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SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 5 - Témoignages pour la séance de l'après-midi


VANCOUVER, Le jeudi 5 décembre 1996

Reprise des travaux.

[Traduction]

Le président: Je veux vous lire une lettre de M. Richard Neufeld, député provincial de Peace River North. Il s'agit d'observations qu'il veut nous faire, mais le voyage est trop long pour qu'il vienne en personne. La lettre est datée du 5 décembre 1996.

Cher sénateur Forrestall,

Veuillez accepter cette lettre comme mon intervention auprès de votre comité concernant la sécurité du transport aérien dans le nord de la Colombie-Britannique.

Je suis député à l'assemblée législative provinciale de la circonscription de Peace River. La région que je représente recouvre une superficie de 66 000 milles carrés soit, en guise de comparaison, plus que le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard et l'île de Vancouver pris ensemble. La route de l'Alaska, construite pendant la Seconde Guerre mondiale traverse ma circonscription sur une distance d'environ 500 milles du Nord au Sud. Pendant la construction, un certain nombre de pistes d'atterrissage de secours ont été aménagées aux fins de sécurité, ce qui m'amène à la question que je voudrais porter à votre attention et éventuellement résoudre.

On m'informe que le gouvernement fédéral est en passe de mettre hors service trois de ces bandes d'atterrissage dans ma circonscription. Les manches à vent ont déjà été enlevées et de grands X peints sur la surface de gravier des pistes. Je crois savoir que la mesure ultime sera de creuser des tranchées en travers des pistes et de ramener ces aires d'atterrissage à leur état naturel. Ce serait une aberration. Ces pistes mesurent environ 5 000 pieds de longueur et peuvent recevoir des appareils de la taille d'un Hercule. Ces aérodromes servent actuellement d'aires de rassemblement aux équipes de lutte contre les incendies, aux évacuations aériennes urgentes en cas d'accident de la route ou industriel et comme pistes d'atterrissage d'urgence pour quiconque en a besoin. Je signale également que la route de l'Alaska est un couloir aérien suivi par quantité d'aéronefs américains grands et petits en provenance et à destination de l'Alaska et du Yukon.

Il ne s'agit pas de garder ces pistes libres de neige en hiver ni d'installer des systèmes d'éclairage, mais simplement de les maintenir en état l'été avec une niveleuse pour éviter la repousse des arbres et de réinstaller les manches à vent. C'est là un travail d'entretien très minime et le matériel pour cela est facilement disponible auprès des équipes d'entretien de la route.

Quiconque a jamais voyagé dans un petit avion dans le Nord, où les distances entre aéroports sont si grandes, comprendra l'importance de ces pistes aux fins de sécurité et sait qu'elles représentent dans bien des cas la différence entre la vie et la mort.

J'ai tenté, sans succès, d'amener la province à en endosser la responsabilité. Le gouvernement provincial invoque le coût comme excuse, mais il craint également la responsabilité civile. J'ai fait remarquer qu'il ne s'est jamais posé de problème de responsabilité civile au cours des 54 dernières années et je ne vois pas pourquoi cela changerait dans l'avenir prévisible.

Je joins, à titre d'information, une lettre à le sénateur Carney et un extrait du Hansard provincial de la dernière session portant sur cette question.

Je vous remercie de la possibilité de faire verser cette pièce au dossier et vous serais reconnaissant de toute l'aide que vous pourrez m'apporter pour convaincre le gouvernement fédéral de garder en service ces pistes d'atterrissage, pour les raisons indiquées plus haut.

Sincèrement,

Richard Neufeld, MAL

Peace River North

Il y a des pièces jointes et la lettre sera versée au procès-verbal.

Je donne maintenant la parole à M. Sargent.

M. Wayne Sargent, International Longshoremen's and Warehousemen's Union: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir fait une place dans vos audiences d'aujourd'hui.

Je suis débardeur et je travaille depuis 30 ans sur les navires et les quais du port de Vancouver, manoeuvrant tous les types de matériels, depuis les apparaux de levage jusqu'aux ponts portiques, aux chariots élévateurs à fourche et aux camions semi-remorques. J'ai travaillé également au chargement de navires transportant des produits chimiques. Depuis quelques années, je suis employé comme conducteur de chariot à fourche au terminal de Vancouver-Nord.

Je m'occupe d'affaires syndicales depuis 17 ans. Dans ma section, j'ai été élu aux postes de vice-président, de membre exécutif et d'administrateur. J'ai assumé également les fonctions d'agent syndical, de président et de secrétaire-trésorier, en sus de mes autres mandats électifs.

En 1990, j'ai été élu aux postes de troisième vice-président de la région Canada et de coordonnateur de la sécurité, que j'occupe toujours. J'ai eu, en cette capacité, à connaître de maints dossiers. Je suis un membre du comité travaillant à la révision de l'article 16 du Code canadien du travail. Je prévois de collaborer à la révision de la réglementation de l'hygiène et de la sécurité professionnelles dans le domaine maritime l'année prochaine. Je suis aussi membre du Conseil consultatif maritime canadien qui se réunit deux fois par an à Ottawa.

J'ai une longue expérience des questions de sécurité. Il va sans dire que l'ILWU est profondément préoccupée par la tendance des pouvoirs publics à assouplir les règles de sécurité dans l'industrie. Ce phénomène prend différentes formes, commençant par la déréglementation. La révision récente de la réglementation a transformé de nombreuses règles impératives en simples normes; des normes n'ont pas la même valeur contraignante que des règles.

Il est difficile d'obtenir la promulgation de modifications apportées aux règlements ou de règlements nouveaux. Je songe en particulier aux normes sur l'usure de la Loi sur la marine marchande du Canada, qui sont débattues depuis 1988, ont été réexaminées en 1991 et qui n'ont toujours pas été promulguées par le Parlement. Nous sommes confrontés également à des coupures de services et au transfert de certains services au secteur privé, avec notamment la délégation de certains services d'inspection à des sociétés de classification.

Nous, à l'ILWU, considérons que c'est là une situation très dangereuse pour le Canada. Tous les ans ou tous les deux ans, le gouvernement réduit encore plus ses services, économisant de l'argent à court terme mais perdant la face à long terme.

Il suffit de regarder ce qui se passe chez nos voisins du Sud pour voir une situation où les travailleurs ne sont plus respectés et sont impitoyablement exploités par les employeurs. Une fois qu'un tel système s'est installé, il devient impossible de revenir en arrière.

Pour ce qui est des coupures de services, nous constatons que la Garde côtière et Transports Canada manquent à tel point d'effectifs qu'ils n'ont plus le temps de faire des inspections sérieuses. Le maintien de cette situation conduira à de nombreux accidents maritimes et à une détérioration encore plus grande de notre image dans le monde.

Les compressions d'effectifs et fusions de services, tout en étant sources d'économies, amènent l'industrie et certains membres des ministères à s'interroger sur les intentions du gouvernement. La réduction des services de la Garde côtière est une affaire très délicate. Nous, à l'ILWU, sommes très inquiets et nous demandons jusqu'où l'on peut et va aller. Nous estimons que l'on est déjà au minimum et que le gouvernement ne peut plus amputer davantage les services et compter rester efficace.

Le déjaugeage des apparaux de levage est un sujet qui préoccupe grandement l'ILWU. Notre association patronale a déposé une proposition au Conseil consultatif maritime visant l'assouplissement des normes d'usure dans certains cas. Nous estimons que ce n'est là qu'un début et que les normes d'usure ne seront plus jamais respectées.

Les coupures de services auront des répercussions néfastes sur le secteur maritime. Nous ne pouvons plus tolérer de nouvelles coupures. Si elles se poursuivaient, la délégation de pouvoirs aux sociétés de classification devient inévitable. Nous ne voulons pas devenir comme le secteur maritime américain.

Si des coupures doivent être faites, ou s'il y a un manque de ressources financières, le gouvernement devrait envisager le recours aux redevances d'usagers à l'égard des inspections de sécurité. Ce pourrait être le catalyseur qui contraindrait les armateurs à maintenir en état leurs apparaux de levage.

Sur le plan de la sécurité d'ensemble dans le secteur maritime, nous acceptons la situation actuelle. Mais si le gouvernement continue à vouloir réduire ses coûts à tout prix, nous craignons que le secteur maritime s'autodétruise à brève échéance. Le respect que le Canada a su mériter au fil des ans se désintégrera.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, j'aimerais avoir quelques exemples concrets des conséquences annoncées ici. Vous écrivez:

...la révision récente de la réglementation a eu pour effet que de nombreuses règles strictes ont été transformées en normes n'ayant que très peu de poids.

Pourriez-vous nous en donner deux ou trois exemples?

M. Sargent: La révision porte sur 113 règlements.

Le sénateur Perrault: Portant sur quoi?

M. Sargent: Le transport du grain par navire, en vertu de la Loi sur l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent. Sept règles ont été carrément abrogées, et 14 ont été transformées en normes. Certaines ont été assouplies ou révisées, et je n'ai pas la liste ici avec moi. Le CCMC et la Garde côtière ont tout cela dans leurs dossiers.

Le sénateur Perrault: Vous dites qu'il s'agit là d'un assouplissement des normes intéressant le transport du grain?

M. Sargent: Oui, différentes choses. Le Règlement sur le transport du bois en pontée a été transformé en norme.

Le sénateur Perrault: Pourriez-vous nous donner quelques détails à ce sujet? Cela pose-t-il un danger pour les travailleurs?

M. Sargent: Pas réellement les travailleurs, mais le navire. Le gouvernement a publié un plan ou un bulletin la semaine dernière sur la manière d'arrimer les cargaisons de grumes. Une bonne partie des cargaisons à destination de la côte est, telles que les grumes, font trois escales et la cargaison doit être réarrimée dans chaque port. C'est bien s'il en est ainsi, car alors ils devront s'assurer d'avoir les installations pour faire le réarrimage dans chaque port.

Le sénateur Perrault: Il y a un danger que la cargaison devienne instable et que les grumes roulent?

M. Sargent: Oui, elle peut devenir instable, ou les chaînes peuvent casser.

Le sénateur Perrault: Et la cargaison deviendrait instable?

M. Sargent: Très souvent, pendant les mois d'hiver, à Victoria, il y a deux ou trois accidents où la cargaison se déplace et où il faut couper les chaînes et réarrimer.

Le sénateur Perrault: C'est un travail difficile et dangereux.

M. Sargent: Oui, très dangereux.

Le sénateur Perrault: À la page 2 de votre exposé, vous parlez de déjaugeage des apparaux de levage. Je ne sais pas ce que cela signifie.

M. Sargent: Les apparaux de levage d'un navire sont cotés à 25 tonnes. La réglementation, les normes d'usure, disent que ces apparaux ne peuvent être usés à plus de 10 p. 100, et 10 p. 100 d'une manille ou d'une traverse ne représente pas grand-chose. Dans huit fois le diamètre d'un câble, on autorise huit cassures. S'il y en a neuf, le câble est considéré comme dangereux.

Dans les navires céréaliers, on charge le grain avec un Bombardier, une petite chenillette légère déposée dans la cale avec laquelle on aplanit le grain. Ensuite, l'équipe de débardeurs descend dans la cale, on y dépose les lattes de fardage, des planches de deux par six grossières, que les débardeurs déposent en travers et recouvrent de toile de jute et peut-être d'une autre couche de lattes.

On pense que, parce qu'il n'y a qu'un ou deux levages -- descendre et remonter le Bombardier, déposer le fardage -- que l'on peut assouplir les normes. Or, ces navires ont d'énormes pontons, de 60 à 70 pieds de large et peut-être de cinq à huit pieds de profondeur. Ils sont en métal et ils doivent être levés de l'écoutille et déplacés latéralement. Ils doivent être levés et déposés et latéralement, et c'est nous qui devons faire ce travail.

La préoccupation de la Garde côtière est de savoir comment l'usure se répercute sur le fonctionnement d'ensemble des apparaux. Moi-même je suis inquiet pour la sécurité de nos débardeurs. La Garde côtière s'inquiète du matériel lui-même. Il en sera question au CCMC en mai prochain, je crois.

Le sénateur Bacon: Monsieur Sargent, le projet de loi C-44, la Loi maritime du Canada, est actuellement étudié au Parlement. Il prévoit la commercialisation de nos principaux ports tels que Vancouver et Montréal, c'est-à-dire que le rôle du gouvernement fédéral y sera moindre. À votre avis, cela aura-t-il des répercussions négatives sur la sécurité portuaire et, dans l'affirmative, pourquoi?

M. Sargent: Je ne pense pas que cela aura un effet sur la sécurité portuaire en tant que telle, ni sur celle des débardeurs. Il pourrait y avoir des répercussions sur la sécurité générale des navires à l'entrée et à la sortie du port, mais je ne pense pas que les débardeurs seront touchés.

Le sénateur Bacon: Il n'y aura pas de répercussions du tout?

M. Sargent: Je ne pense pas qu'il y ait grande répercussion. Je n'ai pas lu le projet de loi au complet. Il est épais et je n'en ai reçu une copie que la semaine dernière.

Le sénateur Lawson: À la page 2, vous écrivez:

...nous constatons que la Garde côtière et Transports Canada manquent à tel point d'effectifs qu'ils n'ont pas le temps de faire des inspections sérieuses. Cette situation -- si elle se poursuit -- conduira à maints accidents maritimes.

Parlez-nous de cela.

M. Sargent: Nos membres me disent qu'auparavant, lorsque les inspecteurs se rendaient à bord d'un grumier, ils longeaient tout le navire, examinaient les chaînes, vérifiaient leur tension, vérifiaient s'il y avait des entortillements de chaînes. S'il y avait un risque de trébuchage, ils faisaient recouvrir l'obstacle. Si le navire devait traverser le canal de Panama, il devait avoir une passerelle enjambant la cargaison et cette passerelle était elle aussi vérifiée. Le garde-corps devait être correctement tendu. Tout cela ne se fait plus.

Le sénateur Lawson: Que fait-on? S'agit-il uniquement d'un examen superficiel, et les choses s'arrêtent là?

M. Sargent: Je ne travaille plus sur les navires. J'ai entendu dire que les inspecteurs longent le navire sur le quai. Ils vont regarder un peu en l'air et voir qu'il y a un entortillement dans la chaîne numéro quatre ou la chaîne numéro dix et ils vont demander que ces noeuds soient défaits. Ensuite ils montent à bord et regardent dans la première cale. Les patrons aujourd'hui savent que les inspecteurs ne vont plus regarder tout le navire, ils se contentent donc de faire en sorte que les premières cales soient en règle et ne s'inquiètent pas trop des autres.

Le sénateur Lawson: Cette approche négligente de la sécurité se transmet aux armateurs.

Vous dites également:

Si les coupures se poursuivent, ou s'il y a un manque de ressources financières, le gouvernement devrait envisager des redevances d'usagers pour les inspections de sécurité -- ce pourrait être le catalyseur pour contraindre les armateurs à maintenir leurs apparaux de levage en bon état.

Cela me paraît très logique. Pourquoi n'avons-nous pas de système de redevances d'usager? Qui paie aujourd'hui pour les inspections? Est-ce l'État, en rémunérant les inspecteurs et cetera?

M. Sargent: L'État fournit les inspecteurs.

Le sénateur Lawson: Y a-t-il des tendances décelables? Selon votre expérience de la sécurité, y a-t-il certains pays dont les navires sont en mauvais état? J'entends dire que c'est le cas.

M. Sargent: C'est vrai de certains navires à pavillon de complaisance, du Panama, de Monrovia au Libéria, et de certains des Bahamas. Ces navires appartiennent à des propriétaires multinationaux. Ce sont des propriétaires multiples, telle filiale de telle société et une société de tel autre groupe. Pour effectuer des réparations, le capitaine doit avoir un document disant que le câble de la grue numéro trois doit être remplacé et cetera, sinon les propriétaires ne réagissent pas. S'ils étaient contraints de payer chaque fois qu'une personne vient inspecter les apparaux, peut-être feraient-ils les réparations un peu plus vite.

Le sénateur Lawson: Nous voyons souvent des navires immobilisés ici parce que les équipages sont à terre et disent qu'ils n'ont pas été payés ou ont quelque autre conflit, et le navire peut rester à quai pendant des semaines jusqu'à ce que l'affaire soit réglée.

M. Sargent: C'est la responsabilité de la Fédération internationale du transport.

Le sénateur Lawson: Il me semble que votre idée des redevances d'usagers est intéressante. Pourquoi est-ce que les pires contrevenants ne devraient pas avoir à payer eux-mêmes le coût des inspections?

M. Sargent: Du moment que ce ne sont pas les débardeurs. Nous n'avons pas les moyens de payer.

Le sénateur Lawson: Non, ce n'est pas à eux de payer.

M. Sargent: Je ne sais pas si vous avez jamais entendu parler des caboteurs. Il y en a qui sont de vraies reliques. Ce sont des navires à apparaux fixes. Il est arrivé qu'on les force à changer un câble à Vancouver. Le navire repartait pour New Westminster, et en chemin, il remettait en place le vieux câble. Nous disions aux types de New Westminster de vérifier le câble de l'écoutille trois et, effectivement, le même câble était revenu et était condamné de nouveau.

Le sénateur Lawson: Ce n'est pas l'imagination qui fait défaut lorsqu'il s'agit de contourner les règles.

M. Sargent: C'est vrai.

Le sénateur Lawson: Il serait approprié que le comité réfléchisse à cette idée de faire payer aux usagers les inspections de sécurité. C'est une idée qui me paraît très fondée.

M. Sargent: La Garde côtière parle de redevances d'usagers lorsqu'elle délègue ses fonctions aux sociétés de classification. Certaines d'entre elles font des inspections de salle des machines et des inspections de navigabilité, mais elles ne s'occupent pas encore de sécurité et nous ne voulons pas qu'elles le fassent car le secteur privé n'a pas à coeur les mêmes intérêts que la Garde côtière.

Le sénateur St. Germain: Vous dites en haut de la page 2 de votre mémoire:

Il suffit de regarder la situation chez nos voisins du Sud où les travailleurs ne sont pas respectés et sont exploités impitoyablement par les employeurs.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus et peut-être nous donner quelques exemples de ce dont vous parlez?

M. Sargent: Aux États-Unis, la Garde côtière est une organisation paramilitaire. Elle avait coutume d'aborder un navire et d'inspecter la cargaison si nous le lui demandions. Mais depuis, le gouvernement a mis fin à cette pratique. Aux États-Unis, on a recours aux sociétés de classification, c'est-à-dire un groupe d'entrepreneurs privés connaissant les bateaux. Ils montent à bord et le premier venu peut leur dire: «Ce n'est pas si grave, cette pièce n'est que très légèrement usée» ou «Cette cargaison que nous chargeons est légère et il n'y a pas lieu de s'inquiéter». À quoi ils répondent: «D'accord, allez-y». C'est ce que nous voulons éviter.

Le sénateur St. Germain: Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets d'accidents qui se seraient produits de ce fait?

M. Sargent: Je n'en ai pas en tête.

Le sénateur Adams: Combien de membres compte l'International Longshoremen's and Warehousemen's Union? Est-ce que ce syndicat n'existe qu'en Colombie-Britannique ou bien le trouve-t-on dans tout le Canada?

M. Sargent: Non, l'ILWU n'existe qu'en Colombie-Britannique. Je suis en contact avec l'AID sur la côte est et la section des débardeurs de la SCFP à Montréal. Je suis en contact avec tous. Nous collaborons à l'élaboration de normes. Ces dernières années, nous avons élaboré les normes sur les cargaisons de grumes, les normes sur les élingues plates et les normes d'usure. Nous semblons être le moteur de ce mouvement. C'est nous qui insistons et les amenons à s'intéresser.

Le sénateur Adams: Des témoins précédents ont indiqué au comité que des navires à destination du Japon ont vu leur cargaison tomber à la mer, par gros temps. Est-ce que la responsabilité en incombe aux débardeurs ou aux armateurs?

M. Sargent: C'est la responsabilité du navire. Normalement, la Garde côtière inspecte la cargaison. Ces problèmes surviennent surtout dans le cas des grumes. Les troncs bruts sont difficiles à charger. Lors d'un chargement de grumes en pontée, on empile les troncs jusqu'à une certaine hauteur, ensuite de quoi on installe une faîtière et l'on tend en travers des câbles de sanglage que l'on serre jusqu'à ce que le câble chante. Nous descendons du navire lorsque l'équipage fait cela car si un câble se rompt, c'est très dangereux.

Le sénateur Perrault: Quelqu'un pourrait être tué.

M. Sargent: Le câble coupe tout sur son passage. Nous restons à distance et quittons le navire. Ils serrent les câbles de sanglage et nous remontons alors à bord pour charger une autre couche de deux ou trois mètres de troncs par-dessus, jusqu'à ce que toute la cargaison soit à bord. Ensuite, nous plaçons les chaînes lourdes et les serrons de notre mieux.

Parfois, aussi tendus que soient les câbles de sanglage dans la partie inférieure du chargement, avec la vibration du navire et l'action des vagues, la cargaison se déplace. Dans ce cas, des troncs peuvent s'échapper de la pile et si la mer est particulièrement grosse, l'équipage ne peut sortir resserrer les chaînes. Il doit attendre un temps plus calme avant de resserrer les chaînes. Parfois, il n'en a pas l'occasion, le mauvais temps se poursuit et nous avons alors du travail supplémentaire à réparer les dégâts.

Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu.

Nos prochains témoins représentent l'Administration de pilotage du Pacifique. Soyez les bienvenus, la parole est à vous.

M. Dennis McLennan, président, Administration de pilotage du Pacifique Canada: Honorables sénateurs, j'ai un court mémoire écrit à présenter. Je ne suis pas capitaine au long cours, je suis homme d'affaires. Si vous avez des questions techniques, le président de B.C. Coast Pilots, le capitaine Al Flotre, pourra peut-être vous répondre. Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant le comité permanent lors de sa venue dans notre belle ville de Vancouver.

Le pilotage, pour vous donner une définition simple, est l'acte, ou l'art, de conduire un navire à l'entrée ou à la sortie des ports ou cours d'eau, ou dans les eaux côtières où existent des risques et dangers de navigation. En ce sens, le pilote est responsable de la conduite du navire tandis que le capitaine conserve le commandement. C'est une distinction ténue, mais cela signifie que le capitaine conserve le commandement de son navire et peut contremander les instructions du pilote. S'il le fait, le capitaine doit avoir pour cela une bonne raison.

Lorsqu'un pilote monte à bord du navire, le capitaine doit lui communiquer toutes les informations dont il peut avoir besoin pour exécuter son travail. Cela englobe l'état des machines, les caractéristiques de manoeuvre du navire, les équipements défectueux et cetera. L'équipe de passerelle doit connaître à chaque instant la position du navire et anticiper les ordres du pilote de façon à détecter en temps voulu tout ordre insolite et laisser au capitaine le temps de conférer avec le pilote.

Dans nos eaux de pilotage, les navires de plus de 350 tonnes de jauge brute sont tenus, de par la loi, d'avoir à bord un pilote breveté, quel que soit le pavillon. Nos eaux englobent toutes les eaux côtières de la Colombie-Britannique, depuis la frontière avec l'État de Washington au Sud jusqu'à la frontière avec l'Alaska au Nord.

En 1950, nous avions 35 pilotes qui ont exécuté 4 353 missions. En 1970, ces chiffres étaient de 74 pilotes et 10 400 missions. Cette année, nous avons 108 pilotes à temps plein qui vont remplir environ 12 000 missions.

L'Administration de pilotage du Pacifique est une société d'État fédérale, placée sous la tutelle du ministre des Transports. Son mandat est d'exploiter, assurer et administrer, dans l'intérêt de la sécurité, un service de pilotage efficient.

L'administration reste financièrement autosuffisante et vit des droits qu'elle lève auprès des transporteurs maritimes. Elle ne touche donc pas de crédits publics.

La côte ouest du Canada est caractérisée par des extrêmes sur le plan de la météorologie, de l'amplitude des marées et des courants marins que l'on ne rencontre sur aucune grande artère de transport maritime du monde. À cela s'ajoutent les risques supplémentaires représentés par la flotte de pêche et les bateaux de plaisance. Tous ces dangers se conjuguent avec la côte la plus découpée du monde. Pourtant, régulièrement, les navires parviennent au bout de leurs trajets côtiers sans encombre.

En 1991, sur 14 036 missions, 99,787 p. 100 se sont déroulées sans incident; en 1992, le pourcentage était de 99,841 p. 100; en 1993, de 99,790 p. 100; en 1994, de 99,907 p. 100; en 1995, sur 12 497 missions, 99,879 p. 100 ont été exemptes d'incident.

Les pilotes de la côte de Colombie-Britannique ne peuvent être comparés à ceux d'aucune autre région du Canada, car le service qu'ils fournissent est totalement différent et exige des compétences et des connaissances particulières.

La considération primordiale est la sécurité -- la sécurité des personnes et des biens et la sécurité et la protection de l'environnement.

Dans des rapports exhaustifs présentés au ministre des Transports le 27 juillet 1995 et le 29 décembre 1995, le groupe de travail sur le pilotage du Pacifique a pris position sur toutes les questions soulevées par les recommandations du comité permanent des transports de la Chambre des communes et à des questions plus détaillées posées ultérieurement par le ministre.

Le Groupe de travail sur le pilotage du Pacifique et ses sous-groupes ont convenu, dans bien des cas, ainsi qu'on peut le lire dans ces rapports, que le système de pilotage mis en place en 1972 continue à bien servir le Canada, en ce sens qu'il répond aux objectifs fondamentaux de la sécurité publique et de la protection de l'environnement, et ce de manière rentable.

Sans être exempte de désaccords et de critiques occasionnelles, la région a pu afficher au fil des ans un succès hors pair pour ce qui est de l'application du système de pilotage obligatoire du Canada. Cette réussite tient en très grande partie aux efforts que toutes les parties ont consacrés à la communication et à la concertation sur les sujets d'importance pour le pilotage sur la côte du Pacifique.

Le processus enclenché par les recommandations du comité permanent et l'élaboration d'une politique maritime nationale ont débouché sur une innovation majeure sur le plan de nos mécanismes de concertation. Je veux parler de la transformation du groupe de travail sur le pilotage du Pacifique en Conseil consultatif permanent sur le pilotage du Pacifique.

Ce conseil se compose de représentants de toutes les parties qui étaient membres du groupe de travail: expéditeurs, armateurs et exploitants de navire, administration de pilotage, pilotes, ports et Chambre de commerce maritime.

Le but du conseil consultatif est d'améliorer la communication entre les parties prenantes, ce qui devrait autoriser de nouvelles économies au niveau de la prestation des services de pilotage, tout en continuant à assurer pleinement les objectifs de sécurité et de protection de l'environnement.

L'administration reste convaincue que la structure de pilotage régional actuelle et les dispositions intéressant le pilotage obligatoire représentent la meilleure façon d'assurer durablement la sécurité du public et la protection de l'environnement marin.

Le sénateur St. Germain: Je vous remercie de cet exposé, monsieur. Est-ce que les phares jouent un rôle dans votre vie?

Le capitaine Al Flotre, président, British Columbia Coast Pilots Ltd.: Je dirais qu'il est vital que nous ayons des aides à la navigation lumineuses sur le littoral. Je suppose que la question d'actualité est de savoir si ces phares doivent être dotés de gardiens ou non. Mais un phare est indispensable en cas de panne des systèmes électroniques d'un navire.

Le président: L'Administration de pilotage du Pacifique et la British Columbia Coast Pilots sont étroitement liées. Peut-être le capitaine Flotre pourrait-il faire son exposé avant que nous posions nos questions.

M. Flotre: Je suis le président de la British Columbia Coast Pilots Ltd. Nous sommes une société privée qui travaille en sous-traitance avec l'administration de pilotage, et c'est une distinction importante. Mon mémoire fera écho en partie aux propos de M. McLennan.

Bon après-midi tout le monde et bienvenue à Vancouver. Je suis heureux de votre invitation à prendre la parole devant votre comité aujourd'hui. En tant que porte-parole des pilotes maritimes de la côte ouest du Canada, je suis toujours ravi de vanter l'intérêt d'un système de pilotage sûr et efficient.

J'ai apporté deux copies d'un vidéo sur le pilotage maritime que notre société a fait réaliser l'an dernier. J'espère que vous aurez l'occasion de le regarder. Il a fait l'objet de commentaires extrêmement élogieux et il se vend très bien.

Les pilotes maritimes offrent leurs services aux capitaines depuis aussi longtemps que des navires font relâche dans les ports étrangers et ont besoin de marins connaissant les embûches des eaux locales. Les pilotes sont déjà mentionnés dans la Bible. L'une des premières lois écrites de la France, datant des environs de l'an 200 après Jésus-Christ, autorisait le capitaine d'un navire à décapiter le pilote sur la proue s'il avait fait s'échouer le navire. Heureusement pour nous, la procédure disciplinaire applicable aux pilotes a évolué depuis cette époque.

Pendant de nombreux siècles et même encore dans le nôtre, le recours aux pilotes était facultatif et les pilotes individuels se faisaient la course au large pour être les premiers à offrir leurs services aux navires qui se présentaient.

Plus récemment, l'opinion publique a commencé à se préoccuper de l'environnement local et, au fur et à mesure que les déversements de pétrole et de cargaisons toxiques se multipliaient, les fonctions et responsabilités du pilote ont évolué pour englober, en sus de la sécurité du navire, la protection de l'environnement marin local et des infrastructures du port local.

La Loi sur le pilotage a été adoptée en 1972, après neuf années de délibérations de la Commission Bernier. Cette loi créait les administrations régionales de pilotage, ayant pour mission d'assurer un service de pilotage sûr et efficient dans leurs régions respectives. Elle imposait également le pilotage obligatoire pour la plupart des navires étrangers dans des eaux canadiennes délimitées. La loi contient certaines dérogations par lesquelles des navires canadiens et certains navires étrangers peuvent obtenir des certificats d'exemption ou des dispenses de pilotage, selon le cas.

En 1994, un sous-comité du comité permanent des transports de la Chambre des communes, dans un rapport sur la voie maritime du Saint-Laurent, recommandait l'abrogation de la Loi sur le pilotage et la dissolution des quatre administrations de pilotage. Le ministre des Transports a réagi en créant des groupes de travail dans chaque région, comprenant des représentants de toutes les parties prenantes du pilotage maritime -- expéditeurs, armateurs, agences maritimes, administrations portuaires, pilotes et fonctionnaires -- pour étudier et disséquer tous les aspects du pilotage en général, et plus particulièrement les coûts, les zones de pilotage obligatoire, les conditions d'octroi de brevets et certificats de pilote et les mécanismes de tarification.

Le Groupe de travail de la région Pacifique a immédiatement lancé un processus de concertation massif qui a résulté en un rapport adressé au groupe de travail national. J'ai amené avec moi quelques exemplaires de ce rapport à votre intention. Je suis sûr que vous allez apprécier le vidéo davantage que la lecture de ce rapport.

Les rapports des quatre régions ont confirmé au ministre que la Loi sur le pilotage actuelle constitue un bon outil, sous réserve de quelques modifications, pour la protection de nos eaux locales et la fourniture de connaissances expertes aux navires étrangers qui fréquentent ces eaux.

Ces modifications sont contenues dans le projet de loi C-44, qui est déjà passé par le stade de l'étude en comité, avec des consultations à travers tout le Canada, et qui attend la lecture finale à la Chambre des communes. Nous escomptons qu'il sera présenté à l'aval du Sénat au début de l'année prochaine.

Nous, la B.C. Coast Pilots Ltd., en accord avec tous les groupes de pilotes du Canada, exprimons publiquement notre appui aux modifications de la Loi sur le pilotage contenues dans le projet de loi C-44 et exhortons le Sénat à l'adopter lorsqu'il sera envoyé à la Chambre haute.

Nous voulons également souligner que, si certaines voix s'élèvent pour réclamer des modifications plus radicales de la loi, la plupart des sociétés maritimes et des administrations portuaires sont en faveur du maintien du pilotage obligatoire. Ce sont ceux qui ne connaissent pas la mer qui réclament des réductions de coûts qui compromettraient la sécurité.

Pour répondre à certaines des questions posées dans votre lettre d'invitation, je dirais tout d'abord que nous sommes heureux de voir que la tentative de déréglementation du pilotage dont je viens de faire état a échoué et que la sécurité ne sera de ce fait pas compromise dans le secteur du transport maritime. Nous nourrissons néanmoins de graves préoccupations sécuritaires dans notre secteur.

Nous félicitons les nombreuses compagnies de navigation internationales qui exploitent leurs navires dans de bonnes conditions, en assurent le bon entretien et les dotent d'équipages qualifiés et correctement formés. Malheureusement, il existe plusieurs compagnies sur le marché mondial qui ne souscrivent pas à ces pratiques et qui exploitent ce que nous appelons les «navires de la honte». Ces navires sont des accidents flottants en attente de se produire et, bien qu'ils soient sujets aux inspections de la Direction du contrôle portuaire de la Garde côtière canadienne et susceptibles d'être détenus jusqu'à la réparation du matériel défectueux, il n'existe aucune sanction ni amende pour inciter le propriétaire à se montrer plus responsable. Cette situation a été exacerbée par les compressions de personnel à la Garde côtière canadienne, si bien que de nombreux navires défectueux passent à travers les mailles du filet. Tous ces navires doivent traverser les eaux canadiennes et entrer dans un port canadien avant d'être sujets à une inspection.

J'exhorte votre comité à envisager l'imposition de lourdes sanctions pour dissuader ce dédain flagrant à l'égard de l'environnement et de l'infrastructure du Canada.

Une autre de nos préoccupations est la notion que la technologie peut remplacer le savoir humain à bord des navires fréquentant nos eaux. Il est impératif que toute innovation technologique soit soigneusement mise à l'essai et que toutes les faiblesses soient rectifiées avant que ce matériel ne soit agréé.

Nous avons la chance que l'Organisation maritime internationale, l'OMI, épouse les mêmes principes. Le Canada devrait appuyer l'OMI dans son travail de mise à l'épreuve de ces matériels. Les progrès technologiques récents permettent de déterminer très précisément la position d'un navire, ainsi que le trajet qu'il a suivi. Cependant, aucune technologie ne peut à l'heure actuelle décider, en prenant en compte tous les facteurs, dans quelle direction un navire doit se diriger.

Le dernier paragraphe de votre lettre demande des suggestions en vue d'assurer la sécurité future et, bien que je n'aie rien de précis à proposer, j'estime que nous devons veiller à ce que notre gouvernement, dans sa quête perpétuelle de réductions de coût et sa volonté de rendre le Canada compétitif sur le marché mondial, privilégie toujours la vie des travailleurs, la sécurité de l'environnement et de notre infrastructure portuaire par rapport aux considérations financières.

Je vous remercie de votre attention et nous serons ravis de répondre à vos questions.

Le sénateur St. Germain: Je reviens à ma question sur les phares. Je suis sûr que je n'ai pas à vous rappeler la controverse qui entoure la suppression des gardiens de phare. Est-ce que vos pilotes sont en contact avec le personnel de ces phares, ou bien cela est-il en dehors de votre domaine?

M. Flotre: En tant que pilotes, nous n'avons pas de contact avec eux. Je dois dire que dans mon travail antérieur de capitaine de caboteur, la météorologie était un souci plus immédiat et nous les contactions. Cependant, en tant que pilotes sur les navires que nous guidons, les conditions météorologiques ne sont pas un problème, particulièrement lorsque nous longeons la côte.

Le sénateur St. Germain: Mon autre question intéresse le projet de loi C-44 dont vous avez fait état dans votre mémoire. Pourriez-vous résumer pour moi en quelques mots la portée de ce projet de loi et nous dire pourquoi il est si important pour vous?

M. Flotre: Le projet de loi est l'aboutissement de l'étude du groupe de travail, bien que son orientation ait quelque peu changé par rapport à l'intention initiale. Il contient aujourd'hui certaines modifications sur le plan de la fixation des tarifs et quelques changements d'ordre administratif, mais il préserve en gros la Loi sur le pilotage de 1972, ce qui en fait un sujet de controverse. Je suis sûr qu'il y aura d'autres controverses encore avant son adoption par le Sénat et la sanction royale.

Nous disons que le pilotage est une condition très importante de la sécurité au Canada et qu'il faut préserver la Loi sur le pilotage en l'état.

Le sénateur St. Germain: Vous dites que certains navires étrangers sont mécaniquement défectueux. N'avez-vous pas la possibilité, en tant que pilotes, de refuser de les guider jusqu'à nos ports? Si vous les conduisez à la sortie, vous avez déjà dû les piloter à l'entrée. S'ils représentent un tel risque, pourquoi le faites-vous? Ne pourriez-vous tout simplement refuser et dire au revoir?

M. Flotre: Nous n'avons pas l'option de dire simplement au revoir, mais nous pouvons refuser de conduire le navire ou nous pouvons accroître les mesures de sécurité, telles que le recours à des remorqueurs supplémentaires si le navire est défectueux. Un pilote, lorsqu'il monte à bord d'un navire, n'a pas le temps de l'inspecter et quantité de défectuosités n'apparaissent que plus tard, au moment d'effectuer une manoeuvre délicate.

Le problème que je vois, à l'échelle internationale, c'est qu'il n'y a pas de sanction précise en dehors de la possibilité de détenir le navire et de le contraindre à effectuer les réparations. Il n'y a pas d'incitation pour l'armateur à entretenir correctement le navire ou à le réparer.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, plus de 99 p. 100 de missions effectuées sans incident représentent un chiffre impressionnant. Si toutes nos équipes de basket-ball s'en tiraient aussi bien, nous serions ravis.

Les résultats sur le plan de la sécurité m'intéressent. L'un de mes parents par alliance s'est noyé près de Prince Rupert. Il était membre de votre organisation. Il était pilote et était sur le point de monter à bord d'un cargo lorsqu'une vague a frappé l'embarcation qui l'amenait, et on ne l'a jamais retrouvé.

A-t-on fait quelque chose ces dernières années pour améliorer la sécurité des pilotes? Ce n'est pas un travail dénué de danger, n'est-ce pas?

M. McLennan: En tant que non-pilote, je pense que la partie la plus dangereuse du travail de pilote est le transfert entre la vedette de pilote et le navire et inversement.

Le sénateur Perrault: Il est passé par-dessus bord et on ne l'a jamais retrouvé.

M. McLennan: Je le connaissais très bien.

Le sénateur Perrault: C'était un bon gars.

M. McLennan: Oui. À l'administration de pilotage, nous effectuons constamment des manoeuvres d'homme à la mer pour assurer que si un pilote tombe en grimpant l'échelle, l'embarcation soit hors du chemin. Je préfère de loin qu'il tombe dans l'eau plutôt que sur le bateau. Nous effectuons des exercices de repêchage afin de pouvoir le récupérer aussi rapidement que possible.

Le sénateur Perrault: Mais c'est toujours une source de danger?

M. McLennan: C'est juste. Depuis l'accident que vous mentionnez, les pilotes sont dotés de meilleurs gilets de sauvetage. Le problème, dans cette tragédie, est qu'il a perdu son gilet.

Le sénateur Perrault: Il portait un gilet de sauvetage?

M. McLennan: Il portait un gilet, mais qui a été arraché. Ceux d'aujourd'hui sont meilleurs, avec des sangles pour les maintenir en place et il y a de grosses boucles dans le dos. Les vedettes de pilote sont maintenant équipées d'une grille à l'arrière pour le repêchage du pilote. La grille est inclinable et fait glisser le pilote sur le pont. Cela fait partie de l'exercice.

Le sénateur Perrault: Au moins quelque chose de bon est sorti de cette tragédie.

Que classez-vous comme incident?

M. McLennan: Tout ce qui n'est pas censé arriver. Si le navire touche le quai, c'est un incident qui doit être signalé. S'il y a des dégâts ou une blessure, c'est un incident. Les chiffres montrent que, vu le nombre de nos missions, il y a peu d'incidents.

Le sénateur Perrault: Ce sont des chiffres très impressionnants.

Vous dites que, sur la côte ouest «le service est totalement différent, exigeant des compétences particulières». Quelle est la différence?

M. McLennan: Le capitaine Flotre est mieux à même de répondre que moi.

M. Flotre: À l'échelle internationale, la plupart des zones de pilotage consistent en un petit port qui possède un groupe de pilotes, et les pilotes sortent à la rencontre des navires et assurent la desserte de ce port. Sur la côte ouest du Canada, nous desservons toute la côte, pas seulement Vancouver. Nous desservons Crofton, Nanaimo et Prince Rupert ou Kitimat, et c'est donc un type de pilotage spécial. Aucun de ces ports, hormis celui de Vancouver, ne pourrait s'offrir des services de pilotage propres, et nous devons donc avoir des pilotes capables de desservir tous ces ports.

Le sénateur Perrault: Vous êtes donc un groupe très polyvalent.

Le sénateur Lawson: Ma question porte également sur la sécurité. Le pourcentage des incidents est très faible. Puisque le rôle d'un pilote est de guider un navire à l'entrée et à la sortie du port, est-ce que le nombre d'incidents représente les fois où vous manquez l'océan à la sortie ou le nombre de fois où vous frappez le quai à l'entrée?

M. McLennan: La majorité des incidents surviennent à l'accostage. Dans le port de Vancouver, vu l'entassement des navires, des terminaux comme celui de Vanterm peuvent être éraflés au passage, mais il est rare qu'il se produise un incident sérieux.

Le sénateur Lawson: Vos chiffres sont fantastiques.

Le sénateur Bacon: S'agissant des déversements en mer, quels sont les réseaux de prévention et de lutte contre la pollution en place au Canada?

M. Flotre: Une organisation relativement nouvelle a été mise en place sur la côte ouest pour cela. Mon ami du Council of Marine Carriers pourrait probablement vous en dire plus car il est mieux informé que moi. Nous savons tous que des contre-mesures sont prévues, mais je n'en connais pas les détails.

Le sénateur Bacon: Avez-vous d'autres grandes préoccupations en matière de sécurité?

M. Flotre: En tant que pilotes, notre souci majeur depuis quelques années est la détérioration des navires sur lesquels nous travaillons. C'est un problème international, mais le Canada pourrait jouer un rôle vital dans la recherche d'une solution.

M. McLennan: En tant qu'administration, il s'agit pour nous de faire en sorte que les pilotes aient la meilleure formation possible et nous recherchons des simulateurs pour faciliter cette tâche. Nous envoyons tous les pilotes de Colombie-Britannique en France car les meilleurs modèles et conditions y existent pour leur apprendre à passer sous les ponts, par exemple, apprendre à traverser the Second Narrows. L'amélioration de la formation des pilotes est pour nous une grande affaire.

Le président: Quelle est la profondeur la plus faible le long du quai à Prince Rupert? À marée basse, quelle est la profondeur maximale?

M. Flotre: Prince Rupert a une eau très profonde. C'est probablement 45 pieds.

Le président: C'est très profond, n'est-ce pas?

M. Flotre: C'est profond, encore que l'un des postes d'accostage se trouve à Watson Island, où le chenal d'entrée est relativement peu profond.

Le président: Qu'en est-il de Roberts Bank?

M. Flotre: Une fois opérationnel, Roberts Banks sera probablement le poste d'accostage de navires porte-conteneurs le plus profond de la côte ouest d'Amérique du Nord. On va construire des navires porte-conteneurs plus gros à l'avenir.

Le président: Halifax est aussi en eau profonde, n'est-ce pas?

M. Flotre: J'ai parlé de la côte ouest de l'Amérique du Nord. Cela nous donnera un avantage prononcé sur des ports tels qu'Oakland et San Diego.

Le président: Nous avons un avantage très net avec la profondeur de nos eaux et la barrière des deux chaînes montagneuses.

M. Flotre: La barrière de l'île de Vancouver nous donne une voie navigable intérieure pour les navires commerciaux, les navires de croisière et pour des ports et nous permet d'offrir une infrastructure au reste du pays.

Le président: J'aimerais parler des exemptions et dispenses dans la région de pilotage du Pacifique. Dans quelles circonstances une exemption devrait-elle être accordée? Je suppose que les traversiers sont toujours exonérés.

M. McLennan: Exact, les traversiers sont tous exonérés.

Le président: Qu'en est-il des dispenses ou exemptions?

M. McLennan: Sur les 14 000 mouvements de navires étrangers, aucun n'est exempté, à moins de répondre à des critères très stricts de temps de mer et de connaissance des eaux locales.

Le président: Dans le cas du port de Vancouver, est-ce qu'un navire faisant relâche toutes les sept semaines sera exempté?

M. McLennan: Pendant mes deux années de président de l'administration, je n'ai vu aucun cas d'exemption accordée à un navire étranger.

Le président: Y a-t-il eu des demandes?

M. McLennan: Aucune, pendant mes deux années. Je reçois quantité de demandes de la marine américaine et d'autres navires américains remontant le passage intérieur vers l'Alaska, tels que les gros chalutiers, mais aucune intéressant des navires étrangers de passage.

Le président: Même les navires de croisière?

M. McLennan: Non, pas les navires de croisière. Les derniers à demander une exemption sont les capitaines de navires de croisière. Il y a 2 000 personnes à bord d'un navire de croisière et le passage intérieur et le détroit de Seymour ne sont pas des endroits où il fait bon naviguer sans pilote.

Avec l'industrie des croisières et B.C. Coast Pilots, nous examinons actuellement la situation dans la zone située entre le nord de l'île de Vancouver et l'Alaska. Il y a peut-être quelques possibilités pour certains navires de croisière de débarquer les pilotes, à leur choix.

Le sénateur Perrault: Il y a eu trois incidents au cours des deux dernières années mettant en jeu des navires de croisière. Y avait-il des pilotes à bord des navires de croisière qui ont eu des collisions?

M. Flotre: Tous ces incidents se sont produits dans l'État de l'Alaska.

M. McLennan: Il n'y en a pas eu chez nous.

Le sénateur Perrault: Il est rassurant d'entendre qu'il n'y avait pas de pilote de Colombie-Britannique à bord.

Le président: Les pétroliers, par exemple, bénéficient largement d'exemptions.

M. McLennan: Le système de dispenses, qui a été étudié par le groupe de travail, est toujours en cours d'examen, mais je peux vous dire que nous n'en accordons pas aux navires étrangers. Si un navire remontant le Fraser a effectué un certain nombre de ces voyages au cours des deux dernières années, si le navire est sûr et si le capitaine connaît les eaux, alors nous pouvons accorder une dispense.

Le président: Mais le faites-vous?

M. McLennan: Tout le temps. Nous le faisons. Nous avons des dossiers détaillés sur ces navires pour assurer qu'ils peuvent remonter le fleuve en toute sécurité.

Le président: Et son personnel, pas seulement le navire.

M. McLennan: Oui, la personne sur la passerelle. Ce qui compte, ce n'est pas le navire lui-même, c'est son commandant et sa connaissance des eaux locales.

Le président: Y a-t-il eu des incidents? D'après les statistiques, le nombre est si faible qu'il n'est presque pas quantifiable. S'est-il produit des incidents mettant en jeu un navire exempté?

M. McLennan: S'il y avait eu un incident sous le régime d'une exemption, nous en aurions entendu parler. Aucun navire dispensé n'a connu d'incident.

M. Flotre: Le seul incident dont je me souvienne a mis en jeu deux navires américains de conditionnement de poisson qui se sont heurtés près de Butedale, dans le Inside Passage, l'un des deux ayant coulé. C'était il y a cinq ans environ.

Le président: Qu'en est-il des services et cartes hydrographiques? Capitaine Flotre, puisque vous êtes dans le métier, êtes-vous satisfait des cartes dont vous disposez?

M. Flotre: Oui, je suis satisfait des cartes actuelles. Une fois que l'on est sorti du fleuve Fraser, avec ses profondeurs perpétuellement changeantes, le reste de la côte ouest est à peu près statique. Nous n'avons pas à l'heure actuelle de problème avec le service hydrographique, qui est marqué par des améliorations et des progrès technologiques constants, et l'arrivée des nouvelles cartes électroniques.

Le président: Et vous n'avez pas de problèmes de glace?

M. Flotre: Absolument aucun.

Le sénateur Perrault: Nous sommes en Colombie-Britannique.

Le président: Je ne serais pas surpris que le sénateur Perrault nous remette des jonquilles avant notre départ.

Le sénateur Adams: Y a-t-il un règlement sur la côte exigeant que les navires transportant certaines cargaisons ou des matières dangereuses fassent appel à des pilotes en eaux canadiennes?

M. Flotre: Nous avons conclu un accord spécial intéressant les pétroliers de plus de 40 000 tonnes prévoyant la présence de deux pilotes à bord. C'est en fait à la demande de l'industrie. C'est le seul règlement ou mécanisme spécifique pour les pétroliers.

Le sénateur Adams: Transports Canada ne peut l'imposer, c'est uniquement à la demande des expéditeurs?

M. Flotre: La Garde côtière a participé au processus de consultation. Elle n'a pas jugé bon de l'imposer par règlement car c'était une décision facultative de la part tant des pilotes que des compagnies pétrolières, si bien que cette procédure est aujourd'hui en place mais sans être expressément imposée par un règlement. Nous voyons passer une quarantaine de pétroliers par an à Vancouver.

Le sénateur Adams: Le seul passage possible est-il par les eaux canadiennes?

M. Flotre: La partie dangereuse de ce trajet sont les derniers 40 milles avant Vancouver, caractérisés par de violents courants de marée et des chenaux étroits. Sur ce tronçon, les pétroliers sont escortés de remorqueurs.

Le sénateur Adams: Est-ce que votre organisation fournit des pilotes pour les commandants de traversiers et barges fluviaux? Est-ce que ces pilotes appartiennent à votre organisation?

M. Flotre: Sur la côte ouest, toutes les sociétés de barge ont leurs propres capitaines. Il n'y a pas de pilote à bord des navires canadiens, simplement parce que nous n'avons pas de navires canadiens de plus de 10 000 tonnes et que ces derniers n'ont qu'une activité locale, ils ne vont pas en haute mer.

Le sénateur Bacon: Avez-vous une politique prévoyant un dépistage des abus d'alcool ou de substance dans votre organisation? Je songe à la catastrophe de l'Exxon Valdez.

M. Flotre: On. La Garde côtière et le ministre des Transports peuvent procéder à un dépistage motivé. Autrement dit, il n'y a pas de dépistage systématique, mais en cas d'incident, les autorités peuvent exiger des prélèvements.

Le sénateur Bacon: Menez-vous des campagnes de sensibilisation préventive?

M. Flotre: Certainement, nous avons des programmes de sensibilisation. Nous avons aussi des programmes de traitement pour toute personne éprouvant des problèmes de ce type. Tout le monde dans notre milieu est très conscient de l'Exxon Valdez. Je pense que toutes les personnes ayant le sens des responsabilités dans notre milieu, depuis les capitaines jusqu'aux officiers de pont et aux pilotes, ont modifié leurs habitudes à cause de l'Exxon Valdez. Nous sommes très satisfaits de l'évolution intervenue.

Le président: Je sais que ce n'est pas tout à fait dans votre secteur, mais j'aimerais parler de la situation dans nos eaux septentrionales où nous n'avons pas toujours le meilleur personnel de pont et les meilleures cartes. Couvrez-vous au moins une partie du Nord?

M. Flotre: Non.

Le président: Pourquoi?

M. Flotre: Nous sommes très occupés ici. La plupart des mois de l'année, nous travaillons à la limite de notre capacité. Nous ne pourrions offrir nos services là-haut car ce que nous vendons, c'est la connaissance des eaux locales, et nous ne connaissons pas les eaux du Nord. Je ne pourrais vendre à personne ma connaissance des eaux du Nord.

Le président: Je vous demanderais de répondre à cela également, monsieur McLennan, car ce que vous vendez, c'est une capacité administrative, pas une connaissance locale.

M. McLennan: La période la plus occupée dans notre territoire, de Prince Rupert jusqu'à la frontière avec l'État de Washington, se situe en été, la saison des croisières, et nous sommes alors à la limite extrême de notre capacité. Chaque navire de croisière a deux pilotes à bord entre Vancouver et Prince Rupert.

Le président: Qu'en est-il de l'Administration de pilotage des Laurentides? Si vous préférez ne pas parler des autres administrations de pilotage, dites-le-nous, mais je trouve que l'absence d'administration de pilotage dans le Nord et le fait que nul ne va assumer la responsabilité dans cette région constituent une déficience majeure. Tout le monde attend que de nouveaux codes de sécurité soient élaborés et de nouvelles normes de construction mises en place pour prévenir les problèmes, alors qu'il s'en pose un sérieux. Selon votre jugement professionnel, capitaine, pourquoi n'existe-t-il pas d'administration de pilotage du Nord?

M. Flotre: Je dois avouer que je ne sais pas grand-chose de cette région. Ma première question serait: quels navires fréquentent ces eaux? Je sais que nous avons eu un gisement de pétrole dans le Nord pendant quelque temps.

Le président: Le navire Arctic dessert cette région avec succès depuis 15 ans. Il y a quantité de navires en activité dans l'Arctique canadien.

M. Flotre: Ce sont des navires qui connaissent très bien la région, qui sont inspectés par le Canada et qui ont des équipages canadiens. Il incombe à la société qui possède et exploite ces navires de placer à bord des officiers compétents capables de naviguer dans ces eaux en toute sécurité. Sur le plan du pilotage, le problème se poserait si des navires étrangers entraient dans ces eaux avec à bord des cargaisons dangereuses ou potentiellement nocives. C'est alors qu'il faudrait être en mesure d'offrir des pilotes compétents à ces navires.

Le président: Il devrait y avoir des pilotes à bord lorsqu'un navire contient des milliers de tonnes de mazout ou de carburant diesel, bien que ce dernier soit moins polluant.

M. Flotre: Nous savons qu'un navire qui fait relâche à Vancouver dessert également la mine de Red Dog. N'est-ce pas dans l'Arctique canadien? C'est un navire étranger.

Le président: L'Arctique exerce un attrait touristique partout dans le monde, un attrait écologique. Un déversement qui pourrait coûter 5 à 10 millions de dollars à nettoyer ici, dans la douce Colombie-Britannique, pourrait coûter des milliards là-haut. Est-ce que cela vous soucie? Les diverses administrations de pilotage en parlent-elles jamais entre elles, lorsqu'elles se réunissent?

M. McLennan: Je ne voudrais pas minimiser le problème, mais au cours des dernières années, toute notre attention a été accaparée par notre propre administration. J'ai passé tout mon temps avec les trois autres présidents à discuter du projet de loi C-44, et nous n'avons pas parlé du Nord.

Le président: Mon fils est capitaine au long cours et pilote des glaces et je dis honte à lui et honte à vous aussi. Vous devriez vous atteler à la tâche et amener Ottawa à créer une administration de pilotage du Nord de façon à développer les connaissances et donner aux capitaines, qui ont l'expérience et appris à naviguer dans les glaces, des perspectives de carrière, afin qu'ils restent dans la région et travaillent dans cet environnement. D'ici le tournant du siècle ou peu après, qui sait ce qui va transiter dans cette partie très fragile et très mal cartographiée du monde. Vous avez une responsabilité. Je n'arrête pas d'aiguillonner le jeune capitaine de ma famille, au point que cela devient parfois gênant. Néanmoins, j'apprécie grandement votre comparution et je sais que vous avez vos propres problèmes.

Nos prochains témoins, le capitaine Russel Cooper et M. Peter Woodward, comparaissent pour le Council of Marine Carriers, qui représente l'industrie du remorquage et du transport par barge de l'ouest du Canada, certainement l'une des plus importantes dans cette partie du monde.

M. Peter Woodward, vice-président, Council of Marine Carriers: Honorables sénateurs, je veux vous remercier, au nom du conseil, de votre invitation à exprimer nos préoccupations dans le cadre de votre étude des questions techniques et des structures juridiques et réglementaires intéressant la sécurité de l'industrie canadienne des Transports.

Nous avons fait savoir à Transports Canada que nous sommes en faveur du maintien de son rôle et de ses efforts visant à préserver les normes de sécurité rigoureuses actuelles dans le secteur maritime canadien.

Notre exposé d'aujourd'hui traitera uniquement des questions de sécurité en matière de transport maritime et vous fera part des vues d'un segment important d'une industrie maritime canadienne très diverse.

La préoccupation principale dont nous voulons traiter aujourd'hui est le poids excessif du régime réglementaire et le recours persistant à l'actuelle Loi sur la marine marchande du Canada, devenue désuète.

Le CMC est une organisation sans but lucratif fondée en 1975 dans le but de déterminer, protéger et promouvoir les intérêts de notre industrie, sur le plan technique et celui de la main-d'oeuvre. Depuis cette date, l'industrie du remorquage et du transport par barge a traversé une très longue période de difficultés économiques. Nous avons continué à porter le fardeau paralysant d'un régime réglementaire fédéral onéreux et de plus en plus contraignant.

L'industrie du remorquage maritime a fait son apparition sur la côte ouest il y a plus de 100 ans, lorsque du charbon était transporté par barge pour ravitailler les navires hauturiers à l'ancre. Divers entrepreneurs ont décidé alors que les granulats pouvaient être transportés plus efficacement par barge, ce qui a stimulé le boom de la construction à Vancouver. L'apparition de scieries sur le littoral de la Colombie-Britannique, une côte de presque 10 000 milles avec ses longs bras de mer et la protection offerte par les îles du large entre Vancouver et Prince Rupert, jointe au fait que la construction de routes et de chemins de fer était d'un coût prohibitif, a fait que le transport par eau est devenu le choix le plus évident, le moins coûteux et le plus efficace, et souvent le seul, pour transporter les marchandises en provenance et à destination de ces installations. Ainsi, une myriade de petites sociétés de remorqueurs et de barges a vu le jour à cette époque le long de la côte de Colombie-Britannique, et cela a marqué le début d'une industrie maritime sans équivalent. Depuis lors, le secteur forestier a largement contribué à sa prospérité. Nous sommes clairement une industrie de service.

Il n'y avait dans les premiers temps pas ou peu de contrôles réglementaires et pourtant l'industrie a su afficher des résultats remarquables sur le plan de la sécurité.

Nombre de ces petites entreprises ont disparu de par le jeu des fusions. Aujourd'hui, il n'existe plus que deux ou trois grosses sociétés de remorquage et un petit nombre de plus petites.

Notre conseil, depuis sa création, a élargi sa base pour y englober des entreprises d'autres provinces et nous comptons actuellement 35 membres qui exploitent collectivement 275 navires environ. Ce nombre varie presque de jour en jour, certainement de semaine en semaine, et l'on compte plus de 800 barges non propulsées de divers types et dimensions. Nos membres emploient actuellement un personnel naviguant et non naviguant de 2 600 personnes environ. Le conseil ne représente pas tous les exploitants de remorqueurs et de barges du Canada ou même de l'ouest du Canada, mais certainement un pourcentage important d'entre eux.

L'activité régulière de nos membres s'étend depuis la côte pacifique américaine jusqu'en l'Alaska, la mer de Beaufort et la baie d'Hudson. Nous sommes présents également sur les fleuves Fraser et Mackenzie.

Les chiffres de Statistique Canada indiquent qu'en 1990 l'industrie du remorquage maritime a réalisé un chiffre d'affaires de 338 849 000 $, soit environ 13 p. 100 de tous les revenus du transport par eau canadien cette année-là.

L'équipement exploité par nos sociétés membres est divers et englobe les petits remorqueurs-pousseurs, les puissants remorqueurs de port, les remorqueurs d'allingues, les barges de transport de copeaux, de grumes et d'agrégats, les gros grumiers autopropulsés et autodéchargeants, les barges pétrolières, les barges et navires porte-trains, les barges de transport de produits chimiques, les barges ouvertes et couvertes de fret général et les navires de ravitaillement en mer.

Malheureusement, le caractère toujours plus contraignant du régime réglementaire, avec toutes les conséquences qui en résultent sur notre activité, représente un souci majeur pour tous nos membres.

Le conseil est membre de la Western Marine Community, une coalition lâche de tous les participants aux activités maritimes de l'Ouest. Elle a été formée en 1995 en vue de réagir aux initiatives de Transports Canada et de la Garde côtière canadienne tant sur le plan de la sécurité que du recouvrement des coûts.

Nous exprimons aujourd'hui les vues des exploitants de remorqueurs et de barges. Pour connaître les avis des autres membres de la Western Marine Community, vous devrez vous adresser à eux. J'ai joint à notre mémoire une liste de ces membres. Je peux vous assurer que nos préoccupations sont largement partagées.

Nous avons de nombreuses préoccupations, parmi lesquelles le projet de loi C-44 figure en bonne place, mais nous n'en traiterons pas aujourd'hui. Nous voulons aborder deux ou trois points majeurs, qui sont l'effet du régime réglementaire maritime canadien sur nos activités, l'inefficience de la prestation des services publics, jointe à la menace de l'introduction de redevances d'usagers, le risque de duplication des services du fait de l'intervention des gouvernements provinciaux dans des domaines de compétence fédérale reconnus et admis, et l'éventuel accaparement par des navires gouvernementaux provinciaux d'activités du secteur privé.

Nonobstant ces préoccupations, nous restons convaincus que Transports Canada, en tant que représentant du gouvernement fédéral et du public canadien, a un rôle important et clairement approprié à jouer dans la préservation d'une industrie maritime sûre et viable.

Néanmoins, nous estimons qu'il peut remplir ce rôle sans jouer celui de gendarme. Il peut le faire en mettant en place un régime réglementaire d'inspection des navires révisé, prudent et équitable, assorti d'un contrôle et d'un examen serrés de tous les services actuels et d'une bonne communication avec les participants. Nous convenons que la sécurité maritime ne doit jamais être compromise et demandons le maintien de ce rôle fédéral dans le secteur du transport maritime.

Les membres de notre conseil sont également membres actifs du Conseil consultatif maritime. Le capitaine Russ Cooper est notre représentant à ce conseil, de même qu'au Conseil consultatif maritime canadien tripartite qui regroupe les syndicats, le patronat et les pouvoirs publics.

Le Conseil consultatif maritime, important et relativement nouveau, a été formé en juin 1994 afin de conseiller le commissaire de la Garde côtière, alors placé sous la tutelle de Transports Canada, relativement aux décisions stratégiques et aux nombreux changements opérationnels proposés par Transports Canada. Ce mandat englobe nécessairement la sécurité des transports.

Le CCMC, ou Conseil consultatif maritime canadien, est un groupe plus important de diverses parties prenantes du secteur maritime qui se réunit deux fois par an à Ottawa, et ce depuis 20 ans. Le CCMC se penche sur tous les aspects de la sécurité maritime -- réglementation, fonctionnement et matériel -- et constitue un outil excellent et essentiel, mais peut-être devenu aujourd'hui trop lourd, pour faire le point de la situation maritime.

Outre ces deux importants conseils auxquels nous siégeons, nous rencontrons à titre privé les fonctionnaires à divers niveaux de Transports Canada et de la Garde côtière canadienne, chaque année. Nous jugeons ces rencontres très utiles. Cet accès régulier au «système» nous aide à remplir nos obligations à l'égard de nos membres et permet de discuter régulièrement des considérations de sécurité avec les usagers actifs. Nous sommes en faveur du maintien des deux conseils susnommés et les félicitons de leur travail, mais souhaitons que le programme de travail du CCM soit recentré sur des aspects plus pratiques et que la structure du CCMC soit revue.

La Division de la sécurité des navires de Transports Canada contrôle tous les aspects de la sécurité maritime dans le pays. Elle rédige, modifie, réécrit et exécute le régime réglementaire actuel. Depuis le début des années 70, notre secteur particulier a connu un accroissement massif du nombre de règlements de Transports Canada et de la Garde côtière canadienne et a dû faire face par voie de conséquence à de nombreuses contraintes d'exploitation, assorties de coûts additionnels. Ces décisions réglementaires étaient souvent le résultat de réactions irréfléchies de Transports Canada à des incidents ou accidents maritimes regrettables mais néanmoins isolés. Cette situation a été encore aggravée par la politique canadienne consistant à répercuter automatiquement les contraintes des conventions internationales dans le régime réglementaire interne canadien, même lorsque cela ne s'impose pas. Ce n'est pas seulement l'avis de notre conseil. Vous constaterez que cette opinion est partagée par beaucoup d'autres. Cette politique a lourdement pénalisé notre secteur.

Nous pensons que l'industrie canadienne du remorquage et du transport par barge est assujettie à un régime réglementaire plus lourd que n'importe quelle autre branche de l'industrie maritime dans tout autre pays du monde. Nous sommes certainement astreints à beaucoup plus de règles que nos voisins et concurrents du Sud. Nous réclamons depuis des années une coordination canado-américaine des exigences, la mise en place d'un terrain de jeu égal et la suppression des doubles contraintes d'inspection, malheureusement avec peu ou pas de succès jusqu'à présent.

Je dois reconnaître qu'une étude comparative de la réglementation et des accidents portant sur les petits navires de voyageurs et les remorques et barges américains et canadiens a été entreprise il y a un an à peu près par Transports Canada. Malheureusement, nous n'en connaissons pas encore les résultats officiels.

Nous notons avec intérêt que votre mandat englobe l'examen des effets de la déréglementation sur la sécurité. C'est une question importante mais nous nous hâtons d'ajouter que l'industrie maritime canadienne n'a pas encore connu de déréglementation, en dépit de ce qu'a dit l'intervenant précédent. Nous sommes impatients d'en traiter plus avant lors de la période de questions.

En 1992, Transports Canada a entamé un processus d'examen de la réglementation. Des représentants de notre conseil ont rencontré à maintes reprises les fonctionnaires de Transports Canada afin de leur faire part de nos vues sur cette mesure progressiste. En dépit de notre scepticisme quant à la valeur de tout mémoire adressé au gouvernement, nous avons rédigé un texte de 60 pages exposant notre position et formulant de nombreuses suggestions de changement des 114 règlements en vigueur à l'époque. Nous avons préconisé l'abrogation de 24 règlements, la fusion de plusieurs d'entre eux, le remplacement de quatre règlements par des normes et la modification, simplification ou transformation en lignes directrices de 20 autres. Nous avons recommandé que les règlements restants soient conservés mais soient appliqués de manière plus cohérente et équitable par le Service d'inspection des navires.

Nous sommes maintenant en décembre 1996 et très peu de mesures concrètes ont été prises en réponse aux 15 recommandations formulées à la suite du processus d'examen. Le nombre des règlements n'a toujours pas été sensiblement réduit et la situation ne fait que s'aggraver vu que de nouveaux règlements sont promulgués chaque année.

Depuis de nombreuses années, notre conseil préconise une réforme réglementaire et est un fervent partisan de l'utilisation de normes et de lignes directrices en conjonction avec un ensemble plus restreint, plus élémentaire et plus simple de règlements sur la sécurité maritime.

Sur la côte pacifique et dans les eaux arctiques, nous avons à faire face à la concurrence américaine. Les remorqueurs américains de moins de 300 tonnes de jauge brute ne sont astreints qu'à une réglementation minime, contrairement aux canadiens. Tous les remorqueurs de plus de 15 tonnes de jauge brute doivent, chez nous, respecter tous les règlements; ceux de plus de 10 tonnes doivent se conformer à des exigences de construction. Si l'on veut instaurer un terrain de jeu véritablement égal, il faut un effort sérieux pour instaurer la réciprocité des contraintes réglementaires.

Comme je l'ai déjà indiqué, une autre préoccupation apparentée, et qui est l'objet d'une lutte continue de notre conseil et d'autres représentants de l'industrie maritime canadienne, est l'intégration par Transports Canada dans la réglementation interne canadienne des contraintes contenues dans les conventions maritimes internationales, signées par le Canada de bonne foi. Or, ces contraintes sont conçues pour des navires de plus grande taille opérant au long cours. Elles ne sont ni appropriées ni praticables dans le cas de petits navires ne circulant que dans les eaux locales.

Ainsi, l'allégement et la modernisation du régime réglementaire maritime et de la politique maritime du Canada sont essentiels à la survie future de notre industrie, et c'est là notre plus gros souci. Nous en avons d'autres, qui concernent la nouvelle Loi maritime du Canada, le projet de loi C-44, mais c'est là la préoccupation majeure dont nous voulions vous faire part ici.

Le président: Nous aurons quelques questions à ce sujet sous peu.

M. Woodward: Outre le processus de révision réglementaire, nous sommes informés des initiatives récentes de Transports Canada visant à actualiser et moderniser la Loi sur la marine marchande du Canada. Cette législation maritime désuète, qui fonde le régime réglementaire actuel, est manifestement dépassée, ce qui n'inspire guère confiance à ceux d'entre nous obligés de vivre et de travailler avec elle. Elle est difficile à lire, a son origine dans la Merchant Shipping Act britannique rédigée en 1894, contient beaucoup trop de conditions désuètes et détaillées qui n'ont plus cours et doit manifestement être réécrite ou totalement remplacée dans les meilleurs délais.

Si ce processus de révision réglementaire aboutit, ce pourrait être une occasion idéale pour le Canada d'apporter des changements et de se mettre au diapason du XXIe siècle avec une loi maritime nouvelle, moderne, et un régime réglementaire simplifié.

L'intérêt que vous portez aux effets des coupures gouvernementales sur nos activités nous amène à l'instauration de redevances d'usagers par la Garde côtière et Transports Canada.

Les services de sécurité fournis par Transports Canada englobent, entre autres, les aides à la navigation -- et cela comprend les phares -- les services de circulation des navires, et les services d'inspection des navires. Nous n'aurions aucune objection à ce que la Garde côtière fasse payer ces services aux usagers s'ils étaient assurés de manière efficiente et équitable. Nous nous sommes efforcés, par le biais de notre participation au Conseil consultatif maritime, d'accroître la transparence et l'efficience de la Garde côtière et de Transports Canada, ce qui serait avantageux pour toutes les parties intéressées et ne nuirait en rien à la sécurité.

Nous sommes intéressés par la commercialisation de certains des services de la Garde côtière, tels que la réparation des aides à la navigation, ainsi que l'intégration des services maritimes au ministère des Pêches. Nous sommes intéressés également par l'idée que certains services maritimes soient délégués à des sociétés privées dûment qualifiées et agréées, notamment le service d'inspection des navires.

Néanmoins, nous estimons que tout service ou pratique gouvernemental doit devenir plus efficient, plus moderne et plus rationnel avant que l'on nous demande d'en assumer le coût.

Tout projet de redevances d'usagers doit être équitable et transparent et tenir compte des besoins de tous les usagers. Sans un accord sur ces éléments fondamentaux, nous estimons qu'il serait inapproprié d'introduire de tels mécanismes.

Notre conseil réfléchit à un programme d'auto-inspection des navires qui serait exécuté par les propriétaires de remorqueurs et de barges mais surveillé et agréé par Transports Canada.

Le CMC est en relations constantes avec le gouvernement fédéral depuis de nombreuses années. Nous sommes des plus perturbés par la tentative récente du gouvernement provincial de Colombie-Britannique d'intervenir dans ce qui est sans conteste un domaine de compétence fédérale, en particulier la réaction aux déversements en mer, le doublage des coques de navire, les remorqueurs d'escorte, les émissions atmosphériques des navires et les systèmes de contrôle des émanations des barges pétrolières. Cette ingérence malvenue sera coûteuse, inappropriée et certainement inutile et un coup d'arrêt s'impose. Nous avons conscience que nous vivons une ère de changements, mais un changement tel que celui-ci n'est pas approprié.

Nous n'avons pas eu le temps d'entrer dans les détails dans cet exposé, mais nous avons cherché à vous donner une idée générale de ce que pense notre branche du secteur maritime canadien de l'état de la sécurité des transports maritimes au Canada. Nous pensons que cette sécurité est bonne et nous voyons certainement Transports Canada comme l'organe du contrôle de la sécurité. Néanmoins, nous recommandons fortement que le régime législatif réglementaire fédéral actuel soit modernisé, simplifié et rendu plus pratique et plus rentable.

Nous avons fait connaître ces positions à Ottawa. Nous avons exposé nos préoccupations de façon très détaillée dans diverses tribunes à travers le Canada et serons heureux de répondre à vos questions aujourd'hui.

Le CMC continuera à appuyer les projets gouvernementaux de réduction et d'instauration de programmes de recouvrement des coûts, à condition que ces mécanismes ne nuisent pas à la sécurité, soient raisonnables, pratiques et transparents et contribuent à éliminer l'obscène déficit fédéral.

Le président: Merci beaucoup. Capitaine Cooper, aimeriez-vous dire un mot ou deux?

Le capitaine Russel V. Cooper, président, Council of Marine Carriers: J'attendrai vos commentaires ou questions, en espérant que nous saurons y répondre.

Le président: Vous avez mis le doigt sur une plaie massive. La Loi sur la marine marchande du Canada remonte à 100 ou 200 ans. La Loi sur l'aéronautique ne date que de 60 ou 70 ans. Les deux sont caractérisées par une réglementation massive, à tel point que leur texte n'est presque jamais plus mentionné pour rien, hormis pour ce qu'implique leur titre. On utilise ce dernier comme un gros mot. Les deux doivent impérativement être réécrites, cela ne fait aucun doute. Les deux sont obsolètes et érigent des obstacles fréquemment insurmontables. Souvent, la seule façon de les surmonter est de promulguer un autre règlement.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples de ce que vous considérez être une dose excessive de réglementation et nous proposer votre remède, sommairement? Nous aimerions connaître vos priorités pour une nouvelle Loi sur la marine marchande du Canada. Je suppose que cela revient à vous demander comment vous voulez être gouvernés au prochain siècle, par une législation ou par une réglementation?

M. Woodward: Je participe actuellement à un groupe qui délibère d'une Loi sur la marine marchande du Canada révisée. Nous en sommes au tout début de notre examen.

On pourrait trouver dans la loi actuelle une multitude d'exemples, mais je n'en citerai qu'un, le règlement sur la mesure de la jauge. Les exigences à cet égard ont été énoncées dans une quarantaine de pages de la Loi sur la marine marchande. Ces normes étaient en vigueur depuis de nombreuses années. Il était impossible de modifier les contraintes de mesure de la jauge jusqu'à ce que le Canada décide d'abroger les articles concernés de la loi et rédige un règlement spécifique.

Cela explique notre frustration et constitue un bon exemple. Ce processus a été lancé il y a 24 ans. Le nouveau règlement a été promulgué en 1995. Je peux vous assurer que ce nouveau règlement n'est pas acceptable par l'industrie canadienne. Nous avons passé 12 mois à essayer de convaincre Ottawa de le modifier. J'espère que nous y parviendrons à la réunion de mai 1997 du CCMC.

L'antique Loi sur la marine marchande et l'excessive réglementation nous causent beaucoup de frustration. Lorsqu'on rédigera une nouvelle loi, au lieu d'un texte de 600 pages, il faudra se limiter à 60 pages. Il devra couvrir nombre des éléments de la loi actuelle, mais pas de façon détaillée. Nous avons besoin d'un document de référence de telle façon que si quelqu'un veut connaître les normes en matière d'équipage, ou concernant les lignes de charge ou l'enregistrement des navires, le texte de la loi le renvoie à un autre document qui, lui, énoncera des normes et des lignes directrices, plutôt que des règlements.

Le président: La loi compte en fait 1 700 pages. Je le sais, car j'ai fait partie de ceux qui ont essayé d'y porter remède il y a 25 ans et ont échoué.

Vous dites avoir rédigé un rapport de 60 pages. En auriez-vous ici un exemplaire que vous pourriez remettre à notre personnel de recherche?

M. Woodward: Oui. Je ne l'ai pas ici, mais je vais certainement vous le faire parvenir.

Le président: Je vous remercie. Est-ce que vous placeriez les règlements, une fois fusionnés, raccourcis et triés, dans la loi elle-même ou bien les abrogeriez-vous en bloc pour les remplacer par des normes et lignes directrices applicables aux diverses conditions d'exploitation?

M. Woodward: C'est une situation très complexe, comme vous le savez. J'utiliserai l'exemple du règlement sur la construction des coques. Les premières 100 pages nous disent comment construire un navire, imposent des normes pour les cloisons et les plafonds de ballast et les ponts et la coque. Tout cela est totalement inutile. Ces aspects sont adéquatement couverts par les sociétés de classification du monde. Il n'y a aucun besoin de les inscrire dans un règlement canadien.

L'une des raisons pour lesquelles nous avons été et restons partisans du contrôle exercé par Transports Canada sur l'industrie maritime, c'est que ce ministère est une entité internationale et qu'il nous faut des normes nationales. Nous ne voulons pas que la Colombie-Britannique ait un jeu de normes et la Nouvelle-Écosse un autre. Il arrive souvent que des navires construits sur la côte ouest soient mis en service sur la côte est et inversement. L'industrie maritime a besoin de normes nationales.

Bon nombre des règlements pourraient faire l'objet d'une mention dans la loi. J'en prends un qui est controversé: la norme sur les barges pétrolières. Nous avons actuellement, au Canada, des normes régissant la construction, l'armement et l'exploitation de barges pétrolières. En mars 1998, ces normes deviendront un règlement. Lorsque ce sera fait, il sera beaucoup plus difficile d'apporter des modifications si nous constatons des problèmes. Je préférerais de loin avoir une mention d'une norme dans la loi, et l'obligation de respecter une norme.

Le président: Auto-imposée par l'industrie?

M. Woodward: Oui, je pense. En tant que profession, nous avons eu des discussions avec Transports Canada sur l'auto-inspection. C'est un sujet très délicat et nous l'abordons lentement et prudemment. Nous nous concertons avec nos syndicats à ce sujet. Un argument en faveur de l'auto-inspection est que cela permettrait aux inspecteurs de Transports Canada, qui sont apparemment débordés, de concentrer leur énergie sur ceux qu'il y a lieu de surveiller plutôt que ceux qui respectent les règles.

Le président: Les grandes entreprises et les banques font preuve de diligence, cela ne fait aucun doute. Les banques sont beaucoup plus sophistiquées aujourd'hui qu'il y a 30, 40 ou 50 ans. Je soupçonne que la Banque royale du Canada possède un groupe de conseillers en transport maritime très compétents et qu'elle fait preuve de toute la prudence voulue lorsqu'il s'agit de prêter de l'argent à cette industrie, même s'il s'agit de fonds de roulement. Les garde-fous sont là. Ce sont les professionnels de l'industrie qui sont les mieux placés pour tenir à jour les normes. Au fur et à mesure que l'industrie se développe et devient plus sophistiquée, il importe que le ministère suive le mouvement.

Le sénateur Bacon: À la page 1 de votre mémoire, vous dites que vous n'avez cessé de ployer sous le fardeau d'un régime réglementaire maritime fédéral toujours plus onéreux et plus lourd, et que ce régime, que vous qualifiez de «monstrueux» menace la survie même de votre segment particulier de l'industrie maritime canadienne.

Pourriez-vous nous donner davantage de précisions?

M. Woodward: C'est un sentiment de frustration qui nous amène à viser un programme d'auto-inspection. Lorsque nous construisons un remorqueur, non seulement devons-nous respecter les normes de construction et d'équipement, mais nous devons installer des couchettes de taille bien précise et disposer des tasses dans les toilettes et toutes sortes d'autres choses. Les contraintes sont incroyables.

Le caractère tatillon de la réglementation nous frustre beaucoup. Prenez les nouvelles normes pour les barges pétrolières. Par le passé, six de nos 35 sociétés membres transportaient du pétrole par barge. Ce chiffre est maintenant descendu à cinq. Lorsque approchera l'échéance de 2015 où tout le monde devra avoir des barges à double coque, je me demande combien de ces entreprises auront encore des barges pétrolières.

En 1995, après la rédaction des normes pour les barges pétrolières, l'une de nos compagnies membres a dû construire une barge de remplacement. Elle a regardé le coût d'une barge à coque simple et celui d'une barge à coque double et est allée voir les compagnies pétrolières et leur a demandé si elles accepteraient une majoration de tarif si elle construisait une barge à double coque. Évidemment, les compagnies pétrolières lui ont ri au nez. Elle a donc construit une barge à coque simple en 1995. Elle a été assez intelligente pour la construire de telle façon que si elle décide de la convertir, ce sera un peu plus simple que si elle avait ignoré l'échéance prochaine. Ce règlement pourrait très bien mettre des gens en faillite.

Certaines des petites compagnies ont beaucoup de difficultés à respecter les contraintes en matière d'équipage et de certification. La raison pour laquelle le Council of Marine Carriers ne représente pas chaque exploitant de remorqueurs et de barges de l'ouest du Canada est que certaines compagnies ne veulent pas affronter certaines des choses qui nous sont imposées chaque jour.

M. Cooper: Les règlements créent une situation où les gens passent leur temps à chercher à les contourner. Je crois savoir que les Américains n'ont quasiment pas de règlements. Ils sont nos concurrents et viennent chez nous nous enlever le travail que nous faisions auparavant. Nous ne pouvons soutenir la concurrence d'entreprises qui ne sont pas astreintes aux mêmes règlements. Les frais d'exploitation d'un remorqueur canadien sont supérieurs de 80 000 $ par an à ceux d'un remorqueur américain équivalent. Notre réglementation environnementale engendre une flotte de navires qui sont en contravention, et gérés par des gens qui contournent les règles par tous les moyens possibles parce qu'elles sont si contraignantes.

Le sénateur Bacon: Quels avantages et inconvénients voyez-vous si la Garde côtière canadienne recevait la responsabilité des aides à la navigation, des services de circulation des navires et des services d'inspection des navires?

M. Cooper: Ces responsabilités sont actuellement scindées. Transports Canada est responsable de l'inspection des navires et la Garde côtière s'occupe des systèmes de navigation.

Le sénateur Bacon: Avez-vous jamais affaire à la Garde côtière canadienne?

M. Cooper: Oui, très directement. Je siège au Conseil consultatif maritime. Ce sont deux entités différentes. L'inspection des navires est assurée par Transports Canada et les autres services relèvent de la Garde côtière ou des Pêches.

Le sénateur Bacon: Quels services relèvent de la Garde côtière?

M. Cooper: Les aides à la navigation et les services de circulation appartiennent à la Garde côtière et l'inspection des navires relève de Transports Canada.

Le sénateur Bacon: J'ai une question que nous posons à chaque groupe qui comparait devant le comité. Est-ce que votre organisation a une politique de sensibilisation à l'abus de drogue et d'alcool? Cela est-il un problème important dans votre profession?

M. Cooper: Je ne pense pas que nous ayons un problème majeur. Nous avons des programmes d'aide aux employés. La situation est certainement différente d'il y a quelques années. Il y aura toujours certains cas individuels, mais ce n'est pas un problème majeur.

M. Woodward: Dans le cadre de nos travaux au CCMC, nous nous sommes rendus plusieurs fois à Ottawa en 1995 pour tenter de rédiger un règlement pour contrôler l'usage et l'abus de substances. Cette tentative a échoué car on ne s'entendait même pas sur l'ampleur du problème. Comme le capitaine Cooper l'a dit, ce n'est pas un gros problème pour nous dans le secteur maritime. Nous l'avons abordé de front. Nous avons un comité et des systèmes en place pour aider tant notre personnel navigant que non navigant.

Le sénateur Perrault: Monsieur le président, ma question intéresse le conflit de compétence. À la page 10 de votre mémoire, vous dites avoir traité continuellement avec le gouvernement fédéral au sujet des affaires maritimes. Vous vous dites des plus perturbés par la tentative d'ingérence récente du gouvernement de Colombie-Britannique dans des questions qui relèvent de la compétence fédérale, telles les interventions en cas de déversements en mer, le doublage des coques de navire, les remorqueurs d'escorte, les émissions atmosphériques des navires et les systèmes de contrôle des émanations des barges. Vous dites que ce que vous appelez la «duplication malavisée des compétences» sera coûteuse, inappropriée, inutile pour toutes les parties concernées et doit être enrayée.

Ce sont là de fortes paroles. Pourriez-vous nous donner une estimation des frais supplémentaires qui ont été injustement imposés à votre industrie, selon vous, par suite de ce que vous estimez être une duplication. Vous dites qu'il faut donner un coup d'arrêt. Voudriez-vous que le gouvernement fédéral ait une confrontation avec le gouvernement provincial pour mettre fin au dédoublement? Nous avons besoin de votre conseil.

M. Woodward: Ces dernières années, le gouvernement fédéral, Transports Canada et la Garde côtière ont été continuellement harcelés, à mon sens, par le gouvernement provincial. Je dirais que la plupart des coûts imposés à notre industrie tiennent à l'effort qu'il nous faut déployer pour mettre fin à cette situation.

Le sénateur Perrault: À quel type de harcèlement se livre le gouvernement provincial?

M. Woodward: Il existe une organisation du nom de B.C.\U.S. States Oil Spill Task Force. Elle se montre très active depuis l'accident de l'Exxon Valdez, lançant des recommandations sur des sujets tels que l'intervention en cas de déversement, les plans de prévention, le doublement des coques, les remorqueurs d'escorte, les exemples que j'ai donnés dans mon mémoire. Ces recommandations du B.C.\U.S States Oil Spill Task Force sont transmises au Conseil canadien des ministres de l'Environnement.

Nous avons donc en face de nous non pas deux, mais trois groupes différents qui traitent de domaines pour lesquels ils ne sont pas qualifiés, à notre avis. Ce que nous demandons ici, c'est le retour à un peu de raison afin qu'un seul groupe, Transports Canada espérons-nous, se penche sur ces problèmes, au lieu d'en avoir deux ou trois et que de nouvelles contraintes nous viennent de toutes sortes de paliers différents. Pour ce qui est du coût pour notre industrie, il est manifestement élevé, mais pas tant sur le plan pécuniaire, surtout sur le plan du temps et de l'énergie qu'il nous faut déployer en ce moment pour parer les coups.

Le sénateur Perrault: Nos gouvernements locaux sont préoccupés par l'impact sur l'environnement des substances délétères et des émanations et émissions atmosphériques. Le centre-ville de Vancouver occupe une petite superficie. C'est une péninsule étroite, en un sens. De nombreuses municipalités s'inquiètent de l'éventualité d'une catastrophe et réclament des mesures plus strictes pour protéger l'environnement. Il y a quelques années, nous avons eu l'explosion d'un navire ici, et nous avons évidemment tous entendu parler de l'énorme explosion dans le port de Halifax. Avec la congestion croissante du port et la croissance de la population, on craint pour la sécurité.

Pensez-vous qu'il y ait suffisamment de garde-fous pour les ports de l'agglomération de Vancouver et que des précautions adéquates sont prises lors du transport de substances toxiques et de matières de cette sorte? Pensez-vous qu'il y a des progrès à faire?

M. Cooper: Je peux parler de l'expérience de ma société mère avec le remorquage d'une barge de transport de produits chimiques jusqu'au-delà du Second Narrows. Les mesures de précaution mises en place par la compagnie elle-même étaient sans doute exigées dans une certaine mesure par la réglementation gouvernementale, mais la société elle-même tient à ce que la personne la plus responsable de toutes s'occupe de ce remorquage parce qu'elle ne veut pas avoir de problème.

Le sénateur Perrault: Pensez-vous que la norme est adéquate?

M. Cooper: Oui.

Comme M. Woodward l'a indiqué, nous avons déjà 114 règlements à appliquer et si le gouvernement provincial s'en mêle, nous serons confrontés à deux régimes. Il nous suffit déjà du gouvernement fédéral. Celui-ci semble nous imposer des mesures de plus en plus rigides. Nous n'avons plus aucune marge de manoeuvre.

M. Woodward: C'est un problème intéressant, sénateur Perrault. Les études montrent que de 90 à 95 p. 100 des accidents sont causés par une erreur humaine. Quelles que soient les précautions que l'on prenne, il y a toujours la crainte qu'elles ne suffisent pas.

Dans notre industrie, les navires sont contrôlés depuis le jour où leur quille est posée, jusqu'à la formation de l'équipage, en passant par la construction, l'exploitation, l'accréditation et les normes d'équipage, les normes d'équipement. S'agissant du transport de pétrole et de produits chimiques, nous sommes assujettis à des régimes très stricts. Il y a sur la côte ouest un régime de contre-mesures en cas de déversements de pétrole. On envisage actuellement un système similaire pour le transport des produits chimiques.

Le sénateur Perrault: Refusez-vous de transporter certains produits chimiques? Parmi vos membres, y en a-t-il qui ont une liste de produits chimiques qu'ils refusent de transporter en zone urbaine?

M. Woodward: Je ne crois pas.

Le sénateur Perrault: Par exemple, j'imagine qu'on ne remorquerait pas à travers Vancouver une barge chargée de déchets toxiques.

M. Woodward: Non. B.C. Ferries, dont le représentant comparaîtra sous peu, organise des convoyages spéciaux de matières dangereuses, mais c'est un peu différent.

Le sénateur Perrault: Certains des traversiers effectuent des voyages réservés au transport des explosifs?

M. Woodward: Je crois.

Le sénateur Perrault: Mais vous n'avez pas de liste de produits interdits à proprement parler? Vous vous fiez à votre discernement?

M. Woodward: Notre activité est organisée de telle façon que chaque capitaine est obligé de savoir ce qu'il transporte.

Le sénateur St. Germain: J'ai écouté très attentivement votre exposé. La lourdeur de la réglementation est votre grande source de frustration et la duplication ne ferait qu'exacerber la situation.

Considérez-vous votre industrie comme extrêmement sûre à l'heure actuelle?

M. Woodward: Notre taux de voyages sans incident n'est peut-être pas de 98 ou 99 p. 100 comme celui des pilotes. Cependant, il est excellent. Nous avons connu une série d'accidents regrettables à la fin des années 60, qui ont entraîné des pertes de vies humaines. Il est possible que nombre des règlements dont j'ai parlé aient résulté de ces tragédies. Heureusement pour nous, nos résultats depuis 1969 ou 1970 sont excellents.

Le sénateur St. Germain: L'industrie est peut-être l'auteur de sa propre infortune, sur le plan de la réglementation, si elle a connu une telle série noire.

Nous nous souvenons tous de l'accident de l'Exxon Valdez. Même ceux d'entre nous qui ont travaillé en entreprise la plus grande partie de leur vie ont réagi avec horreur. J'étais tellement indigné que j'ai cessé de fréquenter les stations-services Esso pendant un certain temps. Je me suis surpris moi-même, ce faisant, car je n'aurais pas pensé que je réagirais ainsi.

Vous parlez d'un excès de réglementation, et je vous crois. Le pendule est peut-être allé trop loin dans l'autre sens. La raison en est peut-être la crainte d'accidents aussi lourds de conséquences, particulièrement dans le cas de pétroliers. Le gouvernement peut être réticent à assouplir ces règles car, s'il devait y avoir un accident, nous savons tous à qui va aller le blâme. C'est généralement au gouvernement que l'on s'en prend en premier.

Je me demande dans quelle mesure votre faible chiffre d'accidents depuis le début des années 70 ne peut être attribué en partie à la réglementation contraignante qui vous a été imposée. Cependant, je sais aussi que la logique doit prévaloir. Je ne sais pas dans quelle mesure nous pourrons faire une recommandation qui vous sera utile, mais vous pourriez nous aider en nous faisant quelques suggestions pour l'avenir.

M. Woodward: Je ne voudrais pas revoir une situation comme celle de la fin des années 60, où nous avons eu quelques accidents, mais je peux vous assurer qu'ils étaient très clairement le résultat d'erreurs humaines. Ils étaient regrettables et nous en avons tous été très attristés.

Le cas de l'Exxon Valdez que vous citez nous préoccupe car il est manifeste que la réaction d'horreur que vous avez eue vous-même était courante à Ottawa. Chaque fois qu'il est question de sécurité du transport pétrolier, on nous parle de l'Exxon Valdez.

De nouvelles normes ont été appliquées aux barges pétrolières. Elles nous ont obligés à faire des travaux sur toutes nos barges. Ces normes étaient clairement motivées par l'accident de l'Exxon Valdez.

Aucune de nos barges -- pas la moindre -- même si elle était chargée à pleine capacité, n'avoisinerait la capacité d'un pétrolier comme l'Exxon Valdez. Toutes nos barges sont compartimentées de telle façon que la plus grosse cuve ne contient pas plus que le réservoir de carburant d'un cargo. Nous ne représentons pas un danger particulier en cas de déversement, mais nous avons eu à souffrir des réactions viscérales provoquées par l'accident de l'Exxon Valdez, et c'est dommage.

L'industrie canadienne est très loin de transporter autant de pétrole sur la côte ouest et dans l'Arctique que ne le font les Américains. Nous sommes assujettis à toutes les contraintes sur le plan des contre-mesures en cas de déversements et des mesures de prévention sur cette côte, mais le véritable danger, ce sont les pétroliers américains transportant le pétrole depuis l'Arctique, et non pas les navires canadiens. Malheureusement, c'est nous que l'on a réglementés à cause de cela.

Le sénateur St. Germain: Vous avez parlé de la nécessité d'égaliser le terrain de jeu avec les Américains. Est-ce que les Américains sont moins réglementés que vous? Ils ont la Jones Act et d'autres règlements. Sont-ils plus compétitifs grâce à une réglementation plus légère? Quel est leur taux d'accidents, exception faite de l'Exxon Valdez? Est-il aussi bon que le vôtre et la réglementation joue-t-elle un rôle à cet égard?

M. Cooper: Le gouvernement a mené une étude comparative des deux réglementations, l'américaine et la canadienne. Nous n'en connaissons pas encore les résultats. Cependant, nous disons dans notre mémoire que les navires américains de moins de 300 tonnes sont loin d'être assujettis à autant de règlements que n'importe quel remorqueur de plus de 15 tonnes au Canada.

Le sénateur St. Germain: L'un de mes anciens mandants m'a dit que l'on voulait imposer la présence de capitaines à bord de petits remorqueurs. Avez-vous souvenir de quelque chose de ce genre?

M. Cooper: Qui voulait faire cela?

Le sénateur St. Germain: Je ne sais pas si c'était le ministère des Transports ou quelqu'un d'autre. On m'a dit que l'industrie voulait que les commandants de petits remorqueurs soient plus qualifiés.

M. Cooper: Cela ne vient pas de nous. Nous avons combattu le ministère à ce sujet, et sur la réaccréditation. Nous attendons la publication dans la Gazette du Canada du Règlement sur la réaccréditation et sur d'autres aspects.

Il ne fait aucun doute que les Américains sont moins réglementés que nous. Il y a eu quelques naufrages dans les années 60, après l'apparition de ce que l'on a appelé les remorqueurs «surgonflés». C'était dû à la concurrence. Une fois que quelqu'un en construisait un, son concurrent devait en faire autant pour faire face. Cela n'exigeait pas de règlement. Certains de nos vieux règlements ne sont tout simplement plus pertinents car les remorqueurs ont tellement évolué. Avec les cargaisons dangereuses telles que les produits chimiques et le pétrole, vous ne pouvez vous permettre d'avoir un remorqueur en mauvais état. Les exploitants avisés le savent.

Les Américains ont une limite de 300 tonnes. Ils ont des problèmes, mais la réglementation est beaucoup moins lourde qu'au Canada. L'American Waterways Organization envisage d'imposer des normes minimales à ses remorqueurs, telles que l'existence de cartes et de compas à bord. C'était la cause des accidents sur le Mississipi. L'American Waterways Organization veut faire cela par elle-même plutôt que d'y être contrainte par un règlement. Évidemment, chaque fois qu'il y a un accident aux États-Unis, toutes sortes de pressions s'exercent en faveur d'une réglementation plus serrée, mais dans l'ensemble le niveau de la réglementation y est très inférieur au nôtre.

Le sénateur Adams: Les Américains ne sont pas des concurrents dans les régions que vous desservez. Comme vous le dites, vous êtes soumis à une réglementation stricte et non les Américains, mais ils ne concurrencent pas les barges, surtout pas sur la côte ouest. Est-ce que la région proche de l'Alaska, la côte nord et la mer de Beaufort font partie aussi de votre territoire?

M. Woodward: La Northern Transportation Company Limited est membre du Council of Marine Carriers et elle travaille depuis peu sur la côte nord. Elle a eu très peu de possibilités d'y travailler, en partie à cause des contraintes relatives aux équipages sur les navires canadiens.

La comparaison entre les règlements américains et canadiens régissant les remorqueurs est très intéressante. Au lieu de vous en parler longuement, ce que je pourrais faire pendant des heures, je vous invite à essayer d'obtenir l'étude menée cette année par Transports Canada à Ottawa. D'après ce que j'ai entendu officieusement, les résultats de cette étude confirment ce que nous disons depuis dix ans.

Le sénateur Adams: Est-ce que vos membres desservent la région autour du Delta du Mackenzie et le long de la mer de Beaufort jusqu'en Alaska, ou bien la région est-elle desservie surtout par les Américains?

M. Woodward: Aux termes du Jones Act, nous ne pouvons exercer notre activité dans deux ports de l'Alaska. Il est arrivé, à l'occasion, qu'une société soit engagée en sous-traitance par NTCL, par exemple, pour transporter du fret en descendant le fleuve et à travers la mer de Beaufort jusqu'à la côte nord, mais ces exemptions sont très rares, tout comme les exemptions accordées aux Américains pour travailler au Canada sont peu nombreuses.

Le sénateur Lawson: Est-ce que les relations de travail dans votre secteur sont régies par le Code du travail fédéral ou bien par le code provincial?

M. Woodward: Le code fédéral.

Le sénateur Lawson: Votre industrie a-t-elle jamais opposé au gouvernement provincial le fait que le gouvernement fédéral a compétence exclusive sur votre secteur et que la province n'a donc pas le droit de s'ingérer?

M. Cooper: Au sujet de toutes les questions réglementaires dont nous discutons?

Le sénateur Lawson: Oui.

M. Cooper: Je pense que le message est passé très clairement, mais la province n'en a tenu aucun compte.

Le sénateur Lawson: Peut-être devriez-vous contester plus fort. À l'évidence, votre secteur, celui du transport maritime, est régi par le code fédéral.

M. Cooper: C'est ce que nous avons fait valoir, mais la province est passée outre.

Le sénateur Lawson: Il y a eu une tentative similaire à New York il y a longtemps de cela. Parfois, il faut savoir dire non. Le gouvernement provincial semble vouloir vous bousculer, et peut être devrez vous bousculer en retour. Vous devrez peut-être lancer une contestation judiciaire et monter jusqu'en Cour suprême. Mais il ne fait réellement aucun doute que votre secteur relève du code fédéral et de la compétence fédérale. Une longue jurisprudence le confirme.

M. Woodward: Tout ce que nous pouvons dire, sénateur Lawson, c'est que nous avons affaire à des ministres individuels et, parfois, certains ministres peuvent vous compliquer la vie.

Le sénateur Lawson: Oui.

Le président: Messieurs, il y a une leçon à tirer de l'épisode Irving Whale qui confirme bon nombre des choses que vous avez dites cet après-midi.

Le sénateur Lawson: Pour ce qui est de l'Irving Whale, je pense que le monde entier, et surtout les Canadiens, doit reconnaître l'exploit extraordinaire que représente le fait de l'avoir récupéré au fond de l'océan et de l'avoir ramené à Halifax. C'est un exploit monumental.

Le président: Ce qui est encore plus monumental, c'est qu'il ait pu rester au fond de l'océan pendant 29 ans sans rompre.

Le sénateur Lawson: Le fait qu'il ne se soit pas rompu pendant le renflouement est un autre grand exploit.

Le président: Je sais que si M. Irving était ici, il trouverait moyen de souligner la merveilleuse réputation des Irvings pour la qualité des barges et navires qu'ils construisaient. Ils ont construit une barge increvable et ils se souciaient comme d'une guigne de la réglementation fédérale.

M. Woodward: La plupart de leurs navires étaient conçus en Colombie-Britannique.

Le président: Je voulais vous donner une dernière occasion de tremper votre aviron. Je savais que vous verriez ce que je voulais vous faire dire.

Merci beaucoup. Cela a été un plaisir que de vous revoir, messieurs.

Nous accueillons notre prochain témoin, M. William H. Martin. Nous vous invitons à faire votre exposé et nous vous poserons ensuite des questions.

M. William H. Martin, vice-président, Sécurité et normes, British Columbia Ferry Corporation: Honorables sénateurs, nous vous sommes reconnaissants de l'occasion qui nous est ici donnée de comparaître devant le comité, car la sécurité des transports est bien évidemment un sujet qui nous intéresse de très près.

Notre président-directeur général, M. Frank Rhodes, m'a demandé de m'excuser auprès de vous en son nom. La Ferry Corporation, ainsi que l'ensemble du gouvernement provincial et de ses organes, sont aux prises avec des compressions budgétaires et d'effectifs d'envergure, et il est important qu'il reste, pour l'heure, tout près de l'administration centrale.

La British Columbia Ferry Corporation est la plus grosse compagnie de traversiers en Amérique du Nord. Nous avons 40 navires qui assurent 29 trajets différents, et nous transportons chaque année plus de 21 millions de passagers. Nous avons des immobilisations d'une valeur de plus de 630 millions de dollars et notre budget d'exploitation annuel dépasse les 300 millions de dollars.

Pour l'exercice financier 1995-1996, nos revenus totaux se sont chiffrés à 313,5 millions de dollars. De ce total, 9,4 millions de dollars ont été versés par des touristes de l'extérieur du continent, notamment d'Asie, mais également d'Europe, et 18,8 millions de dollars par des touristes américains. Quelque 28 millions de dollars ont donc été versés à l'économie de la Colombie-Britannique et du Canada, argent qui ne serait sans doute pas venu si ce n'avait été la B.C. Ferries.

En tant qu'exploitants dans le secteur maritime, nos observations se limiteront aux questions relatives à la sécurité qui concernent ce mode. J'ai entendu la toute fin de la présentation de mon collègue, Peter Woodward. Je vais peut-être répéter certains des propos qu'il a tenus, mais cela est utile pour faire ressortir que l'industrie dans son ensemble est dans une très large mesure du même avis.

Même si nous allons traiter du transport par eau, les règlements touchant les autres secteurs, comme par exemple l'augmentation des limites de charge admissible pour le camionnage, vont avoir une incidence sur nos activités. Certaines des rampes de notre société sont très anciennes et n'ont pas été conçues en fonction de ces charges plus lourdes, et cela a amené une demande, de la part du secteur du camionnage, de travaux d'amélioration fort coûteux. Certains de nos plus petits terminaux sont en train d'être améliorés alors même que nous parlons.

La B.C. Ferry Corporation, en tant que propriétaire et exploitant de navires, est assujettie aux règlements de Transports Canada. Cependant, en tant que société d'État provinciale, nous sommes assujettis aux dispositions du Code du travail de la Colombie-Britannique, qui est administré par la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique, et non pas au Code canadien du travail, contrairement à la plupart des autres compagnies de transport maritime.

En ce qui concerne le contact avec les organismes fédéraux, ce qui a le plus d'incidence sur nos activités ce sont celles des vérificateurs de la Direction de la sécurité des navires de Transports Canada, et de la Garde côtière, qui est responsable de la fourniture des aides à la navigation, des systèmes de contrôle de la circulation maritime, des activités de recherche et de sauvetage, et du contrôle de la dépollution.

Jusqu'ici, la B.C. Ferry Corporation a toujours été subventionnée par le gouvernement provincial. Cependant, la subvention, qui a atteint son sommet, à 58 millions de dollars, en 1988, est passée à 4 millions de dollars cette année et disparaîtra complètement pour le prochain exercice financier. En même temps, nous nous voyons obligés de remplacer des avoirs vieillissants et de financer toutes nos immobilisations à même nos revenus. Jusqu'à il y a deux ans, tous nos avoirs étaient fournis gratuitement par le contribuable, y compris, par exemple, nos deux traversiers de classe «Spirit». Si je dis cela, c'est pour montrer que la B.C. Ferry Corporation tend de plus en plus à devenir une société commerciale, en dépit de l'exigence voulant qu'elle reflète les politiques sociales du gouvernement provincial dans le cadre de ses activités. Nous assurons en effet de nombreux trajets qui ne sont pas rentables, mais qui sont jugés souhaitables, en tant que service social rendu aux résidants de la Colombie-Britannique. Cela étant, toute exigence imposée à la société par le biais d'un alourdissement du fardeau de réglementation sera examinée de très près. Nous nous engageons néanmoins à faire de la sécurité notre toute première priorité, et nous comptons pleinement honorer cet engagement.

Comme c'est le cas avec le Council of Marine Carriers, notre contact officiel avec la bureaucratie fédérale se fait principalement par le biais du Conseil consultatif maritime canadien, ou CCMC. Je suis également membre de la délégation canadienne auprès de l'Organisation maritime internationale. Cette délégation est dirigée par la Direction de la sécurité des navires. Nous participons au Conseil consultatif du transport maritime, mais nous estimons que l'appartenance à ce conseil est beaucoup trop limitée et que sa composition ne représente pas de façon satisfaisante tous les intérêts au sein de l'industrie. J'ajouterais néanmoins que les ministres Mifflin et Anderson se sont dans l'ensemble rendus disponibles pour discuter avec l'industrie. Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons pu rencontrer ces deux ministres presque chaque fois que nous l'avons voulu, ce que nous trouvons très réconfortant.

Passant maintenant aux questions dont voulait discuter le comité, je peux dire qu'il n'y a pas eu beaucoup de déréglementation au sein du secteur maritime. En fait, c'est sans doute tout le contraire. Comme l'a dit M. Woodward, il y a eu une tentative de réforme de la réglementation. Cependant, cela n'aura abouti qu'à la consolidation d'un grand nombre de règlements en un nombre plus petit. Le fardeau réglementaire continue de s'alourdir, avec les augmentations de coûts correspondantes pour l'industrie.

Un exemple serait les exigences beaucoup trop onéreuses imposées par la nouvelle réglementation en matière de besoins en membres d'équipage et d'accréditation. Ces règles avaient en fait été conçues pour des navires qui passent de longues périodes de temps en pleine mer, très loin de toute aide immédiate, et ne tiennent pas du tout compte des conditions tout à fait uniques dans lesquelles fonctionnent la flotte de traversiers et, dans une certaine mesure, la flotte de remorqueurs-pousseurs.

Pour illustrer à quel point les règlements sont peu pratiques, je vous dirais que l'actuelle règle dit que tous les ingénieurs navals doivent suivre une formation avec un simulateur de moteur diesel d'ici le mois de février prochain. Il y a en Colombie-Britannique un seul simulateur, au Pacific Maritime Training Campus de BCIT, qui encadre environ 50 candidats par an. La B.C. Ferry Corporation compte 350 ingénieurs navals, et il y en a plus de 1 000 pour la côte tout entière, alors il faudrait près de 20 ans pour s'occuper de tout le personnel existant, sans parler des nouvelles recrues. Il est tout à fait peu pratique et frustrant que la Direction de la sécurité des navires ne se rende pas compte de cela.

Le président: Cela ressemble-t-il aux installations de l'Université Memorial?

M. Martin: L'université Memorial a un simulateur de pont et un simulateur de moteur diesel. Il s'agit en fait d'un simulateur de tableau de commande d'une salle des machines, qui permet de simuler des pannes catastrophiques, dans le but d'observer les réactions des gens.

Nous ne nous opposons aucunement à la formation avec utilisation de simulateurs. Ce qui nous préoccupe c'est la réalisation pratique de la formation, faute des simulateurs et des ressources nécessaires le long de la côte.

La Direction de la sécurité des navires a, surtout au cours des dernières années, amélioré de beaucoup son dossier en matière de consultation de l'industrie avant l'imposition de règles découlant de l'application de la réglementation émanant de l'Organisation maritime internationale. Il y avait eu une tendance voulant que l'on impose systématiquement toute la réglementation de l'OMI à la flotte nationale, en dépit du fait que cette réglementation vise les navires hauturiers, dont le Canada n'a que très peu. Cette approche est en train d'être changée, et l'industrie, tout particulièrement celle des traversiers pour le compte de laquelle je vous parle aujourd'hui, a établi une excellente relation, fondée sur la consultation, avec les responsables de la réglementation.

Des règlements ne devraient être imposés que lorsqu'il en existe un besoin manifeste. Le Conseil du Trésor du Canada a une politique de réglementation -- dont une copie a été jointe à notre mémoire, en vue de vous faciliter le travail -- qui dicte très précisément comment le processus de réglementation doit se faire. Nous recommandons que ces lignes directrices soient examinées par Transports Canada et appliquées de la façon la plus stricte possible avant l'adoption de nouveaux règlements.

J'ai passé 20 ans au gouvernement fédéral avec la Garde côtière et j'ai trouvé très difficile d'ignorer le Conseil du Trésor. J'ignore comment la Direction de la sécurité des navires a pu y parvenir. Elle a, à cet égard, toute mon admiration.

J'aimerais maintenant dire quelques mots au sujet de l'effet des compressions gouvernementales sur la sécurité. Les coupures budgétaires ont principalement frappé la Direction de la sécurité des navires et les services de la Garde côtière.

De façon générale, la B.C. Ferry Corporation est favorable à l'examen de ses opérations par un tiers. Parce que nous nous occupons de transporter des passagers, nous avons le sentiment d'avoir un bien plus grand devoir de diligence envers nos clients. Nous pouvons à tout moment transporter à bord de nos gros navires plus de 2 000 personnes de toutes sortes de nationalités différentes. La sécurité est toujours au premier plan dans notre esprit. Nous aimerions que ce tiers qui contrôle nos opérations soit un organisme gouvernemental. Reste la question de savoir comment ce contrôle doit être effectué. À l'heure actuelle, ce travail revient à la Direction de la sécurité des navires de Transports Canada.

Bien que cette direction se soit bien débrouillée face aux compressions imposées par le gouvernement et que nous n'ayons encore constaté aucun effet dommageable de celles-ci en son sein, nous croyons qu'il y a lieu de s'inquiéter pour l'avenir. Si nous allons être surveillés par un organisme gouvernemental, alors nous tenons à ce que celui-ci compte des professionnels compétents et talentueux. Au fur et à mesure que certains de ces professionnels compétents qui travaillent à la Direction de la sécurité des navires vont prendre leur retraite, le gel des salaires imposé à l'ensemble de la fonction publique sera tel qu'il sera difficile de recruter des remplaçants compétents. Cela nous préoccupe, car si nous devons être surveillés, nous tenons à ce que cette surveillance soit assurée par des pairs.

L'industrie est en train de mûrir, et nous vous soumettons que la Direction de la sécurité des navires doit consulter l'industrie sur la façon d'exécuter son travail de surveillance à l'avenir. Il y a toujours trop de duplication d'effort. Permettez-moi d'utiliser, en guise d'exemple, une chose qu'a évoquée M. Woodward tout à l'heure. Dans de nombreux cas, des sociétés de classification font des vérifications de la conception et des calculs pour la construction de nouveaux navires. Souvent, la Direction de la sécurité des navires refait le même travail, ce qui est un gaspillage de temps et d'argent.

Avec l'introduction du Code international de gestion de la sécurité, qui est l'équivalent maritime des normes ISO, nous sommes dans une large mesure capables d'effectuer des auto-inspections. Lorsqu'un exploitant responsable comme la B.C. Ferry Corporation adopte le code, et qu'un tiers donne sa certification, alors nous estimons que la société devrait se voir autorisée à faire davantage d'auto-inspections, des vérifications ponctuelles étant effectuées par l'organisme de réglementation. Cela libérerait les rares ressources dont dispose la Direction de la sécurité des navires pour que celles-ci puissent être concentrées là où des problèmes existent.

Les coupures imposées à la Garde côtière n'ont pas eu une très grande incidence sur notre société. Cela est principalement dû au fait que nos navires sont bien construits, comptent des équipages compétents et assurent des liaisons bien établies. Nos équipages connaissent très bien les trajets, et les réductions du côté des aides à la navigation n'ont de ce fait pas une très forte incidence sur nous.

Il y a eu une multiplication des occasions où nos traversiers ont été sollicités de venir en aide à d'autres navires en détresse. Nous n'avons pas établi clairement si cela résulte directement de compressions au niveau des services de recherche et de sauvetage, bien que nous devinions que ce soit là l'explication, mais nous allons surveiller cela de très près à l'avenir.

Le président: Vous n'entendez tout de même pas par là que vous vous y opposez, n'est-ce pas?

M. Martin: Pas du tout, monsieur, mais si nous allons être un élément reconnu du système de recherche et de sauvetage, alors il nous faudra peut-être assurer une meilleure formation. Les situations de détresse surviennent en règle générale par mauvais temps, et si une personne doit être expédiée en vedette de sauvetage, alors elle devrait avoir la formation requise pour faire ce genre de travail. Ce n'est pas une préoccupation, c'est une simple observation.

En résumé, nous pensons que la politique de réglementation du Conseil du Trésor devrait servir de base pour justifier toute réglementation future du secteur maritime et que, si possible, les règlements en vigueur devraient être examinés par rapport aux critères esquissés dans la politique et être maintenus ou abolis en conséquence.

Étant donné l'évolution de la gestion de la sécurité, et je songe notamment au Code international de gestion de la sécurité, les relations entre la Direction de la sécurité des navires et le secteur du transport maritime devraient être examinées en vue de déterminer dans quelle mesure l'auto-inspection est possible et pratique, et le rôle de la Direction de la sécurité des navires devrait être défini et les changements qui s'imposent apportés à la classification ou autre, pour veiller à ce qu'une rémunération suffisante soit versée aux évaluateurs de la Direction de la sécurité des navires, ce, afin d'attirer des éléments qui aient les compétences et les connaissances requises.

En ce qui concerne le contrôle de la sécurité, cet aspect-là a déjà été assez bien décrit. Ce travail revient à la Direction de la sécurité des navires. Nous n'avons rien à ajouter à ce propos.

Le sujet auquel j'aimerais maintenant passer est celui des vérifications ponctuelles effectuées par l'industrie. À ce jour, l'industrie maritime a été très fortement réglementée et les inspections ont systématiquement été faites par des fonctionnaires fédéraux. Nous avons notre propre programme interne de contrôle et de vérification de la sécurité, mais nous n'avons pas tenté de l'utiliser en guise de remplacement des inspections effectuées par la Direction de la sécurité des navires. Nous croyons cependant qu'il conviendrait de discuter sérieusement de l'utilisation d'un régime de la Direction de la sécurité des navires. Nous pensons être aujourd'hui en mesure d'envisager cela.

J'aurai quelques commentaires à faire au sujet de l'efficacité de l'exécution des règles en matière de sécurité. À l'heure actuelle, l'exécution de ces règles s'appuie sur une démarche de type «cliché». Le navire était sûr au moment de son inspection, et il incombe à la compagnie de maintenir son niveau de sécurité. Le maintien de la sécurité relève donc de l'initiative de l'exploitant. Avec la décision d'adopter le Code international de gestion de la sécurité, il y aurait peut-être lieu d'avoir un programme permanent d'auto-inspection, renforcé par des vérifications ponctuelles effectuées par l'organisme de réglementation.

En ce qui concerne le transport de produits dangereux, les règlements ne posent pas trop de problèmes à la B.C. Ferry Corporation. Nous assurons régulièrement des transports de marchandises dangereuses par navire, mais aucun passager n'est alors accueilli à bord.

Un irritant mineur est le fait que les exigences régissant le transport routier de produits dangereux et celles visant le transport par eau soient légèrement différentes. Il y a une différence du côté de la pose de plaques, mais nous pensons que cela pourrait être résolu et rationalisé sans trop d'efforts. Il ne s'agit pas d'un gros problème.

Cela résume les questions que la B.C. Ferry Corporation avait voulu soulever auprès de vous. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez me poser.

Le sénateur Lawson: Je songe à vos déclarations liminaires et à l'époque de la création de la B.C. Ferry Corporation par le premier ministre de la province, M. Bennett, et à son premier arrêt de travail. Si je me souviens bien, c'est le sénateur Perrault qui était à l'époque le chef du Parti libéral provincial. J'avais été convoqué à Victoria par M. Bennett pour discuter de la situation. Je lui avais dit: «Si j'ai bien compris, vous voulez parler de cette grève chez vous». Il a répondu: «Non, nous n'avons pas de grève. Ils n'ont pas le droit de faire la grève». Je lui ai alors dit: «Permettez-moi de reformuler cela. Si j'ai bien compris, vous voulez parler de la mutinerie chez vous». Il a répondu: «Oui, je veux bien accepter cette formulation. Nous discuterons de la mutinerie. Que proposeriez-vous que nous fassions?» J'ai répondu: «Vous ne pouvez pas leur faire subir le supplice de la planche, comme autrefois; ils sont beaucoup trop nombreux.»

Je repense à cette époque, puis je vous entends parler de 40 navires, de 29 trajets différents et de 21 millions de passagers. Comme diraient les jeunes, «vous avez fait bien du chemin, les gars». Des progrès formidables.

M. Martin: Nous sommes à l'heure actuelle en pleine négociation collective, alors nous aurons peut-être une mutinerie juste avant Noël.

Le sénateur Lawson: Ce serait une grève officielle?

M. Martin: C'est exact.

Le sénateur Lawson: Ils ont maintenant des droits de négociation. Ils n'en avaient pas à l'époque.

Le sénateur Perrault: Y aura-t-il une augmentation des tarifs pour que vous atteigniez vos objectifs l'an prochain?

M. Martin: Nous sommes pris dans un dilemme. Les instructions données par le gouvernement provincial sont que nous ne devons pas réduire nos services, que nous ne devons mettre personne à pied, que nous ne sommes pas autorisés à augmenter nos tarifs, que notre subvention est en train de disparaître et que nous devons continuer de construire de nouveaux navires et de nouvelles installations. Le résultat net ne colle pas. Je ne vois pas de solution autre qu'une augmentation des tarifs dans la nouvelle année, mais c'est là mon opinion personnelle. Cela ne correspond pas à la politique officielle de la B.C. Ferry Corporation.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné les compressions du côté de la Garde côtière et vos inquiétudes en ce qui concerne les accidents. Si un traversier avait besoin d'aide, combien de temps faudrait-il pour que quelqu'un arrive sur les lieux?

M. Martin: Dans le sud de la Colombie-Britannique, ce n'est pas un problème, car lorsque vous êtes à bord d'un traversier de la B.C. Ferry Corporation, vous pouvez regarder autour de vous et en règle générale vous apercevrez trois autres traversiers de la compagnie. Aucun d'eux ne se trouve à plus de 30 minutes environ du terminal le plus proche. Tant que leur moteur fonctionne, ils peuvent se rendre au terminal. Dans le cas contraire, pour ce qui est de la région du Sud à tout le moins, il y a toujours beaucoup d'autres navires autour.

Là où il faut s'inquiéter, c'est dans le cas des navires qui sillonnent la région du Nord, entre Port Hardy et Prince Rupert. Il s'agit d'un trajet de 250 milles environ, qui demande une quinzaine d'heures, et qui passe par des endroits souvent très isolés. Là encore, l'embarcation est toujours assez près de la terre, alors une solution serait de faire échouer le bateau. Ceux-ci sont munis d'extincteurs de feu, de matériel de sauvetage, par exemple radeaux de sauvetage et navettes, et tous les membres de l'équipage sont certifiés par la Direction de la sécurité des navires, alors nous sommes confiants de pouvoir réagir de façon compétente dans le cas de tout incident d'urgence que l'on pourrait qualifier de «normal».

Le sénateur Adams: Des arrangements locaux ont-ils été pris en cas d'incident survenant à proximité des différents établissements et localités?

M. Martin: Nous ferions appel aux ressources locales, qu'il s'agisse de bateaux de pêcheur ou autres. L'important serait d'évacuer tous les blessés pour que ceux-ci obtiennent les soins médicaux requis, si ceux-là sont disponibles.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé de produits dangereux. Je ne sais trop dans quelle mesure ces gros camions de transport utilisent les traversiers. Vous avez dit que lorsqu'un traversier transporte des marchandises dangereuses, il n'y a pas de passagers à bord. Y a-t-il d'autres cargaisons qui empruntent les traversiers?

M. Martin: Les produits commerciaux dangereux sont identifiés en tant que tels par le camionneur lorsqu'il s'arrête au kiosque. Comme je l'ai déjà dit, nous faisons des trajets pour le transport exclusif de produits dangereux tels les explosifs, le matériel de soudage oxyacétylénique ou d'importants volumes de propane ou d'essence.

D'autres produits dits dangereux ne seront pas dangereux en soi, mais le seraient s'ils étaient mélangés à certains autres produits. Par exemple, un chargement de soufre en vrac ne pose pas de problème en soi, mais devient dangereux s'il est mouillé.

Les chargements dangereux sont identifiés en tant que tels au kiosque et des arrangements spéciaux sont alors pris sur le pont-garage. Nous nous soumettons entièrement aux règlements de Transports Canada relativement au transport des produits dangereux. En fait, nous allons plus loin encore que ne l'exigent les règlements, avec toutes les précautions que nous prenons.

Le président: Il y a une solution. Nous pourrions vous donner un raccordement permanent. Il y a une équipe qui travaille à l'heure actuelle dans l'est du pays. Choisissez l'endroit, et nous nous occuperons de la construction.

M. Martin: Le raccordement permanent a suscité beaucoup d'intérêt dans l'île de Vancouver, mais la réaction générale des îliens était de dire: «Cela ne nous intéresse pas du tout. Nous n'aimons pas particulièrement les B.C. ferries, leurs tarifs sont trop élevés et la nourriture qu'ils servent à bord est médiocre, mais nous préférons encore cela à un raccordement permanent».

Le président: Le tronçon le moins dangereux de la Transcanadienne, pour ce qui est des camions, doit être celui correspondant à la traversée. Nous pourrions peut-être construire un canal d'Halifax à Vancouver et amener les gros semi-remorques là-bas par barge, et vous vous chargeriez alors du reste du chemin.

M. Martin: Cela nous ferait plaisir de nous en charger.

Le sénateur Lawson: Vous avez fait état du remplacement des immobilisations vieillissantes. La société a-t-elle une politique publique quant à leur remplacement? Ces nouveaux traversiers seront-ils construits en Colombie-Britannique, ailleurs au Canada, ou bien est-ce le marché mondial qui dictera la politique?

M. Martin: À l'heure actuelle, il y a une société d'État qui est subventionnée par le contribuable. Le gros de notre matériel est construit en Colombie-Britannique. Par exemple, nous construisons des traversiers-catamarans à grande vitesse. L'aluminium nous vient de la France, car ce pays est la seule source de la qualité d'aluminium dont nous avons besoin. Les moteurs sont des MTU qui nous viennent d'Allemagne. Cependant, exception faite de ces deux éléments, le reste du contenu est britannico-colombien, et cela relève d'une politique du gouvernement provincial.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Martin. Votre présentation a été succincte et très directe.

Je donne maintenant la parole à M. Brian Lowes.

M. Brian Lowes, directeur exécutif, British Columbia Safety Council: Monsieur le président, honorables sénateurs, je vais aujourd'hui puiser dans mon expérience de 20 ans en tant qu'enseignant d'auto-école breveté et agent d'évaluation de l'accréditation de conducteurs.

Le British Columbia Safety Council est une organisation sans but lucratif fondée en 1945 dans le but d'offrir, à l'échelle de la province, des programmes d'éducation et de formation en sécurité. Nous sommes l'un des plus gros organismes consacrés à l'enseignement en matière de sécurité et de santé au travail de l'Ouest du pays, et nous avons une vaste expérience en matière de sécurité de la circulation. Nous avons une auto-école accréditée qui compte plus de 35 moniteurs qui travaillent directement avec nous, et un réseau d'une centaine d'agences accréditées un peu partout dans la province, et qui offrent dans diverses localités des programmes d'amélioration de la conduite de véhicules automobiles.

Chaque année, plus de 25 000 personnes reçoivent une formation directement ou indirectement du conseil ou de l'une de nos agences accréditées.

Nos bureaux situés à Burnaby servent le grand Vancouver. Nous offrons cependant également des cours de formation professionnelle sur place, chez différents employeurs, et, l'an dernier, nous nous sommes rendus dans 85 localités un peu partout dans la province.

Je vais principalement vous entretenir aujourd'hui de la sécurité routière, car cela demeure le plus gros défi en matière de sécurité dans la province, et, j'imagine, à l'échelle du pays, pour ce qui est du nombre de personnes qui sont chaque année blessées ou tuées.

C'est dans les années 60 que les chiffres de décès par suite d'accidents de la circulation ont atteint leur apogée au Canada, avec des totaux annuels de plus de 6 000. À l'époque, la Colombie-Britannique affichait elle aussi des records, le total frôlant les 850. Les décès ont reculé au cours des dernières années pour atteindre 3 500 à l'échelle nationale et 550 pour la seule province de la Colombie-Britannique. Ces réductions dramatiques nous amènent peut-être à penser que nous avons des raisons de célébrer, mais les taux de décès ne sont pas un indicateur très fiable de la situation d'ensemble de la circulation. Pendant toute la période au cours de laquelle les taux de décès ont diminué, les taux d'accidents, eux, ont continué d'augmenter. Les personnes blessées ou handicapées par suite d'accidents de la circulation à l'échelle du pays constitueraient une véritable armée d'éclopés. Dans cette province, un de nos citoyens est blessé dans un accident de la circulation toutes les 12 minutes. Depuis que je suis arrivé dans cette salle, deux personnes ont été blessées. Toutes les 16 heures, en gros, un citoyen de la province est tué dans un accident de la circulation. Le coût annuel pour les citoyens et le gouvernement de la province s'élève à plusieurs milliards de dollars, pour ce qui est des soins d'urgence, des services de traumatologie, et des services de réadaptation. L'Insurance Corporation of British Columbia débourse plus de 2 milliards de dollars par an au titre de soins médicaux immédiats, de soins de réadaptation et de pertes de revenus pour les victimes d'accidents de la circulation. Le coût pour le secteur privé a été estimé au triple de cela, soit 6 milliards de dollars. Je vous dirai que le coût pour les personnes concernées, sur le plan potentiel de rémunération diminué pour le restant de leurs jours, dépasse sans doute ce montant.

Bien sûr, les autres possibilités et impôts perdus correspondraient à une contribution importante à la réduction du stress financier de nos coffres gouvernementaux. Si le nombre d'accidents diminuait, cela s'accompagnerait d'une baisse correspondante du côté des dépenses en soins de santé publique, en soins d'urgence et en interventions d'urgence.

Il est évident qu'une réduction de l'incidence de blessures grâce à une amélioration de la sécurité routière aurait d'énormes retombées positives, sans parler de l'effet salutaire que cela aurait sur la vie familiale. L'une des réalités cachées de la sécurité routière, comme de la sécurité au travail, est que ces personnes qui sont très gravement atteintes subissent également souvent la rupture de leur mariage, ce qui amène d'autres conséquences très graves plus tard, sous forme de stress émotionnel extrême et de graves difficultés économiques.

Nous avons tous intérêt à favoriser un rétablissement de la situation. Malheureusement, nombre de citoyens s'en sont trop remis à la technologie pour nous protéger des effets néfastes des accidents de la route. En fait, l'ignorance et de mauvaises aptitudes de conducteur sont les principales causes des blessures et des décès par suite d'accidents de la circulation au Canada. La technologie est utile surtout en matière de réduction des blessures post-accidents et, dans une certaine mesure, en tant que mécanisme de prévention d'accidents ou de blessures, mais il faudra attendre de nombreuses années encore pour que la technologie élimine la principale source des accidents de la route, soit le conducteur. Lorsqu'on enlève le conducteur de l'équation, l'on constate une réduction massive des accidents. Malheureusement, il faudra attendre plusieurs décennies encore avant d'en arriver là.

À l'heure actuelle, les aptitudes et la responsabilité des conducteurs sont des aspects où il y a un énorme potentiel de prévention d'accidents. La technologie d'aujourd'hui, quelle qu'elle soit, ne peut pas mettre les conducteurs à l'abri de leurs mauvaises décisions, de leurs aptitudes insatisfaisantes ou de leurs mauvaises attitudes.

Ceux d'entre nous qui nous occupons de la sécurité routière parlent depuis longtemps des trois piliers de la sécurité routière, soit l'ingénierie, l'exécution et l'éducation. Chacun de ces piliers est incapable, seul, de résoudre le problème, mais lorsqu'ils sont ajoutés ensembles, ils offrent un énorme potentiel d'amélioration. Cela fait plusieurs décennies que l'on met trop l'accent sur l'ingénierie aux dépens de l'exécution et de l'éducation, et la situation ne fait que s'aggraver.

Je ne dis pas que les améliorations à l'environnement routier et aux véhicules qui ont été rendues possibles par l'ingénierie n'ont pas été bénéfiques, bien au contraire. Il y a eu des progrès énormes.

Depuis les années 60, nous avons vu l'avènement des pneus radiaux, des suspensions indépendantes, de la direction à crémaillère, des ceintures de sécurité, des freins à disques, de la construction unitaire de la carrosserie, de carrosseries à grande capacité d'absorption d'énergie, de colonnes de direction télescopiques, d'habitacles conçus en vue de la protection des passagers, d'appui-tête, de systèmes d'antiblocage de freins, de systèmes quatre roues motrices, de dispositifs de protection en cas d'impact latéral et, bien sûr, d'une chose dont on entend tous les jours parler dans l'actualité, le coussin gonflable.

Le sénateur Perrault: Qui sont d'excellents instruments de décapitation.

M. Lowes: Les normes fédérales relatives à la sécurité des véhicules motorisés ont joué un rôle très important dans tous ces progrès. Quel en a été le bénéfice net? Nous avons réduit le nombre de décès qui surviennent tout de suite sur le lieu de l'accident, car la gravité des blessures a été réduite. Les systèmes d'intervention d'urgence ont connu des améliorations énormes, permettant de transporter plus rapidement les blessés aux services de traumatologie, pour que le personnel médical fasse alors des miracles et que les gens aient ensuite accès à des services de réhabilitation. C'est de là que vient notre armée d'éclopés.

La société place énormément de confiance dans la technologie. On a aujourd'hui l'impression d'être presque invulnérable lorsqu'on se promène en voiture et l'on n'est sensibilisé à la réalité qu'au fur et à mesure que la crise devient une catastrophe. Malheureusement, les gens sont convaincus que les véhicules d'aujourd'hui sont presque infaillibles, en dépit de toutes les réclamations au titre de garanties, et que ces véhicules les protégeront. Les gens pensent également que les véhicules d'aujourd'hui n'exigent pas beaucoup d'entretien. Les conducteurs ne comprennent tout simplement pas la technologie des véhicules modernes. J'imagine que ceux d'entre nous qui sont un tout petit peu plus âgés comprennent mieux la dynamique des véhicules que les gens qui apprennent à conduire de nos jours.

Les conducteurs ne comprennent pas les différences essentielles qui existent, par exemple, entre les véhicules à traction avant et les véhicules à traction arrière. Là encore, c'est quelque chose qui a vu le jour au cours des 30 dernières années. La plupart des voitures contemporaines sont des tractions avant, et elles se comportent très différemment des véhicules à traction arrière. Si vous vous trouvez dans une situation de crise avec un de ces véhicules, et si vous utilisez les techniques de conduite que l'on apprenait aux gens qui conduisaient des véhicules à traction arrière, vous aurez sans doute très vite de graves ennuis, et vous ferez peut-être très rapidement un tête-à-queue spectaculaire. Si les gens utilisent mal leurs freins dans les virages, ils peuvent facilement faire exécuter un tonneau à leur voiture.

Ces genres de choses ne devraient pas arriver. Il est facile d'apprendre aux gens la différence entre traction avant et traction arrière et de leur donner quelques bonnes techniques à utiliser.

De nombreux conducteurs dont les voitures sont munies de système d'antiblocage de freins ne savent pas comment ils fonctionnent ni comment les utiliser. Dans certains cas, cela porte même atteinte à leur sécurité. Lorsque le système d'antiblocage est enclenché, les gens retirent leur pied du frein, ne se rendant pas compte que ce qu'ils sentent, c'est le système antiblocage qui est en train de fonctionner. Cela réduit l'effort de freinage et une collision peut s'ensuivre.

Les conducteurs de véhicule à quatre roues motrices, eux, pensent souvent à tort qu'ils ont une traction infinie, quelles que soient les circonstances, et conduisent plus vite qu'ils ne le devraient avec des conditions routières aussi mauvaises. Malheureusement, nous n'avons pas pu obtenir qu'il neige pour vous ici aujourd'hui. Nous aurions pu vous faire une belle démonstration de ce qui se passe dans la région métropolitaine de Vancouver lorsqu'il y a une petite chute de neige. Ceux d'entre vous qui sont originaires du coin savent de quoi je veux parler.

Le sénateur Perrault: La paralysie du quart de pouce!

M. Lowes: Étant donné la forte teneur en eau de notre neige, nous avons presque instantanément des conditions givrantes, ce qui produit des conditions routières extrêmement difficiles. Les véhicules qui se retrouvent les premiers dans le fossé sont souvent les véhicules à quatre roues motrices ou les véhicules sport utilitaires, car les consommateurs qui choisissent ce type de véhicules n'ont souvent pas la moindre idée de la façon dont ils fonctionnent, et au lieu de tirer profit des avantages qu'offre cette technologie, ils tombent dans le piège.

Le citoyen moyen qui apprend à conduire n'est pas tenu d'apprendre quoi que ce soit au sujet de la traction ou du contrôle d'un véhicule. Cela est plutôt triste, et c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a autant d'accidents.

Nous attendons avec impatience l'amélioration de l'ingénierie des systèmes de régulation du trafic, ce qui permettra de mieux réagir aux changements dans les volumes de trafic et dans les conditions routières. À l'heure actuelle, la forte congestion dans les principaux centres urbains débouche directement, chez les conducteurs, sur l'impatience, des décisions irréfléchies et des gestes brusques, ce qui amène des taux d'accidents accrus.

L'amélioration en matière d'ingénierie pour, par exemple, les flèches de virage à gauche, les voies tourne-à-gauche et le contrôle informatisé du volume de trafic amènerait sans doute un meilleur flux de la circulation. Cela assainirait sans doute également l'air, car lorsqu'un véhicule est en mouvement, son dispositif antipollution fonctionne. Lorsque des véhicules sont bloqués dans le trafic et tournent au ralenti, leur dispositif antipollution ne fonctionne pas.

J'aimerais maintenant passer à l'aspect exécution. Les contraintes financières imputables à l'état actuel des finances du gouvernement ont en fait amené une réduction de la présence de la police dans nos rues et le long de nos autoroutes, en tout cas dans notre province. J'ignore quelle est la situation qui a été constatée ailleurs au pays. Dans la plupart de nos détachements, les escouades affectées à la circulation routière ont été réduites, tant sur le plan nombre d'agents que sur le plan niveau d'activité. À l'heure actuelle, on compte en Colombie-Britannique moins d'agents affectés à la circulation qu'il n'y en avait en 1981, et ce malgré une augmentation de la population du grand Vancouver d'environ 50 p. 100, pendant ce même intervalle. L'on peut aisément imaginer la réaction de conducteurs qui se trouvent confrontés à une forte congestion routière lorsqu'il n'y a pas de policier en vue. La police ne se déplace même pas pour les collisions, à moins qu'il n'y ait des blessés graves, et même là, ce n'est pas toujours le cas.

L'insuffisance d'agents de police de la circulation visibles, ajoutée à la congestion des routes et à l'impatience des conducteurs, a amené un manque remarquable de retenue de la part des conducteurs automobiles. L'on constate dans leur comportement dépassement de vitesse chronique, talonnage, changements de voie pour «prendre de l'avance» et une absence totale d'adaptation de leur conduite aux mauvaises conditions routières ou de circulation. Et lorsque survient une situation d'urgence, rares sont les conducteurs qui savent exécuter une manoeuvre d'urgence ou qui en ont même les aptitudes requises.

Par suite de problèmes de financement du côté de l'exécution, l'on se tourne aujourd'hui davantage vers -- devinez quoi -- l'ingénierie. On a tous entendu parler du photo-radar et de systèmes de détection radar. Il y a encore d'autres technologies qui voient le jour, par exemple caméras aux feux rouges et systèmes de contrôle actif avec surveillance policière. Même sur le plan exécution, donc, on est à la recherche de systèmes automatisés. Bien évidemment, de nombreux citoyens se révoltent à l'idée de se faire prendre en photo, et il y a tous les troubles sociaux qui s'ensuivent.

Notre troisième pilier de la sécurité routière -- le troisième E -- c'est l'éducation. Il me faut souligner que ce ne sont pas les automobiles qui sont la cause de la plupart des accidents, exception faite des rares cas de défaillance mécanique, généralement causée par un mauvais entretien, autre reflet de l'attitude qu'ont de nombreux conducteurs à l'égard de leurs responsabilités. Les défaillances mécaniques dans les automobiles bien entretenues sont chose rare. Même dans le cas de la majorité des accidents de camion, dont on entend malheureusement trop souvent parler dans les médias, les systèmes de freins sont en bon état mais ont été mal ajustés. Des freins ne fonctionneront pas comme il se doit s'ils sont mal réglés. C'est la responsabilité du conducteur de maintenir le bon réglage, et le fait qu'il ne le fasse pas est encore une fois un reflet de son attitude et de son ignorance.

L'on impute souvent les accidents de la route au mauvais temps, et il s'agit bien là d'un facteur. Cependant, la majorité des accidents en Colombie-Britannique et ailleurs en Amérique du Nord surviennent lorsque les conditions de la route sont bonnes. Et même lorsque le temps est un facteur, il incombe aux conducteurs de s'adapter aux mauvaises conditions routières. Malheureusement, trop peu de gens le font.

L'ignorance de la loi n'est pas une excuse dans la plupart des cas. Dans une affaire pénale ou civile, l'ignorance n'est pas une raison acceptable d'avoir blessé autrui ou causé des dommages. Comment se fait-il que dans la société canadienne l'ignorance soit acceptable lorsqu'il s'agit de conducteurs automobiles? Les accidents de la route causent plus de blessures et de traumatismes aux citoyens que n'importe quoi d'autre; or, l'ignorance est acceptable dans ce domaine.

L'éducation des conducteurs automobiles est très loin sur la liste des priorités. En Colombie-Britannique, moins de 10 p. 100 des nouveaux conducteurs suivent des cours ou une formation officiels. Cela se trouve-t-il reflété dans les taux d'accidents que nous enregistrons? Bien sûr que oui.

En Colombie-Britannique, les coiffeurs et coiffeuses sont tenus, en vertu de la loi, de suivre un programme de formation exhaustif avant de pouvoir s'adonner à leur activité. Que je sache, les gens ne sont pas nombreux à se faire tuer ou blesser pendant qu'ils se font couper les cheveux. Or, les coiffeurs sont tenus de suivre une formation professionnelle. En Colombie-Britannique, les camionneurs professionnels ne sont tenus de suivre aucune formation professionnelle, exception faite d'un cours de conduite de véhicule à freins à air. La prochaine fois que vous verrez un ensemble articulé pesant 150 000 livres et roulant sur une de nos autoroutes, songez au fait que 93 p. 100 de la Colombie-Britannique est une montagne et que le conducteur de ce véhicule n'a peut-être reçu aucune formation professionnelle, car cela n'est pour l'heure pas exigé dans cette province.

Ce n'est là que le début du problème. J'y reviendrai lorsque j'aborderai dans un instant la question des permis de conduire. Cependant, c'est une manifestation du peu d'importance qu'accorde notre société à la responsabilité des conducteurs. Cette approche désinvolte se trouve reflétée dans les taux d'accidents et de blessures.

La meilleure solution à nos actuels problèmes de sécurité routière est l'éducation de tous les conducteurs, nouveaux et existants. Un conducteur qui comprend son véhicule et l'environnement routier et qui sait s'adapter aux différentes conditions routières, climatiques et de circulation, sera plus sensible à ses limites et aura tendance à réagir en conséquence.

L'acquisition des bonnes aptitudes devrait être tout autant une priorité. La capacité de conduire une automobile moderne, dans toutes les conditions routières et de circulation normales que l'on rencontre jour après jour, n'est pas une chose que l'on possède à la naissance, ni une chose que l'on peut absorber, par osmose, avec l'âge. Ce que nos absorbons, c'est l'exemple donné par nos parents: 16 années d'observation de leurs réactions à d'autres dans la circulation. C'est avec nos parents que nous apprenons à être courtois ou non; à nous arrêter aux feux rouges et aux stops, ou non; à observer la limite de vitesse ou non; à mettre sa ceinture de sécurité ou non. Ce sont toutes là des habitudes qui sont transmises. Nous conditionnons nos enfants pendant 16 ans, puis nous nous attendons à ce qu'ils sortent dans le monde, à ce qu'ils agissent en personnes responsables et à ce qu'ils conduisent d'une façon parfaite. Souvent, l'on refuse de dépenser de l'argent sur des cours de conduite donnés par des professionnels, de laisser d'autres qui savent ce qu'ils font leur apprendre les bonnes aptitudes et les bonnes connaissances. Un programme de cours de conduite automobile coûte environ 600 $ ou 700 $, soit l'équivalent de six mois de couverture avec une assurance minimale. Une bonne instruction et une bonne formation ne sont-elles pas la meilleure assurance pour nos enfants lorsqu'ils apprennent à conduire?

La capacité de bien réagir en situation d'urgence ne dépasse pas les limites de la capacité du conducteur moyen, comme nous l'a prouvé notre expérience de 25 ans en matière de cours de conduite automobile. Les gens peuvent apprendre.

Pourquoi y a-t-il si peu de personnes qui suivent des cours donnés par des moniteurs professionnels? Oui, cela coûte de l'argent, mais c'est le cas également de l'entretien d'un véhicule, de l'assurance automobile, de l'essence et de tout le reste. Cela coûte moins cher que l'impôt, je peux vous le dire. La raison est tout simplement que les gens ne sont pas tenus de suivre des cours de formation et que les normes de notre système de délivrance de permis ne poussent pas les gens dans ce sens.

Je vais maintenant traiter du système de délivrance de permis.

J'ai mentionné tout à l'heure les améliorations énormes qui ont été apportées au cours des 30 dernières années au niveau de la technologie automobile. Les routes, les véhicules et la circulation d'aujourd'hui n'ont rien à voir avec ce qui existait il y a 30 ans. Malheureusement, nos normes en matière de permis n'ont pas suivi la même évolution et ressemblent fort à ce qu'elles étaient il y a 30 ans. Si vous êtes comme moi, vous vous souviendrez que la plus grosse difficulté dans votre examen de conduite pratique, c'était faire un créneau. Je peux vous assurer que l'une de nos plus belles réussites sur le plan sécurité routière, c'est le stationnement en créneau: il est en effet extrêmement rare qu'il y ait des blessés ou des décès lors de telles manoeuvres.

Comme je viens de le dire, nous n'avons pas suivi le rythme de l'évolution. Il nous faut apporter des réformes fondamentales dans le système. Des systèmes d'examens et des normes en matière de permis qui soient efficaces inciteront les gens à suivre des cours de conduite automobile donnés par des professionnels. Il nous faut avoir une philosophie axée sur l'obligation pour l'utilisateur de payer, de façon à récupérer le coût véritable du système auprès des conducteurs qui se présentent à une épreuve de conduite. S'il était plus coûteux de se présenter à un test en étant tout à fait incompétent et ignorant des règles, alors les conducteurs éventuels seraient motivés à apprendre les choses correctement. Si cela vous coûtait 150 $ chaque fois que vous vous présentiez, ce qui est le coût d'un test dans le cadre de notre système provincial, vous ne voudriez pas recommencer trop de fois. Si, comme c'est le cas en Grande-Bretagne, il vous fallait chaque fois attendre neuf mois avant de vous présenter de nouveau, vous vous prépareriez peut-être un petit peu mieux. Nous subventionnons nos tests; nous demandons 35 $ pour un test qui nous coûte 150 $ à donner. Il n'y a aucun mystère là-dedans. Nous ne motivons pas les gens à apprendre, le système n'est pas du tout exigeant, et l'on se demande pourquoi les gens le prennent à la légère.

Les examinateurs doivent être tout à fait qualifiés pour les véhicules visés par les tests qu'ils font subir. Dans notre province, il n'y a aucune exigence qu'un examinateur de la Direction des véhicules à moteur détienne un permis pour le véhicule visé dans l'examen qu'il donne. Si vous êtes un apprenti camionneur qui espère conduire un camion de 150 000 livres avec 15 vitesses, des freins à air et toutes sortes d'autres choses, il y a de fortes chances que vos aptitudes soient vérifiées par une personne qui n'a de permis que pour conduire une automobile, qui n'a jamais été camionneur, qui ne connaît pas très bien les exigences spatiales de votre véhicule, qui ignore à quel point il peut être difficile de traverser une intersection avec un gros camion, le temps qu'il faut pour immobiliser le véhicule et ce qu'il faut faire pour le manoeuvrer lorsque la circulation est très dense.

Cela est-il pertinent? Bien sûr que oui. Cela produit-il des personnes qui sont bien qualifiées et dont les aptitudes ont été bien vérifiées? Non. De l'avis de notre organisation, il est tout à fait inacceptable qu'un quelconque examinateur à l'emploi du gouvernement soit moins qualifié que les instructeurs accrédités pour enseigner dans les auto-écoles.

Comparez ce système au processus qui est en place relativement à la sécurité aérienne ou maritime. Vous constaterez que les examinateurs oeuvrant dans ces secteurs sont toujours beaucoup plus qualifiés que les personnes qui se présentent aux examens. En fait, ce sont les personnes les plus qualifiées de tout le système. Le fait que nos examinateurs pour la conduite automobile soient moins qualifiés que les instructeurs est une abomination, responsable de la mort de nombreuses personnes.

Il importe d'établir des normes nationales pour toutes les classes de conducteurs professionnels, un peu à la manière du système américain. Et l'industrie et le public en bénéficieraient à long terme. Je sais que des efforts permanents sont déployés dans le cadre des programmes ATTACK et du Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé, ou CCATM. Je sais qu'il existe des problèmes dans certaines parties du pays. Cependant, ces problèmes ne devraient pas être tels qu'il nous faut payer avec des milliers de blessés et de morts par suite d'accidents de la circulation dans le pays. Nous ne pouvons pas nous permettre, pas plus que nous ne pouvons tolérer, l'incompétence au volant d'un véhicule, quel qu'il soit.

En résumé, nous croyons que cela ne rime strictement à rien que le gouvernement fédéral continue de rechercher, par le biais de normes fédérales visant les véhicules motorisés, de nouvelles solutions coûteuses fondées sur l'ingénierie pour corriger des problèmes de sécurité routière, en l'absence de solutions au moins minimales aux actuelles lacunes sur les plans exécution de la loi et éducation. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas continuer de rechercher des solutions fondées sur une ingénierie améliorée, mais nous sommes conscients que ce sera peut-être un gaspillage de ressources.

Nous aurions un bien meilleur rendement sur notre investissement de ces ressources rares si nous réaffections une partie suffisante de ces fonds à l'amélioration de la compétence des conducteurs et à la mise en place de systèmes qui permettent d'exiger des conducteurs qu'ils rendent compte de leurs actes. Il est très facile d'obtenir un permis. Il est très difficile de le perdre.

Bien que nombre de ces questions relèvent de la responsabilité des provinces, le gouvernement fédéral pourrait certainement jouer un rôle central fort en établissant un consensus national sur la nécessité de telles mesures.

Si nous ne nous attaquons pas à la racine du problème -- soit les mauvais conducteurs qui provoquent les accidents -- la poursuite de solutions axées sur des améliorations en matière d'ingénierie amèneront une hausse rapide du prix des véhicules, de sorte que nos citoyens ne seront plus en mesure de les acheter et de les conduire. Lorsque j'envisageais d'acheter ma toute première voiture en 1972, une berline haut de gamme de Chevrolet coûtait environ 6 000 $. Aujourd'hui, la même voiture coûte cinq ou six fois plus cher. C'est une bien meilleure voiture. Mais, le prix moyen d'une voiture se chiffrant aujourd'hui à 28 000 $, l'on peut se demander combien de personnes ont les moyens de s'en acheter une. On peut continuer de faire augmenter le coût des automobiles, pour que celui-ci crève le plafond des 100 000 $, auquel cas il s'agira de voitures dans lesquelles il sera presque impossible d'être blessé. Cependant, le taux d'accidents continuera d'augmenter, ces voitures continueront d'être accidentées et des gens continueront d'être blessés, car certains trouveront toujours le moyen de contourner les dispositifs sécuritaires dont ces automobiles seront munies.

N'oubliez pas que ce sont les conducteurs qui provoquent les accidents. Les seules vraies solutions que nous pouvons nous permettre de retenir doivent miser sur les conducteurs, et non pas sur le génie.

J'aimerais, au nom du B.C. Safety Council, vous remercier de m'avoir entendu. Si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Le sénateur Bacon: Merci beaucoup de votre exposé. Je suis très préoccupée par la formation des conducteurs automobiles. Le B.C. Safety Council est-il en faveur du principe de cours supplémentaires et de perfectionnement, de temps à autre, pour les conducteurs? Comment un tel programme pourrait-il être mis en oeuvre?

M. Lowes: Oui, nous serions en faveur de cela. Il serait très difficile au départ de mettre en oeuvre une telle chose, mais en Colombie-Britannique et dans de nombreuses autres provinces, les permis doivent être renouvelés tous les cinq ans. En cette ère du traitement électronique des données, il devrait nous être possible d'évaluer le dossier de conduite et d'accidents de tous les conducteurs automobiles et d'autoriser ou non le renouvellement du permis, aux cinq ans, en fonction du comportement de l'intéressé. Des milliers de conducteurs conduisent pendant des décennies, voire pendant toute leur vie, sans jamais avoir d'accident ou de contravention. D'un autre côté, certains conducteurs donnent l'impression de s'être inscrits à un programme de «grands cabosseurs». Peut-être qu'ils accumulent des milles aériens aux ateliers de débosselage.

L'on ne devrait pas pénaliser les conducteurs qui prennent leurs responsabilités au sérieux et qui s'efforcent, sur de longues périodes de temps, de conduire d'une façon responsable et sécuritaire. On devrait évaluer le comportement des conducteurs, et si l'on relève un cas de mauvais rendement, surtout s'il s'agit d'un nouveau conducteur qui n'a pas encore beaucoup d'années d'expérience, il faudrait intervenir tout de suite. Si l'on ne va pas exiger que tous les apprentis conducteurs suivent un cours de conduite obligatoire, alors il faudrait veiller à ce que, dès qu'un problème est relevé dans les premières années, le chauffeur concerné soit inscrit à un programme d'éducation, et ce dès que le problème est détecté.

Après cinq ans, il serait tout à fait raisonnable de réévaluer la vue et l'ouïe des gens, et peut-être même de leur faire subir un examen écrit pour vérifier s'ils comprennent toujours ce qu'est un feu de signalisation. Voilà ce qui serait prévu pour les personnes qui ont un bon dossier. Dans le cas de ceux qui ont un mauvais dossier, il y aurait peut-être lieu de poser la question suivante: «Pourquoi devrait-on vous réaccorder ce privilège? Pourquoi méritez-vous de continuer de conduire? Pourquoi devrait-on vous laisser continuer d'être une menace à la sécurité d'autrui?» Ce délai de cinq ans entre les renouvellements laisserait suffisamment de temps pour corriger les problèmes qui surviennent.

Le secteur des auto-écoles ne se porte pas très bien à l'heure actuelle car les très faibles normes en matière de permis ne motivent pas les gens à suivre une formation. Il s'agit là d'un problème très réel, car les écoles n'ont pas les moyens de faire la recherche et le développement nécessaires pour adapter leurs programmes aux technologies toujours changeantes. À l'heure actuelle, de nombreux moniteurs de conduite automobile dans la province, bien qu'ayant tous les permis requis, auraient du mal à expliquer certains des dispositifs que j'ai mentionnés tout à l'heure. Aucun d'entre eux ne travaille pour le B.C. Safety Council, je peux vous en assurer.

Il est très difficile pour les auto-écoles d'être rentables étant donné le très petit nombre de personnes qui prennent des leçons. Les écoles de conduite ont bien du mal à tenir. L'adoption de normes efficaces en matière de délivrance de permis, adaptées aux conditions routières et à la circulation d'aujourd'hui, ferait sans doute tripler le nombre de personnes qui prennent des cours de formation initiale et quadrupler le nombre de celles qui s'inscrivent à des cours de perfectionnement. Dans un tel marché, l'industrie réagirait en offrant des programmes de formation de qualité.

Le sénateur Bacon: Le B.C. Safety Council est-il préoccupé par l'incidence d'accidents aux passages à niveau?

M. Lowes: Absolument. En fait, je suis président pour la Colombie-Britannique de l'Opération Gareautrain, qui est une initiative conjointe lancée par l'Association des chemins de fer du Canada, Transports Canada et les conseils de sécurité de tout le pays. Heureusement, on a constaté au cours des 15 dernières années un recul constant du nombre de collisions aux passages à niveau par suite de nos efforts d'éducation au niveau communautaire. Là où l'on enregistrait autrefois un décès par jour en moyenne, il y en a un petit peu plus qu'un par semaine. Malheureusement, le problème des intrus qui ne respectent pas les panneaux «défense d'entrer», est devenu un bien plus grave problème pour les chemins de fer, étant donné la croissance des régions urbaines qui sont toujours traversées par des trains.

Le sénateur Bacon: La solution, c'est l'éducation.

M. Lowes: La solution à presque tous ces problèmes est l'éducation. Lorsque vous comprenez à quel point il est futile d'essayer de courir plus vite qu'un train, vous ne vous y essayez plus. Les gens éduqués ont tendance à se comporter de façon plus sécuritaire.

Le sénateur Perrault: La compétence des conducteurs automobiles est-elle supérieure ou inférieure à ce qu'elle était il y a dix ans?

M. Lowes: Elle est bien pire.

Le sénateur Perrault: Pour quelle raison?

M. Lowes: C'est en partie dû à la réduction de la présence visible de policiers de la circulation. Il y a quelque chose que nous appelons le test du 45 calibre. Si vous menacez les gens avec un pistolet en leur disant: «Conduisez, mais comportez-vous bien», il ressort que presque tout le monde est capable de le faire. Lorsque vous passez votre permis, il vous faut bien vous comporter pendant une vingtaine de minutes, et presque tout le monde peut y parvenir. Tout change lorsque les gens sont sur les routes et qu'il n'y a pas de policiers de la circulation qui soient visibles.

Le sénateur Perrault: C'est une jungle.

M. Lowes: C'est une jungle, et les gens ne se tiennent pas à carreau parce qu'ils n'y sont pas tenus.

Le sénateur Perrault: Nous avons vécu dans cette région un important afflux de personnes. Dans le cas d'une personne originaire d'Europe ou d'Asie qui vous dit qu'elle conduit depuis 20 ans et qu'elle n'a pas à subir un test, sera-t-elle tenue de subir un examen pour obtenir un permis de conduire de la Colombie-Britannique?

M. Lowes: Tout dépend du pays d'origine. Il y a des ententes de réciprocité entre notre gouvernement et certains autres, comme le gouvernement américain. En vertu de ces ententes, un conducteur devra peut-être se présenter à un examen écrit ou bien, s'il a un permis de classes multiples, il lui faudra peut-être subir un examen pratique pour l'une de ces classes.

Si la personne n'est pas originaire de l'Amérique du Nord et détient un permis de conduire international, elle sera peut-être dispensée de l'examen. La plupart des personnes qui nous viennent d'ailleurs que d'Amérique du Nord auraient à subir un examen.

Le sénateur Perrault: Il y a à l'heure actuelle toute une controverse au sujet des coussins gonflables. Il y a dix ans, on estimait que c'était le summum en matière de dispositifs de sécurité, et les constructeurs automobiles les ont installés, avec force hésitation. De nos jours, on lit des histoires de décapitation et de blessures horribles, surtout chez les jeunes. Quelle est la position du conseil?

M. Lowes: Comme j'ai tenté de le faire ressortir tout au long de mon exposé, la technologie est un couteau à double tranchant. Elle détermine votre vie et elle détermine votre mort. Les coussins gonflables ont le potentiel de réduire la gravité des blessures qui surviennent lors de collisions à grande vitesse. Lorsqu'il s'agit d'une collision à faible vitesse, l'avantage qu'ils peuvent procurer est minime. D'après ce que j'ai compris, les normes en vigueur relativement aux coussins gonflables ne stipulent rien quant à leur vitesse de déploiement. Il y a là une très importante question de responsabilité, qui concerne les constructeurs automobiles. S'il y a un accident à faible vitesse et que les coussins ne se déploient pas et que quelqu'un est blessé, le constructeur automobile peut être poursuivi, et c'est pourquoi les coussins gonflables qui sont installés dans les voitures se déploient lors de collisions à très faible vitesse. Malheureusement, dans ces situations, les gens ne bénéficieront que très peu de la présence du coussin, et ils seront peut-être même blessés par celui-ci.

L'autre grosse difficulté en ce qui concerne les coussins gonflables, est qu'ils ont été conçus pour une personne théorique de taille moyenne avec une longueur de jambe donnée. Les personnes qui ont des jambes plus courtes avancent davantage leur fauteuil pour être plus près du volant. Malheureusement, tous les coussins gonflables ont la même grandeur, quelle que soit la taille de la personne.

Le sénateur Perrault: C'est un système de taille unique.

M. Lowes: Oui, taille unique, et si vous êtes à moins de 12 ou 15 pouces du coussin gonflable lorsqu'il se déploie, il vous frappera à 320 kilomètres à l'heure. Même un oreiller lancé à 320 kilomètres à l'heure fait mal. Je pense que si vous consultiez les fonctionnaires à Transports Canada, vous trouveriez que plusieurs d'entre eux ont accueilli à contrecoeur l'autorisation des coussins gonflables ici au Canada, car dans ce pays la plupart des gens utilisent leur ceinture de sécurité. À la même époque, aux États-Unis, le taux d'utilisation des ceintures de sécurité était très faible. Dans la plupart des États américains, le port de la ceinture de sécurité n'est même pas obligatoire. Voilà pourquoi les coussins gonflables ont été perçus comme un merveilleux dispositif de protection pour les personnes qui refusaient de mettre leur ceinture de sécurité.

Les systèmes de coussins gonflables ayant été conçus pour des personnes qui ne portaient pas de ceinture de sécurité, il s'agit de gros sacs qui se déploient très rapidement, étant donné que le corps qui se projette vers l'avant pour venir frapper la colonne de direction n'est pas du tout retenu.

Le sénateur Perrault: Auriez-vous une ou deux initiatives à recommander au gouvernement fédéral en vue d'améliorer la situation à l'échelle nationale?

M. Lowes: En ce qui concerne le problème des coussins gonflables, je n'ai rien à suggérer. Les ingénieurs sont cependant très débrouillards. Le public, et surtout les personnes qui ont de courtes jambes et les parents de petits enfants, veulent savoir ce qu'ils peuvent faire. Ils ont acheté ces voitures de 30 000 $, ils n'ont pas beaucoup d'argent, et ils ne veulent pas que leur véhicule très coûteux soit invendable sur le marché. Serait-il possible de faire installer un système d'attaches bloquantes qui stopperaient le déploiement des coussins? Je ne sais pas. Je ne suis pas ingénieur, mais il me semble que ce problème va devenir de plus en plus complexe et susciter de plus en plus de problèmes sur le plan responsabilité légale.

Le sénateur Perrault: Est-ce que Young Drivers of Canada existe toujours?

M. Lowes: Oui. Il s'agit d'une compagnie privée qui exploite une auto-école.

Le sénateur Perrault: Est-elle présente partout au pays?

M. Lowes: Il s'agit d'une organisation nationale qui a des concessions locales un peu partout au pays. C'est sans doute la compagnie qui compte le plus vaste réseau d'auto-écoles et elle jouit d'un excellent profil auprès du public. Il existe de nombreuses autres auto-écoles, dont la plupart comptent un ou deux bureaux.

Le sénateur Perrault: L'éducation constitue donc au moins une partie de la solution?

M. Lowes: L'éducation est notre plus puissante arme contre les collisions. Malheureusement, les gens n'y recourent que lorsqu'ils y sont poussés. Je comprends que cette question ne relève pas de la responsabilité du gouvernement fédéral.

Le sénateur Perrault: En effet, mais celui-ci pourrait peut-être néanmoins prendre certaines initiatives.

M. Lowes: Mon impression est que les véhicules vont continuer de s'améliorer. Au fur et à mesure que la technologie se développe et que les coûts baissent, les systèmes d'antiblocage des freins deviendront de plus en plus monnaie courante dans nos véhicules automobiles. Ce sera là quelque chose de très positif. Pour bénéficier pleinement de tous ces systèmes, les gens devront savoir comment s'en servir. Cela nous ramène encore une fois à la question de l'éducation. Le meilleur outil, quel qu'il soit, s'il est aux mains d'une personne qui ne sait pas s'en servir, ne donnera pas de bons résultats.

Le président: Il me semble que l'industrie essaie de faire en sorte que les coussins gonflables soient acceptables. Il semblerait qu'on n'en ait pas fait une bonne vérification au départ. Savez-vous qui les vérifie cette fois-ci?

M. Lowes: En Europe, les coussins gonflables qui sont utilisés sont beaucoup plus petits et ils se déploient plus lentement. Les Européens n'ont jamais accepté le concept des gros coussins à déploiement rapide. Peut-être que ce serait là une solution à court terme pour le Canada. Si les Américains parvenaient à obtenir des gens qu'ils mettent leur ceinture de sécurité, ils pourraient peut-être eux aussi utiliser des coussins gonflables plus petits et à déploiement plus lent.

Le président: Qui examine les systèmes qui vont remplacer ce que nous avons déjà, mis à part l'industrie elle-même?

M. Lowes: L'industrie ainsi que Transports Canada, qui font partie d'une communauté mondiale. Il y a une autre organisation, l'Association for the Advancement of Automotive Medicine, qui est un organisme mondial dirigé conjointement par la profession médicale et les ingénieurs et qui a tenu une conférence mondiale ici à Vancouver, en septembre. Il se fait une quantité phénoménale de recherches dans ce domaine. Les renseignements sont disponibles. C'était tout simplement un petit peu prématuré sur le plan ingénierie. Je pense que ces dispositifs ont été mis en place trop tôt. Des coussins gonflables intelligents seront disponibles à l'avenir. Les ingénieurs apprendront à contrôler la vitesse de déploiement selon le poids de la personne et son emplacement par rapport à la colonne de direction. J'ignore combien de temps il nous faudra attendre avant que cette technologie ne soit prête.

N'oubliez pas que les coussins gonflables ne sont pas un échec. D'après ce que j'ai compris, on compte, pour chaque personne qui a été tuée par un coussin gonflable, un nombre très élevé de personnes que de tels dispositifs ont sauvées.

Le dispositif doit parfois séjourner dans une voiture pendant de nombreuses années sans jamais être actionné, mais lorsqu'on fait appel à lui, il doit fonctionner à la perfection et réagir au millième de seconde. Cela peut venir après dix ou 15 années de négligence totale. C'est beaucoup demander à une technologie, quelle qu'elle soit.

Le sénateur Adams: Nous avons rencontré à Ottawa des représentants d'une association automobile qui étaient très préoccupés par la circulation sur la grand-route. Nous avons vu des statistiques de Transports Canada selon lesquelles l'alcool joue un rôle dans 49 p. 100 des accidents qui surviennent sur la grand- route.

Il y a des personnes qui apprennent à conduire et qui, dès qu'elles ont fini d'apprendre, roulent à 100 ou 120 kilomètres à l'heure sur une route où la limite de vitesse est de 80. Comment peut-on apprendre aux gens à ralentir? Ces conducteurs utiliseront comme excuse qu'ils étaient en retard pour un rendez-vous, et que c'est pour cette raison-là qu'ils roulaient à 120 kilomètres à l'heure au lieu de 80.

Comment faire pour prévenir les accidents qui surviennent sur les routes à deux voies, comme ceux où un conducteur perd le contrôle de son véhicule et il n'y a pas suffisamment de bas-côté et il se retrouve dans le fossé? Pourrait-on améliorer les routes ou bien doit-on se contenter d'apprendre aux gens à bien conduire afin qu'il y ait moins d'accidents et moins d'accidents mortels sur les grandes routes?

M. Lowes: Les routes et les autoroutes doivent périodiquement être reconstruites et améliorées. Nous avons appris énormément de choses au cours des 50 dernières années sur la construction routière. Il faudrait une quantité d'argent infinie pour résoudre rapidement tous nos problèmes en reconstruisant les routes de façon qu'elles soient à l'épreuve des accidents. Cela n'existe pas une route à l'épreuve des accidents, et cela n'existera jamais. Nous pouvons cependant construire des routes qui offrent un meilleur champ de visibilité. On peut installer de meilleurs systèmes de régulation de la circulation, avec des avertissements lumineux annonçant intersections et passages dangereux.

De nombreuses techniques qui avertiraient mieux les gens sont en train d'être mises au point. Dans certaines régions de la Colombie-Britannique, vous pouvez régler votre poste de radio sur une station donnée avant de pénétrer dans une zone montagneuse pour savoir quelles y sont les conditions climatiques et routières. À l'avenir, on aura des véhicules avec des microprocesseurs intelligents qui pourront capter des données fournies par des émetteurs au sol et les verser à l'ordinateur monté à bord de l'automobile pour avertir le conducteur de conditions verglacées et qui modifieront peut-être le système de freinage en conséquence.

Les ingénieurs ne manquent pas d'imagination. Mais les coûts ne manqueront pas non plus. Il incombera toujours au conducteur de s'adapter aux conditions de la route. Si la route est glissante, alors il faut ralentir. Si la circulation est dense, alors il faut se laisser plus de marge de manoeuvre. Les gens ne veulent tout simplement pas faire ce que nous espérons d'eux. Souvent, ils n'agissent pas dans leur propre intérêt.

Que peut-on y faire? La clé, c'est l'éducation. J'y reviens toujours. Les gens n'agissent pas de façon tout à fait irrationnelle. Le problème, c'est un manque de compréhension. Le conducteur moyen n'a pas la moindre idée de la distance qu'il lui faut pour arrêter sa voiture, à telle ou telle vitesse, car il ne s'occupe pas de ce genre de choses. Dans les programmes offerts dans les auto-écoles, on enseigne ce genre de choses, et les gens s'entraînent. Les gens doivent apprendre les techniques et acquérir de l'expérience afin que lorsqu'ils conduisent, ils aient une certaine idée de leur capacité de manoeuvre et de freinage, et cela aurait une incidence sur le choix de la distance qu'ils s'accorderont par rapport aux autres véhicules et de la vitesse à laquelle ils choisiront de rouler. L'éducation est un outil très puissant.

Vous avez parlé des conducteurs en état d'ébriété. Il s'agit là d'un domaine dans lequel nous avons la preuve de l'importance de l'éducation. En Colombie-Britannique, il y a environ 14 ans, on a mis en oeuvre un programme appelé Counter Attack. Il s'agissait d'un programme de sensibilisation. C'était en gros une campagne de relations publiques. C'était un petit peu frauduleux, car il était censé y avoir toutes sortes de fourgonnettes pour la vérification du taux d'alcoolémie; c'est ce qu'on nous avait dit à la télévision, à la radio et dans les journaux. Il allait y en avoir partout. Pendant sept ans, je n'en ai jamais aperçu une seule dans toute la région vancouveroise, et je conduis beaucoup. J'ignore où elles étaient, mais je n'en ai jamais vu une seule.

Cette campagne d'éducation a néanmoins sensibilisé le citoyen moyen au fait que ce n'est pas très brillant de boire et de conduire. On a appris aux gens qu'il s'agit là d'une activité dangereuse et irresponsable. On a changé l'attitude des gens. Être ivre et conduire est un acte intolérable, et de nos jours, la plupart des gens sont de cet avis.

Le sénateur Perrault: Les pénalités sont-elles suffisamment sévères?

M. Lowes: J'aborderai cette question dans un instant, sénateur Perrault.

La réalité est qu'aujourd'hui la plupart des gens raisonnables se comportent de façon responsable et raisonnable, et limitent leur consommation d'alcool lorsqu'ils vont prendre le volant. Nous n'avons pas un problème de conduite en état d'ébriété, nous avons un problème de conduite en état d'ivresse. Ce n'est pas vrai que si une personne prend un verre de vin ou une bière en mangeant puis monte dans sa voiture une heure et demie plus tard, il ou elle est tout d'un coup transformé en monstre enragé qui est totalement incompétent. Ce n'est pas du tout le cas.

Dans cette province, le taux moyen de concentration d'alcool dans le sang d'une personne arrêtée pour conduite en état d'ivresse est de 0,17, soit près du double de la limite autorisée. Le fait d'avoir bu une bière ne va pas produire une telle concentration. Les personnes accusées de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort ont un taux d'alcoolémie moyen de 0,25. Elles ont du mal à tenir debout. Comme je viens de le dire, nous n'avons pas un problème de conduite en état d'ébriété; le problème, ce sont les gens ivres qui prennent le volant.

Le sénateur Bacon: Seriez-vous favorable à un système de vérifications au hasard?

M. Lowes: L'expérience australienne montre à quel point les vérifications au hasard peuvent être efficaces. Chaque véhicule de police est équipé pour faire des inspections et des contrôles d'alcoolémie ponctuels. Ils ont des escouades mobiles qui s'arrêtent le long de la route le matin pour installer leur matériel. Elles arrêtent six automobilistes, leur font subir l'alcotest, recommencent avec six autres voitures, et ainsi de suite. Si elles ne trouvent personne dont le taux d'alcool dépasse la limite, elles partent s'installer ailleurs et recommencent le processus.

Le sénateur Bacon: Elles ont obtenu d'excellents résultats.

M. Lowes: En Australie, les automobilistes savent qu'ils vont souvent rencontrer ce genre de choses.

Lorsqu'on parle de pénalités, en dehors de la peine capitale, il n'y a aucune pénalité qui va empêcher un alcoolique de boire. Le plus gros problème que nous avons pour ce qui est de la conduite avec facultés affaiblies, depuis qu'on a enlevé de la route la plupart des personnes qui prennent tout simplement un verre par-ci par-là et à qui il arrive parfois de dépasser la limite autorisée, est que nous n'avons plus que les alcooliques, les drogués et les psychopathes qui refusent tout simplement de respecter les règles de la société. Pour ces gens-là, il nous faut de gros bâtons. Il nous faut déterminer qui sont ces gens-là. S'agit-il de personnes qui ont un problème d'ordre médical, un problème de toxicomanie? Dans l'affirmative, on devrait les soigner avant de les autoriser à reprendre le volant. S'il s'agit de psychopathes, à mon avis, on devrait confisquer leur voiture, l'écraser pour en faire un petit cube, la leur rendre comme cela et leur dire que c'est cela qu'ils pourront conduire.

Nous pourrions également traiter les personnes qui conduisent en état d'ivresse de la même façon que l'on traite les trafiquants de drogue qui essaient de passer la frontière avec leur chargement. Elles céderaient leur véhicule à la Couronne, qui tiendrait une grosse vente aux enchères, ce qui aiderait à réduire le déficit, ou bien leur voiture pourrait être mise à la disposition des responsables des programmes de conduite organisés par le Safety Council. Cela réglerait notre problème de financement.

Le sénateur Perrault: J'ai entendu dire qu'en Australie, si une personne refuse de se soumettre à l'alcotest, on lui impose automatiquement une suspension de permis de 30 jours.

M. Lowes: À mon avis, les pénalités sont déjà suffisamment sévères. Le problème que nous avons est que, a), les gens ne pensent pas qu'ils vont se faire arrêter, b), même s'ils se font arrêter, ils ne pensent pas qu'un tribunal les trouvera coupables, et, c), si c'est le cas, ils n'auront de pénalité à payer que cinq ou six ans plus tard, au pire.

On a éliminé le caractère immédiat et certain de la pénalité. Si les gens étaient convaincus qu'ils risqueraient fort de se faire prendre, qu'ils seraient presque invariablement jugés coupables et que la peine serait conséquente, alors ils changeraient peut-être leur comportement. La réalité est que notre taux de condamnation est passé dans cette province de 94 à 47 p. 100 au cours des cinq dernières années.

Le sénateur Perrault: De 95 à 47 p. 100?

M. Lowes: Oui. Nous avons une industrie dans notre système judiciaire. Les pénalités sont si sévères qu'il vaut aujourd'hui la peine de vous défendre quel qu'en soit le coût. Les détails techniques entravent nos policiers et notre système judiciaire. C'est trop complexe, trop incertain. Faites quelque chose à ce niveau-là, et cela aura des conséquences.

Le sénateur Adams: De nombreux conducteurs utilisent leur téléphone cellulaire lorsqu'ils roulent sur la grande route. Quelle incidence cela a-t-il sur un conducteur dont l'épouse commence à se disputer avec lui au téléphone?

M. Lowes: La question de l'utilisation du téléphone cellulaire en toute sécurité est un intéressant exercice de logique. Le problème avec l'utilisation d'un téléphone cellulaire lorsqu'un véhicule est en mouvement est le potentiel de distraction. Intervient également le risque d'être incapable de contrôler physiquement le véhicule. Des téléphones mains libres vont peut-être finir par être proposés sur le marché. Les constructeurs installeraient des fiches pour téléphone cellulaire de sorte que chaque voiture serait adaptée à l'utilisation d'un téléphone mains libres. Cela existe déjà dans certaines voitures de luxe.

Je contesterai l'idée que le simple fait d'avoir une conversation téléphonique en utilisant un appareil cellulaire constitue automatiquement un acte dangereux. Ne parle-t-on pas avec nos passagers? N'écoute-t-on pas la radio lorsqu'on conduit? Un conducteur peut être distrait par quantité de choses. Ce qui compte, c'est la façon dont vous conduisez et vos priorités pendant que vous êtes au volant. J'énerve beaucoup mon épouse car si je vois quelque chose pendant que nous sommes en voiture, je m'arrête en plein milieu de ma phrase pour consacrer toute mon attention au problème. Puis, 30 secondes plus tard, elle me demande de terminer ma phrase et j'ai entre-temps oublié ce dont il s'agissait. Je préfère néanmoins insulter ma femme plutôt que d'avoir un accident.

Le président: Comment le B.C. Safety Council est-il financé?

M. Lowes: Contrairement à la situation que nous avons vécue pendant nos 50 premières années d'existence, nous sommes aujourd'hui entièrement autosuffisants, pour le meilleur et pour le pire... et pour l'instant, c'est plutôt pour le pire. Autrefois, nous recevions une aide financière du gouvernement.

Le président: Vous assurez votre financement au moyen de campagnes de levée de fonds et de la vente de programmes d'éducation?

M. Lowes: Oui, principalement au moyen de vente de programmes de formation. Nous sommes une organisation de membres, mais seuls 5 p. 100 de nos recettes proviennent des cotisations des membres.

Le président: Vendez-vous des cours portant sur, par exemple, la conduite de véhicules à quatre roues motrices, les nouveaux freins à disques, les freins antiblocage, et cetera?

M. Lowes: Les renseignements sur les différentes technologies sont contenus dans les programmes. Nous n'offrons pas des programmes particuliers portant sur les différents dispositifs. Nous offrons néanmoins certains programmes spécialisés, comme par exemple la conduite de motocyclette. Nous offrions autrefois les meilleurs cours de conduite de camion dans la province. L'absence de normes dans ce domaine était cependant telle qu'il n'était pas rentable pour nous de maintenir ce programme, alors nous l'avons supprimé.

Le président: Y a-t-il un établissement à Vancouver où je pourrais envoyer mon fils ou ma fille pour y suivre un cours de formation?

M. Lowes: Si vous voulez parler de cours de conduite de base, oui, il existe un grand nombre d'auto-écoles commerciales.

Le président: Qui apprennent comment faire démarrer et arrêter une voiture?

M. Lowes: Oui, il existe un grand nombre d'écoles commerciales.

Le président: Où irais-je pour apprendre à conduire sur la glace avec un véhicule à traction avant par opposition à un véhicule à traction arrière?

M. Lowes: Quelques-unes des auto-écoles commerciales offrent des cours supplémentaires de perfectionnement pour les conducteurs automobiles. Certains organismes de formation spécialisés comme nous offrent depuis longtemps des programmes du genre et les gens peuvent s'adresser à nous pour obtenir une formation spécialisée.

Le président: Cela n'est pas couramment disponible?

M. Lowes: Non, pas universellement.

Le président: J'imagine que cela n'est couramment disponible nulle part au Canada.

M. Lowes: Je serai sans doute de votre avis.

Le président: Si vous touchiez 2c. par litre au titre d'une taxe sur le pétrole, pensez-vous qu'il serait utile de consacrer une partie de cet argent à l'établissement d'auto-écoles, en plus d'investir dans les routes, qui ont besoin de travaux?

M. Lowes: Un soutien financier pour les programmes de conduite automobile serait extrêmement bénéfique, mais l'aspect financier serait très important. Dans quelques régions du pays, une formation de base pour les jeunes gens est offerte dans le cadre du système scolaire, mais ce n'est pas le cas en Colombie-Britannique.

Le sénateur Adams: Cela existe-t-il un dispositif que l'on puisse monter dans une voiture pour avertir le conducteur de certaines conditions météorologiques, mettons, des bulletins de Transports Canada? Ce pourrait être utile pour un conducteur qu'il y ait un avertissement, si de la pluie est par exemple prévue pour la journée. Cela pourrait également contribuer à la sécurité des gens.

M. Lowes: Il y aura, un jour, de nombreuses technologies qui permettront d'améliorer les renseignements fournis aux conducteurs sur des choses telles les conditions environnementales, les conditions routières, la densité de la circulation, et cetera. L'affichage frontal n'est plus réservé aux avions de chasse; on s'en sert dans certaines automobiles dans lesquelles le compteur de vitesse est visible sur le pare-brise. Je suis certain que ces genres de choses continueront de s'améliorer au fil du temps, au gré des moyens disponibles.

J'aimerais, avant que nous ne nous quittions, vous laisser une dernière pensée. Les plus importants facteurs en matière de sécurité routière ce sont l'attitude des conducteurs et leurs compétences, et ce qui manque le plus chez les conducteurs automobiles c'est un sentiment de responsabilité personnelle à l'égard de la sécurité. La seule façon de changer cela sera d'éduquer les gens, de les préparer de façon satisfaisante à la tâche qui leur reviendra et d'assurer le suivi avec une bonne administration du système de délivrance de permis, fondée sur des normes et qui permette de retirer le permis aux gens qui ne sont pas prêts à accepter leurs responsabilités.

Le président: Nous vous remercions du temps et des efforts que vous avez consacrés au comité en venant comparaître devant lui.

La séance est levée.


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