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SAFE

Sous-comité de la sécurité des transports

 

Délibérations du sous-comité de la
Sécurité des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 8 - Témoignages pour le 19 mars 1997


HALIFAX, le mercredi 19 mars 1997

Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 29 pour étudier la situation en matière de sûreté et de sécurité des transports au Canada.

Le sénateur J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bonjour. Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications du Canada reprend ses travaux. Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin des représentants du Halifax Pilotage Marine Pilots Committee. Nous entendrons le président du comité, M. Stockdale, et M. Rae, qui en est membre.

Messieurs, vous avez la parole.

M. Alan Stockdale, président, Halifax Marine Pilots Committee: Monsieur le président, le comité que je préside s'occupe de la sécurité des opérations de pilotage dans le port de Halifax. En fait, nous sommes nous-mêmes des pilotes. L'administration du pilotage est une entité séparée.

Premièrement, je veux apporter mon appui à la position énoncée par les pilotes de la Colombie-Britannique. J'aurais pu tout aussi bien écrire leur mémoire. Je suis d'accord avec tout ce qui est dit dans ce document, en particulier la demande que le Sénat appuie le projet de loi C-44, dont vous serez bientôt saisis, du moins nous l'espérons. Nous confirmons que tous les groupes du domaine du pilotage au Canada -- la plupart de nos clients -- ainsi que les compagnies de transport maritime appuient l'adoption de cette mesure.

Deuxièmement, je voudrais attirer votre attention sur les problèmes de sécurité qui se posent dans certains secteurs de l'industrie du transport maritime. Nous utilisons les installations du Port de Halifax, qui maintient dans ses opérations de transport maritime les normes internationales les plus élevées. Il faut toutefois exclure les exploitants qui font des économies de ce côté, sinon les autres ne pourront pas survivre à cause de leurs coûts plus élevés. C'est pourquoi nous suggérons que le Canada continue de resserrer son programme d'inspection des navires par l'État du port. Nous croyons qu'il est très efficace. Nous voyons ce programme en action dans tous les ports, grands et petits. Nul ne peut échapper aux inspecteurs portuaires, peu importe que l'on fasse escale à Sheet Harbour, à Montréal ou à Halifax.

Le Canada doit également poursuivre ses efforts auprès de l'OMI pour exercer des pressions sur les pays qui permettent l'utilisation de pavillons de complaisance, pour qu'ils resserrent leurs normes. Ce qu'il faut, ce n'est pas nécessairement plus de règles, mais plutôt une application efficace des règles existantes. Les pilotes sont les premiers à voir d'un oeil expert les navires qui s'approchent d'un port. Nous devons dire que si l'on a mis en place des mesures qui font illusion en matière de sécurité, la réalité est que la sécurité se dégrade graduellement. Vous n'avez pas à me croire sur parole, les statistiques le prouvent.

Je vous invite aussi à voir l'émission de la série Panorama de la BBC intitulée Scandal at Sea. Vous l'avez peut-être vue, sinon, je vous la recommande. J'en ai apporté un exemplaire sur cassette. Dans cette émission, on décrit la situation du transport maritime dans le monde. En m'appuyant sur 40 ans d'expérience dans le secteur du transport maritime, je peux dire que c'est un reflet fidèle de la situation dans ce secteur. On est allé au fond des choses.

En septembre 1990, David Brander Smith, c.r., recommandait dans son rapport intitulé «Protégeons nos eaux» d'accélérer la mise en place de la technologie de cartographie électronique. J'ai également apporté avec moi copie de ce rapport. L'effort canadien dans ce domaine, c'est-à-dire la production de cartes électroniques, a été prodigieux et admirable. Nous avons créé un système qui permettra, dans 95 p. 100 des cas, de localiser électroniquement un navire à 10 mètres près.

Pour ce qui est du Système électronique de visualisation des cartes marines, le SEVCM, je dois toutefois faire une mise en garde. Cette technique doit être utilisée pour renforcer la sécurité et non pas pour faire des économies aux dépens de la sécurité. Quoique leur enthousiasme soit compréhensible, il y a dans le secteur et dans la fonction publique des responsables qui seraient prêts à supprimer la plus grande partie des aides à la navigation de courte portée, c'est-à-dire les bouées et les feux côtiers. Nous avons réfléchi à la question et nous sommes d'avis qu'il est trop tôt pour déterminer si la nouvelle technologie de cartographie électronique permettra de remplacer les bouées et les feux. Pour le moment, il faut conserver les deux systèmes, jusqu'à ce qu'on ait fait une évaluation en bonne et due forme. Tant que le SEVCM n'aura pas été utilisé et mis à l'épreuve dans le monde entier, il faut conserver les bouées et les feux. Les pilotes de Halifax considèrent que c'est un élément de sécurité essentiel.

En janvier 1994, la Commission d'examen de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports a publié un autre excellent rapport visant à promouvoir la sécurité. Ce rapport a été jugé excellent par les intervenants du secteur et en particulier par les marins qui considéraient que s'il était appliqué, il pourrait éliminer beaucoup des difficultés qui ont marqué les débuts du Bureau de la sécurité des transports. Malheureusement, le bureau ne fait pas beaucoup d'efforts pour mettre en oeuvre les changements recommandés dans le rapport. En conséquence, les rapports continuent de se faire attendre, les responsables ont des oeillères et le mécontentement est de plus en plus marqué dans le milieu, au point de se transformer en hostilité qui débouche sur des poursuites judiciaires et des querelles par avocats interposés. Il faut redresser la situation.

Le Bureau de la sécurité des transports est un élément vital du processus de sécurité. Il faut donner suite au rapport que j'ai cité. Mais le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports refuse carrément de le faire. Nous sommes donc dans l'impasse.

Enfin, le facteur le plus important pour la sécurité, c'est la compétence des marins. Le seul moyen d'obtenir des marins compétents, c'est de recruter des candidats valables et de leur donner une bonne formation, surtout au cours des années d'apprentissage. Or nous ne faisons ni recrutement ni formation. Nous ne faisons pas du bon travail dans ce domaine depuis des années. Par conséquent, nous avons au Canada et dans le monde entier une main-d'oeuvre vieillissante. Les données démographiques indiquent qu'une forte proportion des meilleurs marins professionnels prendront leur retraite au cours des cinq prochaines années.

Depuis 10 ans, nos efforts de formation sont lamentables. Par exemple, parmi les principales causes d'accidents, il y a le manque de discipline sur la passerelle et une mauvaise connaissance des procédures de sécurité pour la navigation. Pour l'essentiel, cela s'apprend au début de la carrière d'un marin. Il y a eu un relâchement du côté des pratiques sécuritaires et nous essayons d'y remédier en donnant des cours de gestion des ressources de la passerelle d'une durée d'une semaine. Tout cela est très bien, pourvu que les gens possèdent les connaissances de base; il suffit alors de leur inculquer une nouvelle attitude. Toutefois, si les élèves qui suivent ces cours ne possèdent pas le bagage convenable, ces cours d'une durée d'une semaine sont d'une valeur douteuse.

De plus en plus, on essaie d'emprunter des raccourcis pour la formation des recrues, ce qui n'est pas satisfaisant à long terme. Ce qu'il faut, c'est une politique nationale de la formation, depuis le début de la carrière d'un marin, en mettant l'accent au départ sur l'apprentissage des éléments de base.

Le recrutement et la formation des marins sont justement le sujet d'un autre rapport sur lequel j'attire votre attention. Il est intitulé «Étude des ressources humaines dans le secteur du transport maritime au Canada». Comme vous le voyez, nous avons tous les rapports voulus, nous avons déblayé le terrain. Nous connaissons tous les problèmes, il faut maintenant se retrousser les manches et se mettre à l'oeuvre.

Cela met fin à mon introduction, monsieur le président.

M. Andrew Rae, membre, Halifax Marine Pilots Committee: Monsieur le président, je suis ici pour répondre à toute question que vous pourriez avoir sur les systèmes de cartographie électronique. Nous, les pilotes de Halifax, avons participé à un projet-pilote, sans jeu de mots, dans le cadre duquel nous avons évalué divers systèmes de cartographie électronique et avons pu en observer les faiblesses.

Nous applaudissons sans réserve au concept du SEVCM, et nous sommes d'accord pour qu'on en poursuive le développement. Toutefois, ce système vient à nos yeux compléter et non pas remplacer les actuels systèmes, procédures ou méthodes qui sont en place. Nous n'en sommes pas encore à un système parfaitement au point et approuvé. Pour le moment, l'OMI refuse de rendre obligatoire le matériel en question. Toutefois, si un armateur décide d'embarquer ce matériel à bord de ses navires, alors il doit respecter certaines normes et un cahier des charges. Pour le moment, il n'est pas obligatoire d'embarquer ce matériel. Ce qui nous préoccupe, c'est qu'il est à notre avis prématuré de prendre une décision quelconque visant à supprimer les aides de courte portée ou à en réduire le nombre en raison de la présence du SEVCM.

Le président: Qui fait ces cartes?

M. Rae: Les cartes électroniques sont réalisées par divers services hydrographiques dans le monde entier. Le Service hydrographique du Canada réalise des cartes marines pour nos eaux. Les données numérisées et vectorielles sont ensuite confiées à une entreprise commerciale qui les distribue aux armateurs; ces compagnies doivent toutefois respecter les normes décrétées par le service hydrographique.

Le président: Le tout sera-t-il un jour privatisé?

M. Rae: Vous avez raison. On conclura une entente avec un fournisseur privé qui deviendra le fournisseur officiel des données hydrographiques. Nous n'avons pas trop de craintes quant aux données elles-mêmes. Pour les eaux canadiennes, nous avons la chance d'avoir un très bon service hydrographique. Pour l'essentiel, nos cartes sont à jour.

À l'échelle du globe, il y a des problèmes parce que, comme vous pouvez l'imaginer, certaines cartes datent de l'époque du capitaine Cook. La mise à jour de ces cartes, pour les amener à l'ère de l'électronique, ne se fera pas sans erreurs graves. Il faudra envisager des coûts importants pour retourner sur le terrain et refaire les levés.

Il y a énormément de travail à faire du côté de l'élaboration des cartes elles-mêmes avant que le système soit accepté mondialement. Toutefois, pour les principales voies d'eau du Canada, la plupart de ces questions ont été résolues. Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas tant la cartographie elle-même que les logiciels et le service de positionnement global, qui est un système américain. Il peut subir de l'interférence de signaux radio, autant à bord des navires que dans les stations terrestres. Les signaux sont reflétés.

Ce qui nous préoccupe le plus du côté des logiciels, ce sont les pannes imprévues. Autrement dit, on peut perdre son positionnement sans en être aucunement averti. Les 20 ou 30 secondes qu'il faut pour se rendre compte que le positionnement ne fonctionne plus peuvent être cruciales dans des eaux dangereuses.

Le sénateur Roberge: J'ai l'impression que les logiciels vont s'améliorer au cours des deux ou trois prochaines années. Vous dites que nous devrions veiller à ne pas nous débarrasser des bouées et autres aides de ce genre pendant cette période, ce qui est tout à fait compréhensible. Combien de temps faudrait-il, par exemple, pour faire une évaluation valable du système afin de s'assurer que la sécurité est garantie?

M. Stockdale: Le seul exemple que nous ayons de l'introduction d'un outil de navigation complètement nouveau, c'est le radar. Il a probablement fallu 15 ans pour que tout soit bien rodé. Il a fallu, pour commencer, assurer la normalisation internationale et l'acceptation dans le monde entier.

Le sénateur Roberge: Dans le monde d'aujourd'hui, la technologie et les connaissances avancent beaucoup plus vite.

M. Stockdale: Oui.

Le sénateur Roberge: Quoi qu'il en soit, comment le saurons-nous?

M. Stockdale: Tout est là. Nous ne fixons pas d'échéance pour la simple raison que nous ne savons pas dans quelle mesure on peut commencer dès maintenant à enlever ces aides à la navigation.

Ce que nous disons, c'est que les deux systèmes doivent coexister pour nous donner le temps de faire une bonne évaluation avant d'enlever les aides existantes. Il faut procéder par étape, au fur et à mesure que nous acquérons de l'expérience.

Le sénateur Roberge: Bien sûr, et tous les navires doivent aussi être intégrés au système.

M. Stockdale: Oui. À l'heure actuelle, à part une cinquantaine de navires canadiens, il n'y a pas un seul navire qui est doté de ce que l'on peut appeler une carte électronique. Or, on me dit qu'il y a 78 000 navires marchands dans le monde. Nous sommes donc loin du compte.

Je comprends l'enthousiasme des promoteurs du projet et l'on aura tendance à aller trop vite. Si l'on pousse ce projet de façon précipitée, on le tuera.

Le sénateur Roberge: Sur un autre sujet, vous avez dit que beaucoup de ces 78 000 navires ne sont pas sûrs et ont des problèmes. Je n'ai pas besoin de vous dire exactement quels sont les problèmes, vous les connaissez. Je veux toutefois savoir quelles sont les procédures qui existent ici même au Canada pour le cas où un navire qui n'est pas sûr entre dans l'un de nos ports ou dans nos eaux territoriales? Y a-t-il une procédure d'inspection permettant de retenir un navire, de le refouler en haute mer ou de le saisir?

M. Stockdale: Oui, il y a une procédure. Toutefois, je ne suis pas expert en la matière. Vous entendrez probablement des représentants du service d'inspection de Transports Canada. La procédure la plus efficace est celle de l'inspection aléatoire effectuée par les commissaires d'avaries du port de l'État. Il s'agit d'un fonctionnaire canadien qui monte simplement à bord du navire pour vérifier l'état des lieux.

De mon point de vue de marin, c'est mon devoir moral de dénoncer ce que je considère comme dangereux. Autrement, ce sera un fait accompli. Le seul moyen pour nous d'arrêter cela, c'est de faire en sorte qu'il soit obligatoire de faire la réparation quand un commissaire d'avaries monte à bord d'un bateau et constate une déficience. Nous devons faire en sorte qu'il y ait suffisamment de commissaires d'avaries pour garantir que quiconque fait venir chez nous des bateaux en mauvais état aura des difficultés extrêmes.

Je vais vous donner un exemple. Il y avait un bateau qui a fait régulièrement escale ici pendant 38 ans. Il était bien entretenu. Toutefois, vers la fin de sa vie utile, il n'aurait manifestement pas pu passer une inspection et être autorisé à naviguer au Canada. Ensuite, il a été envoyé en Extrême-Orient et, à ma connaissance, il navigue toujours. Nous avons déjà des normes plus élevées que le reste du monde. Je crois que nous devons continuer de la sorte.

Le sénateur Roberge: Les pilotes que nous avons au Canada, dans les fleuves ou n'importe où ailleurs, montent-ils à bord de ces navires?

M. Stockdale: Oui.

Le sénateur Roberge: Vous représentez le secteur du transport maritime, dans lequel vous travaillez depuis 40 ans ou 30 ans. Par conséquent, vous connaissez les problèmes. Dans le cadre de vos fonctions, ou conformément aux procédures établies par le syndicat des pilotes, n'êtes-vous pas tenus de signaler ces incidents?

M. Stockdale: À ma connaissance, il n'est écrit nulle part que cela fait partie de nos fonctions. Si vous croyez qu'un navire n'est pas sûr, moralement, c'est votre devoir de le dire aux autorités. Nous l'avons fait et nous continuerons de le faire. Nous ne sommes pas des inspecteurs et nous ne pouvons pas déceler des défauts cachés comme peut le faire un commissaire d'avaries. Ce dernier passe sa vie à inspecter des navires.

Par exemple, la dernière fois que j'ai fait cela, le navire en question avait des fissures tellement évidentes que je pouvais distinguer les fissures du pont principal à partir du poste de timonerie, à 300 pieds de distance.

Le sénateur Roberge: Vous avez intérêt à débarquer au plus vite.

M. Stockdale: En effet. J'ai donc pris le téléphone et j'ai appelé les responsables de la sécurité du port qui sont montés à bord. Ils ont exigé que l'on fasse la réparation. Quand cela nous saute aux yeux, nous faisons quelque chose. Les défauts latents ne sont pas toujours évidents pour nous.

Le sénateur Roberge: Quelles recommandations précises du rapport d'examen du Bureau de la sécurité des transports voulez-vous voir appliquer?

M. Stockdale: Le rapport en entier est excellent et répond à toutes nos préoccupations.

Le sénateur Roberge: Établissez un ordre de priorité.

M. Stockdale: Je suggère les recommandations qui traitent de la confidentialité et de l'anonymat des témoins, c'est-à-dire les recommandations 55 à 60. Le problème, c'est que nous n'avons aucune protection. Le Bureau de la sécurité des transports a le droit d'exiger que nous répondions à ses questions. En ce qui concerne les témoignages que nous donnons, nous n'avons pas la protection normalement accordée à tout citoyen contre l'auto-incrimination. Nous n'avons pas le droit de réserver notre défense. Nous devons être complètement transparents et nous voulons être francs avec eux. Pourtant, quand nous le sommes, quand nous leur donnons tout ce qu'ils veulent et que nous répondons à toutes leurs questions, nous ne voulons pas que notre témoignage soit transmis à des tierces parties, ouvrant la porte à des poursuites au criminel ou au civil.

Le président: Je trouve que c'est inacceptable. Je suis scandalisé de vous entendre dire cela. Si je vous ai bien compris, les témoignages devant le Bureau de la sécurité devraient être confidentiels.

M. Stockdale: Si vous lisez l'énoncé de la confidentialité, vous constaterez que c'est plein de trous.

Le sénateur Roberge: Avez-vous un avis juridique en ce sens?

M. Stockdale: Oui.

Le président: Vous avez peut-être raison.

M. Stockdale: Dans le rapport, on reconnaît le problème et on recommande des mesures pour y remédier. Mme Gauthier, qui est experte en la matière, a mis le doigt sur le problème et en traite dans son rapport. Je suppose qu'elle s'est aperçue du problème.

Le président: Je ne sais pas comment vous seriez prêts à mettre en jeu votre réputation de professionnel en soulevant ces problèmes devant un bureau qui ne respecterait pas, en toute confidentialité, vos droits et vos privilèges en tant que témoignage. Je suis ébahi de vous entendre le dire.

M. Stockdale: Je ne dis pas que je serais protégé contre toute poursuite au criminel ou au civil.

Le président: Ce n'est pas la tribune pour cela.

M. Stockdale: Non. Il est question de sécurité. Qu'ils s'occupent des questions de sécurité d'abord, et puis, si un procureur veut s'en prendre à moi, il devra repartir à zéro.

Le président: Dans une tribune appropriée, avec un avocat à vos côtés.

M. Stockdale: C'est cela.

Le sénateur Bacon: Quelles mesures prend-on pour s'assurer que les mouvements des pétroliers sur la côte est sont sécuritaires?

M. Stockdale: Moi, je peux seulement parler pour Halifax. À Halifax, nous avons un comité sur la sécurité des pétroliers, au sein duquel sont représentées toutes les parties intéressées, y compris le directeur de port, Esso, notre client, la Garde côtière, le ministère des Transports et les pilotes. Nous avons conçu des plans de traversée et des mesures de sécurité. Par exemple, on rencontre le navire à trois milles de la station de pilote, au large. Le navire n'entre dans la circonscription de pilotage qu'après une inspection préalable de l'équipement de navigation. On fait un test des moteurs en marche arrière, on s'assure que les radars et les compas gyroscopiques fonctionnent, et on s'assure que les pilotes ont confiance dans les officiers et dans l'équipage. Si tout va bien, on va de l'avant. Sinon, on attend. On a déjà fait ancrer des navires ou bien annuler leur mouillage jusqu'à ce qu'on soit satisfait.

Le sénateur Bacon: Existe-t-il un réseau pour prévenir la pollution ou réagir en cas d'incident?

M. Stockdale: Je ne suis pas un expert, mais je sais que chaque navire doit contribuer à un fonds de dépollution. Il doit y avoir un responsable et un plan. C'est la loi.

Le sénateur Bacon: Dans votre vaste expérience en tant que pilote guidant des navires dans les eaux canadiennes, avez-vous remarqué de l'alcool ou de la drogue... quelque chose qui pourrait nuire à la performance des équipages dans les eaux canadiennes?

M. Stockdale: Pas au cours des 15 dernières années. D'après moi, l'alcool n'est plus un problème. Comme l'a dit un ancien collègue, qui était dans la gestion de la marine marchande, «On ne peut plus se le permettre». C'était il y a 15 ans. L'alcool n'est plus un problème.

Le sénateur Bacon: Que fait-on comme prévention?

M. Stockdale: La prévention? Si vous vous présentez sur la passerelle d'un navire, l'haleine chargée d'alcool, vous serez renvoyé.

Le sénateur Roberge: Que voulez-vous dire par là?

Le sénateur Bacon: Renvoyé sur-le-champ?

Le sénateur Roberge: Congédié?

M. Stockdale: Oui. J'ai eu cette expérience avec une très bonne compagnie il y a à peu près 10 ans. Je me suis plaint du timonier. J'ai dit: «Je veux un nouveau timonier; je ne suis pas satisfait de celui-ci». Il sentait l'alcool. Il fut renvoyé sur-le-champ.

Le sénateur Bacon: Alors, c'est tolérance zéro?

M. Stockdale: Exactement.

Le sénateur Roberge: Et pour ce qui est des autres drogues?

M. Stockdale: Je ne pourrais pas vous dire. Je n'en sais vraiment rien.

Le sénateur Roberge: De nos jours, les gens prennent de la cocaïne ou d'autres substances inodores. Pensez-vous qu'il devrait y avoir des tests obligatoires?

M. Stockdale: Je n'aime pas beaucoup cette notion. Je sais que Irving Oil en fait. J'ai parlé au commandant d'un navire grec qui aurait reçu un message d'Athènes lui ordonnant de faire tester l'équipage entier. Les tests obligatoires sont assez communs. C'est en réaction à Open 90 -- les exigences américaines.

Le sénateur Roberge: Au moins pour ce qui est des navires qui transportent des substances dangereuses, comme le pétrole?

M. Stockdale: Personnellement, je ne suis pas très à l'aise avec les tests faits au hasard. Mais si jamais un agent de la GRC m'arrête sur la route et me demande un échantillon d'haleine, je dois lui en donner un. Ce n'est rien de nouveau. Mais ces tests doivent être faits par des experts, des agents de la paix. Je n'aime pas voir les entreprises et les compagnies prendre cette responsabilité.

Le sénateur Bacon: Pensez-vous que ce n'est pas fait de façon impartiale?

M. Stockdale: D'après moi, c'est aux agents de la paix de faire ce genre de test.

Le sénateur Adams: Je veux en revenir au nouvel équipement -- l'équipement électronique. Il sera un peu différent des radars et des écho-sondeurs qu'on a connus jusqu'à aujourd'hui. Même s'il ne sera pas installé pour un bout de temps, tous les navires s'en serviront dans 10 à 15 ans. Je me demandais combien les choses vont changer. Est-ce qu'on aura encore besoin de pilotes, ou est-ce que le capitaine pourra tout faire lui-même dans n'importe quelles eaux canadiennes s'il a cet équipement électronique sur son navire?

M. Rae: Il faut comprendre que tout système d'affichage ou d'information n'est justement qu'un système d'affichage ou un système d'information. Nous ne parlons pas de logiciels intelligents. Il faut encore avoir un professionnel qui connaît les eaux locales pour guider le navire. Quand vous naviguez dans des eaux restreintes, les qualités manoeuvrières d'un navire sont considérablement différentes que dans l'océan. Il faut donc avoir un pilote qui a fait le même travail nombre de fois, et qui comprend bien l'influence des eaux locales sur le navire. Ces influences sont extrêmement importantes, surtout quand on parle de grands navires.

Cet équipement électronique va améliorer et compléter les systèmes actuels, mais il ne les remplacera jamais.

Le sénateur Adams: À Transports Canada, on a commencé à mettre en oeuvre le système AWOS. Est-ce qu'il ressemble à votre système? Les pilotes d'avion sont contre l'AWOS, et d'après moi les pilotes de navire auront la même attitude. Je ne pense pas qu'ils y feront confiance. Il y aura toujours la crainte d'une défaillance de l'équipement. Hier, le directeur de port a dit qu'il n'avait aucun problème avec l'AWOS en ce moment, mais que le système pourrait être un peu différent pour les navires. Un navire s'échoue; un avion tombe et peut tuer des passagers. Qu'en pensez-vous?

M. Rae: Permettez-moi de répondre avec un commentaire de la fédération des armateurs: «Même si on avait le plus intelligent des robots au monde à bord, il nous faudrait toujours un pilote pour accoster en toute sécurité». Voilà la réponse de l'industrie, qui représente 95 p. 100 de nos clients.

Le sénateur Adams: Combien de pilotes de navires y a-t-il sur la côte est?

M. Rae: Pour le Canada atlantique, 30 pilotes travaillent pour l'APA.

Le sénateur Adams: Est-ce qu'ils travaillent pendant toute l'année, ou seulement pendant une partie de l'année?

M. Rae: Dix pilotes sont affectés au port de Halifax. Nous sommes des pilotes de Halifax. Il y a des pilotes à Saint John, au Nouveau-Brunswick, pour le détroit de Canso et Sydney. Il y a des pilotes dans les quatre régions obligatoires de Terre-Neuve.

Le sénateur Adams: Il y a donc 20 pilotes qui ne sont pas à Halifax.

M. Rae: En tout, il y a 30 pilotes au Canada atlantique.

Le sénateur Adams: Maintenant, est-ce qu'il n'y en a que 10? Est-ce que certains d'entre eux ont congé jusqu'à l'été?

M. Rae: Non. Dix pilotes sont affectés à Halifax pendant toute l'année. Tous les ports au Canada atlantique sont ouverts à peu près toute l'année. Nous sommes affectés au port de Halifax.

Le sénateur Adams: Vous dites qu'il y a 30 pilotes dans tout le Canada atlantique. Mais peut-être qu'avec cet équipement électronique, on n'aura plus besoin de pilotes dans 10 ou 15 ans.

M. Rae: Il faut comprendre que certains de nos pilotes guident des navires de plus de 300 000 tonnes. La masse et l'inertie de ces navires sont énormes. Ce n'est pas avec un système d'affichage électronique qu'on aura assez de contrôle pour accoster avec cinq ou six remorqueurs. Il faut un pilote qui a la formation voulue pour accoster un navire de ces dimensions, avec l'aide de remorqueurs.

Les erreurs ont des conséquences très graves. Si on va un mètre trop loin, on peut causer un incident de pollution très important. Nous sommes ici en grande partie devant l'insistance du public.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que certains navires qui arrivent au port ne sont pas sécuritaires. Le Canada a une limite de 200 milles. Nous nous occupons des navires provenant de l'Europe ou de l'Amérique du Sud lorsqu'ils franchissent cette limite de 200 milles. N'est-il pas possible de faire quelque chose avant que ces navires quittent un autre pays?

M. Stockdale: Il existe un système de renseignements qui est exploité par des gouvernements. De toute évidence, le ministère des Transports du Canada y participe. Un navire ne peut pas naviguer dans un état qui est inférieur aux normes pendant longtemps sans être repéré. Encore une fois, je ne suis pas un expert dans ce domaine. Cependant, je sais que ce système contient des renseignements sur différents types de navires et sur différents navires. Je n'ai jamais entendu parler d'un navire qui s'était fait arrêter, mais plusieurs ont été détournés vers Halifax pour des inspections.

Le sénateur Adams: Lorsqu'un tel navire entre dans le port de Halifax, qui est responsable des réparations? Est-ce que les Canadiens font les réparations?

M. Stockdale: Oui, si les réparations sont essentielles, on a des installations ici pour les faire. D'habitude, lorsque l'inspecteur de l'État du port, qui est un commissaire d'avaries marines du gouvernement, découvre quelque chose qui n'est pas conforme aux normes, il en avise la société de classification du navire, qui est un organisme privé, à but non lucratif, et qui accrédite des navires qui satisfont à certaines normes. Normalement, la société de classification refusera d'accorder une accréditation jusqu'à ce que les réparations soient faites. Si le ministère des Transports n'est pas satisfait, il peut exiger d'autres réparations. Cependant, il s'agit normalement d'un travail conjoint entre les sociétés de classification telles que Lloyd's Surveyors ou le American Bureau of Shipping Surveyors et ce qui est maintenant le ministère des Transports, je suppose. J'ai du mal à suivre tous les changements à la Garde côtière et au ministère des Transports. Je crois que les travaux d'inspection sont maintenant effectués par le ministère des Transports.

Récemment, dans un cas à Halifax, les sociétés de classification et le commissaire d'avaries du ministère des Transports ont travaillé ensemble afin de réparer un navire pour qu'il puisse reprendre la mer.

Le sénateur Adams: Je sais que les armateurs ont parfois des problèmes financiers. Ils peuvent dire que lorsqu'ils ont quitté un pays donné, leur navire avait reçu son accréditation de sécurité. Ensuite le Canada exige des réparations. Ces réparations coûtent de l'argent. Est-ce que l'armateur doit payer ces réparations?

M. Stockdale: Oui.

Le sénateur Adams: Avez-vous des difficultés à faire payer des armateurs?

M. Stockdale: Je ne le sais pas. Encore une fois, je ne prétends pas être un expert en la matière. Normalement, l'assureur ou la société d'assurance mutuelle paie les réparations, si le problème est causé par le mauvais temps. S'il s'agit de réparations qui sont nécessaires à cause de la détérioration, évidemment, c'est l'armateur qui paie. Si l'armateur ne paie pas le chantier maritime, on peut toujours obtenir un mandat du shérif, qui impose un droit de retenue sur le navire.

Le sénateur Roberge: Avez-vous une opinion sur l'automatisation des phares?

M. Stockdale: Pas vraiment. On a procédé à l'automatisation des phares sur la côte est dans une grande mesure. Je crois que c'est surtout une question qui touche la côte ouest. En tant que pilote, je ne pense pas qu'on ait besoin d'un gardien dans chaque phare, mais d'autres personnes pensent différemment. Je navigue non seulement à Halifax mais aussi dans deux ports sur la côte de la Nouvelle-Écosse, et je suis un expert-conseil en matière de glace pour le golfe du Saint-Laurent. D'après mon expérience et pour ce que je fais, je n'ai pas besoin des services d'un gardien de phare.

Le sénateur Roberge: Y compris pour l'île de Sable?

M. Stockdale: J'ai travaillé au large de l'île de Sable sur des navires de vivres. Je dirais que pour ce qui est du phare, on n'a peut-être pas besoin de gardien, mais tout dépend des tâches effectuées par ce gardien. S'agit-il d'une station météorologique?

Le sénateur Roberge: Oui.

Le sénateur Bacon: Auriez-vous besoin d'une station météorologique?

M. Stockdale: Je ne le sais pas. Encore une fois, je ne suis pas un expert en la matière. Les phares sur l'île de Sable sont nécessaires et seront encore plus nécessaires une fois qu'on aura entamé le projet sur le gaz naturel. Je dis cela parce qu'il y aura beaucoup de navires qui vont s'échouer sur le sable autour de l'île, et cetera. Le capitaine Rae et moi-même l'avons déjà fait. Les phares sont nécessaires là-bas.

Le président: Tant que le système AWOS ne sera pas perfectionné, ce n'est probablement pas le temps d'envisager l'automatisation des phares à l'île de Sable.

M. Stockdale: Non, je ne le pense pas.

Le président: On ne peut rien substituer à la sécurité.

M. Stockdale: Rien. Dans le cas de l'île de Sable, je crois que vous devriez peut-être examiner la question d'un autre angle. L'île est très isolée.

Le président: Puis-je vous demander de prendre quelques instants pour préciser quelque chose qui semble sérieux et qui m'a fait sourciller ce matin? D'abord, s'agissant de la qualité des marins: la qualité, le niveau et l'accès à la formation ne sont pas comparables à ce qu'ils étaient il y a 15 ou 20 ans. Que pouvons-nous faire? Avez-vous des suggestions en tant que professionnel, au-delà de vos responsabilités de pilote, quant à ce que nous pourrions faire pour mieux former les marins canadiens? Si vous dites que d'ici cinq, six ou sept ans, un assez grand nombre de marins vont quitter la profession, comment pourrons-nous combler ces postes sans recruter à l'étranger? Avez-vous des suggestions qui nous permettraient de recommencer à offrir une formation adéquate? Il doit y avoir 1 500 hommes et femmes au niveau ON-1 et ON-2. Ce ne sont pas des capitaines. Ils sont rarement promus au grade de capitaine.

Que pouvons-nous faire? Cela semble poser un problème. La question m'intéresse parce que mon fils est concerné. Mais en dépit de cela, comment est-ce que ce comité peut s'attaquer au problème et s'assurer que le Canada dispose de marins compétents qui savent agir en cas de crise et qui comprennent le besoin d'être très disciplinés lorsqu'on est sur la passerelle, et cetera?

M. Stockdale: Je ne peux que répéter que l'étude sur les ressources humaines dans l'industrie du transport maritime au Canada a abordé tous ces aspects-là. On a fait des recommandations.

Le président: Comme dans le cas de tout rapport, il faut une interprétation.

M. Stockdale: Dès le début, il faut un engagement pour terminer la formation. On ne peut pas former un capitaine compétent ou un pilote à moins de commencer dès l'âge de 18 ans, dès l'âge de l'école secondaire, et à moins d'offrir une formation bien structurée. Je mets l'accent sur ce que l'on pourrait appeler peut-être la formation initiale, au lieu de mettre l'accent sur le fait que nous nous dirigeons vers des simulateurs très coûteux pour former les officiers supérieurs. L'argent doit être investi dans la formation initiale et cette formation doit être bien faite. Nous devons recommencer et réparer la chaîne du début à la fin, du manoeuvre au capitaine et du manoeuvre de la salle des machines au chef mécanicien. La chaîne de la formation et des promotions doit être réparée.

Notre problème ici au Canada est lié aux mises à pied; beaucoup de gens ont quitté l'industrie. Nous avons perdu des gens d'un certain âge. Si vous regardez bien, vous verrez qu'au plan démographique, il manque un certain groupe d'âge. Je suis un des premiers d'une vague de gens qui vont prendre leur retraite d'ici cinq ans, et c'est à ce moment-là que les gens les plus expérimentés vont partir. Je ne pense pas que l'industrie s'intéresse beaucoup à la formation. L'industrie, à mon avis, travaille pour maintenir une apparence de sécurité. Il y a beaucoup de paperasserie et de listes de contrôle; on ne se fie pas au professionnalisme des équipages et on essaye de s'assurer qu'en cas d'accident, tous les documents mènent au navire et non pas aux bureaux de la compagnie.

Le seul conseil que je puisse vous donner, c'est qu'il doit commencer par le commencement.

Le président: Vous voulez dire par là qu'il doit commencer comme officier de quart?

M. Stockdale: Oui, et il faut transférer l'argent qui est investi dans des simulateurs coûteux à la formation initiale. C'est là où on a besoin d'argent.

Le président: Est-ce que ce serait avantageux pour les jeunes Canadiens et Canadiennes de pouvoir compléter cette formation académique et pratique et, à la fin, de pouvoir obtenir un baccalauréat en sciences?

M. Stockdale: Oui, pour certains, cela pourrait être utile. Il pourrait s'agir d'un bac en sciences nautiques. D'autres pays ont fait cette expérience. Je ne sais pas si un tel programme est bénéfique pour l'industrie. Il nous permettrait d'avoir de meilleurs professeurs de sciences nautiques que nous n'en avons à l'heure actuelle. En général, il ne serait pas nécessaire d'avoir un bac en sciences pour pouvoir naviguer.

Le président: Le fait d'avoir l'institut nautique à Port Hawkesbury a peu amélioré la formation. J'ai l'impression qu'il aurait été très utile si on l'avait laissé ici dans la région de Halifax.

M. Stockdale: Oui, je suis d'accord avec vous.

Le président: Voulez-vous faire des commentaires, capitaine Rae? La question est très importante et je l'envisage du point de vue de la sécurité. Nous ne voulons pas avoir une période d'insécurité dans notre histoire maritime.

M. Stockdale: Même s'il est un peu tard, je pense qu'il faut arrêter de consacrer des fonds aux dernières étapes de la formation. Il faut avaler la pilule et recommencer à zéro et donner aux étudiants une bonne formation dès le début.

Le président: Pensez-vous que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux doivent collaborer pour faire cela? Je pense à un effort conjoint des deux niveaux de gouvernement dans le domaine du personnel et de la gestion.

M. Stockdale: Oui, et je pense que c'est possible. Certaines compagnies le font. Sur le dernier navire où j'étais conseiller en matière de glace, et dont j'ai débarqué dimanche, il y avait deux cadets canadiens à bord. C'était un pétrolier naviguant sous un pavillon de complaisance, et il était bien géré. Les cadets recevaient une formation excellente, de première qualité. Il est possible de faire de la formation de cette façon, mais on n'en fait pas assez. Nous n'avons pas assez de navires pour faire de la formation; mais il est possible d'en faire autrement. La seule chose, c'est qu'il faut en faire davantage.

Le président: Est-ce qu'il s'agissait d'un navire canadien enregistré à l'étranger?

M. Stockdale: Non, c'était un navire indien qui desservait la raffinerie Ultramar à Saint Romuald. Ultramar a des normes très élevées.

Le président: Si j'ai posé la question, c'est parce que, même si, malheureusement, on pense que beaucoup de nos problèmes sont dus aux navires battant pavillon étranger, cette notion ne s'applique plus de façon générale. Généralement, ces navires sont efficaces et habituellement ils sont très modernes et assez neufs. Il faut qu'ils le soient, afin d'être efficaces et rentables. Il est malheureux qu'on ait tendance à considérer que chaque navire battant pavillon étranger est un tramp, car ce n'est pas vrai.

M. Stockdale: Non, en effet. Nous faisons partie d'un marché international de nos jours. Je suis assez sûr que les Canadiens formés de cette façon n'auront pas de mal à se trouver un emploi dans n'importe quel pays, soit à bord de navires canadiens battant pavillon de complaisance, soit à bord de navires étrangers battant pavillon de complaisance. Si les gens sont formés, ils se trouvent un emploi dans le marché actuel. Cela ne fait aucun doute.

M. Rae: Nous sommes passés par le programme d'apprentissage. J'ai fréquenté le collège nautique et j'ai fait un stage à bord de différents navires avant d'obtenir mon premier certificat. Comme Alan l'a souligné, le problème c'est qu'il n'y a pas une grande variété de navires de propriété canadienne. Beaucoup de cadets de certains des collèges canadiens acquièrent de l'expérience à bord de différents navires étrangers, comme les tankers de produits chimiques, les navires porte-conteneurs et les vraquiers. Ils obtiennent ainsi une expérience bien diversifiée. C'est ce qu'il faut rechercher.

Je sais que sur la côte ouest, l'industrie a créé un système de mentors pour soutenir les Canadiens qui travaillent à bord de navires étrangers. Les salaires sont subventionnés. Il y a des congés qui ressemblent à ceux du Canada. De cette façon, le cadet obtient une expérience et une formation diversifiées. La flotte canadienne ne peut pas absorber tout ce monde.

Le sénateur Roberge: Quelles sont les heures de travail à bord d'un navire?

M. Stockdale: Vous parlez des heures de travail pour l'équipage ou pour moi?

Le sénateur Roberge: Pour les pilotes.

M. Stockdale: À Halifax, notre régime est huit jours de travail et six jours de repos. Pendant les huit jours de travail, on est en disponibilité à partir de 10 heures le lundi matin jusqu'à 10 heures du matin le lundi suivant. Cela fait huit jours, et il faut aller travailler à n'importe quelle heure. La semaine compte 168 heures, et on peut vous appeler pour travailler pendant n'importe laquelle de ces heures.

Le sénateur Roberge: Quelle est la période la plus longue pendant laquelle vous avez travaillé sans pause?

M. Stockdale: En tant que pilote ou capitaine?

Le sénateur Roberge: En tant que pilote.

M. Stockdale: Environ 25 ou 26 heures.

Le sénateur Roberge: Ce n'est pas un peu dangereux?

M. Stockdale: Oui. Je ne fais plus cela.

Le sénateur Roberge: Et les autres, est-ce qu'ils travaillent des heures pareilles?

M. Stockdale: Non. Il y a une règle qui prévoit qu'après 15 heures de travail, il faut demander du repos. Je pense que la période de repos est de huit à neuf heures. La loi prévoit qu'après 18 heures de travail, on risque d'être tenu pour responsable si on ne prend pas un repos. Les règles concernant les officiers de quart prévoient une période de 18 heures. Après 15 heures, plus ou moins, un pilote va appeler pour dire qu'il prend neuf heures de repos.

Le sénateur Roberge: Y a-t-il un pilote par navire?

M. Stockdale: Il y en a parfois deux; sur les grands pétroliers qui transportent le pétrole brut, il y en a deux.

Le sénateur Roberge: C'est automatique?

M. Stockdale: Oui. Cela se fait à la demande de la compagnie pétrolière, et non pas à la demande de l'administration de pilotage.

Le sénateur Roberge: Est-ce que les autres types de navires qui transportent les produits dangereux ont des règlements semblables?

M. Stockdale: Non. La situation la plus dangereuse est celle des pétroliers de produits chimiques qui transportent des produits bizarres. En général, il s'agit de petits pétroliers du genre de ceux qui font du cabotage.

Le sénateur Roberge: Avez-vous des recommandations à faire au comité concernant les heures de travail ou les heures de travail des officiers de quart?

M. Stockdale: L'industrie en demande toujours davantage. La seule chose que je dirais au comité c'est qu'à Halifax nous faisons à peu près le bon nombre d'heures. Le système fonctionne bien. Le problème c'est qu'à chaque année nos heures de travail ne totalisent qu'entre 1 400 et 1 600 heures. Les gens comparent notre travail à un travail de bureau. Je tiens à ce que le comité comprenne bien, ainsi que tous ceux de l'industrie de la navigation qui ne semblent pas comprendre, que les heures de travail sont à la demande du client et que la semaine compte 168 heures de travail précises. On va peut-être travailler six heures à un moment donné et quatre heures à un autre moment. On sera peut-être tenu de travailler toute la nuit et ensuite de dormir pendant la journée pour pouvoir travailler pendant toute la nuit et toute la journée. Un tel régime finit par causer un problème de rythme circadien.

À mon avis, le maximum dans notre catégorie est d'environ 1 500 ou 1 600 heures de travail pour un pilote. Nous résistons aux demandes de la part de l'industrie pour en faire davantage. On nous demande, par exemple, de faire 2 500 heures par an. Nous refusons de le faire.

Le président: Selon le régime de travail, nous avons un capitaine en second suivi d'un deuxième lieutenant et d'un troisième lieutenant. Le capitaine en second fait exactement ce que son titre implique. Il s'occupe du chargement et du déchargement des cargaisons et il fait le nettoyage. Il est également officier de quart. Il faut compter deux jours et demi à trois jours pour bien nettoyer la cale après une cargaison de pétrole pour pouvoir y charger des produits chimiques. Le chargement des produits chimiques prend entre deux et trois jours. Je crois savoir qu'il s'agit d'une responsabilité du capitaine en second. Le capitaine peut dormir pendant huit heures s'il le souhaite, mais ce n'est pas le cas du capitaine en second. Il a de la chance s'il arrive à dormir pendant une heure ou deux. Je n'ai jamais entendu des plaintes, car on si on se plaint, on perd son emploi. Il est toujours possible de trouver quelqu'un qui peut faire le travail. Il y a des capitaines en second qui dorment debout pendant qu'ils s'acquittent de ces tâches et qui ne savent même pas qu'ils dorment. Si on est sur le pont du coffre et qu'on voit quelqu'un dans la chambre des pompes, on tient pour acquis qu'il est bien vivant. Ce qui n'est peut-être pas le cas.

Comment y remédier? Serait-ce une bonne chose de faire travailler de jour le second qui charge et décharge? On pourrait avoir un second, un deuxième lieutenant et un troisième lieutenant, ce qui faciliterait un peu la tâche parce qu'il y aurait quelqu'un pour faire votre quart. Est-ce qu'il n'y a vraiment pas moyen d'y remédier?

M. Stockdale: Le capitaine Rae vient tout juste de parler de la réglementation sur les heures de quart. Nous avons une réglementation pour éviter qu'on ne travaille trop longtemps. Je crois qu'il est question de 18 heures par journée civile.

Le président: Ils doivent avoir six heures de repos sur 24.

M. Stockdale: Vous le savez mieux que moi.

Le président: Non, je ne le sais pas mieux que vous, c'est pourquoi je pose la question. On nous a dit hier que c'était six heures sur 24.

M. Rae: C'est juste, et c'est pour le premier jour, puis pour les jours suivants on doit leur accorder huit heures de repos. On ne peut pas les faire travailler sans arrêt.

Le président: Imaginez un peu que le second vienne vous dire: «Écoute, vieux, j'en ai assez. Je vais me coucher pendant huit heures et toi tu sors. Il fait seulement -22, ce n'est pas si mal. Il y a 14 cordages à déglacer avant qu'on puisse penser à faire route. Tu sais ce que tu as à faire, mon pote.»

M. Stockdale: Oui, c'est certain.

Le président: Que répondre? Si c'est la sécurité qui nous préoccupe, que faire? S'il n'y a pas de solution, il n'y en a pas.

M. Stockdale: C'est un problème que je n'ai pas abordé dans mon exposé.

Le président: Je ne parle pas de vos responsabilités actuelles; je veux savoir ce que vous en pensez en tant que marin professionnel.

M. Stockdale: Dans bien des cas, ils travaillent de trop longues heures, cela ne fait aucun doute. Ce que je peux dire, c'est que si l'on appliquait la réglementation concernant les heures de quart, on ferait sans doute disparaître beaucoup de problèmes.

Le président: On ferait aussi probablement disparaître votre poste.

M. Stockdale: L'application de cette réglementation doit se faire de l'extérieur.

Le président: Cette pression doit s'exercer de l'extérieur.

M. Stockdale: Elle doit venir du gouvernement. S'il veut que ces règlements soient appliqués, cela doit se faire de l'extérieur. Pour l'instant, les emplois sont encore rares.

Le président: Ce n'est pas un problème que le syndicat peut régler.

M. Stockdale: Je pense que l'équipage l'accepte comme allant de soi; ce n'est pas une chose dont on va se plaindre auprès du syndicat. Cela fait partie du travail, depuis des générations.

Le président: Depuis l'époque de la navigation à voile.

M. Stockdale: Ce n'est pas nouveau. Quant à savoir s'il est dangereux ou non de travailler à bord d'un pétrolier ravitailleur, je ne sais pas. Je serais porté à penser, comme vous l'avez laissé entendre, que ce serait dangereux. Toutefois, si le ministère des Transports se donne la peine de faire appliquer la loi, on pourrait alors améliorer la sécurité. Mais, encore là, eux aussi sont soumis à des contraintes.

Le président: Leur donner la chasse en descendant et en remontant le Saint-Laurent à cette époque-ci de l'année, ce n'est pas une tâche bien agréable pour un second.

M. Stockdale: Non.

Le sénateur Adams: Vous savez qu'avec chaque année qui passe nous avons de plus en plus de navires qui vont dans l'Arctique. Je ne pense pas que le gouvernement du Canada ait pris des règlements concernant la présence de ces navires dans l'Arctique. Ils n'ont même pas besoin de faire appel aux services de pilotes. Êtes-vous d'accord là-dessus? Je ne sais pas si vous connaissez l'Arctique ou non. Il s'est produit un accident l'été dernier à l'Île Victoria, près de Cambridge Bay, quand un navire s'est échoué sur un banc de sable. Ils sont restés là pendant plus de deux semaines. L'équipage voulait sortir de ce banc de sable.

Le gouvernement du Canada n'a aucun règlement à ce propos, selon notre témoin de Montréal. L'eau est assez profonde et tant que le capitaine sait ce qu'il fait, les paquebots de croisière n'ont pas besoin là-bas d'avoir un pilote.

M. Stockdale: Je suis allé dans l'Arctique. J'étais capitaine en second sur le NM Arctic. Je ne sais pas si vous connaissez ce navire. Vous avez bien raison, et il n'y a pas de pilotes là-haut. Il me semble qu'il reviendrait au gouvernement territorial d'exiger un service de pilotage dans l'intérêt public. Bien sûr, dans la baie Strathcona, le capitaine lui-même a mis le navire le long du bord, et comme l'eau était extrêmement profonde sur tout le passage menant au quai cela n'a pas posé de difficulté particulière. Bien sûr, il est entré dedans une fois et nous avons dû réparer une brèche dans la proue. Mais ce n'était pas un problème particulier. Habituellement, on établit un service de pilotage quand la population insiste.

M. Rae: Pour qu'un navire étranger puisse entrer dans les eaux canadiennes, il faut, sur la côte est, respecter la réglementation qui s'y applique. Pour l'Arctique, il faut respecter la réglementation correspondante. Le capitaine doit faire une déclaration selon laquelle il a à bord les cartes marines canadiennes les plus récentes et les plus à jour pour effectuer le déplacement prévu. C'est une exigence réglementaire.

Le problème tient au fait que dans l'Arctique le trafic maritime y est si faible que les opérations de sondage sont très coûteuses. C'est parce qu'on dispose d'un très petit budget de fonctionnement quand on détache des équipes de sondage sur place. Par conséquent, quand on dresse des cartes, il peut dans certains cas ne s'agir que de documents de reconnaissance. On peut avoir des mesures de profondeur distantes d'un mille. Il est arrivé là-bas qu'on découvre des hauts-fonds à ses propres dépens.

Ce sont là quelques-unes des particularités de l'Arctique.

Le président: Je me demande si vous accepteriez de nous prêter la bande quelque temps. Nous la confierons à notre greffier.

J'aimerais accueillir notre prochain témoin, M. Peter Turner, maître de port à St. John's.

M. Peter Turner, maître de port, Société du port de St. John's: Honorable président, honorables membres du comité, merci de me donner l'occasion de vous parler de la sécurité dans le secteur du transport. Je me limiterai au secteur maritime.

Je suis titulaire d'un certificat de capacité en ma qualité de commandant d'un navire au long cours. J'ai travaillé pendant 35 ans dans la marine. J'ai navigué à bord de navires de charge, de navires à passagers, de vraquiers, de navires ravitailleurs pour le commerce international, ainsi que de navires de ravitaillement et d'unités hauturières dans l'Arctique canadien. J'ai travaillé comme directeur de port à Prince Rupert, en Colombie-Britannique, et je suis à Saint John, au Nouveau-Brunswick, depuis six ans et demi.

Au cours des 35 dernières années, j'ai été témoin de changements considérables dans le secteur du transport, surtout en ce qui a trait aux navires et à la marine marchande.

La modernisation des navires et des équipements de manutention des marchandises a réduit la main-d'oeuvre et abrégé les escales, sans compter qu'on a mis au point de l'équipement de manutention qui dépasse de loin les critères qui étaient en vigueur au début des années 60. L'arrivée des conteneurs, des gros pétroliers de brut, des très grands transporteurs de brut, des ultra gros porteurs de brut, des transporteurs spécialisés et des navires spécialement conçus pour la croisière a bouleversé le secteur portuaire à tel point que l'équipement de manutention de cargaison qu'on utilise aujourd'hui n'a rien à voir avec celui qu'utilisaient les débardeurs des années 60. Pendant que se produisait toute cette évolution, le volume des marchandises quittant les ports pour d'autres destinations diminuait considérablement. Parallèlement à cela, le nombre de navires et la taille des équipages diminuaient eux aussi.

Dans l'ensemble, l'efficacité accrue des navires et des ports a réduit le nombre de personnes employées à bord et à terre. Du point de vue des sociétés qui s'occupent de manutention des cargaisons ainsi que de celui du secteur du transport maritime, ces économies sont rentables. Cependant, des préoccupations ont surgi, notamment en ce qui concerne la fatigue des travailleurs et le stress inhérent à l'obtention de gains d'efficacité.

Il est plus que temps qu'on réexamine partout dans le monde les lois et les règlements qui régissent le secteur maritime. Le Canada, qui a entrepris de revoir la Loi sur la marine marchande et de refondre et d'examiner les règlements afférents, est en passe de devenir un leader dans le secteur maritime international. Ce processus d'examen de la législation et de la réglementation, par l'intermédiaire du Conseil consultatif maritime canadien et grâce à des audiences comme celles-ci, donne à notre gouvernement l'occasion de prendre des règlements qui sont à la fois complets et, d'abord et avant tout, applicables. La participation du Canada aux conventions de l'Organisation maritime internationale ainsi que l'adoption de ces conventions ont forcé ceux qui travaillent dans le secteur maritime à revoir leurs propres modes de fonctionnement et à faire ressortir la nécessité d'un examen et d'une modernisation de la réglementation, des normes et de la loi même.

Le secteur maritime canadien s'est empressé de recourir à la déréglementation. Malheureusement, celle-ci s'appliquera aussi dans divers cas mettant en cause des navires battant pavillon étranger qui fréquentent des ports canadiens. Il est donc nécessaire que certains règlements et certains passages de la loi soient modifiés et demeurent en vigueur.

Il arrive dans certains cas que les conventions de l'Organisation maritime internationale, qui ont une incidence sur le secteur maritime international, ne puissent être adaptées à l'intention des navires canadiens non parties à la convention. Le ministère des Transports ne devrait pas être empêché pour autant de prendre des règlements s'apparentant de très près aux conventions de l'OMI et qui exigeraient le respect de certaines normes.

Pour ce qui est du transport des marchandises dangereuses, le Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses établi en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada renvoie au Code de l'OMI, aussi connu sous le nom de Code maritime international des marchandises dangereuses, eu égard aux marchandises dangereuses qui sont transportées par mer.

La Loi sur le transport des marchandises dangereuses traite de tous les modes de transport des marchandises dangereuses, y compris celles expédiées par les eaux intérieures du Canada. Quand un expéditeur veut que ses marchandises partent d'un point donné à l'intérieur du Canada, passent par un port de mer pour atteindre des ports internationaux, il y a lieu de se préoccuper des divergences qui peuvent exister entre les deux lois.

Par exemple, dans certains cas, l'apposition de plaques exigée en vertu de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses ne correspond pas aux exigences du Code maritime international des marchandises dangereuses. Quand on transporte des marchandises par chemin de fer ou par route jusqu'à un port, on peut en ce qui a trait à l'apposition de plaques se conformer tout à fait à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses sans que cela soit suffisant pour respecter le Code maritime international des marchandises dangereuses.

Bien que ces différences puissent ne pas être importantes comme telles, l'obligation de respecter les deux lois fait qu'il est difficile pour l'expéditeur ou le transporteur d'accepter des marchandises signalées par des plaques qui ne seraient pas acceptables à l'autorité compétente.

De plus, les exigences contenues dans la législation américaine pour ce qui est du transport des marchandises dangereuses ne correspondent pas dans tous les cas à celles du Code maritime international des marchandises dangereuses ni de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses. Quand, aux frontières, on procède à un transfert intermodal de marchandises dangereuses, il faut que les transporteurs et les expéditeurs saisissent les différences entre les lois, les normes et la réglementation en vigueur dans les deux pays et pour ce qui est de ses modes de transport.

Les exigences concernant le transport des marchandises dangereuses relatives au triage, à l'emballage et à l'entreposage de celles-ci diffèrent selon la réglementation consultée.

Il est donc essentiel, avant de concevoir des normes et de modifier la réglementation, de procéder à un examen des codes et de la réglementation nationaux et internationaux qui s'appliqueront au transfert intermodal et transnational des marchandises dangereuses.

Pour ce qui est de la réglementation visant la prévention de la pollution attribuable à des déchets provenant de navires, il existe aux termes de Marpol 5 une exigence selon laquelle les ports doivent être dotés d'une installation pour le dépôt d'ordures des transporteurs internationaux. Environnement Canada les définit comme étant des ordures provenant de navires d'un pays étranger et qui ont un rapport avec des denrées alimentaires. Il est interdit de jeter des ordures internationales dans les eaux canadiennes. Environnement Canada permet l'enfouissement en profondeur d'ordures des transporteurs internationaux dans des installations approuvées de gestion des déchets.

Ces installations sont strictement réglementées et doivent faire l'objet d'une surveillance pour s'assurer que des polluants n'aboutissent pas dans les eaux souterraines ni dans les voies navigables du Canada. Les municipalités, par ailleurs, ont pour responsabilité d'accepter des ordures provenant de transporteurs internationaux dans ces circonstances, et des questions se posent quant à la responsabilité liée aux ordures débarquées de navires. Pour cette raison, il est extrêmement difficile de débarquer des ordures de navires, et la conservation d'ordures à bord peut poser un risque pour la santé et pourrait amener l'armateur à se débarrasser également de ses ordures soit dans des eaux canadiennes ou en les mêlant à d'autres ordures acceptées dans des décharges.

Il est donc essentiel de s'assurer que tout ministère qui prend des règlements concernant le débarquement d'ordures et leur évacuation tienne compte de la nécessité de l'existence d'installations approuvées pour accueillir les déchets en question. Cette réglementation et ces normes nécessitent la coordination de différents ministères.

Je vais maintenant parler des conventions de l'OMI ainsi que de la Loi sur la marine marchande du Canada et de la réglementation afférente. Il existe de nombreux cas où les conventions de l'OMI, dont le Canada est signataire, imposent certaines normes aux navires ou aux expéditeurs qui font du commerce international. Bien que l'intention de ces conventions soit louable, il arrive que le ministère des Transports ne puisse en réglementer tous les aspects notamment en ce qui concerne les navires qui n'appliquent pas la convention. Il est donc essentiel que le transfert des exigences relatives aux conventions dans la réglementation afférente à la Loi sur la marine marchande du Canada soit raisonnable et applicable. On ne peut nier que la réglementation vise à assurer la sécurité des navires et de leurs équipages, qu'il s'agisse ou non d'un navire n'appliquant pas la convention et qui fait du commerce intérieur ou qui fait des voyages internationaux et se conforme aux conventions de l'Organisation maritime internationale.

On pourrait en donner comme exemple l'obligation faite aux navires appliquant la convention de transporter à leur bord des doubles de feux de position et des systèmes d'alimentation électrique pouvant fonctionner indépendamment. Les petits navires qui n'appliquent pas la convention et font du cabotage ou du commerce intérieur peuvent ne pas être en mesure de se conformer à ces exigences. La réglementation établie en vertu de la LMMC en tient maintenant compte, sur l'avis fourni par le Conseil consultatif maritime canadien.

Les règlements établis en vertu de la Loi sur la marine marchande canadienne disposent que les navires au-dessus d'une certaine taille sont inspectés par des inspecteurs de Transports Canada affectés à la sécurité maritime. Ils sont aussi tenus en vertu de la Port State Control Convention d'inspecter des navires étrangers entrant dans les eaux canadiennes. Ils s'assurent ainsi que les navires sont en état de prendre la mer, que les équipages sont bien formés et que les navires respectent les exigences et les normes de la convention et des règlements.

Étant donné que ces règlements ne s'appliquent qu'aux navires d'une certaine taille, ceux qui sont plus petits ne sont pas soumis à l'inspection de ces employés. Les navires non inspectés sont généralement de moins bonne qualité que ceux qui le sont. Par exemple, les navires commerciaux ayant une jauge brute de moins de 15 tonnes et les navires à passagers ayant une jauge brute de moins de 5 tonnes n'ont pas à être inspectés. Il arrive à l'occasion que parce que ces navires ne sont pas inspectés, ils n'appliquent pas en matière de sécurité des normes aussi rigoureuses que celles qu'on impose normalement aux navires de plus grande taille.

Il est aussi préoccupant de penser que, jusqu'à tout récemment, les barges sans équipage n'étaient soumises à aucune inspection. Depuis qu'il a été question des barges pétrolières et des normes qui leur sont appliquées, il a été décidé d'inspecter à compter du 28 février 1998 les barges pétrolières ayant une jauge brute supérieure à 15 tonnes. D'autres barges qui peuvent transporter diverses matières dangereuses ou d'autres substances polluantes -- qui ne sont pas en vrac -- ne sont pas inspectées et ont déjà été impliquées dans des accidents maritimes.

Il est donc nécessaire d'établir des normes pour les navires moins grands que ceux qui sont tenus d'être inspectés afin de garantir qu'on respecte des normes minimales sur tous les navires qui peuvent transporter des marchandises pouvant polluer l'environnement ou constituer un danger pour celui-ci.

Mes prochains commentaires portent sur les embarcations de plaisance et les bâtiments non immatriculés. Tout récemment, on a transféré de Douanes Canada à la section de la sécurité maritime de Transports Canada les banques de données du Système d'immatriculation des navires. Ce système rend compte d'un grand nombre d'embarcations, mais il ne comporte aucun renseignement sur la majorité des embarcations de plaisance qui naviguent dans les eaux canadiennes, ou des navires de pêche qui ne sont pas tenus d'être immatriculés.

On avait voulu attribuer des permis afin de détenir des données sur les embarcations non immatriculées. En fait, ce n'est pas nécessairement ce qui s'est produit. On a constaté que des embarcations immatriculées ou visées par un permis et pour lesquelles des droits de services maritimes doivent être acquittés soit ont coulé, soit ont été envoyées à la casse ou ont changé de propriétaire.

Il n'est pas toujours possible de retracer les propriétaires d'embarcations qui utilisent les installations d'un port, qui les endommagent ou qui y sont abandonnées. Le système d'attribution de permis pour les embarcations non immatriculées fait l'objet de discussions détaillées depuis déjà plusieurs années. On a suggéré de confier cette responsabilité aux services provinciaux d'immatriculation automobile, mais ce projet a avorté pour diverses raisons.

Par exemple, la Colombie-Britannique n'est pas disposée à prélever des droits au nom du gouvernement fédéral à moins que les recettes ainsi obtenues soient dépensées dans cette province. Lorsqu'on avait discuté d'un programme d'attribution de permis, c'était pour pouvoir récupérer une partie des droits de services maritimes imputés aux embarcations de plaisance. Si la Colombie-Britannique insiste pour que l'argent ainsi prélevé demeure dans cette province, le ministère des Pêches et des Océans ne recevra rien au titre des droits prélevés pour les services maritimes ou les permis.

L'abandon d'embarcations dans les ports ou sur une propriété de la Couronne finit par coûter cher à ceux qui en sont responsables, à moins qu'on ne puisse retrouver le propriétaire. Ces embarcations sont peu esthétiques et peuvent nuire à l'environnement. Il faut donc élaborer un système grâce auquel toutes les embarcations naviguant dans les eaux canadiennes pourront être identifiées, grâce auquel on pourra connaître le propriétaire, la taille et l'usage de l'embarcation. Ces renseignements et ces banques de données connexes doivent pouvoir être mis à jour.

Pour ce qui est de l'attribution de permis pour les exploitants de petites embarcations et d'embarcations de plaisance, depuis déjà plusieurs années, le Conseil consultatif maritime canadien et le ministère des Transports étudient les règlements touchant la certification des exploitants de bateaux de pêche, de petites embarcations et d'embarcations de plaisance. Il est évident que des cours et, si possible, un examen sur le fonctionnement du matériel permettront de réduire les dangers d'accidents pouvant causer des blessures ou des dommages.

Tout le monde reconnaît que celui qui veut conduire un véhicule automobile doit passer un examen pour s'assurer qu'il sait comment conduire de façon sécuritaire; cependant, il n'existe aucune exigence parallèle pour les embarcations de plaisance. Ainsi une personne peut acheter une embarcation un après-midi, la mettre à l'eau et s'en servir le lendemain, tant que cette embarcation est conforme aux exigences établies par les responsables des permis. Aucune formation n'est nécessaire ou exigée par la loi pour s'assurer que l'exploitant de l'embarcation comprend les limites de cette embarcation ou sait ce qu'il doit faire et comment il doit réagir face aux autres embarcations. On jugera peut-être que cela est extrême, mais ça s'est déjà produit. Dans la partie 1 de la Gazette du Canada en date du 22 février 1997, le gouvernement a indiqué que six règlements seront codifiés et que désormais il faudra que l'exploitant ait reçu un certificat.

Il est bon de signaler que dans la majorité des cas où sont sollicités les services de recherche et de sauvetage, l'embarcation en question est une embarcation de plaisance ou une petite embarcation. Puisque la Garde côtière canadienne et son auxiliaire cherchent à réduire leurs coûts d'exploitation, il se pourrait dorénavant que ces services ne soient pas disponibles immédiatement à celui qui demande de l'aide. Il faudrait également se rappeler que le recours à ces services sera probablement moins fréquent si l'exploitant a suivi un cours.

Depuis déjà un certain nombre d'années les exploitants de bateaux de pêche savent qu'on leur demandera un jour d'avoir des certificats faisant état de leur compétence. Les certificats de capitaine de bateau de pêche niveaux I, II, III et IV seront délivrés aux exploitants qui auront réussi les examens pertinents, le niveau du certificat dépendant de la taille de l'embarcation dont ils désirent être capitaine.

L'examen existe depuis déjà un certain nombre d'années, mais il n'existe pas encore de règlements stipulant que ce certificat doit être également accordé pour les bateaux de pêche de moins de 100 tonnes de jauge brute. Puisque ces groupes ne sont pas tenus d'avoir un certificat pour exploiter un bateau de ce genre, bon nombre d'exploitants qui naviguent dans les eaux canadiennes ne connaissent peut-être pas les exigences au niveau de la navigabilité, de la navigation et de la sécurité, et ne connaîtront donc pas les manoeuvres prévues pour les autres embarcations à proximité.

Il importe donc que la question de la délivrance de certificats pour les exploitants soit réglée, et que les règlements exigeant des exploitants qu'ils détiennent un type quelconque de permis ou de certificat de compétence soient adoptés et entrent en vigueur le plus tôt possible.

J'aimerais maintenant passer aux normes qui régissent la formation, la certification et le travail par quart des gens de mer, ou ce qu'on appelle STCW - 1978. L'OMI et les nations signataires de la convention sur les normes de formation ont su assurer que des normes élevées en matière d'organisation du personnel et de la formation du personnel de quart à bord des navires étaient observées. Depuis la signature de la convention, nous avons noté une amélioration des normes de formation dans les pays où on avait jugé par le passé que cette formation était inadéquate, et la reconnaissance de la part des autres pays qu'il y a en fait eu une amélioration des normes.

De nouvelles techniques ont nécessité une formation plus poussée. Les coûts associés à cette formation sont assumés en partie ou intégralement par les gens de mer. L'ébauche des normes qui avait été proposée par le ministère des Transports a été peaufinée par les collèges qui assureront cette formation. Il est sans aucun doute louable d'améliorer les normes de formation afin d'assurer que les gens de mer canadiens ont les meilleures compétences possible, mais il ne faut pas oublier que ce sont les normes dont ont convenu les nations signataires de la convention qui feront l'objet de l'examen que devront réussir les gens de mer.

Par exemple, on demande depuis un certain temps aux gens de mer de respecter des normes en matière de premiers soins qui sont supérieures à celles mentionnées dans la convention. Le cours de base, qui s'intitule «Safety Orientated First Aid» ou SOFA, permettra aux gens de mer de mieux comprendre les dangers, et en fait de mieux être en mesure de composer avec les blessures qu'ils peuvent être appelés à soigner au travail. Un cours supérieur de premiers soins de 17 heures est également nécessaire afin d'assurer que les blessures au travail avec lesquelles celui qui a suivi les cours de secourisme SOFA ne peut pas composer seront traitées ou soignées par quelqu'un à bord de l'embarcation. Le cours est suivi par les surveillants et le personnel de quart supérieur, qui doivent recevoir un certificat de compétence.

Il existe maintenant un cours médical de troisième niveau, soit le cours de soins médicaux, qui, d'après les établissements qui offriront le cours, nécessitera 50 heures d'enseignement et un examen de trois heures. Les Scandinaves et les Américains ont convenu que ce cours pouvait être offert en 45 heures. S'agit-il là d'une façon pour les collèges d'assurer que les programmes de formation respectent des normes supérieures à celles fixées par le ministère des Transports?

Un autre exemple est celui des cours de formation qui sont organisés par les collèges en ce qui a trait au système mondial de détresse et de sécurité en mer, le SMDSM. En 1992, le cours offert durait une semaine. Ceux qui suivaient tout le cours avaient suffisamment de compétence pour utiliser le matériel pertinent. Le cours dure maintenant deux semaines.

Le temps est venu pour les responsables de la formation d'étudier de plus près leurs programmes de formation afin d'assurer que la formation nécessaire est offerte dans la période la plus brève possible. À la fin du cours, si le candidat ne peut pas convaincre l'examinateur qu'il a acquis suffisamment de connaissances, il peut participer à nouveau au cours.

Quatre lois différentes régissent la sécurité des navires. Le Code canadien du travail réglemente la sécurité dans les propriétés fédérales. La Loi sur la santé et la sécurité au travail régit les propriétés et les opérations provinciales. Le Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) et les règlements sur les mesures de sécurité au travail visent les équipages des navires et ceux qui travaillent auprès des navires. Il y a des zones grises où cette législation a une portée extraterritoriale. Dans ces cas, il peut arriver que plus d'une instance en exige l'application ou qu'aucune ne le fasse.

Afin que les exploitants comprennent leurs obligations et se conforment aux exigences de sécurité, il est essentiel que les lignes de démarcation en matière de responsabilité soient clairement établies et que la responsabilité en incombe à une instance.

Une fois de plus, je remercie les honorables sénateurs de m'avoir donné l'occasion de faire cet exposé, mais je regrette d'avoir eu peu de temps pour le préparer. Si le comité a besoin d'éclaircissements ou de détails supplémentaires, je voudrais qu'il me donne du temps pour préparer une réponse complète.

Le président: C'était très utile, monsieur Turner.

Le sénateur Roberge: Merci beaucoup pour votre rapport, qui a été très bien présenté, avec des recommandations précises.

À la page 3 de votre mémoire, vous dites:

Les conventions de l'Organisation maritime internationale, qui régissent les transports maritimes internationaux, ne sont pas adaptables dans certains cas aux navires canadiens qui ne sont pas visés par les conventions.

Pourriez-vous expliquer cette assertion aux profanes que nous sommes?

M. Turner: L'Organisation maritime internationale, qui est basée à Londres, exige que les armateurs dont les navires sont utilisés dans le commerce international adoptent ces conventions s'ils en sont signataires.

Les navires qui ne sont pas engagés dans le commerce international et qui circulent au Canada ne sont pas obligés de respecter ces conventions, même si le Canada en est signataire.

Le sénateur Roberge: Existe-t-il des différences importantes entre les navires canadiens qui n'appliquent pas les conventions et ceux qui sont engagés dans le commerce international?

M. Turner: En ce qui concerne le Canada, les règlements découlant de la Loi sur la marine marchande du Canada règlent globalement les éventuelles préoccupations du Canada lorsque les normes sont établies par des conventions et doivent être respectées par des navires qui n'appliquent pas les conventions.

Dans certains cas, les exploitants des navires ont suggéré, lors des réunions du CCMC, c'est-à-dire du Conseil consultatif maritime canadien, que leurs navires ne soient pas assujettis aux conventions pour une raison ou une autre. Grâce au CCMC, les règlements ont été adaptés de telle manière que, dans la plupart des cas, les navires qui n'appliquent pas les conventions puissent s'y conformer.

Le sénateur Roberge: Vous avez parlé de la prévention de la pollution causée par les déchets provenant des navires en vertu de Marpol 5. Qu'est-ce que c'est que Marpol 5?

M. Turner: Marpol 5 est la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires. Une fois de plus, il s'agit d'une convention de l'OMI.

Le sénateur Roberge: Exige-t-elle que chaque port dispose d'une installation?

M. Turner: Oui, c'est prévu dans la convention.

Le sénateur Roberge: Avons-nous des installations d'élimination des déchets dans tous les ports canadiens?

M. Turner: Je dirais que dans tous les ports il y a certainement une installation capable d'éliminer tous les déchets. Les lois du Canada exigeant que les déchets internationaux soient débarqués et enfouis profondément deviennent caduques à cause de la question de la responsabilité à l'égard des municipalités. Un navire qui arrive au Canada pour décharger des déchets internationaux dans ce site d'enfouissement risque de ne pouvoir le faire parce que la municipalité n'est pas convaincue que cela n'engage pas sa responsabilité si le débarquement de ces déchets entraîne la pollution des voies de navigation.

Le sénateur Roberge: Ainsi, le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités n'en veulent pas. Vous voulez donc dire que nous devrions mettre de l'ordre dans nos affaires et établir des normes nationales à cet effet. Est-ce bien ce que vous recommandez?

M. Turner: Il faudrait une consultation accrue, surtout en ce qui concerne les municipalités, afin que les déchets internationaux, dans ces circonstances, puissent être débarqués et acceptés par les municipalités sans responsabilité.

Le sénateur Roberge: Voulez-vous dire que nous ne pouvons pas accepter ces déchets dans certaines parties du pays?

M. Turner: Je dirais absolument.

Le sénateur Roberge: Cela signifie-t-il qu'on les élimine en mer?

M. Turner: On les élimine soit par incinération à bord du navire, une fois qu'il a pris le large, soit dans un autre port; dans le pire des cas, on les déverse en mer.

Le sénateur Roberge: Selon votre expérience, pensez-vous que cette dernière option est plus probable parce qu'il n'y a pas assez d'espace pour entreposer ces déchets jusqu'au port suivant, ou parce qu'on ne peut pas les incinérer correctement?

M. Turner: Malheureusement, les navires n'ont pas tous des incinérateurs. Il y a la question de savoir quoi faire avec les déchets entre deux ports. Il n'y a pas de suivi pour déterminer si les déchets qui ont quitté un port sont toujours à bord du navire lorsque celui-ci arrive au port suivant. On pourrait les transporter dans ces circonstances.

Le sénateur Roberge: Quels sont les ports canadiens qui ont des problèmes relatifs aux règlements municipaux?

M. Turner: J'étais directeur de port à Prince Rupert avant d'accepter le poste à Saint John. Bien que les gouvernements provincial et fédéral acceptaient que les déchets internationaux puissent être débarqués à Prince Rupert, la municipalité et son service de génie refusaient de les accepter à l'époque, à cause de la question de responsabilité.

Le sénateur Roberge: Les renvoyiez-vous?

M. Turner: On ne les débarquait jamais.

Le sénateur Roberge: D'après votre évaluation, de tous les ports du Canada, quel est le pourcentage des municipalités qui refusent les déchets?

M. Turner: Je serais surpris s'il était inférieur à 50 p. 100. Je dirais que 50 p. 100 des municipalités refuseraient que l'on envoie ces déchets dans leur dépotoir pour enfouissement en profondeur.

La question comporte un autre volet, qui est de savoir si les municipalités sont au courant du débarquement de ces déchets.

Le sénateur Roberge: Voulez-vous dire que certaines municipalités ne le savent pas?

M. Turner: Je crois que dans les petits ports on accepte que les déchets soient débarqués sans que la municipalité ou même les terminaux sachent qu'il s'agit de déchets internationaux visés par certains règlements.

Le sénateur Roberge: A-t-on préparé une liste officielle de tous les ports et municipalités qui refusent d'accepter ces déchets?

M. Turner: Non.

Le sénateur Roberge: C'est une préoccupation environnementale.

M. Turner: En effet, mais cela ne représente pas une grave menace pour l'environnement. Le problème ne découle pas tant des déchets mêmes, car une fois débarqués ils sont enfouis en profondeur. Ce qui est préoccupant, c'est plutôt le fait que la municipalité ne sache pas qu'on les débarque, ou la question de la responsabilité à l'égard de la municipalité et le refus de celle-ci d'autoriser le débarquement.

Le sénateur Roberge: Vous avez parlé de la certification de tous les navires et exploitants au Canada. Cela ne relève-t-il pas des compétences provinciales?

M. Turner: L'enregistrement des navires relève du ministère des Transports et fait maintenant partie de la base de données des inspecteurs de la sécurité maritime.

En enregistrant les navires, on ne tient pas compte de la province dans laquelle on va les exploiter, sauf les navires de pêche dont le permis indique la provenance. Dans ce cas, l'enregistrement relève du ministère des Pêches et des Océans. Les petits navires de plaisance échappent plus ou moins à la règle. Ils peuvent avoir un numéro comportant la lettre K, ce qui indique qu'un permis a été délivré; mais une fois que ce navire est enregistré il est question de l'inscrire dans une base de données. Il n'y a pas de suivi. Si le navire change de main, il peut conserver son numéro K. On ne peut pas retracer le propriétaire au-delà des informations qui sont communiquées à l'autorité compétente.

Si les provinces assumaient cette responsabilité, comme dans le cas des automobiles, on pourrait au moins suivre le transfert de propriété du navire. L'accès à cette information serait possible à l'échelle nationale.

Nous avons besoin d'une base de données pour déterminer l'endroit où tous les navires sont enregistrés et les noms de leurs propriétaires.

Le sénateur Bacon: Monsieur Turner, à votre avis, quelle est la principale préoccupation en ce qui concerne la sécurité portuaire?

M. Turner: La plus grande préoccupation en matière de sécurité est l'environnement. Neuf fois sur dix, un accident maritime a des conséquences écologiques. Qu'il s'agisse d'un important polluant ou d'un objet qui se retrouve au fond de l'eau, c'est une préoccupation environnementale. Dans ces circonstances, le mouvement et le contrôle des navires ont généralement une incidence sur la sécurité des marchandises et sur l'environnement.

Le sénateur Bacon: Vous avez mentionné les navires de plaisance et les navires non enregistrés. Les plaisanciers représentent-ils une menace pour la sécurité près d'un port?

M. Turner: Pas tellement à Saint John. Une fois de plus, je tiens à préciser que je ne suis à Saint John que depuis trois mois.

À Prince Rupert, les navires de plaisance et les navires non enregistrés nous inquiètent beaucoup, car nous ne sommes pas en mesure d'en retracer les propriétaires et, par conséquent, de les contrôler et de savoir comment les navires sont exploités.

Le sénateur Bacon: Faites-vous allusion à l'identification des navires?

M. Turner: Oui.

Le sénateur Bacon: À la page 9 de votre mémoire, vous déclarez:

Il est donc nécessaire d'établir un système permettant de déterminer les propriétaires, la taille et l'utilisation de tous les navires circulant dans les eaux canadiennes.

Il paraît que cela ne se fait pas actuellement. N'existe-t-il pas de registre des navires?

M. Turner: Il existe un registre des navires. Le suivi des navires qui sont enregistrés se fait très bien. Normalement, ce sont les grands navires qui sont enregistrés. Je ne veux pas dire que tous le sont. Il y a aussi de petits navires qui sont enregistrés.

En ce qui concerne les navires de plaisance et de pêche, une fois qu'ils sont enregistrés, la base de données n'est pas mise à jour de telle façon que l'on puisse suivre la progression naturelle des navires lorsqu'ils changent de mains. Il s'ensuit que, si l'on a besoin de percevoir des frais ou des droits, ou, pire encore, si l'on veut communiquer avec le propriétaire d'un navire abandonné, on ne peut pas le faire avec les bases de données existantes.

Le sénateur Bacon: Qui assumerait la responsabilité de ne pas suivre les divers changements qui surviennent?

M. Turner: Aucune disposition ne le prévoit en ce moment.

Le sénateur Bacon: Vous dites qu'il a été proposé que les directions des véhicules à moteur des différentes provinces assument la responsabilité d'enregistrer les navires. Ne veulent-elles pas de cette responsabilité, et est-ce pour cette raison que le dossier est bloqué?

M. Turner: Il est bloqué. Elles seraient tout à fait prêtes à le faire à condition que l'argent perçu dans ces circonstances demeure dans la province.

Je vais peut-être vous en donner un mauvais exemple. Prenons une personne qui vit en Saskatchewan et qui a un navire qui peut être transporté en remorque sur la côte est ou la côte ouest; elle pourrait l'enregistrer en Saskatchewan et l'exploiter en Colombie-Britannique. Une partie des droits de services maritimes vise à payer les aides à la navigation là où il y en a. Si le navire est enregistré et utilisé en Saskatchewan, l'argent reste dans cette province. On ne contribue pas au paiement des aides à la navigation dans les régions où l'on n'utilise pas le navire.

Le sénateur Bacon: Ainsi, l'intéressé n'aurait pas à enregistrer le navire en Colombie-Britannique?

M. Turner: Ce n'est qu'un exemple. Pour le moment, il n'est pas question d'enregistrement en Colombie-Britannique ni ailleurs.

Le sénateur Bacon: À la page 6, vous dites:

Il est donc essentiel de s'assurer que tous les ministères qui élaborent des règlements concernant la réception et l'élimination des déchets pensent à la nécessité d'une installation approuvée pour recevoir les déchets en question. Pour élaborer ces règlements et ces normes, il faudrait que plusieurs ministères travaillent ensemble.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus, s'il vous plaît?

M. Turner: Vous constaterez que j'ai parlé de «plusieurs ministères».

Le sénateur Bacon: Pouvez-vous en citer quelques-uns?

M. Turner: Je parle de ministères avec un petit «m». Quand nous parlons d'élimination des déchets provenant des navires, nous pensons certainement au ministère des Transports à cause du moyen qu'on utilise pour amener ces déchets au pays. Nous pensons aussi au ministère de l'Environnement, qui a des exigences relatives à certains procédés écologiques. Nous pensons à divers ministères provinciaux, car ce sont les provinces qui s'occupent du contrôle et du suivi des dépotoirs. Enfin, nous pensons aux municipalités, qui ont peut-être des dépotoirs conformes aux normes, mais qui ne pensent pas nécessairement être en mesure d'accepter la responsabilité des déchets qui arrivent dans ces circonstances.

Afin de respecter la convention, tous ces intervenants doivent être en mesure de s'assurer que ces déchets ont effectivement été débarqués.

Le sénateur Adams: Hier, nous avons entendu un gérant de port. Vous êtes un directeur de port. Quelle est la différence entre un gérant de port et un directeur de port?

M. Turner: Il faudrait que je monte un peu en grade. Le directeur de port fait partie des cadres de gestion de la Société canadienne des ports. C'est la personne responsable de toutes les activités du port, notamment du financement, des baux, de la dotation, et cetera. Le gérant de port est en quelque sorte un président-directeur général.

Le sénateur Adams: Avant qu'un navire n'entre dans un port, si le directeur de port estime que ce navire ne remplit pas les conditions requises, peut-il l'arrêter? Y a-t-il une inspection quelconque qui a lieu au préalable?

M. Turner: Je vais vous donner un exemple. Il y a deux ans environ, une barge porte-wagons a quitté Whittier, en Alaska, à destination de Prince Rupert, où elle devait décharger ses wagons. À bord du navire, il y avait des explosifs qui, selon le droit canadien et les conventions de l'Organisation maritime internationale, n'étaient pas correctement séparés.

Quand je l'ai su, j'ai ordonné que l'on empêche ce navire d'entrer au port avec son chargement dans cet état. Nous étions préoccupés par la sécurité de la population dans la région de Prince Rupert.

Nous avons la possibilité d'arrêter les navires qui entrent au port si nous avons des raisons de le faire pour assurer la sécurité ou pour protéger l'environnement. Nous n'arrêtons pas les navires parce que nous n'aimons pas la couleur de leur coque. Nous le faisons pour des raisons précises. Il serait inimaginable que je le fasse sans consulter mes supérieurs, à savoir le président ou le directeur général.

Le sénateur Adams: Si vous n'avez pas le pouvoir d'arrêter ces navires, Transports Canada est-il mieux placé pour le faire s'il craint qu'une barge ne soit chargée de dynamite ou d'un produit semblable? Si le capitaine de la barge vous dit que vous ne pouvez pas l'arrêter parce que vous n'en avez pas le droit, et s'il poursuit sa route, que pouvez-vous faire? Transports Canada ou la Garde côtière peuvent-ils saisir cette barge?

M. Turner: Il ne s'agit pas vraiment de saisir la barge. La Garde côtière a ses centres de communication et de trafic maritimes (CCTM). En l'occurrence, on leur a dit que ce navire ne devait pas entrer à Prince Rupert. L'instruction provenait de la société portuaire. En fait, le navire avait assez de temps pour aller ailleurs et faire les changements nécessaires. L'information a été communiquée à la barge par l'entremise du Centre de communication et de trafic maritimes de la Garde côtière.

Le sénateur Adams: Je me souviens, il y a quelques années, d'avoir entendu parler aux actualités d'une barge pleine d'ordures de New York qui montait et redescendait la côte. Tout le monde demandait: «Où vont-ils décharger ces ordures?»

Y a-t-il des municipalités qui déversent des ordures dans la mer le long de la côte atlantique?

M. Turner: Je ne le crois pas, du moins pas en quantité équivalente à celle d'une barge pleine d'ordures. C'est plus ou moins la même chose, si vous voulez, qu'un pétrolier, par exemple, qui déverse de l'eau de ballast polluée dans la mer. On ne tarde pas à s'en rendre compte. En règle générale, il est toujours possible de retracer la personne responsable.

Quand une barge d'ordures a été refusée, on la surveille de près, par surveillance satellite ou aérienne. Je ne crois pas qu'il y ait d'évacuation à grande échelle.

Le sénateur Adams: La Garde côtière est-elle en mesure d'empêcher ces barges de déverser leurs ordures dans la mer? A-t-elle ce pouvoir?

M. Turner: L'obligation de se présenter au Centre de contrôle de la circulation maritime, notamment dans le cas des longs courriers, et de satisfaire aux exigences de la réglementation, comprend aussi l'obligation de déclarer quelles marchandises se trouvent à bord, s'il s'agit de produits dangereux.

Le sénateur Adams: Les États-Unis ont-ils une norme semblable? Qu'arrive-t-il dans le cas des navires qui se trouvent tout près de la frontière et que le courant amène de l'autre côté de la frontière? Les États-Unis et le Canada travaillent-ils ensemble pour veiller à ce qu'ils ne déversent pas leurs ordures dans la mer?

M. Turner: Sur le plan international, il y a collaboration entre les divers États. La conscience du danger pour l'environnement est suffisante pour amener la collaboration.

Les groupes de la Garde côtière au Canada et aux États-Unis collaborent. Naturellement, les règlements et les modalités d'application varient dans une certaine mesure, mais le danger pour l'environnement est une préoccupation des deux pays.

Le sénateur Adams: Nous avons des étrangers qui viennent pêcher près de la frontière ou à l'intérieur de la limite de 200 milles. Certains de ces navires ont des bacs à eaux usées. Ils déversent donc les eaux usées sanitaires et les autres eaux usées quand ils arrivent au port. Vérifiez-vous les navires qui entrent au port?

M. Turner: De nos jours, la plupart des gros navires ont soit une cuve de rétention, soit un système de purification. Tout à l'heure, je parlais des navires qui appliquent la convention par opposition à ceux qui ne l'appliquent pas. Jusqu'à récemment, les navires qui n'appliquaient pas la convention n'étaient pas tenus d'avoir de ces cuves de rétention et pouvaient déverser leurs eaux usées par-dessus bord.

Les exploitants de ces navires ont généralement pour règle qu'il leur faut un système quelconque de rétention ou de traitement des eaux usées à bord du navire de façon à ne pas décharger des eaux d'égout brutes dans le port.

Cela dit, on a tendance à blâmer sévèrement les navires qui déversent des eaux d'égout brutes dans le port alors qu'il y a un certain nombre de municipalités dans différentes régions du Canada qui n'ont aucun système de traitement des eaux usées. Ainsi, il faut faire la comparaison entre un petit navire et une grande municipalité.

Le sénateur Adams: Au comité sénatorial permanent des pêches, nous avons entendu parler des observateurs qui se trouvent à bord des chalutiers. Ces observateurs qui se trouvent sur les navires ont-ils quelque compétence que ce soit à l'égard de tous les types de navires, même de ceux qui se trouvent à l'extérieur de la limite de 200 milles?

M. Turner: Je ne peux malheureusement pas répondre à cette question. La compétence du port ne dépasse pas les limites du port. Il s'agirait donc certainement d'eaux qui se trouveraient à l'intérieur de la limite de 200 milles. La question m'intéresse, mais je n'ai pas les connaissances voulues pour y répondre.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste l'«enfouissement en profondeur»?

M. Turner: D'après ce que j'en sais, c'est qu'on ne peut pas laisser les ordures à la surface et qu'elles doivent être recouvertes d'une couche de terre ou de quelque autre matériau. Les ordures doivent être enfouies en profondeur dans la décharge, puis recouvertes.

Le président: Que font les municipalités aux alentours de Saint John? Existe-t-il des arrangements pour la collecte et l'évacuation des déchets internationaux qui ont été pris entre la société portuaire et les capitaines de navires, ou vous contentez-vous d'administrer un ensemble de règlements qui sont déjà en place? Pourriez-vous nous dire comment vous vous y prenez à Saint John, au Nouveau-Brunswick?

M. Turner: À vrai dire, monsieur, je ne peux pas vous le dire. La municipalité n'est pas vraiment trop préoccupée par ce problème, puisque les navires qui arrivent à Saint John ont pour la plupart une capacité d'incinération. Vous le savez peut-être, mais à Saint John, on se demande même où on pourra aménager la prochaine décharge publique. Bien entendu, on ne veut pas recevoir de déchets supplémentaires.

S'il était obligatoire de débarquer les déchets, il faudrait que des arrangements soient pris, non pas avec la société portuaire, mais avec la municipalité.

Le président: Est-ce vous qui administreriez ces arrangements et qui veilleriez à leur respect, puisque vous êtes le patron du port?

M. Turner: Non, je ne suis pas le patron du port.

Le président: Si je voulais faire quelque chose dans le port de Halifax, j'appellerais le directeur du port.

M. Turner: C'est très aimable à vous de nous donner un peu plus de pouvoir que nous n'en avons. Si quelqu'un voulait décharger des déchets, nous aimerions effectivement le savoir. Nous demanderions à l'agent du navire ou à l'exploitant de prendre des arrangements avec la municipalité pour la collecte de ces déchets et leur évacuation.

Le président: S'agissant de ces énormes navires de croisière -- de 4 000 à 6 000 passagers --, la quantité de déchets internationaux qui pourraient être débarqués n'est pas insignifiante. Il faudrait alors une capacité d'entreposage et de transport très importante. À Halifax, nous devons transporter les déchets sur nos routes sur une distance de 130 milles. Voilà qui pose de graves questions à long terme.

Par ailleurs, j'ai toujours été fasciné par l'absence totale de moyens quelconques de vérifier l'évacuation, par exemple, de seringues ou d'autres articles médicaux, de parties du corps humain. Nous savons qu'il arrive que des déchets de ce genre soient déversés en haute mer. Comment faites-vous pour assurer le respect des règlements?

M. Turner: Il est très difficile d'assurer le respect des règlements concernant l'évacuation des déchets en haute mer. L'eau de cale flotte à la surface, et il est possible d'en retracer la source. En fait, il arrive que des navires soient pris à déverser des déchets dans des zones où ils ne sont pas censés les déverser. Il aura donc été possible de retracer l'origine des déchets.

J'avance ici quelque chose dont je ne suis pas absolument sûr. Les déchets alimentaires des navires à passagers ne sont pas considérés comme des déchets internationaux s'il s'agit de navires en provenance des États-Unis. Si les navires viennent de plus loin, les déchets sont alors considérés comme des déchets internationaux. Les navires de croisière qui entrent dans le port de Saint John arrivent des États-Unis.

Le président: Les navires des Antilles tomberaient-ils dans la catégorie internationale?

M. Turner: Je n'oserais pas me prononcer là-dessus.

Le président: Il me semble que si un navire de croisière de 5 000 passagers arrivait au quai 29 avec une tonne seulement de déchets à bord après avoir été en mer pendant cinq jours, je voudrais appeler à Shearwater pour que quelqu'un aille voir s'il serait possible de retracer l'origine des déchets.

M. Turner: La plupart de ces navires ont une capacité d'incinération.

Le président: C'est là un problème très grave. Nous n'avons pas eu l'occasion d'en discuter quand nous étions sur la côte ouest, mais il y a beaucoup de ces navires qui entrent dans le port de Vancouver.

M. Turner: Les navires de croisière modernes ont généralement les installations voulues pour incinérer tous leurs déchets à bord.

Le président: Existe-t-il un règlement canadien concernant l'incinération ou le traitement des déchets qui s'applique aux navires enregistrés au Canada? Avons-nous un règlement de ce genre en ce qui concerne l'évacuation des déchets?

M. Turner: Les navires sont soumis à un règlement de ce genre du fait que le Canada est signataire de Marpol 5.

Le président: Même si nous en sommes signataires, nous ne sommes pas nécessairement obligés de nous y conformer, dans la mesure où nos normes sont plus élevées. L'incinération est-elle prévue aux termes de Marpol?

M. Turner: Non, elle ne l'est pas. Il s'agit davantage d'une question de contravention en conséquence de l'évacuation de déchets à l'intérieur des zones économiques des pays. Le débarquement de déchets dans ces circonstances est visé par Marpol 5. Il ne s'agit pas en fait de préciser les modalités d'évacuation.

Le président: Nous prenons très au sérieux ce que vous avez dit au sujet des barges sans capitaine, étant tout frais sortis du problème de l'Irving Whale, qui a pu être corrigé.

Le sénateur Roberge: J'ai une question complémentaire à poser. J'ai été surpris d'entendre parler de ces barges qui transportent du pétrole et qui ne sont soumises à aucune inspection. Depuis quand cette situation existe-t-elle?

M. Turner: C'est parce qu'il s'agit de barges sans capitaine. S'il s'agissait d'une barge pétrolière ayant un capitaine à bord, l'inspection serait obligatoire.

Le sénateur Roberge: Je me reporte à la page 7 de votre mémoire, où vous dites que les inspections débuteront à compter du 28 février 1998. S'il a été décidé d'effectuer ces inspections il y a de cela un certain temps, pourquoi faudrait-il attendre au 28 février 1998 pour qu'elles soient obligatoires?

M. Turner: C'est qu'il y a une distinction à faire entre les barges existantes et les barges nouvellement construites. S'il s'agit d'une nouvelle construction qui vient de s'achever aujourd'hui, le navire sera soumis à l'inspection. Si toutefois il s'agit d'une barge existante qui transporte du pétrole depuis de nombreuses années, la date limite pour que la barge se conforme à ce règlement est le 28 février 1998.

Le sénateur Roberge: Cela ne me paraît pas logique. Pourquoi ce retard? S'il y avait un danger pour l'environnement et pour la sécurité, il faudrait que l'inspection se fasse immédiatement.

D'après l'expérience que vous avez acquise à Prince Rupert, que pensez-vous de la nécessité d'avoir des gardiens de phares?

M. Turner: L'élimination des gardiens de phares a suscité beaucoup de controverse, tout particulièrement à Prince Rupert, où l'on a invoqué l'importance des phares pour les longs courriers et les navires plus petits.

Je soutiens pour ma part que c'est, non pas le gardien du phare, mais le phare en tant que tel qui constitue l'aide à la navigation. La possibilité que le gardien du phare puisse venir à la rescousse d'un navire n'est qu'une diversion, car si le temps est mauvais, le gardien ne peut pas sortir du phare de toute façon.

Le champ de vision à hauteur de l'oeil du gardien dans son phare est assez limité. Il faut vraiment un effort d'imagination pour penser que le gardien du phare pourra voir les navires en détresse.

Pendant tout le temps que j'ai passé en haute mer, je n'ai jamais parlé à un gardien de phare... ce que je dis là n'est pas exact. L'île de Socotra, au bas de la mer Rouge, a un gardien de phare. Nous avons dû lui parler, car je crois que c'était en 1968 que son prédécesseur avait été mangé. Nous avons donc parlé au gardien de phare là-bas pour savoir s'il se portait bien.

Il est irréaliste de penser que le gardien de phare puisse aider à la navigation en haute mer.

Le président: Monsieur Turner, je tiens à vous remercier d'être venu de Saint John pour être ici aujourd'hui. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos nouvelles fonctions. Au fur et à mesure que nous tenterons de déterminer quels sont les vrais problèmes, nous serons peut-être obligés de faire de nouveau appel à vous pour savoir ce que vous pensez de certaines solutions.

Nous entendrons maintenant les représentants de la Société du port de Halifax. J'inviterais MM. Bellefontaine, Sherman et Malec à prendre place à la table.

Vous avez la parole.

M. David Bellefontaine, président et dirigeant principal, Société du port de Halifax: Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de M. Merv Russell. Il en a parlé à l'un de vous ce matin; il est arrivé quelque chose là où il travaille dans la vraie vie, de sorte qu'il n'a pas pu participer aux audiences.

Je suis accompagné du capitaine Randall Sherman, qui est directeur des opérations du port et maître de port, ainsi que de M. George Malec, maître de port adjoint et spécialiste de bien des domaines d'activité portuaire, notamment des produits dangereux.

Je voudrais vous lire un très court exposé comme point de départ de la discussion, après quoi nous serons ravis de répondre à vos questions.

La Société du port de Halifax est une société de la Couronne fédérale qui a été créée par le ministre des Transports en juin 1984. La société a pour mission de développer, commercialiser et gérer les éléments d'actif du port afin de favoriser et de promouvoir le commerce et le transport et de servir de catalyseur pour les économies locales, régionales et nationales.

L'an dernier, 12,9 millions de tonnes de marchandises ont transité par le port, dont 3,2 millions de tonnes de marchandises conteneurisées, qui constituent la part la plus importante de nos opérations sur le plan, tant de nos revenus que des activités portuaires. Les retombées économiques attribuables aux diverses activités portuaires, y compris les activités des installations portuaires privées, représentent quelque 7 000 emplois, plus de 233 millions de dollars de revenus et 306 millions de dollars de dépenses directes.

Le port reçoit et achemine toute une gamme de marchandises, comme le vrac, notamment les produits pétroliers et le gypse qui transitent par les installations privées, et des marchandises diverses, comme les produits forestiers, l'acier, le caoutchouc, les chariots lourds et le matériel de projet.

Le commerce canadien des exportations est fortement tributaire du transport sécuritaire de biens entre notre pays et les régions commerciales avec lesquelles nous traitons.

Je voudrais soulever un certain nombre de points qui pourraient être examinés plus en profondeur avec le sous-comité, mais je ne les aborderai que brièvement, puisque nous avons ici les spécialistes qui pourraient vous en dire plus long à ce sujet. Tout d'abord, il faudrait une meilleure intégration du transport terrestre et ferroviaire des produits dangereux avec les autres organismes qui s'occupent de ces produits après qu'ils sortent des limites du port. Il faudrait notamment prévoir des routes accessibles aux camions pour le transport sécuritaire des produits dans les régions densément peuplées. C'est là une question sur laquelle nous tentons de nous entendre avec la municipalité afin d'assurer le fonctionnement optimal du port.

Nous croyons savoir que Transports Canada a réduit dernièrement le nombre de vérifications ponctuelles relatives au transport de produits dangereux, réduction qui est peut-être attribuable à la décroissance à laquelle se heurte le ministère.

Deuxième point, qui peut paraître mineur aux yeux des membres du comité, mais qui est important pour nous à la société du port, l'abaissement du rang de capitaine de port réduit l'efficacité du mécanisme de résolution de problèmes en place au MDN. Ainsi, la prise de décisions relatives au contrôle de la circulation de navires militaires auxiliaires pourrait être plus rapide si le rang du capitaine de port était plus élevé, et il pourrait en résulter des gains d'efficacité pour les deux organismes.

Troisièmement, la restructuration des opérations en cours à Transports Canada pourrait avoir une incidence sur les procédures de mobilisation en cas d'urgence. La façon de gérer le système de gestion du trafic maritime pourrait être différente de ce qu'elle est à l'heure actuelle. Le capitaine Randy Sherman et George Malec pourront en discuter avec vous, si vous le voulez.

Quatrièmement, comme vous le savez, la Police de Ports Canada, qui relève de la Société canadienne des ports, sera démantelée sous peu. Chaque autorité portuaire sera tenue de conclure des ententes avec d'autres organismes de services policiers et de sécurité afin de répondre aux besoins du port. Nous examinons cette question et nous avons prévu des rencontres avec les autorités municipales et les représentants locaux du ministère de la Justice afin de déterminer les arrangements à prendre.

Nous devrons notamment examiner la question des interventions d'urgence pendant les heures de fermeture. Les heures de fermeture vont normalement de 17 heures à 8 heures. Nous devrons aussi examiner d'autres questions: le respect des règles de la sécurité en mer; l'interface avec les militaires; les obligations du Canada relatives à la sécurité des passagers aux termes des règlements de l'OMI; et la prestation de services policiers dans les zones d'exclusion à l'occasion d'activités spéciales dans le port.

Notre objectif est de faire en sorte que les clients, les passagers et le public soient satisfaits des procédures de sûreté et de sécurité au port et que les services policiers et de sécurité soient assurés de manière efficiente et rentable. Nous avons confiance que la transition pourra se faire sans porter atteinte à la réputation solide du port comme étant un port sécuritaire et fiable pour le commerce avec le Canada.

Monsieur le président, je m'arrêterai là. Nous sommes impatients de discuter plus avant de ces questions avec vous.

Le sénateur Roberge: Vous avez parlé de la possibilité de mieux intégrer les chemins de fer et les routes de camionnage, ce qui me semble éminemment logique. Comment vous y prendrez-vous? Tout d'abord, il vous faudra conclure une entente avec les sociétés ferroviaires, et ensuite vous mettre d'accord avec les municipalités. Avez-vous des recommandations plus précises à faire?

M. George Malec, maître de port adjoint, Société du port de Halifax: C'est exact, monsieur. À cette fin, nous avons amorcé un dialogue qui se poursuit avec la municipalité régionale de Halifax, sachant qu'elle vient tout juste de subir une restructuration radicale. Nous avons aussi eu l'occasion de nous entretenir avec des porte-parole d'une entité politique qui représente les diverses municipalités situées dans la zone d'activité du port. Cela représente une occasion unique de traiter avec un palier d'administration municipal, sans compter que nous nous entretenons avec les représentants du gouvernement provincial par l'entremise du Bureau des mesures d'urgence de la province.

En l'occurrence, nous estimons que notre mandat consiste à les aider à accumuler des connaissances rapidement. Nous entendons leur fournir des données au sujet du fret et du mouvement de la circulation dans le port, pour qu'ils puissent les analyser par rapport aux accès, ferroviaires et routiers du corridor municipal, et déterminer quelle devrait être la meilleure réponse. Nous sommes là pour leur fournir de l'information et des conseils techniques auxquels il leur serait autrement extrêmement difficile d'avoir accès étant donné que c'est nous qui, par l'intermédiaire des agents maritimes, disposons de ces renseignements relatifs au fret.

Le sénateur Roberge: Par exemple, si des marchandises très dangereuses arrivent à Halifax et doivent être acheminées par train ou par camion jusqu'à Montréal, comment assurez-vous cette même intégration jusqu'à destination? C'est également un élément important.

M. Malec: Tout à fait. Le volet rail est régi par un organisme ou une entité commerciale. Par conséquent, cela facilite les choses dans une certaine mesure. Nous traitons avec cette instance, et, à partir de ce moment-là, c'est elle qui assume la responsabilité.

Les routes de camionnage interprovinciales sont sources de problèmes qui, malheureusement, dépassent le champ de nos compétences. Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour influer sur ce type de circulation. Cela va au-delà de notre champ d'intervention. Cependant, nous pourrions faire en sorte que la Direction du transport des marchandises dangereuses de Transports Canada, qui est l'organisme réglementaire chargé de ce mouvement, soit mise au courant de l'existence de ce fret avant qu'il ne quitte le port. Les autorités pourraient ensuite déterminer comment elles souhaitent que les inspecteurs de la route interviennent à cet égard, puisque le camion en question devra se présenter aux divers ponts-bascules et balances entre Halifax et Montréal. Il faut espérer que si nous remettons cela entre les mains de la Direction du transport des marchandises dangereuses, elle sera en mesure de surveiller le passage d'une province à l'autre.

Le sénateur Roberge: Dans un autre domaine, on envisage à l'heure actuelle de modifier tous les aspects de la sécurité portuaire, mais rien n'est encore certain. Je parle de la police spéciale. Selon les rumeurs, on reviendrait à l'ancien système, c'est-à-dire confier la sécurité du port à la police provinciale ou municipale, selon la province. Cela n'est pas sans m'inquiéter. J'aimerais en savoir un peu plus long à ce sujet.

M. Bellefontaine: Tout d'abord, la province de la Nouvelle-Écosse n'a pas de corps policier provincial. Les municipalités ont leur propre police. Vendredi dernier, nous avons reçu du ministre une directive nous demandant de rencontrer tout d'abord des fonctionnaires du ministère de la Justice provincial, de qui relèvent la création des forces policières et l'affectation des tâches aux corps policiers déjà constitués. L'an dernier, nous avons participé à un groupe de travail comprenant des représentants de la GRC, de la municipalité, ainsi que du ministère de la Justice. Nous avons interviewé des expéditeurs, des armateurs, les exploitants du terminal, des policiers et des personnes âgées. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il existait en fait une méthode de rechange possible, c'est-à-dire qu'on pourrait avoir recours aux corps policiers municipaux, pourvu que l'on puisse mettre en place des mécanismes de transition, assurer la formation, et cetera.

Je crois que l'on a entrepris de rédiger de tels rapports dans tous les ports du Canada dotés d'un corps policier. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a préparé un rapport volumineux que je n'ai pas encore vu, qui recommandait lui aussi cette marche à suivre. C'est en se fondant sur toute cette information que le ministre a décidé d'aller de l'avant.

Premièrement, nous devons rencontrer les représentants du ministère de la Justice et de la municipalité pour savoir quel niveau de service ils comptent offrir au port. Deuxièmement, nous devons préciser l'ampleur des services de police et de sécurité dont nous estimons avoir besoin pour assurer la sécurité des clients, des passagers et de la population en général. S'ils ne sont pas d'accord, une décision sera prise à l'issue de négociations avec la municipalité ou le ministère de la Justice pour déterminer qui paie pour quoi.

Contrairement à d'autres ports, le nôtre paie des taxes depuis de nombreuses années. Nous avons notre propre corps policier, ce qui ne nous donne pas droit à une déduction relativement à nos subventions fiscales. Cela n'a aucun sens. Tout ce que nous demandons, c'est que le port soit traité comme n'importe quelle autre entreprise de la municipalité pour ce qui est des services policiers. Il va de soi que si nous souhaitons obtenir des services supplémentaires, nous devrons prendre des arrangements quelconques avec la municipalité pour en assumer les coûts. Cela n'a pas encore été réglé. Nous aurons notre première rencontre demain.

Le président: À propos de changer la structure policière, comment ces services sont-ils payés à l'heure actuelle? À même les frais de port ou de fret?

M. Bellefontaine: C'est cela.

Le président: Est-ce un fardeau pour le contribuable canadien, ou est-ce un mécanisme qui permet l'autosuffisance?

M. Bellefontaine: Non. Tous les ports ayant des services policiers sont autosuffisants. Ils génèrent leurs revenus en imposant aux lignes maritimes des droits calculés selon la taille du navire et le volume de fret qui est embarqué ou débarqué. Il y a deux grandes catégories de droits. Les lignes maritimes et les expéditeurs paient ces droits, qui sont remis au port. Même si nous n'avons aucun pouvoir sur le volet policier, étant donné qu'il relève de la Société canadienne des ports, à Ottawa, l'administration portuaire elle-même assume les coûts des services de police. Essentiellement, l'argent provient des droits imposés aux lignes maritimes. Le contribuable n'est pas mis à contribution.

Le président: En théorie, nous faisons un profit.

M. Bellefontaine: Nous faisons un profit en pratique.

Le président: Sur le plan économique, il n'est pas avantageux pour le contribuable canadien de modifier le système actuel.

Ce que je crains, c'est que les services policiers ne soient assujettis à cinq lois différentes. Ces dernières pourraient comporter des variantes en ce qui a trait aux poursuites, par exemple. Ainsi, il pourrait y avoir des distinctions quant aux poursuites pouvant être engagées sur la propriété à l'égard de transports fonciers privés. Dans certaines provinces, c'est tabou, cela ne se fait tout simplement pas, à moins d'être en possession d'un mandat de perquisition, et cetera. Cela représente-t-il un problème pour vous?

M. Bellefontaine: En fait, c'est la situation qui a cours à l'heure actuelle, et elle ne devrait pas empirer. Il y a déjà la GRC, qui est chargée d'appliquer la loi fédérale à l'égard des stupéfiants, et il continuera d'en être ainsi. Il y a aussi les fonctionnaires de l'immigration.

Le président: Ils s'occupent des vols?

M. Bellefontaine: Non. Il est probable qu'un vol relèverait de la police municipale. S'il s'agit d'un vol de drogue, il va de soi que cela relève de la GRC, et qu'il continuera d'en être ainsi. Pour leur part, les services d'immigration continueront d'intervenir si des passagers clandestins sont découverts. Dans des cas comme ceux-là, leur pouvoir s'étend à la propriété portuaire. Ensuite, nous avons notre propre détachement de police, qui peut intervenir dans les limites du port, et c'est ce rôle qui sera confié à la police municipale. De temps à autre, les policiers municipaux patrouillent notre propriété. Cela dit, je ne sais trop dans quelle mesure ils interviennent, puisque nous avons notre propre corps policier.

Le président: Ils ont un droit de poursuite sur votre propriété, alors que dans certains cas l'inverse n'est pas vrai.

M. Bellefontaine: C'est exact, mais les divers services collaborent les uns avec les autres, et je pense que cela a fonctionné plutôt bien dans ce contexte.

Le président: Voudriez-vous conserver le statu quo, ou croyez-vous qu'il est utile d'opter pour autre chose?

M. Bellefontaine: Comme je l'ai dit, nous avons procédé à cet examen, et nous avons parlé à nos clients. Nous leur avons dit qu'il existait une autre option plus efficiente et moins chère. Lorsque nous leur avons demandé s'ils y étaient favorables, ils ont répondu oui.

Le sénateur Roberge: De quelle façon cela sera-t-il moins cher?

M. Bellefontaine: Nous ne le savons pas. Nous espérons que cela le sera.

Le sénateur Roberge: Ce sont les municipalités qui paieront le gros de la note, alors qu'à l'heure actuelle ce sont vos clients qui paient pour cela.

M. Bellefontaine: C'est exact.

Le sénateur Roberge: Ces clients s'en tirent plutôt bien.

Le président: Comment les clients peuvent-ils être sûrs de bénéficier des économies réalisées?

M. Bellefontaine: Ils n'ont aucun moyen de le savoir, à moins que nous ne leur communiquions dans un tarif qu'ils bénéficient d'une remise résultant de la réduction des frais de police. Il est peu probable que cela arrive.

Je vais vous donner un exemple de ce que nous avons fait jusqu'à maintenant et de ce que nous continuons de faire. Depuis sept ans, il n'y a pas eu d'augmentation de tarif dans notre port. Pourquoi? Parce que nous avons été en mesure de réduire nos coûts, y compris les coûts de police, jusqu'à un certain point. Nous avons abaissé nos frais généraux dans tous les domaines. Nous avons supprimé certains services en entier, tout comme l'a fait le secteur privé. Nous avons été ainsi en mesure de refiler ces économies au consommateur. Si, à l'avenir, les services policiers sont moins chers, les économies ainsi réalisées seront aussi transmises au consommateur sous forme d'incitatifs intéressants ou d'absence d'augmentation.

Le président: À tout le moins, vous pourriez réclamer qu'il n'y ait pas d'augmentation.

M. Bellefontaine: C'est exact.

Le sénateur Bacon: Quelles sont les principales préoccupations en matière de sécurité des autorités du port de Halifax?

M. Bellefontaine: Cela dépasse quelque peu notre champ de compétence. Cependant, l'une de nos préoccupations concerne les heures de travail excessives des débardeurs. D'ailleurs, le président de l'un de nos terminaux à conteneurs vous en parlera. À son avis, ces heures de travail prolongées représentent manifestement un risque pour la sécurité. J'ignore comment quelqu'un qui travaille de 30 à 35 heures d'affilée peut demeurer alerte. C'est un sujet d'inquiétude.

Par ailleurs, on s'inquiète également de ce que les travailleurs ne portent pas l'équipement de sécurité requis. D'ailleurs, il y a eu un reportage précisément sur ce sujet, la semaine dernière, sur la chaîne ATV News. Le journaliste avait effectué une enquête très longue et très exhaustive. Il arrivait à la conclusion que personne n'avait vraiment assumé la responsabilité de faire respecter le code du travail en matière de sécurité, notamment en ce qui a trait au port du casque protecteur et de bottes de sécurité.

Le sénateur Roberge: Qui est responsable de cela?

M. Bellefontaine: C'est là le problème. On peut nommer sept ou huit organismes différents qui sont responsables. L'administration portuaire est-elle habilitée à forcer les travailleurs, et toute autre personne qui accède au périmètre portuaire, à porter un casque protecteur? Le code stipule que les ouvriers doivent porter un casque dans les zones dangereuses. Il s'ensuit qu'il faut définir ce qui constitue une zone dangereuse.

Le sénateur Roberge: Ne pourrait-on pas stipuler que le port tout entier est une zone dangereuse et imposer ces règles? Après tout, c'est votre terrain.

Le sénateur Bacon: Avez-vous le pouvoir voulu pour le faire?

M. Bellefontaine: Je le pense, oui.

Le sénateur Roberge: Bonne chance.

M. Bellefontaine: Vous l'avez dit. Et puis il y a toute la question de l'application. Comment appliquer cela?

Ces derniers jours, les employeurs se sont réunis et ont examiné tout l'aspect sécurité, le fait qu'on ne porte pas de casque, et cetera. Je peux vous assurer qu'ils prennent des mesures. Pour notre part, nous prenons des dispositions auprès de nos employés. Quiconque sera surpris à ne pas porter de casque dans une zone où le port du casque est obligatoire sera renvoyé chez lui: c'est aussi simple que cela. Nous avons été très clairs à ce sujet. Nous appliquerons une politique de tolérance zéro.

Nous avons maintenant des entretiens avec les autres employeurs du secteur riverain pour s'assurer qu'ils emboîtent le pas. Il faut que ce soit une politique généralisée, car, dans le passé, cela ne l'a pas été. Antérieurement, on se moquait de ceux qui portaient un casque protecteur. Voilà l'obstacle. C'est une question de culture. Le problème remonte à une soixantaine d'années.

Le sénateur Roberge: Vous avez dit tout à l'heure que certains débardeurs travaillaient jusqu'à 35 heures d'affilée. Est-ce là la responsabilité de l'employeur?

M. Bellefontaine: De l'employeur et de Travail Canada. Je sais que chez nous, à la Société du port de Halifax, nous devons demander un permis pour autoriser les employés à travailler plus de 48 heures. À ma connaissance, les autres employeurs ne font pas cela.

Le sénateur Roberge: Avez-vous parlé à d'autres employeurs à ce sujet?

M. Bellefontaine: Ils sont au courant.

Le sénateur Roberge: Cela pose assurément un problème de sécurité.

M. Bellefontaine: Je le pense. Le hic, c'est qu'il y a plus d'un employeur. Ainsi, un ouvrier peut travailler pour l'entreprise A pendant huit heures et, après une pause, entrer au travail pour l'entreprise B, tout de suite après le souper, pour quatre ou cinq heures de plus. Le problème tient au fait qu'il y a cinq employeurs et deux grands terminaux à conteneurs au bord de l'eau.

Le sénateur Roberge: Le problème se pose-t-il dans d'autres ports du Canada, ou est-ce un problème propre à votre port?

M. Bellefontaine: Je pense que les autres ports connaissent des problèmes analogues. Quant à savoir s'ils sont aussi graves qu'ici, je l'ignore.

Le sénateur Roberge: Communiquez-vous avec vos homologues pour essayer de voir qui s'en sort mieux que les autres afin de trouver de nouvelles façons de faire et d'améliorer la situation?

M. Bellefontaine: Nous le faisons. Cependant, c'est une responsabilité qui incombe à l'Association des employeurs de Halifax, anciennement appelée l'Association des employeurs maritimes. Ce sont eux qui contrôlent les heures de travail, et cetera. C'est un problème sérieux qui a été relevé dans la vidéo. Le président de Halterm a mentionné qu'à son avis c'est l'un des plus graves problèmes que nous ayons. Nous avons pris des mesures en ce qui concerne le port du casque, de vestes et de bottes, mais pour ce qui est des heures de travail excessives, c'est un autre problème.

Le sénateur Bacon: À la page 5 de votre exposé, vous dressez la liste d'un certain nombre de problèmes à résoudre. Vous mentionnez précisément l'application de mesures de sécurité nautique. Les plaisanciers représentent-ils une menace sérieuse pour la sécurité dans votre port?

M. Randall Sherman, maître de port, directeur des opérations, Société du port de Halifax: Ils ne représentent pas nécessairement un risque en soi, mais il n'en demeure pas moins que certains règlements s'appliquent à eux et qu'il faut les appliquer. Ainsi, pour ce qui est de la consommation d'alcool, ils sont assujettis aux mêmes normes que les automobilistes sur les routes. Il faut qu'une instance se charge de s'assurer qu'il n'y a pas de conducteurs de bateaux en état d'ébriété. Il y a aussi des problèmes de sécurité liés aux aires publiques. Le bras Nord-Ouest, à Halifax, est un espace récréatif fort fréquenté pendant l'été. De nombreux enfants y apprennent à naviguer dans de petites embarcations; il y a aussi des amateurs de kayak et de canot. La présence, au beau milieu de tout ce monde, de canots à moteur rapides ou de motomarines peut être dangereuse. Il faut qu'un organisme veille à garder le contrôle de ce genre de choses.

À l'heure actuelle, c'est notre force policière qui maintient ce contrôle dans les domaines relevant de notre compétence. Cependant, si elle devait disparaître, il faudrait trouver une autre façon d'exercer ce contrôle.

Le sénateur Bacon: Cela fera-t-il partie des discussions que vous aurez?

M. Sherman: Oui.

Le sénateur Bacon: À la page 4 de votre exposé, vous mentionnez que le rajustement à la baisse du rang de capitaine de port, MDN, s'est traduit par une résolution moins efficiente des problèmes. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet? Que signifie le sigle MDN?

M. Sherman: C'est le ministère de la Défense nationale, la marine. Nous nous intéressons d'abord et avant tout à la présence de la marine dans le port, parce que cette présence est très importante, puisque c'est ici que se trouve la plus importante base navale au Canada. Nous avons beaucoup de rapports avec eux pour diverses activités, que ce soit la visite d'un navire de guerre ou des activités spéciales qui se déroulent dans le port, et cetera.

Le capitaine de port est mon homologue dans la marine. Ce poste a été déclassé, une partie des pouvoirs ayant été retirés à l'officier qui occupe ce poste: du moins c'est ce qui nous semble. En conséquence, c'est un peu plus difficile d'obtenir des décisions rapides, car l'officier doit maintenant consulter ses supérieurs. Auparavant, il pouvait prendre une décision lui-même.

Le sénateur Bacon: Avez-vous l'impression que c'est moins efficace qu'auparavant?

M. Sherman: Oui. Le niveau de collaboration qui existait auparavant semble avoir quelque peu diminué ces dernières années, depuis que ces changements ont été apportés.

Le sénateur Adams: Le gouvernement a des règlements sur l'exportation et l'importation. Les Douanes et l'Immigration ont des inspecteurs officiels. Vous devez avoir des préoccupations semblables dans votre port pour ce qui est du déchargement des navires. Les marchandises déchargées à Halifax peuvent être acheminées à Montréal et à Toronto. Tout ce qui traverse la frontière canado-américaine est inspecté. Faites-vous la même chose à votre port? Inspectez-vous également les marchandises?

M. Sherman: Je crois que le contrôle à cet égard relève de Douanes et Immigration. Dès qu'un navire entre au port, cela fait automatiquement partie des formalités. Le capitaine du navire se présente à Douanes et Immigration, qui fait le nécessaire, de son point de vue.

Le sénateur Adams: Et vous travaillez avec eux. Ce qui me préoccupe, c'est le transport des marchandises dangereuses sur les routes. Si un camion transportant des matières dangereuses à partir du port de Halifax a un accident, qui est responsable?

M. Malec: En conformité avec la loi en vigueur, nommément la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et les règlements connexes, il incombe à l'expéditeur de trouver un destinataire canadien cautionné. Aux termes de la loi, il incombe à ce dernier de s'occuper de l'accident en question. Si l'accident a lieu dans les limites du port et si nous estimons, en nous appuyant sur notre règlement opérationnel, que le délai de réponse ou le niveau de réponse ont été insuffisants, alors l'administration portuaire peut intervenir, prendre des mesures et recouvrer le coût en s'adressant à l'expéditeur. La Loi sur le transport des marchandises dangereuses autorise un inspecteur de Transports Canada à établir si la réponse est satisfaisante. Sinon, les autorités peuvent, aux termes de la loi, prendre des mesures correctives et recouvrer le coût. Au bout du compte, c'est toujours l'expéditeur qui est responsable des mesures de nettoyage et du recouvrement des coûts. En fait, peu importe où l'accident a lieu, l'expéditeur demeure responsable jusqu'au point d'arrivée.

Le sénateur Adams: Des compagnies spécialisées se chargent-elles de la manutention des marchandises dangereuses?

M. Malec: Il existe un certain nombre de compagnies spécialisées. Aux termes de la loi, toute cargaison de matières dangereuses doit être accompagnée non seulement d'une déclaration quant à sa nature, mais aussi d'un numéro d'urgence donnant accès 24 heures sur 24 à quelqu'un qui peut mettre en oeuvre un plan quelconque. La plupart des compagnies qui se livrent au transport de substances particulièrement volatiles ont conclu des ententes mutuelles avec des compagnies qui se spécialisent dans l'intervention et le nettoyage en cas de déversement de produits chimiques, par exemple Sanivan ou Lavalin, et retiennent leurs services grâce à un acompte, un peu comme pour un arrangement d'assurance à l'amiable. Une fois l'expéditeur averti, ce dernier s'adresse à sa compagnie mère et dit: «J'ai besoin d'aide à Moncton: il y a eu un déraillement», ou encore: «L'un de mes camions est sorti de la route à Edmundston.» La compagnie envoie alors une équipe professionnelle pour procéder au nettoyage.

Normalement, la municipalité ou les intervenants locaux sont chargés de prendre les premières mesures, à savoir isoler le secteur, identifier le problème et ensuite s'assurer que le public est en sécurité.

Le sénateur Adams: À un autre comité, nous avons entendu le témoignage de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Qui s'occupe des contrats pour les centrales nucléaires?

M. Malec: La Loi sur le contrôle de l'énergie atomique exige que toutes les matières radioactives de classe 7 -- c'est-à-dire toute substance dont l'activité spécifique est supérieure à un seuil assez bas -- obtiennent l'approbation de la Commission de contrôle de l'énergie atomique, que ces matières soient en transit à bord d'un navire qui fait escale à Halifax, par exemple, ou bien destinées à être déchargées au port et transportées vers l'intérieur des terres. La Commission de contrôle de l'énergie atomique, une fois qu'elle reçoit la demande et accorde un numéro d'autorisation canadien, envoie ensuite à Transports Canada et à nous-mêmes copie de cette autorisation.

Les règlements en vigueur exigent que la cargaison soit manutentionnée tout comme n'importe quelle autre marchandise dangereuse, une fois que la Commission de contrôle de l'énergie atomique a approuvé sa présence dans les eaux canadiennes. C'est prévu dans les règlements applicables à toutes les cargaisons de marchandises dangereuses.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné une force policière. Ont-ils leur propre syndicat, ou bien sont-ils membres de votre syndicat ou d'un autre syndicat des travailleurs du port?

M. Bellefontaine: Vous parlez des policiers?

Le sénateur Adams: Les policiers sont-ils syndiqués?

M. Bellefontaine: Oui, il y a un syndicat. Les policiers sont membres de l'Association des polices de la Nouvelle-Écosse, le groupe PANS, et constituent un groupe séparé des autres syndicats du port.

Le sénateur Adams: C'est tout ce qu'ils font, assurer la police du port? S'occupent-ils du déchargement de diverses marchandises à bord de certains navires?

M. Bellefontaine: Le service de police est le premier intervenant en cas de situations d'urgence, surtout après les heures ouvrables. En cas d'incident, par exemple en soirée, la personne qui en fait la découverte doit communiquer immédiatement avec la police. La police appelle alors Randy ou George, selon celui des deux qui est en service, et met immédiatement en branle la procédure du MPO, au besoin, et s'occupe de la situation. À l'heure actuelle, la police est en effet le premier point de contact dans le port. Elle participe aux opérations et, bien sûr, aiderait à éloigner les gens des zones critiques, et cetera. Elle participe donc aux opérations en ce sens.

Le sénateur Adams: Les navires entrent au port de Halifax pour y décharger leurs conteneurs et leurs cargaisons. Avez-vous une liste des marchandises?

M. Bellefontaine: Vous voulez dire les manifestes?

Le sénateur Adams: Les manifestes, oui.

M. Bellefontaine: Oui, nous les avons. Nous devons avoir les manifestes. Les clients possèdent un manifeste pour le dédouanement de leurs cargaisons. Nous avons les manifestes surtout pour la facturation, puisque nos frais sont fondés sur la nature et le volume de la cargaison. Les chemins de fer ont également le manifeste pour acheminer le conteneur vers l'intérieur, ou à destination du port. Oui, il y a donc des documents, et de nos jours cela se fait beaucoup par ordinateur.

Le sénateur Adams: Il arrive parfois qu'un navire transporte une cargaison mixte comprenant des marchandises dangereuses.

M. Malec: En plus de l'acheminement des documents que M. Bellefontaine vient de décrire, nous exigeons des expéditeurs qu'ils nous remettent un manifeste des marchandises dangereuses de 24 à 48 heures avant l'arrivée au port du navire ou du cargo. Ce manifeste vient s'ajouter à celui qui est exigé pour les douanes. Il doit stipuler la désignation technique correcte des marchandises, la quantité, la preuve d'emballage et les autres renseignements pertinents exigés par la Loi sur le transport des marchandises dangereuses. Ces renseignements sont inscrits dans un système informatique au bureau des opérations et sont ensuite transmis à Transports Canada, à Environnement Canada et au service des incendies de la municipalité régionale de Halifax, afin que tous les organismes compétents qui veillent à la manutention et au transport sécuritaires de ces marchandises conformément à leur mandat soient au courant de la présence des marchandises dangereuses, qui leur sont signalées de façon distincte des autres marchandises qui passent par le port de Halifax.

Le sénateur Adams: D'autres pays s'adonnent maintenant au commerce de marchandises. Y a-t-il des navires venant d'autres pays qui transportent des marchandises au Canada? Nous avons conclu des accords commerciaux avec les États-Unis, le Mexique, le Chili et il y en aura peut-être d'autres.

M. Malec: Cela n'a eu aucune incidence sur les règlements, qui demeurent constants. Quelle que soit l'origine de la cargaison, les responsables doivent respecter la législation canadienne, soit la Loi sur le transport des marchandises dangereuses. Les arrangements commerciaux n'ont absolument rien à voir avec cela. Légalement, ils sont tenus de toute manière de se plier à la déclaration.

Le président: Pourriez-vous nous expliquer quelles sont actuellement les relations entre les autorités portuaires et militaires en ce qui a trait aux mouvements des navires? Pourriez-vous nous aider à mieux comprendre vos préoccupations? Je songe notamment aux visites de navires étrangers munis de systèmes de propulsion presque vétustes.

M. Sherman: Nous communiquons tous les jours avec la marine. Nous échangeons des messages par télécopieur tous les jours; eux nous disent ce qu'ils transportent et nous leur faisons savoir quelles sont les opérations de transport commercial dans les limites du port. Nous sommes donc avisés à l'avance de toutes exigences spéciales de leur part, par exemple s'il y a un navire de l'OTAN en visite ou un navire qui présente des exigences particulières.

Notre procédure normale est de prendre rendez-vous pour les rencontrer. À l'occasion de cet entretien, nous mettons au point le plan pour traiter cette situation particulière. Par exemple, si un porte-avions imposant doit entrer dans le port, nous savons que nous ne pouvons pas le faire amarrer le long du quai et il nous faudra peut-être prévoir une zone d'exclusion autour du bâtiment pour empêcher les spectateurs ou les activistes à bord d'embarcations de s'en approcher. Nous établissons tout cela avant l'arrivée du navire et poursuivons la mise en oeuvre du plan au cours des jours qui suivent.

C'est une opération assez simple. Nous devons être constamment en communication avec ces gens-là. Depuis que l'on a déclassé le grade de capitaine de port, les renseignements ne sont pas toujours aussi facilement disponibles qu'auparavant. Parfois, nous apprenons ce qui se passe avec un préavis très court. Nous essayons d'y remédier pour avoir des renseignements à jour.

Le président: Quel est actuellement le grade du militaire avec lequel vous faites affaire?

M. Sherman: En ce moment c'est un lieutenant-commander.

Le président: Auparavant, c'était un capitaine.

M. Sherman: Un commander ou un officier d'un grade plus élevé.

Le président: Le poste a déjà été occupé par un commander?

M. Sherman: Oui.

Le président: Cela vous a-t-il causé des problèmes ou donné des raisons de vous inquiéter? On prévoit que des grands voiliers viendront dans le port dans quelques années. Les militaires ont toujours été très coopératifs et nous ont beaucoup aidé à gérer cette invasion massive de notre port. Le fait que le responsable occupe un grade moins élevé peut-il nuire à cette planification, ou bien cela se fait-il tellement longtemps à l'avance qu'il ne devrait y avoir aucun problème?

M. Sherman: Je m'attends à ce que nous ayons une bonne coopération avec la marine pour des événements de ce genre. Cela a toujours été le cas jusqu'ici. Grâce à la planification à long terme, nous avons du temps en masse pour organiser tout cela à l'avance et régler tous les menus détails.

L'une de nos principales préoccupations concerne la visite de navires d'accompagnement des flottes étrangères. À l'occasion, il y a des navires commerciaux affrétés pour transporter du matériel militaire. Nous ne sommes pas toujours certains des normes appliquées à bord de ces navires. À l'occasion, nous devons les surveiller de très près à leur entrée dans le port. C'est alors que nous entrons en conflit avec les militaires, parce qu'eux ont leur idée quant à la façon de procéder, tandis que nous, bien sûr, sommes responsables de ce qui se passe dans le port.

Le président: Quand un navire à propulsion nucléaire entre au port dans des circonstances qui ne constituent pas un cas d'urgence, combien longtemps à l'avance en êtes-vous avisés?

M. Sherman: Il n'y a aucune règle fixe quant au préavis que nous devons avoir, mais nous sommes avisés par le capitaine de port de l'arrivée de ces navires. Normalement, il nous avise plusieurs jours à l'avance.

Le président: Est-ce que Shearwater demeure un bassin d'accostage satisfaisant?

M. Sherman: La bassin d'accostage, oui.

Le président: Il n'y a pas de difficulté en matière de zone d'exclusion ou de zone territoriale, n'est-ce-pas?

M. Sherman: Non, il n'y en a pas. La marine établit sa propre zone d'exclusion autour des navires en question.

Le président: Fournit-elle ses propres plongeurs?

M. Sherman: Oui.

Le sénateur Roberge: Nous nous sommes entretenus tout à l'heure avec M. Turner, qui nous a parlé de l'élimination des ordures et des déchets à bord des navires. Avez-vous une entente avec la municipalité de Halifax?

M. Bellefontaine: Oui. Nous avons conclu une nouvelle entente pour l'élimination des ordures des transporteurs internationaux. Je vais demander au capitaine Sherman de vous en parler.

M. Sherman: L'élimination des ordures des transporteurs internationaux se fait sous les auspices d'Agriculture Canada, à partir du moment où ces ordures sont débarquées. Nous avons plusieurs fournisseurs de services contractuels qui sont autorisés à offrir leurs services dans notre port et qui répondent aux normes établies par Agriculture Canada. Ils fournissent des conteneurs conçus spécialement pour emmagasiner les ordures et les transporter jusqu'à l'incinérateur de l'aéroport.

Dès que les ordures sont débarquées, c'est Agriculture Canada qui a le mandat de veiller à ce que tout se fasse en conformité de ses règles.

M. Bellefontaine: Nous leur faisons payer des frais annuels pour avoir le droit d'éliminer les ordures des transporteurs internationaux dans le port. Ils doivent acheter un permis que nous leur délivrons. Seuls ceux qui possèdent un permis peuvent installer un contenant d'élimination dans le port.

Le sénateur Adams: Est-ce la Garde côtière ou la GRC qui assure l'encadrement des plaisanciers en kayaks, en canots, et cetera? On nous a parlé de plaisanciers qui ont des embarcations et l'on nous a dit que les municipalités n'avaient aucune protection. Nous voudrions en savoir davantage là-dessus.

M. Sherman: Actuellement, c'est la Garde côtière qui est chargée d'appliquer les règlements concernant la sécurité à bord du navire; autrement dit, veiller à ce que le navire soit pourvu de gilets de sauvetage, que la plaque de capacité soit conforme, enfin tous les règlements qui s'appliquent au bâtiment lui-même.

Toutefois, ils fonctionnent dans notre périmètre de compétence. Traditionnellement, c'est notre police qui s'occupe des infractions au Code criminel, par exemple la conduite en état d'ébriété ou la conduite dangereuse d'une embarcation, et cetera. C'est la Garde côtière qui est chargée de vérifier si l'embarcation répond aux règles de sécurité. Toutefois, je crois que notre police s'en est aussi occupée dans le passé. Quand elle arrête un bâtiment pour procéder à des vérifications, elle peut aussi vérifier si le bâtiment est pourvu de l'équipement de sécurité voulu.

Le sénateur Adams: Est-il vrai que les municipalités le long du littoral Atlantique n'ont aucune protection parce qu'elles sont situées sur la côte, ou bien la police est-elle assurée sur une certaine distance le long de la côte? Comment le système fonctionne-t-il?

M. Bellefontaine: Si vous jetez un coup d'oeil à la carte, vous verrez que nous avons une ligne imaginaire qui longe l'extrémité nord de l'île McNab. Cela devient la frontière de notre port et délimite le secteur de compétence de la Société portuaire de Halifax. À partir de ce point, en direction du nord, y compris le port proprement dit, la zone portuaire se rétrécit jusqu'aux zones du pont et tout cela, y compris le bassin de Bedford, relève de la compétence de l'autorité portuaire. Au sud de cette ligne imaginaire sur l'île McNab, c'est la Garde côtière qui a compétence.

Le président: Jusqu'où va le port?

M. Bellefontaine: Tout ce qui est au nord de l'île McNab relève de notre compétence.

Le président: Où se trouve la ligne depuis la propriété Nasca jusqu'à...

M. Bellefontaine: De Purcell's Cove à Shearwater. On trace une ligne ici. C'est très important, parce que s'il y a un incident mettant en cause un navire ou constituant un danger pour la navigation, c'est cette ligne qui détermine qui doit s'en occuper. Si c'est à l'intérieur de cette limite, c'est nous qui sommes en charge; si c'est à l'extérieur de cette limite, alors c'est la Garde côtière. C'est important du point de vue juridique.

Le président: J'ai toujours cru que le port naturel inclus était mais cette situation remonte à fort loin, et tient à des problèmes avec le syndicat.

Monsieur Bellefontaine, vous disiez que le système des STM vous causait, d'une façon générale, des inquiétudes et qu'il y aurait une façon différente de le gérer. Pouvez-vous tout d'abord nous exposer le problème, et nous dire ensuite comment on pourrait l'améliorer avec une gestion différente?

M. Bellefontaine: J'aborderais la question sous l'angle commercial, et je demanderais au capitaine Sherman de vous parler de l'aspect opérationnel.

Il est beaucoup question ces derniers temps des droits des services de la marine de la Garde côtière; en effet, nous contestons les droits que le port doit acquitter, parce que ceux qui ont été introduits l'an dernier, sur une base annuelle, nous paraissent trop peu élevés. Nous avons fait une enquête approfondie, à Halifax, auprès du secteur intéressé, et constaté que ces droits sont probablement quatre fois plus élevés qu'ils ne devraient l'être, si vous examinez ce que payent les utilisateurs du quai. Il s'agit de recouvrer les aides à la navigation, pour les utilisateurs de Halifax, des services de la Garde côtière et une partie pourrait être pour le système des services de trafic maritime.

À notre avis, la Garde côtière devrait examiner le coût de ses opérations avant de mettre en place un vaste barème de droits qui risquent de mettre en fuite certains de nos clients. Les STM en font partie. Il y a peut-être une autre façon de s'y prendre, l'une des options étant -- ce n'est pas que nous cherchions à nous créer plus de travail -- de confier cette tâche à l'autorité portuaire, comme cela se fait dans certains ports européens. C'est là une option, nous ne l'avons pas examinée à fond, mais quelqu'un devrait le faire.

Le sénateur Roberge: Pourriez-vous nous donner des détails sur l'autorité portuaire?

M. Bellefontaine: C'est le nom qu'on nous donne, et c'est un nom générique: nous sommes l'autorité portuaire, sous un autre nom. En Europe, beaucoup d'autorités portuaires se chargent de gérer le trafic maritime, les remorqueurs, les pilotes et leurs propres terminaux. Très souvent ces autorités sont chargées du fonctionnement des ports.

Au Canada, dans une grande mesure, il y a ce que nous appelons des ports propriétaires. Au nom de la Couronne nous gérons cette propriété en tant que fiduciaires et la cédons à bail à des terminaux privés. C'est donc le secteur privé qui en assume la charge, et nous n'y voyons pas de difficultés.

Les remorqueurs, les pilotes, la Garde côtière et tout le reste ne relèvent pas de notre compétence. Tous ces organismes dont il est question aujourd'hui, et qui participent à la gestion du port, depuis Agriculture Canada à la Garde côtière en passant par les douanes, l'immigration, la police et j'en passe, doivent collaborer, et ce sans heurts, mais on y arrive.

Tout ce que nous disons, c'est que la Garde côtière devrait examiner ses coûts -- ce qu'elle fait certainement -- et en s'attachant plus particulièrement au système des STM, où il y aurait peut-être des économies à réaliser.

M. Sherman: Ce que je voulais dire, c'est que les technologies nouvelles ont modifié, de nos jours, la façon dont on fait fonctionner les STM. Le système actuel est basé sur la surveillance par radar et la communication radio, mais avec l'avènement du système de positionnement global par satellite stationnaire au-dessus de la Terre, vous obtenez un positionnement de navires d'une grande précision, beaucoup plus grande, en fait, que ce n'était possible par radar. Il suffit d'un radiophare et d'un ordinateur.

On pourrait installer des ordinateurs et des radiophares portatifs sur les navires qui visitent le port, et avoir une image informatisée en temps réel de ce qui se passe dans le port. Ces radiophares sont tels que lorsqu'ils sont initialisés par la personne, ils peuvent diffuser en même temps toute l'information relative aux navires. Un premier effet serait de diminuer le trafic radio.

Ce système coûte beaucoup moins, en capital de démarrage, que le système radar et je ne doute pas qu'au cours des prochaines années l'on veuille améliorer le système actuel des STM en remplaçant le radar actuel, si l'on s'en tient à ce système, mais là encore il faut de gros capitaux. Cette nouvelle technologie suscite cependant des intérêts, on nous a demandé beaucoup de renseignements à son sujet et il est question d'un projet pilote, pour voir comment on pourra l'appliquer à l'avenir. C'est peut-être un projet que nous pourrions faire conjointement avec la Garde côtière ou peut-être, tout seuls ou en collaboration avec d'autres ports. Nous en sommes encore au stade préliminaire, mais j'envisage la possibilité de réaliser de grandes économies.

Le président: Je voudrais vous remercier de tout coeur. Nous avons souvent tenu ce genre de discussions de table ronde, et comme toujours, votre sens professionnel m'impressionne. Je vous félicite de la façon dont vous continuez de diriger le port de Halifax.

Quand nous aurons mis le doigt sur certains des problèmes nous vous demanderons peut-être ce que vous pensez des solutions que nous envisagerons.

M. Eric Mott, qui est secrétaire de la Police des ports du Canada, section locale 112, est présent; il est autorisé par son syndicat à répondre à toutes questions que nous lui poserons en tant que membres de la police, et je vais lui demander de prendre place.

M. Eric Mott, secrétaire, Police de Ports Canada, section locale 112: Nous n'étions pas préparés à cette réunion, mais je vous remercie, monsieur le président et membres du comité, de bien vouloir nous entendre.

Le président: Pourriez-vous nous dire quelle est la position de votre association?

M. Mott: Je voudrais tout d'abord vous signaler que je ne parle pas au nom du service de police, mais de l'Association de la police, à savoir le syndicat. Je vous donnerai donc sur ce point la position du syndicat, et non celle du service de police.

Nous craignons beaucoup d'en revenir à l'ancien système sur les quais. Quand je suis entré à la police en 1975, ceci n'existait que depuis sept ans; avant 1968 je faisais un travail de garde de sécurité, semblable à ce qu'on envisage actuellement de mettre en place dans les quais. Le coulage y était si élevé qu'en 1969 on a décidé de constituer un corps de police pour faire respecter l'ordre dans le port.

Au cours des années ce corps de police a pris le nom de l'Association des policiers du Conseil des ports nationaux et, il y a plusieurs années, on a décidé de supprimer l'autonomie locale, tout étant dirigé, comme le disait M. Bellefontaine, à partir d'Ottawa. Auparavant, avec l'Association des policiers du Conseil des ports nationaux, le contrôle se faisait directement par le port de Halifax, par le truchement de l'autorité portuaire. Lorsque la Société canadienne des ports a été constituée, il a été décidé que la police relèverait de l'autorité nationale et nous sommes donc dirigés par Ottawa. Notre bureau relève du directeur général, Sid Peckford, et nous avons donc passé de l'un à l'autre.

Le corps de police a fait l'objet d'examen régulier, tous les trois ans, en moyenne. Le sénateur Forrestall, si je ne me trompe, participait il y a quelques années à l'un de ces examens. Plus récemment, la question du démantèlement de notre corps de police préoccupe beaucoup nos membres: un grand nombre d'entre eux sont d'âge moyen, autour de 45 ans et leurs emplois sont remis en question, comme vous pouvez vous y attendre. Ce n'est pas tout. Avec les gens avec lesquels nous travaillons nous avons le sentiment de former une famille: les vols et le crime organisé qui sévissent sur les quais nous inquiètent beaucoup, car l'existence de ce genre de crime, dans tous les ports du pays, ne fait mystère pour personne. Les membres de ces bandes de crime organisé ne sont pas généralement des motards barbus, ce sont des hommes d'affaire en costume et cravate.

Nos gens ont appris, au fil des ans, à les connaître, à les identifier et à les contacter. Il faudra du temps, pour un autre corps de police, pour arriver au même point, et il faut également tenir compte de la sécurité de ceux qui nous succéderont: leurs vies seront en danger, parce qu'ils ne sauront pas qui ils arrêtent sur la route, car cela fait partie, dans certains cas, de leurs attributions actuelles.

Je suis sûr que vous avez tous été impressionnés par M. Malec: j'ai travaillé avec lui, il y a deux ans, lorsque j'étais chargé de remanier les plans d'urgence du service de police. C'était une question que je ne connaissais pas très bien à l'époque, mais M. Malec m'a rapidement mis à jour; je suis loin d'en savoir autant que lui, car sur ce sujet il est imbattable. J'ai eu à faire à beaucoup de gens en Nouvelle-Écosse, en particulier dans des situations provinciales d'urgence.

Le démantèlement du corps de police suscite de fortes inquiétudes; il est en train de se faire très rapidement, bien qu'il en soit question depuis déjà deux ans. Nous savons que le projet de loi ne sera pas adopté pendant cette session mais nous savons également, depuis hier, que ce corps sera carrément supprimé.

Notre président s'excuse de ne pouvoir être présent, il s'apprête à prendre l'avion pour Ottawa, où il doit rencontrer des ministres, et c'est pourquoi il n'a pu venir ici aujourd'hui.

L'aspect sécurité des vacances en bateau n'a pas été traité dans l'exposé de M. Bellefontaine, bien que le sujet ait été soulevé, si je ne me trompe, par le sénateur Adams. Avec les goûts que manifestent actuellement les vacanciers, les gens ont tendance à rester au Canada. Depuis 1975, quand je suis entré à la police, le trafic portuaire a considérablement augmenté, je ne sais pas au juste dans quelle proportion. Il n'est pas rare de voir 300 à 500 bateaux à voile à l'entrée du port quand arrive un navire. Ce n'est pas pour le navire que se pose le problème de sécurité, car quand il y a collision entre la fibre de verre et le métal, c'est comme entre le pot de terre et le pot de fer. Mais ce sont les bateaux à voile qui risquent gros.

En tant qu'agent de la police portuaire nous avons la responsabilité non seulement de protéger les biens qui appartiennent au port où ils sont emmagasinés ainsi que les gens, mais également les zones qui relèvent de la compétence du port, à savoir le bras nord-ouest et le port proprement dit. Beaucoup de gens l'oublient.

Dans les années 60, deux hommes d'affaires se sont noyés au large du bras nord-ouest, à une centaine de mètres de la côte, parce qu'en ce temps-là nous n'avions pas de bateau. Nous avons à présent deux vedettes d'intervention qui peuvent intervenir dans des cas de ce genre; nous préparons les règlements pour la sécurité sur l'eau, les gilets de sauvetage, les opérations dans des conditions difficiles et les délits criminels.

J'ai été surpris d'entendre les représentants de l'administration de pilotage dire, ce matin, qu'il préfère ne pas avoir à participer aux enquêtes. Je vous signalerai, pour votre gouverne, que depuis que je suis agent du corps de police nous avons eu trois échouages de navires à Halifax, et que nous avons participer aux trois sauvetages. C'est pour la protection des pilotes, afin de nous assurer qu'ils ne sont ni négligents, ni par exemple, en état d'ébriété, ce qui pourrait amener des poursuites pénales. La plupart de ces échouages ont été causés, je crois, par une erreur due à l'équipement, bien que je n'ai pas suivi la question de près, je ne suis donc pas sûr de ce que j'affirme. Nous assurons non seulement pour leur protection, nous sommes également ceux qui peuvent porter plainte pour ce qui survient dans le port.

Vous avez tous entendu parler du Maersk Dubai: c'est nous qui avons tout mis en branle, qui avons déclenché les interventions et qui avons fini par charger la GRC de l'affaire. Nous sommes spécialistes sur notre propre terrain, nous sommes des policiers très spécialisés. Nous avons très souvent eu affaire avec les Européens et connaissons les lois et règlements de chaque pays. Nous connaissons les pavillons de complaisance, les navires qui les arborent et ceux qui ne le font pas. Ce sont les choses qu'il faut apprendre dans le métier, et que la police ordinaire ne sait pas, il faut des années pour acquérir ces connaissances.

Le sénateur Roberge: En ce qui concerne le projet de loi C-44, que nous n'avons pas encore reçu, il n'y a pas d'introduction progressive d'une force nationale de police des ports dans la force de police municipale, ni de nouvelle police qui sera créée.

Le président: Sénateur Roberge, on a tout sorti du C-44. Cela a été supprimé, donc il n'y a plus besoin d'autorité.

M. Mott: L'un de nos membres parlait à son député provincial; il habite à Newport Corners, près de Windsor. Il disait que son ministre l'a appelé l'autre jour et lui a dit que l'article concernant la police avait été supprimé du projet de loi C-44, qu'il en avait été retiré, mais ce n'est qu'ouï-dire, il faudra que je vérifie.

Comme le disait M. Bellefontaine, des négociations sont entamées avec les municipalités pour voir ce qu'on fera des policiers. Nous espérions que tout cela aurait été fait bien avant.

Le sénateur Roberge: Soyez sûr que le projet de loi ne sera pas adopté avant les prochaines élections.

Le président: Je devrais savoir de quelle autorité relève la police, mais je ne le sais pas.

M. Mott: C'est la Société canadienne des ports.

Le président: Si c'était dans le projet de loi C-44, c'était certainement dans l'ancienne Loi sur la Société canadienne des ports et dans ce cas, cela n'a pas encore été abrogé. Il y a une autorité en place; je ne pense pas que nous puissions supprimer les forces de police sans autorité, mais j'imagine que le ministère de la Justice sait ce qu'il fait et s'en tient aux règles.

Le sénateur Adams: Est-ce que les Forces de la police des ports ne se trouvent qu'en Nouvelle-Écosse ou sur toutes les côtes?

M. Mott: L'Association de police de la Nouvelle-Écosse représente le poste local ici, au port de Halifax; nous avons également une force de police à St-Jean, Terre-Neuve et à Saint John, Nouveau-Brunswick, nous en avons une dans la ville de Québec et à Montréal, et notre siège se trouve à Ottawa. Le seul autre port où elle existe également est celui de Vancouver.

La société est propriétaire de 109 ports, au Canada et est responsable de Churchill au Manitoba. Nous avions l'habitude d'envoyer un homme à Churchill, pendant les mois d'été.

Le sénateur Adams: Vous êtes ici depuis plus de 20 ans: serait-il possible de vous faire transférer dans un autre port?

M. Mott: Ce serait possible. Quand Churchill était ouvert, j'y suis allé deux fois, pour l'été. Nous sommes autorisés à faire des transferts latéraux, si la gestion les accepte.

Le sénateur Adams: Pourriez-vous vous installer dans une autre ville, ou est-ce que Halifax vous plaît particulièrement?

M. Mott: Je suis un ancien membre de la GRC, et l'une des raisons pour lesquelles je suis venu ici, c'est pour vivre en Nouvelle-Écosse. J'étais détaché en Saskatchewan. J'ai apprécié de pouvoir rester dans un seul endroit. Il ne fait pas froid en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Adams: Vous demandez plus d'autorité pour la police des ports, la seule que vous ayez actuellement, semble-t-il c'est de lutter contre le vandalisme. Est-ce surtout là votre responsabilité, ou bien arrêtez-vous également les bateaux pour vérifier s'ils ne transportent pas de drogue, par exemple? Voudriez-vous plus de responsabilité pour traiter avec les trafiquants de drogues et autres qui fréquentent le port? Est-ce là aussi l'un de vos sujets d'inquiétude?

M. Mott: Halifax est une plaque tournante de la drogue, vous avez lu les rapports des médias sur les douanes. Les drogues arrivent, paraît-il, dans les terminaux de conteneurs. Vous posiez tout à l'heure une question à propos de l'inspection de ces derniers: vous avez affaire à des navires qui en transportent 3 500. C'est ainsi qu'à l'un des terminaux on voit couramment qu'on charge de l'alcool sur le bateau, de l'alcool qui ne touche même pas le quai et qui quitte directement la province. Les conteneurs ne sont donc pas examinés sinon de façon aléatoire, par les douaniers, mais la police des ports devrait également procéder à ce genre d'inspection.

C'est à nous que la loi donne l'autorité, notre travail est de faire régner l'ordre dans les ports et de veiller à maintenir un sens professionnel développé, pour protéger l'intérêt du port.

Le sénateur Adams: Dès que les conteneurs quittent le port, vous n'avez plus d'autorité.

M. Mott: Les wagons porte-conteneurs sur lesquels on les embarque sont munis de serrures dont la conception est telle qu'on ne peut ouvrir les conteneurs à moins de les descendre du wagon. Il y a des documents d'accompagnement qui suivent ces conteneurs et qui sont gardés à bord du train. La documentation est très détaillée. La réputation du port, à cet égard, n'est plus à faire. Il m'est absolument impossible, cependant, de vous dire ce qui se passe après que les conteneurs ont quitté le port.

Le sénateur Adams: Le port appartient-il au gouvernement fédéral ou à la municipalité?

M. Mott: À ma connaissance, les terres sont la propriété du gouvernement fédéral, y compris le parc Point Pleasant, dont dispose la ville grâce à un bail à long terme. Nous y assurons aussi certains services de police. Prenons la zone de compétence de la police de Ports Canada. Il s'agit d'un rayon de 25 milles à partir du port et pour vous donner une idée des chiffres dont il nous faut tenir compte, le plan d'eau circonscrit à l'intérieur de la circonférence a une surface plus grande que Halifax, Dartmouth et Bedford réunis.

Le sénateur Adams: Vous avez compétence pour le port de Halifax. Y a-t-il des agents d'infiltration ou des policiers de la GRC qui travaillent avec les autorités portuaires?

M. Mott: Dans ce domaine précis, il y a collaboration entre les divers organismes dans le cas de certaines enquêtes. Oui, nous travaillons de concert s'il y a une enquête. D'habitude, on passe par les gestionnaires pour cela. Dernièrement, notre unité a lancé une telle enquête sous la direction du directeur précédent, Bruce Bryan, pour recouvrer des véhicules volés. Vous en avez peut-être eu connaissance. Nous avons recouvré pour environ 3 millions de dollars de véhicules volés qu'on expédiait hors du pays. Et ça, ce n'est qu'un des secteurs sur lesquels nous nous sommes penchés. Tous ces autres conteneurs sont expédiés tels quels parce que nous ne disposons pas de la main-d'oeuvre nécessaire pour les inspecter tous.

Le sénateur Adams: Votre patron se trouve à Ottawa aujourd'hui même et il exprime certaines préoccupations à propos du projet de loi. Cherche-t-il à y faire apporter une modification?

M. Mott: Nous voudrions bien que la police reste en place, oui. Nous croyons qu'elle est un engrenage très important du système, pas seulement pour ce qui a trait à l'application des lois, mais aussi au niveau de la sécurité. Comme M. Bellefontaine vous l'a dit, les agents de police sont là pendant les 16 heures où son personnel n'y est pas. Nous sommes aussi là pendant les huit heures où ils s'y trouvent. Les deux tiers du temps, la première intervention est faite par les forces policières. Si vous vous y connaissez en matière de planification pour les situations d'urgence et ainsi de suite, c'est le premier arrivé sur les lieux qui meure. En cas de déversement d'un produit chimique, habituellement les premiers intervenants sont les premiers à mourir parce qu'ils arrivent sur les lieux sans savoir ce qui se passe et c'est à eux de le découvrir.

Le président: Je tiens à remercier nos témoins pour leur présence ici aujourd'hui. La séance du comité est levée.

La séance est levée.


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