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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'agriculture et des forêts

Fascicule 2 -- Témoignages


Ottawa, le jeudi 2 mai 1996

Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 11 heures, conformément à son ordre de renvoi, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada et examiner les questions relatives à la vente du parc de wagons-trémies et ses répercussions sur l'agriculture et l'industrie agroalimentaire.

Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, avant que nous ne passions à notre ordre de renvoi, nous commencerons par examiner le budget du comité. Sénateur Hays, avez-vous eu l'occasion d'y jeter un coup d'oeil?

Non, mais j'aimerais entendre ce que le greffier a à dire à ce sujet.

M. Blair Armitage, greffier du comité: Comme les membres du comité le savent peut-être, on a demandé à tous les comités de préparer un plan de communications. En l'absence de données précises pour ce comité, j'ai indiqué, provisoirement, 10 jours de frais de consultation à un prix moyen de 500 $ par jour. Ce chiffre se fonde sur la recherche que nos services ont effectuée entre les deux sessions.

Si j'examine les budgets antérieurs du comité, je constate qu'il y a eu, de temps à autre, des participations à des conférences. J'ai prévu la participation de deux personnes à deux conférences. Il est arrivé, par le passé, que le comité envoie à la fois des sénateurs et du personnel à ces conférences.

J'ai prévu un montant pour des déjeuners de travail au cas où vous auriez des questions à régler au cours d'un déjeuner ou d'un dîner.

Il y a aussi une mission d'étude à Winnipeg et une autre à Washington ainsi que des frais de déplacement pour la participation aux conférences que je viens de mentionner. Il y a aussi quelques faux frais.

J'aurais besoin de votre avis pour le nombre de participants. J'ai prévu six sénateurs et trois membres du personnel. Si vous voulez modifier ces nombres au fur et à mesure, vous pourrez le faire au fur et à mesure ou maintenant.

Le président: Avez-vous des observations à faire? Cela vous satisfait-il?

Le sénateur Hays: Avez-vous inclus les périodiques? J'en vois 250. Ce chiffre se compare-t-il à celui des autres années?

M. Armitage: Il semble que ce soit le montant prévu par le comité.

Le sénateur Hays: Je ne vois rien d'inhabituel, monsieur le président.

M. Armitage: Je n'ai pas non plus parlé des dépenses des témoins. C'est quelque chose de nouveau pour les comités. Ils doivent maintenant prévoir un budget pour les dépenses des témoins. J'ai pris un chiffre arbitraire de 25 témoins à 800 $ en moyenne. Ce montant a été calculé par notre service.

Le sénateur Hays: Savez-vous à combien ces dépenses s'élevaient ces dernières années? Ce chiffre est-il plus haut ou plus bas?

M. Armitage: Je dirais qu'il est sans doute plus haut.

Le sénateur Taylor: Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur une question qui a été soulevée la dernière fois. Après tout, notre comité est celui de l'agriculture et des forêts. Dans l'Ouest du pays, le secteur forestier est en pleine évolution, dans le secteur des påtes et papiers, avec les activités parallèles de l'industrie de la fibre forestière et de l'industrie de la fibre agricole. Nous continuons à nous intéresser au blé. Il y a beaucoup plus d'électeurs dans le secteur agricole que dans le secteur forestier, mais le gouvernement consacre quand même beaucoup d'argent à ce dernier. Je me demande si nous ne pourrions pas le souligner. Je ne sais pas comment, mais les gens du secteur forestier ne connaissent peut-être même pas notre existence.

Le président: Cette question a déjà été soulevée à plusieurs reprise. On a estimé qu'il existait une lacune de ce côté-là alors que c'est un secteur qui entre dans le mandat du comité.

Avez-vous autre chose à ajouter à propos du budget?

Le sénateur Taylor: Je pensais à un voyage d'étude pour les sénateurs. La plupart des membres du comité connaissent la Commission du blé. Nous sommes inondés d'information. Par contre, la plupart des membres du comité ne connaissent sans doute pas très bien le secteur forestier. Peut-être devrions-nous faire un voyage dans la région de Peace River; une des plus grandes usines de papier au monde se trouve à Athabasca; nous pourrions également voir comment fonctionne l'industrie du bois d'oeuvre et l'industrie de la fibre et du papier. Ce serait plus utile que d'aller visiter la Commission du blé. N'allez pas croire que je cherche à minimiser l'importance du blé. Je dis seulement que la Commission du blé a su faire un lobbying très efficace depuis 50 ans.

Le sénateur Hays: Ce lobbying semble s'affaiblir un peu.

Le président: Le sénateur Spivak a peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

Le sénateur Hays: Le sénateur Taylor trouvera en elle une alliée.

Le sénateur Spivak: Oui, je pense qu'il faudrait le faire.

Le président: Cela pourrait être inclus, n'est-ce pas?

M. Armitage: Notre ordre de renvoi, sur lequel se fonde ce budget, consiste à étudier la situation actuelle et future de l'agriculture au Canada. Pour vous livrer à l'examen que le sénateur Taylor a décrit, vous pourriez faire valoir que les cultures qui produisent une biomasse utilisable pour produire de la påte méritent d'être étudiées et nous pourrions organiser un voyage d'étude sur la question, si vous me fournissez quelques paramètres rudimentaires.

Cependant, une étude plus intensive assortie d'un budget plus détaillé pourrait exiger un ordre de renvoi plus précis. Si vous pouviez établir pour le comité un mandat qui lui conférerait des objectifs plus précis, je pourrais établir un budget séparé.

Le sénateur Spivak: Il faudrait toutefois mentionner l'industrie forestière parce qu'autrement ce serait élargir un peu trop le sens du mot «agriculture». Cela entre dans notre mandat étant donné que nous sommes également un comité des forêts. Le sénateur Taylor pourrait peut-être préciser ce qu'il a en tête.

Le sénateur Taylor: Je suggérerais d'organiser un voyage d'étude dans la région d'Athabasca et de Peace River où se trouvent d'énormes usines de papier. Notre zone d'aménagement forestier a une superficie qui représente une fois et demie celle de la Suisse et les forêts sont gérées d'un bout à l'autre, de la plantation jusqu'à la production de fibre, de papier et de bois d'oeuvre.

Le sénateur Spivak: Ne pourrions-nous pas simplement faire une proposition générale en disant que nous nous intéressons à la forêt boréale des Prairies et de l'Ouest? Pourquoi ne pas dire que nous voulons faire un voyage d'étude pour examiner l'expansion récente considérable du secteur de la forêt boréale?

M. Armitage: Ce n'est pas mentionné de façon précise dans l'ordre de renvoi adopté par le Sénat. Le comité s'intéresse à la fois à l'agriculture et aux forêts, mais l'ordre de renvoi que le Sénat a adopté il y a quelques semaines était très général. Je l'ai rédigé pour le sénateur Gustafson simplement pour que le comité puisse commencer à entendre des témoins.

Le sénateur Spivak: Avez-vous besoin d'un autre ordre de renvoi?

Le président: Afin de régler rapidement la question, le comité est-il d'accord pour que nous demandions au greffier, comme le sénateur Spivak et le sénateur Taylor l'ont suggéré, de rédiger quelque chose afin d'inclure ce sujet et d'établir ensuite le budget en conséquence?

Le sénateur Spivak: C'est une bonne idée.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: Monsieur le président, je sais que le sénateur Spivak se réjouira de l'intérêt que le sénateur Taylor manifeste à l'égard des questions forestières étant donné qu'elle attendait patiemment son appui. Les sénateurs qui s'intéressent à ce sujet pourraient peut-être formuler une proposition précise au lieu que nous demandions au Sénat un nouvel ordre de renvoi pour ajouter les forêts. Nous aurions sans doute dû l'inclure dès le départ, mais je n'y ai pas pensé. Je m'en excuse. J'étais sans doute trop obnubilé par l'agriculture. Peut-être faudrait-il proposer quelque chose de précis au Sénat au lieu de d'inclure les forêts dans l'ordre de renvoi général.

J'approuve les suggestions qui ont été formulées, comme je l'ai fait au comité directeur et je recommanderai leur adoption. Il reste encore du travail à faire au sujet de la Commission canadienne du blé. Les États-Unis ont adopté un nouveau projet de loi agricole et je crois qu'il serait bon d'aller faire là-bas un voyage d'étude non seulement pour voir où en sont les dossiers que nous avons déjà examinés, mais aussi pour constater les changements considérables qui ont eu lieu aux États-Unis.

Nous avons également, avec les Américains, un grave différend dont dépend l'avenir du secteur assujetti à la gestion de l'offre. Il serait important que le comité soit bien informé de cette question afin de pouvoir apporter la meilleure contribution possible.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que nous autorisions notre greffier à s'orienter dans cette voie et à prévoir des montants supplémentaires dans le budget?

Le sénateur Spivak: Une partie du travail a déjà été faite. Par conséquent, ce ne sera pas trop imposer de travail supplémentaire au greffier, du moins si le sénateur Taylor se penche sur la question.

L'augmentation de ce budget pose-t-elle un problème?

M. Armitage: Il serait difficile d'augmenter ce budget si ce n'est pas inclus dans l'ordre de renvoi.

Le sénateur Spivak: Y a-t-il une limite au-dessus de laquelle le comité ne peut pas obtenir de fonds supplémentaires?

M. Armitage: Non, il n'y a pas de limite.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

M. Armitage: Ce budget reste tel quel et nous allons préparer des ordres de renvoi séparés.

Le président: Nous sommes maintenant prêts à entendre des témoins au sujet des wagons-trémies. C'est un sujet dont on a beaucoup discuté, du moins dans les Prairies.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Howard Migie, directeur général, Programme de réforme pour le système de transport.

La parole est à vous, monsieur Migie.

M. Howard Migie, directeur général, Réforme du transport du grain de l'Ouest, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Monsieur le président, j'ai un document à distribuer aux membres du comité. Le ministre des Transports s'en est également servi ces derniers jours.

Il faut examiner la question des wagons-trémies dans le contexte plus général de la réforme du transport du grain. Si vous me permettez de passer rapidement en revue ce document, cela ne me prendra pas plus de cinq ou 10 minutes.

À la page 3, vous trouverez les objectifs de la vente des wagons-trémies. Ils se rapportent aux objectifs du gouvernement qui sont la mise en place d'un meilleur réseau de transport et de manutention du grain, une plus grande diversification de même que la diminution des subventions au transport dans le secteur agricole en particulier, ainsi que la diminution de la réglementation gouvernementale. Tels sont certains des thèmes sous-jacents.

Dans son budget de 1995, le gouvernement a entamé ce processus en éliminant les subventions accordées en vertu de la LTGO et en abrogeant cette loi. D'autres dispositions importantes ont été prévues telles que des taux maximums pendant au moins cinq ans ainsi qu'un examen de la situation. Un versement de 1,6 milliard de dollars a été accordé, plus un programme de rajustements de 300 millions de dollars.

Au cours de l'année écoulée, nous avons examiné un certain nombre d'embranchements et Transports Canada n'a plus de comité supérieur du transport du grain. Ce qui était l'Office du transport du grain est devenu un simple bureau du ministère des Transports et de nouveaux changements seront apportés en août.

Dans le budget de 1996, le gouvernement a voulu continuer à améliorer le réseau de transport et il a annoncé qu'il allait se déssaisir des wagons-trémies et qu'il tiendrait compte des conséquences de cette mesure sur l'industrie. Il ne s'agit pas seulement de vendre un bien au plus offrant; le problème est plus complexe. Le gouvernement va réduire son rôle dans l'exploitation journalière du réseau. Par le passé, et même jusqu'à aujourd'hui, le gouvernement canadien s'est occupé activement de l'attribution des wagons, mais ce rôle diminuera et l'industrie assumera davantage de responsabilités à cet égard.

Jusqu'ici, le gouvernement s'est dit prêt à recevoir les soumissions de tous les intéressés et il a annoncé que les tarifs-marchandises augmenteraient de 75 cents la tonne à compter du 1er août 1998. Cela l'aidera à couvrir les frais d'acquisition de ces wagons, étant donné que la majeure partie du trafic est représentée par le grain des Prairies auquel s'appliquent les taux maximums. Néanmoins, ce n'est pas entièrement le cas. Certains wagons servent aussi à transporter du grain commercial.

Il y a quelques autres dispositions. La loi qui met en oeuvre la vente des wagons et l'augmentation des tarifs-marchandises vient juste d'être déposée et se trouve devant le comité des finances de la Chambre des communes. Transports Canada a choisi un conseiller financier pour assister le gouvernement. Nous sommes en train de déterminer les principaux enjeux en ce qui concerne les conditions et les modalités de vente.

Le gouvernement a engagé BCIC/Wood Gundy comme conseiller financier pour cette vente. Nous consulterons l'industrie à compter de la fin mai et du début juin au sujet des modalités, car ce n'est pas la simple vente d'un bien. Le gouvernement espère lancer un appel d'offres d'ici la fin juin.

Nous établirons notamment si les wagons doivent être tous vendus à un seul et même acheteur ou être divisés en lots plus petits. Pour le moment, nous avons un parc commun de wagons. Il compte à peu près 13 000 wagons, mais le parc total en compte à peu près 25 000. Ce parc s'est révélé utile et bénéfique. Nous ne voudrions pas que cette vente le détruise.

Il s'agit de voir combien de ces wagons devraient servir à d'autres utilisations. Pour le moment, ils sont utilisés en priorité pour le transport réglementé du grain des Prairies. Ils peuvent également être utilisés pour le grain des Prairies vendu aux États-Unis ou transporté vers l'Est, mais ils servent aussi parfois au grain des autres régions et, à l'avenir, ils pourraient servir à transporter d'autres marchandises.

Ce sont des questions qu'il faut examiner. Nous voudrions préciser noir sur blanc quelles seront les priorités pour le grain des Prairies ou les modalités de la vente, mais nous voulons le faire sous une forme provisoire, avec l'aide d'un conseiller financier et en consultant l'industrie. Nous pourrons alors lancer un appel d'offre officiel, peut-être à la fin juin, mais les gens connaîtront les règles à suivre pour soumissionner et la vente pourrait avoir lieu d'ici la fin de l'année.

Pour le moment, la liste des acheteurs potentiels n'exclut personne. Il se peut qu'au cours de nos consultations on nous fasse valoir qu'il serait inacceptable de céder la totalité des wagons à une société ferroviaire ou une société céréalière, mais pour le moment, il n'y a pas de limites. Les wagons pourraient être vendus à des intérêts étrangers ou à des producteurs. Nous n'excluons aucune possibilité, mais ce sont des choses dont on pourrait discuter.

Pour le moment, nous établissons les conditions et les modalités de la vente et il y aura des consultations. Nous aurons un rôle politique à jouer à cet égard. Lorsqu'on procédera à l'appel d'offres, à la fin juin, nous voulons que le processus soit transparent et équitable. Tout le monde connaîtra les règles du jeu et aura l'assurance que la décision sera juste, étant donné que la préparation d'une soumission représente des frais.

Je m'arrêterai là et j'essaierai de répondre aux questions de mon mieux, monsieur le président.

Le sénateur Spivak: La réforme du système de transport est-elle terminée? Y a-t-il un document?

M. Migie: La loi comme telle a été abrogée.

Le sénateur Spivak: Je le sais.

M. Migie: Il n'y a pas de loi, mais l'examen se poursuit. Pour ce qui est des étapes, la première a été l'élimination de la subvention. Ensuite, la loi a été entièrement abrogée, mais une partie de la Loi sur les transports au Canada comprend le grain pour lequel un tarif maximum a été fixé. Ce tarif maximum est en place, mais il sera révisé en 1999 et le gouvernement pourra alors décider, sans modifier la loi, de le maintenir ou de l'éliminer. C'est ce qui figure dans le projet de loi.

Le sénateur Hays: Monsieur le président, si je me souviens bien, le gouvernement est entré en possession de ces wagons en raison des tarifs prévus par la loi et de l'hésitation des chemins de fer à remplacer leur matériel roulant qui commençait à s'user. Les résultats ont été très positifs en ce qui concerne la disponibilité de ces wagons pour transporter le grain vers les marchés.

Si nous oublions un instant les wagons, leur valeur et le fait qu'ils s'usent et qu'ils doivent être remplacés, vous avez mentionné les structures du gouvernement canadien en ce qui concerne l'attribution des wagons et leur utilisation continue pour le transport du grain plutôt que des engrais à destination des États-Unis ou d'autres produits. Pourriez-vous nous préciser davantage comment cela fonctionnera? Les propriétaires des wagons, qui pourraient être des producteurs, des compagnies ferroviaires, des sociétés de crédit-bail, des institutions financières ou même le sénateur Gustafson, auront-ils les pouvoirs qui étaient ceux du gouvernement pour l'attribution des wagons? C'est ce qui me paraît le plus difficile. Je ne comprends pas comment cela fonctionnera.

M. Migie: À l'heure actuelle, la loi confère des pouvoirs au gouvernement en ce qui concerne la répartition des wagons. La plupart de ces pouvoirs sont inscrits dans la Loi sur les grains du Canada. Le ministre des Transports a délégué ce pouvoir en vertu de la Loi sur les grains du Canada ce qui veut dire qu'au ministère des Transports, quelqu'un a pour fonction d'attribuer la majeure partie des wagons. La Commission canadienne des grains se charge d'une petite partie du travail en ce qui concerne les wagons des producteurs. Il y a donc une procédure administrative, si vous voulez, qui permet de répartir les wagons et un processus a été mis sur pied pour les partager entre le grain de la Commission du blé et le grain commercial. La Commission du blé peut ensuite s'en occuper à partir de là; il y a un système administré, qui présente une certaine efficacité et selon lequel le gouvernement s'occupe activement de l'attribution des wagons. Et c'est en partie parce qu'il en est propriétaire, mais pas nécessairement.

Dans tous les autres secteurs, le gouvernement ne répartit pas les wagons. C'est seulement pour le grain des Prairies. Le gouvernement a proposé à l'industrie de se désister et de reprendre cette fonction. L'industrie -- et j'entends par là à la fois les sociétés céréalières, les chemins de fer et certains représentants des producteurs -- a préparé une proposition pour la prise en charge de l'attribution des wagons.

Lors du budget, le gouvernement a pris la décision d'inclure des représentants des producteurs dans cet organisme pour examiner certaines questions de politique qui avaient déjà été abordées. Il s'agissait par exemple du partage des wagons entre le grain de la Commission du blé et le reste du grain ou de leur répartition entre les divers ports, ce qui est une question assez délicate. Il s'agit aussi de décider si les gens peuvent faire venir des wagons supplémentaires pour leur propre usage ou si ces wagons doivent être mis en commun. Autrement dit, il va falloir maintenant régler autrement les questions qui étaient réglées jusque-là au niveau administratif. Ces décisions pourraient être prises par les chemins de fer et les expéditeurs, comme c'est le cas dans la plupart des industries; mais dans le cas du grain, la Commission du blé, les sociétés céréalières et les chemins de fer se sont mis d'accord pour qu'un organisme dirigé par l'industrie prenne ce genre de décisions.

À certains égards, cela ne tient pas compte de la propriété des wagons. Étant donné que le gouvernement fédéral possède plus de la moitié des wagons et que la vente pourrait donc avoir des répercussions, nous allons devoir établir des modalités et des conditions qui limiteront peut-être le prix qui sera payé pour ces wagons, si l'acheteur est une société de crédit-bail américaine, par exemple. En effet, l'acheteur devra peut-être préciser comment les wagons seront utilisés au groupe chargé de la politique d'attribution des wagons, dans lequel il ne jouera lui-même aucun rôle.

Voilà ce que nous devons spécifier sur papier. Cela limitera probablement la valeur des wagons et ce sera l'une des fonctions de notre conseiller financier. Son rôle est de nous conseiller quant aux conséquences que ces restrictions et conditions auront sur la valeur des wagons.

Le sénateur Hays: Je ne comprends toujours pas très bien ce qui remplace le système actuel. Dans la loi, le gouvernement va-t-il conférer aux propriétaires des wagons, aux chemins de fer, à ce groupe de l'industrie, les mêmes pouvoirs que ceux qu'ils possédaient ou ces pouvoirs seront-ils moindres? J'ai l'impression que Transports Canada a l'intention de se débarrasser de ces wagons et de laisser quelqu'un d'autre s'en occuper.

M. Migie: Légalement, nous ne sommes pas tenus de modifier la loi. Nous n'avons pas à utiliser les pouvoirs que confère la Loi sur les grains du Canada. Ces pouvoirs ont été utilisés à l'occasion, au cours des années. Si nous cessons de remplir cette fonction, il s'agit de savoir qui la reprendra. Si les chemins de fer, les sociétés céréalières, la Commission du blé et un représentant des producteurs, car nous tenons à ce qu'il y en ait un, sont prêts à fonctionner de cette façon, nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de légiférer.

Pour le moment, les gouvernements de Saskatchewan et d'Alberta fournissent des wagons pour le parc commun, comme le font la Commission du blé, le gouvernement fédéral et les chemins de fer. Jusqu'ici, tout le monde est prêt à continuer et il faudra donc spécifier le nombre d'années pendant lequel le nouveau propriétaire des wagons du gouvernement fédéral devra contribuer au parc commun. C'est une question importante dont il faudra discuter avec l'industrie.

Le sénateur Hays: Certains diront que les chemins de fer, les producteurs et les syndicats du blé entretiennent des relations harmonieuses et pourront s'entendre facilement. D'autres affirmeront qu'ils ne s'entendent pas très bien et c'est d'ailleurs ce que l'on constate actuellement. Les producteurs ne sont pas tous d'accord quant à la direction à prendre. S'ils ne s'entendent pas, sera-t-il possible de les aider ou le gouvernement les laissera-t-il faire?

M. Migie: Un groupe est en train d'établir les règles du jeu. C'est le groupe chargé de la politique d'attribution des wagons. Il va devoir régler les différends. Les deux compagnies ferroviaires ne sont pas toujours d'accord. La situation sera la même que par le passé si ce n'est qu'avant les pouvoirs étaient entre les mains d'un organisme gouvernemental. Cette formule a donné de bons résultats dans tous les autres secteurs. L'industrie, qui regroupe les sociétés céréalières, les chemins de fer et la Commission du blé, a passé des mois à élaborer ces propositions et pense pouvoir faire un meilleur travail que le gouvernement. Elle tient à relever ce défi. Le gouvernement a clairement laissé entendre qu'il était important que les producteurs soient représentés. Ces derniers se sont réunis et ils ont désigné un représentant, car il faut que la formule soit efficace. Nous allons voir ce que cela donne.

Qu'arrivera-t-il si cette formule ne marche pas? Il faudra réexaminer les règles du jeu et la façon dont les différends sont réglés. Une société céréalière pourra difficilement s'adresser au gouvernement pour réclamer davantage de wagons. Ce ne sera plus une option, mais d'autres mécanismes seront mis en place pour donner satisfaction à une partie qui s'estimera lésée.

Le président: Le transport du grain représente quel pourcentage de l'ensemble du transport?

M. Migie: À l'échelle nationale, c'est environ 20 à 25 p. 100.

Le sénateur Spivak: Ma question est de portée générale. Quel est l'objectif visé? Dans un certain sens, il s'agit de laisser les forces du marché reprendre cette fonction pour que le gouvernement puisse l'abandonner. Je suppose que l'on cherche également à rendre le système de transport plus efficace. Je n'arrive pas à comprendre quel sera le rôle du gouvernement. Vos explications ne m'ont pas éclairée.

Je sors tout juste d'un autre comité où nous avons étudié la Loi sur les transports. Il semble que cette loi ne reflète pas les intérêts des producteurs, par exemple en ce qui concerne l'abandon d'embranchements. Il ne semble pas y avoir de solution intermédiaire pour assurer leur maintien.

Pouvez-vous m'expliquer en quoi cette initiative du gouvernement contribuera à notre stratégie industrielle et je veux parler de la stratégie agricole pour l'Ouest du pays?

M. Migie: Nous ne nous dirigeons pas vers un système entièrement déréglementé. Nous allons toutefois vers un allégement de la réglementation. La plupart des représentants du secteur agricole n'aiment pas le modèle américain. Ils ne pensent pas qu'il ait donné de meilleurs résultats que notre système, à bien des égards.

Cependant, étant donné les objectifs de l'industrie, qui comprennent une forte croissance des exportations et une augmentation de la valeur ajoutée, nous croyons possible de faire beaucoup mieux que ces dernières années. Les subventions étant pratiquement éliminées, les producteurs ont beaucoup plus intérêt à réduire leur prix de revient et à satisfaire la clientèle en ce qui concerne les délais de livraison et le reste.

Plusieurs préoccupations ont été soulevées. Par exemple, il arrive parfois que le mauvais grain soit envoyé au port lorsque le navire s'y trouve. Nous pourrions faire mieux.

Il faut considérer la vente des wagons dans le contexte de l'élimination des subventions et de l'assouplissement des tarifs qui, jusqu'ici, n'a pas donné lieu à beaucoup de réductions. Vous pouvez toutefois constater que les sociétés céréalières ont regroupé les silos-élévateurs dans une large mesure. Bien des gens sont prêts à envoyer leur grain par camion dans de plus gros silos.

La Commission du blé a accepté, au cours de l'année à venir, d'adopter un système de zones au lieu de contrôler les convois comme elle le fait. Cela laissera les sociétés céréalières plus libres de décider d'utiliser des convois plus longs à certains endroits et de se servir davantage de leurs silos à grande capacité.

L'efficacité du système peut être nettement améliorée gråce à plusieurs mesures. Il faut notamment que le gouvernement prenne un peu de recul et laisse les sociétés céréalières, les chemins de fer, les producteurs de la Commission du blé plus libres d'utiliser les wagons et peut-être aussi les silos à grande capacité. Cela permettra d'accroître la productivité.

Le projet de loi que le comité des finances de la Chambre des communes étudie actuellement contient une disposition qui permet de mieux partager les gains de productivité que la loi actuelle ou le projet de loi C-14.

Le sénateur Spivak: Cette mesure semble favoriser les chemins de fer.

Les silos à grande capacité sont-ils vraiment avantageux pour les producteurs? Certains d'entre eux devront faire transporter leurs produits par camion sur une longue distance. Peut-être serait-il préférable qu'ils emmènent leur grain dans des silos plus petits et qu'ils disposent d'embranchements. Cela semble donner de bons résultats en Nouvelle-Écosse. Toutefois, rien dans cette loi n'encourage ce genre de chose. Et c'est même le contraire. La loi favorise le regroupement si bien que le producteur doit faire transporter son produit par camion. Le camionnage est subventionné étant donné que nous subventionnons les routes et le secteur du camionnage.

M. Migie: L'année dernière, c'est seulement un peu plus de 500 milles de voie qui allaient être abandonnés, à la suite du projet de loi C-14, sans être repris par des chemins de fer d'intérêt local. Tous ceux qui ont examiné la situation estimaient que la circulation sur ces voies était si limitée qu'il serait déraisonnable d'en faire des chemins de fer d'intérêt local.

Le projet de loi C-14 doit favoriser la création de chemins de fer d'intérêt local. À l'exception de ces 500 milles, on doit s'efforcer de vendre une ligne avant qu'elle ne soit abandonnée, si un acheteur est prêt à la reprendre. Il y a certaines garanties.

Comme vous pouvez le voir, on a tendance à regrouper les silos-élévateurs. Les compagnies s'y attendent toujours. Dans certains cas, il est plus rentable de payer pour faire transporter le grain par camion jusqu'à un silo à haute capacité. Mais ce n'est pas toujours vrai.

Le sénateur Spivak: Pourquoi subventionnez-vous ce transport jusqu'au marché? Il est subventionné

M. Migie: De quelle façon?

Le sénateur Spivak: Les routes sont subventionnées.

Le sénateur Landry: À votre avis, quelle est la meilleure solution pour le produite?

M. Migie: La politique vise à mettre en place un système qui permettra d'accroître les exportations, de répondre aux besoins de notre clientèle dans les délais voulus et cela à une prix et à coût total, y compris le coût de l'infrastructure routière si cela représente des frais supplémentaires, qui sera plus bas qu'à l'heure actuelle ou plus bas que sous l'ancien régime. Dans certains cas, cela veut dire que le chemin de fer sera abandonné, mais pas toujours. Dans bien des circonstances, les chemins de fer d'intérêt local, qu'ils soient gérés par les chemins de fer, ce qui représenterait une économie sur les frais de main-d'oeuvre, ou par d'autres intérêts, pourraient se révéler la meilleure solution. Nous comptons favoriser cette option.

Le président: Les expéditeurs sont inquiets. Je prendrai l'exemple du terminal céréalier de Weyburn, un gros terminal situé à Weyburn en Saskatchewan. Il se trouve juste à côté de Saskatchewan Wheat Pool ou de United Grain Growers qui ne transporte peut-être qu'un certain pourcentage du grain. Ce terminal craint que le tarif ne soit pas le même pour celui qui aura 100 wagons de grain, par exemple, et pour le petit expéditeur qui n'en aura que 20. Voilà ce qui inquiète les expéditeurs.

Je voudrais savoir également si vous croyez qu'à l'avenir nous allons pouvoir transporter le grain pour moins cher à la suite de ces changements. Les producteurs demandent combien ils devront débourser pour faire transporter leur grain dans cinq ans.

Le sénateur Spivak: Il n'y a pas de concurrence, voilà le problème.

M. Migie: Laissons les subventions de côté, car vous ne pourrez jamais recouvrer leurs effets. D'une certaine façon, c'est une possibilité qui a un prix. Si vous avez la possibilité d'utiliser plus efficacement les installations à haute capacité et une meilleure chance d'améliorer l'utilisation des wagons, le coût sera moindre que selon le régime actuel. Je ne dis pas qu'il baissera, car il y a des augmentations de coût, mais il y a une meilleure chance de gains de productivité.

Nous avons inclus, dans le projet de loi que le comité des finances examine actuellement, un partage des gains de productivité pour l'expéditeur. Quand la subvention a été supprimée, les pressions se sont accentuées. Jusqu'ici, il n'y a pas eu beaucoup de concurrence. La concurrence américaine risque d'être plus forte si nos tarifs-marchandises augmentent beaucoup, surtout dans l'Est. Cela inquiète certaines personnes, mais il y a une possibilité de concurrence.

De nombreux producteurs s'efforcent de favoriser une plus grande concurrence entre les compagnies ferroviaires. Ils auraient préféré que la loi aille plus loin dans cette direction.

Le sénateur Taylor: Ma question est peut-être plus générale, monsieur Migie. Je constate que vous parlez d'appels d'offres, de parties intéressées et de vente.

Je ne comprends pas très bien votre raisonnement du point de vue macro-économique. Ne serait-il pas plus logique de transférer tous les wagons-trémies aux producteurs pour la somme de 1 $? Les contribuables ont payé ces wagons. Pourquoi imposer un coût supplémentaire à une industrie d'exportation pour un tas d'acier et de ferraille simplement pour que le gouvernement en retire un revenu à court terme?

L'augmentation des emplois et des revenus d'exportation rapporterait un revenu à long terme. Est-il logique de prendre la peine de rationaliser le service dans les Maritimes pour essayer de remettre la région sur ses pieds pendant que nous cherchons à obtenir le gros prix des producteurs pour un gain à court terme? Si nous vendons les wagons aux agriculteurs au prix fort, ils devront rembourser cet argent plus les intérêts bancaires. Si nous les vendons aux chemins de fer, ils devront récupérer cet argent, plus les intérêts bancaires, plus de gros profits et peut-être une prime d'un million de dollars pour le président, chaque année.

Nous imposerons un coût énorme à l'une de nos principales industries d'exportation, pour un simple tas d'acier. Donnons ces wagons aux producteurs et nous en bénéficierons sous la forme d'une croissance de l'emploi et des exportations.

Avez-vous établi un modèle économique de cette version afin de comparer le rendement potentiel que cela rapporterait aux Canadiens par rapport aux revenus à court terme de la vente des wagons-trémies?

M. Migie: Nous l'avons fait, d'une certaine façon, en fournissant les wagons gratuitement aux chemins de fer pendant toutes ces années. Les coûts de possession ne sont pas inclus dans les tarifs-marchandises. Nous l'avons donc fait dans une certaine mesure.

Le gouvernement a notamment tenu compte de la dimension financière. La vente des wagons se fera sans doute en dessous de leur valeur marchande, qui est estimée à 400 millions de dollars. Le prix de vente sera sans doute supérieur à la valeur des wagons sur le marché de la ferraille, que certains ont estimée à 90 millions de dollars.

Le fait est que, dans le cadre du budget, il fallait trouver des recettes supplémentaires. Le gouvernement garantira, en imposant certaines modalités et conditions, que les chemins de fer seront utilisés de façon efficace et équitable dans l'intérêt de l'industrie. Cela réduira sans doute la valeur que ces wagons présentent pour le gouvernement. Je ne sais pas où cette valeur si situera exactement.

Le sénateur Taylor: Si vous vendez les wagons aux producteurs, il me semble évident qu'ils resteront chez nous. Les producteurs ne vont pas les faire sortir du pays, car ils seraient alors obligés de les remplacer. La question de savoir où les wagons resteront se trouverait automatiquement réglée s'ils étaient vendus uniquement aux producteurs. Si vous les vendez aux chemins de fer ou à une société de crédit-bail, les wagons pourraient disparaître.

J'en reviens à ma question: quelqu'un a-t-il effectué un modèle économique de ce que rapporterait aux contribuables canadiens et au Canada la cession des wagons-trémies aux producteurs pour une somme symbolique de 1 $? Qu'y gagnerions-nous sur le plan de l'emploi et de l'économie? Nous semblons nous concentrer sur la valeur de l'acier, ce qui me semble être une façon à court terme de voir les choses.

Ce n'est peut-être pas votre rôle. Il faudrait peut-être que le ministère de M. Martin se charge de ce travail. Quelqu'un devrait établir un modèle économique. Cela a certainement été fait dans les Maritimes pour évaluer les impôts payés par les producteurs de bois d'oeuvre et de poisson, et cetera, qui peuvent réduire le fardeau fiscal. Quand vous payez pour les wagons-trémies, cela impose un fardeau fiscal. C'est comme si vous alliez les accaparer.

Êtes-vous autorisé d'établir ce genre de modèle?

M. Migie: Pour ce qui est de l'attribution des wagons, certaines conditions empêcheront sans doute un nouveau propriétaire de les vendre immédiatement aux États-Unis ou de les emmener aux États-Unis et d'en tirer ainsi profit. C'est une des choses que nous évaluerons à la fin mai.

En ce qui concerne les répartitions économiques, nous savons ce qui se passera si nous continuons ainsi. Nous avons fait des prévisions pour l'élimination de la subvention. Les répercussions étaient beaucoup plus importantes pour les producteurs, car cela revenait à leur enlever 15 fois la valeur des wagons.

Le gouvernement a décidé de limiter la hausse du tarif- marchandise à 75 cents la tonne. Vous pouvez faire la comparaison. Cela n'augmente même pas le prix de 1 p. 100. Il est difficile de mesurer les répercussions lorsque les prix en vigueur sur le marché augmentent dans une telle proportion. C'est toutefois important et au lieu de laisser le tarif augmenter de 2 $ ou 1,50 $ la tonne, le gouvernement a plafonné la hausse à 75 cents la tonne. Les tarifs-marchandises ne pourront pas augmenter davantage tant qu'ils seront réglementés. Cela aura sans doute des répercussions sur le prix que nous pourrons obtenir des wagons.

Vous devez prendre ces 75 cents et évaluer quelles seraient les répercussions si l'augmentation n'était pas ainsi plafonnée. Si nous vendions les wagons 1 $, en principe, les tarifs n'augmenteraient pas. Il s'agit de comparer les répercussions d'une augmentation de 75 cents la tonne avec le prix du grain le plus bas que vous obtiendriez autrement.

Les changements récents auxquels nous avons assisté compromettent cette évaluation.

Le sénateur Anderson: Vous avez répondu en partie à ma question. Vous avez dit, je crois, que le gouvernement fédéral possède plus de la moitié de ces 13 000 wagons-trémies. À qui appartiennent les autres?

M. Migie: Le gouvernement fédéral possède près de 13 000 wagons. La Commission du blé en possède 2 000 et elle exploite 2 000 wagons loués. Le gouvernement de Saskatchewan en a 1 000. Le gouvernement de l'Alberta en possède également 1 000. Les chemins de fer fournissent le reste, ce qui peut varier entre 5 000 et 10 000 wagons, selon la demande.

Le parc du gouvernement fédéral représente une proportion très importante du parc de wagons-trémies disponibles pour transporter le grain des Prairies.

Le sénateur Anderson: Ce sont les 13 000 wagons que vous parlez de vendre?

M. Migie: Oui. Le gouvernement fédéral les possède tous et il y en a un peu moins de 13 000.

Le président: Si un regroupement de producteurs voulait racheter les wagons, qui réglementerait les wagons de la Saskatchewan et de l'Alberta? Les provinces? Qu'arriverait-il?

M. Migie: Il n'y a pas vraiment de réglementation. Il s'agit plutôt des modalités et des conditions régissant la vente des wagons du gouvernement fédéral.

Jusqu'ici, les deux provinces ont volontairement joint leurs wagons au parc commun. Elles n'ont pas dit qu'elles le feraient, mais si les producteurs achetaient les wagons, la Saskatchewan serait désireuse de leur vendre les siens alors qu'elle ne voudrait peut-être pas les vendre aux chemins de fer.

Les deux provinces attendent de voir quelles seront les conditions de vente et réservent leur décision pour plus tard.

Le sénateur Taylor: L'industrie du soufre possède ses propres wagons. Avez-vous fait des comparaisons à cet égard, monsieur Migie?

M. Migie: Me demandez-vous si les sociétés céréalières ou les expéditeurs de grain souhaiteraient davantage devenir propriétaires des wagons que les chemins de fer? Est-ce ce que vous voulez dire?

Le sénateur Taylor: Les producteurs de soufre possèdent conjointement une compagnie qui est propriétaire des wagons. Je me demande si vous avez fait une évaluation. Nous essayons de faire en sorte que l'exploitation des wagons ne coûte rien.

M. Migie: Transports Canada a examiné ce modèle. Il est possible que l'industrie céréalière l'adopte. Pour le moment, non seulement les expéditeurs ont quelque chose, mais l'industrie céréalière semble vouloir se joindre aux chemins de fer, à la Commission du blé et aux sociétés céréalières ainsi qu'aux représentants de tous les producteurs. La situation pourrait finalement devenir la même que pour le soufre.

Le président: Merci, monsieur Migie, d'être venu ce matin.

Je demande maintenant à la Farmers' Railcar Coalition de bien vouloir s'avancer. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Sinclair Harrison, qui réside dans la circonscription que j'ai desservie pendant 14 ans. Il est le président de la SARM, de Saskatchewan et aussi, je crois, président de la Farmers' Coalition. Il est accompagné de M. Art Macklin, de Grande Prairie, en Alberta et de M. Les Jacobsen, du Manitoba.

M. Sinclair Harrison, Farmers' Railcar Coalition: Terry Boehm, de Saskatchewan, est également avec nous, monsieur le président. Il est venu témoigner devant un autre comité.

Merci de prendre le temps d'écouter de nouveaux venus. Notre groupement n'existe que depuis quatre mois, et je dirais que nous avons déjà suscité beaucoup d'intérêt.

Je vous demanderais de vous reporter à la dernière page de notre mémoire. Vous y trouverez la liste des 10 groupes qui font partie de notre coalition: Wild Rose Agriculture Producers, en Alberta; National Farmers' Union; Saskatchewan Association of Rural Municipalities; Keystone Agriculture Producers, Western Canadian Wheat Growers Association; Southern Rail Cooperative; le comité consultatif de la Commission canadienne du blé; Western Producer Car Group; Saskatchewan Canola Growers Association et Family Farm Foundation of Canada.

Tous ceux qui connaissent un peu la Saskatchewan, l'Alberta, le Manitoba et une partie de la région de Peace River en Colombie-Britannique sauront que de ce genre de groupement est très représentatif des producteurs de l'Ouest.

Le rapport du groupe de cadres supérieurs publié le 3 novembre 1995 qui suggérait d'augmenter les tarifs-marchandises de 1 $ la tonne pendant cinq ans pour payer pour les wagons, lesquels seraient ensuite cédés aux chemins de fer, a certainement retenu l'attention.

Plusieurs associations ont adopté des résolutions disant que, si nous devons payer pour les wagons en tant que producteurs, nous devrions en être propriétaires. Nous avons eu ensuite un certain nombre de conversations téléphoniques en novembre et décembre 1995. Le 4 janvier, nous avons tenu notre première réunion. Depuis, nous en avons tenu plusieurs ainsi que des appels-conférences. Depuis quatre mois, nous avons très bien progressé.

La déréglementation suscite certainement des inquiétudes chez les producteurs de l'Ouest. Nous avons besoin d'une certaine sécurité. Nous pensons que cette sécurité réside en partie dans l'achat de ces wagons. Nous n'avons certainement pas l'intention de nuire au système. Nous voulons plutôt aider à le rationaliser. Nous pensons que nous aurions vraiment notre mot à dire dans le réseau de transport de l'Ouest si nous devenions propriétaires de ces wagons.

La deuxième page de notre mémoire expose nos buts, nos objectifs et nos principes. Nous les avons adoptés dès le début du processus. Nous voulons nous assurer un nombre suffisant de wagons pour le transport des produits agricoles dans l'Ouest. Lorsque nous soumissionnerons pour ces wagons, ce sera non seulement pour le parc existant, mais pour le remplacement des wagons au fur et à mesure que ce sera nécessaire. C'est un projet à long terme.

Nous voulons exercer une influence sur les questions de transport. Nous savons que la propriété des wagons n'est qu'un des aspects du problème. Nous voulons avoir notre mot à dire sur les questions de transport à l'avenir. Nous pensons que cette initiative devrait nous permettre d'avoir voix au chapitre.

Nous voulons accroître les avantages au maximum pour les producteurs primaires et améliorer la compétitivité sur la scène nationale et internationale gråce à un réseau de transport ferroviaire efficace, économique et abordable qui nous permettra de livrer les produits à notre clientèle dans les délais voulus. Cela va de soi.

Nous voulons assurer à tous les producteurs un accès juste et équitable au réseau de transport ferroviaire.

Tels sont nos objectifs. Pour ce qui est de nos principes, nous voulons la cession complète des 13 000 wagons-trémies du gouvernement fédéral. Nous comptons les garder en exploitation à peu près comme par le passé. Nous ne pensons pas qu'il soit dans l'intérêt de l'Ouest de les diviser par lots de 500 ou 1 000 et de les vendre à des propriétaires différents. Nous avons communiqué avec les producteurs de potasse, Sultran et les producteurs de soufre. Ils sont propriétaires de leurs wagons ou ils les louent. Ils ont eu des offres confidentielles. Il ressort de nos discussions avec eux qu'ils ne renonceraient pas à posséder ou louer leurs propres wagons; cette solution a été avantageuse pour leur industrie.

Le parc de wagons doit être mis en commun. Nous avons déjà parlé de ce principe.

Le financement de l'achat des wagons devrait se faire par la méthode la moins coûteuse, la plus efficace sur le plan administratif, la plus transparente et la plus acceptable. Nous sommes en train d'étudier ce processus. On a parlé des 75 cents d'augmentation. Ils sont prévus. Ce chiffre sera réexaminé dans deux ans. Il entrera en vigueur le 1er août 1998. Nous ne savons pas exactement combien de temps il restera en place. Il y a des incertitudes à cet égard. Quand vous êtes sur le point d'acheter un bien, vous devez pouvoir compter sur une source de revenus. Nous devons discuter davantage de la question avec le gouvernement fédéral pour savoir quelles sont ses intentions à ce sujet.

L'organisme de réglementation veillera à ce que le transport des produits agricoles de l'Ouest soit prioritaire pour l'utilisation des wagons et à ce qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêt entre les agriculteurs des Prairies et lui-même. Cet organisme doit être représentatif de tous les agriculteurs de l'Ouest et doit leur rendre directement des comptes. Au départ, les produits agricoles se définiraient comme ceux qui donnent droit aux tarifs réglementés. Des dispositions pourraient être prévues pour les nouvelles cultures qui arriveraient sur le marché.

L'organisme de réglementation devra mettre en place une structure administrative efficace qui aura des comptes à rendre. Elle devra faire appel aux compétences disponibles tout en développant ses propres compétences selon les besoins.

Voilà donc un aperçu général de nos intentions si nous devenons propriétaires de ces wagons.

Les agriculteurs de l'Ontario ont exprimé le désir d'obtenir certains de ces wagons. Nous avons eu des discussions initiales, à l'assemblée annuelle de la Commission canadienne des grains, à Banff, il y a un mois environ. Nous avons eu deux appels- conférences avec les producteurs de l'Ontario et nous allons les rencontrer cet après-midi. Je pense que nous pouvons conclure une entente aux termes de laquelle nous achèterions les wagons et nous leur en louerions un certain nombre dans le cadre d'un bail à long terme.

Il y a aussi une région de la Colombie-Britannique qui a manqué de wagons. Nous considérons qu'elle fait partie de la région de l'Ouest, mais elle est desservie par B.C. Rail. C'est une région qui a été négligée par le passé. Nous estimons qu'en étant propriétaires des wagons nous pourrons répondre à ses besoins.

D'après ce que nous savons, l'entente actuelle entre le gouvernement fédéral et les chemins de fer prévoit un droit de premier refus. Cela nous inquiète beaucoup. Nous en avons discuté avec le gouvernement fédéral. Il a dit qu'il allait redresser la situation, mais nous n'avons pas encore la preuve que ce droit a été supprimé.

Nous devons nous trouver sur un pied d'égalité avec tous les autres soumissionnaires. Si nous prenons le temps et la peine de préparer une soumission détaillée il ne serait pas juste selon nous que les chemins de fer puissent venir nous couper l'herbe sous les pieds.

Nous avons besoin de votre aide, sénateurs, pour que la question soit réglée le plus rapidement possible. Nous avons déjà dépensé énormément d'argent et nous allons devoir en dépenser encore beaucoup pour préparer notre soumission. Tant que ce droit de premier refus sera maintenu, nous resterons très inquiets.

L'attribution des wagons est reliée de très près à leur propriété. C'est certainement l'un des principaux aspects du problème.

Nous approuvons ce que le budget fédéral prévoyait au sujet du groupe chargé de la politique d'attribution des wagons. Nous avons désigné un membre de notre groupement pour représenter les producteurs à ce comité. Il commence tout juste ses activités. Il doit tenir l'une de ses réunions de fondation jeudi et vendredi prochains, les 9 et 10 mai. Nous sommes pour. Il s'agit d'un groupe de haut niveau. Il ne se chargera pas de la répartition quotidienne des wagons, mais plutôt des questions de politique générale.

Nous croyons savoir que le gouvernement fédéral a choisi un conseiller financier pour préparer l'appel d'offres. Comme l'a dit M. Migie, son ministère viendra nous voir vers la fin mai pour en discuter avec nous. L'appel d'offres sera lancé à la fin juin ou au début juillet et nous disposerons de l'été pour préparer notre soumission afin de la présenter cet automne. Nous n'avons pas beaucoup de temps pour la préparer. Cela va exiger beaucoup de temps et d'efforts de notre part, mais nous allons devoir commencer à ensemencer dès que le sol sera sec. En survolant le Manitoba, j'ai remarqué que Les Jacobsen devra encore attendre un jour ou deux avant de pouvoir travailler sa terre.

C'est une expérience intéressante et passionnante. Les producteurs des Prairies sont très nombreux à appuyer cette initiative. C'est une des choses qui nous unissent et qui ont favorisé notre cohésion.

M. Art Macklin, Farmers' Railcar Coalition: L'unanimité qui règne parmi les producteurs des Prairies au sujet de la propriété des wagons-trémies est remarquable. Les producteurs de l'Ouest ont dû faire face à des changements très importants quand on a aboli la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Ils ont perdu non seulement une subvention de près de 600 millions de dollars, mais également toute la réglementation qui empêchait les chemins de fer d'exiger des tarifs accaparant tout le profit du prix du grain. Tout cela a changé.

Le gouvernement a dit que le système ne serait pas entièrement déréglementé, mais qu'on s'orientait vers un allégement de la réglementation. Au cours des témoignages qu'ils ont présentés hier et aujourd'hui aux comités de la Chambre des communes, les chemins de fer ont dit qu'ils voulaient des relations directes entre les expéditeurs et les transporteurs, sans qu'aucun tiers n'intervienne. Autrement dit, c'est «chacun pour soi», et ce sont les parties les plus influentes qui établiront les règles. Nous ne nous alignons peut-être pas complètement sur le système américain, mais nous allons dans cette voie.

En tant que producteurs, nous estimons que si telles sont les nouvelles règles du jeu, nous avons également besoin d'une certaine influence. Les wagons représentent pour les agriculteurs un moyen de posséder un bien tangible et une place à la table de négociation. En fait, si vous examinez la valeur totale de notre actif dans le secteur agricole, nos exploitations, notre outillage et nos autres investissements, l'investissement des sociétés céréalières et des chemins de fer ne pèse pas lourd. À nous tous, nous possédons des intérêts beaucoup plus importants qu'eux. Néanmoins, pour ce qui est de l'investissement direct dans le transport, nous ne possédons pas l'actif. Nous savons que nous devrons payer tout cela.

Comme nous avons maintenant la possibilité d'acheter les wagons, que nous devrons payer d'une façon ou d'une autre, autant en devenir propriétaires et avoir ainsi l'assurance qu'ils resteront au Canada. Nous en serons les propriétaires. Nous sommes Canadiens. C'est notre grain que nous voulons transporter. Nous aurons une place à la table de négociation lorsque nous devrons faire face, dans cinq ans, à un contexte moins réglementé dont personne ne sait exactement ce qu'il sera.

Les agriculteurs sont prêts tout d'abord à acheter ces wagons et ensuite à essayer de favoriser une coopération entre toutes les parties prenantes que ce soit les chemins de fer, les sociétés céréalières, la Commission canadienne du blé et les exploitants de terminal. Nous payons le coût de tout le système. C'est nous qui avons le plus intérêt à mettre en place un système efficace et économique gråce à une bonne coopération.

M. Les Jacobsen, Farmers' Railcar Coalition: Je voudrais répondre aux observations du sénateur Taylor au sujet de notre regroupement. Les opinions divergentes représentées autour de cette table montrent combien il est important que les producteurs aient leur mot à dire dans le système d'attribution des wagons pour le secteur du grain. Les producteurs ont intérêt à pouvoir tous s'asseoir autour d'une seule et même table et à avoir un représentant au sein du groupe chargé de la politique d'attribution des wagons. Notre engagement est bien réel. Depuis quatre mois, nous avons montré que nous pouvions faire preuve de cohésion et prendre des décisions en vue de l'amélioration du secteur du grain.

Le président: Merci, messieurs. Pourquoi les syndicats du blé n'appuient-ils pas cette initiative? Ils envoient 60 p. 100 de tout le grain à partir des Prairies. Je pose la question en tant que sénateur de ma région. Je crois que les syndicats du blé ne sont pas pour.

M. Jacobsen: Je peux vous éclairer à ce sujet. En fait, la position officielle des syndicats du blé des Prairies est en faveur des propositions du groupe de cadres supérieurs, et non pas de la vente des wagons aux producteurs. Néanmoins, à leur assemblée annelle de l'automne dernier, les délégués du Manitoba ont adopté une motion demandant à leur direction de se prononcer pour la vente des wagons aux producteurs et plus précisément à la Commission canadienne du blé. En fait, un désaccord oppose les délégués et la direction. Les délégués du Saskatchewan Wheat Pool ne sont pas tous d'accord sur cette question, de même que ceux de l'Alberta Wheat Pool.

Si vous allez dans l'Ouest demander aux producteurs si la direction de leur syndicat du blé défend bien leurs intérêts, vous obtiendrez toutes sortes de réponses. Bien des gens pensent que la direction des syndicats du blé des Prairies a perdu de vue les intérêts des producteurs. Je suis un membre bien solide de l'Alberta Wheat Pool.

M. Harrison: Les coopératives de silos ne sont plus aujourd'hui ce qu'elles étaient hier. Leurs actions se transigent à la Bourse de Toronto. Vous savez comme moi que c'est celui qui finance qui décide. La Bourse de Toronto finance UGG et le Saskatchewan Wheat Pool. Je pense que cela répond à votre question.

Le président: En ce qui concerne l'attribution des wagons, on craint une scission des divers groupements agricoles, ce qui diviserait toute la région. Comment travailleriez-vous au sein de la Commission canadienne du blé? Par le passé, la commission a déjà distribué les wagons et elle a fait du bon travail. Comment procéderiez-vous?

M. Jacobsen: Dans notre exposé, dans toutes les communications que nous avons eues avec les autres membres de notre secteur, nous avons appuyé l'établissement du groupe chargé de la politique d'attribution des wagons au sein duquel les sociétés céréalières, les chemins de fer, la Commission canadienne du blé et un représentant des producteurs collaboreront pour gérer le parc de wagons. Il est beaucoup plus rentable de l'exploiter comme un parc commun. Nous tenons à poursuivre cette pratique. En fait, si ce parc est fractionné et s'il n'y a pas de mise en commun, vous pourriez perdre de 15 à 20 p. 100 d'efficacité. Les producteurs devront donc acheter davantage de wagons. Cette dépense sera soustraite du prix de notre grain. Nous voulons le maintien d'un système qui s'est révélé efficace et favoriser une efficacité encore plus grande, si c'est possible.

Le sénateur Hays: Si je comprends bien, malgré les changements à la réglementation ou à la loi, vous voulez l'assurance que le matériel roulant restera au Canada et que les producteurs auront leur mot à dire au sujet de l'attribution des wagons. Vous êtes donc prêts à acheter les wagons. Cela vous conférerait un rôle important.

Êtes-vous satisfaits de la façon dont les wagons sont attribués à l'heure actuelle? Vous pourriez les acheter dès maintenant. Vous pourriez réunir 100 millions ou 500 millions de dollars pour acheter des wagons plus gros et plus rentables. C'est une offre attrayante. Elle le serait même encore plus si le sénateur Taylor obtenait satisfaction et si vous obteniez les wagons gratuitement. Néanmoins, cela ne vaut peut-être que pour 10 ou 20 ans, car ces wagons vont s'user. Pour conserver votre place à la table de négociation, vous allez devoir remplacer les wagons d'ici 20 ans ou du moins les faire réparer. Si vous deviez les payer aujourd'hui à leur juste valeur marchande, il serait tout aussi coûteux, dans 20 ans, d'obtenir une place à la table de négociation qu'aujourd'hui.

Êtes-vous satisfaits de l'état actuel des choses? Dans l'affirmative, pourquoi ne pas vous battre pour préserver le système actuel, qui ne vous coûte rien? Vous pourrez continuer à cultiver la terre au lieu d'assumer ces grosses dépenses. Sinon, vous allez devoir mettre en place une structure administrative et débourser beaucoup d'argent. Vous devrez rentrer dans vos frais et vous aurez besoin d'un financement.

Le sénateur Taylor: L'initiative ne vient pas d'eux, mais de nous.

Le sénateur Hays: Vous voulez dire le gouvernement?

Le sénateur Taylor: Oui.

Le sénateur Hays: Le gouvernement veut de l'argent et il veut une déréglementation.

M. Jacobsen: La plupart des groupements agricoles ne sont pas venus vous dire: «Supprimez la subvention et plongez-nous dans ce monde déréglementé». Certains l'ont fait, mais la plupart des groupements agricoles ont dit qu'il faudrait peut-être modifier et améliorer le cadre et la structure de la LTGO, mais qu'ils voulaient s'en charger eux-mêmes. Ils ne voulaient pas rejeter le tout. L'idée ne vient donc pas vraiment de nous.

En ce qui concerne le système d'attribution actuel, nous reconnaissons qu'on manque souvent de wagons pour transporter nos produits. Cela se produira encore de temps à autre. Je ne pense pas que nous voulions båtir un réseau qui pourra transporter la totalité du grain en l'espace d'un, deux ou six mois. Ce serait trop coûteux. Nous devons donc échelonner les livraisons et nous avons besoin d'un mécanisme pour assurer une répartition équitable.

Il y a des choses à améliorer. Cependant, si l'on compare les chiffres canadiens aux chiffres américains, le réseau américain est déréglementé et repose sur des relations entre transporteurs et expéditeurs. Selon les chiffres de l'Office du transport du grain, la durée de rotation des wagons était en moyenne de 19 jours en 1992. Les chiffres américains -- je suppose que la comparaison a été faite sur les mêmes bases -- indiquaient une durée de 26 jours. Pour la Commission canadienne du blé, cette durée était de 18 jours. La coordination de la Commission du blé donnait de meilleurs résultats que pour le grain qui ne passait pas par la commission. Il y a eu des plaintes parce que parfois les gens ont dû attendre. Néanmoins, si l'on compare la situation avec celle des États-Unis et si l'on se dit que les coûts étaient raisonnables, ce n'était pas si mal. Les choses pourraient être améliorées, mais ce n'était pas si mal.

Le sénateur Hays: Vous parlez du coût des wagons, si c'est plus qu'un dollar.

M. Harrison: Nous avons tendance à utiliser 100 p. 100 de notre capacité portuaire alors qu'une bonne partie du réseau américain n'en utilise que la moitié ou même moins. Cela vaut aussi pour le matériel roulant.

Vous avez mentionné que nous voulions acheter un bien à moitié usé. Nous en sommes conscients. Le gouvernement fédéral a fait faire trois études distinctes sur la valeur de ces wagons et elle a été évaluée à environ 400 millions de dollars. Voilà ce que cela représente. Le plafond de 75 cents imposé pour l'augmentation des tarifs-marchandises ne nous permet pas de payer autant. Néanmoins, nous achetons un bien vendu au rabais. C'est une bonne affaire. Si vous pouvez acheter une chose à la moitié ou au tiers de son prix, c'est avantageux.

Le matériel roulant fait appel à une technologie nouvelle. Le poids maximum que ces wagons peuvent transporter a été augmenté et vous aurez tous remarqué qu'il y a eu davantage d'accidents ferroviaires dans l'Ouest cette année que par le passé. À mon humble avis, nous faisons la même chose avec notre réseau routier et notre réseau ferroviaire. Nous y faisons rouler des véhicules plus lourds sans consolider la structure.

Vous pourrez construire le wagon le plus gros qui soit, si vous ne consolidez pas la structure qui doit le supporter, elle ne tiendra pas. Les wagons que nous achetons sont ceux pour lesquels les rails ont été construits plutôt que les gros wagons de demain qui iront plus vite et qui transporteront des charges plus lourdes.

D'ici cinq ans, la nouvelle technologie pourrait privilégier des wagons plus petits, en aluminium, parce que les voies ferrées n'ont qu'une résistance limitée. Les gens disent que ces nouveaux wagons les obligeront à rester sur la ligne principale et les empêcheront d'accéder aux embranchements, mais cela ne tient pas debout. Je veux dire qu'un wagon est un wagon et qu'il ira là où il devra collecter du grain.

Le même principe s'applique aux trains A, aux trains B et aux camions. Les gens disent qu'ils ne pourront pas sortir de l'autoroute. Quand ils livrent un chargement d'engrais à ma ferme, ils prennent d'abord l'autoroute, l'autoroute provinciale, puis la route municipale jusqu'à chez moi. Il faut faire preuve de bon sens.

À notre avis, les chargements que peuvent transporter les wagons que nous comptons acheter sont peut-être ceux qui devraient circuler sur nos voies ferrées.

Le sénateur Hays: C'est un problème intéressant. Je vous écoute, mais j'avoue ne pas avoir encore très bien compris.

M. Harrison: Nous savons que nous avons là une tåche difficile. Nous ne prétendons pas être des experts. J'ai beaucoup appris depuis quatre mois et j'aurai encore beaucoup à apprendre au cours des deux prochains mois.

Le président: En ce qui concerne les routes, lors de son témoignage, la Commission du blé a déclaré que si l'on abandonnait le rail pour le camion, on verrait un camion entrer à Vancouver toutes les deux minutes.

Le sénateur Spivak: Vingt-quatre heures sur 24.

Le sénateur Hays: Trois cent soixante-cinq jours sur 365.

Le président: Nous le comprenons tous. D'un autre côté, nous savons que la majeure partie du canola est actuellement transportée par camion. C'est sans doute vrai aussi en Alberta et au Manitoba. Je sais que c'est vrai dans notre région. Le canola est transporté par des trains B dont certains se rendent dans le Dakota du Nord et d'autres à Saskatoon.

Quelle concurrence cela pourrait-il représenter pour vous? Nous connaissons tous les problèmes routiers, surtout ceux dont la SARM a parlé.

M. Harrison: Il faut que ce soit la formule la moins coûteuse pour tout le monde. Vous êtes une société ferroviaire et si vous vous intéressez seulement aux chemins de fer, vous aurez deux voies principales qui traverseront la Saskatchewan. Ce sera la solution la plus rentable pour vous. Nous le savons. Les chemins de fer aussi. D'après certaines personnes, c'est peut-être ce qui se passera un jour.

Si vous êtes une société céréalière et que vous vous occupez seulement de vos intérêts, vous établirez quelques points de collecte sur ces lignes principales et tout le monde y transportera son grain par camion. Si vous êtes une municipalité rurale, vous aurez également un point de vue différent.

En fin de compte, c'est le producteur et non pas les chemins de fer ou les sociétés céréalières qui paient la facture. C'est lui qui doit avoir le système le moins coûteux.

Le président: Cinq ou six grands terminaux doivent être construits rien qu'en Saskatchewan. La tendance est à l'établissement de gros terminaux de collecte.

M. Harrison: Une autre chose qui nous inquiète beaucoup est que l'industrie du camionnage achète du carburant. Plus vous allez loin, plus vous avez besoin de carburant. Il y a une taxe sur l'essence. Le gouvernement fédéral restitue 4 p. 100 de la taxe sur le carburant au réseau routier. Le reste va grossir le Trésor public. N'allez pas croire que le gouvernement fédéral subventionne notre réseau routier. C'est nous qui le subventionnons. En Saskatchewan, 40 p. 100 des recettes des droits de permis et de la taxe sur l'essence sont réinvestis dans nos routes. La situation est meilleure en Alberta. Les Albertains sont plus prudents et investissent davantage d'argent dans la préparation de la chaussée si bien que leurs routes durent plus longtemps. Il faut que le système soit le moins coûteux possible pour tous les intéressés.

Le sénateur Rossiter: Comme je viens des Maritimes, je ne connais pas très bien l'agriculture de l'Ouest, mais je peux comprendre votre point de vue et pourquoi vous demandez de l'aide, que vous méritez d'ailleurs. Quel est actuellement le coût moyen d'un wagon-trémie, sa durée de vie utile et le coût moyen annuel de son entretien?

M. Harrison: Vous demandez combien coûte un wagon neuf?

Le sénateur Rossiter: Oui.

M. Harrison: Cela dépend de l'équipement, mais c'est environ 75 000 $.

Le sénateur Rossiter: Je ne parle pas des gros wagons que vous avez mentionnés tout à l'heure.

M. Harrison: Un wagon neuf comme ceux que le gouvernement canadien possède actuellement coûte sans doute de 65 000 $ à 75 000 $.

Les frais d'entretien sont inclus dans les tarifs-marchandises et les chemins de fer touchent plus de 4 000 $ par wagon pour faire les réparations dans leurs ateliers syndiqués ou ailleurs. À notre avis, il serait beaucoup plus économique pour nous, en tant que propriétaires des wagons, que ces frais d'entretien ne soient plus inclus dans le tarif-marchandise et soient payés directement au propriétaire des wagons. Nous pourrions lancer un appel d'offres pour l'entretien et la réparation.

L'entretien des wagons est régi par une série de normes en Amérique du Nord. Vous ne pouvez pas acheter de wagons et en faire n'importe quoi. Si un wagon tombe en panne aux États-Unis, le montant qui peut être exigé pour le réparer est établi dans une grille tarifaire. Une fois que nous aurons rapatrié ces wagons au Canada, que nous les ferons circuler dans les Prairies et qu'ils y créeront des emplois, nous pourrons réaliser des économies importantes sur les coûts d'entretien.

Le sénateur Rossiter: Combien de temps un wagon-trémie peut-il durer s'il est utilisé normalement?

M. Harrison: Jusqu'à 40 ans. La Saskatchewan Grain Car Corporation possède 1 000 wagons. Le gouvernement de l'Alberta en possède 1 000 également. Ils ont démonté complètement certains de ces wagons-trémies qui étaient en service depuis 20 ans et ils pensent qu'il est même possible de les faire durer plus de 40 ans. Un wagon-trémie n'est pas une machine très compliquée. Les agriculteurs possèdent des moissonneuses- batteuses et des tracteurs qui sont beaucoup plus compliqués à entretenir.

Le sénateur Rossiter: Une fois que vous enlevez les roues, vous n'avez plus qu'une simple boîte.

M. Harrison: Il n'est pas nécessaire d'être un crack en mécanique pour entretenir un wagon-trémie.

Le sénateur Taylor: Avez-vous songé à tåter un peu le terrain en allant demander aux provinces si elles pourraient vous céder leurs wagons pour 1 $, étant entendu qu'elles ne vous les céderont pas à moins que le gouvernement fédéral n'en fasse autant? Ce serait une bonne façon de forcer la main au gouvernement fédéral. Je pense que la Saskatchewan et l'Alberta pourraient envisager cette possibilité.

Le sénateur Hays: N'oubliez pas que vous siégez maintenant du côté du gouvernement, sénateur Taylor.

Le sénateur Taylor: Je représente l'Alberta.

M. Harrison: Nous en avons discuté avec l'Alberta et la Saskatchewan. Le gouvernement de la Saskatchewan a fait plusieurs études. Comme chacun sait, la validité de ces études dépend de la compétence de leur auteur. Selon l'une d'elles, il serait certainement avantageux pour les producteurs agricoles de l'Ouest qu'ils soient propriétaires des wagons. On a cité un chiffre de 3,5 milliards de dollars sur 20 ans. J'ignore dans quelle mesure il est fiable et quelqu'un produira sans doute une autre étude qui le contredira.

J'ai apporté avec moi quelques études, si cela vous intéresse. Le gouvernement de la Saskatchewan s'est prononcé très énergiquement en faveur de la cession des wagons aux producteurs. Il a pris position il y a environ deux mois et cela de façon catégorique.

Le sénateur Taylor: L'Alberta hésite toujours.

M. Jacobsen: Le gouvernement albertain n'a pas clairement indiqué s'il voulait vendre ses wagons ou ce qu'il comptait en faire. Étant donné son investissement dans le port de Prince- Rupert, tout l'argent du Heritage Trust Fund qu'il y a investi et qu'avec l'abolition de la LTGO, Prince-Rupert est maintenant un port secondaire vu qu'il faut débourser des tarifs-marchandises plus élevés pour s'y rendre, le gouvernement albertain conservera peut-être ses wagons pour être certain qu'une partie du grain sera expédié vers Prince-Rupert. Ainsi, l'investissement du Heritage Trust Fund ne sera pas perdu. Nous ne savons pas vraiment ce que le gouvernement albertain compte faire de ses wagons.

Le sénateur Spivak: Selon vous, à quel point la cession des wagons aux producteurs intéresse-t-elle le ministre des Transports? On ne parle plus autant du développement rural et de l'avenir de l'agriculture. Quelles sont les répercussions de ces terminaux à haute capacité sur les petites villes, le développement rural et la situation économique? Il y a un prix à payer. Qui le paiera? Toutes ces questions sont sans doute reliées.

Il faut tenir compte à la fois des silos et de l'abandon de certaines lignes, des chemins de fer d'intérêt local, des frais de camionnage, du coût du transport du grain et des coûts d'exportation. Le gouvernement examine-t-il la situation dans cette optique ou toujours en fonction du taux de rendement des chemins de fer?

M. Harrison: Je voudrais dire un mot au sujet du développement rural. Par le passé, le silo était le plus gros contribuable de la ville. Vous ne pouvez pas construire un gros silo de béton capable d'accueillir 50 wagons au milieu de la ville, car vous devrez fermer tous les passages à niveau un mille avant et un mille après. Le fait est que ces silos ne se retrouvent pas dans les centres urbains, mais plutôt dans les régions rurales. Cela a certainement d'importantes répercussions. Quand votre plus gros contribuable quitte la ville, tout le monde doit combler la différence et cela a donc des répercussions énormes sur le développement rural. Cette situation ne changera pas. Nous devrons trouver quelqu'un d'autre pour combler la différence.

Ce n'est pas nous qui choisissons l'endroit où ces silos sont implantés. De temps à autre, les entreprises de silos-élévateurs et les chemins de fer se rencontrent pour en discuter amicalement, mais les décisions sont prises dans les conseils d'administration.

M. Macklin: Je tiens à souligner qu'en tant que producteurs agricoles, nous vivons dans les régions rurales de l'Ouest ou du Canada. La possibilité de posséder ces wagons nous permet d'espérer davantage que nous aurons notre mot à dire à l'égard de certains aspects du développement rural. C'est l'attribution des wagons qui a amené le Manitoba à entrer dans la discussion. Nous n'avons vu qu'une partie des propositions du groupe de cadres supérieurs et nous n'avons pas obtenu la réponse à nos questions. C'est la seule façon dont nous avons pu nous insérer dans le groupe chargé de la politique d'attribution des wagons.

M. Jacobsen: Nous voyons le genre de problèmes que la déréglementation du transport ferroviaire cause aux producteurs des États-Unis. Nous voyons qu'au Montana, qui est captif de Burlington Northern, les producteurs doivent payer 278 $ de plus pour un wagon qui transporte leurs produits de Billings jusqu'à Portland, à 900 milles de distance, que les producteurs d'Alliance, au Nebraska, qui se trouvent à environ 1 400 milles. Les expéditeurs du Montana n'ont pas de concurrence intermodale ou d'autres modes de transport, si bien que Burlington Northern profite de ce qu'ils sont captifs.

Nous voulons exercer le maximum d'influence afin que tous les producteurs du pays puissent bénéficier d'un système d'attribution équitable. C'est crucial pour le développement rural. Si vous ne pouvez pas obtenir de wagons dans la région de Peace River et si vous devez attendre pour faire livrer votre produit ou si vous devez aller sur le marché libre pour trouver des wagons, cela nuit énormément au développement des collectivités rurales. C'est très fréquent aux États-Unis, où il n'y a pas de wagons à tarif réglementé. Vous devez payer 300 $ ou 400 $ en plus du tarif-marchandise pour obtenir le service. Cela nuit beaucoup au développement des régions rurales.

Nous voulons un système juste et équitable qui sera efficace et nous savons que la réglementation n'est plus là pour nous l'assurer. Par conséquent, il nous faut pouvoir exercer une véritable influence.

Le président: Apparemment, il y aura davantage d'expéditions de grain vers les États-Unis. Je vis le long de la ligne Regina-Minneapolis et je vois des trains du CP défiler les uns derrière les autres. Nous savons quels sont les problèmes que pose le camionnage et les conflits qui règnent à la frontière. Apparemment, quand le grain est expédié par chemin de fer vers les États-Unis, cela ne pose pas de problème. Mais quand il est expédié par camion, cela suscite la controverse simplement pour une question de politique.

Comment allez-vous pouvoir régler la question de l'attribution des wagons et assurer le contrôle des wagons qui vont aux États-Unis? Pensez-vous que cela pose un problème? Est-ce un problème qu'il faut résoudre?

M. Harrison: Tout d'abord, il faut respecter la loi et je ne suis pas sûr que tous les producteurs de l'Ouest le fassent. Il y a des façons parfaitement légales d'expédier le grain par camion aux États-Unis. Certains ont choisi de le faire illégalement, et les tribunaux décideront qui a tort et qui a raison. Les producteurs défient la loi, mais les Américains sont nos plus gros clients et nous allons devoir les desservir d'une façon ou d'une autre.

Le président: C'est ce que je voulais dire. C'est toute la question des livraisons de grain et du rendement qui pose un problème. Si vous expédiez votre grain en vertu d'un permis de la Commission canadienne du blé, bien entendu, vous obtiendrez le même prix qu'au silo et vous renverrez le chèque à la commission, qui en soustraira le prix de la mise en commun.

M. Jacobsen: Il y a des frictions politiques entre les producteurs canadiens et les producteurs américains. Ces derniers n'aiment pas voir les camions canadiens encombrer leurs silos. Il s'agit d'avoir une stratégie de commercialisation efficace. Si vous vendez directement aux destinataires finals sans engorger leur système de manutention, ou si vous expédiez le grain par train ou par bateau sur les Grands Lacs jusqu'aux minoteries de Buffalo, par exemple, vous pourrez expédier d'énormes quantités vers les États-Unis avec le minimum de conséquences politiques. Il s'agit de bien gérer la commercialisation au lieu d'improviser.

La Commission du blé a géré les exportations vers les États-Unis en tenant compte des problèmes politiques américains et en prenant des précautions pour ses livraisons.

Les problèmes se posent quand des producteurs, qui veulent avoir directement accès aux États-Unis par camion, vont encombrer le point de livraison le plus proche de la frontière. C'est ce qui cause de sérieux problèmes politiques.

Le président: Messieurs, je vous remercie de votre comparution. Votre témoignage nous a été très utile.

La séance est levée.


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