Délibérations du sous-comité de la
Sécurité
des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 2 - Témoignages du 26 novembre 1996
OTTAWA, le mardi 26 novembre 1996
Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications s'est réuni aujourd'hui à 15 h 34 pour examiner l'état de la sûreté et de la sécurité des transports au Canada.
Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Barbara Butler, M. Engels, M. Goguen et d'autres personnes encore pour étudier la question de la sécurité au Canada.
Mme Butler, messieurs, c'est avec plaisir que nous vous accueillons ici aujourd'hui, et que nous écouterons vos exposés. Je précise d'emblée que, bien que nos audiences se déroulent de manière assez informelle et que nous ne soyions pas inflexibles au niveau du chronométrage, d'autres témoins encore sont prévus pour cet après-midi. Cela étant dit, je vais maintenant vous demander de nous présenter vos exposés.
Mme Barbara Butler: Je tiens d'abord à remercier le comité de m'avoir fourni cette occasion d'aborder cet aspect précis du dossier de la sécurité des transports. Il s'agit d'un problème auquel doivent actuellement faire face tous les modes de transport. J'entends par cela les problèmes de l'alcool et de la drogue en milieu de travail. J'espère que les informations dont je vais faire état vous seront utiles lors des autres témoignages et tout au long de votre examen de la question. Je sais que vous allez vous pencher sur un nombre considérable de questions liées à la sécurité, mais je pense que ce problème précis retient actuellement beaucoup d'attention de l'industrie des transports.
L'Avis de séance vous permet de constater que je ne suis affiliée à aucune organisation particulière et, par conséquent, vous vous demanderez peut-être pourquoi les membres du Sénat devraient recueillir le témoignage de Barbara Butler. Si vous le voulez bien, je vais donc vous dire un peu comment il m'a été donné de m'intéresser à la question, afin que vous puissiez voir sur quoi je fonde mes observations.
J'étais à Transports Canada et, vers la fin des années 80, j'ai eu l'occasion de travailler auprès du gouvernement des États-Unis afin d'obtenir un report pour ce qui est des activités à l'étranger. C'est pour cela que depuis ces dernières années, nos activités ne sont plus réglementées par le gouvernement des États-Unis. J'ai également été chargée de diverses études sur la sécurité et sur les problèmes précis que l'alcool et la drogue posent dans le domaine des transports. Ces travaux sont à l'origine de la stratégie adoptée en 1990 par le gouvernement.
Depuis 1989, je collabore, au sein du secteur privé, avec divers ministères, des organisations qui s'intéressent aux problèmes de la toxicomanie, des organisations syndicales et de petites et grandes entreprises dans tous les secteurs, pour les aider à faire face aux problèmes de drogue et d'alcool en milieu de travail. Il s'agit aussi bien d'entreprises gazières et pétrolières, d'entreprises de construction, de manufacturiers, de sociétés de finance, que d'entreprises de services publics, de soins de santé, de pâtes et papiers, et de nombreuses autres. Cela m'a permis de me faire une idée sur certains des problèmes essentiels qui retiendront votre attention. Dans le domaine précis des transports, j'ai travaillé avec des sociétés telles que l'aéroport Pearson, qui se mue actuellement en entreprise, les chemins de fer Canadien National, dans le domaine maritime, la Socanav, avec toutes les associations fédérales et provinciales d'entreprises de transport par autobus et par camion, toutes les entreprises de transport du groupe Irving et, au cours des 18 derniers mois, j'ai travaillé avec plus de 400 sociétés de transport par autobus et par camion aux prises avec des problèmes transfrontaliers.
C'est en raison de cette expérience que je voudrais contribuer à une meilleure compréhension des problèmes divers dont vous aurez à connaître en matière de sécurité des transports. Je vais examiner pourquoi des entreprises canadiennes élaborent actuellement des politiques en ce domaine, résumant les effets que peuvent avoir les drogues et l'alcool et examinant ce que fait actuellement le gouvernement canadien et aussi le gouvernement des États-Unis car je sais que votre examen se veut également comparatif.
J'exposerai rapidement aussi la question du dépistage, l'aspect le plus controversé du problème, et je cernerai certaines questions sur lesquelles vous entendrez peut-être vous pencher. Je suis tout à fait ouverte au dialogue et je vous demande de ne pas hésiter à intervenir dès que vous avez une question à poser. Je vais maintenant prononcer mon exposé en suivant l'ordre que je vous ai indiqué.
Des efforts considérables sont actuellement en cours au Canada en vue d'élaborer des politiques en ce domaine. De nombreuses compagnies reconnaissent de plus en plus que les drogues ont un effet direct sur le travail et sur la productivité. J'entends par drogues, l'alcool ainsi que diverses autres drogues. Les drogues posent également des risques au niveau de la sécurité, risques sur lesquels les compagnies doivent se pencher.
J'ajoute que les réglementations américaines s'appliqueront bientôt à tous les camions et à tous les autobus traversant la frontière. Je dirais même que toute personne expédiant quelque chose, toute personne passant contrat en vue de faire expédier quelque chose, devra dorénavant s'assurer que le transporteur répond à toutes les conditions réglementaires prévues. J'apporterai un peu plus tard d'autres précisions sur ce point. C'est dire que l'approche adoptée par les autorités américaines en ce domaine s'éloigne sensiblement de celle que le Canada a retenue jusqu'ici.
Plusieurs compagnies américaines entendent que leurs filiales canadiennes élaborent des programmes en ce domaine, et les sociétés américaines qui ont effectivement adopté des programmes très complets en matière d'alcool et de drogues sont portées à demander «Pourquoi en serait-il autrement au Canada? Nous tenons à ce que vous adoptiez vous aussi une politique en ce domaine.»
Et enfin, étant donné qu'on ne peut pas véritablement sous-traiter les questions de sécurité, les entreprises qui ont adopté en ce domaine une politique de fermeté s'attendent à ce que leurs sous-traitants s'alignent sur un certain nombre de critères. Étant donné ces diverses pressions, beaucoup d'entreprises dans tous les secteurs se penchent actuellement sur la question et il est inutile de préciser, étant donné l'impératif de la sécurité du public, que les entreprises de transport sont à l'avant-garde.
Ce qu'il faut retenir c'est que des substances très diverses sont susceptibles de nuire à la sécurité en diminuant les facultés de l'opérateur. L'usage et l'abus de ces substances sont dus à un certain nombre de raisons. Il peut s'agir de raisons d'ordre médical ou tenant à la santé. Il peut s'agir de motifs d'ordre récréatif: euphorie, détente, et cetera. Mais, certaines personnes vont utiliser ces substances pour tenter de fuir la réalité alors que d'autres personnes les utiliseront pour atténuer les effets du sevrage.
S'agissant de la sécurité du public, la question qui se pose est celle d'un usage responsable de ces diverses substances. Dans certains cas, la seule norme que l'on puisse raisonnablement adopter sera celle d'une non-utilisation radicale. Il existe, aux États-Unis, une masse importante de données sur ce point, mais j'estime qu'il nous faut surtout nous pencher sur les données que nous avons recueillies ici au Canada et qui constituent, elles aussi, une masse considérable d'informations. On ne constate, en ce domaine, aucune épidémie dans notre pays, mais les paramètres de l'usage ou de la consommation de telles substances évoluent constamment.
D'après le dernier sondage effectué par le ministère fédéral de la Santé, la consommation de marijuana est en augmentation au Canada. On constate, pour la première fois depuis sept ou dix ans, une augmentation de la consommation de drogues chez les étudiants. La consommation abusive de ces produits atteint un niveau entraînant des effets inacceptables au niveau de la santé et de la sécurité ainsi que des coûts sociaux élevés. Nous avons tendance, ici, à boire plus que les Américains. Par contre, nous consommons relativement moins de drogues illicites qu'eux, mais cette différence diminue rapidement et les taux atteignent maintenant des niveaux à peu près comparables.
Dans le domaine des transports, nous avons pu bénéficier des enquêtes menées par Transports Canada en 1989, ainsi que de certains travaux menés par la Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, connue sous les initiales AADAC. J'ai pensé que les données que je projette ici permettraient de mieux saisir ce qui se passe actuellement dans le domaine des transports.
Disons, d'une manière générale, que 79 p. 100 des employés des transports consomment de l'alcool, le chiffre étant de 80 p. 100 pour l'ensemble des travailleurs canadiens. Treize pour cent, c'est-à-dire une proportion assez élevée, ont une consommation moyenne ou élevée, mais moins d'un pour cent des travailleurs se considèrent comme de très gros buveurs. La consommation de drogues illicites est très élevée dans les transports et j'y vois un problème. Onze pour cent des travailleurs de ce secteur ont déclaré avoir consommé des drogues illicites au cours de l'année qui s'écoule.
D'après moi, le plus important, dans cette enquête, est qu'un quart des personnes sondées estimaient que la consommation de drogues et d'alcool représentait, au sein de leur propre entreprise, un problème très grave ou assez grave. Il est peu probable qu'elles répondent que leur propre consommation de drogues nuit à leur travail, mais elles ont répondu qu'il existe à cet égard un problème au sein de leur entreprise et que cela affecte la sécurité des opérations.
Nous disposons d'un nombre assez important de sondages effectués au Canada, sur les lieux de travail, y compris l'enquête menée par l'AADAC, deux enquêtes menées par la société pétrolière Imperial et par Transports Canada, ainsi qu'un sondage Gallup; tous les sondages démontrent que les travailleurs consomment autant d'alcool et de drogues que l'ensemble de la population, mais révèlent que les travailleurs reconnaissent eux-mêmes que cela entraîne parfois au travail des accidents ou autres conséquences regrettables. La cause la plus souvent citée est l'alcool.
Tous les employés interrogés dans le cadre de ces enquêtes ont dit que la consommation de ce type de substances leur inspirait de l'inquiétude au plan de la sécurité. Je précise que les aptitudes affectées concernent certes le côté physique: la motricité, les délais de réaction, la concentration et la perception, mais que l'utilisation de pareilles substances affecte également les aptitudes décisionnelles. L'alcool et la drogue pourraient, par exemple, affecter les aptitudes décisionnelles d'un comité tel que le vôtre, comme cela pourrait affecter les aptitudes décisionnelles des personnes chargées d'élaborer des politiques en matière de sécurité. Il ne s'agit donc pas tout simplement de celui qui conduit une automobile ou qui pilote tel ou tel autre type de véhicule; cela peut affecter toute personne ayant à prendre des décisions.
Mais, ce qui nous concerne particulièrement, ce sont les aptitudes liées à l'activité professionnelle. Je tenais donc à bien préciser que l'alcool peut affecter les délais de réaction, l'application, la vue, l'attention, la coordination et la compréhension -- autant d'aptitudes étroitement liées à la sécurité. La marijuana agit sur la mémoire à court terme, modifie la perception temporelle, abaisse la concentration et affecte les réactions et la coordination. La cocaïne n'est pas, elle non plus, étrangère à notre système de transport. Cette drogue est cause de nervosité, d'angoisse, d'insomnie et elle est incompatible avec la sécurité. Il existe d'autres drogues illicites, ainsi que des produits pharmaceutiques qui nuisent à la sécurité, mais je n'entrerai pas davantage dans le détail. Cela dit, j'aimerais en dire un peu plus au sujet de l'alcool car les enquêtes qui ont été menées nous enseignent que c'est ce que consomment le plus les employés des transports.
Ce qui est préoccupant c'est que de très faibles quantités peuvent tout de même avoir pour effet d'amoindrir les facultés de personnes qui ont entre leurs mains la sécurité d'autrui. Même l'alcoolémie la plus faible, c'est-à-dire à des taux bien inférieurs aux taux prévus dans le Code criminel, affecte la sécurité. C'est en raison de cela, ainsi que des études qui ont permis de déceler ce phénomène, que le gouvernement américain a fixé le taux limite à 0,02 p. 100; tout taux supérieur à 0,02, interdit à un conducteur ou un opérateur de vaquer à ses tâches. Tout conducteur ou opérateur ayant dans le sang un taux d'alcool supérieur à 0,04 p. 100 se verra retirer son certificat d'aptitude. Un certain nombre de procédures sont prévues pour cela, et j'en parlerai de façon un peu plus détaillée, mais je tenais dès maintenant à préciser que même à des taux inférieurs au 0,08 prévu dans notre Code criminel, la sécurité peut être compromise.
J'ajoute que des médicaments, même lorsqu'ils sont pris conformément au mode d'emploi, peuvent affecter la sécurité, et lorsque de tels produits sont mélangés à l'alcool, leurs effets peuvent être encore plus graves. De nombreuses compagnies envisagent donc d'exiger que tout employé occupant un poste sensible signale la prise de tout médicament en raison, justement, des risques que cela peut poser pour la sécurité.
Les effets possibles sont très divers. Il est clair que la consommation d'alcool ou de drogues entraîne une augmentation du nombre d'accidents, multiplie les absences, et augmente le nombre de demandes déposées au titre d'accidents du travail, des congés de maladie ou des remboursements d'assurance. Mais ce genre de choses pèsent également sur la santé de l'entreprise et sur sa productivité.
À l'autre extrémité des risques posés, on trouvera les responsabilités juridiques pouvant découler de la consommation d'alcool ou de drogues. C'est pour cela que de nombreuses compagnies se penchent activement sur la question et envisagent d'appliquer à leurs employés des critères plus exigeants. Car les entreprises engagent, en effet, leur responsabilité. Elles sont effectivement responsables des actes de négligence commis par un de leurs employés dans l'exercice de ses fonctions. Elles s'exposent donc à des poursuites en justice si la consommation, par un employé, de drogues ou de boissons alcoolisées affecte la sécurité des opérations.
Le président: Vous évoquez bien là la situation qui prévaut au Canada?
Mme Butler: Oui, tout à fait. C'est bien de la situation au Canada qu'il s'agit. Il faut donc savoir que le conducteur engage sa responsabilité. L'assurance sans faute ne met pas le conducteur à l'abri des responsabilités qu'il peut encourir lorsqu'il conduit avec des facultés affaiblies. Lorsque quelqu'un conduit pour le compte d'une entreprise, conduit un véhicule appartenant à la compagnie ou du matériel de chemin de fer, par exemple, c'est l'entreprise qui est responsable.
L'organisateur peut également voir engager sa responsabilité. Beaucoup de gens ignorent que, par exemple, lorsqu'une compagnie organise une fête, qu'il s'agisse d'une réception à l'intention de sa clientèle, d'une fête de Noël pour ses collaborateurs, d'un tournoi de golf ou autre manifestation, si l'un des invités s'enivre, c'est l'entreprise qui est responsable des agissements de cette personne. C'est la compagnie qui a servi, qui a fourni l'alcool, et c'est donc elle qui est responsable des agissements de l'individu en question, des blessures que celui-ci peut recevoir ou des blessures pouvant être causées à une tierce partie. C'est pour cela que de nombreuses compagnies repensent leur manière de mener ce type d'activités. Dans une affaire récente, la société Nike a été tenue de verser une indemnité de 2 millions de dollars en raison des blessures subies par un employé qui buvait dans les locaux de la société, étant donné que c'était Nike qui avait fourni l'alcool.
Les entreprises canadiennes ont à faire face à des questions d'une très grande gravité qui vont bien au-delà des dispositions réglementaires. Il leur incombe de faire preuve de prudence en matière de santé et de sécurité au travail; il leur incombe également de parvenir à un équilibre au niveau des responsabilités qu'elles encourent en vertu des codes et des lois sur les droits de la personne puisque, selon la loi fédérale, la dépendance vis-à-vis de l'alcool ou des drogues est une invalidité. Il y a également des normes qui obligent les entreprises à tenir compte des exigences inhérentes à certaines situations et qui leur interdisent toute discrimination au niveau de l'emploi. C'est dire que les entreprises doivent parvenir à équilibrer les obligations qui leur incombent au plan de la prudence et les obligations qu'elles ont envers leurs employés et en raison des divers codes ou lois sur les droits de la personne.
Il y a également tout ce qui a trait au renvoi injustifié, ainsi qu'aux problèmes qui peuvent se poser au regard de certaines conventions collectives. Ainsi, lorsqu'une entreprise s'attache à résoudre au mieux ce problème, il lui faut également tenir compte des obligations qui lui incombent au niveau de la prudence et trouver la solution raisonnable à l'égard de ses employés.
Effectuons maintenant une comparaison entre l'action menée en ce domaine par les gouvernements canadiens et américains. Il s'agit essentiellement, ici, de la stratégie fédérale en matière de drogues et de l'action menée par le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies. Or, ni l'une ni l'autre ne s'attaque vraiment aux problèmes qui se posent au travail. Les employés ne peuvent compter en fait que sur leurs propres ressources. Le ministère de la Défense a élaboré à l'intention du personnel militaire des programmes qui comprennent, dans certaines circonstances, la possibilité d'administrer des tests de dépistage. Le Service correctionnel a élaboré des programmes à l'intention des détenus, mais non pas des gardiens. Là aussi, la possibilité, dans certaines circonstances, de procéder inopinément à des tests de dépistage est prévue, et cette possibilité a été confirmée par l'institution judiciaire en raison des exigences de la sécurité publique.
Au début des années 90, Transports Canada s'attachait à élaborer une réglementation en ce domaine. Mais, au mois de décembre 1994, le ministre des Transports annonça à l'ensemble des secteurs concernés que ce règlement ne serait pas mis en application. Le ministère n'a pris aucune autre initiative en ce domaine.
Le président: Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet du projet du règlement qui a été annulé? Savez-vous de quoi il s'agissait?
Mme Butler: Oui.
Le président: Êtes-vous libre de nous dire de quoi il s'agissait, afin que nous puissions comprendre pourquoi il a été annulé?
Mme Butler: Je peux très bien vous dire de quoi il s'agissait. Quant à la question de savoir pourquoi le projet de règlement a été annulé, je n'en suis guère certaine. Quand j'étais encore à Transports Canada, le gouvernement avait effectué des recherches assez poussées. Nous étions au courant de ce que les Américains faisaient à l'époque et nous voulions savoir quelle serait la solution adaptée à notre système juridique, ainsi qu'à nos propres préoccupations concernant la consommation d'alcool et de drogues.
Un projet de stratégie a donc été préparé. Celui-ci a été transmis par le ministre des Transports de l'époque au comité permanent qui recueillit alors des témoignages avant de formuler des recommandations. En fonction de ces recommandations, le gouvernement élabora alors un projet de loi et les choses, me semble-t-il, en sont restées là. À l'époque, le gouvernement avait déjà entrepris la rédaction d'un projet de règlement et des consultations avaient été engagées à ce titre, mais, au mois de décembre 1994, le ministre des Transports déclara que le gouvernement n'allait pas établir de règlement pour l'instant.
Je crois qu'il avait l'intention de s'attaquer au problème en imposant dans certaines conditions des tests de dépistage ainsi que certaines mesures de prévention, y compris des programmes d'aide aux employés. Il s'agissait aussi de fixer des normes de comportement touchant la consommation d'alcool et de drogues dans les chemins de fer, les transports maritimes, l'aviation et les transports routiers, mais ces projets ont été annulés.
Actuellement, ce que nous avons au Canada c'est le Code criminel et les diverses lois qui régissent les chemins de fer, la Loi sur l'aéronautique, la Loi sur la marine marchande et la Loi sur le pilotage. Mais il faut se demander si ces divers textes suffisent à assurer la sécurité des transports.
Le sénateur Spivak: Rien n'est prévu pour la navigation de plaisance?
Mme Butler: La Loi sur la marine marchande fixe certaines normes interdisant de piloter un navire si l'on est en état d'ébriété. Le Code criminel interdit de piloter un navire ou un aéronef, ou de conduire un véhicule automobile ou du matériel de chemin de fer si l'on a dans le sang un taux d'alcool supérieur à 0,08 ou si l'on a les facultés affaiblies par l'alcool ou les drogues.
Le sénateur Spivak: Savez-vous si cette règle est appliquée sur les lacs, aux alentours des lacs, aux plaisanciers?
Mme Butler: Je sais qu'il y a des préoccupations au niveau de l'application de ces textes et je crois savoir que des mesures plus vigoureuses vont être prises, notamment sur le lac Ontario. C'est le cas que je connais le mieux. Je sais que ce domaine inspire des préoccupations en raison des accidents de la navigation de plaisance.
Le sénateur Spivak: Des accidents extrêmement graves.
Mme Butler: En effet. Il semble que, pour certains, l'alcool et la navigation ne font qu'un.
Le sénateur Spivak: C'est juste.
Mme Butler: C'est dire que cela pose un réel problème de sécurité. Et le greffier m'ayant indiqué que vous entendiez effectuer un examen comparatif des problèmes en ce domaine, j'aimerais vous donner une idée des mesures prises par le gouvernement américain en matière de sécurité des transports. Cette sorte d'initiative remonte au président Reagan et à la commission qu'il avait nommée pour enquêter sur le crime organisé. Cette commission prôna l'adoption de mesures énergiques par l'ensemble du secteur public et une loi en ce sens fut promulguée.
C'était la Drug-free Workplace Act, en vertu de laquelle toute entreprise fournissant au gouvernement un produit ou un service était tenue d'adopter un programme permettant d'assurer qu'il n'y aurait aucune consommation de drogues au travail. Ce texte s'appliquait à tout fournisseur d'un ministère fédéral. Le Département américain des transports adopta un règlement précis en 1988 à la suite d'un accident ferroviaire de la société Amtrak et à un accident survenu dans le métro de New York. Ce nouveau dispositif législatif s'appliquait aux drogues aussi bien qu'à l'alcool. Puis, les Américains adoptèrent ensuite un règlement prévoyant l'entrée en application de ces nouvelles règles en 1993. Depuis le mois de janvier 1995 en ce qui concerne les grandes sociétés, et janvier 1996 pour les petites entreprises, tous les modes de transport sont soumis à des normes très strictes en ce qui concerne la consommation de drogues et d'alcool, et tous les opérateurs peuvent se voir administrer un test de dépistage.
Le président: Aux États-Unis, ce domaine est-il régi par des lois ou par des règlements?
Mme Butler: En 1991, le Omnibus Transportation Employee Testing Act a fixé les normes attendues, les autorités de réglementation devant alors, par règlement et avant une certaine date, formuler des règles détaillées. Il existe donc, pour chaque mode de transport, une réglementation distincte qui reflète les exigences du texte de loi et qui leur donne effet.
Le président: Mais le pouvoir de réglementer ce domaine est conféré par la loi?
Mme Butler: Oui.
Le sénateur Spivak: Est-il question de tests de dépistage obligatoires?
Mme Butler: Tout à fait. Le dépistage obligatoire est effectivement prévu.
Le sénateur Spivak: Tous les employés doivent se soumettre à ce test?
Mme Butler: Oui.
Le sénateur Spivak: Bravo.
Mme Butler: Les nouvelles règles s'appliquent à tous ceux qui conduisent un véhicule automobile à de fins commerciales. Elles s'appliquent aussi bien au chasse-neige municipal, qu'aux gros camions qui sillonnent le pays; elles s'appliquent à tous les conducteurs... aux conducteurs d'autobus scolaires, à ceux qui véhiculent des personnes se rendant à l'église, aux chauffeurs de navette d'aéroport et d'autobus.
Le sénateur Spivak: Quelle est la fréquence de ces tests?
Mme Butler: Eh bien, j'ai exposé ce qui est prévu pour les divers modes de transport et les opérateurs sont soumis à des tests de dépistage dans certaines circonstances précises. Ainsi, on leur fera passer un test permettant de déceler la présence d'alcool ou de drogues à la suite d'un accident, c'est-à-dire d'un accident relevant de telle ou telle catégorie fixée par règlement. On les soumet aussi à un test de dépistage avant de les engager. Seuls ceux qui réussissent peuvent être engagés et on administre aussi un test lorsqu'il existe de bonnes raisons de penser que tel ou tel employé est inapte en raison de sa consommation d'alcool ou de drogues. Ces tests sont administrés inopinément. Au départ, on soumettait à ce test la moitié des pilotes d'avion et des opérateurs de matériel de chemin de fer mais je crois que cette proportion est passée à 25 p. 100. Les tests sont, cependant, administrés à l'improviste tout au long de l'année, sans avertissement aucun et personne n'est exempté. Il s'agit de déceler la présence d'alcool ou de drogues dans l'organisme. Ceux qui reprennent le travail doivent passer un test, et il y a également un programme de suivi qui dure au moins un an; dans certains secteurs des transports ce programme dure deux ans. Il s'agit donc de règles extrêmement strictes qui couvrent un domaine d'activités très large.
Permettez-moi de revenir un petit peu en arrière. Des règles précises s'appliquent à la consommation d'alcool par ceux qui sont chargés de tâches où l'aspect sûreté ou sécurité revêt une importance particulière, ceux qui occupent des postes intéressant de près la sécurité du public. On a prévu cinq catégories de drogues, plus l'alcool, et les employeurs sont tenus de fournir certains renseignements concernant leurs programmes de traitement et de formation. Étant donné l'ampleur de la réglementation américaine, le Canada est concerné.
Dans l'industrie ferroviaire, toute compagnie domiciliée aux États-Unis est tenue d'appliquer intégralement ce programme; il n'y a aucune exception à cette règle. Lorsque des entreprises canadiennes traversent la frontière, elles sont, elles aussi, tenues de respecter la réglementation fondée sur la règle G, c'est-à-dire sur l'interdiction de se trouver sur les lieux de travail en état d'ébriété, et leurs employés sont, eux aussi, soumis aux règles américaines concernant les tests de dépistage administrés soit à la suite d'un accident, soit lorsqu'il existe de bonnes raisons d'y procéder. Les employeurs canadiens qui exercent une partie de leurs activités aux États-Unis sont donc tenus de respecter la réglementation édictée en matière ferroviaire.
Dans le secteur des pipelines, l'application des règles a été reportée indéfiniment.
Dans le domaine du transport maritime, la Garde côtière des États-Unis n'a pas imposé aux employeurs canadiens l'adoption de programmes en ce domaine, mais ses membres sont libres de monter à bord de tout navire et d'administrer des tests de dépistage, surtout en cas d'accident survenu dans les eaux américaines.
En ce qui concerne l'aviation, on a demandé à l'OACI d'entreprendre un projet de directives adaptées à ce secteur et les travaux sont en cours.
Mais c'est dans l'industrie de l'automobile que les répercussions sont les plus importantes. Depuis le 1er juillet dernier, toutes les grandes entreprises sont tenues de respecter l'ensemble des exigences réglementaires. On entend par grandes entreprises, toute entreprise ayant au moins 50 conducteurs et la règle s'applique partout en Amérique du Nord; je précise qu'il ne s'agit pas simplement d'entreprises ayant au moins 50 conducteurs qui traversent la frontière; la règle s'applique à toute entreprise qui emploie au moins 50 conducteurs n'importe où en Amérique du Nord. Ces entreprises sont soumises à l'ensemble des exigences réglementaires, exigences que je vais résumer dans le contexte des transporteurs routiers. Les petites entreprises, les petits propriétaires-exploitants, les petites entreprises de transport routier et les petites entreprises de transport par autobus se verront appliquer ces règles à partir du 1er juillet 1997.
Il y a un problème du fait que ces règles ne s'appliquent qu'aux conducteurs franchissant la frontière et que cela oblige les entreprises à trouver une solution en ce qui concerne les conducteurs qui ne travaillent qu'au Canada. En effet, cela veut dire que les compagnies qui ne travaillent qu'au Canada ne sont pas tenues d'instituer des programmes en ce domaine et, par conséquent, les compagnies qui ont un secteur expédition, une petite activité de transport et de distribution, vont dorénavant avoir à se pencher sur les problèmes de sécurité qui se posent au niveau d'autres emplois tels que les manutentionnaires, les conducteurs de chariot élévateur à fourche, les ouvriers de la construction et les employés des entreprises de fabrication. C'est dire que la réglementation américaine, si elle s'applique strictement aux conducteurs traversant la frontière, a également des répercussions sur bon nombre d'autres domaines.
À qui s'applique cette réglementation? Disons, très rapidement, que la réglementation s'applique à tous les emplois intéressants la sécurité; elle s'applique aux chauffeurs d'un véhicule commercial de plus de 26 000 livres, ou transportant des marchandises dangereuses, ou assurant le transport de 16 personnes ou plus; elle s'applique aux employés à plein temps, aux chauffeurs intérimaires, aux conducteurs de véhicules pris en location bail, aux propriétaires-exploitants, bref, à tous ceux qui conduisent des moyens de transport.
Autrement dit, même si une entreprise de fabrication ne possède pas de camions en propre, elle doit, dans la mesure où elle sous-traite le transport de ses marchandises, s'assurer que les chauffeurs répondent aux conditions prévues. Cela comprend le respect des normes applicables à la consommation de produits alcooliques. Comme je le disais tout à l'heure, tout chauffeur ayant dans le sang un taux d'alcool de 0,04 p. 100 ou plus est inhabile. Il est interdit d'être en fonction, ou de faire fonctionner un véhicule si l'on a une boisson alcoolique en sa possession; il est interdit de boire au travail; il est interdit de boire dans les quatre heures qui précèdent l'entrée en fonction et il est interdit de boire dans les huit heures qui suivent un accident, ou jusqu'à l'administration d'un test de dépistage.
Parallèlement, toute personne ayant fait usage d'une substance contrôlée ne peut ni se présenter au travail, ni rester à son poste, et la seule exception à cette règle intervient s'il s'agit d'une substance délivrée par un médecin qui certifie, en outre, que ce produit n'affectera en rien la sécurité des opérations. Un employé chez qui on a relevé des traces d'une telle substance ne peut ni se présenter au travail, ni rester à son poste.
La loi permet aux employeurs d'exiger que leurs employés signalent l'utilisation de médicaments, mais cela demeure facultatif. La loi exige des tests de dépistage; et les entreprises canadiennes qui ont des activités transfrontalières doivent mettre en place des programmes de dépistage, dès maintenant en ce qui concerne les grandes entreprises, et d'ici le mois de juillet prochain pour les petites entreprises. On a prévu des alcootests pour l'alcool et des tests d'urine pour les drogues. Les compagnies doivent administrer de tels tests avant d'engager leur personnel, à la suite d'un accident, de manière inopinée en présence de motifs raisonnables, lors de la reprise des fonctions et dans le cadre d'un programme de suivi. Les tests de dépistage doivent être assez largement administrés et les employeurs qui n'ont pas mis en place un tel programme se verront infliger une amende de 10 000 $ par infraction aux règles. En cas d'infractions multiples, le tarif reste le même. De telles entreprises peuvent également perdre leur licence si elles refusent de respecter les règles. C'est dire qu'il s'agit de quelque chose de sérieux.
Tout conducteur qui enfreint les règles est jugé inapte à conduire tant qu'il ne s'est pas soumis à la procédure prescrite.
Il s'agit d'une réglementation très complète qui a poussé les entreprises de transport routier à prendre de très nombreuses mesures.
Il existe beaucoup de données et beaucoup de considérations à prendre en compte en matière de dépistage et j'aimerais prendre quelques minutes pour exposer en gros comment faire pour assurer la validité des tests de dépistage, ainsi que la place que ces tests occupent au sein du programme plus général.
Pour assurer l'exactitude des tests, des étapes très précises ont été prévues. Des spécialistes ont été formés pour recueillir les spécimens d'urine ou pour administrer les alcootests. Il faut avoir à la fois l'équipement qui convient et la formation adaptée. Une procédure très stricte permet de suivre le prélèvement tout au long des opérations afin d'éviter tout doute concernant l'identité de l'intéressé.
L'analyse est effectuée par des laboratoires certifiés. Les résultats sont soumis à l'examen d'un médecin indépendant, ce qui permet à l'employé en cause d'expliquer éventuellement un résultat positif; puis, enfin, les résultats sont transmis à l'entreprise. Il s'agit d'un processus extrêmement détaillé qui donne des résultats exacts s'il est mis en oeuvre par un personnel qualifié et si toutes les étapes sont respectées comme le prévoient et la réglementation américaine et le Conseil canadien des normes.
L'examen médical des résultats est effectué par un praticien qualifié et la chaîne de possession du prélèvement ne doit pas être interrompue. L'examen permet d'établir la véracité des faits dans la mesure où il est correctement mené. Mais, au Canada, aucun règlement n'impose de suivre une telle procédure.
Le président: Vous nous avez dit que cela relevait d'organismes gouvernementaux?
Mme Butler: Oui. Au Canada, c'est le Conseil canadien des normes qui est chargé de certifier d'autres types de procédures de laboratoire et de vérifier les compétences. Cet organisme s'est aligné sur les normes américaines pour homologuer des laboratoires canadiens et des négociations sont actuellement en cours afin d'obtenir que le gouvernement américain agrée le programme du Conseil canadien des normes. Mais cette procédure n'est pas actuellement réglementée par le gouvernement canadien.
Le président: Cela prendrait combien de personnes et cela coûterait combien? Peut-être est-ce en partie pour cela que nous avons décidé de ne pas adopter une réglementation générale.
Mme Butler: Il s'agit d'un programme assez vaste et plutôt coûteux.
Le sénateur Spivak: Pour les entreprises.
Mme Butler: C'est également coûteux pour les autorités de réglementation. Il faut, en effet, assurer une certaine surveillance et veiller à ce que le programme continue à respecter les normes prévues.
Le président: Me permettrez-vous de dire que vous savez peut-être ce qu'il en est, et que le sénateur Spivak le sait peut-être aussi, mais je suis persuadé que le public ne le sait pas et, pour ma part, je ne le sais pas non plus. Je ne suis pas certain d'ailleurs que les autres sénateurs ici présents soient eux-mêmes au courant. Pourriez-vous nous révéler ce qu'il en est?
Mme Butler: Bien sûr. L'analyse d'urine coûte environ 100 $ et l'alcootest environ 40 $. Ça c'est le coût total. Les frais d'homologation sont réglés par les laboratoires homologués. Autrement dit, ce sont eux qui règlent les frais d'inspection et des autres procédures d'homologation.
Le président: Savons-nous à peu près combien de prélèvements sont effectués? Combien de conducteurs y a-t-il, y compris les remplaçants?
Mme Butler: Il est extrêmement difficile de le préciser, étant donné les nombreux propriétaires-exploitants, une foule de petites compagnies, un grand nombre d'autobus au service des églises. Je pense que même les responsables du secteur ne le savent pas vraiment. Chaque association connaît le nombre de ses adhérents, mais tous n'appartiennent pas à une association professionnelle et il est donc très difficile de le dire.
Un consortium canadien de transporteurs routiers a été constitué afin d'aider ce secteur d'activité à se mettre aux normes, et je crois savoir que plus de 12 000 chauffeurs se sont inscrits. Mais cela ne comprend pas les petits transporteurs, et ce chiffre est loin de comprendre tous les gens qui travaillent dans ce secteur au Canada. Il s'agirait, pour la plupart, de conducteurs transfrontaliers.
Le président: Si nous nous alignions sur cela, nous serions tenus d'administrer des tests de dépistage inopinés aux conducteurs américains quittant le Canada pour rentrer aux États-Unis.
Mme Butler: Les Américains sont déjà intégralement couverts.
Le président: Les autorités américaines ont le droit d'administrer des tests de dépistage à nos camionneurs nationaux. Aurions-nous la faculté d'administrer de tels tests aux camionneurs américains? La question a-t-elle été étudiée?
Mme Butler: Sans doute. Je ne le sais pas. Je n'ai pas vu la version définitive du projet de loi.
Le président: Serait-ce une bonne chose?
Mme Butler: Il serait bon, en effet, qu'il y ait équivalence. S'ils ont droit d'inspecter nos dossiers afin de vérifier que nous nous conformons à leurs normes, le Canada aura également le droit de fixer des normes et de veiller à ce qu'ils les respectent. Vous voyez où cela nous entraîne.
Le sénateur Adams: Un jour, alors que je franchissais les douanes américaines, on m'a demandé le montant de ma police d'assurance-vie. Pose-t-on la même question aux transporteurs routiers? Demande-t-on aux conducteurs le montant de leur police d'assurance-vie? Si vous avez un accident aux États-Unis, que se produit-il si vous vous trouvez à bord d'un transporteur américain? Je suis couvert lorsque je voyage à bord d'un avion d'Air Canada, mais si je meurs ou si je suis blessé à bord d'une ligne aérienne étrangère, qui est responsable? Que se passe-t-il si je me trouve à bord d'un autobus ou autre moyen de transport aux États-Unis, si je suis blessé ou si je meurs? Cela relève-t-il du gouvernement du Canada ou du gouvernement américain?
Mme Butler: Si un transporteur routier canadien a un accident aux États-Unis, c'est à lui d'assurer que le conducteur a fait l'objet d'un test. Il en va de même pour les chemins de fer. Les chauffeurs qui ont un accident aux États-Unis doivent faire l'objet d'un test de dépistage. Il en va de même pour une entreprise américaine qui exerce ses activités au Canada. Elle doit respecter les exigences posées en ce domaine et s'assurer que ses employés font l'objet d'un test de dépistage.
Le sénateur Adams: Que se passe-t-il si un Canadien a un accident alors qu'il est en état d'ébriété? Va-t-il comparaître en justice aux États-Unis ou va-t-il revenir subir son procès au Canada? Je m'interroge quant au montant relatif des frais de justice dans les deux pays.
Mme Butler: Monsieur le sénateur, je ne le sais pas non plus.
Le sénateur Adams: Mais compte tenu de la valeur du dollar américain et du dollar canadien, il y aurait une différence considérable si, par exemple, quelqu'un se voyait imposer une pénalité de 10 000 $. Des chauffeurs canadiens se rendent chaque jour aux États-Unis pour charger des marchandises et les ramener ici. Comment cela se passe-t-il au niveau de l'assurance entre les États-Unis et le Canada, en cas d'accident qui se produit aux États-Unis? Cela ne pose aucun problème pour un Américain, puisque notre dollar ne vaut que 74 de leurs cents. Le leur vaut 130 des nôtres. Peut-être devrait-on prévoir une sorte d'assurance pour couvrir ce genre de situation.
Mme Butler: Eh bien votre assurance ne vous remboursera rien si l'accident est dû à l'alcool ou aux drogues.
Le président: Comment se prémunir? Comment faire lorsque, effectivement, l'accident est peut-être dû à l'alcool ou aux drogues? Il n'est peut-être pas juste de vous poser la question, mais en tant que président je me rends à vos raisons.
Mme Butler: Plusieurs juristes d'entreprise estiment que leurs sociétés auraient tout avantage à mener une enquête approfondie sur l'accident et à pouvoir faire état de l'instauration, au sein de l'entreprise, d'un programme vigoureux. En l'absence d'un tel programme, l'entreprise sera beaucoup plus vulnérable en cas d'accident dû à l'alcool ou aux drogues.
Le président: Nous reviendrons sur ce point car il me paraît très intéressant. Continuez, s'il vous plaît.
Mme Butler: Les programmes de dépistage sont controversés comme le sont également les résultats des tests administrés. Par exemple, un résultat positif va confirmer la consommation récente de drogues, mais il ne permet pas de savoir dans quelle mesure les facultés étaient affaiblies, ni de préciser l'heure à laquelle cela s'est produit, ni de savoir quelle est la fréquence du recours aux drogues, pas plus qu'il ne permettra de savoir s'il y a effectivement dépendance. Le test ne fait que confirmer qu'il y a eu consommation récente. Un résultat positif confirme, cependant, que l'individu en cause était dans une certaine mesure sous l'influence de la drogue.
En ce qui concerne l'alcool, nous disposons de renseignements plus précis concernant le degré d'affaiblissement des facultés par rapport à l'alcoolémie, mais cela ne nous renseigne guère sur la fréquence du recours à l'alcool, sur l'étendue de la consommation ou sur la question de savoir s'il y a ou non dépendance.
Les entreprises vont recourir au dépistage dans un certain nombre de circonstances. Il ne s'agit nullement d'une question de tout ou rien. Les entreprises peuvent y recourir pour sélectionner les candidats à l'emploi ou pour choisir les personnes qu'elles vont charger de telle ou telle tâche. Elles peuvent également s'en servir dans le cadre d'une enquête, comme nous le disions tout à l'heure, à la suite d'un accident ou si l'on a de bonnes raisons de penser qu'un des intéressés n'était pas en état de conduire; elles peuvent également y recourir lors d'une reprise du travail après une période de traitement ou dans le cadre d'un programme de suivi.
Elles peuvent également y recourir par souci de dissuasion et les données australiennes concernant les tests de dépistage administrés inopinément sur le bord de la route permettent de dire que cela a effectivement un effet dissuasif. Des études ont démontré une baisse importante du nombre des accidents et des décès routiers depuis que les États australiens ont adopté un programme de dépistage inopiné sur les routes du pays. Je précise, au cas où vous voudriez les consulter, que j'ai une somme d'informations à cet égard. Je n'y consacrerai pas plus de temps maintenant, mais je serai heureuse de vous en faire part plus tard.
Les entreprises canadiennes vont donc devoir décider à qui elles entendent administrer ces tests, dans quelles circonstances aussi, reconnaître les choix qui leur sont offerts, opérer un choix parmi les techniques disponibles, décider ce sur quoi le test doit porter, s'entendre sur les produits qu'on entend dépister et les conséquences des résultats positifs ou du refus de se soumettre à un prélèvement.
Dans ces circonstances-là, et compte tenu des controverses auxquelles donnent lieu les tests de dépistage, j'aimerais exposer brièvement les préoccupations, aussi bien celles des employés que des employeurs. Pour leur part, les employés s'inquiètent des atteintes à la vie privée et de la fiabilité des procédures prévues. Ils craignent qu'on cherche à se renseigner sur leur état de santé ou à détecter la présence d'autres substances, et ils s'inquiètent du destinataire de résultats éventuellement positifs. De plus, certains employés y voient une atteinte à leur dignité, estimant que cela démontre un manque de confiance. Certains d'entre eux s'inquiètent des abus auxquels pourraient donner lieu l'argument du «motif raisonnable», estimant que cela pourrait être utilisé pour se débarrasser d'un gêneur. Il s'agit là d'inquiétudes légitimes auxquelles il conviendra de répondre.
Dans l'esprit des employeurs, l'idée est d'assurer que les employés sont à même d'exécuter correctement leurs tâches, qu'ils respectent les normes de sécurité et de responsabilité et, aussi, de décourager, chez les employés, toute consommation de drogues. Voilà donc certains des problèmes qu'il faudra bien résoudre.
Pour ne pas prendre trop de temps, je vais passer sur certains des schémas que j'avais prévu de projeter, mais je vais vous les laisser ici à titre d'information. Je vais maintenant me pencher sur la question de la nécessité de tels programmes et sur le besoin de les mettre en oeuvre de manière équilibrée.
Les compagnies canadiennes cherchent à parvenir à un juste équilibre dans la mise en oeuvre de ce genre de programmes. Le dépistage ne constitue pas la seule raison d'être d'un programme destiné à décourager l'usage de l'alcool et des drogues. Cela peut constituer un outil d'enquête, mais n'exclut nullement le besoin d'exercer une action pédagogique, d'offrir aux employés l'aide dont ils ont besoin, d'assurer la formation des superviseurs en les formant non seulement à leurs tâches mais également à la gestion de la productivité, ni le besoin de se munir des outils permettant de signaler ceux qui contreviennent aux politiques de l'entreprise. Tous ces éléments doivent agir de concert. Ils ne servent pas à remplacer les mesures de dépistage mais permettent de constituer un programme cohérent.
Les employeurs doivent donc parvenir à un certain équilibre en ce domaine, mais les mesures réglementaires doivent également aller dans ce sens. Il faut équilibrer santé, sécurité et prudence, tout en respectant la vie privée des gens. Il faut bien comprendre le point de vue des divers intéressés, des employeurs, des employés, des syndicats, des voyageurs, des clients et des sous-traitants. Chacune de ces catégories a un point de vue particulier et il convient de les équilibrer.
De plus, il faut parvenir au meilleur équilibre possible entre les mesures de contrôle ou de dissuasion et les mesures permettant de convaincre les employés de se ranger du côté du changement et de prendre un engagement positif en matière de sécurité. Cet équilibre sera propre à chaque compagnie et à chaque programme adopté en ce domaine.
J'aimerais exposer à grands traits certaines des questions sur lesquelles vous voudrez peut-être vous pencher dans le cadre des problèmes que l'alcool et la drogue créent pour la sécurité.
La législation actuelle concernant la consommation d'alcool et de drogues dans les transports correspond-elle aux normes internationales? Il conviendrait peut-être d'harmoniser la réglementation, aussi bien au sein du transport routier qu'entre les divers modes de transport. Je précise, tout en rappelant qu'à l'heure actuelle seuls les chauffeurs transfrontaliers sont soumis à la réglementation, qu'au cours des quatre premiers mois du programme, on a constaté, dans le cadre du consortium des transporteurs routiers, un taux de résultats positifs de 2 p. 100 pour les tests de dépistage de la drogue et de 3 p. 100 pour les dépistages inopinés. C'est dire qu'il y a effectivement des chauffeurs qui ont recours aux drogues. Auront-ils tendance à se replier sur les entreprises qui ne font pas de dépistage en attendant une harmonisation de la réglementation?
Il faut s'assurer de l'exactitude des résultats du dépistage en milieu de travail. À l'heure actuelle, aucune réglementation n'y veille. Cela relève actuellement du Conseil canadien des normes. À l'heure actuelle, par conséquent, les employeurs ne sont nullement tenus de suivre une procédure précise afin d'assurer l'exactitude des résultats.
Comment prévoir également des mesures de prévention permettant de parvenir à une approche canadienne cohérente qui comprenne aussi bien la prévention que la dissuasion? Et enfin, comment nous assurer qu'en tenant compte des facteurs humains, et notamment des facteurs qui entrent en jeu dans la consommation de drogues et d'alcool, nous respectons, en matière de sécurité du public, des normes satisfaisantes.
Autant de questions qui se posent dans le cadre de notre examen des risques que l'alcool et les drogues présentent en matière de sécurité des transports. C'est très volontiers que je répondrai à vos questions.
Le président: Nous vous remercions de tous ces renseignements que vous nous avez fournis. Il pourrait nous être utile de faire reproduire en annexe à nos délibérations d'aujourd'hui les schémas que vous avez projetés. Dans ce cas-là, j'agréerai volontiers une motion en ce sens. J'ai remarqué que notre témoin, qui se souciait du temps, en a passé plusieurs et je crois que nous devrions les avoir tous. Y a-t-il une motion en ce sens?
Le sénateur Spivak: J'en fais la proposition.
Le président: En est-il convenu ainsi?
Honorables sénateurs: Convenu.
Le président: Madame Butler, je vous pose la question car cela pourrait très bien intéresser mes collègues, quel est le titre de votre dernier livre?
Mme Butler: Je suis l'auteur d'un livre intitulé Alcohol and Drugs in the Workplace. Nous recevions, au Canada, tellement de données américaines que j'ai cru bon de faire valoir le point de vue canadien. Il est clair que l'on peut beaucoup apprendre des études américaines, mais j'ai voulu également donner la version canadienne du problème; c'est pour cela que j'ai écrit ce livre.
Le sénateur Bacon: Madame Butler, en ce qui concerne la question de savoir comment assurer que les programmes de dépistage en milieu de travail répondent au double souci d'équité et d'exactitude, dans l'intérêt aussi bien des employeurs que des employés, comment faire? Comment faire en sorte que cela soit équitable? Entendez-vous par cela qu'il faut que cela soit équitable envers les employés?
Mme Butler: Aussi bien envers les employés qu'envers les employeurs. Il faut s'interroger, et c'est ce qui a été fait dans le cadre de la législation américaine, afin de parvenir à la plus grande exactitude possible, et pour cela il faut s'assurer que les personnes qui effectuent les prélèvements sont correctement formées. Aux États-Unis, par souci d'équité, on effectue deux prélèvements, et si des employés ne sont pas d'accord avec les résultats du premier test, ils peuvent demander que le second prélèvement soit analysé par un autre laboratoire.
Voilà certaines mesures qui permettent de respecter l'équité. Le problème se pose ici puisque les programmes de dépistage ne sont pas réglementés par le gouvernement. Il existe des normes sur lesquelles s'alignent certaines entreprises en ce qui concerne les chauffeurs transfrontaliers et certaines des grosses entreprises qui ont le souci de procéder correctement se sont alignées sur les normes les plus exigeantes, mais rien n'y oblige les autres. C'est pour cela que j'ai posé la question. Comment faire en sorte que tout le monde soit traité de manière équitable?
Le sénateur Stratton: Je n'ai pas très bien compris ce que vous nous avez dit plus tôt concernant le pourcentage de personnes chez qui l'on a décelé l'usage de drogues?
Mme Butler: Le programme de dépistage inopiné et d'autres formes de dépistage a débuté le 1er juillet dans le secteur du transport routier. Un consortium a été créé par les diverses associations professionnelles afin de donner à leurs adhérents accès aux services les plus rigoureux, et le programme de dépistage a donc débuté. Jusqu'ici, on relève 2,8 p. 100 de résultats positifs. Il s'agissait, pour la plupart, de fumeurs de marijuana. Dans les quatre premiers mois du programme, on a donc repéré 2,8 p. 100 des conducteurs, avec des résultats positifs dans 2,9 p. 100 des personnes soumises à un test inopiné.
Le sénateur Stratton: Mon autre question est la suivante: De quelles drogues s'agissait-il?
Mme Butler: Dans la plupart des cas, de marijuana. On a également relevé un peu de cocaïne ainsi qu'un cas de produit opiacé.
Le sénateur Stratton: Il ne s'agit donc pas de substances destinées à maintenir les chauffeurs en éveil?
Mme Butler: Le programme de dépistage instauré par les Américains ne vise que cinq drogues, parmi lesquelles ne figurent ni les barbituriques ni les benzodiazépines. L'Hôpital Sunnybrooke a effectué, il y a quelques années, une étude concernant les personnes impliquées dans des accidents de la route. Sur 800 personnes, l'étude a relevé un taux d'utilisation de benzodiazépines de plus de 12 p. 100.
Le sénateur Stratton: Voilà le produit dont je m'attendais à entendre le nom. C'est de ce produit-là que j'aurais plutôt tendance à me soucier. Dans le cadre d'un programme de dépistage inopiné, ne serait-il pas souhaitable de chercher aussi à déceler l'utilisation de ces barbituriques que les gens prennent pour rester en éveil? Ce sont bien ces produits-là qui entraînent un très grand stress et qui finissent par créer de réels problèmes?
Mme Butler: Oui. Je crois savoir que lorsque Transports Canada envisageait de mettre sur pied son propre programme, il songeait à englober les barbituriques et les benzodiazépines. Certains programmes mis en oeuvre par les employeurs engloberont, en cas d'accident ou de motif raisonnable, une gamme plus étendue de drogues, mais dans son état actuel, le programme américain ne s'applique qu'à l'alcool, aux opiacées, à la phencyclidine, à la cocaïne, à la marijuana et aux amphétamines.
Le sénateur Stratton: Êtes-vous partisan de tests de dépistage obligatoires?
Mme Butler: Moi en tant qu'individu?
Le sénateur Stratton: Oui.
Mme Butler: Non. Je suis partisan de faire en sorte que les gens comprennent bien le problème avant de décider s'il convient d'imposer ces tests de dépistage.
Le sénateur Spivak: Beaucoup de ces chauffeurs conduisent la nuit; est-ce exact?
Mme Butler: Oui.
Le sénateur Spivak: A-t-on étudié les effets que ces drogues peuvent avoir sur l'acuité visuelle la nuit, et a-t-on également étudié la rapidité de réflexes compte tenu des véhicules qu'ils conduisent, c'est-à-dire ces énormes semi-remorques? Voilà ce qui me préoccupe. Le jour, il y a de la marge, mais la nuit, c'est tout à fait différent!
Mme Butler: Le Conseil international sur l'alcool, les drogues et la sécurité routière, le CIADSR, a chargé des chercheurs de très haut niveau de se pencher sur ces divers aspects du problème; ils ont très nettement constaté que toute substance ingérée affecte la conduite d'un véhicule automobile, et tout particulièrement la conduite de gros véhicules après la tombée de la nuit. C'est pour cela, vous ai-je dit tout à l'heure, qu'on parle de consommation responsable mais que, pour certains travaux, il est très possible que le seul niveau de consommation acceptable soit le niveau zéro.
Le sénateur Spivak: J'ai remarqué qu'à New York, par exemple, sur les autoroutes, une voie est réservée aux camions. Les camions ne s'y tiennent pas toujours, mais enfin une voie leur est réservée. Or, je ne pense pas qu'il en soit ainsi au Canada?
Mme Butler: Je ne l'ai effectivement pas remarqué.
Le sénateur Adams: Toutes les entreprises ont-elles imposé des tests de dépistage de drogues ou d'alcool? Si je ne m'abuse, il y a quelques années, le gouvernement a commencé à soumettre à de tels tests les pilotes d'avion, par exemple, mais, en ce qui concerne les entreprises qui emploient des chauffeurs ayant à effectuer de longs parcours, existe-t-il une réglementation, soit gouvernementale ou privée, imposant des tests de dépistage?
Mme Butler: Il en est effectivement ainsi pour toutes les entreprises de transport routier dont les véhicules traversent la frontière, du moins pour les plus importantes d'entre elles, et cela sera également vrai des petites entreprises qui, elles, ont jusqu'à l'année prochaine pour instaurer de telles politiques. Certaines entreprises ont décidé que leurs politiques s'appliqueraient à tous leurs chauffeurs ainsi qu'à tous les employés occupant des postes ayant trait à la sécurité, et non pas aux seuls employés appelés à franchir la frontière. De nombreuses entreprises qui ne sont pas soumises à la réglementation ont néanmoins instauré de tels programmes.
Autant que je sache, les lignes aériennes font du dépistage pour sélectionner les candidats à l'emploi, les chemins de fer ont également adopté certaines formes de dépistage préalable à l'embauche et je crois qu'ils se réservent le droit d'administrer un test de dépistage en cas d'accident. Toutes ces entreprises se demandent s'il conviendrait d'élargir la portée de leurs programmes. Il est certain que les grosses sociétés pétrolières ont instauré de tels programmes, et notamment la société pétrolière Imperial qui a été l'une des premières à instaurer un tel programme, après la catastrophe du Exxon Valdez.
Il y a donc des entreprises qui font déjà du dépistage, mais les initiatives restent un peu dispersées. À vrai dire, je crois que de nombreuses entreprises attendent un peu pour voir ce que le gouvernement entend faire. Elles attendaient que soit adopté le règlement afin de voir les critères qu'allait leur fixer le gouvernement.
Le sénateur Adams: Je voudrais revenir à une question posée plus tôt au sujet des différences de politique en ce domaine entre le Canada et les États-Unis. J'aimerais savoir un peu plus clairement ce qui se passerait si le chauffeur canadien d'un gros camion écrasait quelqu'un aux États-Unis. Je crois que les entreprises sont couvertes, mais je m'interroge au niveau de coûts. Cela coûte cher. Chaque jour, de nombreux camions vont aux États-Unis ou en reviennent. En cas d'accident mortel entre un camion et une voiture, par exemple, le conducteur va-t-il être incarcéré -- je ne sais si ce serait pour longtemps, mais je me demande ce qui sera prévu pour de pareils cas.
Mme Butler: Il est clair que, au-delà des obligations qui incombent à l'employeur au titre des règlements sur le dépistage obligatoire, les autorités de l'État en question, les inspecteurs routiers fédéraux, sont tous autorisés à prendre un certain nombre de mesures lorsqu'ils estiment qu'un conducteur est inapte à la conduite d'un véhicule automobile en raison de sa consommation de drogues ou d'alcool. J'imagine qu'en cas d'accident mortel, le chauffeur se retrouvera en prison. Le fait qu'un chauffeur soit reconnu inapte peut entraîner, pour la compagnie qui l'emploie, toutes sortes de conséquences. Il est clair qu'à la suite d'un accident, en cas de résultats positifs du test de dépistage, le chauffeur qui ne participe pas au programme instauré par sa compagnie à l'intention de ceux qui font un usage immodéré de l'alcool, ne pourra pas reprendre le volant. Il faudra que la compagnie envoie quelqu'un d'autre pour ramener le camion ou l'autobus. Sur les autoroutes américaines, la loi et le règlement sont appliqués rigoureusement et immédiatement.
Le sénateur Adams: Les choses se passent-elles de la même manière au Canada? Existe-t-il une différence entre les deux pays au niveau des lois applicables en ce domaine?
Mme Butler: Il n'existe ici aucune obligation de procéder à un test de dépistage, mais il est bien évident que les autorités policières peuvent procéder à leur propre enquête en vertu du Code criminel et qu'elles ont le pouvoir d'administrer un test de dépistage. Je crois pouvoir dire, dans le cas d'un chauffeur américain qui cause un accident au Canada, que l'entreprise qui l'emploie doit assurer que son employé subira un test de dépistage. Il y aurait donc tout de même des mesures qui seraient prises.
Le président: Au cours de votre exposé, vous avez soulevé la question de savoir si l'actuelle législation fédérale en matière de drogues permet d'assurer correctement la sécurité, mais vous n'avez pas apporté de réponse. Pourrions-nous vous demander de nous fournir certains éléments de réponse.
Mme Butler: Quand vous recueillerez le point de vue des chemins de fer, des lignes aériennes, si tant est que leurs représentants abordent le problème, il serait bon de leur demander si la législation actuelle leur paraît suffisante. J'ai appris, de manière officieuse, que, effectivement, les normes existent, mais que les mesures d'application manquent de rigueur. Mais j'estime qu'il s'agit là d'une lacune que pourraient permettre de régler les témoins représentant les divers modes de transport. Je pense que la question mérite d'être évoquée car il existe effectivement une différence d'approche entre le Canada et les États-Unis.
Le sénateur Bacon: Je reviens sur la question de l'équité et de la précision des tests de dépistage pour vous demander s'il existe des programmes d'aide aux employés qui ont recours aux drogues ou à l'alcool?
Mme Butler: Oui, tout à fait. Les programmes d'aide aux employés sont devenus chose courante. Parfois cela se fait à l'interne, et parfois à l'extérieur, mais je ne pense pas qu'on puisse instaurer un programme de dépistage à moins de donner aux gens la possibilité d'obtenir l'aide dont ils auraient besoin.
Le dépistage a un effet dissuasif, mais si aucune aide n'est proposée aux intéressés, on ne parviendra pas à accroître la sécurité des opérations. Il faut donner à tous les travailleurs les moyens d'encourager leurs collègues à chercher de l'aide auprès de leurs confrères, mais il faut également prévoir un moyen permettant aux gens de demander de l'aide en toute confidence. Malheureusement, la réglementation américaine n'exige pas l'instauration de programmes d'aide aux employés mais, dans tous les programmes de formation que j'ai mis sur pied à l'intention des entreprises de transport routier, j'insiste pour que les entreprises qui adoptent un programme de dépistage mettent également en place des mesures d'assistance à leurs employés.
Le sénateur Bacon: Ainsi qu'on se le demande toujours au Canada, comment le gouvernement pourrait-il encourager les entreprises à instaurer des programmes de dépistage assurant des résultats fiables?
Mme Butler: Je ne sais pas, sinon que l'on pourrait préciser, dans la réglementation, que, «Voici ce qu'on attend de vous.» Je crois que cela serait effectivement une incitation à bien faire. Je crois, en effet, que les entreprises ont besoin de directives sur la manière d'instaurer des programmes de prévention. Le secteur concerné fait déjà ce qu'il peut en ce sens. Voilà donc un domaine d'action. La meilleure mesure d'incitation serait de dire «Voici les règles. Voici ce que vous devez faire.»
Le président: Pourrions-nous revenir sur l'étude menée en 1992 par l'AADAC, sur le milieu de travail. Le point de vue adopté est assez caractéristique de l'Alberta et, plus généralement, des provinces de l'Ouest. Les statistiques qui y sont exposées sont-elles caractéristiques de la situation au Canada?
Mme Butler: Les enquêtes coûtent extrêmement cher et c'est pour cela que, malheureusement, elles sont trop rares. Cela dit, les résultats exposés dans celle-ci correspondent largement aux résultats obtenus par Transports Canada dans les enquêtes nationales que le ministère a menées en 1989. D'après moi, la principale différence se situe au niveau de ceux qui font usage de drogues, l'enquête de 1992 donnant un résultat de 11 p. 100 plus élevé. Cela ne figurait pas dans les enquêtes précédentes, celles de Transports Canada. De plus, les enquêtes menées par Transports Canada ne demandaient pas aux personnes sondées de dire s'il y avait, à cet égard, un problème au travail. L'enquête albertaine pose la question.
Cela dit, au niveau des autres aspects de la consommation, les résultats correspondent aux chiffres nationaux. Je fais normalement état de ces mêmes chiffres lors de rencontres avec les représentants d'une entreprise et les représentants syndicaux et des employés afin d'élaborer une politique en ce domaine. Personne n'a jamais contesté ces chiffres; en fait, on considère qu'ils sont plutôt inférieurs à la réalité.
Le président: Il n'est donc pas du tout question de la consommation de médicaments?
Mme Butler: Non.
Le président: Pourtant, on pourrait penser -- bien qu'on n'en soit pas certain -- que ce serait tout de même un aspect important du problème.
Mme Butler: Les études menées par Transports Canada ont effectivement porté sur la consommation de produits pharmaceutiques et les chiffres relevés étaient plutôt élevés. L'enquête menée par la société pétrolière Imperial s'est également penchée sur la consommation de médicaments et, là aussi, les chiffres étaient assez élevés. La question serait donc de savoir si les personnes concernées comprennent, si elles sont suffisamment conscientes pour savoir que ces médicaments sont susceptibles d'affecter la sécurité des tâches qu'elles accomplissent? Voilà ce qui pourrait nous préoccuper.
La consommation de tels médicaments est donc légitime, mais la question est de savoir si les personnes concernées sont conscientes des effets que ces produits peuvent avoir sur l'accomplissement de leurs tâches professionnelles? C'est d'ailleurs pour cela que la réglementation américaine oblige tout chauffeur qui doit prendre un médicament de s'assurer, auprès du médecin qui lui prescrit le produit, qu'il pourra travailler en toute sécurité. Autrement dit, il s'agit de s'assurer que celui qui prescrit l'utilisation d'un médicament sait que son patient conduit un train ou un véhicule commercial car le docteur pourra ainsi prescrire un médicament en toute connaissance de cause.
Le président: Possédons-nous suffisamment d'éléments pour permettre aux secteurs concernés, au gouvernement et à d'autres organismes de décider en connaissance de cause? Avons-nous tous les renseignements nécessaires?
Mme Butler: J'estime que oui.
Le président: Il ne serait donc pas nécessaire d'entreprendre une autre grande enquête nationale pour constater qu'il est dangereux de boire au travail, particulièrement lorsqu'on conduit un gros camion?
Mme Butler: Dans toutes les entreprises qui se sont penchées sur le problème, on s'est posé la question de savoir s'il convenait de procéder à une autre enquête. La plupart des entreprises ont en fait conclu que l'information est là, de source américaine et canadienne, et qu'elles disposent des éléments nécessaires pour prendre les décisions qui s'imposent pour aller de l'avant. Je ne pense donc pas qu'il faille nécessairement procéder à une autre enquête.
Le président: Je pourrais continuer encore longtemps, mais nous avons d'autres témoins à entendre si personne d'autre n'a de questions à poser. Puis-je, au nom du comité, vous dire combien nous prisons les éclaircissements que vous nous avez fournis.
Mme Butler: Je remercie les membres du comité.
Le président: Nous accueillons maintenant M. Maurice Engels, président du Comité d'examen de la Loi de 1994 sur la sécurité ferroviaire, qui, comme nous le savons tous, vient de s'acquitter d'une tâche bien méritoire, ainsi que M. Armand Goguen, membre du comité d'examen. Connaissant les labeurs de ces deux messieurs, je suis depuis longtemps persuadé que notre comité n'a pas vraiment à s'inquiéter au sujet de la sécurité ferroviaire. Je suis certain que tout ce que le comité aurait pu ne pas relever ne méritait probablement pas de l'être.
Je dis cela, monsieur Engels, pour vous féliciter du rapport très complet qu'a rendu votre comité et pour vous dire que, comme John Crosbie, je ne l'ai peut-être pas lu du début à la fin, mais je l'ai regardé avec attention. Sans plus de cérémonie, je vous demande donc, M. Engels, de bien vouloir commencer.
M. Maurice Engels, ancien président, Comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire: J'entends d'abord vous exposer à grands traits l'étude que nous avons menée et certains des éléments susceptibles de retenir l'attention de votre comité compte tenu du mandat qui est le vôtre.
En ce qui concerne les chemins de fer, nous avons conclu que les principaux éléments du réseau de transports publics canadiens devraient, j'en suis certain, vous être utiles. Comme vous venez de le dire, M. Goguen comparaît aujourd'hui avec moi. Il est un des trois membres du comité. Nous avons effectivement rendu un rapport conformément au mandat qui nous était confié en vertu de la Loi de 1989 sur la sécurité ferroviaire. Nous avons entamé cette étude le 1er janvier 1994 et nous l'avons terminée à la fin de 1994, c'est-à-dire dans les délais qui nous étaient impartis.
J'ajoute que dans le cadre de l'étude que nous avons menée, et du rapport qui y fait suite, nous avons formulé 69 recommandations, dont 60 qui ont été acceptées par le gouvernement, sept qui ne l'ont pas été et deux qui doivent faire l'objet d'un complément d'étude. En conséquence, le projet de loi C-43 est actuellement à l'étude devant un comité de la Chambre avant d'être transmis au Sénat.
Nos observations se situent aujourd'hui dans le contexte de notre étude et du rapport qui y donne suite et nous nous proposons donc d'exposer à grands traits nos principales conclusions et recommandations, en signalant certains des aspects susceptibles de retenir plus particulièrement l'attention de votre comité. Nous voudrions également préciser qu'en faisant cela, notre intention n'est pas du tout de minimiser l'importance des autres recommandations.
Permettez-moi d'exposer maintenant certains éléments de nos conclusions et des recommandations que nous avons formulées.
1. Nous avons constaté, au cours de notre examen, que les chemins de fer canadiens sont plus sûrs que les autres modes de transport et que les chemins de fer d'autres pays.
2. Nous avons conclu que le dispositif de sécurité des chemins de fer doit être transformé pour qu'il devienne moins réglementaire et afin de redonner l'initiative aux responsables du secteur. Nous voyons l'autorité réglementaire davantage dotée d'un pouvoir de vérification, assurant le respect des normes de qualité les plus strictes et laissant aux chemins de fer eux-mêmes le soin de proposer et d'appliquer les mesures permettant d'assurer la sécurité des opérations. C'est très différent de ce qui se fait depuis de nombreuses années, depuis que le chemin de fer a fait son apparition au Canada.
3. L'autorité réglementaire doit rester le principal garant de la sécurité du public, surtout au niveau de l'interface entre les chemins de fer et les voyageurs ainsi qu'entre les provinces et les municipalités.
4. Je sais que la question des substances enivrantes ou psychodysleptiques vous intéresse, étant donné le témoin que vous venez d'entendre. M. Goguen et moi nous sommes vivement intéressés à ce qu'elle a dit car nous nous sommes nous-mêmes penchés sur la question et nous avons même formulé une recommandation à cet égard. Malheureusement, et sur ce point je m'attarderai davantage tout à l'heure, il s'agit d'une des sept recommandations qui n'ont pas été retenues par le gouvernement.
Quoi qu'il en soit, il faudra bien régler le problème de la consommation de produits enivrants ou psychodysleptiques par les personnes occupant des postes pouvant mettre en cause la sécurité et, à notre avis, c'est aux sociétés de chemin de fer qu'il incombera de mettre en place et d'appliquer les programmes nécessaires. Comme l'a précisé le témoin précédent, en réponse aux questions qui lui étaient posées, ces programmes entraîneront effectivement des dépenses. En ce qui concerne le secteur sur lequel nous nous sommes penchés, c'est-à-dire les chemins de fer, il est clair que les sociétés de transport ferroviaire administreraient très volontiers ces programmes et en assumeraient les frais. Les responsables se sont dits tout à fait favorables à l'instauration d'un tel programme.
5. Les chemins de fer soumis à la réglementation provinciale, c'est-à-dire, essentiellement, les lignes de chemin de fer de moindre envergure, sont tout de même appelés à se développer, et il faut en tenir compte. Nous estimons que dans ce secteur, sur le plan de la sécurité, la situation doit évoluer en réponse à la nature même de l'industrie ferroviaire dont tous les éléments sont liés à l'échelle continentale. L'actuel régime de réglementation varie d'une province à l'autre, et il est à l'évidence nécessaire d'instaurer un système cohérent à l'échelle nationale, aussi bien pour assurer la sécurité que pour harmoniser, sinon uniformiser l'ensemble.
Vous n'ignorez pas ce qui s'est passé avec le CN et le CP, les deux sociétés s'étant défaites d'importantes lignes secondaires qui ont été reprises par les provinces. Après avoir recueilli l'avis des sociétés ferroviaires canadiennes et de sociétés américaines intéressées à reprendre ces lignes, nous estimons qu'il conviendrait d'instaurer pour l'ensemble du pays une réglementation uniforme compatible avec les réseaux américains, c'est-à-dire une réglementation interprovinciale et non pas, comme c'est encore parfois le cas, uniquement provinciale.
6. Le modèle plus efficace dont nous recommandons l'adoption, exigerait, dans un premier temps, que la Direction de la sécurité ferroviaire réaménage son processus décisionnel au niveau de l'établissement des priorités, afin de fixer celles-ci en fonction d'objectifs de rendement précis et d'assurer que cette direction a les ressources humaines nécessaires pour accomplir la nouvelle mission qui lui est confiée.
Au cours de notre étude, nous avons pu constater que ceux que nous appelons les inspecteurs possèdent des aptitudes tout à fait considérables. Ces personnes occupent une fonction très importante et, en matière de sécurité, elles exercent une grande influence et bénéficient d'un pouvoir discrétionnaire étendu. Les inspecteurs peuvent écarter de certaines régions telle ou telle entreprise ferroviaire, avec toutes les conséquences financières que cela peut entraîner pour la société concernée. Nous en avons conclu que ces personnes devraient être tenues de posséder des aptitudes supérieures à celles qu'elles possèdent actuellement afin de pouvoir remplir, non seulement les missions qui leur sont actuellement confiées, mais aussi les missions dont elles devront s'acquitter à l'avenir.
7. Ainsi que je le disais tout à l'heure, une de nos principales recommandations consiste à passer d'un régime de prescription à un régime où les normes de rendement ainsi qu'un plan global de sécurité seraient proposés et mis en oeuvre par l'industrie elle-même, après avoir été approuvés par l'autorité réglementaire, ce plan et ces normes étant soumis à un programme coordonné de contrôle, de vérification et d'inspection mené par l'autorité réglementaire.
8. Une autre des recommandations -- et, à cet égard, il me semblerait bon que les sénateurs lisent attentivement le rapport sur les points qui les intéressent particulièrement -- serait de modifier la procédure d'appel par rapport à ce qui est actuellement prévu à l'article 31, afin que l'on crée un organisme qualifié et indépendant chargé d'examiner et de trancher sans délai les appels qui lui sont transmis.
Une des principales doléances du secteur ferroviaire est le fait qu'un inspecteur peut, en fait, arrêter tout un pan de transport ferroviaire et qu'en pareille hypothèse, la procédure d'appel prend à la fois beaucoup de temps et beaucoup d'argent.
9. Aux termes d'une autre recommandation, le ministre nommerait, comme le prévoit la loi, un comité consultatif sur la sécurité ferroviaire. Bien que, en principe, le gouvernement ait retenu cette recommandation, la lecture du texte modifiant la législation actuelle me porte à penser qu'elle ne va pas être mise en oeuvre comme recommandait de le faire le comité. Des représentants de cette branche d'activité et autres personnes concernées par la Loi sur la sécurité ferroviaire nous ont dit qu'un tel comité consultatif devrait effectivement être mis en place.
Nous avons en fait constaté qu'au cours des cinq ans qui se sont écoulés depuis l'entrée en vigueur de la loi, on a vu faire bien peu des choses car aucun mécanisme n'était prévu à cet effet, si ce n'est ce qui existait avant, et le gouvernement n'a adopté aucune mesure permettant d'améliorer la situation. Pourtant, un comité consultatif aurait pu prendre l'initiative sur un certain nombre de points.
10. Dans le domaine ferroviaire, les passages à niveau constituent un des plus grands sujets d'inquiétude au plan de la sécurité. Là, la situation n'a guère évolué. De fait, toutes les statistiques démontrent combien les améliorations sont rares, alors que, chaque année, on continue à constater un nombre important d'accidents.
11. J'ai parlé plus tôt de l'abus de certaines substances. L'une de nos principales recommandations serait d'instaurer un programme de dépistage à l'intention des employés de chemin de fer occupant des postes intéressant la sécurité. Autrement dit, nous ne recommandons pas d'y soumettre tous les employés sans exception, mais, en rappelant encore une fois les propos du témoin précédent, la situation aux États-Unis démontre l'interdépendance des réseaux ferroviaires, les Américains ayant adopté en ce domaine un certain nombre de règles qu'il faudra respecter. D'ailleurs, la situation elle-même nous impose la prise de mesures permettant d'éviter tout abus de la part de personnes dont les actes, en raison des fonctions qu'elles occupent, revêtent une importance particulière pour la sécurité.
On nous a exprimé un certain nombre de préoccupations touchant les droits de la personne dans le contexte d'un tel programme. Nous savons aussi que, dans presque toutes les provinces du Canada, les conducteurs automobiles sont actuellement soumis à de tels tests de dépistage inopinés; si l'on estime que l'on doit retirer de nos routes les conducteurs qui consomment certaines des substances en cause, comment prétendre qu'un conducteur de locomotive ne doit pas être tenu de subir un tel test, compte tenu des importantes responsabilités qui lui incombent?
Cependant, ainsi que je le disais tout à l'heure, le gouvernement n'a pas jugé bon de reprendre cette recommandation dans le cadre du texte modifiant la législation actuelle et qui est actuellement soumis à l'examen de la Chambre. Nous invitons le comité à se pencher avec attention sur le texte du projet de loi lors de son examen.
12. Nous avons également recommandé que, dans cinq ans, l'on procède à un autre examen général de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Cela ne s'imposerait pas nécessairement si l'on prévoyait la constitution d'un comité consultatif qui veillerait à ce que la loi soit mise à jour en fonction des besoins. Ce que nous cherchons à éviter, c'est que le texte de loi soit adopté puis, en fait, laissé de côté comme il en a été avec le dernier projet de loi. En pareille hypothèse, des problèmes surgiront sans qu'on cherche à les résoudre et cela finira par imposer un examen général de l'ensemble des textes applicables.
Permettez-moi, pour conclure, de rappeler simplement que si, au Canada, la sécurité des chemins de fer est effectivement assurée, les passages à niveau continuent à nous préoccuper beaucoup. J'ai également joint à votre intention certains extraits du rapport portant sur des données comparatives.
Comparé à ce qui se passe dans les autres pays, et notamment aux États-Unis, les chemins de fer fonctionnent ici très bien. Une autre comparaison qu'il est important de faire au niveau de la sécurité est entre les chemins de fer et les transports routiers. Je rappelle que la sécurité des chemins de fer est bien meilleure que celle des transports routiers et votre comité pourrait très utilement se pencher sur la question de la sécurité des transports routiers au Canada.
Maintenant, monsieur le président, nous sommes à votre entière disposition pour répondre à toute question que vous voudriez bien nous poser.
Le sénateur Adams: La situation a pas mal évolué au cours des quelques dernières années. Le nombre de lignes de chemin de fer a baissé, par exemple, depuis mon arrivée au Sénat il y a presque 20 ans, et le gouvernement a privatisé une partie des opérations ferroviaires. Les données dont vous disposez permettent-elles de conclure à un abaissement des coûts ou à une réduction du nombre d'accidents? Avez-vous des chiffres permettant de savoir quelle est la proportion d'opérateurs de matériel ferroviaire travaillant sous l'influence de l'alcool ou de drogues?
M. Engels: En ce qui concerne l'abus de certaines substances, nous n'avons aucune statistique autre que celles dont a fait état le témoin précédent et dont nous étions nous-mêmes avisés. Mais, en ce qui concerne l'état de la sécurité ferroviaire aujourd'hui, par rapport à ce qu'elle était il y a plusieurs années, nous n'avons constaté aucune baisse de la sécurité, et cela malgré les changements intervenus, malgré les coupures, l'élimination du fourgon et autres mesures de ce genre.
Le sénateur Adams: Selon la politique en vigueur, les opérateurs de matériel ferroviaire sont soumis à des tests de dépistage? Les règlements prévoient-ils de tels tests pour certains mécaniciens des chemins de fer?
M. Engels: Cela peut arriver de manière très limitée, mais il n'existe pas de politique ferme sur ce point. J'estime qu'il serait peut-être indiqué de procéder ainsi dans une certaine mesure, mais les règles actuelles ne sont pas du tout adaptées. C'est bien l'avis exprimé sans ambages par les chemins de fer eux-mêmes. Les entreprises concernées aimeraient beaucoup voir instaurer des programmes beaucoup plus poussés qu'ils ne le sont actuellement. Ce qui leur manque, cependant, c'est le pouvoir d'introduire un système de dépistage inopiné.
Le sénateur Adams: En ce qui concerne le dépistage obligatoire en matière de drogues et d'alcool, savez-vous combien de syndicats il y aurait actuellement au CN et au CP?
M. Engels: Eh bien, plusieurs d'entre eux nous ont fait connaître leur avis.
Le sénateur Adams: Oui. Si le dépistage était obligatoire, et qu'on décelait la présence de toxicomanes ou d'alcooliques appartenant à un syndicat, que se passerait-il? Pourraient-ils s'adresser au syndicat, ou le gouvernement pourrait-il automatiquement les licencier? Comment cela se passerait-il?
M. Engels: Même à l'heure actuelle, l'employeur a certains droits, sous réserve des procédures de grief actuellement applicables, en fonction de ce qui est prévu dans les conventions collectives, mais il est clair que l'employé bénéficierait d'un certain nombre de garanties le protégeant contre tout traitement contraire à l'équité.
Le sénateur Adams: Est-ce à dire qu'actuellement des inspecteurs se trouvent à bord de tous les trains? Quelle est la fréquence de leurs inspections, s'intéressent-ils simplement à la sécurité, ou sont-ils chargés également de détecter les personnes affectées par l'alcool? Comment se déroule le travail de ces inspecteurs?
M. Engels: Je ne suis pas certain jusqu'où cela va. Les inspecteurs veillent à l'application des règlements et des consignes de sécurité.
Le sénateur Adams: Je prends beaucoup l'avion et, parfois, je vois monter à bord un inspecteur qui va s'entretenir avec le pilote. Un règlement prévoit-il que l'équipage sera avisé de la visite d'un inspecteur ou celui-ci peut-il se présenter de manière inopinée?
M. Engels: Les inspecteurs peuvent à tout moment se pencher sur tout aspect des opérations ferroviaires. Sur ce plan-là, leur pouvoir est absolu.
Le sénateur Adams: Nous pilotions jadis des DC-3, et, parfois, à trois ou quatre mille pieds d'altitude, un inspecteur de DC-3 vous demandait d'éteindre un moteur pour voir un peu si vous étiez capable de continuer avec un seul moteur.
Le sénateur Bacon: Vous nous avez dit que, dans le rapport que vous avez rédigé à la suite de l'étude menée par votre comité, vous avez formulé 69 recommandations, dont 60 ont été acceptées, sept qui ne l'ont pas été et deux qui sont encore à l'étude. Trouvez-vous cela satisfaisant?
M. Engels: Oh, oui, tout à fait. Cela a été pour nous une expérience extrêmement intéressante. Nous nous inquiétons un peu de deux des recommandations qui n'ont pas été acceptées, dont une touchant l'abus de certaines substances. Nous sommes très heureux de voir que la plupart des recommandations ont été retenues et qu'elles vont être mises en oeuvre.
Le sénateur Bacon: À l'heure actuelle, que font les sociétés de transport ferroviaire en ce qui concerne l'abus de certaines substances?
M. Engels: Elles ont instauré des programmes d'aide aux employés, programme dont votre témoin précédent vous a parlé. Toutes les grandes entreprises ont instauré de tels programmes et c'est le cas des chemins de fer. Les chemins de fer craignent cependant de ne pas avoir le pouvoir de procéder à des dépistages inopinés et cela peut avoir pour conséquence de les obliger à intervenir a posteriori au lieu de faire de la prévention. Cela dit, les chemins de fer ont instauré d'excellents programmes.
Cependant, comme le disait le témoin précédent, les États-Unis entendent que ces programmes entrent en vigueur avant le milieu de l'année prochaine.
Le sénateur Bacon: Estimez-vous que les chemins de fer n'ont pas pris suffisamment d'initiatives en ce domaine et qu'ils attendent que le gouvernement renforce sa réglementation? Êtes-vous de cet avis?
M. Engels: Oui. Les chemins de fer ont dit qu'ils aimeraient en faire davantage, mais qu'il leur faudra voir élargir leurs pouvoirs. À l'heure actuelle, ils n'ont pas, juridiquement, le pouvoir d'en faire davantage, et c'est pourquoi ils attendent de nouvelles dispositions législatives ou réglementaires. Bien sûr, il ne s'agit pas de leur permettre d'introduire des mesures contraires à l'équité. Il ne s'agit nullement de leur donner un pouvoir de portée générale leur permettant de faire en ce domaine ce que bon leur semble. Il s'agirait d'instaurer un programme de concert avec les syndicats notamment.
Le sénateur Bacon: Mais les entreprises de chemin de fer n'effectuent-elles pas des inspections? Cela n'est-il pas suffisant? Estimez-vous qu'elles n'en font pas assez?
M. Engels: Non, elles n'ont pas le pouvoir d'administrer inopinément des tests de dépistage.
Le sénateur Bacon: Et elles ne le font pas?
M. Engels: Elles ne peuvent pas le faire et elles ne le font effectivement pas. Elles n'en ont pas le droit.
Le sénateur Bacon: Cela me surprend. J'imagine qu'il y en aurait davantage sur les lignes secondaires.
M. Engels: Effectivement.
Le sénateur Bacon: Avez-vous un rapport portant précisément sur cela et que vous pourriez nous communiquer?
M. Engels: Non. Nous nous sommes uniquement penchés sur la sécurité ferroviaire et, bien sûr, sur la tendance à la multiplication et à l'extension des lignes secondaires. Il convient, d'après nous, de veiller à l'instauration des règlements à l'échelle nationale, applicables donc à tous les chemins de fer canadiens, afin de régir de manière équitable l'ensemble des opérations ferroviaires.
Le sénateur Stratton: Vous avez évoqué le problème des passages à niveau et vous avez dit qu'on ne faisait rien à cet égard. J'imagine que c'est en raison des frais que cela occasionnerait.
M. Engels: Beaucoup de mesures ont été prises, mais elles restent insuffisantes.
Le sénateur Stratton: Ah bon, c'est insuffisant. Entendu.
M. Engels: On n'en fait pas assez et on pourrait peut-être en faire beaucoup plus sur le plan de la pédagogie afin de rendre les gens beaucoup plus conscients du danger. On pourrait également trouver de nouvelles techniques. Nous avons également recommandé que davantage de recherches soient menées afin de parvenir à une meilleure solution.
Nous savons, par exemple, que les barrières sont plus sûres que de simples signaux sonores; que quatre barrières sont plus sûres que deux. Mais il est clair qu'il y a certaines limites à ce qui peut être fait. Donc, en ce qui concerne ce problème-là, la pédagogie peut être un élément très important.
Le sénateur Stratton: Vous ne prônez donc pas nécessairement l'installation de plus de barrières, mais vous êtes partisan d'un meilleur effort de pédagogie. J'imagine que la plupart des accidents en ce domaine se produisent en zone rurale.
M. Engels: Pas nécessairement. Je réside à London, et je constate, malheureusement, que de nombreux accidents sont dus au simple fait que les gens ne font parfois pas attention aux signaux. Les accidents ne se produisent donc pas seulement en zone rurale, bien qu'ils y soient, j'en suis certain, nombreux.
Le sénateur Stratton: Permettez-moi de changer de sujet et de retourner à la question du dépistage. Êtes-vous partisan des tests de dépistage obligatoires.
M. Engels: Oui, de dépistage obligatoire dans le cadre d'un programme élaboré de concert par la direction et les syndicats et autorisant aussi l'administration inopinée des tests de dépistage. Je crois que la simple existence d'un programme de dépistage inopiné, à supposer qu'il puisse être mis en oeuvre avec de solides assises juridiques, éviterait 99 p. 100 des incidents.
Le sénateur Stratton: Est-ce là une des recommandations qui n'ont pas été acceptées?
M. Engels: C'est exact.
Le sénateur Stratton: Vous a-t-on dit pourquoi?
M. Engels: Non. C'est d'ailleurs assez intéressant car, comme le disait le témoin précédent, une étude a été menée en ce domaine en 1989. En 1990, le gouvernement a adopté un certain nombre de mesures provisoires mais n'a pas poursuivi sur sa lancée. Puis, lorsque nous nous sommes penchés sur la question, que nous avons étudié le problème, nous sommes parvenus à la conclusion que l'instauration d'un tel programme, et la possibilité offerte aux chemins de fer de procéder à de tels tests de dépistage seraient dans l'intérêt du public. Nous avons donc formulé une recommandation en ce sens. Nous avons été surpris de voir qu'elle n'a pas été retenue. Bien sûr, il ne s'agit que d'une des sept recommandations qui n'ont pas été retenues, mais nous recommandons fermement que l'on se penche à nouveau sur la question et qu'on y voie une mesure qu'il conviendrait de prendre.
Le président: Permettez-moi une toute petite question supplémentaire sur ce que le sénateur Stratton vous avait demandé plus tôt au sujet des passages à niveau -- vous avez insisté sur ce point dans votre exposé. Lorsque M. Ron Jackson -- sous-ministre adjoint des Transports -- s'est présenté devant le comité, il a abordé, en passant, la question des passages à niveau, mais en insistant plutôt sur l'augmentation du nombre de déraillements survenus au cours des deux dernières années, estimant que cette augmentation avait quelque chose d'inquiétant. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point? Vous êtes-vous également penché sur ce problème?
M. Engels: Sur les déraillements, oui. Nous avons effectivement étudié la question, tenant compte des périodes en cause. Selon les données qui nous ont été transmises, et que nous avons examinées, il n'y a eu aucune augmentation du nombre de déraillements. Je sais que l'hiver de 1993-1994 a été extrêmement rigoureux dans le Nord de l'Ontario et qu'il y a eu effectivement un certain nombre de déraillements.
Le président: Il se situait, lui-même, dans le contexte des 18 derniers mois, c'est-à-dire une période ultérieure à celle que vous venez d'indiquer. J'ai une autre toute petite question supplémentaire touchant la notion d'un programme de dépistage relevant entièrement de l'industrie ferroviaire. Il est clair que le Canadien National et le Canadien Pacifique sont des entreprises suffisamment importantes et suffisamment puissantes pour assumer de telles responsabilités et pour entreprendre un programme de dépistage de concert avec les syndicats ainsi qu'avec tous les autres groupes institutionnels dont il faudra s'assurer le concours si l'on veut pouvoir aboutir sans faire intervenir le gouvernement. Un tel programme devrait être mis sur pied. Peut-être qu'un comité consultatif, si nous parvenions effectivement à le constituer, pourrait se charger de ce dossier. Je pense qu'il s'agit d'une question qui pourrait parfaitement être confiée à un tel comité.
De telles initiatives pourraient donc très bien aboutir, mais ma préoccupation est la suivante: Que faire à l'égard des lignes intermédiaires, des petites lignes? Pensez-vous qu'elles puissent ou non assumer les coûts d'un programme de dépistage en dehors de toute initiative gouvernementale?
M. Engels: Il est bien évident que le CN et le CP n'auraient aucun problème en ce domaine, et ces deux entreprises se sont déclarées tout à fait favorables à ce type de programme et prêtes à en assumer les frais comme elles assument déjà les frais d'un certain nombre de programmes connexes. Les plus petites lignes pourraient, elles, profiter du modèle qui serait élaboré par les grandes entreprises ferroviaires, l'appliquant dans le cadre de leurs propres opérations.
Je ne suis pas certain que cela coûterait aussi cher que vous le disiez plus tôt, mais l'instauration d'un programme de dépistage inopiné, comme cela a été expliqué dans le cadre des deux exemples cités par le témoin précédent, serait une manière équitable de s'attaquer au problème car il ne faut pas oublier que les petites entreprises ferroviaires font partie d'une association nationale susceptible de les épauler dans la mise en oeuvre d'un programme qui pourrait alors être appliqué de manière assez cohérente et uniforme. Cela coûterait effectivement quelque chose, mais les coûts d'un tel programme ne sont rien à côté des coûts que pourrait leur imposer le fait de ne pas disposer d'un programme de dépistage.
Le président: Je tiens à vous remercier. Vous nous avez suggéré de nouvelles voies de réflexion. Nous vous savons gré du temps que vous nous avez si patiemment consacré cet après-midi.
Je demande à M. Rodrigue de NAV CANADA de bien vouloir s'avancer. Nous allons nous pencher avec lui sur la sécurité dans les services de la navigation aérienne dans un contexte commercialisé. Nous allons parler de NAV CANADA et du rôle que cette entreprise est appelée à jouer dans le domaine de l'aviation civile, domaine en constante transformation.
M. Gilles Rodrigue, adjoint au président en matière de sécurité et de contrôle de la qualité, NAV CANADA: Merci de donner l'occasion à NAV CANADA de vous livrer un exposé sur la question de la sécurité dans la prestation des services de navigation aérienne dans un contexte commercialisé. Je suis accompagné de mon collègue Terry Kelly, directeur, Politique en matière de sécurité à NAV CANADA. Je crois que vous avez un exemplaire de notre mémoire. Si vous le préférez, je pourrais me servir des transparents que j'ai emmenés avec moi, mais si vous avez tous des exemplaires du mémoire, c'est peut-être mieux que vous vous en serviez.
J'ai simplement l'intention de vous donner une vue d'ensemble des mécanismes en place à NAV CANADA pour assurer la sécurité. Dans mon esquisse, je me propose de vous donner un aperçu de ce qu'est NAV CANADA, du cadre de travail sur lequel nous nous appuyons en matière de sécurité ainsi que du programme de gestion de la sécurité.
NAV CANADA a été instituée en 1995 en tant que société sans but lucratif, spécialement pour se porter acquéreur du système de navigation aérienne auprès de Transports Canada.
Le projet de loi C-20 a été adopté en juin de l'année dernière. Il régit la commercialisation des services de la navigation aérienne, que nous appelons couramment les SNA, dont il a permis le transfert à NAV CANADA. Il a également permis à NAV CANADA d'être un monopole. Le projet de loi prévoit cependant la transparence de toutes les activités liées à la tarification, il régit la sécurité de façon générale et la sécurité dans le Nord.
Le transfert de NAV CANADA a eu lieu comme prévu le 1er novembre 1996. Nous sommes un organisme récent en ce sens que nous n'avons que 25 ou 26 jours d'existence. Cependant, comme vous le savez sans doute, environ 6 000 employés de Transports Canada ont été mutés à NAV CANADA, et nous pouvons nous enorgueillir d'avoir plus de 100 000 ans d'expérience collective. Le système devrait donc être en de bonnes mains.
NAV CANADA est une société entièrement privée, sans but lucratif. Elle fonctionne comme un service public. Elle n'a pas d'actionnaires, mais elle est constituée de trois types de membres: le gouvernement, les syndicats et l'industrie. Elle est entièrement financée par une dette et elle a été constituée en société en mai 1995 dans le but précis de se porter acquéreur des services de la navigation aérienne jusque là assurés par le ministère des Transports.
NAV CANADA a pour principale responsabilité de coordonner les mouvements aériens dans l'espace intérieur et international, avec efficacité et en toute sécurité. Cela s'entend des services de la circulation aérienne, qui comprennent le contrôle de la circulation aérienne, les services d'information de vol, les services d'information météorologique et les services consultatifs; on retrouve également les services techniques, qui comprennent l'exploitation de toutes les aides électroniques à la navigation à des fins de communication et de surveillance, comme les radars ainsi que les aides à l'approche; il y a également la direction des exigences du Système de la navigation aérienne, qui est chargée de la planification pour l'ensemble du système en ce qui a trait aux inspections en vol et à la transmission des renseignements aéronautiques aux 60 000 pilotes qui fréquentent le système; enfin, on retrouve l'institut de formation, lequel est principalement un centre de formation interne pour les contrôleurs et les techniciens.
Pour ce qui est du cadre de travail de la sécurité, il faut dire que la sécurité des SNA est la principale priorité de NAV CANADA, qui compte bien maintenir les normes actuelles en la matière. Ce cadre de travail comporte un grand nombre de mécanismes et de dispositions concernant la reddition de comptes qui découle des normes et des lignes directrices internationales, surtout de celles de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale. Ce cadre est également régi par les lois et les règlements fédéraux, il est administré par un comité de la sécurité et par la direction de NAV CANADA. Je vais aborder ces différents points dans les diapositives qui suivent.
Les obligations qui sont faites à NAV CANADA en matière de sécurité sont, comme dans le cas des compagnies aériennes, régies par le ministre des Transports, par le truchement de la Loi sur l'aéronautique. La partie VIII du Règlement de l'aviation civile est une partie entièrement nouvelle, essentiellement destinée à réglementer la sécurité des services de la navigation aérienne, et qui vise principalement NAV CANADA. Elle comporte des règles axées sur les résultats à atteindre, règles qui respectent les objectifs de sécurité communs découlant des mandats de Transports Canada et de NAV CANADA. Il s'agit donc de textes non normatifs permettant à NAV CANADA de fixer ses propres objectifs de sécurité, de les atteindre et de les évaluer.
Outre le contrôle réglementaire exercé par Transports Canada, un contrôle interne est exercé par les plus hauts échelons de la société. En fait, les règlements intérieurs de NAV CANADA exigent la formation d'un comité de la sécurité composé de six membres du conseil d'administration. Ceux-ci chapeautent la gestion du risque à NAV CANADA en examinant nos politiques et procédures et en revoyant toutes les données sur la sécurité ainsi que notre performance en la matière. Ce contrôle est donc exercé par l'échelon le plus élevé de l'organisation.
Le comité de la sécurité dispose de vastes pouvoirs, puisqu'il a notamment la possibilité de conduire des évaluations dans les domaines présentant les plus grands risques opérationnels, d'examiner les mesures prises par la direction et de veiller à ce que les communications en matière de sécurité entre l'industrie et tous les échelons de l'administration de NAV CANADA soient efficaces.
Un programme de compte rendu direct au chef de la direction vient ajouter un autre niveau de contrôle au sein de l'organisation. Il s'agit du programme dont je suis responsable et, même si les règlements en matière de sécurité nous y obligent, autrement dit même si nous sommes obligés par la loi de faire certaines choses, nous faisons plus que nécessaire. Nous faisons directement rapport de nos résultats en matière de sécurité au chef de la direction et aux parties prenantes. Nous assistons les gestionnaires dans les projets de gestion du risque et nous veillons à ce que l'on intègre les meilleures pratiques en vigueur dans tout ce qui touche la sécurité.
Pour élaborer notre programme, nous nous sommes appuyés sur notre expérience, sur des recherches et sur des consultations. En nous appuyant sur l'expérience que nous possédons en matière de programmes de sécurité, nous avons analysé ce qui se faisait au titre des systèmes de sécurité à Transports Canada et dans les compagnies aériennes partout au pays, ainsi que dans nos programmes SNA pendant que nous faisions encore partie de Transports Canada.
Nous avons examiné les programmes administrés ailleurs dans le monde par d'autres entités commerciales dispensant les mêmes services que nous; nous nous sommes intéressés à des programmes comme ceux de la NASA et à ceux administrés par d'autres industries, comme l'industrie pétrochimique et l'industrie nucléaire.
Nous avons, bien sûr, consulté nos gens à l'interne, mais nous avons aussi consulté les intervenants de l'industrie et les experts de l'Institut de recherche sur les risques de l'Université de Waterloo.
C'est à partir de tout cela que nous avons établi notre programme. Évidemment, notre objectif stratégique est de réduire au plus bas niveau possible les risques associés à la prestation des services de la navigation aérienne. La gestion systématique du risque passe par une approche descendante.
Le transparent suivant représente un organigramme simplifié destiné à vous montrer que mon bureau de la sécurité et de la qualité occupe une place stratégique au sein de l'organisation. Il relève directement du président et du chef de la direction, ce qui donne une prédominance aux questions de sécurité. Il est entièrement indépendant de tous les autres aspects opérationnels et il contrôle supervise tous les services opérationnels de l'organisation. En outre, un lien direct le lie au comité de la sécurité du conseil d'administration.
Nos objectifs au titre de ce programme sont les suivants: élaborer et faire connaître la politique en matière de sécurité; mesurer les résultats de la société en matière de sécurité; coordonner les activités avec le Bureau de la sécurité des transports et avec Transports Canada; intégrer les principes, les procédures, les techniques et les meilleures pratiques dans l'ensemble de l'organisation et dans nos opérations quotidiennes; cerner effectivement les défauts en matière de sécurité et fournir des services spécialisés en gestion du risque. Encore une fois, la réalisation de tous ces objectifs fait appel à une approche descendante et font ressortir la nature facilitatrice de cette approche.
En conclusion, je dirais que nous sommes en train d'élaborer un programme dont la qualité est de calibre mondial, à partir de ce que nous avons vu de mieux ailleurs. Ce programme a reçu l'appui ferme du milieu de l'aviation, des organismes de réglementation et de Transports Canada. C'est un programme dynamique qui évoluera dans le temps et qui a été conçu pour rehausser la sécurité de toutes les opérations de NAV CANADA, tout en favorisant les communications à l'interne. À cette fin, nous organisons d'ailleurs des ateliers et des séances de formation sur les questions de sécurité.
Voilà qui met un terme à mes remarques liminaires, monsieur le président. Je suis prêt à passer à la discussion.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Bacon: Monsieur Rodrigue, dans les objectifs du programme, vous indiquez, et je cite: «Identifier activement les déficiences en matière de sécurité» et ce qui suit immédiatement: «et fournir des services spécialisés en gestion des risques». Est-ce que vous pourriez élaborer davantage là-dessus? Comment pouvez-vous «identifier activement des déficiences en matière de sécurité»? Est-ce que ce sont des outils que vous vous donnez dans les objectifs que vous visez?
M. Rodrigue: Oui, en identifiant les déficiences de sécurité, généralement nous débutons à partir d'analyses internes d'incidents pour voir s'il y a un problème ou nous sommes en contact avec l'industrie qui nous avertit qu'il semble y avoir un problème dans tel domaine. Nous faisons alors ce que l'on appelle un «safety review» qui est normalement géré par un responsable de mon bureau secondé par les responsables des opérations qui vont faire une enquête sur place. Ils vont rencontrer les «stakeholders» et ils feront des recommandations d'un panel d'experts. C'est normalement la méthode que nous utilisons lorsqu'il y a un problème.
Le «specialized risk management service» est une façon d'analyser les risques des décisions journalières basé sur la valeur des dollars impliqués, le nombre de vies impliquées et la fréquence des événements. Il y a toute une méthodologie des procédures qui sont devenues internationales et que nous pouvons utiliser. Le but est de former nos gestionnaires et les responsables de nos opérations dans ces domaines à l'aide des spécialistes de notre organisation.
Le sénateur Bacon: Cela fait partie de la formation que vous avez mentionnée?
M. Rodrigue: Exactement.
[Traduction]
Le sénateur Stratton: Il est très difficile d'évaluer quelque chose qui vient juste de prendre naissance, mais si un accident se produisait, est-ce encore Transports Canada qui effectuerait l'enquête?
M. Rodrigue: Oui. Le Bureau de la sécurité des transports demeure responsable d'enquêter sur tous les accidents et les incidents, comme prévu. Bien évidemment, cela ne nous empêche pas de conduire des enquêtes internes, mais c'est le BST qui demeure l'autorité responsable en la matière. Normalement, le BST produira des rapports qui seront communiqués à Transports Canada et à NAV CANADA.
Le sénateur Stratton: Je suis curieux au sujet des parties prenantes; les membres de NAV CANADA sont le gouvernement... autrement dit le gouvernement fédéral?
M. Rodrigue: Oui.
Le sénateur Stratton: Et il y a les syndicats.
M. Rodrigue: C'est cela.
Le sénateur Stratton: Et par industrie, vous entendez les compagnies aériennes?
M. Rodrigue: C'est cela.
Le président: Ce sont donc là les parties prenantes.
M. Rodrigue: Oui. En outre, si je puis me permettre d'ajouter quelque chose, sénateur, le conseil d'administration est constitué de représentants appartenant ces trois parties prenantes. Les compagnies aériennes sont donc représentées au conseil d'administration, il y a les syndicats de NAV CANADA et, bien sûr, des membres indépendants et des membres du gouvernement.
Le sénateur Stratton: Et qui paie pour tout cela? Ce sont justes les redevances d'atterrissage versées par les compagnies aériennes qui permettent de financer cela?
M. Rodrigue: Pour l'instant, le système est encore financé grâce à la taxe sur les billets prélevée par Transports Canada, mais dans les deux ans qui suivront le 1er novembre 1996, le système sera financé grâce à une redevance globale sur les services. Des droits seront imposés, comme des redevances en route et des frais d'aéroport dans certains endroits. Il ne s'agira pas de redevances d'atterrissage comme telles, parce que celles-ci sont principalement destinées aux aéroports.
Le sénateur Stratton: D'après ce que je crois comprendre, et je suis peut-être hors sujet, vous êtes en train d'instaurer une redevance directe que le public voyageur devra payer, chose qui n'existait pas avant.
M. Rodrigue: C'est exact.
Le président: J'ai beaucoup de questions à vous poser sur ce sujet. J'attends encore qu'on me fournisse un plan d'entreprise. En avez-vous un que vous pourriez nous remettre?
M. Rodrigue: Non, je n'en ai pas. Notre prospectus contient une forme de plan d'entreprise.
Le président: Je veux parler de votre plan d'entreprise actuel. Pour que les choses se passent bien, il faut qu'il y ait de l'argent. Je veux savoir où vous trouverez l'argent et ce que vous allez faire sur le chapitre de la sécurité. Pouvez-vous demander au conseil de bien vouloir nous faire remettre, si ce n'est tout de suite du moins dans un proche avenir, par exemple avant Noël, un exemplaire du plan d'entreprise pour nos dossiers?
M. Rodrigue: Oui. Comme je le disais, vous en trouverez certains éléments dans le prospectus que NAV CANADA a préparé avant le transfert. Je n'ai pas de version finale du plan d'entreprise, mais je vais certainement donner suite à votre demande.
Le président: Je redoute toujours les répercussions des économies sur la sécurité. Pourquoi s'est-on livré à tout cet exercice? Pourquoi sommes-nous passés de Transports Canada à NAV CANADA?
M. Rodrigue: Essentiellement parce que les parties prenantes estimaient qu'elles ne recevaient pas le service dont elles avaient besoin et cela, surtout parce que le gouvernement et Transports Canada voulaient réduire la dette et le déficit. Cela étant, on a réduit les services offerts à l'industrie alors que la demande, elle, augmentait. L'ensemble du milieu aéronautique a communiqué cette information au gouvernement précédent, et nous avons étudié la question par la suite. Nous estimons être en mesure de pouvoir apporter des améliorations sensibles dans de nombreux aspects, en tant qu'entreprise privée entièrement tournée vers le service, plutôt qu'en tant qu'élément de la fonction publique.
Le président: Êtes-vous en train de nous dire que vous pouvez réaliser des économies et maintenir un haut degré de sécurité?
M. Rodrigue: Très certainement. Nous en sommes convaincus. Par exemple, nous allons bien évidemment resserrer nos méthodes d'approvisionnement. Nous n'avons pas, contrairement à la fonction publique, à satisfaire à autant d'objectifs.
Le président: Mais vous dites que vous pouvez économiser de l'argent sur les approvisionnements.
M. Rodrigue: Oui.
Le président: L'approvisionnement en quoi?
M. Rodrigue: L'acquisition de tous nos systèmes. Nos dépenses en capital sont d'environ 200 millions de dollars par an. Nous devons également dépenser au titre des approvisionnements pour les opérations et l'entretien courants, bien que je ne sache pas exactement ce que représente le budget d'O et E. Mais il est assez important, parce que nous achetons toutes sortes d'équipements, notamment des aides à la navigation, des radars, et cetera.
Le président: Quel est le système actuellement en place au Canada?
M. Rodrigue: De quoi voulez-vous parler?
Le président: Comment l'appelle-t-on?
M. Rodrigue: Le système de navigation aérienne.
Le sénateur Adams: L'AWOS.
Le président: Mais quel est son nom de commerce? Quel âge a-t-il? Parlons-en sous cet angle.
M. Rodrigue: Vous voulez parler du système de radar, sénateur?
Le président: Je veux parler de ce qui se passe dans votre aérogare. Quand nous nous rendrons à Edmonton, nous jetterons un coup d'oeil sur l'aérogare et nous analyserons la question en fonction de la nouvelle direction et je demanderai de quel système il s'agit.
M. Rodrigue: Eh bien, il s'agit de très nombreux systèmes, sénateur. On y retrouve, bien sûr, notre système radar, qui a été commandé et acheté il y a environ trois ou quatre ans; c'est donc un système relativement nouveau. Mais il y a aussi un énorme système de communication et d'aides à la navigation, dans les régions terminales le long des voies aériennes, et un centre comme celui d'Edmonton qui contrôle l'espace aérien se trouvant à l'intérieur d'une zone que nous appelons région d'information de vol et qui, pour les fins de la circulation aérienne, est une simple région administrative.
Le président: Vous n'avez pas du tout compris. Est-ce que notre système est moderne?
M. Rodrigue: Oui, il est assez moderne.
Le président: Il est assez moderne. Quel âge a-t-il?
M. Rodrigue: Notre système radar, par exemple, est à la pointe du progrès. C'est un système très moderne. Certains de nos systèmes automatiques ne sont pas aussi modernes. Mais nous essayons de les moderniser. Certains de nos systèmes de communication sont de tout premier rang et d'autres ne sont pas tout à fait à ce niveau. Dans un vaste système comme celui-ci, on retrouve diverses pièces d'équipement qu'il faut remplacer régulièrement mais, dans l'ensemble, nous disposons certainement d'un bon système.
Le président: Mais alors, tout n'est pas égal. Il y a de vieux systèmes ici et là, et il y en a de nouveaux ailleurs.
M. Rodrigue: Mais dans l'ensemble, nous disposons d'un système moderne qui se compare sans doute fort bien à ceux dont disposent les autres pays du monde occidental.
Le président: Est-ce qu'il est comparable, est-il la même chose, est-il aussi bon, est-il aussi moderne et est-il tout autant en mesure d'assurer le contrôle des avions et des mouvements aériens que n'importe quel autre système?
M. Rodrigue: Tout à fait. Absolument.
Le président: Bien je suis heureux de l'entendre.
M. Rodrigue: De plus, je suis heureux d'ajouter que nous avons un des systèmes les plus sûrs du monde.
Le président: Par la grâce de Dieu.
M. Rodrigue: Non, grâce au professionnalisme de nos gens.
Le président: C'est vrai, et les professionnels se trouvent chez vous. Je le reconnais. Mais pour maintenir cette qualité du système pendant, disons, les cinq prochaines années, faudra-t-il investir des millions de dollars en amélioration? Combien d'argent faudra-t-il dépenser par an, par exemple?
M. Rodrigue: Pour améliorer le système?
Le président: Est-ce que nous allons devoir dépenser beaucoup d'argent?
M. Rodrigue: Pour l'amélioration, oui. Comme je le disais plus tôt, il faudra dépenser entre 100 et 200 millions de dollars par an pour améliorer le système.
Le président: Et vous pourrez financer cela grâce aux économies réalisées?
M. Rodrigue: En partie grâce aux économies réalisées, mais en partie aussi grâce aux droits que verseront les usagers. En fait, ce sont les droits versés par les usagers qui financeront tout.
Le président: Le système sera entièrement financé par les frais d'utilisation et si vous allez en plus faire des économies, cela veut dire que ces frais devront être augmentés.
M. Rodrigue: Non. Nous estimons, sénateur, que les frais d'utilisation que nous prélèverons équivaudront presque au montant de la taxe sur les titres de passage qu'on prélève en ce moment, si bien que dans l'ensemble, le coût ne variera pas.
Le président: Quand vous demanderez qu'on vous remette le plan d'entreprise, vous pourriez peut-être en profiter pour réclamer le prospectus sur votre nouvelle société sans but lucratif, parce que nous aimerions y jeter un coup d'oeil. Je vous rappellerai simplement que, dès le moment où l'on commence à vouloir économiser de l'argent, on prend des raccourcis, et vous touchez là une corde sensible chez les utilisateurs fréquents des services aériens que nous sommes.
Le sénateur Adams: NAV CANADA a été créée en 1995. Elle a donc un peu plus d'un an. J'aimerais savoir quels sont vos plans d'avenir. J'aimerais que nous parlions un peu plus des opérations. Les compagnies comme Air Canada ont du personnel au sol, dans les aérogares. Allez-vous faire ce travail également? Pour l'instant après avoir pris la relève de Transports Canada, NAV CANADA est responsable des opérations, de la sécurité des mouvements aériens et des atterrissages des appareils, n'est-ce pas? Pensez-vous que, dans l'avenir, la société pourrait assumer d'autres fonctions actuellement remplies par Transports Canada?
M. Rodrigue: NAV CANADA est responsable du contrôle de la circulation aérienne, autrement dit de toutes les activités touchant au contrôle des mouvements aériens et elle est essentiellement responsable de gérer l'espace aérien, aujourd'hui et dans l'avenir, à moins que le Parlement n'en décide autrement. Mais c'est là l'intention pour l'instant.
Pour répondre à la préoccupation exprimée par le président au sujet de la sécurité, je dirais que c'est là une des raisons pour lesquelles NAV CANADA est un organisme sans but lucratif. Nous n'allons pas réaliser des profits pour telle ou telle partie prenante. C'est une organisation à vocation spécialisée.
Le président: Mais j'espère que, quand la fonction publique s'en occupait, il s'agissait déjà d'une opération sans but lucratif.
M. Rodrigue: Certes. C'est pour cela que le transfert s'est effectué de la sorte. Nous réaliserons effectivement des économies, sur le plan opérationnel, mais surtout sur le plan administratif. Nous estimons pouvoir apporter beaucoup d'amélioration sur ce dernier chapitre. Dans l'ensemble, nous avons l'intention d'offrir un système très moderne et très sûr à l'ensemble des utilisateurs.
Sénateur Adams, je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question.
Le sénateur Adams: Mais si, je vous remercie, mais j'aurais une autre question à vous poser. Il y a un an, lors d'une séance de comité présidée par le sénateur Carney qui portait sur l'abandon des phares, quelques témoins sont venus nous parler de l'AWOS, autrement dit le Système automatique d'observation météorologique. On craignait alors qu'une entreprise privée ne soit chargée de s'occuper de l'AWOS. Nous avons accueilli des représentants des collectivités, des opérateurs radio, des météorologues, et d'autres.
Mais ma question est en fait celle-ci: comment envisagez-vous de pouvoir économiser plus dans l'avenir maintenant que NAV CANADA a pris la relève? Devez-vous effectuer des prévisions budgétaires à l'attention de Transports Canada? Le ministère vous indique-t-il où vous devez réduire plus afin de réaliser plus d'économies? Je sais que vous êtes responsables de la sécurité, mais ce que le gouvernement veut faire, c'est de réduire les coûts d'exploitation des compagnies aériennes.
M. Rodrigue: Votre question concerne deux choses. D'abord, les services offerts dans le Nord sont garantis par la loi, comme vous le savez sans doute, de sorte que l'on ne pourra pas les modifier grandement à moins qu'on ait l'appui des collectivités d'usagers, l'appui des territoires, du gouvernement des territoires, et cetera.
Dans le Sud du Canada, le niveau de service sera essentiellement déterminé par le milieu des usagers. Nous consulterons les usagers. S'ils veulent un service spécial à tel ou tel aéroport, et s'ils sont prêts à payer pour le recevoir, nous le leur offrirons. Nous nous livrerons à une analyse systématique sous l'angle de la sécurité et nous devrons convaincre Transports Canada, par le biais de ce qu'on appelle une étude aéronautique, que le changement envisagé n'aura pas une incidence négative sur la sécurité. Si cette exigence est satisfaite, nous pourrons apporter certains changements. Cela est valable pour tout ce que nous faisons, comme la fourniture des exposés météo et les choses du genre.
Le sénateur Bacon: Le contrôle de la circulation aérienne est considéré comme étant un service essentiel. Que se passerait-il en cas de grève des contrôleurs? Qui serait en mesure d'assurer la sécurité? Le contrôle de la circulation aérienne est-il suffisant ou, dans ce cas, les services météorologiques seraient-ils importants pour vous, par exemple?
M. Rodrigue: Les services météorologiques, eux aussi, sont importants. Comme vous le savez sans doute, sénateur, ces services sont assurés par Environnement Canada et c'est nous qui relayons l'information. Pour l'essentiel, nous informons les pilotes.
En cas de grève, la sécurité ne serait pas menacée. Certes, tout est toujours possible et une grève pourrait se produire, mais notre intention est de travailler en partenariat avec les principaux syndicats, ce qui se reflète dans la formulation de nos politiques en matière de ressources humaines. Jusqu'ici, nous avons travaillé en collaboration avec les syndicats à la formulation de nos politiques en matière de ressources humaines et en matière de dotation, ce qui nous fait espérer que nous n'aurons pas à subir de grève; mais s'il devait y en avoir, nous ne ferions pas d'impasse sur la sécurité. La circulation aérienne serait réduite au minimum, voire totalement suspendue et nous ferions appel au personnel approprié.
Le sénateur Stratton: Chaque grande aérogare ou grand aéroport au pays est doté d'un service de contrôle de la circulation aérienne. Dans l'Ouest seulement, il y a Winnipeg, Regina, Saskatoon, Edmonton, Calgary, Vancouver et Victoria qui sont dotés de tels services. Je me souviens qu'il y a quelque temps, il était question de limiter le contrôle de la circulation aérienne et de le concentrer plus à l'échelon régional. Cela s'est-il produit ou est-ce que chaque aéroport doit encore s'occuper de son propre secteur?
M. Rodrigue: La circulation aérienne, à l'échelle du pays, est assurée par sept centres de contrôle régionaux. Ces sept centres sont tous responsables d'une partie de l'espace en route. Aux approches des aéroports, la responsabilité des aéronefs est transférée à un contrôleur terminal, puis à un contrôleur tour quand l'aéronef se trouve entre cinq et sept milles de l'aéroport, selon que le contrôle est assuré par radar ou pas. À l'approche d'un aéroport, un aéronef est pris en compte par le contrôleur tour, mais il est normalement transféré du secteur en route au secteur terminal, puis au secteur aéroport.
Le sénateur Stratton: Quand vous parlez de sept centres régionaux, voulez-vous dire sept centres pour l'ensemble du pays?
M. Rodrigue: Il y a sept centres de contrôle régionaux.
Le sénateur Stratton: J'aimerais savoir où ils sont. Pouvez-vous me les nommer?
M. Rodrigue: Oui. Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Montréal, Moncton et Gander.
Le sénateur Stratton: Merci.
Le président: J'aimerais passer à quelques questions supplémentaires. D'abord, étant donné l'orientation adoptée au Canada en matière de privatisation des aéroports et de l'instauration de différentes catégories d'aéroports, qui, dans l'avenir, décidera du niveau de service de navigation aérienne qui sera offert et de la désignation des niveaux ou catégories d'aéroports où ces services seront offerts? Ce sont les gens de NAVCAN ou ceux d'une autre organisation? Et le cas échéant, qui?
M. Rodrigue: C'est essentiellement NAV CANADA qui prendra cette décision, à condition de respecter certains critères de sécurité régis par Transports Canada. Au niveau de service actuel, il faut au moins 60 000 mouvements aériens pour justifier l'exploitation d'une tour de contrôle. Si NAV CANADA devait proposer qu'on passe à 40 000 mouvements, plutôt qu'à 60 000, Transports Canada aurait son mot à dire. La même chose se produirait si nous demandions à porter le niveau à 80 000 mouvements. Dans tous les cas, Transports Canada serait appelé à trancher.
Nous faisons la proposition, nous avons le monopole pour assumer le service, mais c'est Transports Canada qui approuve, qui a le dernier mot.
Le président: Quand vous dites 60 000, est-ce qu'on tient compte des mouvements associés à la formation des pilotes?
M. Rodrigue: Normalement, nous appliquons une formule qui tient compte du type de stagiaire en formation, autrement dit du nombre de pilotes en formation initiale, par exemple et du nombre de pilotes en formation de compagnie, ou ce genre de chose.
Le sénateur Stratton: Mais on tient un compte?
M. Rodrigue: Oui.
Le président: Que se passe-t-il si l'on effectue des travaux de maintenance dans la tour de contrôle des aéroports servant aux escales techniques? Gander est une escale technique. Je ne sais pas si c'est le cas de Halifax. A-t-on prévu que d'autres aéroports servent d'aéroports de dégagement?
M. Rodrigue: Tout à fait. Tout pilote doit prévoir un aéroport de dégagement. Quand le nombre de mouvements aériens ne le justifie pas, les aéroports peuvent ne pas avoir de tour mais à ce moment-là, ils sont équipés de stations d'information de vol ou encore, ils permettent d'autres formes de communication. Nous n'avons pas nécessairement des contrôleurs dans tous les aéroports, mais il y en a dans les grands aéroports.
Le président: Y a-t-il des aéroports où l'on continue d'offrir un service 24 heures sur 24?
M. Rodrigue: Il y en a plusieurs, sénateur.
Le président: Qu'est-ce qui détermine cela?
M. Rodrigue: Essentiellement, l'activité de nuit.
Le président: Combien faudrait-il de mouvements alors? Par exemple, est-ce qu'avec 60 000 mouvements, une tour de contrôle pourrait être ouverte de 6 heures à 23 heures? Que faudrait-il pour qu'elle soit ouverte 24 heures sur 24?
M. Rodrigue: Je ne connais pas le volume de circulation de nuit qui est nécessaire à l'ouverture d'une tour, mais tout est question de quantité et de niveau d'activités. Par exemple, en hiver, les choses deviennent beaucoup plus sérieuses parce qu'il faut déneiger les pistes et il faut alors faire beaucoup plus attention que durant les autres saisons. Ce sont là autant d'éléments qui entrent en jeu.
Le président: Avez-vous, maintenant, l'intention de réduire le service de contrôle tour dans certains aéroports au Canada?
M. Rodrigue: Non, absolument pas.
Le président: Donc, si le service est assuré, on n'y revient pas et l'on n'aura pas à entreprendre de difficiles démarches.
M. Rodrigue: La loi nous oblige à offrir tous les services qu'offrait Transports Canada avant. Si nous voulons apporter des changements, nous devons faire une proposition au milieu aéronautique, de même qu'au gouvernement fédéral et convaincre Transports Canada que nous respecterons un niveau de sécurité équivalent.
Le président: Vous devez justifier tout changement.
M. Rodrigue: C'est cela, notre action est essentiellement transparente.
Le président: On peut fort bien imaginer, sous l'effet de la croissance démographique et de l'augmentation de l'activité, qu'il faudra prolonger les heures d'ouverture aux aéroports où le service est actuellement réduit.
M. Rodrigue: Oui. Nous espérons que les affaires iront mieux.
Le président: Actuellement, les compagnies aériennes sont en train de se demander combien elles pourraient économiser si elles faisaient en sorte que les pilotent effectuent un certain nombre d'approches IFR. Cela aura-t-il une incidence sur vos services?
M. Rodrigue: Non. Encore une fois, en ce qui concerne la tarification, la loi précise que nous ne devons rien faire qui risquerait de nuire la sécurité. Par exemple, si nous facturions les services météorologiques, plusieurs pilotes pourraient décider de s'en passer. Nous devrions régler ce problème, parce que la loi nous impose de respecter les normes de sécurité.
Le président: Voici ma dernière question. Avez-vous établi des tarifs pour les pilotes privés utilisant vos services?
M. Rodrigue: Non, sénateur. Nous ne ferons pas cette proposition avant l'été prochain et nous consulterons alors largement les gens du milieu.
Le président: Le danger, bien sûr, comme vous l'avez dit vous-même, c'est que si le service est trop cher, les gens risquent de s'en passer.
M. Rodrigue: Exactement.
Le président: Et à cause de cela, tout le monde serait préoccupé.
M. Rodrigue: Tout à fait.
Le président: Monsieur Rodrigue, nous aimerions être destinataires d'un exemplaire de votre plan d'entreprise et de votre prospectus, si cela ne vous dérange pas.
M. Rodrigue: Certainement pas, monsieur le président.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, je vais vous remercier d'avoir comparu devant nous aujourd'hui et de nous avoir fait part de votre point de vue. Il est fort possible, étant donné que nous venons juste de débuter nos travaux, que nous vous invitions à revenir, quand nous en aurons appris un peu plus long.
M. Rodrigue: Merci.
Le président: Nous accueillons maintenant l'Association canadienne des automobilistes représentée par M. Brian Hunt, M. Richard Godding et Mme Rosalinda Weisbrod.
Le comité est heureux de vous accueillir; nous vous remercions d'avoir pris le temps de comparaître devant nous. Comme vous le savez, nous nous intéressons à la question très vaste de la sécurité dans les transports au Canada. Nous voulons savoir où nous en sommes, ce que nous pourrions faire pour améliorer les choses et comment nous devrions nous y prendre pour cela. Je vous invite à résumer votre mémoire, si c'est possible, pour que nous puissions passer aux questions.
M. Brian Hunt, président, Association canadienne des automobilistes: Monsieur le président, je vous remercie ainsi que les membres du comité, de nous donner l'occasion de vous présenter notre point de vue.
L'Association canadienne des automobilistes, la CAA, oeuvre dans le domaine de la sécurité des transports. En tant que porte-parole des automobilistes et du public voyageur nous nous occupons depuis toujours des questions touchant à la sécurité dans les transports.
Certains d'entre vous savent peut-être que nous collaborons avec Transports Canada au Réseau d'information sur la sécurité des dispositifs de retenue d'enfant. La CAA est aussi un des commanditaires nationaux du Programme de patrouille de sécurité scolaire et, partout au pays, elle fournit des équipements aux écoles et leur communique des renseignements sur la patrouille scolaire ainsi que sur la sécurité routière. Ce ne sont là que deux exemples de l'engagement très large de la CAA dans le dossier de la sécurité routière.
La CAA est heureuse de pouvoir collaborer avec le gouvernement et elle a d'ailleurs épaulé le gouvernement fédéral dans la formulation des politiques relatives à la sécurité routière et des transports, dans plusieurs domaines. Aujourd'hui, nous nous proposons de vous entretenir de normes de sécurité pour les véhicules automobiles, d'information du public ainsi que de l'état et de la sécurité du réseau routier au Canada. Des progrès ont certes été réalisés sur ces plans, mais nous estimons que plusieurs aspects méritent qu'on s'y attarde davantage.
Pour ce qui est des normes de sécurité des véhicules automobiles, il faut préciser que Transports Canada a réalisé des progrès considérables au cours des dernières années, notamment sur un aspect que nous jugeons important, je veux parler de l'alignement des normes régissant les mini-fourgonnettes sur celles visant les automobiles. Mais il faut encore régler le dossier des banquettes amovibles. Vous vous souviendrez peut-être qu'il y a un an et demi, le public s'est indigné du fait que des banquettes de mini-fourgonnettes ont été éjectées des véhicules lors de collisions arrières. Le rappel qui a eu pour objet de remplacer le loquet de la porte-arrière a permis de régler le problème de l'éjection des banquettes et des passagers. Cependant, une banquette amovible qui se détache, même si elle demeure à l'intérieur du véhicule, est dangereuse et elle peut occasionner des blessures aux occupants.
La CAA propose l'installation d'un dispositif avertisseur pour prévenir le chauffeur que la banquette amovible a été mal fixée ou mal installée. Ce dispositif serait semblable à ceux qui vous avertissent quand la ceinture de sécurité n'est pas attachée ou qu'une porte du véhicule est mal fermée. Nous recommandons que Transports Canada exige l'installation d'un tel dispositif avertisseur sur tous les véhicules comportant des banquettes amovibles.
On parle actuellement beaucoup des coussins gonflables, mais malheureusement de façon négative dans la presse; le public s'en est inquiété et les gens ont, en général, perdu confiance dans ce système. Certes, cette technologie pourrait encore être améliorée, mais nous ne devons pas perdre de vue que l'airbag sauve des vies.
Comme vous le savez peut-être, les compagnies Chrysler, Ford et General Motors ont récemment annoncé qu'elles équiperaient bientôt les véhicules destinés au marché canadien de coussins qui se gonfleront avec moins de force. Nous considérons que c'est là une première étape immédiate sur la voie de l'amélioration des dispositifs de protection pneumatiques destinés au marché canadien.
La CAA continue d'appuyer l'utilisation de l'airbag, mais nous croyons que cette technologie devrait être mise en oeuvre en complément d'un dispositif de retenue offrant la meilleure protection possible pour un vaste éventail d'occupants portant la ceinture de sécurité. L'airbag est et doit continuer d'être efficace dans les collisions à grande vitesse où il peut permettre de réduire le nombre de blessures causées aux occupants. Cependant, à basse vitesse, on a constaté que le gonflage violent de l'airbag provoque des blessures qui n'ont pas lieu d'être. En outre, il convient encore de régler le problème des dispositifs de protection pneumatiques à bord de véhicules comme les camionnettes légères, ne comportant pas de banquette arrière, en regard de la technologie actuelle.
Il est urgent que les constructeurs d'automobiles adoptent un coussin d'air «intelligent», car nous croyons qu'il augmenterait considérablement le niveau de sécurité pour les automobilistes canadiens. Par coussin d'air «intelligent», nous entendons un système qui détecterait si les occupants portent leur ceinture de sécurité, à quelle distance ils se trouvent de l'airbag et qui établirait si le coussin doit effectivement être gonflé. Autrement dit, il se gonflerait en fonction de la position et de la taille de l'occupant.
La CAA prêche en faveur de la mise en oeuvre de cette nouvelle technologie et demande avec instance à Transports Canada et aux fabricants de véhicules de tout faire pour mettre au point un airbag «typiquement canadien». Les normes régissant ce dispositif de retenue sont actuellement fondées sur des statistiques américaines selon lesquelles 65 p. 100 seulement des occupants portent des ceintures de sécurité. Or, plus de 90 p. 100 des Canadiens utilisent leur ceinture. La réglementation canadienne devrait reconnaître cet état de fait et considérer que l'airbag est un système de retenue complémentaire.
En outre, la CAA est intimement convaincue qu'il faut mieux informer le public en matière de sécurité routière. L'information du public est en effet un des éléments déterminants de la sécurité routière. La CAA fait sa part pour renseigner le public sur les grandes questions de sécurité, mais nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle de premier plan important à jouer et nous estimons que l'information du public devrait être placée tout en haut de sa liste de priorités.
Mais pourquoi l'information du public est-elle tant importante? Je vais vous donner quelques exemples: au Canada, plus de 90 p. 100 des adultes portent la ceinture de sécurité, mais 63 p. 100 seulement de nos enfants sont correctement attachés. À cause de cela, tous les ans, 70 enfants sont tués dans des accidents d'automobiles et 4 000 autres sont blessés. La mauvaise utilisation des dispositifs de retenue d'enfant, par les adultes responsables, est la principale menace à la sécurité des enfants, qui sont aussi les occupants les plus vulnérables. L'information du public est le meilleur moyen à notre disposition pour réduire le nombre de blessures et de décès inutiles.
Autre exemple: il faut enseigner consommateurs qu'ils doivent choisir des véhicules leur «convenant» en tant que conducteurs et correspondant à leurs besoins, à ceux de leurs familles ainsi qu'à leur mode de vie. Il ne vous viendrait jamais à l'idée d'acheter un manteau ou une paire de chaussures sans d'abord les essayer. Pourtant, tous les jours, des acheteurs font l'acquisition de véhicules, nouveaux ou usagés, sans jamais se demander s'ils leur conviennent. Une bonne information du public pourrait changer cet état de fait.
L'autre question, très importante pour les automobilistes canadiens, est l'état de nos routes. Nous pouvons en parler en connaissance de cause, parce que nous venons juste de terminer un tour du Canada pour promouvoir un programme consacré au réseau routier national.
Pour nombre de Canadiennes et de Canadiens, la sécurité passe au premier plan. Lors de notre périple, nous avons entendu les gens se plaindre du revêtement des routes qui se désagrège, des voies et des accotements étroits et de la circulation des camions lourds sur nos routes. Comme le trafic augmente et que le financement diminue, l'état des routes canadiennes se détériore de jour en jour.
Vous avez peut-être entendu parler de la campagne menée par la CAA qui réclame qu'on investisse 2 cents, sur les 10 cents de taxes d'accises imposées sur le litre d'essence, dans un programme routier national à coût partagé. C'est là un petit investissement quand on considère qu'on pourrait sauver 160 vies et éviter 2 300 blessés chaque année. Ce n'est presque rien quand on songe à ce qu'un tel investissement pourrait donner sur les plans de la croissance économique et de la création d'emplois.
Les sénateurs ne reçoivent pas l'impressionnante quantité de cartes postales et de lettres que les membres de la CAA envoient aux députés et au premier ministre, mais vous pouvez être certains que les automobilistes canadiens font savoir ce qu'ils pensent. La plupart d'entre eux sont peinés de voir nos routes se détériorer, être criblées de nids-de-poule, même si peu d'entre eux se rendent compte des dangers que présente notre réseau routier.
La Fondation pour la sécurité routière de la CAA et de l'AAA ainsi que Transports Canada sont parvenus au même constat à propos des avantages que l'amélioration de notre réseau routier pourrait représenter sur le plan de la sécurité. Par exemple, si l'on augmentait la largeur des voies à 12 pieds, on pourrait réduire de 40 p. 100 le nombre de collisions dues à ce problème, parce que les conducteurs bénéficieraient d'une plus grande marge de sécurité. Des accotements pavés plus larges, plutôt que des accotements étroits en gravier, pourraient réduire le nombre de collisions de 28 p. 100 parce que les conducteurs auraient une meilleure chance de reprendre la maîtrise de leur véhicule.
En général, les accidents les plus graves sont les collisions frontales qui se produisent le plus souvent quand un automobiliste veut effectuer un dépassement sur une route à deux voies. Eh bien, en séparant effectivement les voies montantes et les voies descendantes des tronçons de routes à voies multiples, on pourrait réduire le nombre de collisions frontales de 20 p. 100. Si l'on transformait les routes à deux voies en routes à quatre voies ou si l'on ajoutait des voies de dépassement, on pourrait réduire l'engorgement et permettre aux automobilistes de dépasser en toute sécurité.
La CAA demande au gouvernement fédéral d'assurer le financement à long terme du réseau routier national à partir des recettes actuelles -- recettes qui devraient déjà être consacrées à ce type de dépense. Si l'on investissait 2 cents des 10 cents actuellement prélevés sur l'essence sous la forme de la taxe d'accises, ainsi qu'un montant proportionnel dans le cas du diesel, nous aurions assez d'argent pour refaire nos routes qui tombent en morceau.
Votre comité pourrait jouer un rôle déterminant s'il encourageait le gouvernement fédéral à adopter un programme routier national à coût partagé, en lui adressant un message non équivoque dans son rapport.
En travaillant ensemble au cours des dernières décennies, nous sommes parvenus à améliorer la sécurité routière, mais, aujourd'hui encore, les automobilistes entretiennent une inquiétude tout à fait légitime. La confusion qui règne à propos des coussins gonflables, la sécurité des mini-fourgonnettes et l'état de nos routes sont autant de problèmes que le gouvernement devra régler dans les mois à venir. Nous sommes heureux que le comité étudie la question de la sécurité dans les transports. Nous nous réjouirions de pouvoir lui apporter toute l'aide dont nous sommes capables.
La CAA et ses 3,8 millions de membres partout au Canada réclament une amélioration de notre réseau routier et de la sécurité automobile, et nous entendons continuer de travailler à cet objectif. Nous invitons instamment le gouvernement fédéral à accorder à ces questions toute l'attention qu'elles méritent et à faire tout ce qui est nécessaire pour faire en sorte que la route soit plus sûre pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Le président: Merci beaucoup. Sénateur Bacon.
Le sénateur Bacon: Entre la question des coussins gonflables, celle de la sécurité des mini-fourgonnettes et celle de l'état de nos routes, où placez-vous la priorité?
M. Hunt: Voilà une question difficile. La priorité en matière de sécurité routière, c'est la réfection de notre réseau routier. C'est en rendant la route plus sûre, comme je le disais, autrement dit en élargissant les accotements ou en les pavant, en élargissant les voies et en ajoutant des voies que nous parviendrons à réduire grandement le nombre d'accidents.
On peut d'ailleurs très vite parvenir à cette conclusion. Prenons, par exemple, le cas des coussins d'air. Selon une analyse des dispositifs de retenue et des autres dispositifs de sécurité à bord d'une automobile, l'airbag ne protège les usagers de la route que dans 15 p. 100 des cas. Je ne me rappelle plus les pourcentages exacts, mais je pourrais demander à M. Godding de m'aider un peu à ce propos; quoi qu'il en soit, si vous achetez un véhicule équipé d'ABS, système de freinage automatique, et d'une ceinture de sécurité, c'est d'abord l'ABS qui assurera votre sécurité, après quoi la ceinture de sécurité vous protégera dans 50 ou 60 p. 100 des cas. Comme je le disais, les coussins gonflables n'interviennent que dans 15 p. 100 des cas.
Donc, sur le plan de la sécurité, il est évident qu'il faut disposer de coussins gonflables plus sûrs, mais ceux-ci devront se déployer correctement.
Le sénateur Bacon: Est-ce que la CAA a des programmes d'information destinés à inciter les adultes à attacher les enfants de façon plus sûre à bord des voitures?
M. Hunt: Oui. Mme Weisbrod va vous en parler.
Mme Rosalinda Weisbrod, directrice de la Sécurité des transports, Association canadienne des automobilistes: Nous administrons, en collaboration avec Transports Canada, un programme national d'information sur les sièges d'enfant. Grâce à ce programme, qui existe depuis 1988, nous avons mis sur pied un réseau d'information composé de particuliers et d'organismes partout au pays et représentant différents secteurs. Nous pouvons compter sur des policiers, sur des détaillants et sur des compagnies d'assurances, bref sur tous ceux qui s'intéressent à la sécurité des enfants, et nous les avons fait adhérer à une vaste structure de diffusion de l'information.
Ces organismes donnent régulièrement des séminaires d'inspection, partout au Canada, parce que nous avons constaté que des 80 p. 100 des cas, les parents utilisent mal les sièges d'enfant. Dans certains cas, les défauts sont graves. Il y a des gens qui ne positionnent pas correctement les sangles d'arrimage ou qui ne fixent simplement pas les sièges. Nous faisons savoir que les séminaires d'inspection sont une bonne façon de corriger ce problème.
En outre, nous formons tous ceux et celles qui veulent en savoir plus au sujet des sièges d'enfant et qui désirent participer à l'information du public. Nous offrons un service de renseignements téléphoniques et nous répondons à tous ceux et celles qui veulent nous poser des questions; il n'est pas nécessaire d'être membre de la CAA pour communiquer avec nos bureaux locaux et poser n'importe quelle question au sujet des dispositifs de retenue d'enfant. Les questions qu'on nous pose vont du type de siège à acheter jusqu'à la marque des sièges qui présentent des défauts sur le plan de la sécurité.
M. Hunt: Nous estimons que c'est là une question très importante et, soit par le truchement du service public de dépêches, soit par l'utilisation de différents médias, nous avons l'intention de faire passer le message en 1997. Au cours des dernières années, vous avez pu voir plusieurs de nos messages destinés aux adultes et qui rappelaient la nécessité de boucler la ceinture de sécurité; malheureusement, ceux qui ont la charge d'enfants ne sanglent correctement les plus jeunes occupants des véhicules -- eux que nous jugeons comme étant vulnérables -- que dans 63 p. 100 des cas. Nous devons faire en sorte que ce message soit mieux diffusé en 1997. La CAA a fait beaucoup dans le passé, mais nous devons veiller à ce que cela soit compris par tous.
Le sénateur Bacon: Avez-vous l'impression que les parents veulent en savoir plus sur les questions de sécurité?
Mme Weisbrod: Il ne fait aucun doute qu'ils sont intéressés. J'ai parlé des ensembles de retenue d'enfant bien des fois au fil des ans, et je sais que les gens se demandent comment il faut s'y prendre pour les installer correctement. Il ne fait aucun doute que les parents sont intéressés, mais bien des fois, ils ne savent pas quelles questions poser. Ils achètent un siège, mais ils ne lisent pas toujours les instructions. Ils ne se rendent pas compte que, pour assurer la sécurité de l'enfant, certains sièges doivent faire face vers l'arrière et d'autres vers l'avant. Quoi qu'il en soit, l'intérêt est là.
Ce que nous devons faire, c'est d'offrir plus d'informations au niveau de l'application de la réglementation. Par exemple, quand les corps policiers mènent des campagnes de contrôle d'utilisation de la ceinture de sécurité, nous devons les encourager à jeter un coup d'oeil sur les enfants plutôt que de s'intéresser simplement aux adultes; ils doivent aussi voir ce qui se passe du côté des enfants.
Le sénateur Adams: Nos premiers témoins d'aujourd'hui représentaient Transports Canada. Ils nous ont déclaré que la plupart des accidents routiers, soit environ 49 p. 100, sont dus à l'alcool au volant. Êtes-vous en train de nous dire que la plupart de ces accidents seraient en fait dus au fait que les routes sont trop étroites, qu'il n'y a pas de voie de dépassement ou qu'il devrait y avoir plus de voies? Disposez-vous de données indiquant que le nombre de victimes dans ces accidents causés par l'alcool est en fait dû à l'étroitesse de la route, au fait qu'il n'y avait pas de voie de dépassement et que les gens n'ont pas eu la chance de dégager la route?
M. Richard J. Godding, vice-président, Affaires publiques et affaires internes, Association canadienne des automobilistes: Il y a bien sûr plusieurs facteurs qui ont tous une incidence sur la façon dont les accidents se produisent. Nous savons que la grande majorité des accidents sont dus à des erreurs de conduite et que l'alcool au volant fait partie de ces erreurs. Nous devons admettre que le système routier est un élément de l'équation.
Je vais vous donner un exemple simple: quand la surface pavée est relativement étroite, et s'il y a des accotements en gravier, il arrive souvent que le décrochage sur les côtés soit accentué. Dans ce cas, un conducteur, en état d'ébriété ou non, qui ferait une embardée, pourrait faire un tonneau et se retrouver sur le toit dans le fossé après avoir heurté le bas côté. Et s'il se trouve un objet dangereux à une distance de 20 pieds du bord de la route, comme un poteau, un panneau de signalisation ou autre, le taux d'accidents mortels peut augmenter substantiellement. Il est alors, je crois, question d'un taux de 40 p. 100.
Il est possible d'améliorer considérablement le réseau routier. Si l'on retirait tous les accessoires du réseau se trouvant à 20 pieds de la bordure de la chaussée, on pourrait réduire de 40 p. 100 le nombre de décès occasionnés dans ce genre d'accidents. Toujours en ce qui concerne le réseau routier national, les routes étroites à deux voies comportant plusieurs accès sont très encombrées et l'on retrouve alors toutes les conditions propices à un grand nombre de collisions. En revanche, si l'on élargissait la chaussée et si l'on réduisait le nombre de croisements possibles, on améliorerait la sécurité du réseau. Ce sont là autant d'éléments qui donnent lieu à une amélioration de sécurité.
Il faut toutefois mentionner les améliorations qui ont été apportées. Par exemple, en 1973, près de 7 000 personnes sont mortes dans des accidents de la route. Par comparaison, les projections établies pour 1996 sont de 3 000 tués. Plusieurs facteurs ont contribué à cette diminution. D'abord, on a constaté une réduction du nombre de personnes conduisant en état d'ébriété; on utilise plus la ceinture de sécurité et la mécanique automobile s'est améliorée.
Il nous faut à présent nous intéresser à notre réseau routier, qui est un facteur d'importance.
Le sénateur Adams: Presque tous les jours je parcours 75 kilomètres pour me rendre au travail à Ottawa. Souvent, je rencontre des gros camions sur la route. J'ai une petite voiture et, en général, je ne peux dépasser 40 à 60 kilomètres à l'heure, surtout s'il neige ou que la route est enneigée. Mais ces gros camions, eux, dans les mêmes conditions, roulent parfois à 90 ou 100 kilomètres à l'heure, parce qu'ils bénéficient d'une meilleure adhérence. Moi, je ne peux pas rouler à 100 kilomètres à l'heure; ça m'est très difficile. Mais les gros camions, lourdement chargés, adhèrent à la route alors que pour le conducteur d'une petite automobile, la conduite est assez différente.
Comme le gouvernement a réduit son financement aux chemins de fer, le nombre de camions lourds a augmenté sur les routes. Vous aurez peut-être un peu de difficulté à répondre à ma question, mais savez-vous si le nombre d'accidents de la route causés par des camions au cours des dix dernières années a augmenté ou diminué? Je sais qu'il y a plus d'accidents l'hiver, quand il neige, qu'en été.
M. Godding: Je ne puis vous donner de statistiques quant au nombre d'accidents de camions par rapport aux accidents de voitures. En revanche, une statistique est connue: l'occupant d'une voiture ayant un accident avec un camion court 40 fois plus de risques d'être tué que le chauffeur du camion. D'ailleurs, dans ce genre de collisions, le camionneur n'est forcément en tors. Ce sont des conducteurs professionnels, quand on les compare à nous qui sommes généralement des amateurs. Il arrive souvent que les collisions soient causées par les automobilistes.
Au fil des ans, le poids en charge des camions n'a cessé d'augmenter. L'Ontario et le Québec, ont les charges par essieu les plus élevées d'Amérique du Nord. On trouve donc des véhicules particulièrement lourds sur la route par rapport aux automobiles. La CAA a essayé de s'opposer aux trains routiers triples et aux très longs trains routiers doubles, mais ce fut vain parce que la longueur des ensembles tracteur remorque ne cesse d'augmenter.
Et puis, il y a le problème des éclaboussures et des projections. Nous avons demandé à Transports Canada de se pencher sur le problème des projections de neige sur le côté des camions. Les remèdes existent. On peut faire quelque chose. Mais d'un autre côté, nous reconnaissons que le transport routier est très important pour notre économie. De toute évidence, on ne peut bannir les camions de la route. Nous devons nous montrer raisonnables et trouver des solutions qui nous permettent d'améliorer la sécurité de la route, afin que tous les usagers puissent se la partager.
Le sénateur Adams: Il n'y a pas beaucoup d'accidents sur la 401, entre Montréal et Toronto. La plupart des accidents d'automobile se produisent sur les routes régionales, entre deux villes, sur des trajets courts.
M. Godding: Les routes à quatre voies, les routes à accès interdit, les routes à accès restreint et les autoroutes sont les routes les plus sûres que nous ayons. Vous avez raison en disant que la majorité des collisions se produisent sur les routes à deux voies, qui sont sinueuses et où les véhicules se croisent fréquemment.
Le sénateur Adams: Les gens de Transports Canada nous ont dit que les coûts pour les compagnies d'assurances se chiffrent à peu près à 40 milliards de dollars par an. Vous voulez qu'on élargisse et qu'on améliore les routes. Avez-vous une idée des économies que les compagnies d'assurances pourraient réaliser si l'on parvenait à réduire le nombre d'accidents et de victimes de la route?
M. Godding: Transports Canada s'est livré à une analyse coût-avantage du programme routier national et a constaté que ce genre d'investissement aurait un le rendement positif.
Le sénateur Adams: Entre-temps, vous ne pouvez obtenir les fonds ni des gouvernements provinciaux, ni du gouvernement fédéral.
M. Godding: D'après les renseignements dont nous disposons, la plupart des gouvernements provinciaux qui prélèvent des taxes sur les carburants, dépensent au moins la moitié de ces recettes fiscales à l'entretien des routes. En revanche, le gouvernement fédéral qui prélève 10 cents de taxe sur chaque litre d'essence vendu au pays, ne dépense presque rien dans le réseau routier. Voilà pourquoi nous avons orienté notre action vers le gouvernement fédéral. De tous les pays développés, le Canada est le seul au monde dont le gouvernement central ne participe pas au réseau routier national.
Le sénateur Adams: Et la taxe sur les pneus? Chaque fois qu'on achète une voiture neuve, il faut aussi verser une taxe sur les pneus. Cette taxe revient-elle au gouvernement fédéral ou aux gouvernements provinciaux?
M. Godding: Je ne pense pas que le fédéral prélève de taxes sur les pneus. C'est une taxe provinciale. En fait, on en parle beaucoup. À l'origine, elle devait permettre d'alimenter des fonds de recherche pour trouver des moyens d'éliminer ou de réutiliser les pneus de façon écologique. Je sais qu'il y a eu une certaine controverse il y a deux ou trois ans de cela en Ontario, quand on a appris que les recettes étaient de loin supérieures aux coûts correspondant au nombre de projets dans lesquels le gouvernement pouvait investir.
Le sénateur Adams: C'est un peu comme avec la bière vendue en boîte, c'est la même chose.
Le président: En Nouvelle-Écosse, le gouvernement prélève 3 $ pour les pneus de camion et 1 $ pour les pneus de voiture, mais ce n'est pas une taxe, c'est une redevance.
Combien de temps faut-il à un 64 roues roulant à 140 kilomètres à l'heure pour vous croiser? Cela me glace le sang. Je fais partie de ces gens qui, 10 ou 12 fois par an, tous les ans, font le trajet Halifax-Ottawa. Je fais cette route depuis 30 ans. Il y a 30 ans, ce n'était pas aussi terrible que cela. Le rythme n'était pas aussi trépident. Aujourd'hui, dès qu'on doit prendre la route pour des trajets aussi longs, la famille s'inquiète.
Il n'y a rien que M. Frank Barber et moi-même n'ayons vu au cours des dernières années sur la route. Nous avons même été témoins d'éclatements de pneus. Avant que cette étude ne soit terminée, cette année ou l'année prochaine, je saurais de quoi sont faits les pneus de camion. Je veux savoir qui joue ce tour à un public voyageur peu méfiant, mais néanmoins cynique, et qui fait que les pneus de camion explosent comme ça.
Récemment, au Nouveau-Brunswick, j'ai demandé à un camionneur qui venait d'emprunter la Transcanadienne combien d'animaux il avait heurtés ce jour-là. Il m'a répondu six porcs-épics et 15 ratons laveurs, mais il a rajouté que ce matin-là, il était passé sur 112 pneus de camion. Que va-t-on faire de ces pneus de camion? Que va-t-on faire pour accroître la sécurité? Certes, des routes plus larges permettraient de régler le problème.
Pourquoi ne construirait-on pas des routes réservées aux camions et qui seraient financées par les usagers? Prenons les 10 cents, ou les 5,8 ou 10 milliards de dollars par an que cela représente entre maintenant et l'an 2025 et construisons une transcanadienne à quatre voies, ouverte toute l'année, pour les camions. Comme ça, nous laisserions les voitures rouler en paix.
Et le réseau routier actuel? Y a-t-il quelque chose que nous puisions faire pour le porter à quatre voies? Est-ce économiquement réalisable? Très bientôt, nous devrons demander au gouvernement d'accroître le trafic ferroviaire. À certaines heures, les routes ne sont pas sûres. Les camions vous obligent à rouler à 20 ou 30 kilomètres au-dessus de la limite de vitesse et, même là, ils vous dépassent encore. Je ne plaisante pas. Je vous dis les choses telles qu'elles sont, et elles ne sont pas réjouissantes. J'espère que nous pourrons faire quelque chose à ce sujet. Que pensez-vous d'un réseau routier à quatre voies pour les camions?
M. Hunt: Il y a huit ans, les auteurs d'une étude ont envisagé la possibilité de créer un réseau routier de qualité à deux voies, comportant des accotements goudronnés, des voies plus larges, et ainsi de suite. Dans une autre étude, il a été question de construire une route à chaussée double de deux voies chacune, d'un océan à l'autre. Je crois qu'en dollar de 1988, il en aurait coûté environ 15 milliards de dollars pour les deux voies et, pour passer à quatre voies, il aurait fallu ajouter une dizaine de milliards de dollars. Je me trompe peut-être de deux ou trois milliards de dollars, mais quand on jongle avec ce genre de chiffres, un tel écart n'a sans doute pas autant d'importance. Quoi qu'il en soit, moyennant une vingtaine de milliards de dollars sur une période de 10 ans, vous pourriez disposer d'une route à quatre voies, d'un océan à l'autre.
Cela étant, dans certaines régions du pays, une route à quatre voies pourrait ne pas être économiquement valable, à cause du courant de trafic, de l'utilisation du réseau, et cetera. Quant aux pneus de camion qui éclatent sur la route -- ce qui est typique des pneus rechapés --, ou des roues qui se détachent, comme nous l'avons malheureusement constaté récemment, des gens sont sérieusement blessés ou même tués dans ce genre d'incidents.
Plusieurs choses sont liées à la réglementation de la sécurité et des inspections des camions. On est en train d'analyser les registres de maintenance des camions pour s'assurer que l'entretien est effectué régulièrement. Mais comment parvenir à tenir les moutons noirs à l'écart?
L'état des routes aussi a une incidence sur la sécurité des camions. Les ensembles tracteur remorque coûtent 100 000 ou 200 000 $ et il y en a qui coûtent sans doute encore plus. Les camions modernes sont dotés d'amortisseurs à coussin d'air; ils flottent littéralement sur la route. Avec de telles suspensions, les camionneurs, confortablement installés dans leur cabine, ne s'aperçoivent pas du martèlement que subissent leurs pneus.
À cause de la détérioration de l'état des routes, les coûts de maintenance des camions augmentent et il arrive que l'entretien ne soit pas effectué régulièrement. C'est alors que surviennent les situations inquiétantes dont vous parliez, c'est-à-dire les roues qui se détachent et les pneus qui explosent.
Nous avons prôné et nous continuerons de prôner la réfection de notre réseau routier national. Dans le document que nous vous avons soumis, vous constaterez qu'une étude de 1988 a établi que 38 p. 100 des routes au Canada n'étaient pas conformes aux normes établies. Cela, c'était en 1988. Nous pensons que, de nos jours, cette proportion est sans doute plus près de 50 p. 100. Tout cela a un effet marquant sur la sécurité routière.
Nous nous réjouirions que l'on entame la construction d'une route à deux voies, d'un océan à l'autre, route qui soit conforme aux normes. Dans certaines régions, il faudra quatre voies. Plus vite nous pourrons commencer les travaux et plus vite nos routes seront sûres.
Le président: Mais une bonne partie de la transcanadienne comporte déjà quatre voies. Ne pourrions-nous pas céder ce réseau aux camions et construire une route pour les voitures? Est-ce que nous ne pourrions pas, aussi, réaliser des économies?
M. Hunt: Nous n'avons pas vraiment étudié la possibilité d'instaurer une ségrégation entre la circulation automobile et celle des camions. Le problème serait alors de nature économique, autrement dit il se ramènerait au coût de construction de deux infrastructures, et il faudrait bien calculer la chose. Nous avons toujours soutenu qu'il faut rendre les routes plus sûres en les portant au standard établi. Nous devons renseigner les automobilistes sur la façon de côtoyer les camions sur la route. Cet après-midi, on nous a cité l'exemple de conducteurs qui, en dépassent des camions, ont été gênés par les éclaboussures. On peut faire plusieurs choses à cet égard. Quant à nous, nous estimons qu'il est nécessaire d'apprendre à partager la route avec les camions, pour des raisons économiques.
En ce qui touche au camionnage, nous pourrions peut-être améliorer les choses en imposant l'immatriculation par étapes progressives pour certains camionneurs. Ce système n'est pas en vigueur dans toutes les provinces. De plus, comment composer avec les camions venant des États-Unis, où le transport routier est déréglementé, et qui risquent d'introduire un élément de danger sur nos routes? On pourrait faire plusieurs choses sur ce plan.
Le président: Cela fait plusieurs fois déjà que vous parlez des dispositifs de protection contre les éclaboussures et les projections. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, nous dire ce dont il s'agit et comment cela fonctionne?
M. Godding: Les bavettes qu'on trouve actuellement à l'arrière des roues sont essentiellement des morceaux de caoutchouc plats. Comme la face externe des roues n'est pas carénée, quand le camion roule sur une chaussée mouillée ou enneigée, il projette de l'eau partout. Les éclaboussures qui viennent heurter l'intérieur de la bavette sont projetées sur les côtés. En outre, les projections rebondissent sous le plancher, sans compter les projections directes par les pneus.
Il existe des dispositifs qui ont été mis au point pour régler ce problème. En fait, l'une des principales entreprises de messagerie aux États-Unis, UPS, a décidé, il y a sept ou huit ans, d'assumer ses responsabilités sociales et d'équiper son parc de camions de dispositifs anti-éclaboussures et anti-projections. C'est ainsi que l'entreprise a remplacé les bavettes plates en caoutchouc par une bavette dont la face interne est -- pourrait-on dire -- tapissée de fourrure, d'une sorte de garniture synthétique qui retient l'eau et qui empêche donc les éclaboussures. De plus, la compagnie a ajouté une jupe, une sorte de pagne hawaïen, faite de caoutchouc ou de plastique noir, posée sur les côtés. Ainsi, les éclaboussures des pneus sont bloquées et elles retombent sur la route plutôt que d'être projetées vers l'extérieur. Donc, il existe des dispositifs.
Le président: Peut-on en équiper les roues avant?
M. Godding: Oui, on peut poser cela sur les roues avant. Il arrive, au Canada, qu'on voit des camions portant de telles jupes à hauteur des roues. Vous n'aurez pas manqué de les remarquer sur la route. Il n'y en a pas beaucoup. L'industrie les installe de son plein gré.
Le président: Plus tôt, vous avez émis l'idée qu'il faut acheter un véhicule «convenant» au conducteur. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
M. Hunt: Prenez simplement le cas des coussins gonflables. Une des choses qui nous préoccupent, c'est que les personnes de moins de 5 pieds et de moins de 90 livres n'ont sans doute pas la stature voulue pour un véhicule de luxe comme une Cadillac, parce qu'elles doivent alors avancer le siège à fond en avant. En général, ces personnes sont assises trop bas dans le siège et elles ne peuvent voir au-dessus du tableau de bord, ce qui est dangereux.
Nous ne suggérons pas de priver les gens de la possibilité de choisir leur véhicule, mais ils pourraient songer à la dimension de l'habitacle de la voiture qu'ils comptent acheter. Combien de fois aperçoit-on des jeunes conducteurs, surtout à bord de très gros camions, qui pointent à peine du nez au-dessus du volant, parce qu'ils sont trop jeunes ou qu'ils sont trop petits? Nous estimons que ce sont là des situations dangereuses.
Les conducteurs devraient peut-être veiller à ce que l'habitacle dans lequel ils vont se retrouver régulièrement corresponde à leurs besoins, tant pour ce qui est de la dimension que des dispositifs de retenue. En outre, ils devraient peut-être envisager d'acheter un véhicule correspondant davantage à leur mode de vie. En effet, est-il logique de choisir une grosse camionnette quand on n'a pas l'intention de beaucoup s'en servir pour transporter des choses en arrière? Une camionnette plus petite correspondrait peut-être mieux à leur stature ainsi qu'à leur mode de vie.
Le sénateur Bacon: À la page 2 de votre mémoire, vous parlez d'un dispositif avertisseur. Si un tel dispositif devait être accepté, faudrait-il longtemps avant que tous les véhicules en soient équipés?
M. Hunt: Pour nous, il n'y a là rien de complexe. À bord de la plupart des voitures modernes, on trouve une bonne vingtaine de calculateurs et de sondes. Il existe plusieurs définitions de ce qu'est un calculateur de bord; disons qu'il s'agit, par exemple, des avertisseurs qui vous préviennent quand on n'attache pas la ceinture de sécurité ou d'un voyant qui s'allume quand une porte est mal fermée. Nous ne pensons pas qu'il soit très difficile de relier les banquettes amovibles à un dispositif avertisseur quelconque pour s'assurer qu'elles sont bien arrimées, surtout à bord des mini-fourgonnettes. Si la chose n'est pas complexe elle n'en est pas moins sérieuse. Il s'est produit plusieurs accidents, surtout en Ontario, dus à l'éjection des banquettes arrières des mini-fourgonnettes. On est en train de régler le problème en équipant la porte-arrière d'un nouveau verrou, mais la banquette pourrait toujours se détacher, vire-volter dans l'habitacle et causer un réel danger pour les passagers avant. Nous estimons que la question est grave.
À l'occasion du sondage que nous avons effectué, les propriétaires de mini-fourgonnette nous ont relaté de nombreux incidents de banquettes mal installées qui se sont détachées en plein trajet. Tant que les choses en restent là, elles peuvent être amusantes, mais dans un accident, quand la banquette n'est pas correctement arrimée, ça devient grave.
Le sénateur Bacon: Quelle serait la position de la CAA si l'on décidait de privatiser le réseau routier? Pensez-vous que cela nous permettrait de régler nos problèmes?
M. Hunt: Lors de notre récente comparution devant le comité des transports de la Chambre des communes, nous avons déclaré que l'instauration d'une commission de voirie serait une façon de régler le problème du financement, parce qu'on pourrait éventuellement permettre au secteur privé de construire des routes. Je suis comptable agréé de profession et j'ai examiné la façon dont le gouvernement comptabilise ses dépenses dans le réseau routier. Tout est inscrit en déficit; c'est une comptabilité d'encaisse. Nous estimons qu'il serait intéressant que vous puissiez demander à une commission de conclure des contrats avec le secteur privé pour reconstruire le réseau routier national, disons, sur une période de 10 ans et au coût de 15 milliards de dollars, cet investissement serait alors considéré comme un actif et serait amorti. Si l'on amortit un axe routier de 15 milliards de dollars sur 20 ans, on n'a pas à dépenser 5 ou 10 milliards de dollars en un seul coup. On peut construire le réseau routier et le considérer comme étant un actif quand on l'utilise. En fait, nous serions favorables à l'instauration d'une commission de voirie, à condition qu'elle soit correctement financée et qu'on lui donne une orientation.
Le président: Vous avez parlé du secteur privé. Faites-vous allusion aux routes à péage?
M. Hunt: Nous serions favorables à une commission de voirie si elle était dotée grâce au financement existant. Nos recherches indiquent que le péage ne fonctionnerait pas partout le long du réseau routier national, à cause des variations de volume et du reste. Nous estimons que si vous instauriez un péage sur certaines routes, il faudrait offrir aux gens la possibilité d'emprunter d'autres axes gratuitement. Si vous optiez pour cette formule, dans certaines régions, les gens n'emprunteraient pas les routes à péage.
Le président: Et comment réagiriez-vous si le gouvernement optait pour cette formule en précisant qu'on peut rouler à 110 ou 120 kilomètres heure sur les routes à péage mais qu'on ne doit pas dépasser 80 sur les axes gratuits?
M. Hunt: Il y aurait tout de même un choix.
Le président: La GRC a conclu un contrat avec plusieurs provinces; tous les jours ses agents arrêtent des centaines de véhicules, parce que personne ne respecte la limite de 80 kilomètres à l'heure quand il n'y a pas une seule maison ni un seul réverbère sur des milles et des milles.
M. Hunt: Nous sommes d'accord avec l'application des limites de vitesse, mais nous estimons qu'on devrait donner le choix aux gens. Les péages ne fonctionneront pas partout. D'après une étude de Transports Canada et d'après nos propres études, autour de Vancouver, le péage fonctionnerait. Il fonctionnerait aussi autour de Calgary, de même qu'à Toronto et à Montréal. Cependant, ce ne sont là que quatre ou cinq villes situées sur l'ensemble du réseau routier national où le péage donnerait des résultats. Partout ailleurs, si les gens avaient le choix, ils n'emprunteraient pas les routes à péage. Nous ne paierons jamais pour emprunter une route. Vous n'aurez jamais le volume nécessaire pour que la route se finance ainsi.
Le président: On a dit cela à propos de la «Vallée de la mort» en Nouvelle-Écosse pendant des années, mais cela ne nous a pas très bien réussi.
Le sénateur Bacon: Avez-vous analysé la situation aux États-Unis? Les routes y sont-elles plus sûres? Il y a bien des péages là-bas aussi.
M. Hunt: Oui. Une chose qui nous préoccupe, ici, au Canada, quand nous nous comparons avec nos partenaires de l'ALÉNA, les États-Unis et le Mexique: l'utilisation de nos taxes et de nos impôts. Aux États-Unis, il y a des fonds en fiducie dans lesquels sont versées les taxes d'accises et les taxes sur les carburants et ces mêmes fonds sont investis dans le réseau routier. À l'analyse, on se rend compte que le réseau des «Interstate» est nettement supérieur au nôtre. Les Américains ont entrepris d'importantes dépenses pour les routes secondaires et ils investissent énormément dans leurs infrastructures.
Nous estimons que c'est un enjeu de taille pour le Canada, parce que, quand une entreprise choisit un emplacement pour s'installer, elle prend plusieurs choses en considération. Elle doit tenir compte, par exemple, de la nécessité de réapprovisionner ses stocks au moment adéquat, de fait que l'entretien des camions dépend de l'état des routes sur lesquelles ils vont circuler et du stress auquel seront soumis les chauffeurs. Nous avons beaucoup à craindre pour notre économie si nous ne voulons pas investir dans notre infrastructure. Il y a certes des vies qui sont en jeu, mais aussi des emplois.
Le sénateur Adams: Avez-vous une idée du nombre de conducteurs qu'il y a au Canada?
M. Hunt: Je crois que ce que nous appelons le parc automobile canadien comprend 15 millions de véhicules. Il se compose d'environ 11 millions de véhicules de tourisme et de quelque 4 millions de camions ou de semi-remorques, ou de choses du genre.
Le sénateur Adams: J'ai une question à vous poser à propos de l'entretien des routes. Chaque année, des millions de conducteurs achètent leurs plaques minéralogiques au prix unitaire de 30 $, 40 $ ou même plus. Dans certaines provinces une seule personne peut posséder et exploiter un demi-tonne, si bien qu'il n'y alors qu'un permis, mais quand quatre ou cinq personnes conduisent le même camion, celui-ci cause beaucoup plus de trous dans les routes. Ne pensez-vous pas qu'il en coûterait moins si l'entretien des routes était privatisé?
M. Hunt: Prenons le cas de la 407 au nord de Toronto; même si elle a été l'objet d'une certaine controverse au sujet de la sécurité, ses coûts de construction ont été nettement inférieurs à ce qu'ils sont habituellement quand le gouvernement est le maître d'oeuvre. D'après ce que j'ai cru comprendre, tous les ponts peuvent être construits selon le même modèle qu'on applique tout au long de l'autoroute; mais on m'a dit que, quand le gouvernement construit une route, les ponts qui l'enjambent ne sont jamais les mêmes. Il y a donc quelques avantages à tirer de confier la construction au secteur privé. Je ne pense pas qu'on sache quelle répercussion cela peut avoir sur les coûts d'entretien, mais si l'on se fie au modèle américain, on se rend compte que les nombreuses routes privées sont bien entretenues et qu'elles sont rentables. Il existe donc plusieurs options dont on pourrait se prévaloir.
Le président: Pour terminer, j'aimerais vous poser une dernière question. Où en sera-t-on, en 2010, en matière de sécurité routière? Est-ce que vous êtes projetés aussi loin dans le temps?
M. Hunt: Je pourrais vous donner deux réponses ou plutôt envisager deux scénarios. Si nous ne consacrons pas des fonds dédiés à l'amélioration du réseau routier, nous nous retrouverons en très mauvaise posture en l'an 2010. Aujourd'hui, 50 p. 100 de nos routes ne sont pas conformes aux normes établies. Il y a des vies en jeu. Il y a des gens qui sont blessés. Je pense que si nous n'entreprenons pas sérieusement la reconstruction de notre infrastructure routière et si nous ne consacrons pas les fonds que nous prélevons déjà auprès des usagers du réseau routier à cette entreprise, notre pays subira des conséquences économiques énormes. Tous les ans, le gouvernement prélève 5 milliards de dollars. Les gouvernements provinciaux en prélèvent 5 autres. Et cela ne correspond qu'à la taxe d'accises qu'on paie à la pompe à essence. On n'inclut pas la TPS ni les droits d'immatriculation ni les autres redevances nombreuses que nous payons. Si nous n'obtenons pas rapidement un financement dédié, je crains que la détérioration de notre réseau routier ne devienne dramatique.
M. Godding pourrait vous en parler mieux que moi, parce qu'il a une formation d'ingénieur, mais je puis vous dire que si, jusqu'à un certain point, il est possible de prolonger la vie d'une route en bouchant les trous et les fissures et en comblant les nids-de-poule, il arrive un point où la détérioration s'accélère et plusieurs de nos routes en sont à ce stade. À partir de là, il n'est plus question de simplement refaire le tapis. Il faut tout défaire et reconstruire la route depuis zéro, et les coûts sont alors nettement supérieurs à ceux de simples travaux de réfection. Un grand nombre de nos routes sont dans cet état. À moins que nous ne débloquions rapidement un financement dédié, je crains que notre pays ne soit confronté à une crise gigantesque. Cette crise aura un effet sur l'emploi, sur l'économie et sur notre capacité de prélever des taxes, de produire d'autres formes de recettes et de commercer. Nous croyons que cette question est très grave.
D'un autre côté, si nous parvenions à obtenir un financement dédié pour reconstruire notre réseau routier national, et si nous pouvions obtenir l'engagement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux qu'ils mèneront cette tâche à bien, nous croyons que nous pourrions jouir d'un bel avenir économique. Nous pourrions sauver encore plus de vies que nous le faisons, nous aurions moins de blessés et nous favoriserions la prospérité économique; mais encore une fois, la chose est très sérieuse.
Nous venons de passer les 90 derniers jours à sillonner le pays dans une expédition qui nous a amenés à traverser plusieurs collectivités, à parcourir des milles de route, pour amener les Canadiennes et les Canadiens à considérer que le dossier des routes est très important parce que, de nos jours, quand on demande aux gens ce qu'ils pensent du réseau routier, on s'aperçoit que la question apparaît très bas sur leur liste de priorités. Ils se préoccupent d'emploi, de soins de santé et de choses du genre, mais si l'on n'a pas d'infrastructures solides, il n'y aura plus d'emplois et l'on ne pourra plus s'offrir de système de sécurité sociale. Nous estimons qu'il est nécessaire de bien réfléchir à ce que devront être nos priorités pour l'avenir.
Le président: Merci beaucoup. Au nom du comité, je vous adresse nos plus sincères remerciements pour vous être rendus à notre invitation et pour nous avoir aussi bien éclairés sur ce sujet.
La séance est levée.