman: Il nous faudra poser la question à M. Nixon.
Toutefois, le document et son annexe qui nous ont été fournis ne sont pas exactement tel que vous, du moins, les entendez? On nous a remis cette note de service à laquelle est joint un document daté du 29 octobre, comportant la mention "secret" ainsi que des blancs.
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Jessiman: Et vous nous dites qu'un document quel qu'il soit - vous ne dites pas qu'on ne nous a pas remis le bon document, mais dans votre esprit, le document qu'a reçu M. Nixon, quel qu'il soit, ne comportait pas de blancs.
Mme Bourgon: J'imagine qu'il a dû en être ainsi.
Le sénateur Jessiman: Pourquoi l'imaginez-vous ainsi?
Mme Bourgon: Pour les raisons que j'ai indiquées.
Le sénateur Jessiman: Bien, allez-y.
Mme Bourgon: M. Nixon a été engagé pour s'acquitter d'un mandat. On a exercé un jugement pour savoir quels étaient les outils et les instruments qui lui étaient indispensables pour exécuter ce mandat. Au ministère des Transports, on a demandé au sous-ministre adjoint de fournir à M. Nixon toute l'aide et l'assistance nécessaires pour qu'il puisse exercer son mandat - tout ce dont il avait besoin. Pour en être plus sûr, je vous le répète, il vous faudrait peut-être aller vérifier auprès de ceux qui ont effectivement remis ce document, mais je crois que c'est une hypothèse raisonnable.
La question que vous posez alors est différente. C'est la suivante: pourquoi fournit-on à votre comité une copie qui comporte certains blancs? Cela nous ramène au problème suivant: la nécessité de protéger la confidentialité des décisions du Cabinet, la confidentialité des avis ministériels. Vous me comprenez? C'est probablement la raison de ces blancs. Je ne me souviens plus exactement si c'était 21 ou 69, mais il est probable que c'était la raison.
Le sénateur Jessiman: Vous pensez donc que dans les circonstances M. Nixon était fondé à en voir davantage que notre comité. C'est ce que vous pensez? Son travail avait-il tellement plus d'importance que l'on en vienne à déterminer qu'il devait prendre connaissance de tout? Voilà deux ans maintenant qu'il y a une grosse polémique sur ce point - l'autre a duré pendant six semaines ou quelque chose comme ça. Il prend ses fonctions et vous considérez - vous avez le droit à votre opinion, mais elle me paraît bizarre - vous nous dites qu'à votre avis M. Nixon était fondé à prendre connaissance de tout cela et, à votre avis - et je pense que vous avez raison - il a obtenu des documents complets qui ne comportaient aucun blanc.
Mme Bourgon: Laissez-moi faire le raisonnement suivant: quels sont les principes en jeu ici, et passer ensuite au cas précis que vous évoquer.
Le sénateur Jessiman: Très bien.
Mme Bourgon: Bon. Commençons par la confidentialité des décisions du Cabinet. Qu'est-ce que cela signifie? La confidentialité des décisions du Cabinet est un principe que tous les gouvernements ont cherché à protéger et qui veut que les ministres doivent être libres de se réunir, de débattre librement des questions, de se faire leur propre opinion, de l'exprimer clairement, de changer d'avis au cours du débat, d'en arriver à une décision et d'être solidairement liés par une décision collective. Pour que ce soit possible, tous les gouvernements, depuis les années 1940, sont partis du principe qu'il y avait une confidentialité des décisions du Cabinet que l'on devait protéger, que ce principe était lié à la notion de gouvernement responsable, et cetera. C'est pourquoi, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et dans le cadre de toutes sortes d'autres procédures, on reconnaît la nécessité de préserver ce principe. Cela s'applique à tous les documents, quelle que soit leur nature. Il y a des spécialistes au gouvernement qui appliquent couramment cette législation, qui décident à partir de quel moment la confidentialité des décisions du Cabinet entre en jeu, ce qu'il convient d'exclure et ce qu'il faut inclure. Cela fait partie, je crois, de la procédure par laquelle ces documents vous sont parvenus. Sous la direction du ministère de la Justice, il y a un comité d'experts qui revoit probablement tout ce qui vous est remis et qui s'interroge pour savoir... c'est une question de jugement: la confidentialité des décisions du Cabinet entre-t-elle en jeu ou non? Ce que vous recevez est le résultat de son jugement.
C'est l'un des enjeux. Et il y a ici quelque chose qui mérite d'être préservé. Le secret des décisions du Cabinet revêt une très grande importance pour notre système de gouvernement. C'est une autre question. Je sais qu'elle vous intéresse, mais je ne peux qu'en revenir à la question de principe.
Le sénateur Jessiman: Puis-je poursuivre?
Mme Bourgon: Il arrive à l'occasion que le pouvoir exécutif et non le pouvoir législatif souhaite recruter des mandataires pour faire un certain travail. C'est alors qu'ils sont liés par des accords de confidentialité.
Le sénateur Jessiman: Le président a une question supplémentaire qu'il aimerait vous poser.
Le président: Je sais que vous n'étiez pas greffière du Conseil privé à l'époque et j'ai lu toutes les conventions sur ces choses depuis l'époque de MacKenzie King. Dites-moi: qu'est-il advenu éventuellement de ce principe général transmis de premier ministre en premier ministre qui veut que l'on ne fournisse aucun renseignement à quiconque n'était pas membre du ministère précédent à l'exception du personnel ou des responsables du Conseil privé.
Voilà que nous avons désormais les accords de confidentialité. Au moment de l'affaire de la GRC, de la commission de l'honorable David McDonald, il y a eu une décision du Cabinet de divulguer des documents, un événement très important. j'aimerais cependant vous ramener à vos fonctions actuelles de greffière du Conseil privé. Ne vous paraît-il pas étrange que des gens arrivent à obtenir des documents en signant un accord de confidentialité? Je me demande par là si nous n'avons pas relâché les règles qui se sont transmises de premier ministre en premier ministre au fil des années depuis 1935.
Mme Bourgon: Et bien, c'est avec plaisir que je vérifierai la convention et que je discuterai de cette question.
Le président: Oui, j'en serais heureux.
Mme Bourgon: Comme je vous l'ai dit, sans savoir qu'une partie de nos échanges allait porter sur la convention, je me suis davantage préparée en tant qu'ancienne sous-ministre des Transports - je voulais l'indiquer bien clairement. Toutefois, je serais heureuse d'en discuter avec vous.
Le président: Et bien, je vous informe qu'il faudra éventuellement nous revoir parce que j'aimerais savoir, étant donné que vous avez pris vos fonctions en tant que greffière du Conseil privé et puisque vous saviez que l'ordre de renvoi portant création de ce comité a été prononcé le 4 mai de cette année, en tant que grand chef, il vous a fallu décider comment les choses allaient se passer. Les nominations aux postes de responsables, les instructions à donner, la divulgation des différents documents, tout est de votre fait. Vous étiez en fin de compte la personne responsable. Je me contente de soulever la question. Je me demande si vous allez revenir ou non.
Mme Bourgon: C'est toujours avez plaisir que je viendrai discuter des questions de convention avec vous.
Le président: Très bien. Je me demande s'il serait possible, étant donné que nous avons une plage libre mardi prochain en matinée, que vous reveniez nous voir si ça vous convient.
Le sénateur Kirby: Mardi à 15 heures.
Le président: Non, mardi matin. Mardi après-midi.
Le sénateur Kirby: Je disais simplement que c'est notre horaire normal le mardi.
Mme Bourgon: Je vais vérifier, et je vous en reparlerai. Je ne peux pas vous le confirmer dès maintenant.
Le sénateur LeBreton: Vous voulez dire qu'elle revienne en tant que greffière du Conseil privé, monsieur le président?
Le président: Oui, en tant que greffière du Conseil privé.
Le sénateur LeBreton: C'était simplement pour préciser.
Le sénateur Jessiman: Bon, il y a peut-être d'autres questions, je ne sais pas. Voyons ce que nous pouvons faire aujourd'hui.
Le président: C'est parce que nous mélangeons deux choses. Madame Bourgon répond aujourd'hui en qualité de sous-ministre des Transports, mais je dis qu'il y a d'autres choses qui doivent être prises en considération.
Le sénateur Stewart: Ce qui me met mal à l'aise, monsieur le président, vous anticipez sur les événements, mais je suis mal à l'aise, c'est le problème que j'ai évoqué au Sénat avant la création du comité et c'est le fait que des règles différentes vont s'appliquer aux différents témoins. J'ai indiqué à l'époque qu'il vous incombait, étant celui qui a proposé cette enquête, de préciser les règles de base avant que l'on commence. Aujourd'hui, alors que le comité a fait 70 p. 100 de son travail, voilà que vous nous demandez quelles sont les règles de base.
Le président: Non, pas du tout. Je ne veux pas...
Le sénateur Stewart: Disons indirectement.
Le président: ... je ne veux pas retarder la procédure.
Le sénateur Stewart: Je le sais bien.
Le président: M. Thompson, l'adjoint principal au sous-ministre de la Justice, va comparaître devant nous. C'est la personne que vous avez nommée.
Mme Bourgon: Le ministère des Transports offre au comité tout son appui. Il s'est donc organisé pour recevoir les documents, les passer en revue, les classer, les analyser. Nous avons un comité d'experts qui revoit tous les documents que nous vous remettons dans le cadre de cet accord de service.
Le président: Oui, mais pour répondre à la question posée par le sénateur Stewart, nous partons du principe que l'information va être fournie et non pas être bloquée et il y a des documents et des témoignages du sous-ministre de la Justice qui nous mènent dans cette voie. Votre aide nous serait extrêmement utile lorsque nous essayons de répondre aux questions qui préoccupent aussi bien le sénateur Stewart que moi-même.
Le sénateur Stewart: Non, pas du tout. Ne faites pas croire que je pars de ce principe. C'est vous qui partez de ce principe, monsieur le président. Je vous ai averti il y a des mois.
Le sénateur Bryden: En toute justice, monsieur le président, si vous devez demander au témoin de revenir, on peut penser qu'il nous faut lui donner une idée de ce que l'on attend d'elle...
Le président: Bien sûr, c'est ce que nous ferons. Toutefois, nous n'allons examiner que certaines choses. Avez-vous des objections?
Le sénateur Kirby: Simplement sur la question des horaires, monsieur le président. Jeudi prochain, nous allons traiter de toute cette question du rôle qu'ont joué les documents qui sont parvenus à notre comité et il me semble que ce serait alors le bon moment pour le faire plutôt que mardi, c'est tout.
Le président: C'est une question qui dépasse la fourniture des documents. Quoi qu'il en soit, qui est en train de poser des questions?
Le sénateur Jessiman: Mais vous venez de nous dire, en réponse à la question posée par le président, que c'est le ministère des Transports qui nous fournit ces documents. C'est bien ça?
Mme Bourgon: L'appui apporté à votre comité est dispensé sous la responsabilité du ministère de la Justice. Ce dernier reçoit effectivement les documents fournis par le ministère des Transports, mais aussi ceux d'autres organismes.
Le sénateur Jessiman: Mais ce que nous avons reçu ici - et je ne veux pas en faire toute une histoire - c'est une note de service. Joint à cette note de service, en date du 29 octobre, il y a un document dont on peut penser, à partir de la note de service, qu'il a été remis à M. Nixon. Ce document comporte des blancs. Vous nous dites qu'il n'en avait pas. On nous fournit par ailleurs, sans note de service qui l'accompagne, ce même document sans blanc, et c'est celui qui porte le numéro 1236. C'est donc le même document. Ensuite, nous avons un autre document, qui porte le numéro 803279...
Le sénateur LeBreton: 278.
Le sénateur Jessiman: ...et qui est daté du 4 novembre 1993. Lui non plus n'est pas accompagné par cette note de service. Savez-vous exactement - M. Nixon pourra nous le dire, mais savez-vous exactement - quels sont les documents qu'a reçus M. Nixon, et s'il les a tous reçus?
Mme Bourgon: Je ne peux pas répondre à cette question.
Le sénateur Jessiman: Vous ne savez pas s'il en a reçu un, deux ou trois?
Le sénateur LeBreton: Ou quatre.
Mme Bourgon: Je sais ceci.
Le sénateur Jessiman: Allez-y.
Mme Bourgon: Le document du 4 novembre - il me faudrait être prudente et voir ce qu'il contient. Je crois que le document du 4 novembre a été divulgué par M. Young à la Chambre des communes et que c'est à cette date, ou vers cette date, que je l'ai passé en revue.
Le sénateur Jessiman: Quel document encore?
Mme Bourgon: Celui du 4 novembre, oui.
Le sénateur Jessiman: Bien.
Mme Bourgon: Je crois que la question a été posée au ministre à la chambre et que celui-ci a confirmé à la chambre qu'il allait divulguer le document, ce qui en passant est inhabituel. Les documents de transition ne sont pas divulgués en règle générale.
Le sénateur LeBreton: À quelle date le ministre des Transports a-t-il divulgué ce document, madame Bourgon?
Mme Bourgon: Je ne sais pas. Je pourrais vérifier.
Le sénateur LeBreton: Il faut que ce soit après la rentrée parlementaire. Étiez-vous encore sous-ministre ou est-ce que c'est à ce moment-là que vous avez pris vos fonctions de greffière au Conseil privé, étant donné que le Parlement n'a pas repris ses travaux avant février ou mars.
Le sénateur Kirby: Elle n'est devenue greffière qu'en mai.
Le sénateur LeBreton: Elle a été nommée greffière à la fin mars.
Mme Bourgon: En mars.
Le sénateur Kirby: En mars?
Le sénateur LeBreton: Non, c'est en mars 1984.
Le sénateur Kirby: Très bien. Je croyais que c'était en mai.
Le sénateur LeBreton: Donc, la date à laquelle le ministre a rendu ce document public à la Chambre des communes n'a rien à voir en fait avec cette discussion puisque c'était évidemment après la rentrée parlementaire et que l'on peut même se demander si vous étiez encore sous-ministre à l'époque. Vous étiez déjà probablement greffière. Il nous faut donc simplement avoir la date.
Le sénateur Jessiman: Oui. Vous remarquerez qu'à la page 25 de ce dernier document, celui qui est daté du 4 novembre, les options sont très différentes de celles qui figurent dans le premier document qui, selon ce que vous supposez, et je le suppose aussi, est le premier dans lequel on s'efforce de préparer l'avenir. La deuxième fois, tout ce qu'on nous dit, on ne nous dit pas: "Statu quo. Maintenir l'accord". On n'évoque pas toutes les autres options consistant à exproprier, à légiférer, et cetera. Tout ce qu'on nous dit ici c'est "Annuler l'accord ou renégocier ou restructurer l'accord." Il n'y a que deux choix possibles. Pourquoi un fonctionnaire, s'il n'y avait pas d'ingérence politique, s'écarterait de la version que vous connaissez en ne disant plus qu'il s'agit d'un bon accord, qu'il n'y a pas eu de clientélisme, que l'accord est limpide. On a fait tout ce qui était censé avoir été fait. Pourquoi à votre avis a-t-on écarté le statu quo?
Mme Bourgon: J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous être très utile.
Le sénateur Jessiman: Vous n'en savez rien.
Mme Bourgon: Laissez-moi vous répéter qu'il serait plus sûr, préférable et plus satisfaisant pour vous de vous adresser à l'auteur ou à la personne qui a divulgué ce document. Vous obtiendriez davantage de précisions.
Le sénateur Jessiman: Mais vous êtes la patronne, n'est-ce pas?
Mme Bourgon: Oui, et l'on doit toujours prendre toute la responsabilité. Cela ne veut pas dire que l'on sache tout. Je peux toutefois me renseigner pour savoir qui a rédigé ce document, quand il a été rédigé et m'assurer que cette information est communiquée au comité.
Le sénateur Jessiman: Il s'agit toutefois d'une transaction très importante. C'est une transaction portant sur des centaines de millions de dollars, presqu'un milliard de dollars, et nous parlons ici d'une note de service rédigée quelques jours avant, parce qu'il s'agit bien de jours. Nous parlons de quelques jours avant que le nouveau gouvernement ne soit assermenté. Un jour on nous parle de "statu quo" et on nous donne tous les avantages correspondants, et voilà que quelques jours plus tard on ne mentionne même plus le statu quo.
Donc, si c'est ce document qui a été remis à M. Nixon, il n'a même pas envisagé à quel point cet accord était bon parce que vous lui avez dit soit de le renégocier, ce qui laisse entendre qu'il y a quelque chose qui ne va pas - il faut obtenir de meilleures conditions - soit de l'annuler.
Mme Bourgon: Laissez-moi faire une observation au sujet de votre question. Puisque je ne peux pas y répondre de manière satisfaisante, laissez-moi la commenter.
Le statu quo est toujours une option. C'est donc un choix que l'on fait lorsqu'on décrit plus ou moins une option qui correspond à la réalité. Vous trouverez dans différents documents une longue description de différentes options sans que le statu quo soit exposé en détail. Il n'y a donc pas de quoi être trop surpris si dans un document donné on constate que l'on a investi davantage d'énergie à décrire différentes options. Cela ne veut pas dire que cette option n'existe pas. Je veux simplement faire cette observation. Je vous le répète, je n'étais pas... je ne suis pas d'une grande aide.
Le sénateur Jessiman: Je crois que je me suis fait comprendre. Merci, madame Bourgon, j'ai bien apprécié cet échange.
Le président: Madame Bourgon, lorsque vous êtes allée faire une retraite avec les sous-ministres et lorsque vous avez parlé à M. Tait, qui vous a conseillé en vous disant qu'il n'y avait absolument aucun problème de droit, qu'il s'agissait d'une question de principe, était-il absolument clair dans votre esprit ou dans celui de M. Tait qu'à ce moment-là il y avait un document juridique, un accord?
Mme Bourgon: En fait, qu'est-ce que vous entendez par accord?
Le président: Je veux parler d'un accord que l'on peut faire appliquer en droit.
Mme Bourgon: Ce n'était pas mon opinion.
Le président: C'est pourquoi vous avez indiqué que ce que vous alliez dire allait nous déplaire.
Mme Bourgon: Non. Souvenez-vous que je vous ai expliqué qu'à mon avis le degré de responsabilité de l'État augmentait à chaque étape, disons à mesure que l'on avançait dans la procédure, et que tant que tout n'est pas terminé tout est encore possible. La signature s'est faite le 7 octobre et, par conséquent, il s'agissait là absolument d'une décision clé.
L'entretien avec M. Tait n'a pas porté sur l'existence ou non d'un accord. J'ai discuté brièvement avec M. Tait tout simplement pour confirmer ma conviction, à savoir que les gouvernements, même en période électorale, conservent tous leurs pouvoirs, toutes leurs compétences et toute la capacité de légiférer dont ils disposent en temps normal. Par conséquent, la question qui consistait à obtenir des directives n'était pas une question de droit; c'était une question de jugement de la part des responsables élus concernant la conduite à tenir par leur gouvernement en période électorale. C'est la seule discussion qui a été menée à ce moment-là sur le plan juridique.
Le président: Je sais que les bons administrateurs connaissent la différence entre la partisanerie politique et la sensibilité politique. M. Rowat a déclaré dans son témoignage que la principale critique de cette transaction, l'aménagement de l'aéroport Pearson, a eu lieu après le 7 octobre et que vous vous êtes dit après vous être réunis avec M. Rowat: "C'est une chose qui nous dépasse tous les deux. Transmettons-la à l'échelon supérieur, à M. Shortliffe. Demandons-lui d'appeler Kim Campbell pour qu'elle lui donne le pouvoir de divulguer les documents," mais les documents avaient déjà été signés.
Mme Bourgon: Certains documents avaient été signés.
Le sénateur Jessiman: Tous sauf...
Mme Bourgon: Cela nous ramène à... je sais que ça fait partie des difficultés que vous rencontrez, et c'est là qu'il vous faut obtenir l'aide de conseillers juridiques, et je me ferai pas ma propre avocate. Une partie de la difficulté vient du fait que tout le monde emploie des expressions du genre: qu'est-ce qu'une entente? Qu'est-ce qu'un accord? Qu'est-ce qu'un accord juridique? Qu'est-ce qu'un accord reconnu en droit? Pourtant, nous employons tous le même terme - nous parlons d'un accord.
Je ne peux que vous répéter quelle a été ma règle de conduite lorsque j'étais sous-ministre des Transports. Ma règle de conduite a consisté à partir du principe que rien n'est fini tant que tout n'est pas fini; qu'il y avait une lettre d'intention datée du 18 juin qui entraînait un certain degré de responsabilité mais qui ne mettait pas fin à la procédure.
Nous avons travaillé avec acharnement pour en arriver au 30 août, au point où le ministre a pu faire une déclaration ministérielle en disant: "Nous sommes désormais parvenus à un accord général et j'ai l'intention de passer maintenant à un accord juridique." Pourquoi aurait-il dit cela si nous avions tous pensé que tout était déjà fait?
À compter du mois d'août il y a eu toutes sortes de négociations très serrées jusqu'à la fin octobre. Nous étions encore en train de négocier 24 heures avant que je demande au ministre de signer certains documents, certains des 111 documents qui devaient former un tout.
Nous avons donc demandé l'avis du ministre avant qu'il signe, puis ensuite l'avis du gouvernement, pour nous assurer de leur accord, et nous sommes passés à la signature définitive.
Le président: Monsieur Nelligan voudrait vous poser une question.
M. Nelligan: Je tiens simplement à préciser la situation juridique. Tout d'abord, le ministre a annoncé en août qu'on en était arrivé à un accord, mais c'est consigné dans le dossier et nous n'avons pas à nous en inquiéter.
Je suis intrigué par votre suggestion selon laquelle la responsabilité augmentait d'une étape à l'autre, qu'en juin il y avait une certaine responsabilité et qu'en août il y en avait davantage. Toutefois, vous nous dites que la décision prise en octobre était une question de politique.
Donc, lorsque je considère la déclaration de M. Rowat et tout ce qui a été fait pour préparer M. Nixon qui, en prévision d'une décision politique, a analysé les différents résultats et envisagé à l'avance quels étaient les dommages et les risques possibles. Il m'apparaît donc qu'à partir du moment où vous avez demandé des directives politiques à votre ministre ou à la première ministre, vous alliez informer cet agent des risques potentiels et, à partir du moment où vous nous avez dit que leurs responsabilités s'accroissaient, avez-vous cherché à un moment donné à informer le ministre ou la première ministre de leurs responsabilités potentielles au cas où ils ne prendraient pas les décisions qui s'ensuivent; et avez-vous pris des conseils juridiques sur la question pour informer en conséquence le ministre ou la première ministre?
Mme Bourgon: Je dois vous dire bien franchement que je ne pense pas que nous ayons cherché à obtenir officiellement des conseils juridiques.
M. Nelligan: Avez-vous obtenu des conseils juridiques informels?
Mme Bourgon: L'équipe était impliquée dans les discussions, ce qui fait qu'il y a des échanges de vues, des échanges d'observations.
Laissez-moi revenir une fois de plus en arrière. Il était nécessaire qu'une discussion ait lieu, et dans mon esprit c'était tout à fait indiqué, entre le ministre et le sous-ministre avant que l'on envoie au sous-ministre... au ministre tous les documents qui étaient prêts le 3 et le 4. C'était une étape importante de la procédure. Nous avions travaillé pendant des années pour en arriver à ce point.
Le tout était de s'assurer que le ministre jugeait bon de poursuivre dans cette voie à ce moment-là. Nous avons obtenu ces directives. Nous avons obtenu son autorisation. Il a signé le document. Il a fait aussi autre chose - il a signé un document déléguant son pouvoir de signature à M. Rowat pour que nous puissions faire le reste.
Souvenez-vous alors que j'ai mentionné les événements qui se sont produits le 5 et le 6 et que la sous-ministre des Transports s'est dit alors qu'il convenait peut-être de demander des directives, non pas seulement au niveau ministériel, mais au niveau du premier ministre. C'est pourquoi j'ai demandé l'avis du greffier du Conseil privé, qui est le juge en cette matière.
On a considéré qu'il était tout à fait approprié de demander l'avis de la première ministre. Il ne s'agissait pas de demander à ces responsables de signer des documents ou autre chose de ce genre, mais de confirmer l'intention du gouvernement pour ce qui est de se comporter d'une certaine manière pendant la période électorale. Il faut faire preuve de jugement. Il faut exercer un pouvoir discrétionnaire, ce qui a été fait comme il se doit.
M. Nelligan: J'en conviens.
Lorsque vous demandez à votre ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire, j'imagine que vous lui dites quelles sont les différentes possibilités et quels sont les risques. J'aimerais savoir si vous avez consulté quelqu'un afin de déterminer si le ministre ou la première ministre couraient des risques au cas où ils ne signeraient pas et si vous avez discuté avec un membre du personnel juridique de votre ministère pour savoir s'il y avait des risques à ne pas suivre le plan original et, dans l'affirmative, avec quelle personne vous en avez discuté?
Mme Bourgon: Là encore, j'ai bien peur de devoir faire marche arrière. Je ne veux pas rapporter des discussions privées entre les ministres et les SM.
M. Nelligan: Il s'agit de vos discussions avec les avocats.
Mme Bourgon: Très bien. N'oubliez pas que le ministre s'occupait de ce dossier depuis de nombreuses années. Il en connaissait parfaitement toutes les implications. Pour ce qui est de mes discussions avec les conseillers juridiques...
M. Nelligan: Oui?
Mme Bourgon: ...à l'époque où j'ai eu cette discussion avec le ministre, je ne crois pas que la question se posait vraiment et je ne pense pas avoir sollicité des conseils officiels.
M. Nelligan: Y a-t-il eu des discussions avec les avocats au cours de cette période?
Mme Bourgon: Auxquelles j'ai participé?
M. Nelligan: Oui.
Mme Bourgon: J'ai parlé de mon entretien avec M. Tait. En dehors de cela, pas à ma connaissance.
M. Nelligan: Avez-vous discuté avec M. Tait de cette question de l'accroissement des responsabilités à mesure que l'on passait d'une étape à l'autre?
Mme Bourgon: Non. J'ai discuté de la question de la convention et de la conduite du gouvernement en période électorale. C'est la question que j'ai évoquée avec M. Tait.
M. Nelligan: Donc, dans un certain sens, toute cette question de savoir s'il y avait une responsabilité en droit de la part du gouvernement à cette époque n'a pas été considérée par vous au cours de cette période?
Mme Bourgon: Je vous ai exposé qu'elle était ma règle de conduite à ce moment-là. Je n'ai pas réexaminé la question si ce n'est pour confirmer cette règle de conduite.
M. Nelligan: Donc, d'après votre réponse, vous n'avez pas envisagé la question du point de vue du droit; vous avez uniquement discuté de l'aspect politique?
Mme Bourgon: C'est exact, la politique, la question politique de fond, les règles d'autorisation en bonne et due forme et la nécessité d'obtenir des directives. C'était là les éléments essentiels.
M. Nelligan: Aucun des avocats de votre personnel ne peut donc nous aider sur ce point.
Mme Bourgon: À moins qu'ils aient travaillé de leur côté, mais ils n'étaient pas impliqués dans ce débat.
M. Nelligan: Très bien, je vous remercie.
Le sénateur Tkachuk: Pour terminer, vous avez donc considéré cela - et j'aurais ensuite une ou deux questions à vous poser sur cette période de transition. Vous avez donc considéré que l'affaire était si importante qu'il fallait aller jusqu'au bureau de la première ministre sur une question de politique?
Mme Bourgon: M'hmm.
Le sénateur Tkachuk: Et parler de la convention?
Mme Bourgon: M'hmm.
Le sénateur Tkachuk: Pourtant, vous n'avez pas pris conseil autour de vous pour avertir M. Shortliffe des répercussions selon que l'on signait ou pas? Vous n'en saviez rien?
Mme Bourgon: Vous savez, ce qu'il faut voir...
Le sénateur Tkachuk: Non, je vous pose la question.
Mme Bourgon: Je comprends.
Le sénateur Tkachuk: Avez-vous demandé conseil et est-ce que l'on vous a conseillée et avez-vous ensuite fait part de ces conseils au bureau de la première ministre ou est-ce que vous lui avez tout simplement fait parvenir les contrats en lui disant: "Voilà, débrouillez-vous"?
Mme Bourgon: Non. Ils n'avaient pas à s'occuper du contrat et ils n'avaient pas à l'analyser. Vous comprenez, ce que l'on cherchait à connaître...
Le sénateur Tkachuk: Dites-moi exactement ce que l'on cherchait à connaître.
Mme Bourgon: Ce que l'on cherchait à connaître c'était l'intention - une indication de l'intention du gouvernement quant au principe qui guidait son action étant donné la prudence que l'on doit exercer en période électorale. Vous savez, ce n'est pas une règle...
Le sénateur Tkachuk: La première ministre n'avait aucun contrat à signer.
Mme Bourgon: Non.
Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qu'il lui fallait faire?
Mme Bourgon: Il lui fallait préciser quelle était l'intention du chef du gouvernement quant au comportement que ce gouvernement devait adopter pendant cette période. C'est ce qui était...
Le sénateur Tkachuk: Si elle avait donc répondu "non", on n'aurait alors pas tenu compte de la volonté du Conseil du Trésor et de tous les ministres.
Mme Bourgon: Si la première ministre avait déclaré: "Mon gouvernement souhaite surseoir aux accords de ce type pendant les trois semaines à venir," nous aurions alors réuni tout le monde et mis en oeuvre toutes les options possibles pour que cette volonté se traduise dans les faits.
Le sénateur Tkachuk: Très bien. Puisque rien n'est terminé tant que tout n'est pas terminé, comme vous nous le dites, revenons au 25 octobre. L'élection se tient le 25 octobre - de l'année 1993 - et un gouvernement libéral est élu, il y a un premier ministre et des ministres en puissance - probablement des centaines de ministres en puissance. Revenons donc à ce 25 octobre.
Nous sommes désormais dans ce que l'on appelle la période de transition. Qui est votre ministre à ce moment-là?
Mme Bourgon: M. Corbeil reste le ministre tant que le nouveau gouvernement n'est pas assermenté.
Le sénateur Tkachuk: C'est lui votre ministre et c'est lui qui vous donne des instructions?
Mme Bourgon: Le gouvernement reste le gouvernement tant que le suivant n'est pas assermenté.
Le sénateur Tkachuk: Le nouveau gouvernement a été assermenté le 4 novembre.
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Qui est votre ministre à ce moment-là?
Mme Bourgon: Le jour de l'assermentation?
Le sénateur Tkachuk: Oui.
Mme Bourgon: Le nouveau gouvernement est en poste.
Le sénateur Tkachuk: C'est M. Young qui est votre ministre le 4 novembre. Voilà que le 3 novembre, M. Nixon rencontre le groupe Claridge à Toronto en tant que représentant nommé par M. Chrétien ayant reçu un appel téléphonique de M. Rowat. Comment cela s'est-il produit?
Mme Bourgon: Je ne suis pas au courant des réunions de M. Nixon.
Le sénateur Tkachuk: Non, non. Comment se fait-il que M. Rowat, qui travaillait pour vous dans le ministère Corbeil... est-ce que le ministre Corbeil a demandé à M. Rowat de faire cet appel téléphonique?
Mme Bourgon: Bon. Le Bureau du Conseil privé a retenu les services de M. Nixon, aux alentours du 28, je crois. Ce dernier a reçu le mandat de revoir, si je m'en souviens bien, tous les éléments de la transaction entre la société de personnes et le ministère des Transports.
Le sénateur Tkachuk: Le Bureau du Conseil privé?
Mme Bourgon: Le Bureau du Conseil privé a retenu les services de M. Nixon et lui a confié ce mandat.
Le sénateur Tkachuk: Avant que le nouveau gouvernement soit assermenté?
Mme Bourgon: Le 28.
Le sénateur Tkachuk: Le 28 octobre?
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: Par les soins de l'équipe de transition?
Mme Bourgon: Sous la responsabilité du greffier du Conseil privé, qui a l'obligation de préparer la transition.
Le sénateur Tkachuk: Je comprends bien qu'il a le pouvoir de préparer la transition. Mais dans ce cas-là, il dépense de l'argent, c'est bien ça?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Il obtient du Conseil du Trésor le pouvoir de dépenser de l'argent. Il lui faut payer cette personne?
Mme Bourgon: Oui. Je serais surprise, toutefois, qu'il ait dû s'adresser au Conseil du Trésor. C'est une chose qu'il vous faudra demander au greffier précédent.
Le sénateur Tkachuk: Je m'intéresse davantage à ce qui s'est passé de votre côté. Que s'est-il donc passé alors?
Mme Bourgon: Bien. Le Bureau du Conseil privé nous a informé qu'il avait retenu les services...
Le sénateur Tkachuk: Non, non, pas "nous", vous.
Mme Bourgon: Moi.
Le sénateur Tkachuk: Très bien.
Mme Bourgon: Qu'il avait retenu les services de M. Nixon et je crois que ce même jour on nous a informé que ses services avaient été retenus pour que soient réexaminés tous les éléments de la transaction entre la société de personnes et le ministère des Transports et qu'il nous fallait apporter à M. Nixon toute l'aide et toute la collaboration possible dans l'exercice de son mandat. Voilà donc ce qui s'est passé ensuite.
Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui s'est passé? Par exemple, l'avez-vous rencontré ou lui avez-vous parlé?
Mme Bourgon: M. Nixon est venu le jour même.
Le sénateur Tkachuk: Le 27, le 28?
Mme Bourgon: Le 28, je crois - il est venu le jour même. Il m'a rencontrée ainsi que M. Rowat. Nous avons eu une réunion d'une demi-heure, 20 minutes, et nous lui avons confirmé que M. Rowat serait son point de contact au ministère des Transports afin de nous assurer qu'il serait bien appuyé dans l'exécution de son mandat que lui avait confié le Bureau du Conseil privé.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mis vos dossiers à sa disposition?
Mme Bourgon: Je pense bien. Je veux dire par là...
Le sénateur Tkachuk: Tous les dossiers qui étaient alors nécessaires, en provenance de tous les ministères, ont été préparés?
Mme Bourgon: Je ne pense pas que la chose ait été exigée ni qu'elle a été nécessaire.
Le sénateur Tkachuk: Il ne les a donc pas pris et ne les a pas utilisés, ou quoi?
Mme Bourgon: On en revient à la question que nous avons évoquée avec Mme LeBreton. Ce n'est pas parce que l'on retient les services de quelqu'un, même si c'est par les soins du Bureau du Conseil privé, qu'il a automatiquement accès à tous les documents. Il fallait lui fournir l'aide nécessaire à l'accomplissement de son mandat.
Le sénateur Tkachuk: Je vais reformuler ma question. Est-ce que tous les dossiers de votre ministère étaient prêts à être mis à sa disposition le 28 octobre?
Mme Bourgon: Les dossiers étaient prêts en ce qui nous concernait, en fonction de nos propres objectifs. Nous ne lui avons pas remis les dossiers du ministère des Transports.
Le sénateur Tkachuk: Non, bien sûr. Mais vous aviez fait votre travail - votre personnel avait fait son travail. Vous aviez tout organisé pour le 28 octobre. Tout était prêt à son intention?
Mme Bourgon: Je le pense.
Le président: Sénateur...
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que je prends trop de temps?
Le président: Il s'agissait d'une question supplémentaire prise sur le temps du sénateur Jessiman, que j'ai interrompu pour vous donner la parole. C'est donc à vous, sénateur Jessiman...
Le sénateur Tkachuk: Excusez-moi, je pensais que c'était mon tour.
Le président: C'est moi qui ai commis l'erreur. Sénateur Jessiman.
Le sénateur Jessiman: J'aimerais en fait donner mon temps de parole au sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: Passons de l'autre côté. Est-ce que quelqu'un de l'autre côté veut...
Le sénateur Tkachuk: Ils ne figurent pas sur la liste. J'ai pu vérifier parce qu'après être sorti pour aller fumer, j'ai dû revenir, étant donné que personne ne posait des questions.
Le sénateur Lynch-Staunton: Voulez-vous finir vos questions?
Le sénateur Tkachuk: Je voulais simplement m'assurer que le témoin avait tous les documents sous la main. Est-ce que tous les documents étaient prêts le 28 afin que le ministère des Transports soit organisé comme vous le souhaitiez?
Mme Bourgon: J'ai demandé que les documents soient préparés en bonne et due forme. Je ne l'ai pas vérifié par la suite.
Le sénateur Tkachuk: Vous ne savez pas si ça a été fait le 28 lorsqu'il s'est présenté?
Mme Bourgon: Je suis partie du principe que les mesures exigées avaient été prises.
Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez pas demandé si ça avait été fait?
Mme Bourgon: Après coup, non. Ce n'est pas vraiment nécessaire.
Le sénateur Tkachuk: Le Conseil du Trésor... donc vous ne pouviez pas le savoir... mais vous saviez que tout le monde travaillait sur ce dossier et que tout devait être prêt?
Mme Bourgon: Pour ce qui est des autres organisations que les Transports, en dehors du fait que j'avais présenté cette suggestion, il incombait à chacun des SM de prendre les décisions qu'il jugeait appropriées.
Dans mon propre ministère, j'ai demandé que nous nous organisions et je n'ai pas ressenti la nécessité d'aller vérifier par la suite, une fois la demande faite. Il s'agit d'une équipe de gestion responsable, et je suis partie du principe que ça avait été fait.
Le sénateur LeBreton: J'aimerais poser une question supplémentaire à ce sujet, monsieur le président, simplement à titre de précision.
Le sénateur Tkachuk: Intervenez-vous à partir de ma question supplémentaire ou empruntez-vous sur le temps de parole du sénateur Jessiman?
Le sénateur LeBreton: C'est donc à l'issue de votre réunion avec M. Nixon, le 28 octobre 1993, que M. Rowat a été amené à appeler les intéressés pour le compte du ministère, ainsi que l'a déclaré M. Coughlin dans son témoignage, pour leur demander de retarder la date de mise en route. N'est-ce pas évidemment ce qui a motivé M. Rowat à faire cet appel téléphonique? C'est M. Rowat... puisque M. Coughlin a témoigné que M. Rowat l'avait appelé pour lui demander ce report.
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur LeBreton: Et M. Coughlin a déclaré dans son témoignage qu'avec le recul, c'est une décision qu'il regrettera toute sa vie. Donc, d'après ce que vous savez, puisque c'est vous qui avez nommé M. Rowat, c'est M. Rowat qui a appelé les intéressés au nom du ministère des Transports, simplement pour que les choses soient claires.
Mme Bourgon: Je pense que c'est exact.
Le sénateur LeBreton: Enfin, pour les besoins de notre procès-verbal, je sais maintenant que la date à laquelle le ministre Young a effectivement déposé le document, sénateur Jessiman, n'a certainement rien à voir avec la présente discussion étant donné qu'il s'agissait en fait du 28 mars 1995, soit cette année même. Vous occupiez donc les fonctions de greffière et non pas celles de sous-ministre.
Mme Bourgon: Je vous remercie.
Le président: Sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais simplement - je croyais que nous y étions parvenus il y a quelques minutes - préciser véritablement l'importance de ces différentes dates, notamment après votre arrivée en janvier juste quelques jours avant que votre prédécesseur ait signé ce que la bibliothèque du Parlement appelle "une lettre d'entente ne constituant pas un engagement qui fixe les principaux éléments de fond d'un projet d'accord". C'est, je crois, ce que vous avez défini dans votre exposé comme étant une lettre d'intention.
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je dois dire, monsieur le président, que... est-ce que j'ai bien dit juin? Le 18 juin 1993.
Je dois dire, monsieur le président, que je suis très impressionné par le travail de recherche que nous fournit la bibliothèque du congrès - la bibliothèque du Parlement - je regarde trop les chaînes étrangères - la direction de la recherche. Je pense qu'elle fait un excellent travail, qui nous est très utile.
Quoi qu'il en soit, il y a une lettre d'intention. Peut-on savoir maintenant à quel point les deux parties sont engagées une fois qu'une lettre d'intention a été versée au dossier?
Le sénateur Stewart: C'est une question de droit.
Mme Bourgon: En fait, la lettre d'intention...
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une question de droit, sénateur Stewart. Mais il faut voir aussi que la sous-ministre des Transports était à l'époque étroitement impliquée et je crois qu'il lui faut nous donner son interprétation des événements auxquels elle a participé de près jusqu'à ce qu'elle ait quitté son poste pour devenir greffière.
Mme Bourgon: Ainsi que je vous l'ai dit, la lettre d'intention a été signée avant que je n'arrive au ministère et je ne vais pas vous donner un avis juridique, mais vous dire comment je comprends la question.
Dans la lettre d'intention, on nous disait: "L'intention de toutes les parties est de continuer à négocier." C'est essentiellement ce qui était dit. On nous disait: "Il reste un certain nombre de questions en suspens, mais nous nous engageons à poursuivre les négociations dans le but d'en arriver à un accord définitif." Voilà en quoi consistait la lettre d'intention.
Le sénateur Lynch-Staunton: Très bien.
Mme Bourgon: Il y avait bien d'autres choses, mais c'était là l'essentiel.
Le sénateur Lynch-Staunton: À la fin août, là encore je lis les notes de la bibliothèque du Parlement, un décret autorise le ministre des Transports à signer un bail et un accord d'aménagement avec la Pearson Development Corporation conformément à l'autorisation donnée par le Conseil du Trésor et, le 30 août, le ministre Corbeil annonçait que l'on était parvenu à un accord général avec Pearson Development, et cetera.
Donc, en trois jours, nous avons deux événements majeurs, un décret autorisant le ministre à signer et, trois jours plus tard, le ministre est convaincu que l'on en est arrivé à un degré suffisant d'entente pour qu'il puisse annoncer publiquement que les deux parties sont parvenues à un accord.
Mme Bourgon: Très bien. Puis-je m'arrêter sur l'annonce faite par le ministre le 30?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Mme Bourgon: Le communiqué, l'information divulguée par le ministre le 30 nous dit essentiellement ce qui suit: "Nous sommes parvenus aujourd'hui à un accord général."
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Mme Bourgon: "Nous sommes parvenus aujourd'hui à un accord général. Nous avons l'intention de le parachever cet automne en adoptant les clauses d'un bail", et puis on ajoute: "Le gouvernement du Canada est parvenu à un accord sur les grandes questions et passera un accord juridique."
Donc, parvenu au mois d'août, nous avions fait beaucoup de progrès, nous avions l'intention de passer à l'étape suivante, qui devait consister à s'atteler précisément à régler certaines grandes questions et nous annoncions que nous avions l'intention d'en arriver à un accord juridique. Nous sommes au mois d'août. En l'occurrence... ce que je viens de vous lire vient bien du document publié par le ministre à ce moment-là, n'est-ce pas?
Le sénateur Lynch-Staunton: Les témoins qui ont comparu précédemment devant nous, y compris les parties elles-mêmes, les gens du secteur privé ainsi que les représentants des Transports et, je crois, du Conseil du Trésor, mais de toute façon ceux des Transports, nous ont fait savoir de toute façon, sans entrer dans les formulations juridiques, que la décision du 27 août liait en fait les deux parties et que l'on avait convenu... qu'il y avait un accord général sur le principe de la privatisation et tout ce qui s'y rattachait et qu'il ne restait alors qu'à signer les documents juridiques pour confirmer cette entente en adoptant une formulation juridique. On peut comparer cela, je crois, à deux parties ayant convenu de la vente et de l'achat d'une maison et qui vont éventuellement se rendre deux mois plus tard devant le notaire pour faire signer définitivement l'acte de vente.
Est-ce que cette comparaison est justifiée pour rendre compte de ce qui s'est passé ici, de cet accord de la fin août? Enfin, pas plus tard qu'en juillet, selon M. Desmarais, dès juillet, on avait convenu que le 7 octobre devait être celui où l'on parachèverait l'accord, non pas celui où l'on signerait les contrats, mais celui où l'on parachèverait l'accord, ce qui veut dire qu'en juillet, la négociation entre les parties était suffisamment avancée pour que celles-ci sachent qu'il était raisonnable à ce moment-là de fixer à l'avance une date afin de prévoir toutes les formalités qui devaient avoir lieu le dernier jour pour que les contrats soient signés.
Mme Bourgon: Puis-je partir du premier point que vous soulevez...
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Mme Bourgon: ...qui est celui de l'autorisation donnée par le Conseil du Trésor? Ce n'est pas l'intégralité des éléments de l'accord qui a été soumise au Conseil du Trésor.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non.
Mme Bourgon: Il s'agissait de cinq ou six accords individuels qui, réunis avec 111 documents, constituaient tous ensemble le nouveau régime, il y en avait cinq ou six. C'était là les éléments pour lesquels la responsabilité collective des ministres était jugée nécessaire, pour le reste, il n'est pas utile de se présenter devant le Conseil du Trésor. Lorsqu'on a un ministre qui possède individuellement le pouvoir d'agir de sa propre initiative, on ne va pas déranger les autres ministres.
Ces cinq ou six éléments, tels que le bail s'appliquant au terrain, l'option de louer, le transfert des employés, l'accord d'aménagement, ces quatre ou cinq éléments, ce sont ceux-là qui... le ministre s'est adressé au Conseil du Trésor pour s'assurer que, collectivement, les autres ministres l'appuyaient, qu'il ne s'écartait pas de la volonté du gouvernement et qu'un pouvoir de signature lui était délégué.
Donc, si certains des témoins... je ne sais pas lesquels et je ne peux donc pas faire de commentaires à propos des témoignages que vous avez entendus. Si certains des témoins vous ont dit qu'à la suite de la discussion devant le Conseil du Trésor, ils avaient le sentiment qu'ils n'avaient pas le pouvoir de changer ces cinq ou six éléments, c'était tout à fait logique parce que la responsabilité collective était alors engagée, le pouvoir collectif des ministres qui dépasse le pouvoir individuel du ministre des Transports. Il ne s'agissait donc pas d'une instruction donnée au ministre "de signer quelles que soient les circonstances." Il ne s'agissait pas de lui imposer les autres accords pour lesquels il possédait un pouvoir individuel, suffisant pour qu'il puisse en décider la signature, mais l'on peut dire raisonnablement qu'il n'avait pas à lui seul le pouvoir de modifier ces cinq ou six éléments pour lesquels la responsabilité collective des ministres était engagée. Vous me suivez?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je vais vous interrompre parce que je pense que nous sommes tout à fait d'accord sur l'importance de cette date, celle du 27 août; c'est à ce moment-là que le Cabinet, dans son ensemble, a fait savoir au ministre: "Ce que vous venez de nous présenter et qui a été autorisé par le Conseil du Trésor, c'est ce que notre gouvernement veut faire passer."
Le sénateur Stewart: Ce n'est pas ce que le témoin a dit.
Mme Bourgon: Ce que l'on avait obtenu...
Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que le témoin devrait répondre à cette question.
Le sénateur Bryden: Monsieur le président, permettez-moi d'interrompre cette discussion. Dans toutes les audiences auxquelles j'ai assisté, nous avons toujours permis aux témoins de répondre pleinement aux questions sans être interrompus. J'ai relevé cet après-midi que l'on interrompait le témoin avant qu'elle ait réussi à répondre. Je crois que l'on devrait faire preuve ici de la même politesse qu'envers tous les autres témoins.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'avais certainement pas l'intention de me montrer impoli en interrompant le témoin. Je l'ai fait pour accélérer le débat, étant donné que nous avons déjà entendu sous une forme différente tout ce qui vient d'être dit ici. Toutefois, le témoin peut prendre bien évidemment tout le temps qu'elle veut. J'ai toute la patience nécessaire pour l'écouter. Par ailleurs, ça ne me dérange pas si ses réponses sont plus longues que mes questions.
Vous pouvez donc continuer, madame Bourgon.
Mme Bourgon: Où en étions-nous?
Le sénateur Lynch-Staunton: Nous essayons d'établir l'importance de la décision prise le 27 août dans la mesure où elle engageait à la fois le gouvernement et le consortium au sein d'un accord qu'ils ne pouvaient défaire ou annuler qu'en se mettant ensemble.
Mme Bourgon: Jusqu'à cette date, le ministre des Transports avait reçu une délégation de pouvoir lui permettant de signer des accords au nom de l'État. Pour l'instant, ils ne sont pas signés. En fait, pour qu'ils soient... si ma mémoire est bonne, à la fin août il n'y avait rien à signer; les accords n'étaient pas prêts. Sur certains d'entre eux, les négociations n'étaient pas terminées, et pour d'autres, les documents juridiques n'étaient pas prêts. Il y a bien du chemin à faire entre le moment où l'on sait ce que l'on va formuler et celui où l'on a un texte définitif prêt pour la signature. Toutefois, à la fin août, grâce à la décision du Conseil du Trésor, le ministre des Transports avait le pouvoir de signer s'il jugeait qu'il était temps de signer, qu'il était prêt, que le document avait sa forme définitive, qu'il était présenté en bonne et due forme et que les parties étaient prêtes à s'entendre.
Il s'agit donc là d'un pouvoir de signature, de la capacité à signer. Ce n'est pas l'ordre de signer. C'est la distinction que je m'efforçais de faire.
Le sénateur Lynch-Staunton: Et c'est une distinction que j'accepte. Le pouvoir de signature traduit l'approbation par le gouvernement d'un accord passé entre différentes parties.
Le sénateur Kirby: C'est une question de droit - savoir s'il y a ou non une autorisation en droit, c'est là une question de droit.
Le sénateur Stewart: Puis-je poser une question?
Le sénateur Lynch-Staunton: Non, j'aimerais terminer.
Le sénateur Stewart: Merci. Vous êtes très aimable.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il ne s'agit pas d'être aimable ou non, sénateur Stewart: ce qui arrive, c'est que chaque fois que je pose une question, quelqu'un intervient soudainement pour me dire: "C'est une question de droit." N'ai-je donc pas la possibilité de poser des questions à teneur juridique?
Le sénateur Stewart: Non, il ne s'agit absolument pas de cela.
Le sénateur Lynch-Staunton: Posez donc votre question, sénateur.
Le sénateur Stewart: C'est simplement à titre de précision. L'une des façons d'interpréter les applications du décret du 27 août consiste à dire que l'autorisation donnée par le Conseil du Trésor revient à donner de manière générale l'instruction au ministre de poursuivre dans la voie qu'il s'est tracé. Ce n'est pas ainsi que je comprends les choses. Comme je les comprends, il s'agit ici d'un montage s'apparentant à celui d'un bâtiment complexe et que si, pour certains éléments de cette structure, comme s'il s'agissait par exemple de l'installation électrique d'une maison, le ministre a dû s'adresser au Conseil du Trésor pour en obtenir l'autorisation, cela ne veut pas dire qu'une autorisation a été donnée pour les autres éléments de la structure ni que l'on puisse en fait assimiler cela à une instruction devant faire en sorte que l'on aille de l'avant et que l'on signe tout ou partie de la structure; ai-je raison?
Mme Bourgon: Je suis d'accord avec vous. Vous avez probablement mieux fait sentir la distinction de la façon dont vous l'avez fait. C'est ce que je m'efforçais de faire comprendre, qu'une délégation de pouvoirs ne revient pas à une instruction enjoignant de signer. Le ministre devait s'assurer que tous les éléments étaient là, que quelque chose était prêt à être signé.
Souvenez-vous que je vous ai dit qu'à la fin août, l'accord d'aménagement qui était si fondamental dans cette affaire n'existait pas à ma connaissance. Donc, ce n'est pas parce qu'on a le pouvoir de signer que l'on va signer quelque chose qui n'existe pas. Une délégation de pouvoirs de signature ne se ramène donc pas à une instruction exigeant la signature.
Le sénateur Stewart: Merci, sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je suis d'accord avec tout cela, et il n'est pas pertinent de savoir s'il s'agit d'une question de droit. L'essentiel, c'est que certains événements ont eu lieu et je soutiens, et d'autres témoins qui ont comparu devant notre comité l'ont confirmé, qu'en fait, même s'il n'y avait pas de signature définitive, même si les documents n'étaient pas prêts, le 27 août, le gouvernement du Canada s'était engagé à passer un accord avec la Pearson Development Corporation.
Mme Bourgon: Et bien, c'est...
Le sénateur Lynch-Staunton: Si vous le permettez, avant que vous commenciez et afin que je ne sois pas accusé de vous interrompre, on peut comparer cette situation à celle d'une personne qui accepte d'acheter une maison, qui verse un dépôt, mais qui n'a pas encore obtenu un financement, qui n'a pas encore vendu sa propre maison ou qui a fixé certaines conditions pour procéder à l'achat et qui accepte que l'on se revoit devant le notaire deux ou trois mois plus tard pour confirmer finalement l'entente, mais il n'en reste pas moins qu'un engagement d'achat a été pris concernant cette maison et qu'il y aura un fort dédit à payer en cas de désistement.
Le sénateur Kirby: Puis-je demander... simplement à titre de précision.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne voudrais pas me montrer impoli.
Le sénateur Kirby: Très bien. Pour que tout soit bien clair, vous nous dites que l'on peut comparer le point A et le point B. Je ne conteste pas que l'on puisse comparer le point A et le point B. Il se peut, toutefois, que la comparaison ne soit pas valide. On peut comparer des pommes et des oranges, mais les deux choses ne sont pas de même nature. Ce n'est pas parce que l'on peut comparer les deux choses qu'elles sont les mêmes. Je voulais que ce soit dit.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce qui compte, c'est que l'on se donne un poignée de main et que l'on signe plus tard le document devant un avocat. C'est ce qui s'est passé, je crois, en l'espèce, le 27 août.
Mme Bourgon: Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'à la fin août rien n'avait été signé, aucun des documents dont nous parlons n'avait été signé. Certains documents juridiques n'existaient pas encore. L'accord d'aménagement était encore en cours de négociation de même que certains éléments tout à fait essentiels de la responsabilité collective des ministres. Je suis donc convaincu qu'il vous faudra vous faire votre propre opinion pour savoir à quel moment il y a accord. Cela fait partie de vos délibérations et vous serez aidés par un conseiller juridique.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous nous aider? Lorsque vous avez pris connaissance des autorisations du 27 août, dans votre esprit en tant que sous-ministre et dans l'esprit du ministère, ne vous êtes-vous pas dit, "Finalement, nous sommes parvenus à un accord, nous allons maintenant pouvoir préparer les documents juridiques et tout ce qui manque et, le 7 octobre, jour qui a été choisi dès le mois de juillet, nous passerons à la signature définitive"? Il est évident que le 27 août prend une importance majeure dans toute la série d'événements qui se sont produits depuis quelques mois.
Mme Bourgon: L'annonce faite par M. Corbeil à la fin août était très significative. Il était significatif qu'il déclare: "Les parties en sont arrivées à une entente commune et nous avons désormais l'intention de passer à l'étape suivante, qui est celle d'un accord juridique." Je considère toutefois aujourd'hui et je considérais à l'époque qu'en droit nous n'étions pas encore parvenus à un accord.
Je considère aussi que dans la loi qui s'applique de manière générale au ministère des Transports, il y a une disposition qui protège le ministre, à savoir... Sa Majesté n'est liée que par des écrits signés par le ministre ou par l'un de ses représentants dûment autorisés à signer en son nom; et nous n'en étions pas encore là. C'est ce que je considérais alors et c'est toujours mon opinion.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aimerais en revenir à la date du 7 octobre, cette date à jamais funeste dans certains milieux.
Le sénateur LeBreton: Avant que vous le fassiez, sénateur, puis-je faire une observation sur le dernier point?
Le sénateur Lynch-Staunton: Certainement.
Le sénateur LeBreton: C'est parce que dans son témoignage, M. Desmarais, qui fait partie du personnel de votre ministère, de votre ancien ministère, a déclaré qu'en fait à la fin du mois d'août 1993 M. Corbeil, le ministre de l'époque, aurait pu signer les baux sur les terrains sans autre formalité et que l'on en aurait terminé. Je crois que c'est les termes qu'il a employés. Donc, en fait, il aurait pu au minimum transférer les terrains ou signer les baux correspondants en s'appuyant sur les documents qui étaient alors disponibles.
Mme Bourgon: Je vous le répète, je ne veux pas commenter d'autres témoignages que je n'ai pas entendus. Vous pourrez demander des précisions pour savoir si les baux sur les terrains existaient à l'époque. Y avait-il quelque chose à signer? Vous voyez, ça nous ramène au débat suivant: Le ministre avait-il le pouvoir de signer un bail sur le terrain? Oui, absolument. Y avait-il un bail sur le terrain à signer à la fin août? Je ne suis pas sûre que la réponse soit "oui".
Le sénateur LeBreton: Vous étiez la sous-ministre.
Mme Bourgon: Je ne suis pas sûre qu'il a été rédigé sous forme juridique avant le 3 octobre à peu près.
Le sénateur LeBreton: C'est ce qui ressort de son témoignage.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les contrats ont été effectivement signés, je crois, le 3 et le 4, ou le 4 et le 5.
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Lynch-Staunton: Par les deux parties, séparément. Donc, l'accord du 27 est formellement ratifié à ce moment-là. Les documents sont alors placés en mains tierces pour... avant qu'ils soient divulgués et qu'ils commencent à entrer en vigueur le 1er novembre, toutes les conditions sont remplies, y compris les 61 millions de dollars qui ont dû être placés à la banque. Je répète ce que nous ont dit les responsables qui se sont occupés de l'affaire pendant probablement plus longtemps qu'ils le souhaitaient.
Vous nous avez dit ensuite qu'en raison de la campagne électorale, on a jugé prudent de contacter les ministres chaque fois qu'un sujet était controversé. Il y a eu d'autres sujets controversés au cours de la campagne électorale qui ont nécessité une autorisation ministérielle et le sous-ministre du ministère concerné, j'imagine, a dû demander l'autorisation de prendre des directives auprès de la première ministre; c'est bien ça?
Mme Bourgon: Si vous me le permettez, sénateur, je ne pense pas que la controverse soit le seul facteur. J'estime que la règle générale de conduite qui veut que l'on agisse avec prudence au cours d'une période électorale signifie que l'on va envisager les facteurs suivants: S'agit-il d'une transaction qui va lier les gouvernements à l'avenir? Quelles sont les solutions possibles? Y a-t-il urgence? A-t-on l'obligation d'agir? Y a-t-il une controverse? La controverse est certes un élément à considérer, mais je dirais carrément que ce n'est pas le seul qui exige que l'on prenne des directives. Il y aurait plusieurs facteurs à considérer.
Le sénateur Lynch-Staunton: La question d'un engagement liant les gouvernements futurs, que l'on abordera avec les universitaires, était déjà réglée au plus tard au début octobre lorsque les deux - lorsque les deux signatures ont été apposées. Je veux dire par là que le gouvernement était d'ores et déjà lié. Les gouvernements futurs étaient liés pendant 57 ans.
Mme Bourgon: Très bien. Cela nous ramène à la question au sujet de laquelle vous avez besoin de l'avis d'un conseiller juridique et non pas de celui d'une sous-ministre, de l'ancienne sous-ministre.
Puis-je vous renvoyer un instant à un document que vous avez déjà reçu et qui, je crois... je n'ai pas le numéro, mais j'ai la note d'accompagnement envoyée par M. Hunter à M. Nelligan le 12 septembre. Je vais vous en laisser l'intitulé pour que vous puissiez l'examiner.
Ça s'intitule "calendrier de signature". C'est la liste des 111 documents qu'il convient de rassembler. Il est important de relever que parmi les documents qui font partie des conditions préalables, il y en a un certain nombre qui n'était pas là les 3 et 4 octobre. Sur certains d'entre eux, on s'est entendu le 7.
Ainsi, vous rappelez-vous de l'accord Allders dont je vous ai parlé? Je sais pertinemment que cet accord n'aurait pas pu être signé avant le 7 parce que nous avions besoin d'une attestation de M. Corbeil accordant le pouvoir de signature au représentant du ministère.
Je vous avertis qu'il serait souhaitable d'examiner cette liste de documents, d'obtenir l'aide du ministère des Transports et des conseillers juridiques pour savoir exactement quels documents ont été signés et à quel moment...
Le sénateur LeBreton: Qui est M. Hunter?
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est l'avocat.
Mme Bourgon: Qui travaille au ministère de la Justice et qui vous prépare les documents.
Le sénateur LeBreton: Du cabinet Scott & Aylen?
M. Nelligan: Ce sont les documents que nous avons reçus récemment, avec les dates mentionnées par le témoin, dans le cadre normal de la remise des documents et nous avons reçu un ensemble de documents portant sur le calendrier de signature. Ils sont à notre disposition.
Le sénateur LeBreton: C'est simplement, vous voyez, parce que le sénateur Kirby voulait, pour les besoins de notre procès-verbal, préciser qui était M. Hunter, c'est tout.
M. Nelligan: Excusez-moi.
Le sénateur Lynch-Staunton: Êtes-vous en train de nous dire, madame Bourgon, qu'il y a d'importantes signatures directement liées aux contrats, qui ont été préparés le 7 octobre.
Mme Bourgon: Oui, c'est ce que je dis. Il faut voir...
Le sénateur Lynch-Staunton: Laissez-moi vous interrompre pour vous citer ce qu'a déclaré M. Rowat lorsqu'on lui a posé cette même question au sujet du 7:
...Que s'est-il passé le 7 octobre?
M. Rowat: En ce qui touche les documents proprement dits?
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
M. Rowat: Autant que je me rappelle, on a officiellement retiré les documents des mains des tiers et établi de nombreux autres documents quand au respect de certaines conditions préalables."
Vous nous dites maintenant que d'autres documents ont par ailleurs été signés?
Mme Bourgon: Souvenez-vous qu'un peu plus tôt aujourd'hui je vous ai dit en réponse à une question semblable - même si je n'avais pas... même si je n'avais pas entendu certains témoins pour la raison que j'ai indiquée, parce que j'étais en dehors du pays, j'ai appris que cette question avait été évoquée et que l'on avait fait observer que tout ce qui restait à signer le 7, c'était le retrait des documents des mains des tiers. En prévision de notre rencontre, j'ai demandé au ministère des Transports de me donner la liste complète de tout ce qui avait été signé par M. Rowat, auquel le ministre avait délégué un pouvoir de signature le 5, je crois. Quelle est la liste complète des documents signés le 7? Il y a au moins 20 documents.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Mme Bourgon: Parmi ces 20 documents, il y en a... dans la documentation que vous avez reçue le 12 septembre, qui apparaissent au chapitre des "conditions préalables à la conclusion de l'accord." Il y a donc des conditions préalables à la conclusion de l'accord pour lesquelles une signature n'avait pas été obtenues avant le 7.
Le sénateur Lynch-Staunton: Parce que ces conditions n'avaient pas été remplies.
Mme Bourgon: C'est exact.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il a été demandé à M. Rowat de confirmer que toutes les conditions préalables étaient remplies.
Mme Bourgon: C'est exact. Donc, pour répondre à votre question, le 7, le bail était déjà signé et, par conséquent, Sa Majesté s'était engagée. Je dis simplement que certaines conditions préalables n'avaient pas été encore remplies tant que tous les documents n'étaient pas réunis. Je dis donc simplement que c'est une question dont il vous faudra peut-être discuter avec les conseillers juridiques. Donc, certaines conditions n'avaient pas été remplies. Certains accords n'étaient pas parachevés et tout devait être réuni comme prévu le 7.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le 4 et le 5, lorsque les signatures du gouvernement du Canada et de Pearson ont été apposées sur les documents...
Le sénateur Kirby: Le 3 et le 4, pour les besoins du procès-verbal.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le 3 et le 4. Je manque de précision cet après-midi, excusez-moi.
Le sénateur Kirby: Aucun problème. C'est simplement pour que ce soit consigné dans notre procès-verbal.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le 3 et le 4, il y avait encore des conditions qui n'étaient pas remplies?
Mme Bourgon: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact. C'est pourquoi les documents... une fois que les contrats ont été signés, c'est pourquoi les documents ont été retirés et mis de côté, si vous voulez, le gouvernement du Canada faisant savoir: "Le 7 octobre, nous sommes prêts à les divulguer si vous répondez aux conditions." Ai-je raison? C'est alors que M. Rowat ou que quelqu'un d'autre...
Le sénateur Kirby: Est-ce que le témoin pourrait vous dire si vous avez raison ou pas? Vous lui avez posé une question en lui demandant si vous aviez raison. Pourrait-elle répondre à la question?
Mme Bourgon: Maintenant, j'ai oublié ce que je voulais dire.
Le sénateur Kirby: Excusez-moi.
Mme Bourgon: Le 7, on pouvait en arriver à un accord définitif si toutes les conditions étaient remplies, si tous les autres accords pour lesquels nous n'avions pas demandé la signature du ministre étaient prêts à être signés et si tous les autres documents pertinents, ma liste de 111 documents, étaient disponibles; vous me suivez? Donc, certains documents ont été signés le 3 et le 4; d'autres ont continué à être négociés jusqu'au matin du 7. S'ils n'avaient pas été prêts à ce moment-là, nous n'aurions pas pu parachever l'accord.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est exact. Donc, toutes les conditions étaient réunies le 7 octobre, M. Rowat l'a confirmé et les documents ont été libérés?
Mme Bourgon: Le 7.
Le sénateur Lynch-Staunton: Oui.
Donc, les conditions ayant été remplies, le contrat ayant été signé quelques jours auparavant, tout étant en ordre, très bien? Je dis "très bien", je crois. Tout étant en ordre le 7 octobre, on consulte alors la première ministre parce que le dossier est devenu un enjeu de la campagne électorale, ce qui fait qu'on a jugé nécessaire de consulter la première ministre pour qu'elle donne des directives. La première ministre, selon cette note de service, demande alors à M. Shortliffe de passer à la signature des documents juridiques restants, ce que M. Rowat a fait au nom du gouvernement.
Que se serait-il passé maintenant si la première ministre avait refusé, pour une raison ou pour une autre? Il est indéniable que l'on a dit à la première ministre que toutes les conditions avaient été remplies, que toutes les signatures avaient été apposées sur les contrats quelques jours auparavant, on nous dit que l'argent était à la banque, que toutes les conditions étaient réunies, le gouvernement est maintenant convaincu que tout est en ordre. Que se serait-il passé si la première ministre... si elle avait déclaré "malgré tout", pour une raison ou pour une autre, "il ne faut pas libérer les documents"?
Mme Bourgon: Parmi les documents que M. Rowat devait signer le 7, il y en avait trois qui correspondaient à la liste des conditions préalables devant être réunies pour que l'on parachève l'accord. Ils n'avaient pas encore été signés. Les conditions n'avaient pas encore été remplies. Ils n'étaient pas signés. Je considère que si le gouvernement avait voulu, par exemple, surseoir à l'exécution, nous aurions demandé un report à l'amiable et nous n'aurions pas signé. Il est indéniable que si le gouvernement l'avait voulu, nous n'aurions pas signé. Par conséquent, nous aurions pu invoquer le fait que certaines conditions n'avaient pas été remplies.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pouvez-vous répéter cette dernière affirmation? Nous aurions pu...?
Mme Bourgon: Si la première ministre... si la volonté du gouvernement avait été de surseoir à l'exécution, nous aurions négocié un report. Il est indéniable que si le gouvernement avait voulu négocier un report, M. Rowat n'aurait rien signé ce jour-là.
Est-ce qu'il n'y aurait eu aucune répercussion? Bien sûr que si. Il n'y a pas d'options qui n'entraînent aucune répercussion. Est-ce qu'il n'y aurait eu aucune conséquence? Bien sûr que si. Toutes les options ont des conséquences, y compris celle sur laquelle vous vous penchez tous. Toutefois, M. Rowat n'aurait pas signé les 20 documents qui étaient prêts à être signés.
Parmi les 20 documents qui étaient prêts à recevoir sa signature, trois correspondaient à une condition préalable au parachèvement de l'accord, et il n'aurait pas signé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Même si les conditions avaient été réunies?
Mme Bourgon: Sa signature confirmait que les conditions... laissez-moi vous donner un exemple et, là encore, vous avez besoin sur ce point d'un spécialiste mieux au courant que moi des négociations détaillées, qui pourra vous aider à savoir en quoi consistaient exactement ces 20 documents, qu'est-ce qu'il y avait là-dedans, et cetera.
L'un des documents que M. Rowat était appelé à signer ce jour-là était un accord confirmant le rôle et les responsabilités d'Allders, à titre accessoire. Je me souviens cependant qu'Allders a toujours mis une condition à son rôle au sein de la société de personnes parce qu'elle... parce qu'elle investissait de l'argent, qu'elle représentait 7 p. 100 de la société de personnes, qu'elle apportait 20 des 65 millions de dollars nécessaires ce jour-là, et elle avait toujours posé comme condition que le Canada, l'État, devait signer cet accord avec elle. Cet accord n'avait pas encore été signé le 7.
Donc, lorsque M. Rowat s'est présenté le 7 au matin, si on lui avait dit: "Le gouvernement du Canada souhaite que vous cherchiez à négocier un report," c'est ce qu'il aurait fait. Il aurait fait le maximum pour parvenir à un consensus avec toutes les parties intéressées afin d'obtenir un report. Aurait-il réussi? L'histoire ne nous le dit pas; nous ne le saurons jamais. Il n'aurait pas été justifié de chercher à le faire sans que cela corresponde à la volonté du gouvernement.
M. Nelligan: Puis-je poser une question pour obtenir une précision? Prenons l'exemple que vous avez donné, qu'Allders avait besoin de cette confirmation ou de cette autorisation du gouvernement, et je déduis de ce que vous nous dites que le gouvernement avait déjà convenu avec Mergeco d'accorder cette autorisation et que ce qui était nécessaire lors du parachèvement de l'accord, c'était de donner effet à l'accord qui avait d'ores et déjà été signé avec Mergeco en vue de le faire. C'était donc quelque chose que l'on faisait pour donner effet à un accord qui avait déjà été signé?
Mme Bourgon: Vous avez peut-être raison. C'est trop détaillé pour moi.
M. Nelligan: Étant donné que vous avez du mal à nous exposer clairement toutes les répercussions en droit, est-il possible, avec l'aide des fonctionnaires du ministère des Transports, de recevoir une copie du calendrier de signature précisant exactement quels sont les documents qui ont été signés par M. Rowat à la date du parachèvement de l'accord?
Mme Bourgon: C'est ce que je proposais tout à l'heure. Je crois que ce serait fortement souhaitable.
M. Nelligan: Ce serait à mon avis plus facile et ça nous éviterait de spéculer au sujet de ce qui a été signé ou non.
Le sénateur Kirby: Je suis d'accord avec vous.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce serait certainement utile. Toutefois, je reprends votre... si la première ministre ou quelqu'un d'autre avait décidé de ne pas autoriser M. Rowat à signer, vous auriez cherché à obtenir un report, ce qui aurait signifié que le gouvernement comprenait qu'il ne pouvait pas procéder unilatéralement, à moins de subir certaines répercussions, et qu'il était préférable qu'il agisse avec l'autorisation de l'autre partie, n'est-ce pas? Tout cela, ce sont des hypothèses. On peut penser que l'autre partie aurait refusé.
Qu'aurait fait alors le gouvernement? Est-ce qu'on en aurait discuté d'une façon ou d'une autre? Est-ce que l'on ... j'aimerais connaître la teneur des discussions entre la première ministre et ses fonctionnaires et savoir si le gouvernement du Canada a reçu un avis juridique concernant les répercussions de son geste s'il avait décidé unilatéralement de refuser de signer les documents parachevant l'accord?
Mme Bourgon: Je vous répète que personne ne peut faire de spéculations concernant la teneur de la conversation entre M. Shortliffe et la première ministre. Lorsque j'ai discuté avec M. Shortliffe, on n'a pas évoqué les différentes options. Il n'était pas question de responsabilité. Il ne s'agissait pas d'un avis juridique en bonne et due forme. Il s'agissait de savoir s'il était approprié dans les circonstances, compte tenu des événements ayant eu lieu le 5 et le 6, de vérifier auprès de la première ministre si les événements allaient se dérouler comme prévu. Il s'agissait dans ce cadre d'obtenir des directives pour la raison que j'ai évoquée précédemment.
Donc, il ne s'agissait pas de dire que d'un côté, si la première ministre décide ou souhaite telle ou telle chose, voilà qu'elles sont... il s'agissait de remonter jusqu'à la première ministre. Ce dont j'ai discuté avec le greffier du Conseil privé, c'était de l'opportunité de chercher à obtenir des directives dans les circonstances.
Le sénateur Lynch-Staunton: Les circonstances étant celles de la campagne électorale?
Mme Bourgon: Le chef de l'opposition ayant demandé que l'on interrompe tout le 5, je crois, et...
Le sénateur LeBreton: Non.
Mme Bourgon: ... ou le 6, et faisant une déclaration aux termes de laquelle il indique que s'il était appelé à former le gouvernement il n'hésiterait pas à procéder par voie législative, si nécessaire, après un réexamen. Ces deux arguments ont donc été officiellement présentés. Vingt-quatre heures avant la signature, il était nécessaire de faire préciser la volonté de la première ministre. C'était mon avis et c'était celui du greffier.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si le dirigeant du Parti réformiste avait déclaré au cours de la campagne électorale que s'il devait constituer le gouvernement, il annulerait le contrat portant sur la liaison fixe avec l'Î.-P.-É., qui lui aussi avait été signé le 7 octobre, pour reprendre les termes que quelqu'un a employés, auriez-vous là aussi sollicité l'avis de la première ministre?
Mme Bourgon: C'est en fait une excellente remarque. Il y a de nombreux points sur lesquels on peut être appelé à demander des directives au cours d'une campagne électorale pour savoir dans quelle mesure le chef du gouvernement entend agir avec prudence. Pour ce qui est de la liaison fixe, il faut voir tout d'abord qu'elle avait l'appui du Parlement. Elle avait été votée par le Parlement et je crois que tout le monde l'avait fortement appuyée. Par conséquent, la volonté du Parlement, de tous les partis, était claire en la matière, et il n'y avait pas de controverse, si je me souviens bien.
Le sénateur LeBreton: J'ajouterais qu'il n'y en avait pas non plus au Parlement au sujet de l'aéroport Pearson.
Mme Bourgon: De plus, une modification constitutionnelle était nécessaire par la suite. Donc, le gouvernement entrant en fonction avait la possibilité de s'arrêter pour réfléchir avant de décider de faire le nécessaire ou de procéder à la modification constitutionnelle.
Prenons un autre exemple. La première ministre, Mme Campbell, a procédé à une restructuration majeure de la fonction publique à la fin juin. Il s'agissait d'un changement sans précédent de la façon d'opérer de la fonction publique. Il n'y a eu aucune controverse à ce sujet et le gouvernement qui est entré en fonction a eu la possibilité de revoir chacune des dispositions législatives traduisant dans les faits sa décision de l'époque. Il existait nettement dans ce cas une marge de manoeuvre permettant d'effectuer une modification. D'ailleurs, le gouvernement qui a été constitué, le gouvernement de M. Chrétien, a décidé lorsqu'il est entré en fonction de modifier certaines de ces décisions et de mettre en application la plupart d'entre elles.
Par conséquent, la marge de manoeuvre qui permet de changer d'orientation, de faire appliquer le programme politique du nouveau gouvernement, est un élément clé. Voilà la raison pour laquelle on demande des directives. Ce n'est donc pas sur le coup de ce qui a été dit tel ou tel jour. C'est fonction de la nécessité de se prononcer sur ce qu'il est prudent de faire pour un gouvernement.
Mme Campbell était tout à fait justifiée de prendre la décision qu'elle a prise, et cette décision a été mise en application en conséquence.
Cette demande de directives était donc motivée par l'obligation de prendre acte du fait que la décision appartenait à ce niveau politique par opposition à une décision prise par des fonctionnaires. Voilà qu'elle en est la signification.
Le sénateur Lynch-Staunton: Mais j'insiste, et c'est là-dessus que je veux en finir, monsieur le président, sur ce point du moins... j'espère que vous reviendrez la semaine prochaine parce que je veux vous parler en votre qualité de greffière au sujet de la documentation et de la divulgation des documents.
Sur ce point en particulier, voici ce que je dirais pour finir, si vous me le permettez. Je ne crois pas que la première ministre avait le choix en la matière. Je ne vois pas qu'elle aurait pu être la différence si elle avait pu ou non, de manière unilatérale, sans que cela entraîne de graves répercussions pour le gouvernement du Canada, décider - sans qu'il y ait de graves répercussions sur le gouvernement du Canada, décider, qu'en fait, un contrat qui avait déjà été signé - qui était signé et qui était prêt à être mis en application, puisse être annulé.
Le sénateur Kirby: Monsieur le président, je ne vois absolument pas d'inconvénient à ce que le sénateur Lynch- Staunton nous fasse part de son jugement sur ces questions. Je tiens simplement à dire que certains d'entre nous, en présence des mêmes faits que le témoin vient d'évoquer, en arriveraient à un jugement différent, mais c'est une question de jugement.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est ce que vous avez déjà fait.
Le président: Madame Bourgon, suite à ce que vient de proposer le sénateur Lynch-Staunton, vous serait-il possible de revenir la semaine prochaine? J'ai deux possibilités, deux seulement, et c'est donc très important pour nous, pour que vous puissiez revenir en votre qualité de greffière du Conseil privé. Il s'agit de mardi prochain à 15 heures et du 21 septembre, soit le jeudi, à 9 heures. Nous vous fournirons avant cette date, et nous ferons distribuer à tous les membres du comité, les données exactes concernant l'information que nous cherchons à obtenir.
Mme Bourgon: Puis-je vous demander, monsieur le président, de me donner la possibilité de vérifier les deux plages horaires que vous venez de mentionner?
Le président: Oui. Si vous pouviez me le faire savoir, ou le communiquer au greffier, appelez-moi.
Il y a deux questions que l'on veut vous poser, l'une par M. Nelligan et l'autre par le sénateur Stewart.
M. Nelligan: Madame Bourgon, vous avez fait allusion à la réorganisation générale du gouvernement du 24 juin. Vous avez dit qu'elle n'était pas controversée. Malheureusement, on a laissé entendre que cela faisait partie des difficultés posées par l'aéroport Pearson.
Lorsque vous avez été nommée sous-ministre, ne vous a-t-on pas dit que votre nomination était motivée par la volonté de remplacer la sous-ministre en place en raison de sa conduite dans l'affaire Pearson?
Mme Bourgon: Aucune raison ne m'a été fournie pour expliquer la mutation de Mme Labelle à l'ACDI et la mienne aux Transports. Je ne m'attendais pas non plus à ce que l'on me donne les raisons expliquant ce genre de mesure. Il serait tout à fait inhabituel de discuter avec un SM des raisons de la mutation d'un homologue. On n'a donc pas évoqué devant moi une quelconque préoccupation concernant la performance du ministère des Transports avant ma nomination.
Le sénateur LeBreton: Puis-je préciser une chose, monsieur le conseiller? Je crois que tous ces faits, comme vous venez de l'indiquer, en rapport avec cette restructuration complète du gouvernement, tous ces SM... je crois qu'il y en avait quelque 25 ou 27.
Mme Bourgon: Nous étions nombreux.
Le sénateur LeBreton: ... qui ont été mutés à cette date.
M. Nelligan: À compter de la date à laquelle vous avez été nommée, avez-vous reçu des instructions particulières de M. Shortliffe touchant un traitement particulier qu'il vous faudrait accorder au dossier Pearson?
Mme Bourgon: Non.
M. Nelligan: Est-ce que l'on vous a indiqué qu'il y avait là un problème particulier qu'il vous faudrait régler ou est-ce que l'on vous a tout simplement informée de manière générale à ce sujet?
Mme Bourgon: Non. Lorsque je suis arrivée au ministère, tout le monde savait que c'était un dossier majeur, et il n'était donc pas nécessaire de m'en informer.
M. Nelligan: Je vous remercie.
Le président: Madame Bourgon, j'aimerais vous poser une dernière question avant de passer la parole au sénateur Stewart.
Avez-vous eu une preuve quelconque que toute la procédure était faussée?
Mme Bourgon: Pendant tout le temps où j'ai travaillé au ministère, à ma connaissance ce dernier a pris bien soin de faire en sorte que tout soit fait dans les règles pendant toute cette période cruciale des négociations, et il en a été de même par la suite.
Le président: Considériez-vous que l'on avait obtenu un bon contrat?
Mme Bourgon: Le contrat répondait aux exigences du Conseil du Trésor et d'autres conseillers qui étaient les experts en la matière. Aucune préoccupation particulière n'a été portée à mon attention.
Le président: Avez-vous eu une preuve quelconque de manipulation politique?
Mme Bourgon: Pendant toute la période pendant laquelle j'ai été là et sur laquelle je peux me prononcer, aucune.
Le président: Sénateur Stewart.
Le sénateur Stewart: Merci, monsieur le président. Deux choses. Je me réfère à la note de service datée du 7 octobre 1993. Dans cette note de service, vous dites à M. Rowat, le sous-ministre adjoint des Transports, qu'il est autorisé à signer les documents pertinents au nom de l'État - le 7 octobre. Vous lui dites que le ministre a été informé de la décision et qu'il est d'accord et vous lui dites... la décision en question semble être celle de la première ministre, communiquée par l'intermédiaire de M. Glen Shortliffe, qu'il faut signer les documents juridiques restants à signer.
J'aimerais maintenant essayer de savoir qui possède légalement les pouvoirs de signature. Ai-je raison de penser que les pouvoirs légaux de signature des documents avaient été confiés au ministre des Transports mais que ce dernier était habilité à vous déléguer ces pouvoirs et qu'à votre tour vous pouviez les déléguer à M. Rowat; c'est bien ça?
Mme Bourgon: C'est bien ça.
Le sénateur Stewart: Très bien. Je m'efforce alors, pour que les choses soient bien claires, de préciser le rôle du Conseil du Trésor. Aurait-il pu signer les documents pertinents sans l'autorisation préalable de certains éléments de l'accord global qui a été donnée par le Conseil du Trésor?
Mme Bourgon: Excusez-moi, je n'ai pas compris.
Le sénateur Stewart: Bien. Il avait le pouvoir de signer les documents, mais ai-je raison de penser qu'il n'aurait pas pu exercer ce pouvoir sans l'autorisation préalable de certains éléments de l'accord global qu'avait donnée le Conseil du Trésor?
Mme Bourgon: Et bien, cela nous ramène à ce dont nous avons discuté, soit qu'il y a certains éléments de cet accord qui engageaient de toute évidence la responsabilité collective des ministres.
Le sénateur Stewart: Lorsque vous parlez de la "responsabilité collective des ministres" vous me plongez dans la confusion...
Mme Bourgon: Le Cabinet.
Le sénateur Stewart: ...parce que je pense immédiatement au Conseil privé ou au cabinet, alors que je considère...
Mme Bourgon: Le Conseil du Trésor.
Le sénateur Stewart: ...qu'apparemment il s'agit du Conseil du Trésor. De quoi parlons-nous?
Mme Bourgon: Le Conseil du Trésor est un comité du cabinet. Il fait partie du système du Cabinet. Le Conseil du Trésor a donc reconnu en fait que quatre ou cinq de ces accords étaient fondamentaux du point de vue de la responsabilité collective et c'est pourquoi une délégation de ses pouvoirs au ministre était nécessaire.
Le sénateur Stewart: Très bien. Voilà qui est très utile. Vous avez donc alors décidé que le ministre... que vous ne conseilleriez pas à votre ministre, même s'il avait eu l'autorisation préalable du Conseil du Trésor sur certaines parties de l'accord, vous avez décidé que vous ne lui conseilleriez pas de signer, pour les raisons que vous avez indiquées, tant que la volonté de la première ministre n'avait pas été vérifiée.
Mme Bourgon: Je ne crois pas avoir discuté du conseil que j'ai donné... j'espère que je n'ai pas discuté du conseil que j'ai donné à mon ministre. J'ai dit que j'avais le sentiment qu'il était nécessaire de faire préciser des directives politiques à deux reprises au cours de l'opération: une première fois par le ministre lorsqu'il a signé le 3 et le 4; une deuxième fois par la première ministre, qui engageait alors la responsabilité de tout le gouvernement avant que l'accord soit parachevé le 7.
Le sénateur Stewart: Comme le disait M. Truman: "The buck stops here." Dans ce cas-là, ça s'arrête à la première ministre. La question qui se pose... et on peut penser qu'il appartenait à la première ministre de s'assurer des conséquences des différentes possibilités qui s'offraient à elle.
Croyez-vous que le ministère des Transports a été consulté par la première ministre Campbell concernant les répercussions des différentes possibilités qui s'offraient?
Mme Bourgon: Ce n'était pas nécessaire de toute façon. La première ministre n'avait pas pour rôle de devenir ministre des Transports.
Le sénateur Stewart: Non, non. Je me réfère à ce qu'a évoqué le sénateur Lynch-Staunton précédemment, à moins que ce soit un autre sénateur de l'autre côté, concernant les conséquences financières d'un arrêt de l'opération. J'essaie de vérifier si vous aviez l'obligation de dire à M. Shortliffe : "N'oubliez pas de dire à la première ministre que cela va coûter des millions de dollars." À moins que l'obligation n'aille dans l'autre sens? Est-ce qu'il incombe au greffier du Conseil privé, à M. Shortliffe, ou à la première ministre dans leur conversation... je n'essaie pas de déterminer qui doit dire quoi dans cette discussion, mais fallait-il qu'il dise: "Bien, si nous poursuivons l'opération, voici quelles sont les conséquences, éventuellement des conséquences politiques. Si nous arrêtons l'opération, voici quelles sont les conséquences, éventuellement des conséquences politiques." Je m'efforce ici de déterminer qui avait l'obligation de dégager les conséquences des différentes possibilités qui s'offraient.
Mme Bourgon: Là encore, je vais vous répondre de manière très générale. C'est la personne qui demande un avis qui doit s'assurer que l'avis ou le conseil qu'elle obtient est suffisamment clair pour lui permettre d'assumer son rôle. En l'espèce, ce dont j'ai discuté avec M. Shortliffe visait à déterminer si dans mon esprit et dans le sien il était ou non souhaitable de préciser la règle de conduite que Mme Campbell voulait faire adopter par le gouvernement.
Le sénateur Stewart: Puis-je vous demander, alors, si M. Shortliffe, à votre connaissance, vous a interrogée au sujet des conséquences d'une non-signature?
Mme Bourgon: Je présume que vous savez que M. Shortliffe était très au courant du dossier.
Le sénateur Stewart: Non, il ne l'a pas fait.
Mme Bourgon: Il le suivait depuis de nombreuses années. Nous n'en avons donc pas discuté.
Le sénateur Stewart: Vous n'en avez pas discuté. Il n'est pas revenu vous demander: "Précisez-moi combien ça va coûter."
Mme Bourgon: Il était très au courant de cette question.
Le sénateur Stewart: Vous répondez à ma question indirectement. Vous nous dites qu'il était très au courant. J'en suis persuadé. Il sait probablement très bien cultiver son jardin. Toutefois, vous nous dites implicitement dans cette réponse qu'il n'avait pas besoin de votre avis et qu'il n'est donc pas venu vous le demander.
Mme Bourgon: C'est exact. Il n'avait pas besoin de me demander quelles étaient les conséquences des choix qu'il faisait; il le savait.
Le président: La décision du président a désormais été remise dans les deux langues.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai pas ma copie et nous avons deux membres absents. Je sais que mon collègue ici est reparti dans l'ouest. Le sénateur Bryden est parti et je suppose que le sénateur Tkachuk est parti.
Le sénateur LeBreton: Lorsque nous en avons parlé, vous avez dit, monsieur le président, que nous nous en occuperions mardi. Par conséquent, nos collègues, sachant que nous terminons normalement à 15 heures le jeudi et ayant des avions à prendre...
Le président: Je m'en remets au comité. Que voulez-vous faire?
Le sénateur LeBreton: Vous avez dit mardi. Tenons-nous en à cette date.
Le sénateur Lynch-Staunton: Surtout pour le sénateur Bryden.
Le président: Très bien. Nous allons lever la séance et nous nous reverrons mardi prochain à une heure qui sera fonction du choix que fera Mme Bourgon de comparaître devant nous mardi ou jeudi. J'insiste sur l'importance de cette comparution.
Le sénateur Kirby: Puis-je préciser une chose pour que nous comprenions bien notre horaire? Si Mme Bourgon vient mardi, nous nous réunirons à 15 heures. Si elle ne vient pas, nous le ferons à 19 heures; c'est bien ça?
Le président: C'est bien ça.
Le sénateur Kirby: Si l'on doit donc discuter de votre décision, cela se fera à 19 heures puisqu'en toute justice, pour s'assurer de la présence des représentants d'office des deux camps...
Le sénateur LeBreton: Est-ce que nous ne nous réunissons pas à 15 heures?
Le sénateur Kirby: Nous n'avons pas de témoin si Mme Bourgon ne vient pas. C'est ce que je veux faire comprendre. Sommes-nous d'accord pour dire que si nous devons discuter de la décision, ça se fera à 19 heures pour que je m'assure de la présence d'un membre d'office de notre côté.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si l'un des membres d'office est absent, l'autre ne doit pas voter. C'est sur quoi nous nous étions entendus avec le sénateur Molgat à un moment donné. Je n'en ai jamais parlé avec le sénateur Fairbairn.
Le sénateur Kirby: Je ne demandais pas quels étaient les précédents.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vais pas profiter de ma présence en ces lieux pour aller dans un sens ou dans l'autre. À moins que les deux membres d'office ne soient présents, je suis toujours parti du principe - et c'est certainement ce que pense aussi le sénateur Molgat - que celui qui est présent ne doit pas tirer parti de l'absence de l'autre.
Le sénateur Kirby: Je vous remercie. Ça résout le problème.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'aurais dû donner la consigne au sénateur Fairbairn. Elle n'aurait pas perdu toute son après-midi ici. Elle aurait pu regarder notre séance à la télévision.
Le sénateur Kirby: Ce ne fut absolument pas du temps perdu.
Le président: Madame Bourgon, nous vous remercions infiniment de votre témoignage, qui s'est révélé particulièrement utile.
Le comité lève la séance.