Délibérations du sous-comité de la
Sécurité
des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 5 - Témoignages pour la séance du matin
VANCOUVER, Le jeudi 5 décembre 1996
Le sous-comité de la sécurité et des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 34 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.
[Traduction]
Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.
Le président: Je tiens à souligner que cette audience concerne la sécurité et les transports de manière très générale.
Nous sommes heureux d'avoir parmi nous aujourd'hui des témoins représentant une très vaste gamme d'intérêts. J'invite maintenant M. Lloyd a présenter ses collègues.
M. G. N. (Jerry) Lloyd, président-directeur général, British Columbia Aviation Council: Monsieur le président, je vais présenter les membres du groupe qui vous parleront à tour de rôle des divers sujets dont ils désirent vous faire part au cours de cette audience.
Je suis accompagné de Terry Wolfe-Milner, président de Heli-Logging Consulting et président du comité de la formation, de la sécurité et de l'aviation générale, pour le British Columbia Aviation Council; il y a aussi Stan Kaardal qui a travaillé dans le domaine de l'aviation sur la côte ouest pendant une grande partie de sa vie et qui connaît très bien la partie nord de la côte de la Colombie-Britannique; il y a également Terry Shields, membre du Groupe des opérations aériennes du British Columbia Aviation Council et directeur des opérations de Kwatna Air Service à Chilliwack.
M. Terry Shields, Groupe des opérations aériennes, British Columbia Aviation Council: Honorables sénateurs, je pilote des avions depuis 15 ans à partir de Chilliwack, jusque dans les parties centrale et nord de la côte; c'est dire que je connais bien la question. Les aviateurs font face aujourd'hui à la plus grande menace à la sécurité aérienne qu'ils aient jamais vécue sur la côte ouest. La décision de la Garde côtière d'automatiser tout le réseau des phares et de le remplacer par un système inférieur, soit le système automatique d'observation météorologique (AWOS), est non seulement irresponsable, mais révèle un manque flagrant de respect pour la vie des gens qui dépendent du système. Cette décision révèle un manque total de respect pour les usagers qui ont participé de temps à autre à des audiences publiques où ils ont déclaré à bon droit que l'automatisation compromettrait gravement la sécurité des transports aériens et maritimes.
Tout le processus de consultations publiques a été mené par la Garde côtière avec des idées préconçues; il était évident que la décision avait été prise avant toute réunion publique. On est venu entendre les témoignages, mais sans la moindre intention d'écouter ceux qui savent ce que cela signifie, ceux qui savent ce qu'on risque lorsqu'on essaye de prendre des décisions opérationnelles sûres, à partir de bulletins météorologiques, des décisions qui peuvent avoir des conséquences fatales, si elles sont erronées.
Le temps est venu de cesser d'écouter les politiques parler de compressions budgétaires et de commencer à prêter l'oreille aux usagers qui parlent de sécurité. Le prix de la sécurité ne devrait pas être limité par les restrictions budgétaires. Si on le fait, on met alors un prix sur une vie humaine, et j'espère que le gouvernement n'en est pas rendu à ce point.
On parle des sommes épargnées grâce à l'automatisation. L'ampleur de ces économies n'a pas encore été divulguée. Du point de vue d'un usager, si l'exploitation de tout le système AWOS devait coûter un dollar, ce serait un dollar gaspillé. Le système est peu fiable; il n'a par conséquent pas de valeur pour les usagers. En tant qu'exploitant, nous ne pouvons pas en toute conscience, prendre des décisions opérationnelles sûres à partir des renseignements fournis par AWOS, des renseignements qui ne sont pas nécessairement à jour, qui ne sont pas nécessairement exacts, qui ne sont pas nécessairement complets, et qui ne sont peut-être même pas nécessairement disponibles.
Sans renseignements météorologiques fiables, les pilotes sont forcés d'aller voir «de visu», ce qui est l'aspect le plus dangereux des vols le long des côtes.
Cela dit, je ne suis pas ici pour souligner les lacunes du système AWOS. En tant que pilotes, nous estimons qu'AWOS est nécessaire, mais pas comme système principal d'information météorologique. Je suis ici aujourd'hui pour vous offrir ce que le Groupe des opérations aériennes estime être une solution réalisable pour avoir un système fiable et rentable d'informations météorologiques.
À l'heure actuelle, toutes les parties concernées s'entendent pour dire que nous avons besoin d'un système fiable; cela ne fait aucun doute. Un désaccord existe quant à ce que chaque partie estime être fiable. D'un coté, il y a les aviateurs et les navigateurs, les gars qui vont au front tous les jours. Ils sont exposés aux éléments et aux aléas du temps sur la côte ouest et ils utilisent toutes les bribes d'information provenant de toutes les sources possibles pour prendre la bonne décision. D'un autre côté, il y a les politiques et les bureaucrates assis dans un bureau climatisé à 2 500 milles de distance et qui ont seulement entendu dire qu'il y a des gens qui vivent dans des phares et qui coûtent au gouvernement 3,5 millions de dollars par an. Ce qu'ils font, je ne pense pas qu'ils le savent vraiment.
Les décisions concernant la nécessité du système de bulletins météorologiques sur la côte ouest doivent être prises par les gens qui se servent du système actuel.
Dans le secteur de l'aviation, on voit des progrès technologiques presque quotidiennement, de nouveaux avions, de nouveaux systèmes et de nouvelles aides à la navigation. Plusieurs de ces inventions ont aidé à rendre les vols plus sûrs et nous les apprécions. Il faut tout de même faire preuve de prudence, face à quelque chose de nouveau. La première question que nous nous posons est celle-ci: est-ce sûr? En a-t-on fait l'essai et prouver l'efficacité, pouvons-nous nous y fier? Si l'innovation réussit ces tests, adoptez-la et nous l'utiliserons.
AWOS n'a passé aucun de ces tests. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas l'utiliser. Comme je l'ai dit, il y a un certain nombre d'endroits où AWOS peut être utilisé. Nous devons reconnaître ses limites et l'utiliser en conséquence. Je souligne qu'il ne faut pas l'utiliser comme système primaire d'informations météorologiques.
Nous avons un système primaire de renseignements météorologiques sur la côte ouest sous forme de sites d'observation habités dans les aéroports et les phares. Les navigateurs et les aviateurs utilisent ce système depuis plus de 50 ans et il a prouvé sa fiabilité à maintes et maintes reprises. C'est un système fiable et on peut prendre des décisions opérationnelles sûres à partir des informations qu'il fournit. Nous, les usagers, savons que le système peut être amélioré -- pas remplacé mais amélioré -- et être rendu plus efficace.
C'est là que le Groupe des opérations aériennes estime détenir une solution réalisable qui tient compte des lacunes du système actuel et collabore avec d'autres usagers, y compris les gardiens de phares et les organismes gouvernementaux, afin d'améliorer le système. Tout le monde joue et continuera de jouer un rôle important dans ce processus. Les usagers, c'est-à-dire les navigateurs et les aviateurs, peuvent nous dire les meilleurs endroits pour les bulletins météorologiques, ainsi que le type de renseignements nécessaires et leur fréquence. Les gardiens de phares peuvent nous dire quelles fonctions supplémentaires on peut leur confier et comment on pourrait réduire les coûts de fonctionnement des phares. La Garde côtière peut examiner comment on pourrait réduire les coûts d'administration de ces phares et examiner de nouveaux moyens d'approvisionner et d'entretenir les phares. D'autres organismes gouvernementaux pourraient voir à la formation des gardiens de phares afin qu'ils puissent remplir les fonctions nécessaires à l'exécution de leurs programmes, réduisant ainsi les frais de personnel et l'on pourrait aussi partager les coûts d'exploitation des phares.
Voilà quelques-unes seulement des idées qui permettront non seulement de réduire le coût d'un système existant qui a déjà fait ses preuves, mais qui permettra aussi d'éviter que le gouvernement ne soit obligé de dépenser des millions de dollars pour un système complètement nouveau qui est peu fiable et qui ne remplacera jamais complètement les observations humaines.
Honorables sénateurs, vous avez une copie de la lettre que nous avons envoyée à la Garde côtière et à d'autres ministères pour faire état de notre proposition et de notre demande. Nous exhortons fortement le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour commencer à travailler avec nous pour qu'à la fin de ce processus nous puissions tous être convaincus que nous avons un système fiable d'informations météorologiques qui contribue le plus possible à assurer la sécurité de ceux d'entre nous qui l'utilisons.
M. Lloyd: Je suis d'accord en tout avec Terry. Je pilote des avions sur la côte depuis 43 ans. J'ai utilisé des bulletins météorologiques provenant des phares tous les jours où j'ai piloté un avion le long de cette côte.
Nous avons d'abord entrepris cet exercice lorsque le gouvernement a décidé il y a un peu plus de huit ans de commencer à automatiser les phares. Nous avons immédiatement formé des comités pour présenter nos arguments à titre d'aviateurs. J'ai été l'un des premiers participants à la plupart de ces comités. À ma grande surprise, nous avons constaté au cours de nos discussions à l'époque, que les gens étaient très étonnés de voir que les aviateurs utilisaient les bulletins météorologiques provenant des phares. Les aviateurs qui suivent les règles de vol à vue en pilotant des aéronefs de taille petite et moyenne le long de la côte utilisent les phares comme principale source d'information météorologique depuis qu'ils émettent des bulletins météorologiques et ils continuent encore de le faire aujourd'hui.
Le problème inhérent au système AWOS est qu'il ne nous donne pas suffisamment d'informations. Si quelqu'un pilote un aéronef en vol aux instruments d'un aéroport à un autre, ce système lui donnera probablement des informations suffisantes, bien qu'on remarque souvent que les renseignements fournis par AWOS ne devraient pas être utilisés pour d'autres fins à cause de leur inexactitude.
J'ai les documents préparés par le gouvernement. J'en ai des piles. Vous en avez probablement tous des exemplaires, car je pense que le dernier comité sénatorial en a rédigé la plus grande partie. Ce rapport, intitulé «Remontez! Remontez! Un rapport provisoire sur les questions de sécurité liées au système automatique d'observation météorologique (AWOS)», a été produit par le comité sénatorial permanent de l'énergie et de l'environnement et est daté du 5 juillet 1995. Il y a un autre rapport intitulé «Les phares: les gens veulent des gardiens dans les phares.» Cette étude a reçu l'appui de tous les groupes d'usagers, en ce qui concerne la question de l'automatisation des phares. Le texte contient des citations de Dave Larrigan, alors directeur de l'aviation civile pour la région du Pacifique à Transports Canada, qui s'opposait à l'automatisation.
J'ai travaillé un certain temps comme inspecteur pour Transports Canada. J'ai une expérience variée dans le domaine de l'aviation. Les gens de Transports Canada diront certainement, officieusement, la même chose que nous disons ici -- qu'ils n'aiment pas voir automatiser les phares et les gardiens remplacés par des systèmes AWOS, parce que ces systèmes ne fournissent pas les renseignements météorologiques nécessaires à une planification sécuritaire des vols et à des opérations aériennes sécuritaires.
Le courant atmosphérique du nord à grande vitesse traverse cette province juste au nord de l'île de Vancouver. En régime de condition atmosphérique normale, nous subissons fréquemment dans cette région des conditions atmosphériques pouvant aller de la tempête au faible ouragan. Dans une situation anormale lorsque l'un de ces systèmes atmosphériques traverse l'État de Washington, Vancouver et l'Oregon, il fait la manchette. À la télévision et dans les journaux, on parle de ces terribles tempêtes du siècle. Dans les régions isolées du nord du pays, que nous desservons sur une base hebdomadaire, la plupart des camps de bûcherons et des collectivités se trouvent dans des secteurs très protégés. On n'entend pas parler d'histoires tragiques où il y a eu des pertes de vie ou d'autres catastrophes, mais nous devons pénétrer ces systèmes atmosphériques continuellement afin de desservir ces collectivités. Nous préférons le faire en toute sécurité.
Le fait est que c'est possible. Si je suis ici après 43 ans et 30 000 heures de vol dans un tel environnement, c'est parce que j'avais les bulletins météorologiques des phares pour me guider. C'est absolument indubitable.
Les systèmes se déplacent le long de la côte et en été, lorsque les conditions météorologiques sont meilleures, il y a du brouillard. On ne peut pas voir dans le brouillard. Il faut savoir quand le brouillard se lèvera et qu'on aura une percée, afin de pouvoir l'anticiper et voler pendant les heures de clarté.
Tout le concept était probablement fondé sur une bonne idée, c'est-à-dire qu'on économiserait de l'argent. Je ne pense pas qu'il en sera ainsi, si l'on fait vraiment ce qu'on a dit et qu'on installe des systèmes AWOS et RAVOS à chaque phare. Je n'ai pas besoin d'être comptable. Je m'y connais suffisamment dans l'exploitation d'une petite ligne aérienne pour savoir qu'on ne peut pas installer ces systèmes, les entretenir et faire en sorte qu'ils fournissent même des renseignements météorologiques inférieurs pour moins d'argent que n'en coûte actuellement les phares habités. J'ai bien l'impression qu'on n'aura pas en fin de compte de systèmes AWOS et RAVOS à tous les phares.
J'ai participé à ce processus pendant plus de huit ans et j'ai vu les divers organismes comme la Garde côtière, le ministère des Pêches et maintenant NAV CANADA revenir sur leurs positions originales selon lesquelles on n'automatiserait plus d'autres phares avant qu'un système AWOS convenable et sûr ne soit prêt à remplacer les gardiens de phares. À l'heure actuelle, pour autant que je puisse voir, on envisage probablement de remplacer les gardiens par ces systèmes à 17 endroits sur 35 et l'on installera probablement des caméras pour le système RAVOS dans huit endroits au maximum. C'est absolument insuffisant même avec un système inférieur. On ne peut pas nous forcer à accepter une telle situation.
Le grand problème réside dans le fait que les systèmes AWOS et RAVOS n'ont pas encore fait leurs preuves. S'ils nous fournissent un jour les informations dont nous avons besoin pour préparer des plans de vol sûrs et conduire des opérations aériennes en toute sécurité sur la côte, nous serons heureux de les accepter, parce qu'ils pourraient probablement nous donner des informations minute par minute. Cependant, ils ne remplaceront pas les gardiens de phares et les stations d'observation habitées. Il n'y a pas de doute là-dessus. La sécurité des vols selon les règles de vol à vue (vol VFR) sur la côte sera compromise et à mon avis, elle sera gravement compromise.
Le président: Merci. C'était dit avec énormément de vigueur.
M. Stan Kaardal, Campbell River Aircarft Operators Association: Honorables sénateurs, je suis non seulement membre de l'Aviation Council, mais je navigue également et je fais beaucoup de voile le long de la côte. J'ai pu constater, et je vois la même chose lorsque je pilote un appareil, que les informations provenant du système AWOS sont non seulement inexactes, elles sont aussi fréquemment inexistantes.
Il y a un an ou deux, je comptais effectuer une traversée de 24 heures de l'extrémité nord de l'île jusqu'aux îles de la Reine Charlotte. La station automatisée du cap St. James était inopérante pendant trois jours consécutifs. C'est l'un des nombreux problèmes que nous rencontrons. Non seulement les informations sont-elles inexactes et insuffisantes, elles sont aussi parfois inexistantes. Le taux de fonctionnalité est faible.
En outre, les stations automatisées donnent très souvent, au sujet des conditions éoliennes, des informations qui ne sont pas vraies au-dessus de la mer. Je parle encore ici de la station du cap St. James. J'ai entendu dire qu'il y aurait des vents du nord-ouest de 15 à 20 noeuds, mais lorsqu'il en est ainsi à l'abri de l'île, au-dessus de l'eau, le vent est de 45 à 70 noeuds. Cela peut être très grave pour un aéronef à voilure fixe ou un hélicoptère qui effectue un vol de convoyage vers les îles de la Reine Charlotte à partir du continent, parce que le pilote utilise une vitesse de vent estimée et sa vitesse sol pour calculer sa consommation de carburant. Si les vents sont beaucoup plus forts, il peut se trouver en difficulté. Par conséquent, le système comporte des problèmes de fiabilité.
Le président: Des mesures de protection sont prévues en cas de panne ou de contretemps. Chaque système AWOS est-il appuyé par un second système immédiatement disponible?
M. Kaardal: Pas que je sache, non.
M. Terry Wolfe-Milner, président de Heli-Logging Consulting, président, Sécurité, entraînement et aviation générale, British Columbia Aviation Council: D'après ce que j'ai pu comprendre, la réponse à cette question est non, Il y a un grand nombre de bulletins météorologiques qui ne sont pas disponibles, en particulier en cas de mauvais temps, lorsqu'on en a besoin. Ces systèmes ont tendance à sauter lorsque le vent atteint 65 à 70 noeuds environ; ils demeurent inopérants jusqu'à ce qu'un hélicoptère transportant quelques techniciens puissent aller les réparer. Cela peut prendre de 3 jours à 3 semaines.
Je voudrais faire un bref exposé qui n'a pas trait spécifiquement à l'AWOS. Nous avons probablement formulé nos arguments à ce sujet.
L'une des fonctions importantes de l'Aviation Council est d'examiner les questions de sécurité dans le domaine de l'aviation en général. Ces informations sont contenues dans les documents que nous vous avons remis.
Le comité de la formation, de la sécurité et de l'aviation générale est un comité principal du conseil depuis un bon nombre d'années. Son objectif est de promouvoir en Colombie-Britannique la sécurité aérienne, l'éducation et la formation dans l'industrie aérospatiale, outre la promotion de l'aviation générale et le vol de plaisance, qui font face de plus en plus fréquemment à des augmentations de coûts.
L'un des objectifs du comité est d'organiser des colloques sur la sécurité dans les endroits de la Colombie-Britannique où il y a beaucoup d'exploitants de lignes aériennes. Nous recevons beaucoup d'aide à cet égard de Transports Canada et j'en remercie certainement le ministère. Transports Canada fait parfois l'objet de beaucoup de critiques, mais la direction générale de la sécurité des systèmes au ministère des transports a beaucoup aidé notre conseil.
Nous assurons aussi la liaison entre les organismes des gouvernements fédéral et provincial et le secteur de l'aviation en Colombie-Britannique, en matière de sécurité et d'éducation dans le domaine de l'aviation en général. Nous essayons de faciliter l'établissement d'un réseau et de systèmes de communications entre les membres du conseil en Colombie-Britannique.
Puisque les membres du comité sont des bénévoles, la composition du comité varie. Nous avons généralement des représentants d'aéro-clubs, qui oeuvrent évidemment dans le secteur de la formation, des représentants d'écoles de pilotage et d'écoles de technique aérospatiale comme le British Columbia Institute of Technology, des exploitants d'hydravions, ainsi que des exploitants d'hélicoptères. Il y a également de nombreux pilotes qui font du vol de plaisance en Colombie-Britannique et des pilotes d'appareils ultra légers. Transports Canada et le Bureau de la sécurité des transports sont également représentés au sein du comité, ce qui est très utile, parce que nous ne voulons pas fonctionner en vase clos.
Le comité, par l'entremise du conseil, a participé au cours des ans à de nombreuses activités, comme le parrainage et l'organisation de colloques sur la sécurité, de concert avec la direction générale de la sécurité et des systèmes de Transports Canada. Ces colloques se tiennent dans des localités de la Colombie-Britannique à l'extérieur de la région des basses terres continentales, étant donné que nous essayons, je le répète, d'unir les membres du secteur de l'aviation dans la province, au lieu de nous concentrer seulement sur le sud de la partie continentale de la province.
Un sous-comité très important du comité de la formation, de la sécurité et de l'aviation générale est le sous-comité de repérage des câbles. Il fonctionne depuis une quarantaine d'années. Le sous-comité a contribué au début à la conception et à la mise en oeuvre du système de repérage des câbles. Ce système est fait de très grosses boules de plastique accrochées aux câbles à haute tension. C'est le sous-comité de repérage des câbles qui a élaboré ce système en Colombie-Britannique et on l'a par la suite utilisé dans le monde entier.
Plus récemment, nous avons vu l'élaboration et la conception d'un système pour prévenir les pilotes de la présence de câbles aériens utilisés dans des opérations forestières. Ce sont des câbles utilisés pour la coupe du bois et ils peuvent atteindre jusqu'à 3 500 pieds au-dessus du fond de la vallée et avoir jusqu'à 8 000 pieds de longueur. Le nouveau système comportera un enregistrement vocal automatisé et un phare stroboscopique. Un pilote qui survole des vallées le long de la côte pourra régler son récepteur sur une fréquence discrète VHF et entendre un avertissement au sujet de l'emplacement de tout système de câbles aériens. Ensuite, en appuyant trois ou cinq fois sur le bouton de transmission VHF, le pilote activera un phare stroboscopique à l'endroit où s'effectuent ces opérations forestières qui utilisent un câble aérien.
Les câbles aériens sont de plus en plus utilisés dans les opérations forestières en Colombie-Britannique à cause du Code de pratiques forestières. Il y a actuellement plus de 20 opérations forestières où l'on utilise des câbles aériens. Il y a six ou sept ans, environ, un hélicoptère a heurté un câble et les quatre personnes à bord ont péri. Il y a eu depuis, un certain nombre de quasi-collisions. On nous a raconté l'un de ces incidents l'an dernier. En fin de journée, les responsables des opérations forestières où l'on utilisait un câble aérien avaient abaissé le câble, qui était auparavant à 2 000 pieds au-dessus du fond de la vallée. Peu après qu'on eut abaissé le câble, deux CF-18 en provenance de Comox ont traversé la vallée à environ 250 pieds de hauteur et à 520 noeuds. Heureusement que le câble avait été abaissé. S'il ne l'avait pas été, il aurait pu se produire une catastrophe.
Ce nouveau système reçoit l'appui de Transports Canada et nous lui en sommes reconnaissant. Malheureusement, à l'heure actuelle, étant donné la cession des systèmes de navigation aérienne à NAV CANADA, nous revenons à la case départ, parce que les membres de l'organisme de réglementation qui ont participé à l'élaboration de ce système ont tous changé d'avis ces dernières semaines. Cependant, nous espérons continuer d'élaborer ce système pour le voir un jour fonctionner dans toute la Colombie-Britannique et dans d'autres régions du Canada.
Il y a trois ans, nous avons tenu un colloque public sur le projet de loi concernant la consommation d'alcool et de drogues, qu'on a par la suite laissé tomber. C'était très intéressant pour les membres du secteur de l'aviation en Colombie-Britannique, parce qu'il aurait eu des répercussions très importantes sur les exploitants de lignes aériennes.
On a déjà mentionné les exposés présentés aux groupes parlementaires antérieurs sur l'automatisation des phares en Colombie-Britannique. Je n'ai donc pas besoin d'en parler davantage.
Nous avons également présenté aux organismes de réglementation des instances au nom du milieu de l'aviation de la Colombie-Britannique au sujet du projet de fermeture de stations éloignées de communications en Colombie-Britannique et au sujet des réductions des services de navigation aérienne et des systèmes de communication pouvant avoir des répercussions sur la sécurité aérienne.
Enfin, le comité a eu beaucoup à dire au sujet de l'instauration des règlements canadiens sur l'aviation, en particulier en ce qui concerne les dates prévues pour leur mise en oeuvre. Le comité a apporté une contribution très valable. Nous dépendons uniquement des efforts de nos bénévoles. Nous recevons l'appui des organismes de réglementation, et nous en sommes très reconnaissants. Je suis heureux de vous dire exactement ce que nous pouvons faire et comment nous pouvons servir d'agents de liaison entre les organismes de réglementation et les milieux de l'aviation en Colombie-Britannique.
M. Lloyd: Monsieur le président, il y a d'autres personnes ressources présentes ici, des exploitants d'entreprises sur la côte qui peuvent nous aider à répondre aux questions que vous vous voudrez poser sur la sécurité ou la sûreté des transports en Colombie-Britannique.
Le président: À cinq reprises différentes ce matin, on a abordé la question du coût des observations météorologiques visuelles. C'est une question dont on discute déjà depuis plusieurs années. Le conseil ou l'un des membres du conseil a-t-il fait un tas de calculs sur cette question? Avez-vous examiné la question? Nous avons déjà entendu ailleurs les gardiens de phares témoigner à ce sujet. Je vois que M. Abram est présent. Nous pourrons peut-être lui poser la même question tantôt.
Il serait très intéressant que quelqu'un puisse nous donner des chiffres comparatifs ou des chiffres sur la rentabilité du système AWOS, à partir de la conception technique jusqu'à l'établissement des stations, y compris l'entretien, les réparations, et ce qu'il en coûte pour envoyer un hélicoptère là-bas, par mauvais temps. A-t-on examiné cette question?
M. Lloyd: Le conseil n'a pas examiné cette question de près. Nous avons posé une question au sujet des répercussions sur le budget. Ces données n'ont pas été fournies. Le ministère des Transports était disposé à nous les fournir à ce moment-là, mais il ne disposait pas de tous les renseignements nécessaires pour donner un chiffre ferme. Au cours de ses recherches, Stan Kaardal a peut-être examiné ce qu'il en coûterait aux exploitants.
M. Kaardal: En ce qui concerne le groupe de l'aviation, nous avons dû utiliser les chiffres que nous avait donnés la Garde côtière, NAV CANADA et le ministère des Pêches, ainsi que, dans une certaine mesure, ceux de Transports Canada, et tenir compte de leur participation aux coûts de ces autres organisations.
Je crois que Jim Abram a fait des calculs assez complets sur les différences de coût. D'après le chiffre que nous avons toujours entendu, la différence entre le coût des observations visuelles, c'est-à-dire si l'on laisse les gardiens de phares en poste, et le coût des stations AWOS, représente des économies de 3,5 millions de dollars par année. Ce sont des économies éventuelles, parce que ces systèmes doivent être installés.
J'ai entendu quelqu'un soutenir qu'il en coûterait 65 000 $ par an pour qu'un système AWOS fournisse des renseignements météorologiques au milieu de l'aviation. J'en doute. Lorsque ces systèmes tomberont en panne et qu'il faudra aller les réparer, des groupes électrogènes seront enlevés et les systèmes fonctionneront à l'énergie solaire. Il faudra démonter toutes ces installations et ramener l'endroit à l'état naturel.
Je ne vois pas comment 3,5 millions de dollars suffiraient pour réaliser le projet d'installation des stations automatiques. Je n'ai pas de chiffres précis sous les yeux, mais je ne vois pas comment ce serait possible. Je sais combien coûte l'utilisation d'hélicoptères et les techniciens. En plus de la question des coûts il y a aussi la question de la sécurité. Je ne vois pas comment on économisera les sommes que le gouvernement pense pouvoir économiser.
Le sénateur St. Germain: Merci, messieurs, de cet excellent exposé. J'ai déjà rencontré certains d'entre vous et j'ai eu le privilège de m'adresser à vous à Penticton il y a quelques années. J'ai toujours les jolis cadeaux que vous m'avez offerts, le castor et l'oeuvre d'art. Je dois déclarer que le tout vaut moins de 200 $, pour m'éviter des ennuis.
La question des phares a suscité une vive controverse. Ceux qui volent dans cette région savent à quel point elle est dangereuse, surtout à cause du temps.
Le gouvernement actuel et le gouvernement précédent ont décidé de rationaliser ces activités et de les automatiser. Dans la mesure où des engagements et des décisions ont été prises, est-ce qu'on a envisagé de donner de la formation aux résidents de ces régions? Je sais bien que cette solution n'est pas aussi fiable que le travail d'une personne rémunérée.
On a supprimé les stations météorologiques de Pemberton et de Squamish, et il ne reste plus qu'une station d'observation à Whistler. La différence est considérable. C'est une région que je connais très bien. Il n'y a que 10 minutes de vol de Whistler à Pemberton, mais les conditions météo peuvent varier considérablement. La suppression de ces deux stations météorologiques a eu une incidence considérable sur la sécurité. Ceux qui volent dans cette région doivent téléphoner à quelqu'un de leurs connaissances pour avoir une indication fiable de ce qui s'y passe.
A-t-on essayé de convaincre le gouvernement de la nécessité de faire de la formation si on supprime les stations météorologiques des phares?
En réalité, je ne suis pas certain que le gouvernement comprend vraiment les conséquences de ces changements. Je ne veux pas accuser davantage un gouvernement libéral qu'un gouvernement NPD ou conservateur. Tous les gouvernements se ressemblent de ce point de vue. Ce qui m'inquiète, c'est que le gouvernement ne comprenne pas l'ampleur du problème.
Dans la mesure où il faut renoncer à une solution idéale, est-ce qu'on a envisagé de mettre en place, ne serait-ce qu'à titre provisoire, une formule un peu supérieure à l'automatisation, tant qu'elle n'a pas encore fait ses preuves?
M. Wolfe-Milner: Il y a une vingtaine d'années, avant l'arrivée des stations automatisées, le conseil a proposé de collaborer avec le ministère des Transports, compte tenu du manque de stations d'observation dans la province, de façon à former certains résidents et à mettre à contribution les chefs de gare de la compagnie B.C. Rail dans des localités du Nord comme Prince George. Il fallait donner de la formation aux résidents de ces communautés, car la province de Colombie-Britannique investissait dans ces aéroports communautaires. Nous espérions également former quelqu'un du ministère des Travaux publics qui constituerait un réseau téléphonique et enseignerait l'observation des conditions météo de façon qu'un pilote puisse téléphoner à l'avance grâce à une ligne sans frais. Cette proposition ne s'est jamais réalisée, car nous n'avons pas pu trouver les crédits nécessaires à un tel programme de formation.
Terry Shields a lui aussi parlé d'une formation de ce genre auprès des résidents locaux. Terry Shields et Jerry Lloyd ont volé pendant des années. L'industrie forestière a toujours eu ses propres avions, qui atterrissent sur les chemins d'exploitation. Il suffit d'élargir le chemin. J'ai moi-même utilisé des centaines de chemins d'exploitation dans toute la province. Il était facile de téléphoner dans un camp de bûcherons pour se renseigner sur les conditions météo à l'endroit où l'avion devait atterrir.
M. Shields: Il est bien connu que lorsqu'on dessert des camps de bûcherons, la préparation du vol consiste à appeler ces camps par téléphone pour se renseigner sur les conditions météo. Malheureusement, on doit souvent survoler des zones totalement inhabitées.
Le pilote qui décolle de Port Hardy en direction de Bella Bella ne trouvera personne entre ces deux aéroports, à part les phares, et par contre, il peut tomber sur des conditions météo très difficiles. Les camps de bûcherons et les villages sont situés surtout dans des endroits moins exposés aux intempéries, comme les baies et les embouchures. On n'en trouve pas toujours le long du littoral, que suivent les pilotes et à partir duquel ils s'engagent dans les criques.
Dans les collectivités, on pourrait former les résidents à l'observation météorologique. J'ai cité l'exemple de Bella Bella, mais pour voler de Port Hardy à Bella Bella et à Prince Rupert, il faut survoler des régions très étendues et totalement inhabitées.
Le sénateur St. Germain: Je suis d'accord. Je cherche une solution. Nous devons faire face à la réalité. Lorsqu'on a fermé les stations de Pemberton et de Squamish, j'ai demandé aux responsables s'ils savaient à quel point les conditions de vol dans cette région sont difficiles. L'itinéraire de Vancouver à Bella Bella est sans doute l'une des zones de vol les plus difficiles au Canada. Et plus au nord, c'est pareil. On essaie de remplacer des êtres humains par du matériel AWOS d'observation météorologique automatique. Dans cette région, les vols sont souvent plus longs qu'ailleurs et il existe des points de non-retour au-delà desquels le pilote est obligé de trouver un autre site pour se poser.
Je vais demander au comité de faire une recommandation au gouvernement. Je me trompe peut-être, mais je crois sincèrement que la décision de fermer les stations est déjà prise. On a tenu le même raisonnement pour Winnipeg. J'ai beaucoup volé au Manitoba. C'est là que j'ai commencé à piloter; les conditions de vol et les conditions météo y sont tout à fait différentes. À cause des effets du courant atmosphérique à grande vitesse sur l'extrémité nord de l'île de Vancouver, un pilote peut trouver de bonnes conditions partout ailleurs, et tomber sur des conditions épouvantables en arrivant à Alert Bay.
Il va falloir collaborer sur cette question. Monsieur Shields, nous ne pourrons peut-être pas trouver de solution idéale. Cependant, nous ne pouvons pas dire simplement que nous allons nous y opposer. J'aimerais que nous puissions faire au gouvernement une recommandation réaliste. Nous ne trouverons peut-être pas la solution idéale, mais il vaut mieux une demi-tasse que pas de tasse du tout. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Lloyd: Il faut faire quelque chose. La proposition de M. Shields tient compte d'un ensemble d'éléments. Nous ne nous opposons pas à l'automatisation de certains secteurs, mais il faudrait combiner les deux formules. Mon voisin dit que l'oeil est le «capteur numéro un». Il faut toujours des yeux pour faire des observations dans certains secteurs du littoral. Évidemment, au fur et à mesure de l'amélioration des systèmes automatisés et de l'augmentation de leur facteur de fiabilité, les pilotes et les marins vont pouvoir leur faire davantage confiance.
Il faut combiner les deux formules. On ne peut pas renoncer du jour au lendemain à l'ancien système, car il s'agit d'une zone de vol à vue, où les pilotes ont besoin d'une bonne information météo.
M. Wolfe-Milner: La situation géographique n'est pas idéale pour la formation des résidents des communautés locales. Les phares sont situés sur des promontoires qui surplombent la mer; la finalité d'un phare c'est d'être visible du large. Le gardien du phare a un champ de vision beaucoup plus vaste et bénéficie de meilleures conditions d'observation que quelqu'un qui se trouve à Bella Bella ou à Bella Coola.
Le sénateur St. Germain: Je suis d'accord, l'idéal serait d'en rester au statu quo, ou du moins, de ne pas s'en éloigner autant que dans cette proposition. Mais je me suis déjà trouvé de l'autre côté de la barrière, obligé de prendre des décisions à partir d'une information incomplète sur des situations très complexes suscitant de vives émotions. Je sais ce que vous recommandez.
Ma question concerne NAV CANADA et le principe des frais d'utilisation ou du recouvrement des coûts. Le conseil intervient-il dans ce processus? Je crains qu'on n'impose des frais aux pilotes qui téléphonent pour obtenir un bulletin météo avant de décoller ou de déposer un plan de vol. J'espère que nous allons continuer à voler en toute sécurité et à obtenir des bulletins météo indépendamment de leur coût. L'imposition de frais jugés excessifs pour un service qu'on obtenait gratuitement auparavant, risque d'inciter certains pilotes à la négligence.
Quelle est l'opinion du conseil concernant la façon d'obtenir l'information météo et le recouvrement des coûts, soit pour chaque utilisation, soit au moyen d'un montant forfaitaire imposé à tous les titulaires d'un certificat d'aéronef?
M. Lloyd: Je suis le représentant du conseil au comité consultatif de NAV CANADA. En fait, ce comité est actuellement en séance et comme j'ai choisi de venir ici, j'ai dû renoncer à une séance d'information de Hughes and MacDonald Detwiler sur le nouveau système.
J'ai déjà fait part de deux problèmes à NAV CANADA. Des compagnies comme Air Canada et Canadien intègrent dans leur budget annuel le prix du système de navigation qu'elles utilisent au-dessus de l'Atlantique nord ou du Pacifique nord. Lorsqu'un DC-9 d'Air Canada arrive à Vancouver, il communique avec le centre, avec la tour de contrôle et avec les équipes au sol. Chaque communication est facturée, les montants sont centralisés à Montréal et la compagnie reçoit une facture à la fin du mois.
Lorsque Lynn Morrison de Baxter Aviation arrive avec son Beaver de Nanaïmo au port de Vancouver avec trois hommes d'affaires à bord, il communique avec le centre et la tour de contrôle, mais il n'a pas besoin de communiquer avec l'équipe au sol. Il utilise le système. Le projet de loi C-20 prévoit une dispense pour les avions de moins de 5 800 kilos. Quel est le montant d'une telle économie?
L'autre problème concerne la formation au pilotage. À l'aéroport de Pitt Meadows -- qui se trouve dans votre région, sénateur -- une jeune femme peut apprendre à voler sur un avion de type 150. Si elle s'entraîne à l'atterrissage poser-décoller, la caisse enregistreuse va tinter à chaque atterrissage; il faut donc trouver un palliatif.
Ma dernière préoccupation concerne les pilotes privés et l'aviation de plaisance. Si les frais sont trop élevés, notre industrie va cesser d'attirer les jeunes pilotes qui ont reçu une bonne formation. La sécurité du système va diminuer, car les pilotes ne parleront à personne et n'utiliseront pas le système de navigation. Je parle ici des membres des aéroclubs qui volent par plaisir pendant les fins de semaine. Je ne parle pas des pilotes professionnels. Je parle du pilote du dimanche qui décide d'amener sa femme de Nanaïmo à Chilliwack. S'il sait qu'il peut passer au nord de la zone de contrôle sans communiquer avec qui que ce soit, la sécurité risque d'être compromise, car à moins que les contrôleurs de la navigation aérienne ne le suivent au radar, personne ne saura où il est.
Je vais intervenir énergiquement au nom des petits transporteurs de la Colombie-Britannique et de l'ensemble de l'aviation générale pour demander une certaine rationalité dans le barème de prix de NAV CANADA.
La formule de NAV CANADA est bonne. Notre conseil l'a approuvée depuis le début. Nous n'y sommes nullement opposés. Nous pensons que NAV CANADA présente certains avantages. Je tiens à assurer à tous ceux qui pratiquent l'aviation en Colombie-Britannique que je saurai faire passer le message et faire comprendre que nous avons besoin d'une structure de prix qui garantisse la sécurité du système. Il ne faut pas étouffer ce secteur d'activité par des prix trop élevés.
Il est difficile, pour M. Morrison, d'ajouter quoi que ce soit au prix du billet d'avion. Il faut comprendre que certains secteurs de Colombie-Britannique sont très sensibles au prix. Un voyageur d'affaires qui arrive le matin de Nanaïmo a le choix entre la voiture, quitte à emprunter le traversier, ou l'avion avec Lynn Morrison. C'est la même chose pour Peter Evans de Harbour Air. Les vols du port de Vancouver au port de Victoria présentent une grande sensibilité aux prix. Si les frais de NAV CANADA augmentent et viennent s'ajouter au prix du billet d'avion, ce prix risque de devenir dissuasif et d'inciter les voyageurs à opter pour la voiture.
Le sénateur St. Germain: Pensez-vous que le prix du kérosène, qui me semble extrêmement élevé, a une incidence sur notre industrie?
M. Lloyd: Il a effectivement une profonde incidence sur notre industrie, et contribue à la sensibilité au prix. J'aimerais qu'on réduise la taxe d'aviation non seulement pour les transporteurs internationaux, mais pour l'ensemble de l'aviation au Canada. Les transporteurs intérieurs et les petites compagnies côtières consomment eux aussi du carburant. Nous sommes taxés dès que nous bougeons. Nous recevons de nombreuses lettres de gens d'affaires qui se plaignent des taxes d'aéroport. Il faudrait reconsidérer toutes ces taxes.
La viabilité de l'industrie doit être préservée à tout prix. Chacun doit comprendre que lorsqu'un avion de Harbour Air ou de Pacific Coastal arrive de Port Hardy avec des passagers venant d'une autre communauté du littoral, ces passagers n'arrivent pas simplement à Vancouver. Ils vont peut-être se rendre pour affaires à Winnipeg, Edmonton, Ottawa, Toronto ou quelque autre destination internationale. Il est important de préserver ce réseau tout à fait viable de lignes aériennes subsidiaires en Colombie-Britannique.
Le président: Nous avons recueilli le témoignage du ministre Jim Antoine, du Conseil territorial, et je vous renvoie à son témoignage. Peut-être apportera-t-il de l'eau à votre moulin.
Le ministre Antoine nous a dit que son ministère gère les stations radio des aéroports communautaires des Territoires du Nord-Ouest au nom de NAV CANADA; ces stations, appelées CARS, font partie des services de navigation aérienne. Le ministère a demandé à Transports Canada de ne pas transformer ces CARS en sites automatisés d'observation météorologique par mesure d'économie. Les conditions particulières du Nord exigent une plus grande fiabilité qui n'est assurée que par l'élément humain des CARS. Au nom de la sécurité publique, son ministère va demander à NAV CANADA de maintenir les CARS à un niveau minimal de service en attendant que la technologie pour les sites automatisés ait progressé suffisamment pour fournir la même information que l'observateur d'une station radio d'aéroport communautaire.
En ce qui concerne les solutions de remplacement, nous avons déjà des observateurs qui ont suivi leur formation et dont nous allons entendre prochainement le témoignage. Je vous le signale parce que vous avez dit que vous faisiez partie du conseil consultatif de NAV CANADA.
M. Lloyd: Don Douglas, qui est un ex-fonctionnaire de Transports Canada, est le directeur exécutif de la NATA, ou Northern Air Transport Association. J'ai eu une conversation téléphonique l'autre jour avec M. Douglas à Edmonton. La NATA appuie notre point de vue.
Encore une fois, tout tourne autour du manque de fiabilité des systèmes automatisés, auxquels les pilotes qui travaillent dans le Nord ne peuvent pas faire confiance pour obtenir de l'information météo. Le Nord présente des conditions de vol différentes de celles de la zone côtière, mais qui sont tout aussi dangereuses et redoutables. La NATA estime que le système n'est pas en panne et qu'il ne faut pas le modifier du jour au lendemain. Nous partageons le même point de vue.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, les témoins d'aujourd'hui nous ont fourni une information très intéressante et très importante.
J'ai ici une lettre de M. Terry Shields datée du 26 novembre dernier. Dans cet excellent document, M. Shields énonce un point de vue général concernant la sécurité dans l'aviation civile. Tous les membres du comité, quel que soit leur parti, sont d'accord pour dire que votre mandat vous impose de collaborer avec les groupes d'utilisateurs de la Garde côtière, de NAV CANADA et des autres organismes gouvernementaux pour établir un réseau fiable et rentable d'informations météo sur la côte ouest, qui devra non seulement atteindre mais dépasser le niveau actuel de sécurité pour tous les usagers.
Dans cette lettre, vous dites encore que nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'un système fiable d'informations météorologiques, ce qui est tout à fait vrai.
Vous dites aussi qu'il faudrait mettre en commun nos ressources, nos connaissances et notre expertise pour construire un système qui permette de faire des économies et, surtout, de sauver des vies. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous sur ce point.
Au cours des audiences que nous avons tenues dans l'ouest du Canada, il nous est apparu qu'en définitive, l'automatisation offre d'énormes avantages à l'aviation. À Edmonton, hier, on nous a montré comment les bulletins météo des collectivités très éloignées sont acheminés jusqu'à Edmonton grâce à de nouveaux dispositifs de transmission, ce qui permet d'avoir des informations météo qu'on n'aurait pas pu obtenir il y a 10 ou 15 ans. Je pense qu'il faut favoriser cette tendance. Nos témoins ont-ils des commentaires à faire à ce sujet?
La quasi-totalité des phares du monde entier sont maintenant automatisés. Tous ceux de la côte est le sont. Je crois qu'en Grande Bretagne, ils le sont presque à 100 p. 100. La Colombie-Britannique présente-t-elle des particularités géographiques, topographiques ou météorologiques telles que les phares habités y soient indispensables, alors qu'on est passé à l'automatisation dans toutes les autres régions du monde? Les autres pays négligent-ils la sécurité en ayant recours à l'automatisation dans certains cas?
Peut-être préféreriez-vous une formule qui fasse appel à la fois aux phares automatisés et aux phares habités. La Colombie-Britannique est célèbre pour ses conditions météorologiques difficiles. Peut-être avez-vous également des commentaires à ce sujet.
M. Shields: Vous parlez des pays qui abandonnent leurs phares, mais je ne pense pas qu'il faille nécessairement en déduire que c'est la bonne solution.
Le sénateur Perrault: Le phénomène semble très répandu. Y voyez-vous une explication?
M. Shields: Évidemment, je ne faisais pas partie du comité qui s'est opposé à la désaffectation des phares en Grande Bretagne. Je pense simplement que les pilotes du monde entier partagent un intérêt commun, à savoir la sécurité en vol.
La Colombie-Britannique abrite la plus grosse industrie mondiale de production de bois. L'aviation dessert les camps et les installations de cette industrie. Sans nous, cette dernière s'immobiliserait, ou elle fonctionnerait au ralenti. La concurrence à l'échelle mondiale ne permet pas de ralentir.
Nous aimerions discuter avec les usagers d'une formule qui ferait appel à la fois aux stations automatisées et aux stations habitées. Les deux peuvent coexister. À notre avis, le système AWOS pourrait donner de bons résultats dans certains secteurs. Ces installations fournissent l'information dont nous avons besoin, mais nous ne pouvons pas nous fier exclusivement à cette information pour décider d'un plan de vol. Nous avons besoin des observateurs.
Le sénateur Perrault: Pensez-vous que les conditions de vol en Colombie-Britannique présentent un défi particulier pour les pilotes?
M. Shields: Tout à fait. La Colombie-Britannique est une zone côtière. Nous sommes les premiers à recevoir les intempéries, en particulier sur la côte nord. Avant qu'une dépression n'atteigne la côte, elle n'est qu'une image satellite. Ce sont les pilotes des localités de la côte qui confirmeront plus tard si l'image satellite était exacte. Si la dépression est plus importante ou moins importante, nous sommes les premiers à le savoir. Vancouver ne le saura qu'environ 24 heures plus tard.
On peut réserver une certaine place à l'automatisation. Mais il serait absurde de démanteler complètement un système qui a déjà fait ses preuves. Si un feu de circulation tombe en panne sur la rue Granville, les autres vont quand même continuer à fonctionner.
Le sénateur Perrault: Vous dites que l'élément humain est très important et que certains renseignements peuvent être fournis par un être humain, mais pas par un appareil électronique. Pouvez-vous m'expliquer cela? Y a-t-il un contact radio entre le pilote et le gardien de phare?
M. Shields: On apporterait certainement une amélioration au système en permettant aux gardiens de phare de communiquer avec les avions par VHF. Je crois que certaines communications sont déjà possibles. Certains gardiens de phare ont un matériel radio maritime qui, d'après les normes du ministère des Communications est réservé exclusivement au matériel flottant. Je pense que dans ce cas, on pourrait prévoir une exception pour des raisons de sécurité.
Le sénateur Perrault: Vous préférez cela à un système dépourvu de toute présence humaine? L'élément humain vous semble donc important?
M. Shields: Oui.
Le sénateur Perrault: Vous voudriez que les pilotes, les pouvoirs publics et les autres intervenants organisent une conférence. Est-ce que vous avez reçu des propositions à ce sujet?
M. Shields: Nous avons rencontré quelques groupes d'usagers, notamment les pêcheurs, les plaisanciers et les équipages de remorqueurs.
Le sénateur Perrault: Est-ce qu'ils sont favorables à cette idée?
M. Shields: Tout à fait.
M. Villi Douglas, de Pacific Coastal Airlines: Monsieur le président, je suis pilote sur la côte ouest depuis environ 34 ans et je dirige les opérations de petites compagnies aériennes.
On a parlé des phares de Grande-Bretagne, de l'État de Washington et de l'Oregon, mais ces régions sont sans comparaison avec la nôtre à cause de l'intensité du trafic des petits hydravions. Je ne sais même pas s'il y a des hydravions sur la côte est de la Grande-Bretagne.
Le sénateur Perrault: Et sur la côte est de l'Amérique du Nord?
M. Douglas: C'est la même chose. En Angleterre, les phares étaient destinés à l'activité maritime, et non pas à l'aviation. Aujourd'hui, la navigation maritime est gérée à l'échelle mondiale et les navires ont un équipement électronique tel que les phares et les cornes de brume ne sont plus aussi indispensables qu'autrefois.
Le sénateur Perrault: Grâce aux satellites, les navires connaissent exactement leur position en tout temps.
M. Douglas: C'est exact. En Colombie-Britannique, la nécessité des phares concerne sans doute davantage l'aviation que les autres secteurs d'activité. Je ne connais aucune autre région du monde qui connaisse un trafic aussi intense de petits avions qui doivent amerrir et décoller dans un environnement très particulier. Notre région n'a pas d'équivalent où que ce soit au monde.
Le sénateur St. Germain: Monsieur le président, je crois que nous avons ici des représentants de ce secteur qui pourraient nous renseigner sur le nombre d'hydravions dans la région. Je crois que c'est là et en Alaska qu'on trouve la plus forte concentration d'hydravions au monde.
Le sénateur Perrault: Il serait bon d'avoir cette information.
M. Lloyd: Il est essentiel, pour nous, de bien comprendre les conséquences de ce changement compte tenu du caractère particulier de la région.
Le sénateur Perrault: L'aviation en Colombie-Britannique présente des caractéristiques uniques dont nous devons être informés.
M. Kaardal: Je suis pilote depuis plus de 43 ans pour Weldwood of Canada, pour Interfor et pour divers autres organismes. J'ai eu la chance de piloter un Beaver B transformé de Minneapolis au Minnesota, à Vancouver lorsque la compagnie a acheté ce nouvel avion, un appareil extraordinaire. Le radar Doppler constitue également un avantage décisif.
Lorsque j'ai quitté Minneapolis, au Minnesota, j'ai été pris en charge par le contrôle de la navigation aérienne. Le pilote n'a même pas besoin de regarder par le pare-brise; les contrôleurs le dirigent en permanence et l'amènent au milieu de la piste. J'ai quitté Spokane dans un affreux brouillard. Les contrôleurs m'ont guidé pour m'en sortir. Pendant 12 milles, j'ai suivi une voie de chemin de fer, selon l'usage. Spokane et Seattle étaient ensevelies dans le brouillard; ils m'ont donc dirigé sur Troutdale et m'ont fait monter à 10 000 pieds au-dessus des volcans pour arriver en douceur à Seattle, tout cela grâce au radar Doppler. Ils vous donnent la météo, vous indiquent les zones dégagées et vous signalent où vous pouvez vous poser. Ils font tout cela pour vous.
Lorsque j'ai quitté Seattle, je n'avais que sept minutes de battement pour atteindre Vancouver avant le temps d'interdiction de vol. Il faisait un temps affreux. Je suis passé par Active Pass. J'ai été pris en charge par les contrôleurs de Vancouver, qui ne voulaient même pas que je pénètre dans leur secteur. J'ai dit que j'avais un plan de vol et que je pilotais un avion amphibie, que je pouvais me poser sur l'eau et sortir par une rampe, sans avoir à utiliser leurs pistes. Finalement, après cinq minutes de palabres, ils m'ont autorisé à me poser sur l'eau, à sortir mon train d'atterrissage et à rouler jusqu'au terminal. Je me suis rendu compte que j'étais de retour au Canada, car on ne m'a pratiquement pas aidé. Nous ne savons vraiment pas nous y prendre.
Aux États-Unis, les pilotes disposent de renseignements météorologiques hors pair même sur la côte. Nous n'avons pas ici de système d'appui comme les radars météorologiques et les radars Doppler. Nous dépendons complètement des renseignements météorologiques que fournissent les phares.
Le sénateur Perrault: Des contrôleurs de la circulation aérienne nous ont dit hier à Edmonton que la situation s'était considérablement améliorée et il faut les en féliciter. J'ai été impressionné d'apprendre qu'ils guident des avions du monde entier.
Le président: Nous avons parmi nous aujourd'hui un représentant d'un des plus grands exploitants d'avions à flotteurs au monde. Peut-être pourrions-nous demander à M. Evans combien d'avions compte cette flotte impressionnante.
M. Peter Evans, Harbour Air Ltd.: Monsieur le président, je ne sais pas si ce qui fait notre réputation c'est que notre flotte est la plus imposante au monde. Notre présence est cependant très visible ici sur la côte.
Notre région se distingue du reste du monde. Nous le savons parce que d'autres transporteurs nous téléphonent pour nous demander comment nous nous y prenons. Nous recevons pas mal d'appels de ce genre. Nous savons que notre cas est tout à fait particulier.
Nous comptons beaucoup pour nos opérations sur les systèmes AWOS installés dans les phares qui ne sont cependant pas à la fine pointe du progrès. Je crois qu'il y a environ 100 à 120 avions flotteurs commerciaux sur la côte.
Le sénateur Perrault: Il s'agit d'avions commerciaux?
M. Evans: Il s'agit d'avions commerciaux de location. On ne sait même pas combien de pilotes amateurs sillonnent les cieux de cette région, mais ils sont nombreux. Nous pourrions certainement obtenir ce chiffre auprès du BCAC.
La dernière fois que j'ai consulté le registre britannique, c'est lorsque j'ai reçu un appel de quelqu'un en Grande Bretagne qui voulait acheter un avion à flotteurs. Il m'a dit qu'il n'y en avait que deux dans toute la Grande Bretagne. On me dit qu'il y en a quatre en Suède. Ici, c'est une autre paire de manches. Il faudrait en tenir compte.
M. Shields a raison. Les exploitants d'avions ne sont pas contre l'automatisation des phares. Nous nous opposons cependant à la façon dont cette opération est actuellement menée parce que nous n'obtenons pas les services dont nous avons besoin. Quand ce sera le cas, je suis sûr que nous l'accepterons de bon gré.
Le sénateur Perrault: Quelles sont les principales lacunes? Vous parlez «d'amélioration». À quoi songez-vous?
M. Evans: Le système doit être plus fiable. Comme il ne l'est pas à l'heure actuelle, c'est ce qui explique le cynisme des pilotes. Prenons le cas de ce qui s'est passé à Sandspit dans les îles de la Reine Charlotte. Dans sa grande sagesse, le gouvernement a décidé d'installer un système AWOS à Sandspit. Deux semaines après l'inauguration du poste autonome d'observation météorologique, on a rappelé tout le personnel pour une période de six mois parce qu'on ne pouvait pas se fier aux renseignements météorologiques obtenus.
Ce qui arrive fréquemment à Sandspit, c'est que la neige et la pluie deviennent horizontales lorsque le vent souffle à 40 noeuds. Elles ne tombent pas dans le sens de la pente. Cela cause un plafond nuageux caché dont la hauteur ne serait pas celle à laquelle on pourrait s'attendre.
Le sénateur Perrault: Le système présente donc des lacunes techniques?
M. Evans: Oui. Il ne produit pas de renseignements exacts.
Le sénateur Perrault: Un gardien de phare peut aussi avoir une crise cardiaque.
M. Evans: C'est juste.
Le sénateur Perrault: Rien n'est parfait.
M. Evans: Rien n'est parfait.
Or, nous ne pouvons pas nous fier du tout sur les renseignements météorologiques obtenus grâce à cette technologie. Il est sans doute possible de l'améliorer. Entre temps, les risques que nous prenons sont trop élevés.
Le sénateur Perrault: C'est l'opinion généralement admise?
M. Evans: Oui.
Le sénateur Perrault: C'est intéressant.
Le sénateur Bacon: Quelle est la position du conseil sur l'abus des drogues et de l'alcool? Préférez-vous l'imposition de tests ou la prévention par la sensibilisation au problème?
M. Lloyd: Le conseil préfère la sensibilisation au problème. Nous avons étudié la situation. Lorsque nous avons commencé à discuter des tests antidrogue faits au hasard, la FAAA aux États-Unis faisait déjà passer ses tests aux pilotes. Un seul accident d'avion aux États-Unis a pu être attribué à la consommation de drogues et c'est l'avion de tourisme qui s'est écrasé dans le Grand Canyon. On soupçonne le pilote aux commandes de l'avion d'avoir consommé du cannabis, mais cela n'a pas été prouvé. Selon la FAAA, il y aurait 0,004 p. 100 de pilotes aux commandes d'un avion qui auraient consommé des drogues.
La consommation d'alcool est sans doute plus fréquente. Comme dans le reste du Canada, j'en suis sûr, on offre d'excellents programmes en Colombie-Britannique pour venir en aide aux pilotes dont le permis de pilotage a été confisqué pour des raisons médicales. Ces programmes ont permis à certains pilotes de retourner au travail après avoir suivi une cure de désintoxication.
Comme M. Wolfe-Milner l'a dit plus tôt, nous avons organisé un atelier à ce sujet en collaboration avec Transports Canada. Une étude a été faite en Colombie-Britannique, dans l'industrie du camionnage, au sujet des tests antidrogue faits au hasard. C'est le seul test qui a été fait en collaboration avec Transports Canada. Nous avons demandé à l'équipe qui avait fait ce test de venir en parler à des pilotes. Nous avons l'impression qu'on a voulu essayer de tuer un moustique avec un Howitzer. Voilà pourquoi nous préférons une approche fondée sur la sensibilisation au problème, plutôt que de demander aux sociétés aériennes de dépenser des sommes énormes pour faire passer des tests antidrogue à des équipages.
La société a changé. J'ai lu un document publié par les Forces armées canadiennes, qui faisait remarquer qu'il y a 20 ans, les jeunes gens consommaient plus d'alcool dans les bars. Les militaires consommeraient moins d'alcool maintenant, mais certains pensent qu'ils consomment plus de drogue. La tendance qui se manifeste dans l'ensemble de la société en Amérique du Nord se refléterait ainsi dans l'armée.
Le sénateur Bacon: Y a-t-il plus d'accidents d'hélicoptère que d'avion? Ces accidents sont-ils attribuables aux conditions météorologiques ou à une erreur humaine?
M. Wolfe-Milner: Il est possible qu'il y ait un peu plus d'accidents d'hélicoptère en Colombie-Britannique que d'accidents d'aéronef à voilure fixe de la même taille en raison des conditions dans lesquelles ils volent. C'est un environnement très exigent.
La plupart des accidents d'hélicoptère ainsi que des accidents d'avion sont dus à l'erreur humaine. Les conditions météorologiques, peuvent avoir une incidence, mais si un avion heurte le flan d'une montagne, on ne peut pas blâmer les conditions météorologiques, mais le pilote qui a décidé de ne pas en tenir compte. Il s'agit souvent d'une erreur de jugement. On a essayé de régler ce problème ces dernières années en offrant des cours de formation intensive aux nouveaux pilotes ainsi qu'aux pilotes d'expérience, sur la façon d'exercer son jugement.
Le sénateur Bacon: Le conseil a-t-il fait des recommandations à cet égard? Collaborera-t-il étroitement avec les diverses sociétés aériennes?
M. Wolfe-Milner: Oui, nous sommes complètement favorables à la formation dispensée à cet égard aux pilotes ainsi qu'au personnel d'entretien.
Le président: Le niveau de tolérance est-il zéro pour ce qui est de l'alcool ou des drogues? Un seul échec est permis?
M. Wolfe-Milner: Oui.
Le président: Ensuite on perd son emploi. C'est acceptable dans votre industrie?
Le sénateur St. Germain: Si on ne perd pas sa vie.
Le président: Je ne plaisante pas. Appliquez-vous la politique de la tolérance zéro à l'endroit de vos propres pilotes?
M. Wolfe-Milner: Je ne suis pas très sûr de ce que vous entendez par «tolérance zéro».
Le président: Un pilote qui se présente au travail en état d'ivresse est-il automatiquement congédié ou lui donne-t-on une deuxième chance?
M. Wolfe-Milner: Je ne pense pas qu'on puisse congédier quelqu'un pour ce motif aujourd'hui en vertu de la Charte des droits et des libertés, mais c'est une autre affaire.
Le président: On devrait pouvoir congédier quelqu'un pour ce motif.
M. Wolfe-Milner: La question a été abordée lors de l'étude du projet de loi portant sur les tests antidrogue.
Le président: Je parlais de façon générale. Je sais bien qu'il faut faire une distinction entre les différents types de drogue. Je ne sais pas comment on peut les décrire, mais je sais qu'il y a beaucoup de drogues sur le marché. Il y a des drogues pour vous tenir éveillés et des médicaments contre les maux de tête et les rhumes de cerveau. La tolérance zéro est un principe généralement admis. Si quelqu'un est pris à consommer des drogues, il perd son emploi. On ne donne pas à cette personne une deuxième chance, parce que les risques sont trop grands.
M. Wolfe-Milner: Cela dépend de chaque transporteur. Je pense que de façon générale, un pilote qui se présenterait ivre au travail perdrait son emploi, mais il y a parfois des circonstances atténuantes. Certains exploitants donneraient à cette personne une deuxième chance, dans la mesure où il l'aiderait à abandonner les drogues ou l'alcool, mais ils ne lui permettraient pas de piloter un avion.
M. Douglas: Monsieur le président, j'aimerais dire ceci pour qu'il n'y ait aucune méprise possible. Tout pilote d'un aéronef à voilure fixe travaillant pour l'une des sociétés avec lesquelles je suis lié et se présentant au travail en état d'ivresse un matin serait congédié sur-le-champ, quelles que soient les conséquences juridiques qui en découleraient.
M. Lynn Morrison, pilote en chef et copropriétaire, Baxter Aviation: Je pilote des avions sur la côte depuis 30 ans. Il est extrêmement rare qu'un pilote se présente avec les facultés affaiblies le matin au travail. J'ai entendu parler de deux cas semblables dans toute ma carrière. Le premier pilote a été dirigé vers un programme de réadaptation pour les alcooliques et il a pu reprendre son travail à la fin du programme.
J'ai donc eu connaissance de deux cas semblables en 30 ans. Ces cas sont tellement rares que je ne pense pas que ce soit une question qu'il faille soulever.
Le président: Nous devons soulever cette question. Si nous ne le faisons pas, nous ne saurons jamais si le problème est réel ou non.
Le sénateur Bacon: On soulève la question où que nous allions.
Le sénateur Perrault: On fait grand cas dans les journaux de tous les accidents d'avion, qu'il s'agisse de petits avions ou de gros avions. Comment se compare la situation dans votre province par rapport aux autres provinces ou par rapport à d'autres pays, en ce qui touche le nombre d'accident par 1 000 milles de vol, si c'est l'index qu'on utilise dans votre industrie? Le nombre d'accidents a-t-il diminué ou augmenté au cours des cinq dernières années?
M. Evans: Je sais que Transports Canada s'emploie à établir ces statistiques comparatives, que je n'ai malheureusement pas en main. Je demanderai s'ils ont ces chiffres. Une statistique manque cependant. Vous m'avez demandé quel était le nombre d'accidents par 1 000 milles de vol. Dans notre secteur, nous volons à 100 ou 110 milles l'heure, et non pas à 500 milles l'heure. Cette statistique ne nous concerne donc pas.
Dans notre secteur, ce sont les départs et les arrivées qui présentent le plus de risque. Notre société exploite entre 30 et 35 aéronefs. La durée moyenne de vol est de 0,3 à 0,4 heure. Autrement dit, nous décollons et atterrissons 2 à 3 fois par heure de vol. C'est une statistique qui s'applique seulement à notre secteur et pas à celui des grands transporteurs.
À cela s'ajoutent les renseignements météorologiques et les décisions prises par les pilotes, comme l'a mentionné M. Wolfe-Milner. Les pilotes prennent leurs décisions en fonction des meilleurs renseignements dont ils disposent au moment. Si ces renseignements ne sont pas fiables, cela aura une incidence sur la décision du pilote. Ainsi, si un pilote quitte Vancouver pour un trajet de 300 milles, il s'attend à ce que les conditions météorologiques correspondent au bulletin qu'on lui a donné. Si ce n'est pas le cas, c'est une source de grand stress pour lui. On s'attend à ce qu'il fasse bien son travail tout de même. Il aura cependant pris la décision de partir en se fondant sur des renseignements erronés.
Le sénateur Perrault: La situation s'améliore-t-elle en Colombie-Britannique? Peut-on dire qu'il y a moins d'accidents d'avion?
M. Evans: Je ne peux pas vous fournir de réponse pour l'instant. Je sais qu'on peut obtenir ces statistiques du ministère des Transports.
Le sénateur Perrault: Nous les obtiendrons donc.
Y a-t-il suffisamment de pistes d'atterrissage d'urgence? Que peut-on faire à cet égard pour améliorer la sécurité des transports aériens?
M. Evans: Je ne peux parler qu'au nom des exploitants commerciaux. Les avions à flotteurs ne sont utilisés que là où il y a beaucoup de pistes d'atterrissage. Les aéronefs bimoteurs, l'autre type d'avion le plus fréquemment utilisé en Colombie-Britannique, n'ont pas autant tendance à avoir du mal à trouver un endroit où atterrir immédiatement.
Le sénateur Lawson: Ma question porte sur le facteur de conversion. Avant de la poser, j'aimerais cependant revenir sur la question qu'a abordée le sénateur St. Germain. Si votre industrie veut que les prix du combustible diminuent, vous n'avez qu'à annoncer que vous allez faire faillite au cours des dix jours qui viennent et vous n'aurez ensuite qu'à attendre l'appel du ministre des Transports Anderson. Vous devez cependant d'abord tenir un vote parmi vos membres.
En ce qui concerne la conversion en système métrique, je suis sûr que vous vous souvenez tous de l'incident bizarre survenu à Air Canada à ce moment, il y a 15 à 20 ans. Un avion en partance de Montréal a été ravitaillé en carburant et on a converti du système impérial au système métrique la quantité de carburant nécessaire; on a apparemment vérifié le carburant à Ottawa, mais l'avion a manqué de carburant au-dessus de Gimli au Manitoba. Ce n'est que parce que les pilotes étaient intelligents et expérimentés qu'ils ont pu éviter une grande tragédie.
Soit dit en passant, lorsqu'on a demandé à un pilote de brousse ce qu'il pensait de cet incident, il a demandé si personne n'avait une jauge pour vérifier la quantité de carburant.
J'ai pensé que ce serait le seul incident de ce genre qui se produirait. Or, nous nous souvenons tous qu'il y a un an ou deux, en Colombie-Britannique, une ambulance aérienne en partance de Vancouver s'est écrasée près de l'île de Vancouver. Je ne suis pas un spécialiste du domaine, mais je crois comprendre que le problème qui s'est posé avait aussi trait dans ce cas-là à la conversion au système métrique. L'avion a touché à terre dans du mauvais temps avant d'atteindre la piste d'atterrissage. L'avion a atterri dans l'eau tuant ainsi quatre ou cinq personnes. Cela s'est produit dans les îles de la Reine Charlotte. Je ne peux pas vous donner plus de détails.
L'accident a-t-il été causé par une erreur de conversion? L'accident était-il évitable? J'ai l'impression que oui. A-t-on corrigé le problème? Qu'est-ce qui pourrait être fait, à votre avis, pour éviter qu'un accident semblable ne se reproduise?
M. Shields: Vous parlez du jet Lear qui s'est écrasé à Masset. Il ne s'agissait pas d'une erreur de conversion. Je ne sais pas si on a vraiment trouvé ce qui a causé l'accident. On me corrigera si j'ai tort, mais je crois que l'altimètre de l'avion n'avait pas été réglé sur l'altimètre de l'aéroport. Il ne s'agissait pas d'une erreur de conversion.
On règle la pression barométrique sur l'altimètre qui enregistre les changements dans la pression atmosphérique extérieure. Si on règle mal l'instrument, l'altitude donnée peut être trop basse ou trop élevée. Dans ce cas-ci, le pilote a pensé que l'altitude était plus élevée qu'elle ne l'était et on sait ce qui est arrivé.
L'altimètre joue un rôle critique lors de l'atterrissage pour les vols aux instruments. Dans le cas du vol à vue, c'est en regardant par la fenêtre qu'on sait à quelle altitude on vole.
Tout manuel de gestion dans le poste de pilotage, en particulier lorsque l'équipage se compose de deux personnes, insiste sur l'importance du réglage de l'altimètre. Toutes les compagnies que je connais mettent le réglage de l'altimètre en tête des vérifications à faire avant l'atterrissage. Quoi qu'il ait pu se passer dans le poste de pilotage ce soir-là, on n'a pas réglé l'altimètre. Depuis que je fais des vols aux instruments, on a toujours insisté sur l'importance du réglage de l'altimètre. Depuis 10 ans, c'est-à-dire depuis l'écrasement de l'avion d'Air Florida, les manuels de gestion dans le poste de pilotage font ressortir encore davantage d'importance de cette vérification.
M. Kaardal: Depuis quelques années, les petites sociétés aériennes ne parviennent à refiler aux consommateurs qu'une partie infime des énormes augmentations de coûts de fonctionnement qu'elles doivent absorber, et notamment le coût du carburant. De nombreux exploitants ont des avions fabriqués par DeHavilland, soit des Beaver et des Otter. Boeing vient d'acquérir DeHavilland. Mon employeur paie en dollars américains les pièces qu'il achète au New Jersey. Nos coûts ont pour cette raison augmenté dernièrement de 34 p. 100. Nous avons aussi du mal à obtenir certaines pièces.
Ainsi, si une nouvelle consigne de navigabilité exigeait de modifier les rails de fixation fauteuils, il faudrait s'approvisionner aux États-Unis. Quatre ou cinq morceaux d'aluminium qui sont visés dans le fond d'un avion peuvent coûter des milliers de dollars américains.
Le sénateur Lawson: Le ministre des Transports Anderson a-t-il bien dit que les concessions qui avaient été faites aux Lignes aériennes Canadien seraient également consenties aux autres transporteurs commerciaux? Pourquoi cela ne s'appliquerait-il pas à votre groupe?
M. Kaardal: On ne nous a certainement pas annoncé quoi que ce soit de semblable. Je peux vous assurer que cela nous réjouirait beaucoup.
Le sénateur Lawson: Lui avez-vous demandé ce qu'il en était? J'ai pensé qu'il avait dit que ces mêmes concessions seraient consenties à Air Canada et à d'autres transporteurs commerciaux. Cela viserait donc Greyhound et les autres transporteurs commerciaux. À titre de transporteurs commerciaux, pourquoi ne réclameriez-vous pas le même traitement? Vous devriez vous renseigner. Moi, j'exigerais le même traitement.
M. Kaardal: Nous le ferons.
M. Evans: Ces transporteurs utilisent du carburéacteur, mais nous utilisons de l'essence. On nous répondra certainement que la concession offerte ne s'appliquait qu'au carburéacteur et non pas à l'essence.
Le sénateur Lawson: Nous parlons ici du carburant et de l'industrie de l'aviation. Voilà l'argument que vous devriez défendre.
M. Evans: Nous le ferons. On nous répondra sans doute que la concession ne s'applique qu'au carburéacteur.
Le sénateur Adams: Je vais maintenant vous poser une question un peu différente de celles que vous ont posées les autres sénateurs. Je vis dans une région éloignée des Territoires du Nord-Ouest. Le ministre des Transports et d'autres fonctionnaires du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ont comparu devant le comité plus tôt.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, on a construit 52 aéroports et pistes d'atterrissage dans de petites localités. Le nord de la Colombie-Britannique compte des localités éloignées. La côte de la Colombie-Britannique ne gèle pas pendant l'hiver, contrairement à ce qui se passe dans ma région. Y a-t-il des localités de la Colombie-Britannique qui ne sont par reliées par route ou par traversier à d'autres localités? On ne peut se rendre dans certaines localités du nord-ouest que par avion et les avions à flotteurs ne peuvent atterrir que pendant l'été.
Y a-t-il des localités en Colombie-Britannique -- et je songe ici aux chantiers forestiers ou à des régions résidentielles -- où l'on ne peut se rendre que par avion?
M. Lloyd: Sénateur, certaines localités côtières sont desservies par des transporteurs réguliers. Dans d'autres localités, la liaison aérienne est assurée par les exploitants de vols nolisés.
Je ne connais pas de transporteur aérien qui ait conclu d'entente avec un traversier pour l'acheminement des passagers. C'est peut-être le cas dans certaines localités. Les gens de localités isolées se rendent peut-être à Prince Rupert par traversier et ensuite prennent un avion. Les habitants d'autres îles se rendent peut-être à Bella Bella, à Port Hardy ou à une autre localité côtière pour prendre ensuite un vol vers Vancouver ou une autre localité côtière.
Je sais que dans le Nord les avions sont équipés de skis. Chaque fois que je vais à Yellowknife, je vois des centaines d'avions équipés de skis qui transportent les gens en hiver. Je sais aussi que les ambulances aériennes sont équipées de skis dans le Nord. Il s'agit surtout d'avions nolisés. Je ne connais aucun transporteur régulier qui équipe ses avions de skis en hiver en Colombie-Britannique.
Le sénateur Adams: Il arrive dans le Nord que les pilotes d'ambulances aériennes doivent atterrir dans une localité où il n'y a pas de poste météorologique et ils doivent se fier aux renseignements que leur fournit l'infirmerie. Des problèmes se posent-ils dans les localités de la Colombie-Britannique qu'on ne peut atteindre par route et où tous les malades doivent être évacués par avion?
M. Lloyd: Je comprends où vous voulez en venir, sénateur. Don Douglas est le directeur administratif de la Northern Air Transport Association. Les exploitants de services aériens dans le Nord ont besoin de bons renseignements météorologiques parce que les malades de certaines localités au nord du 60e parallèle doivent être évacués vers un hôpital par hélicoptère ou avion à voilure fixe sur skis. Les renseignements météorologiques revêtent donc une grande importance dans ces localités.
Cela nous ramène à la question dont nous discutions plus tôt. Il est peut-être possible de former les gens dans les localités éloignées pour qu'ils deviennent des météorologues, mais il nous faudra des fonds pour le faire. Les pilotes d'hélicoptère et d'avion à voilure fixe qui sont appelés à se rendre dans ces localités dans des cas d'urgence doivent pouvoir communiquer par téléphone ou par radio avec quelqu'un qui leur donnera de l'information sur les conditions météorologiques. J'appuie sans réserve les efforts déployés par la Northern Air Transportation Association.
Le sénateur St. Germain: J'ai posé une question plus tôt qui faisait ressortir le caractère tout à fait particulier de notre région. M. Kaardal a mentionné les radars Doppler qui sont utilisés aux États-Unis. La plupart des avions à flotteurs qui font des vols VFR sont utilisés dans cette région et en Alaska. L'Alaska est-elle favorisée par rapport à nous pour ce qui est des systèmes de renseignements météorologiques? La situation est-elle à peu près la même à cet égard qu'ici? Je ne me suis jamais rendu par avion dans ces régions, mais on me dit qu'elles sont très semblables.
M. Kaardal: Cela fait des années que je n'ai pas piloté un avion en Alaska. Dans les années 60 et 70, je faisais souvent la navette entre Prince Rupert et l'Alaska. À cette époque, les installations météorologiques étaient semblables au Canada et en Alaska et on pouvait compter sur les mêmes renseignements.
Les sociétés aériennes de l'État de Washington comme Kenmore Air Services qui amènent au Canada l'été des pêcheurs de saumon et les touristes tiennent beaucoup aux renseignements que leur communiquent les gardiens de phare, particulièrement lorsqu'ils longent l'extrémité de la côte où il y a beaucoup de brouillard pendant l'été. Ils doivent pouvoir partir de Seattle en sachant qu'ils pourront atterrir à leur destination.
Il faudrait que je me renseigne pour ce qui est de l'Alaska. Je ne sais pas ce qui se passe là-bas actuellement, mais je sais que par le passé notre situation se comparait à la leur.
M. Evans: Il est intéressant que vous ayez soulevé la question. Nous parlions plus tôt de la possibilité de former des météorologues dans les stations hors réseau. On m'a dit que l'an dernier on avait accordé 17 000 $ de contrats en Colombie-Britannique. En Alaska, 500 000 $ ont été consacrés aux contrats de ce genre. Les habitants des localités éloignées ont reçu la formation nécessaire et sont rémunérés par le gouvernement. Voilà de quoi il s'agit lorsqu'on parle de traitement égal. Je pense cependant qu'on n'a pas tenu compte des phares. On pourrait peut-être échanger ces stations-là pour les phares. Ils ont en Alaska des stations météorologiques dotées de personnel ayant reçu la formation nécessaire.
Le président: C'était une question très importante. Merci d'avoir comparu devant le comité.
M. Lloyd: Monsieur le président, au nom de l'industrie de l'aviation, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de présenter notre point de vue, ce matin, aux membres du sous-comité sénatorial. Si vous avez besoin de plus amples renseignements, adressez-vous aux experts qui se trouvent ici présents. Ceux d'entre nous qui ont survolé la côte cumulent sans doute de 400 à 500 années d'expérience. Nous vieillissons, mais nous sommes toujours vivants.
Le président: Merci. Je donne maintenant la parole à M. Paul Reitsma.
M. Paul Reitsma, député à l'Assemblée législative de Colombie-Britannique: Monsieur le président, permettez-moi de me présenter, non pas parce que je suis un personnage important et que je porte complet et cravate, bien que je doute fort que ceux qui se trouvent en détresse en mer s'inquiètent de ce que porte leur sauveteur. Pour ma part, au début des années 80, j'étais membre du conseil municipal et j'ai été aussi maire de Port Alberni, une localité côtière. La pêche, la navigation de plaisance et l'aviation sont des activités très importantes pour nous.
Lundi dernier, j'ai terminé un mandat de neuf ans comme maire de Parksville. Port Alberni est la capitale mondiale du saumon. Parksville se trouve près de Nanaïmo sur l'île de Vancouver. Pour parler de ses atouts, c'est là où l'on trouve l'air le plus propre, les plages les plus longues, les impôts les plus bas et le souci de maintenir une qualité de vie. Nous sommes très fiers du phare Ballenas. Jusqu'à lundi dernier Parksville avait le maire le plus grand de Colombie-Britannique. Je mesure 5 pieds 18 pouces.
J'ai été élu député à l'assemblée législative sous la bannière du Parti libéral provincial au mois de mai. J'ai ceci en commun avec les gardiens de phare: je me sens très seul étant donné que je suis l'unique député à l'assemblée législative représentant une circonscription au nord de Victoria. Espérons que cela changera bientôt.
Monsieur le président, permettez-moi de lire l'exposé que j'ai fait à l'assemblée législative provinciale le 26 juillet dernier.
J'appuie les gardiens de phare. J'ai immigré au Canada en 1970. Je venais de Hollande. Parmi les métiers que j'ai exercés, j'ai été notamment pendant trois ans et demi garçon de bord puis commissaire de bord adjoint sur les navires de la Holland America Line. J'ai voyagé aux quatre coins du monde, ce qui m'a donné l'occasion de voir beaucoup de phares.
Quand on dit phare, le mot même évoque une image de solitude, de pouvoir absolu, d'opposition entre le domaine infini du marin et celui qui vit à terre. Les phares fascinent presque tout le monde car ils sont symbole d'espoir, d'aventure et de civilisation.
Certains mythes sont difficiles à dissiper. Les idées que l'on se fait quand on est enfant sur les cow-boys, les pompiers, les infirmières ou les cheminots ne vont guère plus loin que la maternelle mais quand il s'agit des gardiens de phares, les gens ne deviennent jamais adultes. Nous partageons une certaine sympathie avec celui qui a présidé à l'âge d'or de la navigation il y a deux siècles. Cook, Vancouver, Quadra et tous les autres marins anonymes qui ne connaissaient que la navigation à voile auraient été, à l'idée d'un service de traversier quotidien entre Tsawwassen et Prince Rupert, tout aussi emballés que nous le sommes à l'idée de villes qui seront installées sur Mars.
Si vous le pouvez, essayez d'imaginer la tâche énorme qu'ils ont accompli en cartographiant une côte découpée sur des milliers de milles, entaillée et tordue par d'innombrables fjords, des canaux et des passages, semée d'écueils et de fonds dangereux. Et ils se sont tirés d'affaire avec le compas, le sextant et des yeux fixés sur les étoiles. Chaque fois que les cartographes déroulaient leurs cartes dans leur cabine, ils constataient des détails nouveaux.
Si nous pouvons refaire le même parcours aujourd'hui en levant à peine les yeux de notre déjeuner ou de notre jeu vidéo ou de notre journal, c'est tout simplement parce que ce qui était autrefois dangereux a été si bien défini. Le passage nord-sud aujourd'hui est parsemé de phares, de balises, de bouées et de repères qui s'étendent de Race Rocks au sud à l'île Green aux portes de l'Alaska.
Le premier phare canadien était privé. À la fin de novembre 1859, le capitaine Nagle, le capitaine du port de Victoria, a acheté une lanterne pour 100 $ et l'a placée à la pointe McLoughlin à l'entrée du port de Victoria. Six mois plus tard, les tubes de la lanterne de Nagle avaient surchauffé et fondu. Il n'avait pas d'argent pour les remplacer et c'est ce qui a précipité la naissance du premier phare.
Avec l'appui du gouverneur James Douglas, la construction a débuté en 1860. C'est l'architecte H.O. Tiedeman -- renommé notamment parce qu'il a conçu le premier édifice législatif à Victoria -- qui a surveillé la construction du phare Fisgard. C'est à George Davies que revient l'honneur d'avoir été le premier gardien de phare à plein temps.
Dans les premières décennies de ce siècle, les gardiens de phare devaient polir les réflecteurs, tailler les mèches des lanternes au kérosène, changer les ampoules, remonter les mécanismes d'horlogerie et mettre en marche les indispensables cornes de brume. À cette époque, les bateaux dépendaient beaucoup des signaux lumineux et sonores qui leur venaient de la terre ferme pour atterrir sans anicroche.
Le Canada a repris trois phares de l'époque coloniale: ceux de Fisgard, Race Rocks et Sandheads, au moment où la Colombie-Britannique a adhéré à la Confédération en 1871. Pendant 120 ans, sur la côte ouest canadienne, à partir du moment où le premier phare de Fisgard a lancé ses premiers rayons dans la nuit, aucun bateau n'a fait naufrage et il n'y a eu aucune perte de vie attribuable à la négligence d'un gardien de phare.
Nous pouvons tous nous enorgueillir d'une tradition comme celle-là. La galanterie, l'expérience et le dévouement des gardiens de phare sont légendaires. Nous pouvions toujours compter sur nos gardiens. Ils étaient fiables. On leur faisait confiance. C'était très rassurant. Monsieur le président, les gardiens de phare ne remplissent qu'une seule fonction et ils sont experts en la matière: ils sauvent des vies. Nos gardiens de phare étaient sur place pour empêcher les accidents et répondre aux appels à l'aide.
Et voilà que maintenant c'est eux qui ont besoin d'être rescapés. Il nous incombe à nous maintenant de répondre à leur appel à l'aide: «Sauvez nos stations». Si ces gardiens quittent les phares, d'autres hommes vont mourir. Les gardiens de phare se trouvent dans des endroits très stratégiques et ils sont parfois les seuls yeux et les seules oreilles sur de longs parcours le long de la côte de Colombie-Britannique. Un système automatisé, tel que celui qui est proposé, ne pourra jamais être l'équivalent d'un système avec un préposé. L'automatisation est mécanique, froide et aveugle.
L'automatisation nous amène en terrain inconnu. L'automatisation des stations de phare ne permettrait pas de repérer les navires qui connaissent des difficultés mécaniques ou qui sont entraînés par les flots. L'automatisation ne permettrait pas de repérer les gens assaillis par le monoxyde de carbone ou d'autres gaz. Quel mécanisme automatisé pourra détecter le dernier geste fait en désespoir de cause, le lancement des fusées éclairantes?
Combien de fois avons-nous entendu dire que ceux qui avaient été rescapés l'avaient été à cause d'une intervention humaine. Ces cas-là sont très éloquents pour défendre la valeur incommensurable de phares habités. Combien de fois avons-nous entendu les gardiens dire que leur intervention avait fait toute la différence et que c'est à cause d'eux que tant de gens aujourd'hui sont vivants et n'ont pas succombé aux effets des intempéries.
Un incident bien documenté est celui des 40 à 50 bateaux d'une flotte de pêche au hareng qui se rendaient à l'extrémité du bassin de la Reine Charlotte. C'était par gros temps. Le vent faisait rage et les bateaux dansaient sur l'eau. Le tangage était effarent. Ces bateaux sont restés en contact avec le gardien du phare de Egg Island. Elle leur a dit: «Je vais veiller toute la nuit au besoin car je suis à peu près sûre qu'il va y avoir une accalmie à un moment donné durant la nuit. À ce moment-là, je vais vous alerter car demain, la tempête sera encore plus féroce.» Ainsi, à 4 heures du matin, elle a contacté les marins et leur a dit que la tempête se calmait. À son avis, ils pouvaient rentrer au port, ce qu'ils ont pu faire en toute sécurité. Ils sont convaincus que cette gardienne de phare a sauvé des vies cette nuit-là.
Il y a encore quantité d'histoires ahurissantes de personnes en détresse qui ont été sauvées et rescapées par des gardiens de phare. Ce sont des gens fiables, sur lesquels on peut compter. C'est rassurant.
Rich Bryant, le bureaucrate qui s'occupe des plans d'automatisation sur la côte ouest, a écrit que le matériel, notamment les bouées et les stations automatiques, avait tendance à faire défaut par gros temps et qu'on ne les répare pas dans les plus brefs délais, si bien qu'il y a des relevés qui très souvent sont manquants.
Ainsi, l'on n'a absolument aucune confiance dans ce système. Une technologie qui fait défaut et est erratique remplacera des phares habités qui démontrent depuis longtemps qu'ils sont sûrs, fiables et efficaces. L'on fait confiance aux gardiens de phare; l'on ne fait pas confiance à l'automatisation.
Il y a six ou huit semaines, nous avons eu une tempête, et on a appris que trois des stations automatisées n'avaient pas fonctionné. Il faut parfois des jours avant que l'on découvre qu'une station automatisée ne fonctionne pas. Entre temps, comment prévenir un accident catastrophique? Combien faudra-t-il d'accidents, combien faudra-t-il de déversements de diesel-navire souillé sur les plages avec toutes les conséquences que cela implique? Il est presque ironique que l'actuel ministre des Transports, l'honorable David Anderson, ait à prendre une décision sous peu.
Au fait, je lui ai parlé il y a trois mois, et sauf le respect que je dois aux membres du comité, il semblait avoir déjà pris sa décision. On ne peut pas s'attendre à ce qu'il la modifie, mais il faut espérer qu'à la lumière de tant de témoignages, la fameuse évaluation critique sera utile.
Je me souviens que l'honorable David Anderson avait fait campagne, à bon droit, pour mettre les gens en garde contre la possibilité que des pétroliers échouent et causent des dégâts sur la côte de la Colombie-Britannique. Ce sera à lui de prendre la décision et j'espère qu'il fera une campagne aussi vigoureuse pour souligner le danger de déversement de pétrole sur les plages. D'après nos renseignements, une somme de 2 à 3 millions de dollars serait négligeable quand on songe aux pertes de vie et au travail de dépollution auquel on s'expose. Si les gouvernements peuvent renflouer les Lignes aériennes Canadien et d'autres compagnies, alors il est possible de trouver cet argent. Je reviendrai là-dessus dans un instant.
Combien faut-il de pertes de vie? Quelle étendue doit avoir le cimetière marin avant que nous prenions conscience qu'on ne peut pas remplacer les hommes et les femmes qui font le guet? Vous pourriez vous être celui ou celle qui sera sauvé ainsi. La portée et la qualité des observations faites par un homme ou une femme, les services de sécurité offerts et les bulletins météorologiques de dernière heure ne peuvent pas être remplacés par des mécanismes qui ne sont pas fiables. L'automatisation permettra des économies minimales dans les meilleures conditions. Les pertes de vie et les dégâts possibles ne sont pas chiffrables.
D'après nos sources, il en a coûté en 1994 et en 1995, 9,64 millions de dollars pour exploiter les 35 phares de la Colombie-Britannique. Au cours des deux mêmes années, le coût d'exploitation des huit phares que l'on prévoit de fermer était de 1,7 million de dollars. Les économies prévues grâce à l'automatisation des 35 phares sont estimées à 3,7 millions de dollars. Dans le cas des huit premières stations, ces économies sont estimées à 1,1 million de dollars.
Je suis également le porte-parole du Groupe parlementaire libéral. Notre parti ne forme pas le gouvernement. Nous sommes dans l'opposition. Il faut que l'on sache que nous ne pouvons rien faire tant que nous ne sommes pas au pouvoir, mais une partie de notre plate-forme prévoyait de travailler avec le gouvernement provincial pour reprendre les phares et y maintenir des gardiens. Cela faisait partie de nos promesses, contrairement aux promesses non tenues concernant le maintien des gardiens.
Il y a des solutions. On a proposé certaines choses pour préserver les phares. On pourrait décréter qu'ils font partie des parcs maritimes provinciaux en vertu d'une entente de partenariat entre le secteur public et le secteur privé. Le gouvernement fédéral pourrait également adhérer à ce partenariat. Bien des ministères provinciaux et fédéraux et des secteurs industriels privés bénéficient directement ou indirectement des services qu'offrent les gardiens de phare: ainsi, les pêches, l'environnement, le tourisme, le transport, l'enseignement, la main-d'oeuvre, les travaux publics, l'emploi, les ministères et les industries qui ont des budgets de plusieurs milliards de dollars à l'échelle provinciale et fédérale.
Il a été question de percevoir un certain pourcentage des coûts auprès des organisations qui bénéficient de ces services. On a proposé de percevoir un droit symbolique sur les licences des bateaux et sur le carburant utilisé par les avions et les bateaux. Si l'on combine des éléments de ces propositions-là, nous arriverons à préserver nos stations et cela pourrait se faire en même temps qu'on actualise les politiques concernant les ports et les pêches. Avec un peu de bonne volonté, cela peut se faire.
L'appartenance politique n'a rien à voir ici. Comme j'ai été marin pendant trois ans et demi, j'ai vu beaucoup de phares. Je ne peux pas vous décrire combien ils me rassuraient et me mettaient en confiance. Seuls les gardiens de phare peuvent garantir la sécurité et faire fonctionner les phares pour dispenser ce rayon d'espoir.
Monsieur le président, c'était mon exposé. Je ne peux rien ajouter à ce qui a déjà été présenté et c'est très bien ainsi. C'est essentiellement ce que j'ai dit à l'assemblée législative. Soyez assurés que je ne suis pas un expert. J'appuie les gardiens de phare, à l'instar de notre parti provincial. Je ne suis pas un expert en matière technique. Mon bon ami Jim Abram est beaucoup plus versé que moi en la matière, beaucoup plus qualifié.
Le sénateur Bacon: Êtes-vous totalement opposé au système automatisé ou seriez-vous prêt à avoir recours aux deux, le préposé et le système automatisé, afin de voir si cela fonctionne avant que l'on ne prenne une décision définitive? Que pensez-vous d'un système automatisé amélioré? Accepteriez-vous qu'on le mette en oeuvre?
M. Reitsma: La position de notre groupe parlementaire est assurément de ne pas retirer les gardiens des phares car nous voulons que la côte de la Colombie-Britannique soit sécuritaire. Nous avons proposé que les coûts d'exploitation la première année soient assumés en transférant les crédits prévus dans le budget fédéral pour les phares à la province alors que les coûts d'exploitation ultérieurs seraient financés grâce à la réorganisation et à la réduction des effectifs prévus. Nous ne sommes pas favorables au retrait des gardiens.
Le sénateur Bacon: Préconiseriez-vous le recours au gardien et au système automatisé?
M. Reitsma: Je ne suis pas expert en la matière mais je vis à Parskville sur la côte est. Il y a six ou huit semaines, quand nous avons eu ces grosses bourrasques, il y a eu panne d'électricité et trois des stations automatisées n'ont pas fonctionné. Je ne pense pas que ce soit une statistique enviable.
Le sénateur Bacon: Il n'y a plus de gardien de phare?
M. Reitsma: Non, et les stations automatisées n'ont pas fonctionné. Elles sont tombées en panne. Il s'agit d'un misérable montant de 2 à 3 millions de dollars. Il faudrait songer aux suggestions comme celles des droits sur les licences pour exploiter une embarcation ou un aéronef. Nous pouvons renflouer certaines compagnies et les aider en réduisant la taxe sur le carburant. Je n'ai pas rencontré beaucoup de gens qui s'opposeraient à une augmentation négligeable du carburant marin ou de l'essence et qui verraient un inconvénient à un droit de licence sur les embarcations si cela doit garantir la sécurité des côtes.
Le sénateur Adams: Savez-vous combien de bateaux qui descendent de l'Alaska vers l'État de Washington le long de la côte de la Colombie-Britannique et se servent des phares? Les règlements concernant les pétroliers qui se dirigent vers les États-Unis ont été modifiés.
Notre comité de l'énergie a tenu des audiences ici en Colombie-Britannique il y a un an. Un témoin nous a parlé d'un pétrolier qui serait rénové en Alaska je me demandais si les règlements avaient été modifiés pour que les navires, essentiellement des pétroliers, empruntent un parcours plus au large de la côte. Y a-t-il eu modification des règlements? Le trafic a-t-il diminué par là?
M. Abram: Le trafic passe essentiellement le long de la côte extérieure de l'île de Vancouver mais il est permis dans certains cas de naviguer entre l'île et le continent. Les phares ont fait la surveillance de la situation écologique et des déversements au fil des ans. Ils sont les premiers à avoir repéré la marée noire du Nestuka sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Si entre l'île et le continent, les règlements permettaient un accroissement du trafic, il n'y aurait plus de déversements, plus de risques de désastre. Nous venons d'en voir un au nord du détroit de Seymour, au nord de Campbell River. En effet, un bateau de croisière et une barge ou plutôt un remorqueur tirant une barge chargée de propane et d'explosifs se sont presque heurtés. C'est le phare de Chatham Point qui a surveillé la situation et l'a signalée.
Le sénateur Adams: Ce qui est le plus inquiétant, c'est la côte. Il y a de petits bateaux et des canots. Depuis qu'on a recours au AWOS, on s'inquiète du fait que ces embarcations ignorent tout des conditions météorologiques qui prévalent là où ils vont. Ceux qui font de la navigation de plaisance utilisent-ils les phares?
Il y a des gens qui font du canot le long de la côte, dans les territoires également. Certains remontent les fleuves, d'autres naviguent dans la baie d'Hudson. Que fait-on en Colombie-Britannique à cet égard?
Le président: Sénateur, je crains que vous n'anticipiez ici. Vous pouvez répondre à cette question mais puisque M. Abram est assis à la table, je vais le présenter.
M. Reitsma: Monsieur le président permettez-moi de le faire. Quand Jim Abram m'a téléphoné il y a un mois, il m'a rappelé que c'était à cause de lui que certains kayakistes en détresse avaient été repérés. Si cela n'avait pas été fait, il est fort probable qu'il y aurait eu des noyades ou des blessures graves. Une station automatisée n'aurait pas pu remarquer les fusées éclairantes, ni les gaz qui s'échappaient, et elles n'auraient pas pu remarquer un grand nombre des activités récréatives et de tourisme qui se déroulent. Pour cela, il faut absolument l'oeil de l'homme. Il y a beaucoup de kayaks, de navigation de plaisance, de canotage. C'est un secteur très prospère.
Le président: Merci, monsieur Reitsma.
Je vais présenter officiellement M. Jim Abram. Il est très connu, à l'échelle internationale, car c'est un auteur, un fervent historien concernant les phares sur ce littoral. Je recommande aux sénateurs de lire ses oeuvres.
C'est une chance et un privilège de l'accueillir ce matin car c'est grâce à M. Abram que j'ai été mis au courant des difficultés qui existent sur le parcours qui sépare Langara du lieu où nous sommes.
M. Jim Abram, président, Gardiens de phares de Colombie-Britannique: Monsieur le président, merci de cette présentation élogieuse. Puis-je vous demander qu'on distribue l'exposé que j'ai apporté et qui contient des annexes de même qu'un article écrit par ma femme, Wendy. Elle n'est pas ici parce qu'elle fait mon travail en ce moment.
Le président: M. Abram est président de l'Association des gardiens de phares de Colombie-Britannique et je peux témoigner de leur diligence et de leur intérêt.
M. Abram: Honorables sénateurs, merci d'être venus en Colombie-Britannique et de nous donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Pour ceux qui ne me connaissent pas, je suis le président de la section locale des gardiens de phares de Colombie-Britannique de l'Alliance de la fonction publique du Canada. Je suis également le principal gardien de phares de la station de Cape Mudge qui se trouve sur l'île Quadra. Je vis là-bas avec ma famille et le gardien adjoint et sa famille.
Je trouve qu'il est tout à fait opportun que le Sénat ait autorisé une enquête sur la sécurité des transports à l'échelle nationale, notamment le long de la côte de la Colombie-Britannique. En tant que gardiens de phares en Colombie-Britannique, ma famille et moi-même nous intéressons à la question de la sécurité maritime et aérienne depuis 18 ans. Nous pensons qu'il est extrêmement important, valable et gratifiant de faire ce travail car il est très apprécié par le public voyageur.
Depuis 11 ans, je lutte contre le retrait des gardiens de phares des phares de Colombie-Britannique afin de préserver le système le plus efficace et le plus rentable dans les services essentiels de sécurité des transports. Si je suis venu aujourd'hui, c'est pour vous parler des services dispensés par les gardiens de phares, de l'ampleur de leur utilisation et des conséquences de leur retrait.
La Garde côtière canadienne a entrepris un programme d'automatisation des phares vers la fin des années 60. Il s'agissait d'équiper les phares d'un mécanisme électronique qui pourrait accomplir les tâches les plus simples et les plus banales afin que les gardiens de phares puissent disposer de plus temps pour accomplir toute une gamme d'autres tâches qui venaient s'ajouter à leur travail quotidien officieux. On leur demandait alors de faire des rapports météorologiques plus détaillés pour la sécurité maritime et aérienne, de jouer un rôle plus actif dans les opérations de recherche et de sauvetage, de jouer un rôle plus actif dans les communications radio parce que la radio de la Garde côtière ne pouvait pas couvrir toute la côte, et divers organismes gouvernementaux ont commencé à utiliser intensivement les services des gardiens de phares pour faire des observations scientifiques et recueillir des données.
L'automatisation visait donc à venir en aide aux gardiens de phares et non pas à les remplacer. Dans son rapport de 1981, le vérificateur général révèle que ce programme avait coûté entre 60 et 70 millions de dollars et pourtant il n'était pas mené à bien ni efficace.
Au cours des 15 années qui se sont écoulées depuis, ces chiffres ont été publiés et on peut présumer qu'une somme équivalente a été dépensée en sus de la somme originale à cause de l'obsession de la bureaucratie de la Garde côtière qui envisage le retrait des gardiens de phares depuis 1984. Il y a des fonctionnaires qui ont joué leur carrière sur ce programme dont la réalisation leur tient personnellement à coeur. On a perdu de vue l'objectif de départ et le but est désormais de supprimer les gardiens de phares et non pas de procéder à l'automatisation par suite des compressions budgétaires générales au sein des ministères.
Pour faire perdurer les emplois des fonctionnaires de maîtrise et des cadres, les compressions visent désormais le niveau des opérations, la prestation des services, ce qui est la raison d'être même du ministère.
Il faut répondre à une des questions que vous posez dans votre mandat, à savoir si les compressions gouvernementales ont affecté la sécurité au fil des ans. Il faut dire que ce ne sont pas les compressions qui ont affecté la sécurité mais le fait que l'on ait à tort fait confiance aux bureaucrates pour procéder à ces compressions de manière à ce qu'elles aient le moins d'incidence possible sur les opérations. La gestion de la Garde côtière a fait la preuve année après année qu'elle choisira toujours de supprimer le programme opérationnel plutôt que de sabrer dans le nombre des postes d'administration grassement payés et faisant double emploi.
Le gouvernement n'a pas encore compris ce qui se passe. Le gouvernement n'a pas écouté la voix des électeurs, qu'il représente et qui paient pour ces services. Le gouvernement a permis à des bureaucrates non responsabilisés et non élus de présenter des plans mal organisés qui vont totalement à l'encontre des souhaits du public et du bien public. Le gouvernement a permis à ces mêmes bureaucrates de manipuler et de présenter sous un faux jour la réalité lorsqu'ils tenaient leurs maîtres politiques au courant. J'utilise l'expression «maîtres politiques», de façon générale, parce qu'il est bien connu que le directeur général de la Garde côtière canadienne a déclaré qu'il n'a pas à respecter la volonté du ministre. Au lieu d'être licencié pour pareille indiscipline, on lui a donné de l'avancement, et il dirige désormais les destinées de tous les services de sécurité en matière de transports maritimes et aériens.
Honorables sénateurs, je pense que vous avez votre feuille de route. Les phares et les gardiens de phares ont très peu changé depuis leur avènement sur cette côte il y a 130 ans, à part la multiplication des services et l'accroissement de la demande dont j'ai parlé. Cela s'explique du fait qu'il y a eu une augmentation phénoménale de la population, du commerce et des moyens de transports.
Nous sommes un peu mieux payés que nos prédécesseurs. Toutefois, nous faisons partie d'un des groupes les moins bien rémunérés de tous les fonctionnaires canadiens, le salaire moyen annuel étant de 26 000 $. Il est vrai qu'on nous fournit le logement. Toutefois, il nous faut payer tout ce dont nous avons besoin, fournitures et provisions. Nous travaillons des plages de 12 heures, sept jours par semaine, 365 jours par an. Nous n'obtenons pas de temps supplémentaire payé ou de crédit pour les heures travaillées au-delà des huit heures réglementaires par jour, cinq jours par semaine.
Le président: À quand remonte votre dernière augmentation de salaire?
M. Abram: Je pense que c'était en 1991.
Je tiens à dire qu'il ne s'agit pas ici d'une plainte. Je ne fais que citer des faits à l'appui de mon affirmation concernant la rentabilité des services. La description de notre emploi est tout à fait désuète car elle ne contient absolument pas la liste de nos responsabilités actuelles. Pour la plupart, ces responsabilités ont évolué avec le temps et les besoins. Nous sommes ravis que l'on rajoute des tâches à la liste de celles que nous accomplissons actuellement car nous savons que les services que nous fournissons sont nécessaires à la sécurité des transports des travailleurs et des voyageurs sur la côte.
Beaucoup de gens se demandent ce que font les gardiens de phares. Outre l'entretien de tout ce qui se trouve sur les lieux, structures, machines et équipement, nous devons fournir quotidiennement sept bulletins météorologiques marins locaux et notamment l'état du ciel, la visibilité, les obstructions à la visibilité comme le brouillard et la neige, le genre de précipitations, la vitesse du vent, sa direction et sa tendance, comme les rafales par exemple, l'état de la mer, y compris l'amplitude de crête à creux et le creux de la houle, ainsi que d'autres observations qui sont importantes pour les marins et les pilotes. Il y a certaines stations le long de la côte qui donnent également la pression barométrique et la tendance.
Outre, le temps qu'il fait en mer, 17 stations donnent également des rapports météorologiques pour la navigation aérienne si bien qu'en plus des renseignements cités plus haut, elles fournissent des renseignements sur l'ennuagement, sa hauteur, sa quantité et son type, de même que la température de rosée, qui est critique pour les aviateurs. À cela s'ajoutent des remarques spéciales pour les aviateurs, comme la présence de tonnerre et d'éclairs dans la région, toute situation anormale à notre poste d'observation et tous les autres renseignements pertinents qui pourraient avoir des répercussions sur leur sécurité.
Nos renseignements météorologiques sont renouvelés toutes les 12 heures, et nous donnons les maxima et minima pour la température de la journée et de la nuit de même que le type de précipitations au cours de chacune des périodes. Dans certaines stations, on fait la surveillance 24 heures sur 24 des données fournies par le centre d'alerte des tsunamis, on procède à l'enregistrement de l'activité sismique, à l'échantillonnage de l'eau pour en mesurer la salinité et la température, et on surveille diverses espèces d'oiseaux et de mammifères marins. Par ailleurs, toutes les stations surveillent les infractions à la Loi sur les pêches et un éventuel trafic de drogues. Notre situation stratégique d'une frontière à l'autre témoigne éloquemment de notre souveraineté canadienne sur l'«Inside Passage». Pendant les guerres du poisson, comme on les a appelées, ces dernières années, cette souveraineté a été menacée.
Le travail du gardien de phares est en fait de surveiller la côte. Chacun d'entre nous, y compris les membres de notre famille, qui ne sont pas rémunérés, sont constamment en train d'observer ce qui se passe aux alentours. Nous savons quand il y a quelque chose de différent, qu'il s'agisse d'un navire en détresse, d'un avion ou d'un bateau qui ne devrait pas être là où il est ou un changement imperceptible de la météo qui peut être annonciateur d'une catastrophe. Nous sommes les observateurs humains qui surveillent les 360 degrés de la voûte céleste, de l'eau et de la terre qui nous entourent. Nous pouvons voir, entendre, sentir et humer ce qui se passe. Il n'y a rien aujourd'hui, absolument rien, qui puisse observer autant de choses. Tout ce qui remplacera des observations humaines se traduira par une dégradation du service, une qualité de service inacceptable pour ses usagers. Il y aura mort d'hommes si l'on laisse cette dégradation du service se poursuivre.
À qui sert les services que nous offrons? On croyait généralement que c'était les plaisanciers. À la fin de 1994 et au début de 1995, une équipe composée de quatre gestionnaires de la Garde côtière et de quatre gardiens de phares, dont je fais partie, ont reçu l'ordre de la Garde côtière de tenir des assemblées publiques dans 28 localités de la côte de la Colombie-Britannique. Nous avons entendu tous les secteurs du milieu maritime: pêche commerciale, pêche sportive, navigation de plaisance, remorqueurs et chalands, pisciculture en pleine expansion, et transports maritimes, chaque secteur valant plusieurs millions, voire plusieurs milliards de dollars. Nous avons entendu des représentants du secteur forestier, dont un des témoins d'aujourd'hui, M. Terry Shields. Nous avons aussi entendu les représentants du tourisme et des transports aériens.
Des membres des détachements maritimes, aériens et terrestres de la GRC ont comparu en uniforme au nom de la Gendarmerie. Ils parlaient au nom de la Gendarmerie et non en leur nom propre.
Nous avons entendu des agents des pêches, des scientifiques, des aînés des Premières nations, des chefs et des membres dont la vie dépend de la sécurité des transports entre leur domicile et les régions traditionnelles de cueillette d'aliments.
Nous avons entendu chaque administration locale, le gouvernement provincial, les Chambres de commerce et les organismes communautaires. Tous se sont opposés à des réductions supplémentaires des services garantissant une sécurité des transports. Ils se sont dit opposés à l'élimination du personnel des phares et de la réduction correspondante ou de l'élimination des services.
En un mot, nous avons entendu un très large éventail de la population côtière et personne n'est en faveur de l'automatisation ou n'accepte que les observations humaines puissent être remplacées par du matériel automatique défaillant qui n'a jamais été conçu pour remplacer l'être humain et dont la vocation était de l'assister. Ne l'oubliez pas. Les bureaucrates qui faisaient partie de cette mission n'ont rien écouté. Ils sont allés de l'avant, ont manipulé les données et ont assuré au ministre des Transports que la sécurité ne serait pas compromise. Or, c'est lui qui a été compromis par ces bureaucrates intéressés.
Cette évolution a été un effort intentionnel et à long terme pour induire la population et les politiques en erreur. Les seuls qui ont mordu à l'hameçon aujourd'hui sont les politiques. Ils sont obligés de se fier à ceux qu'ils engagent pour les conseiller, mais ils doivent aussi rendre des comptes à ceux qui les ont élus lorsque ces citoyens leur donnent des renseignements intelligents, de première main et avérés sur un plan pondu par des ingénieurs, qui ne marche pas et qui menacera la sécurité et leur gagne-pain.
J'ai déjà parlé des répercussions générales de toute réduction supplémentaire des services garantissant la sécurité des transports grâce aux phares. Je le répète. Il y aura mort d'hommes. De plus, l'économie des villages côtiers de la province va en pâtir et le gouvernement fédéral devra dépenser davantage que ce qu'il compte économiser grâce à l'automatisation.
Voici ce qui se passera après l'élimination des gardiens de phares. Tout l'entretien des bâtiments, des machines et du matériel sera fait par des travailleurs bien rémunérés, peut-être à contrat, qui viendront en hélicoptère à intervalles réguliers de Victoria. Un hélicoptère coûte entre 1 700 $ et 2 700 $ l'heure, selon le type d'appareil.
Aucune aide ne sera plus apportée aux opérations de recherche et de sauvetage sur la côte, au moment où l'on est en train d'effectuer des réductions importantes à la flottille de sauvetage. L'an dernier, à plus de 6 000 reprises, les gardiens de phare ont apporté leur aide; il n'y aura plus personne pour le faire. La douzaine de personnes qui ont été rescapées par des gardiens de phares, seraient mortes aujourd'hui. Il n'y aura plus personne pour les sauver.
Les services de prévisions météorologiques maritimes assurés par les gardiens de phare, actuellement très complets, disparaîtront et seront remplacés à certains endroits par un capteur qui ne pourra donner que la vitesse, la direction du vent et peut-être des données barométriques et encore seulement à l'occasion. Les registres et les témoignages montrent que le matériel ne peut produire un rapport que la moitié du temps au plus gros de la tempête, alors qu'on en a le plus besoin.
N'oubliez pas non plus que ce sera une quantité minime de renseignements qui seront transmis lorsque l'appareil sera en état de marche, par opposition aux observations humaines dont j'ai parlé tout à l'heure. N'oubliez pas que l'humain peut donner un compte rendu 100 p. 100 du temps, quel que soit le temps qu'il fait.
Il faut aussi savoir qu'il n'y aura plus personne pour garantir l'exactitude des renseignements transmis par ces instruments automatiques de qualité inférieure. Les dossiers font état d'inexactitudes renversantes et de rapports erronés. Pourtant, les marins et les aviateurs sont censés risquer leur vie, leur appareil, leurs cargaisons et leurs passagers en se fiant à du matériel qui transmet de façon chronique des renseignements faux ou tronqués.
Je vous le rappelle, ce matériel n'a pas été conçu pour rendre compte de la météo locale, comme l'humain peut le faire. Il n'a été conçu que pour fournir des données destinées à établir des prévisions entre 80 et 90 p. 100 du temps. C'est tout.
La Garde côtière, va installer une ou deux bouées enregistreuses de vagues pour donner l'impression qu'elle répond aux besoins de la population. Les bouées sont censées rendre compte des conditions de la mer dans le secteur. Elles donneront des renseignements combinés sur le creux de la houle et l'amplitude de la crête de la vague. Ce qui sont deux types tout à fait différents de vagues, qui peuvent venir de deux directions tout à fait différentes. De plus, la bouée ne peut pas mesurer le courant de marée dans le secteur. Sur les côtes, se sont des conditions que l'on rencontre souvent. À mon phare, il n'est pas rare d'avoir des vagues de 20 pieds. Elles ne seront pas enregistrées même s'il y avait une bouée dans le secteur.
Dans 17 des 31 phares qui restent, on éliminera également les observations météorologiques pour l'aviation. Cela empêchera les pilotes de prendre des décisions éclairées lorsqu'ils détermineront leurs plans de vol. Les pilotes peuvent couvrir tout le secteur en deux heures. Ils ont besoin d'observations exactes, locales et visuelles pour prendre de bonnes décisions. Devoir se rendre sur place pour voir ce qu'il en est, est très dangereux et très coûteux; beaucoup de petites compagnies seront acculées à la faillite.
Ce service d'observations météorologiques n'existera plus non plus pour nos pilotes d'hélicoptères de la Garde côtière, qui devront emmener des équipes de réparateurs lorsque le matériel tombera en panne. Les pilotes ont déjà dit publiquement qu'en l'absence d'informations sur les conditions météorologiques locales, ils refuseront de décoller. Imaginez alors ce qu'il adviendra des réparations à un matériel qui tombe systématiquement en panne.
Le 17 octobre de cette année, il est survenu un accident qui illustre bien ce qui nous attend si les observations humaines sont remplacées par des capteurs automatiques tributaires des systèmes de télécommunication, du satellite et des ordinateurs. Quatre des phares qui viennent d'être automatisés sont tombés en panne pendant la tempête, tout comme de nombreuses autres stations météorologiques automatiques en bordure de la côte. Il est arrivé exactement ce que les utilisateurs avaient prévu.
Encore une fois, la Garde côtière a lancé son opération de dissimulation bureaucratique. Elle a d'abord nié les pannes. Carrément, elle a nié que ces pannes étaient survenues même s'il y a des preuves.
Puis, elle a dit que c'était une panne de communication. Puis des pépins avec le logiciel. Le coup de grâce a été le communiqué qu'elle a publié dans lequel elle a affirmé que même si un être humain avait été de service, cela n'aurait rien changé.
Pour moi, cela montre que la Garde côtière ne sait même pas comment fonctionne le système actuel. Elle n'y comprend rien. S'il y avait eu un gardien de phare sur place, les observations météo auraient été diffusées directement à la station radio de la Garde côtière où elles auraient été transcrites et incorporées au bulletin de diffusion maritime continue que les utilisateurs auraient pu capter directement grâce à leur récepteur de navigation, sans avoir à passer par un système de télécommunications, le satellite ou l'ordinateur.
C'est le cas de le dire, la Garde côtière a vraiment manqué le bateau. Peu importe où le système a flanché, il a flanché. L'utilisateur n'a jamais obtenu le bulletin météo. Peu importe quelle étape du processus a fait défaut. Pendant 36 heures, l'usager n'a pas pu avoir de bulletins météo.
Voilà, madame et messieurs les sénateurs, ce qui arrivera après l'automatisation et quel effet cela aura sur la sécurité des transports. Les effets sont graves et sont imminents. Les citoyens de la Colombie-Britannique se tournent vers vous pour que vous convainquiez le gouvernement que ce programme doit cesser.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Je vous ai remis des documents. J'y ai inclus une copie pour vos dossiers des documents suivants. L'un d'eux est le tout dernier exemplaire du Lightstation Project Report, les constatations de l'enquête effectuée dans les 28 localités dont je parlais par l'équipe de la Garde côtière. Le rapport formulait des blâmes sévères à l'endroit du programme et est maintenant épuisé; la Garde côtière refuse de le réimprimer. Vous avez le dernier exemplaire.
Vous trouverez aussi le document intitulé «Lifestation Assistance-to-Public Report». C'est un document très volumineux qui examine chaque station de phare et qui énumère tous les cas d'assistance rendue. Vous trouverez également des coupures de presse, des articles, des documents d'information et, le dernier mais non le moindre, le rapport sur les pannes du système automatisé entre le 17 octobre et le 25 novembre 1996. Des inscriptions ont été faites chaque jour. Chacun d'entre vous a reçu cela. Il apparaîtra clairement que les problèmes n'ont pas été corrigés. Ils existent depuis 20 ans et ils n'ont pas été corrigés depuis le 17 octobre.
J'aimerais vous présenter l'un des travailleurs non rémunérés dont je vous parlais, ma fille Melissa. Je vais vous donner un exemple d'aide non rémunérée dont nous bénéficions. Un jour, elle a remarqué qu'un pêcheur était tombé par-dessus bord devant notre station, il y a quelques années. Il était seul à bord d'un bateau en marche qui est parti sans lui. Si elle ne s'en était pas aperçue et ne me l'avait pas dit, nous n'aurions pas pu le rescaper et il serait mort de froid dans l'eau. Il n'avait ni gilet de sauvetage, ni tenue de survie. C'est le genre de chose qui arrive dans toutes les stations sur la côte.
Le président: Peut-être votre fille voudrait-elle venir présenter l'exposé de votre femme.
M. Abram: Non, elle ne veut pas. Merci quand même d'avoir demandé.
Le président: Nous allons annexer le mémoire au compte rendu, comme s'il avait été lu. Voulez-vous bien transmettre nos remerciements à Mme Abram?
M. Abram: Volontiers. Elle y tient beaucoup et vous verrez que c'est très personnel.
Le président: À ce propos, je reconnais le rôle important que jouent les familles. Je connais d'incroyables récits de courage, de détermination de gens qui veulent tout simplement bien faire un travail qui est difficile.
Le sénateur St. Germain: Je vous remercie beaucoup de votre excellent exposé, monsieur Abram. En Alaska, est-ce qu'il y a des phares?
M. Abram: Il y en avait. J'imagine qu'il y en a encore. Je ne suis pas sûr.
Le sénateur St. Germain: Vous imaginez?
M. Abram: J'imagine qu'il y a encore des phares. Je ne sais pas s'ils sont habités ou non.
Le sénateur St. Germain: Vous ne le savez pas?
M. Abram: On me dit que les États-Unis ont éliminé le personnel de leurs phares. Comme l'Alaska en fait partie, j'imagine qu'il n'y a plus de gardiens de phare.
Le sénateur St. Germain: Comment se sont-ils débrouillés? Un autre témoin ce matin nous a dit qu'ils consacrent beaucoup d'argent à la formation du personnel à divers endroits. Est-ce le cas d'après vous? Êtes-vous au courant? Notre situation est-elle différente de la leur. Je pense aux villages côtiers, aux conditions météorologiques et aux divers dangers en bordure du littoral?
M. Abram: Le témoignage que vous avez entendu ce matin portait sur les sommes qui sont dépensées en Alaska. Je ne peux pas confirmer si ce chiffre est vrai. Aujourd'hui en Colombie-Britannique, les observateurs de conditions météorologiques pour l'aviation dans les phares sont payés 1 400 $ par an pour assurer une surveillance de 24 heures sur 24. Tout le long de la côte, il y a actuellement beaucoup de gens à contrat. Par le passé, ces contrats ont été accordés par les services de navigation aérienne. Je ne sais pas si cela sera transféré à Navigation Canada ou non.
Les contrats varient entre 50 000 $ et 60 000 $ par observateur par endroit. À deux observateurs à chaque endroit, il y en a 17, cela fait une somme assez coquette. C'est ce qu'il faudrait pour remplacer les postes météo en aviation là où ils sont.
Aujourd'hui, sous la direction de Pêches et Océans, la Garde côtière dit que ce n'est pas à elle d'assurer le service météo pour l'aviation. C'est vrai, officiellement, mais ils sont obligés de fournir les observations météorologiques maritimes locales dont se servent aussi les pilotes. Certains d'entre eux s'en servent davantage que des bulletins météo pour l'aviation. Elle a donc le devoir de fournir les bulletins maritimes locaux qui comportent des éléments comme la visibilité, le type de précipitations, la vitesse et la direction du vent et l'état de la mer pour les avions à flotteurs et les hélicoptères.
Le sénateur St. Germain: À moins d'un imprévu, le combat que vous menez a peu de chances de réussir et en pareille circonstance, il faut faire du mieux avec ce que l'on a. Pourriez-vous nous dire comment nous pourrions rationaliser le système tout en laissant le gouvernement faire ce qu'il estime devoir faire, tout en répondant aux exigences de sécurité?
M. Abram: Oui. Ce que le gouvernement doit faire -- je reprends vos propres mots -- c'est réduire ses budgets.
Le sénateur St. Germain: Effectivement.
M. Abram: Là n'est pas le problème. Nous avons fait une proposition au gouvernement qui montre que, sans rien changer aux opérations ou au personnel des phares, il pourrait réduire ses coûts de près de moitié uniquement grâce à des gains d'efficacité dans le système. Je parle de la bureaucratie, la répartition des coûts entre les bureaux régionaux et le siège national. Le chiffre de 50 p. 100 est supérieur à ce que le gouvernement veut économiser grâce à l'élimination du personnel. Mais le gouvernement ne veut rien entendre. Il refuse même de nous rencontrer pour en discuter.
Rien ne peut arrêter ce programme. Il a été créé à Vancouver et a remonté la filière jusqu'à Ottawa. On peut faire des économies et faire les choses autrement et apporter d'autres améliorations au système. Vous avez entendu ce matin ce que les aviateurs souhaitent. Depuis 1986, nous proposons que les bulletins pour l'aviation soient donnés pendant le jour à chaque heure avec des mises à jour au besoin. La Garde côtière ne veut rien entendre. Elle dit que cela entrera en conflit avec nos fonctions. Or, une de nos fonctions, c'est d'assurer le service qui garantisse la sécurité des transports. Il y a donc contradiction.
Tout à l'heure, vous avez dit qu'il fallait faire avec ce que l'on a. Nous pouvons essayer de faire au mieux dans les circonstances. Aujourd'hui, le pays est dans la dèche. Mais ce n'est pas au niveau opérationnel, là où la sécurité est en jeu, qu'il faut faire des économies.
Les témoins que vous avez entendus aujourd'hui et tous ceux qu'ils représentent apportent d'énormes revenus aux gouvernements provincial et fédéral et aux administrations locales. Allons-nous leur lier les mains et ainsi réduire les recettes du gouvernement grâce à cette piètre économie de 3,5 millions de dollars qui ne se fera même pas? N'oubliez pas que ces 3,5 millions de dollars n'existent que sur papier. Jamais le gouvernement ne s'est engagé à économiser cet argent.
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, j'ai trouvé l'exposé très intéressant, de même que les articles de journaux. Notre monde semble s'acheminer inexorablement vers des méthodes beaucoup plus automatisées pour assurer la sécurité de nos voies de navigation et cela comprend l'automatisation des phares. Il n'y a aucun gardien de phare sur la côte est. Il n'y en a presque plus en Grande-Bretagne. Partout dans le monde, on tend à employer ces nouveaux appareils.
Est-ce que partout les autorités négligent délibérément et froidement l'aspect humain de la chose? Sont-elles prêtes à risquer une catastrophe à cause de l'automatisation ou y a-t-il un autre facteur en jeu? La situation est-elle à ce point différente sur la côte ouest du pays qu'il faudrait exclusivement des stations habitées alors que le reste du monde a pris le parti de l'automatisation? Je ne vous cherche pas querelle. Il est très intéressant de constater que les Américains, les Hollandais et les Britanniques ont tous des stations automatisées. En quoi la situation de la Colombie-Britannique est-elle différente?
M. Abram: Je vais d'abord répondre à votre dernière question. La différence est très grande. Notre littoral est unique en son genre. Nous assurons des services sans pareil à partir d'un emplacement stratégique. Ce n'est pas le cas ailleurs. Vous avez parlé de la côte est. L'élimination du personnel est en cours là aussi. Tout le personnel n'a pas entièrement disparu. Dix stations devaient être visées pendant le premier exercice financier, c'est-à-dire cette année.
Le sénateur Perrault: C'est en cours.
M. Abram: Oui. Il reste une vingtaine de stations. La différence entre eux et nous, c'est d'abord que les phares ne fournissent pas d'observations météorologiques. Deuxièmement, les gardiens de phares n'habitent pas à la station. Ils habitent en ville près de la station, et ne sont donc pas de service 24 heures par jour. Troisièmement, ils n'assurent pas les services de sauvetage que nous assurons, ni les communications.
Leur travail est tout à fait différent. Il y a de nombreuses années, ils ont commencé à travailler sept heures et demi ou huit heures par jour. C'est toujours le cas aujourd'hui. Pas nous. Nous avons décidé de faire ce que la population demandait, c'est-à-dire assurer une présence 24 heures sur 24.
Pour ce qui est de la Grande-Bretagne, il y a quelques années, un an après l'élimination des derniers employés de phares, on a remis du personnel dans 43 stations. Dans certains cas, il s'agissait de stations de surveillance de la côte, d'autres étaient des phares. Cette année-là, environ 15 personnes ont péri -- je ne suis pas certain, mais je me souviens d'avoir vu ce chiffre.
Le sénateur Perrault: Pouvez-vous nous donner des preuves?
M. Abram: Nous les avons.
Le sénateur Perrault: J'aimerais avoir cela, c'est important.
Il y a une autre côte dans le monde qui est semblable à celle de la Colombie-Britannique, celle de la Norvège. J'y suis allé et c'est très semblable à la Colombie-Britannique, avec ses fjords et son littoral découpé. Que fait la Norvège?
M. Abram: Je crois savoir que la Norvège a beaucoup de stations inhabitées, mais il n'y a pas le même trafic que nous avons ici; il ne se passe pas la même chose non plus.
Le sénateur Perrault: Il y a donc un certain nombre de stations inhabitées en Norvège?
M. Abram: D'après ce que je sais. Je ne suis pas un spécialiste de ce pays.
Le sénateur Perrault: Il y aune chose que je ne connais pas du tout, mais il serait peut-être bon de savoir si des perfectionnements sont apportés au matériel automatique. Peut-être qu'en Colombie-Britannique il faut des stations hybrides, certaines habitées, d'autres automatiques, comme l'a proposé un des témoins entendu aujourd'hui. Peut-être faut-il combiner les deux.
M. Abram: J'ai dit dans mon exposé qu'il pourrait y avoir un système hybride. À l'origine, on devait installer des capteurs automatiques qui fourniraient constamment des données pour l'établissement des prévisions; un gardien de phare était censé toujours assurer les observations maritimes locales, c'est-à-dire observer tout ce qui se passe dans le secteur et rendre compte des lectures du matériel automatique, qu'elles soient bonnes ou non.
Ce que les utilisateurs ont dit, c'est qu'une information erronée est pire que pas d'information du tout. Ils n'ont aucun moyen actuellement de vérifier au moyen d'une station automatisée si l'information est bonne ou non.
Le sénateur Perrault: Vous trouvez donc qu'il faudrait accorder beaucoup plus d'attention à toute la question avant de prendre une décision définitive?
M. Abram: À propos de l'élimination du personnel?
Le sénateur Perrault: Oui.
M. Abram: Oui. Beaucoup d'attention y a été accordée mais on continue obstinément à aller dans ce sens.
Vous avez aussi parlé des gouvernements d'autres régions du pays et vous avez demandé si elles allaient de l'avant sans se soucier du bien-être des gens. Les pilotes côtiers de la Colombie-Britannique, ceux qui pilotent les navires dans nos eaux, rencontrent des navires dans le détroit de Juan de Fuca et à Prince Rupert et dans l'entrée Dixon. Nombre de ces pilotes ont participé aux audiences et ont déclaré qu'environ 20 p. 100 des navires sur lesquels ils embarquent ne sont pas autorisés dans nos eaux, parce qu'ils n'ont pas de matériel de navigation en état de marche. Ces navires viennent de tous les pays dont vous parlez. Je ne sais pas comment ça se passe dans ces pays-là ni le prix qu'ils accordent à la vie humaine, mais on a la preuve que cette tendance commence à s'implanter ici. C'est inacceptable et le Canada devrait être à l'avant-garde de la sécurité des transports en ne les imitant pas.
Le sénateur Perrault: Je ne veux pas être facétieux, et vous dites que le pays traverse une mauvaise passe. Vous nous dites qu'il nous faut un phare pour traverser cette mauvaise passe.
M. Abram: Des mauvaises passes, il y en a tout le long de la côte. Je m'occupais de la station à une d'entre elles.
Le président: Vous avez dit des choses très dures à propos de la Garde côtière.
M. Abram: Oui.
Le président: D'après vous, à quoi est-ce que cela tient? Je partage votre frustration. Vous savez quelle est ma position là-dessus, je suis entièrement de votre avis. Pourquoi voudrait-on dénaturer les faits ou faire la sourde oreille aux plaintes de ceux qui travaillent dans le système ou qui en dépendent? Pourquoi est-elle si convaincue qu'elle peut éliminer le personnel en toute sécurité?
Au fait, on avait promis un moratoire. La Garde côtière a-t-elle respecté sa promesse et, là où c'était nécessaire, a-t-elle remis du personnel dans les stations qui avaient déjà été fermées? Il y en a une ou deux sur la côte ouest que nous voulons rouvrir à cause des difficultés que cela pose.
M. Abram: C'est vrai. Il avait été promis de ne plus automatiser d'autres stations après les huit premières sur la côte ouest.
Le président: La Garde côtière a-t-elle tenu parole?
M. Abram: Non. Elle n'a pas encore retiré les gardiens, mais les stations sont censées être automatisées en 1997-1998. On a commencé à couler les fondations du matériel automatisé et la Garde côtière se prépare à délocaliser le personnel dans l'exercice financier suivant. C'est Brian Tobin qui a fait cette promesse et Fred Mifflin l'a confirmée le 21 mai de cette année; il a dit par écrit qu'il approuve l'orientation du ministre précédent. Le ministre actuel a donc approuvé cela et les utilisateurs ici veulent que la Garde côtière respecte cette promesse. Elle ne l'a pas fait.
Le président: C'est grave. Vous dites que les ministres successifs des Pêches et des Transports ont convenu d'un moratoire. Qui devait se poursuivre jusqu'à ce que le système AWOS ait fait ses preuves et jusqu'à ce que les gens aient confiance en lui.
M. Abram: Pour l'essentiel, c'est exact.
Le président: C'est une période indéfinie. Et vous dites qu'en dépit de cela, la Garde côtière continue?
M. Abram: Il y a une contradiction flagrante. Vous venez de dire exactement ce que le gouvernement a annoncé dans un communiqué et dans des lettres.
Le président: Et les fonctionnaires vont de l'avant, de leur propre chef?
M. Abram: Les fonctionnaires ont un échéancier de trois ans, échelonné de la façon suivante: huit la première année, de neuf à 12 la deuxième année et les autres la troisième année. Nulle part dans cet échéancier on ne précise «selon les instructions du ministère». C'est en dehors de ce mandat. Le programme se poursuit et, à la fin des trois années, tous les phares au nombre de 35, seront automatisés. C'est ce que le commissaire a dit lui-même.
Le président: À votre avis, qu'est-ce que la Garde côtière a à gagner en agissant de la sorte?
M. Abram: Des milliers de gens ont posé cette question, tout le long de la côte. Qu'ont-ils donc à gagner? Pourquoi font-ils cela? Pourquoi ne nous écoutent-ils pas? Pourquoi n'écoutent-ils pas le public, les gens qui paient ces services, qui utilisent ces services, qui ont besoin de ces services? Il est très difficile d'y répondre et je ne peux que faire des suppositions quant à leurs raisons.
En tant que fonctionnaire de carrière, je dirais qu'il doit être très difficile de dépenser de 60 à 70 millions de dollars, de foncer et de dépenser encore davantage et de venir dire ensuite au ministère, désolé, cela n'a pas marché. Ce serait là une situation très difficile pour quiconque, sur le plan des perspectives de carrière.
Le sénateur Perrault: Vous accusez le gouvernement de manquer à sa parole. Nous devrions essayer d'établir les faits.
Le président: Je ne crois pas que ce soit aussi simple.
M. Abram: Non, je ne le crois pas non plus.
Le président: Je ne crois pas que le gouvernement a manqué à sa parole, mais les fonctionnaires semblent avoir agi de façon quelque peu indépendante.
Le sénateur Perrault: La structure gouvernementale, le ministère a pris l'initiative.
M. Abram: Je voudrais que ce soit bien clair, monsieur le président. Tout indique nettement que les fonctionnaires ont agi indépendamment.
Le sénateur Perrault: Ils ont contourné les instructions?
M. Abram: Oui. C'est ignoble que les fonctionnaires s'arrangent pour contourner les ordres de leurs maîtres politiques.
Le sénateur Perrault: Nous devrions vérifier cela.
Le président: Nous allons le faire. Nous aurons l'occasion d'entendre l'autre son de cloche. Je voudrais revenir à un point, mais d'abord le sénateur Adams et ensuite le sénateur Lawson.
Le sénateur Adams: À l'heure actuelle, il y a 17 gardiens de phares, alors qu'il y en avait 31. Savez-vous quelle est la longueur en kilomètres de la côte de Colombie-Britannique jusqu'à l'Alaska? Vous avez dit que vous serviez d'observateur météo pour l'aviation et la navigation maritime. Je voudrais savoir à quelle distance les phares sont situés les uns des autres.
M. Abram: C'est difficile à dire, parce que cela varie beaucoup. Certains phares du sud de l'île de Vancouver sont très rapprochés, à cinq ou 10 milles d'intervalle. Plus haut sur la côte, ils sont plus éloignés, à des intervalles de peut-être 20 ou 30 milles. Ailleurs, cela peut aller jusqu'à 100 ou 150 milles, dans certaines régions isolées.
C'est dommage que je n'aie pas de carte. Je m'excuse de ne pas en avoir apporté une, je n'y ai pas pensé. Mais je signale qu'il y a phare tout en haut de la Colombie-Britannique, juste à la frontière de l'Alaska. À l'autre extrémité, à la frontière de l'État de Washington, il y a aussi un phare et il y en a partout entre les deux. Si vous écoutez les bulletins météo régulièrement, toutes les trois heures, vous pouvez prédire à peu près exactement ce qui va se passer sur la côte. Les stations sont disposées très stratégiquement. Nous en avons perdu quelques-unes et c'est pourquoi il y a ici et là des trous de 100 ou 150 milles.
Dans le passé, on a automatisé deux ou trois phares dans le Nord, autour de Prince Rupert. On ne cesse d'entendre le public réclamer que l'on réinstalle du personnel dans ces stations, car il est impossible de savoir quel temps il fait dans cette région, car il n'y a rien d'autre là-bas.
Le sénateur Adams: Je ne veux pas faire de comparaison avec d'autres pays. Le sénateur Perrault a déjà posé des questions en ce sens. Le Canada grandit vite. Même là où j'habite dans les territoires, il y a des gens qui viennent s'installer pour y travailler et y habiter. C'est la même chose le long de la côte de la Colombie-Britannique. Peut-être que des gens de Vancouver déménagent pour aller s'installer plus au nord sur la côte. En même temps, il y a le tourisme et d'autres industries comme l'exploitation forestière qui grandissent d'année en année et l'on se demande pourquoi le gouvernement réduit l'information.
Ce qui m'inquiète, c'est la sécurité. A-t-on fait des compressions qui mettent en cause les grands navires commerciaux qui vont des États-Unis à l'Alaska, ou bien ce service est-il exploité par l'Alaska?
M. Abram: Je traiterai d'abord des navires de croisière. Ils passent tous par l'Inside Passage, depuis les 49 États jusqu'à l'Alaska, et ils passent devant tous les phares en remontant la côte. L'année dernière, 700 000 passagers ont fait escale à Vancouver. Ces gens là paient un montant considérable en taxes au port de Vancouver, et pas un sou n'est réinvesti dans les services météorologiques destinés à l'aviation ou à la navigation.
Le nombre de navires a augmenté considérablement au fil des ans. Je suis gardien de phare depuis 18 ans, mais quand j'ai commencé à Cape Mudge, il y a 11 ans, il y passait cinq ou six navires par année. Aujourd'hui, il y en a 12 qui sillonnent régulièrement ces eaux. La plupart d'entre eux passent la même nuit, l'un après l'autre. Un navire de croisière s'est échoué juste au nord de mon phare il y a quelques années. Heureusement, il n'y a pas eu perte de vie.
Vous avez posé tout à l'heure une autre question à laquelle je n'ai pas l'impression d'avoir répondu complètement. Il s'agit de la navigation de plaisance. La pratique du kayak et du canot et la navigation de plaisance en général représentent le secteur maritime qui connaît la plus forte croissance en Colombie-Britannique. Plus de 400 000 bateaux de plaisance sont recensés et il y en a beaucoup d'autres qui ne sont pas comptés, faute d'être immatriculés.
Il y a un nombre incroyable de gens dans ce secteur. C'est très difficile pour les gens d'Ottawa à qui on demande de prendre des décisions en matière de compressions budgétaires ou de politique d'écouter les gens de la Colombie-Britannique qui font des recommandations à cet égard. Pourquoi un politicien de là-bas réfuterait-il ce qu'affirment les responsables de la politique en poste ici? S'ils disent que nous n'avons pas besoin de ces services, bien sûr que nous allons les écouter. Je suppose en tout cas qu'on les écoute. Ils sont bien payés pour donner de bons conseils. En ce qui me concerne, les conseils donnés à Ottawa émanant de Colombie-Britannique ont été de mauvais conseils.
Il y a eu une forte croissance ici au fil des ans et la demande de services s'est accrue considérablement. Déjà, certains services sont supprimés. C'est de la folie d'en supprimer d'autres.
Le sénateur Adams: Vous avez dit que dans certaines stations, il a fallu plus de 36 heures pour réparer le système automatisé AWOS. D'après le ministère des Transports, une autre station prend le relais en cas de panne. Si tout le système tombe en panne, n'y a-t-il pas une station de relais, en attendant qu'un technicien vienne faire la réparation?
M. Abram: Si l'on analyse le coût de tous ces systèmes redondants, comme on les appelle, je peux vous garantir que l'on ne pourra pas affirmer que c'est rentable. Je ne voulais pas vous interrompre, mais cette question fait très souvent surface.
Le sénateur Adams: Cela me préoccupe également.
M. Abram: Chose certaine, c'était une situation où la météo n'apparaissait pas sur les bulletins maritimes mis à la disposition des usagers. Il n'y avait rien. Je me fiche pas mal qu'il y ait six capteurs automatiques dans une station. J'ignore si vous savez par où passe cette information. Elle va d'une station à un satellite appartenant au Département du commerce des États-Unis. Le signal est ensuite envoyé à une station sur la côte est des États-Unis, est renvoyé à un satellite qui à son tour le renvoie à Toronto et de là jusqu'ici.
C'est un itinéraire incroyable. S'il y a rupture d'un seul maillon dans cette chaîne de communication, peu importe combien de capteurs il y a dans une station, peu importe s'ils fonctionnent tous parfaitement, l'information ne parvient pas à l'usager, lequel peut fort bien se trouver à seulement 10 miles de la station sans pour autant obtenir de bulletin météo.
Le sénateur Adams: Vous avez parlé de la Garde côtière. Est-elle seulement basée à Vancouver? En cas de panne d'équipement, la Garde côtière doit-elle partir de Vancouver pour aller faire la réparation? N'y a-t-il pas de technicien à bord d'un navire de la Garde côtière qui peut monter dans un hélicoptère et aller faire la réparation sur place?
M. Abram: Non. Cela revient à la question que le sénateur Perrault a posée tout à l'heure au sujet d'autres pays. Aux États-Unis, il y a une station à tous les 30 miles le long de la côte, ce qui n'est pas le cas ici. Nous n'avons pas cela. Nous avons une demi-douzaine de stations le long de notre littoral, et actuellement, toutes leurs activités sont menacées. On réduit le nombre d'heures de travail du personnel de ces stations.
Nous n'avons pas les mêmes ressources que les États-Unis. La Garde côtière des États-Unis est paramilitaire, ce qui n'est pas le cas de la nôtre. La situation est très différente.
Pour ce qui est de la question des techniciens, ils viennent tous de Victoria par hélicoptère de la Garde côtière. Nous avons dénoncé pendant des années ce système que nous trouvons des plus inefficaces, compte tenu de notre situation. Ma station est près de Campbell River. Un technicien pourrait venir pour effectuer une réparation à ma station, en voiture, en utilisant le traversier au coût de 10 $. C'est la même chose pour beaucoup d'autres stations le long de la côte. C'est une façon très désuète de fonctionner. Nous avons fait des recommandations dont on n'a tenu aucun compte.
Le sénateur Adams: Vous avez dit tout à l'heure que votre fille n'est pas rémunérée. Qu'est-il arrivé de ceux qui sont maintenant sans emploi dans les phares? Ces gens-là ont-ils des arrangements quelconques en attendant leur retraite?
M. Abram: Les gardiens de phare sont un groupe assez particulier. Aux termes de la politique de réaménagement des effectifs, on peut seulement muter les gens de façon latérale ou vers le bas. On ne peut pas passer à un poste plus élevé. Il y a très peu de postes qui nous sont ouverts parce que le nôtre est l'un des plus bas. Actuellement, les transferts sont strictement limités au groupe des gardiens de phare.
Si ma station était automatisée demain, je pourrais aller à un autre phare, mais nulle part ailleurs. On espère qu'à un moment donné, tout le monde aura pris une retraite anticipée ou un départ anticipé assorti d'un montant forfaitaire important, après quoi, on se retrouve à la retraite. Ce n'est pas gratuit de se débarrasser des gardiens de phare, loin de là. Ces gens-là peuvent occuper d'autres emplois s'il y en a. C'est un autre coût qui n'est pas calculé dans le coût de l'automatisation.
Le sénateur Adams: En attendant, vous avez perdu votre emploi, ou vous avez pris votre retraite et peut-être n'avez-vous pas une maison à Vancouver?
M. Abram: Il n'y a pas beaucoup de gardiens de phare qui peuvent se permettre d'acheter une maison à Vancouver avec le salaire qu'ils touchent.
Le président: De toutes manières, monsieur Abram, je ne suis pas certain que la plupart et des familles de gardiens de phare, voudraient habiter à Vancouver.
M. Abram: Non, probablement pas.
Le président: Je tiens absolument à ce que le témoignage de Mme Abram soit consigné au compte rendu. Il répond en partie à nos questions. J'ai le plus grand respect pour les équipes qui font ce travail. Je vous demanderais à tous de prendre 10 minutes de votre temps et de lire ce qu'elle a écrit et même de le relire par la suite. Si vous n'avez pas la larme à l'oeil après l'avoir terminé, vous n'êtes pas normal. Elle évoque cette épouvantable tempête qui est survenue en octobre et déclare:
L'observation météo est un élément essentiel de notre vie et continuera de l'être pour le reste de notre vie.
Elle ne dit pas «le reste de ma vie», mais bien «le reste de notre vie», ce qui est révélateur.
Ne vous méprenez pas, ce n'est pas toujours «amusant» -- j'ai toujours dit que se lever en pleine nuit sept jours par semaine pour donner des bulletins météo, c'est comme avoir un nouveau-né qui ne grandit jamais.
Je pourrais vous raconter des anecdotes incroyables, monsieur Abram, l'histoire de familles qui vont sur l'eau pour prendre la température de la mer pendant 60 ou 70 ans. Ce sont des données scientifiques extraordinairement précieuses que nous allons perdre. Quand la mer est trop grosse pour s'embarquer, ces gens-là pataugent dans l'eau pour aller prendre la température à une profondeur précise et juste au bon moment, à cause des vagues. Cela fait partie de la vie courante.
Au sujet de la sécurité, Mme Abram déclare dans son rapport que chaque fois qu'elle fait une observation météo et chaque fois qu'elle communique cette observation sous forme de rapport, elle se demande toujours «Est-ce que cela aidera quelqu'un à être plus en sûreté en mer?»
Monsieur Abram, je vous souhaite le meilleur succès. Vous avez été fort éloquent.
Le sénateur Lawson: Monsieur le président, je partage votre opinion sur la présentation. Dans quelle mesure a-t-on rendu public ce dossier sur les bulletins météo manquants et les stations automatisées d'observation météo? Est-ce la première fois qu'on en parle en public aujourd'hui? Êtes-vous autorisé à le faire ou bien est-ce dangereux pour vous? Le public est-il au courant de cela?
M. Abram: C'est du domaine public. C'est diffusé sur les ondes radio VHF. Tous les marins peuvent capter ces bulletins.
Le sénateur Lawson: Je ne veux pas vous induire en erreur. Je sais que c'est destiné aux marins, mais les renseignements que vous venez de nous présenter, ont-ils été donnés aux journalistes pour diffusion publique, pour faire savoir au grand public que ce problème prend des proportions de crise?
M. Abram: Oui. En fait, c'est ma femme qui a dénoncé publiquement la fermeture de ces stations le 17 octobre et qui a, avec passion, écouté ces rapports radio. Il faut écouter le bulletin en entier. C'est très long, ça dure au moins cinq minutes. Une fois par heure, à l'heure pile, du lever au coucher, elle a écouté ces bulletins et écrit méthodiquement toutes les observations manquantes, sauf quand elle était occupée à faire autre chose. Au moins la moitié de ce rapport a été remis aux journalistes. Le reste a été compilé depuis et ce n'est qu'hier qu'il a été dactylographié pour être présenté ici.
Certains journalistes présents aujourd'hui ont reçu le rapport et ils verront donc clairement que nous ne faisons pas de la fiction quand nous disons que l'équipement ne fonctionne pas. C'est la vérification intégrale de ce que les usagers disent à la Garde côtière depuis des années, que des renseignements manquent et qu'il leur est impossible de les obtenir.
Le sénateur Lawson: Je suis d'accord avec le président et avec d'autres qui ont dit que c'était un excellent exposé. Au début, vous vous êtes presque excusé de témoigner à titre personnel. Vous n'avez pas à vous en excuser. Cela a beaucoup plus de poids pour moi et pour les membres du comité d'entendre un exposé de la part de quelqu'un qui a des convictions et qui ne craint pas de les exprimer et qui croit passionnément à l'importance de son rôle à lui et du rôle de sa famille, pour ce qui est de servir et parfois de sauver le public. C'était un excellent témoignage.
M. Abram: Je vous en remercie. Ce que je voulais dire, c'est qu'au lieu de m'en tenir aux aspects techniques que d'autres peuvent tout aussi bien vous communiquer, je voulais vous dire ce que c'est que de consacrer sa vie à l'observation météo. Je suis content que ma femme ait mis cela par écrit pour vous le présenter aujourd'hui.
Le sénateur Lawson: Nous lui en sommes également reconnaissants.
M. Abram: Je lui en ferai part.
Le président: C'est un document extraordinaire.
Le sénateur Perrault: Vous avez mentionné que vous aviez sauvé la vie de cet homme qui était tombé à la mer. Combien d'autres exemples avez-vous connus durant votre longue carrière ou des vies humaines ont été sauvées?
M. Abram: Nous avons documenté cela. Nous tenons à jour un livre de bord dans lequel nous inscrivons méticuleusement tout ce qui arrive.
Le sénateur Perrault: Combien de gardiens de phares compte votre organisation?
M. Abram: Il y en avait 70 avant le début de l'automatisation. Nous ne sommes plus qu'une soixantaine.
Le sénateur Perrault: Est-il possible d'obtenir de ce groupe le nombre de vies qui ont été sauvées au fil des ans? Le chiffre pourrait être très pertinent. Nous voudrions voir leurs livres de bord.
M. Abram: C'est difficile.
Le président: Ce renseignement est disponible.
M. Abram: C'est une observation très valable. Dans certains cas, on a des chiffres très précis du nombre de personnes qui ont été retirées de l'eau. Beaucoup de gardiens ont sauvé eux-mêmes une dizaine ou une vingtaine de personnes.
Le président: J'ajoute que cela comprend l'actuel ministre des Transports.
M. Abram: Il l'admet lui-même. Par ailleurs, il y a toutes les vies qui ont été sauvées grâce à l'action préventive des gardiens de phares. C'est beaucoup plus difficile à documenter précisément, d'affirmer qu'une vie a été sauvée ou qu'un décès a été évité. Je sais par expérience, pour avoir vécu à cet endroit, qu'on sait très bien quand les gens sont dans le pétrin et qu'ils ne s'en seraient pas sortis autrement.
Le sénateur Perrault: Vous connaissez les conséquences possibles, si les gens n'avaient pas reçu d'aide.
M. Abram: Absolument.
Le sénateur Perrault: Tous les chiffres que vous pourriez nous donner à cet égard seraient utiles.
M. Abram: Je répète que j'ai remis une liste de plus de 6 000 cas d'aide. Cela, en un an, uniquement au cours de la dernière année financière et cette liste a été compilée par la Garde côtière, pas par nous.
Le président: Quand vous voudrez sénateur, vous n'avez qu'à prendre le traversier et à aller voir; c'est un paysage à couper le souffle.
M. Abram: C'est fabuleux et c'est dangereux. Plus de 160 personnes y ont perdu leur vie.
Le président: Veuillez transmettre à tous les membres de votre famille et aux membres de votre association notre profonde reconnaissance pour votre dévouement.
La séance est levée.