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SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 3 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


YELLOWKNIFE, lundi le 2 décembre 1996

Reprise de la séance.

[Traduction]

Le vice-président: Sénateur Forrestall, avez-vous une question à poser, ou voulez-vous que les témoins poursuivent, avant que vous ne posiez des questions?

Le sénateur Forrestall: Non, je tiens tout d'abord à remercier les témoins de leur patience et de leur compréhension, et je voudrais leur demander de commenter brièvement la question de la consommation de drogues et d'alcool et de dire si cela constitue un problème dans le Nord et dans les transports aériens.

Pour en rester aux généralités, faut-il instaurer des tests volontaires ou aléatoires obligatoires? Il n'y a peut-être aucun problème, et, dans ce cas, vous pourriez nous le dire.

M. Douglas: Ce n'est certainement pas un problème répandu, mais c'est une question dont nous sommes très conscients.

Comme je l'ai dit ce matin, nous nous intéressons beaucoup aux facteurs humains, et la formation concernant ces facteurs insiste sur l'observation des modifications dans le comportement et les mesures à prendre lorsqu'on décèle des changements. Nous avons des programmes de réadaptation et d'intervention pour éviter que ce problème ne menace la sécurité. Je ne pense pas qu'il y ait un gros problème, mais il se présente des cas à l'occasion.

Le sénateur Forrestall: Le programme d'aide qui est prévu relève de la NATA?

M. Douglas: Non. Il est coordonné par la NATA, et les exploitants eux-mêmes ont des programmes de sécurité qui les sensibilisent au problème et les aident à faire preuve de vigilance.

Le sénateur Forrestall: Est-ce un programme qui a l'approbation de Transports Canada ou de Santé et Bien-être social Canada?

M. Douglas: Du personnel de la médecine de l'aviation civile a participé à l'élaboration de cours sur les facteurs humains et des programmes de santé et sécurité au travail concernant ce problème.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que c'est un programme qui s'adapte aux besoins particuliers du Nord et semble efficace?

M. Douglas: Je dirais qu'il est efficace.

Le sénateur Forrestall: Peut-être est-ce que cela est moins perceptible ici, mais, avec l'entrée en scène de NAV CANADA, avez-vous remarqué des changements jusqu'à maintenant? Prévoyez-vous des changements dans cette sphère d'activité?

M. Douglas: Nous n'avons remarqué aucun changement. John Crichton a assisté à notre assemblée générale et fait un exposé. Il nous a donné l'assurance que le niveau de service assuré dans le Nord ne serait pas modifié sans qu'il y ait des consultations approfondies auprès de la Northern Air Transport Association et des gouvernements en cause.

John Crichton nous inspire une grande confiance. Il est un membre fondateur de la Northern Air Transport Association. Il connaît bien le Nord grâce à son expérience chez First Air; nous lui faisons confiance et nous croyons ce qu'il nous a dit.

Le sénateur Forrestall: C'est réconfortant. Vous n'avez remarqué aucun changement?

M. Douglas: Non, nous n'en avons remarqué aucun depuis que NAV CANADA a pris la relève. Il faut dire que cela s'est passé le 1er novembre. Mais je suis persuadé qu'il n'y aura pas de changements sans des consultations approfondies.

Le sénateur Forrestall: L'autre question qui m'inquiète, ainsi que d'autres membres du comité, j'en suis persuadé, ce sont les conséquences de la réduction du financement pour la sécurité. Étant donné les compressions gouvernementales et la nécessité de faire les choses aussi bien, mais différemment, avez-vous remarqué que cela avait des répercussions sur la sécurité?

M. Douglas: Nous nous sommes toujours beaucoup préoccupés des compressions dans les stations d'information de vol et de l'automatisation. Mais le pire est passé. Cela a donné lieu à des inquiétudes, et il y a eu des conséquences. Je crois que nous avons comblé les lacunes dans un certain nombre de cas.

Nous croyons que Transports Canada pourrait prendre des mesures pour réduire ses coûts et améliorer la sécurité, comme je l'ai dit dans mon exposé. Nous croyons que le rôle des Transports doit être d'exercer une surveillance et de déléguer le plus de responsabilités possible à des sociétés compétentes dans le secteur, avec plus de pouvoirs pour les pilotes inspecteurs et plus de mobilité. De plus, Transports Canada devrait faire ses vérifications ponctuelles d'une façon moins coûteuse que maintenant.

Le sénateur Forrestall: Voulez-vous dire que le ministère peut les faire ou devrait les faire?

M. Douglas: Transports Canada devrait déléguer les vérifications compétence pilote, les épreuves de vol aux instruments et les choses du genre. Cela se fait, mais très lentement. On pourrait faire plus vite.

Le sénateur Forrestall: Dans les petites entités, est-ce qu'il n'y a pas des risques de conflits d'intérêts, lorsqu'on fait à l'interne ce type de travail très délicat?

M. Douglas: C'est vrai. Mais il y a des moyens de compenser, et cela peut certainement se faire sans conflits d'intérêts.

Comme on l'a déjà dit, lorsqu'un candidat obtient sa licence de pilote professionnel-hélicoptère, Transports Canada ne le soumet pas à la PPC au même moment. Cela pourrait se faire en même temps.

Je crois que le président aurait quelque chose à dire sur la question des PPC.

M. Wood: En ce qui concerne l'autorité désignée pour les PPC, il incombe au transporteur d'assurer l'entraînement périodique, et la PPC est une deuxième vérification permettant de voir si cet entraînement se donne. Cet entraînement suppose une certaine périodicité, alors que, lorsqu'on obtient une licence de pilote professionnel, il faut procéder à la PPC immédiatement après l'épreuve de vol, ce qui fait double emploi. On ne devrait pas exiger de PPC la première année, puisque le pilote vient de faire la preuve de sa compétence.

Le sénateur Forrestall: Dans ces conditions, estimez-vous qu'il serait acceptable, lorsqu'on a fait un premier vol et réussi, d'attendre un an avant de se soumettre à une vérification de ses compétences?

M. Wood: Cela me semble logique: si on a réussi une épreuve de vol professionnel, on a fait la preuve de sa compétence. On a obtenu une licence de pilote professionnel. Le pilote devrait attendre 12 mois avant de devoir montrer qu'il a conservé ses compétences.

Le sénateur St. Germain: Est-ce de cela que vous voulez parler lorsque vous souhaitez une simplification de l'entraînement?

M. Douglas: Pas nécessairement, mais cela en fait partie.

Le sénateur St. Germain: Si ce n'est pas le cas, je suis désolé. Poursuivez.

Le sénateur Forrestall: Je vais poursuivre. Cette question est fascinante.

M. Wood: Ce sont seulement des anomalies dans la réglementation. Ce sont des détails, mais ils coûtent cher aux exploitants, et ces exigences ne prouvent pas grand-chose et ne contribuent pas nécessairement à renforcer la sécurité. Ce sont simplement des problèmes mineurs de la réglementation.

Le sénateur Forrestall: C'est l'exploitant qui paie cette épreuve de vol, ce contrôle de compétence, n'est-ce pas?

M. Wood: Effectivement. Parfois, l'étudiant a reçu sa formation dans une organisation et a obtenu une licence de pilote professionnel, mais elle ne lui permet pas de voler contre paiement ou autre rémunération. Il doit au préalable se soumettre à la PPC. Sa licence ne vaut rien, au fond, tant qu'un exploitant ne l'engage pas ou que Transports Canada ne le soumet pas à une seconde PPC. Cela coûte plus cher, sans faire quoi que ce soit pour améliorer la sécurité.

Le sénateur Forrestall: Quelque chose a dû m'échapper à un moment donné. Un exploitant paie pour qu'un jeune obtienne sa licence parce qu'il veut l'engager. Ce jeune a sa licence, mais il ne peut pas voler contre paiement ou rémunération tant qu'il n'a pas subi une vérification de ses compétences. J'aurais cru que ce devait être le contraire, que ce contrôle de compétence faisait double emploi. Il n'est peut-être pas nécessaire. Le pilote devrait peut-être obtenir son autorisation immédiatement. Est-ce ce que vous proposez?

M. Wood: Rod est en train de dire que, si un pilote d'hélicoptère reçoit son entraînement sur un appareil Bell 206 et a sa vérification sur un 206, il devrait avoir sa PPC sur le 206.

M. Douglas: C'est juste. Il devrait avoir au moins sa PPC sur le 206, parce qu'il a montré à l'inspecteur de Transports Canada qu'il peut le piloter en toute sécurité.

Le sénateur Forrestall: C'est intéressant. C'est très logique. Je n'y avais pas pensé.

M. Douglas: C'est tout ce que nous voulons, dans le Nord, un peu de bon sens.

Le sénateur Forrestall: Dans le même ordre d'idées, y a-t-il d'autres domaines auxquels nous n'avons pas songé?

M. Douglas: Nous pouvons en trouver d'autres.

Le sénateur Forrestall: Allez-y. Plus on est de fous, plus on rit.

Merci de votre grande franchise.

Le sénateur St. Germain: Je dramatise peut-être, mais, en matière de sécurité, je pense que ce qui aura le plus de conséquences, ce sera la réduction du nombre de stations d'information de vol -- leurs relations avec les installations CARS -- et le passage au système AWOS. Avez-vous reçu l'assurance qu'aucun de ces changements ne sera apporté sans que vous soyez consultés?

M. Douglas: Oui.

Le sénateur St. Germain: De M. Crichton?

M. Douglas: De John Crichton, de NAV CANADA. Il est également président de l'ATAC en ce moment. Il est un aviateur expérimenté dans le Nord, et il a donné et réitéré cette assurance, et nous le croyons. Nous lui faisons confiance, et je suis persuadé qu'il n'y aura plus de changements.

La NATA s'est beaucoup préoccupée des compressions et de la perte de stations d'information de vol et d'installations météorologiques, mais nous croyons que, avec NAV CANADA, nous sommes sur la bonne voie.

Le sénateur St. Germain: En ce qui concerne le nouveau cours de sécurité qui est exigé, ceux d'entre nous qui pilotent devaient le suivre avant le 6 décembre. Est-ce que c'est la même chose là-haut?

M. Douglas: Parlez-vous d'un cours sur la prise de décision, lorsqu'il s'agit de voler avec une visibilité réduite?

Le sénateur St. Germain: C'est un cours exigé de tous les pilotes tous les 24 mois. Autrefois, il suffisait de renouveler son examen médical pour avoir sa licence. Il y a maintenant une autre exigence qui est censée concerner la sécurité. Je parle d'expérience, puisque je viens de suivre le cours.

Je me demande comment cela s'est appliqué dans le Nord.

M. Douglas: Je ne pense pas qu'il y ait d'incidence sur la NATA. Vous devez parler des pilotes privés.

Le sénateur St. Germain: C'est strictement pour les pilotes privés?

M. Douglas: Oui, et nous nous occupons de pilotes professionnels, pas de pilotes privés. Vous parlez d'une vérification de compétence pour les pilotes privés. Au lieu de simplement renouveler leur examen médical, ils doivent tous les deux ans se soumettre à un contrôle ou à un examen de compétence. Cela n'a aucune incidence dans le Nord. Il ne s'agit que des pilotes privés.

Le sénateur St. Germain: Merci.

Le sénateur Forrestall: Ce contrôle est à vos frais? Combien cela vous coûte-t-il?

Le sénateur St. Germain: Seulement 10 $. Autrefois, je payais 40 $ pour l'examen médical. Il fallait aussi payer pour faire analyser l'électrocardiogramme. Les frais de licence ont augmenté, on a ajouté des frais d'administration de 50 $. Si on additionne tout, les coûts sont passés de 40 $ ou 50 $ à au moins 150 $.

La difficulté, à Ottawa, c'est qu'on ne sait à quel point la vie est difficile pour bien des gens à l'extérieur d'Ottawa. C'est vrai à Victoria, à Edmonton, partout. Les gouvernements disent que c'est seulement encore 10 $ par-ci, 50 $ par-là, mais nous avons au Canada des impôts sur le revenu très lourds; une fois tout payé, il ne reste pas beaucoup de revenu disponible.

Un grand nombre de jeunes pilotes qui viennent ici n'exigent pas de gros salaires. Comme vous le dites, ils veulent faire carrière et ils sont prêts à travailler pour un peu moins. Par conséquent, il arrive souvent qu'il ne leur soit pas facile de trouver l'argent. Je me demande si ces mesures ont des conséquences.

M. Douglas: Certainement. C'est l'une des choses que j'ai essayé de faire ressortir ce matin. On ajoute des droits par-ci et par-là, et on ne sait pas pour quelle raison. La licence de pilote coûte maintenant 150 $ au lieu de 40 $, et il faut payer les services.

Il y a une certaine inquiétude au sujet des frais de service de NAV CANADA. Je ne pense pas qu'on nous fera payer trop cher, dans le Nord. John Crichton nous a donné l'assurance qu'il s'agirait probablement de frais annuels, et pas trop élevés pour les petits exploitants, mais cela reste inquiétant. Même si les frais sont modestes, les petits exploitants finissent par porter un lourd fardeau économique. Les frais imposés pour toutes sortes de services finissent par devenir assez lourds.

Le sénateur St. Germain: Si une société tout juste rentable doit payer chaque fois qu'elle demande des informations météo ou fournit un plan de vol, je crois que cela finira par nuire à la sécurité, parce que ces transporteurs se diront: «Au diable, je ne vais pas payer 15 $ ou 20 $.» Ils vont essayer de se passer d'une bonne information météo ou d'éviter de déposer un plan de vol, et cetera.

M. Douglas: Bonne observation. Nous avons fait valoir ce point de vue auprès de NAV CANADA, et je crois que les responsables en sont conscients. Nous devons être sur nos gardes, parce que cela pourrait se produire. S'il y a des frais pour ces services, les transporteurs vont peut-être essayer de braver la météo ou de ne pas déposer de plan de vol. Ils ne feront peut-être pas d'appels radio. Bonne remarque.

Le sénateur Forrestall: Vous avez un grand respect pour M. Crichton, je sais, comme la plupart d'entre nous. Je n'ai pas encore pu mettre la main sur le plan d'entreprise de NAV CANADA. Je voudrais le voir pour que nous en sachions un peu plus long sur la manière dont il va s'y prendre pour trouver les ressources dont le sénateur St. Germain a parlé.

M. Douglas: C'est sûrement un sujet de préoccupation. C'est toujours un sujet d'inquiétude pour beaucoup de nos membres.

M. Laserich: Vous avez parlé d'Ottawa, sénateur. Ceux qui habitent à Ottawa peuvent sauter dans un taxi et se rendre à l'hôpital. Il doit y avoir une dizaine d'hôpitaux dans la région. J'ai vécu 36 ans à Cambridge Bay, à 460 milles au nord d'ici. Il n'y a pas d'hôpital, mais seulement un poste de soins infirmiers. Nous faisons des évacuations sanitaires dans toute la région de Kitikmeot, jusqu'à Resolute, au nord, et nous transportons les malades à Yellowknife, où se trouve l'hôpital le plus proche. Il ne suffit pas de sauter dans un taxi. Il faut parcourir de grandes distances.

Le sénateur Forrestall: Pouvez-vous nous parler des évacuations médicales? Combien d'appareils servent à cette fin? Où se trouvent-ils? Quels sont vos délais de réponse?

M. Laserich: Notre point d'attache est la région de Kitikmeot, que le sénateur Adams connaît bien. Mon père a volé dans cette région pendant 40 ans. Il y a eu à peu près six accouchements dans son avion.

Le sénateur Forrestall: À bord de l'appareil?

M. Laserich: Oui. Il fallait des jours à mon père pour faire une évacuation médicale. Je vais vous donner un bon exemple.

De Cambridge Bay à Pelly Bay, il fallait compter six ou sept heures en Single Otter. Par mauvais temps, il fallait s'arrêter, passer la nuit quelque part et descendre jusqu'à Yellowknife. Ces évacuations pouvaient prendre des jours.

Aujourd'hui, nous partons de Cambridge en Lear, et on est à Pelly Bay en 45 minutes. Puis, de Pelly jusqu'à Yellowknife, il faut compter une heure et demie ou une heure quarante, selon les vents. La technologie a amélioré les choses.

Il y a un service d'évacuation sanitaire ici même. Il y en a un à Kitikmeot, un à Inuvik, un à Baffin et un autre à Rankin.

M. Antoine a dit à quel point les services CARS étaient excellents, ici. En un sens, ils travaillent pour les compagnies aériennes régulières. Les employés de ces services suivent l'horaire de ces compagnies.

Si un transporteur à la demande doit faire une évacuation médicale à 3 heures du matin, il faut faire un interurbain à Yellowknife pour déposer un plan de vol, puis appeler un des employés CARS chez lui. S'il est parti à la chasse, par exemple, c'est l'infirmière qui donne les prévisions météo. On obtient l'autorisation et il faut trouver quelqu'un pour ravitailler l'appareil en carburant. Parfois, une niveleuse est passée sur les feux de piste, si bien que, pour avoir de l'éclairage, il faut sortir des motoneiges.

C'est bien différent d'une évacuation sanitaire à Ottawa. C'est très instructif.

Les exploitants CARS sont très bien payés pour être ainsi en disponibilité. C'est très intéressants. Nous pourrions passer des jours à parler de toutes sortes d'évacuations impeccables.

Le vice-président: Pour revenir sur une chose que vous avez soulignée, j'ai entendu dire que la municipalité d'Ottawa faisait des coupes budgétaires. Autrefois, lorsqu'on était malade, on appelait l'ambulance. Maintenant, ceux qui sont incapables de marcher doivent appeler un taxi pour se rendre à l'hôpital à Ottawa.

Vous avez parlé de marchandises dangereuses. Beaucoup de prospecteurs vont dans des coins reculés pendant un ou deux mois, l'été. Je pense que les transporteurs à la demande ont bien des problèmes à cause de la réglementation sur les marchandises dangereuses, par exemple.

Pourriez-vous expliquer davantage quels types de marchandises dangereuses vous pouvez mettre à bord d'un appareil nolisé?

M. Douglas: Il est presque impossible de faire notre travail en respectant la loi. Il ne nous plaît pas d'agir illégalement. Le problème est connu, et nous espérons trouver des solutions.

M. Wood: C'est un problème dont nous avons pris conscience lorsque les règlements ont été pris. La NATA a adopté des résolutions, et nous ne ratons pas une chance de discuter du problème avec les représentants des Transports. Il faut beaucoup de temps pour faire comprendre le côté pratique des choses. Les transporteurs du Nord sont très compétents. Willie Laserich, le père de Paul, a été un pionnier des évacuations sanitaires par Single Otter. Il est devenu un personnage légendaire, et il a mis au point beaucoup de techniques.

Il faut que le gouvernement reconnaisse l'expérience de gens comme Willie et s'en serve pour le plus grand bien des autres exploitants. Pour définir les procédures, il faut faire appel à ces connaissances sur le Nord, à cette expérience dans le Nord. Il faut qu'on nous consulte pour que les règlements soient applicables.

Les autorités réglementaires perdent la face devant les exploitants lorsqu'elles proposent des règlements mal pensés qui ne servent pas la sécurité. Nous voulons un mode d'exploitation pratique et sûr, mais nous avons un travail à faire, c'est-à-dire exploiter les ressources des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon.

Sur le plan pratique, notre économie a besoin de ces activités de développement. Nous devons les réaliser en ayant des transports sûrs, et nous avons besoin de la coopération de Transports Canada et de tous les gouvernements pour y parvenir. Notre pays a besoin de ce développement économique.

M. Laserich: Autrement dit, nous ne voulons pas qu'on pense à Ottawa que les habitants des Territoires du Nord-Ouest sont une bande de péquenots. Il y a un grand travail de pionnier à accomplir.

Nous exploitons le seul avion à réaction Lear au nord de Calgary. Nous nous rendons dans l'Arctique. Nous sommes allés à Tucson, et on nous a remis une plaque parce que nous sommes les transporteurs nord-américains qui vont le plus loin dans le Nord. Il faut des idées neuves pour faire ce genre de chose, et Ottawa devrait s'intéresser un peu plus de ce qui se passe ici.

Le vice-président: Lorsqu'on a commencé à exploiter des DC-6 dans le Nord, on transportait des barils de 45 gallons de carburant. De cette façon, on n'avait pas besoin d'atterrir pour se ravitailler, surtout avec de l'essence aviation 130. Nous avions les tuyaux et la pompe pour ravitailler de l'intérieur même des appareils.

Le sénateur Forrestall: Sur une soixantaine d'aéroports, sur combien de pistes pouvez-vous atterrir avec le Lear?

M. Laserich: Il n'y a que trois pistes asphaltées dans les Territoires: Rankin Inlet, Yellowknife et Inuvik. Dans 80 p. 100 des cas, les pistes sont en gravier. Nous avons un déflecteur de gravier qui a été conçu à Anchorage, en Alaska. C'est le seul en Amérique du Nord, et probablement dans le monde. Nous atterrissons généralement sur des surfaces dures en gravier.

Le sénateur Forrestall: Vous offrez de toute évidence de bons services très sûrs.

M. Laserich: Cette exploitation a commencé il y a quatre ans et demi.

Le sénateur Forrestall: Cela prouve quelque chose, n'est-ce pas?

M. Laserich: Effectivement.

Le vice-président: Merci beaucoup de votre temps. Vous nous avez appris beaucoup de choses, et nous espérons vous rencontrer à nouveau à l'avenir.

M. Douglas: Merci. Si nous pouvons vous être utiles, dites-le nous.

M. Kevin Elke (pilote principal de la base, Ptarmigan Airways): Je m'appelle Kevin Elke. Je suis pilote principal de la base pour First Air et Ptarmigan Airways, à Yellowknife.

M. Mike Muldoon (agent de sécurité de Northwest Territorial Airlines): Je m'appelle Mike Muldoon. Je suis l'agent responsable de la sécurité pour Northwest Territorial Airlines. Je suis pilote de Boeing 737 et j'ai aussi quelques autres fonctions comme agent de sécurité.

Nous avons décidé de faire notre exposé en partant de la question: «Que faut-il faire maintenant?» Nous avons déjà un bon niveau de sécurité.

Boeing produit des statistiques très intéressantes. D'ici l'an 2010, avec l'expansion actuelle de la flotte d'avions à réaction, il y aura chaque semaine une perte de coque quelque part dans le monde. C'est une statistique effrayante, quand on sait que le transport aérien fait partie de la vie courante dans le Nord. L'avion est comme un autobus scolaire; il circule sans cesse, et les habitants de la région comptent sur ce moyen de transport.

Notre objectif est de réduire les risques de perte de coque dans les Territoires du Nord-Ouest en éliminant les approches de non-précision, reconnues comme une manoeuvre dangereuse, mais que les pilotes pratiquent tous les jours. C'est la norme. Dans le Sud, on a des approches de précision au moyen de technologies nouvelles qui pourraient être utilisées de façon très efficace dans le Nord.

Boeing prédit également que, dans 50 p. 100 de ces pertes de coques, ce seront des pilotes qui feront s'écraser des appareils en parfait état. C'est un risque considérable dans le Nord, à cause des approches de non-précision, de l'absence d'ATC et d'altitude obligatoire. C'est dans ces conditions que nous travaillons, et nous croyons que c'est à cela que le comité devrait s'attarder.

M. Elke: Je voudrais dire quelques mots pour faire suite à l'intervention de Mike.

Dans notre compagnie, nous nous inquiétons un peu des compressions budgétaires. Il reste à voir comment NAV CANADA va mener les consultations publiques. J'ai volé à partir de Yellowknife pendant dix ans, et j'ai vu bien des abandons ou des fermetures d'aides à la navigation aérienne, de stations d'information de vol, et cetera, sans grandes consultations avec les gens sur place.

Par exemple, il y a une station météo à la mine d'or Lupin, à 250 milles au nord d'ici. Elle est financée conjointement par Echo Bay Mines, propriétaire de la mine, et les services atmosphériques et environnementaux. Il a été décidé, il y a trois ou quatre ans, de fermer ce qui était considéré comme une station météo sous-utilisée. Au même moment, il a été décidé de fermer la station de radio périphérique qui nous permettait de communiquer avec le service de vol de Yellowknife par l'entremise de Lupin.

Les responsables ont fermé la radio périphérique et parlé de fermer la station météo. Ils ont étudié les statistiques sur les mouvements d'appareils à Lupin. C'était au plus fort de la ruée vers les diamants, la période d'activité la plus intense qu'on ait jamais vue dans le Nord, et ils ont décidé qu'il n'y avait pas assez d'appareils qui atterrissaient à Lupin et qu'il fallait fermer la radio et aussi la station météo. Il y a eu tout un tollé.

Ils ont trouvé du financement pour la station météo. La radio a été fermée, mais je crois savoir, d'après la correspondance que j'ai reçue récemment, qu'ils vont la rouvrir.

Un peu de consultation aurait été très utile dans ce cas-là.

Le sénateur St. Germain: Vous parlez de radio périphérique. Est-ce que c'est ce qu'on avait autrefois autour de Vancouver?

M. Elke: C'est un répéteur. On parle dans un appareil quelconque à la mine, et le message est transmis à Yellowknife. C'est comme Arctic Radio et Baffin Radio, le long de la côte et à Baffin. On se trouve en fait à communiquer avec North Bay, en Ontario, par l'entremise du réseau d'alerte avancé.

C'est certainement un service intéressant, mais quelqu'un d'Ottawa a décidé arbitrairement que c'était une bonne occasion d'économiser quelques dollars, sans consulter les usagers. À cette époque-là, il y avait une foule d'avions là-bas, et c'est encore le cas aujourd'hui. Il n'y a jamais eu autant d'activité que ces six dernières années.

Un peu de consultation ferait le plus grand bien.

Le sénateur Forrestall: Il n'y a pas un politique à Ottawa qui soit assez brillant pour y avoir pensé.

M. Elke: Vous êtes probablement mieux placé que moi pour le dire.

Un tas de décisions qui nous sont imposées ici sont prises en fonction des mouvements d'appareils dans le Sud. Il y a 500 000 atterrissages et décollages par année, à Pearson; cet aéroport justifie donc un certain nombre d'aides à la navigation, de services radio et météo.

Même si le Nord est faiblement peuplé, nous y dépendons beaucoup de l'avion, puisque le transport aérien est le seul moyen de circuler. Le gouvernement doit prendre ses décisions en fonction des besoins plutôt qu'uniquement d'après le nombre de mouvements d'appareils ou la population. Les Territoires du Nord-Ouest n'ont une population que de 53 000 personnes, mais tout le monde se déplace par avion. Le nombre de mouvements n'est pas, à lui seul, un bon critère.

Il y a aussi la question de la longueur des pistes. Les aéroports de l'Arctique ont réussi à apporter de bonnes améliorations aux installations avec un budget limité, mais qui s'amenuise de plus en plus. Il aurait été utile de consulter la population au sujet de la longueur des pistes.

Dans nos localités autochtones, nous avons des pistes de 3 000 pieds, ce qui suffit pour un Twin Otter. Cela suffit aussi pour le King Air 200 qui sert aux évacuations sanitaires, à condition de ne pas insister sur ce qu'on appelle la longueur de piste équivalente, qui permet de prendre une certaine vitesse, de renoncer à décoller et de freiner sur le reste de la piste.

Dans la nouvelle réglementation, on a voulu imposer cette longueur de piste équivalente pour les appareils de navette. Cela nous aurait empêchés d'utiliser pour les évacuations sanitaires des appareils assez rapides pour que le patient arrive à l'hôpital dans des délais raisonnables.

Après beaucoup de tiraillements, les Transports ont fait marche arrière, et nous avons maintenant un sursis jusqu'au 10 décembre 2010, je crois. En ajoutant 500 pieds à ces pistes de 3 000 pieds on aurait répondu en grande partie aux besoins des usagers et on aurait amélioré la sécurité. L'enjeu, c'est la sécurité.

Enfin, ma société croit que, à cause des compressions budgétaires à Transports Canada, les mesures d'application et de surveillance des transports aériens dans le Nord deviennent de moins en moins concrètes et de plus en plus administratives. Nous passons tellement de temps à remplir des formulaires pour satisfaire au processus de vérification que nous n'avons pas le temps qu'il nous faudrait pour enseigner aux pilotes, concrètement, comment voler dans ces conditions. Nous souhaiterions des mesures d'application justes et équitables, et une approche plus directe et moins administrative.

Le sénateur St. Germain: Messieurs, vous avez parlé d'une perte de coque par semaine. J'avais déjà entendu la même chose, mais je croyais que les chiffres étaient plus élevés. Pensez-vous que les choses vont changer à ce point-là ici? Est-ce que Boeing ne parle pas des pertes de coque dans les régions plus peuplées?

M. Muldoon: C'est une moyenne dans le monde entier. Le mois dernier, il y a eu une perte de coque en Afrique, dans une région pas très peuplée.

Le sénateur St. Germain: Vous parlez du piratage?

M. Muldoon: Oui. Je ne sais pas si cela compte.

La perte précédente s'est produite en Amérique du Sud, au large des côtes du Pérou.

Le sénateur St. Germain: Oui. Il y en a eu une autre en Amérique du Sud hier.

M. Muldoon: Je n'en avais pas entendu parler.

Le sénateur St. Germain: C'était un Twin Otter.

À propos de la question des approches de non-précision et du GPS, vos inquiétudes tiennent-elles au fait qu'il n'y a ni surveillance, ni tour de contrôle?

M. Muldoon: Je crois que la descente est plus sûre lorsqu'elle est guidée par GPS plutôt que par NDB, car la plupart des GPS modernes peuvent donner un alignement. Le pilote a donc une meilleure idée de ce qu'il fait en approchant une piste. Dans les approches avec NDB, on s'oriente selon les indications d'une aiguille, et cela dépend de la qualité de la boussole. Le GPS est très précis.

Le sénateur St. Germain: Avez-vous dit que le niveau de danger augmentait?

M. Muldoon: Le risque des approches de non-précision augmente proportionnellement à l'intensité de la circulation aérienne. Plus il y a d'avions, plus les accidents sont probables; d'où la nécessité d'une meilleure technologie.

Le sénateur St. Germain: La NATA, qui a comparu avant vous, a dit qu'environ 80 p. 100 de son trafic était constitué par les avions-taxis de neuf passagers ou moins. Est-ce que le gros de ce trafic se caractérise par le vol à vue ou le vol aux instruments?

M. Muldoon: Pour nous, ce sont presque uniquement des vols aux instruments.

Le sénateur St. Germain: Oui mais, pour eux, est-ce qu'il y a conflit entre vol aux instruments et vol à vue?

M. Muldoon: En ce qui concerne le trafic?

Le sénateur St. Germain: Oui.

M. Muldoon: Parfois. Cela se passera ici même, à Yellowknife. Il y a environ six semaines, nous avons eu un incident dans lequel le TCAS nous a probablement évité un grave accident à moins de quatre milles de l'extrémité de la piste, à Yellowknife.

Le sénateur St. Germain: Je m'inquiète des stations météo, et je me suis saisi de ce problème. Toutefois, il est difficile de combattre quelque chose lorsqu'on y est mêlé. Il est bien préférable d'être indépendant, sans conflit d'intérêts.

Dans le Nord et dans certaines régions de la Colombie-Britannique, le temps peut changer deux ou trois fois en une heure à cause des chaînes de montagnes, par exemple.

Je connais un grand nombre des personnes en cause depuis que j'ai été ministre d'État aux Transports. On leur a simplement dit de faire des coupes. Même si elles savaient qu'il serait plus difficile de voler, elles ont dû fermer des stations. On en a fermé certaines en Colombie-Britannique auxquelles on n'aurait jamais dû toucher. La fermeture de répéteurs devait fatalement avoir un impact sur la sécurité.

Je ne sais pas comment me faire entendre dans le système. Peu importe qui est au pouvoir, Libéraux et Conservateurs.

M. Elke: On en revient encore aux consultations. Le SEA, c'est tout à son honneur, a mené des consultations, à un moment donné, sur les services de prévision. Tous les transporteurs et toutes les collectivités se sont fait dire qu'il fallait réduire les prévisions à un certain nombre par jour, et on leur a demandé quand ils voulaient les avoir. C'était mieux qu'aucune consultation du tout.

Tout se résume à l'application d'un processus de consultation réaliste, pas une simple réunion pour nous dire ce qui s'est déjà fait. C'est ce qui met les gens hors d'eux.

La même chose s'est passée dans le cas de l'AWOS. On l'a imposé à tout le monde avant qu'il ne soit vraiment prêt. Il subsiste encore du ressentiment à ce sujet-là. C'est plus important dans le Nord parce qu'on y manque de stations. De Yellowknife à Baker Lake, il y a la même distance qu'entre Calgary et Brandon, et il n'y en a aucune. Il y a un AWOS minable à Fort Reliance, depuis qu'on y a fermé la station météo, et l'information fournie est tellement inutile que personne ne se donne la peine d'aller la chercher.

Dans le genre de travail que je fais, on vole à vue ou aux instruments. Je pilote des Twin Otter. Nous faisons la navette entre ici et Baker Lake, et nous volons en plein dans les perturbations météorologiques, pas au-dessus, à 35 000 pieds. Il serait certainement agréable de savoir ce qui se passe entre ici et là-bas.

Les systèmes AWOS ne produisent pas des renseignements sûrs; pourtant, c'est à partir de ces renseignements que les prévisions sont faites. S'il y a du cafouillage dans l'information, les prévisions sont inexactes. Quand on doit voler de Yellowknife à Pelly Bay par une nuit noire et par mauvais temps et que la qualité de l'information est suspecte, on prend vraiment des risques. Il y a des prévisions du temps à Pelly Bay, s'il y a un système AWOS, ce qui n'est pas sûr. À Cambridge Bay, on se servait d'un système AWOS, mais cela a été annulé. Il y a maintenant à la fois le système AWOS et des observations directes à Cambridge.

Si Cambridge Bay est choisie comme destination de rechange, quand on ne peut pas se rendre à l'endroit prévu, et si on doit faire ce choix d'après des prévisions déduites de renseignements contestables, que se passe-t-il si on arrive là-bas et que les prévisions se révèlent fausses aussi?

Les distances sont considérables. Il faut y réfléchir sérieusement avant de faire des coupes arbitraires ici, car les ressources sont très limitées.

Le sénateur St. Germain: Vous avez entendu les témoins précédents parler des PPC. Est-ce que cela fait partie des difficultés d'administration dont vous avez parlé? Auriez-vous quelque chose à proposer, comment pourrions-nous dire à Transports Canada qu'ils sont en train de démolir ces gens-là? Au lieu de former des pilotes et de maintenir leurs compétences à niveau, ils doivent passer tellement de temps à remplir des formalités administratives que cela n'a aucun sens.

Je ne veux pas vous embarrasser. Je comprends que vous ne soyez pas à l'aise pour répondre. Transports Canada voit tout et entend tout. Je l'ai constaté.

M. Elke: Je tiens à jouer cette carte comme il faut.

Pour commencer, cela n'a pas de conséquences pour ma compagnie qui a des appareils à voilure fixe. J'ai obtenu ma licence polyvalente de vol aux instruments sur un Beech Travelair, et je pilote maintenant des Twin Otter et des G-1; il n'y a pas transfert de compétence d'un appareil à l'autre. Ce ne sont pas les mêmes appareils.

Je parle de l'administration en général. Transports Canada semble croire que, en multipliant les formalités administratives, on garantit mieux la sécurité des transports aériens. Ce n'est pas vrai. La tendance s'accentue au gré de la réduction des effectifs. Les inspecteurs passent moins de temps en déplacement, ils restent à leur bureau et brassent des papiers, et nous devons faire face à cette paperasse.

Les compagnies aériennes produisent déjà assez de paperasse sans qu'on vienne en ajouter de l'extérieur. Ce que je dis, c'est que Transports Canada a moins de contacts directs sur le terrain. Ce n'est pas que j'apprécie qu'on m'épie de derrière un arbre ou un rocher pour compter le nombre de barils que je monte à bord de mon appareil, mais alourdir l'administration n'améliore en rien la sécurité. On n'améliore rien en multipliant les formalités administratives.

Le sénateur St. Germain: Est-ce qu'il existe une division des normes qui soumet les pilotes à des vérifications ponctuelles, par exemple?

M. Elke: Cela a toujours existé. Nous ne voyons pas les inspecteurs très souvent, mais ils viennent pour ce qu'ils appellent les contrôles routiers. Il y a les examens PPC. Nous en faisons un bon nombre chez nous, avec des pilotes inspecteurs de la compagnie.

Le sénateur St. Germain: Vous avez vos propres normes internes?

M. Elke: Il faut. Les éléments fondamentaux sont imposés, mais il incombe aux compagnies de composer leur propre programme de formation, par exemple. C'est là un autre domaine dont on pourrait discuter.

Le ministère des Transports s'attend que les compagnies créent leurs programmes de cours, mais il ne dit aucunement comment il faut s'y prendre. Il faut présenter des propositions les unes après les autres jusqu'à ce qu'il soit satisfait. Il devrait nous dire ce qu'il veut dès le départ.

Le sénateur St. Germain: Est-ce qu'une compagnie doit avoir un certain nombre d'appareils avant qu'on l'oblige à faire des vérifications internes?

M. Elke: Les normes varient en fonction de la taille des appareils, pas de leur nombre. Qu'on ait un seul 737 ou six, cela ne fait aucune différence.

Le sénateur Forrestall: C'est étrange. J'aurais cru qu'il y aurait des changements selon qu'il y a un ou 20 appareils.

Quels sont les problèmes qui entraîneront une perte de coque par semaine en 2010? Que faut-il faire aujourd'hui pour que cette statistique soit différente dans 15 ou 25 ans?

M. Muldoon: Nous devons implanter plus de systèmes d'approche de précision dans le Nord et voir où nous allons les implanter -- ainsi que le radar ATC pour contrôler la circulation aérienne.

Le sénateur Forrestall: Vous voulez parler de moyens électroniques?

M. Muldoon: Effectivement. Un récepteur-transmetteur GPS à bord de l'avion pourra communiquer la position de l'avion à un satellite qui, à son tour, pourra la retransmettre à la terre. Les radars tels que nous les connaissons aujourd'hui pourraient être complètement dépassés dans cinq ans et remplacés par une solution beaucoup moins coûteuse.

Transports Canada a fait une étude selon laquelle il est possible d'installer un récepteur GPS dans chaque avion, de fermer un grand nombre de VOR au Canada et d'économiser ainsi 1 million de dollars dès la première année. Avec l'évolution de la technologie, les changements dans les coûts d'exploitation sont difficiles à suivre.

Il y a deux ou trois systèmes disponibles. Il y a également des systèmes d'atterrissage avec transpondeurs.

Le sénateur Forrestall: Pour en revenir à ma question, quels sont les problèmes existants qui entraîneront ces pertes de coque, et que pouvons-nous faire aujourd'hui pour que cette statistique soit différente?

M. Muldoon: La cause du problème, ce sont les moyens d'approche inadéquats.

Le sénateur Forrestall: Comment cela cadre-t-il avec les efforts qui se font actuellement pour avoir de plus en plus d'approches VFR pour les transporteurs commerciaux? S'agit-il d'économiser temps et argent?

M. Muldoon: C'est que les appareils sont plus gros. Alors qu'il y avait autrefois un vol par semaine par Single Otter, il y a maintenant un 748 deux fois par jour et un Boeing trois fois par semaine. Lorsque des appareils plus gros et plus rapides utilisent les mêmes installations qu'un Single Otter utilisait autrefois, les risques augmentent.

Le sénateur Forrestall: Un secteur de la technologie n'arrive pas à en suivre un autre qui exige un plus haut degré de perfectionnement.

M. Muldoon: Oui, c'est une bonne façon de présenter les choses. Nous utilisons avec des jets modernes la même technologie qu'il y a 30 ans. Nous devons améliorer notre technologie.

Le sénateur Forrestall: Notre Loi sur l'aéronautique a été rédigée il y a 60 ou 70 ans. Ce n'est pas étranger au problème.

M. Muldoon: Ce qui était bon à l'époque ne vaut plus rien aujourd'hui.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous d'accord là-dessus, capitaine?

M. Elke: Je ne suis certainement pas en désaccord. Il y aura toujours des accidents. On ne peut pas les éliminer à coup de législation et de formation. La flotte mondiale augmentant, tout comme le nombre d'heures de vol, il y aura plus d'accidents. Nous pouvons apporter quelques améliorations, mais il y aura toujours des appareils qui s'écraseront.

Il nous faut des lois sensées, et, dans bien des cas, elles ne le sont pas. Elles sont souvent conçues pour servir les fins du gouvernement. On en revient au problème de la consultation des usagers.

Il est important de surveiller les transporteurs qui ne font pas ce qu'ils doivent. La plupart des transporteurs se surveillent eux-mêmes. Nous entraînons nos pilotes parce que nous ne voulons pas qu'ils démolissent nos appareils. Mais il y a des petits transporteurs très inquiétants qui continuent de voler. Je peux vous en nommer. Keeley Air, sur la côte ouest, est l'un des plus connus. Il y a eu toutes sortes d'histoires d'horreur.

Il faut régler ces problèmes avant qu'il y ait des pertes de vie, pas après. On dirait que c'est toujours la même chose: les transporteurs qui ont des problèmes ne les règlent pas tant que quelqu'un ne s'est pas fait tuer. Il faut prendre les devants, pas réagir après coup.

Le sénateur Forrestall: Sommes-nous assez exigeants pour les transporteurs qui arrivent sur le marché?

M. Elke: Il faut aller voir en personne. On en revient au problème d'administration. Il semble que, tant que les papiers sont en règle, tout va bien. Mais on ne peut pas tout faire avec du papier. Ce n'est pas parce qu'un transporteur est un nouveau venu qu'il n'est pas sûr, loin de là. Mais on ne peut pas se limiter aux procédures administratives.

M. Muldoon: Est-ce que cette question concerne le transporteur ou le personnel que le transporteur s'apprête à engager?

Le sénateur Forrestall: Les deux. Nous avons eu quelques histoires d'horreur avec des nouveaux venus dans les transports commerciaux dans le Sud. Je suis sûr qu'il y en a eu dans le Nord également.

M. Elke: Il y a beaucoup de très petits exploitants qui ont fort peu de moyens. J'ai travaillé pour l'un d'eux, au Manitoba. Il aurait fallu fermer cette entreprise, mais ses rapports n'étaient pas mauvais, et elle a continué. Transports Canada savait que tout n'allait pas pour le mieux, mais tant que les rapports étaient satisfaisants, il n'y avait rien à redire.

Le sénateur St. Germain: Il y a un délicat équilibre à trouver entre un excès de rigueur envers les nouveaux venus et une attitude équitable envers eux.

M. Elke: Excellente observation. On peut aussi tuer l'industrie de cette façon. Il faut faire de la place aux nouveaux transporteurs, ou nous finirons tous comme les dinosaures.

Le sénateur Forrestall: Est-ce que les exigences à l'entrée sur le marché sont suffisantes? Nous sommes en 1996. Que je sache, ces exigences n'ont jamais changé.

M. Elke: Elles ont sûrement changé avec la nouvelle réglementation sur les transports aériens.

Le sénateur Forrestall: Au fur et à mesure que nous avons acquis de meilleures connaissances et que nous avons dû nous adapter à une technologie plus complexe et perfectionnée, il y a eu des changements, bien sûr, mais seulement par nécessité. Agir par nécessité ne suffit pas, car on agit alors toujours après coup.

Si on tient bien ses livres, on peut se tirer d'affaire pendant un certain temps. Je faisais autrefois des garnitures de frein. Je chargeais quelques batteries à 4 h 30 du matin pour qu'un avion puisse faire un vol et nous donner un peu d'argent pour payer les employés. Ce n'était pas bien. C'était il y a 35 ou 40 ans. Cela laissait déjà à désirer à l'époque, mais il est probable que cela se passe encore. Les exigences n'étaient pas un gros problème. Nos livres étaient assez bien tenus.

Bien sûr, j'exagère. Nous avions de l'équipement moderne qui était excellent.

Est-ce que nous soumettons les personnes et le matériel à un examen assez exigeant? Si nous ne le faisons pas, c'est pour moi un problème de sécurité.

Il est arrivé que le ministère accorde une licence d'exploitation à un transporteur dans le Sud et la révoque dès le lendemain. C'est inquiétant. Par contre, il est sans doute rassurant qu'il soit intervenu si rapidement, mais il ne s'est ressaisi qu'une fois le danger devenu évident. Ce genre de chose-là m'inquiète.

M. Muldoon: Dans l'ensemble, les exigences pour les nouveaux venus sur le marché sont satisfaisantes. Il s'agit que l'organisme de réglementation les fasse respecter.

Le sénateur Forrestall: Je ne suis pas satisfait de la manière dont on vérifie l'entretien de la cellule. Celui qui vend un avion peut dire qu'il a fait 418 cycles depuis la dernière révision alors qu'il en a fait 20 000. Je ne sais pas comment vous vérifiez cela.

M. Elke: Il y a des dossiers sur les composants. On contrôle l'utilisation de l'appareil et de toutes ses pièces.

M. Muldoon: Cela peut se faire, et se fait effectivement.

Le sénateur Forrestall: Vous avez un système complexe de registres qu'on peut vérifier. Les nouveaux venus n'ont pas cela. Néanmoins, je trouve réconfortant d'entendre que cela ne vous inquiète pas.

Le sénateur Bacon: Les transports aériens sont déréglementés depuis une dizaine d'années, et l'accord Ciels ouverts avec les États-Unis a été signé il y a deux ans. Est-ce que ces deux événements, pris ensemble, ont nui à la sécurité?

M. Muldoon: Je ne le crois pas. Je crois qu'ils ont eu pour seule conséquence de faire augmenter le nombre d'appareils qui volent, ce qui fait augmenter les risques d'accident, simplement parce qu'il y a plus d'appareils. Je ne pense pas que cela ait nui à la sécurité en soi, pourvu que les normes d'entrée soient maintenues. Voilà l'essentiel.

Le sénateur Bacon: Quels ont été les effets sur la sécurité des règlements sur la durée de vol et les heures de service pour les pilotes et les équipages?

M. Elke: Cela dépend du point de vue. Sur le plan de la rentabilité, cela entraînera sûrement des difficultés dans le Nord. Une partie de l'activité de ma compagnie est saisonnière. Nous faisons des affaires lorsque le soleil brille. C'est très semblable aux services d'hélicoptère.

Je ne pense pas qu'il y aura des répercussions négatives sur la sécurité. Le fait que les pilotes et équipages pourront faire moins d'heures nuira certainement à la rentabilité de tous les transporteurs. Et si personne ne vole, personne ne s'écrase.

Cela nuira certainement à la rentabilité des transporteurs de tout le Canada. Nous sommes en ce moment en train d'essayer de voir quel sera l'impact. Ce n'est pas un problème pour l'instant, puisque c'est l'hiver, mais il y aura des conséquences l'été prochain. Il faudra avoir plus d'employés et former plus de monde. Il faudra faire plus avec les mêmes ressources.

Au lieu de très bien former cinq personnes, il faudra maintenant en former sept, mais un peu moins bien, puisqu'on n'a ni le temps, ni les ressources nécessaires. Cela, à cause de la réglementation aérienne.

Le sénateur St. Germain: Les témoins précédents ont dit qu'il y avait une différence entre voler dans le Nord et voler dans le Sud. Convenez-vous que les pilotes devraient pouvoir faire plus d'heures ici, sans que la sécurité soit compromise, que n'en font les pilotes qui affrontent le stress des grandes villes?

M. Elke: Voler du point A au point B est moins stressant lorsqu'on n'a pas à se préoccuper autant du contrôle de la circulation aérienne.

Pour le reste, je préfère ne pas commenter.

Le vice-président: Les témoins précédents ont parlé surtout des courtes distances entre les localités, par exemple. Un pilote professionnel peut partir de Calgary ou d'Edmonton, se rendre jusqu'à Yellowknife et Rankin, puis jusqu'à Iqaluit. La situation est différente. Ici, on peut avoir de longues heures de vol, surtout pendant l'été. Au moins, on ne vole pas au-dessus des nuages, à 36 000 ou 40 000 pieds. La plupart des petits hélicoptères et des petits appareils nolisés volent aux environs de 20 000 pieds. Votre compagnie fait davantage de vols commerciaux, comme dans le Sud. Vous avez des avions à réaction. Les Twin Otter et les petits avions à flotteurs sont peut-être un peu différents.

M. Elke: Il y a certainement des différences entre le type de travail que peuvent faire un hélicoptère, un Twin Otter, un Hawker Siddeley 748 et des Boeing. Il est difficile d'arriver à des règles rigides là-dessus.

D'après ma compagnie, les heures de vol que nous avions avant le nouveau règlement aérien convenaient parfaitement, mais les points de vue là-dessus varient.

Le sénateur St. Germain: Vous pensez qu'il faudrait passer de 180 à 150?

M. Elke: En fait, 120, avec prolongation à 150, pour la plupart des appareils dont j'ai à m'occuper.

Le sénateur St. Germain: Et c'était?

M. Elke: C'est présentement à 120, avec prolongation à 150.

Le sénateur St. Germain: Et c'était?

M. Elke: On est allé jusqu'à 180, à une époque. On pouvait obtenir une prolongation jusqu'à 180.

M. Muldoon: Chez Territorial, nous avons les deux extrêmes. En ce qui concerne les Herc, c'est davantage du taxi aérien avec des Twin Otter, ce qui est en grande partie un travail saisonnier. Sur les Boeing, c'est du travail de ligne aérienne, avec beaucoup de vols entre destinations fixes.

Comme il a été dit plus tôt, cela dépend de l'endroit où il faut aller. S'il faut traverser quatre fuseaux horaires et descendre dans un hôtel bruyant, on est complètement déphasé lorsqu'on se présente au travail le lendemain à cause du décalage horaire. De retour à Toronto, on est encore déphasé. Il faut emprunter la 401 pour rentrer à la maison. C'est un trajet qu'on a peut-être fait le matin de la veille. Le moment le plus dangereux de la journée est celui du trajet en voiture sur la 401, vers l'aéroport. Il est possible que le pilote soit fatigué au moment de commencer à travailler.

J'habite à Yellowknife. Il me faut dix minutes pour aller au travail lorsqu'il y a beaucoup de circulation. Quand on rentre chez soi dormir dans son propre lit, il y a moins de stress que quand on passe la nuit dans un hôtel bruyant d'une autre ville.

Le vice-président: Je me demande ce que deviendra la sécurité lorsque le Nunavut assumera la responsabilité, en 1999. Il y a des appareils qui prennent de l'âge. La compagnie a-t-elle les moyens de moderniser?

M. Elke: Comme tous les transporteurs, la compagnie se préoccupe du vieillissement de sa flotte. Nous avons de vieux Hawker Siddeley 748. Je présume que, dans le Sud, on dirait que ce sont de vieux appareils.

Les appareils neufs coûtent cher. C'est un facteur qui entre fatalement en ligne de compte. Je ne peux pas mettre des mots dans la bouche de ceux qui doivent signer le chèque.

Quant à l'incidence sur la sécurité, si nous voulons une nouvelle génération d'appareils, il nous faudra des pistes plus longues dans beaucoup de localités. Trois milles pieds ne suffiront pas.

Nous avons fait une étude approfondie du remplacement des Hawker. Les candidats sont l'ATR 42 et le Fokker 50. Il leur faut des pistes plus longues. L'époque des pistes d'atterrissage et de décollage courtes est révolue. On construit des Dash 8 et des ATR 42, qui exigent de très longues pistes. Nous aurons du mal à adopter ces appareils dans le Nord à moins que les infrastructures ne soient en place.

M. Muldoon: En ce moment, il n'y a rien qui puisse remplacer le 732-200 Combi. La dernière génération de 737 ne peut pas se contenter de pistes de gravier. Par contre, ils peuvent rouler sur les pistes si elles sont asphaltées. En ce moment, notre seule destination de vols réguliers avec piste de gravier est Cambridge Bay. Les pistes sont assez longues pour les nouveaux 737, mais il faudra les asphalter.

Quant au problème du vieillissement, les avions sont soumis au programme d'entretien de Boeing, et ils sont revus chaque année.

Le vice-président: Perdez-vous beaucoup de temps l'hiver à cause d'une météo qui vous force à changer de destination?

M. Muldoon: Oui. Cambridge et Rankin Inlet sont de mauvaises destinations. Il y a beaucoup de blizzards.

Lorsque je travaillais dans le Nord, il est arrivé que nous ne puissions pas aller à certains endroits pendant deux semaines à cause du mauvais temps au point de départ ou au point d'arrivée. C'est ainsi que les choses se passent dans le Nord, et cela va continuer tant que nous n'aurons pas les approches de précision. Même les approches de précision ne régleront pas les problèmes causés par beaucoup de tempêtes de neige. Lorsqu'il y a du vent au sol, il arrive souvent qu'on ne voit pas la piste en la survolant. C'est dans les 20 derniers pieds dans la poudrerie qu'on est aveuglé.

Le vice-président: Merci beaucoup. Nous espérons vous revoir.

La séance est levée.


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