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PEAR - Comité spécial

Accords de l'aéroport Pearson (spécial)

 

Délibérations du comité spécial du Sénat sur les

Accords de l'aéroport Pearson

Témoignages


[Traduction]

Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, ainsi que pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît. Tout le monde est content? Quelqu'un veut-il invoquer le Règlement, faire une déclaration?

Le sénateur Bryden: Tout le monde content? C'est l'extase!

Le sénateur Jessiman: Nous avons, de notre côté, examiné certaines des questions que nous poserons ce matin et, compte tenu de ce que les témoins ont à déclarer, nous nous sommes dits que nous pourrions peut-être finir d'entendre ces témoins au plus tard à 12 h 30, probablement plus tôt.

On nous a dit également que les témoins qui devaient comparaître à 19 heures ce soir seront disponibles à 13 heures, si nous sommes prêts à les entendre. Ils seront donc ici, prêts à témoigner.

Nous croyons donc qu'il serait dans l'intérêt de tous, si nous devions finir d'entendre nos premiers témoins aux environs de midi ou midi trente, de rencontrer les témoins suivants peu de temps après la pause du déjeuner.

Le président: En supposant que l'on procède ainsi, est-ce que M. Matthews sait qu'il y a eu changement?

Le sénateur LeBreton: M. Matthews est dans la salle. Oui, il le sait.

Le président: Sans plus attendre, monsieur Nelligan, auriez-vous l'obligeance de nous présenter...

Le sénateur Bryden: Excusez-moi, cela ne nous empêche pas alors de poursuivre avec M. Matthews ce soir?

Le sénateur Jessiman: Si cela est nécessaire, je crois que non.

Le sénateur Tkachuk: Nous ne voulions pas poursuivre nos travaux jusqu'à vendredi.

Le président: Tout le monde veut quitter Ottawa.

M. John Nelligan, c.r., conseiller juridique du comité: Honorables sénateurs, nous accueillons ce matin Mme Margaret Bloodworth, sous-greffière, Sécurité et Renseignement, et conseillère juridique au Bureau du Conseil privé, ainsi que M. George Thomson, sous-ministre, Justice Canada, qui sont ici pour répondre à vos questions concernant la nature des documents mis à la disposition de notre comité. Je crois qu'ils ont préparé une brève déclaration à notre intention.

Le président: Monsieur Thomson, madame Bloodworth, vous savez que les témoins sont assermentés?

(M. Thomson fait une déclaration solennelle:)

(Mme Bloodworth, assermentée:)

Le président: Nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions d'être là. J'espère que vous pourrez nous aider aujourd'hui. Je crois que personne ici n'a connu d'expérience semblable. Je parle bien sûr de notre comité, qui diffère des autres comités parlementaires, en ce sens qu'on fait rarement appel à un comité de ce genre, son travail est mal compris, et il poursuit ses travaux en croyant avoir des pouvoirs pratiquement illimités d'assigner des témoins à comparaître et d'obtenir l'information dont il a besoin.

Si vous le permettez, simplement pour mettre la machine en marche, je vais commencer à poser mes questions...

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, je croyais vous avoir entendu dire que les témoins voulaient faire une brève déclaration préliminaire. Est-ce que j'ai mal compris?

Le président: Je m'excuse. Vous avez raison. Monsieur Thomson, je vous cède la parole.

Mme Margaret Bloodworth, sous-greffière, Sécurité et renseignement, conseillère juridique au Bureau du Conseil privé: En fait, monsieur le président, je vais commencer, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Comme l'a précisé M. Nelligan, je suis sous-greffière et conseillère juridique au Bureau du Conseil privé. J'exerce ces fonctions depuis mai 1994, après avoir occupé pendant environ cinq ans le poste de secrétaire adjointe, Législation et planification parlementaire.

Entre autres responsabilités au Bureau du Conseil privé, j'appuie la greffière du Conseil privé en sa qualité de gardienne des documents confidentiels du Cabinet des gouvernements actuel et antérieurs. J'espère être en mesure aujourd'hui de vous expliquer certains des principes régissant la confidentialité des documents du Cabinet et la prestation de conseils aux ministres.

Tant sur le plan individuel que collectif, les ministres sont comptables au Parlement des politiques, des programmes et des activités du gouvernement. Ils sont individuellement responsables des décisions et des mesures qu'ils prennent au sein de leur ministère et, collectivement, de toutes les décisions et mesures prises par l'ensemble des ministres.

Il y a deux conventions importantes qui sont liées à la responsabilité collective des ministres. Premièrement, la convention sur la confidentialité des délibérations du Cabinet et, deuxièmement, la convention sur l'accès aux documents d'une administration antérieure.

Permettez-moi d'abord de faire quelques observations sur la confidentialité des documents du Cabinet. Le Cabinet est le groupe au sein duquel les ministres s'entendent sur les mesures que chacun d'eux est susceptible de prendre. Dans le cadre de discussions, ils sont libres de faire part de leurs opinions individuelles à leurs collègues du Cabinet, de débattre vigoureusement des problèmes et d'en venir à un consensus sur la façon de procéder, ce qui permet de tenir compte de la gamme complète des opinions avant de prendre une décision. En outre, les ministres peuvent ainsi appuyer collectivement toutes les décisions qui sont prises et en être comptables au Parlement.

Le pouvoir décisionnel collectif des ministres au sein du Cabinet est le processus clé qui permet d'assurer la solidarité entre les ministres tout en conservant la confiance du Parlement, auquel ils sont collectivement redevables.

Cependant, si l'on veut que les ministres soient capables de prendre des décisions collectives, le caractère privé de leurs opinions eu égard à l'adoption d'une politique gouvernementale doit être préservé. Si ces opinions étaient divulguées avant ou après la prise de décisions, il serait difficile de préserver la solidarité et le consensus au sein du Cabinet, deux éléments qui sont essentiels à un gouvernement par l'exécutif.

Permettez-moi maintenant de faire quelques observations sur la convention concernant l'accès aux documents d'une administration antérieure qui est liée à la convention dont je viens de parler.

La convention concernant l'accès aux documents d'une administration antérieure ministre découle du principe de la responsabilité collective des ministres à l'égard du Parlement. Il s'agit d'une convention qui est maintenant bien établie et qui est respectée par les gouvernements successifs, à savoir qu'un nouveau ministre ne peut avoir accès aux dossiers du Cabinet ou d'un comité du Cabinet, à des documents ministériels connexes ni à la correspondance des gouvernements précédents.

Depuis M. Saint-Laurent, cette convention a été respectée par tous les premiers ministres. Lorsqu'il y a changement de gouvernement, le premier ministre sortant confie toujours les dossiers de son Cabinet aux bons soins du greffier du Conseil privé. Le greffier du Conseil privé, à titre de gardien des documents des administrations antérieures, informe également le premier ministre et les ministres, ainsi que les anciens premiers ministres et anciens ministres de l'application de cette convention.

J'aimerais maintenant vous parler des conseils donnés aux ministres, comme on dit couramment, parce que les documents confidentiels du Cabinet incluent manifestement les conseils donnés aux ministres. Outre les conseils donnés aux ministres en leur qualité de décideurs collectifs, c'est-à-dire sur des questions qui sont examinées par le Cabinet, il y a ceux que les fonctionnaires dispensent aux ministres pour les aider à s'acquitter de leurs responsabilités individuelles, notamment les questions que chaque ministre doit aborder de son propre chef, sans qu'elles ne soient soumises au Cabinet.

Afin de s'assurer que les fonctionnaires donnent des conseils complets et honnêtes et que les ministres demeurent toujours responsables de leurs décisions, et non pas les fonctionnaires, ce type de conseils est également gardé secret. Le motif sous-jacent qui justifie la protection de cette forme particulière de conseils découle de la convention sur la responsabilité individuelle des ministres à l'égard du Parlement.

L'article 21 de la Loi sur l'accès à l'information fait également référence aux conseils et prévoit un pouvoir discrétionnaire permettant de préserver non seulement les conseils donnés directement à un ministre, mais aussi ceux qui sont dispensés en général au sein d'une institution gouvernementale. Il s'agit cependant d'un pouvoir discrétionnaire. Ce n'est pas une exemption obligatoire, les responsables doivent faire preuve de discrétion.

Dans le cas qui nous intéresse, compte tenu de la tåche de votre comité et dans le but de vous donner le plus d'information possible, le principe qui a été adopté, cependant, consistait à faire en sorte que seuls les conseils donnés aux ministres seraient protégés, et non pas les conseils fournis à tous les services des ministères intéressés.

J'aimerais conclure par quelques commentaires sur la façon dont ces principes s'appliquent aux fonctionnaires qui comparaissent devant un comité parlementaire, car je crois que la question a été abordée à plusieurs reprises.

Le Parlement, qui est le plus haut tribunal du pays, jouit manifestement de pouvoirs juridiques très larges. Cependant, les pouvoirs juridiques de l'une ou l'autre des institutions qui forment notre système constitutionnel de gouvernement, qu'il s'agisse de la Reine, du gouverneur général, du Conseil privé, du premier ministre ou du Cabinet, ne peuvent être isolés des pratiques et des conventions liées à l'exercice même de ces pouvoirs; l'un ne va pas sans l'autre.

Comme le dit M. Hogg, les conventions ont pour but de prescrire la façon dont les pouvoirs juridiques doivent être exercés. On ne peut saisir pleinement le caractère et le fonctionnement véritable de chacune des institutions dont j'ai parlé que si l'on tient compte des conventions et des pratiques antérieures, de concert avec les pouvoirs juridiques dont elles sont assorties.

Je parle ici de toutes les composantes de notre système parlementaire, j'insiste là-dessus. Cela n'est pas uniquement le cas du Parlement.

Le Parlement a toujours respecté la convention régissant la confidentialité des documents du Cabinet et n'a jamais fait valoir, à leur égard, de droit d'accès ou de dépôt de documents.

Comme l'a précisé Mme Davidson dans son témoignage sur les pouvoirs des comités parlementaires devant le comité mixte permanent d'examen de la réglementation, et je cite:

Toutefois, dans la pratique, il faut reconnaître et on reconnaît habituellement que la question de la nature et de l'étendue du privilège de la Couronne revêt nettement une importance fondamentale dans un système de gouvernement parlementaire. Ainsi, dans le cadre de leurs travaux, les comités accordent souvent un traitement spécial aux ministres, aux hauts fonctionnaires et aux autres personnes concernées par des poursuites criminelles ou civiles. En règle générale, les questions posées aux fonctionnaires se limitent à des questions factuelles et opérationnelles; on laisse aux ministres eux-mêmes le soin de faire des commentaires sur les politiques du gouvernement, les ramifications politiques et les conseils qui sont donnés aux ministres.

Je cède maintenant la parole à M. George Thomson, qui discutera du rôle du ministère de la Justice dans le cadre de votre enquête.

Après sa déclaration préliminaire, nous serons heureux de répondre à vos questions.

M. George Thomson, sous-ministre, Justice Canada: Merci, monsieur le président. Je suis sous-ministre de la Justice depuis l'automne dernier.

Ma déclaration préliminaire portera sur le rôle que le ministère a joué à l'égard du travail de votre comité ainsi que sur les processus que nous avons suivis pour vous fournir les documents. Ce faisant, j'ajouterai aux propos que vous avez déjà entendus.

Je dois dire, au départ, que je suis d'accord avec Mme Bloodworth que les pouvoirs juridiques du Parlement et, par son entremise, ceux des comités parlementaires, sont très vastes. Certains membres du comité savent que j'ai eu l'occasion, l'automne dernier, de discuter de cette question devant le comité mixte permanent d'examen de la réglementation. J'ai abordé la question du secret professionnel de l'avocat et j'ai fait remarquer qu'un comité parlementaire dispose de vastes pouvoirs, d'un point de vue strictement juridique, lui permettant d'obliger un témoin à comparaître et d'exiger le dépôt de documents.

Cependant, comme l'a fait remarquer Mme Bloodworth, et comme je l'ai signalé moi aussi lorsque j'ai parlé de la question du secret professionnel de l'avocat, le problème va au-delà de la question des simples pouvoirs juridiques en ce sens qu'il existe des pratiques bien connues et, dans certains cas, des conventions qui vont déterminer comment ces pouvoirs juridiques seront ou ne seront pas exercés. Mme Bloodworth a déjà expliqué comment le Parlement exerce son pouvoir dans le cas des documents confidentiels du Cabinet et des conseils donnés aux ministres. Cela est important, car cela explique pourquoi nous avons approuvé les documents après les avoir examinés afin de nous assurer que ces renseignements ne soient pas divulgués.

J'aimerais également faire des observations sur trois autres domaines où le gouvernement protège en général l'information. Premièrement, les conseils qu'un ministère reçoit de ses conseillers juridiques lorsqu'il souhaite maintenir le caractère confidentiel de ces conseils, c'est-à-dire une information relative au secret professionnel de l'avocat où le client - et c'est là son privilège - refuse de renoncer à ce privilège; deuxièmement, les renseignements d'ordre commercial qui devraient être considérés comme confidentiels et, troisièmement, des renseignements personnels à caractère confidentiel.

Passons d'abord à la question du secret professionnel de l'avocat. En pratique, les comités parlementaires demandent très rarement des documents qui obligent l'avocat à rompre le secret professionnel. Et les avocats, au nom de leur ministère, invoquent presque invariablement ce privilège lorsqu'ils comparaissent devant un comité parlementaire.

Nul besoin de vous expliquer en détail pourquoi on tient tellement au secret professionnel de l'avocat. Souvent, lorsqu'on donne un conseil juridique, des décisions très difficiles et complexes doivent être prises qui impliquent des jugements concernant des compromis et des options possibles. Divulguer des avis juridiques dans de telles circonstances pourrait gêner les discussions exhaustives et honnêtes entre un client, ou entre un client-ministère dans ce cas-ci, et son avocat. En outre, la divulgation de tels renseignements pourrait avoir des conséquences graves sur les litiges actuels ou futurs devant les tribunaux.

Bien sûr, il est possible que le client décide de renoncer au droit au secret, auquel cas l'information est divulguée. Lorsque j'ai comparu devant le comité l'automne dernier, je l'ai précisé clairement, mais j'ai également fait remarquer qu'il est important de s'assurer qu'il s'agit véritablement d'information à laquelle le droit au secret s'applique. On suppose parfois que c'est le cas, alors qu'il n'en est rien.

Lorsque le client ne renonce pas à ce privilège, j'ai également dit au comité mixte, et j'avais l'impression de ne pas déroger à la pratique dont j'ai parlé, à cette pratique reconnue, que seulement dans de très rares cas les comités devraient ordonner que l'information soit produite. Je suis allé plus loin et j'ai dit que même dans ces très rares cas, on ne devrait ordonner la production des documents que si la partie qui s'y oppose a eu la possibilité de faire valoir pourquoi la confidentialité devrait être respectée dans ce cas particulier. De même, j'ai indiqué qu'il faut envisager des façons dont l'information pourrait être divulguée sans être révélée publiquement, par exemple, en tenant des délibérations à huis clos.

En appliquant cette pratique établie au travail du comité, ceux qui ont approuvé les documents devant lui être remis en ont retiré l'information qui, à leur sens, était protégée par le secret professionnel de l'avocat. Les autres catégories ou les deux autres volets concernent les documents confidentiels à caractère commercial et les renseignements personnels.

Là aussi, la pratique consiste à ne pas divulguer cette information aux comités conformément aux principes qui sont, par exemple, établis dans les lois actuelles sur l'accès aux renseignements personnels. Ici aussi, il est rare que cette pratique ne soit pas respectée. Quand on a examiné le contenu des documents demandés par votre comité, on en a aussi éliminé cette information. Cependant, comme vous le savez, les autorités ont permis, dans certains cas, la divulgation de l'information pertinente à caractère commercial.

En ce qui concerne le rôle du ministère de la Justice dans le travail de votre comité, en nous fondant sur ces données, je dois dire qu'il comportait deux volets. Premièrement, nous avons travaillé en collaboration avec le greffier du comité, M. O'Brien, et avec le conseiller juridique, M. Nelligan. C'est à notre ministère également qu'on a confié la responsabilité de fournir les documents gouvernementaux au comité et d'assurer la disponibilité des témoins. C'est à notre ministère qu'on a confié cette responsabilité, dis-je bien.

J'aimerais vous donner certains détails précis sur la façon dont nous avons assumé ces responsabilités ou sur le contexte dans lequel nous avons travaillé.

Premièrement, je dois dire que le Sénat a confié une tåche énorme à votre comité. Comme vous le savez tous pertinemment, vous faites enquête sur des événements qui se sont déroulés sur une période d'environ six ans. Ces événements impliquaient l'élaboration de politiques et la tenue de délibérations par de nombreux ministères de même que des négociations complexes et détaillées entre la Couronne, le secteur privé et divers paliers de gouvernement au sujet de l'un des actifs les plus importants du Canada.

Deuxièmement, d'après le mandat qui vous a été confié, le gouvernement avait en sa possession environ 200 000 pages de documents qui présentaient un intérêt pour le comité. De même, manifestement, de nombreux témoins pouvant intéresser le comité travaillaient pour le gouvernement.

Troisièmement, je remarque que le comité s'est fixé un calendrier très rigoureux pour la réalisation de son étude. Le comité a été créé le 25 mai et, au début de juin, il a décidé d'entreprendre ses travaux dès le mois de juillet. Comme vous le savez sans doute, une telle décision était très exigeante pour le comité et son personnel. Cela signifiait également des exigences rigoureuses pour tous les ministères, y compris le nôtre, qui devaient faire le travail que vous nous demandiez.

Le gouvernement a fourni la très grande majorité des documents qu'a reçus le comité. Et parmi les témoins qu'a entendus le comité, beaucoup sont des fonctionnaires.

Dans ce contexte, nous avons agi à titre d'agent de liaison pour rendre les documents disponibles. Compte tenu des délais qui nous étaient impartis et de la nécessité de les respecter, le ministère a retenu les services du cabinet d'avocats Scott & Aylen, plus particulièrement de deux avocats de cette étude, M. David Scott et, plus important encore, M. George Hunter, qui s'est occupé presque exclusivement de ce dossier.

À son tour, Scott & Aylen a retenu les services de Lindquist, Avey qui a été chargé d'amasser et de structurer la plupart des documents. Vous le savez, j'en suis sûr, les deux cabinets ont dû signer des ententes de confidentialité.

Le processus qu'a suivi le ministère, avec l'aide de ces personnes, pour fournir les documents au comité est expliqué en détail premièrement dans une lettre que M. Edge a envoyée à M. O'Brien le 21 juillet, et dans une autre lettre que M. Hunter a écrite à M. Nelligan le 18 août.

Je vais vous résumer rapidement de quoi il s'agit. Scott & Aylen et Lindquist, Avey ont eu accès aux documents. On leur a donné accès à environ 200 000 pages de documents au Bureau du Conseil privé. Seule une petite partie de ces documents était des documents du Conseil privé.

Les employés de Lindquist, Avey ont ensuite rassemblé les documents. Après avoir parcouru tous ces documents et en avoir extrait l'information pertinente, ils ont constitué les reliures concernant chaque témoin au fur et à mesure que la personne devait comparaître devant le comité et remis ensuite les reliures au ministère de la Justice. Les fonctionnaires du ministère de la Justice et du Bureau du Conseil privé ont alors examiné les documents qui devaient être protégés, comme il se doit, c'est-à-dire les documents confidentiels du Cabinet, les conseils aux ministres, les communications entre un avocat et son client, les documents confidentiels à caractère commercial et les renseignements personnels.

Enfin, nous avons transmis les documents approuvés au comité, aux fonctionnaires intéressés et au bureau du ministre de la Justice, tout en même temps.

Outre qu'ils ont préparé les documents, Scott & Aylen et Lindquist, Avey ont aidé des fonctionnaires et des ex-fonctionnaires à préparer leur témoignage en examinant avec eux leur documentation.

De plus, les fonctionnaires du ministère de la Justice, avec l'aide de Scott & Aylen et de Lindquist, Avey, ont veillé à ce que le ministre de la Justice, en tant que ministre chargé, au nom du gouvernement, d'exécuter le travail concernant cette enquête, soit informé au sujet des témoins qui devaient comparaître en examinant avec eux les documents revus une fois qu'ils leur avaient été remis.

Je dirais que dans l'ensemble, tout s'est très bien passé. Les étapes que j'ai décrites ont été suivies. Les documents ont été remis au comité dans les délais très serrés qui nous avaient été impartis, même souvent peu de temps avant que le témoin ne soit appelé à comparaître.

Je pense que nous avons établi de bonnes relations de travail avec le conseiller juridique et le greffier du comité. Je crois également que nous avons fait de notre mieux pour supprimer le moins possible d'information tout en respectant les conventions et les pratiques que j'ai décrites.

Par contre, le calendrier serré, plus la quantité énorme de documents pertinents, ont fait en sorte qu'à l'occasion, nous vous avons inondés de documents en ne vous donnant pas beaucoup de temps pour les examiner compte tenu du délai et de la nature des documents. La gestion des documents a demandé beaucoup de ressources et a coûté cher, en partie parce qu'il a fallu retenir les services d'un très grand nombre de personnes, tant au sein de l'appareil gouvernemental qu'à l'extérieur, soit des fonctionnaires ou des mandataires du gouvernement, qui ont travaillé de très longues heures pendant quelques mois seulement.

En outre, je dois dire que le processus n'est pas parfait. Une journée en particulier, il y a eu deux pépins, comme vous le savez, qui ont fait en sorte que des documents ont été envoyés au bureau du ministre pour être ensuite remis aux sénateurs; or, ces documents n'auraient pas dû être envoyés au bureau du ministre.

Cependant, cette erreur n'était pas intentionnelle et, compte tenu des documents divulgués, n'a pas constitué, à mes yeux, un incident grave et devrait être évaluée au regard de la quantité énorme de documents que nous avons traités.

De même, dans quelques cas, certains se sont demandés, à juste titre d'ailleurs, si nous avions fait preuve de zèle ou manqué de rigueur en examinant le contenu des documents. La question a été soulevée à l'occasion.

Mais je le répète, dans l'ensemble, le processus a bien fonctionné. Voilà le résumé du processus tel que je le vois et tel qu'il a été suivi. Je me ferai un plaisir moi aussi de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Thomson. Vous avez abordé beaucoup de sujets sur lesquels je voulais d'abord vous poser des questions à vous et à Mme Bloodworth pour mettre la machine en marche. Mais, n'écoutant que mon courage, je vais quand même poser ces questions.

Le 16 novembre 1994, Mme Diane Davidson, dont vous avez parlé - elle est avocate générale à la Chambre des communes - a comparu devant le comité mixte permanent d'examen de la réglementation. Son témoignage portait sur les pouvoirs des comités parlementaires.

Vous connaissez manifestement la question parce que vous avez comparu devant le comité mixte permanent d'examen de la réglementation - j'étais là lorsque vous avez témoigné.

Ce jour-là, M. Thomas Wappel, distingué député, vous a demandé si vous étiez d'accord ou non avec Mme Davidson sur le contenu du paragraphe suivant de son exposé:

Ainsi, ces pouvoirs signifient bien sûr qu'en autant que l'enquête instituée par le comité touche un domaine qui relève de la compétence législative du Parlement et du mandat du comité, celui-ci dispose de pouvoirs pratiquement illimités pour ce qui est d'exiger la comparution des témoins et d'ordonner la production de documents.

En réponse aux questions de M. Wappel, vous avez repris:

Je suis d'accord... je reconnais que le comité dispose de ces pouvoirs.

Êtes-vous toujours de cet avis aujourd'hui, monsieur Thomson?

M. Thomson: Oui, je suis toujours de cet avis. Je me dois toutefois de vous faire remarquer que j'ai poursuivi mon témoignage ce jour-là en disant qu'il est rare, selon moi, que les renseignements assujettis au secret professionnel de l'avocat doivent être divulgués; j'ai ensuite parlé du processus que l'on doit suivre avant de prendre une telle décision. J'ai essayé d'expliquer pourquoi, à mes yeux, le secret professionnel de l'avocat était tel que l'on pouvait rarement exercer ce pouvoir. Mais je n'ai pas nié que ce pouvoir, en soi, existait.

Le président: Nous allons y venir.

M. Wappel vous a cité un autre paragraphe du document de Mme Davidson dans lequel elle écrit ceci:

On y déclare simplement qu'un témoin appelé à comparaître devant un comité doit réellement répondre à toutes les questions qui lui sont posées par les membres et produire les documents requis par le comité.

Et il a ajouté le commentaire suivant:

Cela inclurait toute question qui pourrait autrement tomber dans la catégorie du privilège du secret professionnel de l'avocat.

Et vous avez répondu, monsieur Thomson, et je cite:

Oui, j'ai reconnu que, en ce qui concerne les renseignements confidentiels, c'est le privilège du client et le client peut y renoncer. Toutefois, même si le client n'y renonce pas, le comité a finalement le pouvoir d'exiger que cette information lui soit divulguée.

Êtes-vous toujours de cet avis aujourd'hui?

M. Thomson: Oui. Je dois ajouter deux choses, et je crois les avoir expliquées très clairement dans ma déclaration.

Premièrement, le comité dispose de ce pouvoir juridique. Pour être exercé, ce pouvoir doit faire l'objet d'une demande. Si le document n'est pas fourni, si l'on soutient que l'information ne devrait pas être divulguée conformément aux modalités dont je vais vous parler dans quelques instants, on peut alors s'en remettre à la Chambre des communes ou au Sénat, qui disposent du pouvoir d'exécution. Autrement dit, même si le comité possède le pouvoir juridique, le pouvoir d'exécution appartient à la Chambre ou au Sénat.

Deuxièmement, j'ai effectivement fait remarquer qu'il est très rare que l'on exerce ce pouvoir, et j'estime que l'on doit faire preuve d'une très grande prudence, que l'on doit y recourir très rarement et seulement après avoir suivi le processus que j'ai décrit.

Le président: Le 28 avril 1995, vous avez rédigé une note de service à l'intention de tous les avocats du ministère. Cette note s'intitulait: «Privilèges et comités parlementaires».

Dans ce document, vous proposiez divers principes généraux devant guider les avocats du ministère qui comparaissent devant les comités.

Le premier principe est le suivant:

Lorsqu'ils sont invités à comparaître devant un comité parlementaire, les avocats du ministère de la Justice devraient faire tout leur possible pour aider le comité à obtenir l'information nécessaire pour exécuter son mandat.

Le deuxième principe est le suivant:

À cet effet, les comités ont le droit de convoquer des témoins et de demander le dépôt de documents, et le Parlement a le pouvoir de faire respecter ce droit, même si...

...comme vous venez tout juste de le dire...

...ce pouvoir d'exécution n'a pas été utilisé dernièrement.

Savez-vous quand ce droit a été exercé la dernière fois?

M. Thomson: Je ne suis pas sûr, monsieur le président.

Je sais que dernièrement, avec le consentement de toutes les parties, un décret a été pris afin de respecter la disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels permettant d'obtenir des renseignements personnels dans une cause en particulier. Jamais, à ma connaissance, n'a-t-on exercé ce pouvoir afin d'obtenir des documents protégés par le secret professionnel de l'avocat. Je pourrais voir pour vous, mais je ne suis absolument pas au courant. En fait, je ne connais tout simplement pas de cause de ce genre.

Le président: La raison pour laquelle je soulève cette question - ce sont en quelque sorte des motifs personnels qui me poussent à le faire - car non seulement j'étais à la réunion du comité mixte permanent d'examen de la réglementation, mais à titre de président d'un comité du Sénat pendant environ quatre ans, soit le comité des transports, et de vice-président du comité des banques et du commerce, il m'est souvent arrivé de voir que soit par timidité, soit par ignorance de notre part, nous les parlementaires, nous acceptions de la pure foutaise de la part de témoins qui disaient être désolés de ne pas pouvoir répondre à la question. Et nous acceptions cela. Nous n'allions pas plus loin. Nous ne demandions pas pourquoi, rien.

Et je crois que les comités parlementaires, ces dernières années, ont pris la mauvaise habitude d'accepter ces réponses sans réaliser que les témoins sont tenus de donner certains renseignements, si seulement les comités prenaient la peine d'examiner les droits dont ils jouissent.

Et je suis désolé... en fait, j'ai parlé de l'incident du magasin de bonbons au comité, ce jour-là. Mais cela n'est qu'un aparté. Je ne m'attends pas à ce que vous me répondiez maintenant.

M. Thomson: Si vous me permettez, monsieur, d'ajouter une petite chose, je ne veux pas vous induire en erreur, ni vous, ni le comité. Je crois aussi premièrement que l'on doit en général invoquer ce privilège, mais je pense qu'une première question s'impose: est-ce que le privilège s'applique? Deuxièmement, le client doit déterminer s'il renonce à ce privilège. Si tel n'est pas le cas, la pratique veut que l'on réclame le respect de ce privilège en invoquant les raisons pour lesquelles je pense que le privilège est si important. Je suis d'accord que l'on doit invoquer ce privilège devant les comités. Et je pense que les occasions où un pouvoir juridique est exercé pour passer outre à ce privilège devraient être très rares.

Cela dit, je ne veux pas laisser entendre que je désavoue ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet du pouvoir juridique des comités.

Le président: Oui, mais l'incident dont je parle ne nécessitait pas de nous en remettre à la Chambre pour faire respecter nos droits et pour obliger le témoin à répondre à une question. Il s'agissait d'une question très très simple, et nous aurions dû simplement dire au témoin: «Écoutez, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous dites? Vous venez tout juste de refuser de nous donner une information toute simple, et je vous suggère soit de répondre à la question, soit simplement de retourner demander l'avis de votre ministère».

Il n'était pas nécessaire de prendre des mesures draconiennes pour le forcer à répondre. Le parlementaire en question - et dans ce cas-ci, c'était moi - a tout simplement été stupide et ignorant lorsqu'il a posé sa question.

M. Thomson: Pour ce qui est des circonstances dont nous avons discuté l'automne dernier, j'ai reconnu devant le comité que, premièrement, je ne croyais pas que le privilège s'applique et que, deuxièmement, le client était disposé à renoncer à ce privilège. Dans ce cas-là, le comité aurait dû obtenir l'information assez facilement.

Le sénateur Stewart: Puis-je demander au président de quel document il parlait tout à l'heure, simplement pour les fins du compte rendu? J'ai un document ici, mais je ne suis pas certain si c'est celui dont vous parlez.

Le président: Est-ce que vous parlez des principes auxquels j'ai fait allusion? C'est la note de service que le sous-ministre a fait parvenir à tous les avocats du ministère, dans laquelle il précisait la nature des principes, et cetera, et dans laquelle il disait qu'il devait y avoir...

Le sénateur Stewart: Est-ce que le comité a cette note?

Le président: Non, nous avons l'avis. L'avis qui...

Le sénateur Stewart: Ce qui m'ennuie, c'est que vous posez des questions très intéressantes et très importantes, mais que je ne sais pas à quel document renvoient ces questions. Je ne l'ai pas sous les yeux, à tout le moins.

Le président: Je vais peut-être y venir.

Le sénateur Stewart: Il s'agit d'un document très technique, monsieur le président, et il importe d'en reprendre les termes précis. C'est pourquoi j'ai de la difficulté à me fier à ce que j'entends plutôt qu'à ce que je vois. En ce qui me concerne, c'est un document obscur. Je ne l'ai pas vu mais d'autres membres du comité l'ont peut-être vu.

Le président: C'était la note de service qu'a envoyée le sous-ministre à tous les avocats du ministère.

Le sénateur Stewart: Je suis désolé, je ne fais pas partie de cette catégorie de personnes.

Le président: Moi non plus. Il y a ici une référence. On dit:

Le Secteur du droit public est en train de mettre la dernière main à un document qui résume les recours que permettent la législation et la pratique parlementaires pour assurer le dépôt de documents gouvernementaux auprès de comités parlementaires... Le document sera prêt...

J'en viens à ma question. Peut-être que si vous m'en donnez le temps, je pourrai vous aider, sinon, vous pouvez... mais je cite un extrait de ce document.

Le sénateur Stewart: Pourrais-je avoir une copie de ce document et des autres documents dont vous allez parler?

Le président: Oui, d'accord.

M. Thomson: Monsieur le président, si vous me permettez simplement d'ajouter un autre petit détail concernant votre discussion sur les pratiques antérieures des comités, à mon avis, chaque fois que les comités parlementaires décident de ne pas demander cette information, il ne s'agit pas simplement d'une erreur imputable à un manque de compréhension. Je crois fermement, comme je l'ai déjà dit, que cela reflète la pratique bien établie qui veut qu'on ne passe pas outre au secret professionnel de l'avocat à moins d'être contraint de le faire à cause de motifs impérieux et seulement après que la procédure équitable a été suivie.

Donc, sans faire quelque commentaire que ce soit sur ce qui aurait dû se passer dans le cas précis dont vous parlez, la pratique des comités n'est pas simplement le fait de l'ignorance. Il s'agit d'une pratique établie qui est respectée depuis un certain temps et on doit la reconnaître comme telle, je crois.

Mme Bloodworth: Monsieur le président, pourrais-je ajouter quelque chose à cela? Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que des témoins ont parfois refusé de répondre à des questions auxquelles ils auraient dû répondre et que cela s'est produit au sein de tous les comités. Mais j'aimerais appuyer ce que M. Thomson a dit. Je ne crois pas que les comités, en n'insistant pas pour obtenir certains renseignements, aient agi par ignorance ou par timidité.

Je dois dire que je n'ai jamais vu de comités parlementaires, d'après mon expérience, qui soient particulièrement timides. Je pense qu'ils sont d'avis pour dire que cette pratique est importante dans notre système parlementaire, et que toutes les composantes de notre système parlementaire et du système constitutionnel ne sont pas régies simplement par leurs pouvoirs juridiques.

Je vais vous donner un bon exemple qui concerne le premier ministre et le Cabinet. Le premier ministre et le Cabinet ne disposent d'aucun pouvoir juridique parce qu'ils n'existent pas dans la Constitution. Mais je serais bien idiote de penser que cela veut dire qu'ils n'ont pas de pouvoir, parce que selon la pratique et les conventions, ils disposent de beaucoup de pouvoirs.

À mes yeux, les comités parlementaires, qui forment l'une des composantes de notre système constitutionnel, ne font que refléter cette situation. Or, cela n'enlève rien au fait que, j'en suis sûre, dans certains cas, des témoins, pour diverses raisons, auraient dû répondre aux questions et peut-être que les comités auraient dû ou n'auraient pas dû continuer à les poser. Mais en général, je crois que le principe est important.

Le président: Dans le cas des comités du Sénat, 90 ou 95 p. 100 - je ne sais pas, mais c'est un très lourd pourcentage de notre travail - se fait en réaction à un projet de loi qui nous est renvoyé par la Chambre des communes. Nous examinons ce projet de loi et ainsi de suite.

Je ne dis pas que les sénateurs ou les députés sont timides et hésitent à poser des questions. Je parle des cas isolés où un témoin refuse de répondre, pour quelque raison que ce soit, et qu'on ne fait rien.

Je dis également que nous sommes face à une espèce étrange que nous connaissons mal, je pense que vous allez devoir être d'accord avec moi. Nous parlons ici d'un comité parlementaire, qui fait enquête, c'est un terme que je n'aime pas particulièrement, mais qui examine la politique du gouvernement sur la privatisation des aéroports canadiens. C'est ce que nous faisons.

Maintenant, est-ce que je peux continuer à poser mes questions?

Dans le sixième principe, vous notez que lorsqu'un client... maintenant, on en vient à ce que vous disiez. Vous faites remarquer que lorsqu'un client ne renonce pas au privilège du secret professionnel, dans le cas de renseignements donnés confidentiellement à son avocat, et que le comité insiste pour qu'il réponde à une question de nature confidentielle, le témoin devrait demander de faire valoir ses arguments auprès du comité et à cet égard - voici quelques phrases clés -:

...trouver des façons de divulguer l'information qui soient le moins dommageables possible pour le client, tout en tenant compte de l'intérêt du gouvernement dans son ensemble.

Pourriez-vous expliquer ce que vous vouliez dire?

M. Thomson: Pour moi, cette question se divise en deux parties. Premièrement... je dirais trois parties. J'ai déjà fait allusion à la première. Je pense qu'il faut prendre le temps de voir si le privilège s'applique, si le client est disposé à y renoncer. Et il y a des cas où l'information - et je suis d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure - peut simplement être fournie en renonçant au privilège. Cela a déjà été fait, notamment dans le cadre du travail de votre comité.

Deuxièmement, j'ai dit qu'à mes yeux, il y a certains cas où, lorsque le client ne renonce pas au privilège, l'avocat devrait, au nom de son client, invoquer le secret professionnel et déclarer fermement pourquoi à son avis l'information ne devrait pas être divulguée; si nécessaire, on pourrait demander à la Chambre des communes ou au Sénat de trancher.

Troisièmement, j'ai également fait remarquer qu'il y a des cas où tout compte fait, le comité doit exercer son pouvoir, où il est convenu qu'il exercerait ce pouvoir, on peut à ce moment-là se poser une troisième question: y a-t-il moyen de divulguer l'information sans aggraver les dommages qui pourraient découler du fait que cette information devienne publique, par exemple, en dévoilant l'information à huis clos ou en privé?

À mon avis, c'est là une façon de s'assurer, quand on en arrive au point où l'information va être divulguée, que le risque de causer des torts va être réduit à son minimum. C'est ce dont je parlais dans cette clause en particulier.

Le président: C'était tout?

M. Thomson: Je n'exclus pas le fait qu'il puisse y avoir d'autres façons de divulguer l'information sans causer de torts, mais l'exemple qui m'est venu le plus souvent à l'esprit était le cas des délibérations à huis clos, et je sais qu'on a déjà procédé ainsi, par exemple, dans le cas de renseignements personnels.

Le président: Oui, j'ai lu ce commentaire dans le document de Mme Davidson, et je suis d'accord. Heureusement, cela ne s'est pas produit au sein de notre comité, un cas où nous avons... et il n'y a eu aucune raison pour que des décisions soient prises à huis clos en ce qui concerne les témoignages qui nous ont été donnés.

En ce qui concerne le secret professionnel de l'avocat, vous êtes l'avocat et votre client est le ministère des Transports.

M. Thomson: Oui.

Le président: Si votre ministère, c'est-à-dire les Transports, ne renonce pas au privilège de non-divulgation, n'est-il pas vrai que l'on reconnaît qu'il appartient implicitement à la Chambre, en dernier recours, d'ordonner la communication de l'information?

M. Thomson: Eh bien, si le client ne renonce pas à ce privilège... ce n'est pas à l'avocat de le faire, c'est au client. Si le client ne renonce pas au secret, alors l'avocat n'a pas l'autorisation de le faire, à moins, par exemple, que les règles de la déontologie exigent une certaine forme de divulgation.

Donc, à ce moment-là, on déclarerait que l'information ne peut être divulguée. Elle est assujettie au secret professionnel de l'avocat et ne devrait pas être communiquée. Toutefois, après avoir tenu compte de la pratique établie et des raisons pour lesquelles on estime que l'information ne doit pas être divulguée, si le comité estime qu'elle doit l'être et qu'on refuse toujours de la divulguer, à ce moment-là vous avez raison. Le comité peut déférer l'affaire à la Chambre des communes ou au Sénat qui trancheront.

Le président: Est-ce que vous avez déjà demandé à votre client d'accepter de divulguer de l'information ou suggéré à quelqu'un que l'on demande au client de le faire?

M. Thomson: J'ai participé à des discussions, dans le cadre de mon travail auprès du gouvernement, quant à savoir si un client devait renoncer à la protection accordée par le secret professionnel dans un cas précis. Oui, j'ai déjà participé à de telles discussions.

Le président: Dans le cas qui nous intéresse?

M. Thomson: J'ai participé à des discussions dans le cas qui nous intéresse, en fait, tout récemment, en ce qui concerne un document qui, je pense, a été divulgué hier.

Le président: Document pour lequel Transports Canada a renoncé au privilège du secret professionnel?

M. Thomson: C'est juste.

Le président: M. Nelligan aimerait obtenir une précision, monsieur Thomson.

M. Nelligan: Monsieur Thomson, bien que je reconnaisse, comme je dois le faire à titre d'avocat, l'importance du secret professionnel, je m'inquiète de la portée qu'on pourrait vouloir lui donner. Ce qui suit n'est qu'un exemple, mais nous avons eu en main, au début des délibérations, un document portant le numéro 000828, qui n'était en fait qu'une note relativement sans conséquence sur une réunion tenue au ministère des Transports.

À ce moment-là, les membres du comité avaient été frappés par le nombre de passages effacés aux termes de l'article 23, en vertu du secret professionnel de l'avocat. Quand nous avons enfin obtenu une copie du document, nous y avons trouvé toute une série de références, non pas à des avis juridiques, mais à des noms d'avocats.

Par exemple, au paragraphe 3:

Les termes employés concernant certaines données numériques doivent être plus précis, par exemple, le calendrier des activités et la date de début de la construction. J. Pigeon s'en charge.

Ce passage avait été supprimé. De nombreux autres passages avaient aussi été supprimés, notamment celui-ci:

Bob Green détermine d'ici demain si TPC a convoqué Etobicoke à une réunion pour que l'on puisse avancer.

Bon, je ne m'attends pas à ce que vous expliquiez ces suppressions précises. Mais quand vous demandez à votre équipe d'examiner des documents, comme vous avez dit que vous l'aviez fait, quelles sont les directives que vous lui donnez pour déterminer les passages qui relèvent du secret professionnel de l'avocat?

Parce que je dois vous dire qu'à mon avis, vous avez parlé avec raison de «conseils à un ministère», mais seulement quand ils avaient été donnés par un avocat. Cet énoncé faisait-il partie des restrictions que vous avez demandé à votre groupe d'appliquer?

M. Thomson: Je suis heureux que vous ne me demandiez pas de donner mon avis sur ce document particulier, mais j'aimerais dire deux choses: pour commencer, je dois être d'accord avec vous sur ce que je pense être la question que vous soulevez, à savoir qu'il y a des situations, et peut-être que c'est le cas ici, où nous avons invoqué le secret professionnel à tort. J'ai fait allusion à cette question tout à l'heure. Je pense qu'une question très importante doit être posée dès le départ. Cette information est-elle assujettie au secret professionnel de l'avocat?

Je ne pense pas qu'il serait exagéré de dire que nous avons peut-être dans le passé parfois agi avec excès à cet égard. Je peux dire qu'au cours des derniers mois, nous avons essayé, comme l'a fait observer le président, de trouver des moyens d'être plus clairs quant aux situations précises où le secret professionnel de l'avocat s'applique ou ne s'applique pas. Vous comprendrez de plus que nos quelque 1 200 avocats prennent régulièrement des décisions à cet égard.

Cela dit, nous avons tenté dans le cas qui nous intéresse, d'avoir une vaste perspective, comme je l'ai déjà indiqué. Si cela est un exemple de la situation que vous évoquez, et compte tenu du peu de choses que je vous ai dites, vous avez peut-être raison de penser que certains d'entre nous ont agi avec excès, ou que ceux qui ont invoqué le secret professionnel ont fait preuve d'excès dans leur définition, oui, je suis d'accord. J'espère aussi qu'ils vous ont donné l'information quand vous leur avez fait part du problème.

Mais je peux vous dire que nous leur avons demandé d'invoquer le secret professionnel, c'est certain. Les personnes à qui nous demandons de déterminer s'il y a lieu ou non d'invoquer le secret professionnel possèdent des compétences réelles en la matière. Je pense qu'en général elles ont agi avec beaucoup de prudence et sans excès, dans le cas présent. Mais on a peut-être ici un exemple qui montre qu'elles n'y sont pas toujours parvenues.

M. Nelligan: Voilà, je suis confronté à un problème pratique. Je ne pense pas que le comité veuille s'immiscer là où il n'a pas d'affaire. Mais quand, dans un document qu'il reçoit, il ne trouve qu'un résumé laconique, article 23, il n'a aucun moyen de déterminer s'il doit chercher à en savoir plus long. Et je puis dire que c'est le titre du document: «Questions supplémentaires soulevées par Mergeco», qui nous a donné des doutes. Comme nous avions l'impression que les points en question avaient été soulevés par une instance externe, le secret professionnel de l'avocat pouvait difficilement être invoqué, avec le résultat que l'on connaît.

Y a-t-il des moyens que vous pourriez nous suggérer pour que, dans les cas où les représentants du ministère pensent qu'il est possible d'invoquer le secret professionnel, un membre du comité puisse en toute confidentialité examiner les motifs de la décision qui a été prise, de façon que les demandes de révision puissent être présentées ou les discussions avoir lieu discrètement, sans que les faits soient divulgués au public avant que cela ne soit nécessaire.

M. Thomson: Je ne pense pas pouvoir vous suggérer un moyen facile de procéder, sans que l'on se trouve dans une situation où l'information pour laquelle on estime devoir invoquer le secret professionnel soit divulguée pour que l'on puisse prendre une telle décision ou du moins pour que l'on puisse confirmer la décision qui a été prise.

D'après ce que je crois comprendre, nous nous sommes montrés ouverts à la possibilité de discuter de certains cas en particulier, et je pense qu'il ne faut pas aller plus loin, parce que je n'ai pas de suggestion à vous faire quant à la façon dont un membre du comité pourrait examiner toute l'information que nous estimons relever du secret professionnel de l'avocat, pour déterminer si la décision de l'invoquer a été prise de façon adéquate. Je peux vous assurer que j'ai encouragé nos avocats à ne pas faire d'excès quand vient le temps de prendre cette décision, et je suis prêt à discuter avec vous de la façon dont les décisions se prennent dans l'ensemble, ainsi que de l'approche qui est adoptée.

Il pourrait être possible de trouver des situations que l'on pourrait utiliser à titre d'exemples, mais je ne vois pas bien comment nous pouvons le faire sans provoquer les problèmes mêmes que le fait de divulguer de l'information confidentielle peut créer.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi le conseiller juridique de notre comité ne pourrait-il pas être dans la même position que ces personnes? Vos avocats...

Le président: Laissez-le terminer, sénateur, et vous pourrez ensuite parler. Aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Thomson: Non. À moins que vous ne vouliez que j'essaie de répondre à cette question.

Le président: J'ai fait référence tout à l'heure au document que le secteur du droit est en train de préparer, comme vous nous l'avez dit. J'essaie depuis trois mois d'obtenir ce document. J'aurais pensé qu'il aurait pu être mis à la disposition des étudiants en droit, en sciences politiques, et cetera.

Le sénateur Kirby: Quel document?

Le président: Je parle du document préparé par M. Henry Molot, du secteur du droit.

Le sénateur Kirby: Je voulais seulement que ce soit précisé. C'était de ça que je pensais que vous parliez.

Le président: Dans sa note, dans sa circulaire, M. Thomson fait référence à un document presque achevé. Cette note était datée d'avril de l'année dernière. Il semble que le document n'ait pas encore été finalisé.

M. Thomson: C'était en fait avril de cette année, du moins je l'espère. Vous comprendrez peut-être ainsi que les choses vont lentement au ministère de la Justice. Mais je dois vous dire que nous travaillons encore à ce document. Diverses ébauches ont été rédigées. C'est un document difficile à rédiger. En fait, j'ai récemment demandé à M. Molot d'y travailler pour le faire avancer. Je pense qu'il est extrêmement important que le document que nous produirons, quel qu'il soit, soit conforme et exact et, à vrai dire, nous n'en sommes pas encore là. Une fois que nous aurons un document que moi-même et le ministre auront révisé - si nous arrivons à le produire et à le distribuer -, je serai prêt à le mettre à votre disposition. Je dois seulement vous dire qu'en raison de la difficulté de la tåche, et nous avons brièvement parlé ce matin de la nécessité de définir clairement les nuances, le document n'est tout simplement pas prêt.

Le président: Je vois. Il y a seulement deux jours que les représentants de votre ministère ont indiqué que ce document était simplement une mise à jour du Livre bleu de 1990 préparé par le Bureau du Conseil privé, qui s'intitulait: «Notes concernant la responsabilité des fonctionnaires qui comparaissent devant un comité parlementaire». J'en conclus, d'après ce que vous dites, que votre document diffère à certains égards de celui produit en 1990. C'est le dernier que nous ayons vu.

M. Thomson: Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à la question autrement qu'en disant que le document auquel nous travaillons n'est pas une mise à jour du Livre bleu. Il est possible que le document que nous avons produit puisse d'une certaine manière constituer une mise à jour du Livre bleu, mais, non, nous avons voulu produire un document distinct qui traiterait précisément de la question de la comparution devant les comités, particulièrement celle des avocats, et de l'information susceptible d'être assujettie au secret professionnel. Nous n'avons pas - je n'ai pas - participé à des discussions à savoir si ce document constituerait alors une mise à jour du Livre bleu. Diverses ébauches ont été rédigées, je peux vous le dire. J'ai pris connaissance d'ébauches, mais franchement, aucun document n'a été rédigé dans une forme finale.

Le président: Je vois. Très bien. Dans quel but avez-vous retenu les services des cabinets Scott & Aylen et Lindquist, Avey? Il y a 1 200 avocats dans votre ministère.

M. Thomson: Oui, nous avons 1 200 avocats; mais nous faisons aussi largement appel aux services de mandataires. En principe, nous le faisons quand survient une situation exactement comme celle-ci, où les délais sont très courts et où nous avons une somme considérable de travail à exécuter. Nous demandons à des mandataires de nous aider à exécuter ce travail, par exemple pour les litiges importants qui doivent être instruits avec célérité ou lorsqu'une enquête quelconque est soudainement demandée, une commission royale, ou autre chose. Nous faisons souvent appel aux services de conseillers juridiques externes dans ces situations pour que le travail soit exécuté à temps. Nos 1 200 avocats sont très occupés, et il peut être très difficile de les retirer d'autres tåches pour leur demander de se concentrer exclusivement sur un travail comme celui-ci. Telle est la situation classique dans laquelle nous envisageons de faire appel à des mandataires pour exécuter le travail.

Dans le cas présent, nous savions en retenant les services de mandataires que nous devrions les autoriser à faire appel à quelqu'un d'autre pour rassembler les documents et les mettre à la disposition du comité, ce qui constitue une tåche importante, ainsi que les aider à effectuer leur travail de mandataires du gouvernement pour ce qui était de répondre aux demandes du comité. C'est pourquoi nous avons tous deux donné notre approbation pour retenir les services d'une firme externe et, deuxièmement, que nous lui avons permis de faire appel à une autre firme pour exécuter le travail.

Le président: Vous estimiez que votre ministère n'avait pas les ressources nécessaires pour rassembler ces documents, comme vous l'avez dit, pour en faire la collecte?

M. Thomson: C'est exact. J'avais le sentiment, comme d'autres, que nous n'avions pas les ressources pour faire ce travail, du moins dans les délais fixés. Il y avait des personnes à qui nous pouvions nous adresser - nous aurions pu demander à un grand nombre d'employés de laisser d'autres tåches pour s'occuper de celle-ci - en fait, nous avons affecté un certain nombre d'employés du ministère à ce travail - mais nous aurions alors dû donner en sous-traitance tout le travail qu'elles étaient en train d'effectuer. Alors, nous avons pensé qu'il était logique de nous adresser à un mandataire bénéficiant de l'appui d'employés du ministère et de l'autoriser à retenir les services de quelqu'un d'autre pour exécuter le travail. Et, franchement, en grande partie à cause des délais serrés et du nombre considérable de documents que nous savions devoir traiter.

Le président: Avez-vous dû vous adresser au Conseil du Trésor pour obtenir les fonds nécessaires pour engager ces personnes?

M. Thomson: J'avais le pouvoir - ou le ministère l'a - de retenir les services de mandataires et de les autoriser à exécuter des tåches qui nécessitent l'engagement de dépenses. J'ai de la difficulté à me rappeler. Je sais pertinemment que nous avons parlé avec le ministère des Transports des coûts que cela pourrait représenter pour lui. Je ne sais pas très bien si le ministère des Transports a dû demander des fonds supplémentaires particuliers à cette fin ou s'il a décidé qu'il allait, à titre de ministère-client, intégrer ces coûts, c'est-à-dire les assumer à même son budget.

Le président: Autrement dit, vous ne savez pas si vous disposiez, au ministère, de fonds que vous pouviez utiliser à votre discrétion, ou si vous avez dû obtenir une autorisation particulière du Conseil du Trésor?

M. Thomson: C'est ça. Une des raisons pour lesquelles il est difficile de répondre à votre question, monsieur, c'est que les règles ont changé au gouvernement, en ce sens qu'il n'y a plus de réserves dans lesquelles on peut puiser pour se procurer des fonds supplémentaires pour des projets comme celui-ci. Vous devez trouver le moyen de les intégrer, et je suppose que les deux ministères, le ministère-client et celui des Transports, s'en sont rendu compte en voulant déterminer comment ils pouvaient trouver les fonds nécessaires au projet. Je savais aussi que je devrais fournir les fonds dont nous aurions besoin pour affecter des avocats internes au projet.

Le président: Selon vous, si une présentation a été adressée au Conseil du Trésor, serait-il possible d'en prendre facilement connaissance, au nom de l'accès à l'information?

Mme Bloodworth: Non, monsieur. Il s'agirait d'un document confidentiel du Cabinet.

Le président: Je vois.

Mme Bloodworth: Le fait que de l'argent ait été injecté dans un budget pourrait très certainement être connu; mais la présentation comme telle ne pourrait pas être divulguée.

Le président: Oui. Bon, vous nous avez assez bien expliqué quelles étaient les fonctions de Scott & Aylen et de Lindquist, Avey. Pour en revenir à Lindquist, Avey, ces gens qu'on appelle des... comment les appelle-t-on déjà?... des vérificateurs légaux? Est-ce bien ça?

M. Thomson: Je pense que c'est ça, on les appelle des vérificateurs légaux ou des comptables judiciaires. Je ne suis pas certain du titre exact qu'on leur donne.

Le président: Sont-ils des comptables au sens formel du terme? Est-ce que ce sont des comptables agréés, des CPA ou quoi? Savez-vous quelles sont leurs compétences?

M. Thomson: Je ne peux répondre à votre question. Je pense qu'il y avait des comptables dans le cabinet, mais je suis certain qu'il y avait aussi d'autres membres de professions libérales. Je pourrais me renseigner et vous en informer, mais je ne connais pas personnellement leurs compétences précises. Je pense qu'il y a eu 12 employés de ce cabinet qui ont participé au projet, des membres de professions libérales qui ont participé à ce travail.

Le président: Vous vous rendez compte, bien entendu, qu'ils prétendaient parler au nom du ministère de la Justice et qu'ils interrogeaient des témoins?

M. Thomson: Eh bien, je sais qu'au début de leur mandat - et je crois savoir qu'ils l'ont fait pour aider le conseiller juridique du comité -, ils ont aidé à trouver des gens et à rassembler des témoins en prévision des discussions de politiques qui auraient lieu au début des travaux du comité. Je sais qu'ils ont fait cela. On m'a aussi dit que des employés de chez Lindquist, Avey avaient à un moment donné pris contact avec deux personnes de l'extérieur qui ont par la suite comparu devant le comité. Je crois comprendre qu'ils l'ont fait dans le cadre de la tåche que nous leur avions confiée, qui consistait à examiner tous ces documents, à déterminer ceux qu'il fallait retenir et à les rassembler. Nous ne leur avions pas demandé de faire des recherches poussées pour trouver des témoins, ni de procéder à une enquête externe. Nous leur avions demandé de gérer ces documents pour nous.

Le sénateur Tkachuk: Juste une clarification. Quel est le premier point que vous avez soulevé? Vous avez parlé des témoins et du conseiller juridique.

M. Thomson: D'après ce que je comprends - et peut-être que M. Nelligan peut m'aider à cet égard - Lindquist, Avey a effectué certains travaux, de même que Scott & Aylen, au tout début, quand on a voulu se préparer pour ce qui, à mon avis, est la première chose qu'un comité fait, c'est-à-dire examiner les politiques générales et les rapports du gouvernement avec les aéroports, les politiques établies au fil des ans. D'après ce que je comprends, les deux cabinets ont tenté de déterminer qui serait le mieux placé pour venir parler des changements dans les politiques du gouvernement dans ce domaine. Peut-être que j'ai tort, mais c'est ce que je crois comprendre.

M. Nelligan: Vous avez tout à fait raison, monsieur. Ils ont réussi à trouver des fonctionnaires du ministère des Transports qui nous ont donné une séance d'information, ce qui nous a permis d'avoir des données explicatives sur la situation. Nous avons été informés par M. Hunter que le cabinet, que je connais et respecte comme étant un cabinet réputé de vérificateurs légaux, avait été engagé pour colliger les documents. Je pense que c'est ce qu'on nous a dit. Mais pour les témoins, ça n'était pas pareil. Le ministère nous a dit qu'il désignerait les témoins qui comparaîtraient devant le comité le premier jour en mesure de préparation, et cela a aussi été fait.

Le président: Et en faisant appel à ces gens, des personnes étrangères au gouvernement, de Toronto, je crois, ayant prêté serment de confidentialité, ont eu accès à des documents émanant principalement du ministère des Transports, mais aussi du Bureau du Conseil privé, comme vous l'avez mentionné, madame Bloodworth. Et ces documents leur ont été fournis avant que le ministre actuel ne soit assermenté.

M. Nelligan: Vous avez raison en ce qui concerne le ministère, mais peut-être pas en ce qui a trait à ces personnes.

M. Thomson: Peut-être que Mme Bloodworth pourrait donner son opinion sur la question. Nous avons retenu les services du cabinet à titre de mandataires. Nous l'avons obligé à prêter serment de confidentialité comme nous le faisons pour tous les mandataires auxquels nous faisons appel. La même exigence s'est appliquée au cabinet qu'il a engagé, soit Lindquist, Avey, et pour qu'il puisse exécuter le travail que nous lui avions confié, qui consistait à prendre tous les documents et à les répertorier en fonction des témoins pour que nous puissions ensuite en examiner minutieusement le contenu, oui, il était nécessaire que le cabinet ait ces documents. Mais je dois dire que cela est la façon normale de procéder. La seule façon d'obtenir que le travail se fasse était de lui remettre les documents; le cabinet a exécuté le travail en sa qualité de représentant du gouvernement dans ce domaine précis.

Le sénateur Tkachuk: Vous parlez du cabinet d'avocats Lindquist, Avey?

Le président: Oui. Le conseiller juridique vient de me signaler que je me suis trompé. Quand j'ai parlé de Lindquist, Avey, je parlais de choses qui sont arrivées après mai de cette année. Je suppose que je pourrai peut-être poser la question à Mme Bloodworth tout à l'heure. Je suis ensuite revenu aux documents qui ont été mis à la disposition de M. Nixon, après que les représentants du cabinet eurent prêté serment de confidentialité. C'est de ça que je parlais.

M. Thomson: Je n'ai rien à dire à ce sujet.

Le président: Très bien. Je poserai la question à Mme Bloodworth dans quelques instants.

Toutefois, en ce qui concerne Lindquist, Avey et les documents qui lui ont été remis après mai de cette année concernant les questions à l'étude devant notre comité, le cabinet a pu recevoir l'information en prêtant serment d'allégeance.

Le sénateur Jessiman: Serment de confidentialité.

Le président: Un serment de confidentialité... comme quand j'étais scout, je suppose. Nous nous sommes demandés pourquoi, si le Bureau du Conseil privé pouvait, je suppose - ai-je raison - fournir des documents en acceptant un serment de confidentialité, il n'a pas accordé le même privilège au conseiller juridique d'un comité parlementaire. Il aurait été beaucoup plus facile d'atténuer la perplexité et les frustrations des membres du comité si notre conseiller juridique avait pu, en prêtant serment de confidentialité, avoir accès aux documents comme les autres. Ainsi, il aurait pu s'entendre avec eux et nous donner des explications sur les motifs et la validité de la «censure» de certains passages. Nous aurions beaucoup mieux compris. Si on avait procédé ainsi, on aurait pu éviter un nombre considérable de problèmes.

Le sénateur Stewart: Parlez pour vous-même. Vous dites «pour nous», mais je pense que vous parlez pour vous-même et peut-être pour d'autres membres du comité. Par «nous», vous ne voulez pas dire le comité dans son ensemble, n'est-ce pas?

Le sénateur Jessiman: Certainement.

Le président: Oui, certainement.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi ne voudriez-vous pas savoir? Pourquoi ne voudriez-vous pas savoir, comme notre conseiller juridique, s'ils ont effacé des passages?

Le sénateur Stewart: Le problème, c'est que je n'ai pris connaissance des documents auxquels le président a fait référence que maintenant et, franchement, je n'étais pas au courant des discussions qu'il a évidemment eues avec le conseiller juridique, et ainsi de suite.

Le président: Sénateur Stewart, vous n'avez besoin d'aucun document pour être en désaccord ou...

Le sénateur Stewart: Écoutez, inutile de nous étendre sur le sujet. Je pense en avoir dit suffisamment pour me désolidariser de ce «nous».

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que vous vous désolidarisez tous les trois de...

Le sénateur Stewart: Je parle uniquement pour moi-même.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez aussi dit «nous». «Je» conviendrait donc alors mieux.

Le président: Très bien, monsieur Thomson, je suis certain que mes collègues voudront revenir à ces commentaires, mais je vous remercie, je voudrais revenir à Mme Bloodworth.

Le sénateur Kirby: Puis-je poser une question supplémentaire?

Le président: Oui, bien sûr.

Le sénateur Kirby: ...simplement pour clore le débat. Monsieur Thomson, pouvez-vous m'expliquer je crois comprendre que Lindquist, Avey et Scott & Aylent ont été autorisés à accéder aux documents... pour pouvoir ensuite les approuver ou du moins les rassembler... par vous-même ou par le Bureau du Conseil privé? Je ne veux pas dire par vous, je veux dire par le ministère de la Justice ou par le Bureau du Conseil privé.

M. Thomson: Eh bien, les pouvoirs qu'ils détenaient en devenant les employés d'un représentant du ministère étaient ceux qui en faisaient des employés ou des représentants du gouvernement, pouvoirs qui nous permettaient de conclure cette entente avec eux, ce qui nous ramène à la question qu'a soulevée le président.

Le sénateur Kirby: Quand vous dites «ils», dans ce cas, vous parlez de Scott & Aylen ou des deux?

M. Thomson: Bien, de Scott & Aylen et de ceux dont ce cabinet avait retenu les services.

Le sénateur Kirby: Et les services de Lindquist, Avey avaient en fait été retenus par Scott & Aylen.

M. Thomson: Par Scott & Aylen et selon les mêmes exigences très strictes en matière de confidentialité. Ainsi, les vastes pouvoirs qu'ils détenaient en devenant nos représentants - la capacité que nous avons ainsi eue de conclure cette entente avec eux nous a été donnée par le ministère de la Justice. La transmission de documents confidentiels du Cabinet s'est effectuée par l'intermédiaire du bureau de Mme Bloodworth, qui pourrait peut-être en parler.

Mme Bloodworth: Oui. J'ai très certainement participé à cette discussion, et j'aimerais beaucoup donner mon point de vue.

Le président a très certainement raison de dire qu'il s'agissait d'une décision délibérée. La décision de permettre à Lindquist, Avey et à Scott & Aylen d'avoir accès aux documents n'a pas du tout été prise d'office, ce fut une décision mûrement réfléchie et prise en fonction des exigences du moment. Il ne s'est pas simplement agi d'une question de serment de confidentialité. Nous avons pris diverses précautions, parce que nous ne donnons pas automatiquement accès à nos documents. Je n'utiliserai pas le terme «divulguer», parce que pour moi, ce terme implique qu'ils soient communiqués au public.

Nous avons retenu leurs services par l'intermédiaire d'un avocat. C'est peut-être matière d'opinion personnelle, mais je préférais donner des directives à un avocat que je tiendrais pour responsable. Cet avocat est effectivement responsable devant nous de toutes leurs actions. Le serment de confidentialité a été prêté, mais avant, j'ai insisté pour que les conventions régissant l'accès aux documents confidentiels du Cabinet et aux documents d'une administration antérieure soient expliquées non seulement à notre avocat, mais à chacune des personnes en cause; chacune a dû signer une entente de confidentialité, afin de nous assurer que non seulement elle ne communiquerait pas les documents confidentiels à d'autres instances, mais qu'elle ne discuterait pas non plus de leur contenu ni ne les communiquerait aux ministres ou au personnel des ministères actuels, qui n'ont pas le droit non plus de prendre connaissance d'un grand nombre de ces documents.

L'autre chose que nous avons faite... en réalité, ils n'ont pas les documents dans leurs locaux; les documents sont dans les locaux du Bureau du Conseil privé. Nous leur avons fourni des locaux pour qu'ils ne transportent pas les documents ailleurs; ils sont en sécurité dans nos locaux. Je dois aussi dire que nous ne leur avons pas permis d'accéder à tous les documents. Ils n'ont certainement pas eu accès à des documents comme les délibérations du Cabinet, par exemple, parce que nous étions certains d'y revenir. Voilà les mesures particulières qui ont été prises. Il est certain que j'ai eu mon mot à dire là-dedans, sénateur Kirby, puisque j'ai insisté pour qu'on prenne ces mesures.

Le sénateur Kirby: Quand vous dites que vous préfériez donner des directives à un avocat pour qu'il les transmette ensuite à d'autres personnes, l'avocat dont vous parlez était-il celui de Scott & Aylen, ou un des avocats du Bureau du Conseil privé?

Mme Bloodworth: Un avocat de Scott & Aylen.

Le sénateur Kirby: Sachant, pour avoir travaillé au Bureau du Conseil privé, comment il agit ou aime agir en matière de précédents - peut-être est-ce simplement parce qu'il y a beaucoup d'avocats en poste, mais quoi qu'il en soit, les précédents sont très importants au Bureau du Conseil privé -, en considérant quels documents vous rendriez accessibles par ce processus, vous êtes-vous intéressée à ce qui s'était fait dans le passé pour voir si des événements semblables... avez-vous fondé vos décisions sur un processus qui avait déjà été suivi dans d'autres cas? Avez-vous regardé ce qui s'était fait dans le passé, ou s'agissait-il d'un processus nouveau?

Mme Bloodworth: Il n'est certainement pas inhabituel que des avocats aient accès aux documents confidentiels du Cabinet en général, de toute façon, et cela s'applique...

Le sénateur Kirby: Aux avocats de l'extérieur?

Mme Bloodworth: Oui, aux avocats de l'extérieur.

Le sénateur Kirby: Excusez-moi, mais je dois être très précis dans le cas présent, je suppose des avocats de cabinets externes, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: J'y arrivais. Manifestement, quand des avocats défendent une cause ou représentent le gouvernement dans une cause, ils ont souvent besoin d'avoir accès à ce type de documents, ainsi qu'à d'autres, ne serait-ce que pour aider à la préparation du certificat requis. Si le gouvernement choisit un avocat de l'extérieur, il y aura certainement de nombreux cas où cet avocat aura aussi accès aux documents. Procéder ainsi ne constitue donc pas un précédent. Comme je l'ai dit, la raison pour laquelle nous avons pris ce que nous pourrions appeler des précautions supplémentaires dans ce cas, c'était parce que nous nous préoccupions des documents d'administrations précédentes - et nous savions qu'il y avait beaucoup de ces documents - et aussi du fait que le volume de travail était important et que les délais étaient serrés. Nous voulions nous assurer que les personnes en cause comprennent clairement qu'elles n'avaient pas le droit, s'il y avait un document confidentiel du gouvernement Mulroney, par exemple, de le montrer à un employé du ministère de la Justice, et ainsi de suite. Alors, dans ce cas, nous avons pris des précautions supplémentaires. C'est un fait que des avocats ne représentant pas le gouvernement ont eu...

Le sénateur Kirby: Accès à des documents confidentiels du Cabinet.

Mme Bloodworth: Oui. Mais pas à tous, je dois dire. Ce n'est pas une permission globale, parce qu'il est très rare, comme je suis certaine que vous le savez, sénateur, que nous donnions accès à des documents comme les délibérations du Cabinet. Mais on trouve des documents confidentiels du Cabinet dans divers autres documents ministériels.

Le sénateur Kirby: C'est vrai. Et ainsi rendre les documents confidentiels du Cabinet accessibles à des avocats de l'extérieur n'est pas une première. Je veux dire que ça s'est déjà fait.

Mme Bloodworth: Ça s'est déjà fait.

Le sénateur Kirby: Merci, monsieur le président. Je voulais seulement être sûr de bien comprendre le processus.

Le président: Je reviendrai à cette question dans un instant. Madame Bloodworth, quand notre comité a été créé, quand nous avons reçu l'ordre de renvoi du Sénat en mai, prévoyant la création d'un comité chargé d'étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, quand vous en a-t-on informé? Qui a pris les devants? Le Bureau du Conseil privé a-t-il dit: «Maintenant, mesdames et messieurs, voici comment nous allons procéder. Le ministère de la Justice doit diriger les opérations, en se faisant aider par un tel et un tel». Quel processus avez-vous suivi? Comment avez-vous procédé?

Mme Bloodworth: Eh bien, permettez-moi de dire pour commencer que j'ai été informée de la situation dès le départ. En fait, si je me souviens bien, je pense que j'ai su qu'on songeait à confier ce travail au ministère de la Justice avant même qu'il ne commence, mais il est possible que je me trompe.

Je ne pense pas que je pourrais dire qu'un ministère en particulier ait en fait dit ça. Je veux dire que les ministères de la Justice et des Transports et le Bureau du Conseil privé ont participé au projet dès le début, d'après ce que je peux me rappeler, et M. Thomson s'en souviendra peut-être lui aussi. Je me rappelle avoir participé à des discussions, et il est possible qu'il y ait eu des réunions pour nous entendre sur la façon de procéder. Pendant ces discussions, on s'est entendu sur le fait que le ministère de la Justice dirigerait les opérations, car nous étions très conscients qu'il fallait qu'un seul ministère tienne les rênes pour éviter les dérapages.

Honnêtement, je ne saurais dire où cette idée avait pris naissance. Je ne m'en souviens tout simplement pas, peut-être que M. Thomson, lui, s'en souvient. Je sais que j'ai participé à des discussions à ce moment-là, ainsi qu'à la décision de procéder ainsi, mais je ne me souviens pas d'où l'idée est venue.

M. Thomson: Je me rappelle que des réunions ont eu lieu, soit avec Mme Bloodworth ou avec des membres de son personnel et un sous-ministre des Transports. Ce dont je me souviens, monsieur, c'est que nous avons commencé à tenir ces réunions avant la date officielle de la décision, car nous savions qu'elle allait peut-être être prise - ou du moins, nous pensions qu'un comité serait mis sur pied. Et nous étions d'accord sur le fait que quelqu'un devait diriger le travail qui devait être fait par le gouvernement dans le cadre de cette enquête. Nous avons tenu ces réunions. Et à la lumière des choix qui s'offraient à nous, nous avons estimé qu'il fallait que ce soit le ministère de la Justice, et nous avons en réalité fait des recommandations en ce sens.

Le président: Alors, le ministère de la Justice a pris les choses en main. C'est donc à lui que toutes les personnes qui voulaient avoir de l'information pouvaient s'adresser.

M. Thomson: C'est exact.

Le président: Et vous avez pour votre part délégué cette responsabilité à votre premier sous-ministre adjoint, un autre M. Thompson.

M. Thomson: Oui, avec un «P».

Le président: Oui, d'accord. Revenons à présent aux conventions, madame Bloodworth. En ce qui concerne la convention à laquelle le sénateur Kirby a fait référence, la convention relative à l'accès aux documents d'administrations antérieures...

Le sénateur Kirby: Je ne pense pas avoir fait référence à cette convention.

Le président: Je croyais que si.

Le sénateur Kirby: Cela laisse présupposer un certain leadership.

Le président: Eh bien, c'est une convention qui existe au Canada, et certainement au Royaume-Uni. Aux termes de cette convention, les membres d'un nouveau ministère s'entendent pour ne pas avoir accès aux documents confidentiels des ministères les ayant précédés. Cette convention a été reconnue sur le plan juridique. Je ne vous dis rien que vous ne sachiez déjà, je voulais juste m'assurer que cette précision soit apportée. La convention relative aux documents confidentiels du Cabinet et la convention relative à l'accès aux documents d'administrations antérieures ont été expressément reconnues au Canada au moment où, comme vous l'avez dit, le gouvernement de M. Saint-Laurent a cédé la place à celui de M. Diefenbaker. En effet, il a été convenu à ce moment-là que seules les personnes qui étaient membres du ministère à laquelle l'information se rattachait pouvaient avoir accès aux documents confidentiels de l'administration précédente. En outre, pour assurer la continuité au sein du gouvernement, le greffier du Conseil privé et de rares membres du Bureau du Conseil privé pouvaient être spécifiquement autorisés par le greffier à avoir accès aux documents.

Depuis, on a continué de protéger la confidentialité des dossiers du ministère précédent, qui étaient confiés à la garde du greffier du Conseil privé. Mais, vous savez, je ne vois rien dans cette convention respectée depuis longtemps qui ajoute aux responsabilités du greffier du Conseil privé et des quelques membres du personnel du Bureau du Conseil privé qui peuvent être spécifiquement autorisés par le greffier à cette fin. Maintenant, on peut demander aux intéressés de prêter le serment de confidentialité. Dans certaines circonstances, on peut ajouter cette exigence à cette convention. N'ai-je pas raison?

Mme Bloodworth: Non, monsieur le président, je ne suis pas d'accord avec vous.

Si vous me permettez d'essayer de répondre à la question, parce que vous avez tout à fait raison, elle est assez complexe.

Le sénateur Kirby: Puis-je vous demander, monsieur le président, si vous lisiez un extrait de document?

Le président: Je lisais...

Le sénateur Kirby: Je n'ai rien contre le fait que vous citiez des documents, j'étais juste curieux de savoir duquel il s'agissait, c'est tout.

Le président: Eh bien, je vais fournir ce document. Il s'intitule - et je le mettrai à votre disposition - il s'agit des conventions relatives à... je vais le trouver d'ici la fin de la réunion et vous le donner.

Le sénateur Kirby: C'est bien, excusez-moi.

Le sénateur Stewart: Il est difficile de suivre, vous savez. Très difficile. Ces documents ne sont pas simples, monsieur le président et si vous semblez bien les connaître, je n'ai pas quant à moi eu la possibilité de lire le document en question et, comme je l'ai déjà dit, il vaut parfois mieux lire les documents que de se les faire citer.

Le président: C'est loin d'être un document nouveau.

Le sénateur Stewart: Oui, mais nous aimerions savoir de quoi il s'agit.

Le président: Je vais vous l'obtenir. Je vais le trouver dans un instant. Permettez-moi seulement de terminer ceci. Dès que vous commencerez à questionner les témoins, je le trouverai.

Le sénateur Stewart: Très bien.

Le président: Vous dites donc que le principe de confidentialité est toujours en vigueur, mais avec des exceptions dans certaines circonstances.

Mme Bloodworth: Peut-être, monsieur le président, que je pourrais commencer mon explication en précisant les différents types de documents confidentiels du Cabinet que l'on peut trouver; peut-être que cela aidera à régler les questions dont nous nous occupons.

Je commencerai par les documents que je classerais comme étant en principe les documents confidentiels du Cabinet les plus délicats. On trouve dans cette catégorie les délibérations du Cabinet, auxquelles très peu de fonctionnaires ont accès, et encore moins les autres personnes; les notes d'information aux présidents des comités du Cabinet, les documents du Cabinet qui sont numérotés, et qui sont en fait gardés au Bureau du Conseil privé. Toutefois, il existe des documents confidentiels du Cabinet partout dans le gouvernement. Il s'agit notamment de notes d'information écrites par des fonctionnaires qui peuvent renfermer un paragraphe particulier dans lequel il est écrit: «Et au Cabinet, nous comprenons que les points de vue suivants ont été exprimés», et ainsi de suite. Il s'agit très certainement de documents confidentiels du Cabinet, car ils renferment de l'information que l'on peut trouver. Mais dans les faits, on trouve cette information partout dans les documents du gouvernement. Il s'agit des documents auxquels je renvoyais principalement le sénateur Kirby et auxquels il n'est pas rare que les gens aient accès. Et en fait nous n'avons pas de contrôle physique sur les documents. Nous devons dire aux ministères de faire très attention et, tout compte fait, c'est de ceux-là qu'il s'agit. Toutefois, les documents qui se trouvent au Bureau du Conseil privé sont des documents par rapport auxquels nous pouvons certainement prendre des décisions.

Ce que je dis, c'est que même dans les documents des ministères, on trouve des ébauches de documents confidentiels du Cabinet qui sont numérotés et cela, nous le savons. En outre, lorsque nous préparons un certificat pour une instruction, nous nous devons de faire examiner le document par notre avocat. À ce moment-là aussi, l'avocat aura accès au document. Ce n'est certainement pas ce qui se fait couramment, et je ne prétends pas le contraire. On prend une décision précise, comme on en a pris une dans le cas qui nous intéresse.

Le président: Très bien. Je ne prétends pas non plus pour une seconde que vous divulgueriez des documents confidentiels du Cabinet ou des comptes rendus de réunions - loin de là. Mais je veux savoir jusqu'où vous seriez prête à aller pour fournir des documents émanant du Bureau du Conseil privé ou de Transports Canada à des personnes qui se contentent de prêter serment de confidentialité et à qui on remet les documents non expurgés, les documents non censurés, jusqu'où vous seriez prête à aller pour permettre qu'ils soient amenés là où les gens qui sont sensés les caviarder travaillent.

Mme Bloodworth: Eh bien, en général, je suppose que je ne serais pas d'accord pour qu'on les remette simplement aux personnes ayant prêté le serment de confidentialité. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans ce cas-ci. En outre, même dans ce cas-ci, on n'a pas remis tous les documents. Nous n'avons certainement pas donné à ces gens accès aux délibérations du Cabinet, et je n'aurais pas été d'accord non plus pour qu'on le fasse.

Le président: Non, non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce que je prétends. Ce que je dis, c'est que vous avez effectivement donné, fourni des documents - Transports Canada et le Bureau du Conseil privé l'ont fait - à des gens qui avaient simplement prêté serment de confidentialité, à qui on a remis les originaux, les documents non expurgés, les documents vierges; ils les ont colligés, après quoi ils les ont remis aux personnes chargées d'en caviarder certaines parties.

Mme Bloodworth: Oui, je dirais qu'ils ont eu accès à ces documents. Cependant, je ne suis pas d'accord pour dire qu'on leur a donné accès simplement parce qu'ils avaient prêté serment de confidentialité.

Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, nous avons pris d'autres mesures et les personnes qui travaillent pour Lindquist, Avey ne sortent pas les documents. Ces documents se trouvent dans des lieux publics, dans des bureaux du gouvernement.

Le président: Très bien. Elles peuvent les amener dans le corridor, je ne sais pas où...

Le sénateur LeBreton: Un instant. Autrement dit, les employés de Lindquist, Avey avaient un bureau au Conseil privé?

Mme Bloodworth: On leur a aménagé un espace dans les bureaux du Conseil privé pour travailler avec ces documents, oui.

Le sénateur LeBreton: Intéressant.

M. Thomson: Si vous permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter ceci. Je tiens à souligner que la décision de retenir les services de Scott & Aylen qui, à son tour, a retenu ceux de Lindquist, Avey, n'était aucunement liée à la question des documents confidentiels du Cabinet. On a décidé de retenir les services de ces cabinets en raison de la difficulté de se préparer, en un si court laps de temps, en vue des audiences du comité, travaux pour lesquels il serait peut-être nécessaire de communiquer jusqu'à 200 000 pages de documents, dont certains pouvaient être des documents confidentiels du Cabinet. Et c'est là que le Bureau du Conseil privé a décidé quels documents seraient disponibles.

Mais on a décidé de retenir les services de ces deux cabinets simplement à cause de la tåche qui était absolument énorme; nous pouvions respecter les délais fixés à la condition d'obtenir quelqu'un qui parcourrait tous ces documents, les classerait par témoin, préparerait les représentants du gouvernement à com- paraître devant votre comité. C'est la raison pour laquelle nous avons retenu les services de ces firmes. Si on nous avait donné un long délai pour examiner quelques documents, nous aurions probablement fait le travail à l'interne. Je veux vraiment que l'on fasse une distinction entre la raison pour laquelle nous avons retenu les services de ces cabinets et la décision de fournir certains documents confidentiels du Cabinet au comité.

Le président: Et je suppose que dans la fameuse affaire du vérificateur général qui demandait au gouvernement de lui fournir les documents concernant Petrofina, la Cour suprême avait établi clairement qu'il n'en était pas question. Je suppose que ce que le vérificateur général voulait obtenir, c'étaient des documents confidentiels du Cabinet, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: C'est juste. Et après cette décision, le gouvernement antérieur a pris un décret prévoyant que le vérificateur général aurait accès à certains documents confidentiels du Cabinet. Mais vous avez tout à fait raison, le vérificateur général n'a pas eu accès à ces documents par l'entremise des tribunaux.

Le président: Qui a pris le décret?

Mme Bloodworth: Je crois que c'est à la fin de 1985 ou au début de 1986, après cette affaire, qu'on a pris le décret.

Le président: C'était donc un décret officiel.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le président: Très bien. En ce qui concerne l'honorable David McDonald et son enquête sur la GRC. David McDonald.

Le sénateur LeBreton: Donald McDonald.

Le sénateur Kirby: Non, David, la GRC.

Le sénateur LeBreton: Oh, je vois.

Le sénateur Kirby: McDonald, avec un grand «D».

Le président: Pour qu'il ait accès aux documents, on a dû adopter une résolution très formelle.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le président: Préparée par... il s'agissait d'une décision du Cabinet.

Mme Bloodworth: Oui.

Le président: Donc, le Cabinet observe cette décision de façon très scrupuleuse.

Mme Bloodworth: C'est exact, mais dans les deux cas dont vous avez parlé, il s'agit de représentants ne faisant pas partie du gouvernement du Canada. À mes yeux, le vérificateur général est un représentant indépendant du Parlement; les commissions d'enquête sont, par définition, indépendantes et en fait, d'après ce dont je me souviens, la commission McDonald est la seule commission qui ait eu accès à des documents confidentiels du Cabinet. Mais ce ne sont pas des représentants du gouvernement du Canada. Par définition, ils ne font pas partie du gouvernement. Donc, quand j'ai répondu à la question du sénateur Kirby tout à l'heure, j'ai dit que je n'avais pas utilisé le terme «divulguer», parce que pour moi, «divulguer», cela veut dire transmettre l'information à une partie non contrôlée par le gouvernement...

Le sénateur Kirby: C'est exact.

Mme Bloodworth: ...et non le contraire.

Le sénateur Kirby: Très bien.

Mme Bloodworth: Une fois que les documents confidentiels du Cabinet ont été remis à la commission McDonald, par exemple, celle-ci était libre de les publier et de les utiliser. De même, le vérificateur général, une fois qu'il peut consulter le petit groupe de documents auxquels il a accès, est libre d'en faire ce qu'il veut. Il y a donc, en un sens, une forme de communication qui échappe au contrôle du gouvernement.

Le président: C'est exact. Alors, êtes-vous d'accord pour dire que des documents, aussi innocents puissent-ils être, peu importe leur nature, qu'il s'agisse de documents relevant du gouvernement Campbell ou du gouvernement Mulroney, ont été divulgués à M. Nixon, M. Robert Nixon, à M. Goudge, à son avocat, à Lindquist, Avey et en plus, leur ont été divulgués avant que le ministre actuel ne soit assermenté?

Mme Bloodworth: Permettez-moi de répéter que je n'utiliserais dans aucun de ces cas le terme «divulgué». Donc, si on s'entend là-dessus, on peut dire qu'ils ont certainement eu accès aux documents. Permettez-moi de faire une distinction, cependant. Nous avons expliqué le cas de Lindquist, Avey, et ses représentants n'ont manifestement rien eu avant que le gouvernement actuel ne prenne le pouvoir parce qu'on n'a pas retenu les services de cette firme avant le printemps dernier. Quant à M. Nixon, d'après ce que je sais - je n'ai pas été directement impliquée là-dedans, mais j'ai fait mes enquêtes - d'après ce que je sais, M. Nixon a eu accès à trois présentations au Conseil du Trésor et à une lettre renfermant une décision du Conseil du Trésor. Je crois également savoir que l'ancien greffier ne voulait pas qu'il ait accès à ces documents. Or, M. Nixon était un contractuel du gouvernement, il fait donc partie du gouvernement, si je puis dire. Mais il n'est pas question de lui donner un droit d'accès aux documents. C'est une décision qui doit être prise dans chacun des cas. Les avocats de Scott & Aylen ne jouissaient pas d'un droit d'accès aux documents, on a délibérément décidé de la façon dont ils pourraient avoir accès aux documents.

Le président: Quand M. Nixon a-t-il signé son contrat «avec le gouvernement»?

Mme Bloodworth: M. Nixon a passé son contrat avec le Bureau du Conseil privé.

Le sénateur Jessiman: À quelle date?

Mme Bloodworth: Pardon?

Le sénateur Jessiman: À quelle date?

Mme Bloodworth: Je crois que c'était à la fin d'octobre 1993.

Le président: Avant le gouvernement actuel, avant que le ministre actuel ne soit assermenté, soit le 4 novembre.

Mme Bloodworth: Aucun doute là-dessus.

Le président: Très bien.

Mme Bloodworth: Or, comme j'ai commencé à l'expliquer, je crois savoir que l'ancien greffier n'avait pas l'intention de permettre à M. Nixon d'avoir accès aux documents confidentiels du Cabinet, et il l'a dit à M. Nixon. J'ai fait mes enquêtes et à ma connaissance, les seuls documents confidentiels du Cabinet auxquels M. Nixon ait eu accès étaient trois présentations au Conseil du Trésor et une lettre renfermant une décision du Conseil du Trésor. Mais il n'aurait pas dû y avoir accès, parce que le greffier n'avait pas l'intention de le lui permettre. Il y a eu apparemment un manque de communication quelque part; je ne peux pas vous expliquer ce qui est arrivé, car je n'étais pas directement intéressée. Mais dans ce cas, on aurait pu décider de lui donner accès aux documents parce qu'il était contractuel. L'ancien greffier n'était pas d'accord, mais M. Nixon a quand même eu accès à ces documents. Je ne peux que m'interroger sur ce qui s'est produit. Ou bien il y a eu manque de communication quelque part, ou bien, comme je l'ai dit tout à l'heure, on estime en pratique qu'il y a différents types de documents confidentiels du Cabinet; c'est un fait que les fonctionnaires, en général, ne classent pas les présentations au Conseil du Trésor dans la même catégorie que les mémoires au Cabinet. Je crois, sénateur Kirby, que cela aurait été vrai de votre...

Le sénateur Kirby: Je suis d'accord.

Le sénateur Tkachuk: Puis-je poser une question supplémentaire à ce sujet? Les trois documents du Conseil du Trésor dont vous avez parlé et auxquels il n'aurait pas dû avoir accès, est-ce que M. Nixon les a demandés ou si on les lui a offerts?

Mme Bloodworth: Je ne peux vous répondre, sénateur. J'ai commencé à expliquer pourquoi... à mon avis, comment il peut avoir eu accès à ces documents. Ou bien les fonctionnaires en cause qui lui ont remis les documents n'étaient pas au courant qu'ils contrevenaient à la décision du greffier de ne pas donner accès aux documents, ou bien, comme j'ai commencé à le dire, ils ne considéraient pas que ces documents étaient des documents confidentiels du Cabinet. Ils auraient dû le faire, c'est une erreur, mais c'est un fait que les gens ne considèrent pas les présentations au Conseil du Trésor...

Le sénateur Tkachuk: Qui avait ces documents?

Le sénateur Kirby: Différentes personnes au Conseil du Trésor.

Le sénateur Tkachuk: Je pose ma question à Mme Bloodworth.

Mme Bloodworth: Le Conseil du Trésor avait les documents, mais les ministères pouvaient également en avoir des copies.

Le sénateur Tkachuk: Tous les ministères, ou dans ce cas en particulier, est-ce que le ministère des Transports envoie les documents du Conseil du Trésor à tous les autres ministères, ou s'il les a simplement gardés pour lui et les a déposés au Conseil du Trésor? Est-ce que tout le monde peut prendre connaissance des documents envoyés par le ministère des Transports au Conseil du Trésor?

Mme Bloodworth: Je doute qu'on les ait distribués à tous les ministères, mais les Transports devaient les avoir, peut-être y avait-il d'autres ministères, d'autres ministères intéressés qui pouvaient en avoir une copie, je ne sais pas...

Le sénateur Tkachuk: Donc un autre ministère peut simplement présenter une demande écrite et dire: «Nous aimerions voir votre document adressé au Conseil du Trésor concernant...», et cetera. Est-ce que c'est comme ça que ça marche?

Mme Bloodworth: Non.

Le sénateur Tkachuk: Non? Alors, dites-moi comment ça fonctionne exactement.

Mme Bloodworth: Il se peut très bien que d'autres ministères s'intéressent à la question, s'intéressent précisément à ces présentations au Conseil du Trésor.

Le sénateur Tkachuk: Donc, dans ce cas particulier de l'aéroport, qui d'autre pouvait s'intéresser à cela à part le Conseil du Trésor et le ministère des Transports?

Mme Bloodworth: Je ne peux pas vous donner de réponse à ce sujet, sénateur. Je ne connais pas suffisamment les détails du dossier.

M. Thomson: Je crois, sénateur, qu'il serait peut-être important de préciser la question générale, qui est la suivante: parfois, les présentations au Conseil du Trésor qui sont soumises par un ministère concernent une dépense ou une décision qui touche un autre ministère. Par exemple, moi, en tant que sous-ministre de la Justice, je pourrais vouloir voir... en fait, je pourrais vouloir participer à l'élaboration d'une présentation au Conseil du Trésor qui pourrait avoir des incidences sur les honoraires des avocats. Donc, dans ce cas, le document pourrait être distribué à un plus grand nombre de personnes. Que ces documents précis aient été distribués à un auditoire plus vaste, je ne suis pas certain si Mme Bloodworth ou moi-même pourrons répondre à cette question.

Le sénateur Tkachuk: Donc, une fois que M. Nixon en prend connaissance, est-ce que les documents deviennent des documents du domaine public en ce sens qu'une fois qu'il les a vus, sont-ils considérés comme des documents de base que nous devrions recevoir?

Mme Bloodworth: Non, sénateur, ce ne sont pas des documents publics; j'en reviens encore à la différence entre M. Nixon et Lindquist, Avey ou Scott & Aylen. Ces gens-là ont été engagés pour travailler pour le gouvernement du Canada, et ils font...

Le sénateur Tkachuk: Non. Je dis que si M. Nixon a les trois documents, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Il n'a pas eu les trois documents, sénateur.

Le sénateur Tkachuk: Non, mais il les a vus.

Mme Bloodworth: Oui, il les a vus.

Le sénateur Tkachuk: Donc, qu'est-ce qui se passe en pareil cas? Est-ce quelqu'un dit: «Oups! Cet élément devrait être supprimé si vous allez prendre connaissance du document»; ou encore, dit-on: «C'est à vous maintenant qu'appartient la décision, vous pouvez l'utiliser dans votre rapport, qui est un rapport public, mais ces trois documents ont été soigneusement examinés et vous pouvez maintenant utiliser l'information que renferment ces trois documents du Conseil du Trésor et la rendre publique».

Mme Bloodworth: Je ne crois pas que M. Nixon ait divulgué les présentations au Conseil du Trésor.

Le sénateur Tkachuk: Non, mais l'information qu'elles contenaient. Est-ce qu'on lui a dit à ce moment-là qu'il ne pouvait pas utiliser cette information? Vous voyez, je ne sais pas comment cela fonctionne, je ne suis pas avocat ou quoi que ce soit, mais vous savez, dans un tribunal lorsque quelqu'un dit - car voyez-vous, je regarde la télévision - lorsqu'une personne dit une chose qu'elle ne devrait pas dire, le juge intervient et ordonne: «Supprimez cette intervention du compte rendu, ne l'inscrivez pas au compte rendu». Or, M. Nixon a reçu un document du Conseil du Trésor - trois, en fait - qu'il n'aurait pas dû voir, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Tkachuk: N'est-ce pas? Donc, est-ce que c'est là une erreur ou s'il peut maintenant utiliser cette information et la rendre publique?

Mme Bloodworth: Premièrement, dans ce cas précis, je ne suis pas certaine qu'on s'en soit rendu compte avant que je ne fasse mes enquêtes au sujet de vos travaux et que je demande s'il aurait dû utiliser ces documents. C'est ce que je pense.

Le sénateur Tkachuk: Donc, il aurait pu utiliser l'information. Il a manifestement utilisé cette information.

Mme Bloodworth: Mais dans le cas d'un contrat plus précisément - permettez-moi de revenir à la nature même des présentations au Conseil du Trésor -, il est très rare que l'information se trouve uniquement dans la présentation au Conseil du Trésor. Donc, l'information aurait été largement disponible dans divers documents du ministère des Transports. La présentation renferme l'information pertinente qui doit être transmise au Conseil du Trésor, ainsi que certaines recommandations à l'intention des ministres, recommandations qu'ils doivent prendre en considération.

Mais l'information concernant les contrats en question serait largement... en fait, je crois que votre comité a entendu beaucoup de...

Le sénateur Tkachuk: Mais je vous parle des documents du Conseil du Trésor.

Théoriquement, non pas dans le cas particulier qui nous intéresse... une fois qu'une personne prend connaissance des documents, on peut utiliser cette information tirée des trois documents du Conseil du Trésor à ses propres fins, comme on l'a fait dans le rapport Nixon, et la rendre publique?

Mme Bloodworth: Non.

Le sénateur Tkachuk: Il ne pouvait pas le faire?

Mme Bloodworth: Non.

Le sénateur Tkachuk: Mais c'est ce qu'il a fait?

Mme Bloodworth: Voyez-vous, je ne sais pas s'il a rendu la présentation au Conseil du Trésor publique.

M. Thomson: Ou l'information qu'elle contenait. Je pense qu'il devra lui-même répondre à cette question, j'en ai bien peur, je ne le sais pas.

Mme Bloodworth: Mais permettez-moi de revenir à ce qui, à mes yeux, sous-tend votre question, sénateur, et c'est là un élément important que vous soulevez. Si les documents confidentiels du Cabinet sont remis à quelqu'un à l'extérieur du gouvernement par une personne détenant les pouvoirs nécessaires pour le faire, en fait on a renoncé au privilège - et il y a des causes judiciaires à cet effet. C'est la raison pour laquelle il est important de voir si ces personnes sont reliées au gouvernement ou non. M. Nixon avait passé un contrat avec le gouvernement. En général, nous n'aurions pas considéré que le fait que M. Nixon avait pris connaissance des documents constituait une renonciation au secret professionnel.

Le sénateur Jessiman: J'ai ici une copie d'une note de service datée du 1er novembre 1993 et adressée à M. Nixon. Elle est signée par M. W.A. Rowat, elle comprend 17 documents, dont quatre dans notre reliure sont caviardés. Dois-je supposer qu'il a également reçu les documents qui ont été censurés?

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Jessiman: Donc, il a reçu les documents en question et nous, il nous en manque quatre.

Mme Bloodworth: Je viens tout juste de vous expliquer la nature de ces documents, sénateur. Il s'agissait de trois présentations au Conseil du Trésor et d'une lettre concernant une décision du Conseil du Trésor.

Le sénateur Jessiman: Donc, ce sont les quatre documents. C'est-à-dire les documents numéros 1, 9, 12 et 14.

Mme Bloodworth: Je n'ai pas le papier sous les yeux, mais les numéros étaient sur ce document, d'après ce que je me rappelle.

Le sénateur Jessiman: Est-ce que vous savez s'il a reçu d'autres documents?

Mme Bloodworth: Non, et je me suis renseignée, sénateur. À ce que je sache, ce sont les seuls documents confidentiels du Cabinet auxquels M. Nixon ait eu accès. En fait, M. Nixon a eu accès à beaucoup moins d'information que votre comité... certainement, en ce qui concerne la quantité de documents.

Le sénateur Jessiman: Pourrions-nous obtenir une copie du document?

M. Nelligan: Madame Bloodworth, vous avez parlé des décisions du Conseil du Trésor. À la page 12 de son rapport, M. Nixon parle des présentations au Conseil du Trésor. Est-ce que ces présentations sont incluses dans la décision, ou s'agit-il d'un document distinct?

Mme Bloodworth: Non, les présentations constituent un document distinct. C'est la raison pour laquelle j'ai dit qu'il y avait trois présentations au Conseil du Trésor.

M. Nelligan: Des présentations. Oh, je croyais que vous aviez dit...

Le sénateur Kirby: Non, elle a parlé de présentations.

Mme Bloodworth: Oui, et d'une décision.

M. Nelligan: Très bien.

Le président: Une dernière question avant de remettre les documents que m'a demandés le sénateur Stewart.

On a réservé de l'espace au Conseil privé pour les représentants de Lindquist, Avey afin qu'ils n'aient pas à transporter ces masses de documents. Où travaillaient ceux qui devaient caviarder les documents?

Mme Bloodworth: Je ne sais pas où ils étaient. Ce sont des fonctionnaires qui ont supprimé les passages des documents. La plupart provenaient du ministère de la Justice, mais au moins un membre de mon personnel s'occupait des documents confidentiels du Cabinet également.

M. Thomson: Sénateur, je crois savoir que les responsables de la «censure des documents», ou les personnes qui examinaient les textes et en caviardaient certains passages par la suite se trouvaient au ministère de la Justice. Ainsi, les documents qui étaient rassemblés pour un témoin en particulier étaient soumis à ce groupe au ministère de la Justice qui les examinait et en caviardaient des passages, s'il y a lieu, le travail se faisait là.

Le président: Je vois. Combien de personnes environ étaient affectées au service de la «censure»?

M. Thomson: À la pause, s'il y en a une, je pourrai probablement vous donner une réponse exacte. Je suis certain qu'il y avait une personne spécialiste de l'accès à l'information et aux renseignements personnels, de même qu'un expert pour ce qui est du secret professionnel de l'avocat. Il y avait au moins une personne du Bureau du Conseil privé. Je pourrai vous donner le nombre exact.

Le président: Donc, c'est la chaîne de montage qui a été constituée, certains disaient que tel document concerne le secret professionnel de l'avocat, et c'est donc Untel qui doit s'en occuper.

M. Thomson: Non, nous comptions sur une personne ayant de l'expérience dans ce domaine, nous n'avons pas divisé le travail de cette façon. Il y avait une équipe précise dont le travail était de passer en revue tous les documents, lorsqu'ils étaient disponibles, et ensuite cette équipe-là devait appliquer les conventions et les pratiques dont nous avons parlé.

Le président: Et ces personnes n'étaient pas tenues de prêter le serment de confidentialité?

M. Thomson: Non. C'étaient tous des employés du ministère de la Justice qui avaient tous prêté ce serment dans le cadre de leur travail.

Mme Bloodworth: C'étaient tous des fonctionnaires.

Le président: Merci beaucoup. C'est tout ce que je voulais demander.

Le sénateur Bryden: Une seule question à laquelle je voulais revenir. J'ai dit, je pense, il y a une semaine ou une semaine et demie, que j'aurais aimé que cette partie du travail se fasse au début de notre enquête. J'ai maintenant une deuxième raison de dire ceci car je n'aurais pas perdu mon temps comme je l'ai fait. Je remarque que vous avez été capables de nous prendre une heure et trois quarts.

Le président: Le président n'est astreint à aucune limite de temps.

Le sénateur Kirby: Ça, c'est une règle du Cap-Breton.

Le président: Lequel de vous trois messieurs voudrait reprendre là-dessus? Sénateur Stewart.

Le sénateur Stewart: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, a-t-on raison de croire que le document dont vous avez parlé tout à l'heure relativement aux documents confidentiels du Cabinet d'une administration antérieure concernait l'affaire entendue par la Cour fédérale du Canada, entre le vérificateur général du Canada et le ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources, et autres? Et que le texte que vous avez cité provenait d'un affidavit d'un certain M. Ward Elcock, signé le 1er février 1985, appuyé d'un autre affidavit d'un M. J.F. Osbaldeston, signé le 5 mars 1985?

Le président: Les documents que je me prépare à vous remettre, dès que je pourrai trouver mon adjoint, sont plus volumineux que cela et contiennent ces éléments particuliers dont vous parlez.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, je pense que vous avez soulevé une question des plus importantes. Pourrais-je suggérer que les divers documents dont vous avez cité des extraits et auxquels vous vous êtes reporté soient joints en annexe aux délibérations de notre comité aujourd'hui, ou à tout le moins qu'on songe à le faire? Le comité ne voudra peut-être pas annexer tout le document, mais au moins la portion pertinente. Je pense que vous faites preuve d'une trop grande modestie quand vous estimez l'importance de la question que vous avez vous-même soulevée.

Le président: La modestie n'est pas une de mes vertus.

Oui, c'est ça que nous allons faire.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, comme vous le savez, au mois de mai, lorsque la motion visant à créer notre comité a été présentée au Sénat, j'avais prévu certaines des difficultés que nous éprouvons actuellement, mais je ne vais pas vous faire de reproches. Dire qu'on devra peut-être faire face à des écueils n'équivaut pas à naviguer dans des eaux agitées et à découvrir ces écueils parce qu'on connaît mieux, en naviguant, la nature exacte des écueils auxquels on peut se heurter. Donc, la discussion à laquelle vous nous avez amenés ce matin n'est peut-être pas entièrement inopportune.

Le président: Puis-je prendre quelques instants pour répondre?

Le sénateur Stewart: Certainement.

Le président: Ce que j'essaie de voir, en tentant de comprendre ces conventions du mieux que je peux après les avoir étudiées, c'est si des comités comme le nôtre vont oui ou non, à l'avenir devoir jouer les Don Quichotte. C'est ce que j'essaie de voir.

Le sénateur Stewart: Nous sommes d'accord pour dire que l'importance de la discussion d'aujourd'hui dépasse de loin celle de la seule question de l'aéroport Pearson.

Le président: Je suis d'accord.

Le sénateur Stewart: Par conséquent, il nous faut agir avec prudence et précision. Je suppose que vous êtes d'accord.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que vous allez...

Le sénateur Stewart: Non. Je vais essayer d'être aussi précis que possible. Lorsque j'aurai des incertitudes, je vais essayer de me souvenir d'en faire part au comité.

Le sénateur Tkachuk: Allez-y. Je veux simplement m'assurer que nous gardons les yeux sur notre objectif si nous devons nous embarquer dans des hypothèses. Premièrement, je ne crois pas que cela soit pertinent à la résolution du Sénat, mais néanmoins, si vous êtes pour leur poser des questions sur leur façon de voir les documents qu'ils nous ont remis, je pense qu'il est bon de le savoir. Vous pouvez avoir cette discussion n'importe quand.

Le sénateur Stewart: Je puis vous assurer que je ne soulèverai pas de questions qui n'ont pas déjà été abordées par le président ce matin. Vous êtes satisfait?

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas à moi qu'il faut le demander.

Le sénateur Stewart: Mais c'est vous qui laissez entendre qu'il y aura peut-être de l'insatisfaction.

Premièrement, je voulais poser des questions concernant le secret professionnel de l'avocat. Permettez-moi de dire d'abord que je vais faire une distinction entre Sa Majesté la Reine d'une part, et d'autre part, la Couronne. Parfois, dans les écrits, tant théoriques que pratiques, la Couronne signifie la Reine, d'autres fois, la Couronne est une entité amorphe et globale qui inclut notamment les fonctionnaires. Je vais donc faire cette distinction pour être clair.

Voici comment j'aborde les choses. Je vais faire en sorte que vous voyiez bien où je veux en venir avant de répondre.

Ai-je raison de croire qu'en droit, la Couronne ne constitue qu'une seule entité? Le ministère de la Justice et le ministère des Transports font tous les deux partie de la Couronne, la «Couronne» incluant ce que j'ai signalé tout à l'heure. Si tel est le cas, n'est-il pas alors trompeur de parler, dans ce cas particulier, du ministère des Transports comme étant le client et du ministère de la Justice comme étant l'avocat?

Bien sûr, je reconnais qu'habituellement, ça pourrait être une analogie utile. Mais quand on fait face à une situation comme celle qu'étudie actuellement le comité, n'est-ce pas là une affirmation trompeuse? N'y a-t-il pas une distinction fondamentale à faire entre la relation entre un particulier et son avocat qui est disposé à accepter la clientèle d'autres particuliers et celle entre le ministère de la Justice et le ministère des Transports?

M. Thomson: Je pense, sénateur, que vous soulevez un point très précis et important quand vous dites que tous les employés en question font partie de la Couronne au sens où nous sommes tous des employés de la Couronne. En général, nous relevons de la Couronne du chef du Canada.

Je crois également que vous avez raison de dire qu'il y a un intérêt de la Couronne ou un intérêt plus global de la Couronne qui peut transcender celui des ministères. Si vous appliquez ce principe à la question du secret professionnel de l'avocat, je pense que l'on peut dire avec raison que lorsque ce secret existe et que l'on décide qui est le client aux fins de la renonciation à ce secret, la notion est peut-être trop étroite quand je parle uniquement du ministère lui-même. Je pense que la Couronne dans son ensemble pourrait avoir un intérêt et nous, en tant qu'avocats, sommes au service de la Couronne, tout en faisant également du travail pour des clients particuliers qui relèvent de cette Couronne.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. Peut-être Mme Bloodworth voudrait-elle ajouter quelque chose.

Le sénateur Stewart: Je pense que votre réponse est utile, en ce sens que vous parlez de la renonciation au secret professionnel car, pour reprendre l'analogie, le ministère-client pourrait par conséquent renoncer au secret. Je vous dis que l'analogie dans ce cas-ci pourrait être trompeuse, qu'il n'appartiendrait peut-être pas à un ministère en particulier de renoncer à ce secret comme si la relation entre le ministère des Transports et le ministère de la Justice était comparable à celle qui existe entre un particulier et un avocat professionnel qui a pignon sur la rue Sparks.

M. Thomson: Je crois que c'est exact.

Mme Bloodworth: Sénateur, si vous permettez, je dirais que M. Thomson a évité de tomber dans les difficultés que nous pouvons éprouver à long terme en ce qui concerne la renonciation parce que vous avez tout à fait raison. En pratique, dans bien des cas, seul le ministère est en cause. Cette analogie, aux termes de laquelle le ministère de la Justice est l'avocat et le ministère des Transports le client, est suffisante pour nos fins.

Le sénateur Stewart: Oui, c'est une analogie utile.

Mme Bloodworth: Mais dans bien des cas, l'intérêt de la Couronne englobe une notion plus vaste. Vous avez devant vous quelqu'un qui a souvent affaire avec ces intérêts plus vastes.

Le président: Mais soyons clairs. Il existe un secret professionnel entre le ministère de la Justice où vous travaillez et tous les ministères. N'est-ce pas?

M. Thomson: Lorsque nous donnons des conseils, oui.

Le sénateur Stewart: Est-ce que vous dites cela délibérément, ou si vous faites simplement référence à ce que j'ai déjà appelé une analogie utile?

M. Thomson: J'estime que lorsque nous, les avocats du gouvernement, donnons des conseils juridiques à un ministère ou à un organisme central ou au gouvernement dans son ensemble, nous agissons en tant qu'avocats et le secret professionnel...

Le sénateur Stewart: Non non, ce n'est certainement pas ce que vous faites. Vous dites «en tant qu'avocats». Vous ne donnez pas de conseils en tant qu'avocats. Vous donnez des conseils en tant qu'employés de la Couronne. Or, il est vrai que vous êtes avocats.

M. Thomson: Sénateur, je crois savoir qu'il y a secret professionnel non pas parce que je suis employé de la Couronne, mais parce que je suis avocat et que je donne des conseils juridiques.

Le sénateur Stewart: Donc, vous dites que le secret professionnel de l'avocat a préséance sur l'intégrité, au sens vieilli du terme, de la Couronne?

Je vous en prie, nous en sommes presque à de la haute trahison, n'est-ce pas?

M. Thomson: Je dirais que'en tant qu'employé de la Couronne, j'agis en tant qu'avocat, je suis assujetti aux règles qui s'appliquent à moi en tant qu'avocat professionnel, y compris les règles de déontologie. De même, le secret professionnel de l'avocat s'applique aux conseils juridiques que je donne à la Couronne en tant qu'avocat.

Le sénateur Stewart: Je dois dire alors que je trouve votre réponse très décevante de la part d'un sous-ministre de la Justice. Je vous invite à y repenser.

Continuons.

Des questions ont été soulevées au sujet de la priorité de l'obligation d'une personne assermentée devant un comité parlementaire. Est-ce que vous feriez une distinction entre le statut ou la situation d'un particulier et celui d'un fonctionnaire de la Couronne?

Mme Bloodworth: Oui. Je crois qu'il y a une distinction, certainement en pratique. Les fonctionnaires comparaissent devant des comités parlementaires au nom des ministres. Sauf de rares cas qui, je pense, pourraient être possibles, ils ne comparaissent pas en leur nom propre. Donc, manifestement, ils sont assujettis à leurs obligations de fonctionnaires.

Le sénateur Stewart: Mais pourriez-vous être plus précise en ce qui concerne les interdictions auxquelles est assujetti le fonctionnaire de la Couronne lorsqu'il témoigne?

Je vais vous aider. Je suppose qu'un fonctionnaire de la Couronne - par exemple, un ministre - devrait tenir compte des restrictions possibles qui lui sont imposées par le serment du Conseil privé.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Est-ce que le serment auprès du Conseil privé est prévu dans une loi, ou s'il s'agit d'une ancienne prérogative? Repose-t-il sur les anciennes prérogatives de la Couronne?

Mme Bloodworth: Je ne suis pas certaine de pouvoir répondre à votre question, sénateur. D'après ce dont je me souviens, lorsque les ministres sont assermentés, ils prêtent plus d'un serment. Et je crois que l'un de ceux-là peut être...

Le sénateur Stewart: Ils prêtent le serment d'allégeance et ensuite, ils sont assermentés auprès du Conseil privé.

Mme Bloodworth: Oui, et je crois qu'ils jurent également de rendre les services les plus loyaux possible. Je crois que certains de ces serments sont dans la loi, mais je ne peux pas vous dire s'ils y sont tous. Manifestement, le serment du Conseil privé, qu'il soit prévu ou non par une loi, est antérieur à la loi. Ce que je veux dire, c'est que l'adoption de ce serment précède celle de la loi.

Le sénateur Stewart: Très bien. Donc, il y a un obstacle qui empêche les témoins de répondre librement aux questions devant un comité parlementaire et ceux-ci doivent en tenir compte. Je ne veux pas aller plus loin. Est-ce exact?

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Mais que dire du serment prévu par la Loi sur les secrets officiels? Il faut en tenir compte aussi de ce serment-là, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Je crois que c'est un serment qui s'applique aux fonctionnaires, et non aux ministres.

Le sénateur Stewart: Dans ce cas, c'est manifestement un serment prévu par la loi...

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais poser une question supplémentaire au sujet de ce que Mme Bloodworth a dit.

Vous avez dit que lorsqu'un fonctionnaire vient témoigner ici, il le fait au nom du ministre.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: C'est le cas actuellement?

Mme Bloodworth: Chaque fois qu'un fonctionnaire comparaît devant un comité parlementaire, il le fait parce que le ministre consent à ce qu'il vienne témoigner.

Le sénateur Tkachuk: Donc, MM. Rowat, Desmarais, Barbeau, tous ces gens qui travaillent à Transports Canada, ils sont ici au nom de M. Young.

Mme Bloodworth: Ceux qui travaillent pour Transports Canada, certainement.

Il s'est produit quelque chose d'inhabituel au sein de votre comité, en ce sens que d'anciens sous-ministres des Transports sont venus y comparaître. Cela n'est pas chose courante compte tenu du principe voulant que les fonctionnaires comparaissent au nom de leur ministre. C'est peut-être là une aberration, si je puis dire, par rapport au principe général. Je ne suis pas certaine si on peut dire qu'ils comparaissent au nom du ministre comme tel, mais manifestement, c'est ce qu'on dit dans cette brochure sur la responsabilité des fonctionnaires.

Le sénateur Tkachuk: Donc, ce que ces témoins assermentés ont déclaré devant le comité, ils l'ont fait au nom de leur ministre actuel, je parle ici des personnes qui travaillent actuellement pour Transports Canada.

Mme Bloodworth: Oui. Mais je pense que je pourrais peut-être formuler les choses différemment.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui se passe si le ministre contredit la déclaration d'un fonctionnaire?

Mme Bloodworth: Le ministre est libre de le faire. Je ne suis pas certaine de comprendre la question.

Le sénateur Tkachuk: Je pose simplement la question. Est-ce que les fonctionnaires parlent au nom de leur ministre?

Mme Bloodworth: Non, ils ne parlent pas au nom de leur ministre, mais comparaissent au nom de leur ministre. Je serais peut-être mieux d'utiliser les notes écrites ici pour décrire cela. Ils ne parlent certainement pas au nom de leur ministre... les déclarations d'un fonctionnaire devant un comité parlementaire ne limitent en rien ce que le ministre peut avoir à déclarer. Je dis simplement que si un ministre, en théorie, devait indiquer à un de ses fonctionnaires qu'il ne l'autorise pas à comparaître, mais que c'est plutôt lui qui comparaîtra, le ministre est libre de le faire. Je ne dis pas que cela se produit souvent, mais le ministre a toute la latitude voulue pour le faire.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Je trouve ça simplement ironique.

Le sénateur Stewart: En ce qui concerne le serment prêté en vertu de la Loi sur les secrets officiels, nous avons dit qu'il s'agit d'un serment prévu par la loi, un serment prescrit par le Parlement du Canada, et non par la Chambre des communes ou le Sénat uniquement. Ai-je donc raison de supposer qu'un serment prêté, par exemple, devant un comité de la Chambre des communes, aurait moins de poids que l'obligation liée au serment d'origine législative prévu par le Parlement dans son ensemble?

Mme Bloodworth: Je ne dirais pas que ce serment a «moins de poids».

Permettez-moi de rectifier une chose. Je crois que le serment que prêtent les fonctionnaires est prévu par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et non par la Loi sur les secrets officiels.

Le sénateur Stewart: Mais certains prêtent le serment en vertu de la Loi sur les secrets officiels.

Mme Bloodworth: Or, je ne dirais pas qu'il s'agit d'un serment qui a «moins de poids». Si je devais comparaître devant un tribunal, je prêterais le même serment que j'ai prêté ce matin, et je ne considérerais pas que ce serment a moins de poids que celui que j'ai prêté en tant que fonctionnaire. C'est un serment différent. L'un et l'autre ne se contredisent pas nécessairement.

Le sénateur Stewart: Pas nécessairement, mais dans certains cas, oui. Je demande donc si un serment d'origine législative, c'est-à-dire autorisé par le Parlement du Canada dans son ensemble, et non, disons, uniquement par la Chambre des communes ou le Sénat, ne constitue pas une obligation qui est plus exigeante.

Mme Bloodworth: Ce qui me gêne, c'est que je ne vois pas de contradiction entre les deux serments.

M. Thomson: Sénateur, je peux peut-être vous aider. Je crois que l'obligation de dire la vérité est simplement l'obligation de témoigner, lorsque vous pouvez le faire, et qu'il doit s'agir de preuves véridiques. Vous n'avez pas le droit de dire seulement la moitié de la vérité, il faut dire toute la vérité. Ce n'est pas la même chose que la question de savoir quelles règles, conventions et pratiques s'appliquent en ce qui concerne la nature du témoignage que vous pouvez donner.

Le sénateur Stewart: Dans ce cas-là, je pense qu'en utilisant le terme «pouvez», vous prouvez ce que je veux dire. Il en ressort donc qu'il y a certaines limites aux vérités que vous pouvez divulguer. Et à mon avis, l'une des limites est imposée par la Loi sur les secrets officiels dans le cas d'un fonctionnaire qui prête ce serment.

Le président: Pourrais-je poser une question?

Le sénateur Stewart: Certainement. Pourrions-nous avoir la réponse avant et ensuite...

Le président: Je crois que le sous-ministre vient de fournir la réponse. J'allais donner un exemple.

Le sénateur Stewart: Non, je ne crois pas qu'il l'ait fait, monsieur le président.

Le président: Nous avons eu l'exemple d'un sous-ministre qui a comparu devant notre comité et qui a eu la témérité de dire: «Je le jure, sous réserve du serment prêté auprès du Conseil privé».

Ce que nous demandons aux témoins, c'est de prêter serment et de dire toute la vérité. C'est à eux de juger s'ils peuvent ou non répondre à la question ou si leur serment au Conseil privé les en empêche. La vérité, c'est la vérité, il n'y a pas de clause conditionnelle.

Le sénateur Stewart: Vous semblez croire, monsieur le président, que c'est là une question toute simple. Je pense qu'elle est beaucoup plus compliquée que cela.

Le président: Si vous demandez au bon Dieu de témoigner et de dire si vous avez dit la vérité, cela n'a rien à voir avec le Conseil privé, à ce que je sache!

Le sénateur Kirby: Cela peut dépendre de la façon dont vous définissez «Dieu», monsieur le président.

Le sénateur Stewart: Mais supposons que, dans un cas, vous avez prêté serment devant Dieu de ne pas divulguer de l'information confidentielle et que, dans un autre cas, vous témoignez ici et jurez de dire toute la vérité.

Le ministre de la Justice nous a dit que dans ce cas, l'obligation prévue par le deuxième serment, c'est-à-dire celui prêté devant le comité, ne consiste qu'à dévoiler cette partie de la vérité que le témoin a le droit de dévoiler. C'est là le problème, monsieur le président. Je ne crois pas que ce soit facile.

Mme Bloodworth: Dans mon esprit à moi, cela n'est pas différent du cas d'un témoin au tribunal. Si on me demandait de témoigner devant un tribunal en tant qu'avocate, par exemple, le fait que j'aie prêté serment et juré de dire toute la vérité ne me soustrait pas aux obligations qui m'incombent de ne pas révéler des éléments relevant du secret professionnel de l'avocat. Pour moi, toute la vérité, que je prête serment ou non... j'ai comparu devant plusieurs comités parlementaires, sans jamais prêter serment auparavant devant ces comités, mais je n'ai jamais menti non plus.

Le sénateur Jessiman: Nous ne disons pas que vous mentez actuellement.

Mme Bloodworth: Je ne considère pas que les deux serments sont incompatibles, c'est ce que je dis. Je crois que le serment qu'on fait de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité signifie simplement qu'il s'agit d'un serment assujetti aux lois, privilèges et pratiques habituels qui existent au sein de l'organisme devant lequel on prête serment.

Le sénateur Stewart: Ce que nous essayons de découvrir, ce sont les restrictions normales qui existent. Le président semble croire qu'il n'y en a pas, et vous semblez laisser entendre le contraire.

Le sénateur Jessiman: En pratique.

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Je vois que vous opinez du chef.

M. Thomson: Sénateur, je suis simplement d'accord avec le président sur le fait qu'il y a une distinction entre votre obligation de dire la vérité en général lors d'un témoignage une fois que vous avez prêté serment, et le débat que nous avons eu pendant presque toute la matinée au sujet des conventions, des lois et des règles qui concernent les limites d'un témoignage. Donc, si telle est la distinction que fait le président, et je crois savoir que c'est cela, je suis d'accord.

Le sénateur Stewart: Nous avons parlé du secret professionnel de l'avocat. Est-ce seulement une question de pratique? J'évite le terme «convention» parce que dans le domaine, ce terme a une signification bien précise.

M. Thomson: M. Nelligan pourra peut-être m'aider ici. Il s'agit d'un privilège qui est bien établi dans la loi et qui est renforcé et reconnu par les tribunaux. C'est un privilège que reprend le code de déontologie qui s'applique à nous, avocats.

Le sénateur Stewart: Très bien.

Monsieur le président, je pense que cela peut être important. La common law prévoit-elle qu'un témoin a le droit de ne pas s'incriminer en répondant à une question, lorsqu'on l'interroge sous serment?

M. Thomson: En général, la loi canadienne ne prévoit «aucun droit», à moins que l'on y fasse part d'exceptions. Dans certains cas, la loi sur la preuve veut, par exemple, qu'on ne pose pas certaines questions au témoin. À ce moment-là, vous n'êtes pas tenu de répondre à certaines questions. Vous avez le privilège de refuser de répondre à certaines questions, mais les exceptions sont précisées dans la loi. En général, dans notre droit, il n'existe pas de droit global de simplement refuser de répondre à une question de peur que cela puisse vous incriminer.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, n'allez pas croire que je sois spécialiste des documents anciens. Je vous assure que...

M. Thomson: Sénateur, je pourrais dire, je devrais dire qu'il y a des règles spéciales dans les procédures criminelles où l'accusé peut être exempté de témoigner.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, c'est là une question très importante. Je vous assure, je ne veux pas jouer les anciens, mais je pense que nous devons éclaircir cette question.

Je n'ai pas fouillé dans les entrailles de la bibliothèque pour vous rappeler ce qui suit, mais en 1742, sir Robert Walpole fut défait à la Chambre des communes pour ensuite démissionner. Certains députés proposèrent qu'il y ait enquête pour découvrir avec combien d'argent il avait filé. Le fonctionnaire responsable du Trésor refusa de prêter serment. En fait, il menaça les juges du Middlesex, qui lui demandaient de prêter serment. Il voulait se battre avec le fameux William Pitt. Bien sûr, le comité était outragé, mais il ne pouvait passer outre au droit que la common law reconnaît au témoin de ne pas donner de témoignage qui risque de l'incriminer.

Pour résoudre le problème, on présenta un projet de loi de dédommagement, qu'on ne réussit cependant pas à faire adopter à la Chambre des lords. Donc, sir Robert Walpole a pris la clé des champs avec tout l'argent.

Si j'ai bien compris, vous nous avez dit qu'un témoin qui comparaît devant notre comité ou tout autre comité parlementaire ne peut pas refuser de témoigner en invoquant le droit de ne pas s'incriminer, droit que lui reconnaîtrait la common law, n'est-ce pas?

M. Thomson: C'est ce que je comprends. Je serais tenté de dire, comme le font toujours les avocats, que, d'une part, il y a ceci, d'autre part, cela, mais en général, je suis d'accord avec vous.

M. Nelligan: Il existe, bien sûr, une protection constitutionnelle qui empêche d'utiliser cette preuve contre quelqu'un dans une autre affaire.

M. Thomson: C'est exact également.

Le sénateur Stewart: Mais ce n'est pas la loi de 1867. Quand vous dites «la Constitution», voulez-vous dire...

M. Nelligan: Je parle de la Charte, notre Charte.

Le sénateur Stewart: Très bien, vous n'utilisez pas le terme constitution au sens large.

M. Nelligan: Donc, si M. Thomson reconnaît avoir dévalisé une banque devant nous, nous ne pouvons pas utiliser ce témoignage contre lui dans des poursuites criminelles ultérieures.

Le sénateur Stewart: Cela est prévu par notre Charte, mais pas par la Constitution au sens large.

M. Nelligan: Eh bien, je croyais que la Charte faisait partie de notre Constitution.

Le sénateur Stewart: Oui, mais je voulais être plus précis que cela.

On a parlé tout à l'heure de documents du Conseil du Trésor. Parfois, on omet de faire la distinction entre le Conseil, qui est le comité des ministres, et le Secrétariat. Dans quelle mesure le Conseil du Trésor a-t-il participé à ce que j'appelle «les accords sur l'aéroport Pearson»? Quel a été son rôle, sur le plan juridique?

M. Thomson: Je ne crois pas pouvoir répondre à cette question, sénateur, parce que je ne connais pas le rôle précis qu'il a joué. Je suppose, compte tenu de l'entente et des répercussions financières et autres, que le Conseil du Trésor a manifestement participé à diverses étapes du processus, mais je ne peux pas vous répondre. Je pourrais m'informer et vous renseigner là-dessus.

Le sénateur Stewart: Je devrais peut-être plutôt demander si, en droit, la tåche du Conseil du Trésor consistait à approuver l'accord dans son ensemble ou s'il ne s'est occupé que de certains aspects précis de l'accord?

Mme Bloodworth: Permettez-moi de dire, sénateur, que vous vous adressez probablement aux mauvaises personnes puisque ni l'un ni l'autre d'entre nous n'a participé aux accords de l'aéroport Pearson. Cependant, je vais essayer de vous expliquer en général le rôle du Conseil du Trésor.

D'après ce que je comprends, le Conseil du Trésor a... il y a certaines ententes qui doivent être approuvées par le Conseil du Trésor, mais pas toutes. Je ne peux pas vous en préciser tous les détails, mais il y a certaines ententes qui doivent être approuvées. Donc, je suppose que la même chose est vraie pour les accords de l'aéroport Pearson; mais, comme je l'ai dit, ni moi ni M. Thomson n'avons participé à ces accords.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, le sénateur Kirby veut poser...

Le sénateur Kirby: Une brève question supplémentaire, peut-être parce que certains membres du comité ne connaissent pas très bien ce que moi j'appelle le «processus du Conseil du Trésor». Voudriez-vous faire la distinction... pourriez-vous nous aider en indiquant la différence entre une présentation au Conseil du Trésor et un mémoire au Cabinet? Je sais que ces documents sont destinés à des groupes différents de personnes, mais je suis plutôt d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure, à savoir que d'habitude, ici à Ottawa, on considère ces deux documents comme ayant un niveau de confidentialité différent, même si les deux peuvent être officiellement secrets. Peut-être que vous pourriez aider un peu le comité en nous expliquant la différence entre un document du Conseil du Trésor et un document du Cabinet, et peut-être nous donner un peu plus de détails sur les raisons historiques qui font qu'il en est ainsi - et je suis d'accord avec vous - à savoir que les documents sont un peu considérés à un niveau d'importance différent.

Mme Bloodworth: J'ai pris soin de ne pas utiliser le terme «importance».

Le sénateur Kirby: Non, c'est moi qui ai utilisé le terme «importance», pas vous.

Mme Bloodworth: Permettez-moi d'abord de dire que je vais vous faire part de généralités. Comme dans toute généralité, il y aura des exceptions.

Le sénateur Kirby: Très bien.

Mme Bloodworth: En général, le Conseil du Trésor, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, est chargé d'approuver certaines dépenses, certaines façons d'engager des crédits, notamment dans des contrats passés par le gouvernement du Canada, et plus particulièrement par les ministères. Quant aux organismes, cela peut être différent. Ils sont aussi des employés de la fonction publique en soi, donc, il y a peut-être un certain nombre de questions relatives au personnel qui entrent en ligne de compte. Cela veut dire que, en général, les présentations au Conseil du Trésor ont tendance à être quelque peu techniques. Cependant, cela ne veut pas dire qu'elles ne peuvent pas contenir les opinions des ministres ou des différends au sujet d'une chose en particulier mais, en général, ces documents ont tendance à être techniques quand il s'agit de contrats, de questions de personnel, ce genre de choses, quoi. C'est là, comme je l'ai dit, une généralité, mais c'est en gros ce que sont les présentations au Conseil du Trésor.

Les mémoires au Cabinet sont des propositions présentées par un ou des ministres au Cabinet en vue de l'adoption d'une politique, d'une directive précise au gouvernement du Canada. Certains peuvent impliquer l'adoption ou la modification d'une loi, d'autres non. En tant que tels, les mémoires au Cabinet décrivent le pour et le contre des diverses options ou des diverses façons de procéder, eu égard à une politique. Ils renferment des recommandations aux ministres sur la façon de procéder et sont normalement plutôt explicites quant aux divergences d'opinions qui peuvent exister entre divers ministères au sujet des méthodes à employer. Donc, en ce sens, ce sont des documents généralement plus délicats.

Cela dit, il ne fait aucun doute que le Conseil du Trésor peut régler certaines questions très délicates. Je crois que celle de l'aéroport Pearson en est une. Il s'agit simplement de la nature du document, parce que ce qu'il contient a tendance à être plus technique.

Le sénateur Kirby: Est-il juste de dire que la présentation au Conseil du Trésor porte souvent sur la mise en oeuvre d'une politique qui a été établie par le Cabinet, en ce sens que souvent, pour la mettre en oeuvre, on a besoin de ressources humaines ou financières et que la présentation au Conseil du Trésor porte en grande mesure sur l'approbation de ces dispositions conformément à la politique du Cabinet, celle-ci ayant été établie au préalable?

Mme Bloodworth: Je reconnais qu'il s'agit là d'une généralité. Il y a aussi, je crois, des lois qui nécessitent l'approbation du Conseil du Trésor.

Le sénateur Kirby: Je comprends.

Mme Bloodworth: Mais je fais bien attention ici de ne pas minimiser le rôle du Conseil du Trésor parce qu'il... de toute évidence, selon la nature même des types de contrats, ce ne sont pas tous les contrats qui lui sont soumis, ce ne sont pas toutes les politiques concernant le personnel qui lui sont soumises non plus. Donc, il peut aussi régler des questions très délicates. Mais, en général, je dirais qu'il s'occupe davantage de la mise en oeuvre d'une politique que de son adoption, si je puis m'exprimer ainsi.

Le sénateur Kirby: Très bien. Disons ceci: la plupart des questions qui sont soumises au Conseil du Trésor sont précédées, des semaines ou des mois d'avance, par un mémoire au Cabinet qui consiste à décider quelles politiques il convient d'adopter. La plupart, mais pas tous.

Mme Bloodworth: Je ne suis même pas certaine de pouvoir dire «la plupart». Mais la raison pour laquelle je dis cela, c'est que je n'ai jamais examiné la question en particulier. Dans certains cas, le document peut concerner le pouvoir d'un ministre, mais en général, la partie politique, sauf certains aspects particuliers, doit être autorisée. Je conviens que cela est possible, mais je ne connais pas le pourcentage des cas.

M. Thomson: Il est très fréquent que la politique même soit approuvée par le Cabinet et que sa mise en oeuvre ou ses répercussions financières soient soumises au Conseil du Trésor. On considère cela comme un suivi de l'approbation du Cabinet, pour ce qui est de la politique elle-même.

Le sénateur Kirby: Est-ce pourquoi depuis toujours à Ottawa, dans la fonction publique en général, les présentations au Conseil du Trésor ne sont pas considérées au même niveau de confidentialité que les mémoires au Cabinet? En un sens, dans un mémoire au Cabinet, il est véritablement question de la nature de la politique que le gouvernement doit adopter, des options qui s'offrent au gouvernement, etc. En fait, dans une présentation au Conseil du Trésor, il est souvent question de la façon de mettre en oeuvre cette politique, la politique ayant été adoptée et, plus crûment, les aspects politiques délicats relatifs à cette décision ayant été réglés, il s'agit beaucoup plus de décisions concernant la mise en oeuvre. On n'a peut-être pas d'exemples pour les fins de notre comité, mais en général n'est-ce pas comme cela que ça fonctionne?

Mme Bloodworth: En général, je dirais oui. Le seul terme que je contesterais est le terme «confidentiel». Il ne fait aucun doute que nous protégeons les présentations au Conseil du Trésor comme étant des documents confidentiels du Cabinet, parce que c'est ce qu'elles sont. Elles sont certainement perçues comme étant moins délicates.

Le sénateur Kirby: Très bien. «Délicates», c'est un meilleur terme. En général, les présentations au Conseil du Trésor sont considérées comme étant moins «délicates». C'est un meilleur terme que moins «secrètes».

Mme Bloodworth: Oui, je pense que je suis d'accord.

M. Thomson: Si je puis me permettre d'ajouter une chose, je pense aussi, sénateur Kirby, que l'on reconnaît parfois avec difficulté ou que l'on ne reconnaît pas que les présentations au Conseil du Trésor sont des documents confidentiels du Cabinet parce qu'on a tendance à oublier que le Conseil du Trésor est un comité du Cabinet et qu'il examine des documents qui sont destinés au Cabinet, alors que personne n'a de doute que les mémoires au Cabinet qui sont présentés aux comités du Cabinet mêmes sont aussi destinés au Cabinet. C'est là de toute évidence une distinction qui n'est pas valide, mais je pense que c'est une distinction que font beaucoup de gens et qui les amène à ne pas considérer les deux documents comme étant des documents confidentiels.

Le sénateur Kirby: C'est juste, et je pense que cela est vrai depuis longtemps. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un phénomène récent.

Le sénateur Stewart: J'aimerais aborder deux autres aspects de notre discussion concernant le Conseil du Trésor.

Dans le cas d'un accord compliqué comme celui de l'aéroport Pearson, qui impliquait apparemment un tas de contrats, ce ne sont pas tous les contrats qui ont été soumis au Conseil du Trésor. Ai-je raison? Je crois qu'il y a des lois qui prévoient, par exemple, que la location de terres de la Couronne nécessite l'approbation du Conseil du Trésor. Un ministre ne pourrait pas prendre la décision de son propre chef, même si cette location faisait partie d'une entente plus globale prise au nom de la Couronne par son ministère.

Mme Bloodworth: Je crois que c'est vrai, sénateur, mais permettez-moi d'abord de dire que je ne connais pas les détails dans ce cas précis. Bien sûr, j'ai entendu dire que dans certains cas, il fallait s'adresser au Conseil du Trésor, dans d'autres, non. Cela est conforme à ce que j'ai dit, mais ce ne sont pas tous les contrats qui sont soumis au Conseil du Trésor du gouvernement du Canada.

Le sénateur Stewart: Très bien. La deuxième chose concernant le Conseil du Trésor est une question que le président, le sénateur MacDonald, a soulevée tout à l'heure, en demandant qui avait donné l'approbation de dégager les crédits visant à engager des personnes qui ne font pas normalement partie de la fonction publique. C'est une question qui m'intéresse depuis bien des années, comme les gens du Conseil du Trésor pourront vous le dire.

Avant, les ministères, dans le budget qu'ils présentaient au Parlement, disposaient d'une somme raisonnable... probablement que dans la vraie vie, on appellerait ça du «gras». Autrement dit, c'était de l'argent qui pouvait être utilisé, et non pas gaspillé, bien sûr, à la discrétion du ministère et c'étaient des crédits qui n'étaient pas assujettis à une attribution précise de la Chambre des communes. Pourtant, vous nous avez dit que la quantité de gras, les crédits discrétionnaires ont été considérablement réduits. Est-ce qu'un ministère comme le ministère de la Justice, qui devait, croyait-il, engager une firme extérieure, doit s'adresser au Conseil du Trésor ou si le Parlement affecte des crédits quelconques pour payer ces personnes?

Mme Bloodworth: D'abord, je vous précise tout de suite que je ne suis certainement pas une spécialiste du Conseil du Trésor, mais je crois savoir qu'il ne s'agit pas ici d'une question de crédits discrétionnaires. Je suppose qu'au ministère de la Justice, par exemple, on a un budget pour les conseillers juridiques de l'extérieur parce qu'on en engage tout le temps. Le ministère aura évalué de combien de contractuels il avait besoin au cours d'une année, comme le fait le ministère des Transports pour certaines questions.

Le sénateur Stewart: Mais ce détail du budget n'a pas été présenté à la Chambre des communes.

Mme Bloodworth: Pas nécessaire d'aller dans ce genre de détail, mais la somme aura été approuvée par la Chambre des communes et par le Parlement.

Le sénateur Stewart: Oui.

Mme Bloodworth: Mais ce que je veux dire, c'est que parfois en ce qui concerne les contrats, il faut les soumettre au Conseil du Trésor, même si le ministère a le budget pour les réaliser. En fait, ces jours-ci, comme il n'y a pas de caisse centrale, les ministères ont l'argent, mais des contrats de ce genre et des sommes de cette envergure doivent être approuvés par le Conseil du Trésor, que le ministère ait l'argent dans son budget ou non.

Le sénateur Stewart: Oui, mais je crois savoir que la réponse qui a été donnée tout à l'heure au sénateur MacDonald était qu'en pareil cas, il n'était pas nécessaire de demander l'approbation du Conseil du Trésor.

M. Thomson: C'est exact. En général, le ministère a le pouvoir d'engager des mandataires. Il n'est pas tenu de demander la permission au Conseil du Trésor pour les engager, ni pour les payer. En général, ils sont payés à même les crédits globaux des ministères, par exemple, qui profitent des services de ces mandataires.

Dans certains cas, l'argent réservé aux services de ces mandataires peut être indiqué de façon précise dans le budget, peut-être faudrait-il faire des recherches ou demander des renseignements à cet égard. Par exemple, le ministère de la Santé réserve des crédits principalement pour les services des mandataires qu'il engage pour intenter des poursuites dans les affaires de stupéfiants. Le ministère garde cet argent, et je pense qu'il est indiqué de façon précise dans son budget.

En général, cependant, mis à part ces crédits bien indiqués, l'argent est pris à même le budget général du ministère. Le ministère, lorsqu'il calcule son budget, sait à peu près de combien d'argent il a besoin pour cela. En fait, nous sommes en train de mettre en place un processus de planification avec chaque ministère pour essayer de savoir clairement au début de l'année combien de services juridiques nous pouvons offrir et quel type de ressources seront disponibles ou pas si l'on a besoin d'engager des mandataires supplémentaires.

Le sénateur Stewart: Si des crédits suffisants ne sont pas prévus après le premier budget, il faut demander les crédits supplémentaires à la Chambre des communes.

M. Thomson: C'est exact. Si le budget global ne permet pas de payer le mandataire, il faut alors faire adopter un Budget supplémentaire afin d'obtenir les fonds.

Le sénateur Stewart: Au tout début de sa déclaration, Mme Bloodworth a soulevé toute la question de la responsabilité. J'aimerais maintenant l'aborder.

Le sénateur Kirby: Il reste deux minutes avant la pause.

Le sénateur Stewart: On me dit qu'il reste deux minutes avant la pause.

Le président: Madame Bloodworth et monsieur Thomson, auriez-vous la gentillesse de revenir dès 12 h 30 cet après-midi? Je vais voir ce qui en est du comité.

Le sénateur Stewart veut poursuivre. Quelqu'un d'autre?

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais poser quelques questions, mais le sénateur Stewart a la parole maintenant depuis plus de 40 minutes.

Le président: Oui, mais à part cela, est-ce que vous voulez faire la même chose?

Le sénateur Tkachuk: Non, non.

Le sénateur Stewart: Monsieur le président, je suis tout à fait disposé à m'arrêter et à terminer mon premier tour.

Le sénateur Tkachuk: Et vous voulez revenir pour un deuxième tour de questions?

Le sénateur Stewart: Oh, bien sûr, parce que c'est une question que le président, comme je l'ai dit au départ, a amenée sur le tapis. Je crois que le comité doit le remercier de sa prescience, parce que c'est une question très importante...

Le sénateur Tkachuk: Pour qui?

Le sénateur Stewart: Pour le comité. Je suis sûr que nous ne siégerions pas ici ce matin ni ne suivrions les discussions sur ce que le président...

Le sénateur Tkachuk: Vous voulez encore combien de temps?

Le sénateur Stewart: Non, je ne peux pas...

Le sénateur Tkachuk: Parce que vos questions sont très longues. Les réponses des témoins sont courtes. Combien de temps voulez-vous encore?

Le sénateur Stewart: Ça, je ne peux pas...

Le président: Sénateur Tkachuk, nous entendrons le sénateur Stewart et vous-même.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons d'autres témoins. Cela est important pour moi. Si l'on doit être ici toute la soirée, je voudrais bien le savoir. Si on doit être ici demain matin, j'aimerais le savoir. Donc, s'il doit y passer tout l'après-midi, c'est...

Le président: Je demande la coopération du comité. M. Nelligan veut aussi poser certaines questions très importantes. Si les témoins veulent bien revenir, nous leur en serons très très reconnaissants.

Après, je ne sais pas combien de temps nous serons ici. Nous allons recommencer à 12 h 30, ensuite...

Le sénateur Kirby: Nous allons commencer à 12 h 30, et quand nous aurons fini avec les témoins, nous pourrons...

Le président: Et M. Matthews pourra commencer immédiatement après, mais je ne peux pas prévoir combien de temps ça prendra.

Le sénateur Tkachuk: Ces gens-là vivent à Ottawa, ils peuvent revenir n'importe quand.

Le président: Non, j'ai bien peur qu'ils ne puissent pas revenir n'importe quand.

Le sénateur Tkachuk: Ah non?

Le président: Non.

Le sénateur Tkachuk: Les autres témoins, d'après ce que je sais, viennent de Toronto et de Dallas. Ne serait-il pas plus prévenant de commencer avec eux, disons, à 14 heures? On pourrait établir une heure. Je ne peux pas imaginer que nous allons retenir ces gens-là ici pendant une heure et demie encore. Je ne peux vraiment pas le croire. À moins que ce ne soit délibéré.

Le sénateur Stewart: Je ne comprends pas pourquoi vous lancez cette accusation contre le président.

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas contre le président, c'est contre vous!

Le sénateur Stewart: Non, non, le président est intervenu, voyons, trois fois...

Le sénateur Tkachuk: Allons manger.

Le sénateur Stewart: C'est-à-dire aussi souvent que moi.

Le sénateur Tkachuk: Je vous préviens, vos questions se devront d'être pertinentes.

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Le sénateur Lynch-Staunton: Bien dit. Certains témoins que nous avons convenu d'entendre cet après-midi viennent de l'extérieur. Par courtoisie pour eux, ne pourrions-nous pas savoir à quelle heure on devrait les entendre?

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, à 9 h 30 ce matin ou à 9 heures, au moment où nous avons commencé, ces personnes pensaient témoigner seulement à 19 heures ce soir. Donc, quelle que soit l'heure à laquelle nous commencerons cet après-midi, cela leur sera certainement utile. C'est ce que nous essayons seulement de faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avons convenu de les entendre cet après-midi.

Le sénateur Kirby: Nous avons convenu de les entendre après ces témoins. Nous ne nous opposons pas à cela, mais nous ne croyons pas que nous devrions commencer à réduire la durée de comparution des gens parce que certains témoins à qui nous avons déjà fait une faveur en acceptant de les entendre après ces témoins de cet après-midi plutôt que ce soir... il me semble que si on réduit le temps de discussion avec ces témoins, on crée là un précédent.

Le sénateur Tkachuk: Ce que j'essaie de faire comprendre, sénateur Kirby, c'est que notre horaire prévoit que normalement, le jeudi, on finit à 15 heures. Est-ce que nous allons dépasser le temps alloué?

Le président: C'est ce que je demande au comité de décider.

Le sénateur Tkachuk: Cela serait bien - je pourrais prendre mon avion à 19 heures, ce qui serait vraiment bien pour moi. Autrement, je passe la soirée ici et tout le monde aussi parce que nous ne voulons pas dépasser 15 heures. Ça n'a absolument aucun sens.

Le sénateur Kirby: Je suis désolé, je ne sais plus où j'en suis. Je croyais que nous avions discuté plus tôt aujourd'hui - certainement le sénateur Lynch-Staunton et moi-même l'avons fait - et avions convenu de finir avec ces témoins. Nous devions revenir... désolé. Nous pourrions revenir du déjeuner et finir avec ces témoins. Après, nous devions entendre le prochain témoin. Il n'était pas question... nous avons discuté explicitement de la question qui était de savoir si nous nous arrêtions à 15 heures. Je croyais que nous ne le ferions pas.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai consulté mes collègues, mais en toute équité pour les membres du comité, le personnel et particulièrement les témoins, ceux-ci et ceux qui vont suivre, ce serait bien de savoir à quelle heure les prochains témoins pourront être entendus.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, puisque, d'après ce que j'ai compris de l'intervention du sénateur Lynch-Staunton, les témoins sont dans la salle ou dans l'immeuble, je vous répons bêtement que je ne le sais pas.

Le sénateur Tkachuk: Mais nos témoins actuels sont aussi dans l'immeuble, ils peuvent revenir ce soir, n'est-ce pas? Si c'est si important que nous travaillions le soir, ils peuvent revenir ce soir.

Ne pourriez-vous pas revenir ce soir?

Le président: Voyez-vous, les témoins ont d'abord été convoqués pour 19 heures.

Le sénateur Kirby: Très bien. M. Matthews a été convoqué.

Le président: Oui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Parce que nous croyions entendre les témoins de cet après-midi dont la comparution a été annulée.

Le président: Je le comprends, mais le simple fait qu'ils étaient disposés à venir à 19 heures et que nous étions disposés à rester pour les entendre à 19 heures me laisse croire que si nous entendons ces témoins importants et que l'on termine le témoignage, cela veut dire que nous sommes toujours disposés à prolonger nos travaux jusqu'à 19 heures.

Le sénateur Kirby: C'est ce que j'ai dit.

Le président: Monsieur Thomson et madame Bloodworth, pourriez-vous revenir?

Le comité suspend ses travaux jusqu'à 12 h 30.


Ottawa, le jeudi 21 septembre 1995

Le comité sénatorial spécial sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 12 h 30, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, en vue d'en faire rapport.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: La séance est ouverte.

J'aimerais que l'on s'entende sur un certain nombre de choses. J'ai discuté avec le sénateur Stewart, qui va maintenant poursuivre. Il m'assure qu'à moins d'interruptions, il lui faudra une heure ou un peu moins pour liquider toutes ses questions. C'est à ce moment-là qu'interviendra le sénateur Tkachuk, qui a lui aussi certaines questions à poser. Y a-t-il quelqu'un d'autre qui en a?

Le sénateur Jessiman: Moi, j'en ai, mais il n'est pas nécessaire que je les pose aujourd'hui.

Le président: Prévoyons donc une demi-heure pour cela.

M. Nelligan a quant à lui plusieurs questions très importantes qu'il aimerait boucler avec les témoins. Avec le programme que nous avons, si tout va bien, M. Matthews sera des nôtres dès 15 heures.

Cela convient-il aux membres du comité?

Le sénateur Kirby: À une petite condition: si j'ai bien compris, M. Matthews viendra lorsque nous en aurons terminé avec les témoins qui sont ici parmi nous maintenant, et si c'est à 14 h 30, c'est 14 h 30, n'est-ce pas? Vous ne recommandez pas que, advenant que l'on termine avec eux pour 14 h 15, l'on attende jusqu'à 15 heures? J'aimerais tout simplement être bien certain de comprendre le processus.

Le sénateur Jessiman: Non, il est ici.

Le sénateur LeBreton: Quinze heures ou avant.

Le sénateur Kirby: Quinze heures, c'est l'heure prévue d'arrivée, n'est-ce pas?

Le sénateur LeBreton: Oui.

Le président: Allez-y, sénateur Stewart.

Le sénateur Stewart: Merci, monsieur le président. Encore une ou deux choses.

L'un des témoins - je pense que c'était Mme Bloodworth- a dit du Parlement qu'il s'agissait de la plus haute cour du pays. J'ai moi-même utilisé cette expression. On me dit que cela passe très bien au Canada dans le langage courant, mais que ce peut être très trompeur lorsqu'on parle d'affirmer les pouvoirs du Parlement ou de l'une ou de l'autre des Chambres du Parlement. D'après ce que j'ai compris, il s'agit là d'une vieille expression anglaise qui garde un certain sens en Grande-Bretagne du fait des pouvoirs de la Chambre des lords. On me dit néanmoins que son importation chez nous pose quelques problèmes.

Si je soulève la question, monsieur le président, c'est que l'expression «plus haute cour du pays» semble - même si ce n'est peut-être pas le cas - renfermer des implications quant aux pouvoirs d'un comité de la Chambre des communes ou du Sénat. Voilà pourquoi j'aimerais qu'on nous justifie l'emploi de cette expression plus tôt dans la journée.

Mme Bloodworth: Vous avez tout à fait raison, sénateur Stewart. Je pense qu'il s'agit en effet d'une vieille expression. Je l'ai utilisée pour la forme. Je ne sais trop jusqu'à quelle époque elle remonte.

Vous avez également raison de dire que cela peut laisser une fausse impression, par exemple que l'on songe à quelque chose du genre de la Cour suprême du Canada. Il ne s'agit pas du tout de cela.

Je n'en ai pas parlé en tant que plus haute cour du pays, tout simplement parce qu'il se trouve que le Parlement britannique se voit également assorti d'une cour. Je pense que la loi lui prévoit des pouvoirs assez étendus. Il me semble que la grosse différence, ou en tout cas la différence que je ferais entre le Parlement et le système judiciaire, est qu'il est, il me semble, très trompeur d'en prendre un élément, qu'il s'agisse du Parlement ou de notre système de gouvernement constitutionnel et de ne se pencher que sur ses pouvoirs législatifs. Lorsqu'on se penche sur les tribunaux, l'on peut parler avec confiance - même s'il y a là certaines conditions - des pouvoirs juridiques et il est facile de savoir de quel genre d'organe il est question.

Si l'on ne parle de pouvoirs législatifs que relativement au Parlement, au Gouverneur général ou au premier ministre, l'on n'a pas du tout une très bonne idée de la façon dont ceux-ci fonctionnement. En ce qui concerne ces éléments de notre Constitution, la partie non écrite de notre Constitution, les conventions, pratiques et usages peuvent être tout aussi importants que les pouvoirs législatifs qui y sont liés. Je suis donc d'accord avec vous pour dire que de nos jours l'emploi de l'expression «plus haute cour» est surtout dictée par un goût pour la forme, mais cet organe a néanmoins des pouvoirs.

Le sénateur Stewart: Il est évident qu'il a des pouvoirs.

Pourrait-on revenir sur une autre partie de votre déclaration liminaire. J'ai voulu soulever cela... J'avais pensé vous interrompre, car je pense que c'est là quelque chose de fondamental, mais je ne l'ai pas fait. Le président a ensuite soulevé beaucoup d'autres questions, mais je ne pense pas qu'il ait évoqué celle-ci.

Vous avez, sans doute dans le premier ou dans le deuxième paragraphe, parlé du fait que les ministres sont redevables au Parlement. Pour éviter qu'on ne patauge, pourriez-vous me rafraîchir la mémoire et répéter ce que vous avez dit à ce propos?

Mme Bloodworth: Il me semble avoir dit que les ministres sont individuellement et collectivement redevables au Parlement pour les politiques, programmes et activités du gouvernement.

Le sénateur Stewart: C'est sur cette responsabilité envers le Parlement que j'aimerais revenir.

Vous ne voulez pas dire par là que les ministres doivent rendre des comptes non pas à la Couronne, mais à Sa Majesté?

Mme Bloodworth: Pardon?

Le sénateur Stewart: Vous ne voulez pas laisser entendre par là que les ministres ne sont pas responsables vis-à-vis de la Reine?

Mme Bloodworth: Non. Si j'hésite, c'est que je ne pense pas qu'ils soient responsables dans le même sens. Dans ma tête, cette «responsabilité» correspond à l'aspect élu, mais, bien sûr, la Reine fait elle aussi partie du Parlement.

Le sénateur Stewart: Mais ce n'est pas en tant qu'éléments du Parlement que les ministres sont assermentés, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Non. La distinction que je ferais est la suivante: j'essayais d'utiliser le terme «responsable» dans un contexte constitutionnel, mais peut-être que je le faisais à tort. J'envisage le rapport avec la Couronne comme étant légèrement différent. Il existe certainement une responsabilité à ce niveau-là.

Le sénateur Stewart: J'essaie d'éviter le terme «Couronne», et c'est pourquoi j'ai parlé de «la Reine».

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Stewart: Mais n'est-il pas vrai qu'en vertu de la loi les ministres sont embauchés et mis à pied par la Reine? Il y a, certes, des intermédiaires, mais, au fond, n'est-ce pas cela?

Mme Bloodworth: C'est exact.

Le sénateur Stewart: Vous avez mentionné le sens des responsabilités, et il y a différents sens à donner à ce terme. On utilise le terme «responsable» dans au moins deux sens ici, et nous venons tout juste d'en définir un. Venons-en maintenant à l'autre, celui auquel vous avez fait allusion, soit le fait d'être responsable envers le Parlement. Vous avez parlé de responsabilité individuelle et de responsabilité collective. Que cela veut-il dire? Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez qu'ils sont responsables envers le Parlement? Vous ne voulez bien sûr pas parler de la Reine en tant que partie du Parlement.

Mme Bloodworth: Non. Dans le sens que je donne au terme, je veux dire principalement par là les représentants élus, la Chambre des communes. Vouliez-vous que je vous explique l'individuel par rapport au collectif?

Le sénateur Stewart: Non. C'est plus simple si l'on parle de responsabilité individuelle plutôt que collective, ce qui amène toute une pléthore d'autres considérations.

Mme Bloodworth: Comme vous l'avez dit, les ministres sont embauchés et mis à pied, pour reprendre vos termes, par la Reine, en ce sens qu'il s'agit en fait de conseillers de la Reine, comme c'est le cas de tous les conseillers privés. Il se trouve que le cabinet est un groupe de conseillers actifs de la Reine, si je puis m'exprimer ainsi. Par convention - mais non pas par loi, même si j'arguerais que cela atteint le niveau d'une convention constitutionnelle - le cabinet, même s'il est composé de conseillers de la Reine, ne conseille la Reine que tant et aussi longtemps qu'il jouit de la confiance de la Chambre élue. Voilà en quoi nous sommes une démocratie. En un sens, nous avons évolué pour devenir une démocratie, car si l'on remonte un petit peu en arrière, cela n'a pas toujours été le cas.

Le sénateur Stewart: Ils sont donc responsables en ce sens qu'ils doivent satisfaire l'intéressé. Ils doivent rendre des comptes à la Chambre des communes en particulier. Comment cette responsabilité s'exerce-t-elle? Que fait la Chambre des communes pour obtenir des ministres qu'ils lui rendent des comptes? Dans la vraie vie, comment cela se passe-t-il?

Mme Bloodworth: Eh bien, j'allais faire une distinction. Il y a la période des questions quotidienne et les comités devant lesquels ils doivent rendre des comptes, mais j'imagine que ce qu'il y a de plus fondamental c'est que le gouvernement doit garder la confiance de la Chambre des communes. Il y a beaucoup de pratiques et de traditions qui sont liées à cela, mais si la Chambre des communes ne fait pas confiance au gouvernement dans son ensemble, alors ses membres doivent démissionner.

Le sénateur Stewart: Mais, encore une fois, nous avons ici une convention. Je pense que ce que vous dites est juste, mais la convention résulte de certains aspects bien pratiques. Conviendriez-vous que j'ai raison de dire qu'historiquement la Chambre des communes a réussi à exiger des ministres qu'ils lui rendent des comptes en leur disant: «Ou vous nous satisfaites dans les réponses que vous donnez à la période des questions quotidienne ou dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, ou bien nous ne vous accorderons pas de crédits». Les crédits sont l'élément critique...

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Stewart: Ils peuvent dire: «Nous n'adopterons pas vos lois ordinaires», mais le gouvernement peut répliquer: «Nous pouvons nous débrouiller pendant encore une année sans apporter de changements au droit écrit». Mais ils doivent bien obtenir leur budget annuel, n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Vous avez tout à fait raison, sénateur Stewart. En effet, l'on pourrait arguer que c'est là un élément fondamental ayant contribué au fait que nous soyons devenus une démocratie. La Couronne avait besoin d'argent «élu» par les représentants élus.

Le sénateur Stewart: Vous avez souligné en début de déclaration aujourd'hui que nous avons un système gouvernemental responsable, que le gouvernement exécutif doit rendre des comptes au Parlement et, plus précisément, à la Chambre des communes. Il nous faut insister là-dessus, car l'on ne traite des projets de loi de crédits que s'ils sont adoptés à la Chambre des communes. Laissant de côté la théorie, sur le plan pratique, comment le gouvernement du jour était-il responsable envers le Parlement en août, septembre et octobre 1993?

Mme Bloodworth: Voulez-vous dire après...

Le sénateur Stewart: Non, je veux savoir s'il y a eu une période des questions là-dedans? Un Budget des dépenses a-t-il été déposé? La Chambre des communes siégeait-elle à l'époque?

Mme Bloodworth: Non, elle ne siégeait pas, mais elle existait et le Parlement a, certes, existé jusqu'aux élections.

Le sénateur Stewart: Cela va sans dire.

Mme Bloodworth: Mais il n'y a pas eu de période des questions, car la Chambre ne siégeait pas.

Le sénateur Stewart: Et il n'y a pas non plus eu de Budget des dépenses. Il est concevable que si la Chambre des communes s'était réunie, à la mi-juin ou à la mi-juillet, il serait ressorti que le gouvernement n'avait plus sa confiance. Je ne dis pas que cela était probable politiquement, mais, logiquement, conformément à l'argumentation que vous avez défendue tout à l'heure, un gouvernement responsable a un visage tout différent une fois que la Chambre des communes a cessé de siéger et qu'elle ne va pas siéger de nouveau parce qu'il va y avoir des élections.

Mme Bloodworth: Je suppose qu'en ce qui me concerne il y a une distinction très fondamentale lorsqu'il est question de savoir quand le Parlement existe toujours et quand il a été dissout.

Le sénateur Stewart: Mais vous dites que le simple fait que le Parlement n'ait pas été dissout confirme qu'il y a un gouvernement responsable, nonobstant le fait que la majorité à la Chambre des communes n'est aucunement en mesure d'exiger l'exercice de cette responsabilité.

Mme Bloodworth: Je dis que ce doit être le cas, sans quoi chaque fois qu'il y a ajournement du Parlement, il n'y a plus de gouvernement responsable.

Le sénateur Stewart: Non, non, pas uniquement lorsqu'il y a ajournement, car il revient.

Mme Bloodworth: Non, je dis même pour cette période-là.

Le sénateur Stewart: Lorsqu'il y a dissolution, c'est une période tout autre.

Mme Bloodworth: Je suis d'accord. Lorsqu'il y a dissolution, c'est différent.

Le sénateur Stewart: Merci, monsieur le président, c'est tout ce que je voulais savoir.

Le président: Merci. Je pensais qu'on allait remonter jusqu'à la colonisation des Highlands.

Le sénateur Stewart: Non. Nous nous en remettons à vous pour cela. Vous êtes plus au courant de cela que moi.

Le président: Sénateur Jessiman, êtes-vous prêt?

Le sénateur Jessiman: Vont-ils revenir un jour?

Le président: Non.

Le sénateur Jessiman: Très bien. Dans ce cas, permettez-moi de poser quelques questions. Ce ne sera pas très long.

Vous avez mentionné la lettre du 13 août 1995 du cabinet Scott Aylen, faisant état de 200 000 pages de documentation. Ça disait à peu près cela. Ce total de 200 000 correspond-il à tous les documents relativement à cette transaction? Sait-on si... vous savez, différents témoins ont sans cesse évoqué ce dossier. M. Barbeau a commencé par dire «On m'a retiré de ce dossier» ou «Je voulais parler de ce dossier». Qu'est-ce que ce «dossier»? S'agit-il de 200 000, de 400 000 ou d'un million de pages? Combien y en a-t-il?

Mme Bloodworth: Si j'hésite, sénateur, c'est que je sais qu'il y a, par exemple, des documents dont disposerait le Conseil privé, mais qui ne figurent pas parmi ces 200 000, mais si j'ai bien compris - et M. Thomson aura peut-être quelque chose à ajouter à ce propos - ces 200 000 sont le résultat des meilleurs efforts déployés par plusieurs ministères oeuvrant dans différents dossiers reliés à l'affaire Pearson.

Le sénateur Jessiman: Sans exception? Ils n'en ont rien enlevé? Il n'y a pas eu à faire de choix? Ils ont tout simplement dit: «Voici tous les documents, nous ne savons pas ce qui y figure. Voici les dossiers, nous ne savons pas ce qu'ils renferment. Prenez-les». Et lorsque vous les ajoutez tous ensemble, cela donne un total de 200 000.

Mme Bloodworth: Ce que je dis... non pas sans choix, sans jugement, car ce n'est pas ce que j'ai dit en ce qui nous concerne... nous n'avons pas fourni tout ce qui pouvait faire état de Pearson. Les actes minutaires du Cabinet faisant, par exemple, état de l'aéroport Pearson, n'y figureraient pas. Il y a peut-être eu des cas semblables du côté des ministères. Si un ministère disposait d'un ensemble de documents facilement identifiables comme étant des notes au Cabinet, par exemple, il aurait très bien pu ne pas les fournir, car les responsables auraient tout de suite su que ces documents-là n'auraient pas été produits.

M. Thomson: Permettez-moi d'ajouter quelque chose à cela, sénateur, et de vous donner ce que j'ai qui décrit bien la documentation dans son ensemble.

La principale source de documentation était l'ensemble de documents qui avaient été réunis pour le procès et qui comptaient 180 000 pages. Ces documents ont été rassemblés par Transports Canada et par le ministère de la Justice. Ces 180 000 pages comprenaient 60 000 pages liées au travail de Price Waterhouse, et ces documents concernent l'étape de l'élaboration du contrat et sont d'ordre principalement technique. Environ 20 000 pages représentent des documents reçus par le gouvernement en vertu de l'entente de non-divulgation. La société Lindquist Avey s'est donc vu remettre les 100 000, puis les 60 000 de Price Waterhouse, et elle a examiné tout cela également.

Le sénateur Jessiman: Je veux parler de ce qui s'est passé avant cela. J'en arriverai bientôt à ce que vous avez remis aux gens d'Avey. J'aimerais savoir comment vous avez fait pour déterminer la quantité de documents dont vous avez parlé à l'instant: ces 60 000 pages correspondent aux documents de Price Waterhouse, mais le total est de 200 000. Ma question était et est la suivante: est-ce là la totalité de la documentation? Qui a déterminé que 200 000 documents constituent la totalité de la correspondance, toutes les notes, et cetera, relativement à cette transaction?

M. Thomson: En ce qui concerne des renseignements autres que ceux que contrôlerait Mme Bloodworth...

Le sénateur Jessiman: Le Bureau du Conseil privé et le cabinet du premier ministre?

M. Thomson: Oui. En dehors de cela, les renseignements ont été obtenus tout simplement en demandant à Transports Canada de fournir la documentation dont il disposait et, deuxièmement, en fournissant toute la documentation que nous avions relativement au litige.

Le sénateur Jessiman: Et vous ont-ils dit qu'ils vous ont tout remis, ou bien seulement certains éléments qu'ils étaient prêts à vous céder?

M. Thomson: D'après ce que j'ai compris, ils devaient nous dire qu'ils nous avaient remis toute l'information dont ils disposaient.

Le sénateur Jessiman: Vous ont-ils dit cela?

M. Thomson: Pas à moi personnellement, mais je pourrais vérifier s'ils ont dit cela à d'autres.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais savoir si vous disposez de ces 200 000 pages et si ces 200 000 pages renferment en fait tout.

M. Thomson: Je me renseignerai pour savoir si on nous a dit que cela renferme tout. Au ministère de la Justice, nous ne sommes pas allés fouiller dans les dossiers de Transports Canada pour vérifier si c'était bien le cas, mais je me renseignerai pour savoir si l'on nous a dit que ce que nous avons reçu correspond à la totalité de ce dont ils disposaient là-bas.

Le sénateur Jessiman: Dites-moi, sur quelle période de temps... vous avez mentionné six ou sept ans. J'aurais pensé qu'on remontait jusqu'en 1985, année au cours de laquelle le gouvernement a fait un certain nombre d'énoncés de politique. Nous sommes aujourd'hui en 1995, ce qui fait 10 ans. Si vous avez choisi six ou sept ans, lesquels avez-vous choisis?

M. Thomson: Eh bien, je pense que nous avons couvert toutes les années dont il a été convenu qu'elles étaient pertinentes et...

Le sénateur Jessiman: Convenu par qui?

M. Thomson: Eh bien, je suppose que cela a été examiné par le comité ici réuni. Lorsque j'ai dit six ans, je ne prétendais pas avoir la certitude que c'était précisément six ans. J'essayais de dire que cela couvrait une période de temps assez longue.

Le sénateur Jessiman: La période qui m'intéresse vraiment est celle débutant le 25 octobre 1993 et se terminant aujourd'hui.

M. Thomson: D'après les renseignements dont je dispose, la documentation que nous avons réunie couvre la période se terminant à la fin du mois de décembre 1993; en d'autres termes, les derniers renseignements compilés concernent décembre 1993. D'après les renseignements dont je dispose, c'est ce dont il avait été convenu avec le comité ou avec le conseiller du comité, étant donné qu'au-delà de cette date, il s'agirait de documentation qui serait pertinente dans le contexte d'une question dont les tribunaux sont à l'heure actuelle saisis.

Le sénateur Jessiman: Vous me dites donc que c'est décembre 1993, et que cela inclurait des documents semblables à ce que nous avons vu.

Voyons voir. On a des documents secrets du Conseil du Trésor. On a six documents, peut-être plus, adressés par M. Shortliffe au premier ministre... au moins six. Y a-t-il ce même genre de documents pour cette période se terminant le 25 octobre? Il faudrait peut-être plutôt parler du 4 novembre, étant donné qu'il s'agit là de la date de l'assermentation... mais du 25 octobre jusqu'en décembre? Des documents du genre?

Mme Bloodworth: S'il y en avait, ils seraient ici. Que je sache, il n'y en a pas du genre.

Les notes envoyées par M. Shortliffe au premier ministre ne couvraient qu'une très petite période dans cet intervalle. Il s'agissait de mises à jour sur la transaction. Je ne suis donc pas... s'il y en avait, ils seraient ici. Que je sache, il n'y en a pas eu pendant cette période.

Le sénateur Jessiman: Le 13 août 1995, vous avez passé en revue 58 volumes de 350 pages chacun, pour un total de 20 300 documents. Vous avez dit qu'il y en avait 200 000. Vous avez limité cela, car j'imagine que vous n'avez pas examiné les 60 000 pages de Price Waterhouse. Si l'on obtenait ces 200 000 pages, d'après les calculs que j'ai pu faire, cela représenterait 571 volumes. Ce serait moins que ça à cause de Price Waterhouse... où en sommes-nous aujourd'hui? Toute la documentation est-elle prête?

M. Thomson: Si j'ai bien compris, la documentation liée aux différents témoins a été pour la plupart réunie, et vous en avez reçu le gros. D'autre part, il a, je pense, été convenu que nous fournirions au comité une liste de toute la documentation restante, sous réserve des documents visés, par exemple, par la règle des documents confidentiels du Cabinet... nous avons convenu de vous fournir une liste des documents qui n'étaient pas... qui ne se rapportaient pas au témoignage d'un témoin en particulier, afin que vous puissiez voir cela. M. Nelligan pourra peut-être vous renseigner davantage là-dessus mais, si j'ai bien compris, il a été convenu qu'une liste de ces documents vous serait fournie.

Le sénateur Jessiman: On est donc passé de 200 000 à 140 000, en fait, si l'on enlève 60 000 pour Price Waterhouse. Dois-je en déduire que sont maintenant disponibles environ 140 000 pages?

M. Thomson: Eh bien, 140 000 pages ont été parcourues par ceux qui ont été chargés de faire ce travail... cela a été fait. Toutes les pages ont je pense été entrées dans l'ordinateur.

Le sénateur Jessiman: Et en ce qui concerne Lindquist Avey, qu'ont-ils fait... je pense que cela doit être très utile... ces documents ont été répertoriés par thème et par témoin potentiel, n'est-ce pas? C'est ce que dit la lettre.

M. Thomson: Oui. Si j'ai bien compris, ils ont essayé d'élaborer une liste... peut-être qu'ici encore, M. Nelligan pourra m'aider. Cela a peut-être été fait en consultation avec votre avocat. De toute façon, une liste de témoins potentiels a été produite et la documentation a été organisée de façon à pouvoir retrouver toute celle intéressant un témoin en particulier advenant sa comparution.

Le sénateur Jessiman: En effet, les personnes que vous pensiez...

M. Thomson: C'est ce que j'avais compris.

Le sénateur Jessiman: Le nom du ministre Doug Young figurait sur votre liste en tant que témoin possible. Dois-je en déduire qu'il y a une documentation qui se rapporte à lui?

M. Thomson: Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je pourrais me renseigner.

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous vous renseigner et nous le faire savoir?

M. Thomson: J'imagine qu'il doit y avoir certains documents le concernant, mais je tiens à souligner que cette documentation couvre la période se terminant en décembre 1993.

Le sénateur Jessiman: Oui, mais n'a-t-il pas été nommé le 4 novembre 1993?

M. Thomson: C'est exact, un petit peu avant décembre.

Le sénateur Jessiman: Je vous pose maintenant la même question relativement à l'actuel premier ministre, M. Jean Chrétien. Quelqu'un a-t-il pensé qu'il était lui aussi un témoin potentiel?

M. Thomson: Je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Jessiman: Là encore, pourriez-vous vous renseigner et nous le faire savoir?

M. Thomson: Oui.

Le sénateur Jessiman: Vous avez fait appel au cabinet Scott & Aylen: combien de personnes ont été engagées et combien de professionnels? Vous nous dites qu'il y a 12 professionnels pour Lindquist Avey. J'allais vous poser des questions à leur sujet également, mais quel est le nombre pour Scott & Aylen? Combien d'avocats?

M. Thomson: Eh bien, nous avons retenu les services du cabinet. Je connais deux avocats en particulier qui ont travaillé activement sur ce dossier, dont l'un qui s'y est, je pense, consacré à temps plein. J'imagine que d'autres avocats de ce cabinet ont dû réserver du temps à ce dossier, mais je ne connais pas la réponse à votre question.

Le sénateur Jessiman: Et ces personnes, les deux... c'est-à-dire Lindquist Avey et la personne engagée chez Scott & Aylen... ont-elles été engagées uniquement pour cette transaction, ou bien participent-elles également à la poursuite en justice?

M. Thomson: Uniquement pour cette transaction.

Le sénateur Jessiman: Avez-vous fait une évaluation de ce que cela pourrait vous coûter d'engager ces deux cabinets?

M. Thomson: Lorsque nous nous sommes lancés là-dedans, nous savions, bien sûr, que les coûts allaient être très importants, étant donné tout le travail à faire et les délais dont nous disposions.

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous nous donner une idée de ce que vous entendez pas «importants»?

M. Thomson: Je dirais que nous savions que cela allait nous coûter plusieurs centaines de milliers de dollars pour faire faire ce travail, étant donné la quantité énorme de documents à éplucher. Nous n'avons pas encore payé nos avocats, ni les personnes qui travaillent pour eux, mais la note sera très grosse.

Le sénateur Jessiman: J'ai entendu des rumeurs selon lesquelles le coût total dépasserait le million de dollars. Est-ce que je brûle?

M. Thomson: Je pense qu'il est possible que la facture totale, comprenant tous les éléments de coûts, une fois le travail complètement terminé, pourrait dépasser un million de dollars.

Le sénateur Jessiman: Par conséquent, le coût pour le gouvernement de déterminer ce que le comité pourra véritablement examiner sera environ le triple du coût du comité.

M. Thomson: Je dirais, monsieur, que le coût correspondant à la satisfaction des exigences du comité - soit revoir toute la documentation et l'organiser de façon à ce qu'elle puisse vous être présentée dans la forme et dans les délais que vous demandiez - était très élevé. Cela est évident. Mais ce qui détermine le coût, c'est l'envergure de la tåche et la courte période de temps allouée pour l'exécuter.

Le sénateur Jessiman: Oui, mais à la fin du mois d'octobre 1993, lorsque M. Nixon a été nommé... d'après sa lettre, c'était le 28 octobre... Entre cette date et le 4 novembre, il a reçu les différents documents - on me dit qu'il en a eu quelque 10 000 pages - sans que ceux-ci n'aient été bariolés de liquide correcteur; or, ces documents ont été préparés par les mêmes personnes aux ministères de la Justice et des Transports.

Mme Bloodworth: Ce n'est pas ce que j'ai conclu de mes discussions avec M. Nixon.

Le sénateur Jessiman: Alors, dites-nous ce qu'il en est.

Mme Bloodworth: D'après ce que j'ai compris, M. Nixon s'est bel et bien vu remettre des documents. Je pense que vous avez une liste à laquelle vous vous êtes reporté plus tôt, sénateur Jessiman.

Le sénateur Jessiman: Vous nous dites cela, mais il y en a quatre qui ont été censurés. Vous dites qu'il y en avait trois du Conseil du Trésor. Qu'en est-il du quatrième?

Mme Bloodworth: Il s'agit d'une lettre exposant une décision du Conseil du Trésor. Trois mémoires et une décision.

Le sénateur Jessiman: Tous ces documents proviennent du Conseil du Trésor?

Mme Bloodworth: Oui. Il a peut-être obtenu d'autres documents. Que je sache, il a obtenu bien moins de 10 000 pages, mais je ne pourrais pas vous en donner le nombre exact. Ce que M. Nixon a reçu tout de suite, ce sont les documents qui figurent sur votre liste. Il n'a jamais reçu la quantité de documents qu'a reçue le comité. Il n'a, par exemple, rien obtenu auprès du Bureau du Conseil privé.

M. Thomson: J'ajouterais, sénateur, que le travail ne s'est pas résumé à tout simplement regrouper de la documentation dans un seul et même endroit. Il a fallu prendre les documents, et essayer de les organiser de façon à pouvoir facilement et dans les délais requis retrouver tous les textes correspondants à un témoin en particulier. Voilà pourquoi il a fallu affecter à cette tåche un très grand nombre de personnes qui s'y sont consacrées à plein temps.

Le sénateur Jessiman: Mais cela n'a pas été jugé nécessaire pour qu'il fasse un examen et qu'il aboutisse à la conclusion qu'il fallait annuler l'entente, n'est-ce pas? Je veux dire par là qu'il fallait que quelqu'un prenne une décision. Que devait-on lui remettre? Que devait-on remettre à cet homme qui allait prendre une décision et conseiller le gouvernement, car c'est ce qu'il a dû faire dans son deuxième ou son premier rapport. Je ne sais plus lequel c'était, mais dans un des rapports, il dit: «Je vous conseille de ne pas faire de la présente un document public, à moins que vous soyez d'un avis contraire». Mais dans le document qui a été rendu public, il ne dit pas cela, il ne dit pas qu'il ne fait que conseiller le gouvernement. Or, quelqu'un au ministère des Transports et quelqu'un au ministère de la Justice ont dit de concert: «Qu'on lui donne cela».

Mme Bloodworth: Et je pense que ces témoins ont comparu devant vous ici. C'était principalement l'affaire de MM. Rowat et Desmarais, mais il y en a peut-être eu d'autres. Vous avez tout à fait raison. Ce sont eux qui ont décidé de ce qu'on allait lui donner.

Le sénateur Jessiman: Pouvaient-ils prendre cette décision seuls?

Mme Bloodworth: Non. J'imagine qu'ils en ont parlé avec d'autres.

Le sénateur Jessiman: À qui en auraient-ils parlé? À cette époque-là, le ministre était M. Corbeil. C'est lui qui était ministre à ce moment-là. Les élections étaient terminées, mais avec qui auraient-ils discuté pour déterminer...

Mme Bloodworth: Je ne sais pas. Il vous faudra leur parler.

Le sénateur Jessiman: Ouais. Il se pourrait qu'il nous faille les convoquer à nouveau.

M. Thomson: J'aimerais néanmoins souligner que la décision que nous avons prise était qu'il nous fallait parcourir toute la documentation, et qu'il fallait faire un tri pour retrouver les documents clés et ne déposer que ceux-là. Nous avions pensé que cela aurait ennuyé le comité ici réuni qu'on lui dise: «Nous avons exercé un certain pouvoir discrétionnaire en ne nous penchant que sur certains documents, et en supposant que c'était là les documents clés». Voilà ce qui nous a poussés à entreprendre tout cet exercice qui a demandé beaucoup de temps et d'argent car, comme je l'ai dit, il nous a fallu passer en revue quelque 200 000 pages.

Le sénateur Tkachuck: Vous saviez donc déjà quels étaient les documents clés.

M. Thomson: Interrogez qui vous voulez dans cette affaire, chacun pourrait très bien avoir son idée de ce qui constitue les documents clés. Personnellement, je n'en ai pas, et nous avons décidé de ne pas faire de jugement et de ne charger personne d'autre d'en faire, mais plutôt de parcourir toute la documentation et de l'organiser témoin par témoin.

Le sénateur Tkachuk: Aidez-moi. D'après ce que vous venez de dire, des documents clés ont été organisés pour M. Nixon. Mais vous avez ensuite dit: «Mais nous devrions avoir tous les documents». C'était quoi, le truc: est-ce que les documents clés ont été mélangés à tous les autres délibérément, ou bien auriez-vous pu séparer les documents clés pour nous, étant donné qu'ils avaient déjà été mis à part? Auriez-vous pu nous dire: «Voici les documents qui ont été remis à M. Nixon et voici tout le reste»?

M. Thomson: Il me semble que si l'on avait remis au comité uniquement les documents qui avaient été remis à M. Nixon cela n'aurait pas été satisfaisant, le comité étant désireux de voir toute la documentation pertinente pour l'interrogation des différents témoins...

Le sénateur Tkachuk: Là n'est pas la question. Je vous ai demandé... vous avez dit que les documents clés avaient déjà été séparés du reste.

M. Thomson: Non.

Le sénateur Tkachuk: Les documents de M. Nixon l'avaient manifestement été.

M. Thomson: Il me faut supposer que quelqu'un pourrait répertorier les documents qui ont été mis à la disposition de M. Nixon, et je suppose - mais je ne connais pas la réponse à cela - qu'il s'agissait de documents clés.

Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, si cela avait déjà été fait, pourquoi avez-vous tout remélangé ensemble avant de nous envoyer le tout?

M. Thomson: Je ne suis pas certain, sénateur, qu'on ait remélangé le tout. Ce que nous avions décidé, c'était de supposer que ça n'était pas suffisant et qu'il nous fallait examiner l'ensemble des documents dans le dossier.

Le sénateur Tkachuk: Tout cela était donc prêt au début de l'été.

M. Thomson: Il est concevable... en fait, j'imagine que toute personne ayant joué un rôle dans cette affaire pourrait identifier certains documents qui étaient clés au départ, mais nous avons pensé que cela n'était pas suffisant, et c'est pourquoi nous avons passé en revue toute la documentation.

Le sénateur Tkachuk: Il vous faut m'aider, car je suis un avocat. Vous avez prêté serment. Je vous pose une question, car j'essaie d'obtenir des renseignements. Vous avez dit très clairement que vous ne vouliez pas faire une distinction entre les documents clés et les autres documents et que vous vouliez que toute la documentation nous soit fournie ici. Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux. Soit que tout était prêt pour M. Nixon et qu'on aurait pu tout avoir en juin, soit que tout a été mélangé ensemble, soit que ces documents ont été gardés de côté jusqu'à ce qu'on les reçoive tout récemment. Une seule des trois hypothèses est la bonne, et j'aimerais tout simplement savoir laquelle c'est.

Le sénateur Jessiman: C'est un petit peu plus compliqué que cela à cause de la poursuite en justice. L'action en justice concerne ce qui nous occupe ici, et il doit y avoir une sacrée pile de documents qui interviennent de ce côté-là.

M. Thomson: C'est exact. Je ne peux répondre à votre question qu'en disant que nous avions décidé au départ que ce qu'il nous fallait faire, c'était parcourir tous les documents de façon à pouvoir vous affirmer, avec une certaine confiance, que la documentation qu'on vous fournissait pour un quelconque témoin constituait la totalité de la documentation pertinente qu'on avait pu retrouver dans toute la pile, sous réserve du processus de vérification qu'on vous a déjà décrit.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous m'aider, monsieur le conseiller? Je n'ai toujours pas obtenu ma réponse, et peut-être que je pose mal la question. Pourriez-vous me venir en aide?

M. Nelligan: Eh bien, je pense qu'il y a peut-être une certaine confusion quant aux documents qui ont été déposés à différents moments. Les premiers documents demandés étaient les documents Nixon.

M. Thomson: D'après ce que j'ai compris, ceux-ci ont été fournis.

M. Nelligan: Ils ont été fournis sous réserve de certaines ratures en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Certains des renseignements ne nous ont par conséquent jamais été entièrement divulgués, et je songe ici tout particulièrement aux mémoires du Conseil du Trésor. La réponse à notre demande originale nous a été donnée le 16 juin par le dépôt de documents jugés par le ministère comme pertinents aux fins de notre étude, mais nous n'avons jamais obtenu les documents en version intégrale non censurée.

Le sénateur Jessiman: J'ai presque terminé. J'aimerais néanmoins toujours savoir... peut-être qu'il nous faudra convoquer de nouveau M. Rowat.

Pourriez-vous vous renseigner pour nous... si l'on pouvait savoir... peut-être que nous devrions convoquer cette personne-là plutôt que M. Rowat... Nous savons que M. Rowat a comparu devant nous et nous a montré un document... en fait, il y en avait deux. Puis on a découvert qu'il y en avait trois. Plus tard, après son départ, on a appris qu'il y avait un quatrième document qui avait été préparé pour M. Nixon. Il nous faudra attendre l'arrivée de M. Nixon pour savoir lequel lui a été remis.

Qui, mis à part les fonctionnaires qui ont dit avoir préparé cela, a déterminé quels documents devaient être livrés à M. Nixon? Il fallait que ce soit entre le 25 octobre, la date des élections et la date à laquelle il les a véritablement reçus, date que j'ignore. Les documents sont dans certains cas datés du 29 octobre, et dans d'autres du 4 novembre. Avec qui ont-ils discuté? Avec des personnes qui avaient été élues, mais qui n'avaient pas été nommées? Y a-t-il eu une équipe de transition ne comportant aucun politique et exclusivement composée de personnes qui les conseillaient? Qui leur a dit quels étaient les documents à remettre, s'ils n'ont pas pris cette décision-là tout seuls?

Mme Bloodworth: Très bien, sénateur, nous essaierons de déterminer quelles étaient ces personnes, mais je peux vous dire que, que je sache, ce sont des fonctionnaires qui auraient pris les décisions. Je ne peux pas l'affirmer, car je ne suis pas intervenue directement...

Le sénateur Jessiman: Ils n'ont reçu d'ordre de personne et n'auraient pas rapporté... ils n'ont pas parlé à M. Corbeil, qui était le ministre. Il l'a dit.

Mme Bloodworth: Je ne sais pas, mais...

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous vous renseigner?

Le sénateur Tkachuk: Cela est donc si peu habituel? Les fonctionnaires au ministère s'occupaient-ils en général de cela?

Le sénateur Jessiman: Il a ici un contrat de près d'un milliard de dollars et quelqu'un va conseiller le gouvernement. L'on avait supposé que ça allait être un rapport indépendant. J'aurais pensé que vous vous seriez dit qu'il y avait devant vous des preuves disant: «Écoutez, on a retardé cela. On a retardé la prise en mains de l'aéroport, car on a pensé qu'on s'en tirerait à bon compte». Voici que maintenant, des fonctionnaires disent de leur côté: «Cette documentation est suffisante. Si on lui donne cela, vous savez, ce sera suffisant». Quelqu'un a une responsabilité dans tout cela, bon sang. Je ne dis pas que c'est vous, mais c'est bien quelqu'un.

Mme Bloodworth: Je ne peux pas vous donner de réponse relativement à Pearson en particulier.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous nous dire qui aurait normalement été responsable?

Mme Bloodworth: Si vous me permettez de finir.

Le sénateur Tkachuk: Mais bien sûr.

Mme Bloodworth: Je sais que M. Nixon travaillait sous contrat pour le Bureau du Conseil privé, et je pense que cela vous a déjà été dit.

Le sénateur Jessiman: Aurait-il discuté avec des gens du Bureau du Conseil privé?

Mme Bloodworth: Je pense qu'il a parlé à M. Shortliffe, mais puisque M. Shortliffe va venir comparaître devant vous, il pourra vous le confirmer. Je ne connais personne d'autre au Bureau du Conseil privé avec qui il a parlé, mais c'est à voir.

Le sénateur Jessiman: Sa lettre indique que c'était le premier ministre, mais l'on apprend qu'il n'y avait rien par écrit. Nous ne savons pas si c'était un appel téléphonique. Nous ne savons pas s'il est allé dîner là-bas ou s'il y a eu autre chose, mais c'est le premier ministre lui-même qui l'a nommé. A-t-il... j'imagine qu'il nous faudra lui poser la question, mais connaissez-vous ou non la réponse? Savez-vous quelque chose au sujet de sa nomination?

Mme Bloodworth: Je sais qu'il travaillait sous contrat pour le Bureau du Conseil privé.

Le sénateur Jessiman: Et cela a-t-il été fait par écrit?

Mme Bloodworth: Oh oui. Il y a un contrat écrit avec M. Nixon.

Le sénateur Jessiman: Avons-nous une copie de ce contrat?

M. Nelligan: Oui, je pense qu'il a été signé le 24 novembre.

Oh, n'en avons-nous pas une copie?

Le sénateur Jessiman: Nous n'en avons pas copie.

M. Nelligan: Je pensais que nous avions une copie non signée.

Le sénateur Jessiman: J'aimerais voir la copie signée. J'aimerais voir qui l'a signé. On nous dit maintenant que c'est daté du 24 novembre et il a été engagé le 28 octobre. De toute façon, j'aimerais que vous disiez à la personne avec qui vous discuterez, qu'il s'agisse du premier ministre... j'aimerais que vous lui disiez que nous aimerions voir le contrat en vertu duquel...

M. Nelligan: Nous avons cela, sénateur.

Le sénateur Jessiman: On l'a. Ah bon. Vraiment?

M. Nelligan: Apparemment, cela a été révisé. Il s'agit d'un document confidentiel. En tout cas, on ne parvient pas à mettre la main sur la copie signée.

Le sénateur Jessiman: Et il n'a pas été modifié par la suite?

M. Nelligan: Si.

Le sénateur Jessiman: Il a été modifié. Avons-nous une copie du texte modifié?

M. Nelligan: Oui.

Le sénateur Jessiman: Très bien. Il nous faudra regarder cela.

M. Nelligan: Cela fait partie de la documentation que nous avons reçue l'autre jour.

Mme Bloodworth: J'avais bien pensé que vous l'aviez, mais ce que je veux dire, c'est que les contrats sont des documents auxquels on a accès. Un contrat a été passé avec lui dans le cadre du processus de transition, en préparation de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Je vous donne les généralités ici. Les personnes les plus directement concernées, comme par exemple M. Shortliffe, pourront vous parler plus dans le détail, mais voilà dans le cadre de quel processus il a été embauché.

Le sénateur Jessiman: Je n'ai pas toujours été dans la salle, et peut-être que vous avez déjà répondu à la question, mais j'aimerais comprendre pourquoi, premièrement, M. Nixon a obtenu des documents qui n'avaient pas été censurés et, deuxièmement - j'oublie le nom de la société - Scott Aylen a obtenu des copies ou a eu accès à des copies qui ne l'avaient pas été, et Lindquist Avey également. Si le comité ne va pas les obtenir, pourquoi son avocat, conseiller de la Reine, l'un des plus grands avocats du Canada, que les deux parties voulaient bien qu'on l'embauche... cet exercice est partisan, mais ce monsieur ne l'est pas... Pourquoi quelqu'un - et vous pourrez peut-être me dire de qui il s'agit - a-t-il décidé que notre conseiller juridique, même s'il prêtait le même genre de serment que les autres, ne pourrait pas avoir accès au même genre de documents ou aux documents non censurés? Pourriez-vous me dire qui a pris cette décision et pourquoi?

Mme Bloodworth: Très bien. Dois-je y répondre dans l'ordre? Tout d'abord, la question concernant M. Nixon.

Le sénateur Jessiman: Oui, si vous le voulez bien.

Mme Bloodworth: Comme je vous l'ai dit plus tôt dans la journée, je me suis renseignée au sujet de l'accès donné à M. Nixon. M. Nixon travaillait sous contrat et il était partie à une entente de non-divulgation, mais d'après ce que j'ai cru comprendre, l'ancien greffier - et il va venir, alors il pourra vous le dire lui-même - n'avait pas eu pour intention de faire en sorte que M. Nixon ait accès aux documents confidentiels du Cabinet. Je me limiterai à cette catégorie. Il lui a néanmoins donné accès, comme je le disais tout à l'heure, à trois mémoires du Conseil du Trésor, ainsi qu'à une lettre exposant une décision de ce dernier.

Je ne sais pas comment cela s'est passé. J'y ai réfléchi un petit peu et ou le message n'a pas été transmis aux personnes devant fournir les documents, ou les personnes devant fournir les documents n'ont pas considéré que les mémoires du Conseil du Trésor étaient des documents confidentiels du Cabinet. J'ai expliqué plus tôt qu'il est vrai que les mémoires du Conseil du Trésor sont en fait des documents confidentiels du Cabinet, mais ils ne sont pas toujours considérés comme étant aussi délicats. Voilà pour ce qui est de la catégorie de M. Nixon. M. Nixon travaillait sous contrat pour le gouvernement. En ce sens, il faisait partie du gouvernement, si je peux m'exprimer ainsi.

Le sénateur Jessiman: Faites-vous une distinction entre sa situation d'appartenance au gouvernement et la situation de non-appartenance au gouvernement du comité ici réuni?

Mme Bloodworth: Oui, je fais cette distinction.

Le sénateur Jessiman: Parce que vous dites que c'est le pouvoir exécutif.

Mme Bloodworth: Oui, j'y arrive. J'utilise le terme «gouvernement» pour parler des éléments gouvernants du parti. Je sais bien que si l'on utilise le terme «gouvernement» dans un sens large, il est évident que le volet législatif aide à gouverner, mais j'emploie le mot «gouvernement» pour...

Le sénateur Jessiman: Il fait donc partie de l'exécutif, jusqu'ici?

Mme Bloodworth: Il travaillait pour le pouvoir exécutif, sous contrat avec celui-ci.

Le sénateur Jessiman: Je pensais de façon quasi judiciaire... mais évidemment, ce n'était pas le cas. Poursuivez.

Mme Bloodworth: Non, il travaillait sous contrat.

Le sénateur Tkachuk: Un expert-conseil?

Mme Bloodworth: J'ignore s'il se décrirait ainsi, mais il travaillait sous contrat.

Le sénateur Tkachuk: C'est un expert-conseil.

Mme Bloodworth: Dans le cas de Scott Aylen, M. Thomson a expliqué pourquoi il a été décidé de recourir à une société extérieure et de faire appel à certaines personnes, alors je ne reviendrai pas là-dessus.

Le sénateur Jessiman: Est-ce 1 200 ou 12 000 avocats que vous avez? Est-ce 1 200 avocats à l'interne?

Mme Bloodworth: Non, je n'en ai que cinq ou six.

Le sénateur Jessiman: Non, non, je veux parler du nombre que vous avez donné.

M. Thomson: C'est moi qui ait les 1 200.

Le sénateur Kirby: Et les avocats qui ne sont pas à l'interne sont à l'externe.

Le sénateur Jessiman: On parle ici de ceux qui sont à l'interne. Ce sont des gens comme moi qui sont à l'extérieur.

M. Thomson: J'ajouterais que non seulement le gouvernement a ces 1 200 avocats, mais chaque année, il dépense 30 à 35 millions de dollars pour des agents extérieurs qui sont des avocats.

Le sénateur Jessiman: Je vous donnerai ma carte de visite à la fin de la réunion.

Mme Bloodworth: Il a été question de documents confidentiels du Cabinet... et je vais vous parler de ce que je sais: on a demandé s'ils y auraient ou non accès, car ce n'est pas automatique. En effet, ce n'est pas automatique pour un avocat et ce n'est pas automatique pour les avocats auxquels nous recourons.

Le sénateur Jessiman: Quelles sont les personnes qui sont en train de discuter de cela à l'heure actuelle? Vous-même et d'autres?

Mme Bloodworth: Moi, certainement. Pour ce qui est des documents confidentiels du Cabinet, j'en discuterai au nom du greffier.

Le sénateur Jessiman: Et aux Transports?

Mme Bloodworth: J'ignore si j'en ai jamais discuté avec quelqu'un aux Transports. J'en ai certainement discuté avec le ministère de la Justice. Je ne sais pas si George et moi-même en avons jamais discuté, mais il y avait d'autres personnes. En tout cas, en ce qui concerne les documents confidentiels du Cabinet, je pense qu'il serait juste de dire que mon opinion aurait plus de poids que celle du ministère de la Justice.

La conclusion à laquelle nous en sommes arrivés était que sur un plan purement pratique, il n'aurait pas été possible pour eux de faire le travail sans voir certains de ces documents confidentiels du Cabinet.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit cela dans la lettre.

Mme Bloodworth: Nous en sommes également arrivés à la conclusion que pour des raisons d'ordre pratique, nous n'y parviendrions pas avec les ressources que nous avions déjà sans recourir à eux. On m'a bien fait comprendre que ce ne serait pas très pratique s'ils n'avaient pas accès à ces documents.

J'ai néanmoins insisté pour que certaines mesures soient prises pour veiller au respect du caractère confidentiel de ces documents. J'étais bien évidemment beaucoup plus à l'aise avec l'idée qu'ils passent par un avocat et que celui-ci soit responsable d'assurer la protection des documents confidentiels du Cabinet.

Le sénateur Jessiman: Oui, Scott Aylen. Vous avez dit que deux avocats travaillaient avec Scott Aylen. Ont-ils d'autres employés? Ont-ils des sténographes? Ont-ils...

M. Thomson: Oui, il y aurait d'autres personnes à l'emploi de ce cabinet. Il y a également d'autres avocats.

Le sénateur Jessiman: De leur cabinet, ou des avocats de l'extérieur en plus de Scott Aylen?

M. Thomson: Non. Les avocats, si j'ai bien compris... les avocats sont tous membres du cabinet Scott Aylen.

Le sénateur Jessiman: Et vous avez dit deux ou trois, ou bien y en a-t-il plus?

M. Thomson: J'en connais deux, parce que j'ai eu affaire à eux directement, mais il y en a peut-être d'autres. Je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Jessiman: Je vous demande s'il y avait d'autres employés.

M. Thomson: J'imagine que le personnel de soutien de ces avocats, par exemple, a pu traiter ces documents, ou en tout cas...

Le sénateur Jessiman: Ils auraient tous... dans le cadre de leur travail, ils auraient examiné ces documents, ou en tout cas eu accès à eux?

Mme Bloodworth: Oui. Je dois dire que, que je sache, il n'y a pas eu de membres du personnel de soutien de Scott et Aylen qui ont examiné ces documents, mais c'est possible.

Le sénateur Jessiman: Mais vous ne le savez pas.

Mme Bloodworth: Permettez-moi de poursuivre avec Scott et Aylen.

En ce qui me concerne, je tenais le conseiller avec lequel nous traitions chez Scott et Aylen responsable, et c'est là l'une des raisons pour lesquelles j'ai voulu que la société qui allait faire le travail soit retenue par leur intermédiaire, afin que nous puissions toujours nous en remettre à cet avocat. Nous avons veillé à ce que celui-ci comprenne l'accord en matière de documents confidentiels du Cabinet et, plus important encore dans ce cas-ci, la convention sur l'accès aux dossiers d'un ancien ministère, car nous savions qu'y seraient renfermés des documents confidentiels d'un ancien gouvernement qui ne devaient pas être montrés à un quelconque membre du nouveau gouvernement ou de son personnel, et les intéressés avaient très bien compris cela. Ils ont tous signé des ententes à cet effet.

Nous avons également choisi d'utiliser les locaux du gouvernement, afin d'éviter que tous ces documents ne traînent dans un bureau privé où les mesures de sécurité ne seraient pas les mêmes que les nôtres. La décision avait donc été prise de leur montrer ces documents dans ces conditions-là.

Si vous me permettez de passer maintenant à... j'ai traité de Scott et Aylen et de Lindquist Avey ensemble.

Le sénateur Jessiman: Je comprends cela et cela me satisfait.

Mme Bloodworth: J'aimerais maintenant traiter de la distinction entre M. Nelligan et ces deux autres catégories. Permettez-moi tout d'abord de dire que cela n'a rien à voir avec M. Nelligan personnellement. Je ne doute aucunement de l'intégrité de M. Nelligan, et ce n'est pas du tout une question d'ordre personnel.

M. Nelligan, au contraire de ces autres personnes, fait partie du comité, non pas du gouvernement tel que je l'ai décrit. En ce qui concerne les documents confidentiels du Cabinet, les personnes contre lesquelles vous les protégez pour le compte des ministres et des anciens ministres relèvent des autres éléments partisans de notre système, soit les branches législatives. La position de M. Nelligan est donc tout à fait différente de celles de M. Nixon ou de Scott et Aylen en ce sens qu'il est le conseiller juridique du comité et qu'il ne fait pas partie du gouvernement.

Le sénateur Jessiman: Eh bien, ce doit être très difficile pour les personnes, pas les avocats, mais les autres - et il se trouve que je suis avocat et j'ai du mal avec cela -, de comprendre que nous avons un comité dont la majorité des membres demandent qu'il y ait une enquête judiciaire. De l'autre côté, il y a le gouvernement, ce même bras exécutif du gouvernement qui refuse de fournir des renseignements au conseiller juridique du comité. Il y a quelque chose qui ne va pas.

Mme Bloodworth: Il me faut dire qu'il n'est pas automatique qu'une commission d'enquête judiciaire ait automatiquement accès aux documents confidentiels du Cabinet. Cet accès n'est accordé que dans de très rares cas. La seule commission d'enquête que je connaisse qui ait eu accès à des documents confidentiels du Cabinet était...

Le sénateur Jessiman: Permettez-moi de vous demander autre chose.

Le président: Excusez-moi. Personne ne demandait des documents confidentiels du Cabinet. Personne au comité n'a jamais parlé de documents confidentiels du Cabinet.

Mme Bloodworth: J'avais compris qu'il était question de charger M. Nixon de les examiner pour vous.

Le président: Les autres personnes qui ont prêté un serment de non-divulgation n'ont pas examiné des documents confidentiels du Cabinet.

Le sénateur Jessiman: Parce que vous ne les auriez pas débloqués.

Le président: Oui.

Mme Bloodworth: Oui, ils l'ont fait.

Le sénateur Jessiman: Ah bon, ils ont vu les...

Mme Bloodworth: Oui, c'est ce que je pense avoir dit tout à l'heure. M. Nixon a vu...

Le sénateur Tkachuk: Dites-vous que Lindquist Avey a vu les documents du Cabinet?

Le président: Les documents confidentiels du Cabinet.

Mme Bloodworth: Les documents confidentiels. J'ai dit, et je pensais qu'on avait clairement expliqué cela hier, que M. Nixon a vu les quatre documents confidentiels du Cabinet dont j'ai parlé tout à l'heure. En ce qui concerne Scott et Aylen et Lindquist Avey, la seule raison pour laquelle toutes ces mesures ont été prises est que oui, ils ont vu certains documents confidentiels du Cabinet. Je vous ai dit tout à l'heure que nous ne leur avons pas tout remis. Nous ne leur aurions certainement pas remis les documents...

Le président: Des documents confidentiels du Cabinet d'une administration précédente?

Mme Bloodworth: Oui.

M. Thomson: Si vous me permettez, sénateur, il me faut souligner qu'il y a une distinction à faire ici: ce sont des personnes qui ont été retenues par le gouvernement, qui ont été chargées par lui d'accomplir une tåche bien précise. Comme nous l'avons dit plus tôt, ce genre de documents a été fourni, tout comme cela a été le cas pour d'autres avocats retenus par le gouvernement pour des litiges divers. Ils doivent prêter serment, s'engageant à respecter le caractère confidentiel des documents, et ceux-ci ne doivent pas être divulgués. Mais ce n'est pas la première fois que des documents visés par cette règle de respect du caractère confidentiel ont été vus par des avocats retenus par et travaillant pour le gouvernement.

Le sénateur Tkachuk: Mais il s'agit de juricomptables.

M. Thomson: Il s'agit de personnes travaillant pour le compte de ces avocats et à qui s'appliquerait cette même règle.

Le sénateur Tkachuk: Ce groupe-ci, des superlimiers? Ça chauffait sec lorsque par une journée étouffante de juillet, le pimpant comptable de 46 ans se tenait debout devant la mer des Antilles. Vous donnez des documents à ces gens-là?

M. Thomson: Nous avons mis les documents à la disposition des avocats dont nous avons retenu les services. Ceux-ci s'en sont servi dans le but précis d'accomplir la tåche qui leur revenait, soit passer en revue les 200 000 documents et faire un tri, de façon à fournir au comité les documents se rapportant aux différents témoins.

Le sénateur Jessiman: J'ai une question à laquelle l'un ou l'autre de vous pourra répondre: considérez-vous que les renseignements dont il est question ici ont un intérêt sur le plan sécurité nationale ou sécurité publique? S'agit-il de questions de sécurité nationale ou publique?

Mme Bloodworth: Je ne pense pas que nous ayons dit cela. Ce que nous avons dit, c'est que ces documents du Cabinet étaient de nature confidentielle.

Le sénateur Jessiman: Je n'ai pas d'autres questions.

Le sénateur Tkachuk: Quelques questions là-dessus. J'aimerais parcourir un petit peu le trajet suivi par ces documents. Tout d'abord, qui a pris la décision au ministère de la Justice? C'est le Cabinet qui a décidé que ce serait le ministère de la Justice qui serait responsable de ceci? Je me demande pourquoi vous êtes responsables de cela?

Mme Bloodworth: Je ne pense pas que cela ait été une décision du Cabinet. Comme je le disais, je pense qu'on en a discuté plus tôt. Je ne n'étais pas... je ne me souviens pas.

Le sénateur Tkachuk: Qui a décidé?

Mme Bloodworth: Je ne pense pas qu'une seule personne ait décidé.

Le sénateur Tkachuk: C'est toujours ce qu'on me raconte. Il a donc fallu que quelqu'un décide. Quelqu'un a dû dire «oui» ou «non».

Mme Bloodworth: Eh bien, il y a eu une entente entre le Bureau du Conseil privé, comprenant moi-même...

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Mme Bloodworth: ... et le ministère de la Justice et celui des Transports, entente selon laquelle c'était le ministère approprié.

Le sénateur Tkachuk: Et c'est qui, le grand manitou, en ce qui concerne ce trio? Est-ce le greffier? Le greffier pourrait-il dire: «Non, vous ne pouvez pas faire cela»?

Mme Bloodworth: J'imagine, si nous ne parvenions pas à nous entendre.

Le sénateur Tkachuk: Ce serait le seul à pouvoir dire: «Non, vous ne pouvez pas faire cela», n'est-ce pas?

Mme Bloodworth: Si nous n'avions pas pu nous entendre, j'imagine qu'elle aurait pu décider, oui. Cela n'a pas été nécessaire, car nous nous sommes mis d'accord, mais...

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Quelle fut donc la première mesure prise?

M. Thomson: Après qu'on nous ait demandé d'organiser cela?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Thomson: Il me semble que la première chose que j'aie faite a été de me tourner vers mon sous-ministre adjoint supérieur, et de lui demander de prendre les choses en mains pour le ministère de la Justice. Il a organisé au sein du ministère une équipe qui a été affectée à temps plein à ce travail. Peu de temps après, on s'est assis ensemble et on a examiné le travail qui nous attendait ainsi que les délais, et c'est à ce moment-là qu'on a décidé de s'assurer les services de Scott et Aylen. À ce moment-là, ou peu de temps après, on a convenu qu'ils pourraient recourir à Lindquist Avey pour faire faire le travail qu'on voulait voir effectuer. Et c'est à ce moment-là que le travail a commencé.

Le sénateur Tkachuk: C'est là qu'ils ont obtenu le ministère des Transports, le Conseil du Trésor, peut-être le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé, n'est-ce pas?

M. Thomson: Excusez-moi, on a voulu qu'ils fassent quoi, monsieur?

Le sénateur Tkachuk: Où obtenez-vous tout cela? De quels ministères?

M. Thomson: Vous parlez maintenant de la compilation de renseignements?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Thomson: Eh bien, comme je le disais, le gros des renseignements est venu de... en fait, une quantité appréciable est venue de chez nous, car le ministère de la Justice... nous avions compilé toute une masse d'information à cause de la poursuite en justice, mais on en a également obtenu auprès du ministère des Transports et, bien sûr, du Bureau du Conseil privé. J'ignore si le Conseil du Trésor disposait de documents.

Mme Bloodworth: Je pense qu'il y en avait certains.

M. Thomson: Certains du Conseil du Trésor. Je pense qu'ils ont également recueilli tous les renseignements qu'avait Nixon.

Le sénateur Tkachuk: Nixon, c'est le Bureau du Conseil privé, n'est-ce pas?

M. Thomson: Aux fins du travail qu'il a effectué, oui.

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Thomson: C'est le Bureau du Conseil privé qui s'est assuré ses services.

Le sénateur Tkachuk: Oui. Il y avait donc dans chacun de ces ministères des gens qui ramassaient tous ces documents. Que se passe-t-il ensuite? Je suis aux Transports. J'ai envoyé toutes les notes de service et la documentation commence à arriver. Je l'ai accumulée au ministère des Transports. Où est-ce que j'apporte tout cela maintenant? Où est-ce que j'apporte tous ces documents du ministère des Transports?

Mme Bloodworth: Comme je l'ai déjà dit, nous avons fourni de l'espace dans les locaux du Bureau du Conseil privé.

Le sénateur Tkachuk: J'apporte ces documents au Bureau du Conseil privé? Où est-ce que je les apporte? Comment ces documents aboutissent-ils là-bas? Est-ce qu'ils... je prends un taxi, ou quoi?

Mme Bloodworth: Non, soit ces documents sont livrés par les messagers du gouvernement, soit ils sont apportés en mains propres par des fonctionnaires.

Le sénateur Tkachuk: Vous quittez donc le ministère des Transports à destination du Bureau du Conseil privé, n'est-ce pas? Quelqu'un au ministère des Transports examine-t-il ces choses, ou bien suffit-il, pour qu'un document aboutisse dans la pile, qu'il soit dans le dossier intitulé «Aéroport»? Que se passe-t-il? Comment le processus fonctionne-t-il?

M. Thomson: On leur a demandé, par l'intermédiaire du sous-ministre, de fournir ces documents. Le sous-ministre aurait pris toutes les mesures jugées nécessaires pour rassembler tout cela, après quoi...

Le sénateur Tkachuk: Le sous-ministre apporte tout cela au Bureau du Conseil privé. Cela est entreposé dans quelle pièce? On parle ici de 200 000 feuilles de papier. Où cela est-il entreposé? Par où arrivent tous ces documents?

Mme Bloodworth: Ils se trouvent au sixième étage de l'édifice des Postes.

Le sénateur Tkachuk: Au sixième étage. C'est là qu'ils arrivent.

Mme Bloodworth: C'est là qu'ils se trouvent.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce là qu'ils arrivent? Non, non. Où vont-ils?

Mme Bloodworth: J'ignore où ils ont séjourné en premier, monsieur. Je sais qu'ils ont été apportés soit par des messagers du gouvernement, soit par des fonctionnaires.

Le sénateur Tkachuk: Au Bureau du Conseil privé.

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Où? À quelle adresse?

Mme Bloodworth: Eh bien, ils sont...

Le sénateur Tkachuk: Où sont-ils allés?

Mme Bloodworth: Ces documents vont au sixième étage de l'édifice des Postes.

Le sénateur Tkachuk: C'est donc le Bureau du Conseil privé.

Mme Bloodworth: Cela fait partie des locaux du Bureau du Conseil privé, oui.

Le sénateur Tkachuk: Ils vont donc au sixième étage de l'édifice des Postes, et qui est là pour les recevoir?

M. Thomson: Vous voulez le nom de la personne?

Le sénateur Tkachuk: La ou les personnes. Il y a quelqu'un là qui est responsable.

M. Thomson: Je ne sais pas.

Mme Bloodworth: Moi non plus.

M. Thomson: Nous ne connaissons pas la réponse à cette question.

Le sénateur Tkachuk: Ces personnes signent-elles une entente de non-divulgation?

Mme Bloodworth: Oui, comme ce serait le cas de toutes les autres personnes concernées.

Le sénateur Tkachuk: Toutes les personnes là-bas auraient eu à signer cela.

Mme Bloodworth: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Quelqu'un au sixième étage des services postaux... c'est quoi, déjà, le nom de cet immeuble?

Mme Bloodworth: L'immeuble des Services postaux.

Le sénateur Tkachuk: L'immeuble des Services postaux. Où se trouve-t-il?

Mme Bloodworth: Sur la rue Sparks, à l'angle d'Elgin.

Le sénateur Tkachuk: À l'angle d'Elgin et Sparks. Cela arrive donc au sixième étage. Quelqu'un en prend réception. Nous ne savons pas qui, mais quelqu'un. Est-ce Lindquist Avey, des bureaucrates ou quelqu'un d'autre?

Mme Bloodworth: Je ne sais pas.

M. Thomson: L'on suppose que c'est quelqu'un qui travaille au Bureau du Conseil privé qui les recevrait et qui les verserait au dossier. Quant au nom exact de la pièce, au nom exact de la personne... si vous le voulez, je pourrai essayer de me renseigner pour vous.

Le sénateur Tkachuk: C'est vous qui êtes responsable. C'est le ministère de la Justice qui est responsable des documents. Vous venez de les expédier de chez vous. Vous devez savoir qui les reçoit. Qui les reçoit, le Bureau du Conseil privé, Lindquist Avey, le cabinet d'avocats?

M. Thomson: Tout ce que je vous dis, sénateur, c'est que je ne connais pas, moi, le nom de la personne se trouvant dans cette pièce qui a pris réception des documents.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Mais connaissez-vous la personne, le ministère responsable?

M. Thomson: De la gestion de ces documents?

Le sénateur Tkachuk: De cette pièce du sixième étage?

M. Thomson: Le Conseil privé.

Le sénateur Tkachuk: Le Conseil privé. Le cabinet du premier ministre. Le Bureau du Conseil privé.

Mme Bloodworth: Pas le cabinet du premier ministre.

Le sénateur Tkachuk: Le Bureau du Conseil privé. Lindquist Avey travaille là avec les gens du Conseil privé, au sixième étage de l'édifice des Postes?

Mme Bloodworth: Il y a seulement... je n'ai pas de personnel qui travaille là-bas. Il y a...

Le sénateur Tkachuk: Ils sont là-bas tout seuls?

Mme Bloodworth: Nous avons fourni de l'espace dans un édifice du gouvernement, car nous avons pensé que ce serait plus sécuritaire que dans des locaux du secteur privé...

Le sénateur Tkachuk: Pour qui?

Mme Bloodworth: Pour les documents.

Le sénateur Tkachuk: Pour quelles personnes, maintenant? Lindquist Avey? Les 12 personnes travaillant là-bas?

Mme Bloodworth: Oui, quel qu'en ait été le nombre.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit 12. Tout le monde travaille-t-il là-bas? J'essaie tout simplement de... répondez tout simplement à la question. «Oui, il y a quelqu'un qui est responsable. C'est Joe qui est responsable. Il y a 12 personnes. Ils ont deux tables comme celle-ci. Ils examinent tous les documents.»

M. Thomson: Peu importe le nombre de personnes parmi ces 12 travaillant au service de Lindquist Avey qui ont examiné ces documents jour après jour, ce sont ces personnes de chez Lindquist Avey qui étaient dans ces pièces. Elles ont eu accès à...

Le sénateur Tkachuk: Y avait-il quelqu'un d'autre avec eux? Y avait-il dans la pièce quelqu'un du cabinet du premier ministre?

Mme Bloodworth: Non.

Le sénateur Tkachuk: Y avait-il quelqu'un du Bureau du Conseil privé?

Mme Bloodworth: Il n'y avait personne là régulièrement, mais des gens de chez moi auraient été là de temps à autre.

Le sénateur Tkachuk: Vous laissez ces gens-là tout seuls? Vous les laissez absolument seuls? Ce sont des détectives privés. Ils se promènent et... ce sont des professionnels, mais ce sont néanmoins des détectives privés. Vous les laissez là tout seuls avec ces documents. Ils examinent tout cela.

Mme Bloodworth: Ils ont certainement eu accès aux documents, sénateur.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Étaient-ils les seuls?

Mme Bloodworth: Scott et Aylen auraient eux aussi eu accès aux documents.

Le sénateur Tkachuk: Et le cabinet d'avocats. Ils ont donc trié les documents jugés par eux... ils ont fait ce qu'ils font. D'après mes calculs, vu le temps qu'il nous a fallu attendre ici, ils font trois ou quatre pages à l'heure. Trois pages à l'heure s'ils sont 12 à travailler, d'après le nombre de documents que nous avons reçus. Les payiez-vous à l'heure ou à la page?

M. Thomson: Sénateur, il leur fallait passer en revue tous les documents, de façon à pouvoir compiler la documentation correspondant à chaque témoin. En d'autres termes, ils ont dû tout éplucher en vue de faire un tri, pour ensuite entrer tous les renseignements dans l'ordinateur de façon à ce qu'il soit possible, en prévision de la comparution du témoin X ou Y, de retrouver toute la documentation y afférant.

Le sénateur Tkachuk: Et cela est expédié où? Qu'en advient-il maintenant? Le tri est fait, et que se passe-t-il après?

M. Thomson: Dès qu'il était décidé qu'un certain témoin allait comparaître, ils utilisaient leur ordinateur pour produire la documentation correspondant à ce témoin. Il s'agissait ici de documents non vérifiés. C'est à ce moment-là que les documents étaient apportés à l'édifice de la Justice, et j'ai noté ici quelque part le numéro de la pièce où travaillaient toutes ces personnes dont on a parlé plus tôt aujourd'hui. Il s'agit de la pièce 301 dans l'immeuble de la Justice. Dans cet immeuble, dans cette ou ces salles, il y avait plusieurs personnes chargées de faire le travail dont j'ai parlé ce matin, soit vérifier les documents, supprimer ce qui devait être supprimé et compiler des recueils de toute la documentation, une fois terminé le travail de vérification.

Le sénateur Tkachuk: Les copies sont faites et le travail de vérification est effectué, c'est bien cela? Vous ne corrigez pas les originaux, mais les copies, n'est-ce pas?

M. Thomson: Je suppose que les documents apportés par Lindquist Avey étaient en fait des copies. Les originaux restaient dans la pièce au Bureau du Conseil privé où on les examinait.

Le sénateur Tkachuk: D'accord, dans l'édifice des Postes. Les documents sont corrigés, puis envoyés. Que se passe-t-il alors? Tout a été lu, corrigé et barbouillé de liquide correcteur, et ça retourne à l'immeuble de la Justice. Que se passe-t-il alors?

M. Thomson: C'est à ce moment-là que ces livres seraient mis à la disposition du comité, ceux correspondant au témoin...

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Thomson: ...et seraient mis à la disposition de notre personnel chargé d'examiner le dossier, ainsi qu'au bureau du ministre.

Le sénateur Tkachuk: Le bureau du ministre, et notre comité, pour ensuite retourner à...

M. Thomson: Comme je l'ai déjà dit, mon sous-ministre adjoint supérieur et son équipe ont travaillé là-dessus. Ils auraient eu une copie du dossier ainsi que de chacun de ces recueils, une fois les documents corrigés et approuvés.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous dites «bureau du ministre», parlez-vous de son bureau dans le ministère dont il est responsable, ou bien du bureau qu'il occupe dans l'un ou l'autre des édifices du Parlement?

M. Thomson: Dans l'édifice du ministère de la Justice lui-même. Dans le même immeuble que...

Le sénateur Tkachuk: Le bureau du ministre de la Justice.

M. Thomson: Le ministre de la Justice.

Le sénateur Tkachuk: Ce sont les trois seuls endroits où iraient ces documents? Le bureau du ministre de la Justice, le bureau du comité, c'est-à-dire nous, pour ensuite retourner chez Lindquist Avey?

M. Thomson: Eh bien, je suppose que Lindquist Avey recevrait... je n'en suis pas certain, mais j'imagine que ce serait le cas. Oui, il le faudrait, j'imagine, s'ils devaient ensuite s'asseoir avec les témoins eux-mêmes. Ils obtiendraient une copie de ce qui aurait été corrigé, de la documentation censurée. Si le témoin était un employé du gouvernement, en tout cas - j'ignore si les non-fonctionnaires ont bénéficié de cela - il recevait lui aussi copie de la documentation, afin de savoir quels documents...

Le sénateur Tkachuk: Les originaux ou les copies corrigées?

M. Thomson: J'imagine que les témoins, en tant qu'employés du gouvernement, voyaient la documentation avant qu'elle ne soit corrigée, afin d'être en mesure de dire ce qu'ils pensaient du contenu. Il me semble que les personnes visées par cette documentation ont dû avoir l'occasion de l'examiner et de dire à Lindquist Avey s'ils estimaient que tout ce qui était pertinent était bien là.

Le sénateur Tkachuk: Très bien. Ils ont donc pris des décisions quant à ce qu'il fallait ou non supprimer, dans les bureaux de Lindquist Avey?

M. Thomson: Non, la décision a été prise par nous, au ministère de la Justice.

Le sénateur Tkachuk: Ils ont donc vu les documents corrigés ou les documents originaux?

M. Thomson: Comme je l'ai déjà dit, Lindquist Avey, au Bureau du Conseil privé, a vu toute la documentation avant qu'elle ne soit corrigée, la documentation originale sans... avant que nous ne prenions la décision au sujet de la révision des documents. L'objet était de leur permettre de sortir toute la documentation concernant un témoin en particulier. C'est à ce moment-là qu'on faisait le travail de correction au ministère de la Justice.

Le sénateur Tkachuk: Toute la documentation originale se trouve donc toujours au sixième étage de l'édifice des Postes? Tout est toujours là-bas?

M. Thomson: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Alors comment cette documentation a-t-elle abouti au bureau du ministre?

M. Thomson: Les documents originaux n'ont pas été envoyés au bureau du ministre. Ce qui est arrivé...

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, si.

M. Thomson: Non. Ce qui a été livré au bureau du ministre, c'étaient les documents corrigés.

Le sénateur Tkachuk: Non, non, non. Le sénateur Bryden a eu la documentation originale.

M. Thomson: Une fois, et par erreur, si j'ai bien compris, lors d'une livraison de documentation ou d'une séance de breffage au bureau du ministre, Lindquist Avey a fourni un document qui n'avait pas été corrigé. En d'autres termes, ils ont utilisé certains documents qui étaient en leur possession, mais qui n'avaient pas encore été revus, et, d'après ce que j'ai compris, ils les ont, une fois, livrés au bureau du ministre. C'était le jour où Lindquist Avey, si j'ai bien compris, eux-mêmes...

Le sénateur Tkachuk: Ça n'aurait pas pu venir... voyez-vous, ils ont eu les documents originaux. La vérification des documents se fait au ministère de la Justice, n'est-ce pas? Puis vous les envoyez au comité, au bureau du ministre, ainsi qu'au bureau administratif. C'est bien cela, n'est-ce pas? Alors comment se fait-il que ces originaux soient allés au bureau du ministre, puis au sénateur Bryden?

M. Thomson: Si j'ai bien compris, Lindquist Avey... et je lis ici dans cette lettre qui a été écrite le 13 que des membres du personnel de Lindquist Avey se sont trompés et ont, par erreur, livré une copie d'un document contenant le texte intégral du dernier paragraphe. En d'autres termes, ce qui a dû se passer, c'est qu'après que nous ayons vérifié et corrigé le document, celui-ci est retourné chez Lindquist Avey, qui a alors livré de la documentation au bureau du ministre, et qui y a inclus un document qui n'avait pas été corrigé.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi auraient-ils fait cela? La documentation passait du ministère de la Justice au bureau du ministre.

M. Thomson: Je ne connais pas la réponse à cette question. Il me faudra me renseigner pour savoir pourquoi Lindquist Avey a apporté les documents ou les recueils, dans ce cas-ci, ou bien si c'est la pratique habituelle. Ce que je ne sais pas, et je tåcherai de me renseigner pour vous, c'est si, après notre travail de vérification, nous les avons remis à Lindquist Avey, qui les a ensuite livrés, ou bien si c'est nous qui les avons livrés, ou bien...

Le sénateur Tkachuk: Vous faites signer aux gens des serments et des choses du genre, n'est-ce pas? «Je jure de ne dire à personne ce que je vois ici, blablabla, et cetera.»; n'est-ce pas? Ceci est une affaire très importante, n'est-ce pas? Donc, pour quelque raison, des documents que vous seuls possédiez... vous avez vérifié ces documents dans votre ministère. Vous en avez transmis au bureau du ministre, en avez renvoyé à Lindquist, Avey et ici, au comité.

Donc, il suffit que quelqu'un du cabinet du ministre appelle Lindquist, Avey et dise: «Au fait, j'aimerais avoir davantage de copies». Et vous les envoyez là-bas? On les leur envoie? Est-ce que quelqu'un chez vous ne réagirait pas et dise: «Un instant. Nous ne sommes pas autorisés à faire cela»?

M. Thomson: Eh bien, mon impression est que les documents pour ce jour-là, lorsqu'ils ont été livrés... il se peut que je connaisse mal le processus, en ce sens que les manuels vérifiés ont été livrés par Lindquist, Avey. Ce jour-là, ils ont transmis par erreur un document qui n'avait pas été vérifié.

Le sénateur Tkachuk: Un manuel.

M. Thomson: Je ne pense pas qu'ils aient remis tout un manuel non vérifié, mais qu'un document a été transmis qui avait...

Le sénateur Tkachuk: Le document que le sénateur Bryden voulait... sur le total de 200 000 pages, par coïncidence, celui-ci se trouvait là-bas, dans le bureau du ministre, non censuré. C'est assez incroyable. Ce document précis. Parce qu'il l'a demandé. Il n'a pas été fourni par erreur, il a demandé un document. Et il y avait ce document non censuré. Ce document-là, parmi les 200 000 qu'il demandait, trouvé au bureau du ministre, apporté à son bureau, qu'il a utilisé ici, en comité. Je ne vous crois pas.

Le président: Doucement. Doucement.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je veux une explication.

M. Thomson: Sénateur, je ne sais pas si c'était le seul document vérifié dans la documentation pour ce jour-là, ou non. Tout ce que je sais, c'est que les avocats, les avocats de Scott et Aylen, m'ont fait savoir que, dans ce cas particulier, quelqu'un chez Lindquist Avey a inclus par erreur un document qui n'avait pas été vérifié.

Le sénateur Tkachuk: Le document précis que le ministre... que le sénateur Bryden avait demandé.

M. Thomson: Je ne suis pas sûr que ce soit le seul document non vérifié ou s'il y en avait d'autres dans cet envoi.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous ouvert une enquête? Avez-vous fait enquête sur cette violation flagrante de secret?

M. Thomson: Eh bien, j'ai interrogé l'avocat, M. Hunter, qui m'a dit qu'il s'agissait d'une erreur. J'ai parlé avec le cabinet du ministre, qui m'a dit la même chose. M. Hunter m'a indiqué que des modifications avaient été apportées au processus pour éviter la répétition d'une telle erreur. J'ai vérifié qu'il en était bien ainsi, et suis convaincu qu'il s'agit d'une occurrence unique, et les choses se sont arrêtées là.

Le sénateur Tkachuk: Donc, pour autant que vous sachiez, le cabinet du ministre pouvait avoir téléphoné sans arrêt à Lindquist Avey pour demander des documents, jusqu'à ce que le sénateur Bryden apporte ici cet original et que nous découvrions le pot aux roses.

M. Thomson: On m'a informé que tel n'a pas été le cas. L'avocat m'a dit que tel n'était pas le cas et que ce n'est arrivé que cette seule fois.

Mme Bloodworth: Je dirais, sénateur, que si tel était le cas, Scott et Aylen seraient carrément en rupture de leur contrat avec le gouvernement du Canada.

Le sénateur Tkachuk: C'est bien.

Le président: Nous allons bientôt conclure. Je pense que M. Nelligan a quelques questions très importantes. Je voudrais moi-même obtenir un éclaircissement. M. Robert Nixon a été désigné, dans le cadre de son mandat, pour procéder à un examen du contrat de l'aéroport Pearson. Son énoncé de mission figure dans le contrat...

On peut supposer, n'est-ce pas, que sa rémunération pour ce travail a également été convenue à l'époque? Plus ou moins? Je veux dire, à moins qu'il ne l'ait fait à titre gracieux.

Mme Bloodworth: Non, M. Nixon a certainement été payé. Je n'ai pas ici de copie du contrat. Si j'hésite, c'est que je n'ai pas eu de rôle dans l'engagement de M. Nixon, et je ne connais donc pas le détail de ce qui a été décidé.

Le président: Eh bien, sa nomination a eu lieu le 28 octobre, comme nous le savons et son contrat avec - quelles sont les fonctions de M. Morris Rosenberg?

Mme Bloodworth: Il est secrétaire adjoint du Cabinet, chargé de la politique de développement économique.

Le président: Je vois. Il est l'un de vos collaborateurs?

Mme Bloodworth: Oui.

Le président: Oui. Ensuite, le 22 novembre, lorsque le contrat... presque un mois plus tard, lorsque le contrat est signé par M. Nixon, M. Rosenberg, de vos services, rédige une note à M. Glen Shortliffe dans laquelle il dit: «Vous vous souviendrez que nous avons parlé de la question de savoir comment rémunérer M. Robert Nixon pour son examen de l'accord sur l'aéroport Pearson. Nous avons convenu qu'un contrat de services personnels passé entre vous-même et M. Nixon serait le mécanisme le plus approprié. Depuis lors a surgi la question de savoir comment payer les honoraires de l'avocat que M. Nixon a engagé et qui appartient au cabinet Gowling, Strathy et Henderson. Après en avoir discuté avec Ward Elcock et Bill Pratt...» ...qui sont-ils?

Mme Bloodworth: Ward Elcock était mon prédécesseur à mon poste actuel et Bill Pratt était le sous-ministre adjoint des Services ministériels auprès du Bureau du Conseil privé, jusqu'à sa retraite il y a quelques semaines.

Le président: Je me réfère à la page numéro 22811. Elle est estampillée «secret» et ceci est le numéro du document. Je vais finir ma lecture: «Après en avoir discuté avec M. Ward Elcock et Bill Pratt, il a été décidé d'intégrer ces frais dans le contrat Nixon car cela préservera la relation avocat-client et permettra à M. Nixon de déterminer les honoraires appropriés.»

En quoi était-il important de préserver la relation avocat-client?

Mme Bloodworth: J'essaie de me souvenir, car je me rappelle que l'on en a discuté à l'époque. La question était que nous n'avions pas - si nous avions engagé M. Goudge, il serait devenu le conseiller du gouvernement, et il n'était pas notre conseiller. Il était le conseiller de M. Nixon. Il s'agissait donc de faire en sorte que M.Goudge reste l'avocat de M. Nixon, et non celui du gouvernement. Je pense que c'est de cela qu'il est question ici.

Le président: Je vous remercie. Monsieur Nelligan, s'il vous plaît.

M. Nelligan: D'abord une question à M. Thomson, peut-être: je pense qu'il est entendu, vu ce que vous avez dit dans d'autres comités, que les comités du Sénat et de la Chambre ont droit à une quantité considérable de renseignements, mais ce qui me préoccupe, c'est que l'on semble avoir fixé pour norme les limitations contenues dans la Loi sur l'accès à l'information. Considérez-vous que notre comité est limité aux documents qui seraient remis à un citoyen ordinaire, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information?

M. Thomson: Non. Il me semble que... ils ne sont pas limités aux documents fournis en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Cependant, les principes qui y sont énoncés sont conformes à la pratique suivie et dont j'ai parlé précédemment. Cela signifie que les renseignements personnels, tels que ceux couverts par la Loi sur l'accès à l'information, ne sont pas communiqués.

M. Nelligan: Vous n'avez jamais fait état de ces exceptions dans vos exposés précédents à d'autres comités, et j'en avais conclu, monsieur, que ce pouvait être des lignes directrices laissées à la discrétion d'un comité sénatorial, c'est-à-dire que le comité lui-même aurait le droit de déterminer quand et dans quelles circonstances il exigerait la production de renseignements entrant dans ces catégories.

M. Thomson: Eh bien, je n'ai fait qu'un seul exposé précédemment sur ce sujet, monsieur Nelligan, et c'est en rapport avec le secret professionnel des avocats et non en rapport avec des renseignements personnels qui seraient couverts par la Loi sur la protection des renseignements personnels, si elle s'appliquait. Je ne fais qu'indiquer que, à l'égard de ces renseignements, il y a une pratique similaire consistant à ne pas divulguer ces renseignements. Cela est devenu graduellement la pratique du comité. C'est ce que j'ai indiqué. Mais j'ai précisé aussi que le comité a le pouvoir de demander ces renseignements, comme je l'ai dit précédemment.

M. Nelligan: Eh bien, peut-être vous ai-je attribué des choses que Mme Davidson a dites, mais je pensais que vous étiez d'accord avec sa position et elle semble dire qu'un comité sénatorial ou le Sénat a le pouvoir quasi illimité, sous certaines réserves, de demander des renseignements aux témoins. Ce que vous me dites maintenant c'est que, indépendamment de la Loi sur l'accès à l'information, il y a une coutume qui fait qu'il ne pourrait même pas demander des renseignements commerciaux privés qu'il juge pertinents aux fins de son enquête. En est-il ainsi?

M. Thomson: Oui. J'ai distingué ce matin dans mon exposé entre le pouvoir légal du comité, et j'ai indiqué en quoi il consiste, par opposition à la pratique qui s'est constituée peu à peu et qui est respectée par les comités, au sujet de l'accès, par exemple à des renseignements confidentiels privés.

M. Nelligan: Très bien. Cela dit, il apparaît aussi que les comités sénatoriaux peuvent fonctionner dans deux optiques. Dans son rôle traditionnel, un comité du Sénat ou de la Chambre se préoccupe de politique publique et de l'application de cette politique à la législation. Or, en l'occurrence, s'il y a certes des éléments touchant la politique, il s'agit en réalité d'une enquête sur des faits. Considérez-vous qu'un tel comité a davantage besoin de connaître des faits qu'un comité qui s'occupe simplement de politique générale?

M. Thomson: Je répondrai en disant que les renseignements qu'il peut rechercher, vu la nature de son travail, peuvent être différents, mais que les règles qui s'appliquent à ces comités ne sont pas différentes. Dans les deux cas, ils fonctionnent en tant que comités parlementaires.

M. Nelligan: Voyez, monsieur, le dilemme du comité: M. Nixon a eu accès à un certain nombre de documents et a exprimé des avis que le gouvernement a maintenant fait siens, dans le cadre de sa politique. Le comité a pour mandat de revoir sa décision. Comment peut-il tirer des conclusions valides s'il n'a pas connaissance au moins des mêmes renseignements que lui et peut entendre toutes les opinions qu'il a entendues?

M. Thomson: Eh bien, je pense qu'il peut être informé par M. Nixon de ce qu'il a vu et constaté, et je suis d'avis que le comité - le fait que M. Nixon, en tant que personne engagée par le gouvernement ait reçu accès à des documents - mise à part la question des documents confidentiels du Cabinet; il avait l'autorisation d'examiner ces documents - est différent de ce que la loi, et en l'occurrence la pratique, permettent au comité. Je pense que le fait que M. Nixon ait pu ou ait reçu des documents dont la communication à lui n'était pas expressément autorisée, et spécifiquement les présentations au Conseil du Trésor... Mais indépendamment de cela, le comité doit fonctionner dans le respect des règles normales applicables aux comités. Je souligne, cependant, et je l'ai dit au début, que les comités ont le pouvoir général et juridique que j'ai spécifié.

M. Nelligan: Très bien. En supposant qu'il ait ce large pouvoir juridique, n'a-t-il pas alors besoin d'au moins quelque aide de la part des témoins et le bénéfice de documents ministériels pour déterminer s'il y a lieu d'exercer ce grand pouvoir, et n'y a-t-il pas quelque moyen pour le ministère et les témoins de l'aider à prendre des décisions valides quant aux renseignements à divulguer publiquement?

M. Thomson: Eh bien, je suis d'accord, et c'est pourquoi nous avons entrepris ce vaste travail, précisément pour tenter de mettre tous ces documents à la disposition du comité. Une question distincte est de savoir si nous devons remettre au comité des documents qui, de par la convention et la pratique, ne sont pas normalement fournis. C'est une question distincte, dans mon esprit, mais à part cela tout le travail que nous avons accompli est destiné à fournir tout ce matériel au comité.

M. Nelligan: Mais si la seule chose que le comité sait c'est qu'un membre de votre personnel a décidé qu'un document donné ne serait pas remis à un particulier en vertu d'une certaine disposition de la Loi sur l'accès à l'information, comment le comité peut-il tirer ses propres conclusions? Comment peut-il exercer la latitude dont il jouit apparemment?

Mme Bloodworth: Ce n'est pas la seule chose qu'il sait, monsieur Nelligan.

M. Nelligan: Eh bien, par exemple, les exemples que j'ai donnés ce matin, où quelqu'un a décrété arbitrairement que certains paragraphes relevaient du secret professionnel des avocats. Après examen du document, il s'est avéré qu'il ne contenait rien qui soit couvert par le secret professionnel, il ne faisait que mention d'avocats. Tout ce que je demande c'est une aide pour pouvoir résoudre ces impasses sans que le tout soit exposé en public. N'y a-t-il pas moyen que quelqu'un revoie ces questions pour déterminer si elles sont d'importance suffisante et conseiller le comité quant à l'opportunité pour lui de se prévaloir de ses droits juridiques?

Mme Bloodworth: Je vais vous dire pourquoi je suis en désaccord avec ce que vous venez de dire. Le comité a obtenu beaucoup plus que ce que nous aurions communiqué en vertu de la Loi sur l'accès. J'ai mentionné tout à l'heure, qu'en vertu sur la Loi sur l'accès à l'information, l'article 21, par exemple, qui touche les avis - il autorise à refuser la divulgation de beaucoup plus que les avis donnés à des ministres. Dans ce cas, la décision a été prise très délibérément de nous limiter aux avis donnés au ministre, pour les raisons que j'ai indiquées ce matin. Il ne s'agit pas simplement de l'opposition entre un processus privé et un processus public. S'agissant des secrets du Cabinet, votre emploi du terme «droit des comités» me gêne un peu. Je ne suis pas sûre que, de par la convention, les comités parlementaires aient un droit d'accès aux secrets du Cabinet, par opposition à un pouvoir juridique. En tout cas, ils ne l'ont jamais exercé s'ils le possèdent.

M. Nelligan: Je reconnais le problème s'agissant des secrets du Cabinet, et j'essaie de descendre un petit palier en dessous, à des choses aussi triviales que des renseignements personnels, des renseignements commerciaux et, peut-être - et je reviendrai à cet exemple tout à l'heure - le privilège avocat-client. Laissons de côté les secrets du Cabinet.

Mais, par exemple, s'il y a lieu de déterminer si un contrat était inapproprié ou irrégulier, il peut devenir pertinent de savoir quelles sommes sont mentionnées, et cela fait partie du mandat du comité. Comment le comité peut-il obtenir ce renseignement s'il est effacé dans tous les documents fournis par le ministère?

M. Thomson: Il me semble... nous avons essayé de vous fournir autant de ces renseignements que possible, sans interpréter trop largement la pratique. Deuxièmement, il me semble que vous ou nous avons entrepris de demander aux personnes concernées par ces renseignements commerciaux confidentiels ou qui les détenaient à titre confidentiel de renoncer à cette protection afin que les renseignements puissent être divulgués. Troisièmement, il me semble qu'il y avait possibilité de discuter de cas particuliers pour voir si ces renseignements pouvaient être fournis.

M. Nelligan: Oui. Mais lorsque nous n'avons que des paragraphes censurés dans ces autres cas - il y avait celui dont M. Hession a donné un exemple lorsque nous avons réussi à mettre la main sur une clause car il y avait apparemment quelque part un autre document non censuré et que les passages qui devaient être effacés n'étaient pas entièrement illisibles et confirmaient ses dires. C'est là pour nous une préoccupation. Et je comprends bien votre position, mais je vous demande de chercher un modus operandi qui nous permette de préserver la confidentialité tout en remplissant les objectifs du comité.

M. Thomson: Monsieur Nelligan, je pense qu'il importe de distinguer entre deux choses: d'une part veiller à appliquer correctement le privilège avocat-client ou la protection des renseignements confidentiels, c'est-à-dire sans excès, et d'autre part décider s'il s'agit là de renseignements que le comité, nonobstant l'application correcte, devrait chercher à obtenir de quelque autre façon, en ordonnant leur communication ou en demandant au Parlement de les lui donner.

J'ai conscience du problème dans le premier cas, et je ne peux défendre totalement chacune des décisions prises tout au long de ce travail. Neuf personnes ont travaillé jour et nuit pour passer en revue toute cette masse de documents. Et je conviens qu'il faudrait trouver quelque moyen, peut-être en prélevant des échantillons au hasard, de vérifier, ou du moins de discuter de la manière dont nous appliquons la pratique, afin que vous puissiez avoir l'assurance que nous n'exagérons pas.

J'ai parlé tout à l'heure de ce que nous faisons pour aider nos avocats et d'autres à déterminer quand et comment utiliser ces privilèges ou ces protections. Mais c'est une autre affaire s'il s'agit de prendre connaissance des documents pour décider si c'est le genre de renseignements que le comité pourrait exiger par voie d'ordonnance, car cela reviendrait, à mon sens, à divulguer l'information, ce que toute cette pratique est précisément destinée à éviter.

M. Nelligan: Très bien. J'ai remarqué, dans le fameux décret qui donnait accès aux documents à la Commission McDonald qu'on y a anticipé en partie ce problème. Vous vous en souvenez, les commissaires eux-mêmes ont pu examiner les documents du Cabinet, ce qui dépasse largement ce que nous demandons nous-mêmes. Mais ils ont fait cette proposition, ou plutôt on trouve ceci dans le décret:

le secrétaire du Cabinet doit permettre aux commissaires l'accès à toute source de référence ou information dont ils pourraient raisonnablement avoir besoin pour retracer les procès-verbaux des réunions du Cabinet et de ses comités, auxquels ils désirent avoir accès aux fins du paragraphe (1) du présent décret;

Je me demande donc s'il n'y aurait pas moyen, lorsqu'un document nous arrive avec les suppressions que vous jugez nécessaires pour préserver la confidentialité en général, qu'il soit accompagné d'une note indiquant que les parties effacées indiquent les salaires payés aux consultants ou les avis donnés aux ministres, par exemple, afin que le comité puisse prendre des décisions rationnelles?

Mme Bloodworth: Eh bien, disons tout d'abord que c'est ce que nous avons cherché à faire en inscrivant les numéros d'article de la Loi sur l'accès, et le système n'est peut-être pas parfait pour vos fins mais c'est déjà un peu ce que nous faisons. Chaque fois que vous voyez article 21, c'est là une formule abrégée pour indiquer qu'il s'agit d'avis donnés aux ministres.

Mais revenons à la commission McDonald. Comme vous le signalez à juste titre, c'étaient là des circonstances assez extraordinaires, et les trois cas dans l'histoire récente où on a décidé de lever le secret du Cabinet, il y avait des allégations d'activités illégales et même criminelles graves de la part de ministres. Il y avait donc là une norme plutôt stricte, et c'était vrai également de la commission McDonald.

Mais c'est là une longue digression et je vais revenir à l'élément principal, à savoir que nous cherchions à faire précisément ce que vous demandez en inscrivant les numéros d'articles. Autrement dit, lorsque vous voyez l'inscription article 21, il s'agissait d'avis ministériels. Lorsque vous voyez article 23, il s'agissait du secret professionnel. Nous utilisons les numéros d'articles de la Loi sur l'accès à l'information non parce que celle-ci est applicable au comité mais parce que c'est une façon commode d'indiquer la nature des renseignements que nous protégeons. Lorsque vous voyez article 69, il s'agit des secrets du Cabinet. Voilà ce que ces numéros communiquent.

M. Thomson: Si je puis ajouter quelque chose, monsieur Nelligan, vous soulevez là une question valide, en ce sens que lorsque nous voyons une revendication de secret, nous aimons avoir au moins une idée de la raison, dans chaque cas particulier. Évidemment, il faut veiller à ce que cette détermination de la raison n'aboutisse pas tout simplement à la divulgation du renseignement lui-même. Nous essayons donc de régler ces cas individuellement, lorsqu'un cas particulier se présente où vous avez des questions ou des préoccupations.

Mais vous soulevez là une bonne question et je pense qu'il serait intéressant de l'explorer plus avant. Il s'agit de voir comment en pourrait régler cela à l'avenir, s'il serait possible d'indiquer un peu plus clairement pourquoi la confidentialité est revendiquée dans un cas particulier, afin que vous ayez au moins quelque idée de la raison sans aller jusqu'à divulguer le renseignement lui-même, c'est-à-dire vous en dire un peu plus que d'indiquer simplement le numéro de l'article de la loi. Nous ne l'avons pas fait jusqu'à présent, mais je suis disposé à y réfléchir et à vous consulter à cet effet.

M. Nelligan: Un autre aspect de la question des avis d'avocats: il me semblait, et vous semblez confirmer, que le privilège avocat-client n'est invoqué que dans le cas des avis donnés par l'avocat au client. Est-ce exact?

M. Thomson: C'est ce qu'il me semble.

M. Nelligan: Mais il semble, d'après les exemples que nous avons reçus, que toute intervention d'un avocat dans quelque élément d'une transaction a été effacée, sur la même base. Pourriez-vous faire savoir à vos avocats que leur privilège n'est pas tout à fait aussi vaste?

M. Thomson: Oui. Je dirais qu'une partie du travail que nous avons fait visait à mieux préciser les conditions dans lesquelles le privilège s'applique. Il y a des cas où, en apparence, il ne s'agit pas strictement d'avis, mais lorsqu'on réfléchit plus avant à ce qui est décrit, le renseignement peut tomber dans cette catégorie.

Mais je saisis bien ce que vous dites et je considère et j'ai dit - j'ai dit l'automne dernier lorsque j'ai comparu à l'autre comité - que nous avons du travail à faire, en tant que ministère, pour aider tous nos avocats à mieux comprendre les circonstances dans lesquelles le privilège s'applique. Et le grand nombre de nos avocats souligne la nécessité de ce travail.

M. Nelligan: Très bien. Vous pouvez peut-être m'aider à résoudre un petit problème que nous avons à ce sujet: nous allons rencontrer M. Nixon et son groupe la semaine prochaine, et on nous a prévenus qu'il déclarera avoir rencontré un certain nombre d'avocats ministériels le 15 novembre. Nous possédons également maintenant une lettre de M. Goudge à M. Rowat, en prévision de cette réunion. Il y écrit: Lorsque nous nous verrons, je compte entendre les avis de votre équipe juridique quant à la chronologie et à la nature des obligations juridiques contraignantes pour le gouvernement fédéral qui sont apparues au fur et à mesure du déroulement de ce processus.

Par coïncidence, cette question avait déjà été soulevée par un témoin précédent, Mme Bourgon, qui nous avait prévenus qu'une telle situation pourrait surgir et nous a référés aux avocats.

Je ne suis pas encore prêt à me former une opinion là-dessus car je ne connais pas suffisamment les faits, et mon opinion importe peu. Ce qui nous intéresse, c'était les opinions des parties, et particulièrement celles de M. Nixon lorsqu'il a pris sa décision. Étant donné les contraintes que vous avez mentionnés, comment pouvons-nous déterminer ce qui a été dit à M. Nixon lors de cette réunion?

En effet, vous vous souviendrez que pour nous préparer à la comparution de M. Nixon, nous avons demandé à chaque témoin: «Avez-vous rencontré M. Nixon? Qu'avez-vous dit? Que vous a-t-il demandé? Quel avis lui avez-vous donné?» Considérez-vous que, dans le cas de ce témoin particulier, puisqu'il s'agissait d'un avis juridique plutôt que financier, nous ne pouvons poser ces questions?

M. Thomson: Eh bien je sais que des documents vous ont été transmis qui exposaient l'avis des juristes quant aux obligations juridiques qui existaient à la date du 7 octobre.

M. Nelligan: Oui.

M. Thomson: Cet avis, dont je conviens qu'il est soumis au secret professionnel de l'avocat, nous... le client a accordé une dérogation hier, je pense, et elle vous a été communiquée. Vous demandez si nous serions opposés à ce que ces avocats vous communiquent les avis qu'ils ont donnés concernant les obligations juridiques qui pouvaient exister à l'époque. Du moins, c'est ainsi que j'interprète la question contenue dans la lettre de M. Goudge.

La question du secret professionnel ne se pose pas tant que nous n'avons pas déterminé qu'un tel avis a effectivement été donné. Or, on m'informe qu'un tel avis n'a pas été donné, que cela n'a pas été fait, que les avocats n'ont pas en réalité donné d'avis juridique sur la situation juridique existant à une date antérieure. Mais je peux vérifier.

Mais si un tel avis a effectivement été donné, nous revenons alors à la question de savoir si nous accorderions une dérogation au secret professionnel pour vous communiquer cet avis. Et j'aimerais déterminer d'abord si un tel avis existe. Comme je l'ai dit, mes informations pour le moment sont à l'effet que les avocats n'ont pas donné d'avis. S'il n'y a pas eu d'avis, nous revenons à la question de savoir qui devrait aujourd'hui formuler un avis juridique sur la question des obligations qui pouvaient exister à ces dates antérieures, et il me semble que ce devrait être fait par vous ou par un juriste que vous engagerez.

M. Nelligan: Je n'ai pas d'objection à cela. Ce qui me préoccupe davantage, c'est que le rapport Nixon donne à entendre que le gouvernement d'alors a fait certaines choses qu'il n'aurait pas dû faire. La légitimité ou la légalité de ces décisions pourrait bien dépendre des opinions formées de bonne foi que les responsables pouvaient avoir à l'époque. Peu importe que ces opinions soient justes ou non, il s'agit de savoir ce qu'elles étaient. Ce sont là des questions de fait plutôt que de droit. Lorsqu'il s'agit de savoir ce qu'un témoin savait ou pensait à l'époque, plutôt que de savoir s'il a émis un avis juridique à proprement parler, est-ce que cela relève toujours du secret professionnel, à votre avis?

M. Thomson: Si, en fait, l'équipe juridique s'est prononcée, d'après ce que les avocats savaient ou pensaient, sur l'état des obligations juridiques à une date donnée, il me semble qu'il s'agit là d'un avis juridique, si cela a été fait. Et je vous dis que, d'après les renseignements que je possède pour le moment, un tel avis n'a pas été donné. Mais s'il avait été donné, oui, je pense qu'il serait couvert par le privilège avocat-client.

M. Nelligan: Mais puisque le privilège réside chez le client, si ce client est notre témoin, pouvons-nous demander ce renseignement au témoin?

M. Thomson: Eh bien, à supposer que l'avis juridique ait été donné et que le privilège appartient au client, et nous avons parlé tout à l'heure de la question de savoir qui est le client dans le cas de la Couronne, mais si tel est le cas, oui, j'ai convenu hier que le client a la faculté de lever le privilège aux fins de divulguer l'information, comme nous l'avons fait hier. Mais il s'agit d'abord de déterminer si un avis juridique a été donné, oralement ou par écrit, puis, dans l'affirmative, je vous ferai connaître, ou ferai connaître au comité par votre intermédiaire, la position du client pour ce qui est d'une dérogation au privilège.

Le sénateur Jessiman: C'est le client. Ce n'est pas l'avocat qui est protégé, n'est-ce pas? C'est le client. Nous demandons au client.

M. Nelligan: Si nous le décidons.

Le sénateur Jessiman: Nous ne demandons pas à l'avocat. Si l'avocat dit: «Je ne peux vous donner cela car c'est couvert par le secret professionnel», nous nous adressons au client et lui demandons de répondre à la question.

M. Nelligan: Il n'est pas le client. J'ai sa réponse. Très bien.

Je vais passer à un autre sujet, la protection des gouvernements antérieurs. Tout ce qui touche les réunions du Cabinet est bien établi. Mais quelle est la règle concernant les notes confidentielles adressées à un ministre ou à un ancien premier ministre, du genre de celles que vous avez vues produites à ce comité? Comment distinguez-vous entre celles qui peuvent être communiquées et celles qui ne le sont à personne?

Mme Bloodworth: Tout d'abord, une note de service adressée à un ministre, à moins qu'elle porte sur des délibérations du Cabinet ou sur les vues de ses collègues concernant quelqu'un, n'est pas couverte par le secret du Cabinet, en règle générale. Il peut y avoir... je ne me souviens d'aucune exception à cela, mais s'il ne s'agit pas d'un point de vue, d'une question qui est traitée collectivement, il ne s'agit pas d'un secret du Cabinet. Donc, même en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, nous ne pouvons protéger tout cela.

Si la note n'a qu'un contenu factuel, elle doit être communiquée, et cela a effectivement été fait par le passé, s'agissant de notes adressées au premier ministre, par exemple. Il y aura certains paragraphes qui ne feront que donner des renseignements factuels, sans contenir d'avis d'aucune sorte. Cela, c'est la règle générale et c'est elle que nous suivons normalement.

Mais je peux dire qu'en l'occurrence nous sommes allés un peu plus loin et je vais vous dire pourquoi. L'article 21 de la Loi sur l'accès à l'information permet de protéger tout ce qui concerne les étapes préparatoires des négociations, et les avis échangés à l'intérieur d'une institution. En l'occurrence, nous sommes au-delà de la phase de négociations et une bonne partie de l'information qui a été donnée au premier ministre - il y a eu quelques exceptions car il y avait quelques avis que nous avons protégés et quelques secrets du Cabinet, mais une bonne partie de l'information qui a été donnée n'était que cela, une information qui avait déjà été diffusée par tous les témoins du ministère des Transports.

Le principe général que nous avons suivi était que lorsqu'il s'agissait simplement d'information, même si elle portait sur les négociations, dans les notes adressées au premier ministre, nous les communiquions, comme s'il s'agissait de n'importe quel autre document. Ce qu'il fallait protéger, c'était les avis.

La difficulté qui a surgi c'est que certaines de ces informations tombent dans la zone grise et il nous a fallu décider, dans leur cas, si elles tombaient plutôt du côté de l'information ou plutôt du côté de l'avis. C'est ce que nous avons dû faire dans toutes ces notes. Si nous jugions qu'il s'agissait d'un avis, nous devions le protéger, et il y a un certain nombre de paragraphes ou de phrases dans ces notes qui ont été protégés sur cette base.

M. Nelligan: Très bien. Car si je comprends bien le protocole, contrairement à la règle normale régissant les secrets du Cabinet, le greffier du Conseil privé est le gardien personnel des documents confidentiels du gouvernement précédent. Est-ce exact?

Mme Bloodworth: De ces secrets du Cabinet, oui.

M. Nelligan: Ce qui recouvre quoi?

Mme Bloodworth: Les mémoires du Cabinet, les ordres du jour du Cabinet, les actes minutaires du Cabinet, les notes d'information aux ministres au sujet du Cabinet. Et aussi la correspondance entre ministres. Voilà les catégories générales.

M. Nelligan: Parce que...

Mme Bloodworth: Le genre de chose qui est exonéré de la Loi sur l'accès à l'information. C'est peut-être la façon la plus facile de les caractériser. Je dis cela car nous sommes évidemment aussi régis par la loi. Si un document est exclu de la Loi sur l'accès à l'information, ce qui est le cas des secrets du Cabinet, la loi tout simplement ne s'applique pas à eux. Dans les autres cas, la loi s'applique. Quel que soit le destinataire de la note, celle-ci est régie par les principes de la Loi sur l'accès à l'information, non par la convention.

M. Nelligan: Normalement, ces documents ne peuvent en aucun cas être confiés à vos cabinets de consultants ni à quiconque de ce genre.

Mme Bloodworth: Excusez-moi, de quels documents parlez-vous?

M. Nelligan: Des documents qui sont placés sous la garde personnelle du greffier du Conseil privé ne peuvent être remis à, mettons, Scott et Aylen.

Mme Bloodworth: Non, à personne. Je crains de ne pas comprendre la question.

M. Nelligan: En d'autres termes, et j'essaie d'établir la distinction, les notes au premier ministre ne font pas partie de ces archives secrètes.

Mme Bloodworth: Elles ne sont pas couvertes par le secret du Cabinet, non. Elles ne sont pas couvertes par la convention qui protège les lettres échangées entre des ministres sortants et entrants... excusez-moi, plutôt des premiers ministres.

M. Nelligan: Enfin, pour ce qui est des présentations au Conseil du Trésor, est-ce que le ministre d'un nouveau gouvernement, à son entrée en fonction, a accès aux présentations au Conseil du Trésor du ministre précédent?

Mme Bloodworth: Non. Les présentations au Conseil du Trésor sont des secrets de Cabinet. Elles sont définies dans la Loi sur l'accès comme documents du Cabinet.

M. Nelligan: Donc, les présentations au Conseil du Trésor tombées aux mains de M. Nixon n'étaient à la disposition ni de M. Young ni de M. Chrétien?

Mme Bloodworth: C'est juste. Et comme je l'ai expliqué précédemment, le greffier de l'époque n'avait pas l'intention de les remettre à M. Nixon.

M. Nelligan: Quelles mesures sont prises pour alerter le personnel des ministères, à l'arrivée d'un nouveau gouvernement, les prévenir que leurs copies d'archives des présentations au Conseil du Trésor ne doivent pas être montrées au nouveau gouvernement?

Mme Bloodworth: Lors de chaque transition, le greffier envoie une lettre à chaque sous-ministre lui rappelant la convention et l'invitant à prendre des mesures. Je peux en parler d'expérience car il y a quelques années j'avais été détachée, bien que fonctionnaire, j'avais été détachée au cabinet d'un ministre pendant quelque temps. On m'a refusé un document du Cabinet particulier, comme il se devait. Je ne connaissais pas la convention, à l'époque. Donc, celle-ci est largement connue, mais à chaque transition, le greffier écrit à chaque sous-ministre pour la lui rappeler.

M. Nelligan: Enfin, puisque Mme Bourgon nous a renvoyés aux avocats sur cette question de la responsabilité croissante, avez-vous des suggestions à formuler sur la façon dont nous pouvons déterminer quelles étaient ou pouvaient être les obligations croissantes puisque cela a pu influencer, à bon ou mauvais escient, l'état d'esprit des participants à l'époque?

M. Thomson: Eh bien, Mme Bourgon m'a dit qu'elle a pris la décision de procéder aux dernières étapes du travail sans demander d'avis juridique et en tablant que la situation était telle qu'elle l'a décrite. Il s'agit dont de savoir si vous voulez ou non déterminer quelles étaient les obligations juridiques à des moments particuliers avant cette date.

La difficulté est que si nous avons effectivement fait des travaux à quelque moment pour déterminer quel... s'il y a un avocat quelque part qui a fait du travail pour déterminer s'il y avait des obligations juridiques à des dates antérieures, alors cela nous ramène à la question que vous avez soulevée antérieurement, est-ce que nous communiquerions cet avis. Si un tel travail n'a pas été fait, mais que le comité souhaite former sa propre opinion, je pense personnellement que le comité ou vous-même devriez faire ce travail, quitte pour nous à vous fournir les renseignements additionnels dont vous pourriez avoir besoin pour former cet avis juridique, ou bien vous pourriez faire appel à quelqu'un d'autre pour cela. Je ne pense pas que les avocats du ministère de la Justice devraient, de leur propre chef, donner des avis directement au comité. Ils donnent des avis juridiques au gouvernement.

M. Nelligan: Je déduis de ce que vous dites que si un travail a effectivement été fait à l'époque, vous nous le direz? Vous nous direz si cela a été fait, sans nous communiquer le résultat.

M. Thomson: S'il a été fait à l'époque. Je vérifierais si c'est le cas ou non. Si la réponse est affirmative, et si vous m'en donnez l'occasion, j'aimerais déterminer si le client, dans ce cas, revendique le secret professionnel ou non, et je vous en informerais. J'ai eu à réfléchir l'automne dernier et encore maintenant au processus qui serait suivi si tel était le cas. Je ne peux pas vous dire si le secret professionnel serait levé ou non. Je dis simplement que la première étape consiste à déterminer si un tel avis existe.

M. Nelligan: Est-ce que le client est le ministre actuel ou l'ancien ministre?

Mme Bloodworth: Je pense que nous revenons là directement à la question que le sénateur Stewart a si bien soulevée, c'est-à-dire que même si nous disons par analogie que les ministères sont nos clients, au bout du compte c'est la Couronne qui est le client ultime, car elle seule est investie de la continuité. Les analogies s'effondrent donc à un moment donné. Mais les ministres, les anciens ministres, ne restent pas les clients du ministère de la Justice, si c'est cela votre question. Nous sommes tous la Couronne. Mais je pense que nous revenons là à la difficulté que le sénateur Stewart a si pertinemment soulevée ce matin.

M. Nelligan: Il me semblait que c'est l'ancien ministre qui est le gardien des avis qui lui sont donnés, et je suis d'accord avec le sénateur Stewart pour dire que si nous commençons à ergoter sur les diverses émanations de la Couronne, autant discuter de la Sainte Trinité, car cela devient un peu abstrait.

M. Thomson: Il me semble que la décision de ne pas revendiquer le privilège en est une prise aujourd'hui, et c'est donc le gouvernement actuel qui la prendrait, plutôt que le ministre antérieur. Mais j'aimerais avoir la possibilité de vérifier cela, monsieur Nelligan.

Mme Bloodworth: Permettez-moi de faire la distinction entre les deux, et de vous dire pourquoi. Les secrets du Cabinet protègent des secrets politiques, si je puis exprimer les choses ainsi. Je n'emploie pas du tout le terme dans un sens péjoratif. La confidentialité des documents du Cabinet protège les secrets politiques. C'est la raison aussi de la convention sur l'accès des ministres successifs, car on parle là de régimes politiques différents...

M. Nelligan: Je pense que nous convenons tous que cela n'a pas eu lieu, qu'il n'a pas remis ce document. Il l'a dit très clairement. Mais si un ancien ministre disait «J'ai fait telle chose parce que, d'après les avis que j'ai reçus de mon ministère, c'était la meilleure décision», est-il empêché de le faire sur la base du secret professionnel des avocats?

Mme Bloodworth: Par sur cette base. Je dois dire que ce serait quelque peu inhabituel qu'un ministre dise cela car ce sont normalement les ministres qui prennent les décisions, et ils reçoivent des conseils, mais très peu de ministres ont jamais dit: «J'ai pris cette décision parce que les fonctionnaires m'ont dit de le faire». Cela reviendrait à dire qu'ils n'ont pas assumé la responsabilité. Selon mon expérience, les ministres n'ont pas coutume de dire: «J'ai pris cette décision à cause des fonctionnaires». Normalement, ils disent que c'est leur décision propre.

Le sénateur Kirby: «Le diable me l'a fait faire».

Mme Bloodworth: Parfois c'est la même chose.

Le président: Avant de remercier les témoins, je veux répéter que, pour ce qui est des secrets du Cabinet, aucun membre de ce comité n'a jamais posé à un témoin de questions qui enfreindraient cette convention. Pour ce qui est de la documentation, ce dont notre comité a besoin, ce sont tous les renseignements sur la base desquels le gouvernement Mulroney et le gouvernement Campbell ont décidé de signer, sur la base desquels M. Nixon a recommandé la résiliation et sur la base desquels M. Chrétien a décidé de résilier les contrats. Nous sommes partis du principe que la présomption doit être en faveur de la communication des renseignements et non du refus de communiquer.

Vous avez été des témoins très ouverts et nous vous remercions beaucoup d'être venus aujourd'hui.

M. Thomson: Avant de partir, j'aimerais clarifier une chose: le sénateur Tkachuk a évoqué la transmission d'un document non vérifié. Je pense que je devrais clarifier au moins une chose.

La pratique suivie jusqu'alors était de procéder à la vérification et d'informer Lindquist, Avey qu'elle a été faite afin qu'ils puissent modifier leurs dossiers. Ils apportaient alors une copie du document vérifié à la séance d'information qui avait lieu au bureau du ministre. Dans ce cas particulier, ce jour-là, ils ont emmené par erreur une copie non vérifiée du document au bureau du ministre. Le bureau du ministre n'avait pas demandé ce document en particulier. Il a été apporté pour la séance d'information. Et ce document non vérifié figurait par erreur dans la chemise. Je voulais simplement préciser qu'il ne s'agissait pas simplement d'une demande de document. Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie, madame Bloodworth. Merci, monsieur Thomson.

Juste quelques mots, chers collègues. Je signale que la semaine prochaine nous commencerons lundi et que nous siégerons de 9 à 5 tous les jours, pour des raisons qui vont devenir évidentes. Nous recevons des témoins très, très importants. Nous siégerons donc de 9 heures à 5 heures, et non pas à nos heures habituelles.

Le sénateur Kirby: Monsieur le président, pour éviter que l'on ajoute des séances, j'espère que nous ne siégeons pas le soir? Certains d'entre nous ont des engagements le soir. Ai-je raison de penser cela?

Le président: De 9 à 5.

Le sénateur Kirby: Notre horaire normal du mercredi.

Le président: M. Nelligan va présenter nos témoins.

M. Nelligan: Sénateurs, nous recevons aujourd'hui M. Jack Matthews, qui était président-directeur général du groupe Matthews jusqu'en août 1992, avant de devenir directeur général de Paxport Inc.

Il est accompagné de M. Peter Kozicz, qui était premier vice-président, chargé des opérations, de la Pearson Development Corporation jusqu'à la résiliation des contrats.

Il y a également M. Sasso, et je dois lui présenter des excuses car je n'ai pu le joindre au téléphone aujourd'hui, M. Bill Sasso, donc, du cabinet juridique McMillan Binch.

(Jack Matthews, assermenté:)

(Peter Kozicz, assermenté:)

(William Sasso, assermenté:)

Le président: Monsieur Matthews, nous avons le texte de votre déclaration liminaire. Vous avez la parole.

M. Jack Matthews, ancien président-directeur général du groupe Matthews, ancien directeur général de Paxport: Monsieur le président, je vous remercie de cette occasion de prendre la parole à votre comité. Permettez-moi de dire d'emblée que je considère le projet de loi C-22 comme un déni de justice. Depuis la résiliation par le gouvernement, le 3 décembre 1993, des contrats relatifs à l'aéroport Pearson, j'ai essayé de garder foi en le système politique canadien, espérant que le processus finira par faire apparaître la vérité. Je continue d'espérer.

La vérité est que le processus d'adjudication des contrats pour l'aéroport était juste. Ces contrats étaient dans l'intérêt public et ont été conclus suite à des négociations serrées entre les représentants gouvernementaux et le consortium. Et ils l'ont été sans ingérence politique indue.

Peter Kozicz, l'ancien premier vice-président de PDC, aimerait maintenant dire quelques mots au comité. Je conclurai mes remarques liminaires lorsqu'il en aura fini.

M. Peter Kozicz, ancien premier vice-président, Pearson Development Corporation: Je me nomme Peter Kozicz et je m'adresse à vous aujourd'hui en ma qualité d'ancien employé de la Pearson Development Corporation. Je suis reconnaissant de cette occasion de m'exprimer devant le comité.

Ma participation au projet Pearson remonte à janvier 1992 lorsque, en tant qu'employé du groupe Matthews, Jack Matthews m'a demandé de travailler avec Ray Hession chez Paxport. J'ai donc travaillé sur la proposition Paxport, la fusion avec Claridge, les négociations entre PDC et Transports Canada et, pendant une brève période, sur l'exécution des contrats aéroportuaires.

Après la résiliation de décembre 1993, j'ai aidé PDC à rassembler des données aux fins du travail de chiffrage des coûts de Revay. Et pendant les sept derniers mois, j'ai exercé un rôle de soutien aux fins des poursuites en justice, dernièrement en qualité de représentant de PDC lors de la procédure de communication et d'interrogatoire préalable au procès opposant PDC et le gouvernement du Canada. Le projet Pearson domine ma vie depuis quatre ans.

Si j'ai bien saisi, le comité a pour mandat de se pencher sur la résiliation des contrats aéroportuaires à la lumière de trois questions. Premièrement, le processus d'adjudication a-t-il été équitable envers toutes les parties? Deuxièmement, le contrat était-il dans l'intérêt du public canadien? Troisièmement, une influence politique indue a-t-elle faussé le processus?

Je pense que les témoignages que vous avez entendus jusqu'à présent ont apporté la preuve écrasante que le processus d'adjudication a été juste et impartial et que l'accord intervenu répond effectivement à l'intérêt du public canadien.

Je considère en outre que les témoignages n'ont apporté aucun fondement d'aucune sorte aux affirmations faites par le gouvernement ou par M. Nixon dans son rapport de 1993 quant à l'exercice d'une influence politique indue.

Le but de mon intervention à ce comité est d'exposer les mérites du contrat PDC et l'impact de sa résiliation.

Ce projet a commencé pour Paxport dès 1989, quand Ray Hession a esquissé une vision de ce que Pearson pourrait devenir, Don et Jack Matthews ont eu le courage de leurs convictions pour soutenir Ray et quand un groupe de gens extrêmement talentueux, emmené par Trevor Carnahoff, a entrepris de faire de cette vision une réalité. Cet effort a culminé le 7 décembre 1992, lorsque la proposition de Paxport a été déclarée la meilleure proposition globale.

Cette annonce a été faite sur la foi du rapport d'évaluation de projet du 28 août 1992 rédigé par un comité d'évaluation composé de six hauts fonctionnaires gouvernementaux et de quatre experts du secteur privé. Le comité a également bénéficié du soutien d'autres experts gouvernementaux et d'experts-conseils de l'extérieur.

Peu après le choix de Paxport, ainsi que la documentation l'établit, le groupe Paxport et le groupe Claridge ont entamé des pourparlers pour explorer les avantages d'une fusion des exploitants de T3 et du projet T1T2.

Mergeco a ainsi été formée vers le milieu janvier 1993, et les négociations ont ensuite commencé avec Transports Canada et ses conseillers en vue de conclure une entente sur la myriade d'aspects englobés dans ce projet. Ces négociations ont été rigoureuses, difficiles et parfois très frustrantes, mais pendant toute leur durée, John Desmarais et Wayne Power ont accompli un travail remarquable en tant que représentants de Transports Canada. Ils se sont admirablement acquittés de leurs obligations de serviteurs de l'État, veillant toujours à placer en tête de leurs préoccupations l'intérêt du public canadien.

Comme nous le savons tous, ces négociations ont débouché sur ce que nous appelons maintenant les contrats aéroportuaires, avec la levée du seing-privé le 7 octobre 1993. PDC a rapidement mobilisé ses forces afin d'exécuter ses obligations et, pour cela, a engagé des ressources énormes dans le travail de planification, de conception et de préparation requis en vue d'exécuter les phases de démarrage rapide, créatrices d'emplois, prévues dans les contrats.

Après la finalisation des contrats, j'ai été nommé premier vice-président chargé des opérations de PDC, responsable de l'ensemble des opérations dans les aérogares 1, 2 et 3. Dès le 1er novembre 1993, j'étais à la tête d'un groupe de 13 personnes et avait mandat d'en embaucher six autres pendant la période d'exécution du contrat de services de gestion. Nous nous préparions également à accueillir dans notre personnel jusqu'à 163 employés de Transports Canada.

Après l'élection du gouvernement libéral, j'ai personnellement estimé que c'était une sage décision commerciale de la part de PDC que d'accepter de reporter la date d'entrée en vigueur des contrats aéroportuaires de 30 jours. En effet, PDC et le gouvernement du Canada étaient sur le point de s'embarquer dans une relation qui devait durer 57 ans et notre consentement à un réexamen des accords établirait une atmosphère de collaboration qui donnerait le ton de toute la relation subséquente. Je n'avais guère de crainte que les contrats aéroportuaires soient résiliés ou sensiblement modifiés, vu tout ce que je savais de la nature de l'affaire et sachant que le gouvernement avait promis de procéder à une revue juste et impartiale.

Les contrats me paraissaient solidement fondés et équitables, et j'étais persuadé que si un examen impartial en était fait, le gouvernement laisserait le projet se poursuivre.

Pendant tout le mois de novembre, comme je l'ai déjà dit, l'équipe PDC a travaillé très fort à exécuter ses obligations et avait engagé les services de plus de 100 experts-conseils pour ce projet, coiffé par plus de deux douzaines de membres du personnel au siège.

Je n'oublierai jamais la matinée du 3 décembre. Je faisais visiter les aérogares 1 et 2 à des représentants de la Bracknell Corporation et de State Group et, vers 9 h 45, j'ai décidé d'appeler Claridge depuis les salles d'embarquement des vols internationaux de l'aérogare 2, pour voir s'ils avaient eu des nouvelles du gouvernement. Norman Spencer a répondu au téléphone et m'a appris que les contrats aéroportuaires avaient, en fait, été résiliés.

Pour vous donner une idée de la vitesse à laquelle voyagent les mauvaises nouvelles, plus tard dans cette même matinée, j'ai reçu un appel d'un ami, qui travaille dans le secteur aéroportuaire européen, et qui m'a dit:

Cela peut arriver peut-être dans une dictature ou peut-être dans l'ancienne Union soviétique, mais certainement pas dans un pays démocratique comme le Canada. Quelle mouche a piqué votre gouvernement?

Jusqu'à ce jour, je ne comprends toujours pas les raisons qui ont motivé la décision du gouvernement.

Depuis que j'ai commencé à travailler sur le projet aéroportuaire et aux fins des obligations de PDC dans le cadre de l'accord sur les retombées industrielles, j'ai eu l'occasion de me rendre à plusieurs reprises à l'étranger, où j'ai rencontré des hommes politiques et hauts fonctionnaires responsables de l'infrastructure aéroportuaire. Je leur expliquais avec fierté la méthode suivie par le gouvernement canadien pour ce qui est de la privatisation de l'aérogare 3 et de la transaction imminente concernant les aérogares 1 et 2. Cependant, lors de mes voyages récents, je me suis trouvé acculé à défendre non seulement les mérites et les modalités de la privatisation de l'aérogare 3, mais également à expliquer les raisons derrière la décision du gouvernement canadien de reprendre les aérogares 1 et 2.

Je me vois obligé également de passer beaucoup de temps à défendre l'intégrité du consortium PDC, de ses employés et experts-conseils, et d'établir que ce n'est pas une défaillance de la part de PDC qui a amené la résiliation mais, pour autant que je puisse en juger, une décision politique prise sans guère tenir compte des impératifs commerciaux, des besoins du public voyageur ou des intérêts du contribuable canadien.

Où en serions-nous aujourd'hui si le projet aéroportuaire avait été maintenu? PDC aurait déjà achevé la construction de l'aile ouest, de l'annexe sud et du nouveau quai Rapidair. Elle aurait aussi terminé la conception schématique de tous les travaux à effectuer pendant la phase 1B du programme. PDC aurait investi plus de 100 millions de dollars et aurait créé des emplois équivalant à plus de 2 000 années-personnes.

Mais au lieu de cela, nous voici ici aujourd'hui. Les båtiments ont vieilli de deux ans sans pratiquement que Transports Canada n'entreprenne de travaux, l'aérogare 1 est dans un état de délabrement scandaleux, et Air Canada se voit contraint de prendre des mesures préventives pour préserver sa compétitivité future.

Mais surtout, toutes les installations de sécurité et de protection de l'environnement, qui étaient si urgentes il y a deux ans, n'ont fait l'objet d'aucune amélioration sensible. De fait, si PDC était dans la même situation aujourd'hui pour ce qui est de l'état de ses systèmes de sécurité et de prévention des incendies dans ses aérogares que l'est Transports Canada, il est très probable que les aérogares auraient été fermées depuis bien longtemps par les services de lutte contre le feu de Mississauga.

Outre les améliorations qui auraient été apportées aux locaux si les contrats aéroportuaires avaient été maintenus, le gouvernement aurait également retiré les avantages suivants: 163 fonctionnaires fédéraux seraient des salariés de PDC, économisant au gouvernement 8 millions de dollars par an. La valeur actuelle des économies ainsi réalisées par le gouvernement serait de 132 millions de dollars.

Les associés au sein de T1T2 Limited Partnership auraient payé des impôts sur le revenu au titre de leur participation au projet aéroportuaire. La valeur estimative actuelle de ces impôts est de 312 millions de dollars. Et le gouvernement toucherait un flux régulier de loyers, d'un montant très bien garanti, et une part des recettes meilleures que prévues. La valeur actuelle de ces paiements est estimée à 909 millions de dollars.

Je précise à ce stade que les chiffres ci-dessus sont tirés d'une simulation faite le 23 août 1993 sur le modèle KPMG, effectuée par le gouvernement.

La somme de tous ces avantages est d'environ 1,4 milliard de dollars et doit être comparée à la valeur nette des aérogares 1 et 2, chiffrée entre 174 millions de dollars et 205 millions de dollars par Price Waterhouse à l'Annexe C-1 du rapport d'évaluation de juillet 1992.

J'ajouterais en passant que PDC allait payer des taxes municipales pour une valeur actuelle de 182 millions de dollars.

Tout ceci m'amène à poser la question suivante: que va-t-il se passer dorénavant? Le gouvernement a manifestement choisi l'option AAL, mais j'ai beaucoup de mal à voir comment une AAL pourra réaliser tous les changements nécessaires.

À ma connaissance, pour qu'une AAL puisse réaménager T1T2, elle aura besoin d'une redevance d'amélioration aéroportuaire du type de celle perçue à Vancouver, également appelée redevance d'installation passagers ou RIP. Beaucoup de voyageurs s'en indignent à Vancouver, mais elle fonctionne néanmoins raisonnablement bien et permet d'y financer les travaux requis.

Cependant, à Pearson, où l'aérogare 3 ne perçoit pas de RIP, je vois mal comment une AAL pourrait en imposer une dans les aérogares 1 et 2 sans déclencher un déplacement majeur du trafic vers T3, au grand détriment de l'exploitation de T1T2.

Cela m'amène à conclure que, quoi qu'une AAL fasse à T1T2, T3 devra être englobée dans la solution.

Outre le problème de la concurrence de T3, l'AAL aura manifestement besoin de réaménager T1 et T2 et sera responsable également de toutes les améliorations côté pistes. Une estimation prudente des capitaux dont aura besoin l'AAL se situe entre 1,5 et 2 milliards de dollars. Où trouvera-t-elle l'argent?

Dans ces circonstances, je ne vois absolument pas comment une entente avec l'AAL pourrait être aussi avantageuse pour le gouvernement que l'était le contrat PDC, aussi favorable aux compagnies aériennes que l'était le contrat PDC ou aussi avantageuse pour le public voyageur que l'était le contrat PDC.

Mais peut-être y a-t-il quelque chose qui m'échappe. Peut-être les motivations principales ne sont-elles pas l'intérêt économique et le service aux voyageurs?

Quelle est la responsabilité du gouvernement à l'égard de son geste? On a beaucoup parlé de la règle de droit et le comité sénatorial de la justice a entendu des témoins expliquer le caractère anticonstitutionnel du projet de loi gouvernemental touchant les contrats aéroportuaires.

De mon point de vue d'ancien employé de PDC, la question de la responsabilité gouvernementale est très simple. Le gouvernement a le droit de formuler une politique aéroportuaire. Le gouvernement a le droit de résilier les contrats aéroportuaires sans justifier sa décision. Si je comprends bien, tout cela est un comportement licite dans notre système parlementaire.

Le gouvernement a pris une mesure audacieuse et décisive lorsqu'il a résilié les contrats aéroportuaires. Il est maintenant temps qu'il assume la responsabilité de ses actes et soit rendu comptable des ramifications de sa décision.

Le projet de loi C-22 devrait être retiré et les traditions du système judiciaire canadien, en vigueur de longue date, devraient être autorisées à déterminer le bien-fondé de la réclamation de PDC.

Quoi que le gouvernement puisse dire pour expliquer sa décision, la résiliation des contrats aéroportuaires ne peut être justifiée en prétextant que le processus suivi pour les conclure n'était pas convenable ou équitable ou que les contrats n'étaient pas dans le meilleur intérêt du public canadien.

Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de m'exprimer à votre comité.

M. Matthews: Monsieur le président, beaucoup trop de gens honnêtes ont souffert de la décision du gouvernement d'annuler les contrats et par le rapport non fondé sur lequel le gouvernement s'appuie pour justifier la résiliation. Il est temps que le gouvernement assume la responsabilité de ses actes.

Le gouvernement a avancé le rapport Nixon pour justifier sa décision de résilier les contrats aéroportuaires. Tant les conclusions du rapport Nixon que les raisons sur lesquelles elles s'appuient sont erronées. Je ne tenterai pas, dans le peu de temps dont je dispose, de répertorier tous les éléments du rapport Nixon avec lesquels je suis en désaccord.

J'ai passé en revue le témoignage de pratiquement tous les témoins ayant comparu à votre comité, qui ont travaillé tant pour la partie publique que la partie privée dans le processus ayant débouché sur les contrats aéroportuaires et qui ont aussi été entendus par M. Nixon. Je suis d'accord avec leurs dires. Les renseignements qu'ils ont donnés à Robert Nixon et leur témoignage devant votre comité vont dans un sens contraire à la conclusion du rapport Nixon.

Je vais tenter de limiter mes propos sur le rapport Nixon aux aspects avec lesquels je suis en désaccord et qui n'ont pas encore été mis en lumière dans les témoignages jusqu'à présent.

La proposition spontanée du groupe Matthews: le 28 septembre 1994, le ministre des Transports Young a répondu aux amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-22. Dans son discours à la Chambre des communes, il a évoqué une question qui avait déjà été soulevée dans le rapport Nixon. Le ministre a déclaré:

Un des promoteurs avait commencé à faire du lobbying en vue de la privatisation des aérogares dès le milieu de 1989; il avait soumis une proposition spontanée et offert des conseils aux ministres responsables du dossier. Il ne s'agit certainement pas là d'un processus d'appel d'offres normal ni d'une pratique acceptable.

Je n'ai jamais compris la critique adressée par M. Nixon à la proposition spontanée de Matthews Group Limited en vue du réaménagement des aérogares 1 et 2 en 1989, et je ne comprends pas pourquoi le ministre a soulevé de nouveau cet aspect.

Ce que M. Nixon a reconnu dans son rapport et que le ministre a omis de dire à la Chambre des communes est qu'en août 1989, le gouvernement a annoncé une stratégie en vue de faire face à la croissance future du trafic aérien dans le sud de l'Ontario. Le groupe Matthews a réagi à cette annonce, de même que la British Airport Authority, en présentant une proposition spontanée au gouvernement. De fait, le gouvernement a reçu en tout cinq propositions spontanées.

J'ai du mal à voir en quoi il serait répréhensible que le groupe Matthews, une société canadienne, fasse concurrence à une société britannique, s'agissant de développer et de gérer le plus important aéroport du Canada.

Le groupe Matthews estime qu'il n'y avait aucune inconvenance à présenter une proposition spontanée. Le cabinet d'avocats Lang Michener était notre représentant juridique à son sujet. Jamais Lang Michener, ni les représentants à qui j'ai parlé, n'ont-ils émis le moindre doute quant à la légitimité de la proposition.

J'ai rencontré M. Nixon une fois et lui ai parlé brièvement au téléphone environ deux semaines après, dans le cadre de son rapport. Pour autant que je me souvienne, la conversation a duré environ une heure et demie. Peter Kozicz et Robert Vineberg m'accompagnaient en tant que représentants de PDC, et M. Nixon était avec Steven Goudge et un autre monsieur.

L'ordre du jour de l'entretien avait été fixé par M. Nixon et il a consisté en une série de questions qu'il m'a posées. M. Nixon m'a posé la plupart de ses questions en se reportant à des notes rédigées d'avance qu'il avait apportées avec lui. Je n'ai vu aucune note ou aucun procès-verbal de cette réunion depuis qu'elle a été tenue, mais je crois savoir que des notes ont été prises par d'autres personnes présentes.

Selon mon souvenir, M. Nixon s'intéressait principalement à quatre sujets: les lobbyistes, la fusion Paxport-Claridge, l'administration aéroportuaire locale et un certain nombre de négociateurs gouvernementaux.

Pour ce qui est des lobbyistes, il m'a demandé pour quelle raison j'avais fait appel à Ray Hession et Bill Neville et quelle était la nature des services qu'ils ont rendus. Il m'a également demandé ce que je pensais de l'efficacité des lobbyistes. Au sujet de la fusion Paxport-Claridge, il a demandé quels étaient mes objectifs et quel rôle j'avais tenu dans les pourparlers préalables à la fusion.

Il m'a posé des questions sur mes rencontres avec des représentants de l'AAL et j'ai décrit une réunion dont je parlerai plus tard.

Pour ce qui est de la succession des négociateurs gouvernementaux, je me souviens avoir parlé avec lui des difficultés causées à la partie privée dans les négociations par le manque de continuité chez les négociateurs gouvernementaux.

Selon mon souvenir, il n'a été question d'aucune documentation pendant la réunion, mais M. Nixon a demandé que nous établissions un résumé des dispositions du contrat protégeant l'intérêt public. Une brochure a donc été rédigée et remise, telle que Peter Coughlin l'a décrite dans son témoignage devant votre comité.

À la fin de la réunion, nous nous sommes serrés les mains et il m'a assuré que s'il entendait quoi que ce soit qui différait de ce que je lui avais dit, il m'en parlerait et me donnerait la possibilité de réfuter ou d'expliquer.

La plupart des problèmes et préoccupations particuliers dont M. Nixon fait état dans son rapport n'ont pas été abordés. Les renseignements et avis divergents des miens qu'il a pu recueillir auprès d'autres n'ont jamais été portés à mon attention. Je n'ai pas eu la possibilité de réfuter ou d'expliquer.

Robert Nixon m'a téléphoné environ deux semaines plus tard pour me demander ce que je pensais de Robert Bandeen à la tête de l'AAL. J'ai expliqué mes réserves. J'ai également expliqué que je ne dormais pas bien et lui ai demandé si j'avais lieu de m'inquiéter. Je crois que sa réponse était que si j'étais disposé à faire preuve de souplesse, je pouvais dormir sur mes deux oreilles.

La réunion avec Bandeen, le 6 juillet 1993: Les personnes présentes représentant l'AAL étaient Robert Bandeen et Steve Shaw. Les représentants de PDC étaient Andy Pascoe et moi-même.

J'ai ouvert la réunion en expliquant que Paxport n'était pas opposé à la création d'une AAL et était disposée à travailler avec toute administration aéroportuaire future, mais que la décision d'accréditer une AAL appartenait au gouvernement fédéral.

M. Bandeen a exprimé une grande frustration devant l'absence d'accréditation. Il a affirmé que c'était dû exclusivement au favoritisme dont Paxport bénéficiait. Il a déclaré que le ministre Corbeil faisait de l'obstruction et a menacé, si sa réunion du mardi suivant avec le ministre Corbeil n'était pas satisfaisante de, je cite, «faire un scandale».

Cela est à mettre entre guillemets.

Il a expliqué sa stratégie électorale, consistant à expliquer que Vancouver et Montréal avaient droit à des AAL, mais qu'on refusait la même chose à cinq millions de personnes à Toronto. J'ai offert d'informer pleinement l'AAL des négociations en cours, à condition qu'il n'utilise pas ces renseignements contre Paxport ou pour enrayer les négociations.

Il n'était pas d'accord. Il a conclu en menaçant de construire l'aéroport de Pickering pour concurrencer Pearson International.

Les négociations et autres questions: Robert Vineberg, Donald Matthews et Gordon Baker y ont pris part et ont témoigné devant le comité des transports de la Chambre des communes.

MM. Baker, Matthews, Vineberg, Spencer et Ray Hession sont venus témoigner à votre comité. Ils ont exposé tous les faits pertinents touchant les transactions relatives aux aérogares 1 et 2 et ont pleinement répondu, je pense, à toutes les questions les concernant.

Jointe au témoignage des fonctionnaires ayant pris part au processus, leur déposition a pleinement réfuté, à mon avis, le rapport Nixon et fait ressortir les nombreuses erreurs, omissions et analyses fautives qu'il contient.

Le comité des transports a décidé de ne pas faire comparaître M. Nixon pour réagir à leur témoignage. Il a décidé également de ne pas appeler à témoigner George Ploder, le président de la Bracknell Corporation, Scott McMaster, le président de Allders International Canada, Bill Pearson, le président d'AGRA Industries, ni moi-même.

La plupart de ces personnes n'ont jamais été interrogées par M. Nixon. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de négociations de bonne foi de la part du négociateur gouvernemental, l'ancien associé du premier ministre au sein du cabinet juridique où ce dernier exerçait, M. Robert Wright. Le ministre des Transports n'a jamais accepté de négocier, se contentant de nous menacer du projet de loi C-22.

Le ministre des Transports a fait la preuve qu'il se souciait comme d'une guigne des sociétés canadiennes engagées dans cette entreprise, de même que des centaines de personnes qui ont perdu leur travail au groupe Matthews, chez NORR Architects et chez Pearson Development Corporation. Nul ne sait combien d'autres ont perdu leur emploi chez les membres du consortium et leurs fournisseurs. Se préoccupe-t-on du sort des 2 000 ouvriers du båtiment qui seraient au travail aujourd'hui sur les aérogares 1 et 2?

Il est véritablement sidérant, pour moi, que le gouvernement du Canada introduise un projet de loi tel que le C-22. Le jour même de l'annonce de la résiliation des contrats de l'aéroport Pearson, le gouvernement a reconnu, en acceptant l'ALÉNA, les droits des Américains et Mexicains à des recours en justice équitables, une juste indemnisation et un paiement rapide à l'égard de toute expropriation, nationalisation ou annulation de leurs investissements au Canada.

Pourquoi les Canadiens membres de ce consortium sont-ils traités comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays et voient-ils leurs droits piétinés?

Monsieur le président, nul n'a jamais allégué que le consortium, ses représentants ou membres aient commis d'acte criminel ou illégal. Comment le gouvernement peut-il prétendre priver le consortium et ses membres de leurs droits? C'est immoral. Je vous remercie, monsieur, de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Matthews et monsieur Kozics.

Sénatrice LeBreton, vous aviez levé la main?

Le sénateur LeBreton: Je vous remercie d'être venus, monsieur Matthews, monsieur Kozicz et monsieur Sasso.

Je veux vous remercier également de votre exposé extrêmement détaillé. Je vais d'ailleurs devoir reformuler certaines de mes questions car vous y avez déjà répondu. Mais je vais peut-être vous demander de plus amples précisions sur certains des éléments que vous avez déjà abordés.

Soit dit en passant, pendant que vous faisiez votre exposé, monsieur Matthews, me sont revenues à l'esprit les dernières statistiques de chômage dans le secteur du båtiment de Toronto. Le taux est de 12,1 p. 100. J'ai pensé que cela vous intéresserait.

Monsieur Matthews, vous avez déjà parlé de votre rencontre avec M. Nixon. Comme nous le savons tous, ce dernier a été désigné quelques jours avant que le gouvernement Chrétien arrive au pouvoir. Quand cette rencontre dont vous nous avez parlé a-t-elle eu lieu, et où?

M. Matthews: Elle a eu lieu le 5 novembre 1993, dans un bureau gouvernemental dont je n'ai pas l'adresse.

Le sénateur LeBreton: Sur la rue King, à Toronto?

M. Matthews: Peut-être. C'est possible

Le sénateur LeBreton: Oui. Les bureaux ministériels. Un autre témoin a dit que c'est là qu'ils étaient installés.

Incidemment, lorsque vous avez appris que M. Nixon avait été chargé de revoir cette affaire, comment avez-vous réagi? Connaissiez-vous Robert Nixon, sachant qu'il est de London? Comment avez-vous personnellement réagi?

M. Matthews: Je pense, en fait, qu'il est de Brantford.

Le sénateur LeBreton: C'est juste. Excusez-moi.

M. Matthews: Je le sais uniquement parce que ma mère allait à l'école avec lui. Et lorsqu'il était chef des Libéraux et ministre des Finances, elle me racontait des anecdotes sur ce qu'il avait fait à l'école, mais je ne l'ai probablement rencontré qu'à quelques reprises, et je lui ai serré la main pour la première fois à cette réunion. Je ne pense pas qu'il m'aurait reconnu, je ne le connaissais pas assez bien.

Le sénateur LeBreton: Donc, lorsque vous avez entendu que Robert Nixon avait été nommé, rien dans sa réputation ne vous a fait réagir?

M. Matthews: Au contraire, j'ai été très soulagé. C'était mon sentiment à l'époque. C'était un homme hautement respecté, qui a longtemps servi au sein du gouvernement en différentes capacités. Je n'avais jamais rien entendu de négatif sur lui. J'étais donc, en fait, très heureux de ce choix.

Le sénateur LeBreton: Lorsque vous l'avez rencontré, et vous avez déjà indiqué sur quels sujets il se concentrait, avez-vous retiré l'impression qu'il était bien informé des faits, ou partait-il simplement à la pêche?

M. Matthews: Mon impression était qu'il ne comprenait pas les aéroports. Ce n'est pas du tout un reproche. L'exploitation aéroportuaire est un secteur d'activité très spécialisé et évaluer un aéroport - on lui a confié une tåche incroyablement difficile. J'ai retiré l'impression, à l'époque, qu'il s'efforçait de se faire une idée générale de ce qui était arrivé, mais il connaissait si peu de détails que... vous savez, c'était très peu de temps après sa nomination, et j'avais l'impression qu'il n'était pas encore très au courant.

Le sénateur LeBreton: Et à la fin... vous avez dit que la conversation a duré environ une heure, monsieur Matthews?

M. Matthews: Plutôt une heure et demie.

Le sénateur LeBreton: Une heure et demie. À la fin, aviez-vous une idée ou... je veux dire, une vague idée de ce que pouvaient être ses conclusions, de sa conception générale des choses?

M. Matthews: J'étais très satisfait à la fin de la réunion en ce sens qu'il nous avait posé des questions, que nous avions répondu promptement et exhaustivement au nombre limité de questions qu'il nous a posées. En sortant, après lui avoir serré la main, je me suis dit que s'il entendait des mensonges... et, savez-vous, après tout ce qui s'était passé jusque-là, je me disais qu'on lui raconterait toutes sortes de choses insensées... que nous aurions un nouvel entretien, s'il recevait des informations négatives.

Et j'étais... je me sentais très assuré que si je pouvais expliquer notre version de l'histoire, qu'il n'y aurait absolument aucun problème. C'était mon opinion en sortant de là.

Le sénateur LeBreton: Et prévoyiez-vous, en sortant de la réunion, qu'il vous appellerait souvent?

M. Matthews: Je m'attendais à ce qu'il m'appelle au fur et à mesure qu'il avancerait dans le dossier, car il était alors si peu au courant des détails. Je savais qu'il y avait quantité de détails techniques qu'il faut parvenir à comprendre pour s'y retrouver dans tous ces documents. Il y avait, je dirais, une cinquantaine de fonctionnaires de Transports Canada qui travaillaient sur ce dossier. Ils avaient chacun leur domaine de spécialité et tous avaient leur mot à dire sur le dossier, en divers endroits. Donc, pour s'y retrouver dans toute cette masse et essayer de comprendre la position de Transports Canada et notre position sur un point de négociation donné, cela nécessitait, pensais-je, que l'on nous appelle assez souvent.

Le sénateur LeBreton: Et vous dites que vous avez eu ensuite une conversation téléphonique. Pour que ce soit clair, était-ce M. Nixon qui vous a appelé?

M. Matthews: J'étais dans ma voiture à ce moment-là, sur le chemin du retour de Waterloo. J'ai soit donné suite à un appel précédent, soit il m'a appelé directement dans ma voiture. Je ne me souviens plus s'il y avait eu un échange de messages préalable ou non. Je ne sais donc plus si le téléphone a sonné et que j'ai répondu, ou bien si j'ai composé son numéro, pour retourner son appel.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur LeBreton: Je voulais juste savoir si c'est vous qui l'aviez appelé ou si c'est lui qui vous a appelé.

M. Matthews: Désolé.

Le sénateur LeBreton: C'était donc sur votre téléphone cellulaire...

M. Matthews: Désolé. Tout ce que je peux vous dire, c'est que soit il m'a appelé, soit j'ai retourné son appel.

Le sénateur LeBreton: Soit vous avez répondu au téléphone, soit vous lui avez rendu son appel.

M. Matthews: Le coup de téléphone n'était pas à mon initiative.

Le sénateur LeBreton: Oh, je vois. Quand était-ce, approximativement?

M. Matthews: Une dizaine de jours avant la publication du rapport.

Le sénateur LeBreton: Donc une dizaine de jours avant ce qui est le rapport final - nous avons eu deux rapports. Nous avons une ébauche qui est datée du 30 novembre et l'original est daté du 29 novembre. Je suppose donc que c'était le...

M. Matthews: Le mieux que je puisse dire est que c'était aux alentours du 20.

Le sénateur LeBreton: Oui. Et lors de cet appel, comme vous l'avez dit, il vous a soumis l'idée de placer Robert Bandeen à la tête d'une AAL?

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur LeBreton: Était-ce le seul sujet abordé ou bien vous a-t-il posé d'autres questions faisant suite à votre conversation antérieure?

M. Matthews: L'entretien a porté essentiellement sur Robert Bandeen. Je ne me souviens pas d'autres questions. Ce qui m'a le plus frappé... en fait, il y avait deux choses. La question sur Bandeen. Je m'étais montré un peu réservé en lui faisant part de mon opinion négative de M. Bandeen lorsque nous nous sommes vus. Il voulait que je lui précise un peu la position que j'avais exprimée. Je lui ai donc fait savoir que mon opinion était plutôt négative, mais sans peut-être lui expliquer exactement ce que j'en pensais.

L'autre chose était que, après cet échange, j'ai eu la possibilité de lui poser une question et je savais que je ne pouvais pas lui demander directement comment allait le rapport, et je lui ai donc demandé si je devais bien dormir ou mal dormir.

Vous savez, j'essayais de mon mieux de déterminer ce qui se passait. Et peut-être a-t-il fait de son mieux pour me dire ce qui se passait, ou peut-être pas, je n'ai pas idée.

Le sénateur LeBreton: Et sa réponse était que vous pouviez dormir sur vos deux oreilles. Je veux dire, semblait-il...

M. Matthews: La conversation a été très amicale. Il me demandait conseil. Je ne vois pas pourquoi... le rapport nous vilipende tellement que l'on se demande pourquoi il demanderait des conseils sur quoi que ce soit à d'aussi tristes personnages que nous. J'ai donc conclu... la conversation semblait amicale et il m'a demandé mon avis et j'ai répondu franchement, et je pensais qu'il me répondait franchement lorsqu'il m'a dit que si j'étais souple je ne devrais pas avoir trop de mal à dormir.

Le sénateur LeBreton: Si vous étiez souple. On lit toutes sortes de choses dans la presse - et nous pensons qu'il y a un troisième rapport Nixon. Il y a toutes sortes de bruits dans la presse à ce sujet - et, bien entendu, il y a toutes sortes de propos dans les journaux qui font penser qu'il recherchait en fait une solution de compromis. Et d'après ce que vous dites, j'essaie simplement... j'essaie de voir ce qu'il pouvait bien faire.

Il cherchait peut-être à se montrer conciliant et proposer de maintenir les contrats avec quelques modifications tout en constituant, en même temps, une AAL avec Robert Bandeen à sa tête. Cela me paraît être ce qu'il visait, si c'est le genre de conversation téléphonique que vous avez eue avec lui.

M. Matthews: Si on me posait la question, c'est très proche de ce que je répondrais moi-même, oui.

Le sénateur LeBreton: Comment avez-vous découvert que le gouvernement allait résilier? Peter Kozicz nous a dit...

M. Matthews: Je suppose que j'étais un peu comme Peter. J'ai moi aussi appelé les bureaux de Claridge. Ils semblaient être mieux branchés à l'époque.

Le sénateur LeBreton: Ils avaient davantage de lobbyistes.

M. Matthews: Ce jour-là, je les ai appelés pour leur dire à peu près: Ne vous inquiétez pas à cause d'eux, on les aura, l'annonce va sortir mais je suis optimiste.

Mais la réponse que j'ai eue était: «Jack, c'est beau d'être optimiste, mais il est trop tard, c'est fini». Ça n'a pas été le meilleur moment que j'ai vécu.

Le sénateur LeBreton: J'imagine que non. Et M. Nixon, bien sûr, ne vous a jamais recontacté? Vous ne lui avez plus jamais parlé depuis?

M. Matthews: Non.

Le sénateur LeBreton: Des lettres?

M. Matthews: J'ai écrit des lettres et les ai déchirées. J'ai pensé aussi téléphoner et ai renoncé. Mais, non, je ne lui ai plus reparlé depuis.

Le sénateur LeBreton: Je vais maintenant passer à une autre partie de votre déclaration, celle qui concerne M. Bandeen. Je veux vous poser quelques questions à ce sujet, et je suis un peu fatiguée de faire la lecture de cette note de service.

Il s'agit d'une réunion tenue le mardi 6 juillet, réunissant vous-même, Andy Pascoe, Robert Bandeen et Steve Shaw. Je vais vous distribuer ce document. Il s'agit donc là du compte rendu de la réunion au cours de laquelle M. Bandeen, nous avez-vous dit, menaçait de faire un scandale, disant que le gouvernement avait besoin de l'Ontario et n'aurait pas les voix. Il poursuivait dans la même veine. J'ai déjà fait la lecture à haute voix de ce document, il menaçait de saisir la presse.

J'aimerais savoir si c'était là votre seule réunion avec M. Bandeen ou si vous l'avez rencontré à d'autres occasions?

M. Matthews: C'est la seule réunion avec M. Bandeen dont je me souvienne. Je l'avais déjà vu, je le reconnaissais, comme d'autres. Nous nous sommes sans doute serrés la main à quelques reprises. Mais c'était ma première réunion véritable avec lui dont je me souvienne. Et je ne l'ai pas revu depuis.

Le sénateur LeBreton: Lorsqu'on lit ce compte rendu, il apparaît très clairement que vous lui exprimiez votre... que vous n'étiez pas opposé à l'idée d'une AAL. Il me semble, en lisant ce compte rendu, que vous cherchiez à collaborer de votre mieux. Était-il disposé... avez-vous eu l'impression qu'il était prêt à écouter ou accepter votre proposition de le renseigner plus avant ou...

M. Matthews: Si vous me demandez quelles étaient mes impressions de cette réunion avec M. Bandeen - et c'est sur elles que j'ai fondé l'opinion que j'ai exprimée à M. Nixon - mon impression était que c'était un homme acharné à prendre le contrôle de cet aéroport. Il était... je pense que acharné est le meilleur terme que je puisse trouver.

Il apparaissait très clairement aussi qu'il ne connaissait pas grand-chose aux aéroports. Le meilleur exemple est sa menace d'une concurrence de Pickering. Ce n'est tout simplement pas quelque chose que l'on peut faire, dépenser quelques milliards de dollars et diviser le trafic en deux.

Le sénateur LeBreton: Et sans routes.

M. Matthews: C'est insensé. C'est financièrement impossible et pour beaucoup d'autres raisons. C'est un gaspillage d'argent. Mais c'est... désolé, je pense avoir dévié du sujet de votre question.

Le sénateur LeBreton: Vous avez offert de le tenir au courant et de discuter de l'AAL, mais il ne semblait pas...

M. Matthews: Oui, désolé. Il n'était pas intéressé à... je ne devrais sans doute pas dire qu'il n'était pas intéressé à être tenu au courant des négociations. Il l'était. Mais il n'était pas intéressé s'il ne pouvait pas se servir publiquement des renseignements pour enrayer le processus. Donc, essentiellement, le rameau d'olivier que je pensais lui tendre... je n'avais rien à voir avec son accréditation, même s'il avait l'air de penser le contraire et de considérer que je me mettais peut-être en travers de son chemin.

Je n'avais absolument rien à voir avec cette partie du processus. Mais nous étions totalement disposés, chez Paxport, à traiter avec une AAL. Cela ne faisait absolument aucune différence pour nous. Au contraire, on pourrait dire que cela aurait été un avantage. D'accord?

Mais nous n'étions pas prêt à arrêter - nous dépensions beaucoup d'argent chaque mois en services professionnels, en experts-conseils ou avocats. Nous ne pouvions pas arrêter le processus en attendant qu'un autre se mette en route. Même si nous l'avions voulu, le choix ne nous appartenait pas. J'ai trouvé que ses exigences étaient ridicules, mais ce n'est là que mon avis personnel.

Le sénateur LeBreton: Eh bien, je pense qu'il est prouvé qu'il a exécuté ses menaces.

M. Matthews: Eh bien, non, il y a lieu de le féliciter d'une certaine façon. Honte ou gloire, je ne sais pas.

Le sénateur LeBreton: Lorsque vous dites qu'il ne semblait pas connaître grand-chose des aéroports, je me håte de préciser qu'il avait été placé par le gouvernement Trudeau à la tête de CN pendant dix ans, ce qui est peut-être assez parlant.

Monsieur Kozicz, avez-vous jamais rencontré M. Bandeen?

M. Kozicz: Non, jamais.

Le sénateur LeBreton: Aucun entretien du tout.

M. Kozicz: Aucun.

Le sénateur LeBreton: Bien. Maintenant, au cours de... il ne me reste plus que quelques questions et je céderai ensuite mon tour. Je reviendrai peut-être plus tard, monsieur le président.

Dans les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent, et il y a eu de nombreuses mentions du rôle du sénateur Léo Kolber dans ce dossier... quelles étaient les fonctions du sénateur Kolber, le savez-vous?

M. Matthews: Je ne sais pas. Je suppose qu'il était président ou... je pense qu'il était peut-être président honoraire ou président de Claridge Holdings. Je ne sais pas.

Le sénateur LeBreton: Et à combien de réunions avez-vous participé auxquelles le sénateur Kolber était présent, travaillant pour Claridge?

M. Matthews: Juste une. Je l'avais déjà rencontré, savez-vous, par hasard à une autre réunion où nous avons discuté de ce qui se passait, mais il n'y a eu qu'une seule réunion commune, je pense.

Le sénateur LeBreton: Et avez-vous retiré l'impression qu'il jouait un rôle important au sein de Claridge, ou bien le savez-vous?

M. Matthews: Ce n'est pas vraiment à moi qu'il faut demander quel était son rôle. Il s'y connaissait très bien. C'est un homme intelligent.

Le sénateur LeBreton: Je ne le contesterai pas. C'est un homme très distingué.

Pourrait-on dire... ou peut-être cela ne vous est même pas venu à l'esprit. Pourrait-on dire que vous avez été quelque peu rassuré de savoir qu'un sénateur libéral jouissant d'une aussi grande notoriété jouait un rôle dans ce processus?

M. Matthews: Je dirais, pour tenter de répondre à votre question, que tout dépend de la perspective dans laquelle on se trouvait à un moment donné. Lorsque je l'ai rencontré, je ne pensais pas réellement à l'éventualité d'un changement de gouvernement. Nous étions entièrement concentrés sur la conclusion de l'accord sur l'aéroport. Et si je devais dresser une liste des 20 critères les plus importants à nos yeux, celui-ci serait arrivé tout en bas de la liste. Donc, oui, cela pouvait être un facteur, mais je ne pense pas que j'en aie vraiment tenu compte.

Le sénateur LeBreton: Vous vous concentriez uniquement sur l'accord. Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai pas d'autres questions pour le moment.

Le président: Sénateur Bryden.

Le sénateur Bryden: Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Matthews, je pense que le greffier ou notre conseiller juridique vous a contacté aujourd'hui, ou bien votre bureau, pour vous remettre des copies de documents?

Monsieur l'avocat, est-ce exact?

M. Nelligan: J'ai fourni une liste juste ce matin, et elle m'a été remise par le sénateur Kirby.

Le sénateur Bryden: Bien. Et je vois que nous avons transmis le procès-verbal d'une réunion du conseil d'administration du 14 décembre 1992. Au dos, comme cela se fait souvent dans les sociétés, il y a le calendrier de la société pour 1992-1993.

M. Matthews: Pourrais-je en demander une copie, avant d'en parler? Je suis désolé, je ne retrouve pas mon original.

Excusez-moi, de quelle page s'agit-il?

Le sénateur Bryden: C'est l'avant-dernière page, avant celle portant la signature du secrétaire.

C'est là où est indiqué le calendrier 1992-1993 de la société. Et je vois qu'il devait y avoir une réunion le 14 décembre 1992, une le 24 février 1993, puis le 17 juin 1993, le 22 septembre 1993 et le 15 décembre 1993. Savez-vous si ces réunions du conseil ont eu lieu?

M. Matthews: Je pense que le calendrier des réunions a été modifié ultérieurement. En fait, je sais qu'il a été changé pour au moins une réunion, car lorsque tout cela a éclaté, je ne pense pas que nous ayons... nous avons eu peut-être notre première réunion avec M. Bronfman ou le sénateur Kolber et M. Coughlin. Je ne sais donc pas... je sais qu'il y a eu une réunion. Je crois que c'était le 16 ou le 17 décembre. Désolé, le 14.

Excusez-moi, je voulais dire janvier. Je veux parler du moment où l'entente avec Claridge a été ratifiée par le conseil, et je n'ai pas ce document ici. Je sais donc que les dates de réunion ont changé. Je ne sais pas si les autres réunions ont eu lieu, je ne me...

Le sénateur Bryden: Y a-t-il eu plusieurs réunions du conseil en 1993?

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Et pourrez-vous nous en fournir les procès-verbaux?

M. Matthews: J'arrive de Dallas, au Texas. Le...

Le sénateur Bryden: Je ne voulais pas dire aujourd'hui, mais plus tard.

M. Matthews: Je me ferai un plaisir de vous confier les dossiers que je possède à ce sujet, mais je ne suis pas l'archiviste de la société. Je vous donnerai les dossiers que je possède.

Le sénateur Bryden: À qui le greffier pourrait-il s'adresser pour obtenir cela? Serait-ce le secrétaire du conseil?

M. Kozicz: Je pense que les archives de la société, ou du moins les procès-verbaux des réunions de 1993, n'ont pu être retrouvés.

Deux ou trois boîtes d'archives de PDC ont disparu, mais je pense que l'on pourra remettre la main sur les procès-verbaux, dan la mesure où ils existent.

M. Matthews: Dans ce cas, je sais que j'en ai certains chez moi, et je vous transmettrai tous ceux que je possède.

Le sénateur Bryden: Pourrais-je vous demander quelques précisions à ce sujet? Combien de boîtes de documents manquent?

M. Kozicz: Deux ou trois.

Le sénateur Bryden: Et je crois que nous avons demandé également au conseiller de vous demander de remettre la correspondance, la correspondance pertinente entre vous-même et les - tout gestionnaire de Paxport et M. Hession ou d'autres personnes sur tout sujet pertinent du dossier qui nous occupe.

M. Matthews: Je pense avoir apporté avec moi tout ce qui est pertinent...

Le sénateur Bryden: Vous avez apporté ces documents avec vous?

M. Matthews: Non, mais ma définition de pertinent... je ne pensais pas que ce que vous demandez maintenant était pertinent. Je ne pensais pas qu'il importait que nous ayons eu une réunion ou non, et quel jour c'était. Je vais donc réunir tout cela et changer ma définition de la pertinence et vous le ferai parvenir.

Le sénateur Bryden: Ce n'est pas la date de la réunion qui pourrait importer. C'est le contenu des procès-verbaux de cette réunion qui pourrait être pertinent. Je ne sais pas.

M. Matthews: C'est bien.

Le sénateur Bryden: On vous a demandé aussi, je crois, de fournir les agendas ou les livres de rendez-vous pour la période examinée par le comité, c'est-à-dire de 1989 jusqu'à la fin octobre ou la fin décembre 1993.

M. Matthews: J'ai les calendriers de 1992 et 1993 et l'un est en fait un calendrier électronique, et je ne sais pas comment vous le remettre. Il n'imprime pas. Pour autant que je sache, c'est juste un calendrier électronique. M. Sasso est disposé à passer cela en revue avec M. Nelligan et à transmettre tout ce qui est pertinent.

M. Sasso, conseiller juridique, McMillan Binch: Sénateur, j'ai aidé M. Matthews à préparer son témoignage à ce comité. Nul n'a demandé à mon bureau de chercher ou de produire des documents. Je me fierai donc à vos questions et ferai tout le possible pour examiner ces documents et les produire.

Le sénateur Bryden: Je ne vous demande pas de faire des miracles. Je voulais simplement être sûr, car c'est peut-être la seule fois où je pourrais vous en parler.

Mais les documents et les écrits rédigés au moment des événements sont des éléments d'information très importants pour un comité d'enquête comme le nôtre. Donc, tout ce que vous pourrez faire pour nous aider à cet égard sera très utile.

M. Matthews: Il n'y a pas de problème. Avec plaisir.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, j'aimerais vous référer à un document. C'est mon onglet 1, et il est daté du 12 juillet 1990.

Ce document a été mentionné à maintes reprises ici, et je suis sûr que les sénateurs l'ont, mais s'ils ont besoin de copies supplémentaires, elles sont disponibles. C'est une note adressée à Don Matthews, Jack Matthews, Peter Gorring et Trevor Carnahoff, par Ray Hession, et elle est datée du 12 juillet 1990. Il y a un numéro en haut, Paxport 478. C'est un document qui nous a été remis par M. Hession. Le reconnaissez-vous, monsieur Matthews?

M. Matthews: Je ne me souviens pas de ce document. Mais je l'ai probablement reçu.

Le sénateur Bryden: Vous en aurez sans doute eu une copie, dans le cours normal des choses?

M. Matthews: Je suppose.

Le sénateur Bryden: Je n'ai pas l'intention - et les sénateurs diront «Dieu merci» - de passer de nouveau ce document en revue, mais si je puis, j'aimerais vous demander de vous reporter à la page 3.

M. Matthews: Voulez-vous que je... permettez-vous? Je ne sais pas si tout le monde a lu ce document; je ne l'ai pas lu dernièrement. Pourrais-je en prendre connaissance?

Le sénateur Bryden: Certainement. Nous avons tout le temps qu'il faut.

M. Nelligan: Puis-je indiquer, sénateur Bryden, que j'ai reçu aujourd'hui - et j'allais la lire pour le procès-verbal à un moment approprié - une lettre de M. Hession traitant de votre mention de cette note dans les questions que vous avez posées à M. Neville. Peut-être devrais-je...

Le sénateur Bryden: Je n'ai même pas posé de question à M. Neville.

M. Nelligan: Eh bien, il mentionne les questions que vous avez posées à M. Neville au sujet des mentions de son nom dans la note de Hession.

Le sénateur Bryden: Eh bien, ce n'était pas moi. Je faisais des choses beaucoup plus constructives à ce moment-là. Peut-être pourriez-vous lire la lettre, monsieur le conseiller.

M. Nelligan: Je devrais peut-être commencer par lire les deux premiers paragraphes, afin que vous sachiez de quoi il parle. Il écrit:

Lors de mon témoignage le 1er août... le sénateur Bryden a évoqué une note que j'ai adressée à quatre personnes, en date du 12 juillet 1990. La note parlait d'un rapport verbatim de Bill Neville dans lequel il faisait état d'un processus d'appel d'offres «efficient».

J'ai relevé que dans les questions ultérieures posées à d'autres témoins, la mention de ce processus qualifié «d'efficient» a apparemment servi pour donner à entendre qu'il y avait eu un «tour de passe-passe» ou quelque procédé pour favoriser Paxport.

Et il poursuit en expliquant ce que voulait dire la note. J'ai donc cette lettre et je voulais la porter à votre attention. Il demande que l'on verse au dossier cette explication car il estime n'avoir pas eu l'occasion de la donner pendant son témoignage.

Le sénateur LeBreton: Est-ce M. Hession qui a écrit?

Le sénateur Bryden: M. Hession a comparu deux ou trois fois ici. Pouvons-nous faire ce que nous faisons normalement, c'est-à-dire verser ces explications au dossier?

M. Nelligan: C'est très bien, je voulais simplement attirer votre attention sur le fait qu'il y a une explication sur cette note en particulier, et j'en ferai faire des copies et les verserai au dossier.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que cela provient de M. Hession?

M. Nelligan: C'est de M. Hession, adressé à moi en tant que conseiller juridique.

Le sénateur LeBreton: Oui, le sénateur Bryden était ici lorsque M. Hession a comparu.

M. Nelligan: Non, le motif de la lettre de M. Hession est qu'il se plaint de ce que ce document ait été utilisé ultérieurement à des fins qui revenaient à en donner une interprétation erronée.

M. Matthews: Pendant que je lis cela, pouvez-vous me dire de quel aspect vous aimeriez que je parle?

Le sénateur Bryden: Oui, c'est un tout petit point. Je pense que les pages sont numérotées, vous avez les copies des numéros que j'ai inscrits sur le document. À la page 3...

M. Matthews: Mais je n'ai pas de numéros de page. Page 3? D'accord.

Le sénateur Bryden: La troisième page. Et juste pour vous donner un peu le contexte, il est question de... Everson dresse la liste des problèmes... et nous savons qui était Everson et je ne reviendrai pas là-dessus. Mais au point numéro quatre, l'un des problèmes sur lesquels cette note attire votre attention sont «les fortes pressions des autres soumissionnaires potentiels, notamment des menaces de plus en plus précises de Bitove et Cogan, associés dans BAA, disant qu'ils pourraient intenter des poursuites en justice si on leur refuse une possibilité équitable de soumissionner».

Nous savons qui est BAA, ou qui c'était à l'époque. Mais qui étaient Bitove et Cogan?

M. Matthews: M. John Bitove senior et M. Edward Cogan. Je sais que les deux travaillaient pour BAA en tant que... excusez-moi, M. Cogan était employé de BAA; je pense que M. Bitove était un des associés. Je ne suis pas expert de la structure de la société. Je sais que la BAA était basée dans le bureau de Cogan à Toronto; je ne sais pas s'il sous-louait des bureaux, mais la même porte menait aux deux bureaux. Je suis donc à peu près sûr que c'est d'eux qu'il s'agit.

Le sénateur Bryden: Est-ce Edwin Cogan?

M. Matthews: Je pense que oui. Je le connais sous le nom d'Eddie ou Edward, mais peut-être se prénomme-t-il Edwin. Je n'ai pas vérifié son certificat de naissance.

Le sénateur Bryden: Ses bureaux sont à Toronto?

M. Matthews: Oui, en tout cas ils l'étaient à l'époque.

Le sénateur Bryden: Je vous demande pardon?

M. Matthews: Ils l'étaient certainement à l'époque. Aujourd'hui, je ne sais pas.

Le sénateur Bryden: Oui, d'accord. J'ai une autre question à ce sujet. À votre connaissance, avez-vous jamais été poursuivi... c'est-à-dire Paxport ou le groupe Matthews a-t-il jamais été poursuivi soit par Bitove, soit par Cogan, soit par les deux?

M. Matthews: Non, je ne pense pas... à moins qu'il s'agisse de quelque chose de mineur, sous le nom d'une compagnie numérotée dont je n'ai jamais entendu parler, mais je ne pense pas.

Le sénateur Bryden: Et que faisait Bitove?

M. Matthews: M. Bitove s'occupe principalement de restauration. Il exploitait et exploite encore, je crois, les concessions de restauration dans les trois aérogares. Il a également des concessions de restauration au Sky Dome de Toronto. Il a d'autres entreprises encore, j'en suis sûr.

Le sénateur Bryden: Et de quel genre d'affaires s'occupe Edwin Cogan?

M. Matthews: Principalement d'immobilier... il vaudrait mieux lui poser la question directement, mais il s'occupe d'immobilier, tantôt comme courtier, tantôt comme promoteur, je pense.

Le sénateur Bryden: Je vous remercie. Ce sont toutes les précisions que je voulais obtenir.

M. Matthews: Si vous cherchez des éclaircissements, mon impression est que ce n'est pas Paxport qu'il menaçait de poursuivre. Ce n'est pas mon impression, en lisant cela. Mais je ne sais pas si cela est pertinent ou non.

Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, ils ne vous ont pas poursuivi, à votre connaissance.

Je vous renvoie maintenant à un document qui est mon onglet 2. Encore une fois... et je ne vais pas passer en revue toute cette pile.

Le sénateur Tkachuk: Vous pouvez si vous voulez, si vous pouvez le faire en une demi-heure.

Le sénateur Bryden: Je peux poursuivre lors d'un deuxième tour. Ce document est un compte rendu d'une réunion qui a eu lieu le 4 mars... désolé, le 3 mars; le compte rendu est daté du 4 mars... entre des représentants de Transports Canada et Paxport. C'était après le choix de Paxport comme meilleur soumissionnaire global et même après, je pense, la lettre d'entente avec Claridge du 15 janvier. Et je voulais attirer votre attention... souhaitez-vous prendre un peu de temps pour lire car je vais...

M. Matthews: Eh bien, si vous voulez poser la question, je pourrais lire le document en connaissance de cause, et ce sera peut-être un peu plus rapide. Je vais donc écouter votre question, et lire ensuite.

Le sénateur Bryden: Deux des participants à cette réunion étaient présents ici: M. Kozicz et M. Matthews. Et Ray Hession y était également. Peu m'importe de savoir qui jouait le premier rôle, qui étaient les bons et qui étaient les méchants, comme il en est question ici, mais je veux attirer votre attention sur les deux derniers paragraphes de la première page, qui disent:

Hession a remis au SM...

Je suppose qu'il s'agit de la sous-ministre...

...une lettre à signer (SM à PAXPORT) disant que les fonctionnaires de TC avaient ordre d'ouvrir des discussions le 4 mars.

À quoi la SM aurait répondu:

La SM a rejeté la lettre et dit qu'elle n'aurait jamais cru voir le jour où Hession serait son adjoint exécutif!! Aussi que TC n'allait pas «se mettre à plat ventre», que PAXPORT devrait parler à Deloitte Touche le vendredi...

Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé à cette réunion, l'un ou l'autre ou les deux d'entre vous?

M. Matthews: Donnez-moi juste encore une minute. Absolument, je me souviens de la réunion et je me souviens qu'à un moment de forte tension il y a eu un peu d'humour et la sous-ministre a utilisé des termes semblables. Je pense qu'elle plaisantait, tout en étant sérieuse en même temps. Elle essayait de... En gros, je pense que Ray a dit un certain nombre de choses très justes en termes très sentis et elle a probablement jugé... à mon avis, elle trouvait probablement qu'il y était allé un peu fort et elle a réagi. C'est ce que je suppose. Mais il ne faut pas oublier que nous ressentions beaucoup de frustration à l'époque. Vous savez, cela faisait trois mois, presque trois mois après que nous ayons censément été choisis, après la lettre du 7 décembre, et la partie gouvernementale ne bougeait pratiquement pas et c'était très frustrant.

Le sénateur Bryden: Mais je suppose que M. Hession était très sérieux lorsqu'il a présenté cette lettre en disant: «Signez et donnez ces ordres à vos gens».

M. Matthews: Je me souviens lui avoir parlé avant la réunion. Il pensait qu'il n'y avait que peu de chances qu'elle signe la lettre, si je me souviens bien, mais pensait qu'elle comprendrait ainsi le message. Elle comprendrait exactement ce qu'il voulait parce que c'était par écrit. Tout était présenté noir sur blanc. Il n'y avait ainsi aucune erreur possible sur le message que nous voulions transmettre. Nous étions frustrés.

Le sénateur Bryden: Je ne veux pas vraiment pousser cela trop loin, mais n'est-il pas inhabituel que le président d'une société privée soumissionnaire considère qu'il y ait même une petite chance qu'un sous-ministre signe une lettre qu'il a lui-même rédigée ordonnant aux fonctionnaires de faire quelque chose?

M. Matthews: Je ne pense pas que ce soit inhabituel en affaires et... je ne sais pas vraiment ce qui est habituel ou inhabituel dans l'administration gouvernementale, mais dans le secteur privé si vous discutez avec quelqu'un et que vous ne parvenez pas à vous entendre, vous le mettez par écrit, vous le donnez à la personne en disant: «Si vous pouvez signer cela, nous pouvons poursuivre». Je ne pense pas que ce soit inhabituel du tout. C'est peut-être inhabituel dans les milieux gouvernementaux, je n'en sais rien. Mais je ne l'ai pas découragé de procéder ainsi, et nous étions frustrés.

Le sénateur Bryden: Je sais. Nous-mêmes sommes frustrés dans notre tåche, en essayant de nous y retrouver dans tout cela.

Je vous renvoie maintenant à un autre document, mon onglet numéro 3. Et je le porte à votre attention, monsieur Matthews, parce que j'en avais déjà parlé à votre père lorsqu'il était là et qu'il m'a répondu: «Vous devriez demander à Jack».

Il s'agit d'un compte rendu d'une réunion dont le sujet était une réunion entre les Bronfman et les Matthews, et il émane de David Broadbent et est adressé à Glen Shortliffe. Au deuxième paragraphe, on lit: «J'ai pris rendez-vous pour dîner avec Jack Matthews ce soir».

M. Matthews: Êtes-vous en train de lire le paragraphe effacé?

Le sénateur Bryden: J'espère que non.

Le sénateur Jessiman: Vous avez dit le deuxième.

Le sénateur LeBreton: Vous avez dit le deuxième.

Le sénateur Jessiman: Si c'est le deuxième, il est effacé.

Le sénateur Bryden: Non, non, non. Vous avez commencé par le mauvais. Je commence toujours mes documents au début, sénateur Jessiman.

Le sénateur Jessiman: Ils sont numérotés; ils sont numérotés. Est-ce le numéro deux ou bien autre chose?

Le sénateur Bryden: Non, j'ai dit «le paragraphe deux» et de la façon dont j'ai appris cela à l'école, le premier paragraphe commence par «Étant donné», et le deuxième paragraphe dit «J'ai pris rendez-vous...»

Le sénateur Jessiman: Bien. Les autres sont numérotés.

Le sénateur Bryden: C'est très difficile avec vous, les gens de l'Ouest. Quoi qu'il en soit, je ne veux pas trop m'attarder là-dessus, mais la question est celle-ci. Si on lit ce compte rendu, il apparaît que M. Broadbent craignait beaucoup qu'il y ait des explosions ou quelque chose du genre, entre le groupe Matthews et les Bronfman. C'est pourquoi, à la dernière phrase de la note elle-même, de la note complète, il dit:

Nous allons également vous remettre avant la réunion demain notre meilleure estimation de l'endroit où sont situées les mines et lesquelles sont armées.

Je vous demande donc: avez-vous dîné ce soir-là avec M. David Broadbent?

M. Matthews: J'ai dîné avec M. Broadbent au début, lorsqu'il est arrivé sur le dossier. J'imagine que c'est de celui-ci qu'il parle. Nous n'avons dîné qu'une fois ensemble, au moment où il cherchait à me sonder, dès le départ, sur l'état de la situation, sur le déroulement du processus.

Le sénateur Bryden: Et des conclusions ont-elles été tirées de cette réunion?

M. Matthews: Comment aurait-il pu y avoir des conclusions? C'était juste un dîner, sans ordre du jour, dans ma perspective. J'imagine que, selon sa perspective, j'avais tort. Je n'en suis certainement pas reparti avec des conclusions, autres que je pensais avoir rencontré un monsieur très sérieux, très compétent qui posait des questions très directes et compétentes.

Le sénateur Bryden: Pouvez-vous nous dire ce qui a été dit à ce sujet?

M. Matthews: Je ne me souviens pas. Il a dû aborder très délicatement la question des Bronfman. Je ne me souviens de rien de particulier à ce sujet. Cela a été une réunion tout à fait ordinaire. J'ai sans doute évoqué toutes les frustrations accumulées jusqu'à présent. À ce moment-là, dans mon esprit, il ne pouvait y avoir le champ de mines qui est évoqué ici, s'il s'agit bien des relations entre les Bronfman et les Matthews ou Paxport.

Dans mon esprit, à l'époque, nous cherchions ensemble à faire avancer les choses. J'en étais là. Je ne peux rien vous dire de plus précis. C'était une bonne réunion, dans l'ensemble.

Le sénateur Bryden: C'est bien. Je sais que cela remonte à pas mal de temps, mais c'était une note assez surprenante et je me demandais ce qui avait été dit au cours de la réunion.

M. Kozicz: Sénateur, je peux peut-être ajouter une précision. Je pense que je champ de mines dont il est question ici apparaît dans l'un de trois paragraphes, dont le deuxième est effacé, bien entendu. Le premier parle des modifications à apporter à l'échéancier de la proposition Paxport pour accélérer la création d'emplois et les dépenses d'immobilisation, plus vite que ce qui était envisagé dans la proposition de Paxport.

Le troisième paragraphe parle de ce que l'on a appelé le «sandwich Air Canada». Personnellement, ce que je trouve un peu déplorable, c'est que David Broadbent écrit ceci le 18 mars et que nous avons dû attendre jusqu'au 16 juin pour que cette note, les principes directeurs, soit portée à notre connaissance. Je pense donc que le gouvernement savait que les principes directeurs étaient un champ de mines potentiel et que leur négociateur le savait dès mars 1993.

Le sénateur Bryden: Monsieur Matthews, si vous en avez fini avec cette note, moi aussi.

M. Matthews: J'essaie simplement de comprendre ce que mon partenaire ici raconte.

Le sénateur Jessiman: Et le principe directeur.

M. Matthews: Y a-t-il moyen de... est-ce que le paragraphe effacé ne peut pas être... Est-ce qu'il est définitivement illisible?

Le sénateur Bryden: Nous avons un certain nombre d'experts sur les paragraphes effacés ici et, croyez-moi, il vaut mieux ne pas s'en mêler.

M. Matthews: Juste pour essayer de vous donner la meilleure réponse possible, j'essaie de...

Le sénateur Lynch-Staunton: Il est un peu injuste de poser des questions sur des documents incomplets. Je ne vous accuse pas, il est simplement regrettable que nous n'ayons rien de mieux sur quoi nous baser.

Le sénateur Kirby: Vous ne savez pas non plus ce qui est écrit là-dessous.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, personne ne sait.

M. Matthews: Pourriez-vous me donner un peu plus de temps? J'aimerais en dire un peu plus.

Le sénateur Bryden: Absolument.

M. Matthews: Ceci est en fait... le sandwich Air Canada est une situation très grave dans ce contrat, si l'on veut comprendre exactement ce qui s'est passé dans les négociations et je veux m'assurer... ceci est en fait la première indication que j'ai que Broadbent ait été au courant. Et je ne suis toujours pas certain qu'il l'était, c'est pourquoi j'aimerais lire ce qui est caché.

M. Matthews: En lisant cela, il me semble que Peter Kozicz a raison, qu'il s'agit de calmer Air Canada après la rénovation partielle du terminal 2 - et dans la pratique c'est ce que l'on appelle les principes directeurs. Ce que je ne sais pas, c'est dans quelle mesure David Broadbent était au courant. Je pense qu'il demandait des avis juridiques, à l'époque, pour déterminer la gravité de cette situation. Mais c'est intéressant de ce point de vue.

Le sénateur Bryden: Quoi qu'il en soit, vous avez fait de votre mieux. Cela découlait d'un témoignage antérieur et je voulais simplement savoir si vous vous souveniez d'autre chose.

Le sénateur Bryden: Je vais passer à un autre document, mon numéro quatre. Encore une fois, il ne s'agit pas d'entrer dans les détails du document, mais uniquement... il s'agit de la lettre du 6 avril 1994 intéressant le contrat de Fred Doucet. Je ne vous demande pas si ce contrat a bien été signé ou non - nous avons toutes sortes de preuves à ce sujet et ce n'est pas de cela que je veux parler. Est-il exact que la moitié ou une partie importante du montant prévu dans ce contrat devait être versée à une autre société qui devait seconder le Government Business Consulting Group, ainsi que M. Doucet nous l'a affirmé?

M. Matthews: Lorsque je réponds à vos questions j'essaie de me souvenir de tout ce que j'ai entendu, et non seulement de tenir compte de ce que M. Doucet a déclaré dans son témoignage. Je fais donc une synthèse de toutes mes autres connaissances.

À ma connaissance... et encore une fois, je ne suis pas sûr, il s'agissait peut-être d'un contrat différent... mais M. Doucet possédait également une société à Washington qui était habilitée à travailler sur le contrat Paxport, en sus d'une autre société à Toronto, et M. Doucet m'a dit un jour qu'il touchait nettement moins de 50 p. 100. Je ne sais pas si cela signifie 48 ou 35, et peu m'importait car il faisait son travail; il faisait appel aux gens qu'il fallait pour cela.

Le sénateur Bryden: Vous vous y connaissez bien en matière de sous-traitance. Lorsqu'on signe un contrat pour 2 millions de dollars, on en sous-traite une bonne partie.

M. Matthews: Absolument.

Le sénateur Bryden: Il n'est donc pas inhabituel qu'une partie des honoraires aille dans la poche de quelqu'un d'autre. Je ne conteste pas cela. La raison pour laquelle je pose la question c'est que j'essaie de créer une piste de documentation, car je veux...

M. Matthews: Eh bien, ce que je devrais peut-être faire... si vous essayez de constituer une piste de documentation, je vais peut-être passer un peu de temps pour lire cela et essayer de comprendre. Je ne pense pas avoir encore parlé de cette lettre. J'ai seulement parlé...

Le sénateur Bryden: Non, je ne vous demande pas de parler de la lettre. Je vous demandais ceci: j'ai l'impression, et c'est ce qu'a dit M. Doucet dans son témoignage ici, qu'une partie des 2 millions de dollars qu'il devait toucher - peu importe si c'était 30 p. 100 ou 50 p. 100 - serait reversée à des sous-traitants.

M. Matthews: Je ne suis pas du tout au courant d'un versement de 2 millions de dollars. Je me souviens que l'on en a parlé, mais je pensais que cela avait été entièrement démenti. Mais je me trompe peut-être, si vous continuez à le croire. Mais je ne suis informé d'aucun paiement de 2 millions de dollars à M. Doucet.

Le sénateur Bryden: Croyez-moi, je n'essaie pas de vous faire dire des choses qui pourraient vous nuire dans vos procès. Mais la mention ici...

M. Matthews: Vous savez peut-être quelque chose que j'ignore. Je n'ai pas d'empêchement juridique ici, je ne pense pas.

Le sénateur Bryden: Je vous demande pardon?

M. Matthews: Je n'ai pas de difficultés juridiques à cet égard.

Le sénateur Bryden: Oh, je ne voulais pas du tout placer des mots dans votre bouche. Si je puis juste vous lire, puisqu'il semble y avoir...

M. Matthews: Pourrions-nous peut-être revenir un peu en arrière, sur ce que vous avez dit d'un problème juridique, que vous ne vouliez pas que je me prononce sur une question juridique. Je n'y comprends pas grand-chose et je ne vois absolument pas de quoi vous parlez.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi ne lui montrez-vous pas le contrat ou les deux contrats?

Le sénateur Bryden: Les contrats sont au dossier. Si j'ai évoqué un problème juridique, c'est que je voulais éviter d'aborder un procès actuellement en cours et ne pas vous interroger là-dessus. C'était la seule raison.

M. Matthews: Très bien.

Le sénateur Bryden: Ça va? Je n'ai pas le contrat sous les yeux, mais la référence figure dans la transcription.

M. Matthews: L'explication est satisfaisante. C'est bien.

Le sénateur Bryden: Passons ensuite à la transcription du témoignage de M. Doucet. C'est dans le procès-verbal du jeudi 24 août. Le texte de ce passage est-il prêt à distribuer? C'est le numéro cinq. Je ne fais que reproduire les pages voulues.

Le sénateur Jessiman: Très bien.

Le sénateur Bryden: Croyez-moi, je ne cherche pas du tout à tendre un piège à quiconque. J'essaie simplement de comprendre.

M. Matthews: Je n'ai pas encore vu de piège, et si j'en vois un, je vous le dirai.

Le sénateur Bryden: Je n'ai pas réussi pendant trois mois, et je ne vois pas pourquoi j'y parviendrais maintenant.

M. Matthews: Désolé, d'où provient ce document?

Le sénateur Bryden: Le document que vous avez fait deux pages, je pense, et il est tiré des procès-verbaux du comité...

M. Matthews: J'ai les deux pages.

Le sénateur Bryden: ...la transcription. C'est le témoignage de M. Doucet et c'est la raison pour laquelle je vous ai demandé qui est M. Cogan. M. Doucet, qui était employé par vous à un moment donné, dit dans son témoignage, si vous regardez tout au bas de la page...

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: ...page 1230-2:

J'ai commencé à m'occuper du projet de l'Aéroport international Pearson en tant que tel avec British Airport Authority/Canadian Airports Limited.

En mars 1990, nous...

Je suppose qu'il parle de sa société.

...avons été embauchés par M. Edwin Cogan, promoteur international de premier plan.

S'agirait-il du même M. Cogan dont il a été question dans la note que nous avons vue tout à l'heure?

M. Matthews: Je pense que oui.

Le sénateur Bryden: Le même, donc. J'aimerais vous renvoyer à une autre page.

La deuxième page que vous avez est numérotée 1230-5. Si vous regardez les deux derniers paragraphes, ce que M. Doucet a dit dans sa déclaration, je pense... j'essaie d'abréger un peu, mais sans déformer le sens de ses paroles:

Si on les prend en bloc, ces deux contrats consistaient pour moitié en des services de consultation à effectuer à l'extérieur du Canada et pour moitié à l'intérieur du Canada. Le contrat Paxport Incorporated était avant tout prévu pour donner des conseils sur les possibilités qui allaient s'offrir dans d'autres aéroports canadiens au fur et à mesure que le programme de transfert des administrations aéroportuaires progresserait pendant les dix années suivantes. Sur le plan international, comme l'indique le titre «international» de Paxport International, il s'agissait d'aider à créer des marchés internationaux...

Le paragraphe suivant - et c'est celui sur lequel j'essaie d'obtenir quelques éclaircissements...

Pour fournir les services prévus dans ces deux contrats, notre entreprise était prête à recourir à une entreprise extérieure, Sagegate Incorporated, dont elle ne tirait aucun profit et dont elle n'était pas propriétaire, et de payer 50 p. 100 de ses honoraires à ladite entreprise. Les directeurs de Sagegate ont joué un rôle essentiel pour le réaménagement de l'Aéroport international de Pittsburgh ainsi que pour d'autres projets d'aménagement internationaux.

Et il continue avec: «De plus».

Eh bien, j'ai du mal à voir qui est Sagegate. Avez-vous jamais - saviez-vous que Sagegate avait quelque compétence dans ce domaine?

M. Matthews: Oui, mais je ne savais pas que... si je vous suis bien, vous voulez savoir quels étaient les rapports avec Paxport International.

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: En gros, j'avais donné instruction à la société de M. Doucet, ici à Ottawa, d'aller prospecter le monde - tout comme Ray Hession l'a fait à maintes reprises - pour découvrir des occasions sur lesquelles nous puissions nous concentrer. Pour cela, il lui fallait des gens pour aller prospecter. J'étais très occupé, moi-même, à l'époque où il faisait cela. J'avais quantité de choses en train. Son rôle était donc de mettre cela sur pied. Il travaillait pour moi, à titre de consultant.

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: Je sais que M. Cogan a pris part au projet de l'aéroport Pittsburgh, avec BAA, je pense, et a travaillé pour d'autres aéroports... je ne peux vous réciter tout son CV. Et la société à Washington, m'a-t-on dit, après que M. Eisenstatt... j'ai lu le témoignage et je ne sais plus très bien qui il est, mais il a l'air d'une personne terriblement compétente, bien que je ne l'aie jamais rencontré. Mais le rôle de M. Doucet était d'organiser tout cela et de le coordonner avec Paxport International.

Le sénateur Bryden: Je vous remercie. Ce sont des précisions utiles. J'aimerais vous soumettre un dernier document, et j'en aurai fini. Pour essayer de déterminer qui était Sagegate - c'est un nom qui sonne bien - j'ai fait effectuer une recherche dans le registre des sociétés. Le document qui est actuellement distribué est le document six. Si je lis bien, il indique que Sagegate Corporation a été formé le 29 décembre 1992. Si vous regardez la liste des administrateurs, l'un des deux membres du conseil de Sagegate est Edwin Cogan. Vous nous avez dit que vous étiez au courant.

M. Matthews: Je ne sais pas. Soyons clairs. Je ne le savais pas jusqu'à ce que je lise le témoignage de M. Doucet au sujet de Sagegate. Mais que M. Cogan en fasse partie, cela ne me surprend pas, cela colle bien. Il s'y connaît en aéroports.

Le sénateur Bryden: Oh, il s'y connaissait en aéroports. Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Le sénateur Tkachuk: Je remercie le témoin d'être venu. J'ai une série de questions. Certaines portent sur quelques-unes des allégations contenues dans le rapport Nixon et d'autres résultent des témoignages. Vous êtes devenu président de Paxport aux alentours du 15 décembre, n'est-ce pas?

M. Matthews: Non, on m'a nommé directeur général de Paxport - c'est une estimation - vers la fin novembre. C'était peut-être même avant, mais je n'ai pas joué immédiatement de rôle particulier. Il n'y avait pas grand-chose à faire jusqu'à l'annonce. C'était donc sous la réserve que...

Le sénateur Tkachuk: En 1992?

M. Matthews: J'allais... c'est juste; c'est juste.

Le sénateur Tkachuk: M. Shortliffe, dans une note de service que le sénateur Bryden a déposée, en date du 27 août 1993 et portant le numéro 002087, adressée au premier ministre, écrit: «L'un des propriétaires de Paxport Inc. est le groupe Matthews dont le dirigeant, Jack Matthews, est un responsable de haut rang du Parti conservateur». Vous considérez-vous comme un «responsable de haut rang du Parti conservateur»?

M. Matthews: Je ne sais pas. Si je le suis, beaucoup d'autres que moi sont sans doute très heureux. Mais non. Absolument pas est la meilleure réponse que je puisse vous donner.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous jamais eu un rôle dirigeant dans une organisation conservatrice?

M. Matthews: Lorsque j'avais 15 ans environ, j'étais président des jeunes Progressistes-conservateurs à London, en Ontario, pour l'une des circonscriptions, et je n'ai pas fait long feu dans ce poste. C'était environ un an ou deux.

Le sénateur Tkachuk: Ce qui pouvait faire que l'on vous décrive comme un responsable de haut rang du parti après l'élection de 1993, mais certainement pas auparavant. Je me demandais si M. Shortliffe savait quelque chose que j'ignorais.

Le sénateur Bryden: Sénateur, juste un mot là-dessus. Je pense que cette note - et cela confirme ce que le témoin a dit - indique bien «responsable de haut rang» mais on a rajouté à la main «fils de Don»?

Le sénateur Tkachuk: Oui, mais je...

Le sénateur Bryden: Non. Je ne fais que confirmer.

Le sénateur Tkachuk: Oui. Il voulait peut-être dire qu'il était fils d'un responsable de haut rang du parti. Je ne sais pas.

Mais toutes ces accusations de favoritisme politique ayant présidé au choix du gagnant, annoncé le 7 décembre, alors que d'après toutes les preuves que nous possédons, votre société, Paxport, avait la meilleure proposition globale. Mais selon un témoignage antérieur, et je ne sais plus qui ni quand, je vais poser une question pour le vérifier.

Est-ce que si le gouvernement, le 15 décembre, avait signé la proposition que vous avez soumise, cela aurait-il valu contrat? Y aurait-il eu alors contrat entre le gouvernement du Canada et Paxport, sur la base des conditions que vous avez présentées dans votre proposition?

M. Matthews: La réponse à votre question est «oui». De façon générale, l'offre n'aurait pas été conforme si elle n'avait pas été prête pour la signature. C'était une offre ferme faite au gouvernement du Canada. Donc, essentiellement, si le gouvernement avait dit: «Nous avons examiné votre proposition, nous l'acceptons telle quelle et nous la signons», cela aurait été un accord ferme.

Le sénateur Tkachuk: Et avec la DDP - et rectifiez si je me trompe - lorsque vous avez présenté la DDP, vous deviez déposer une caution de 1 million de dollars. Est-ce exact?

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Bien. Et le restant des fonds promis au moment de la signature?

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Si donc la signature avait eu lieu le 15 décembre, ce qui aurait été possible... si le gouvernement avait signé le 15 décembre, si l'affaire avait été conclue le 15 décembre ou à quelque date prédéterminée... en 1992, auriez-vous pu mettre sur la table les 61 millions de dollars requis pour finaliser le contrat?

M. Matthews: Absolument; oui. Je pense que tous les associés qui devaient fournir les capitaux pour conclure cette affaire avaient signé la soumission - tous étaient prêts à se lancer. Nous étions prêts à dire: «Le gouvernement accepte notre offre, c'est une chose faite». Nous étions totalement engagés. Donc, oui, nous étions prêts à nous lancer. Je ne pense pas que le gouvernement aurait voulu finaliser le 15 décembre, mais sans doute au plus tôt... Dans toute transaction immobilière, la clôture intervient une trentaine de jours après la signature, mais nous étions prêts, pour notre part.

Le sénateur Tkachuk: Bien. L'une des raisons pour lesquelles nous sommes ici, l'une des principales raisons pour lesquelles nous sommes ici, est la politique. Vous savez, le gouvernement voulait faire une faveur à votre père. Du moins, c'est ce que prétend M. Nixon.

M. Matthews: Cela semble être ce que M. Nixon a dit. Mais je n'en ai vu aucune indication pendant toutes les négociations.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque je veux établir quelque chose, je raisonne parfois par l'absurde. Vous allez donc devoir m'excuser pour ce que je vais dire. Si le gouvernement avait voulu favoriser votre père, il aurait pu signer le contrat le 15, avec entrée en vigueur le 15 janvier 1993.

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Il n'y avait pas à l'époque de grosse tempête politique au sujet de ce contrat. Pas que je me souvienne, ou pas dont je puisse retrouver trace dans les journaux.

M. Matthews: Je suis persuadé que si le gouvernement avait signé l'offre, bien que n'étant pas aussi avantageuse que celle qui a fini par être négociée avec le gouvernement, cela aurait néanmoins été une très bonne affaire pour le gouvernement, tout comme pour nous-mêmes. C'est cela qu'il faut bien comprendre: déjà à cette époque, c'était une bonne affaire pour le gouvernement.

Nous étions en concurrence avec d'autres soumissionnaires. Nous offrions au gouvernement la meilleure affaire que nous pouvions concevoir, lui donnant tout ce qui était possible à l'époque, tout en étant financièrement responsables envers nous-mêmes. Donc, oui, l'affaire aurait pu être signée alors.

Le sénateur Tkachuk: Et combien de fonctionnaires - je vais accélérer un peu - ont fini par figurer dans l'équipe de négociation du côté gouvernemental?

M. Matthews: Dans mon estimation, pour Transports Canada et les autres ministères, une cinquantaine.

Le sénateur Tkachuk: Une cinquantaine?

M. Matthews: C'est mon estimation.

Le sénateur Tkachuk: Donc, ce gouvernement qui voulait favoriser votre père, a décidé: «Eh bien, la façon dont nous allons favoriser M. Matthews, Don Matthews, je pense... aidons-le réellement beaucoup. Ne signons pas le contrat. Au lieu de cela»... comme certains des sénateurs d'en face l'ont dit, «au lieu de cela, voyons voir, mêlons-y Claridge. Cela prendra un moment. Ensuite, parlons-en à 50 bureaucrates et à un paquet de consultants et faisons-les négocier pendant dix mois. Et c'est ainsi que nous allons aider votre père».

M. Matthews: Avec des amis comme cela?

Le sénateur Tkachuk: Et je sais qu'il a plein de frais généraux là-bas, chez Paxport, avec tout ce personnel et ces avocats et ces consultants et tous ces employés qu'il a embauchés chez Paxport, n'est-ce pas?

M. Matthews: À ce stade, nous avions toute une équipe en place car on aurait pu nous demander, comme vous l'avez dit, de prendre en charge l'aéroport à n'importe quel moment.

Le sénateur Tkachuk: Justement.

M. Matthews: Nous devions donc être prêts. Nous maintenions donc notre état de préparation, mettons les choses ainsi. Si j'avais su combien de temps le processus allait durer, j'aurais agi différemment. Ce n'était pas financièrement très responsable de ma part. Mais, savez-vous, c'est facile à dire rétrospectivement.

Le sénateur Tkachuk: Donc, au lieu de cela, le gouvernement du Canada, qui essayait de favoriser votre père, a créé toute cette situation consistant à négocier pendant tout l'été, avec 50 fonctionnaires accrochés à vos basques et vous accaparant, avec des discussions et des dîners; et pendant tout ce temps, vous-même avez des confrontations, vous fusionnez avec Claridge et vous perdez de l'argent à tout va. Ils vous ont vraiment beaucoup aidé.

M. Matthews: Je suppose. Dans un certain sens, ce que vous dites est drôle et dans un autre, c'est...

Le sénateur Tkachuk: C'est triste.

M. Matthews: Oui, très triste.

Le sénateur Tkachuk: Le processus politique a été intéressant et on en a beaucoup parlé ici. Avez-vous jamais rencontré le premier ministre, Brian Mulroney, l'ancien premier ministre?

M. Matthews: Je l'ai vu à des dîners. Je me suis trouvé dans des files d'attente pour lui serrer la main. J'ai été au 24 Sussex une fois, en compagnie de 350 ou 400 autres amis proches.

Le sénateur Tkachuk: L'une de ces soirées dans une tente dont on a parlé.

Le sénateur Jessiman: Intimes!

Le sénateur Tkachuk: Des rencontres intimes dans une tente.

M. Matthews: Oui, c'était effectivement dans une tente.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous jamais eu un entretien privé avec lui, Brian Mulroney?

M. Matthews: Non.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez donc rencontré deux premiers ministres?

M. Matthews: Oui. J'ai effectivement rencontré également M. Diefenbaker, lorsque j'étais enfant.

Le sénateur Tkachuk: Oh, cela fait trois! Vous avez également fait beaucoup de politique, pour Paxport, avant la DDP elle-même. Vous rencontriez des gens, nous a dit M. Hession, vous rencontriez tout le monde?

M. Matthews: Ce n'était pas seulement des personnalités politiques, mais aussi des gens d'affaires, des dirigeants d'entreprises, des dirigeants politiques, des gens qui portaient un intérêt à l'aéroport Pearson. Je veux parler des clients, des usagers, d'Air Canada, des autres compagnies aériennes. Nous avons parlé à autant de gens que nos le pouvions, car nous voulions bien cerner tous les problèmes. Nous voulions régler un aussi grand nombre de problèmes que possible et, pour cela, il faut comprendre la situation. Donc, nos entretiens avec toutes ces personnes visaient à cerner les problèmes et ensuite à élaborer des solutions au fur et à mesure. Voilà quel était le processus. Je pense que c'était une bonne méthode.

Le sénateur Tkachuk: Vous demandiez également des conseils à ces personnes.

M. Matthews: Nous avons voulu écouter tous ceux qui éprouvaient des problèmes avec la façon dont Pearson était géré ou conçu, ou la façon dont ils l'utilisaient. Nous avons parlé aux expéditeurs de fret. Je me souviens d'une séance de breffage que j'ai eue chez Northern Telecom où ils m'ont parlé des heures gaspillées par leurs employés parce que Pearson fonctionnait mal - et c'était un nombre important pour une seule société - et sa décision de rester et travailler à Mississauga. C'est le genre de facteur qui influe sur le choix des implantations. C'est un facteur qui joue pour un grand nombre d'entreprises.

Le sénateur Tkachuk: Votre père, dans son témoignage, lorsqu'il a parlé de sa quête du soutien de la collectivité et des personnalités politiques, a mentionné une réunion que vous avez eue avec M. LaBarge et M. Chrétien. Quand cette réunion a-t-elle eu lieu?

M. Matthews: Juste avant qu'il annonce sa candidature à la direction du Parti libéral. Je n'ai pas mes agendas de l'époque, mon calendrier, mais je pense que c'était en décembre ou janvier 1990. Je ne puis être plus précis.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, j'aimerais intervenir ici, car si nous allons entamer de nouveau cette discussion que vous avez déclarée irrecevable, et si vous êtes revenu sur cette décision, je tiens à répéter ce que j'ai déjà dit auparavant, à savoir que M. LaBarge est ici. Il est disposé...

Le sénateur Lynch-Staunton: Rappel au Règlement, monsieur le président. Pourrions-nous écouter ce que le témoin a à dire avant de protester?

Le sénateur Bryden: Je tiens simplement à voir figurer au procès-verbal que si...

Le sénateur Lynch-Staunton: Je pense que vous protestez trop. Il n'a encore rien dit. Ayez la courtoisie de l'écouter un moment.

Le sénateur Bryden: Je veux simplement répéter que si l'on commence à parler de cette rencontre, de la date où elle a eu lieu et de ce qui a été dit, nous allons demander que M. LaBarge puisse...

Le président: Sénateur Bryden...

Le sénateur Bryden: ...il est ici, et nous demandons qu'il lui soit permis de prêter serment et de témoigner.

Le président: Sénateur Bryden...

Le sénateur Tkachuk: J'ai simplement demandé s'il y avait eu une réunion, c'est tout.

Le président: Je veux voir la tournure que prennent les questions, c'est tout.

Le sénateur Bryden: D'accord. Je veux simplement vous avertir.

Le président: Vous n'avez pas d'avertissement à me donner.

Le sénateur Tkachuk: Oui. Et, monsieur le président, il m'a toujours semblé que le sénateur Bryden vous a présenté cette demande à vous et à notre conseiller juridique, et qu'aucun refus ne lui a été opposé. Donc, pour autant que je sache, il a peut-être déjà été invité. Voyez-vous ce que je veux dire?

Le sénateur Lynch-Staunton: Et le sénateur Bryden a voté en faveur de la décision d'irrecevabilité, ce qui signifie qu'il ne souhaitait pas que M. LaBarge témoigne. Je ne vois donc pas où il veut en venir.

Le président: Sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: Donc, cet entretien a eu lieu - il a coupé le fil de mes pensées - en janvier 1990? Il a annoncé sa candidature, je pense, vers la fin janvier.

Le sénateur LeBreton: Le 23 janvier.

Le sénateur Tkachuk: Marjory LeBreton connaît toutes les dates.

Le sénateur LeBreton: Je les ai vérifiées.

M. Matthews: C'était en décembre 1989, janvier 1990. C'est le mieux que je puisse dire, même après m'être rafraîchi la mémoire auprès de M. LaBarge.

Le sénateur Tkachuk: Où l'entretien a-t-il eu lieu?

M. Matthews: À Ottawa... je ne suis plus sûr du bureau. Je pense que c'était son bureau.

Le sénateur Tkachuk: Le bureau de M. LaBarge?

M. Matthews: Je pense que c'était le bureau de M. Chrétien.

Le sénateur Tkachuk: Le même cabinet juridique?

M. Matthews: Je pense que oui.

Le sénateur Tkachuk: Qui a organisé la rencontre?

M. Matthews: M. LaBarge, Paul LaBarge.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi aurait-il fait cela?

M. Matthews: Eh bien, M. Chrétien faisait partie du même cabinet. Il était notoire, à l'époque, que M. Chrétien serait candidat, mais pendant tout le temps où j'ai connu M. LaBarge, M. Chrétien était toujours disponible en ce sens que Paul me disait à l'occasion: «Voulez-vous rencontrer M. Chrétien? Il est dans le cabinet», ou quelque chose du genre. Mais je n'avais réellement aucune raison de vouloir le rencontrer jusqu'alors. Je ne sais plus si on m'avait offert de le rencontrer deux fois ou trois fois avant cela, mais je savais que j'avais la possibilité de le rencontrer si cela pouvait être utile. Mais jusqu'alors la nécessité ne s'en était pas fait sentir, à mon sens.

Le sénateur Tkachuk: Pour que les choses soient bien claires, M. LaBarge, à l'époque, était l'avocat de qui? De vous? De votre société?

M. Matthews: Du groupe Matthews et de l'embryon de Paxport, disons, car je ne me souviens plus exactement de la date à laquelle nous avons trouvé le nom «Paxport». Je pense que c'était pendant l'été 1990, mais je n'en suis pas sûr à 100 p. 100.

Le sénateur Tkachuk: Combien de temps a duré l'entretien?

M. Matthews: Environ une heure, une heure et demie.

Le sénateur Tkachuk: Et vous avec donc discuté de votre projet concernant l'aménagement des aérogares de Pearson?

M. Matthews: Oui. Non pas de la DDP qui a été lancée, mais au moment où je l'ai rencontré, nous étions peut-être entre deux propositions... et il faudrait que je vérifie, car je n'ai pas la date exacte, mais pendant l'été, l'automne 1989 et au début de l'année suivante, nous étions en pourparlers avec Air Canada pour rédiger ensemble la proposition spontanée et une deuxième proposition spontanée.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous parlé de tous les antécédents? J'entends par là le fait que vous aviez fait une proposition dans un appel d'offres antérieur que vous avez perdu?

M. Matthews: Oui, certainement. À l'époque, j'entamais la plupart des discussions sur l'aérogare 3 - excusez-moi, sur l'aérogare 2, en parlant de ce qui était arrivé avec l'aérogare 3. La raison était que les gens comprenaient mal ce que je faisais: «Jack, qu'est-ce que tu viens faire dans le domaine aéroportuaire?», me demandaient-ils. Et je leur racontais l'expérience que nous avions faite avec l'aérogare 3. Bien que nous ayons été perdants dans l'appel d'offres, nous avions rassemblé quantité de renseignements et nous voulions utiliser ces spécialistes et ces renseignements pour autre chose. Je pense donc que lors de cet entretien nous avons parlé de notre soumission perdante pour l'aérogare 3 et de ce que nous cherchions à faire depuis.

Le sénateur Tkachuk: Est-ce que M. Chrétien vous a fait des offres ou formulé des suggestions sur la façon de vous y prendre?

M. Matthews: Non, je pense qu'il a écouté ce que j'avais à dire. Je crois que sa réponse était du genre: «Tout cela paraît intéressant, cela semble la voie de l'avenir». En gros, il disait que nous étions sur la bonne voie, ce genre de remarques positives.

Le président: Sénateur Tkachuk, avez-vous établi la relation entre M. Matthews et M. LaBarge? Nous n'avons pas encore entendu cette réponse.

Le sénateur Jessiman: Oui, avocat-client.

Le sénateur Tkachuk: Avocat-client.

M. Matthews: Souhaitez-vous que je vous en dise plus à ce sujet?

Le président: Oui.

M. Matthews: Le groupe Matthews avait d'autres affaires à Ottawa. M. LaBarge et son cabinet... car il n'y avait pas que M. LaBarge, d'autres avocats du cabinet travaillaient sur le dossier et j'en ai rencontré d'autres. Ils étaient responsables de deux ou trois autres affaires, potentielles ou réelles. Ils étaient les principaux avocats de la société à Ottawa. Je ne sais pas si nous étions pour le cabinet un client important ou non, mais M. LaBarge était toujours disponible lorsque j'appelais. Est-ce que cela répond à votre question?

Le président: Lang Michener était le cabinet que vous utilisiez à Ottawa?

M. Matthews: Jusqu'à ce que M. LaBarge change de cabinet, auquel moment nous l'avons suivi chez...

Le président: À l'époque?

M. Matthews: Blake, Cassels.

Le sénateur Tkachuk: Donc, lorsque vous parlez de privatisation, vous utilisez l'expression «la voie de l'avenir». Si M. Chrétien avait été opposé à l'idée...

M. Matthews: Désolé, demandez-vous si...

Le sénateur Tkachuk: Si M. Chrétien s'était dit opposé à la privatisation, auriez-vous essayé de le faire changer d'avis?

M. Matthews: Bon. Voyons voir si je comprends. Je n'ai pas eu l'impression qu'il était opposé à la privatisation du tout. Je ne suis pas sûr de saisir votre question, une partie m'a peut-être échappé. Me demandez-vous si j'avais l'impression qu'il était opposé ou si j'aurais fait quelque chose de différent s'il l'avait été?

Le sénateur Tkachuk: Auriez-vous agi différemment? Mettons les choses ainsi. Je ne me suis pas bien exprimé.

M. Matthews: Oui, nous aurions agi différemment. Chaque fois que nous rencontrions quelqu'un, dans le cadre de cet exercice consistant à déterminer ce que les gens...

Le sénateur Tkachuk: Allez-y, monsieur.

M. Matthews: Excusez-moi, essentiellement nous... Ray Hession le faisait beaucoup plus que moi, de manière générale, et il excellait dans ce travail. En gros, ce que nous cherchions à faire était de cerner les problèmes que les gens voyaient à Pearson, quelles objections ils pouvaient opposer à nos idées concernant la location et l'amélioration des aérogares, et, lorsque j'ai rencontré M. Chrétien, s'il avait dit: «Je n'aime pas la privatisation» ou «Je ne veux pas voir les aéroports en mains privées», ou quelque chose du genre, nous aurions cherché à le convaincre car nous étions persuadés que ce que nous faisions était bon non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour l'aéroport, la population de Toronto et les compagnies aériennes, de même que les passagers utilisant les aérogares. Nous pensions donc avoir une réponse à tout, mais peut-être nos arguments n'étaient-ils pas assez bons dans certains cas, je ne sais pas.

Le sénateur Tkachuk: M. Hession nous a indiqué qu'il rendait visite à d'autres membres du Parti libéral à Toronto, et j'essaie simplement de boucler la boucle. Vous cherchiez à couvrir tout le terrain. C'est normal.

M. Matthews: Peu nous importait qu'une personne soit libérale ou conservatrice, ou maire ou conseiller d'une ville. Nous essayions de rencontrer tous ceux qui avaient une opinion sur Pearson. C'est peut-être une légère exagération, mais c'est ce que nous cherchions à faire.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez donc parlé pendant une heure et demie, dites-vous, une heure, une heure et demie, une demi-heure. Combien de temps a duré la rencontre?

M. Matthews: Je dirais au moins une heure, peut-être une heure et demie. Je n'ai pas chronométré.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous parlé d'autre chose, de la famille?

M. Matthews: Je ne me souviens pas avoir parlé de la famille. Nous avons parlé du projet et, devant son attitude favorable, je lui ai demandé si nous devrions faire autre chose encore et l'ai invité à nous faire savoir s'il trouvait que certaines des choses que nous faisions n'allaient pas, ou que d'autres le lui disaient. Et nous avons aussi parlé de sa candidature à la direction du parti.

Le sénateur Tkachuk: Que vous a-t-il dit? A-t-il demandé votre aide, votre soutien? L'a-t-il fait?

M. Matthews: C'est un point sur lequel j'ai eu beaucoup à réfléchir en ce sens que je sais qu'en le quittant mon impression était qu'il demandait un don de 25 000 dollars. Je devrais peut-être formuler cela autrement - il s'attendait ou espérait que les sociétés que je représente feraient un don de 25 000 dollars pour sa campagne. Que ce chiffre de 25 000 dollars ait été évoqué par M. LaBarge avant ou après la réunion, je ne sais pas, mais il était clair qu'il souhaitait un don, oui.

Le sénateur Tkachuk: Et c'est tout à fait normal. Il envisage de se porter candidat à la direction du Parti libéral; il a besoin d'argent.

M. Matthews: Et comme je l'ai dit de nombreuses fois, je n'ai absolument rien vu de répréhensible à cela.

Le sénateur Tkachuk: Non.

M. Matthews: Je ne voyais rien de répréhensible à ce qu'il demande ou suggère un don. Mon seul problème est survenu bien après. Mais je ne voyais absolument aucun problème pendant la réunion ou quand j'en suis sorti. Rien de répréhensible ne s'est produit, si c'est ce que vous me demandez.

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est donc pas M. Chrétien qui a confirmé la date. N'a-t-il pas confirmé vous avoir rencontré, ou bien la divergence porte-t-elle sur le sujet de l'entretien?

M. Matthews: D'après ce que je sais de cette histoire, on lui a demandé à la Chambre s'il avait rencontré le groupe Matthews. J'ai eu en main ses paroles exactes, et essentiellement il a dit qu'il n'avait rencontré aucun des représentants du groupe en tant qu'avocat. Les propos rapportés par les journaux sont toujours un peu déformés et j'ai lu la réponse exacte dans le Hansard. Je n'ai pas tellement apprécié. Mais, vous savez, on finit par se dire: «Il a peut-être oublié». Mais c'était vrai. Voulez-vous répéter votre question? Je pense avoir répondu à une petite partie seulement.

Le sénateur Tkachuk: Je ne me souviens même pas ce qu'elle était. J'essaie simplement d'obtenir la date. Je crois savoir que M. Chrétien a reconnu que c'était en janvier 1990.

M. Matthews: J'ai dit ce qui précédait car il me semblait, et j'ai lu... je n'ai jamais donné de date précise. Je vous ai dit quand je pensais que la rencontre avait eu lieu. J'étais à Dallas et un journaliste m'a téléphoné au sujet de cette rencontre. Je n'en avais parlé jusqu'alors qu'avec les gens de Paxport et de Claridge. Mais lorsque le journaliste m'a téléphoné, il avait l'air au courant de la réunion, de ce qui avait été dit, et j'avais donc le choix entre dire: «Pas de commentaires», ou de rectifier, et j'ai donc rectifié les inexactitudes et expliqué exactement ce qui s'est passé. J'ai également expliqué au journaliste que rien d'inconvenant ne s'était passé et donc je n'attaquais pas du tout le premier ministre. C'est sa réponse à ce que j'ai dit qui constituait plutôt le contre-argument.

Le sénateur Tkachuk: M. LaBarge, qui était votre avocat à l'époque, a engendré quelque confusion au sujet de la date. Je pense que M. LaBarge a dit que c'était en avril 1989 et vous avez dit que c'était... vous n'êtes pas très sûr. M. Chrétien a dit que c'était en janvier 1990. Avez-vous essayé de vérifier pour préciser la date?

M. Matthews: J'ai parlé à M. LaBarge vers la fin janvier - en janvier dernier. Il m'a dit que c'était juste avant la campagne pour la direction du parti et il a dit qu'un chèque avait été émis pour le trésor de guerre de M. Chrétien, selon ses termes, et que c'était donc la meilleure indication de la date de la rencontre. Avril 1989 ne me paraît pas... je ne démens pas catégoriquement. Il faudrait que je vérifie quand la campagne a eu lieu. J'ai fait quelques recherches et il me semble que c'était plutôt en décembre ou janvier, dans la période que j'ai dite.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous signé un chèque?

M. Matthews: Non, je n'ai pas signé de chèque.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi pas?

M. Matthews: Chacun peut commettre une erreur de temps en temps, mais...

Le sénateur Tkachuk: C'est ce que j'allais dire. Grave erreur.

M. Matthews: Je n'ai pas signé de chèque. De façon générale, je suis sorti de la réunion avec une impression très positive. J'en suis sorti avec l'intention de demander l'envoi d'un chèque. J'ai d'ailleurs obtenu l'accord pour cela.

Le sénateur Tkachuk: De qui?

M. Matthews: De mon père.

Le sénateur Tkachuk: Il a dû être ravi.

M. Matthews: La réunion avait été intéressante. Il avait... donc, j'ai obtenu l'accord pour l'envoi d'un chèque. Je l'avais mis au courant de l'entretien et il ne pensait pas que c'était une mauvaise idée, mais trouvait le montant un peu gros. Donc, cela allait se faire.

Je ne me souviens pas avoir signé de formulaire pour que le chèque soit émis, car ce qui s'est passé entre-temps c'est que j'ai eu un appel d'un collecteur de fonds de Chrétien qui a fait pression pour que je fasse un chèque de 50 000 dollars. J'ai dû lui répondre quelque chose du genre: «Merci de votre appel. Je vais y réfléchir». Mais en y réfléchissant après coup, je n'ai guère apprécié le geste et je n'ai pas fait de chèque du tout. Ce n'est pas que j'avais décidé de ne pas faire de chèque, mais j'attendais que l'on me relance. Mais ce n'est jamais arrivé. Voilà donc pourquoi il n'y a pas eu de chèque.

Vous savez, c'est peut-être de la naïveté, ou peut-être suis-je trop imbu de moi-même, peu importe. Mais je n'ai pas rédigé le chèque.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous fait un chèque à quelqu'un d'autre du Parti libéral? Il y avait plusieurs candidats, vous savez.

M. Matthews: Oui. Nous avons fait un chèque à M. Martin, je crois, pour un montant de 25 000 dollars, me semble-t-il, mais je n'ai pas vérifié - je sais avoir approuvé un chèque de 25 000 dollars pour la campagne de M. Paul Martin.

Le sénateur Tkachuk: Je veux revenir à M. LaBarge, car il a dit publiquement que c'était en avril, et vous venez de dire que vous avez eu une conversation téléphonique avec lui. Est-ce que vous vous êtes disputés au sujet des dates?

M. Matthews: Nous avons eu une conversation, où il a dit que la rencontre avait porté sur le båtiment de Transports Canada à... autrement dit, le déménagement du siège. Je lui ai expliqué que cela ne pouvait être le cas. Il pensait que Ray Hession avait été embauché pour le projet du siège. Mais ce n'était pas le cas. Ray Hession est arrivé chez nous quelques semaines après l'adjudication du contrat de l'aérogare 3 à Huang & Danczkay. Nous avons commencé là-dessus. Désolé.

Le sénateur Tkachuk: Donc...

M. Matthews: Vous demandiez si nous nous sommes disputés lors de cet appel téléphonique?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. Matthews: Nous ne nous sommes pas disputés. Nous avons dit ce que nous pensions. Un peu plus tard dans la conversation, il... il s'est souvenu du moment de la rencontre. Celle-ci est intervenue bien après le dépôt de la soumission concernant Transports Canada, et plus tard M. Wilson, le ministre des Finances à l'époque, avait arrêté le projet. Je ne sais pas quel est le terme technique, mais il avait supprimé le poste budgétaire, et cela situait la date de la réunion.

Le sénateur Tkachuk: Vous jugez cela important, et donc vous pensez être tombé d'accord avec M. LaBarge, lors de cette conversation téléphonique, pour dire que la rencontre a eu lieu peu avant la campagne à la direction du Parti libéral - l'annonce de la candidature de M. Chrétien?

M. Matthews: Il n'avait pas annoncé sa candidature au moment où je l'ai rencontré, mais tous ceux qui suivaient cela de près savaient que c'était imminent.

Le sénateur Tkachuk: M. LaBarge l'a confirmé lors de votre conversation téléphonique, n'est-ce pas?

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Dans vos heures de plus grand découragement, avez-vous jamais songé que votre refus de faire ce don pouvait avoir quelque chose avec la résiliation?

M. Matthews: Je perçois la gravité de votre question.

Le sénateur Tkachuk: Je pose toutes ces questions avec gravité. J'espère que vous y répondez de même.

M. Matthews: Oui. À celle-ci, si j'ai jamais songé dans les moments les plus sombres, la réponse est oui. Mais j'ajoute que lorsqu'une chose comme celle-ci arrive, on fait toutes sortes de supputations. On se demande ce qui serait arrivé si on avait fait ceci ou cela. Si je n'avais pas fait part à M. Nixon, au téléphone, de ma mauvaise opinion de M. Bandeen, les choses auraient-elles été différentes? On se pose toutes sortes de questions. Oui, c'était l'une d'elles.

Le sénateur Tkachuk: S'il vous plaît, je veux que vous me compreniez bien. Peu m'importe qui vous avez rencontré, je me fiche totalement que vous ayez rencontré ou non M. Chrétien. Peu m'importe ce que vous lui avez dit et tout cela. J'ai du mal à saisir la controverse déclenchée par cette réunion, car pourquoi ne l'auriez-vous pas rencontré? Et pourquoi ne vous demanderait-il pas de l'argent, ou bien pourquoi faire une si grande affaire de cette rencontre, de toute façon? Mais c'est devenu une grande affaire pour quelque raison, et pour moi ce n'est pas une grande affaire, sauf qu'elle a une dimension politique. C'est pourquoi je vous pose toutes ces questions.

M. Matthews: Ma réponse à cela est que, à l'époque, lorsque les négociations ont été ouvertes, cette rencontre avec Chrétien a été évoquée une douzaine de fois à l'intérieur de la compagnie. Nous pouvions voir que M. Chrétien devenait un personnage de plus en plus important, et cette réunion a revêtu ainsi une dimension plus importante après coup que lorsqu'elle s'est déroulée. C'est pourquoi on en parlait au sein de la société. J'ai perdu un peu le fil et ne sais plus quelle était votre question.

Le sénateur Tkachuk: J'avais parlé de la dimension politique, car le processus politique a été lancé par... j'essaie de développer une argumentation ici, car M. Nixon est la personne qui a dit qu'il y avait des soupçons de favoritisme. Auparavant, s'il y avait favoritisme de la part des Conservateurs, j'ai demandé pourquoi ce favoritisme ne s'était pas exercé plus tôt. Si on va vous favoriser, pourquoi avoir fait traîner les choses tout au long de l'année 1993? Pourquoi ne pas le faire tout de suite?

J'espère donc que cela renforce mon argumentation et celle du témoin, et ce à quoi je veux en venir maintenant, c'est qu'une fois que l'on ouvre la boîte de Pandore politique, et c'est M. Nixon qui l'a ouverte, et j'en ai parlé hier à propos des documents, il n'y plus moyen de la refermer. Il est possible que la politique... je préfère ne pas le croire, mais si l'on va lancer des insinuations, je peux jouer moi aussi à ce jeu. C'est pourquoi j'ai demandé si vous aviez jamais considéré que vous aviez perdu les contrats pour des considérations politiques, car on peut chevaucher les deux montures.

M. Matthews: Cette affaire devient de plus en plus politique plus le temps passe et l'on découvre de plus en plus de faits qui indiquent qu'elle est politique.

Le problème que j'ai avec... appelez cela la réunion Chrétien-LaBarge-Matthews, ce n'est pas qu'elle ait eu lieu, ce n'est pas le sujet qui a été discuté ni ce qui a été demandé. Le problème que je vois est que son existence a été niée au début. Et après le démenti, il y a eu un changement de position lorsque Paul LaBarge a fait une déclaration publique disant que cette réunion a eu lieu, mais que l'aéroport n'y a pas été abordé. D'accord?

Il était mon avocat. D'accord? Et le premier ministre dit à la Chambre: «J'ai parlé à l'avocat présent à cette réunion». Eh bien, c'est de mon avocat qu'il parle. D'accord? Donc, mon avocat parle au premier ministre d'une réunion que ce dernier a eue avec moi. D'accord?

M. LaBarge ne me téléphone pas pour dire: «J'ai eu cette conversation avec M. Chrétien et, Jack, je suis d'accord, l'aéroport n'a pas été évoqué. Je ne me souviens plus de l'aéroport». Mais je n'ai pas eu cet appel. Ce que j'ai eu, c'est un appel d'un journaliste disant «Je viens de recevoir un... je crois que c'était un communiqué de presse ou une déclaration publique dans laquelle M. LaBarge dit, oui, une réunion a eu lieu, et l'aéroport n'a pas été abordé».

Je me suis souvenu de ma conversation avec M. LaBarge en janvier et ai dit à ce journaliste: «Eh bien, vous devriez téléphoner à M. LaBarge». J'étais trop... probablement trop en colère pour lui téléphoner à ce moment-là. «Vous devriez téléphoner à M. LaBarge et lui demander s'il a été présent pendant cet entretien tout au long». Car je me souviens absolument qu'il m'a dit qu'il était sorti pendant au moins une demi-heure sur cette heure et demie d'entretien.

Je me retrouve donc à Dallas, pour entendre que mon avocat conteste maintenant un entretien dont nous avions, dans mon esprit, convenu l'existence et la teneur. Ce n'est pas pour rien que j'avais parlé à M. LaBarge, à l'époque, pour cerner précisément ce qui s'était passé. Et le voilà maintenant, sans m'en avoir parlé, qui émet un communiqué disant, en substance, que soit ma mémoire est terriblement fautive soit que je ne suis pas sincère, que je suis peut-être un menteur ou quelque chose du genre. Est-ce que cela m'a dérangé? Oui, absolument.

Il est intéressant que, lorsque le journaliste a téléphoné à M. LaBarge trois ou quatre jours après, il ait changé sa version puisqu'il dit maintenant: «Oui, il y a eu une réunion, qui a duré X temps, et j'étais parti pendant une demi-heure». Eh bien, savez-vous, la solution facile pour moi serait de dire: «Oui, sa mémoire est bonne, et nous avons parlé de tout, du don et de l'aéroport, pendant cette demi-heure». Ce serait la voie de sortie facile. Mais ce n'est pas la vérité. La vérité est que la réunion a été organisée pour parler de l'aéroport et la vérité est que le don a été évoqué, et que M. LaBarge a pris part à la discussion au sujet du don.

Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Je me suis peut-être laissé emporter en réfléchissant de nouveau à tout cela.

Le sénateur Tkachuk: Mettons les choses bien au clair. Au moment de la réunion, vous êtes un client de M. LaBarge.

M. Matthews: Exact.

Le sénateur Tkachuk: Donc, M. Chrétien n'est pas le client de M. LaBarge. M. Chrétien fait partie du cabinet juridique et est un collègue de M. LaBarge.

M. Matthews: C'est juste.

Le sénateur Tkachuk: Mais vous êtes son client.

M. Matthews: Je suis le client du cabinet. Il se trouve que c'est M. LaBarge qui m'y représentait la plupart du temps.

Le sénateur Tkachuk: Avant de parler à M. Chrétien ou à qui que ce soit, il ne vous a pas téléphoné pour dire: «Je vais dire ceci. Vous êtes mon client. Suis-je dégagé du secret professionnel?» Il ne vous a pas téléphoné pour demander votre permission de parler à qui que ce soit? Il y est simplement allé et a bavardé dans toute la ville, ou quoi?

M. Matthews: Je ne sais pas s'il a bavardé dans toute la ville ou non. Cependant, il a émis, me dit-on, une déclaration publique concernant une réunion à laquelle je participais en tant que son client, et dans cette déclaration il mettait sciemment en doute ma crédibilité. C'est le mieux que je puisse dire.

Le sénateur Tkachuk: Pendant combien de temps M. LaBarge a-t-il été votre avocat? Jusqu'à quand? Jusqu'en 1991, 1992?

M. Matthews: Il était notre avocat. Il a travaillé très fort et avec diligence pendant tout le processus de soumission pour les aérogares 1 et 2. Il était très efficace et...

Le sénateur Tkachuk: Jusqu'au bout, en 1992?

M. Matthews: Il a travaillé jusqu'à... tout au long du processus d'appel d'offres. Nous avons eu, le 7 décembre 1992, la lettre nous déclarant meilleurs proposants, et c'était juste après cela. Je dirais environ une semaine après cela, car on a dit qu'il y avait conflit, et M. LaBarge a été remplacé par M. Baker, contrairement à mon conseil. C'est...

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous été fåché lorsqu'il a émis le communiqué de presse? Lui avez-vous téléphoné pour l'engueuler?

M. Matthews: Non, je ne l'ai pas appelé. J'étais... comme je l'ai dit, j'étais très fåché. C'est... on mène sa vie, on essaie de faire les choses bien et nous pensions avoir fait quelque chose de bien avec cet aéroport. Je ne peux comprendre comment M. LaBarge a pu faire cela, si c'est bien lui qui a émis le communiqué, mais si quelqu'un d'autre l'avait fait pour lui, je suppose qu'il aurait opposé un démenti. S'il témoigne ici, vous pourrez lui demander. Mais j'étais très fåché. Un avocat est un confident, à bien des égards. Je le considérais comme un ami, pas seulement comme... vous savez, pendant tout ce processus, vous travaillez très étroitement ensemble. Tout d'un coup il vous fait un croche-pied. Ce n'est pas une expérience agréable.

Le sénateur Tkachuk: Parce que son cabinet juridique, le cabinet de M. LaBarge, a été dessaisi du dossier, et vous y étiez en fait opposé; est-ce exact?

M. Matthews: Exact.

Le sénateur Tkachuk: Si vous aviez réussi et s'il était toujours votre avocat, le cabinet aurait bénéficié de tout le travail de Paxport, de la société T1-T2, n'est-ce pas? C'est ce qu'il devait espérer.

M. Matthews: Oui. Je sais qu'il a changé de cabinet, mais je ne sais pas trop à quelle date.

Le sénateur Tkachuk: L'auriez-vous suivi?

M. Matthews: Nous l'avons suivi.

Le sénateur Tkachuk: Vous l'avez suivi?

M. Matthews: Oui. Je ne pense pas que... je suppose que Lang Michener n'ont pas été ravis de voir qu'il partait avec notre dossier. Je suppose que cela ne s'est pas très bien passé. Je n'en sais rien, mais on peut le penser.

Le sénateur Tkachuk: Oui. Vous avez donc M. LaBarge... vous aviez l'impression qu'il connaissait bien M. Chrétien, évidemment? Collègue, ami?

M. Matthews: C'est l'impression que m'a donnée M. LaBarge, oui.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez refusé le don. Vous avez refusé le don et vous vous êtes débarrassé de l'avocat. Cela fait deux personnes qui ne vous portent pas dans leur coeur.

M. Wright travaillait pour le même cabinet juridique, n'est-ce pas? C'est lui qui négocie pour le gouvernement fédéral maintenant. Et connaissez-vous un M. Goldenberg?

M. Matthews: Je pense lui avoir parlé, mais je ne... je ne le reconnaîtrais pas si je le voyais.

Le sénateur Tkachuk: À quelle occasion lui auriez-vous parlé?

M. Matthews: Je pense que c'est M. Goldenberg qui m'a téléphoné au sujet du don. Je ne suis pas sûr à 100 p. 100. J'ai essayé de retrouver, six mois après environ, qui précisément m'avait téléphoné, ou peut-être même un an après, mais je ne suis pas sûr que c'était lui. J'ai donc pu lui parler à ce moment-là. Mais je n'ai rencontré M. Wright qu'une seule fois, et c'était après la résiliation du contrat. Et c'était dans une pièce avec 40 autres personnes mécontentes.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez peut-être trois ennemis dans ce cabinet juridique aujourd'hui, M. Chrétien, M. LaBarge et M. Goldenberg, si c'est vrai que c'était lui. Je ne sais pas si c'est M. Goldenberg qui vous a demandé l'argent, mais nous pouvons toujours lui demander...

M. Matthews: Je ne sais pas qui m'en veut et qui ne m'en veut pas. Je ne peux que spéculer. Il y a des chances qu'ils m'en veuillent davantage à cette minute qu'il y a deux minutes. Cependant, j'essaie simplement de répondre aux questions.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je pense...

M. Matthews: Je dois dire que le cabinet Lang Michener a fait un excellent travail pour nous. Je n'avais rien...

Le sénateur Tkachuk: J'en suis sûr.

M. Matthews: Je ne veux pas multiplier les ennemis.

Le sénateur Tkachuk: Non. Ils sont très bien connus. Je faisais simplement un peu de politique. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, si je puis intervenir, nous avons entendu le témoignage direct de M. Matthews concernant cette réunion. Je demande maintenant que, pour être juste, vous donniez la parole à M. LaBarge, qui a également été un participant à cette réunion, afin de connaître sa position sur la question.

Le sénateur Lynch-Staunton: Monsieur le président, avant de décider cela, pourrions-nous en finir avec ces témoins? Nous n'allons pas interrompre un témoin parce qu'il a fait une déclaration controversée. Cela pourrait créer un précédent.

Le sénateur Bryden: Ils pourront revenir.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, monsieur le président. J'insiste. Ces témoins sont inscrits pour cet après-midi et je suis opposé à ce que l'on en produise tout d'un coup un autre, sans que nous puissions préparer nos questions, sans aucun...

Le sénateur Bryden: Que cherchez-vous à cacher?

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne cache rien, monsieur. C'est vous qui avez voté contre...

Le sénateur Bryden: Ne pourrions-nous tout simplement... je suis resté là et j'ai écouté, et M. Matthews nous a donné sa version, sous serment. Je demande maintenant que l'autre personne qui a été mentionnée tout au long ait la même possibilité.

Le sénateur Lynch-Staunton: Deux autres personnes ont été mentionnées tout au long. Laquelle voulez-vous, Chrétien ou LaBarge?

Le sénateur Bryden: LaBarge.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et pourquoi pas l'autre?

Le sénateur Bryden: Si nous voulons convoquer des premiers ministres, il y en a trois concernés. Monsieur le président, vous et votre avocat avez toujours essayé de traiter équitablement les membres du comité, les témoins, et cetera. Nous venons d'avoir un témoignage direct sur une réunion controversée. Nous avons l'autre personne dans la salle qui peut donner son témoignage à ce sujet. Et je demande, en toute équité, que cette personne soit appelée à prêter serment, à témoigner, ensuite de quoi nous pourrons le contre-interroger ou faire n'importe quoi. Voilà ce que je demande.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, tout d'abord, cette réunion qui a eu lieu, je ne sais même pas si elle prête à controverse. Il y a eu d'autres réunions, avec M. Manley, et d'autres ministres. Il témoigne sous serment ici. M. Chrétien ne conteste pas que la réunion a eu lieu. Il dit qu'il ne l'a pas rencontré en tant qu'avocat. C'est tout ce qu'il a dit, et c'est sans doute vrai.

Le sénateur Bryden: Il y a une divergence très fondamentale quant à la date de cette réunion, si j'ai bien suivi. Il y a aussi une divergence très importante sur son objet. Il y a toute la question de ce qui a été abordé, pendant combien de temps M. LaBarge a été présent et quand les contacts ont eu lieu par la suite entre M. LaBarge et M. Matthews. Tout ce que je demande, c'est que l'on autorise les deux personnes qui sont actuellement dans la salle... l'un a donné son témoignage direct, et de permettre à l'autre personne de donner son témoignage direct à ce sujet, ensuite de quoi nous pourrons tous leur poser nos questions. Mais en toute justice, si nous sommes en quête de la vérité et de quelque semblant de justice, il faudrait à tout le moins permettre cela.

Le sénateur Tkachuk: Je pense que ce serait... je ne suis pas opposé à ce que M. LaBarge comparaisse. Je ne comprends simplement pas pourquoi il est important... j'ai écouté des anciens premiers ministres se faire insulter. Tout ce que je dis, c'est qu'il était question d'une réunion. Si M. LaBarge doit comparaître, il peut venir la semaine prochaine. Peu m'importe qu'il vienne ou non. J'aimerais l'entendre. Il n'y a pas eu... je pense simplement que...

Le sénateur Bryden: M. LaBarge est ici. Il est là, assis juste derrière vous. Il est prêt à témoigner sous serment.

Le sénateur Tkachuk: Finissons-en avec les témoins, ces gens que vous avez accusés. Avez-vous fini avec eux?

Le sénateur Bryden: Nous avons demandé au président...

Le sénateur Tkachuk: Regardez-le dans les yeux et dites-lui toutes ces choses que vous racontez aux journaux. Regardez-le dans les yeux et dites-lui.

Le sénateur Bryden: C'est ce que j'aimerais faire, permettre à M. LaBarge de témoigner sous serment. Monsieur le président, vous pourriez peut-être rendre une décision. Je ne sais pas si le comité la confirmera.

Le président: Je vais rendre une décision. J'ai mentionné dans la décision qui a été infirmée que la pertinence est une chose très difficile à déterminer au sein de ce comité, mais je sais ce qu'est l'absence de sincérité. Je le conçois très clairement. Parfois, je ne sais pas ce qui est pertinent et ne l'est pas. Combien de temps vous faudra-t-il pour en terminer avec ces témoins?

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai un certain nombre de questions, monsieur le président. Une demi-heure, au plus. Je veux simplement clarifier la succession des événements ayant précédé le 7 octobre. C'est le but de mes questions.

Le président: Oui. Il n'y a pas le temps de... nous avons un calendrier très chargé la semaine prochaine, et...

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous avons une journée libre le vendredi, je pense.

Le président: Vous pourrez terminer, ensuite nous mangerons un morceau et je décide que M. LaBarge sera appelé à témoigner à 19 heures.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est que, allons-nous avoir quelques documents de recherche, comme nous en avons habituellement lorsque des témoins comparaissent?

Le président: Allons donc.

Le sénateur Lynch-Staunton: Qu'entendez-vous par «allons donc»?

Le président: À quoi avez-vous besoin de vous préparer?

Le sénateur Lynch-Staunton: À la diatribe que nous allons sans doute entendre, gråce au sénateur Bryden.

Le président: Je vous en prie, je vous en prie.

Le sénateur Bryden: Je suis préparé à entendre le témoin Paul LaBarge nous donner sa version des événements. Je ne poserai pas une seule question.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai pas d'objection à ce que M. LaBarge vienne. Au contraire, mes collègues - et je me suis abstenu parce que je suis membre d'office, ont voté contre une décision qui aurait refusé à M. LaBarge le droit de venir, si elle avait été maintenue, et vous-même avez voté pour. Un jour vous demandez qu'il vienne, le lendemain vous lui refusez le droit, et maintenant vous le redemandez.

Nous, au moins, sommes cohérents. Nous voulons que chaque témoin qui peut contribuer à notre connaissance et à l'exécution de notre mandat vienne et dise tout ce qu'il veut sous serment. Si un se présente et contredit M. Matthews jusqu'à ce que son visage tourne bleu, qu'il le fasse. S'il peut confirmer, qu'il le fasse. Nous voulons connaître les faits.

Je dis simplement que de le faire témoigner aussi soudainement ne nous donnera pas la possibilité de lui poser des questions que nous voudrions, plutôt que de le faire venir la semaine prochaine lorsque nous serons mieux préparés pour lui. C'est tout ce que je dis.

Le sénateur Bryden: Je ne sais toujours pas, monsieur le président et sénateur Lynch-Staunton, pourquoi vous êtes si préoccupés par le fait que Paul LaBarge...

Le président: J'en ai assez de ces échanges de part et d'autre de la table. J'ai tranché que nous entendrons M. LaBarge à 19 heures. Poursuivez avec vos questions à M. Matthews aussi longtemps que vous le voulez jusque-là.

Le sénateur Lynch-Staunton: Sur n'importe quel sujet?

Le président: Sur n'importe quel sujet intéressant M. Matthews et son témoignage.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je veux, en fait, poser mes questions à M. Kozicz. Désolé si je prononce mal votre nom.

M. Kozicz: C'est bien.

Le sénateur Lynch-Staunton: Étiez-vous présent lors de la clôture? Le 7 octobre, jour de la clôture, étiez-vous là?

M. Kozicz: Oui, je l'étais.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous y étiez, bien. Je veux dire par là que nous pouvons maintenant parler avec quelqu'un qui était physiquement là, puisque nous n'avons eu personne d'autre qui y était depuis M. Rowat.

Que s'est-il réellement passé le 7 octobre? Quelle était l'importance de cet événement et quelle était la procédure? Qu'a-t-on fait, quels étaient les documents et y a-t-il eu un échange de signatures?

M. Kozicz: Selon mon souvenir, il y avait - la clôture effective est intervenue aux alentours de 16 heures cet après-midi-là, et c'était le seul événement réel de la journée, si vous voulez. Jusqu'alors il a fallu organiser les copies de documents, copies qui étaient déjà signées, me semble-t-il. Et aux alentours de 15 h 30, 15 h 45, dans une grande salle de réunion, la séance a été déclarée ouverte. Et si je me souviens bien, M. Rowat, Peter Coughlin, et un avocat du nom de Don Guthrie siégeaient en haut de la table et ont levé le seing-privé, ce qui signifiait que les documents n'étaient plus alors soumis à entiercement, et cela a été tout.

Le sénateur Lynch-Staunton: On n'a donc pas signé de contrat ce jour-là?

M. Kozicz: Pas à ma connaissance, non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non. Selon vous, quand le contrat entre le gouvernement du Canada et Pearson Development a-t-il réellement été conclu?

M. Kozicz: Il me semble que la signature effective des documents a commencé le 3 ou le 4 octobre.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bien, permettez-moi de reformuler et de remonter plus loin en arrière. En juin, vous obtenez une lettre... je vais attendre la fin de cette conversation afin que vous puissiez mieux m'entendre. M'entendez-vous?

M. Kozicz: Oui, merci.

Le sénateur Lynch-Staunton: En juin, vous recevez une lettre d'entente non contraignante du sous-ministre des Transports.

M. Kozicz: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourrait-on considérer que c'était le feu vert pour procéder à l'accord final? Les positions se sont tellement rapprochées que vous vous dirigez vers un accord qui satisfera les deux parties?

M. Kozicz: Je pense qu'à partir de ce moment, il y avait accord sur les principales dispositions du contrat aéroportuaire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Fin août, il y a plusieurs événements, notamment l'annonce par le ministre qu'un accord a été conclu.

M. Kozicz: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Considérez-vous cette date comme celle où un accord contraignant est réellement intervenu entre le gouvernement et vous-même?

M. Kozicz: Je ne peux que spéculer, car je ne suis pas spécialiste en droit constitutionnel et cetera., mais je sais qu'il y avait le Décret et l'autorisation du Conseil du Trésor, et je pense donc que tout était en place le 27 août. Il y a eu ensuite l'annonce du ministre le 30 août, et il me semble que, sauf modification substantielle des contrats qui avaient été approuvés par le Conseil du Trésor, PDC et le gouvernement avaient une entente contraignante. Et ce qui a été parachevé en septembre et au début octobre était tous les documents annexes qui accompagnent les contrats aéroportuaires.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai été frappé de voir, dans votre exposé, que vous continuiez à agir comme si de rien n'était jusqu'au 3 décembre. En dépit de ce que vous entendiez au cours de la campagne électorale et de l'énorme controverse qui faisait rage, particulièrement dans la région de Toronto, vous avez continué à engager du monde et poursuivi vos préparatifs jusqu'au 3 décembre.

M. Kozicz: C'est juste.

Le sénateur Lynch-Staunton: Jusqu'à la fin. Même pendant la période où vous aviez convenu de ne pas exécuter les contrats, n'est-ce pas? Vous continuiez à vous préparer pour le moment où les contrats seraient en vigueur. Ils devaient entrer en vigueur le 1er novembre?

M. Kozicz: L'une des dispositions, vous vous en souviendrez, était que nous devions entreprendre tous les préparatifs dans les 30 jours avant l'entrée en vigueur. Nous nous préparions à cette date et la date de commencement a été repoussée une fois, je pense. Ainsi, cette période de 30 jours prenait fin le 15 janvier. C'était notre date cible.

La raison pour laquelle nous n'avons pas levé le pied était, premièrement, cet engagement ou obligation, et deuxièmement, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, vu ce que nous savions tous de l'intérêt de cette transaction, tellement avantageuse pour l'aéroport, les compagnies aériennes, les contribuables canadiens, et cetera., nous pensions qu'il n'y avait pas la moindre chance au monde qu'elle soit annulée.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous interprétiez les avertissements de M. Chrétien et de ses candidats, pendant la campagne, comme de la rhétorique électorale? Vous n'avez jamais réellement pensé qu'il pourrait... avez-vous jamais songé que M. Chrétien, lorsqu'il arriverait au gouvernement, ce qui semblait inévitable à l'époque, demanderait une renégociation du contrat? Qu'il vous rappelle à la table et dise: «Voyez, tout bien pesé, il y a un certain nombre d'éléments que nous aimerions changer»?

M. Kozicz: Je ne qualifierais pas cela de renégociation. Vous savez, on dit beaucoup de choses dans les campagnes électorales et certaines sont suivies d'effet et d'autres non. Je pensais qu'il procéderait à un examen de ce contrat particulier, comme il s'était engagé à le faire, qu'il apporterait peut-être cinq ou six changements surtout cosmétiques, afin de pouvoir dire aux Canadiens qu'il avait examiné la transaction, apporté les changements voulus et qu'il était dorénavant satisfait des contrats et qu'ils seraient appliqués.

Le sénateur Lynch-Staunton: Et le 7 octobre, on nous a dit que Mme Campbell a été... nous savons que Mme Campbell a été consultée au préalable pour vérifier qu'elle voulait bien que ces documents soient retirés de sous le seing-privé et que les signatures finales étaient toutes... elle a dit, oui, allez-y. Certains prétendent qu'elle aurait pu refuser. Le gouvernement aurait pu refuser d'exécuter les documents finaux. Quelle aurait été alors votre réaction? Est-ce une possibilité que vous avez jamais envisagée?

Puisque le gouvernement semblait avoir des difficultés à respecter son engagement de signer le 7 octobre, quelqu'un vous a-t-il jamais demandé si vous auriez des objections, en cas de nécessité, à repousser la clôture jusqu'après l'élection?

M. Kozicz: Personne ne m'a jamais parlé de rien de tel.

Le sénateur Lynch-Staunton: Bien. Le jour de la clôture elle-même, personne n'a jamais donné à entendre que ce qui se passait était fait sous la contrainte ou était politiquement désastreux? Ou bien qu'il y avait...

M. Kozicz: Personne n'a jamais suggéré de repousser la date du 7 octobre jusqu'après l'élection.

Le sénateur Lynch-Staunton: Eh bien, cela confirme ce que l'on nous a dit au sujet du 7 octobre, à savoir qu'il s'agissait d'une formalité, et le conseiller juridique de Matthews et celui de Coughlin, de Pearson, ont tous deux indiqué que le 27 août était, à leur sens, la date de conclusion réelle et que le reste n'était qu'une formalité juridique normale suite à un accord contraignant intervenu alors. Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Très bien. Avez-vous des questions? Sénateur Bryden, allez-vous poser des questions à ces témoins sur des questions touchant le mandat de notre comité? Les points que nous allons aborder à 19 heures sont réservés jusque-là.

Le sénateur Bryden: Mais puis-je poser des questions au témoin sur le témoignage qu'il a déjà fait?

Le président: Oui, concernant ses fonctions au sein de Paxport.

Le sénateur Bryden: Concernant le témoignage sous serment qu'il vient de faire. J'aimerais obtenir quelques éclaircissements quant à la façon dont il a déterminé la date de la réunion qui a eu lieu.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non.

Le sénateur Bryden: Pourquoi pas?

Le sénateur Kirby: Nous changeons de témoin à 19 heures.

Le sénateur Bryden: Je veux la possibilité de clarifier ce qu'il a dit.

Le président: Quel renseignement précis voulez-vous obtenir de ce témoin? Redites-le-moi.

Le sénateur Bryden: Le témoin a dit: «Je ne sais pas quand exactement la rencontre a eu lieu, mais je pense que c'était aux alentours de...» et je me demandais s'il pourrait être plus précis.

M. Matthews: Ce sera avec plaisir, monsieur le président, si vous le voulez.

Le sénateur Bryden: Ce ne sera pas long. Tout simplement, j'aimerais préciser autant que possible un certain nombre de choses laissées un peu vagues, avant que l'autre témoin n'arrive.

Le président: Allez-y.

Le sénateur Bryden: Je promets que ce ne sera pas long. J'ai cinq questions, environ.

Le président: Ce sera très utile. Allez-y.

Le sénateur Bryden: Vous avez dit que vous pensiez que la rencontre avait eu lieu à une certaine époque. Quand était-ce? Avez-vous dit début 1990? Fin 1989?

M. Matthews: Fin 1989, début 1990. C'était avant l'annonce par M. Chrétien de sa candidature. C'était au moment où on pensait déjà qu'il allait se présenter. On parlait beaucoup de cela dans la presse. Lorsque je l'ai rencontré, je ne doutais pas qu'il serait candidat. Si l'on considère la date de l'annonce, qui a été faite, je pense, entre le 20 et le 23 janvier 1990, et le stade où nous en étions dans le processus, pour autant que je puisse le déterminer - car je n'ai pas mes calendriers de l'époque et je ne peux les trouver, je les ai cherchés pour avoir la date exacte - c'était environ deux mois avant cette date.

Le sénateur Bryden: Je crois savoir que l'avocat de votre société, Gordon Baker, possède les feuilles horaires du cabinet juridique.

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment le savez-vous?

Le sénateur Bryden: Est-ce que...

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce un témoignage?

M. Matthews: Voulez-vous que je réponde à la question? Il vaudrait mieux la poser à M. Baker.

Le sénateur Bryden: C'est bien. Vous avez reçu...

Le sénateur Lynch-Staunton: Voilà une autre allégation. C'est ce que j'appelle une allégation.

Le sénateur Bryden: J'essaie de...

Le sénateur Lynch-Staunton: L'allégation que des témoins ici possèdent les feuilles horaires d'un autre avocat. C'est une allégation grave.

Le sénateur Bryden: Non, pas du tout. C'est en rapport avec...

Le sénateur Lynch-Staunton: Où sont-elles? Montrez-les. Vous ne pouvez parler de documents.

Le sénateur Bryden: Vous n'avez pas demandé tous les documents du tribunal.

Vous avez reçu un appel d'un collecteur de fonds.

M. Matthews: Oui.

Le sénateur Bryden: Et vous avez dit qu'il voulait... au lieu des 25 000 dollars... et avant de vous demander cela, vous ne vous souvenez pas si c'était M. Chrétien, ou M. LaBarge ou quelqu'un d'autre qui a parlé de 25 000 dollars? C'est ce que vous avez dit.

M. Matthews: Vous me parlez là de deux événements différents.

Le sénateur Bryden: Voyons d'abord le premier. Vous n'êtes pas sûr...

M. Matthews: Je pensais m'être exprimé très clairement, et je vais donc recommencer. En sortant de la réunion, il était clair à mes yeux que l'on m'avait demandé un don de 25 000 dollars. Mais que l'on m'ait prévenu avant d'entrer: «Jack, il va vous demander 20 ou 25 000 dollars», ou qu'à la sortie LaBarge m'ait dit: «Lorsqu'il vous a demandé votre soutien, il songeait à 25 000 dollars», ou que M. Chrétien m'ait demandé les 25 000 dollars, je ne sais plus.

Ce dont je me souviens très clairement, c'était l'impression que j'avais en sortant de là, en marchant dans le couloir, où je me disais que j'allais devoir... la raison pour laquelle je m'en souviens, si vous voulez... demander à mon père, qui n'est pas exactement généreux s'agissant du Parti libéral, un don de 25 000 dollars. C'est quelque chose que l'on n'oublie pas.

Le sénateur Bryden: Si on me demandait 25 000 dollars, je me souviendrais qui me le demande. Vous ne savez donc pas.

M. Matthews: Je suppose que vous avez meilleure mémoire.

Le sénateur Bryden: Vous ne savez pas si c'était M. Chrétien, mais vous dites que cela aurait pu être M. LaBarge, à l'entrée ou à la sortie. Avez-vous demandé à M. LaBarge, soit en entrant soit en sortant, s'il faudrait faire un don?

M. Matthews: Je viens juste de vous expliquer ce qui s'est passé, selon mon souvenir.

Le sénateur Bryden: D'accord. Là-dessus, plus tard, quelqu'un, quelque collecteur de fonds, vous a appelé et vous ne savez pas de qui il s'agit.

M. Matthews: Je n'en ai pas gardé note.

Le sénateur Bryden: Et il vous a appelé pour doubler le montant, le faire passer de 25 à 50.

M. Matthews: Non, ce n'était... il demandait 50 000 dollars. L'impression qu'il donnait, c'était que je ne ferais pas partie de l'équipe ou ne serait pas l'un des... que ce don ne serait pas important s'il n'atteignait pas 50 000 dollars. Je me suis dit: «C'est bien dommage».

Le sénateur Bryden: Vous ne savez pas qui était cette personne.

M. Matthews: Comme je l'ai déjà dit, en passant en revue une liste des personnes possibles, le nom de M. Goldenberg est apparu et j'ai dit: «Il est possible que ce soit lui». C'est le nom qui m'était familier, mais je ne puis vous affirmer ici sous serment que c'était lui. Je pense avoir bien dit que je n'étais pas...

Le sénateur Bryden: Non, vous avez dit très clairement que vous n'étiez pas sûr de beaucoup de choses. Vous avez dit que quelqu'un vous a appelé et vous a demandé 50 000 dollars, et vous n'avez pas pris la peine de déterminer qui c'était? Est-ce possible?

M. Matthews: Je pense que vous donnez une apparence qui ne...

Le sénateur Bryden: Je pose la question.

M. Matthews: Si vous me demandez si quelqu'un a téléphoné pour demander 50 000 dollars et m'a donné l'impression que 25 000 dollars ne suffisaient pas, oui, cela est arrivé. Était-ce un collecteur de fonds de Chrétien? C'est ainsi qu'il s'est présenté. Ce pouvait être un collecteur de fonds de Martin qui essayait de me tromper. Je ne le pense pas. Mon impression était clairement qu'il venait de Chrétien.

Je n'ai pas envoyé de chèque. Si vous me demandez si j'allais tout simplement remettre une chèque à quelqu'un qui sonnait à ma porte, sans vérifier qui c'était, il est certain que j'aurais vérifié avant d'envoyer le chèque, croyez-moi. Mais c'était... c'était un appel téléphonique. Il ne s'agissait pas de signer et de remettre un chèque. Je pense donc que vous donnez une interprétation différente de la réalité.

Le sénateur Bryden: Vous avez parlé d'une conversation téléphonique avec M. LaBarge. Je pense que... je n'ai pas noté la date, mais...

M. Matthews: Je crois...

Le sénateur Bryden: Elle a eu lieu après que cette affaire surgisse. Vous étiez au Texas ou quelque part.

M. Matthews: Exact.

Le sénateur Bryden: Était-ce approximativement... où en sommes-nous, en 1995?

M. Matthews: C'était environ... je pense que c'était le 24 janvier de cette année.

Le sénateur Bryden: 1995?

M. Matthews: Exact.

Le sénateur Bryden: Avez-vous enregistré la conversation?

M. Matthews: Oui, je l'ai fait.

Le sénateur Bryden: Aviez-vous la permission de M. LaBarge d'enregistrer la conversation?

M. Matthews: Non.

Le sénateur Bryden: Est-ce normal que vous enregistriez les conversations entre vous-même et votre avocat, sans sa permission?

M. Matthews: Uniquement lorsque d'autres sources me disent qu'il ne va pas se souvenir de ce qui est arrivé à cette réunion.

Le sénateur Bryden: Qui vous a donné ces indications?

M. Matthews: Il y a eu plusieurs choses. Il y a des commentaires qui m'ont été faits. J'ai entendu ce que disait le premier ministre. Je sais que M. LaBarge était proche du premier ministre. À ce moment-là, je commençais à douter sérieusement s'il allait se souvenir de ce que j'ai dit ou de ce qu'il a dit.

Le sénateur Bryden: Mais vous avez dit que vous avez eu des indications. Venant de qui?

M. Matthews: J'ai eu un appel d'un ami qui m'a demandé: «Pensez-vous que Paul va appuyer le premier ministre, maintenant qu'il a fait cette déclaration?» C'était après le 8 décembre.

Le sénateur Bryden: Est-ce vous qui avez appelé, ou est-ce lui?

M. Matthews: M. LaBarge?

Le sénateur Bryden: Oui.

M. Matthews: C'était mon initiative. Je ne sais pas si, lors de cet appel, il répondait au mien ou si c'est moi qui ai composé son numéro.

Le sénateur Bryden: Mais la conversation a eu lieu à votre initiative?

M. Matthews: Oui, c'est juste.

Le sénateur Bryden: C'est tout, monsieur le président.

Le sénateur Kirby: Une question, monsieur le président. Juste pour que ce soit clair, monsieur Matthews, vous le savez sans doute déjà, lorsque votre père était ici et que toute cette question de M. LaBarge a surgi et celle de savoir si M. LaBarge témoignerait, on a demandé à votre père, en tant que président de la société, si lui et la société lèveraient le privilège avocat-client afin de permettre à M. LaBarge de témoigner. Votre père a répondu qu'il y était disposé. Je pense que je devrais vous poser la même question, pour le procès-verbal. Avez-vous une objection à ce que M. LaBarge...

M. Matthews: J'encourage M. LaBarge à venir.

Le sénateur Kirby: Je vous remercie, monsieur le président. Je n'ai rien d'autre.

Le président: S'il n'y a rien d'autre, nous allons lever la séance jusqu'à 19 heures.

La séance est levée jusqu'à 19 heures.


Ottawa, le jeudi 21 septembre 1995

Le comité spécial du Sénat sur les accords de l'aéroport Pearson se réunit aujourd'hui, à 19 heures, pour étudier tous les aspects inhérents aux politiques et aux négociations ayant mené aux accords relatifs au réaménagement et à l'exploitation des aérogares 1 et 2 de l'aéroport international Lester B. Pearson, de même que les circonstances ayant entouré l'annulation des accords en question, et pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Finlay MacDonald (président) occupe le fauteuil.

Le président: La séance est ouverte. Quelqu'un a-t-il une déclaration, un rappel au règlement ou quelque chose d'inhabituel à dire avant que nous commencions? Parmi ces visages souriants, y a-t-il quelqu'un qui aimerait soulever maintenant une autre question avant que nous commencions?

M. Nelligan nous présentera le témoin et nous fera part des raisons de sa comparution.

M. Nelligan: Notre prochain témoin M. Paul LaBarge, présentement membre du cabinet de Blake Cassels & Graydon, auparavant de Lang Michener; je crois qu'il a quelque chose à dire en ce qui a trait aux propos qu'a tenus le témoin précédent.

Le président: Êtes-vous prêt à être assermenté, monsieur LaBarge?

M. Paul LaBarge, avocat, Blake Cassels & Graydon: Oui je le suis.

(Paul LaBarge, assermenté:)

Le président: Avez-vous une déclaration liminaire, monsieur LaBarge?

M. LaBarge: Oui.

J'ai écouté les témoignages cet après-midi et je crois que l'on peut très simplement résumer les questions. Je crois qu'il est tout à fait incontestable que MM. Matthews et Chrétien se sont rencontrés à une seule et unique occasion. La réunion a eu lieu le 14 avril 1989. J'en ai vérifié l'heure et la date dans mon propre agenda de même que dans les registres d'emploi du temps de ce jour-là. J'ai aussi examiné les registres d'emploi du temps pour les dossiers Matthews pour tout l'exercice 1989, c'est-à-dire du 1er février 1989 au 31 janvier 1990.

Trois dossiers portent les initiales J.C. Un dossier porte la date du 17 mars 1989, date à laquelle j'ai eu une conversation téléphonique avec M. Chrétien en ce qui concerne des questions de stratégie et de détails. Je vous donnerai d'autres précisions dans un instant quant à l'objet de la question.

Le deuxième dossier porte la date du 21 mars 1989; il s'agissait d'une conférence, d'une conférence en cabinet avec Jean Chrétien relativement à la réaction et au contrôle du ministère des Travaux publics.

Quant au troisième dossier, il porte sur la réunion du 14 avril 1989, la réunion avec Jean Chrétien et Matthews concernant le processus et les solutions de rechange.

Je n'ai pas ces dossiers entre les mains. Il s'agit de documents de Lang Michener. Lorsque j'ai quitté Lang Michener, j'ai signé une lettre d'entente prévoyant que je leur retournerais, à leur demande ou à celle du client, tous les dossiers et documents ayant trait au Matthews Group.

Ces dossiers, à titre d'information sont à la disposition de M. Baker depuis le 10 avril 1995.

À cet égard, je vous donne la copie d'une lettre du 10 avril 1995 que m'a fait parvenir le Barreau au sujet de l'échange de correspondance entre Lang Michener et M. Baker à cet égard.

Deuxièmement, d'après la feuille d'emploi du temps, on parle d'une période d'une heure et demie. Cela inclut le temps passé avant et après la réunion avec M. Matthews. La réunion devait porter sur la réponse à la demande de propositions relative à la construction d'un édifice qui répondrait à toutes les exigences du ministère des Transports, projet de quelque 200 millions de dollars. La demande de propositions avait été lancée en 1988 et Matthews avait présenté une offre.

La demande - la réponse à la demande de propositions - était très innovatrice et comportait un échange de terrains avec la ville d'Ottawa de même que le déménagement des bureaux du ministère des Transports de Place de Ville aux Plaines LeBreton.

Au cours de la réunion... et laissez-moi préciser que je n'ai pas assisté à toute la réunion. Si j'ai bonne mémoire, celle-ci a duré environ 45 minutes. Cela pourrait être une heure. Je ne puis le dire. Je me suis absenté de 20 à 30 minutes pour répondre à un appel provenant de mon bureau.

La réunion a eu lieu dans le bureau de M. Chrétien, dans les locaux de Lang Michener, au 3e étage du 50, rue O'Connor.

Tout le temps où j'ai été assisté à la réunion, il n'a jamais été question de Pearson, de sollicitation de fonds ou de demande de fonds. Je n'ai pas non plus sollicité des fonds à quelque moment que ce soit.

Après cette réunion, ni M. Matthews ni M. Chrétien n'a fait allusion en ma présence à la discussion relative à Pearson; j'en ai entendu parler pour la première fois en décembre 1994 lorsqu'il en a été question dans les médias.

Je peux aussi confirmer, après avoir examiné mes dossiers, que c'est en août 1989 qu'il est fait allusion pour la première fois à Pearson.

Je n'ai jamais sollicité de quelque client que ce soit, ni de personne d'autre en fait, de fonds pour la campagne de M. Chrétien. Ma participation, côté politique, s'est limitée à travailler bénévolement pour assurer la sécurité au congrès conservateur de 1983. alors que M. Mulroney a été élu à la direction du parti.

En ce qui concerne la conversation de janvier 1995, je dois dire que, tout comme M. Matthews l'a signalé aujourd'hui, j'ai été tout aussi déçu que lui au sujet de ce qui semble avoir été la dégradation d'un lien personnel. Je croyais et je crois maintenant que cette conversation visait exclusivement à obtenir des renseignements destinés à M. Baker ou, en fait, à M. Matthews père. En toute franchise, dans les circonstances, je voulais voir jusqu'où ils iraient.

J'étais prêt à livrer, et je l'ai fait, à M. Warren Seaford, l'associé directeur général de Lang Michener, un bref résumé du travail qui avait été fait à l'égard du Matthews Group et, en particulier, des dossiers en question. Je répondais ainsi directement à la demande qu'il m'avait faite d'examiner les dossiers afin de confirmer qu'il s'agissait bien, en fait, du dossier demandé par M. Baker et, en raison de la brièveté de ces dossiers, de lui fournir d'autres précisions. J'ai également une copie de cela pour vous.

Je pourrais ajouter que, en 1990, le 1er février 1990, j'ai quitté Lang Michener pour me joindre à Blake Cassels & Graydon. Il est de notoriété assez publique que, au cours de la deuxième moitié de 1989, le bureau de Lang Michener a connu d'importantes perturbations en ce qui a trait à son organisation et son fonctionnement. J'ai participé directement à ces discussions et je peux vous dire que non seulement j'ai consacré mon temps à essayer de maintenir ma pratique, mais que j'ai aussi essayé de déterminer si je resterais avec le cabinet ou si j'irais ailleurs.

Au cours de cette période, je n'ai rencontré qu'à deux reprises M. Chrétien et je n'ai rencontré aucun clients; je l'ai d'une part rencontré pour lui demander s'il jouerait le rôle de médiateur au sein du bureau pour faire régner l'harmonie et, dans un deuxième temps, pour lui faire mes adieux.

Il n'y a eu aucune réunion avec les clients au cours de cette période.

Je crois qu'il est important que vous compreniez le contexte des événements au fur et à mesure qu'ils se sont produits. À l'origine, Matthews voulait présenter une offre pour l'immeuble de Transports Canada. On considérait cela comme une première initiative dans la région d'Ottawa. Je n'ai jamais rencontré ni travaillé avec le Matthews Group avant cette date. J'ai alors rencontré Ray Hession et Jack Matthews pour essayer de concevoir une stratégie qui ferait en sorte que notre offre soit choisie.

L'offre, une fois déposée, si l'on se fonde sur les renseignements qui ont été rendu publics, s'est classée au septième rang du point de vue du prix.

Les discussions que j'ai eues avec M. Chrétien, avec l'accord de M. Matthews et à sa demande, avaient pour but de le consulter relativement aux évaluations qui seraient faites par les fonctionnaires du ministère des Travaux publics de même qu'au genre de présentation que nous pourrions faire pour que notre proposition soit plus convaincante.

L'importance de la réunion du 14 avril est mise en évidence par le fait que, de façon non officielle, on nous avait dit que nous étions passés du septième au deuxième rang en raison d'aménagements et d'autres facteurs d'évaluation qui avaient été avancés et discutés.

Un budget devait toutefois être déposé le 27 avril 1989. On craignait fort que celui-ci ne contienne d'importantes compressions de dépenses qui compromettrait le projet. Ces préoccupations n'étaient pas sans fondement.

Je tire ce qui suit des documents budgétaires déposés à la Chambre des communes par l'honorable Michael Wilson, ministre des Finances, le 22 avril 1989. On y lit à la page 26:

Immeuble de Transports Canada

Travaux publics Canada a invité des soumissionnaires à présenter des offres pour la construction du nouvel immeuble principal de Transports Canada dans la région de la Capitale nationale. Cet immeuble abriterait les quelque 5 000 employés de Transports Canada qui sont actuellement éparpillés dans plusieurs immeubles locatifs situés dans la Capitale nationale. Le coût total de cet immeuble serait de l'ordre de 200 millions de dollars.

L'appel d'offres lié à ce nouvel immeuble sera annulé dans le cadre de l'effort global de restriction des dépenses fédérales. Les employés de Transports Canada continueront de travailler dans des locaux loués existants de la région de la Capitale nationale.

Je crois, messieurs, que cela répond aux questions qui avaient été soulevées.

Comme je l'ai dit, je ne fais aucun commentaire en ce qui concerne toute période où je n'étais pas présent. Je me contenterai de signaler le fait que c'est par l'entremise des médias, en décembre 1994, que j'ai eu vent pour la première fois d'une discussion qui aurait lieu au sujet de Pearson dans le cadre de cette réunion; je n'ai jamais discuté de cette question avant cette date, que ce soit avec M. Chrétien, M. Matthews ou un membre du groupe Paxport.

Je le répète, il y a bien eu une réunion avec M. Chrétien. C'était le 14 avril 1989. Et je pourrais dire que, en ce qui concerne les déclarations qui ont été attribuées à M. Chrétien, qui m'aurait dit que je semblais faire ce qu'il faut en ce qui concerne les bonnes questions de politique générale, celles-ci traduisent l'avis que j'ai reçu de M. Chrétien en ce qui concerne le projet de construction d'un immeuble pour Transports Canada qui était notre principal cheval de bataille à ce moment. Merci.

Le président: Notre conseiller réservera ses questions pour plus tard. Sénateur Kirby, vous avez dit...

Le sénateur Kirby: Non.

Le président: Sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden: Non.

Le président: Quelqu'un d'autre? Sénateur Bryden et ensuite... vous avez laissé passer.

Allez-y.

Le sénateur Tkachuk: Je veux simplement préciser quelques points de votre déclaration; nous nous retrouvons dans la situation unique où deux personnes assermentées racontent des histoires assez différentes, mais j'aimerais simplement demander... M. Chrétien, à la Chambre des communes, n'a pas nié non plus que la réunion avait eu lieu. Mais il a fait une déclaration intéressante.

...Jamais je n'ai eu de discussion concernant l'aéroport de Toronto avec aucune de ces personnes alors que j'étais avocat. De plus, c'est moi qui ai proposé d'annuler ce projet. Loin d'avoir un conflit d'intérêt, c'est moi qui ai mis la hache dedans.

Que voulait-il dire lorsqu'il a utilisé l'expression: «alors que j'étais avocat»? Était-il avocat dans votre cabinet juridique?

M. LaBarge: Officiellement, je crois qu'il était conseiller juridique.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. LaBarge: Eh bien je suppose que cela n'en fait pas un partenaire ni un associé, mais un membre associé du cabinet. Je veux dire par là que M. Nelligan serait peut-être mieux placé que moi pour établir la distinction.

Le sénateur Tkachuk: Ce serait une chose étrange à dire parce qu'il n'avait pas vraiment à dire cela. Il aurait pu dire «Jamais je n'ai eu de discussion concernant l'aéroport de Toronto avec aucune de ces personnes.» Mais il a ajouté «alors que j'étais avocat» ce qui me porterait à croire qu'il a peut-être eu la discussion à un autre titre. Pourquoi dirait-il cela? Il est avocat.

M. LaBarge: J'ai peur que vous demandiez de lire les pensées de M. Chrétien, ce que je ne suis ni en mesure ni libre de faire.

Le sénateur Tkachuk: Moi non plus. C'est la raison pour laquelle je croyais que vous pouviez y parvenir mieux que moi.

M. LaBarge: Je crains de ne pouvoir éclairer votre lanterne à ce sujet.

Le sénateur Tkachuk: Aurait-il agi comme lobbyiste au sein de votre cabinet?

M. LaBarge: À ce que je crois comprendre il n'était certainement pas un lobbyiste. En fait, il faisait très attention à ne pas...

Le sénateur Tkachuk: Alors pourquoi rencontrer...

M. LaBarge: ...offrir ses services comme lobbyiste.

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi rencontrer - si ce que vous dites est exact - des gens au sujet de cet autre édifice, cet autre projet? Pourquoi rencontrer M. Chrétien?

M. LaBarge: Parce que M. Chrétien avait détenu pour ainsi dire, à titre de ministre, tous les portefeuilles importants à un moment ou à un autre et que ses connaissances des politiques et des processus gouvernementaux seraient très utiles, même en l'absence de tout contact. On ne lui a certainement pas demandé d'établir des contacts ou d'obtenir de l'information, mais plutôt de donner son opinion en ce qui concernait ce qui avait été fait.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous demandé à M. Matthews d'assister à cette réunion ou M. Matthews vous a-t-il demandé d'y assister?

M. LaBarge: M. Matthews m'a demandé d'organiser la réunion.

Le sénateur Tkachuk: D'organiser une réunion avec M. Chrétien afin de discuter...

M. LaBarge: De l'offre.

Le sénateur Tkachuk: De l'offre.

M. LaBarge: C'est la seule offre qui existait le 14 avril 1989.

Le sénateur Tkachuk: Il ne le rencontrait donc pas en sa qualité d'avocat. Travaillait-il pour le compte d'autres personnes?

M. LaBarge: Je crois, par ouï-dire, qu'il travaillait également pour Gordon Capital à ce moment.

Le sénateur Tkachuk: Pour quels autres comptes travaillait-il?

M. LaBarge: Je ne pourrais vous dire, monsieur le sénateur. Je ne suis pas chargé de ses affaires personnelles. Je ne sais pas.

Le sénateur Tkachuk: Agissait-il pour Perez ou...

M. LaBarge: Je ne pourrais vous dire, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Il agissait comme lobbyiste pour certaines compagnies. Rendait-il des services juridiques à ces personnes?

M. LaBarge: Je n'en ai aucune idée. Je ne m'occupais pas de sa pratique.

Le sénateur Tkachuk: Avait-il des registres d'emploi du temps? M. Chrétien facturait-il de la part du cabinet juridique?

M. LaBarge: Je l'ignore, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, vous devez m'aider à travers tout cela, vu que vous arrangiez... il est votre partenaire ou je dirais un employé du cabinet. Quel genre d'arrangements financiers aviez-vous alors avec M. Chrétien?

M. LaBarge: Eh bien, ce n'est pas moi qui ai conclu avec lui un arrangement financier. La direction, à Toronto, s'en est occupé.

Le sénateur Tkachuk: Vous n'étiez pas un associé du cabinet?

M. LaBarge: J'étais un associé, mais je n'ai pas... Je ne m'occupe pas des affaires personnelles de tout le monde, de notre conseiller.

Le sénateur Tkachuk: Étiez-vous un associé directeur général?

M. LaBarge: Non, je ne l'étais pas, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Vous n'avez donc aucune idée de ce qu'il faisait ou du salaire qu'on lui versait.

M. LaBarge: Eh bien, j'ai...

Le sénateur Tkachuk: Vous saviez simplement qu'il...

M. LaBarge: J'ai une vague idée de ce qu'il faisait.

Le sénateur Tkachuk: ...travaillait là en quelque sorte, précisément le type qui allait devenir premier ministre.

Eh bien, je ne fais que poser ces questions.

M. LaBarge: En février... vous savez, M. Chrétien a dit, tout d'abord, que la réunion avait eu lieu en janvier. Et vous avez ensuite répliqué dans un article de journal qu'il se trompait peut-être. N'est-ce pas exact?

M. LaBarge: Eh bien, je ne me fie pas aux médias pour me renseigner en général.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, je ne sais pas. Je vous pose simplement la question. Je sais qu'il a dit qu'à l'origine... son bureau a dit que la réunion avait eu lieu en janvier. N'a-t-il pas dit cela?

M. LaBarge: Eh bien, c'était peut-être en réponse à... parce qu'il savait qu'il avait rencontré M. Matthews; il ne l'a jamais nié.

Le sénateur Tkachuk: Non, je sais cela, mais il a également dit...

M. LaBarge: En ce qui concerne les dates, il n'a pas pu vérifier ses dossiers.

Le sénateur Tkachuk: Je ne fais que poser la question. Comment aurait-il vérifié les dossiers? Il était premier ministre à ce moment.

M. LaBarge: Eh bien, il lui aurait fallu téléphoner au cabinet juridique, si je ne m'abuse?

Le sénateur Tkachuk: Vous a-t-il téléphoné?

M. LaBarge: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Permettez-moi de mettre les choses au clair. M. Matthews est votre client.

M. LaBarge: M. Matthews était mon client.

Le sénateur Tkachuk: Non, mais à ce moment il était votre client.

M. LaBarge: Quand?

Le sénateur Tkachuk: Ne l'était-il pas?

M. LaBarge: Non.

Le sénateur Tkachuk: À l'époque de la réunion de...

M. LaBarge: En 1994 ou en 1989?

Le sénateur Tkachuk: Non, non, en 1990. Ou 1989 et 1990.

M. LaBarge: Choisissez une date et nous en parlerons.

Le sénateur Tkachuk: Alors permettez-moi de faire ceci. J'essaie de - écoutez je pose les questions ici et j'essaie simplement d'obtenir des réponses. Il était donc votre client en 1989?

M. LaBarge: Oui.

Le sénateur Tkachuk: L'était-il également en janvier 1990?

M. LaBarge: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Et maintenant, M. Chrétien vous téléphone et vous demande des renseignements au sujet d'une réunion qu'il avait eue avec vous afin d'en établir la date. Vous a-t-il demandé ce qui s'y était dit?

M. LaBarge: S'il m'a demandé ce qui s'était dit.

Le sénateur Tkachuk: Afin de lui rafraîchir la mémoire?

M. LaBarge: Non, il ne m'a pas demandé ce qui s'y était dit. Il m'a fait part de ce dont il se souvenait et m'a demandé si je pouvais confirmer.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. De quoi se souvenait-il?

M. LaBarge: Il se souvenait d'un projet de construction.

Le sénateur Tkachuk: A-t-il précisé le genre de projet?

M. LaBarge: À Ottawa.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, si c'était un... M. Matthews, toutefois, est votre client. M. Chrétien n'était pas dans cette pièce. M. Matthes vous a téléphoné et vous a demandé d'organiser une réunion avec M. Chrétien qui a dit en Chambre qu'il n'y avait pas assisté alors qu'il était avocat. Vous me dites que vous...

M. Nelligan: Si je puis me permettre de vous corriger, monsieur le sénateur?

Le sénateur Tkachuk: ...coopéreriez - je ne fais que poser la question - coopéreriez...

M. LaBarge: Je crains de ne pas comprendre la question.

M. Nelligan: Monsieur le sénateur, il a dit qu'il n'a pas eu de discussion au sujet de l'aéroport Pearson alors qu'il était avocat. Pour être juste avec ce témoin.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, il dit:

...jamais je n'ai eu de discussion concernant l'aéroport de Toronto avec aucune de ces personnes alors que j'étais avocat.

M. Nelligan: Exact.

M. LaBarge: Exactement.

Le sénateur Tkachuk: C'est là où j'en viens. S'il n'avait pas de discussions à titre d'avocat...

M. LaBarge: Peut-être tirez-vous les mauvaises conclusions. Peut-être n'a-t-il pas eu de discussions concernant Pearson alors qu'il était avocat parce qu'il n'a tout simplement pas participé à aucune discussion concernant Pearson.

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas ce qu'il dit.

M. LaBarge: Que dit-il?

Le sénateur Jessiman: À titre d'avocat.

M. LaBarge: Alors qu'il était avocat il n'a pas eu de discussion concernant Pearson.

Le sénateur Kirby: La question a été posée dans le contexte d'une discussion au cabinet...

Le sénateur Tkachuk: Cela importe peu n'est-ce pas? Vous êtes l'avocat. Matthews est le client. Vous dites maintenant au premier ministre ce qui s'est passé à la réunion. Vous lui rafraîchissez la mémoire. Au sujet de la date...

M. LaBarge: Eh bien monsieur, je crois que vous reprenez mal mes propos. Je ne lui ai pas dit ce qui s'était passé...

Le sénateur Tkachuk: D'accord, vous lui rafraîchissez la mémoire...

M. LaBarge: ...à la réunion. J'ai confirmé son...

Le sénateur Kirby: Il ne lui a pas rafraîchi la mémoire. Il a dit qu'on lui avait posé la question et qu'il avait donné confirmation. Vous lui faites dire des choses qu'il n'a pas dit, Dave. Soyez raisonnable...

Le sénateur Tkachuk: D'accord, je ne vous ferai pas dire ce que vous n'avez pas dit. Loin de moi une telle idée.

Le sénateur Kirby: Je comprends la raison pour laquelle vous agissez ainsi, mais soyez honnête.

Le sénateur Tkachuk: Je le suis. Je m'efforce toujours d'être honnête. Toutefois, j'aimerais bien savoir pourquoi, à ce moment-là, vous révélez à M. Chrétien ce qui s'est discuté à la rencontre, si votre client est M. Matthews?

M. LaBarge: Il s'agissait d'une rencontre entre un membre de mon étude, un de nos conseillers...

Le sénateur Tkachuk: Non, il n'exerce pas comme avocat en ce moment. Quoi qu'il soit arrivé durant cette rencontre, il n'agit pas comme avocat.

M. LaBarge: Moi-même, je ne pratique plus chez Lang Michener, mais cela ne veut pas dire pour autant que je n'ai plus de responsabilités à assumer à l'égard de ce que j'ai fait durant cette période.

Le sénateur Tkachuk: Non, je ne me trompe pas.

M. LaBarge: Je regrette, monsieur, mais j'ai de la difficulté à comprendre quel but vous cherchez à atteindre en me posant ces questions, car il était avocat, il est toujours avocat et, tout comme moi, il est membre du Barreau. Et lorsqu'il y a deux avocats présents à une rencontre... le fait que M. Nelligan ne pratique plus chez Nelligan Power ne nous empêcherait pas de discuter d'une rencontre que nous aurions eue pendant qu'il travaillait chez Nelligan et moi chez Lang Michener, du moins pas d'après ce que je sais de la loi.

Le sénateur Tkachuk: J'ai tout simplement de la difficulté à comprendre pourquoi il a ajouté l'expression «alors que j'étais avocat», ce qui signifie que, quel qu'ait été le déroulement de la rencontre, il n'agissait pas comme avocat.

M. LaBarge: C'est ainsi que vous l'interprétez, monsieur. Je ne puis vous aider.

Le sénateur Tkachuk: Il est bien difficile de faire autrement, puisque c'est ce qu'il a dit.

De plus, dans l'édition du 6 avril 1995 du Financial Post, on peut lire que vous avez écrit, le 3 mars, au Barreau pour l'informer que vous n'aviez pas en votre possession de dossiers appartenant à l'étude Lang Michener au sujet de ces clients, c'est-à-dire de Matthews.

M. LaBarge: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Vous les avez trouvés depuis?

M. LaBarge: Je les ai effectivement trouvés, monsieur, après avoir reçu une lettre de Lang Michener qui m'informait que l'on avait cherché partout et que l'on ne les avait pas retrouvés. J'ai alors demandé à mes employés de passer à travers toutes les archives. C'est ce qu'ils ont fait. J'ajoute que, si vous disposez de ce renseignement, vous devez aussi savoir le reste parce que cette information a été communiquée à M. Baker et au Barreau.

Le sénateur Tkachuk: Je n'ai rien reçu de M. Baker.

M. LaBarge: Les dossiers se trouvaient dans des boîtes mal étiquetées. Ils ont été livrés à Lang Michener, et une lettre a été livrée à M. Baker pour l'informer que les dossiers se trouvaient chez Lang Michener en juillet 1995.

Le sénateur LeBreton: Il y a deux mois de cela.

M. LaBarge: Deux mois, oui.

Le sénateur LeBreton: Puis-je poser une question supplémentaire, sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

Le sénateur LeBreton: Vous venez tout juste de dire, monsieur LaBarge, que le premier ministre Jean Chrétien se souvenait que la rencontre concernait un immeuble. J'aimerais à ce sujet vous renvoyer à une question posée par M. Michel Guimond au premier ministre à la Chambre des communes, le 27 mars 1995. Voici sa réponse:

«Monsieur le président, je pense que c'est clair, la réponse est non.»

Il est question d'une rencontre au sujet de la privatisation.

«J'ai même pris le temps de vérifier avec l'avocat qui représentait le groupe Matthews dans le bureau, je lui ai parlé et il m'a confirmé qu'on n'a pas discuté du tout de l'aéroport de Toronto. À ce moment-là, je n'avais jamais entendu parler de ce projet.»

Ainsi, vous lui avez confirmé qu'il n'avait pas été question d'un aéroport, mais d'un immeuble. Ce n'est pas lui qui s'en est souvenu. Donc, d'après le premier ministre...

M. LaBarge: Je regrette, mais...

Le sénateur LeBreton: C'est le premier ministre qui parle.

M. LaBarge: C'est effectivement le premier ministre, vous avez raison. Et vous savez tout autant que moi comment il se débrouille en anglais.

Le sénateur LeBreton: Vraiment?

M. LaBarge: Oui, l'anglais n'est pas sa langue maternelle. Je peux vous dire que, durant notre entretien, il m'a demandé si son souvenir de la rencontre était juste. De plus, si vous vérifiez le sens du mot «confirmer» au dictionnaire, vous constaterez qu'il a plusieurs sens. Donc, si vous voulez jouer sur les mots, je ne puis vous être utile. C'est de la politique pure et simple.

Le sénateur LeBreton: Continuons. Le même jour, il a de nouveau confirmé qu'il n'avait pas sollicité de fonds pour sa campagne électorale, que M. Matthews avait dit lui-même qu'il n'avait pas donné un sou, mais...

Le sénateur Tkachuk: J'aimerais revenir sur cette question parce que, comme vous le savez, je ne suis pas avocat. Je demanderai peut-être au conseiller juridique de m'aider. À ce moment-là, vous dites que vous étiez l'avocat de M. Matthews?

M. LaBarge: À quel moment au juste?

Le sénateur Tkachuk: En 1989 ou 1990.

M. LaBarge: Je l'étais effectivement.

Le sénateur Tkachuk: Supposons, par exemple - nous parlons ici hypothétiquement - que le client pour lequel vous agissez comme avocat affirme quelque chose qui est rapporté dans les journaux. Avez-vous alors appelé M. Matthews pour lui signaler qu'il avait tort et que vous le contrediriez? Est-ce ce que vous avez fait?

M. LaBarge: Vous me demandez si j'ai appelé M. Matthews?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

M. LaBarge: Non.

Le sénateur Tkachuk: Ainsi, votre client affirme quelque chose dans les journaux ou fait une déclaration à un journaliste...

M. LaBarge: Mon ex-client, oui.

Le sénateur Tkachuk: Non, à cette époque, il est votre client.

M. LaBarge: Non, plutôt mon ex-client.

Le sénateur Tkachuk: Êtes-vous en train de me dire qu'un avocat n'a jamais de contacts avec un ex-client?

M. LaBarge: Non, ce n'est pas du tout ce que je suis en train de dire, monsieur. J'essaie simplement de rétablir les faits. À ce moment-là, il n'était pas mon client. En 1994, je n'étais pas son avocat.

Le sénateur Tkachuk: En 1994, non, mais il est question ici d'une rencontre qui a eu lieu soit en avril 1989, comme vous l'affirmez...

M. LaBarge: C'est ça.

Le sénateur Tkachuk: ... ou en décembre ou en janvier, lorsque, selon lui...

M. LaBarge: Exact.

Le sénateur Tkachuk: ...il était votre client. Il a donc fait une déclaration dans les journaux.

M. LaBarge: Effectivement.

Le sénateur Tkachuk: Il a fait des révélations au sujet de faits s'étant produit pendant que vous étiez son avocat et vous ne l'avez pas appelé pour lui dire qu'il avait fait erreur?

M. LaBarge: Pourquoi le ferais-je? J'ai reçu un appel de Philip Mathias qui obtenait ses renseignements de Dieu sait qui. Il m'a dit: «Je crois savoir que vous étiez présent à la rencontre».

Le sénateur Tkachuk: Continuez.

M. LaBarge: Je lui ai répondu que j'y étais effectivement.

Le sénateur Tkachuk: Oui?

M. LaBarge: Il m'a alors demandé quel avait été l'objet de la rencontre. Je lui ai dit que je ne pouvais pas en parler. Cependant, sur l'avis de mon avocat, je puis vous affirmer qu'il n'a pas été question en ma présence de l'aéroport Pearson. Si vous désirez en savoir plus sur l'objet de la rencontre, je devrai en discuter avec l'avocat qui m'a conseillé.

Le sénateur Tkachuk: Donc, il aurait pu en être question.

M. LaBarge: Pas en ma présence, monsieur, cela aurait été impossible.

Le sénateur Tkachuk: D'après la feuille d'emploi du temps, elle a duré une heure et demie?

M. LaBarge: Répartie sur toute la matinée.

Le sénateur Tkachuk: MM. Chrétien, Matthews et vous-même?

M. LaBarge: Non. J'ai d'abord rencontré M. Matthews avant la réunion avec M. Chrétien et j'ai à nouveau rencontré M. Matthews après la réunion. C'est ainsi que je calcule que la réunion a duré entre 45 minutes et une heure car ces trois rencontres ont, d'après la feuille d'emploi du temps, absorbé une heure et demie de mon temps.

Le sénateur Tkachuk: Combien de temps avez-vous donc passé avec M. Matthews, alors?

M. LaBarge: Si l'on additionne le temps pendant lequel j'étais avec lui avant la rencontre et le temps durant lequel j'étais avec lui après la rencontre et qu'on y ajoute la durée de la rencontre avec M. Chrétien, cela donne une heure et demie.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Combien de temps avez-vous passé en réunion avec M. Matthews?

M. LaBarge: Je viens de répondre à cette question, je crois.

Le sénateur Tkachuk: Était-ce 45 minutes, 30 minutes ou 10 minutes?

Le sénateur Jessiman: Il a dit que cela avait duré une heure et demie.

Le sénateur Tkachuk: Une heure et demie?

M. LaBarge: J'ai passé en tout une heure et demie avec M. Matthews.

Le sénateur Tkachuk: Et M. Chrétien?

M. LaBarge: Durant cette même période d'une heure et demie.

Le sénateur Tkachuk: Il n'a été là que 45 minutes, par conséquent?

M. LaBarge: Il a été présent pendant environ 45 minutes. Je n'ai pas noté qui était là et qui ne l'était pas à un moment donné.

Le sénateur Jessiman: Il y a une autre période. Lorsqu'il n'est pas dans la pièce, il n'exige pas d'honoraires.

M. LaBarge: Exactement. Je vous remercie.

Le sénateur Jessiman: Donc, la réunion a duré une heure et demie, plus la période durant laquelle vous étiez absent de la pièce, soit 30 minutes environ. On peut donc dire que M. Matthews était dans le bureau, que ce soit avec vous ou avec vous et M. Chrétien, ou seul avec M. Chrétien...

Le sénateur Bryden: Ou seul avec M. LaBarge.

Le sénateur Jessiman: S'il avait été seul avec M. LaBarge, son emploi du temps ferait état de quelque deux heures.

M. LaBarge: Que je me souvienne, sénateur, et cela vaut ce que cela vaut, il est arrivé à environ 9 h 30 et a quitté vers 11 h 30. Cela vous va-t-il?

Le sénateur Jessiman: Deux heures, donc. L'étude aurait-elle exigé des honoraires pour une heure et demie seulement ou avez-vous facturé les deux heures?

M. LaBarge: J'ai facturé une heure et demie, soit les heures inscrites sur la feuille d'emploi du temps.

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas ce qu'a fait M. Chrétien?

M. LaBarge: Il n'a rien exigé.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous terminé?

Le sénateur Jessiman: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné un entretien téléphonique que vous avez eu avec M. Matthews.

M. LaBarge: C'est exact.

Le sénateur Tkachuk: Lorsque vous en avez parlé, vous avez dit que vous vouliez voir jusqu'où il irait. Qu'entendiez-vous par là?

M. LaBarge: M. Matthews, dans son propre témoignage, a dit essentiellement qu'il enregistrait la conversation parce qu'il ne me faisait pas confiance. J'avoue que, moi-même, je n'étais pas très à l'aise dans mes rapports avec lui. À mesure que se prolongeait la conversation, j'ai remarqué que nous étions passés de e que nous nous rappelions de la rencontre à d'autres choses. Je me suis alors dit: «Voyons où nous mènera cette conversation. Faisons semblant d'être d'accord et voyons où cela nous mènera». J'étais convaincu que nous n'en étions pas encore au véritable objet de son appel.

Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, durant cet entretien téléphonique, vous jouiez au super-détective et vous le faisiez marcher?

M. LaBarge: En fait, je jouais au super-détective avec quelqu'un qui, lui-même, jouait au super-détective, effectivement.

Le sénateur Tkachuk: Et vous le faisiez marcher.

M. LaBarge: Non, je ne le faisais pas marcher; j'essayais simplement de voir où il voulait en venir.

Le sénateur Tkachuk: Fort bien, alors, où voulait-il en venir?

M. LaBarge: Je crois qu'il voulait en venir à ce qu'il affirme aujourd'hui.

Le sénateur Tkachuk: Il a donc discuté avec vous de la durée de la rencontre?

M. LaBarge: Il a discuté avec moi de la rencontre, oui.

Le sénateur Tkachuk: Et comment a-t-il décrit la rencontre et comment avez-vous vous-même décrit la rencontre?

M. LaBarge: Je ne l'ai pas fait marcher; en fait, c'est lui qui, la plupart du temps, me faisait marcher.

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Sur quoi vous êtes-vous entendus...

M. LaBarge: Sénateur, si je ne m'abuse, vous en avez une copie.

Le sénateur Tkachuk: Je n'ai rien de tel.

M. LaBarge: Vous ne l'avez pas?

Le sénateur Tkachuk: Non.

M. LaBarge: Cela m'étonne, car le Financial Post en a une.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, ils...

Le sénateur Lynch-Staunton: Quel est le rapport avec...

Le sénateur Tkachuk: Quel est le rapport?

M. LaBarge: Tout simplement, je ne suis pas en mesure, c'est-à-dire que la loi ne me permet pas d'enregistrer mes conversations téléphoniques avec les clients. Si c'est ainsi que l'on veut procéder, il vaudrait mieux utiliser la meilleure preuve.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur LaBarge...

Le sénateur Lynch-Staunton: J'invoque le règlement, monsieur le président. Nous n'avons pas fait allusion à un enregistrement. Le sénateur Bryden a demandé au témoin s'il existait un enregistrement.

Le sénateur Tkachuk: Ce n'était pas moi.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est là qu'il en a été question. Nul de notre côté n'a vu de cassette ou de transcription.

Le sénateur Kirby: Nous n'en avons pas, nous non plus. Nous n'avons pas vu de copie.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous ignorons donc de quoi parle le témoin. C'est complètement dingue de laisser entendre que nous avons une copie de cette conversation.

Le sénateur Jessiman: Puis-je poser une question, sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk: Je vous en prie.

Le sénateur Jessiman: Seriez-vous opposé à l'idée que notre comité obtienne la copie de cette conversation qu'a, selon vous, le Financial Post et que vous écoutiez avec nous cet enregistrement? Avez-vous...

M. Nelligan: Sénateur, si vous me le permettez? Je crains beaucoup que le comité ne soit en train de s'écarter du sujet, que l'on ne soit en train de mettre en doute la crédibilité de deux citoyens me semble-t-il très responsables, ce qui n'est pas l'objet principal de l'étude.

Vous devez établir certains faits au sujet du rapport concernant l'aéroport Pearson. Si quelqu'un est coupable de manquements ou de fausse déclaration, d'autres s'en chargeront. Par contre, je crains qu'en agissant ainsi, nous ne passions à côté de l'objet de l'étude et que nous ne soyons en train de salir des réputations, ce qui n'est pas notre fonction habituelle. Je vous demanderai donc, si vous avez obtenu les renseignements voulus des deux témoins, de passer à autre chose.

Vous êtes libre bien sûr de faire ce que vous voulez. Mais je crains que nous ne soyons en train de nous lancer dans quelque chose qui ne nous concerne pas, en réalité. Je tenais à le préciser officiellement.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le conseiller, je me suis astreint à la plus grande prudence dans toute cette affaire qui relève du domaine public. Je ne l'ai pas inventée. J'ai interrogé M. Matthews au sujet d'une question du domaine public. C'est lui-même qui l'a rendue publique, de même que les journaux. J'essaie d'aller au fond des choses.

Monsieur le conseiller, nous sommes ici pour établir... assurément, ce processus a sali la réputation de nombreuses personnes tant du gouvernement que de l'extérieur. Des accusations ont été portées, des déclarations ont été faites. Il me semble que, lorsque M. Nixon fait une affirmation, on ne trouve pas à y redire, mais que, si je pose des questions au sujet d'un point que j'estime pertinent, c'est une autre paire de manches. Monsieur le conseiller, je vais continuer de creuser cette question parce que le témoin - après tout, ce n'est pas moi qui lui ai demandé de venir à la barre. En fait, je ne voulais pas qu'il témoigne aujourd'hui car je souhaitais que lui et moi ayons le temps de nous préparer. Je fais de mon mieux; je ne m'attendais pas à ce qu'il comparaisse aujourd'hui. Je croyais que Matthews Group serait ici beaucoup plus longtemps. Il était ici, attendant son tour. Il était assis là-bas, juste-là, à côté de ce monsieur. Le voilà maintenant à la barre. Une fois qu'on s'est mouillé, autant continuer.

M. Nelligan: Je parle uniquement, sénateur Tkachuk, des enregistrements. Si vous les produisez, d'où viennent-ils? Faudra-t-il les faire examiner par un technicien pour voir s'ils ont été manipulés? Devrons-nous entendre ceux qui ont écouté l'enregistrement? Cela pourrait s'éterniser.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourquoi en avoir parlé dans ce cas? Pourquoi avoir soulevé la question?

Le sénateur Tkachuk: Pourquoi me fait-on des reproches? Le sénateur Bryden est celui qui a parlé, pour la première fois, des enregistrements. J'interroge le témoin au sujet d'un entretien téléphonique...

Le sénateur Stewart: C'est vous qui avez voté en faveur de maintenir...

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas moi qui ai demandé à faire témoigner M. LaBarge, mais lui.

Le sénateur Lynch-Staunton: Il a raison: il ne voulait pas que M. LaBarge vienne à la barre. C'est vous qui en avez décidé.

Le sénateur LeBreton: Exactement.

Le sénateur Tkachuk: Je vais faire de mon mieux, monsieur le conseiller. Le témoin est ici, et je le remercie d'être venu; je lui en suis reconnaissant. J'essaie simplement de savoir... Nous avons deux témoins qui relatent les faits différemment. C'est de bonne guerre.

J'aimerais simplement revenir sur cet entretien téléphonique que vous dites avoir eu. Vous dites que vous le faisiez marcher. En d'autres mots, vous ne disiez pas la vérité?

M. LaBarge: Voyons si je peux vous faire comprendre: je lui faisais exactement ce que lui-même était en train de me faire.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur LaBarge...

M. LaBarge: Sénateur...

Le sénateur Tkachuk: Je vous ai posé une question.

M. LaBarge: J'aimerais bien faire comprendre quelque chose.

Le sénateur Tkachuk: Quand au juste disiez-vous la vérité: au téléphone ou ici, aujourd'hui?

M. LaBarge: Je témoigne sous serment, monsieur.

Le sénateur Tkachuk: Comme vous n'agissiez pas sous serment, vous pouviez dire n'importe quoi?

M. LaBarge: Tout dépend de l'interlocuteur, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas mon avis.

Le président: Avez-vous entendu la conversation téléphonique, sénateur?

Le sénateur Tkachuk: Non, je lui pose des questions à ce sujet. Plus particulièrement, ... il m'a dit plus tôt, dans son témoignage, qu'il faisait marcher cette personne. Je lui demande si cela veut dire qu'au téléphone, il ne disait pas la vérité. Il m'a répondu... en fait, je ne me souviens plus de ce qu'il a répondu tellement j'ai été scandalisé.

Le sénateur LeBreton: Tout dépend de l'interlocuteur.

Le sénateur Tkachuk: Tout dépend de l'interlocuteur. Aujourd'hui, il a prêté serment; mais quand on n'a pas prêté serment, on peut mentir?

M. LaBarge: Sénateur, je ne me rappelle pas de tout l'entretien, mot à mot. Je n'ai pas d'enregistrement ou de copie transcrite sur lequel m'appuyer. Je puis vous dire - et si vous avez écouté le témoignage de M. Matthews aujourd'hui, vous l'avez entendu dire - qu'au début, M. LaBarge avait dit telle ou telle chose. M. Matthews, lui, a un enregistrement ou une transcription de celui-ci qu'il peut utiliser pour se rafraîchir la mémoire. Je ne me souviens pas verbatim de ce qui s'est dit. Cela, je puis l'affirmer.

Le sénateur Tkachuk: Pourtant, vous le faisiez marcher? Vous l'avez dit.

Le sénateur Bryden: Non, il n'a pas dit cela.

Le sénateur Jessiman: Mais oui, il l'a dit, sous serment!

Le sénateur Tkachuk: D'accord. Le faisiez-vous marcher ou pas? Vous avez dit que vous le faisiez marcher. Dites-moi: comment le faisiez-vous marcher?

M. LaBarge: J'étais réceptif aux points qu'il faisait valoir.

Le sénateur Tkachuk: Par conséquent, tout ce que vous avez peut-être dit et tout ce que vous avez effectivement dit durant cet entretien téléphonique n'était que des paroles pour le faire marcher et pour vous montrer réceptif?

M. LaBarge: Encore une fois, je répète que je n'ai pas l'avantage de pouvoir me rafraîchir la mémoire au moyen d'un enregistrement ou d'une transcription de celui-ci.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur LaBarge, vous vous rappelez fort bien ce qui s'est produit en 1989 mais vous ne vous souvenez pas de ce qui s'est passé en 1995?

M. LaBarge: Sénateur, vous oubliez qu'il existe des dossiers décrivant les faits de 1989.

Le sénateur Tkachuk: Et que disent ces dossiers?

M. LaBarge: Je vous en ai fait lecture.

Le sénateur LeBreton: Ils ont été produits en 1995.

M. LaBarge: Ils n'ont pas été produits en 1995, sénateur, mais bien à l'époque où se sont déroulés ces faits.

Le sénateur LeBreton: Vous les avez remis en 1995.

Le sénateur Tkachuk: Quel fouillis indescriptible, monsieur le président. Le témoin affirme qu'il faisait marcher son interlocuteur, lors d'une conversation téléphonique. Si c'était le cas, il l'a peut-être trompé quant aux faits que tentait de vérifier le témoin précédent. Ainsi, le témoin précédent appelle son avocat pour lui demander de l'aider à se souvenir de quelque chose et celui-ci l'aide en le faisant marcher?

M. LaBarge: Vous exagérez, sénateur.

Le sénateur Tkachuk: En quel sens?

M. LaBarge: Eh bien, il n'était pas mon client à l'époque.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur LaBarge, je conçois mal que l'on invoque un tel argument dans le cadre d'une enquête du Sénat. Vous êtes venu ici pour témoigner. Vous avez attendu de témoigner à propos de ce qu'a dit un autre témoin sous serment.

M. LaBarge: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Vous vous êtes préparé à faire ce témoignage.

M. LaBarge: Oui.

Le sénateur Tkachuk: Je vous interroge au sujet d'un entretien téléphonique que vous avez eu en janvier et en mars 1995.

M. LaBarge: Exact.

Le sénateur Tkachuk: Vous me dites que vous avez fait marcher le témoin précédent en ne lui disant pas la vérité ...

M. LaBarge: Non, ce n'est pas vrai.

Le sénateur Tkachuk: Pour confirmer certains faits dont il essayait de se souvenir. Qu'essayez-vous de me dire au juste?

M. LaBarge: Ce n'est pas vrai.

Le sénateur Tkachuk: Qu'êtes-vous en train de me dire alors?

M. LaBarge: Je vous dis...

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, le témoin a à de nombreuses reprises refusé d'accepter l'interprétation que fait le sénateur Tkachuk de son témoignage.

Le sénateur Tkachuk: Non, c'est lui-même qui l'a dit. Je ne l'ai pas inventé.

Le sénateur Jessiman: Il l'a effectivement dit.

Le sénateur Bryden: C'est faux.

Le sénateur Tkachuk: Dans son témoignage... Sénateur Bryden, il a déclaré qu'il le faisait marcher...

Le sénateur Bryden: Il n'a pas dit cela.

Le sénateur Tkachuk: ...pour voir jusqu'où il irait. Je conviens que je ne suis plus une jeunesse, que je porte des lunettes, mais je ne suis pas sourd.

Le sénateur Bryden: Ce n'est pas ce qu'il a dit et le compte rendu en fera foi, sénateur Tkachuk.

Le sénateur Tkachuk: D'accord, attendons de voir.

J'ignore si M. Matthews est toujours ici et s'il... vous avez cependant demandé à M. Bryden s'il avait une copie de l'enregistrement.

Le sénateur Jessiman: Effectivement.

Le sénateur Tkachuk: Pourrait-il nous dire, dans ce cas, s'il a un enregistrement ou un compte rendu de celui-ci? Cet homme est en train de le contredire. J'estime qu'il a le droit de rétablir les faits, de s'excuser ou Dieu sait quoi afin que nous puissions apprendre ce qui s'est réellement produit.

Je demande donc, monsieur le président, que M. Matthews, s'il est encore ici, nous le fasse entendre.

Le président: Non. Cela suffit. Il n'est pas question de réfuter ou de reprendre l'interrogatoire. Vous avez entendu le conseiller juridique. Je vais donc trancher.

Le sénateur Tkachuk: S'il a un enregistrement, toutefois, monsieur le président, s'il a un enregistrement de l'entretien?

Le président: Il peut le faire jouer sur la colline du Parlement.

Le sénateur LeBreton: Ce n'est peut-être pas une mauvaise idée!

Le président: Il peut aussi, si cela lui plaît, faire distribuer sa déclaration d'un avion volant à basse altitude. Il peut en faire ce qu'il veut, produire ce qu'il veut. Rien ne l'en empêche. C'est sans rapport avec les audiences du comité.

Le sénateur Tkachuk: Mais il y a un rapport, monsieur le président.

Le président: Il n'y a pas de rapport.

Le sénateur Tkachuk: Je ne suis pas d'accord.

Le président: Cela n'a absolument aucun rapport.

Le sénateur Tkachuk: Le premier ministre annule un contrat simplement parce que, d'après le rapport Nixon, il y a présomption de favoritisme. Notez bien que l'on parle de présomption, non pas de fait ou de preuve, mais de présomption de favoritisme. Ce sont là les mots utilisés dans le rapport Nixon, pas les miens. Puis, quand je dis qu'un autre parti politique a peut-être fait du favoritisme, on croirait que c'est la fin du monde. Il ne faudrait tout de même pas exagérer.

Le sénateur LeBreton: Que faites-vous des principes d'honnêteté et d'intégrité?

Le sénateur Tkachuk: Je ne trouvais rien à redire de la rencontre d'une heure, et je l'ai dit au témoin précédent. Je lui ai tout juste demandé si elle avait eu lieu. C'est le sénateur Bryden qui en a fait tout un plat. J'ai bel et bien dit que je ne voyais rien de mal à cette rencontre. Le premier ministre n'a jamais nié la privatisation; il s'agit-là d'une autre preuve. Je n'y voyais rien de répréhensible, mais tous les autres semblent penser autrement.

Le président: Sénateur Tkachuk, bien des choses me déplaisent, entre autres d'être dupé. Si vous vous en étiez tenu à des questions au sujet du premier point soulevé, à savoir si M. Chrétien, à titre particulier, était en faveur de la privatisation en 1989, ce que j'étais disposé à accepter...

Le sénateur LeBreton: Qu'en est-il de M. Matthews, à titre particulier?

Le président: ...fort bien. Mais vos questions déloyales nous ont directement entraînés là où nous en sommes.

Le sénateur Tkachuk: Cependant, M. LaBarge...

Le président: Vous pouvez en parler autant que vous voulez...

Le sénateur Tkachuk: Je ne souhaite pas...

Le président: ...mais cela n'a rien à voir avec ce que fait notre comité.

Le sénateur Tkachuk: M. LaBarge est ici parce qu'il a bien voulu venir.

Le président: De plus, si vous croyez que j'essaie de protéger la réputation du premier ministre, je vous signale que je suis conservateur convaincu depuis beaucoup plus longtemps que toute autre personne ici présente.

Le sénateur LeBreton: C'est simplement parce que vous êtes plus vieux.

Le sénateur Tkachuk: Monsieur le président, je n'aurais jamais pensé cela. Tout cela est allé bien trop loin. Je veux dire...

Le président: Quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter? A-t-on d'autres questions sans rapport avec notre étude?

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, monsieur le président. J'espère toutefois avoir certains commentaires pertinents à faire. Laisserons-nous deux témoins... je conviens avec le conseiller juridique et avec vous qu'une grande partie de ce que nous avons entendu aujourd'hui est sans rapport et n'aurait jamais dû être soulevée ici. J'admire votre patience et votre stoïcisme, surtout quand on connaît vos sentiments personnels à ce sujet. Malheureusement, le tort est fait.

Nous essayons d'établir ici, exactement comme vous l'avez dit, si une rencontre a eu lieu entre le futur premier ministre ou le futur chef du Parti libéral et d'autres libéraux et M. Matthews afin de connaître leurs pensées au sujet de la privatisation? Nous croyons comprendre du témoignage de M. Matthews qu'une telle rencontre a effectivement eu lieu et qu'il a reçu des encouragements. Nous croyons savoir de M. LaBarge qu'une telle rencontre n'a pas eu lieu et que cela s'arrête là.

Devons-nous nous contenter de ces deux témoignages contradictoires, essayer de voir où se situe la vérité, ou estimons-nous préférable de les laisser en débattre sur une autre tribune?

Le président: Passons à autre chose. Revenons-en à notre programme. Dès lundi matin, 9 heures, nous entendrons notre premier témoin.

Le sénateur LeBreton: Fort bien.

Le sénateur Tkachuk: Qui est-ce?

Le président: M. Shortliffe, n'est-ce pas? Ah non, nous entendrons d'abord les théoriciens.

Le sénateur Jessiman: Lundi.

Le président: Lundi, c'est cela. Voilà qui est décidé. L'ordre du jour étant épuisé, je déclare la séance levée.

Le sénateur Tkachuk: Je vous remercie, monsieur le président.

La séance est levée.

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