Délibérations du sous-comité de la
Sécurité
des transports
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 14 avril 1997
Le sous-comité de la sécurité des transports du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 12 h 07 pour étudier l'état de la sécurité des transports au Canada.
L'honorable J. Michael Forrestall (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bienvenue à cette séance de travail du sous-comité de la sécurité des transports. Nous poursuivrons nos travaux aujourd'hui en entendant le représentant de Pem-Air Ltd.
Veuillez commencer.
M. Delbert A. O'Brien, président, Pem-Air Ltd.: Bon après-midi, honorables sénateurs. Je m'excuse de ne pas avoir dactylographié la proposition. Nous étions en vacances et l'avons rédigée dans une chambre d'hôtel. Seul aspect positif de la présentation, mon épouse l'a recopiée pour qu'elle soit lisible.
Je dois également dire que je n'y suis probablement pas allé de main morte dans ce mémoire, mais nous, contribuables, n'avons pas si souvent l'occasion de nous adresser au Sénat. Cela semble être une rue à sens unique et je tiens donc à tirer le meilleur parti de cette occasion.
Je suis le président d'une petite compagnie aérienne régionale basée à Pembroke, en Ontario. Depuis 28 ans, nous assurons un service aérien régulier. Actuellement, 28 vols par jour desservent 13 collectivités de l'Ontario et du Québec. Tous les services sont assurés dans les deux langues officielles.
En comparant devant vous, je vous rends la politesse étant donné que j'ai comparu il y a plus de 10 ans devant le comité des transports de la Chambre des communes présidé par Patrick Nolin, député, quand il a étudié l'impact anticipé de la nouvelle politique de déréglementation sur l'industrie aérienne.
Aujourd'hui, bien que nous nous intéressions à la question moins vaste de la sécurité, nous passons en revue une industrie qui a été conduite ces 10 dernières années par la force de la politique de la déréglementation du gouvernement.
J'apporte peut-être une perspective différente à cette étude étant donné que je parle principalement en ma qualité d'avocat comptant 34 ans de pratique derrière lui pour qui l'aviation représente une occupation secondaire dans la vie.
Je me suis toujours vivement intéressé à la politique gouvernementale et à son effet sur l'industrie, en particulier, aux effets de la déréglementation, ce qui m'a valu d'être choisi comme paneliste à une conférence de l'Association du transport aérien du Canada, ou ATAC. Cette conférence s'est tenue il y a 10 ans à Vancouver. Y ont participé Don Carty de CP, Victor Popolardo de City Express, Max Ward de WardAir et un vice-président d'Air Canada.
Je représentais les petits transporteurs aériens, et j'avais fait mes devoirs en recueillant des tas d'informations sur l'expérience de déréglementation américaine auprès du sénateur Kassebaum, président républicain du comité de l'aviation du Sénat américain.
Les faits que j'avais recueillis indiquaient que le gouvernement américain s'inquiétait énormément des questions de sécurité aérienne à l'époque et que bien que les mégavilles aient bénéficié d'une certaine réduction des tarifs, 400 petites collectivités avaient perdu leur service aérien et les tarifs avaient augmenté de 600 à 700 p. 100 dans les régions éloignées.
À la fin de mes remarques, plusieurs des participants ont laissé entendre que j'étais peut-être trop négatif relativement à la déréglementation. Je leur ai répondu qu'à mon avis, leurs positions et leurs lignes aériennes pourraient bien disparaître dans un délai de cinq ans. À l'exception de la ligne aérienne gouvernementale, Air Canada, cette prophétie s'est malheureusement réalisée.
À mon avis, depuis l'introduction de la déréglementation, la sécurité du transport aérien reste une grande question d'intérêt public. Je crois également qu'il y a eu un effort universel de camoufler le problème engendré par le consommateurisme qui a fait sien le mythe voulant qu'une déréglementation ferait baisser les tarifs en accroissant la concurrence.
Pourquoi, devant tant de preuves à l'effet contraire, les médias, le gouvernement et le grand public continuent-ils de croire qu'un laissez-faire débridé dans les airs entraînera plus de concurrence, des tarifs moins élevés et de la sécurité? Je devrais dire, dès maintenant, que je ne suis pas membre de la gauche politique.
Examinons un instant les faits en ce qui concerne les tarifs. Bien que les tarifs aériens à partir de méga-aéroports plaques tournantes aient légèrement diminué, comme les vols entre Toronto et la Floride, ils ont substantiellement augmenté là où cela compte vraiment pour les Canadiens qui voyagent au Canada et, notamment, pour les petites collectivités.
Par suite de la concurrence dans le centre-sud de l'Ontario, mon centre d'activité, et la région dont je vais parler, les compagnies aériennes suivantes ont mis fin à leur service régulier au cours des dix dernières années: City Express, Voyageur, Southeast Air, Muskoka Air, Trent Air, Air Niagara, Toronto Air, Nor Ontair, Laurentian Air, NordAir, Partner Skycraft, Tempus, et cetera.
Quant aux communautés desservies, encore une fois en Ontario, bon nombre d'entre elles ont perdu leur service, y compris Hamilton, Peterborough, St. Catherine's, Brockville, Cornwall, Trenton, Muskoka, Oshawa, St. Thomas et Chatham. Dans le Nord de l'Ontario, les perspectives pour davantage d'entre elles sont incertaines.
Les finances influent directement sur les questions de sécurité. Depuis l'introduction de la déréglementation, l'industrie est dans une spirale financière à la baisse qui a gravement réduit l'aviation générale dans ce pays. Les institutions bancaires, au départ favorables à la déréglementation, ont fermé leurs portes aux petites compagnies aériennes, qualifiant l'industrie d'industrie en faillite. À l'époque, cela m'amusait quand mes banquiers me demandaient de prendre de l'expansion; en fait, j'offrais mes services à contrat.
Pas étonnant que les institutions financières soient consternées quand elles lisent dans les quotidiens que l'industrie a perdu ces 10 dernières années plus d'argent qu'elle n'en avait fait au cours des 60 années précédentes.
Air Canada a perdu des millions de dollars dans une guerre des prix insensée avec Canadian Airlines qui menace aujourd'hui l'existence de cette société et conduira, si elle se poursuit, à un monopole et à une éventuelle mainmise américaine. Je vous le prédis.
Faisons savoir à la face du monde que la plus grande menace à une opération sécuritaire est une crise financière. Le pire canular du mythe de la déréglementation est le mensonge soigneusement entretenu voulant qu'on puisse réussir à faire voler des avions en pratiquant des taux semblables au transport par autobus.
La supercherie tolérée de la publicité de sièges à rabais favorise cette illusion frauduleuse et destructrice. Il me semble que le ministère fédéral des Transports, sous les gouvernements des deux grands partis politiques dont il était dans l'intérêt politique de prouver que l'économie de marché fonctionne pour l'industrie aérienne, a tourné le dos à la preuve la plus flagrante de manquements à la sécurité découlant de cette politique. Je ne vais donner que deux exemples, mais il y en a beaucoup plus.
L'enquête judiciaire indépendante sur la tragédie de Dryden a dénoncé la déréglementation comme cause fondamentale de l'accident. Le fiasco de NationAir, avec ses tarifs ridicules de 88 $ ont contribué à expulser Pem-Air de deux villes, Hamilton et Kitchener, et a laissé en héritage des dettes de l'ordre de 67 millions de dollars pour le grand public et 27 millions de dollars pour Transports Canada à une époque où il nous fallait payer nos droits en 30 jours sous peine de ne plus pouvoir utiliser les aéroports. Cela en dit long sur l'aveuglement calculé de la politique gouvernementale relativement à la question de la sécurité et du service quand ils discréditent et exposent directement les champions de la déréglementation, comme NationAir.
La sécurité est directement touchée par la responsabilité réduite de Transports Canada envers les petits aéroports. Déréglementation, privatisation d'aéroports, frais d'utilisation -- appelez ça comme vous le voulez, le résultat est le même: les grands centres sont les gagnants; les petites collectivités; les perdants.
Les méga-aéroports plaques tournantes sont comme des moyeux dont les rayons sont représentés par les petites collectivités; tous semblent oublier cependant que si l'on supprime les rayons, le moyeu risque aussi d'en souffrir.
L'aéroport de Pembroke a été un rayon pour le moyeu de Toronto pendant 28 ans, mais nous ne recevons plus maintenant de financement et nos droits à Toronto ont augmenté. Une partie des anciens profits de 60 millions de dollars de l'aéroport Pearson était retournée auparavant à Pembroke par Transports Canada, mais maintenant, il n'y a plus de récupération. La cupidité de la ville est assouvie. Qu'importe qu'un service vieux de 28 ans prenne fin, la philosophie du marché triomphe. Toronto a tous les atouts.
Ce n'est pas une diatribe contre Toronto; cela signifie seulement que les gros marchés gagnent tout et que les petits marchés perdent.
Enfin, l'effet le plus négatif de la déréglementation a été la transformation de Transports Canada. Les ministres fédéraux, préoccupés politiquement par le fait que les résultats négatifs de la déréglementation ne deviennent manifestes pour la population, ont demandé que Transports Canada, avec des ressources réduites, endigue le flot de la baisse de la sécurité aérienne.
Quand j'étais étudiant en droit, un professeur de droit administratif en visite réputé de par le monde m'a enseigné que dans une société très évoluée, on gouverne par l'éducation et les autorisations accordées pour assurer le maintien des normes. Cela empêchait dès le départ qu'on enfreigne la loi. Dans les sociétés primitives, la menace de sanctions criminelles punitives assorties de peines sévères en cas d'infraction était le dernier recours juridique.
J'ai observé pendant 30 ans l'horrible métamorphose imposée à Transports Canada. Il y a 30 ans, Transports Canada comptait du personnel de grande expérience, facile d'accès, disposé à conseiller et à guider en toutes matières. Ils étaient fantastiques. Je suis l'un des rares qui restent encore à pouvoir en témoigner.
Aujourd'hui, il semble qu'ils aient pris leur retraite et aient été remplacés par du personnel moins expérimenté qui vit dans la crainte constante de se faire poursuivre personnellement au civil ou d'être discrédité publiquement pour les inévitables ratés qui découlent de l'insistance aveugle de leurs maîtres politiques envers la philosophie de marché. Ils n'osent ni donner de conseil ni même interpréter leurs propres règlements. La confiance et l'intégrité auxquelles nous avions été habitués ont disparu au fur et à mesure que l'industrie était saisie d'une crainte cruelle, pétrifiante. Ce n'est pas la faute des employés de Transports Canada. Eux aussi sont victimes du système.
Enfin, en ma qualité d'avocat, je dois préciser qu'une déréglementation absolue est une vue de l'esprit. Tout est affaire de degré. Nous aurons toujours la règle de droit dans notre vie économique comme nous l'avons dans nos sphères politiques et sociales. Plus particulièrement, l'aviation, comme la médecine et le droit criminel, est une discipline où les préoccupations de sécurité doivent primer, et les conséquences économiques jouer un rôle secondaire. Les lois économiques du marché doivent être modifiées en conséquence, sinon c'en sera fait de notre grande performance canadienne au titre de la sécurité aérienne.
Nos amis à Transports Canada doivent redevenir des éducateurs en qui l'on a toute confiance plutôt que des policiers que l'on craint. Il faut redonner à notre vision de l'aviation bon nombre de ses objectifs premiers, à savoir assurer le service au Canada, même à ses collectivités les plus éloignées, plutôt qu'amener les Torontois à Miami en avion pour pas cher. Si notre vision actuelle ne change pas, dans notre «ciel ouvert» ne voleront que des appareils étrangers, et la question de la sécurité relèvera d'autorités étrangères.
Le sénateur Bacon: Vous avez parlé de la déréglementation de l'industrie aérienne et du fait que depuis deux ans maintenant, nous sommes en régime de «ciel ouvert» avec les États-Unis. Vous semblez donner l'impression que ces deux événements combinés ont eu un effet négatif sur la sécurité. Vous ai-je bien compris?
M. O'Brien: Absolument. Il y a 10 ans, j'ai fait des prédictions aussi solides que celles-là. Je crois en la libre entreprise sous tous ses aspects, mais imposer la philosophie de marché à la sécurité aérienne est tout simplement irresponsable. Pour ce qui est de l'accord «ciel ouvert», je prédis que notre espace aérien appartiendra à des exploitants des États-Unis, qui y détermineront la question de la sécurité. Je ne peux pas comprendre pourquoi nous poursuivons cette politique face à l'évidence. Je pense qu'elle affecte directement la sécurité aérienne. Je le répète depuis 10 ans. J'ai observé d'autres exploitants canadiens. J'ai vu ce qu'ils ont fait en fait de compromis en matière de sécurité aérienne, et j'ai été grandement perturbé quand je les ai vus disparaître les uns après les autres.
Le sénateur Bacon: Quels changements dans les méthodes ont eu un effet sur la sécurité et la fiabilité des appareils? Avez-vous l'impression que les Américains se préoccupent moins de la sécurité que nous?
M. O'Brien: Cela ne fait aucun doute. Toute l'expérience de Valujet et les manifestes en témoignent. Ils ne savaient pas qui était à bord quand ils se sont écrasés. Nos employés n'en reviennent pas de ce qui est toléré aux États-Unis, mais le public ne sait rien. Les fonctionnaires de Transports Canada essayent de faire face à la situation.
Bien franchement, c'est une grande entreprise de dissimulation. Je lis dans la presse les absurdités sans cesse répétées voulant que la déréglementation mène à plus de concurrence et à des tarifs meilleur marché. Sénateur, c'est le contraire qui se passe. Pendant combien de temps devrons-nous endurer cela? Je ne demande pas qu'on revienne à une réglementation pleine et entière. J'ai dit déjà que nous ne devrions réglementer, possiblement, que les petites collectivités. La déréglementation fonctionne dans les grandes mégavilles aux marchés énormes, mais elle ne fonctionne pas à Wawa ou à Hornepayne ou ailleurs.
La dernière fois, j'ai demandé que les collectivités de moins de 100 000 habitants soient exemptées. Ils ont exempté le Nord et tout le monde là-bas est encore en opération. Bearskin a pu prendre de l'expansion. Cependant, tout le monde sauf nous, dans le Sud de l'Ontario, a fermé ses portes. Nous nous battons. Je suis allé dans des collectivités comme Gatineau où ils ont eu la sagesse de dire: «Nous imposerons une réglementation. Nous ne laisserons entrer personne d'autre si vous venez.» Ils ont respecté cet engagement. C'est la seule raison pour laquelle j'ai pu aller voir mes banquiers et leur demander de m'appuyer.
Le sénateur Bacon: Assurément, quand nous comparons la situation ici avec ce qui s'est passé aux États-Unis, nous ne trouvons pas d'incidents semblables.
M. O'Brien: À mon avis, la performance de NationAir est aussi mauvaise que n'importe qui aux États-Unis. Son dossier est déplorable. Tout le monde s'est fermé les yeux. J'ai lu chaque page du rapport et, comme exploitant, je me suis demandé comment cela pouvait arriver dans ce pays. C'est une honte.
Le sénateur Bacon: Vous croyez que le régime «ciel ouvert» fait partie du problème.
M. O'Brien: Tout cela fait partie du même problème. N'importe qui peut obtenir une licence. Si le Comité du transport aérien décide que Greyhound est une farce, étant la propriété d'Américains, le Cabinet renverse sa décision. Tout cela au nom du consommateurisme qui est la nouvelle religion de notre société. Tout ce qui importe, c'est le plus bas prix.
Le sénateur Bacon: Les pressions viennent des consommateurs.
M. O'Brien: Les politiciens ne font que réagir, mais parlons de ce qui mine le système.
Le sénateur Bacon: Vous semblez craindre qu'avec la concurrence accrue dans l'industrie du transport aérien, nos transporteurs lésinent sur la maintenance et les réparations pour réduire les coûts. Cela pourrait-il entraîner des problèmes sur le plan de la sécurité?
M. O'Brien: Comment ma petite compagnie aérienne pourrait-elle concurrencer un transporteur américain qui est prêt à subventionner ses opérations au Canada à même ses profits américains jusqu'à ce que je ferme boutique? N'importe quel professeur de mathématiques pourra vous expliquer cette équation en deux secondes. C'est une réalité. Pourquoi refusons-nous l'évidence? J'ai maintenant 62 ans.
Le sénateur Bacon: C'est jeune.
M. O'Brien: Eh bien, je ne m'en fais plus. C'est pourquoi je ne mâche pas mes mots. Avant de venir ici, mon fils -- qui gère Pem-Air -- m'a dit: «Pour l'amour du ciel, papa, n'y va pas trop fort et ne va pas nous attirer d'ennuis.»
Comme je le dis, ça ne me dérange plus. Je suis content de dire que nous avons survécu, et c'est un miracle. Transports Canada dira que notre survie est unique. Il y a 30 ans, quand nous avions un problème, Transports Canada venait sur place nous aider. Maintenant, ses fonctionnaires nous disent de ne pas les appeler et de ne même pas leur en parler. Pour l'amour du ciel, nous n'avons même jamais fait d'appel téléphonique.
Excusez-moi. Je m'exprime d'une façon qui n'est pas conforme au langage parlementaire.
J'ai dû vivre avec ce scénario dans une petite ville où je ne pouvais pas rétorquer. C'est pour cela que je vous suis si reconnaissant de cette occasion. Nous avons vu des éditoriaux stupides dire qu'un jour, nous irions tous en Floride en avion pour 49 $; ils créent une illusion ridicule et de mauvais goût. Si cela arrive un jour, les avions s'écraseront avant de décoller de la piste.
Le sénateur Bacon: Avec la dévolution des aéroports aux autorités locales, croyez-vous que des mesures appropriées sont prises pour s'assurer du maintien de la sécurité?
M. O'Brien: Il leur est impossible de le faire.
Le sénateur Bacon: Vous croyez que c'est impossible.
M. O'Brien: Dans un petit aéroport, le pilote essaye de découvrir, à la dernière minute, s'il pourra atterrir ou s'il y a des nuages, et il doit le survoler et revenir.
Le sénateur Bacon: Est-ce dû à la dévolution aux autorités locales?
M. O'Brien: Absolument. Vous ne pouvez pas abandonner ces petites collectivités. Pourquoi le gouvernement s'est-il approprié Toronto, qui avait des profits de 60 millions de dollars, et a-t-il donné à Pembroke une petite remise? Pourquoi ont-ils construit ces palaces à Toronto pour lesquels ils nous demandent maintenant des prix exorbitants? Je peux en parler; je vais à Toronto en avion depuis 28 ans.
Nous avons maintenant à Toronto un groupe qui connaît très peu l'industrie, comme l'a montré une réunion il y a une semaine. La situation est allée de mal en pis. La philosophie dans le système consiste à ne pas administrer. Nous parlons de la sécurité aérienne.
Quand vous allez à l'hôpital, vous n'entrez pas en disant: «J'ai besoin d'un pontage coronarien, trouvez-moi le chirurgien le moins cher.» Feriez-vous avec moi un voyage en avion au-dessus de l'eau à 35 000 pieds d'altitude et au milieu de la nuit, avec le mécanicien le moins cher, ou les pilotes les moins chers disponibles dans l'industrie?
Dans notre système judiciaire, on peut investir 100 000 $ dans un procès pour un simple criminel. C'est rendre hommage à notre système parce que nous estimons qu'il est important. Eh bien, la sécurité aérienne l'est tout autant.
Le sénateur Adams: Je viens des Territoires du Nord-Ouest, et vous semblez fonctionner de la même façon que les gens dans l'Arctique.
Vous êtes inquiet à propos de Transports Canada. Il me semble cependant que certaines compagnies aériennes ne s'en tirent pas trop mal, parce qu'elles offrent des correspondances avec les grandes compagnies aériennes comme Air Canada et Canadian. Faites-vous la même chose? Offrez-vous des correspondances avec ces compagnies, ou ne desservez-vous que de petites régions éloignées?
M. O'Brien: Je peux vous en parler parce que nous avons fonctionné comme ligne d'apport pour Air Canada et Canadian pendant des années. Nous avons des tarifs intercompagnies avec les deux, mais je ne sais pas si d'autres transporteurs en ont. Nous avons eu le bon sens politique d'y aller prudemment avec elles. Elles nous font confiance. Elles savent que nous n'allons pas les affronter sur un marché, quel qu'il soit. Air Canada prend la relève à Québec, et Canadian, à Toronto. Nous traitons de façon libre avec les deux. Nous avons des tarifs intercompagnies avec les deux, et nous fonctionnons comme ligne d'apport pour les deux.
Cependant, au Canada, cela ne rapporte aucun avantage. Aux États-Unis, on vous donne un accès gratuit aux installations, le traitement gratuit des passagers et tout le reste. On vous traite avec des égards. Pas au Canada. On vous fait payer le maximum.
Le sénateur Adams: Devez-vous payer des droits d'atterrissage également?
M. O'Brien: Oui. Nous les payons pour prendre en charge nos passagers qui voyagent sur des vols avec escale. Nous n'en retirons aucun avantage.
Le sénateur Adams: C'est pourquoi ils peuvent demander 49 $ pour aller en Floride.
M. O'Brien: Nous sommes un transporteur d'appoint desservant de petites collectivités dans tout l'Ontario et dans certaines parties du Québec. Nous n'avons pas à transporter tout le monde. Il est cependant essentiel que nous transportions les personnes clés de ce groupe de voyageurs.
Des études américaines indiquent que pour 200 travailleurs, vous transportez trois genres de personnes. C'est essentiel. Il s'agit généralement du président, du directeur des ventes et du conseiller financier de chaque compagnie. Je n'ai pas à transporter tout le monde à Pembroke, mais je dois absolument transporter les gens d'EACL qui y exploitent un laboratoire de calibre mondial. Je dois transporter le cadre supérieur du camp Petawawa. Ils doivent absolument prendre l'avion. Je dois transporter les cadres de MacMillan Bloedel. Le reste n'a pas d'importance. Je les transporterai s'ils doivent assister à des funérailles ou en cas de tragédie médicale. Le reste d'entre eux prendra l'autobus, mais je dois assurer ces services essentiels. C'est important. Sans cela, ces collectivités sont coupées du monde et périclitent.
Le sénateur Adams: Avez-vous des vols réguliers?
M. O'Brien: Tous nos vols sont des vols réguliers. Nous avons 28 vols par jour. Nous n'assurons que des vols réguliers. Nous offrons aussi un service aérien d'affrètement, mais l'accent est strictement mis sur le service régulier. Je suis heureux de dire que le niveau de nos vols complétés est de 98,6 p. 100, en plein du niveau du taux d'Air Canada. Je parle du Nord, à Hornepayne et Wawa où nos avions volent à des températures de moins 50 degrés sous zéro.
Le sénateur Adams: Dans le Nord, nous traitons avec ce que nous appelons l'aéroport Arctique. Je crois qu'il est encore administré ou financé par Transports Canada. Certaines des pistes dans nos collectivités doivent être entretenues 24 heures par jour, en raison des aéronefs d'évacuation sanitaire. Il n'y a pas d'autoroutes. Vous dites que parfois, vous ne pouvez même pas trouver quelqu'un pour dégager la piste.
M. O'Brien: Nos pilotes ne le savent qu'au moment de l'approche finale. Cela est tout récent, depuis que tous les services de soutien ont été supprimés.
Earlton est un aéroport régi par le fédéral. Le gouvernement fédéral s'en retire. Le pilote doit porter un jugement de dernière minute et parfois tourner en rond. Il n'y a pas d'argent, mais c'est un service essentiel, à mon avis, dans ces communautés éloignées. Il n'est pas essentiel que nous allions en Floride.
J'irai en Floride dans une semaine ou deux, et je pourrais aisément y aller par un autre moyen. Ce n'est pas obligatoire. Cependant, ce service l'est pour notre système juridique à Pembroke. Les juges de la Cour suprême y siègent, et ils utilisent tous notre service. Autrement, ils déménageront à Ottawa, et tous les témoins devront aller à Ottawa.
Le sénateur Adams: Qu'en est-il des stations météorologiques automatisées? Sont-elles déjà en service dans le Nord de l'Ontario? Pouvez-vous téléphoner pour obtenir des prévisions?
M. O'Brien: Je ne suis pas un expert dans ce domaine, mais le système n'a pas été bien accueilli.
Le sénateur Bacon: Voulez-vous parler du système AWOS?
Le sénateur Adams: Oui. Vous n'y croyez pas?
M. O'Brien: Cela fait partie du tableau général. Nous avons été les pionniers de l'aviation dans ce pays. Nous avions un magnifique système de transport aérien, et maintenant nous le démolissons pouce par pouce. C'est une tragédie. Et tout cela est fait au nom de cette philosophie de marché.
Je ne cesse d'en parler parce que cela a des répercussions partout, que vous soyez privatisé ou que vous payiez des droits d'utilisation. Ce qui se passe, c'est que les grandes villes obtiennent tout et que les petites villes perdent tout. Est-ce là notre vision du Canada? Si ce l'est, c'est une tragédie.
Le président: Monsieur O'Brien, à la page 7 de votre mémoire, vous parlez de la sécurité et dites que la plus grande menace à une opération sécuritaire est la crise financière. Avant le début officiel de cette séance, j'ai dit que ma plus grande crainte était toujours d'avoir à rencontrer mon gérant de banque. Je ne pourrais être plus d'accord avec vous.
Pourriez-vous être un peu plus précis et nous dire comment une crise financière imminente influe sur la sécurité? Cela paraît-il dans le niveau de maintenance? Je me rappelle avoir construit des batteries et des galets pour que les avions puissent décoller le matin. Ils n'ont jamais eu de problème sur le plan de la sécurité, bien que je me sois parfois demandé comment.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Cela paraît-il dans la maintenance?
M. O'Brien: Quiconque connaît l'industrie sait que tout se passe entre le comptable de la compagnie et le chef de la maintenance. C'est chaque jour une lutte. Dès que le chef de la maintenance voit un signe d'usure sur quelque chose, son premier mouvement est de le changer immédiatement. Pourquoi courir des risques? Cela a un effet direct sur le comptable qui essaye d'équilibrer les finances.
La question est présente chaque jour pour tout aspect de la compagnie aérienne -- sécurité, renouvellement de l'unité. Les gens conduisent leurs autos, jusqu'à ce qu'elles rendent l'âme dans la plupart des cas. Dans le domaine de l'aviation, on enlève le pneu quand il semble en parfait état et on le jette parce qu'il a servi le nombre autorisé d'heures. Si le mécanicien sait qu'un pneu en particulier a reçu un choc particulièrement violent ou quelque chose, il doit l'enlever immédiatement et le jeter, même s'il n'a pas servi pendant le nombre d'heures imposé.
C'est un jugement qu'il faut porter chaque jour. Il faut tenir compte de la sécurité chaque jour. Elle est directement liée à l'économie et dès que vous faites des compromis, la sécurité de la compagnie aérienne s'en ressent.
Nous sommes allés à Hamilton après le retrait de Canadian. Nous n'avons manqué aucun vol. Ils nous annonçaient ainsi que nos numéros de vol. Nous avons pris la relève. En deux mois, un autre transporteur, Laurentian Air, est venu et a commencé à s'attaquer à nous directement. Nous nous sommes retrouvés dans ce ridicule processus des sous-offres, une guerre des prix a commencé. Après une courte période, je me suis retiré. Je ne joue pas à ces jeux-là. Cela influe sur l'intégrité de nos opérations.
À un moment donné, Air Canada nous a suppliés de prendre en charge la maintenance de Laurentian. Une porte d'un de ses appareils s'était détachée en plein vol. Je pourrais vous raconter toute l'histoire, mais elle est bien connue du public car ils n'ont pas pu la cacher. Max Keeping parlait de chercher la porte quelque part autour d'Ottawa. Laurentian nous a chassés d'Hamilton, et il n'y a plus de service depuis.
Nous sommes allés à l'aéroport d'Hamilton et leur avons demandé s'ils nous accorderaient une quelconque garantie de protection si nous nous installions là-bas et investissions beaucoup dans le service. Ils avaient accepté, mais comme c'était un aéroport de Transports Canada, ils n'ont pu le faire.
L'aéroport de Gatineau est la propriété de la ville de Gatineau. Je leur ai dit que j'irais m'installer chez eux s'ils me donnaient du service. Ils m'ont répondu: «Rédigez le contrat». Depuis, nous assurons un excellent service de six vols par jour là-bas. Cela, parce qu'ils ont imposé la réglementation.
Aucun gérant de banque ne consentira à vous écouter pendant dix minutes dans les circonstances ridicules dans lesquelles nous travaillons actuellement. Faisons quelque chose pour les petites collectivités. Regardons à nouveau la situation, comme nous l'avons fait dans le Nord. Il n'y aurait rien là-bas sans ces garanties. Si Bearskin s'en est bien tiré, c'est parce que le gros de ses activités se trouve à être au-dessus de la ligne qui a été tirée.
Dans le sud de l'Ontario, nous étions dans le malstrom. Les coups venaient de partout et tous nous prenaient pour cible. Je suis amer. Nous avons survécu, mais c'est en partie parce que je suis avocat et que je tire mon revenu d'autres sources. Pendant des années, j'ai exploité ce service sans rien en retirer. J'ai servi la communauté, ce qui n'est pas sans valeur, bien que je ne veuille pas me faire passer pour un héros.
Le président: Comme les compressions se poursuivent, la question du degré d'inspection effectuée par Transports Canada revient de plus en plus souvent sur le tapis. Pourriez-vous nous donner votre avis à ce sujet en votre qualité de transporteur régional? Abstraction faite de la déréglementation, les compressions de dépenses gouvernementales ont-elles affecté l'inspection au point où vous pouvez en voir l'effet sur la sécurité?
M. O'Brien: Je ne veux pas critiquer les employés de Transports Canada. Ils font régulièrement des heures supplémentaires. Cependant, nous sommes toujours sous pression. Si nous voulons avoir un pilote formé, cela prend des semaines pour obtenir un rendez-vous, bien que nous en ayons besoin le lendemain. Pour l'inspection d'un appareil, il nous faut attendre des semaines. Cela coûte une fortune.
Le président: Dans l'intervalle, vous ne pouvez utiliser cette pièce d'équipement.
M. O'Brien: Nous ne pouvons la bouger.
L'autre chose qui m'ennuie, c'est que lorsqu'on est un exploitant honorable, comme nous en sommes un, comme Transports Canada le sait, cela coûte beaucoup plus cher.
Le président: Comment faire pour corriger la situation? Faudrait-il accroître le financement de Transports Canada pour qu'elle recrute des inspecteurs pour la navigabilité, les moteurs et les pilotes?
M. O'Brien: J'ai essayé d'expliquer dans mon mémoire que le problème fondamental c'est que vous essayez de leur faire faire un travail qu'ils ne devraient pas faire. Il devrait y avoir un processus d'éducation et d'autorisations. Vous vous rappellerez que j'en ai parlé. Les pays civilisés et instruits forment leurs médecins. Ils n'ont pas besoin d'un policier dans la salle d'opération pour s'assurer que tout est fait correctement. Ils les forment d'avance. Vous formez tous vos professionnels. C'est une question d'éducation et de normes et du maintien de celles-ci.
La philosophie, c'était que vous n'obteniez une licence que si vous pouviez prouver que vous en étiez digne. Maintenant, quiconque peut ramper dans le bureau des licences en obtient une. Les gens se lancent dans l'entreprise sans expérience.
Regardez Arrow aux États-Unis. En quelques semaines, ils ont rassemblé du personnel et mis sur pied une compagnie aérienne.
C'est impossible pour Transports Canada de faire la police dans ces cas-là. Ce n'est pas aux policiers d'établir les normes dans notre société. Les normes viennent d'ailleurs. Le consommateurisme est le défaut majeur dans l'industrie de l'aviation et j'en ai assez. On ne peut transporter des gens par avion pour rien.
Le président: Je suis d'accord avec vous.
M. O'Brien: Puis on blâme Transports Canada pour tout.
Le président: Pour ce qui est du critère applicable aux nouveaux venus dans l'industrie, avez-vous, au cours des années, eu l'occasion de constater un changement à cet égard? Permettons-nous à des gens de se lancer dans cette industrie quand ils ne sont pas prêts?
M. O'Brien: Honnêtement, pour ce qui est de l'octroi des licences, ça n'a aucune valeur. Ce que nous avons fait, c'est élever de nouvelles barrières. En fait, ça a été transféré aux compagnies d'assurance et aux banquiers. La plus grande barrière de toutes est l'accès au système de réservation. Une autre barrière est l'entretien à Transports Canada, c'est-à-dire pouvoir disposer d'un atelier d'entretien professionnel. C'est devenu un obstacle de taille pour les nouveaux venus, ce qui est sensé, cela ne fait aucun doute.
Cependant, cela a rendu les choses difficiles, à certains égards, pour les petits exploitants qui n'ont pas les ressources voulues. Tout est fait en fonction d'Air Canada. Malheureusement, dans ce pays, nous vivons tous dans l'ombre d'Air Canada. Nous nous sommes toujours bien entendus avec Air Canada, de même qu'avec Canadian. Je crois qu'ils nous respectent. Cependant, par moment, ils constituent un tel facteur dominant; c'est comme l'éléphant et la souris, un parallèle que j'ai déjà entendu.
Le président: Tout comme moi.
Le sénateur Bacon: De quelle façon vous y prendriez-vous pour reréglementer l'industrie du transport aérien de façon à ce qu'elle ait un impact positif sur la sécurité? Imposeriez-vous des restrictions aux compagnies aériennes qui veulent entrer sur les petits marchés?
M. O'Brien: J'aurais un système d'octroi de licences pour toute communauté de moins de 500 000 habitants. Le transporteur qui voudrait la desservir devrait prouver qu'il est dans l'intérêt public pour lui de le faire. Ce serait le contraire de ce qui se passe actuellement, et je crois que cela réglerait le problème fondamental. Ce serait ensuite aux banques de jouer. C'est ce qu'on appelle la sécurité d'un placement.
Le sénateur Bacon: Voudriez-vous que les petits centres du sud du Canada soient assujettis à la réglementation, comme on a fait dans le Nord?
M. O'Brien: Oui, autrement, vous n'aurez pas de service. Hamilton et Kitchener devraient être desservies. Nous le faisions, mais nous avons été chassés par NationAir. Les agents de voyage m'ont dit: «Monsieur O'Brien, nous avons essayé de le dire aux gens». Cependant, comment pouvez-vous dire aux gens de voler avec votre compagnie pour 160 $, plutôt que pour 88 $ avec NationAir? Après quelques mois, ils avaient disparu et il ne restait rien d'autre que des débris. Tous les journaux du pays encensaient cette nouvelle révolution dans les voyages aériens.
Le président: Merci. Bon séjour en Floride. Nous trouverons moyen de vous ramener ici dans dix ans.
M. O'Brien: C'était une limite de 100 000 que j'avais demandée il y a dix ans.
Le président: Merci, monsieur O'Brien.
Nous entendrons maintenant M. Wolfe, de Canada 3000.
M. Walter E. Wolfe, agent de sécurité aérienne, Canada 3000 Airlines Limited: Merci de me recevoir, monsieur le président. Je suis le directeur de la sécurité des opérations aériennes à Canada 3000. Je suis également pilote de ligne et je pilote régulièrement un 757. Je peux davantage parler des questions techniques que de certains des aspects commerciaux de l'industrie.
Canada 3000 est une compagnie aérienne internationale régulière et charter. Comme vous le savez probablement tous, nous desservons 78 destinations à travers le monde, une grande partie de nos opérations était concentrée au Canada et aux États-Unis.
Du point de vue de la sécurité dans l'industrie du transport aérien au Canada, nous pensons que l'industrie est sûre à l'heure actuelle. Nous bénéficions d'un environnement stable, du moins pour ce qui est des grands transporteurs aériens. C'est à nous de faire en sorte qu'il le reste. C'est probablement quelque chose que vous ont dit d'autres transporteurs, et certainement M. O'Brien. Nous ne pouvons permettre qu'une dégradation de l'infrastructure ait un impact sur la sécurité.
La réforme de la réglementation aérienne canadienne a constitué, pour la sécurité dans l'industrie du transport aérien au Canada, une importante amélioration par rapport au vieux Règlement de l'air et aux ordonnances sur la navigation aérienne.
Comme vous l'a probablement dit M. O'Brien, nous n'estimons pas nécessaire que Transports Canada nous surveille 24 heures par jour. Nous ne voulons pas également qu'elle réduise sa capacité de surveillance. Transports Canada joue un rôle important dans la gestion de la sécurité de toutes les compagnies aériennes, y compris la nôtre.
Nous estimons entretenir de bonnes relations avec le groupe des opérations des transporteurs aériens à Ottawa et à Toronto. Cependant, un financement stable, ou ce que Transports Canada envisage pour l'avenir du groupe des transporteurs aériens, devra être maintenu parce que tous les transporteurs aériens canadiens doivent être surveillés adéquatement.
Je parlerai plus tard de quelques-uns des autres problèmes d'infrastructure. Je ne sais pas si vous aimeriez que j'aborde certains des problèmes techniques ou non, monsieur le président.
Le président: Oui, certainement.
M. Wolfe: Dans l'exercice de mes fonctions, je travaille avec le National Transportation Safety Board des États-Unis et d'autres pays, de même qu'avec la Fondation pour la sécurité aérienne. Il y a quelques mois, le NTSB a fait du beau travail en recensant quelques-uns des principaux problèmes de sécurité dont il faut tenir compte au Canada. J'en ai choisi quelques-uns qui sont pertinents aux transporteurs aériens à notre niveau. Il y a le caractère adéquat de la gestion et les incidents de proximité, ce que nous avions l'habitude d'appeler des quasi-abordages.
Le président: Quand vous parlez de gestion, parlez-vous de la gestion du poste d'équipage?
M. Wolfe: Oui, de même que de la gestion de la compagnie.
Il y a aussi l'impact sans perte de contrôle, la sensibilisation, le poste de pilotage automatisé, les plages de travail et repos. Ce sont là tous les problèmes que le Transportation Safety Board a identifiés. C'est le groupe des opérations des transporteurs aériens qui se chargera de la question du caractère adéquat de la gestion. Nous disons donc que nous profitons tous du fait que Transports Canada maintienne une forte présence pour ce qui est de la surveillance de l'industrie à bien des niveaux, non seulement au niveau de la sécurité mais aussi au niveau de la gestion.
Concernant les incidents de proximité, ou ce que nous avions l'habitude d'appeler des quasi-abordages, nous savons que la croissance du trafic au Canada et dans le monde augmente régulièrement à l'heure actuelle. Si nous voulons que nos appareils continuent d'évoluer dans un environnement sûr, il faut que NAV CANADA et Transports Canada disposent d'un financement adéquat pour se tenir à jour sur des choses comme l'équipement, le futur système de navigation aérienne, ou projet FANS, l'utilisation du TCAS, le programme actualisé de modernisation des radars et la participation de Transports Canada au système de navigation pour satellite de positionnement global et à la revue de la classification de l'espace aérien, pour nous assurer que l'éventail des appareils qui desservent tous nos aéroports est satisfaisant et sûr.
Nous savons par expérience que dans d'autres pays, c'est de plus en plus occupé. Bien que nous sachions que le taux d'incident ou d'accident demeure stable, il n'est pas à son plus bas, objectif que nous visons. Nous savons que l'augmentation des opérations se traduira par un accroissement du nombre d'incidents. Pour ne pas être en reste, nous devons suivre le progrès de la technologie qui sera disponible au titre du positionnement global dans l'espace aérien et des radars, ou ce genre de choses. Ce n'est pas un domaine où nous pouvons rester à la traîne.
D'après mon expérience personnelle des opérations dans le monde entier, c'est quand des pays ou des parties du monde permettent à leur infrastructure de se dégrader au point de n'offrir qu'un faible soutien technique, qu'on commence à assister à de graves incidents et accidents que nous pouvons habituellement éviter au Canada.
Pour ce qui est des impacts sans perte de contrôle, chaque année, au Canada et dans le monde, ils sont la cause de pertes d'appareils. La Fondation pour la sécurité aérienne, à l'instar de la plupart des transporteurs, les considère comme l'une des plus grandes menaces auxquelles font face les compagnies aériennes modernes dans le monde entier. Sur le plan de la réglementation et des compagnies aériennes, on devrait s'empresser d'élaborer des stratégies pour aider à éviter et empêcher ces genres d'accidents. Transports Canada devrait envisager la mise sur pied de programmes de formation et d'équipement quand elle travaille avec des transporteurs à tous les niveaux de l'industrie.
Dans le cas de l'accident des lignes American Airlines à Cali, l'appareil était pratiquement neuf et l'équipage très expérimenté. Si cela peut leur arriver, cela peut arriver à n'importe qui d'entre nous. C'est le type d'accident qui, nous le savons, peut être prévenu, et il faudra que les transporteurs comme les autorités chargées de la réglementation travaillent pour nous mettre à l'abri de ce genre de problèmes.
Pour ce qui est de la sécurité dans l'industrie dans les années à venir, pour réduire le taux d'accidents et, si possible, le ramener à zéro, il nous faudra travailler sur l'aspect humain de l'équation. Nous savons que, particulièrement au Canada, nous disposons d'appareils modernes, de lignes aériennes modernes, d'une excellente maintenance dans la majorité des cas et, aux niveaux actuels, d'un bon soutien à l'infrastructure; mais là où nous n'avons pas progressé comme industrie au Canada ou dans le monde entier c'est au chapitre des facteurs humains.
Nous savons que la majorité des accidents sont encore attribuables de nos jours à l'erreur humaine. Le travail avec des postes de pilotage automatisés, l'interface homme-ordinateur comme nous l'appelons parfois, les plages de travail et de repos, tous ces éléments influent sur l'être humain dans l'industrie. Je ne parle pas seulement dans la cabine de pilotage, mais à la grandeur de l'industrie, depuis les employés d'entretien jusqu'aux opérations en passant par le personnel navigant. C'est à ce genre de choses que, comme industrie et comme agent de réglementation, nous devrions nous attaquer.
À notre avis, c'est ce qui nous permettra de faire baisser le taux d'accident. Nous savons, par exemple, qu'au cours des 30 dernières années, il a diminué, mais qu'il s'est cependant stabilisé ces huit ou dix dernières années. Nous avons été incapables de le réduire davantage que le taux auquel il se trouve actuellement. Nous nous sommes penchés sur les principales choses, comme la technologie, la maintenance, la fiabilité, l'infrastructure, la formation. Si nous voulons apporter d'autres améliorations, l'industrie et l'agent de réglementation doivent travailler sur l'aspect humain de cette machine.
Il existe quelques autres domaines où une réglementation pourrait nous être utile, notamment pour ce qui est des passagers indisciplinés. Les problèmes que nous éprouvons augmentent de façon stupéfiante, pas seulement dans notre compagnie mais chez pratiquement tous les transporteurs avec lesquels nous faisons affaire au Canada et aux États-Unis et, à n'en pas douter, en Europe également. C'est un domaine qui comporte certaines zones grises pour ce qui est de la conduite à adopter. Nous ne savons pas précisément ce qui cause ce genre de problèmes, mais il devient de plus en plus difficile de les régler année après année.
Comme transporteurs, nous nous tournons vers le gouvernement pour qu'il nous aide au niveau de la réglementation à régler ce problème. Nous croyons que c'est principalement une question de juridiction. Nos opérations se déroulent à l'échelle internationale, et maîtriser ce problème ne sera pas facile et exigera beaucoup de travail. L'Association du transport aérien du Canada travaille avec tous les transporteurs au sein de diverses tribunes différentes afin de déterminer ce que nous pouvons faire. Cependant, étant donné que je m'adresse à ce comité, nous aimerions souligner, si cela n'a pas encore été fait, que c'est un domaine qu'il nous faudrait examiner dans le cadre de la réglementation.
Pour en revenir à l'infrastructure, nous sommes également préoccupés par les réductions envisagées au titre des véhicules, du matériel et du personnel préposés aux interventions en cas d'urgence ou à la lutte contre les incendies d'aéronefs. Nous savons que la question fait appel aux sentiments. Nous savons que des réductions sont faites dans bien des petits aéroports. Encore une fois, c'est un problème d'infrastructure qui nous préoccupe, tout comme les autres aspects techniques liés au radar et à l'espace aérien et ce genre de choses.
Au Canada, nous ne voulons pas assister à une importante réduction de l'infrastructure au point où nous commencerons à éprouver ces problèmes et aurons donc besoin de règles particulières pour les régler. Nous voulons être proactifs plutôt que réactifs, et nous reconnaissons que tous ces différents types d'infrastructures sont importants pour maintenir au Canada le niveau de sécurité au Canada que nous méritons et auquel chacun d'entre nous s'attend.
Pour ce qui est des ressources humaines, je ne saurais trop insister sur le fait que nous ne réussirons à réduire le faible taux d'accidents dont nous jouissons actuellement en Amérique du Nord que si nous tous de l'industrie et les agents de réglementation nous occupons de ces facteurs humains. La tâche est complexe. Toute nouvelle recommandation ou législation devrait porter sur ces questions. La gestion des ressources en personnel navigant, les plages de travail et de repos, les postes de pilotage automatisés de même que l'interface homme-ordinateur sont quelques-uns des domaines où l'industrie et les autorités chargées de la réglementation devraient collaborer.
Nous savons que le terrorisme augmente. Du côté technique, la sécurité à l'échelle mondiale est un autre domaine important que nous voulons examiner. Les ressources au titre de la formation et de la sélection du personnel employé dans ce domaine sont importantes, comme l'est la participation de la GRC ou du SCRS au niveau fédéral pour la sécurité de tous nos transporteurs.
On réduit les forces policières dans tous les aéroports canadiens, et les services sont attribués à contrat ou confiés à d'autres secteurs. D'un point de vue technique, s'agissant de la sécurité, nous voulons surveiller la chose de près pour nous assurer que tous nos aéroports disposent d'une protection adéquate et qu'il existe un contrôle approprié des usagers des aéroports et une formation appropriée de tous les employés. C'est là un domaine où nous risquons de rencontrer certains problèmes.
En somme, dans le secteur du transport aérien, notamment au point de vue de la sécurité, c'est dans les détails que se trouve le danger. L'industrie du transport aérien au Canada est très sécuritaire et nous voulons qu'elle le reste. L'infrastructure doit être entretenue à bien des niveaux pour nous assurer que nous continuons d'améliorer notre performance au point de vue de la sécurité et que nos appareils peuvent évoluer dans un environnement stable et sûr.
Le sénateur Bacon: Diriez-vous que depuis la déréglementation, la sécurité a pris plus d'importance?
M. Wolfe: Elle est devenue plus visible.
Il ne fait aucun doute qu'on peut quantifier l'arrivée de la concurrence. Dès que des pressions financières s'exercent sur une compagnie, quelle qu'elle soit, de l'industrie du transport en commun, on peut certes dire qu'on court le risque que les problèmes de sécurité s'aggravent et soient davantage mis en lumière.
Je crois qu'au Canada, sur le plan technique, l'industrie est sécuritaire. Nous avons au Canada une bonne industrie, qui est solide et sécuritaire, et il ne faut pas perdre de vue le fait qu'elle pourrait se ressentir d'une réduction des coûts non pas au niveau des transporteurs individuels, mais au niveau de l'ensemble des transporteurs. J'ai confiance aux grands transporteurs actuellement en service au pays. Canadian Airlines éprouve de graves problèmes financiers, mais elle reste pourtant une ligne aérienne sûre, sur laquelle voyager. Je n'hésiterais pas à faire voyager ma famille sur cette ligne aérienne ou avec Air Canada ou notre propre compagnie.
Quand il est question de sécurité, il y a toujours possibilité d'un impact financier. Si l'industrie peut compter sur l'infrastructure appropriée et être autorisée à rester saine -- et, encore une fois, cela suppose que Transports Canada maintienne un effort substantiel pour surveiller tout le monde -- alors nous ne nous retrouverons pas dans la même position que certains pays.
Le sénateur Bacon: Comment pouvez-vous savoir que l'industrie du transport aérien ne réduit pas ses coûts d'une façon qui aura un effet sur la sécurité? Y a-t-il des façons de le faire?
M. Wolfe: Je peux difficilement parler des autres transporteurs. Il existe un vieil adage -- et tout transporteur responsable doit le connaître -- qui dit que la sécurité n'a pas de prix. On ne réalisera aucune économie à rendre l'appareil si peu sécuritaire qu'il risquera l'accident. En fin de compte, cela nous coûtera à tous beaucoup plus que nos emplois.
Vous devez vous préoccuper d'abord et avant tout de la sûreté de fonctionnement de vos appareils. Si vous ne pouvez le faire en toute sécurité avec les moyens financiers qui sont en place, alors vous ne devriez pas opérer. Cela ne fait aucun doute. Cela suppose un effort vaste et complexe.
Comme je l'ai dit dans mes notes, c'est dans les détails que se trouve le danger. Vous pouvez acheter ou louer un nouvel appareil et disposer du meilleur équipage, des meilleurs employés au titre de la formation, de la maintenance et du soutien, si vous ne faites pas attention aux détails à tout moment, vous risquez de rencontrer des problèmes.
Le sénateur Bacon: Votre compagnie aérienne procède-t-elle à des tests anti-drogue ou anti-intoxicants?
M. Wolfe: Si vous parlez de tests faits au hasard ou ponctuels, non. Comment nous assurons-nous que nos employés ne prennent pas de drogue? Nos équipages sont tenus de passer des examens médicaux tous les six mois. Il y a des façons de le savoir. Nous tentons d'appliquer un programme efficace de gestion de la sécurité. Nous savons que les 1 200 ou 1 500 personnes qui travaillent pour notre compagnie sont des êtres humains et que nous aurons notre juste lot de personnes qui se créent des ennuis. Nous devons maintenir une culture corporative qui reconnaît qu'occasionnellement les gens auront besoin d'aide dans ce domaine. D'abord et avant tout, vous devez les retirer du service et les aider. Notre compagnie n'a que 10 ans, de sorte que nous n'avons pas encore de problème dans ce domaine. Il reste cependant qu'il s'agit d'êtres humains et nous savons qu'il y aura des problèmes dans ce domaine.
Pour répondre plus précisément à votre question, non, nous ne procédons pas à des tests ponctuels.
Le sénateur Bacon: Appliquez-vous des mesures de prévention comme l'éducation et l'information?
M. Wolfe: Dans nos programmes de gestion de la sécurité aérienne et de ressources humaines, nous sensibilisons nos employés à ces problèmes, et notre personnel médical fournit sur ces questions des conseils à tous nos employés de la ligne de front. Cependant, il n'y a pas de test ponctuel.
Le président: N'avez-vous pas une politique de tolérance zéro pour les employés en service?
M. Wolfe: Oui. Il en est fait état dans le manuel d'exploitation et nous l'appliquons dans tous les aspects de la conduite de nos affaires.
Le président: À ce chapitre, êtes-vous tolérants ou stricts? Dites-vous à l'employé de rentrer chez lui se dessoûler et que par après vous le ferez traiter?
M. Wolfe: S'il nous arrivait jamais de trouver quelqu'un sous l'influence de l'alcool, de drogues ou de quoi que ce soit, cette personne serait automatiquement retirée du service et nous lui offririons de l'aide. Nous ne voulons pas que les gens cachent qu'ils ont des problèmes; ce n'est pas dans notre intérêt. Encore une fois, nous n'avons pas encore été confrontés à ce problème. Il n'est jamais arrivé qu'un de nos membres d'équipage soit aux commandes et sous l'influence d'une substance quelconque. Si cela arrivait, nous aurions pour politique de le retirer du service et de l'aider.
Le sénateur Adams: Votre compagnie offre des services de charter. Avez-vous, avec Air Canada, une entente partielle aux termes de laquelle vous offrez des vols de correspondance à ses passagers?
M. Wolfe: Non, nous sommes une compagnie indépendante qui offre des vols internationaux, réguliers et charter. Les vols réguliers desservent le Canada et les États-Unis, et les vols charter, l'Europe, le Mexique, les Antilles et au-delà. Nous n'avons aucune entente intercompagnies avec un autre transporteur. C'est strictement interne.
Le sénateur Adams: Outre les passagers, transportez-vous d'autres produits ou du fret? Avez-vous un service de fret?
M. Wolfe: Oui, sénateur, nous transportons du fret à l'échelle internationale, en quantités limitées étant donné la taille de nos appareils sur les vols internationaux; nous avons cependant un service de fret et nous vendons de l'espace de fret par le biais d'une compagnie que nous contrôlons.
Le sénateur Adams: On entend parler de gens qui envoient des moteurs de Rolls Royce. Cependant, vous transportez tous les genres de fret, y compris de la nourriture?
M. Wolfe: Comme transporteur, du fait de notre taille et de notre structure, nous n'accepterons pas bien des choses. Nous ne cherchons pas à transporter le même genre de marchandises que le ferait un transporteur de marchandises ou un avion charter spécial. Nous ne transportons pas de cargaisons de matières dangereuses.
Nous n'acceptons que des marchandises diverses que nous pouvons facilement transporter et surveiller. Nous n'avons pas la capacité de transporter de grandes cargaisons de ces genres de produits. Les produits que nous transportons viennent principalement des Antilles et du Mexique, comme les fruits et les légumes. Nous transportons des marchandises diverses au Canada, pas mal de choses pour les Postes canadiennes, et, dans une moindre mesure, des marchandises diverses en provenance de l'Europe et de l'Extrême-Orient.
Le sénateur Adams: Quelles mesures de sécurité prenez-vous pour empêcher qu'une bombe ou un autre dispositif semblable se retrouve dans les marchandises expédiées?
M. Wolfe: C'est une bonne question.
Le sénateur Adams: Je pense notamment à des situations comme l'appareil de la compagnie africaine qui a été détourné l'an dernier et dans lequel des armes avaient été dissimulées avec les plateaux-repas. Comment vous y prenez-vous pour régler ce genre de situation?
M. Wolfe: C'est une bonne question qui concerne précisément quelques questions que j'ai soulevées, notamment les marchandises.
Nous disposons à l'interne d'un service appelé le Inline Marketing Group. Il s'agit de la division de notre compagnie qui s'occupe du transport des marchandises. Vous avez tout à fait raison de dire que, quand on fait des affaires à l'échelle internationale, la sécurité des marchandises est une grande préoccupation. Que faisons-nous à ce point de vue? Une des façons consiste à traiter avec des expéditeurs connus.
Autrement dit, quand nous acceptons de transporter des marchandises d'endroits situés au Canada ou ailleurs dans le monde et comme nos opérations sont internationales, nous devons pouvoir traiter avec des expéditeurs connus.
Notre groupe de commercialisation du fret aérien n'accepte des marchandises que de transitaires et d'expéditeurs connus. Nous n'acceptons pas les envois spéciaux de particuliers. Nous n'acceptons pas les envois de fournisseurs que nous ne connaissons pas ou avec lesquels nous ne traitons pas de façon régulière.
Bien entendu, quand nous traitons avec des transitaires des Antilles ou d'autres destinations que nous desservons, il existe une vérification en place pour s'assurer que le chargement est correctement emballé, qu'il y a tous les documents nécessaires et ce genre de choses.
S'il existe un domaine, s'agissant de la sécurité, où l'industrie du transport aérien est exposée à une bombe ou à un acte terroriste, c'est bien celui-là. Je ne pense pas que quelqu'un croie vraiment qu'il est possible que quelqu'un transporte une bombe dans un avion, après avoir passé tous les contrôles de sécurité, et cetera.
Après un événement comme l'écrasement du vol 800 de la TWA, nous, en tant qu'industrie, avons tendance à resserrer la sécurité, même auprès des personnes âgées. Cependant, comme vous l'avez dit, quand il y a violation de la sécurité, c'est généralement parce que vous avez été ciblé et que le travail se fait de l'intérieur par des employés de la compagnie même ou par des entreprises qui travaillent pour vous.
C'est pourquoi j'ai mentionné plus tôt qu'il est important de procéder, au point de vue de la sécurité, à une surveillance et à une sélection appropriées des employés qui travaillent pour nous et de nos sous-traitants. Nous devons pouvoir compter sur les services de la GRC et du SCRS pour la sécurité et la surveillance au Canada. C'est dans ce domaine que nous sommes vulnérables.
Si nous sommes visés, comme l'a été Air India et la ligne Canadian Pacific Airlines, en 1985, vous constaterez que ce sera probablement de cette façon que ces engins terroristes se retrouveront dans l'avion. Cela cadre avec ce que j'ai dit plus tôt au sujet de la sécurité. Nous ne pouvons baisser notre garde, littéralement et au figuré, pour ce qui est de la sécurité dans ce pays. Nous devons la surveiller de près.
Le sénateur Adams: Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous avons un drôle de genre de système de sécurité. Nous avons un système de contrôle des passagers. Par exemple, si je vais de Rankin Inlet à Iqaluit, Frobisher Bay, je n'ai même pas à passer les contrôles. Si je vais de Rankin Inlet à Winnipeg, je dois les passer.
J'ai parfois un peu peur. Si quelqu'un veut faire exploser un appareil, quelle différence y a-t-il entre le vol de Rankin Inlet à Iqaluit et celui de Rankin Inlet à Winnipeg?
M. Wolfe: Vous avez raison. Cela va plus loin. Quelquefois pour ce qui est des règlements de sécurité, et c'est probablement vrai au Canada aussi, nous avons tendance à laisser entendre que les normes appliquées aux petits transporteurs, qu'ils soient régionaux ou de la troisième catégorie, et donc à leurs passagers, ne devraient pas être aussi sévères que celles appliquées à Air Canada, à Canadian ou à ma compagnie. On a tort.
Un passager qui achète un billet d'avion d'un transporteur canadien s'attend à bénéficier du même niveau de sécurité, que le transporteur soit petit ou gros, et mérite de le recevoir. Les petits transporteurs ne sont pas moins vulnérables.
L'industrie ne fait que courir le risque. C'est la vieille méthode de gestion du risque. Elle se demande pourquoi quelqu'un viserait un petit transporteur régional qui assure une liaison entre deux points situés dans le nord du Canada. Elle se dit que comme ce n'est pas un vol à grande incidence, si quelqu'un veut commettre un acte terroriste, il visera gros.
Néanmoins, le principe de la réglementation devrait s'appliquer non seulement à la sécurité, mais à toute l'industrie des transporteurs de la troisième catégorie. C'est quelque chose que les Américains sont en train d'étudier, après quelques graves accidents chez les transporteurs de la troisième catégorie. Ils constatent que les petits appareils ne sont pas certifiés au même niveau que les grands, qu'ils ne disposent pas du même équipement de sécurité, et qu'on ne s'attend pas des membres d'équipage qu'ils reçoivent la même formation, même s'ils font partie du même système que nous.
Le sénateur Adams: Je sais que votre compagnie n'est pas aussi grosse qu'Air Canada, mais qu'en est-il de votre personnel de piste? Pour une liaison entre Toronto et Ottawa, disposez-vous d'un contrat avec Air Canada pour s'occuper de la sécurité de votre appareil?
M. Wolfe: Nous avons des contrats avec diverses personnes dans le monde. Au Canada, nous nous occupons largement de l'émission des billets et des services au sol. Nous avons notre propre compagnie pour ce faire. Nous avons nos propres services aéroportuaires à Canada 3000. Pour ce qui est de la manutention des bagages, des refoulements, des choses comme cela, nous accordons des contrats à Air Canada, à Canadian Airlines ou à Hudson General au Canada. Pour ce qui est de nos opérations mondiales, nous nous adressons à un entrepreneur connu. À Hawaii, c'est Aloha Airlines. Au Royaume-Uni, c'est le fournisseur de services local.
Le sénateur Adams: À supposer que pour un vol entre Ottawa et Toronto avec une correspondance avec Air Canada, vous éprouviez des ennuis mécaniques, serait-ce des mécaniciens ou une équipe d'Air Canada qui régleraient le problème?
M. Wolfe: Encore une fois, soit que nous nous adressions à notre propre personnel de maintenance, soit que nous engagions du personnel à contrat. Ce n'est pas nécessairement Air Canada. En fait, ce l'est rarement. Au Canada, nous disposons de notre propre équipe de maintenance à tous les endroits que nous desservons. Quand nous n'en avons pas sur place, nous procédons par contrat. Par exemple, au Mexique, nous avons un contrat avec Mexicana Airlines. À Hawaii, c'est avec Aloha Airlines. La formation que reçoivent ces gens satisfait à nos normes. Ils suivent notre manuel de maintenance et nous les surveillons.
Le président: Combien d'appareils compte maintenant votre flotte?
M. Wolfe: Nous en avons maintenant 15.
Le président: De quelle sorte d'appareils s'agit-il?
M. Wolfe: Nous avons neuf Boeing 757 et six Airbus A320.
Le président: Avez-vous vos propres installations de maintenance?
M. Wolfe: Oui.
Le président: Vous procédez donc vous-mêmes à vos propres vérifications et contrôles de qualité?
M. Wolfe: Oui.
Le président: Vos mécaniciens ont donc toute compétence pour donner les autorisations voulues à la fin des travaux? En êtes-vous au point, avec Transports Canada, où un employé qui a réparé une pièce peut signer pour attester que les travaux ont été exécutés conformément aux règles? Ou vous faut-il quelqu'un d'autre de plus haut placé pour donner cette attestation?
M. Wolfe: Je ne suis pas sûr de pouvoir vous répondre d'un point de vue technique, du côté de la maintenance. Je sais que nous avons un service de maintenance approuvé. C'est à peu près le niveau le plus élevé. Comme certaines autres compagnies aériennes, nous n'avons pas, à l'interne, la capacité de procéder à certaines vérifications très poussées. Celles-ci sont faites à contrat, principalement par Monarch Maintenance en Angleterre.
Le président: Vous renvoyez vos moteurs d'où ils viennent?
M. Wolfe: Oui. Nous changeons les moteurs, mais en cas de graves problèmes, nous les renvoyons. Nous ne disposons pas d'un atelier qui démonte les moteurs et ce genre de choses.
Le président: Avez-vous un atelier de pneus?
M. Wolfe: Oui.
Le président: Y faites-vous du rechapage de pneus?
M. Wolfe: Non. Nous en gardons en inventaire quand nous en avons besoin pour les remplacer. Je ne crois pas que nous fassions de rechapage.
Le président: Créons-nous une demande en construisant plus d'appareils, de plus gros, de meilleurs, de moins chers, de plus rapides, de moins bruyants et de plus «écologiques»? Ou construisons-nous ces appareils en réponse à la demande?
M. Wolfe: C'est une bonne question.
Le président: Je pose la question parce qu'on nous dit -- ce qui est effrayant -- que dans moins de 15 ans, toutes les semaines dans le monde, il se produira une catastrophe aérienne. Pour ce qui est de la sécurité des passagers canadiens, nous n'avons rien à nous reprocher. Cela ne fait pas de doute. Je ne crains pas de monter à bord d'un coucou. Il sera sûr ici au Canada. Cependant, je m'inquiète beaucoup du moment où je me rendrai en Birmanie.
M. Wolfe: Comme je l'ai déjà mentionné, c'est aussi mon avis.
Le président: Devons-nous vraiment aller à l'étranger pour trouver ces 5 p. 100 ou 10 p. 100 supplémentaires de marge de sécurité?
M. Wolfe: Non, pas nécessairement à l'étranger. Ce que nous devons faire, si je comprends bien votre question, c'est nous pencher sur le facteur humain de l'équation.
La technologie moderne nous a fait énormément progressés. Nous construisons ici des appareils merveilleusement sûrs comme les Dash 8 de De Havilland.
Les appareils de la plupart de nos grands transporteurs sont très modernes et, sinon, certainement bien entretenus. Nous devons nous maintenir au niveau sur le plan technologique.
Le problème que vous avez soulevé au sujet de la perspective d'une grande catastrophe aérienne quelque part dans le monde chaque semaine, rejoint ce que j'ai dit plus tôt: bien que le taux d'accidents par 100 000 heures soit bas, dans quelques années ces centaines de milliers d'heures seront encore plus nombreuses; et même sur le plan statistique, si nous pouvons nous réjouir de ne compter que trois accidents par 150 000 heures, cela pourra signifier qu'il se produit un accident par semaine parce qu'on volera plusieurs millions d'heures chaque année. Il sera donc difficile de faire croire aux gens que l'industrie est sûre car à la lecture des journaux, ils verront qu'il se produit une grande catastrophe aérienne par semaine. Pourtant, nous dirons que le taux n'est seulement que de trois accidents par 150 000 heures comme c'était le cas 10 ans plus tôt.
Nous reconnaissons dans l'industrie depuis longtemps que nous avons fait baisser ce taux, mais étant donné l'accroissement du nombre d'heures de vol, le nombre d'accidents augmentera. Nous avons tiré le plus que nous pouvions de la technologie. Il nous faut maintenant nous intéresser au facteur humain si nous voulons réussir à faire baisser ce chiffre. Nous devons traiter de questions comme l'interface homme-ordinateur et la gestion des ressources des postes de pilotage. Cela devrait s'étendre jusqu'à la gestion des ressources de la compagnie, à la façon dont nous traitons tous les employés dans notre compagnie, pour intégrer la sécurité dans la culture d'entreprise de chaque compagnie aérienne au Canada et, nous l'espérons, dans le monde.
Si nous voulons en arriver au point où les gens mettent d'abord la sécurité au premier plan et pensent en fonction d'une culture corporative sûre, nous devons faire plus que seulement en parler. Nous devons réellement nous pencher sur ces facteurs humains. Comment établissons-nous les plages de travail et de repos? Finançons-nous la recherche sur les postes de pilotage automatisés?
L'exemple de Cali illustre très bien le cas d'un pilote d'une ligne aérienne de calibre mondial, aux commandes d'un appareil flambant neuf, comptant 60 ans d'expérience, qui pourtant a heurté le flanc d'une montagne dans de bonnes conditions météorologiques. Ce sont là le genre d'accidents qui nous font frémir. American Airlines est une compagnie sérieuse établie depuis longtemps. Si cela peut lui arriver, cela peut arriver à n'importe qui.
Comment nous en sortir tous? En nous penchant sur le volet humain de l'équation. Si nous voulons faire des progrès du côté de la sécurité dans l'industrie et pas seulement au Canada, c'est là-dessus que nous devons nous concentrer. Encore une fois, cela dépend de l'infrastructure -- la sécurité, la formation et le soutien de Transports Canada, et cetera.
Nous conviendrions probablement tous que sur le plan de la sécurité, l'industrie du transport aérien au Canada a de très bons états de service, malgré quelques ratés. Je sais qu'il existe des exemples de cas déplorables et nous les connaissons, mais peut-être la faute est-elle attribuable au fait que l'infrastructure n'a pas rattrapé ce qu'elle aurait dû.
Le président: L'un des moyens d'y remédier serait peut-être de disposer d'une nouvelle Loi sur l'aéronautique. La loi actuelle est vieille de 60 ou 65 ans. Nous nous en servons encore et traitons de façon ponctuelle les problèmes au fur et à mesure qu'ils surgissent. Il en arrive maintenant de partout sans que nous disposions d'une structure tout à fait adéquate pour s'en occuper.
M. Wolfe: Oui.
Le président: Vous avez parlé de gestion du temps, d'heures de travail et de plages de repos. Quiconque a lu la vieille loi comprend aisément pourquoi certains de ces problèmes existent.
Je vous félicite de la sécurité de vos opérations. Nous partageons votre avis que les avions canadiens sont pas mal sécuritaires. Nous aimerions qu'ils le restent et je suis sûr que vous aimeriez qu'ils le restent également.
M. Wolfe: Certainement, monsieur le président.
Le sénateur Adams: Avec le régime «ciel ouvert», les Américains absorberont quelques-unes des petites compagnies aériennes. Y voyez-vous un inconvénient?
M. Wolfe: J'aimerais que l'industrie canadienne du transport aérien demeure canadienne. Au cours de mes 20 ans dans cette industrie, j'ai travaillé à l'étranger. J'ai travaillé dans les Antilles et au Moyen-Orient. Il n'y a pas de meilleur endroit au monde où vivre et travailler que dans l'industrie aérienne canadienne. À mon avis, pratiquement personne ne fait mieux que nous, et nous devrions en être fiers.
Je n'aime pas assister à l'américanisation du système du transport aérien canadien. À mon avis, cela ne va pas lui permettre de s'améliorer. C'est mon opinion personnelle.
Nos transporteurs sont de calibre mondial. Nous habitons un grand pays où les défis sont nombreux du point de vue des transports. J'ai passé de nombreuses années dans le nord du Canada. Avant de piloter de gros avions, j'ai piloté des DC-3 et des Twin Otters. Au Canada, l'environnement n'est pas facile, mais nous nous débrouillons très bien. Les Américains ne font pas les choses aussi bien que nous. Même quand ils font de leur mieux, ce n'est pas aussi bien que nous, et toute dilution de l'industrie du transport aérien au Canada est une perte nette pour nous tous.
Le sénateur Adams: À un moment donné, les étrangers étaient limités à une participation de 25 p. 100 dans des entreprises canadiennes. Est-ce maintenant de 100 p. 100 avec le libre-échange?
M. Wolfe: Je crois que c'est encore 25 p. 100.
Le sénateur Adams: Nous sommes 30 millions de Canadiens comparativement à 250 millions d'Américains.
M. Wolfe: Nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'une industrie mondiale et d'une entreprise mondiale. Nous devons pouvoir concurrencer. Nous nous situons quelque part entre stationner nos avions pour s'assurer que personne n'a d'accident et l'anarchie qui existe dans l'industrie de transport aérien de la Russie. Nous voulons ce qu'il y a de mieux et nous sommes très près d'y arriver. Cependant, il existe des domaines que nous pouvons améliorer.
Nous ne voulons pas assister à une dégradation de notre infrastructure strictement pour faire des profits. Au niveau des grands transporteurs aériens, nous sommes moins touchés que les Pem-Air de ce monde parce que Toronto, Montréal, Halifax et Vancouver tendent à ne pas être affectés de manière défavorable par les réductions dans l'infrastructure.
J'ai travaillé comme pilote dans le Nord pendant de nombreuses années, et il y avait de graves problèmes, comme l'ont montré l'enquête Dubin et la Commission Moshansky. Cependant, nous avons continué à améliorer notre système au fil des ans. Les juges Dubin et Moshansky ont formulé des recommandations et travaillé à améliorer les choses, et je détesterais assister à une régression simplement pour réduire les coûts et réduire l'infrastructure.
Nous devons établir un équilibre entre notre capacité à opérer et à livrer concurrence dans le monde, ce que nous devons faire, et l'américanisation de notre industrie. C'est vers cela que nous nous dirigeons. Ce ne sont pas les Français, les Britanniques ni les Allemands qui nous absorbent. L'élan vient des États-Unis. À mon avis, ce n'est pas souhaitable.
Le sénateur Adams: Une autre compagnie a-t-elle offert d'acheter un pourcentage de la vôtre?
M. Wolfe: Notre compagnie est à 100 p. 100 la propriété d'un homme de Calgary, en Alberta. Sa société de financement possède la compagnie à 100 p. 100.
Le sénateur Adams: Il n'y a pas d'autres compagnies qui offrent d'acheter 25 p. 100 de Canada 3000?
M. Wolfe: On ne sait jamais. Ce pourrait être différent lundi.
Le président: Nous avons entendu parler de graves problèmes découlant de la distribution et de la vente de pièces contrefaites. Est-ce un problème pour votre compagnie? Dans la négative, comment vous assurez-vous que ça n'en devienne pas un?
M. Wolfe: Je ne crois pas que ce soit un problème. À l'instar d'autres transporteurs canadiens, nous maintenons un contrôle de qualité très serré sur nos fournisseurs de pièces. Nos moteurs sont construits par Rolls Royce et CFM. Nous recevrons de nouveaux Airbus cette année. Ce sont les gros avec les moteurs de General Electric. Encore une fois, il s'agit de faire appel à des fournisseurs réputés que vous connaissez et à qui vous faites confiance. Si vous vous adressez à Joe's Airplane Parts Company à Miami, vous vous retrouverez probablement avec des pseudopièces. C'est une chose que ne tolérera jamais ma compagnie, ni aucun transporteur canadien de réputation que je connais.
J'ai lu quelque chose à propos de cas où des pièces contrefaites se sont retrouvées dans l'industrie du transport aérien du Canada par des voies très détournées. D'une façon ou d'une autre, elles pénètrent au pays. Je crois que c'est quelque chose que nos employés du contrôle de la qualité devraient surveiller étroitement.
Encore une fois, je ne peux pas vous dire comment notre service de maintenance s'y prend exactement, mais j'ai confiance en la façon dont il traite avec ses fournisseurs. Pour les pièces, il fait appel à des fournisseurs légitimes et de bonne réputation.
Le président: Merci. Ce fut un privilège.
M. Wolfe: Merci de m'avoir reçu. J'aimerais dire un mot en faveur du groupe CCRAC. Ce processus consultatif a été bon. Je suis heureux de constater qu'il a rejoint des comités comme celui-ci. L'industrie est heureuse de ce progrès, mais il reste du travail à faire. Cela ne fait pas de doute.
Le président: Nous allons continuer de travailler dur.
La séance est levée.