Aller au contenu
SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 février 1997

Le Sous-comité de la sécurité des transports du Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 12 h 10, pour étudier la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je tiens à souhaiter la bienvenue aux témoins. Notre comité a été chargé par le Sénat d'enquêter sur l'état de la sécurité des transports au Canada. À cette fin, nous ferons très bon accueil à toutes les opinions.

Vous avez la parole.

Mme Cathy Walker, directrice nationale, Santé et sécurité, Travailleurs canadiens de l'automobile: Monsieur le président, les Travailleurs canadiens de l'automobile sont le plus important syndicat du secteur des transports au Canada. Bien qu'à ses débuts, il n'ait représenté que les travailleurs de l'automobile, des pièces d'automobiles et de l'aérospatiale, il a depuis lors pris de l'expansion et il est maintenant présent partout dans le secteur des transports. Actuellement, la vaste majorité de nos 215 000 membres travaillent à la construction, à l'entretien et à la conduite d'automobiles, de camions servant au transport de voyageurs et de marchandises, d'autocars, de véhicules blindés, de wagons de métro, de trains de banlieue, de trains de voyageurs et de trains de marchandises, de navires et de bateaux, ainsi que d'avions. En 1994, afin de tenir compte de cette nouvelle réalité, nous avons changé d'appellation et sommes devenus le Syndicat national de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada.

La sécurité de nos membres dans l'industrie des transports est souvent gage de sécurité publique. Si un camion ou un autocar est dangereux, il l'est tout autant pour son conducteur que pour les autres conducteurs qui se trouvent à proximité, ainsi que pour les passagers. Si un bateau, un navire ou un ferry n'est pas en état de naviguer, nos membres pourraient tout aussi bien se noyer que les passagers. Si un avion est défectueux, ce seront peut-être nos membres qui s'écraseront au sol. Quand un train de VIA Rail déraille, les membres qui sont à bord sont tout aussi en danger que les passagers. Si un train de marchandises transportant des substances dangereuses déraille, ce sont nos membres qui doivent se rendre sur les lieux de l'accident pour réparer les wagons, mettant ainsi en jeu leur santé et, parfois, leur vie.

Les emplois de nos membres, tant par la nature de leurs tâches que par leur nombre, ont un impact direct sur la sécurité du grand public. Quand on saute des étapes dans l'entretien d'une voie ferrée pour réduire les coûts en vue de demeurer concurrentiel, c'est à nos membres qu'on ordonne de sauter les étapes. Quand les travailleurs d'atelier des chemins de fer sont mis à pied, ce qui entraîne une baisse de l'entretien des wagons, des voitures à voyageurs et des locomotives, la probabilité de déraillements s'accroît, et la sécurité du grand public en souffre.

Quand on abaisse, dans les règlements, le nombre minimal d'agents de bord, on fait courir des risques aux passagers en cas d'accident puisqu'il y aura moins de personnel pour les aider à évacuer l'appareil en flammes. Quand on permet la présence de seulement deux gardiens, plutôt que de trois, dans les véhicules blindés, les voleurs sont plus susceptibles de s'en prendre à ces camions, et les foules dans les centres commerciaux risquent d'être des victimes.

Monsieur le président, une des questions que vous avez soulevées la première fois que vous nous en avez parlé avait rapport à la déréglementation. J'aimerais maintenant m'y attarder.

Les dirigeants d'entreprise ont prétendu que moins il y avait de règlements, mieux c'était. Le gouvernement a avalé cet argument, au détriment de la sécurité publique. Nous, nous soutenons exactement le contraire. Les lois sont efficaces. Elles obligent les sociétés et les particuliers à modifier leur comportement en fonction de ce que veut la société. Elles font en sorte que les sociétés ne s'inclinent devant le seul autel du profit.

Nous ne sommes toutefois pas les seuls à le penser. La commission d'enquête sur l'écrasement de l'appareil d'Air Ontario à Dryden, en Ontario, s'est arrêtée à cette question dans les chapitres traitant des effets de la déréglementation et de la réduction des effectifs sur la sécurité aérienne et de la réglementation de l'aviation comme une question d'allocation des ressources. Plus particulièrement, le juge Virgil Moshansky a dit:

Les effets de la réforme de la réglementation économique, combinés à la réduction du déficit ou, notamment, au protocole d'entente quinquennal intervenu entre Transports Canada et le Conseil du Trésor, ont créé une synergie qui, selon les preuves présentées à la commission, ont nui à l'application efficace des normes de sécurité.

Nous sommes accompagnés aujourd'hui de M. Ben Bachl, de la section locale 2213 des Travailleurs canadiens de l'automobile, qui a travaillé à bord de l'appareil qui s'est écrasé à Dryden.

Si la Direction générale de la réglementation aérienne de Transports Canada avait été en mesure de s'acquitter de toutes ses responsabilités avec efficacité et en temps opportun, certains facteurs qui ont contribué à l'accident de Dryden n'auraient peut-être pas été présents.

Quand les chemins de fer subissent d'intenses pressions en vue de les rendre concurrentiels, il leur est impossible d'élaborer des normes de sécurité en toute objectivité. L'honorable juge Samuel Grange, dans son rapport sur le déraillement survenu à Mississauga en 1979, a fort bien résumé la situation:

Les chemins de fer sont redevables à leurs actionnaires; la commission canadienne des transports, elle, rend des comptes au public.

Les entreprises essaient de faire croire qu'elles sont moins concurrentielles parce qu'elles sont tenues de respecter des règlements d'exécution en matière de sécurité. C'est faux. Ces règlements garantissent seulement que tous sont soumis aux mêmes règles. Aussi, les entreprises qui ont recours à de saines pratiques de sécurité ne seront pas désavantagées par rapport aux concurrents qui ne le font pas. Certaines entreprises prétendent que les règlements en matière de sécurité les empêchent d'avoir recours autant qu'elles le voudraient aux nouvelles percées technologiques. Encore une fois, c'est faux. Une bonne réglementation n'empêche pas les changements technologiques qui répondent aux besoins de la société.

La déréglementation, elle, s'accompagne de tentatives déployées par les entreprises en vue de désyndicaliser les milieux de travail. C'est aussi vrai pour les chemins de fer sur courte distance que pour les nouveaux transporteurs aériens et l'industrie du transport routier. Les milieux non syndiqués n'offrent toutefois pas autant de sécurité aux travailleurs et au grand public. Notre mémoire comporte une section où il est question de l'expertise syndicale en matière de santé et de sécurité. Nous en avons beaucoup plus à dire au sujet de la déréglementation, surtout en ce qui concerne la sécurité ferroviaire.

Le besoin d'avoir en place une bonne réglementation se conjugue au besoin de bien l'appliquer. Transports Canada ou d'autres instances de réglementation responsables d'appliquer les règles de sécurité des transports ont-ils déjà poursuivi des sociétés? Le font-il assez souvent pour faire en sorte que l'on respecte ces règles? Les amendes prévues sont-elles suffisamment élevées pour inciter les entreprises à les respecter?

L'honorable juge Grange, dans son rapport de décembre 1980 sur le déraillement de Mississauga, a admis la nécessité de punir les contrevenants:

Le meilleur moyen de prévenir que de pareils incidents, accidents ou crimes ne se reproduisent, peu importe le mot employé, est de faire en sorte qu'il coûte plus cher aux chemins de fer de violer la loi que de l'observer.

Un système encore meilleur que les poursuites actuellement prévues dans les diverses lois traitant de la sécurité des transports consiste à imposer des sanctions administratives. Les poursuites sont un mécanisme d'application qui entre en jeu après un événement, après coup, qui pénalise les activités illégales seulement après qu'il y a eu violation. Elles n'ont aucune utilité préventive. Elles ont plutôt un effet dissuasif ou influent sur d'autres employeurs si la condamnation est rendue publique. Dans le domaine de la sécurité, il est extrêmement rare que l'on condamne le contrevenant, voire qu'on lui impose une sanction dissuasive, s'il n'y a pas eu de décès ou de blessure très grave. En l'absence d'une catastrophe, l'État ne fait rien.

Les poursuites coûtent cher, elles absorbent beaucoup de temps de la part des inspecteurs et elles reposent sur des procureurs et des juges qui voient souvent les infractions aux règles de sécurité comme étant, au mieux, des fautes commises par des délinquants d'affaires. De plus, elles exigent une preuve très solide et excluent le syndicat de la procédure.

Ce qu'il faudrait plutôt, c'est que l'instance responsable d'appliquer les règles soit obligée de rédiger des ordonnances concernant toutes les violations des règlements de sécurité et qu'elles puissent, au besoin, imposer au délinquant des sanctions administratives. De telles peines peuvent être imposées par l'organisme de réglementation à la demande de l'inspectorat qui connaît bien -- ou devrait bien connaître -- les règlements de sécurité et les conséquences de ne pas les respecter. Les sanctions administratives sont faciles à appliquer et peuvent être suffisamment élevées pour faire en sorte -- je vous rappelle à ce sujet les commentaires du juge Grange -- que le coût de ne pas respecter les règlements soit plus élevé que le coût de les respecter. Un régime fondé sur des sanctions administratives peut être établi de telle sorte qu'un syndicat est parti à l'imposition de la peine initiale et à toute procédure d'appel subséquente. Enfin -- et c'est peut-être ce qui importe le plus --, l'organisme de réglementation n'a pas à attendre qu'un accident se produise pour imposer de rigoureuses sanctions administratives.

Il ne faut pas sous-estimer la diligence des travailleurs en milieu de travail. Si les travailleurs pouvaient mettre hors service le matériel non sécuritaire sans crainte de subir des représailles de la part de leur employeur, tant leur propre sécurité que celle du public y gagneraient. Il faut changer les lois de manière à donner aux travailleurs le pouvoir d'agir dans leur propre intérêt et dans celui du grand public. Il faut mettre en place des programmes qui les y encouragent.

Si vous le désirez, je puis m'arrêter ici pour répondre à des questions. Par contre, s'il n'y a pas de question, nous passerons à la sécurité ferroviaire.

Le président: Faites, je vous en prie.

Mme Walker: Notre syndicat représente les travailleurs d'atelier qui veillent à l'entretien et à la réparation des locomotives, des wagons et des voitures à passagers. Nous représentons aussi les commis, les agents de billets et certains employés qui travaillent à bord des trains. Le travail de nos membres est essentiel à la sécurité publique. Le transport ferroviaire est beaucoup plus sûr et moins polluant que le transport routier. C'est là un des principaux avantages de ce mode de transport. À mesure que les chemins de fer abaissent la priorité de la sécurité ferroviaire pour répondre aux pressions de la concurrence, ils risquent de perdre cet atout.

Pour faire en sorte que la sécurité ne diminue pas davantage, il faudrait accroître le nombre d'inspecteurs de la sécurité, donner une meilleure formation en la matière, multiplier les points d'inspection et accroître la participation directe des travailleurs à ces questions.

En 1985, le gouvernement conservateur a déposé sa politique des transports, intitulée «Aller sans entraves: un guide pour la réforme des Transports». Le gouvernement estimait que le secteur des transports était trop réglementé. Il a donc mis en place une politique et une réforme législative axées sur le principe qu'une réglementation moindre encouragerait l'innovation et l'esprit d'entreprise et qu'un plus grand recours à la concurrence et aux forces du marché entraînerait une baisse des coûts unitaires. Excité à l'idée de confier le système de transport canadien à l'économie de marché, le gouvernement en a presque oublié la sécurité.

La Loi nationale de 1967 sur les transports a été modifiée en 1987 en vue de refléter le virage du gouvernement conservateur qui prônait la déréglementation et le libre jeu des forces du marché. Ainsi, l'alinéa 3(1)(a) de la loi prévoyait que le système national de transport satisferait aux normes pratiques les plus élevées qui soient en matière de sécurité, mais il ne prévoyait pas de mécanisme pour mettre en application ces hautes aspirations. À la suite des plaintes des syndicats qui demandaient l'adoption d'une loi en bonne et due forme concernant la sécurité dans l'industrie du transport ferroviaire, le gouvernement a déposé la Loi sur la sécurité ferroviaire en 1988 et a créé, l'année suivante, le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports sous le régime de la loi l'instituant.

Le gouvernement a introduit la déréglementation dans l'industrie ferroviaire avant d'adopter des lois en matière de sécurité. Il a donc envoyé un message dangereux, soit que l'économie primait sur la sécurité.

Dans le déraillement survenu à Mississauga, les marges de profit ont expliqué le manque de sécurité à CP Rail. Le juge Grange a fait remarquer que CP Rail était réticente à l'idée d'installer des détecteurs de boîtes chaudes ou des roulements à rouleaux en raison de leur coût élevé. Le coût de l'évacuation d'un demi-million de gens de leur maison après l'accident a pourtant été nettement supérieur à ce qu'auraient coûté ces mesures préventives. Nous ignorons l'ampleur des dommages environnementaux causés à la collectivité. Voilà l'exemple d'un coût qui devrait être assumé par l'entreprise et qui l'est par le public.

Depuis le déraillement de Mississauga, les détecteurs de boîtes chaudes et les roulements à rouleaux sont standards. Les entreprises aiment à dire que le matériel amélioré et les percées technologiques ont rendu les transports beaucoup plus sûrs après le déraillement de Mississauga. Dans une certaine mesure, c'est vrai. Cependant, plusieurs changements survenus dans le transport ferroviaire rendent les inspections périodiques aussi cruciales qu'il y a 17 ans.

Les trains roulent à plus grande vitesse, ils sont beaucoup plus longs et sensiblement plus lourds. Les percées technologiques survenues en exploitation ferroviaire accroissent la demande de wagonniers pour effectuer les inspections. La technologie à elle seule n'est pas garante de la sécurité. En octobre 1989, 25 wagons ont déraillé près de Elma, au Manitoba, quand une fusée d'essieu défectueuse est passée au-dessus d'un détecteur de boîte chaude.

Le hic, c'est qu'en raison du poids accru et de la plus grande vitesse des trains, le roulement à rouleaux s'use plus vite. Le roulement à rouleaux est peut-être parfait pour passer au-dessus d'un détecteur de boîte chaude, mais il sera inutile au suivant. Bien que le Canada ait une bien meilleure feuille de route que les États-Unis en matière de déraillements, il est néanmoins survenu plusieurs accrocs. Durant la période allant de 1985 à 1989, 198 déraillements causés par du matériel et 191 autres déraillements attribuables à un mauvais chargement se sont produits sur des voies principales. De plus, 79 déraillements ont été signalés dans les parcs de matériel remorqué, les voies de dérivation et les voies d'évitement. Il ne faudrait pas se leurrer et se laisser bercer par un faux sentiment de sécurité. À elle seule, la technologie n'est pas gage de sécurité.

En raison de la déréglementation, les trains américains n'ont jamais eu autant accès au réseau ferroviaire canadien. Ils compromettent davantage la sécurité ferroviaire au Canada, tant à cause de l'augmentation du trafic que du fait que les chemins de fer américains ne respectent pas les règlements de sécurité des États-Unis.

Dans un rapport de 1988, l'administration ferroviaire fédérale des États-Unis a déclaré:

Le programme de mise à l'essai du fonctionnement de base de Conrail...

-- soit la principale voie ferrée entrant au Canada à Fort Erie, en Ontario --

... s'est transformé en exercice de production de données où les tests sont tout aussi futiles que les dossiers tenus.

La plupart des trains qui entrent au Canada en provenance des États-Unis compromettent la sécurité ferroviaire au Canada. Approximativement 1,5 million de wagons sont actuellement exploités grâce au système inter réseaux nord-américain. L'incident survenu à Sarnia, en 1989, est éloquent. Deux fois, des wagonniers du CN ont apposé sur un wagon de la Grand Trunk Western Railway Company qui entrait au Canada en provenance de Port Huron au Michigan, une étiquette précisant qu'il fallait le réparer. Chaque fois, le wagon est revenu au Canada rempli d'une marchandise dangereuse, de l'acide fluorosilicique. En dépit de l'incident de Sarnia, le CN a, cette même année-là, aboli les inspections des trains américains entrant à Fort Erie.

Le CN estimait en effet que des inspections étaient effectuées aux États-Unis et qu'il n'était donc pas nécessaire d'en faire ici. C'est loin d'être réconfortant. Dans un rapport daté du 31 juillet 1990, le U.S. General Accounting Office soulignait l'insuffisance des activités d'application des règlements de la U.S. Federal Railway Administration. Le rapport précisait également que les chemins de fer des États-Unis semblaient ne pas s'intéresser suffisamment à la sécurité publique.

Plus tard, soit à l'automne, un train de marchandises Conrail vieux de 44 ans est entré en Ontario à destination de Niagara Falls. Le train, dont les freins étaient défectueux, s'est arrêté à la station de Niagara Falls en emboutissant l'arrière d'un train de passagers arrêté. Deux passagers ont été blessés. On a appris, plus tard, que 30 wagons contenaient du chlore et quatre autres, de la soude caustique. Il aurait facilement pu y avoir une catastrophe.

Un groupe de travail fédéral a, de 1986 à 1988, étudié le transport des marchandises dangereuses dans la région de Toronto. Il a recommandé que l'attention se tourne surtout vers la sécurité ferroviaire. Le groupe de travail a aussi recommandé la formation d'un comité mixte canado-américain en vue d'établir et d'appliquer de saines pratiques en la matière. Le gouvernement fédéral n'a pas donné suite à ces recommandations.

À mesure que s'intensifient les échanges de matériel entre les chemins de fer américains et canadiens, il est essentiel que les wagons soient inspectés à la frontière. Nous ne pouvons pas laisser la sécurité ferroviaire au seul soin des chemins de fer. C'est l'exemple classique du renard qui garde le poulailler. Nous ne pouvons pas, non plus, compter que Transports Canada protégera l'intérêt public, puisque le ministère a si souvent montré qu'il défendait uniquement les intérêts des chemins de fer, en dépit de leurs pratiques non sécuritaires.

La description que je vais vous donner est tirée d'un rapport de 1993 de l'ex-député Iain Angus, selon lequel on se dirige tout droit vers la catastrophe.

En février 1990, deux trains du CN sont entrés en collision et ont déraillé près de Brampton, en Ontario. Les deux transportaient des marchandises dangereuses, soit du chlore, du propane et du butane, une combinaison analogue à celle qui était présente lors de l'accident notoire de Mississauga, en 1980. La collision et le déraillement ont été provoqués lorsqu'un wagon du train parti de Sarnia à destination de Montréal a frappé les wagons du train roulant en sens contraire entre MacMillan et Sarnia.

Le déraillement s'est produit à 365 mètres d'une rangée de maisons. À l'origine, on croyait que le wagon de chlore était inoffensif parce que, d'après le CN, soit qu'il était vide, soit qu'il ne contenait que des résidus. Toutefois, la définition de wagon vide du CN et de Transports Canada ne correspondait pas à celle du Bureau de la sécurité des transports selon lequel, pour être vide, le wagon doit contenir moins de 2 p. 100 d'une pleine charge. Or, au CN, le wagon est vide s'il n'est pas rempli à capacité.

Résultat, le wagon de chlore que les équipes de secours d'urgence estimaient être vide et donc inoffensif transportait en fait 8 190 kilogrammes de chlore et était extrêmement dangereux.

L'Office national des transports a enquêté sur les causes de l'accident. Les enquêteurs de l'ONT en sont arrivés à la conclusion que le déraillement avait été «...causé par la défaillance du longeron central du wagon-tombereau CN 156262 et que des fissures importantes y apparaissaient avant l'accrochage du wagon au train facultatif 9404...» En outre «On en a conclu que les modalités courantes d'inspection des wagons étaient telles que les fissures des wagons-tombereaux de la série 156 passaient inaperçues».

Le wagon-tombereau 156262 n'a pas été un cas isolé. En avril 1990, le Toronto Star a indiqué que le CN avait retiré 348 des wagons-tombereaux de la série 156 de la circulation après que des inspecteurs avaient découvert des fissures structurelles dans 178 d'entre eux, défaillance semblable à celle qui avait causé le déraillement de Brampton.

Environ une année après avoir mis en doute les modalités d'inspection des gares de triage de Sarnia et de MacMillan et après avoir enquêté à leur sujet, un déraillement que l'on peut relier directement à ces mêmes modalités d'inspection s'est produit. D'après le journaliste Peter Howell du Toronto Star, c'est une «chance» qu'il n'y ait pas eu écoulement de chlore. Malheureusement, la «chance» ne peut pas vraiment se substituer à des modalités d'entretien qui soient minutieuses et efficaces.

La promesse du gouvernement à propos de la sécurité qui ne devait pas être compromise dans le contexte de la déréglementation semble vaine. L'Office national des transports du Canada a reçu le rapport de 1990 sur l'enquête relative aux wagons-citernes de produits dangereux dans le couloir Sarnia-Montréal. L'enquête a été déclenchée à la suite d'une catastrophe que l'on a frôlée dans la région de Sarnia. Le rapport sur l'incident de Sarnia a signalé que même si le CN avait participé à la rédaction des normes minimales -- Arrêtés C.T.S.-R.T.C. -- la société ne semblait pas en mesure de les interpréter correctement.

Le rapport de 1990 indique également que la société a ouvertement enfreint les dispositions des arrêtés. Les superviseurs annulaient constamment les décisions des wagonniers à propos des wagons à réformer et remettaient les wagons en circulation. Dans le rapport de l'Office national des transports, les enquêteurs sont arrivés à la conclusion suivante à propos de la gare de triage Taschereau de Montréal:

Il est évident que les superviseurs remettent en circulation des wagons de marchandises qui présentent des défaillances contrairement aux normes minimales de sécurité et qu'ils ont en fait instauré tout un système visant à escamoter les défaillances qu'ils veulent ignorer. Il apparaît clairement dans certains cas que les superviseurs n'inspectaient même pas visuellement la défaillance indiquée; ils se contentaient de remettre le wagon en circulation sans même enlever l'étiquette de réforme.

En plus, dans certaines gares de triage, les wagonniers ont une charge de travail très lourde et ne sont pas en mesure d'inspecter correctement chaque wagon. Inutile de dire que cette situation est inquiétante. Il est peut-être plus inquiétant de lire la conclusion de l'étude: «Les normes minimales d'inspection et de sécurité des wagons de marchandises ne sont sans doute pas respectées dans l'ensemble du Canada.»

La déréglementation et la cession de lignes par les grands transporteurs nationaux aux chemins de fer secondaires présentent un gros risque en matière de sécurité. La sous-capitalisation compromet la sécurité. Les chemins de fer secondaires sont souvent des achats adossés où l'équipement sert de garantie au prêt et où le ratio d'endettement crée des paiements d'intérêt élevés. Les marges d'exploitation sont serrées et on investit très peu dans l'amélioration du matériel. L'exploitant est mal préparé en cas d'accident majeur ou de catastrophe naturelle.

Au Canada, la plupart des chemins de fer secondaires relèvent de la compétence provinciale si bien qu'ils ne sont pas assujettis à la Loi fédérale sur la sécurité ferroviaire. Les provinces ont, au mieux, rendu la Loi sur la sécurité ferroviaire désuète et sont mal préparées pour surveiller les opérations ferroviaires. Pour compliquer les choses, les exploitants de chemins de fer secondaires tirent fierté du fait que leurs employés sont polyvalents et peuvent réparer des voies ferrées un jour et faire des commandes le jour suivant. Les conséquences au plan de la sécurité font peur. Les chemins de fer secondaires devraient au moins continuer à relever de la compétence fédérale de manière à assurer le respect de normes de sécurité qui soient conséquentes.

J'aimerais maintenant vous présenter Denis Cross, président de la section locale 101 de CP Rail, et Bob Bourrier, coordonnateur national en matière de santé et de sécurité pour la section locale 100 chez CN et VIA; je vais leur demander de présenter leurs observations au sujet de la sécurité ferroviaire.

M. Bob Bourrier, CN Rail, VIA, section locale 100, Travailleurs canadiens de l'automobile: Je m'appelle Bob Bourrier et je suis représentant de la santé et de la sécurité pour la section locale 100 des TCA. Je représente précisément les chemins de fer VIA et CN. J'aimerais aborder quelques-unes des questions qui se sont posées récemment à propos de la sécurité ferroviaire.

En général, la Loi sur la sécurité ferroviaire encourage les chemins de fer à présenter des changements en matière de règles de sécurité liées au matériel roulant et au matériel ferroviaire. Les chemins de fer sont passés maîtres dans l'art d'éliminer les vieilles normes précises et rigides en matière d'entretien mécanique du matériel. Ils les ont remplacées par de vastes lignes directrices qui leur donnent le droit de diminuer le nombre d'inspections de sécurité et d'éliminer les sites d'inspection de sécurité certifiés. Jusqu'à présent, Transports Canada, notamment la direction de la sécurité ferroviaire, a permis et même appuyé cette position, en raison évidemment de la mode en matière de déréglementation.

Le profit est l'objectif essentiel qui est poursuivi. Paul Tellier, président du CN, a dit, à je ne sais combien de reprises, que le profit est l'objectif essentiel que doit viser le CN. Le profit récemment annoncé de 550 millions de dollars a été réalisé en grande partie en diminuant les programmes d'entretien des chemins de fer, des locomotives et des wagons et le processus se poursuit. C'est l'objectif visé. À notre avis, les chemins de fer réalisent des profits, mais cela ne va pas durer éternellement.

Les chemins de fer ont éliminé des milliers d'emplois d'entretien de wagons et de locomotives ces dix dernières années. Le nombre de ces emplois a été en fait réduit de moitié, au bas mot.

Le CN avait à un moment trois grands ateliers de révision: Moncton, Pointe Saint-Charles, à Montréal, et Transcona, à Winnipeg. Il ne reste plus que Transcona dont l'avenir est mis en question.

Ces deux dernières années, parmi les ateliers d'entretien courants fermés, on peut citer celui de la gare de triage Gordon à Moncton, celui de la gare de triage Taschereau à Montréal et ceux de Thunder Bay. Au sujet de la gare de triage de Taschereau à Montréal, le CN a fermé une installation de réparation relativement moderne dont la capacité était très importante. Les employés travaillent maintenant à l'extérieur par tous les temps et dans la neige. Il s'agit d'employés d'âge moyen. Le message est tout à fait clair. Il s'agit de réparer au strict minimum. Cela n'a jamais été dit ouvertement, mais c'est toujours clairement compris.

Le CN a fermé beaucoup d'autres endroits et je vais en citer quelques-uns. À St. John's, Terre-Neuve, Terra Transport est fermé. Dauphin, au Manitoba, est fermé. Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, va être bientôt fermé.

Certaines installations de réparation, notamment celles du CN, ne comprennent plus qu'une poignée de mécaniciens du matériel roulant pour les inspections, les réparations et le travail d'urgence. Certains sites comme Jasper, Calgary, The Pas, Brandon, Hornpayne, Senneterre, Garneau, Campbellton, Edmundston et Halifax sont surchargés et ont atteint leur limite en raison du manque d'outils, du manque de capitaux pour les réparations et de l'absence générale de volonté et d'engagement pour un programme d'entretien à long terme.

Le 1er septembre 1996, le CN a éliminé neuf sites d'inspection de sécurité certifiés. En d'autres termes, la plupart des trains n'y sont pas inspectés par des mécaniciens qualifiés.

Le 29 août et le 13 septembre, j'ai écrit au ministre des Transports pour lui faire part de notre stupéfaction et pour l'inciter vivement à annuler ces fermetures qui représentent une menace pour la sécurité. Il s'agit de St. John's, à Terre-Neuve; Campbellton, au Nouveau-Brunswick; Rockingham et Dartmouth, en Nouvelle-Écosse; Senneterre, au Québec; Hornepayne, Capreol, Oshawa et Hamilton, en Ontario. On a amenuisé de nombreux autres sites d'inspection de sécurité certifiés ces deux ou trois dernières années. Cela, bien sûr, a eu un effet négatif. Je le répète, je ne saurai trop insister sur le fait que c'est l'objectif du profit que l'on poursuit de plus en plus.

À une époque, le CN comprenait un groupe de vérification à l'administration centrale, à Montréal. Ces vérificateurs devaient parcourir le pays pour s'assurer du respect des règlements internes d'entretien qui, pour la plupart, à cette époque, dépassaient de loin les exigences minimales fixées par les règlements généraux de Transports Canada. Cette équipe de vérification n'existe plus. Les vérificateurs vérifiaient également les règlements d'entretien des moteurs, des locomotives, ainsi que les normes américaines relatives aux wagons.

Au début des années 70, le CN en particulier, avait la réputation de représenter la norme nord-américaine. La plupart des chemins de fer en Amérique du Nord considéraient le CN comme un modèle novateur, proactif dont les parcs de matériel roulant étaient sûrs, fiables et modernes. Cette réputation a disparu depuis longtemps, puisque tout est axé sur le profit.

Par l'entremise de l'Association des chemins de fer du Canada, les chemins de fer ont proposé de nouvelles règles pour les locomotives et les wagons de passagers. Très franchement, certaines de ces règles font peur. Les chemins de fer ont proposé que l'on diminue l'épaisseur de la jante des locomotives de ligne. Il s'agit de réduire l'épaisseur de la jante d'un pouce à trois-quarts de pouce. C'est énorme.

À première vue, on penserait que l'épaisseur de la jante est d'un quart de pouce. Toutefois, nous avons un demi-pouce sur le diamètre de la roue d'une locomotive.

Les États-Unis d'Amérique servent d'exemple pour l'industrie ferroviaire. Aux États-Unis, la norme minimale du ministère du transport ferroviaire est d'un pouce pour ce qui est de l'épaisseur de la jante des roues de locomotive; cette norme est maintenue. Je trouve cet état de choses particulièrement inquiétant. Bien qu'il n'ait pas encore approuvé ces règles, Transports Canada s'est en fait contenté d'approuver automatiquement tout ce que proposent les chemins de fer, jusqu'à présent en tous les cas.

Autre point particulièrement inquiétant à propos des locomotives, c'est que les locomotives d'aujourd'hui par rapport à celles d'il y a 10 ou 20 ans ont une puissance nominale en horse-power beaucoup plus élevée, sont plus lourdes et sont dotées de systèmes de traction beaucoup plus efficaces qui exercent plus de force et de contraintes sur les roues et les essieux. Les essieux moteurs sont ce qu'il y a de plus important en matière de sécurité dans une locomotive. En cas de défaillance de l'essieu -- qui se traduirait par une séparation ou une fracture --, la locomotive déraillerait si elle a atteint la vitesse en voie, puisqu'elle est la partie la plus lourde du train. Les wagons s'empileraient littéralement comme une corde de bois. C'est ce qui s'est produit à Oakville, au Manitoba, en décembre 1992. Oakville est une petite localité située à environ 40 milles à l'ouest de Winnipeg. C'est ce qui a causé cet accident.

Sans entrer dans les détails, j'étais à ce moment-là agent de la société et agent de sécurité du district. En ce qui concerne cet accident, pour éviter toute défaillance de l'essieu de la locomotive, le CN a recommandé, entre autres, que l'on abandonne le système WIC de palier de suspension.

Sans entrer dans les détails techniques de ce que cela représente, je dirais qu'il s'agit essentiellement d'une mesure d'entretien préventif. Nous avons recommandé que cela se fasse une fois par an. Le chemin de fer n'y a pas donné suite; le service mécanique n'y a pas donné suite. C'est ce qui peut se produire lorsque l'entretien n'est pas fait.

J'aimerais également m'élever contre la baisse générale de la qualité de l'entretien des locomotives ces 15 ou 20 dernières années. À une époque, les locomotives étaient inspectées à l'atelier tous les 30 jours. Puis, tous les 45, tous les 60 et tous les 90 jours. À l'heure actuelle, c'est tous les 180 jours.

C'est désastreux compte tenu de l'augmentation du nombre des défaillances des locomotives. Les chemins de fer s'adaptent maintenant, beaucoup de ces défaillances de locomotives n'étant pas nécessairement des problèmes de sécurité, mais des problèmes mécaniques qui font que l'on ne peut plus utiliser la locomotive, laquelle ne peut tirer la charge utile.

Cela montre une fois de plus que les sociétés de chemins de fer sont décidées à continuer d'abaisser les normes, à faire des compressions trop importantes pour ensuite se réadapter. C'est ce qui s'est produit dans le cas de l'entretien des locomotives.

J'aimerais maintenant passer à la situation à VIA Rail. Au sujet de la norme de l'épaisseur de la jante qui doit être d'un pouce, elle veut adopter une épaisseur de onze seizièmes. Cela réduirait l'épaisseur de la jante d'une roue de cinq huitièmes d'un pouce. Nous sommes convaincus que c'est dangereux et espérons que Transports Canada se penchera sur la question.

Depuis la fin de l'année 1990, les trains de passagers transcontinentaux n'ont pas subi d'inspection de sécurité complète; je veux parler des trains de Vancouver à Toronto. Winnipeg a été éliminé en 1990.

Ceci étant dit, nous allons essayer de mettre tout le monde au courant de certaines des questions particulières qui nous inquiètent véritablement dans le domaine de la sécurité ferroviaire.

M. Denis Cross, section locale 101, CP Rail, Travailleurs canadiens de l'automobile: Ce que les autres syndicats de chemins de fer ont à dire à ce sujet m'intéresse également.

Je viens de l'ouest du Canada. Nous connaissons à l'heure actuelle une crise dans le transport du grain dans l'Ouest à cause d'une crise dans l'industrie du chemin de fer. Cette dernière crise s'explique par le fait que le CP et le CN ont pu se retirer de l'entretien de leur matériel depuis trois ou quatre ans. Cela n'est pas surprenant pour les 4 000 travailleurs que je représente, car ce sont eux qui inspectent les wagons de marchandises et les locomotives et en assurent l'entretien. En ce moment, nos gens travaillent 24 heures sur 24, sept jours par semaine et leur charge de travail est le double de la norme. En général, notre atelier de Vancouver est en situation de crise, lorsque 150 wagons doivent être réparés pour des raisons de sécurité. À l'heure actuelle, il y en a bien plus que 400. Cela donne une idée de la situation des ateliers dans tout le Canada.

Notre syndicat doit se réunir plus tard en soirée à Calgary et rencontrer le ministre de l'Agriculture. De notre point de vue, c'est le ministre des Transports, M. Anderson, qui devrait intervenir et revenir sur ce qu'a fait M. Young, lorsqu'il était ministre des Transports il y a deux ans et qu'il a déréglementé la sécurité ferroviaire au Canada, encouragé en cela par Transports Canada et par M. Churcher.

Aux États-Unis, les médias ont fait des gorges chaudes ces quelques dernières années de Newt Gingrich et des sénateurs républicains qui permettent à l'industrie de fixer ses propres règlements. C'est ce qui se passe dans l'industrie ferroviaire depuis plus de cinq ans.

Nous vous avons remis un tableau des déraillements. Si nous étions remontés plus loin, le tableau aurait montré que le nombre des déraillements s'est stabilisé et a diminué après 1984 et 1986 au moment où les recommandations Grange ont été incluses dans deux séries de règlements, l'une sur l'inspection des wagons de marchandises et l'autre sur les freins de train. Toutefois, à partir de 1993 et de 1994, M. Young a de nouveau instauré la déréglementation. Ce tableau montre l'augmentation du nombre des déraillements et des déraillements liés au matériel à ce moment-là.

Le gouvernement fédéral doit agir, car c'est lui qui a causé la crise dont les agriculteurs de l'Ouest du Canada doivent subir les conséquences, puisqu'ils doivent maintenant payer des frais d'entreposage qui s'élèvent à des millions de dollars.

M. Timothy S. Secord, conseiller à la législation canadienne, Travailleurs unis des transports: Le mémoire que j'ai remis au greffier est un document public si bien que je ne vais pas le parcourir, à l'exception du résumé.

Notre intention n'étant pas de nous en tenir aux critiques, nous proposons les mesures suivantes dont l'objet est de garantir l'intégrité et la sécurité de l'infrastructure ferroviaire. Nous nous permettons de placer ces suggestions sous quatre rubriques: Règlements et organismes de réglementation; Politiques; Bureau de la sécurité des transports et Compagnies de chemin de fer.

Sous la rubrique Règlements et organismes de réglementation, le recours à des normes de performance, dans le cadre d'un système d'autoréglementation, doit être abandonné. Les normes de performance et l'autoréglementation ne peuvent garantir le niveau de sécurité ferroviaire qui est dans le meilleur intérêt de la population.

Il faut rétablir les normes minimales d'inspection et de sécurité des wagons de marchandises afin d'assurer que le matériel ferroviaire est testé et inspecté de façon appropriée et minutieuse par des personnes autorisées à le faire. Comme il est noté dans l'arrêté RTC R-37228:

Le Comité du transport par chemin de fer a décidé que la promulgation des mesures provisoires qui se trouvent à l'Annexe ci-jointe est nécessaire pour garantir la protection, la sécurité, la commodité et le confort du public et des employés de chemin de fer dans le cadre de l'exploitation des liaisons ferroviaires.

De notre point de vue, l'industrie ferroviaire n'a pas évolué au point où cela justifierait la modification substantielle des normes citées ci-dessus, qui a été autorisée par Transports Canada. L'équipement et le processus sont toujours les mêmes. Ce qui a changé, ce sont les gens et les conditions économiques que doit prendre en compte l'organisme de réglementation.

Le respect des dispositions législatives doit s'inscrire dans le cadre de la prévention. Ces dispositions doivent être strictement exécutées et le ministère peut établir partiellement sa crédibilité en la matière en démontrant, par les poursuites qu'il intente, qu'il applique le principe de la tolérance zéro.

Transports Canada doit cesser de tenir compte des intérêts d'un seul client -- les compagnies de chemin de fer. Les règlements et la Loi sur la sécurité ferroviaire existent pour protéger les compagnies ferroviaires, les employés et le public, et non pour améliorer les perspectives économiques des compagnies.

Transports Canada doit modifier ses méthodes de recrutement afin d'engager des gens compétents qui représentent tous les secteurs de l'industrie ferroviaire, pas uniquement la direction. N'oublions pas que les gestionnaires si facilement embauchés par Transports Canada sont ceux qui étaient à l'origine des problèmes concernant le respect des règlements lorsqu'ils travaillaient pour leur précédent employeur.

Les représentants de Transports Canada doivent être plus vigilants lorsqu'ils font la revue des procès-verbaux des comités de sécurité, afin de faire en sorte que les événements tragiques qui ont eu lieu en août dernier ne se renouvellent pas. Le ministère a le pouvoir d'intervenir et de promouvoir la sécurité dans toutes les activités ferroviaires: encore faut-il qu'il l'utilise. En outre, le ministère ne doit pas se contenter de considérer les conclusions et les recommandations du BST, il doit prendre des mesures appropriées.

Les parties affectées par les décisions prises par le Conseil consultatif sur le transport des marchandises dangereuses doivent être représentées au sein de cet organe de façon plus appropriée. On ne doit pas réserver, au sein du Conseil, un rôle subalterne aux syndicats, et laisser les entreprises et Transports Canada déterminer l'orientation des discussions.

Même si la question n'a pas été soulevée auparavant, la mise en oeuvre du programme appelé «Operation Respond» dans tout le Canada, afin de compléter le système du Centre canadien d'urgence transport, aura des effets bénéfiques et appuiera les initiatives du Conseil consultatif du ministre. «Operation Respond» peut jouer un rôle vital lors d'accidents mettant en cause des marchandises dangereuses et représenter une mesure de sécurité supplémentaire qui protégera le premier intervenant, les employés et le public.

Les problèmes de compétence résultant du protocole d'entente entre Travail Canada et Transports Canada doivent être résolus. De notre point de vue, il n'existe aucune raison logique pour qu'un agent de sécurité de DHRC-Travail ne puisse se charger de l'exécution de la réglementation et de l'application des règlements relatifs à la santé et à la sécurité au travail, sinon qu'il existe un protocole d'entente.

Transports Canada ne doit pas continuer à autoriser la circulation de trains exploités par une seule personne au Canada. Sans réexaminer en détail les arguments présentés au ministre des Transports à l'appui de notre requête, nous nous contentons de faire remarquer que prétendre que l'on peut assurer ainsi un niveau de sécurité équivalent à celui qui existe lorsque le train est exploité par deux personnes est, pour parler franchement, totalement absurde.

Les compagnies de chemin de fer canadiennes doivent être tenues de respecter une disposition législative comparable à celle qui est en vigueur aux États-Unis, laquelle fixe des heures de service, ce qui garantit aux employés un traitement équitable qui assure un niveau de sécurité constant pour la population.

La politique fiscale du gouvernement a un impact direct sur la sécurité des activités ferroviaires dans ce pays. Les pouvoirs publics cherchent à réduire le déficit, mais les politiques économiques nationales qu'ils instaurent se traduisent par des pressions sur les services gouvernementaux chargés d'administrer les règlements qui assurent actuellement la sécurité publique. Lorsque l'impact de ces politiques sur les ministères et les règlements est négatif, cela se traduit par une moins grande sécurité publique. Le gouvernement du Canada doit abandonner toute politique, économique ou autre, qui, en bout de ligne, a des conséquences néfastes sur la sécurité publique.

Le gouvernement doit mettre en oeuvre une politique nationale en matière de transport qui soit polyvalente et qui tienne compte du rôle que jouent tous les moyens de transport. C'est en les utilisant de façon efficace, sécuritaire et complémentaire que l'on assurera l'intégrité future de l'infrastructure des transports au Canada. C'est cette même infrastructure que le gouvernement est actuellement en train de démanteler par le biais de ses politiques économiques et de la déréglementation, et en laissant s'exercer les forces du marché.

Le Bureau de la sécurité des transports doit être complètement détaché de l'organe gouvernemental chargé de la réglementation ferroviaire, quel qu'il soit. Le BST doit être autonome et avoir le pouvoir de mettre en oeuvre ses recommandations sans que Transports Canada puisse intervenir; sinon, le BST n'aura aucune influence et continuera d'être ignoré par des organes comme Transports Canada. On doit autoriser le BST à jouer le rôle défenseur de la population canadienne en ce qui concerne la sécurité des transports, et il doit avoir le pouvoir d'agir.

Les compagnies ferroviaires canadiennes doivent accorder à la sécurité une plus grande priorité que cela n'a été le cas auparavant. Elles ne peuvent plus s'intéresser à la question de la sécurité de façon théorique tout en liant les mains de ceux qui sont responsables de ce secteur. Les compagnies ferroviaires doivent s'assurer que ces responsables ont tout pouvoir en matière de sécurité au sein de la structure institutionnelle. La sécurité ne doit plus être considérée comme une question secondaire, ni être ignorée par les autres services de la compagnie.

En terminant, monsieur le président, je tiens à dire que je partage les préoccupations des Travailleurs canadiens de l'automobile concernant l'entretien, les inspections et les essais, de même que les problèmes entourant les inspecteurs de wagons et les endroits où les inspections de wagons sont effectuées.

M. Gary Housch, vice-président, Fraternité des préposés à l'entretien des voies: Je serai bref, puisque nous n'avons pas beaucoup de temps. J'espère bien profiter de cette table ronde parce que c'est la première fois que j'ai l'occasion de participer à une tribune comme celle-ci. J'attendais ce moment avec impatience.

C'est avec plaisir que je viens vous exposer le point de vue de la Fraternité des préposés à l'entretien des voies. Nous sommes un syndicat international qui représente essentiellement les employés affectés à la construction et à l'entretien des voies. Il n'y en a plus beaucoup qui sont construites, mais nous sommes chargés d'en assurer l'entretien.

Le système de livraison au moment adéquat exerce sur tous les intervenants des pressions énormes. Dans l'industrie du camionnage notamment, on fait tout pour assurer la livraison du matériel au moment adéquat, et les pénalités imposées pour les manquements à la sécurité sont peu sévères. La plupart des transporteurs, qui englobent les entreprises de camionnage et les compagnies ferroviaires, imposent des pénalités pour les livraisons tardives. La tendance est donc à la livraison au moment adéquat, peu importe les risques.

L'industrie du camionnage est en train de vivre ce phénomène, et l'industrie ferroviaire, elle, commence à en faire l'expérience. Toutefois, les mesures que prend l'industrie du camionnage se répercutent rapidement sur l'industrie ferroviaire. Ils peuvent continuer de réduire leurs coûts, en contournant notamment les règlements sur la sécurité.

En raison des compressions de personnel effectuées aussi bien au palier provincial que fédéral, il est de plus en plus difficile pour les organismes de réglementation d'assurer le respect des normes en vigueur. Que ces normes soient acceptables ou non, c'est une tout autre question.

Au cours des dix dernières années, la Fraternité des préposés à l'entretien des voies, tout comme les Travailleurs canadiens de l'automobile, a été décimée par les mises à pied et la réduction des effectifs. Environ 50 p. 100 de nos membres ont perdu leur emploi au cours des 10 dernières années. Durant cette période, le trafic a augmenté de façon exponentielle, les recettes par wagon ont chuté, et les dépenses consacrées à l'infrastructure ont diminué. Ces facteurs, combinés à la décroissance des effectifs, risquent d'entraîner des problèmes de sécurité et de provoquer des désastres.

Les statistiques, en général, se prêtent à toutes sortes d'interprétations. Ce que je trouve préoccupant, c'est que, de manière générale, entre 40 et 50 p. 100 des déraillements sur les voies principales sont causés par des défaillances. Le nombre de déraillements a beaucoup augmenté en 1996 par rapport à 1995. Les déraillements sur les voies principales ont fait un bond de 23 p. 100. Les déraillements mettant en cause des marchandises dangereuses ont augmenté de 43 p. 100, tandis que les déversements de marchandises dangereuses ont augmenté de 180 p. 100.

Il s'agit là d'un phénomène ponctuel. On pourrait arguer que ces chiffres ne veulent rien dire, et on aurait tout à fait raison. Je le concède. Toutefois, il s'agit là d'une augmentation assez importante du nombre de déraillements.

La réglementation de l'industrie ferroviaire par les provinces constitue une autre de nos préoccupations. Nous avons été témoins, durant les années 20, de la création du CN, mesure qui a eu pour effet de placer 90 p. 100 des chemins de fer sous le contrôle du gouvernement fédéral. Or, nous assistons aujourd'hui à un renversement de cette tendance. En fait, nous nous demandons si les provinces sont prêtes à réglementer l'industrie ferroviaire. Certaines ont volontairement adopté les normes fédérales, mais ces normes changent presque quotidiennement, tout comme les règles de l'Association des chemins de fer du Canada. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce qui se passe dans l'industrie du camionnage, où les intervenants n'ont pas réussi, après neuf ans de discussions, à s'entendre sur l'adoption d'un code national de sécurité pour les camions. La même chose risque de se produire ici.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous en train de dire que les provinces n'ont pas réussi à s'entendre entre elles, encore moins avec le gouvernement fédéral?

M. Housch: Le gouvernement fédéral participe aux discussions, absolument. Aux États-Unis, presque toutes les côtes et toutes les lignes ferroviaires sont assujetties aux lois et aux règlements fédéraux, ce qui n'est pas le cas au Canada. Aux termes de la Loi relative au commerce entre les États, tout ce qui est relié à un chemin de fer qui traverse un autre État est réglementé par le gouvernement fédéral. Au Canada, la situation est très différente.

Il y a des tendances qui se manifestent au niveau de la sécurité dans l'industrie du camionnage, et cela nous préoccupe beaucoup. Je tiens à préciser qu'il y a de la place pour tous les modes de transport, mais les compagnies ferroviaires affichent depuis toujours une meilleure cote de sécurité que les camions pour ce qui est du taux d'accidents mortels par milliard de tonnes-kilomètres de marchandises transportées. Le graphique de la page 9 établit une comparaison entre les camions et les trains.

Les chemins de fer sont beaucoup plus sécuritaires que les camions. Toutefois, il y a de fortes chances, si l'on se fonde sur le volume de marchandises dangereuses transportées par rail, qu'un accident ferroviaire prenne des proportions beaucoup plus alarmantes qu'un accident mettant en cause un seul camion.

En ce qui concerne la déréglementation, je suis d'accord avec tout ce que les Travailleurs canadiens de l'automobile, M. Secord et les Travailleurs unis des transports ont dit.

Les sénateurs se souviennent peut-être de l'enquête dont a fait l'objet, il y a quelques années, la vente de la ligne Truro-Sydney. La Fraternité des préposés à l'entretien des voies avait fait venir des États-Unis un certain M. Dempsey pour qu'il témoigne devant le comité. M. Dempsey a établi un parallèle entre la réglementation et les sports. On s'apprêtait à ce moment-là à célébrer le Super Bowl. Il a dit que le football était un sport passionnant parce qu'il était bien réglementé, qu'à défaut de règlements, c'est l'équipe, le club le plus imposant qui remporterait le match. Le sport est bien réglementé. Les équipes plus faibles obtiennent les meilleurs choix au repêchage. Les règles du jeu sont uniformisées afin de créer une saine concurrence.

C'est exactement le contraire de ce que diraient la plupart des gens au sujet de la déréglementation. Ils affirmeraient que la déréglementation mettrait un terme à la concurrence. M. Dempsey s'est montré très astucieux lorsqu'il a fait ce parallèle.

M. Second a parlé du bureau de la sécurité. Nous avons de grandes inquiétudes au sujet du temps qu'il met à publier ses rapports. Il est ridicule d'attendre un an et demi pour avoir un rapport d'incident.

En ce qui concerne les normes qui s'appliquent aux wagons de marchandises, je suis tout à fait d'accord avec les Travailleurs canadiens de l'automobile. La Fraternité des préposés à l'entretien des voies s'était penchée sur la question de l'établissement de normes minimales de sécurité ferroviaire juste avant qu'elles ne soient instituées. En fait, il n'existait aucun règlement sur la sécurité ferroviaire en 1992. Le CN et le CP avaient adopté des normes volontaires qui étaient tout à fait adéquates. Lorsque le gouvernement leur a demandé d'établir des normes, ils se sont tournés vers les États-Unis et ont utilisé les normes appliquées par la FRA, qui étaient nettement inférieures aux normes qu'ils appliquaient volontairement depuis 30 ou 40 ans.

La même chose est en train de se produire avec les normes et les règlements de l'industrie. Le gouvernement devrait se pencher sur cette question afin de voir s'il n'y a pas lieu d'adopter une loi en la matière. Il s'agit là d'un grave problème.

Le président: Vous avez soulevé un point important. Je me suis souvent posé des questions à ce sujet parce que la qualité de l'acier qui entre dans la fabrication des rails est très importante. Il n'existe aucune norme dans ce domaine. Est-ce parce que le travail est effectué par contrat et par appel d'offres, ou parce qu'on a de la difficulté à instituer des normes acceptables? Est-ce vrai qu'on avait l'habitude de dire au sein de l'industrie que les normes applicables aux rails étaient sévères et coûteuses et qu'il fallait les assouplir?

M. Housch: Cela s'est déjà vu.

Le président: On disait que la norme serait fixée à «x» dollars par mille de voie, et que les normes établies par les aciéries seraient automatiquement appliquées.

M. Housch: Je ne sais pas si les compagnies ferroviaires ont déjà indiqué au ministre les normes qu'elles appliquent en ce qui concerne l'usure des rails. Nous savons que ces normes changent constamment. En fait, les compagnies se montrent de plus en plus laxistes à ce sujet.

Le président: Vous soulevez cette question à nouveau? Je pensais qu'on avait tiré les choses au clair.

M. Housch: Les compagnies ferroviaires peuvent établir leurs propres normes, et c'est ce qui est inquiétant. Je ne sais pas si c'est une bonne chose.

Mme Walker: Je tiens à dire que je partage le point de vue de MM. Secord et Housch.

Le sénateur Bacon: Vous laissez entendre, dans votre mémoire, que le déraillement de Mississauga a constitué un point tournant. Si je me souviens bien, le déraillement est survenu avant la déréglementation, non pas après. Corrigez-moi si je me trompe. Je ne crois pas qu'on puisse attribuer ces accidents à la déréglementation, parce qu'ils se sont produit avant qu'elle n'entre en vigueur.

Y a-t-il d'autres facteurs qui sont à l'origine des incidents ou des accidents, comme l'entretien des rails, des wagons, des voies ou, peut-être, les intempéries ou l'abus de substances?

M. Cross: Dans le cas de Mississauga, l'enquête Grange a permis de mettre en lumière le fait que l'industrie ferroviaire n'était soumise à aucune réglementation. Il n'y avait pas de règlements qui s'appliquaient aux voies ferrées, aux inspections des wagons, aux freins des trains. C'est par la suite qu'ils ont été élaborés. Dans le cas des wagons et des freins à air, les règlements pertinents ont été établis en 1984 et en 1986. Ce n'est que dans les années 90 que des normes ont été fixées pour les voies ferrées.

Depuis, on a essayé une nouvelle fois de déréglementer l'industrie. Les règlements ont été institués après l'incident de Mississauga. Depuis, même si l'expérience a été positive et que les chemins de fer sont devenus plus sécuritaires, de nouvelles mesures visant à déréglementer l'industrie ont été adoptées sous le régime du ministre Young.

Le sénateur Bacon: Qu'en est-il de l'entretien des wagons et des voies ferrées? Les intempéries peuvent également agir là-dessus. L'abus de substances intoxicantes a aussi été à l'origine de certains accidents.

M. Cross: Je ne crois pas que ce facteur ait été cerné comme une cause d'accidents au Canada. Je n'ai jamais vu de rapport du BST qui indiquait que l'abus de substances intoxicantes ou l'erreur humaine était à l'origine d'un déraillement important. De nombreux accidents, y compris celui de Mississauga, ont été causés par de l'équipement défectueux.

Le sénateur Bacon: On a dit que la loi sur la sécurité ferroviaire ne s'applique pas aux lignes sur courtes distances. Si j'ai bien compris, ces lignes se raccordent plus souvent qu'autrement à des lignes principales. Elles doivent dans ces cas respecter les mêmes normes de sécurité, n'est-ce pas?

M. Housch: Les wagons seraient assujettis aux mêmes normes qui s'appliquent aux voies principales. Je ne sais pas s'ils seraient inspectés au point d'échange. Toutefois, les compagnies ne sont pas obligées de maintenir leur infrastructure en fonction de normes précises, sauf celles établies par la province.

En ce qui concerne vos autres questions, vous avez raison. Les conditions météorologiques au Canada influent beaucoup sur l'état des voies ferrées. Le problème, c'est que les compagnies canadiennes comparent constamment leur productivité à celle des compagnies ferroviaires américaines qui, elles, ne sont pas confrontées aux mêmes problèmes. Elles disent toujours qu'elles ne sont pas aussi productives que les compagnies américaines. Il est évident qu'elles ne sont pas aussi productives que l'UP, par exemple, dans le sud des États-Unis. Il est pratiquement impossible d'atteindre le même niveau de production lorsque vous devez composer avec la neige et des températures de -40 degrés. Les rails se brisent. Elles sont faites d'acier.

Le sénateur Bacon: Un des témoins a laissé entendre que les compagnies ferroviaires dont les employés sont syndiqués sont plus sécuritaires que les compagnies dont les employés ne le sont pas. Avez-vous des chiffres à l'appui de cet argument? J'aimerais savoir comment le fait d'avoir des employés syndiqués influe sur la sécurité.

Mme Walker: C'est un sujet que nous avions l'intention d'aborder plus loin dans notre exposé. Je pourrais en parler maintenant, si vous voulez, et vous entretenir aussi des tests de dépistage de la consommation d'alcool et de drogue, un sujet connexe.

Le sénateur Bacon: Indiquez-moi où cela se trouve dans votre mémoire.

Mme Walker: Nous abordons le sujet à la page 14 de notre mémoire où il est question de la compétence des syndicats en matière de santé et de sécurité. En ce qui a trait au dépistage de la consommation d'alcool et de drogue, nous en parlons à la page 12.

Le sénateur Bacon: Quelle est l'attitude des syndicats à l'égard des programmes de dépistage de la consommation de drogue? Selon vous, le dépistage devrait-il se faire au moyen de contrôles-surprises ou devrait-il être obligatoire? Mes collègues savent que c'est ma question favorite.

Mme Walker: Nous nous y opposons parce que le dépistage de la consommation d'alcool et de drogue ne fait que mesurer la consommation. Cela ne nous intéresse pas. En tant que collègue de travail ou passager à bord d'un train, cela ne m'intéresse pas de savoir si quelqu'un a consommé ou non de la marijuana il y a quelques semaines pendant ses heures de loisir, parce que cela ne me dit pas si sa vigilance risque d'être perturbée aujourd'hui. En tant que membre du public et peut-être en tant que collègue, je suis concerné si la vigilance de quelqu'un est perturbée. La vigilance peut être perturbée pour bien d'autres raisons. Le point que nous faisons ressortir dans notre mémoire tout de suite après avoir parlé du dépistage de la consommation de drogue et d'alcool, c'est que la fatigue est la principale cause de la baisse de la vigilance dans l'industrie du transport, plus particulièrement dans le cas du camionnage. C'est un problème beaucoup plus grave que nous aimerions voir régler par voie de réglementation.

Le dépistage de la consommation d'alcool et de drogue au moyen de contrôles-surprises enfreint de toute évidence les droits de la personne. Cet exercice ne permet aucunement d'améliorer la santé et la sécurité tant des travailleurs que du grand public.

M. Secord: En ce qui a trait à l'abus d'intoxicants, aux États-Unis l'an dernier, moins de 1 p. cent de tous ces tests ont été positifs.

Le sénateur Bacon: Qu'en est-il des résultats canadiens?

M. Secord: Nous n'avons pas de loi fédérale en la matière.

M. Housch: Nous parlions d'un échantillonnage au hasard.

M. Secord: Si nous considérons les États-Unis dont l'industrie est presque 10 fois plus importante que la nôtre et où on a répertorié moins de un pour cent d'abus, cela nous donne une idée du besoin que nous avons ici pour le même genre de dépistage. Comme l'a dit Mme Walker, là n'est pas le problème.

Le sénateur Bacon: C'est davantage la fatigue, n'est-ce pas?

M. Secord: En effet, c'est le plus grave problème.

Le président: Je suis sûr que la consommation doit laisser entrevoir la possibilité d'abus. Si vous en consommez une fois, quelle différence cela fait-il? Si vous me preniez sur le fait aujourd'hui, il est possible que je sois un consommateur. J'en prendrai peut-être encore demain et trois ou quatre fois le jour d'après. Tout ce que cela signifie c'est que vous ne m'attraperez pas les trois prochains jours. Le consommateur habituel de «drogues» ne présente-t-il pas un risque et un danger potentiel?

Mme Walker: C'est une bonne question.

Le président: Mme Walker détient un poste comportant de nombreuses responsabilités et elle a dit que cela lui était égal. Je me demande si vous pensez au risque.

Mme Walker: Personnellement, je ne consomme pas de boisson alcoolique et je préconise l'interdiction de l'alcool. Cependant, je ne crois pas que cette prise de position sociale soit acceptable au Canada aujourd'hui. La plus grande substance dont on abuse aujourd'hui dans notre société, c'est l'alcool. C'est un produit légal, les gens qui en consomment la veille peuvent aller travailler le lendemain. Vraiment, cela n'a rien à voir avec la question de savoir si cette personne travaille avec des facultés affaiblies.

Le président: C'est le point que je faisais ressortir.

Mme Walker: Pour moi, l'important est de savoir si cette personne travaille avec des facultés affaiblies? Nous ne sommes pas d'accord pour que les gens viennent travailler avec des facultés affaiblies, mais peu m'importe ce que les gens peuvent consommer dans leurs moments de loisir.

Le président: Je dois dire que cela me fait peur.

M. Secord: Sénateur, en réponse à cela, je ne suis certes pas en désaccord avec Mme Walker à cet égard. Je m'inquiète de la baisse de la vigilance au travail. Nous appuyons les efforts déployés en vue d'empêcher que cela se produise, mais nous ne sommes pas en faveur du dépistage obligatoire de la consommation de drogue. Si vous deviez considérer toutes les questions qui ont une incidence sur la sécurité dans le secteur des chemins de fer et les personnes qui ont pris ces décisions quant aux changements qui ont nui à la sécurité, j'irais presque jusqu'à dire qu'il vaudrait mieux faire passer des tests de dépistage aux membres des conseils d'administration des compagnies plutôt qu'aux employés. C'est à ces pantins que nous devons les décisions qui se répercutent sur nos membres tous les jours et qui les emportent. Ce sont eux qui devraient être assujettis à des tests de dépistage, pas nos membres.

Le président: Ce n'est pas très rationnel comme réponse à la question que je pose au sujet du danger ou du risque que cela représente. Pour moi, ce danger ou ce risque existe. Je ne conteste pas ce que vous dites. Vous pouvez avoir raison comme vous pouvez vous tromper complètement. Là n'est pas la question.

Avez-vous des données qui nous aideraient à déterminer si les chemins de fer secondaires sont plus sûrs ou si l'on y dénombre plus d'accidents que sur les lignes de chemin de fer de catégorie 1. Est-il trop tôt pour nous fournir ce genre de données?

M. Secord: C'est peut-être prématuré. Transports Canada devrait avoir des chiffres là-dessus. Il devrait sûrement en avoir concernant la situation aux États-Unis et il pourrait vous renseigner à ce sujet.

M. Housch: Nous suivons la situation américaine de très près. Je suis sûr que nous pouvons vous obtenir ces données.

Le président: Pourriez-vous en fournir au greffier?

M. Housch: Bien sûr.

Le président: Je vous remercie.

Le sénateur Roberge: Je crois comprendre d'après ce que vous avez dit plus tôt qu'il existe, au sein des entreprises, des comités de santé et de sécurité composés de représentants de la direction et des syndicats et pour lesquels on rédige des procès-verbaux et on assure vraiment un suivi. Ai-je raison de croire que ces procès-verbaux sont envoyés au ministre des Transports? Pourriez-vous nous expliquer le processus?

M. Bourrier: Ils le sont dans certains cas. Nous faisons ici une distinction. Nous avons d'une part la sécurité opérationnelle des chemins de fer et d'autre part l'hygiène et la sécurité du travail, du travailleur et de l'industrie. Notre syndicat en est probablement le meilleur exemple. Un grand nombre de nos membres travaillent dans des ateliers et sont exposés au même genre de risques et de dangers que d'autres travailleurs dans les usines de montage d'automobiles.

Ces comités de santé et de sécurité sur nos lieux de travail sont régis par la Partie II du Code canadien du travail et par la Réglementation canadienne en matière de santé et de sécurité au travail. Ils sont sous l'autorité réglementante, si vous voulez, de ce qui était auparavant Travail Canada et qui est maintenant Développement des Ressources humaines Canada.

D'autre part, en ce qui a trait à la sécurité opérationnelle des voies ferrées, nous avons des comités de santé et de sécurité qui sont aussi régis par la Partie II du Code canadien du travail. Cependant, c'est le Règlement sur la sécurité et la santé au travail (trains) qui intervient dans ce cas-ci. C'est Transports Canada qui les réglemente.

Pour répondre à la question générale, oui, nous avons des comités de santé et de sécurité dont la structure est assez bonne. La participation est importante au sein de ces comités et nous y signalons beaucoup de risques et de dangers. Ce dont nous nous plaignons surtout, c'est qu'on ne réagit pas assez vite et qu'on ne prend pas assez au sérieux les risques que nous signalons.

Le sénateur Roberge: Qui n'y réagit pas? La société?

M. Bourrier: Les compagnies de chemin de fer.

M. Ben Bachl, section locale 2213, Air Ontario, Travailleurs canadiens de l'automobile: Si je puis ajouter quelque chose à cela, les comités de santé et de sécurité ne peuvent que faire des recommandations. Les compagnies ne sont pas tenues d'y donner suite.

Le sénateur Roberge: Et les procès-verbaux ne sont pas envoyés au ministère des Transports aux fins de supervision.

M. Bachl: On les met à sa disposition, mais on ne les lui envoie pas nécessairement.

M. Secord: Les observations sur les procès-verbaux ont été faites dans mon résumé. Elles découlaient directement des problèmes que nous avons eus lors de la collision qui est survenue à Edson en Alberta, en août dernier. Le comité mixte avait fait des recommandations à l'employeur. Transports Canada est tenu de revoir ces procès-verbaux. Le ministère est censé réglementer et contrôler le fonctionnement des comités de sécurité. Qu'il ait vu ou non ces procès-verbaux ou qu'il n'en ait tout simplement pas tenu compte, lorsque le comité mixte a recommandé au CN en 1992 de remettre en place le dérailleur là où il avait été enlevé, personne n'a rien fait à ce sujet. Le CN ne l'a pas remis en place et n'a pas écouté le comité mixte. Pour une raison quelconque, Transports Canada n'est pas intervenu. Ce qui est plus inquiétant au sujet de l'inaction de Transports Canada, c'est que le BST lui avait déjà recommandé de s'assurer que ces dérailleurs étaient en place, mais rien n'avait été fait. Nous nous sommes ainsi retrouvés avec quelques morts sur les bras et, j'en suis sûr, quelques autres accidents. Pour savoir ce qui s'est passé, nous devons attendre le rapport du BST.

Le président: Quand ce rapport sera-t-il prêt?

M. Secord: Je crois comprendre que l'ébauche devrait être publiée ce mois-ci. Le BST manque lui aussi de personnel.

Le sénateur Roberge: Pour changer de sujet, qu'en est-il du processus d'inspection? Pourriez-vous nous en donner un bref aperçu?

M. Cross; En ce qui concerne les voies?

Le sénateur Roberge: Les défauts de rail.

M. Housch: C'est à moi de jouer. Jusqu'à l'adoption des normes minimales sur les voies ferrées, la compagnie de chemin de fer inspectait volontairement la plupart d'entre elles à raison de trois fois par semaine. On en est maintenant rendu à deux fois par semaine.

Le sénateur Roberge: Est-ce que l'inspection était faite par les employés des chemins de fer?

M. Housch: Oui. Le contremaître de la voie avait l'habitude de faire lui-même sa propre inspection. Cette tâche est maintenant effectuée par le personnel surveillant. Dans bien des cas, ces surveillants doivent inspecter deux ou trois fois par semaine entre 100 ou 150 milles de voies. Pour ce faire, ils doivent se déplacer sur la voie à faible vitesse afin de repérer toute condition dangereuse: un rail ou des éclisses brisés, des boulons et des crampons manquants et des traverses défectueuses. Nous estimons que ces inspections sont à l'heure actuelle faites à la hâte par des gens qui ne détiennent pas vraiment au sein de la compagnie un poste leur permettant d'avoir le courage de dire que des mesures doivent être prises.

Dans le cas des voies très achalandées, on fait circuler deux fois l'an un wagon d'auscultation de la voie, une voiture d'enregistrement de l'état de la voie. Le wagon d'inspection sur rail y circule en général une fois l'an. Cela se fait sur les voies ferrées très achalandées qui supportent un gros volume de tonnes-mille brutes de marchandises.

Nous avons toujours fait valoir au ministère, au fil des ans, que la personne toute désignée pour faire ces inspections est celle qui travaille sur cette voie tous les jours, qui la connaît dans ses moindres détails, qui est au courant des secteurs qui posent problème et qui veille à son bon fonctionnement.

À l'heure actuelle, c'est un supérieur qui patrouille ou inspecte en général trois ou quatre territoires et qui indique au contremaître les prochains travaux qu'il veut voir effectuer. Ils ont retiré au travailleur toute la planification du travail pour la confier à la gestion. C'est une décision politique. Ils épargnent ainsi beaucoup d'argent. C'était leur décision et ils ont choisi d'agir de la sorte. Dans l'ensemble, je crois que la sécurité en souffrira à long terme.

M. Cross: En ce qui concerne le matériel ferroviaire, notre personnel l'inspecte de même que les freins à commande pneumatique à bord des trains. Les normes minimales en ce qui a trait aux wagons à marchandises et aux freins à commande pneumatique exigeaient une inspection du train à l'arrêt. Nos inspecteurs apprentis qualifiés du matériel roulant circulaient dans le train au complet et procédaient à une inspection visuelle à la gare de départ. Disons que c'est Vancouver. S'il s'agit d'un train transcontinental, il serait de nouveau inspecté à Winnipeg. Cependant, lorsque Doug Young a déréglementé en 1994, il a supprimé cette inspection. Nous avons découvert que lorsque Transports Canada faisait des vérifications, il obtenait des taux de défectuosité de 6, 7 et 8 p. 100; les taux obtenus à l'heure actuelle dépassent les 20 p. 100.

Un train transportant du charbon à Roberts Bank dans la vallée du Bas Fraser en Colombie-Britannique a été inspecté par Transports Canada le 6 février. Vingt-quatre des 112 wagons comportaient des avaries compromettant la sécurité. Le point de référence utilisé auparavant par le ministère était de 6 ou 7 p. 100, le même que pour les freins à commande pneumatique des trains. Nous soutenons que la hausse consécutive des déraillements est directement attribuable à la déréglementation.

J'ai travaillé plusieurs années à Winnipeg dans un parc à matériel roulant du Canadien Pacifique. Dans ces parcs, la dynamique est telle que les trains doivent partir à n'importe quel prix. La pression était énorme pour les gestionnaires. De fortes pressions étaient exercées sur les travailleurs pour qu'ils ferment les yeux. Lorsque l'on commence à fermer des ateliers dans des villes importantes comme Montréal -- qui est un grand port d'exportation --, comme l'atelier Saint-Luc pour le CP et l'atelier Taschereau pour le CN, et que l'on exige que les réparations soient effectuées à l'extérieur où des réparations de sécurité mineures pourraient prendre de cinq à dix fois plus de temps, la tentation est alors forte de ne pas retirer le wagon du convoi et de laisser à quelqu'un d'autre le soin de le faire ailleurs. Si ce train se rend à Vancouver, il traverse le pays avec ce problème de sécurité, et il déraille à plusieurs reprises en cours de route. C'est ce qui se produit.

Nous avons mis à jour en août nos graphiques de tracé des voies. En ce qui concerne les déraillements attribuables au matériel, nous constatons en 1996 une augmentation de presque 90 p. 100 par rapport à la moyenne entre 1991 et 1995. Une partie de celle-ci est attribuable aux changements apportés aux règlements d'application de la Loi sur le Bureau de la sécurité des transports en 1992. Il ne s'agit peut-être pas 90 p. 100, mais il n'en reste pas moins que la hausse est importante. Il faut faire quelque chose, qu'il s'agisse de ramener le juge Grange, s'il est toujours aux alentours ou quelqu'un d'autre. Quelqu'un doit examiner la situation.

Cela se répercute présentement sur l'économie. Si les cheminots étaient en grève à l'heure actuelle et étaient la cause des retards dans l'expédition des céréales, une loi aurait été votée pour que nous retournions au travail il y a cinq semaines. Toutefois, absolument rien n'a été fait.

Le président: Des représentants du Canadien Pacifique nous ont dit à Edmonton que l'inspection des rails se faisait au moyen de wagons équipés d'ordinateurs qui donne de l'information très précise à l'équipage sur la condition des voies. J'avais l'impression que cela n'était peut-être pas vrai, je veux parler de l'exactitude des données. N'effectuent-ils pas un travail sérieux?

M. Housch: Un wagon de ce genre fait un excellent travail si l'ordinateur fonctionne bien au moment de l'inspection. Le seul problème que nous avons constaté c'est qu'il est arrivé à quelques reprises qu'il ait apparemment été mal réglé et que des choses n'allaient pas avec les données. Je le répète, les voitures d'enregistrement de l'état des voies ne circulent sur les voies qu'une ou deux fois par année.

Le sénateur Roberge: Pourquoi en est-il ainsi? Pourquoi n'y circulent-elles pas plus souvent?

M. Housch: Un wagon de ce genre coûte extrêmement cher tant en ce qui à trait à son utilisation qu'à l'achat. Je crois que le CN et le CP possèdent leur propre voiture d'enregistrement de l'état des voies. Elle doit vérifier la voie d'un océan à l'autre. Je ne suis même pas sûr du nombre que les compagnies possèdent. Elles en ont peut-être davantage. Ne répétez pas ce que je viens de vous dire là-dessus.

Quant à l'auscultation des rails, c'est une compagnie américaine qui s'en occupe en général.

Le sénateur Roberge: Est-ce parce qu'il n'y a pas d'entreprises canadiennes?

M. Housch: Oui. Je crois qu'il n'y en a aucune qui effectue ce travail.

L'auscultation ne se fait pas sur les voies à faible volume ni sur les voies qui ne supportent pas au-delà d'un certain nombre de tonnes-mille brutes par année. Le point critique pour les inspections est le nombre de tonnes-mille brutes transportées sur la voie. De façon générale la voie principale est inspectée deux ou trois fois par année. Dans l'intervalle, c'est un superviseur qui fait ces inspections.

Mme Walker: La section suivante sur les pompiers et les équipes d'intervention d'urgence traite surtout de la question de la sécurité des voies. Les pompiers et d'autres équipes d'intervention d'urgence doivent avoir le droit de connaître en détail les risques que représentent les marchandises dangereuses qui sont transportées, surtout par train, puisque c'est là que se posent les risques associés au volume. En cas de déraillement, ce sont nos membres, les pompiers de même que le grand public qui sont en danger.

Il faudrait constituer une base de données centrale, entièrement accessible par téléphone et par ordinateur, afin que toutes les personnes concernées puissent être bien au courant des dangers qui les menacent. La plaque-étiquette de danger exigée par la Loi sur le transport de marchandises dangereuses devrait inciter les personnes touchées à communiquer avec le fichier central pour obtenir davantage d'informations. Il faudrait exiger de l'expéditeur et du transporteur qu'ils inscrivent immédiatement dans la base de données centrale les renseignements sur le contenu du véhicule. Il nous semblerait logique que ce fichier soit établi par l'entremise du Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail à Hamilton vu qu'il dispose du système d'informations le plus perfectionné au pays, qu'il est sous mandat fédéral et que la représentation y est tripartite.

Le Centre canadien d'urgence transport de Transports Canada répond à environ 25 000 appels par année dont 1 000 qu'il considère comme des urgences. Le centre donne des renseignements sur les propriétés chimiques et répond au demandeur à partir des renseignements obtenus par ce dernier sur les plaques-étiquettes et les documents d'expédition qui énumèrent les produits chimiques par catégorie ou numéro de code. Nous avons besoin de toute urgence d'un système amélioré et plus polyvalent.

Contrairement aux trains, les camions sont, dans une large mesure, subventionnés par les contribuables par le biais du réseau routier public. L'industrie du camionnage ne paie pas pour les dommages qu'elle cause aux routes -- un camion de 35 000 kilogrammes cause autant de dommages que 99 600 voitures; les embouteillages qu'elle crée -- la production au moment adéquat a pour effet d'entraîner la création «d'entrepôts sur roues»; ou la pollution qu'elle occasionne -- les trains utilisent entre un tiers et un neuvième du carburant que consomment les camions. Les nids-de-poule géants qu'il y a sur les grandes autoroutes, comme les autoroutes de la série 400 en Ontario, constituent une menace pour la sécurité publique.

La diminution des dépenses consacrées à l'entretien des routes a pour effet d'exposer tous les usagers des autoroutes à des dangers. Les engorgements créés par les camions, surtout sur les autoroutes 400, menacent la sécurité du public, surtout si les camions sont mal entretenus. Le monoxyde de carbone qui se dégage des nombreux véhicules, c'est-à-dire les camions et les automobiles, pris dans les embouteillages contribue pour beaucoup aux changements climatiques et au réchauffement de la planète. Les émissions de dioxyde d'azote et de dioxyde de soufre produisent du smog qui, lui, entraîne une hausse des maladies respiratoires et cause du tort à l'environnement.

Il y a beaucoup trop de camions sur nos routes à cause de la déréglementation. Cela entraîne un excédent de capacité et une concurrence sauvage. L'entretien est négligé, et la sécurité du public se trouve à son tour compromise. Les freins usés, les directions défectueuses et, plus important encore, les roues qui se détachent des camions sur la 401 constituent des sources de préoccupations majeures. De nombreux camionneurs, et le public en général, craignent que la déréglementation de l'industrie du camionnage américaine n'entraîne une hausse du nombre de poids lourds enregistrés aux États-Unis. La Saskatchewan permet depuis un an environ aux trains triples de circuler sur ses routes. On devrait interdire aux autres provinces de faire la même chose.

Nous appuyons la recommandation qu'a formulée en 1993 la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux, qui a proposé que le ministre des Transports et les ministres provinciaux responsables du camionnage donnent instruction à leurs fonctionnaires compétents de faire enquête en vue de déterminer les causes de l'augmentation du nombre d'accidents impliquant des camions non articulés de cinq tonnes et de prendre les mesures correctives qui s'imposent. La commission a également recommandé que le ministre des Transports nomme un haut représentant à la tête d'un groupe de travail chargé d'uniformiser la réglementation sécuritaire du camionnage extra-provincial, ainsi que son interprétation et application. De plus, une base de données pancanadienne devrait être créée à l'intention des fonctionnaires et du public.

L'ALÉNA prévoit l'établissement d'immenses couloirs de circulation pour les camions qui arrivent des États-Unis et du Mexique. Nous estimons avoir déjà suffisamment de camions dangereux sur nos routes; nous n'avons pas besoin de véhicules américains et mexicains qui ne répondent pas à des normes de sécurité adéquates.

Les camions s'avèrent plus pratiques pour les transports sur courtes distances. Toutefois, il devrait y avoir une certaine collaboration avec les chemins de fer pour les transports sur longues distances. Le camionneur qui souffre de fatigue s'expose à de très grands risques. Nous formulons plusieurs recommandations à ce sujet sous la rubrique intitulée «Fatigue».

J'aimerais vous présenter M. Edward Tory, un de nos représentants nationaux en poste à Ottawa. Il connaît bien l'industrie du camionnage. Donc, si vous avez des questions à ce sujet, il pourra y répondre.

Sinon, je vais passer à la sécurité aérienne.

L'accord «Ciels ouverts» a eu pour effet, dans l'industrie aérienne, de reléguer la question de la sécurité au second plan. Grâce à la déréglementation, il est plus facile pour les nouveaux transporteurs d'avoir accès au marché. Les nouveaux arrivants, toutefois, manquent de compétence dans le domaine de la sécurité et font face à des pressions énormes alors qu'ils doivent rivaliser avec les transporteurs plus gros et bien établis. Ils sont tentés de réduire les mesures de sécurité pour répondre à la demande immédiate. Cette concurrence sauvage dans l'industrie ne peut que compromettre la sécurité. Les transporteurs bien établis comme Air Canada et Canadien International font face à une vive concurrence de la part des nouveaux transporteurs dont la cote de sécurité laisse à désirer et qui offrent des prix encore plus bas sur les mêmes lignes. On cherche par tous les moyens à faire des économies. Si les organismes gouvernementaux de réglementation nous disent, «nous devons abandonner ce secteur d'activité», qui veillera à ce que les règlements de sécurité soient respectés?

L'écrasement d'un avion de la compagnie Air Ontario à Dryden a sensibilisé le public à la question de la sécurité aérienne. La commission d'enquête a expliqué que l'utilisation de pratiques dangereuses était attribuable aux pressions qu'exerce la déréglementation sur la concurrence. L'entretien des avions a été confié à des sous-traitants pour réduire les coûts, et de nouveaux avions ont été mis en service, sans donner au personnel une formation adéquate. Or, plus de six ans après la tragédie, les unités d'intervention d'urgence à l'aéroport de Dryden ont été réduites. D'autres aéroports ont fait face à des coupures similaires. Le gouvernement est également en train de commercialiser les principaux aéroports au Canada, réduisant ainsi encore plus sa responsabilité dans le domaine de la sécurité.

Nous devrions suivre les conseils du juge Virgil Moshansky. Dans son rapport final sur l'écrasement de Dryden, l'éminent juge a déclaré:

Après plus de deux ans d'enquêtes et d'audiences publiques poussées, je suis arrivé à la conclusion que cet accident n'est pas dû au hasard -- toutes les conditions étaient réunies pour qu'il arrive.

Les agents de bord ne font pas que servir le café. Leur travail consiste à garder les passagers en vie. Lorsqu'un avion s'écrase, est-ce que les passagers parviennent à sortir de l'appareil avant que la fumée ou la chaleur ne deviennent trop intenses? Tout dépend s'il y a suffisamment d'agents de bord pour évacuer les passagers en toute sécurité. Il devrait y avoir un agent de bord pour 40 passagers. C'est la norme qui existe au Canada depuis plus de 20 ans. Toutefois, le gouvernement, cédant aux pressions, a ramené ce nombre à un agent pour 50 passagers.

Des exemptions spéciales à la règle ont déjà été accordées à la compagnie Canadair, d'Air Canada, pour le Regional Jet, et dans le cas de certains vols d'Air BC, sans tenir compte du processus du CCRAC -- le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne. On réduit le nombre d'agents de bord dans le seul but de permettre aux compagnies aériennes d'économiser de l'argent. Nous sommes contre tout assouplissement de cette norme importante.

Le transport de marchandises dangereuses constitue également pour nous une source de préoccupations. En effet, les bagages des passagers peuvent contenir des substances dangereuses. Nos membres doivent donc compter sur l'honnêteté des gens.

J'aimerais maintenant vous présenter M. Ben Bachl, de la section locale 2213. Il est ingénieur et il s'occupe de l'entretien et de l'inspection des avions chez Air Ontario. Il a participé à l'enquête sur l'écrasement de Dryden.

M. Bachl: Comme on l'a mentionné, l'écrasement de Dryden n'était pas un simple accident. Toutes les conditions étaient réunies pour qu'il se produise. La direction avait suivi le cours de formation, mais pas les employés. Elle en avait autorisé la mise en service, et des défectuosités évidentes avaient été négligées pour économiser de l'argent et sauvegarder le prestige de la compagnie.

Je tiens également à ajouter que si cet avion avait été un jet de Canadair ou un Dash-8 de la série 300, il n'y aurait eu qu'un seul agent de bord dans cet avion au moment de l'écrasement. Or, seul un membre de l'équipage a survécu, et il a aidé de nombreux passagers à sortir de l'avion.

J'ai eu beaucoup de difficulté à accepter que le gouvernement abaisse nos normes pour qu'elles correspondent à celles des États-Unis et d'autres pays. Le système de sécurité aérienne du Canada a servi de modèle à d'autres pays. Nous affichons, de loin, le meilleur dossier en matière de sécurité. Or, nous abaissons nos propres normes au lieu d'obliger les autres pays à renforcer les leurs. Cette question est très préoccupante.

La réduction des services d'incendie aux aéroports soulève également des inquiétudes. Si un écrasement d'avion se produit, que l'équipe d'intervention met plus de cinq minutes à arriver sur les lieux et qu'un incendie éclate, il ne restera plus rien de l'avion. L'aluminium brûle rapidement. Si vous avez vu les séquences filmées d'écrasements survenus aux États-Unis -- et ils disposent d'excellents moyens d'intervention là-bas --, vous avez eu l'occasion de constater qu'il ne reste pas grand chose après un incendie, malgré les moyens qui existent. Or, nous allons réduire les services que nous offrons à ce chapitre. Il ne restera plus que des corps et de l'herbe brûlée après un écrasement. Cette question nous préoccupe beaucoup.

Le président: Personne ne m'a donné d'instructions, mais nous devons être présents à la Chambre à 14 heures. Je me demande si nous ne pourrions pas annexer le reste du mémoire, comme s'il avait été lu, aux délibérations d'aujourd'hui.

Nous pourrions peut-être profiter des minutes qui nous restent pour poser des questions à nos témoins.

Le sénateur Adams: Quand le comité s'est rendu dans l'Ouest avant Noël, il a rencontré des représentants de fabricants de produits chimiques qui assurent le transport de leurs produits dans toutes les régions du Canada. Ils nous ont dit que lorsqu'ils transportent des matières dangereuses, ils avertissent les services d'incendie et les services policiers locaux. Je ne crois pas que le CN ait adopté une politique similaire pour le transport des marchandises dangereuses. Vous en savez peut-être plus à ce sujet. Est-ce que Transports Canada a une politique comme celle là?

M. Bourrier: Nous avons dans l'industrie des équipes d'intervention qui se rendent rapidement sur les lieux d'accidents lorsque des marchandises dangereuses sont en cause. J'ai dit plus tôt qu'à certains endroits, nous n'avons qu'une petite équipe d'inspection et d'intervention. Ces équipes font enquête lorsqu'il y a des accidents et surtout des déversements qui mettent en cause des marchandises dangereuses. Elles sont équipées d'appareils respiratoires autonomes et savent comment manipuler les wagons. Toutefois, le nombre d'équipes d'interventions a été réduit. À Thunder Bay, le moral était tellement bas à cause des coupures qui avaient été effectuées que les superviseurs n'arrivaient pas à recruter des gens pour l'équipe. Ils ont donc été obligés de faire eux-mêmes le travail.

Pour avoir une équipe solide, efficace et opérationnelle, il faut que le moral soit très bon. Comme dans n'importe quelle situation, lorsque votre vie est en danger, vous devez joindre vos efforts. Les superviseurs ont déjà de nombreux milles à parcourir dans le cadre du programme de gestion qui s'applique aux chemins de fer, et ils ne peuvent pas vraiment se spécialiser dans ce domaine.

C'est la situation dans laquelle se trouvent les compagnies ferroviaires, mais elles peuvent compter sur ses équipes d'intervention. Les territoires qu'elles doivent couvrir sont très vastes et comme elles mettent beaucoup de temps à arriver sur les lieux d'un accident, elles ne peuvent effectuer les réparations qui s'imposent ou maîtriser une situation de manière efficace.

Évidemment, elles comptent sur les services d'incendie municipaux et les services d'intervention provinciaux pour les aider. Parfois, lorsqu'il y a un déraillement, les wagons finissent par aboutir sur un terrain privé, ou encore sur un terrain qui appartient à la municipalité ou à la province.

Le sénateur Adams: Les fabricants de produits chimiques ont des avions. Ils pourraient peut-être s'en servir pour intervenir lorsqu'il y a un déversement. Le CN ne communique-t-il pas avec eux lorsqu'un incident se produit?

M. Bourrier: Il le fait à l'occasion. La compagnie qui fabrique un produit chimique particulier est celle qui possède les vrais compétences dans ce domaine et, suivant la situation, elle peut être appelée à intervenir immédiatement.

Le président: Nous aimerions vous rencontrer de nouveau, peut-être en mars. Comme nous avons vos mémoires, nous pourrions commencer immédiatement avec les questions. Nous en avons beaucoup à vous poser.

Est-ce que cela serait possible, madame Walker?

Mme Walker: Ce serait un plaisir pour nous de revenir.

Le président: Merci beaucoup. Votre exposé était très intéressant.

La séance est levée.


Haut de page