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SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 7 - Témoignages du 18 avril (séance de l'après-midi)


MONTRÉAL, le mardi 18 février 1997

Le sous-comité sur la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 14 h 03 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous avons le plaisir de recevoir cet après-midi des représentants de l'Association des chemins de fer du Canada.

Monsieur Ballantyne, nous vous écoutons.

M. Robert Ballantyne, président, Association des chemins du fer du Canada: Le sous-comité a déjà reçu copie de notre mémoire. Afin de réserver le plus de temps possible à la discussion, nous passerons en revue les principaux éléments de notre mémoire au lieu d'en donner une lecture complète. Vous avez entendu les représentants du Canadien National ce matin, et je crois savoir que vous avez également entendu ceux du Canadien Pacifique qui vous ont parlé des services respectifs qu'ils exploitent dans le cadre de l'industrie ferroviaire du Canada.

Notre association, en collaboration avec nos sociétés membres ou pour le compte de celles-ci, milite en faveur d'une politique et des règlements gouvernementaux qui traitent équitablement les divers modes de transport. L'association a aussi pour rôle de renseigner le public, le gouvernement, l'industrie ainsi que les associations industrielles sur les chemins de fer; c'est nous également qui faisons valoir l'opinion des chemins de fer sur les questions de politique officielle.

Je signale que les 38 transporteurs publics du Canada sont tous membres de notre association. On y trouve aussi bien le CN et le CP, parmi les grandes sociétés ferroviaires, que les petits chemins de fer de manoeuvre comme le complexe ferroviaire d'Essex. Notre association comprend aussi tous les petits chemins de fer secondaires qui ont été créés depuis qu'on a modifié la loi pour faciliter la croissance des lignes secondaires.

Mon collègue, M. Cameron, se chargera de faire notre exposé, après quoi nous serons tous les deux heureux de répondre aux questions du comité.

M. Roger Cameron, directeur général des communications publiques, Association des chemins de fer du Canada: Le Canada est un pays commerçant, et les chemins de fer aident le Canada à vivre. Près des deux tiers des activités de nos chemins de fer ont trait au commerce international. Les exportations représentent plus du quart du produit national brut du Canada. La valeur des marchandises destinées à l'étranger que reçoivent les ports des côtes est et ouest, qui sont surtout expédiées par le train, dépasse 85 milliards de dollars chaque année.

L'Ouest canadien en particulier est largement tributaire des exportations. Aux exportations de grain qui ont édifié l'économie moderne de l'Ouest canadien, se sont ajoutés aujourd'hui la potasse, le charbon, les produits chimiques, les fertilisants, les produits forestiers, les cultures spéciales, les oléagineux et le nouveau trafic conteneurisé. C'est surtout la Saskatchewan qui est tributaire des exportations, lesquelles comptent pour 66 p. 100 de toute la production de la province. L'emploi de près d'une personne sur trois dans l'Ouest canadien dépend du rail.

L'effet multiplicateur économique est tel que deux millions et demi de Canadiens rien que dans l'Ouest sont tributaires d'un réseau de chemin de fer efficient et efficace. Plus de 25 000 expéditeurs canadiens, de tous les secteurs de l'économie canadienne, se servent des chemins de fer. C'est à eux qu'on doit chaque année les plus de 3 millions et demi de wagons de marchandises et les centaines de milliers de conteneurs destinés à l'importation ou à l'exportation.

Il y a trois types de chemin de fer au Canada. Il y a les lignes transcontinentales, dont le CN, le CP, VIA Rail et les cinq chemins de fer américains qui sont présents au Canada. Parmi les chemins de fer régionaux et transporteurs de matières premières, on compte B.C. Rail, Ontario Northland, Algoma Central, Quebec North Shore and Labrador et Québec Cartier.

On a assisté à une croissance exceptionnelle des lignes secondaires, qui constituent la source et la destination de la plupart du trafic marchandises des grandes lignes. Par exemple, une seule ligne secondaire a été créée au Canada dans les années 80. Six ont vu le jour entre 1990 et 1995; et depuis l'adoption de la Loi canadienne sur les transports, au milieu de l'année dernière, quatre lignes secondaires ont été créées et on en a annoncé deux autres rien que dans le dernier semestre de 1996.

La Loi canadienne sur les transports a grandement facilité et raccourci le processus de vente de lignes. Ce nouveau processus s'est avéré crucial tant pour le Canadien Pacifique que le Canadien National qui se dirigent vers un système centralisé hyperdense, alimenté par des lignes d'apport efficientes.

Les nouveaux transporteurs secondaires offrent la souplesse et la note personnelle qu'il faut pour bien gérer les circuits à faible volume mais qui exigent beaucoup de service. On a ainsi décentralisé la gestion des opérations et on en a abaissé le coût. Leurs employés polyvalents sont maintenant incités à trouver de nouvelles recettes ainsi qu'à réduire les coûts, mais non au détriment de la sécurité parce que tous les chemins de fer du Canada s'engagent à maintenir la sécurité.

Ces transporteurs secondaires ont les mêmes normes de sécurité que les grands. Les formalités d'inspection de sécurité des wagons de marchandises et des locomotives ainsi que les consignes d'entretien sont les mêmes pour tous les usagers des lieux de correspondance, grands et petits.

Les grands transporteurs publics du Canada, comme on vous l'a dit, gèrent les chemins de fer les plus sûrs d'Amérique du Nord. Par exemple, il y a plus d'un million de déplacements de produits dangereux par chemin de fer chaque année, et cela comprend des wagons chargés, des wagons contenant des résidus ainsi que des conteneurs et remorques transportant des produits dangereux. Sur ce total, plus de 99 p. 100 parviennent à destination en toute sécurité.

Dès qu'un incident comportant des produits dangereux se produit, des mesures d'urgence planifiées entrent immédiatement en action afin de maîtriser la situation rapidement, efficacement et en toute sécurité. On se sert d'ordinateurs et de systèmes de communication perfectionnés pour identifier le lieu de l'incident et pour informer tous ceux qui sont appelés à neutraliser la situation en toute sécurité et de manière professionnelle.

Nos employés chargés des produits dangereux sont également actifs dans leurs localités et prennent part aux activités de sécurité communautaire, comme par exemple le programme TransCare, qui a été mis au point par l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques. Dans le cadre de ces programmes, on s'assure de la collaboration des équipes d'urgence locales... service de police, pompiers et ambulanciers, qui connaissent les mesures de sécurité d'usage.

Entre autres initiatives de formation à la sécurité, l'industrie a mis au point un train de formation sécuritaire qui utilise un wagon-citerne équipé précisément des divers types de pièces de coin supérieurs et inférieurs que l'on retrouve sur presque tous les wagons qui transportent des produits chimiques. On se sert de ce train pour former les travailleurs de l'industrie chimique au chargement et au déchargement des wagons-citernes, et pour initier les intervenants d'urgence aux caractéristiques de sécurité de cet équipement ferroviaire. De même, on a créé une unité de formation mobile en convertissant des wagons couverts et des remorques routières en salles de classe mobiles. On y trouve divers types de dômes de wagons-citernes et de valves en état de fonctionnement, des tableaux, du matériel et des vidéos de formation.

Les chemins de fer canadiens participent également à l'établissement d'un site-témoin canadien pour l'Opération Respond. Il s'agit d'une base de données des produits dangereux créée par un institut sans but lucratif qui améliorera la sécurité des pompiers, des policiers et des autres intervenants en cas d'urgence. Le site-témoin se trouve à Burnaby, en Colombie-Britannique, et fournira des informations immédiatement sur les produits dangereux que contiennent les wagons du CN, du CP, de BC Rail, de Burlington Northern and Southern Railway of B.C. qui pourraient être mêlés à un incident.

Le système dispose d'un mécanisme convivial pour fournir des informations de première nécessité sur des produits dangereux ainsi que des plans pour les trains de passagers. Depuis la création du programme en 1992 aux États-Unis, son logiciel a été mis en place en 40 endroits et donne accès aux dossiers de deux compagnies de camionnage et de 16 chemins de fer. Les grands investissements que l'on fait dans la technologie, la formation et l'innovation contribuent tous à la sécurité. Les chemins de fer canadiens investissent dans la formation sécuritaire plus de 75 millions de dollars et près de 150 000 heures de travail par an. Sans sécurité, les chemins de fer du Canada restent inactifs, parce que dans les chemins de fer, sécurité et rentabilité vont de pair.

Les nouvelles technologies contribuent également à la sécurité des chemins de fer. Les rames de longs rails soudés, les traverses en béton et les roulements à rouleau sur les essieux des wagons de marchandises nécessitent tous moins d'entretien. Le rail dure plus longtemps grâce à une meilleure métallurgie. De même, le contrôle du trafic centralisé et les dispositifs d'un contrôle électronique contribuent à la sécurité des chemins de fer. Les détecteurs thermiques en bordure des rails ballaient les essieux des trains qui passent afin de repérer les rouleaux surchauffés qui peuvent causer des déraillements, et les wagons d'inspection spéciaux, dont vous avez entendu parlé, se servent de la technologie de détection moderne pour contrôler l'état des rails.

Certains croient peut-être que la sécurité est un luxe, une chose dont l'on se préoccupe s'il reste assez d'argent et si l'on n'a pas le choix. Mais les chemins de fer du Canada croient que la sécurité est une nécessité, c'est la sécurité qui vient toujours en premier.

Cette attitude influence la façon dont les décisions sont prises dans notre industrie, la façon dont on planifie et exécute le travail; influence la planification des immobilisations et des dépenses de fonctionnement ainsi que la formation et le rendement des employés pour lesquels on trouve de nouvelles et de meilleures façons de travailler en toute sécurité.

Le rôle actif que jouent les professionnels des chemins de fer et d'autres contribue à améliorer la sécurité. Par exemple, l'Association des chemins de fer du Canada et Transports Canada parrainent l'Opération Gareautrain, un programme national de sécurité publique qui a réussi avec éclat à réduire le nombre de morts et de blessés attribuables aux accidents aux passages à niveau et aux incidents d'intrusion.

Ce programme est mis en oeuvre en coopération avec le Conseil canadien de la sécurité, les ligues et conseils de sécurité provinciaux, les services de police et les cercles philanthropiques. Cette initiative a permis de réduire de 60 p. 100 au cours des 15 dernières années le nombre d'accidents aux passages à niveau.

Mais l'industrie ne se repose pas sur ses lauriers parce que l'on peut maintenant prévenir de tels accidents, et nous voulons contribuer à réduire de moitié encore une fois au cours des 15 prochaines années le nombre d'accidents aux passages à niveau. Nous voulons que le fait d'approcher avec la plus grande prudence un passage à niveau devienne une habitude de conduite automobile aussi établie que le fait de boucler sa ceinture de sécurité. La course contre le train est un sport mortel. Les trains ne peuvent s'arrêter rapidement; pour ce faire, il leur faut une distance équivalente à 14 champs de football. Ils ne peuvent pas contourner un obstacle pour éviter une collision.

Étant donné que la familiarité engendre en effet l'apathie, il appartient dans une large mesure au conducteur de l'automobile lui-même de protéger sa vie et celle de ses amis. Il est prouvé que la majorité des accidents aux passages à niveau ont lieu à 40 kilomètres du domicile du conducteur. Les gens qui franchissent le même passage à niveau tous les jours finissent par s'imaginer qu'ils savent précisément à quelle heure le train arrive au passage. Mais les trains peuvent prendre du retard ou de l'avance, et il se peut qu'un train spécial ou dont l'horaire a été modifié arrive au passage à n'importe quel moment. En 1996, il y a eu 112 morts et 113 personnes blessées dans des accidents aux passages à niveau et dans les incidents d'intrusion sur les propriétés ferroviaires au Canada.

Dans presque chaque cas, l'accident a été causé par un conducteur ou un piéton qui s'était mis au mauvais endroit au mauvais moment. C'est bien peu de monde comparativement aux 3 450 tués et 245 000 blessés dans les accidents de la route au Canada chaque année, mais c'est encore trop.

Les collisions aux passages à niveau constituent un problème de sécurité routière aussi bien que ferroviaire parce que leur prévention est tributaire de meilleures habitudes de conduite. Il n'empêche que 100 p. 100 des décès et blessures causés par les accidents aux passages à niveau sont attribués aux chemins de fer et jamais aux routes. La majorité de ces accidents se produisent à des passages à niveau équipés de dispositifs avertisseurs, et dans environ un tiers des cas, c'est le véhicule qui heurte le flan du train.

Bon nombre de collisions latérales se produisent la nuit et sont le fait de voitures qui roulent trop vite pour bien éclairer le chemin. En général, cependant, 75 p. 100 des accidents aux passages à niveau ont lieu en plein jour, dans des conditions de bonne visibilité.

Le programme éducatif de l'Opération Gareautrain prévoit la production et la distribution de matériel didactique dans les écoles, dans les écoles de conduite automobile, des relations médiatiques ainsi que des exposés au public partout au pays. Plus de 150 exposants bénévoles, issus de toutes les couches de la société, aident à faire connaître l'Opération Gareautrain. Presque tous ont déjà été témoin d'accidents à des passages à niveau, qu'il s'agisse d'agents de police, de cheminots qui ont vu de près l'horreur d'une collision mortelle, ou de personnes qui ont été gravement blessées dans de tels accidents.

L'Opération Gareautrain a connu de grands succès avec son programme de l'Agent à bord du train et son programme de Quasi-collision. Dans le cadre du premier programme, on invite un agent du service de police local à observer les passages à niveau à partir de la cabine de la locomotive qui fait son trajet habituel. L'agent est en communication radio avec les auto-patrouilles qui se mettent à la poursuite des contrevenants ainsi repérés, et les patrouilleurs émettent des avertissements ou des contraventions, selon le cas.

Le programme Quasi-collision fait intervenir des employés du chemin de fer qui communiquent par radio aux répartiteurs le numéro de plaque d'immatriculation et le signalement du véhicule qui a franchi dangereusement un passage à niveau. Ces informations sont communiquées par le service de police des chemins de fer à la police locale, qui se met alors à la poursuite du contrevenant et prend les mesures voulues.

La Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives et ses membres sont particulièrement actifs dans ce programme. Ils reconnaissent que les chauffards sont un danger pour les cheminots; ils encouragent donc leurs membres à participer à des émissions locales de radio et de télévision et de parler publiquement à des groupes pour sensibiliser les gens au problème.

L'industrie est proactive sur d'autres fronts également. Le CN, le CP, VIA Rail et la Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives ont cofinancé une étude de six mois à la fin de 1995, en vue de déterminer les causes de la fatigue chez les conducteurs de locomotive et d'élaborer des contremesures spécifiques. Les résultats de cette étude ont été publiés en mai dernier et on y propose, entre autres, des façons concrètes de travailler ensemble pour combattre les effets de la fatigue.

L'étude a également contribué au bassin de connaissances sur cette question importante qui touche les travailleurs dans tous les types d'industries, pas seulement dans le secteur du transport, et la sécurité de leurs fonctions. Les chemins de fer reconnaissent également la nécessité d'harmoniser les activités et la physiologie humaine de façon rentable, car ils savent que cela est avantageux à long terme. Il s'agissait donc d'une étude approfondie et complexe, comme l'a été l'élaboration des contremesures, qui comprenait notamment l'aménagement des horaires, une stratégie concernant le repos, des améliorations aux installations de repos, des équipements dans la cabine de la locomotive et une formation pour un meilleur style de vie qui s'adressaient à la fois aux employés participants et à leurs conjoints ou partenaires. Les chemins de fer qui ont participé à l'étude sont en train de donner suite à ces recommandations. Ils sont en train de nommer des coordonnateurs pour travailler avec les districts.

Les documents de communication donnent une explication complète du programme. Le segment qui s'adresse aux ingénieurs est accéléré. D'autres mesures pour lutter contre la fatigue seront introduites ailleurs, au besoin. Les initiatives de recherche s'appliquent au matériel du secteur ferroviaire tout comme aux gens. Les progrès technologiques modernes permettent d'améliorer l'efficience des terminus ferroviaires et la sécurité des employés. La télécommande «beltpack» pour les locomotives dont Jack McBain a parlé ce matin, a été mise au point au Canada. Elle est à peine plus grosse qu'une boîte à lunch et très facile à porter. Le système permet aux employés de la gare de triage au sol de faire circuler des locomotives sans conducteur par contact audio avec un micro-ordinateur installé à bord de la locomotive.

À partir de signaux reçus du «beltpack», l'ordinateur de bord règle la vitesse et les freins en fonction des commandes données par les opérateurs au sol grâce à la boîte de commande. De cette façon, les locomotives manoeuvres-triage peuvent aiguiller des trains entiers de la même façon que l'on peut faire voler un avion radiocommandé.

Une démonstration de cette technologie et d'autres opérations l'automne dernier à Toronto pour les membres du Bureau de la sécurité des transports, de l'Office national des transports et de Transports Canada, leur a permis de prendre connaissance de cette technologie et d'en faire l'essai. Comme l'un des employés l'a démontré, il est possible de faire passer le contrôle d'un train d'un employé à un autre sans danger. Si vous n'avez pas vu ça, c'est une technologie qui est en fait très intéressante; elle a été mise au point dans un laboratoire de recherche du CN. Depuis, cette technologie a été vendue au Canadien Pacifique.

Elle a d'autres applications dans toute l'industrie nord-américaine. Cette technologie est productive et très sécuritaire. Par exemple, les caractéristiques de sécurité qui ont été incorporées au «beltpack» sont impressionnantes. L'ordinateur prend immédiatement priorité sur toute commande dangereuse. Si l'unité mobile est trop inclinée, indiquant que l'opérateur est peut-être frappé d'incapacité ou est tombé, un avertisseur se déclenche. S'il n'y a pas de réponse, l'unité arrête immédiatement la locomotive en toute sécurité.

Les conditions hivernales peuvent parfois également faire perdre aux roues d'acier leurs contours à cause de l'effritement ou de l'écaillage. Une surface de roue en mauvais état peut causer des perturbations de service, endommager la voie et faire dérailler le train. Le comité de direction de l'Association des chemins de fer du Canada coordonne d'autres tests qui ont trait au service payant du CN et du CP pour les mouvements de volumes importants de charbon, de grain et de potasse cet hiver. On effectue des essais de rails fait sur demande au CN.

L'association de l'industrie a par ailleurs récemment nommé un nouveau gestionnaire du spectre radio pour l'industrie au Canada. Il s'appelle Jacques Darrah, anciennement du Groupe des signaux et communications du Canadien Pacifique. Il est responsable du projet et il gérera l'accès de l'industrie aux fréquences allouées par les organismes canadiens et américains à un coût moins élevé. Aujourd'hui les chemins de fer modernes comptent autant sur l'information que sur les rails et les roues pour fonctionner.

En simples termes, la sécurité ferroviaire dépend également des communications radio. Ces communications forment une partie importante du cheminement de l'information à travers les unités mobiles et les installations fixes. On alloue aux chemins de fer canadiens et américains quelque 94 fréquences qui sont utilisées pour les gares de triage, l'entretien de la voie ferrée, la police, l'identification automatique des équipements, les moniteurs de fin de train, les détecteurs de boîtes chaudes et les unités génératrices utilisées sur les trains-blocs de charbon.

La demande de services radiomobiles a augmenté de façon considérable en raison des nouveaux services tels que les données sans fil, les téléphones cellulaires et les nouvelles applications pour des fonctions existantes. C'est une solution à laquelle Industrie Canada et le secteur ferroviaire sont arrivés. C'est une bonne chose pour la sécurité, car cela réduit le risque d'interférence et d'utilisation fragmentée des fréquences.

Beaucoup de progrès ont été accomplis, il en reste encore beaucoup à accomplir. Cependant, il y a eu et il y a toujours, plusieurs exemples d'iniquité entre les modes de transport, ce qui nuit au progrès de notre secteur et au potentiel du Canada. Il y a entre autres des incompatibilités et un manque d'uniformité, et la façon dont on traite la concurrence des véhicules commerciaux interprovinciaux et transfrontaliers.

Le Bureau de la sécurité des transports exige que les chemins de fer signalent à la fois les accidents et les incidents. Les accidents sont classifiés afin de pouvoir déterminer quels sont les problèmes. Il s'agit entre autre des collisions sur la voie principale, des accidents aux passages à niveau et des déraillements sur la voie principale. Les statistiques sur les milles et les tonnes kilomètre des trains sont disponibles de façon à pouvoir calculer le nombre d'accidents par tonne kilomètre. Tous les accidents aux passages à niveaux doivent être signalés, même s'il n'y a aucun dommage grave à la propriété ni blessure grave aux personnes. Un risque de collision ou sept autres facteurs déclenchent le signalement d'un incident. Le Bureau de la sécurité des transports peut fournir les données actuelles préliminaires sur les accidents et les incidents dans le secteur ferroviaire canadien jusqu'en décembre 1996.

D'un autre côté, les statistiques les plus récentes publiées par Transports Canada sur les accidents des véhicules automobiles commerciaux remontent à 1993. Le ministère devrait publier des données pour 1994 et 1995 d'ici les deux à trois prochains mois, mais même là, il y a encore un manque d'uniformité dans les définitions et la classification entre les provinces.

Par exemple, les données en provenance du Québec sont exclues de plusieurs tableaux statistiques dans les rapports de Transports Canada sur la sécurité des véhicules commerciaux. Il n'y a aucun indicateur national fiable sur le nombre de voitures kilomètre, ce qui fait qu'il est difficile de calculer les taux d'accident par voiture kilomètre. Les données de Statistique Canada sur les tonnes kilomètre nettes pour les camions excluent certains parcs de camions privés. Étant donné que les compétiteurs ne paient pas leurs pleins coûts et sont soumis à des normes de réglementation différentes, ils peuvent vendre leurs services à un prix inférieur, et ainsi aller chercher les clients des chemins de fer et ont ainsi un impact important sur l'équité entre les modes à long terme.

Les règlements qui s'appliquent aux chemins de fer sont plus stricts que ceux qui sont imposés aux autres modes de transport avec lesquels nous sommes en concurrence. L'importance de la compatibilité de l'harmonisation de la politique financière des mesures législatives, des règlements et des procédures au Canada et à l'échelle continentale est claire. La réalité l'est moins, non seulement entre les chemins de fer canadiens et américains, mais également entre les autres modes de transport qui se font concurrence au Canada.

Plusieurs études indépendantes ont conclu que le traitement fiscal des chemins de fer canadiens par les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux n'était pas aussi concurrentiel qu'aux États-Unis ni qu'avec nos concurrents. La politique du Canada en matière de transport consiste à réduire l'intervention gouvernementale et à adopter le concept du paiement par l'usager. Pourtant, selon les propres chiffres de Transports Canada, les utilisateurs des routes au Canada ont été subventionnés à raison de 5,5 millions de dollars en 1993. Il y a d'autres exemples de cette iniquité entre les modes de transport. Les taxes sur les carburants payées par les camions gros porteurs ne couvrent que 42 p. 100 des coûts qu'ils causent à la voie publique. Bien que les camions représentent quelque 9 p. 100 du trafic routier, ils sont responsables de 25 p. 100 des coûts totaux d'entretien des routes.

L'impact sur l'industrie ferroviaire de poids lourds de plus en plus gros et d'une attribution inéquitable des coûts d'entretien des routes est malheureusement très clair dans l'Est du Canada, où le trafic marchandises des lignes ferroviaires s'oriente constamment vers les routes congestionnées. Ce sont des solutions de rechange viables, mais elles exigent une politique gouvernementale sensible et logique pour les appuyer.

L'un des nouveaux membres des associations ferroviaires, par exemple, le réseau Iron Road de 1 100 milles que l'on retrouve entre autres au Québec et en Nouvelle-Écosse, a manutentionné près de 100 000 wagonnées l'an dernier. C'est une société qui n'existait pas il y a trois ans. Elle a permis d'éviter qu'environ 275 000 chargements de camions de marchandises ne circulent sur les routes fédérales, provinciales, municipales et des États et elle a généré des économies nettes de quelque 120 millions de dollars par an en frais d'entretien des routes, et ce chiffre est conservateur.

Tout programme gouvernemental qui nuira davantage à la compétitivité des chemins de fer et des ports canadiens encouragera l'utilisation de ports américains au lieu des ports canadiens pour les exportations et réduira l'ensemble des avantages économiques pour le Canada. Tous reconnaissent qu'il y a un problème, mais on ne s'entend pas sur la façon de le résoudre.

Il nous apparaît clairement que certaines questions d'importance régionale et provinciale doivent être réglées par les paliers supérieurs du gouvernement qui reconnaîtront le rôle national que jouent les chemins de fer dans la création d'une union économique au Canada et dans l'accès à travers les provinces aux marchés national et d'exportation.

Si vous avez des questions, nous serions heureux d'y répondre.

Le sénateur Bacon: Nous entendons différents sons de cloche, soit des représentants syndicaux et des représentants des entreprises de transport. Il doit y avoir des zones grises. Peut-être pourriez-vous nous aider à éclaircir certains aspects, car j'avoue que dans certains cas, je suis perdue.

Dans leur mémoire, les TUT affirment que les chemins de fer au Canada semblent avoir adopté comme philosophie qu'il est plus économique de limiter les risques en attendant que quelque chose se produise, au lieu de dépenser pour prévenir. Qu'est-ce qui leur fait dire cela à votre avis?

M. Ballantyne: Évidemment, ils ont un point de vue, qui a beaucoup à voir avec la protection des emplois. Dans le secteur des chemins de fer, tout comme dans un grand nombre d'autres industries, nous avons vu la technologie remplacer les travailleurs. Cela se produit déjà depuis un certain temps et continuera. Ainsi, le syndicat se préoccupe plus de protéger des emplois que d'augmenter la sécurité ce que permettrait la nouvelle technologie. C'est pourtant ce que font les entreprises et la société en général. On tente d'améliorer la sécurité mais en ayant surtout recours aux nouvelles technologies qui sont en fait plus fiables.

Le sénateur Bacon: Pas avec un plus grand nombre de personnes.

M. Ballantyne: Exactement, bien que clairement il faille un certain nombre de personnes qui ont reçu la formation voulue et qui soient bien supervisées. Comme l'a souligné Roger dans son exposé, dans notre industrie, on consacre des sommes considérables à la formation pour assurer la sécurité de nos employés.

Le sénateur Bacon: À la page 9, paragraphe 40 de leur mémoire, les représentants de la Fraternité des ingénieurs de locomotives qui comparaissaient ici ce matin, affirment:

Récemment, sur le chemin de fer Goderich et Exeter, un petit chemin de fer dans le sud-ouest de l'Ontario qui fait partie du groupe américain RAILTEX, 14 wagons ont déraillé sans qu'on les inspecte avant de les réutiliser et de les échanger avec le Canadien National. Le chemin de fer Goderich et Exeter n'a prévenu aucun organisme de réglementation de l'accident ni le Canadien National. Ce n'est que lorsque la Fraternité a cherché à se renseigner auprès de Transports Canada au sujet de cet accident, des détails et des résultats que l'affaire a été dévoilée. On ne peut qu'imaginer les événements catastrophiques qui auraient pu survenir si on avait continué à utiliser ces wagons. Le chemin de fer Goderich et Exeter se préoccupe beaucoup plus de son chiffre d'affaires que de la sécurité. C'est clairement un exemple de manque d'inspection dans une industrie où le rôle des organismes de réglementation a diminué.

Comment a-t-il pu se produire?

M. Ballantyne: Je ne suis pas au courant des détails de cet accident-là. Quand s'est-il produit?

Le sénateur Bacon: Je n'ai malheureusement pas les dates.

Le président: Il y a quelques mois. Comment un tel accident peut-il se produire au Canada sans que le Canadien National et l'Association des chemins de fer du Canada le sachent, que seuls les syndicats le savent? Comment est-ce possible? Le sénateur Bacon a raison. Il doit y avoir une réponse. Qui essaie de salir qui? Que se passe-t-il?

M. Cameron: A-t-on interrogé les représentants de Goderich et Exeter à ce sujet? Je serais heureux de communiquer avec eux afin de...

Le sénateur Bacon: Et nous transmettre la réponse?

M. Cameron: Oui, certainement.

Le sénateur Bacon: J'aimerais que vous nous fournissiez l'information juste. Ça ne peut pas être complètement noir ni complètement blanc. Il doit y avoir des zones grises.

Le président: Ce serait bien de savoir ce qui se passe.

Le sénateur Bacon: Il est parfois difficile pour nous de comprendre ce que l'on nous dit ici.

M. Ballantyne: Je vais répondre à votre question, sénateur, ainsi qu'à celle du président.

Il faut certainement rapporter ce genre d'accident, à plusieurs instances, probablement. Dans ce cas ci, on aurait dû rapporter l'accident au Canadien National; le syndicat dit que cela n'a pas été fait. Je ne sais pas si le Canadien National a confirmé ne pas avoir été prévenu. J'ose espérer que les travailleurs de Goderich et Exeter ont prévenu le Canadien National.

Le sénateur Bacon: Nous avons rencontré les représentants syndicaux après ceux du CN et donc nous ne savons pas.

M. Ballantyne: Quoiqu'il en soit, comme l'a dit Roger, nous allons nous renseigner. Toutefois, normalement, dans de tels cas, il y a quelques autres aspects à considérer. Tout d'abord, les chemins de fer assujettis à la réglementation fédérale doivent faire rapport de tels accidents au Bureau de la sécurité des transports du Canada, sans exception. Les chemins de fer comme Goderich et Exeter sont assujettis à la réglementation provinciale. Ils sont assujettis à la nouvelle loi ontarienne sur les lignes secondaires. Cette loi ne prévoit pas les mêmes exigences rigoureuses pour ce qui est d'avertir les autorités. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada n'a aucune compétence en matière d'enquête des accidents ferroviaires dans le cas des chemins de fer réglementés par les provinces.

Notre industrie tente de faire plusieurs choses. Dans le cadre de l'Association des chemins de fer du Canada et plus particulièrement son comité de structure, nous travaillons avec tous les chemins de fer du Canada qu'ils soient assujettis à la réglementation provinciale ou fédérale, afin de nous assurer que tous connaissent les lois et les règles de sécurité et les appliquent.

En fait, l'industrie appuie et élabore même certaines procédures de sécurité et nous nous attendons à ce que tous nos membres s'y conforment. Bien que nous ne puissions pas forcer nos membres à suivre ces procédures de sécurité, nous les y encourageons fortement. Il est manifestement dans l'intérêt de l'industrie tout entière de fonctionner dans la sécurité. Un accident grave a une incidence sur toute l'industrie. Ainsi, nous sommes motivés à nous assurer que tous les chemins de fer fonctionnent de façon sécuritaire, qu'ils sont assujettis à la réglementation provinciale ou fédérale. À cette fin, nous nous assurons que l'information est transmise à la ronde.

Nous avons également encouragé les organismes fédéraux impliqués dans la réglementation des chemins de fer, sous quelque forme que ce soit, ou dans des enquêtes d'accidents, à communiquer avec les gouvernements provinciaux afin de leur offrir de se charger des mêmes services pour leur compte. Les organismes fédéraux sont très intéressés à le faire. Transports Canada qui a la responsabilité d'inspecter les chemins de fer et de s'assurer qu'ils fonctionnent de façon sécuritaire, aux termes de la Loi sur la sécurité ferroviaire, a conclu à une entente officielle avec l'Ontario et je pense, la Nouvelle-Écosse, et fera probablement la même chose avec plusieurs autres provinces. Ainsi, le ministère fera l'inspection des chemins de fer assujettis à la réglementation provinciale en utilisant le régime de sécurité fédéral qui est prévu dans la Loi sur la sécurité ferroviaire, soit en passant, une très bonne loi.

Nous encourageons le Bureau de la sécurité des transports du Canada dont le rôle consiste à faire enquête sur des accidents ou des incidents à titre indépendant, à conclure des ententes avec les provinces en vue de faire enquête à la suite d'accidents ferroviaires et à superviser les chemins de fer assujettis à la réglementation provinciale, comme Goderich et Exeter.

Cette question préoccupe et intéresse énormément l'industrie. Nous y travaillons constamment.

En fait, les chemins de fer, comme toutes les autres entreprises humaines, sont exploités par des humains; une fois de temps en temps, il y a des erreurs et tout ce que nous pouvons faire, c'est de poursuivre nos efforts afin d'en réduire le nombre.

Le sénateur Bacon: Y a-t-il une réglementation suffisante des CFIL? Ou faudrait-il d'autres règlements?

M. Ballantyne: Non, nous n'avons pas besoin d'un plus grand nombre de règlements. Le Canada possède de bonnes lois dans ce domaine. Dans le monde d'aujourd'hui, il s'agit en fait d'une réglementation de premier ordre, à la fine pointe, surtout en ce qui concerne la sécurité. Le fait qu'il y a des organismes, indépendants, comme le Bureau de la sécurité des transports du Canada, qui font enquête à la suite à d'accidents survenus dans la plupart des modes de transport, constitue une protection supplémentaire qui assure que le public est bien servi; on ne s'en remet pas au transporteur, mais bien à des organismes indépendants. C'est important. Pour nous aussi, il importe non seulement de fonctionner en toute sécurité, mais que cela se voie et que cela soit vérifié par un organisme indépendant comme le BST.

M. Cameron: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Les CFIL ont fait comprendre clairement au BST, et à d'autres, qu'ils préfèrent être jugés en fonction de la norme de sécurité la plus élevée, ainsi les normes d'une province ne sauraient être supérieures à celles de ses voisines. Il existe ainsi une norme commune partout. Ils ont clairement indiqué qu'ils souhaitent être jugés de façon équitable et juste.

[Français]

Le sénateur Rivest: Je voudrais vous poser une question qui va un peu dans le sens de ce que le sénateur Bacon a indiqué. Il est difficile pour un comité de savoir exactement quelle est la responsabilité des uns et des autres quand il s'agit d'organisations de travailleurs ou encore de la partie patronale.

Prenez, par exemple, les améliorations technologiques en regard de la sécurité. Vous nous dites que la technologique accroît la sécurité. D'un autre côté, les travailleurs viennent devant le comité et nous disent que la technologie, qui peut avoir ses mérites, fait perdre des emplois. Alors, les travailleurs qui travaillent et qui relatent des incidents, à tort ou à raison -- je ne veux pas parler d'un incident en particulier -- nous disent que s'il y a moins de sécurité ou s'il y a des problèmes de sécurité c'est parce qu'il y a moins de monde, de la fatigue, et cetera. C'est très difficile à jauger pour le comité et pour les organismes de réglementation.

Je pense qu'autant les compagnies de chemin de fer que les travailleurs sont tout aussi conscients l'un que l'autre de l'importance de la sécurité pour le public et de l'importance aussi de la sécurité pour les personnes qui travaillent au sein de ces entreprises. Chacun est de bonne foi. Il y a beaucoup d'aspects de la réglementation qui peuvent venir des organismes centraux qui sont très loin de ce qui se passe réellement sur le terrain, sur une ligne de chemin de fer.

Pourquoi cet aspect-là de sécurité ne fait pas partie des négociations de travail de la convention collective spécifiquement? Et si ce n'est pas possible, parce que c'est un droit de gérance -- j'imagine que c'est ce que vous allez me dire -- quelles sont les initiatives que les compagnies de chemin de fer ont en commun avec leurs employés?

Par exemple, tantôt, on nous disait que le CN avait un ombudsman pour protéger les travailleurs, pour la sécurité des travailleurs. Et les travailleurs viennent nous dire qu'il ne sont même pas au courant qu'il y a un ombudsman nommé par la compagnie. J'imagine qu'ils n'ont pas été informés. Il semble y avoir, dans la définition des politiques, avec la bonne foi que les entreprises et les travailleurs ont pour accroître la sécurité, un manque de communication et d'organisation ou de coordination des efforts et de la volonté des uns et des autres pour accroître la sécurité. Vous n'avez pas ce sentiment-là?

Pourquoi ne négociez-vous pas des éléments, pas tous les éléments, mais des éléments essentiels de l'accroissement de la sécurité des travailleurs et du public à l'intérieur des conventions collectives? Autrement dit, les travailleurs auraient une voie réelle dans la détermination des normes de sécurité et des pratiques de sécurité.

Si ce n'est pas possible, parce que ce sont les droits de gérance j'imagine, quelles sont les initiatives que vous les entreprises de chemin de fer, prenez pour associer les travailleurs dans la détermination des normes et de la mise en vigueur des normes de sécurité?

[Traduction]

M. Cameron: Tout d'abord en ce qui concerne l'inclusion de la sécurité dans les conventions collectives, je pense que pour la gestion des chemins de fer, la sécurité constitue un élément inhérent de la gestion de l'entreprise. C'est sur un pied d'égalité avec le choix des immobilisations. Une entreprise ne consulte pas les syndicats avant de décider combien il lui faut de nouvelles locomotives. La sécurité fait partie du métier et par conséquent, très clairement, à mon avis, n'est pas de la compétence des syndicats, mais une prérogative de la gestion.

Il faut travailler avec les employés, syndiqués et pas, afin d'améliorer la sécurité. Il y a d'ailleurs plusieurs initiatives en ce sens.

Comme employé de l'Association des chemins de fer du Canada, je ne suis pas employé du CN, mais nous recevons copie de la publication du CN à l'intention de ses employés. On a annoncé dans cette publication, que tous les employés du CN reçoivent, que l'on avait nommé un ombudsman.

Le président: Qui nomme l'ombudsman?

M. Ballantyne: C'est la compagnie.

Il y a également le fait que le Parlement du Canada, dans sa sagesse a adopté plusieurs autres lois afin de protéger tous les travailleurs au Canada. Il s'agit soit de la partie II ou III du Code canadien du travail, qui régit la santé et la sécurité au travail. Ces dispositions s'appliquent aux cheminots, comme à tous les autres travailleurs au Canada. Il y a donc chevauchement.

En outre, les chemins de fer, du moins les deux grandes sociétés ferroviaires, le CN et le CP, ainsi que plusieurs autres plus petites compagnies, en collaboration avec les syndicats, ont en place des comités de sécurité à divers endroits, partout au Canada.

Enfin, je tiens à revenir sur ce que mentionnait Roger dans son exposé, cette étude de 3 millions de dollars, effectuée ces dernières années sur la fatigue des employés itinérants. Le CN, le CP, VIA et la Fraternité des ingénieurs de locomotive, ont financé cette étude. Je tiens à souligner que les TUT, invités à participer à l'étude, ont refusé de le faire financièrement et de quelque façon que ce soit.

Le sénateur Rivest: Parce que vous croyez que c'est une prérogative de la gestion.

M. Ballantyne: Oui. C'est une prérogative de la gestion, mais dans ce cas, la gestion avait invité les employés à participer ce qu'ils ont refusé de faire.

M. Cameron: La compagnie, les employés et leurs familles ont profiter de ce processus.

Permettez-moi de parler un instant de l'ombudsman. La personne qui a été choisie possède d'excellents talents de communication et est également très respecté par les employés et la gestion ce qui a beaucoup joué en sa faveur.

Le sénateur Adams: Combien de syndicats différents retrouve-t-on au CN?

M. Cameron: Je n'en suis pas sûr. Le nombre de syndicats a également diminué avec le temps. Nous avons assisté à une réunion la semaine dernière avec un exploitant de ligne secondaire qui a 55 employés représentés par sept syndicats qui ont conclu six conventions collectives. D'une façon générale c'est représentatif. Il y a environ sept ou huit syndicats. Parmi les syndicats d'exploitation on retrouve essentiellement la Fraternité des ingénieurs de locomotive et les Travailleurs unis des transports; il y a un autre syndicat qui représente les aiguilleurs; les travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile représentent les employés qui faisaient naguère partie d'un syndicat pour employés de bureau; il y a un autre syndicat qui représente les agents de la voie et un autre encore qui représente les agents d'entretien des signaux.

Il y a déjà eu un syndicat des chauffeurs de locomotive. Avec l'évolution de l'industrie, jusqu'à un certain point, la structure syndicale évolue aussi.

Le sénateur Adams: Pour revenir à la question du sénateur Bacon au sujet de cet accident ferroviaire, quelle est la procédure à suivre lorsqu'un tel accident se produit? Qui doit-on prévenir d'abord? Que s'est-il produit au cours de cet accident dont on a parlé précédemment?

M. Cameron: Évidemment, quelqu'un est au courant lorsque ce genre de choses se produit, incontestablement. Nous ne savons pas à qui l'information a été donnée, ce qui a été fait suite à cette information, mais nous nous sommes engagés à nous renseigner.

Les syndicats ont des intérêts divers. Par exemple, lors de la mise au point d'une nouvelle technologie «beltpack» on a donné l'occasion au syndicat qui représentait les ingénieurs de locomotive de l'utiliser, mais celui-ci a refusé. Les Travailleurs unis des transports, un autre syndicat qui représente le personnel d'exploitation, s'est chargé de le faire pour ses membres.

Le président: Vous comprenez, je pense, que nous faisons face à un dilemme. Nous sommes au milieu des années 90. Je pensais que nous étions au XXe siècle, sans compter que nous allons bientôt franchir le cap d'un millénaire.

Notre comité n'entreprend pas une chasse aux sorcières, nous ne défendons aucun intérêt personnel. Nous sommes un groupe de profanes. Les sociétés ferroviaires nous ont donné des réponses évasives, et que dire des syndicats, nous disent-ils la vérité... nous ne pouvons que le présumer. Nous ne pouvons que présumer que vous nous dites la vérité.

Que sommes-nous censés faire? Je le demande pour la forme; je ne vous demande pas de répondre. Je vous fais simplement part de mes préoccupations profondes; c'est-à-dire, nous en sommes à nous demander ce que nous faisons ici à Montréal, un mardi après-midi, à écouter des témoignages contradictoires qui représentent, je ne peux que l'espérer, le résultat d'une tendance qui a vu le jour au début du siècle, une tendance dont nous n'avons pas réussi à nous défaire encore, la tendance à la confrontation.

Je vous supplie de mettre cette tendance en arrière-plan, sinon vous rendrez le travail d'organismes tels que celui-ci qui n'existe que pour promouvoir la sécurité, inutile, voire même impossible.

Je comprends le rôle des associations de chemins de fer. J'avais deux ou trois questions à vous poser, sur certains des conflits, mais je ne le ferai pas. Je vais attendre d'avoir des renseignements sur quelque chose que je considère répréhensible. Il m'est très difficile de croire que l'on n'a pas fait rapport d'un déraillement important; que personne n'était au courant dans l'industrie, à moins que vous ayez tous été en vacances, c'est incroyable. Je suis sûr qu'il existe une explication, mais j'ai bien du mal à comprendre.

Je n'ai pas d'autres questions. J'espère que vous pourrez obtenir l'information que j'attends. L'accident a peut-être été signalé et dans ce cas, quelqu'un nous ment... ce que je n'aime pas; ou encore peut-être ces personnes n'étaient pas au courant, n'avaient pas été bien renseignées.

Espérons que l'on va pouvoir rectifier tout cela, et très bientôt, car vous êtes responsables. Ce n'est pas un jeu; c'est une tâche très difficile. Le public canadien veut voyager, veut pouvoir utiliser sans crainte, les transports publics. Si on ne peut pas faire confiance aux fournisseurs, comment peut-on maintenir la confiance dans le système?

En Nouvelle-Écosse, nous n'avons que VIA, donc nous ne sommes pas... le chemin de fer a plus ou moins disparu de nos vies.

Lorsque l'on a donné l'occasion aux chemins de fer de faire quelque chose d'utile, ils n'étaient pas intéressés du tout. Je parle du transport des ordures de 400 000 personnes sur 140 ou 150 milles, de Halifax à Amherst par train et ensuite par camion jusqu'au site d'enfouissement au lieu d'accumuler ces ordures dans la vallée Wentworth en Nouvelle-Écosse, la vallée de la mort -- sans compter le nombre accru de camions que cela exige quotidiennement.

Frank Barber et moi-même sommes passés par là il y a une semaine ou 10 jours, et nous avons compté huit ou 10 camions et à cinq minutes derrière nous, il y a eu un accident de camion-remorque qui a bloqué la circulation pendant trois heures et demie à quatre heures. Je ne dis pas que ce camion transportait des ordures. Toutefois, 20 ou 30 camions de plus sur un tronçon de route très dangereux...

Les chemins de fer n'étaient pas intéressés à ce transport parce qu'il s'agissait d'une situation sans lendemain; ce sont les profits qui les motivent.

Avez-vous d'autres questions, collègues?

M. Ballantyne: Sénateur, puis-je faire encore quelques commentaires à la suite de...

Le président: Nous en serions heureux.

M. Ballantyne: Quelques points seulement. J'aimerais revenir aux questions du sénateur Rivest sur les discussions entre les syndicats et la gestion, des questions de sécurité, j'ai oublié de mentionner qu'aux termes de la Loi sur la sécurité ferroviaire, la principale loi qui régit le fonctionnement des chemins de fer assujettis à la réglementation fédérale, aux termes des articles 19 et 20, il faut, lorsque la gestion instaure ou projette d'introduire de nouveaux règlements de sécurité, qu'elle donne la possibilité aux travailleurs syndiqués de participer à des consultations sur l'aspect sécuritaire de ces règlements.

Après les consultations, ces règlements sont présentés au ministère des Transports qui doit les approuver avant leur entrée en vigueur. J'ai participé directement à ce genre de consultations, à plusieurs reprises, et j'estime que dans l'ensemble, c'est très efficace. La bonne volonté règne dans ce genre de consultations.

Pour revenir sur ce que disait le président au sujet de la confrontation, manifestement, presque par définition, la négociation collective repose sur la confrontation et nous avons pu justement grâce au processus de consultations prévu dans la Loi sur la sécurité ferroviaire, éliminer jusqu'à un certain point, ce genre de confrontation.

Les modifications aux règlements préparées par la gestion sont le résultat de la participation des syndicats. Cela s'est produit à plusieurs reprises. J'imagine que les représentants du FIL et des TUT et probablement ceux des travailleurs canadiens de l'automobile qui représentent les employés qui réparent les locomotives et les wagons de marchandises, les employés chargés de l'entretien, voudraient donner leur opinion à ce sujet aussi.

La seule autre chose que j'aimerais dire -- mon dernier commentaire -- à la suite également de ce que vous avez dit au sujet des réponses évasives et des points de vue divergents, jusqu'à un certain point, c'est normal, puisqu'il y a un marqueur indépendant, soit le Bureau de la sécurité des transports du Canada. Le BST ne garde pas de données statistiques sur les chemins de fer assujettis à la réglementation provinciale, mais il le fait pour les chemins de fer fédéraux.

Justement, en ce qui concerne la sécurité des employés, le nombre moyen des accidents mortels de 1991 à 1995 était de quatre employés; en 1995, il y en a eu trois; et l'an dernier, une mauvaise année, il y en a eu sept. Cela donne sept, trois et quatre de trop.

Notre objectif, chaque année, c'est qu'il n'y en ait aucun, ce que nous n'avons pas encore réussi à faire. Les gestionnaires ainsi que les syndicats des chemins de fer exercent de fortes pressions afin d'avoir une année sans un seul accident mortel parmi nos employés; nous voulons également réduire le nombre de morts aux passages à niveau et le nombre de morts par suite d'intrusion.

En ce qui concerne le rôle du BST, il fait enquête sur les accidents ferroviaires, maritimes, aériens et de pipeline. Un plus grand nombre de personnes sont tuées et blessées dans des accidents de voiture au Canada que pour tous les autres modes de transports confondus. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada n'est pas responsable des enquêtes des accidents de la route. Nous recommandons au Parlement du Canada et aux cadres supérieurs de Transports Canada de modifier la loi afin que le BST se voie confier la responsabilité du transport commercial interprovincial -- les autobus et les camions interprovinciaux. Cette mesure augmenterait autant sinon plus la sécurité des Canadiens, que toute autre mesure

Le président: Vous nous avez donné quelques bonnes réponses ce dont je vous félicite.

Merci beaucoup, messieurs.

Maintenant, nous accueillons Don Campbell, Brian James et Georges Mokbel de l'Association canadienne de l'industrie du caoutchouc.

Je vous en prie, messieurs.

M. Brian James, président sortant, Association canadienne de l'industrie du caoutchouc: Je vais d'abord faire un exposé d'ordre général, et ensuite nous verrons. Je m'appelle Brian James, comme l'a dit votre président. Je me suis retiré du poste de président de l'Association canadienne de l'industrie du caoutchouc à la fin du mois de décembre 1996 après 12 ans. Auparavant, j'ai occupé divers postes chez Dunlop Rubber, y compris celui de président de Dunlop Canada et vice-président des Amériques, c'est-à-dire de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud. En fait, j'ai passé 44 ans dans le domaine de la fabrication des pneus. Voilà pourquoi l'association m'a demandé d'abandonner ma brève retraite et de venir vous faire cet exposé.

Je suis accompagné aujourd'hui de Don Campbell, mon successeur à la présidence de l'Association qui vient d'Industrie Canada. Néanmoins, il connaît très bien le secteur de la fabrication des pneus puisqu'il était notre contact pendant de nombreuses années à Industrie Canada et que nous avons travaillé en très étroite collaboration avec lui. Il y a aussi Georges Mokbel de la compagnie Michelin, membre de notre comité technique.

Nous sommes ici, vous le savez sans doute, comme bénévoles, à nos propres frais, afin de vous aider dans votre examen et de faire le point sur tout ce qui touche la fabrication des pneus et la qualité des pneus. Je me dois de préciser, dès le départ, que bien que je connaisse très bien, d'une façon générale, la fabrication et la performance des pneus, je ne suis pas technicien. Je suis disposé à vous parler de la performance des pneus de camions et de la sécurité des pneus du point de vue du fabricant, mais ce sont les roues qui se détachent qui semblent avoir le plus retenu l'attention des médias. Je dois donc expliquer que je ne connais rien aux roues ni à leur entretien. Ainsi, je vais me limiter, dans mes propos, à l'entretien et à la performance des pneus.

En relisant les procès-verbaux des réunions qui ont eu lieu jusqu'à présent, on constate qu'à plusieurs reprises, il a été question de la qualité des pneus. On a laissé entendre à quelques reprises que les pneus pouvaient exploser. Je pense qu'il y a peut-être là de graves malentendus et de fausses idées.

Je dois préciser que les pneus sont fabriqués strictement selon les normes de qualité prévues dans la Loi sur la sécurité des véhicules automobiles. Ces normes canadiennes sont, en fait, des normes internationales, puisqu'elles sont identiques aux normes du Département américain des transports qui ont été adoptées par les principaux pays industrialisés du monde. En fait, aucun nouveau pneu ne peut être vendu en Amérique du Nord à moins d'avoir été fabriqué selon ces normes de qualité internationales et chaque nouveau pneu doit porter un numéro du Département des transports correspondant à l'usine où il a été fabriqué.

Chaque fabricant doit s'assurer que son produit satisfait aux normes minimales, ou les dépasse. Le produit peut tout de même être testé au hasard, par Transports Canada ou son homologue américain ou les autorités d'un autre pays. Si l'échantillon de pneus ainsi mis à l'essai n'est pas conforme aux normes, Transports Canada a le pouvoir de demander que les fabricants rappellent toute la série de production dont ils proviennent.

Que je sache, il n'y a eu au Canada qu'un seul rappel de pneus de camion moyens depuis 12 ans. Je remonte à 12 ans parce que c'est à cette époque que je suis devenu membre de l'Association. En 1990, un fabricant a procédé à un rappel volontaire, c'est-à-dire non demandé par un gouvernement, pour une seule série de pneus de camions fabriqués en Espagne. C'était une mesure de prudence, parce qu'on craignait un défaut de fabrication. Le gros de cette série a pu être récupéré. J'ai vérifié auprès de Transports Canada, et on m'a dit qu'actuellement, rien ne peut susciter de craintes quant à la qualité des pneus neufs de camions. En fait, la qualité des pneus ne préoccupe personne à Transports Canada.

En outre, je dois vous dire que le comité technique sur les pneus de notre association a l'habitude de rencontrer deux fois par année, en mai et en novembre, les responsables de Transports Canada pour parler de questions se rapportant à la sécurité et à la qualité des pneus. On n'y a pas parlé d'incidents relatifs à la sécurité des pneus de camion. Mon successeur n'a pas non plus entendu parler de problèmes relatifs à la qualité, même s'il est dans l'industrie du pneu depuis 20 ans.

La sécurité des pneus de camions, qu'il s'agisse de pneus neufs ou rechapés, est extrêmement bonne. La plupart des pneus de camions moyens ont un bandage d'acier, qui est très résistant et qui, avec un entretien adéquat, peut être rechapé deux fois, après son usure initiale. La durée de vie utile de la bande de roulement d'origine d'un pneu de camion est de 500 000 km, pour les roues motrices et de 200 000 à 400 000 km, pour les roues porteuses.

Sur l'essieu directeur, la bande de roulement s'use plus vite, après 150 000 à 200 000 km, en moyenne. Je dois insister sur le fait que la pression est le principal problème de tout pneu, nouveau ou rechapé. Le véhicule roule en fait sur un coussin d'air pneumatique, dont les pneus sont l'enveloppe. Si la pression est insuffisante, les parois du pneu se courbent excessivement, causant une accumulation de chaleur, pouvant elle-même résulter en une défaillance des plis des parois et, peut-être, une défaillance ou la destruction du pneu. La pression des pneus doit être vérifiée régulièrement.

Une grave surcharge du pneu crée le même problème et les mêmes résultats, c'est-à-dire la destruction du pneu pendant que roule le véhicule. Il est rare qu'un défaut de fabrication cause une défaillance du bandage. En fait, la plupart des pneus de camions neufs sont inspectés aux rayons X à l'usine, avant de passer à l'inventaire. La cause de la plus courante de la défaillance du pneu est la destruction du bandage causé par un gonflage insuffisant ou une charge excessive.

À l'exception des pneus des essieux directeurs, la plupart des pneus de camion sont montés en tandem, ce qui signifie que si l'un d'eux se dégonfle, l'autre portera à lui seul le double de sa charge. Cela signifie que le véhicule peut poursuivre sa route, mais aussi que le pneu qui porte une double charge sera endommagé par cet excès de poids. En outre, le camionneur peut ne pas se rendre compte de la défaillance.

Malheureusement, certains camionneurs, même s'ils sont au courant de la défaillance, décident d'attendre au prochain relais routier, où il sera plus pratique de changer de pneu. Dans certains cas, en effet, il est peut être plus sûr de rouler jusqu'au prochain arrêt que de changer un pneu sur l'accotement.

De toute façon, le pneu endommagé est traîné et il se désintègre et des morceaux s'en détachent. Malgré cela, que je sache, il n'y a pas eu d'incidents où un morceau de pneu s'étant détaché, a causé un accident ou des dommages.

Il est clair que c'est possible, mais je dis que je ne suis pas au courant d'un incident pareil. Aucune plainte de ce genre ne s'est rendue jusqu'à moi. Un problème de défaillance de pneu ne se compare pas avec ce qui se produit lorsqu'une roue se détache du véhicule. J'insiste sur le fait que la qualité des pneus de voiture et de camion n'a cessé de s'améliorer depuis 30 ans. L'invention et la mise sur le marché des pneus radiaux ceinturés d'acier sans chambre à air, pour les véhicules de tourisme, et les pneus radiaux ceinturés et bandés d'acier pour les camions, a augmenté la durabilité des pneus de 300 p. 100 et a substantiellement réduit le nombre de défaillances des pneus. Les éclatements sont typiques de l'époque où les pneus avaient des chambres à air. Lorsqu'une chambre à air sous pression était soudainement décomprimée, elle avait tendance à éclater.

Pensez à un ballon: le caoutchouc est étiré, ce qui est bien différent du revêtement intérieur d'un pneu. Actuellement, 93 p. 100 des pneus de camion sont sans chambre à air et ils peuvent se dégonfler, lentement ou rapidement, ou se désagréger à force de rouler à plat, mais ils n'explosent pas comme les pneus à chambre à air le faisaient autrefois.

En passant, au sujet du chiffre de 93 p. 100 que je viens de mentionner, je n'ai pas les chiffres exacts, mais je crois que le reste, soit 7 p. 100, représentait des pneus spécialisés, utilisés hors route; très peu d'entre eux sont des pneus de route. Je crois que si vous faites les vérifications nécessaires auprès de la Direction générale de la sécurité routière de Transports Canada ou auprès du Département américain des transports, vous constaterez que la qualité des pneus des camions n'a jamais été aussi bonne et que les cas de défaillance des pneus attribuable à des défauts de fabrication n'ont jamais été si rares.

Je dois faire remarquer que l'industrie canadienne du pneu a été rationalisée avec la production américaine depuis le libre-échange et qu'elle fait maintenant partie d'une industrie nord-américaine. Au Canada, il n'y a qu'un seul producteur de pneus de camion de taille moyenne, le genre de pneu dont nous parlons. Environ 80 p. 100 des pneus produits au Canada sont exportés; environ 80 p. 100 des pneus vendus au Canada sont fabriqués aux États-Unis ou outremer. L'industrie de fabrication de pneus est une industrie exportatrice et nous vendons plus de pneus à l'étranger que nous n'en importons. On a rationalisé les échanges de produits afin que les usines produisent de forts volumes d'un nombre restreint de tailles de pneus, à échanger avec des pneus d'autres tailles, produites par la même entreprise, dans des usines américaines ou étrangères.

Dans l'industrie du pneu, il est prouvé que des séries de forts volumes coûtent moins cher, notamment en temps de réglage des machines, tout en offrant une meilleure qualité, étant donné l'uniformité du procédé de production. L'industrie du pneu est toutefois une industrie de taille internationale. Les trois fabricants de pneus au Canada sont les trois plus grands producteurs mondiaux. Même s'il s'agit d'une industrie très concurrentielle...

Le président: Qui sont ces trois principaux producteurs?

M. James: Michelin, Goodyear et Bridgestone Firestone.

Le sénateur Rivest: Lequel est le meilleur?

M. James: Je ne peux pas vous répondre. Mais il reste qu'il s'agit des trois plus grands. Ils ont des usines partout dans le monde, y compris en Amérique du Nord et du Sud, en Europe et en Asie. Même si la concurrence est serrée dans notre industrie, la qualité du produit est essentielle.

Il y a un tas d'autres considérations qui influent sur la circulation des camions sur les routes canadiennes, dont les pratiques relatives à la sécurité des roues et des pneus. Il y a de plus en plus de camions sur nos routes, à cause du coût de ce mode de transport, de la commodité de la livraison chez le destinataire, de la flexibilité des horaires, etc. L'avènement de l'ALÉNA, qui a coïncidé avec un dollar canadien dont le taux de change était généralement faible, a fait croître le volume du trafic Nord-Sud et a augmenté la disponibilité des camions en retour à vide à faible tarif.

Un camion de Chicago revenant de Montréal à vide est toujours disponible pour une livraison à Toronto ou à Buffalo, en chemin. La déréglementation de l'industrie du camionnage au Canada et aux États-Unis a alimenté une féroce concurrence. Je connais un expéditeur qui paie les mêmes tarifs aujourd'hui qu'en 1984 pour un fort volume de marchandises expédiées entre le Canada et les États-Unis, et cela, malgré une augmentation de plus de 20 p. 100 de l'IPSO pour la même période.

Dans le contexte de la déréglementation, un accord fédéral-provincial de 1988 sur la mise en oeuvre d'un code de sécurité uniforme pour les transporteurs n'a pas été aussi loin qu'il aurait pu. D'ailleurs, on constatera peut-être qu'il est inutile de traiter de la question de la sécurité des camions. Comme vous le savez sans doute, au fédéral, on a compétence sur les normes de fabrication des nouveaux véhicules, y compris les pneus. Les provinces ont compétence en matière des normes fonctionnelles; des compressions aux deux niveaux de gouvernement et une adaptation apparemment incohérente de la part des bureaucraties intéressées, peuvent contribuer aux problèmes.

Ce n'est pas encore prouvé, mais il semble y avoir une corrélation entre les basses températures et la défaillance des essieux. Il se pourrait que cela corresponde simplement à l'augmentation des nids de poule sur nos routes, par basse température. La croissance du trafic de véhicules au Canada a de beaucoup dépassé la capacité de construction et d'entretien de nos routes. L'autoroute transcanadienne est toujours conforme aux normes de 1967, c'est-à-dire une route principale à deux voies reliant presque tout le nord de l'Ontario aux Maritimes, malgré une augmentation importante du volume de véhicules, particulièrement de camions.

L'abandon de nombreux tronçons de chemin de fer dans l'Ouest du Canada, et de toute la ligne principale du Canadien Pacifique à l'est de Sherbrooke peut aussi avoir contribué aux problèmes. Un mauvais entretien et des inspections peu fréquentes chez certaines compagnies de camionnage sont certainement des causes importantes des défaillances de pneus. Par ailleurs, la sécurité des routes est manifestement un facteur plus important que les pneus de camion.

J'espère que cela vous sera utile et je répondrai volontiers à toutes vos questions.

[Français]

Le sénateur Rivest: Vous avez insisté pour dire que l'industrie a amélioré considérablement la qualité de ses produits. Par contre, dans votre mémoire, vous indiquez une foule de considérations sur l'usage qu'on en fait comme le millage, la vérification du gonflement des pneus, et cetera. Concernant l'industrie du camionnage -- je suppose que les coûts n'ont pas considérablement augmenté en même temps que la performance des pneus ou la résistance des pneus -- il y a la question de la vérification. Les camionneurs ont un «logbook», comme ils l'appellent, pour y inscrire le temps qu'ils font. Est-ce que ce «logbook» est de juridiction provinciale?

M. Campbell: Je ne sais pas.

Le sénateur Rivest: Prenez par exemple au Québec, actuellement, le ministre des Transports, M. Brassard a annoncé une réglementation beaucoup plus sévère de la conduite des camions, pour la vérification de la mécanique et des pneus. Vous, les producteurs, établissez des standards, vous en avez fait mention, mais qui vérifie cela? Qui informe les compagnies afin qu'elles n'abusent pas, qu'elles ne poussent pas au maximum l'utilisation? Il n'y a personne qui vérifie cela? Est-ce que les inspecteurs provinciaux vérifient le millage sur un pneu?

M. Georges Mokbel, gérant, Produit d'ingénierie, Pneus Michelin (Canada) Ltée: Pas le millage, mais c'est surtout la vitesse. Pour le millage, on arrive à un moment, quand le pneu s'use -- surtout au Canada, à cause de la traction dont on a besoin pour la neige --, où automatiquement, nous retirons des pneus 30 p. 100 plus tôt que nos voisins américains.

Le sénateur Rivest: Est-ce qu'il y a un organisme quelconque qui oblige le propriétaire d'un camion ou d'une flotte de camions à changer ses pneus? Je vous dis cela parce que c'est incroyable le nombre de pneus éclatés qu'on voit, par exemple, sur la Route 20 entre Québec et Montréal. C'est dangereux non seulement pour les conducteurs de camions mais également pour les usagers de l'automobile.

On sait que dans le domaine des transports, ils font à peu près tout ce qu'ils peuvent pour contourner la réglementation, que ce soit les «logbooks» ou autres. Et j'imagine que, pour les pneus, les propriétaires des flottes de transport mettent les camions sur la route même s'ils savent que les pneus ont dépassé les normes du manufacturier, non?

M. Mokbel: Je ne pense pas, parce qu'ils sont très conscients qu'ils doivent...

Le sénateur Rivest: Il en coûte plus cher quand il y a des mauvais pneus, parce que cela coûte plus en essence?

M. Mokbel: Pas seulement pour cela, s'il y a un problème de pneu le camionneur doit s'arrêter au milieu du chemin, il doit appeler son «pickup», il faut appeler quelqu'un pour changer les pneus, donc il y a un retard. Et aujourd'hui, avec la compétition, il y a même des satellites autour de chaque camion pour savoir exactement où il est pour qu'on puisse le contacter pour avoir un autre chargement. Donc, il y a un contrôle très serré pour l'entretien des véhicules.

Le sénateur Rivest: La juridiction fédérale évidemment établit les normes pour les fabricants, cela est clair, c'est déterminé.

M. Mokbel: C'est cela, oui.

Le sénateur Rivest: Mais ce sont les provinces à travers le Canada qui gèrent, je présume, l'application des normes de vérification des pneus. Étant donné que ce sont les provinces, cela peut varier d'une province à l'autre, comme, probablement, cela varie d'un état américain à l'autre pour le transport international, de la même façon que pour les «logbooks», la réglementation varie.

M. Mokbel: J'ai vu des contraventions que la police ou un inspecteur de Transports Canada avait donnés suite à l'utilisation d'un disque qui se met sur l'indice de vitesse.

Mr. Campbell: Le «tattletale».

M. Mockel: Oui. En se basant sur ce disque, on peut voir si le véhicule a fait du 120 à l'heure, donc il peut recevoir une contravention.

Le sénateur Rivest: Je pense que les camionneurs appellent les inspecteurs, «verts»?

M. Mockel: Les inspecteurs du transport?

Le sénateur Rivest: Ils vérifient les pneus quand ils font les vérifications mécaniques au poste?

M. Mokbel: Oui, ils doivent. On a beaucoup de problèmes là-dessus.

Le sénateur Rivest: Et c'est de la réglementation provinciale?

M. Campbell: Provinciale, oui.

Le sénateur Rivest: Qui varie d'une province à l'autre?

M. Mokbel: On a ce qu'on appelle des témoins d'usure sur les pneus avec les différentes structures et les barèmes.

Le sénateur Rivest: Vous avez dit ou vous semblez dire, à la fin de votre mémoire qu'il y a eu une tentative à travers les provinces au Canada d'uniformiser un peu la réglementation ou, enfin la vérification du bon état des pneus et que cela n'avait pas donné grand-chose: chaque province fait ce qu'elle veut; c'est un peu curieux.

[Traduction]

M. Don Campbell, président, Association canadienne de l'industrie du caoutchouc: Sénateur, voilà le problème. On fixe les normes au niveau fédéral, mais le niveau fonctionnel est de compétence provinciale. La réglementation du trafic de camions relève des provinces ou des États, pour parler des États-Unis. L'application varie d'un État à l'autre, d'une province à l'autre, en tenant compte des normes routières, entre autres.

Le sénateur Rivest: De la température.

M. Cameron: En tenant compte des conditions locales. Il y a souvent délégation au ministère des Transports, qui peut ou non avoir des inspecteurs de la voirie; la plupart des provinces en ont. C'est souvent délégué aux corps de police locaux, provinciaux ou de l'État. Il y a donc toute une différence dans l'exploitation des véhicules dans chaque territoire, et beaucoup de différences dans l'application des règles. En gros, avec toutes ces lacunes, on comprend que la situation soit incontrôlée.

[Français]

Le sénateur Rivest: Disons, par exemple, qu'un camion de New York ou de la Pennsylvanie arrive au Québec, est-ce la réglementation du Québec qui s'applique?

[Traduction]

M. Campbell: Bien sûr, puisqu'ils roulent au Québec.

[Français]

Le sénateur Rivest: Puis quand il va à Halifax, est-ce que c'est la réglementation de la province?

M. James: Exactement.

Le sénateur Rivest: Cela varie pour les charges aussi, on parle des pneus, mais le poids?

M. Mokbel: Pour les pneus, ce sont les mêmes standards.

Le sénateur Rivest: Pour la fabrication?

M. Mokbel: Pour la fabrication, ce sont les mêmes, oui. On suit tous le T.R.A. puis Transports Canada.

Le sénateur Rivest: Oui, vous avez dit qu'aux États-Unis c'est uniformisé.

M. Mokbel: Même au niveau mondial, cela l'est pas mal. Ce sont les charges seulement qui changent. La charge par essieu change d'une province à l'autre. C'est pour cela qu'au Québec on voit beaucoup plus d'essieux, pour charger plus. Il y a des essieux qu'on appelle des «relevables». Quand on va à Washington ou dans les autres États américains, il faut tout cela, parce qu'on n'a pas le droit d'avoir plus de trois essieux. Surtout du point de vue de la charge, le premier critère c'est vraiment l'état des routes, c'est cela qui gère tout, ce qui endommage l'asphalte.

Le sénateur Rivest: Au Québec on ne doit pas figurer parmi les meilleurs?

M. Mokbel: Je n'ai pas de commentaire là-dessus.

Le sénateur Rivest: Très bien.

[Traduction]

Le sénateur Bacon: À la page 5 de votre mémoire, vous dites que même si votre secteur est très compétitif, la qualité du produit est cruciale. Avez-vous une idée de l'argent qui y est consacré? L'industrie dépense-t-elle beaucoup d'argent pour la recherche et la technologie? Avez-vous des recommandations à faire, en tant qu'association?

M. James: Oui, certainement; cela se chiffre en millions de dollars. Sans vouloir faire rougir M. Georges Mokbel, je dois dire que l'invention du pneu radial ceinturé d'acier a été une grande percée, qui a évidemment eu des conséquences très néfastes sur l'industrie, car chaque fois que l'on multiplie par trois la durée de vie d'un produit, on réduit assurément le marché. C'est l'un des principaux facteurs qui ont entraîné une réduction draconienne des prix et une concurrence extrême dans l'industrie.

Effectivement, notre secteur est très axé sur la recherche et le développement. Je n'ai pas de chiffres en tête, mais cela représente des millions de dollars. Le seul problème réside dans le fait qu'ici au Canada, nous ne sommes pas au centre des choses -- Bridgestone est japonais, Michelin français, et Goodyear américain -- et par conséquent, la proportion de R-D effectuée au Canada est relativement réduite. En tout cas, ces trois entreprises investissent énormément pour se supplanter les unes les autres en essayant d'améliorer la qualité.

Le sénateur Adams: Vous avez parlé des pneus dont le kilométrage est très élevé. Il y a quelque temps, à Ottawa, notre comité a entendu parler des divers règlements imposés aux camionneurs qui circulent entre les États-Unis au Canada. Si mes souvenirs sont exacts, je pense qu'aux États-Unis, ils peuvent rouler 10 heures par jour et transporter jusqu'à 80 000 livres; au Canada, ils roulent 13 heures par jour et transportent jusqu'à 130 000 livres.

Vous avez dit que certains pneus pouvaient rouler pendant 500 000 kilomètres et d'autres entre 150 000 et 200 000 kilomètres. En ce qui concerne ma voiture, j'ai constaté qu'après un an, les pneus avant sont généralement un peu plus usés d'un côté.

Y a-t-il des propriétaires de camion qui croient qu'ils doivent faire la rotation de leurs pneus et ainsi de suite? Existe-t-il des règlements à cet effet?

M. James: Je ne connais aucun règlement de ce genre, même si je pense que c'est une pratique courante dans le secteur du camionnage. L'industrie conseille aux propriétaires de voitures de faire la rotation de leurs pneus pour que l'usure soit plus uniforme.

Au fond, en mentionnant un certain kilométrage, je voulais donner une idée du genre de norme de qualité qui ont été adoptées. Cependant, il ne fait aucun doute qu'un entretien judicieux, y compris la rotation des pneus, améliore le kilométrage. C'est tout à fait certain.

Si vous constatez que vos pneus sont excessivement usés d'un côté, je vous suggère d'en faire la rotation; de plus, faites vérifier votre parallélisme. En raison de l'état de certaines de nos routes, les roues des voitures ont tendance à se dérégler assez facilement; par conséquent, il est très utile de les inspecter.

M. Mokbel: Si vous permettez, j'ajouterai qu'un bon entretien nécessite un parallélisme tous les 25 000 kilomètres.

Comme nous le savons, notre secteur est très concurrentiel. Si un chauffeur use ses pneus rapidement, disons tous les 100 000 kilomètres au lieu de 200 000, il perd de l'argent parce qu'il doit les remplacer et les installer sur la remorque. C'est pour cela qu'ils investissent dans l'entretien et le parallélisme des roues. Ils y consacrent beaucoup d'argent.

Le sénateur Adams: En effet; je pense que certains camions perdent leurs pneus, parce que les roues sont déréglées, les roulements usés, et cetera.

M. James: Autant que je sache, nous ne parlons pas des pneus qui s'enlèvent des jantes, même si cela peut se produire si le pneu est dégonflé et que le véhicule continue de rouler pendant longtemps; mais je pense que le plus gros problème ce sont les roues qui se détachent des essieux et ce n'est vraiment pas à cause du pneu.

Le sénateur Adams: Oui, je comprends. Le président du comité emprunte souvent les principales autoroutes entre la Nouvelle-Écosse et Ottawa et il a constaté que beaucoup de pneus éclataient sur l'autoroute. Quelle est l'épaisseur maximale de vos pneus?

M. James: Je laisserai Georges vous donner les détails, mais je ferai d'abord une observation d'ordre général. Il y a plusieurs années, avant le recours à l'acier, nous avions l'habitude de multiplier les couches de caoutchouc pour renforcer le pneu. Cependant, depuis l'avènement de l'acier, l'épaisseur est devenue un inconvénient plutôt qu'un avantage, car plus le pneu est épais, plus il produit de chaleur en roulant. Depuis que l'on a inventé les pneus radiaux, à carcasse d'acier et à bandes d'acier, les fabricants, réduisent le nombre de couches et augmentent la solidité des pneus. Grâce à leur solidité accrue et à leur masse réduite, les pneus sont beaucoup plus sûrs, parce qu'ils roulent à une température plus faible. La chaleur est le pire ennemi des pneus.

Quand le pneu est insuffisamment gonflé, il fléchit davantage; et plus il fléchit, plus il risque de rompre. S'il est bien gonflé et s'il supporte un poids normal, il peut rouler... je ne dirais pas indéfiniment, mais sa durée utile sera très longue. Si le pneu est insuffisamment gonflé, le nombre de couches ne compte vraiment pas. Il y a 30 ou 40 ans, un pneu à six couches de caoutchouc, était considéré comme étant meilleur qu'un pneu à quatre couches. Tel n'est plus le cas aujourd'hui.

M. Mokbel: Nous pouvons avoir la densité d'acier par centimètre carré qui correspond à la résistance d'un pneu à six couches, 10 couches, 12 couches, 18 couches ou 22 couches; mais il n'y a qu'une seule couche d'acier.

Le président: Parmi les trois principaux fabricants, y en a-t-il qui font du rechapage?

M. James: Je pense que tous en font.

Le président: À grande échelle?

M. James: Je ne connais pas le pourcentage, mais Georges pourrait peut-être vous en parler.

M. Mokbel: Nous conseillons à nos clients de rechaper leurs pneus autant que possible, notamment pour des raisons écologiques. Le rechapage fait partie du recyclage. Je pense donc qu'il faut amener les clients à rechaper les pneus. Nous avons une carcasse très solide qui permet de rechaper un pneu deux fois, et nous encourageons tout le monde à le faire.

M. James: Permettez-moi d'ajouter ici que nous parlons des pneus de camion; nos observations ne concernent que les pneus de camion. La structure des pneus de voiture est très différente. Cependant, en ce qui concerne les pneus de camion, l'industrie encourage effectivement le rechapage et les carcasses sont conçues à cet effet.

Quant au nombre de rechapages possible, il dépend essentiellement des soins et de l'entretien que l'on apporte aux pneus. Le rechapeur doit examiner très attentivement la carcasse et décider si elle convient ou non au rechapage.

Le président: Que pensez-vous de l'utilisation des «pneus économiques» dans le camionnage au Canada?

M. James: Faites-vous allusion à la publicité d'une entreprise en particulier?

Le président: Pas du tout. Quand on monte des pneus bon marché sur un camion, on les appelle «des pneus économiques». On n'installe pas de pneus économiques sur les roues motrices, ni sur le mécanisme de direction; on les installe quelque part entre les deux, et on les appelle des pneus économiques. Il est rare de voir un pneu avant ou un pneu de roue motrice de camion éclater; c'est généralement l'un de ces pneus économiques qui éclate. Peu m'importe votre expérience, mais j'en ai vu éclater latéralement.

M. James: Je ne peux que répéter ce que j'ai déjà dit: je ne connais aucun fabricant qui fabrique des pneus qu'il qualifie d'économiques. Tout pneu fabriqué doit répondre à des normes minimales, sinon sa vente serait illégale. Je ne connais pas de problème lié à ces pneus économiques.

En fait, il y a une pénurie de carcasses de pneus de camion au Canada, car les gens en veulent pour le rechapage.

Le président: Les pneus que j'ai vus éclater entre Halifax et Ottawa... il n'en reste que des miettes.

M. Campbell: Je pense, sénateur, que cela provient d'une force centrifuge accrue.

Permettez-moi de faire une petite démonstration. Supposons qu'il s'agit d'un pneu de camion qui tourne. Ce n'est qu'une enveloppe qui renferme de l'air. Quand cette partie du pneu est en bas, elle est pressée de cette façon; quand elle est en haut, elle se présente de cette façon. Par conséquent, chaque fois que le pneu tourne une fois, cela se produit comme ça.

Ce pneu peut faire 5 000 tours par minute sur la route. C'est ce fléchissement des parois latérales qui produit de la chaleur et amène ces parois à séparer la bande de roulement et la ceinture de la carcasse du pneu. Si le pneu est bien gonflé, et s'il est bien entretenu pour commencer, il supportera des charges normales. Cependant, si vous faites en sorte qu'il roule toujours de cette façon, il fléchit davantage, et il commence à se désintégrer, et à 5 000 tours par minute, le caoutchouc s'use assez rapidement. Voilà donc ce qui se passe sur la route. Celle que vous empruntez est assez mauvaise; je comprends l'horreur. En outre, les nids de poule et ainsi de suite n'aident pas.

Le président: M. Barber peut en témoigner, nous avons vu des choses horribles. Ainsi donc, vous êtes en train de me dire que l'atelier de rechapage dans le parc industriel de Dartmouth -- qui s'occupe des petits pneus de camion et non pas des gros -- doit inspecter tous les pneus qu'il rechape; doit-il se conformer à la norme nationale?

M. James: Non, c'est une situation différente. Il n'y a pas de norme de performance en matière de rechapage. Il y a seulement des lignes directrices relatives à la fabrication. Le rechapage est une question de compétence provinciale. Les normes actuelles concernant les nouveaux pneus sont des normes de performance, et non pas des normes de fabrication. Par conséquent, Transports Canada peut prendre une série de pneus et les mettre à l'essai pour s'assurer qu'ils répondent aux normes de performance. Cependant, il est difficile de le faire avec des pneus rechapés parce que les carcasses de rechapage ne sont jamais identiques. Une fois que l'on a utilisé un pneu sur la route -- il peut avoir été utilisé par quelqu'un qui fait très attention, qui l'entretient bien, et la carcasse est en bon état; mais l'on ne peut pas en dire autant d'un pneu qui a été mal utilisé -- il incombe aux rechapeurs d'en examiner très attentivement la carcasse. Beaucoup le font avec des appareils aux rayons X, mais ils doivent faire très attention pour s'assurer que la carcasse peut être rechapée.

Voulez-vous ajouter quelque chose, Georges?

M. Mokbel: Il existe toute une industrie du rechapage et d'inspection des pneus. Certains appareils aux rayons X coûtent plus d'un million de dollars, et ils ne servent qu'à examiner les carcasses avant le rechapage. Dans l'industrie, il existe une procédure permettant de mettre la carcasse dans une chambre, c'est le même procédé qu'utilise la NASA pour vérifier les fuites ou la séparation entre les différentes couches. C'est exactement le même. Toutes les carcasses passent par cette chambre, et sur un écran d'ordinateur, on voit s'il y a une séparation. Le cas échéant, la carcasse sera mise à la ferraille automatiquement.

Chaque concessionnaire qui rechape des roues a une machine; par exemple, la Bandag que l'on loue à 25 000 $ par mois. Nous avons des techniciens qui assurent la formation continue des rechapeurs. Dans notre centre de formation, situé à Montréal, nous formons tous ces techniciens.

Le président: Combien de rechapeurs y a-t-il au Canada?

Le président: Des rechapeurs.

M. James: Je ne sais pas.

M. Mokbel: Presque tous les concessionnaires de pneus qui vendent des pneus de camion veulent que l'utilisateur final revienne le voir pour le rechapage; par conséquent, presque tous...

Le président: Autrement dit, le rechapage est assez lucratif pour que les concessionnaires investissent un million de dollars dans l'appareillage nécessaire?

M. Mokbel: Oui. Je ne parle pas des petits concessionnaires, comme M. Muffler. Je parle plutôt des concessionnaires de camions.

Le président: Y en a-t-il plusieurs centaines?

M. Mokbel: Oui, il y en a plusieurs centaines.

Le président: Plusieurs centaines?

M. Mokbel: Probablement, oui.

M. James: Je pense que Harvey Brodsky comparaîtra devant vous demain, et il est probablement mieux placé que nous pour répondre à cette question.

Le président: Qu'en est-il des pneus d'avion?

M. James: Eh bien, il s'agit là d'un produit très spécial. Il faut se rappeler que les avions prennent de la vitesse très rapidement, et leurs pneus accumulent de la chaleur dans un laps de temps très court, surtout à l'atterrissage.

M. Campbell: Quarante mille pieds à moins quarante degrés.

M. James: C'est exact. Ils subissent des changements de température et de vitesse énormes, et ainsi de suite.

Les rechapeurs aiment bien dire que les pneus d'avion sont rechapés, ce qui signifie que le rechapage est sans doute une bonne chose. Toutefois, n'oubliez pas que l'on ne peut pas mettre beaucoup de caoutchouc sur un pneu d'avion, car plus le pneu est épais, plus la chaleur s'accumule. Prenez l'exemple d'un 747 qui va atterrir. Il touche le sol à une vitesse que j'ignore; ses pneus passent subitement de moins quarante à Dieu sait quelle température. Par conséquent, la surface de roulement du pneu d'avion est mince, parce qu'elle doit dissiper la chaleur.

L'avion ne parcourt pas de grandes distances au sol, il ne roule que sur la piste d'atterrissage; néanmoins, ses pneus doivent rouler à la plus faible température possible; par conséquent, leurs carcasses sont rechapées plusieurs fois, car il faut que la surface de roulement reste mince afin de dissiper rapidement la chaleur.

M. Mokbel: Un pneu d'avion comporte deux carcasses. Au lieu d'utiliser du polyester, nous utilisons du kevlar qui est plus coûteux. De plus, la composition du caoutchouc est différente, car, comme Brian l'a mentionné, nous devons nous assurer que ces pneus roulent à la température la plus faible possible. En outre, ils sont réglementés quant au nombre de décollages et d'atterrissages. Par conséquent, peu importe ce que nous faisons du pneu... ils doivent l'enlever pour des raisons de sécurité, disons après 100 décollages. Voilà donc pourquoi les pneus d'avion sont rechapés tant de fois.

M. Campbell: À propos des pneus d'avion, ajoutons que lorsqu'on les fait tourner... il s'agit d'un énorme gyroscope. Si l'on met beaucoup de caoutchouc sur la paroi extérieure, on obtient un immense gyroscope, et de nos jours, les roues d'avion se replient dans les airs. Cela a une incidence sur la stabilité et beaucoup d'autres choses. C'est pourquoi les pneus doivent être légers.

Le président: Certains d'entre nous sont assez vieux pour se souvenir des vieux pneus. Y aura-t-il un autre progrès considérable dans la construction des pneus? Mène-t-on actuellement des recherches visant à réaliser une percée? Autrement dit, verrons-nous quelque chose de nouveau, disons vers l'an 2025?

M. James: Eh bien, s'il y a des recherches sur la construction des pneus, je n'en sais absolument rien. Je pense que les changements et les améliorations se poursuivent au niveau des composés. En effet, les composés évoluent considérablement. Des pressions écologiques sont exercées sur l'industrie afin qu'elle utilise un peu plus de caoutchouc régénéré, qui a connu beaucoup de succès à l'époque du pneu diagonal. Je pense qu'il y a beaucoup d'amélioration en ce moment, surtout en ce qui concerne le kilométrage.

L'un des inconvénients tient au fait que l'industrie automobile en profite pour fabriquer des véhicules plus manoeuvrables, ce qui compromet l'amélioration de la durabilité des pneus. Je suis sûr que si l'on installe les pneus d'aujourd'hui sur une automobile d'avant la guerre, ils seront probablement quatre ou cinq fois plus durables, car les systèmes de suspension étaient tellement différents. Je pense qu'il y aura d'autres améliorations en ce qui concerne les composés.

Personnellement, je ne suis pas au courant d'une amélioration importante ni d'une percée pour ce qui est de la construction.

M. Mokbel: Nous avons commencé à remplacer le noir de carbone, qui est un élément important de la construction, avec de la silice. Comme vous savez, la silice c'est le sable qu'on trouve à la plage. Il est important que les voitures soient économiques. Les camions roulent de plus en plus vite. Ils sont plus gros et aérodynamiques, et il faut que les pneus soient adaptés à ces modifications. Puisque nous voulons que les pneus aient le minimum de résistance au roulement, nous utilisons de la silice. Nous n'avons pas supprimé complètement le noir de carbone. Le pourcentage de silice est très très faible. Nous commençons à utiliser de la silice depuis seulement deux ou trois ans.

M. Campbell: Les pneus des voitures seront plus légers aussi, car, dans le but de rendre les voitures plus économiques, les dessinateurs d'automobile font des châssis de plus en plus légers. Par conséquent, la masse non suspendue, c'est-à-dire la partie qui est portée par les essieux, et les pneus, doivent être plus légers à cause des harmoniques, entre autres. Ces éléments deviendront plus légers.

M. James: Mais je crois qu'on ne risque pas de se tromper en disant que les fabricants sont très conservateurs, car dans leur secteur, les erreurs peuvent résulter en une très mauvaise réputation très rapidement. Il y a quelques années, un des fabricants a eu des problèmes de ce côté, et je dirais que sa réputation en souffre peut-être toujours un peu.

M. Campbell: La société a même été rachetée par les Japonais.

Le sénateur Adams: Si, comme vous dites, les voitures sont déjà plus légères, qu'est-ce qui se passera lorsque les voitures électriques seront sur le marché? Est-ce qu'elles seront plus lourdes ou plus légères? Est-ce qu'elles auront besoin de pneus spéciaux?

M. James: Certains pneus ont été conçus pour les voitures électriques et ils sont plus légers. Je n'en sais pas grand-chose. Tout ce que je sais c'est qu'ils ont été fabriqués de façon expérimentale. J'ai l'impression qu'à bien des égards, ils n'auront pas à être aussi solides que les pneus ordinaires actuels. Mais je ne sais pas si c'est vrai ou faux.

M. Mokbel: Je participe à quelques projets avec General Motors et Ford sur les voitures électriques. En effet, nous allons leur livrer des pneus spéciaux pour ces voitures, peut-être avant la fin de la semaine. Je travaille aussi avec les universités McGill, Queen's et Western, et l'Université de Montréal sur les voitures solaires. Donc, oui, dans 25 ans on aura des voitures électriques et des voitures solaires.

M. Campbell: Il ne faut pas oublier que sur les 18 millions de voitures montées en Amérique du Nord chaque année, il y en a moins de 20 000 qui sont électriques.

M. James: Il s'agit d'un produit intéressant, et la majorité des gens ne se rendent pas compte que jusqu'ici il n'y a rien qui remplace le pneu.

Le président: Non, mais il faut bien qu'il existe autre chose que des pneus de camion dangereux. Pour que les pneus de camion soient sécuritaires, il faut qu'ils soient bien gonflés et entretenus et que les plates-formes et les surfaces des routes soient améliorées.

M. Campbell: Il serait peut-être utile aussi de coordonner les lois fédérales et provinciales.

Le président: Merci beaucoup, messieurs.

La séance est levée.


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