Délibérations du comité spécial du Sénat sur les
Accords de l'aéroport Pearson
Annexes A et B
ANNEXE A
Tableau I
EXAMEN DU DOSSIER DE L'AÉROPORT PEARSON
Valeur actualisée des rentrées de fonds différentielles
pour le gouvernement
selon différents taux de rendement des capitaux
propres (1)
(en millions de dollars)
1) En présumant que les rentrées
de fonds du gouvernement sont actualisées au taux de 8,5 p. 100.
2) La valeur actualisée : i) des rentrées de fonds avant impôts
jusqu'à la neuvième année et ii) de la valeur capitalisée,
la neuvième année, pour les investisseurs.
3) Chiffres fondés sur les rentrées de fonds prévues avant le service de la dette, rajustées des dépenses d'entretien en capital.
ANNEXE B
PHILLIPS & VINEBERG
AVOCATS
5, place Ville-Marie, 17e étage, Montréal (Québec) CANADA H38 2G2
Téléphone : (514) 866-8541 Télécopieur : (514) 875-0344
Ligne directe : 877-6444
Le 15 décembre 1993
PAR MESSAGER
Monsieur Stephen T. Goudge, c.r.
Gowling, Strathy & Henderson
Pièce
4900, Commerce Court West
Toronto (Ontario)
M5L 1J3
Monsieur,
Au commencement de la réunion que nous avons eue au début de novembre, M. Nixon avait déclaré qu'il exercerait son mandat avec équité et impartialité. Or, en lisant le rapport qu'il a soumis au premier ministre, on peut malheureusement voir qu'il en a été tout autrement. La section 2 de ce rapport, en particulier, contient un nombre surprenant d'affirmations soit inexactes soit péjoratives que son auteur n'a même pas tenté de justifier. Comme avocat, j'ai l'habitude de lire des jugements et des rapports d'enquête où l'on s'efforce d'expliquer avec soin et pondération les faits et les assertions des parties. Les lacunes du rapport de M. Nixon à cet égard m'apparaissent donc extrêmement malheureuses, compte tenu surtout des répercussions énormes qu'auront ses conclusions sur un grand nombre de gens et sur la politique du gouvernement du Canada.
Voici les principales inexactitudes et déséquilibres que j'ai relevés dans la partie deux du rapport.
1. M. Nixon affirme que : «La participation effective de T1 T2 Limited Partnership a été portée à la connaissance du gouvernement du Canada, mais non à celle du public lorsque les documents relatifs à l'accord ont été partiellement divulgués au cours de la campagne électorale». En réalité, elle l'a été dans la mesure suggérée par le ministère des Transports. Si ce dernier avait exigé des divulgations supplémentaires, T1 T2 Limited Partnership aurait certainement accédé à sa demande. M. Nixon laisse ainsi entendre que T1 T2 Limited Partnership voulait, d'une certaine façon, taire le nom de ses propriétaires bénéficiaires, ce qui est totalement inexact.
2. Dans le paragraphe suivant, M. Nixon prétend, au sujet de la durée du bail, du délai d'option et de l'obligation d'aménager, que : «Si ces facteurs [desquels dépendent l'aménagement] ne se concrétisent pas, le bail se poursuit même s'il n'y a pas d'aménagement». Le ton de la phrase laisse entendre qu'il faut considérer cela comme une sorte de «faille» dans l'accord; le fait est que l'accord dispose ainsi parce que, si le trafic voyageurs n'atteint pas le niveau voulu, il n'y aura pas lieu de poursuivre l'aménagement des aérogares. Par ailleurs, les compagnies d'aviation qui, en versant un loyer, assument, en fin de compte, la majeure partie de frais d'aménagement, jugeraient inacceptable, tout comme leurs passagers, que T1 T2 Limited Partnership soit tenu de faire des aménagements inutiles.
3. En ce qui concerne le loyer, M. Nixon affirme que : «Le montant du loyer annuel à verser au gouvernement du Canada les neuf premières années est de 27 millions de dollars au début pour passer à 30 millions». C'est faux. Ce montant est de 28 millions au début et passera, si l'on en croit les prévisions sur les mouvements de trésorerie soumises et $ croyons-nous $ acceptées par le ministère des Transports, à 58 millions, la sixième année, puis à 63, 80 et 86 millions de dollars, les trois années suivantes.
4. Au sujet du report de loyer pour les 2e, 3e et 4e années du bail, M. Nixon prétend qu'«il en résulte que le loyer réel correspondant à ces années sera sensiblement inférieur aux recettes nettes de 26 millions de dollars que Transports Canada tirera de l'exploitation de ces installations au cours de l'exercice 1993». Si Transports Canada tient une comptabilité d'exercice, cette affirmation est fausse. S'il tient une comptabilité de caisse, l'affirmation est exacte à proprement parler, mais clairement trompeuse parce que :
i) elle ne tient pas compte du fait que les recettes du ministère des Transports vont augmenter au cours des dix prochaines années, en raison de ce report;
ii) si Transports Canada devait décaisser les 100 millions de dollars que le promoteur dépenserait durant cette période, il verrait ces ressources de trésorerie amputées de bien plus que 33 millions de dollars;
iii) le report de 33 millions de dollars s'explique par l'insistance du ministère des Transports à voir T1 T2 Limited Partnership commencer immédiatement les aménagements tout en maintenant à son niveau actuel - déjà déraisonnablement bas $ le loyer d'Air Canada, et ce, jusqu'en 1998. Paxport avait proposé que son obligation d'entreprendre les travaux d'aménagement soit conditionnelle à l'alignement des loyers sur les taux du marché.
5. Selon M. Nixon, les déductions appliquées dans le calcul du revenu brut sont «inhabituelles dans les transactions commerciales». Les transactions commerciales qui impliquent la location d'une aérogare sont effectivement très rares, c'est sous cet angle seulement que l'on peut admettre la véracité des propos de M. Nixon. De fait, ces déductions sont presque toujours absolument «normales» dans le calcul des recettes brutes d'un bail pour la vente au détail, qui prévoit le paiement d'un loyer proportionnel et elles sont conformes à celles qui ont été négociées pour l'aérogare 3.
6. M. Nixon affirme aussi que : «Le bail n'empêche pas T1 T2 Limited Partnership d'exercer des activités autres que la gestion, l'exploitation et l'entretien des aérogares 1 et 2», puis il laisse entendre que l'échec financier d'une autre entreprise pourrait mettre en péril la situation financière de T1 T2 Limited Partnership. C'est faux. La clause 54.4 du bail foncier stipule que T1 T2 Limited Partnership ne peut engager aucune dette (éventuelle ou non) qui n'est pas liée, directement ou indirectement, à la gestion, à l'entretien, à l'aménagement et à l'exploitation des aérogares et des terrains connexes avant la date d'achèvement ou le dixième anniversaire de l'entrée en vigueur, selon la première éventualité. Par conséquent, la situation financière de T1 T2 Limited Partnership ne peut être compromise par l'échec d'une autre entreprise durant cette période, qui est censée être la période d'aménagement. En outre, M. Nixon ne dit inexplicablement rien des nombreuses dispositions du bail foncier qui obligent T1 T2 Limited Partnership à une participation minimale au capital-actions, qui limitent les répartitions de recettes qu'elle peut consentir à ses partenaires et qui exigent qu'elle dépose, au cours des cinq premières années, cinq millions de dollars par année dans un compte bancaire distinct le jour anniversaire de l'entrée en vigueur afin d'accroître ses liquidités et sa capacité de d'expansion.
7. En ce qui concerne l'obligation d'entretenir et d'améliorer, M. Nixon affirme que : «L'obligation première du locataire est d'exploiter les aérogares 1 et 2 à titre "d'aérogares de première catégorie" et poursuit en disant que : «Cette obligation est assujettie à la condition que le locataire puisse recouvrer ses frais, plus un pourcentage de ceux-ci tirés des revenus différentiels...». Cette deuxième affirmation est inexacte. Le bail oblige T1 T2 Limited Partnership à garder en permanence les aérogares 1 et 2 dans l'état attendu d'un aérogare de première catégorie et de les exploiter selon les normes applicables aux aérogares de première catégorie. En outre, le locataire est tenu de faire toutes les réparations, substitutions et améliorations nécessaires à tous les systèmes de la façon indiquée pour tous les autres systèmes comparables des aérogares de première catégorie; aucune de ces obligations n'est conditionnelle à la capacité du locataire de recouvrer ses coûts au moyen de recettes supplémentaires. La seule obligation qui l'est est celle d'améliorer les aérogares, c'est-à-dire d'y apporter des modifications structurelles importantes, une fois les travaux d'aménagement terminés.
8. Parlant de l'hypothèque sur la propriété louée à bail, M. Nixon explique que : «Si le créancier hypothécaire réalise la sûreté, il n'est pas tenu de terminer les phases suivantes de la construction, ni d'obtenir le consentement du gouvernement du Canada pour céder, louer ou sous-louer les installations». On est donc porté à conclure que le gouvernement du Canada s'en trouvera, d'une certaine manière, lésé. M. Nixon néglige de voir que, si le créancier réalise la sûreté, il sera tenu de terminer les travaux de construction en cours et que, s'il décide de ne pas le faire, le gouvernement a le droit de résilier tout simplement le bail et de reprendre possession des installations en absorbant (ou en acquittant) la dette que constitue l'hypothèque sur la propriété louée. Le cas échéant, le gouvernement du Canada se trouverait à racheter les aérogares. Il deviendrait donc propriétaire des aérogares et bénéficiaire des fonds investis par T1 T2 Limited Partnership (au moins 61 millions de dollars), en plus d'acquérir 87,5 p. 100 de l'aérogare 3 (dont la valeur nette est estimée à plus de 150 millions de dollars).
9. Dans le même paragraphe, M. Nixon explique que : «[le créancier] n'est pas tenu [...] d'obtenir le consentement du gouvernement du Canada pour céder, louer ou sous-louer les installations». C'est vrai, mais pourquoi M. Nixon n'a-t-il pas dit aussi qu'en de telles circonstances le gouvernement du Canada détient un droit de préemption à l'acquisition des installations?
10. Dans la section portant sur les frais de supplément de service (FSS), M. Nixon affirme que : i) si Air Canada devient incapable de payer son loyer; ii) au moment où le début d'une nouvelle phase est prévu et iii) exigé par le gouvernement, T1 T2 Limited Partnership n'est pas tenue de réaliser les travaux d'aménagement si le gouvernement du Canada ne l'autorise pas à imposer des FSS. M. Nixon dit vrai, mais il néglige de reconnaître que :
i) il est extrêmement improbable que ces deux événements : l'insolvabilité d'Air Canada et son incapacité de payer son loyer et le fait pour le gouvernement d'exiger néanmoins le début d'une nouvelle phase de construction, se produisent en même temps. C'est même un véritable scénario de catastrophe;
ii) dans de telles circonstances, il n'y aurait pas de meilleure solution.
11. Au sujet de l'aérogare 1, M. Nixon affirme qu'aucun paiement de la part du gouvernement du Canada n'est prévu dans la demande de propositions et laisse entendre que le consentement du gouvernement à assumer une partie des dépenses de réparation supérieures à 15 millions de dollars contrevient aux clauses de la demande de propositions. Malheureusement, M. Nixon omet de dire que la demande de propositions n'oblige pas l'auteur d'une proposition à garder l'aérogare 1 opérationnelle indéfiniment et à payer peut-être des sommes très importantes parce que le gouvernement aura remis à plus tard des travaux d'entretien et des réparations de cette aérogare. En outre, durant les négociations, T1 T2 Limited Partnership a proposé au gouvernement du Canada diverses solutions de rechange qui ne l'obligeaient à engager aucune dépense, mais il les a refusées ayant décidé d'exiger que l'aérogare reste opérationnelle pendant une période qui pourrait être assez longue.
12. En ce qui concerne les transactions sans concurrence, M. Nixon affirme que le gouvernement n'a pas tenté d'exercer son droit d'approuver les contrats passés avec des parties non indépendantes après le 7 octobre 1993. Dernièrement, le ministère des Transports a demandé à T1 T2 Limited Partnership de lui accorder le droit d'approuver de tels contrats et T1 T2 Limited Partnership a accepté dans une lettre qu'elle lui adressait le 25 novembre 1993 de lui laisser examiner ces contrats. Il est regrettable que M. Nixon n'ait pas été au courant de cette entente ou, s'il l'était, de n'en avoir pas fait mention dans son rapport. Il est également malheureux que M. Nixon ait passé sous silence le fait que les recettes obtenues en vertu d'une transaction sans concurrence sont considérées équivalentes à celles qui auraient été obtenues en concurrence pour les fins du calcul du loyer proportionnel payable au gouvernement du Canada.
13. Pour ce qui concerne les prix imposés aux sociétés aériennes, M. Nixon prétend qu'il en coûtera désormais beaucoup plus cher à ces compagnies pour utiliser les aérogares 1 et 2. A-t-il une raison de taire le fait que, pendant les neuf années de ce programme d'aménagement de 700 millions de dollars, les coûts imposés aux compagnies aériennes devraient augmenter graduellement et devenir comparables à ceux exigés à l'aérogare 3 et dans les autres grands aéroports internationaux d'Amérique du Nord et d'ailleurs? Comment explique-t-il qu'Air Canada ait signé un bail de 37 ans pour les installations du complexe et accepté, par le fait même, la politique de prix applicable aux compagnies aériennes?
14. En ce qui a trait à la politique des prix de détail, M. Nixon affirme que les sous-locataires n'auront pas le droit de pratiquer des prix dépassant de plus de 15 p. 100 ceux exigés en moyenne pour un produit comparable au centre-ville de Toronto. Cette politique se retrouve aussi dans les ententes concernant l'aérogare 3 et nous paraît plus restrictive que celle en vigueur dans les baux signés par le ministère des Transports avec les concessionnaires des aérogares 1 et 2.
Les inexactitudes, les déséquilibres et les affirmations injustes et péjoratives relevés dans une section du rapport de M. Nixon permettent de penser que le reste du rapport est à l'avenant et que son auteur a renoncé à ses principes d'impartialité et de pondération pour arriver aux résultats voulus. Ces lacunes ne sont cependant rien à côté des omissions flagrantes qu'on peut relever dans ce rapport. Lorsque M. Nixon a entrepris son examen, vous m'avez demandé de rédiger un résumé des dispositions des ententes qui contraignent T1 T2 Limited Partnership et protègent l'intérêt public. Le 9 novembre 1993, nous vous avons énuméré, dans un document de 35 pages, les quelque 157 dispositions particulières de 19 ententes conclues entre les parties qui, selon nous, protégeaient l'intérêt public ou imposaient des contraintes à T1 T2 Limited Partnership. Pas un seul mot de ce document ne se retrouve dans le rapport de M. Nixon, pas une seule référence non plus aux dispositions comme celles de l'Entente sur les retombées industrielles, qui obligent T1 T2 Limited Partnership à faire bénéficier le Canada de retombées directes et différentielles correspondant à 125 p. 100 du coût total des travaux, soit environ 875 millions de dollars, sous peine de se voir imposer des amendes s'élevant à plusieurs dizaines de millions de dollars. Le rapport est muet sur le fait que toutes les activités d'exploitation des aérogares 1 et 2 sont assujetties à la supervision, à la direction et au contrôle constants du gouvernement du Canada en vertu de l'Entente sur la gestion et l'exploitation et sur le fait qu'en application de l'Entente d'aménagement T1 T2 Limited Partnership a dû déposer une lettre de crédit de 50 millions de dollars comme caution de ses obligations envers le gouvernement du Canada. M. Nixon ne mentionne pas non plus que le bail oblige T1 T2 Limited Partnership à respecter, en ce qui a trait à l'exploitation des aérogares, des normes environnementales beaucoup plus élevées que celles auxquelles l'État a accepté de se plier jusqu'à présent.
Selon M. Nixon, la source de revenus que l'accord procure au gouvernement du Canada est «loin d'être énorme». Comment peut-on concilier cet énoncé avec le fait qu'au cours des neuf premières années du bail, le gouvernement du Canada devrait encaisser 411 millions de dollars en loyer alors que les partenaires de T1 T2 Limited Partnership n'auront droit à aucun rendement en espèces.
Les ententes relatives à l'aménagement de l'aérogare 3 ont vraisemblablement été négociées sans égard au «processus» ou à la «dimension politique» dont parle M. Nixon dans son rapport, mais il est indéniable que l'État est bien plus avantagé dans les ententes concernant les aérogares 1 et 2 que dans celles touchant l'aérogare 3, et ce, à des centaines d'égards. Nous vous l'avons signalé ainsi qu'à M. Nixon, au cours de nos discussions, mais il n'en est fait aucune mention dans le rapport.
Il y a 13 ans, le ministre de la Justice du Canada a tenu ces propos de visionnaire au cours du débat sur le projet de loi qui allait devenir la Charte canadienne des droits et libertés :
L'occasion nous est donnée de bâtir, pour nos enfants et pour les enfants de nos enfants, un Canada meilleur, un Canada où seront reconnues la diversité et l'égalité qui devraient caractériser notre société, un Canada qui protégera les plus faibles [...], un Canada qui sera un modèle pour le monde entier.
Cette envolée d'un homme qui est aujourd'hui notre premier ministre évoque, entre autres, des idées de justice, d'équité et d'égalité. Nous avons le regret de vous dire que ce rapport, sur lequel repose la décision prise par le gouvernement du Canada de rompre ses obligations contractuelles, piétine brutalement ces principes.
Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Robert S. Vineberg