Aller au contenu
SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 2 - Témoignages du 28 novembre 1996


OTTAWA, le jeudi 28 novembre 1996

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 12 h 06 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons notre étude de l'état de la sécurité des transports au Canada. Notre témoin d'aujourd'hui représente la Garde côtière canadienne. Je vous prie de bien vouloir commencer.

M. Michael A. H. Turner, commissaire par intérim, Garde côtière canadienne: Permettez-moi, honorables sénateurs, de vous donner un aperçu des responsabilités de la Garde côtière canadienne. La Garde côtière canadienne, qui veille notamment à la sécurité des transports maritimes, est un organisme appartenant à la Fonction publique à vocation non militaire. Elle relevait autrefois du ministère des Transports, mais la plupart de ses services relèvent aujourd'hui du ministère des Pêches et des Océans.

La Garde côtière remplit plusieurs rôles et exécute plusieurs programmes. Je distinguerai entre les fonctions de la Garde côtière qui relève maintenant du MPO et celles qui continuent de relever du ministère des Transports. En un mot, la Division de la sécurité des navires du ministère des Transports continue d'être chargée de la réglementation -- j'entends par là les lois et les textes réglementaires --, de l'inspection et de l'accréditation des navires battant pavillon canadien ou pavillon étranger qui naviguent en eaux canadiennes. Elle veille donc à ce que ces navires répondent aux normes en matière de conception, de construction, d'exploitation et de prévention de la pollution. Par ailleurs, la gestion, le contrôle et la réglementation des voies navigables de même que l'élaboration des normes en matière de navigation appartiennent maintenant au ministère des Pêches et des Océans. En fait, tous les services et les systèmes de sécurité assurés par la Garde côtière relèvent du MPO et la plupart de ces services, du point de vue de la sécurité, présentent un intérêt pour tous ceux qui naviguent en eaux canadiennes ou empruntent nos eaux pour atteindre la mer.

Les services de la Garde côtière chargés de la réglementation des navires de plaisance ont été transférés au ministère des Pêches et des Océans parce qu'on a estimé que le MPO était directement intéressé, mais la réglementation touchant la sécurité des navires commerciaux relève toujours du ministère des Transports. Les services de la Garde côtière répartis entre les deux ministères collaborent étroitement pour éviter tout décalage entre la réglementation des navires et la gestion de l'environnement dans lequel ils évoluent.

Pour vous donner une petite idée de l'importance des opérations, des missions et des fonctions de la Garde côtière canadienne, qu'il me soit permis de mentionner que nous comptons environ 5 000 employés répartis dans tout le pays et que notre budget de fonctionnement annuel dépasse quelque peu les 500 millions de dollars, dépenses en immobilisations comprises. Nous menons surtout nos activités le long des côtes atlantique et pacifique, dans le Saint-Laurent et dans les Grands Lacs. Nous jouons aussi un rôle secondaire dans certaines eaux intérieures, mais il s'agit là plutôt d'une exception à la règle. Ainsi, quelques officiers de la Garde côtière patrouillent le lac Winnipeg, une étendue d'eau considérable qui attire pendant l'été plus de 800 pêcheurs possédant un permis et des centaines de navires de plaisance et où s'active aussi pendant l'été un service de remorqueurs et de chalands très en demande.

Soit dit en passant, le lac Winnipeg est la première étendue d'eau au Canada qui a été entièrement cartographiée par le Service hydrographique canadien créé à la fin des années 1800.

Répartis en plusieurs catégories, nos principaux programmes s'adressent à tous ceux qui se servent des voies navigables pour la navigation ou le transport. Je songe ici notamment aux bateaux de plaisance et de pêche ainsi qu'à tous les types de navires commerciaux, des plus petits aux plus gros.

Les entreprises d'import-export canadiennes comptent beaucoup sur les navires de transport battant pavillon étranger. Elles font d'ailleurs appel à eux dans une proportion de 98 p. 100 pour le transport de marchandises destinées au Canada ou à l'étranger. Des milliards de dollars de marchandises sont transportées par mer, ce qui est vraiment énorme. Les gens voyagent par avion, par train ou par autobus, mais les marchandises sont acheminées soit par camion vers les États-Unis, soit par navire vers le reste du monde. De là l'importance de la sécurité dans le domaine maritime.

Nous exécutons divers programmes dont le plus important est le programme des Services et systèmes de navigation maritime. Ce programme inclut le système des aides à la navigation, soit l'ensemble des bouées et des feux tels les feux d'alignement et phares, cornes de brume et aides électroniques au nombre desquels on compte les radars, les radiophares ainsi que le nouveau système de correction différentielle pour le système de satellites américains ou système de positionnement global (GPS). Divers éléments de la flotte de la Garde côtière fournissent ces services à partir des bases réparties dans tout le pays.

Le programme des Aides à la navigation est le programme auquel nous consacrons le plus de ressources. Sa mise en oeuvre exige non seulement un ensemble d'ateliers et de centres d'entretien côtiers, mais également une flotte de baliseurs affectée au mouillage et à l'entretien des aides flottantes. Nous entretenons aussi les aides électroniques ainsi que les aides côtières par hélicoptère.

Dans le domaine de la sécurité maritime générale, j'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet des Services de communication et de gestion de la circulation maritime (SCGCM) qui sont un amalgame des programmes exécutés par les stations radio et les centres de service à la circulation maritime de la Garde côtière. Le fusionnement total de ces activités est en cours dans les 43 emplacements où sont situés les centres de service à la circulation maritime et les stations radio du pays. Il n'en restera plus que 22 dans trois ans. Pour atteindre cet objectif, il nous faut assurer une formation polyvalente à tous nos employés. L'intégration de ces activités permettra de réduire considérablement nos coûts de fonctionnement, réduction qui ne devrait nullement se traduire par une diminution du niveau de service ou de la sécurité de nos activités. Voilà l'un des principaux projets que nous sommes appelés à mener à bien.

La Garde côtière est également chargée de l'exécution du programme de Protection des eaux navigables qui découle de la Loi sur la protection des eaux navigables. Cette loi réglemente le droit des particuliers ou des entreprises à ériger un ouvrage susceptible d'entraver la navigation sans égard à l'emplacement de cet ouvrage. Ainsi, si l'on veut construire un pont ou une jetée, la loi prévoit qu'il faut obtenir au préalable l'approbation de la Garde côtière. L'objectif visé est de protéger le droit de navigation du public.

Je me dois aussi de mentionner notre programme de Recherche et de Sauvetage qui joue un rôle de premier plan dans le domaine de la sécurité maritime et à la gestion duquel participe également le ministère de la Défense nationale. Le ministre de la Défense nationale est évidemment le principal porte-parole sur le sujet à l'autre endroit. Le programme, qui est exécuté dans plusieurs centres de coordination des opérations de sauvetage, est géré à partir des trois endroits suivants: Halifax en Nouvelle-Écosse, Trenton en Ontario et Esquimalt en Colombie-Britannique. Les bases de St. John's à Terre-Neuve et de Québec comptent des sous-centres de coordination des opérations de sauvetage.

Des officiers de la Garde côtière et du MDN, habituellement des pilotes dans le cas des militaires, sont affectés de jour et de nuit dans les principaux centres de coordination des opérations de sauvetage. Le MDN assure les services aériens des opérations au moyen de gros avions à partir desquels se font les recherches et sur lesquels on compte pour fournir la couverture aérienne nécessaire si l'on doit faire appel à des hélicoptères. Je songe évidemment ici aux gros hélicoptères dont on se sert pour venir en aide aux équipages et aux passagers des navires en détresse.

Pour sa part, la Garde côtière fournit le soutien maritime voulu aux opérations de recherche et de sauvetage et équipe à cette fin diverses stations côtières d'embarcations de sauvetage ainsi que d'un petit nombre de navires multitâches. Ces navires sont basés en pleine mer et jouent un rôle actif dans les opérations de recherche et de sauvetage. Ce système semble efficace. En effet, nous sommes parmi les pays du monde occidental à sauver le plus de personnes en péril. En outre, étant membre de différents organismes internationaux, le Canada, en collaboration avec d'autres pays, est chargé d'assurer les opérations de recherche et de sauvetage sur presque la moitié de l'océan Atlantique et de l'océan Pacifique. Le corps auxiliaire de la Garde côtière canadienne, un réseau comptant actuellement plus de 3 500 bénévoles de tout le pays, participe également aux interventions d'urgence. Le rôle de ces bénévoles est inestimable. En particulier durant l'été, la Garde côtière compte surtout sur eux pour intervenir dans les cas peu complexes mettant en cause de petits navires. Les stations radio de la Garde côtière assurent les services de communications lors des opérations de recherche et de sauvetage. Ces opérations menées de concert avec le MDN représentent notre programme le plus important et le plus actif.

Les opérations de déglaçage constituent un autre élément clé de notre programme. Nous assurons le déglaçage des voies navigables surtout pour faciliter la circulation des bateaux commerciaux dans l'est du Canada pendant l'hiver, que ce soit dans le Golfe autour des provinces maritimes, sur la côte nord du Québec, sur la côte ouest de Terre-Neuve, le long de la côte du Labrador, le long du Saint-Laurent ou dans les Grands Lacs. Dans ce cas, il ne s'agit pas tant d'assurer la sécurité des opérations maritimes même si nous offrons ces services, y compris des services de recherche et de sauvetage pendant l'hiver, que d'appuyer les activités des entreprises de transport maritime commerciales.

Pendant l'hiver, les brise-glaces sont affectés à temps plein aux opérations de déglaçage. Pendant l'été, après que nous les avons rassemblés, ils participent à des missions de ravitaillement dans l'Arctique. Ils jouent aussi un rôle d'appui dans le cadre des recherches scientifiques menées dans l'Arctique, notamment des recherches environnementales, et permettent aussi au Canada de manifester sa présence dans cette région dans le but d'y affirmer sa souveraineté. À leur retour à l'automne, nous renvoyons les brise-glace dans le Golfe et dans les autres régions de l'Est canadien où ils sont utiles pendant l'hiver.

Parmi les autres responsabilités de la Garde côtière, mentionnons la réglementation de la navigation de plaisance et l'exécution du programme de prévention SAR visant à assurer une formation en matière de sécurité nautique aux propriétaires de petits navires, qu'ils soient pêcheurs ou plaisanciers. Cet investissement nous apparaît rentable. Les efforts que nous déployons pour sensibiliser les gens à la sécurité nautique permettent de réduire le nombre d'opérations de recherche et de sauvetage que nous devons mener.

Une intervention SAR s'impose environ 7 000 fois par année au Canada et les opérations sont à caractère maritime plutôt qu'aérien 90 à 95 p. 100 du temps. Dans une grande proportion des cas, ce sont de petits navires qui sont en détresse, des bateaux de pêcheur ou de plaisance pendant l'été. Nous essayons donc de réduire les opérations SAR en sensibilisant les gens à la sécurité nautique et en assurant une formation dans ce domaine.

La Garde côtière est également chargée de fournir des navires à l'appui des autres programmes du ministère. Ces navires participent aux activités de conservation et de protection des pêches ainsi qu'aux activités scientifiques.

Voilà en quelques mots les programmes qui relèvent de la Garde côtière. Comme vous avez pu le constater, un bon nombre d'entre eux ont pour objectif d'assurer la sécurité de la navigation. Un certain nombre de ces programmes visent aussi à protéger l'environnement marin.

Il incombe donc à la Garde côtière de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'entraves à la navigation sur certaines voies navigables, et c'est pourquoi nous draguons certains chenaux. Les grands ports prennent cependant de plus en plus la relève dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, dans le cadre notamment du programme de gestion de la circulation maritime, nous établissons les normes en matière de navigation dans les chenaux commerciaux.

Le sénateur Bacon: Quel type de formation dispense-t-on aux agents de la Garde côtière? Doivent-ils suivre un cours spécial mettant en particulier l'accent sur la sécurité?

M. Turner: La Garde côtière offre plusieurs programmes de formation par l'intermédiaire du Collège de la Garde côtière situé à North Sydney ou de petits centres locaux de formation technique. Nous offrons trois ou quatre types de formation. Il y a d'abord la formation technique qui va de la formation des techniciens en électronique et des préposés à l'entretien du matériel à la formation au maniement du matériel embarqué spécialisé.

Le Collège de la Garde côtière offre plusieurs programmes importants. Il a été notamment créé pour assurer la formation des élèves-officiers. Nous formons actuellement très peu d'élèves-officiers étant donné que nous réduisons nos effectifs. Dans le cadre de ce programme, nous offrons une formation de quatre ans à des diplômés de l'école secondaire, formation qui comporte du temps en mer à bord de nos navires. La formation dispensée permet à ces jeunes gens d'obtenir un certificat de surveillance ou un diplôme de mécanicien reconnu par la Garde côtière et le Service de la sécurité des navires de Transports Canada. Grâce aux ententes que nous avons conclues avec le collège universitaire du Cap-Breton et la province de la Nouvelle-Écosse, la formation que nous dispensons est couronnée d'un diplôme en technologie et sciences médicales. Voilà pour ce qui est de la formation des officiers de la flotte de la Garde côtière. Nous recrutons surtout nos officiers parmi les diplômés de ce programme.

Nous dispensons aussi une formation spécialisée dans le domaine de la recherche et du sauvetage au Collège de la Garde côtière ainsi qu'à différents endroits au pays. Tant sur la côte Ouest que sur la côte Est, nous offrons des cours de formation en maniement d'embarcations pneumatiques à coque rigide. Cette formation est dispensée par des écoles spécialisées qui apprennent aux officiers qui sont affectés soit sur des navires, soit dans les stations d'embarcations de sauvetage comment manier de façon sécuritaire les petits navires très puissants et très rapides dont on se sert pour la plupart des opérations de recherche et de sauvetage le long des côtes.

Le Collège de la Garde côtière offre aussi selon les besoins une formation en communication et en gestion de la circulation maritime, une formation d'opérateur radio, une formation en matière de réglementation de la circulation maritime ainsi qu'une formation polyvalente. La formation de mécanicien de la flotte est surtout assurée par le collège bien qu'une certaine formation technique soit dispensée sur le terrain.

Les cours mettent l'accent sur la sécurité et répondent aux besoins internes de la Garde côtière. Nous n'offrons pas de cours de formation destinés au grand public parce que plusieurs écoles provinciales le font déjà. Il s'agit habituellement des écoles navales. Le Collège de la Garde côtière dispense cependant une certaine formation à l'échelle internationale normalement selon la formule du recouvrement des coûts ou dans le cadre d'une entente de financement conclue avec un organisme comme l'ACDI.

Le sénateur Bacon: Les bénévoles du corps auxiliaire de la Garde côtière suivent-ils les mêmes cours? Je crois qu'il y en 3 500.

M. Turner: Le corps auxiliaire exécute son propre programme de formation dont nous assurons le financement. Cette formation varie d'une région à l'autre en fonction des besoins. Puisque le fait de recourir à des bénévoles nous permet de réduire nos coûts, nous venons de conclure avec le corps auxiliaire une entente dans le cadre de laquelle, en contrepartie du financement nécessaire, il accroîtra ses opérations.

Le corps auxiliaire assure donc dans une large mesure la formation de ses membres, mais nous détachons de temps en temps auprès du corps des instructeurs ou des spécialistes.

Le sénateur Bacon: Offre-t-on à l'occasion des cours de perfectionnement aux bénévoles?

M. Turner: Le corps auxiliaire offre ses propres cours de perfectionnement, lesquels diffèrent d'une région à l'autre. Nous ne cherchons même pas à uniformiser la formation des bénévoles parce que les besoins varient beaucoup d'une région à l'autre. Le corps auxiliaire de la Garde côtière compte des bénévoles au Lac Winnipeg. La formation que ceux-ci reçoivent diffère beaucoup de celle qui est dispensée aux bénévoles de la côte ouest ou de Terre-Neuve. La formation donnée dans chaque cas est fonction des besoins.

Le sénateur Spivak: La Garde côtière a-t-elle les ressources voulues pour répondre à nos besoins compte tenu du fait que trois océans bordent le Canada? Que savez-vous des rumeurs insidieuses qui circulent au sujet de la privatisation de la Garde côtière? Quelle incidence la privatisation aurait-elle sur la capacité du Canada à répondre aux besoins en matière de sécurité maritime et de protection de l'environnement?

M. Turner: Je dois admettre que comme tous les organismes gouvernementaux nous disposons actuellement de ressources qui suffisent à peine à la tâche.

Le sénateur Spivak: Combien d'employés avez-vous perdus?

M. Turner: À la fin de la période de quatre ans sur laquelle s'échelonnent nos plans, nous aurons réduit de 1 700 le nombre de nos employés.

Le sénateur Spivak: Et vous en comptiez 5 000?

M. Turner: Nous en comptions 5 300. La réduction de nos effectifs est actuellement en cours. Il nous reste encore beaucoup à faire, surtout pour ce qui est de la flotte. Je pourrai vous fournir des chiffres plus précis, mais la situation change légèrement d'un mois à l'autre à mesure que nous remanions nos plans. C'est à l'administration nationale à Ottawa ainsi que dans les bureaux régionaux que la réduction d'effectifs se fera surtout sentir.

Pour réduire l'impact de la réduction d'effectifs sur nos opérations de première ligne, le ministère s'est d'abord employé à réduire le plus possible ses frais généraux administratifs et l'administration centrale à Ottawa a fait de même pour ce qui est des frais de gestion. À titre d'exemple, il y a un an, mon personnel comptait environ 450 personnes; il n'en comptera qu'entre 266 et 290 d'ici deux ans et demi. Nous avons fait des réductions semblables au niveau régional, mais ces réductions ne représentent que 30 p. 100 des effectifs. Nous avons aussi réduit le nombre d'employés affectés à des activités de soutien dans les chantiers et les ateliers d'entretien. Dans ce secteur, les effectifs ont été réduits dans une proportion de 25 à 28 p. 100. Enfin, il nous faudra aussi réduire les services de première ligne dans la mesure où il nous sera nécessaire de le faire pour respecter les budgets qui nous sont alloués. Nous effectueront cependant des réductions là où cela aura le moins d'incidence sur la sécurité maritime.

À titre d'exemple, bon nombre de nos navires sont maintenant des navires multitâches pouvant participer à différents types d'opération, parfois simultanément, mais le plus souvent de façon successive. Nous accordons aux officiers affectés à ces navires une formation polyvalente de manière à rentabiliser le plus possible nos opérations et tirer le maximum de la flotte de la Garde côtière.

Le défi, c'est évidemment de faire le travail avec les ressources dont nous disposons. Je ne nierai pas que j'aimerais bien disposer d'un peu plus de ressources financières et humaines. Dans le cadre des programmes de modernisation de nos systèmes, nous estimons cependant offrir des services de sécurité adéquats compte tenu des ressources dont nous disposons. Je songe ici en particulier à la modernisation des aides à la navigation. Grâce à la formation polyvalente, à l'utilisation de navires multitâches et à l'intégration, lorsque c'est possible, des stations radio et des services de la circulation maritime, nous comptons relever ce défi.

Voilà comment je pense que nous pourrons continuer d'assurer la sécurité des services maritimes. Nous demandons beaucoup de nos gens. Cela ne fait aucun doute, mais le système demeure sécuritaire. Le Canada a d'ailleurs toujours eu le meilleur système de sécurité maritime au monde.

Vous m'avez aussi posé une question au sujet de la privatisation éventuelle de la Garde côtière. Permettez-moi d'abord de dire que je considère qu'il s'agit presque d'une contradiction dans les termes. Je ne suis pas sûr qu'on puisse privatiser la Garde côtière parce que, par définition, une garde côtière est un organe gouvernemental national ou régional. Il nous est cependant possible de trouver de nombreuses façons de rentabiliser encore davantage nos services en ayant recours à l'appui du secteur privé sans pour autant compromettre la sécurité. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Depuis plusieurs années, par exemple, nous nous employons à améliorer notre capacité d'intervention en cas de déversement de pétrole. Ces efforts sont l'aboutissement des recommandations formulées par le groupe de travail chargé d'étudier la question en 1989. En modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada, le Canada s'est doté d'un règlement sur la Garde côtière. Nous délivrons maintenant des certificats aux entreprises privées qui satisfont aux exigences prévues dans le cadre de ce règlement. Elles deviennent ainsi des organismes d'intervention accrédités.

La loi énonce actuellement que tout navire de plus d'un certain tonnage entrant en eaux canadiennes ou en sortant doit avoir conclu une entente avec un organisme d'intervention en cas d'urgence. Cette entente prend la forme d'un contrat qui prévoit une participation de tous les intervenants aux frais généraux des organismes d'intervention d'urgence. Il ne s'agit pas du coût de l'intervention en cas de déversement. Si on fait appel aux services d'un organisme d'intervention d'urgence, on encourt des frais supplémentaires. Ce partenariat avec le secteur privé a cependant permis d'accroître de beaucoup la capacité d'intervention du Canada en cas de déversement de pétrole. La Garde côtière n'aurait d'ailleurs pas eu les moyens de financer ce niveau d'intervention.

Nous accordons aussi des contrats pour ce qui est de l'entretien des petites aides à navigation. Nous affrétons à l'occasion des navires pour cette mission. Nous nous sommes aussi demandés si le secteur privé ne pouvait pas offrir à moindre coût un service comme celui de la gestion de la circulation maritime. Nous étudierons certainement en cours de route d'autres services qui pourraient se prêter à ce genre d'entente avec le secteur privé.

Je me permets aussi de faire remarquer que le ministère exploite certaines installations et qu'il en loue d'autres du secteur privé. À titre d'exemple, la Garde côtière possède une flotte d'hélicoptères qui sont exploités par Transports Canada.

Le président: Ne mentionnez même pas ce mot.

M. Turner: La surveillance aérienne par aéronef à voilure fixe est assurée en collaboration avec le secteur privé. Nous avons conclu une entente avec la société aérienne provinciale de Terre-Neuve pour l'ensemble de nos besoins de surveillance aérienne, qu'il s'agisse de surveillance de la pollution ou de surveillance des pêches. Nous possédons aussi deux ou trois avions. Nous optons toujours pour la formule la plus efficace.

Le sénateur Spivak: J'aimerais en savoir davantage au sujet de la prévention de la pollution. Vous assurez-vous que les navires déversent leur eau de ballast à l'extérieur de nos eaux pour éviter la multiplication des moules zébrées? À quel type de prévention de la pollution songez-vous? S'agit-il de la prévention d'autres types de pollution que celle qui peut être le fait de navires?

M. Turner: La Garde côtière s'intéresse surtout à la prévention de la pollution provenant des navires. Les conventions internationales établies par l'Organisation maritime internationale fixe des normes pour ce qui est des déchargements. Les normes internationales sont assez strictes en particulier en ce qui touche la pollution par le pétrole et la pollution chimique. Le Canada a adopté ces normes. Il est signataire de la Convention internationale pour la prévention de la pollution provenant des navires. Cette convention fait maintenant partie intégrante de la Loi sur la marine marchande du Canada et son application relève principalement de la Direction de la sécurité des navires du ministère des Transports. La direction veille à ce que ces normes soient respectées par les navires qui sont construits et exploités au Canada et par ceux qui viennent au pays.

Nous intervenons également dans le domaine de la prévention de la pollution, en particulier en ce qui touche les stations côtières de chargement du pétrole. En cas de déversement, nous collaborons également avec les organismes d'intervention. Nous nous devons d'ailleurs de collaborer étroitement avec eux.

La question de l'eau de ballast intéresse particulièrement le ministère des Pêches et des Océans. Nous sommes les premiers responsables de la prévention de la pollution par l'eau de ballast ou, plus précisément, de la pollution provenant d'espèces allogènes pouvant se trouver dans l'eau de ballast.

Le sénateur Spivak: Intervenez-vous davantage dans ce domaine qu'auparavant? Je reviendrai plus tard à la question de la sécurité.

M. Turner: L'introduction dans nos eaux d'espèces allogènes, en particulier dans les Grands Lacs, cause d'importants problèmes. Il semblerait qu'il faut attribuer l'introduction de ces espèces dans nos eaux à l'eau de ballast provenant de navires étrangers. L'eau de ballast de ces navires est de l'eau douce qu'ils déversent dans les Grands Lacs après avoir pris leur cargaison. Les scientifiques parlent d'un vecteur. Je songe ici à un petit poisson qu'on appelle grémille et aux moules zébrées dont on ne peut plus se débarrasser une fois qu'elles se sont répandues dans l'environnement.

Il est ironique de penser que l'aggravation de ce problème ces dernières années est due au fait que les Européens sont parvenus à nettoyer bon nombre de leurs cours d'eau. Leurs rivières abondent maintenant en petits poissons et autres formes de vie.

D'autres pays font face au même problème. La Garde côtière canadienne collabore avec les scientifiques du ministère des Pêches et des Océans ainsi qu'avec la Garde côtière américaine -- qui applique déjà ses propres règlements --, ainsi qu'avec la Direction de la sécurité des navires de Transports Canada à l'élaboration de règlements qui seront éventuellement pris en vertu de la Loi sur la marine marchande au Canada. L'autre endroit est actuellement saisi de modifications à la Loi sur la marine marchande du Canada qui visent à préciser le type de ballast et d'espèces considérés comme des sources de pollution. Pour l'instant, la loi traite surtout de la pollution par le pétrole et par les produits chimiques.

Les lignes directrices pertinentes actuellement en vigueur au Canada prévoient le déchargement de l'eau de ballast contenant des espèces d'eau douce dans de l'eau salée et son remplacement par de l'eau salée. Cette mesure permet habituellement de tuer la plupart des petites espèces.

Le sénateur Spivak: Je voulais vous poser une question au sujet de la sécurité des bateaux de plaisance. Vous êtes surtout chargé de la surveillance des côtes. Vous avez cependant mentionné le fait que vous patrouillez aussi le lac Winnipeg. Qu'est-ce qui vous permettrait, à votre avis, de jouer un rôle accru dans le domaine? Moi, je prends des vacances au bord d'un petit lac qui n'est pas aussi gros que le lac Winnipeg, et j'ai l'impression qu'on n'applique pas de façon rigoureuse les règlements interdisant la consommation de drogues et d'alcool. L'autre jour, on nous a bien exposé les risques que cela posait.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez? Que peut faire à votre avis la Garde côtière dans ce domaine? Que recommanderiez-vous au comité?

M. Turner: Je suis heureux que vous souleviez la question puisqu'il s'agit aussi pour nous d'une question prioritaire. Au cours des dernières années, la Garde côtière a mis davantage l'accent sur la sécurité de la navigation de plaisance. Cette question relève tout particulièrement du Bureau de la sécurité des bateaux que j'ai créé au sein de la Garde côtière. Chacune des régions compte maintenant un bureau semblable. Nous orientons et renforçons actuellement les programmes de prévention dont je vous ai parlé dans le contexte des opérations de recherche et de sauvetage pour les adapter aux besoins dans les eaux intérieures. Au cours des deux dernières années, nous avons mené des consultations étendues sur cette question auprès des plaisanciers ainsi qu'auprès de tout le secteur de la navigation de plaisance. Il s'agit d'une industrie importante qui génère environ 3 milliards de dollars de revenus.

Quand je dis que nos services dans les eaux intérieures ne sont pas très étendus, j'entends par là que nos bateaux ne sont pas très nombreux. Nous sommes cependant chargés de réglementer la construction et l'utilisation des bateaux de plaisance ainsi que l'équipement de sécurité dont ils doivent être équipés.

Le sénateur Spivak: Pourriez-vous empêcher les motos marines de faire autant de bruit?

M. Turner: J'en doute. Nous pouvons cependant attirer l'attention des fabricants sur ce problème, et nous le faisons.

Je me ferai un plaisir de faire parvenir au comité le rapport que vient de nous soumettre le groupe de travail sur la sécurité nautique. Par l'intermédiaire du Bureau de la sécurité des navires, nous avons constitué un groupe de travail qui a examiné les problèmes que posent les embarcations pour une personne: les propriétaires de chalets, les utilisateurs eux-mêmes, les fabricants -- Bombardier, une entreprise canadienne, est l'un des principaux fabricants de motos marines au monde -- ainsi que les organismes de réglementation à l'échelle provinciale et municipale. Nous avons essayé de proposer des solutions aux problèmes.

Parmi ces solutions, nous accordons la priorité à l'amélioration de la formation. On nous a à maintes reprises répété que la Garde côtière devait établir des normes minimales pour ce qui est de la formation des utilisateurs. Les règlements pourraient aussi être appliqués plus rigoureusement dans tous les cas.

Permettez-moi maintenant de m'écarter quelque peu de ce sujet pour vous parler de façon générale de la sécurité des embarcations pour une personne. L'an dernier, nous avons mené des consultations en Ontario, puisque c'est dans cette province qu'on compte le plus grand nombre d'embarcations de plaisance. En collaboration avec la province et divers groupes de plaisanciers, nous avons tenu des ateliers et des réunions dans toute la province afin de discuter des problèmes et d'y proposer des solutions possibles. Cette année, avec l'accord du ministre Mifflin, nous avons étendu ces consultations à l'ensemble du pays. Nous avons tenu environ 65 réunions de consultation. Nous avons même prévu un numéro 1-800 pour permettre aux gens de nous faire part de leur point de vue. Nous avons aussi publié divers bulletins et lettres de nouvelles. Nous cherchions ainsi à faire ressortir les principaux problèmes et à y trouver des solutions.

Il ressort de ces consultations, ainsi que de notre propre étude de la question, que les Canadiens s'intéressent beaucoup à la sécurité nautique. Plus de 200 personnes par année meurent en s'adonnant à une activité dite récréative. C'est en fait dans ce domaine d'activité maritime qu'on compte le plus grand nombre d'accidents mortels par habitant dans chaque région du pays.

On a insisté sur le fait que la Garde côtière devait fixer des normes de compétence minimale pour les utilisateurs d'embarcations de plaisance. Tous les intervenants ont aussi insisté sur la nécessité de moderniser le système d'enregistrement des navires. On recommande cependant l'adoption d'un système qui ne soit pas trop intrusif. Le problème, c'est que le gouvernement et le Conseil du Trésor demandent que nous commencions à recouvrer nos frais. Les gens ne sont pas très favorables à un droit d'enregistrement des bateaux de plaisance. Il nous faut donc trouver un système qui nous permettra d'améliorer, d'automatiser et d'informatiser le système hydraulique actuel afin d'accroître la sécurité dans nos eaux sans indisposer inutilement un grand nombre de Canadiens à qui nous devrons bien demander de verser des droits minimes.

Le sénateur Spivak: Étant donné qu'il s'agit de voies navigables, est-ce un domaine de compétence fédérale exclusive? Ce secteur d'activité relève-t-il du gouvernement fédéral?

M. Turner: Oui.

Le sénateur Spivak: Allez-vous fixer un âge minimal pour l'obtention d'un permis de navigation de plaisance? Le problème qui se pose est en partie attribuable au fait que des enfants sont aux commandes de bateaux puissants quand ils n'en savent pas très long sur la sécurité nautique.

M. Turner: En effet.

Le sénateur Spivak: J'aimerais aussi signaler le fait que les motos marines sont aussi dangereuses parce que ceux qui les pilotent veulent parfois se faufiler entre les canots pour les faire chavirer. Un accident grave de ce genre s'est produit en Ontario. Il y a aussi la question de la capacité des voies navigables. Comptez-vous limiter le nombre de bateaux qui seront permis sur différentes voies navigables? À titre d'exemple, le nombre de bateaux sur le lac Winnipeg pourrait être fixé à 10 000.

La Colombie-Britannique a interdit l'utilisation des motos marines. L'affaire a déjà été portée devant les tribunaux et elle aboutira certainement devant la Cour suprême en raison de l'importance des intérêts commerciaux en jeu. J'attache beaucoup d'importance à la capacité des voies navigables ainsi qu'à l'âge des utilisateurs de ces embarcations. Que comptez-vous faire à ce sujet?

M. Turner: Si nous donnions suite aux recommandations qui nous ont été faites dans le cadre des consultations que nous avons menées à l'échelle du pays, et dont nous avons maintenant saisi notre conseil national, nous imposerions effectivement un âge minimum. Un enfant de moins de 12 ans ne serait autorisé à utiliser que quelques embarcations. Les enfants de 12 à 16 ans pourraient utiliser les embarcations motorisées pourvu qu'elles ne soient pas munies de moteurs trop puissants. À partir de 16 ans, on pourrait utiliser un bateau puissant. Il faudrait évidemment fixer aussi des normes pour ce qui est de la formation minimale.

Pour ce qui est de la suggestion qui a été faite de limiter le nombre de bateaux à la capacité des voies navigables, nous réglementons déjà la capacité d'un bateau en fixant les normes de construction. Quant à limiter le nombre de navires dans une région donnée, je crois que ce serait difficile.

Le sénateur Spivak: Mais si on ne le fait pas, les accidents vont inévitablement survenir.

M. Turner: Le problème qui se pose, cependant, c'est la façon dont on manie un bateau lorsqu'il y a d'autres bateaux à proximité.

Le sénateur Spivak: On pourrait fixer un niveau minimal ou un plancher. Dans le cas d'un petit lac, par exemple, la limite serait moins élevée que dans le cas d'une voie navigable aussi importante que le lac des Bois. Je comprends qu'il serait difficile de réglementer le nombre de bateaux sur le lac des Bois qui s'étend aussi aux États-Unis.

M. Turner: Il serait assez difficile de réglementer la capacité d'une voie navigable ou d'un lac. On pourrait peut-être atteindre en partie cet objectif en s'y prenant d'une autre façon. La navigation sur les diverses voies navigables est régie par la Loi sur la marine marchande du Canada dont l'application relève de la Garde côtière. Il s'agit ici aussi d'un domaine de compétence fédérale exclusive, mais nous avons conclu une entente avec les gouvernements provinciaux aux termes de laquelle une municipalité ou une association de propriétaires de chalet qui soumettrait, après les consultations voulues, une demande bien étayée pour qu'on limite le nombre d'embarcations sur une voie navigable donnée verrait sa demande bien accueillie par la Garde côtière.

En gros, il existe neuf types de restrictions qui peuvent être imposées. À titre d'exemple, on peut interdire totalement les embarcations, interdire les embarcations motorisées, permettre certains types d'embarcation seulement, limiter la vitesse de ces embarcations ou leur interdire de s'approcher à plus d'un certain nombre de mètres de la rive. Ces restrictions peuvent être appliquées en collaboration avec les organismes provinciaux avec lesquels nous entretenons des liens en vue de faire appliquer la réglementation sur la navigation.

Si une municipalité de la Colombie-Britannique prenait un règlement interdisant les embarcations pour une personne, je m'attendrais à ce qu'un juge le déclare inconstitutionnel. En vertu de la constitution, seul le gouvernement fédéral peut réglementer la navigation, ce qu'il fait par l'intermédiaire du Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux. Si la municipalité s'adressait à nous, nous pourrions, dans certaines circonstances, nous reporter à ce règlement.

Le sénateur Adams: Ma question porte sur les opérations de sauvetage dans le Nord où se produisent parfois des accidents en mer. L'Armée possède-t-elle l'équipement voulu pour intervenir dans ce genre de situation? On a parfois recours aux sociétés aériennes locales, mais on demande souvent à l'Armée de venir en aide à des chasseurs de phoque en détresse. À titre d'exemple, la glace peut se rompre et quelqu'un peut se retrouver coincé. Il est difficile de repérer les gens sur la glace de mer en raison de la neige.

L'Armée possède-t-elle l'équipement voulu comme des tentes pour venir en aide aux gens qui se trouvent sur la terre ferme ainsi que sur la glace de mer?

M. Turner: Oui. Tant le MDN que la Garde côtière possèdent des trousses spécialisées pouvant être larguées du haut des airs dans le cadre des opérations de recherche et de sauvetage.

Lorsqu'il s'agit d'accidents maritimes, on peut larguer des embarcations de sauvetage ou des pompes. Nous avons aussi d'autres types de matériel qu'on peut larguer du haut des airs et dont un chasseur en difficulté sur la glace peut se servir pour s'abriter et se protéger en attendant l'arrivée de l'hélicoptère de sauvetage ou d'autres secours. Le défi est évidemment de taille dans l'Arctique en raison de l'énormité des distances. Chaque année, les brise-glaces de la Garde côtière et les hélicoptères qu'ils transportent participent à un certain nombre d'opérations de recherche et de sauvetage dont l'objet est de venir en aide à des chasseurs autochtones se trouvant dans la situation exacte que vous avez décrite: soit ils se retrouvent sur la banquise et ils ne peuvent retourner sur la terre ferme, soit ils se sont perdus lors d'une tempête. Les énormes distances en jeu compliquent les choses, mais nous disposons bien du matériel voulu.

Le sénateur Adams: On ne fait pas toujours appel à l'Armée. Quand une personne n'est pas trop loin sur la terre ferme ou sur la glace, on utilise un avion civil. Qui paie la note? Qui paie les sociétés aériennes locales qui participent aux recherches pour retrouver les chasseurs? Est-ce le gouvernement territorial ou le gouvernement fédéral?

M. Turner: Si le centre de sauvetage est celui qui lance l'appel, on peut s'y prendre de deux façons. Premièrement, si l'avion effectue un vol dans la région, il est tenu de participer aux opérations de recherche tout comme un navire le serait s'il s'agissait d'un accident maritime. Si le centre de sauvetage demande à un avion d'intervenir parce qu'il se trouve à 20 milles de l'endroit où l'on cherche des gens, l'avion est tenu de participer aux recherches. Il arrive aussi fréquemment que le centre de sauvetage affrète un avion privé ou commercial pour participer aux recherches ou pour larguer du matériel. Dans ce cas, on affrète directement l'avion et la dépense émarge au budget des Services de recherche et de sauvetage du ministère.

Le sénateur Adams: La même chose vaut-elle pour les rangers? On fait appel à des bénévoles lorsque la Garde côtière n'a pas l'équipement voulu, en particulier pour trouver des navires et des motoneiges. Les gens de l'endroit participent souvent aux recherches. Le gouvernement leur rembourse-t-il le coût de leur essence par l'intermédiaire de la Garde côtière? Il arrive parfois que des gens participent aux recherches pendant deux ou trois jours. Les indemnise-t-on pour le salaire perdu? Qu'en est-il?

M. Turner: Je ne peux répondre qu'en partie à cette question. Vous pourriez peut-être demander aux représentants du MDN comment le ministère finance les activités des rangers. Les bénévoles du corps auxiliaire de la Garde côtière, là où il s'en trouve, participent aux recherches avec leur propre bateau, mais c'est alors la Garde côtière qui rembourse leurs dépenses. Lorsque les recherches sont menées sur terre ou sur une voie navigable, nous leur remboursons le coût de l'essence utilisée ainsi que leurs dépenses d'assurance. Nous ne leur remboursons cependant pas leur salaire s'ils s'absentent du travail, mais comme je le disais, nous leur remboursons leurs frais d'exploitation, d'assurance ainsi que de formation.

Le sénateur Adams: Quelle incidence la réglementation des armes à feu aura-t-elle sur les cas de ce genre? Les rangers ont des armes militaires. Qui sera chargé de veiller à ce qu'elles soient enregistrées? Cela appartiendra-t-il aux propriétaires des armes? L'Armée va-t-elle payer le droit d'enregistrement?

Le président: C'est une question intéressante. Nous pourrions peut-être demander au ministère de nous envoyer quelqu'un avec qui nous pourrions discuter des questions de sécurité liées à l'utilisation des armes à autorisation restreinte et des autres types d'armes.

Le sénateur Adams: J'ai demandé à un ranger combien de boîtes de cartouches on lui accordait chaque année? Il m'a répondu dix. Il en utilise une partie pour la chasse au caribou, et il vend le reste.

Le président: Dans votre domaine d'activité, quelles sont les questions de sécurité qui vous préoccupent le plus? De quoi devez-vous vous préoccuper constamment? Sur quoi portent vos plus grandes craintes?

M. Turner: Comme je l'ai dit plus tôt, ce sont les accidents mettant en cause des petits bateaux de plaisance ou de petits bateaux de pêche qui causent le plus grand nombre de morts. Nous essayons de trouver un moyen de régler ce problème.

Nous devons aussi veiller à disposer de l'équipement voulu au bon endroit et à dispenser à nos employés la formation leur permettant de bien remplir leur tâche.

Le président: À votre avis, existe-t-il des lacunes à cet égard?

M. Turner: Je ne parlerais pas vraiment de lacunes, mais nous devons tout de même nous assurer que nous sommes en mesure de faire face à toutes les situations. C'est évidement de plus en plus difficile à mesure que nos budgets diminuent.

Il nous arrive de mal dormir la nuit en songeant à la popularité soudaine des croisières, en particulier sur la côte Ouest, mais aussi sur la côte Est et le long du Saint-Laurent. Étant donné la taille de ces navires et le nombre de leurs passagers, on s'imagine les difficultés que poseraient les opérations de recherche et de sauvetage s'ils faisaient naufrage. Un petit navire de croisière s'est trouvé en difficulté l'été dernier dans l'Arctique. Nous avons eu beaucoup de chance. En s'échouant, le navire a subi d'importantes avaries, mais personne n'a été blessé, ni tué. Cela aurait évidemment pu être bien plus grave. Nous nous inquiétons donc des difficultés que présentent les opérations de recherche et de sauvetage dans le cas des paquebots de croisière.

Le président: L'environnement arctique est-il en lui-même une source de préoccupation? Aimeriez-vous que votre capacité d'intervention dans l'Arctique s'améliore d'ici l'an 2010? Si oui, de quelle façon? Vous venez de mentionner le cas d'un navire de croisière qui s'est échoué dans le Nord, mais étant donné le caractère tout à fait particulier de cet environnement, avez-vous d'autres sources de préoccupation?

M. Turner: Oui. Nous nous préoccupons notamment de l'état des cartes hydrographiques dans l'Arctique. Nous cherchons avec nos collègues du Service hydrographique du Canada à accélérer les travaux de cartographie dans cette région. D'importantes parties de l'Arctique canadien continuent d'être mal cartographiées, et il reste encore beaucoup à faire dans cette région du pays. La même chose vaut pour certaines parties de Terre-Neuve et du Labrador.

Nous réduisons cependant notre présence dans l'Arctique, ce qui découle du fait que nous réduisons notre flotte pour des raisons financières. Nous aurons dans l'avenir moins de navires pour intervenir dans l'Arctique.

Le président: Qu'en est-il de notre capacité de gestion des interventions en cas de déversement de pétrole ou d'accident de ce genre?

M. Turner: Nous avons fait d'importants progrès dans ce domaine au cours des dernières années.

Le président: La technologie rend-elle ces interventions plus faciles et moins coûteuses?

M. Turner: La technologie permet de récupérer une proportion plus importante du pétrole déversé en mer, mais on n'est pas beaucoup plus avancé pour ce qui est de la récupération du pétrole une fois que celui-ci atteint la rive. Quand le pétrole parvient sur la grève, on a beaucoup de mal à s'en débarrasser. Les choses ne se sont pas beaucoup améliorées à cet égard depuis 25 ans.

Nous avons beaucoup fait pour améliorer la capacité de gestion des interventions en cas de déversement de pétrole, mais il ne fait aucun doute qu'on pourrait faire davantage. La Garde côtière veut conserver une flotte suffisante pour lui permettre d'intervenir en cas de déversement de pétrole au large des côtes. Les organismes d'intervention que nous avons créés sont surtout en mesure de récupérer le pétrole déversé dans des zones protégées situées près des côtes ou le pétrole qui parvient à la grève. Elles ne sont pas vraiment en mesure d'intervenir au large des côtes. C'est un rôle qui continuera d'appartenir à la Garde côtière.

Le président: Des protocoles s'appliquent en ce qui touche le transport commercial au nord du 60e. Sommes-nous sûrs que les navires battant pavillon étranger répondent aux normes en matière de navigation dans cette partie du monde?

M. Turner: Oui. En un certain sens, les systèmes de navigation qui existent dans le Nord sont assez rudimentaires. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il y avait des lacunes en matière de cartographie dans cette partie du pays. Pour ce qui est de la circulation maritime, elle n'est pas très dense même pendant l'été. Nous essayons de concentrer nos efforts dans ces domaines.

Pour ce qui est des normes de conception des navires, cela relève évidemment de la sécurité des navires, mais nous nous assurons que les navires battant pavillon étranger qui circulent dans l'Arctique répondent aux normes canadiennes.

Le président: Quand va-t-on réglementer l'utilisation des doubles-fonds par des exploitants étrangers?

M. Turner: Il faudra poser la question aux responsables de la sécurité des navires à Tranports Canada. Ce domaine relève de leur compétence. Le Canada s'est fixé à cet égard des délais beaucoup plus serrés que les États-Unis ou que le reste du monde. Nous voulons que notre réglementation soit parmi les meilleures. Je suis sûr que Transports Canada pourrait vous donner plus de précisions à cet égard.

Le président: Comment progressons-nous avec la navigation par satellite? Quand pourrons-nous étudier cette question?

M. Turner: Nous progressons très bien. En fait, nous tirons pleinement partie des systèmes de navigation par satellite.

Au cours des prochaines années, le ministère s'emploiera à moderniser le système des aides à la navigation. Au lieu de reposer totalement sur les aides lumineuses côtières conventionnelles et les bouées en mer, le système des aides à la navigation comportera l'utilisation de satellites. Une technique appelée GPS différentiel complète les signaux du système de navigation par satellite qu'on peut actuellement capter grâce au système GPS. Ces signaux proviennent surtout d'émetteurs aux États-Unis mais aussi d'émetteurs en Russie. En collaboration avec la Garde côtière américaine, nous établissons des sites d'émetteurs à partir desquels nous pourrons fournir ce signal de correction de haute précision.

Le prix des systèmes ou récepteurs GPS de base a beaucoup diminué, à tel point qu'un récepteur portatif ne coûte que 400 $, ce qui est à la portée des propriétaires de petits bateaux de pêche ou de bateaux de plaisance. Le prix de ces appareils a vraiment chuté. Les modèles plus perfectionnés dont sont équipés les gros bateaux coûtent un peu plus cher, mais on peut acheter un récepteur GPS à correction différentielle offrant toutes les fonctions pour au plus 4 000 $. Et les prix de ces appareils ne cessent pas de baisser.

Même de la façon dont les Américains s'en servent, le système GPS assure une localisation exacte à 100 mètres près. Avec la technique différentielle, la localisation est exacte à entre 8 et 10 mètres près.

Quand on combine à la technique GPS au nouveau système de cartographie électronique -- la technologie progresse également très rapidement dans ce domaine --, un gros navire peut maintenant remonter en sécurité une voie navigable comme le Saint-Laurent en ayant recours à beaucoup moins d'aides à la navigation et de feux côtiers qu'auparavant. Une entreprise de la côte ouest offre sans doute les systèmes électroniques d'information et de visualisation des cartes les plus perfectionnés au monde.

Le président: De quelle entreprise s'agit-il?

M. Turner: De la société Offshore Systems Limited. La Garde côtière lui a récemment commandé un certain nombre de ces systèmes pour ses navires. Nous collaborons étroitement avec cette entreprise depuis des années à perfectionner le système électronique de visualisation des cartes maritimes (SEVCM). Ce système ainsi que le système de positionnement de haute précision du GPSD représentent la fine pointe des systèmes de navigation maritime à l'échelle mondiale. Comme nous nous préoccupons de la sécurité de tous les utilisateurs du système jusqu'aux plus petits, la Garde côtière cherche à se doter le plus rapidement possible de ces nouvelles technologies. Le système SEVCM est trop coûteux pour les petits bateaux de pêche, mais pas pour les gros navires commerciaux.

Le président: L'un de vos employés de la côte ouest pourrait-il se joindre à nous lors des audiences que nous tiendrons à Vancouver la semaine prochaine?

M. Turner: J'y verrai.

Le président: Qui tient des statistiques sur les bateaux de plaisance?

M. Turner: Il est intéressant que vous souleviez la question, sénateur, parce que nous avons toujours eu beaucoup de mal à obtenir des données fiables sur les accidents nautiques causant des pertes de vie.

Nous collaborons étroitement avec les gouvernements provinciaux, la Croix-Rouge, la Canadien Life Saving Association et les forces policières afin de recueillir les meilleures statistiques possibles à ce sujet. Les données dont nous disposons maintenant sont assez fiables, mais elles ne sont pas aussi complètes que nous le souhaiterions.

Aux termes d'une entente que nous avons signée récemment avec la Garde côtière américaine, notre Bureau de la sécurité nautique et le leur partagent de l'information sur la sécurité nautique. La Garde côtière américaine s'est également efforcée de régler ces dernières années les problèmes que posait la collecte de données portant sur la navigation de plaisance et la sécurité des petits navires. Nous nous attendons à ce que cette collaboration soit très fructueuse.

Le sénateur Bacon: J'ai une question à poser sur le personnel affecté dans les phares. Ces dernières années, vous avez progressivement automatisé les phares. Où en est ce programme sur chacune des côtes? Quelles économies a-t-il permis de réaliser? D'autres pays procèdent-ils aussi à l'automatisation des phares?

M. Turner: L'automatisation des phares est un phénomène mondial. Au lieu de devancer le reste du monde à cet égard, le Canada traîne plutôt de la patte. Aux États-Unis, par exemple, il n'y a plus qu'un seul gardien de phare. C'est le gardien du phare du port de Boston. Le Congrès a adopté une loi permettant le maintien de ce poste pour des raisons historiques.

Dans de nombreux pays, l'automatisation des phares est maintenant complètement terminée ou sur le point de l'être. Le matériel automatisé permet d'offrir les mêmes aides à la navigation que celles qu'offraient autrefois les phares. Au Canada, environ 209 phares ont déjà été automatisés et environ 55 le seront bientôt. Les phares dont l'automatisation n'est pas encore terminée se trouvent à Terre-Neuve et sur la côte ouest et l'automatisation sur la côte Ouest suscite de graves préoccupations. Ces préoccupations n'ont pas tant trait aux services d'aide à la navigation qu'offraient les phares qu'aux services de sécurité connexes.

Il y a un an, il restait toujours 35 phares pourvus de personnel sur la côte ouest. Nous nous sommes fixé comme objectif d'en automatiser huit au cours du présent exercice financier. L'automatisation de cinq d'entre eux est terminée. Nous avons récemment annoncé aux utilisateurs que nous pensions pouvoir sans crainte en automatiser neuf de plus l'an prochain et leur avons dit que nous voulions discuter de la question avec eux. Dans chaque cas, nous avons fait la preuve aux utilisateurs que nous pouvions leur offrir des services de qualité soit en ayant recours aux nouveaux systèmes et technologies, soit en ayant recours à d'autres moyens, et notamment en confiant à des entreprises du secteur privé la tâche de faire les relevés météorologiques.

Sur la côte ouest, les phares ont jusqu'ici fourni des renseignements météorologiques précieux aux bateaux de pêche et aux bateaux de plaisance ainsi qu'aux petits avions. Dans le cadre du processus d'automatisation des phares, nous avons installé des appareils météorologiques automatisés et avons assumé une part des responsabilités autrefois dévolues au SEA, car nous avons voulu nous assurer qu'on puisse compter sur la côte ouest sur des données météorologiques en temps réel.

Jusqu'ici, nous n'avons qu'à nous féliciter de l'équipement dont nous nous sommes dotés. Vous avez peut-être vu que la presse de la côte ouest a fait grand cas, il y a un mois, de quatre stations météorologiques automatisées qui seraient tombées en panne lors d'une tempête. On a prétendu que ces stations avaient été complètement inutiles, mais cela s'est révélé faux. Les systèmes ont très bien fonctionné. En raison d'une erreur de programmation commise le jour précédent, quatre sites sont simplement disparus du système automatisé mis au point pour transmettre les renseignements météorologiques en temps réel par stations radio.

L'automatisation des phares a permis d'économiser des millions de dollars. Voilà pourquoi tous les pays optent pour les systèmes automatisés.

Pour vous permettre de vous faire une idée du nombre d'aides à la navigation qui se trouve le long des côtes, qu'il me soit permis de dire qu'en Colombie-Britannique, on compte environ 400 phares automatisés et aides secondaires à la navigation le long de la côte de même que 2 900 autres aides diverses et environ 35 phares pourvus de personnel. Les aides à la navigation coûtent au total 10,5 millions de dollars sur la côte ouest dont 7 millions -- et cela représente 70 p. 100 de ce budget -- vont à l'exploitation des 35 phares toujours pourvus de personnel. Dans chaque cas, il faut offrir tous les services de base nécessaires à une micro-collectivité comme des génératrices, des égouts, des antennes de télévision et des maisons, soit toute l'infrastructure nécessaire sur une petite île ou dans une localité éloignée de la côte pour permettre à quelques familles de vivre sur les lieux. Voilà pourquoi l'exploitation de ces phares est si coûteuse. Seulement 30 p. 100 du budget sont affectés aux 2 976 autres aides à la navigation.

Le sénateur Bacon: Si vous aviez plus d'argent, le consacreriez-vous à l'exploitation des phares ou à autre chose?

M. Turner: S'il y avait plus d'argent à consacrer au système de sécurité maritime, on pourrait l'utiliser à des fins beaucoup plus utiles qu'à l'exploitation de phares pourvus de personnel. Il est par ailleurs vrai que ces phares permettent de recueillir beaucoup d'information au sujet de ce qui se passe sur quelques milles de côtes. Chaque gardien de phare peut coordonner les secours en cas de petit accident, mais seulement sur quelques milles.

En améliorant au cours des dix dernières années nos systèmes sur la côte ouest, nous cherchions à atteindre un objectif plus vaste, à savoir améliorer les communications maritimes tout le long de la côte. À titre d'exemple, nous avons grandement amélioré les communications VHF. Grâce aux localisateurs directionnels à grande efficacité dont nous nous sommes dotés, nous pouvons localiser la source de l'appel de détresse. Nous apportons des améliorations à notre système de recherche et de sauvetage lui-même ainsi qu'aux autres aides à la navigation, notamment aux systèmes électroniques. Nous perfectionnons continuellement nos systèmes. Nous voulons maintenant fournir aux utilisateurs des données météorologiques en temps réel pour qu'ils n'aient plus à compter à cet égard sur les prévisions du SEA. Nous sommes maintenant en mesure de le faire. Il fallait améliorer la situation. Les utilisateurs des services maritimes sur la côte ouest nous ont clairement fait savoir que nous devions trouver des moyens d'améliorer les services de sécurité avant d'automatiser tous les phares.

En somme, l'argent dont nous disposons sera utilisé à bien meilleur escient si nous ne conservons pas des phares dotés de personnel simplement parce que nous ne voulons pas nous priver de la balise lumineuse et de la corne de brume.

Le président: On raisonne cependant parfois avec son coeur sans égard à son portefeuille. Je crois qu'il serait bon que vous ayez des hélicoptères EH-101 qui vous permettraient d'intervenir efficacement dans des situations comme celles qui s'est produite dans le Nord l'autre jour.

M. Turner, pourriez-vous revenir plus tard devant le comité?

M. Turner: Volontiers.

Le président: Vous savez pourquoi il nous faut une personne ressource.

M. Turner: Oui. Les gens de la côte ouest semblent avoir la malheureuse impression que nous n'avons pas tenu compte de leurs préoccupations lors de l'étape des consultations qui a précédé l'automatisation des phares. Or, nous en avons bien tenu compte ainsi que des recommandations qu'ils nous ont faites au sujet des mesures à prendre avant de nous lancer dans cette voie. Voilà pourquoi nous agissons avec prudence.

Le président: Je vous remercie, monsieur le président. Nous avons tiré grandement profit de votre exposé et nous souhaitons que vous reveniez devant le comité un peu plus tard.

M. Turner: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Richards, je m'excuse de notre retard, mais nous n'avons pas souvent l'occasion de nous entretenir avec le commissaire de la Garde côtière canadienne.

M. Richards est directeur de l'organisme Canadian for Responsible and Safe Highways.

Je vous prie de commencer, M. Richards.

M. Darrell Richards, directeur, Recherche et information, Canadian for Responsible and Safe Highways: Je ne vous lirai pas mon mémoire. Comme je sais que votre temps est précieux, je vous le résumerai.

Avant de commencer, je me permets de faire remarquer que j'ai rencontré le sénateur Forrestall pour la première fois il y a 20 ans. Il faisait alors partie du comité des transports d'un autre endroit.

Je me propose aujourd'hui de vous décrire l'organisme que je représente, de vous présenter les faits saillants d'un sondage mené auprès du public canadien sur la sécurité dans le secteur du camionnage et de replacer ensuite cette information dans le contexte d'une étude menée par le Sénat au moment de l'adoption, il y a 8 ans, de la loi qui déréglementait notre secteur.

Canadian for Responsible and Safe Highways, dont l'acronyme est CRASH, est une association nationale vouée à faire connaître les préoccupations du public sur les questions liées à la sécurité du transport par camion. Notre groupe préconise l'adoption et l'application de règlements rigoureux sur la sécurité des camions. Il s'oppose à la présence sur nos routes d'un nombre toujours plus grand de gros camions à plusieurs remorques. Notre groupe reconnaît évidemment l'importance du secteur du camionnage. Nous comptons sur ce secteur pour nous procurer les moindres produits comme les produits alimentaires. Par ailleurs, le nombre de camions sur nos routes a considérablement augmenté. La taille de ces camions a également augmenté ainsi que leur complexité. Dans certaines provinces, on permet la présence sur les routes de camions à deux ou trois remorques. Or, l'effet de balancement et de coup de fouet augmente si le conducteur du camion doit faire une manoeuvre pour éviter un chevreuil ou une boîte tombée sur le chemin.

Bien que cette constatation ne repose pas sur des preuves scientifiques solides, il n'est pas permis de douter des risques de sécurité que posent les gros camions, et en particulier les camions à plusieurs remorques. Nous avons cependant voulu mener un sondage pour établir l'avis du public sur la question. Les résultats de ce sondage sont beaucoup plus éloquents que je ne pourrais l'être moi-même. Le sondage a été mené par une maison réputée, le groupe Angus Reid. Il y a 1 500 adultes canadiens de plus de 18 ans appartenant à tous les milieux qui y ont participé à l'automne. Les résultats ont ensuite été pondérés en fonction de l'âge et du sexe des sondés. Les résultats obtenus sont exacts 19 fois sur 20, avec une marge d'erreur de 2,5 p. 100 en plus ou en moins. Si on ventile cependant ces données par province ou par groupe d'âge, leur fiabilité diminue.

Pour la gouverne des responsables de la réglementation des camions, il ressort de ce sondage que les risques de sécurité que posent les gros camions préoccupent les Canadiens. En fait, ils s'en préoccupent tant qu'ils s'attendent à ce que leurs gouvernements prennent les mesures voulues pour les protéger. Ils ne veulent plus notamment que des camions qui ne répondent pas aux normes de sécurité routière circulent en aussi grand nombre sur nos routes. C'est pourtant le cas de 33 p. 100 des camions. Ils réclament des mesures pour lutter contre le problème de l'épuisement des chauffeurs de camions, pour accroître la sécurité routière et empêcher l'utilisation de gros camions comportant toujours plus de remorques.

Permettez-moi de vous présenter les points saillants de ce sondage.

Les tableaux que je vais maintenant vous montrer figurent déjà dans le mémoire que je vous ai remis. Je m'excuse que le mémoire intégral ne soit qu'en anglais, mais mon résumé de quatre pages a été traduit.

Dans toutes les provinces, on voit que les gens sont d'avis que le nombre de camions sur les routes a augmenté. En fait, c'est ce que pense 80 p. 100 des personnes interrogées.

Cette diapositive-ci montre la réaction que suscite chez les personnes interrogées l'idée qu'on permette qu'un tracteur tire deux remorques pleine longueur, ce qui est déjà permis dans les trois provinces des Prairies et au Québec sur certaines autoroutes, mais ce qui est interdit dans le reste du pays. Entre 85 et 86 p. 100 des Canadiens s'opposent à ce qu'un seul tracteur tire deux remorques pleine longueur. On voit que très peu de gens sont favorables à cette idée.

Nous avons aussi demandé aux gens si le fait que cela soit déjà permis dans certaines provinces changeait leur avis sur la question? Quatre-vingt-un pour cent des sondés ont encore dit s'opposer à la chose. Le fait d'apprendre que ce genre de camion circule déjà en Alberta n'a pas convaincu les gens que c'était une bonne idée.

La diapositive suivante présente l'attitude des personnes interrogées au sujet des camions à trois remorques. Environ 94 p. 100 des Canadiens s'opposent à ce genre de camion. Les résidents de toutes les provinces sans égard à leur âge et à leur revenu sont fortement opposés au fait que des camions à deux et à trois remorques circulent sur nos routes. Lorsque nous leur avons demandé si le fait que les camions à trois remorques circulaient déjà en Saskatchewan et en Alberta les amenait à changer d'idée, 93 p. 100 d'entre eux ont encore dit qu'ils s'y opposaient toujours.

Les automobilistes n'aiment pas partager la route avec des camions trop longs parce qu'il leur est difficile de les doubler et aussi parce que lorsqu'ils le font et qu'il pleut, leur voiture est tout éclaboussée. Plus le camion est long, plus la voiture qu'il double est éclaboussée et plus l'éclaboussement est long. Environ 72 p. 100 des personnes interrogées ont dit que le fait de partager la route avec des camions à remorque va rendre la circulation routière plus difficile.

Situons les choses dans leur contexte. En raison de l'adoption de l'ALÉNA, le marché des transports s'étend maintenant sur tout le continent. Aux États-Unis, le poids d'un camion ne peut pas excéder 80 000 livres, à quelques exceptions près. Au Canada, la limite de poids varie d'une province à l'autre, mais elle est normalement de 130 000 livres. Nous avons demandé aux gens ce qu'il fallait faire à ce sujet et notamment si le Canada devrait adopter la limite de poids américaine de 80 000 livres? Environ 13 p. 100 des sondés ont dit que le poids limite permis dans les deux pays devrait être de 130 000 livres, 29 p. 100, que chaque pays devrait conserver sa propre limite et 55 p. 100, que le Canada devrait adopter la limite de poids en vigueur aux États-Unis. Ceux qui ont préconisé un abaissement de la limite de poids ont dit se préoccuper de l'état des routes et des ponts.

Que devrait faire le gouvernement? La tendance actuelle est de laisser chaque secteur s'autoréglementer, mais 78 p. 100 des personnes faisant partie de notre échantillon estimaient que le gouvernement devrait adopter des règlements visant à améliorer la sécurité au lieu de s'en remettre à une observation volontaire des règlements par les camionneurs eux-mêmes.

La dernière diapositive montre quelle est la limite fixée pour ce qui est des heures de conduire consécutives. Aux États-Unis, la limite est fixée à 10 heures pour les camionneurs et au Canada, à 13 heures. On propose actuellement de relever la limite hebdomadaire, mais on ne touchera probablement pas à la limite quotidienne. Environ 69 p. 100 des Canadiens pensent que la limite au Canada devrait être de 10 heures comme au États-Unis. Puisque le marché est continental, ils estiment que la norme devrait être fixée à 10 heures, et non pas à 13 heures.

Pour résumer les choses, j'aimerais vous rappeler ce qui est survenu lorsqu'on a déréglementé le secteur du camionnage. À l'époque, le Sénat a exprimé l'avis que la déréglementation devrait s'accompagner de l'adoption d'un code national de sécurité routière, pensant que cela dissiperait les inquiétudes des gens au sujet des conséquences de la déréglementation.

L'adoption d'un code national de sécurité routière a continuellement été reportée. Ce code n'est toujours pas intégralement en vigueur. Certains provinces n'appliquent pas certaines dispositions du code, et neuf ans se sont pourtant déjà écoulés depuis que le Sénat a recommandé l'adoption d'un code national. Les statistiques manquent au sujet des accidents de camion. On parvient à compiler en quatre mois des statistiques sur les accidents ferroviaires, mais les statistiques les plus récentes dont nous disposons sur les accidents mettant en cause des camions commerciaux remontent à 1993.

En 1993, la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux a réexaminé l'idée d'abord formulée par un comité sénatorial de créer un code de sécurité routière national d'abord proposé par le comité sénatorial. La Commission a recommandé qu'advenant le cas où un code national ne serait pas mis en oeuvre avant le 31 mars 1994, le gouvernement fédéral récupère la compétence sur les questions de sécurité liées au transport interprovincial par camion. Or, nous n'avons toujours qu'un code de sécurité routière national partiel.

J'aimerais faire ressortir les problèmes qui se posent lorsque les normes en matière de sécurité routière varient d'une province à l'autre.

Le président: Je suis perplexe. Préconisez-vous que le gouvernement fédéral s'attribue la compétence en matière de camionnage interprovincial?

M. Richards: Oui. Lorsque qu'une province voit que le fait de permettre les plus gros camions possibles sur ses routes la rend plus concurrentielle que les autres, cela ne peut que l'inciter à appliquer certaines parties du code seulement. Je ne dis pas que l'application des normes provinciales est confiée à des incompétents, mais simplement que c'est ce qui se passe lorsque les normes sont provinciales. Les provinces se font nécessairement concurrence les unes aux autres. Si elles ne le faisaient pas, elles perdraient des emplois. Si la norme est nationale, les provinces auront moins tendance à rechercher l'avantage concurrentiel.

En conclusion, mon objectif en m'adressant à vous était de vous faire connaître notre groupe, de vous faire part des résultats du sondage que nous avons mené et de vous féliciter pour l'excellent travail que vous avez accompli il y a neuf ans.

Le sénateur Bacon: Serait-il préférable d'interdire les camions à deux ou trois remorques? Devrions-nous inciter le secteur du camionnage à trouver les moyens techniques voulus pour rendre ces camions plus sécuritaires?

M. Richards: Un comité scientifique fédéral-provincial a examiné les risques que posent les véhicules de cette taille ainsi que les divers mécanismes d'attelage sur le marché. Le comité a présenté en 1987 un rapport solidement étayé dans lequel il recommandait de fixer la norme nationale maximale à deux remorques de 28 pieds ayant conclu que les camions comportant trois remorques sont dangeureux. Les remorques plus longues ne demeurent pas dans la même voie lorsque le camion effectue un virage.

Depuis lors, quatre provinces ont excédé la norme nationale qui avait été recommandée. Elles permettent sur leurs routes des camions ayant trois remorques. Or, l'étude recommandait d'interdire les camions à trois remorques munis d'un mécanisme d'attelage A ou C. Quatre provinces permettent maintenant sur leurs routes des camions à trois remorques ayant des mécanismes d'attelage A ou C. Encore une fois, c'est parce que ces provinces veulent disposer d'un avantage concurrentiel par rapport aux autres provinces et que la façon de le faire c'est de ne pas appliquer la norme nationale qu'elles ne sont d'ailleurs pas tenues de faire respecter.

Le sénateur Bacon: Si le gouvernement fédéral était chargé de la réglementation du camionnage interprovincial, il faudrait qu'il verse des fonds aux provinces pour qu'elles appliquent la réglementation fédérale, n'est-ce pas?

M. Richards: Sans doute. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral finance les inspections routières. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais vous venez sans doute de soulever un point valable.

Le sénateur Bacon: Devrait-on envisager de réserver certaines voies aux camions sur les routes?

M. Richards: C'est une bonne idée du point de vue de la sécurité. Du point de vue économique, cependant, il faudrait veiller à ce que cela ne revienne pas à subventionner le secteur du camionnage. Si le fait de réserver certaines voies aux camions supposait l'octroi de subventions, cela défavoriserait les chemins de fer, ce qui aurait des conséquences au plan sécurité étant donné que, de façon générale, le transport ferroviaire présente moins de risques.

Le sénateur Spivak: J'ai été nommé au Sénat juste avant le début de l'étude sur la sécurité à laquelle vous avez fait allusion. Je me souviens qu'on craignait que la déréglementation ait une incidence sur la sécurité. On nous a cependant assurés que ce ne serait pas le cas et que la sécurité primerait toujours. C'est d'ailleurs ce qu'énonce la loi. Or, la réalité semble être tout autre.

Un article paru dans le Winnipeg Free Press rapporte que le nombre de gros camions sur les routes du Manitoba a augmenté de 52 p. 100. Cette augmentation est attribuable au fait que dans les Prairies, on préfère maintenant les camions aux élévateurs à grain et aux chemins de fer. Voilà ce qui explique ces énormes terminus. Les céréaliculteurs doivent se doter de gros camions parce que leurs petits camions agricoles ne suffisent pas à la tâche. Pourquoi? Parce qu'il leur faut parfois parcourir 100 milles. Étant donné le nombre de gros camions qui circulent maintenant sur les routes du Manitoba, la réfection de l'ensemble du réseau routier coûtera 18 milliards de dollars. Il ne s'agit pas de quelques routes seulement, mais de l'ensemble du réseau routier des Prairies. Les routes de cette région vont fourmiller de camions à plusieurs remorques.

Votre organisme est-il conscient de la situation générale dans le domaine des transports? Comment en tenez-vous compte? Le problème que vous décrivez ne se pose pas seulement sur les grandes autoroutes.

Vous venez de dire que le transport ferroviaire présente moins de risques que le transport par camion et que les chemins de fer ne touchent aucune subvention alors que le réseau routier est subventionné. Le secteur du camionnage rétorque que les taxes sur l'essence compensent pour ces subventions. Il y a donc aussi la question des taxes qui intervient. Nous venons d'éliminer la subvention du Pas du Nid-du-Corbeau qui représentait des débours d'environ un milliard de dollars par année. Cela défavorise encore davantage les chemins de fer. Maintenant nous devons consacrer 18 milliards de dollars à la réfection du réseau routier et les provinces, qui veulent conserver la compétence en matière de camionnage, souhaitent cependant que le gouvernement paie la note.

Comment peut-on s'opposer à une tendance qui est déjà irréversible?

M. Richards: Vous venez de mettre le doigt sur l'un des problèmes sous-jacents au problème fondamental que nous dénonçons. Pour que le système soit juste et équitable, il faut que tous les intervenants soient traités de la même façon. C'est l'un des aspects de la question. Un autre aspect consiste à se demander à quel problème il faut s'attaquer en premier. Tant la Saskatchewan que le Manitoba songent à excéder la limite de poids national. Dans ces provinces, la limite est fixée à 137 850 livres. Le Manitoba envisage maintenant de permettre que la limite de poids pour le transport du grain excède de 15 p. 100 la limite de poids nationale. Pour les camions qui transportent la potasse, la Saskatchewan voudrait même que la limite soit de 190 000 livres.

On a abandonné des embranchements ferroviaires secondaires, ce qui explique qu'on a augmenté la limite de poids pour les camions qui transportent le grain. Or, comme de plus en plus de grain est transporté par camion, de plus en plus d'embranchements sont abandonnés. On ne peut cependant pas désigner de coupable parce que la situation est très complexe.

La tendance qu'on a constatée jusqu'ici a trait au transport de produits sur de courtes distances, à savoir des distances de 100 à 200 kilomètres. Or, si l'on permet la circulation de camions ayant deux remorques de 48 pieds dans les corridors de l'ALÉNA qui vont du nord au sud, ainsi que sur les autoroutes transcontinentales, le problème va s'aggraver considérablement. On préférera alors les camions pour le transport sur de longues distances. Les chemins de fer ont perdu la partie pour ce qui est du transport sur de courtes distances, mais si l'on permet la circulation dans les corridors nationaux de camions ayant deux remorques de 48 pieds, ils vont aussi être supplantés par les camions sur les longues distances.

Le sénateur Spivak: La tendance ne peut être renversée que s'il devient plus rentable d'expédier des produits par chemin de fer que par camion, ce qui signifierait qu'il faudrait supprimer les subventions dont profite le secteur du camionnage. Lorsqu'on a démantelé le système de transport qui avait servi jusqu'ici les agriculteurs de l'Ouest, bien des gens ont d'abord recommandé au gouvernement de revoir toute sa politique en matière de transport. Voilà pourquoi nous nous retrouvons dans un tel pétrin.

M. Richards: J'aimerais préciser que notre association ne cherche pas à favoriser le transport par chemin de fer au détriment du transport par camion. Nous réclamons simplement des camions qui répondent aux normes de sécurité. Voilà notre mandat.

Le sénateur Spivak: Mais il faut nécessairement tenir compte des subventions.

M. Richards: Oui. Vous avez bien exposé le problème, sénateur.

Le sénateur Adams: Je me préoccupe de la limite fixée en ce qui concerne le nombre d'heures de conduite successives. La limite est de 13 heures. Cela inclut-il la pause-café ou s'agit-il de 13 heures d'affilée? C'est très long. Que dit le règlement?

M. Richards: C'est une question complexe. Il est question dans le règlement d'«heures consécutives». Je présume que cela signifie qu'on peut conduire un camion pendant 13 heures d'affilée. La moitié des entreprises de camionnage agit de façon très responsable et n'exige pas trop des camionneurs. On lit souvent dans la presse des reportages qui dénoncent les pratiques de certaines entreprises de camionnage et on entend aussi beaucoup de chauffeurs de camions formuler des plaintes à leur endroit. Les transporteurs exigent parfois que les camionneurs respectent à tout prix le délai de livraison, même si cela exige qu'ils dépassent la limite permise dans leur carnet de route. Évidemment, s'ils ont un accident, c'est eux qu'on blâme. S'ils refusent d'obtempérer, on les remplace.

Le sénateur Adams: S'ils livrent le chargement dans le délai prévu, touchent-ils une prime?

J'habite dans l'est d'Ottawa. Je m'attends à ce que les gros camions circulent sur les routes au milieu de la nuit, mais je trouve inacceptable qu'ils soient si nombreux sur ces mêmes routes à l'heure de pointe. Un règlement devrait leur interdire de circuler sur les grandes artères des villes pendant l'heure de pointe. Un camion de transport prend autant de place que trois voitures. Pensez-vous qu'on devrait interdire aux camions de circuler dans les villes à certaines heures?

M. Richards: La Californie le fait. Il faudrait sans doute d'abord évaluer l'incidence financière de cette mesure. C'est certainement une idée qui mérite d'être étudiée.

Le président: Comment votre organisme est-il financé?

M. Richards: Notre financement nous provient de trois sources: les syndicats des employés des chemins de fer, de l'Association de l'industrie ferroviaire et de particuliers. Au moment de sa création il y a deux ans, notre organisme n'avait pas un sou. Nous avons mis deux ans à découvrir que certains groupes étaient intéressés à nous financer.

Nous ne nous excusons pas d'avoir cherché des sources de financement à l'extérieur. Comme le gouvernement réduit les fonds qu'il accorde aux ONG, les organismes qui s'intéressent aux questions de sécurité doivent bien s'adresser aux entreprises pour obtenir du financement. J'espère bien que cela ne vous met pas mal à l'aise.

Le président: Pensez-vous vraiment que le fait pour les voitures d'être éclaboussées par les camions constitue un problème grave ou s'agit-il simplement d'un inconvénient?

M. Richards: Il ressort des enquêtes menées auprès des automobilistes que ceux-ci considèrent cela comme un problème. Je n'ai pas vraiment de statistique à vous donner là-dessus, mais le simple fait de percevoir un danger peut devenir source de danger étant donné que les gens ne réagissent pas toujours dans des cas semblables comme on s'y attendrait.

Le président: Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là?

M. Richards: Les automobilistes modifient parfois leur comportement lorsqu'ils se trouvent en présence d'un camion parce qu'ils se sentent menacés. Ils peuvent décider de changer abruptement de voie ou de freiner soudainement. Ainsi, si vous doublez un camion et que vous êtes aveuglé par l'eau qu'il projette sur votre voiture, pris de panique, vous pouvez soudainement freiner mais si quelqu'un vous suit. Autrement dit, la présence d'un camion peut amener un automobiliste à réagir de façon inattendue.

Le président: Pensez-vous qu'on devrait imposer un âge minimum en deçà duquel on ne pourrait pas conduire un camion?

M. Richards: Je ne pense pas qu'on pourrait fixer un âge maximum en raison de la Charte des droits. Il importe évidemment que la formation des camionneurs soit uniformisée à l'échelle nationale. Il faut se débarrasser des mauvais camionneurs. Les statistiques démontrent que ce sont les nouveaux camionneurs qui ont des accidents. La société J.B. Hunt a augmenté les salaires de ses camionneurs de 35 p. 100 parce qu'elle sait que si un camionneur reste à son service plus d'un an, il est susceptible d'avoir moins d'accident. Il importe cependant de donner une formation adéquate aux camionneurs et de prévoir des stages d'apprentissage à leur intention. Je ne tiens pas autant à un âge minimum qu'à des normes adéquates.

Le président: Faudrait-il aussi songer à délivrer les permis par étapes progressives?

M. Richards: Sans doute. C'est une bonne idée tout comme les stages d'apprentissage.

Le président: Vous pouvez sortir de la meilleure école de camionnage au monde et toujours être trop jeune pour conduire un camion de 64 pieds.

M. Richards: Les jeunes conducteurs ont tendance à avoir plus d'accidents parce qu'ils conduisent moins prudemment.

Le sénateur Adams: Vérifie-t-on seulement le poids des camions aux postes de contrôle?

M. Richards: On vérifie surtout le poids des véhicules, et à l'occasion on procède à une vérification mécanique. Je connais cependant un camionneur qui fait la navette entre Toronto et Montréal depuis 10 ans et qui dit n'avoir été arrêté qu'une seule fois pour une vérification mécanique.

Le sénateur Adams: La plupart des postes de contrôle sont de toute façon fermés.

Le président: J'aimerais que nous parlions des camionneurs qui consomment de l'alcool et des drogues, des barbituriques en particulier, pour demeurer éveillés, ainsi que des camionneurs qui falsifient leur carnet de route. Peut-être pourriez-vous nous dire quelques mots là-dessus. Devrions-nous obliger les camionneurs, en particulier ceux qui transportent des produits d'une province à l'autre ou à l'extérieur du pays, à se prêter au dépistage aléatoire des drogues?

M. Richards: Les camionneurs qui se rendent maintenant aux États-Unis doivent accepter ces tests.

Les mauvais transporteurs, qui composent de 30 à 40 p. 100 de ceux-ci, font des pressions visant à forcer les conducteurs à conduire plus d'heures. C'est en raison des pressions qu'exercent les répartiteurs et les expéditeurs que trop de camionneurs consomment des stimulants.

À titre d'exemple, l'amende à verser pour un chargement de pièces automobiles en retard est de 7 000 $ l'heure.

Le sénateur Spivak: Ces entreprises n'ont-elles pas tout le personnel voulu? Si elles demandent à quelqu'un de demeurer éveillé aussi longtemps, c'est pour une question de sous. Je suppose que leurs bénéfices diminuent s'ils embauchent plus d'employés.

M. Richards: C'est parfois le cas. Des chauffeurs nous ont dit qu'on leur demande de conduire des camions qui ne répondent pas aux normes de sécurité et de livrer leur chargement même s'ils doivent excéder la limite permise dans leur carnet de route sous peine de perdre leur emploi.

Le président: Il y a un instant, vous disiez que 30 à 40 p. 100 des entreprises de camionnage avaient recours à de telles pratiques.

M. Richards: Il ne s'agit pas d'une donnée statistique. Ce pourrait être 5 p. 100 d'entre eux qui le font.

Le président: Vous n'en êtes pas sûr?

M. Richards: Non.

Le président: C'est un chiffre alarmant. Si le pourcentage est vraiment aussi élevé, nous devrions empêcher tous les camions de circuler tant qu'ils n'auront pas été vérifiés.

M. Richards: Nous savons que l'an dernier, 33 p. 100 des camions ayant subi une vérification mécanique ont été mis hors service.

Le sénateur Spivak: En Ontario?

M. Richards: Il s'agit d'une moyenne nationale. Le pourcentage des entreprises à enfreindre les règles est sans doute inférieur à cela, car je soupçonne que les gros transporteurs de renom comptent plus de véhicules dans leur flotte.

Le président: J'aimerais que nous puissions continuer à vous poser des questions, mais nous devons partir. Nous vous remercions d'avoir bien voulu comparaître devant le comité. Nous ferons peut-être de nouveau appel à vous plus tard.

M. Richards: Nous serons heureux de vous être utiles. Je vais vous laisser un exemplaire de notre lettre de nouvelles ainsi que de notre sondage.

Le président: Je vous remercie, M. Richards.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


Haut de page