Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'agriculture et des forêts
Fascicule 3 - Témoignages
Ottawa, le jeudi 9 mai 1996
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour étudier, conformément à son ordre de renvoi, l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, ainsi que des questions relatives à la production du fromage au lait cru.
Le sénateur Dan Hays (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président: Sénateurs, je déclare la séance ouverte.
Nous accueillons aujourd'hui M. Claude Rivard, des Producteurs laitiers du Canada, alors que nous poursuivons notre examen des questions soulevées par notre collègue le sénateur Riel.
Bienvenue, monsieur Rivard. Vous avez la parole.
[Français]
M. Claude Rivard, président des Producteurs laitiers du Canada: Je suis moi-même producteur de lait dans la région de la vallée de la Matapédia, au Québec, à l'est de Rimouski. Mon collègue, M. Réjean Bouchard, est un employé des Producteurs laitiers du Canada. J'ai tout simplement une petite présentation à faire, et je pense qu'on pourra beaucoup mieux échanger par la suite. Je répondrai à vos questions ou à vos interrogations.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est donnée de comparaître aujourd'hui devant le comité pour discuter de la modification proposée par Santé Canada suite au règlement sur les aliments et drogues en ce qui concerne le fromage fait à partir de lait cru. Je voudrais dire tout de suite que la production de fromage de lait cru au Canada est très minime mais ce n'est pas moins un secteur important de l'industrie laitière. Pour parler du Québec, la production de ce type de fromage représente moins d'un demi de 1 p. 100 de la production totale de fromage de cette province. Environ 98 à 99 p. 1000 des fromages fabriqués au Canada sont composés à partir de lait pasteurisé. La production de fromage de lait cru représente entre 50 et 65 000 kilos par année comparativement à la production de toutes les autres sortes de fromages qui, elle, est de l'ordre de 305 millions de kilos par année.
Il y a cinq ans, ce type de production n'existait pour ainsi dire pas. C'est un créneau qui se développe sur le marché et la production est surtout concentrée au Québec. Il y a aussi des producteurs de lait, de fromages de lait cru en Colombie-Britannique, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. La consommation globale de ce type de fromage est relativement mineure et elle représente 0,2 p. 100 de la consommation totale de fromage au Canada. Les producteurs du Canada ont toujours été en faveur des modifications proposées par la réglementation afin d'interdire la vente de fromage de lait cru et non pasteurisé. Ils ont toujours pris position en ce qui concerne la vente de lait cru aux consommateurs et, en 1990, ils ont appuyé le règlement quant au contrôle du lait cru destiné à la production fromagère.
Cette prise de position est fondée sur la preuve qu'il y avait risque de contamination des produits par une bactérie pathogène comme la salmonelle, la brucelle et la campylobactérie. Cela doit être une grosse bactérie. De nos jours, et en dépit de ce qu'écrivent et disent les médias, la réglementation de la production de fromage à base de lait cru est une question de santé et de sécurité publiques. Les producteurs laitiers du Canada ont maintenu qu'ils ne peuvent pas s'opposer à une mesure qui vise à protéger la santé des consommateurs et qui assure la salubrité des produits laitiers. Cependant, à la mi-avril, à la suite d'une couverture très large dans les médias du Québec qui est venue jeter des doutes sur l'objectif du règlement proposé, les producteurs laitiers du Canada ont fait diverses requêtes auprès du ministère de la Santé.
Tout d'abord, ils ont demandé instamment au ministre de déposer l'information scientifique qui est à l'origine du projet de règlement de Santé Canada. Puis, les producteurs laitiers ont demandé au ministère de prolonger la période de consultation de 75 jours afin de permettre la création d'un forum national public réunissant les experts de la santé, les spécialistes dans le domaine laitier qui pourraient éclairer le public sur les risques associés à la consommation des fromages au lait cru. Pour faire suite aux requêtes des producteurs laitiers, le ministre de la Santé a créé un comité consultatif composé d'experts qui va passer en revue les commentaires émanant de l'industrie au cours de la période de consultation et établir une fiche technique sur des questions types et réponses pour faire contrepoids à la couverture négative des médias.
Qui plus est, les Producteurs laitiers du Canada vont consulter leurs membres, leurs associés dans le secteur de la transformation, ainsi les producteurs et les transformateurs de fromage au lait cru d'un bout à l'autre du Canada se réuniront le lundi 13 mai, afin d'essayer d'instaurer un consensus quant aux règlements proposés et de rédiger des recommandations à l'intention du ministère de la Santé sur un éventuel troisième élément ajouté au règlement en vigueur pour ne pas mettre en danger la santé et la sécurité publiques. Je vous remercie, et je suis prêt à répondre à vos questions, si vous en avez.
[Traduction]
Le sénateur Rossiter: Merci de votre exposé. Comment ce débat a-t-il commencé? On laisse entendre que les gros producteurs de fromage ont exercé des pressions pour que le règlement soit modifié. Est-ce vrai?
[Français]
M. Rivard: Dans le débat public, je pense que si j'avais un crédit à donner au niveau de l'opinion publique, en termes de préparation de l'opinion publique, je le donnerais probablement à des gens qui oeuvrent au niveau des importations. Il faut voir que tout le monde au Canada a perçu que c'était les pauvres petits producteurs versus la grosse industrie de la transformation versus le gouvernement ou versus même les producteurs en général.
Au niveau du dossier, je vais vous en parler dans le contexte québécois. Je vais donner un exemple au Québec parce que c'est la principale province où on produit ce type de produit. Il y a 17 transformateurs qui font ce type de produit. Sur les 17, dix font effectivement ce qu'on appelle un préchauffage du lait thermisé, il faut savoir qu'il y a du fromage qui est fait à partir de lait pasteurisé, à partir de lait thermisé et à partir de lait cru. Donc, celui qui a tout simplement un préchauffement, sur les 17, on a dix transformateurs qui, eux, ont quand même un volume intéressant, c'est 6,7 millions de litres qui sont utilisés dans ce créneau.
Depuis de nombreuses années, au sujet de la réglementation tant canadienne qu'au niveau du Québec, la Régie des marchés agricoles émet des permis à ces transformateurs. Au niveau de ceux qui font strictement le dossier qui nous intéresse ce matin, du fromage à partir de lait cru, il y en a sept au Québec et ces gens utilisent 60 000 litres de lait pour le Québec. Pour vous donner une idée de la taille de l'industrie, au Québec il se transforme, bon an mal an, un peu plus de 2,57 millards de litres et une ferme moyenne au Québec produit à peu près 280 000 litres. L'ensemble de ces sept producteurs transforment 60 000 litres, comme je l'ai mentionné.
C'est pourquoi je donnais la palme des relations publiques aux importateurs, parce que ces gens-là ont fait un très bon travail de relations publiques. Imaginez-vous, même pas l'équivalent d'une ferme québécoise, au niveau de la transformation du lait non pasteurisé, n'a réussi à soutenir l'opinion publique pendant quelques semaines au Québec et dans quelques autres régions du Canada aussi. Ce n'est vraiment pas un dossier petit producteur, gros producteur. Je vais essayer de vous le démystifier. Au moment où le ministère de la Santé et du Bien-être, en 1991, a modifié sa réglementation, nous étions d'accord. Le ministère disait que tout le lait au Canada devait être pasteurisé, sauf le lait pour la fabrication de fromage qui, lui, peut ne pas être pasteurisé tant que vous avez une période d'entreposage de 60 jours et, à ce moment, avec l'information que nous avions à l'époque, cela semblait signifier que toutes les bactéries durant cette période d'entreposage étaient détruites.
C'est un peu ce que je vous mentionnais tout à l'heure. Par la suite, il y a eu des études de chercheurs qui ont fait la démonstration au ministère de la Santé et du Bien-être. Cela est démontré maintenant que durant la période d'incubation de 60 jours, les bactéries qui pouvaient être problématiques pour la santé humaine n'étaient pas toutes détruites. La présentation d' un avis de motion par le ministère de la Santé et du Bien-être pour modifier le règlement et l'interdire vient de là. L'importante levée de bouclier, que ce soit au Canada ou dans d'autres régions du Canada, a fait en sorte que, en fait, on a fermé certaines entreprises et que l'on a associé cela à un conflit entre petites et grosses entreprises.
Ce qu'en pense notre organisation, avec le débat et certains messages, surtout, qui sont passés... Si vous me le permettez, je vais vous faire distribuer une coupure de presse qui nous a énormément interpellés. Réjean peut peut-être la faire circuler.
[Traduction]
Le sénateur Rossiter: N'est-il pas vrai que les cas d'intoxication sont peu nombreux? D'après les renseignements que nous avons, le nombre de décès liés à la consommation de fromage au lait cru est encore moins élevé. A-t-on vérifié si ces décès étaient attribuables à la consommation de ce type de fromage ou à la négligence? Ou est-ce que les cas d'intoxication sont moins graves que prévu?
[Français]
M. Rivard: Remarquez bien que je ne suis pas un spécialiste, je suis un producteur. Je fonctionne avec les amis de Santé et Bien-être, et ce sont eux qui sont, d'après moi, les spécialistes qui doivent nous indiquer la meilleure voie et, bien sûr, on doit tenir compte de leur avis au niveau de la sécurité publique. Mais on doit aussi évaluer le risque raisonnable, et je pense que c'est un peu ce que vous soulevez comme question, le risque raisonnable. Il n'y a pas eu d'épidémie au Canada, bien sûr. Il y en a eu en France et en Suisse, et je pense que vous avez vu les chiffres comme moi.
Est-ce le bon procédé? Est-ce qu'on ne devrait pas étudier d'autres approches, un peu comme on le fait pour les importations? Est-ce que certaines analyses ne devraient pas être exigées pour les produits, à chaque fabrication-bassin comme lorsqu'il y a des importations? Ce sont des questions que nous allons poser au ministère de la Santé et du Bien-être, aux différentes instances. C'est un élément. Il existe de nouveaux procédés, mais on ne sait pas si cela peut les tuer. Vous avez vu apparaître, dans certaines régions du pays, du lait qui maintenant n'est pas nécessairement pasteurisé; l'ensemble des bactéries sont éliminées. On appelle cette technique l'ultrafiltration; les bactéries sont éliminées à 99,8 p. 100 , selon ce que l'on nous dit, gråce à ces procédés. Donc, est-ce que cela pourrait être des alternatives?
Le sénateur Bacon: Bonjour, monsieur Rivard. Je regarde le document de presse que vous nous faites circuler. On dit, à un moment donné, que l'on permet la commercialisation du lait cru dans la mesure où le fromage est entreposé à deux degrés, pendant au moins 60 jours. Mais on ajoute qu'il y a de nombreux fromages qui ne sont pas consommables après cette date et qu'il pourrait y avoir, je pense qu'on pose une accusation assez dure, des gens, des importateurs ou des détaillants, qui font en sorte que la date soit faussée. Avez-vous vérifié cela? Est-ce que ce sont des allégations véridiques ou est-ce tout à fait faux?
M. Rivard: Écoutez, vous voyez les gens qui font des affirmations; monsieur Hanchay, qui est chef de l'inspection des aliments, le reconnaît implicitement. Et vous avez en haut, de l'autre côté, des gens d'Agriculture Canada qui le reconnaissent. On n'a pas de services d'inspection, c'est le rôle du gouvernement canadien. En fait, ce qui se passe, c'est que le ministère de la Santé et du Bien-être édicte les règlements et Agriculture Canada les fait appliquer. Une question peut se décoder. J'étais très en faveur de la réglementation avant d'avoir vu tout le débat public. Avec les informations qui nous avaient été véhiculées à ce moment, vous comprendrez qu'à partir de là, j'aurais pu vous faire part d'autres exemples de déclarations de gens à Ottawa. Cela nous a amené à nous interpeller quand, tout à l'heure, je vous ai mentionné le risque raisonnable, c'est à ce niveau.
Et quant au premier point que vous avez mentionné, les fromages à påte molle ne peuvent survivre, à part quelques exceptions, plus de 60 jours. Ceci explique, présentement, que le travail n'est probablement pas nécessairement bien fait, d'après moi. Je ne suis pas un spécialiste, je vous le rappelle, parce qu'il y a de ces types de fromages qui sont importés et, s'ils ne survivent pas au Canada, on ne fait pas un plus mauvais produit qu'en France. Donc, au niveau des importations, il y a probablement quelque chose à voir à ce niveau.
Le sénateur Bacon: Mais, quand on achète des fromages, on indique la date à laquelle il a été préparé et jusqu'à quelle date on peut le manger. On voit les dates. Si on dépasse trop ces dates, on sait très bien qu'on peut prendre un risque. Jusqu'où êtes-vous prêts à aller pour accepter des changements sur l'emballage des fromages qui sont faits au lait cru?
M. Rivard: Il y a une autre approche qui va dans ce sens, l'étiquetage. Je l'ai pas mentionnée tout à l'heure. Et, c'est là où l'on est quand même interpellé. Les Producteurs laitiers du Canada ont investi 28 millions de dollars, uniquement pour la promotion, le marketing, la recherche en santé nutritionnelle. Donc, nous faisons la promotion de nos produits au Canada.
Le sénateur Bacon: Mais vous n'êtes pas vulnérables à la critique qui se fait. En fait, il y a des choses qui ont été faites?
M. Rivard: Oui, mais, à l'inverse, cela peut créer un discrédit et je vais m'expliquer. Si, par exemple, on disait que pour pallier à cela, pour que le consommateur soit conscient du risque qu'il encoure, s'il s'achète ce type de produit, à ce moment-là, on pourrait dire de ce produit -- un peu comme sur les paquets de cigarettes, mais peut-être pas de façon aussi extrême -- qu'il peut ou pourrait contenir des bactéries, telle la salmonelle. C'est un exemple d'étiquetage.
Mais vous et moi sommes des consommateurs, et vous avez un étalage de produits laitiers. Vous avez deux ou trois types de fromages qui se retrouvent avec une étiquette un peu plus grossière qui divulgue ces éléments. Je pense que c'est vrai. Mais les consommateurs, en général, vont-ils faire la distinction ou, après avoir lu cette étiquette, vont-ils faire l'évaluation qu'une bonne partie du fromage peut être à risque? Ce sont des interrogations qu'on a. Si on doit aller sur l'étiquetage, on ne dit pas qu'on ne doit pas regarder cette avenue, au moins pour se dégager comme responsabilité. S'il y a une intoxication au Canada, et je ne le souhaite pas du tout, avec ce type de produit, qui sera responsable? Santé et Bien-être? Agriculture Canada? Le transformateur qui va l'avoir fait? Le producteur qui va l'avoir produit? La poursuite va s'adresser à qui?
Donc, nous sommes aussi responsables que tous les citoyens du Canada. Cela nous interpelle, et c'est dans ce sens qu'on doit le voir. L'étiquetage en est une, une analyse du produit mais pas uniquement par ce qu'on appelle «check point». Il faudrait peut-être exiger davantage. Certains transformateurs, on va le voir la semaine prochaine à Ottawa, ne sont pas tous en défaveur d'une inspection un peu plus rigoureuse. Là où vous aurez un tollé, et je peux me tromper, ce sont chez les gens qui font les importations. Eux seront moins intéressés à avoir des inspections plus régulières.
Je ne sais pas si vous avez pris connaissance des chiffres que Santé Bien-être ou Agriculture Canada a fait paraître il y a quelque temps, quant au niveau des entrées à la frontière, le nombre en pourcentage des fromages qui étaient refoulés dans le pays d'origine ou tout simplement détruits. C'est là que je me dis que si l'on n'a pas quelque chose de valable, nous faisons courir un risque à la santé des citoyens Canadiens. Songeons qu'en1994 , 25 p. 100, 25,8 p. 100 des produits importés ne rencontrent pas les normes. Et en 1995-1996, bien sûr, la période n'était pas terminée. On parle d'un peu plus de 20 p. 100. Donc, si on n'avait pas eu ce mécanisme, tout ce que l'éclairage des médias, les «spots» des médias nous ont dit, c'est: «Il n'y a pas de problème». Moi, je suis obligé de réaliser qu'il y en a.
Nous avons de la chance, au Canada. Pour nos normes de production et d'entreposage du lait à la ferme, nous avons les normes les plus sévères en Amérique du Nord. On s'est autodiscipliné comme producteurs avec nos réglementations. Mais certaines de ces bactéries peuvent développer différents processus. S'il est mal entreposé, même si votre produit n'en contient pas originalement, certains types de bactéries pourraient amener une contamination alimentaire.
Donc, j'appelle cela un risque raisonnable, et n'étant pas un spécialiste...
Le sénateur Bacon: Mais vous avez été consultés par Santé Canada avant qu'ils ne fassent leur sortie sur les fromages au lait cru?
M. Rivard: Oui, on avait effectivement appuyé la réglementation parce que c'est la sécurité totale, parce que le risque est inexistant. Vous avez vu la réaction de certains transformateurs, mais aussi de certains consommateurs. Par ignorance ou intérêt, ces gens disent: «On veut avoir ce type de fromage». Je ne sais pas si vous avez vu l'émission, je pense que c'était Enjeux. Des spécialistes des dégustations, tel Gaston L'Heureux ou d'autres spécialistes n'ont pas passé le test. Tout le monde était devenu, durant la période où c'était une question chaude, dans les trois dernières semaines, des spécialistes. Tout le monde voulait avoir du fromage au lait cru. Cela représentait tout simplement 0,2 p. 100 de notre consommation au Canada. On ne veut pas tuer cette industrie.
Le sénateur Bacon: Nous sommes tous des spécialistes. Merci, monsieur Rivard.
[Traduction]
Le sénateur Taylor: Merci de comparaître devant nous. J'ai commencé ma carrière il y a bien des années dans une exploitation laitière, où je trayais les vaches. C'est probablement une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de me lancer en politique -- pour me mettre à ruminer à mon tour.
On nous dit que la production de lait cru au Canada représente 305 kilos par année. À combien s'élèvent les importations? Est-ce qu'on produit plus de fromage au lait cru qu'on en importe?
[Français]
M. Rivard: Cela représente 20 000 tonnes, les importations, pour donner l'ordre de grandeur. Et peut-être, si vous me permettez de vous poser cette question, beaucoup de gens ont associé cela, soit dans le débat politique ou au niveau de l'opinion publique, de le dire: c'est le Canada qui veut s'autoprotéger contre les importations. Ce n'est pas du tout cela. Telles que les règles du GATT sont faites, c'est un exemple, sur ces 20 000 tonnes, s'il y en a un petit pourcentage qui, si la réglementation s'appliquait et si les Européens ne pouvaient plus exporter ce type de produit, ils pourraient exporter du fromage pasteurisé. Économiquement, nous nous sommes engagés à ouvrir une partie du marché. Donc, le Canada doit respecter ses engagements et nous sommes d'accord. Vous voyez là un bel exemple. Nos journalistes, avec tout le respect qu'on leur doit, n'ont pas fait une analyse approfondie du dossier, malheureusement.
[Traduction]
Le sénateur Taylor: Ce chiffre est étonnement faible. Je me suis peut-être trompé dans mes calculs. Si vous convertissez 20 000 tonnes en kilos, cela donne 20 millions de kilos -- ou est-ce 200 millions de kilos? Quelle que soit la réponse, ce n'est pas beaucoup.
Certains fabricants de cigarettes, surtout aux États-Unis, font l'objet de poursuites en raison des risques qui sont associés à l'usage de ce produit. Maintenant que Santé Canada a décrété que la consommation de fromage au lait cru présente des risques, est-ce que votre association croit que les transformateurs pourraient faire l'objet de poursuites si quelqu'un tombait malade?
[Français]
M. Rivard: Tout dépend, s'il y a un exemple, d'après moi, et je ne suis pas juriste, avec tout le respect que je vous dois, je suis seulement producteur. Si les producteurs et les transformateurs ont respecté les normes de salubrité au Canada, les normes qui sont là présentement, par exemple, s'il y avait eu une épidémie, je ne suis pas en mesure de vous dire à quel niveau on se serait adressé.
Aux États-Unis, par exemple, ils sont beaucoup plus restrictifs que nous. Par exemple, ils interdisent carrément les importations des fromage à påte molle que je vous mentionnais tout à l'heure. Donc, on voit qu'on clarifie de façon assez forte, à ce moment-là, au niveau du lait non pasteurisé. Mais au niveau de l'autre, c'est de la spéculation tant et aussi longtemps qu'on n'a pas été jusque-là. Oui, dans le cas de la cigarette, c'est le cas mais, à partir du moment où quelqu'un a respecté toutes les règles que les différents ministères ont mises en place, que ce soit Santé et Bien-être, Agriculture Canada, le lait a été produit, transformé, entreposé. Dans ce scénario qui est poursuivi, il pourrait y avoir à la rigueur certains types de bactéries, vous avez vu cela, surtout dans les buffets, il y a des intoxications alimentaires. L'entreposage est très important, que ce soit pour le fromage ou d'autres aliments. À ce moment-là, même si votre produit est conforme, il serait assez difficile de définir la responsabilité, de dire à quel endroit, dépendamment du type de bactérie, la contamination se serait produite. Dans certains cas, c'est peut-être facile, dans d'autres, plus difficile.
[Traduction]
Le sénateur Rossiter: Est-ce le seul type de fromage produit au Canada qui ne peut entrer aux États-Unis? Est-ce que le fromage fabriqué en Europe est accepté aux États-Unis?
[Français]
M. Rivard: La même règle, à l'heure actuelle, s'applique au niveau des 60 jours pour le fromage importé. Je vous dirais qu'on n'est pas différent au Canada d'ailleurs, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, beaucoup de pays, les États-Unis, sont même plus sévères que nous.
Le sénateur Prud'homme: La question est la suivante: est-ce que seulement le fromage fait au Canada n'entre pas aux États-Unis ou si tous les fromages mous n'entrent pas aux États-Unis?
M. Rivard: Au niveau des fromages, j'ai mentionné que les Américains l'interdisent. Pour vous donner une distinction sur les importations de påte molle, il y a l'exemple de la France. Cela répond à votre question? Le cheddar fait, en autant qu'il respecte ces normes-là, va être accepté aux États-Unis. Même chose pour le cheddar européen, qui va être accepté aux États-Unis, mais, à påte molle, sa durée de conservation est quand même moindre. Donc, de par la relation du 60 jours, ils sont sortis du commerce jusqu'à un certain point.
[Traduction]
Le sénateur Rossiter: Je faisais uniquement allusion à ces fromages en particulier.
Le sénateur Taylor: Est-ce que le roquefort et le parmesan seraient interdits si le projet de règlement était adopté?
[Français]
M. Rivard: Le roquefort, je n'en suis pas sûr, mais je peux vous dire pour le parmesan råpé, vous avez quelqu'un, je dis cela avec tout le respect que je dois aux gens, que lorsque le Parti libéral s'est réuni il y a quelque temps au Québec, je pense que les gens avaient ri, avec tout le respect que je leur dois, parce que c'est un fromage qui est cuit. De par sa nature, vous détruisez toutes les bactéries parce qu'il est hautement chauffé. Donc, vous voyez que même-là, il y avait un travail d'information auprès de nos élus qui n'avait pas été bien fait. Il est impossible que ce type de fromage puisse être interdit, même avec la nouvelle règle, à la rigueur, on peut même en exporter. Réjean me dit à la blague qu'on peut en exporter parce qu'on en fait déjà ici, au Canada. Mais je pense que c'est un exemple de méconnaissance du dossier et on a pris un dossier quand même important, mais on l'a dénaturé au fil des interventions, et c'est très malheureux.
Le sénateur Riel: Monsieur Rivard, c'est pour cela qu'on a désiré vous faire venir, vous inviter, vous entendre, parce qu'on voulait comprendre ce qui se passait. On comprend que les journaux, les médias font de grands efforts pour nous présenter la vérité toute nue mais, parfois, elle est pas mal embrouillée. Pour bien comprendre, je vous ai dit dans nos conversations tout à l'heure que j'avais reçu un téléphone d'un monsieur Jacques Simard, qui m'a dit qu'il était dans une société de communication pour les producteurs de fromage à base de lait cru. Est-ce que ces gens-là font partie de votre association?
M. Rivard: Je vous dirais que je vais le faire en deux temps. Ce monsieur, j'ai son nom depuis deux semaines, nous est arrivé. Il a été engagé par des gens. Ce qui est dangereux, et parlons-nous franchement...
Le sénateur Riel: C'est pour cela que vous êtes là.
M. Rivard: Il y a le tout le tollé fait autour du lait cru fabriqué au Canada. Moi, je n'ai aucun problème et je pense qu'on va trouver au Canada un moyen de d'assurer que cette industrie va vivre. S'il y a des consommateurs qui en veulent, et c'est cela que je pense, nous pouvons trouver, nous pouvons préserver cette industrie tout en préservant la sécurité alimentaire de nos consommateurs, l'objectif est le même.
Mais ce qui est plus dangereux, ou ce qui me dérange plus, c'est ceci: on est accroché à un convoi. Il y a plusieurs wagons. C'est le wagon des fromages importés et vous savez qu'il y a quelques dollars à faire quand on importe ce type de produit. Premièrement, ce sont des produits faits avec des subventions en Europe. Ce secteur y est subventionné pour une part de 35 à 46 p. 100, alors qu'au Canada, les subventions sont quasi inexistantes. Les producteurs en assument l'entière responsabilité au Canada.
Donc, ce qui est arrivé, c'est que nos importateurs, qui ont des permis d'importation, des quotas d'importation, ont vu probablement, avec ce décret, une perte d'une manne intéressante. Donc, ils ont accroché leur wagon aux emplois au Canada. Vous avez vu un dossier monté pour pas beaucoup de lait, mais je pense qu'on veut trouver le moyen de préserver cette transformation au Canada avec des règles strictes mais eux ont des moyens financiers importants derrière cela. Il y a de l'argent derrière cela, il y a de la profitabilité. Écoutez, quand vous voyez ces fromages importés, pour certains, peut-être à 10, à 12 dollars le kilo et qui sont revendus aux consommateurs 30, 42 dollars le kilo, quelqu'un des millions derrière cela, même si ce ne sont pas des volumes importants. C'est là où j'ai de la difficulté, probablement, ce ne sont pas les producteurs nécessairement, je n'ai pas vu qui paie ce monsieur, mais ce sont probablement nos importateurs. La semaine prochaine, on a même invité ce monsieur.
L'autre élément dont je veux vous parler, au niveau des producteurs, c'est mon assemblée annuelle d'il y a deux semaines. Au Québec, on a tout près de 12 000 producteurs laitiers. C'était l'assemblée annuelle des producteurs laitiers du Québec et la motion qu'on a adoptée nous dit de faire toutes les représentations nécessaires auprès du gouvernement canadien pour que le projet de loi au règlement 8-36 modifiant le règlement sur les aliments et drogues soit modifié afin de permettre la fabrication des fromages de lait pasteurisé, de lait thermisé et de lait cru, avec les règles, que nous trouverons ensemble, j'espère, ici, au Canada.
Donc, les importations, c'est une chose dans mon esprit, mais la production au Canada, c'est autre chose. C'est un peu ce que je voulais faire. Probablement que le monsieur que vous avez mentionné est rémunéré par d'autres personnes que des producteurs.
Le dernier élément que je veux vous mentionner est que ces mêmes producteurs étaient présents à notre assemblée annuelle et, pour une bonne partie, ils ont endossé cette position. Hier, le gouvernement du Québec a fait une consultation similaire. Vous savez que l'Assemblée nationale a voté une résolution unanime qui va dans le même sens que celle que je viens de vous lire, unanime, donc tous les partis au Québec...
Le sénateur Riel: Vous en avez une copie?
M. Rivard: Je n'ai pas de copie de la motion, mais on pourra vous la faire parvenir, celle qui a été adoptée à l'Assemblée nationale.
Le sénateur Riel: J'aimerais que vous la fassiez parvenir au greffier.
M. Rivard: Donc, c'est dans cet esprit qu'on croit qu'on est capable, de façon intelligente, de trouver une façon de contrôler le risque raisonnable.
Le sénateur Riel: Alors, je vois, dans un document qu'on a ici, qu'il y a les Producteurs laitiers du Canada; c'est vous?
M. Rivard: Leur porte-parole.
Le sénateur Riel: Et le Conseil national de l'industrie laitière, c'est vous aussi?
M. Rivard: Non. Le Conseil national de l'industrie laitière, c'est l'organisation qui représente les transformateurs laitiers de tout le Canada, donc les coopératives laitières, tant du Québec, de la Colombie-Britannique, et les industriels privés, style Saputo, Ault Food, Béatrice et les autres. Notre système laitier fonctionne de cette façon. Il y a des organisations accréditées pour défendre les intérêts. Un exemple: au Québec, nous gérons les quotas, la promotion de la qualité, la Fédération des producteurs de lait, mais au niveau canadien, un peu comme le Canada est constitué, on a une fédération des producteurs à travers les régions du Canada et on s'occupe de la promotion, du marketing, et de l'élaboration des politiques. C'est le travail que le Bureau national fait, regarder les réglementations, faire de la représentation, s'assurer que l'intérêt des producteurs laitiers est bien défendu. Et c'est la même chose au niveau du Conseil national, l'autre organisation que vous avez mentionnée.
Le sénateur Riel: La Fédération québécoise des producteurs de lait, c'est un organisme dans le même genre que le vôtre ou allié au vôtre?
M. Rivard: J'ai deux chapeaux. Je suis président des Producteurs laitiers du Québec depuis maintenant huit ans et je suis, depuis l'an dernier, président des Producteurs laitiers du Canada.
Le sénateur Riel: De quelle région venez-vous?
M. Rivard: De la vallée de la Matapédia, de Causapscal, précisément.
Le sénateur Riel: La patrie de Bona.
M. Rivard: Oui, Bona Arsenault.
Le sénateur Prud'homme: Malgré les obstacles, vous allez réussir.
Le sénateur Riel: Maintenant, écoutez, les petits producteurs se trouvaient invités à votre assemblée de la semaine dernière. Vous ne faites pas de différence, ils sont inscrits dans vos listes comme appartenant aux Producteurs laitiers du Canada, ils ne sont pas invités comme producteurs de fromages?
M. Rivard: Voici, à deux niveaux, au Québec, on a une organisation qui est permise, qui s'appelle un plan conjoint des producteurs. Tous les producteurs, pour produire un hectolitre de lait au Québec, doivent détenir un quota de production. C'est la même chose dans les autres provinces. Mais au Québec, c'est géré par la Fédération des producteurs de lait et nous négocions aussi les conditions de qualité, les conditions d'approvisionnement avec les transformateurs, les prix, bien sûr, et nous faisons de la promotion. Donc, au Québec, ces producteurs sont regroupés et plus spécifiquement, vous comprendrez que si, dans l'opinion publique, cela a suscité beaucoup de questions, ce fut le cas chez nous aussi.
Donc, on avait une position unanime au niveau canadien, vieille de 1990. On disait oui à la pasteurisation pour tout le lait, avec les éléments que nous avions à ce moment. Je vais expliquer pourquoi nouis devons moduler et pourquoi nous sommes en train de réévaluer notre position. En 1990, il n'y avait à peu près pas d'industrie, si ma mémoire est bonne. Il y en avait une toute petite. À ce moment, lorsque la nouvelle réglementation a été mise en place, il était en production. La Régie des marchés agricoles au Québec, et cela doit être la même chose dans les autres provinces, émet des permis de transformateurs. Depuis ce temps, comme je vous ai mentionné tout à l'heure, elle en a émis 17, dont dix pour du lait thermisé, qui est permis par la loi. Cela n'empêchait pas ce type de fabrication. Il y en a eu sept pour du lait non pasteurisé, pour faire du fromage non pasteurisé, à partir de lait cru, comme on dit.
Ces gens ont développé une expertise, certains créneaux de marché, même s'ils ne sont pas importants. À la rigueur, dans mon esprit, ils peuvent prendre la place de certains produits importés. Il y a quelque temps, je comparaissais devant M. Ouellet, le ministre des Affaires extérieures, lorsqu'il était ministre. Il me posait une question, et je pense que c'est intéressant. Il a dit: «M. Rivard, est-ce que cela crée des emplois les importations de fromage?» On discutait de la question des importations de fromage. Je lui ai répondu: «il y a dix ans, je vous aurais dit que non mais maintenant, avec mon expérience, je vous dis que oui». Comment balise-t-on cela? Je lui mentionnais qu'au Canada, on n'avait pas d'habitude de consommation de bleu, de camembert et ainsi de suite, ces produits importés ont créé un besoin, des goûts, développé les goûts des consommateurs. Lorsqu'il y a eu une masse critique intéressante, des transformateurs québécois et canadiens ont pris la relève et donc, cela a créé des emplois au Canada. C'est l'évolution, et je pense que c'est réel.
Le sénateur Bacon: La globalisation.
M. Rivard: C'est exact. Donc, vous voyez, par le prix qui se paie pour les fromages de spécialité, qu'il y a des consommateurs qui sont prêts à payer ces prix. On doit donc trouver le moyen, au lieu de les bannir, de baliser le risque raisonnable et de s'assurer qu'ils sont faits à partir de produits laitiers québécois et canadiens.
Moi, c'est ainsi je le perçois et je suis convaincu que, si on y met de la bonne volonté, si on ne reperd pas le contrôle médiatique encore une fois, si on fait un débat rationnel, sans extrêmes, nous sommes capables de trouver quelque chose qui, entre les deux, sécurisera nos consommateurs et nos transformateurs, ceux qui sont déjà en place continueront de faire des affaires et, éventuellement, ils pourront remplacer les importations.
Le sénateur Riel: J'ai vu dans le journal, hier ou avant-hier, que la Société de l'agriculture du Québec, la société provinciale du gouvernement, avait investi dans une production de fromage à base de lait cru, avait investi quelques centaines de milliers de dollars, 300 000 dollars, je crois. Alors ils doivent être au courant de la procédure. Est-ce qu'ils vont continuer à fabriquer à partir de lait cru? Quelle est leur situation? C'est la société qui est subventionnée, qui s'appelle, dont vous m'avez mentionné le nom...
M. Rivard: SOQIA. Pour votre information, je siège au conseil d'administration de SOQIA depuis maintenant deux ans. Donc, j'ai eu la même question des actionnaires de SOQIA, qu'est-ce qu'on fait? On avait étudié le financement de cette fromagerie d'ancêtre. On avait étudié, depuis l'an dernier, la possibilité de la financer, d'y adhérer comme partenaire.
SOQIA, pour votre information, finance dans du capital de risque, des petites et moyennes entreprises, mais dans l'agroalimentaire, elle est un peu comme l'Hydro-Québec.
Le sénateur Bacon: La SOQIP.
M. Rivard: C'est exact, ou SOQUIP dans l'énergie. Lorsque les actionnaires ou les membres du conseil d'administration étudiaient cela, on s'est posé la question. Moi, j'ai dit: «C'est un projet de loi mais, tant qu'il n'est pas en application, il peut être modifié.»
Je pense, encore une fois, que nous sommes en mesure de trouver une façon de faire, de garder cette expertise ici parce qu'il y a quand même, en Europe, certains créneaux de marchés intéressants. Comme je viens de le mentionner, on a accepté d'investir et l'inauguration a eu lieu la semaine dernière dans la région de Drummondville pour cette fromagerie.
Je vais vous faire part de deux différentes attitudes en utilisant l'exemple du lait biologique québécois, il y a quelques années. Ce lait est produit avec des aliments; par exemple, les agriculteurs s'engagent, par certification, à ne pas utilser d'engrais chimiques, d'insecticides ou d'herbicides. Certains consommateurs sont prêts à payer davantage pour ce type de produit, notamment dans les magasins d'aliments naturels.
Donc, au Québec, il y a plusieurs années, au lieu de dire non à cette façon de faire et qu'il s'y développe un marché noir, notre organisation, la Fédération des producteurs de lait du Québec, a dit: «À ce moment-là, on va trouver un mécanisme, à travers notre réseau, pour rencontrer et fournir un besoin des consommateurs. Donc, il y a des camions qui vont récolter ce lait séparément. Il y a des coûts supérieurs qui sont assumés par ces types de consommateurs. Mais, au lieu de dire non, on n'a pas fermé la porte, on a trouvé le moyen d'accompagner ces besoins du consommateur.
On fait la même chose avec le lait casher pour les Juifs; il est récolté séparément, transformé séparément selon les règles juives. Donc, au lieu que cela soit importé d'ailleurs, ce sont maintenant des produits qui sont fabriqués ici. Donc, notre raisonnement, avec le lait cru, a été le même. Dès 1991, dès qu'il fut permis avec l'entreposage, on s'est assurés, à travers le réseau, de fournir ces marchés-là. De là l'importance de trouver une façon et, encore une fois, l'argumentation, le texte que je vous ai fourni, m'a amené à m'interroger beaucoup au niveau Santé et Bien-être, qui fait probablement un bon travail pour analyser le risque, mais n'a pas su le communiquer, avec tout le respect que je dois à ces gens-là. Écoutez, quand l'Assemblée nationale du Québec (il y a un ministère de la Santé, quand même) vote, on peut dire que c'est une question politique, vous connaissez ce que je veux dire, mais, quand, incluant monsieur Johnson, l'Assemblée nationale vote unanimement, on dit, c'est une spécificité québécoise, si on veut garder ça, il faut trouver le moyen de le faire. Je pense qu'on est capable, au Canada, de le faire.
Le sénateur Riel: Alors, la résolution, c'est de recommander de trouver une solution.
M. Rivard: Oui.
Le sénateur Riel: La même chose que votre résolution.
M. Rivard: Elle va dans le même sens, une option, mais nous disons de ne pas fermer ces entreprises. Le gouvernement du Québec a entrepris une consultation hier. Je n'étais pas présent, mais nous sommes intervenus dans le même sens, celui de la position québécoise que je vous ai mentionnée plus tôt. La semaine prochaine, les représentants des différentes provinces... parce que ce qu'on cherche à régler, avec les ministères responsables, ce sont les responsabilités.
C'est ce que nous tenterons de faire la semaine prochaine. Des gens d'Agriculture et de Santé et Bien-être Canada interviendront, nous sommes allés chercher des compétences externes, des chercheurs qui tenteront de nous éclairer sur le degré de risque. Il y aura des transformateurs, des producteurs de différentes provinces, et nous espérons, avec les différents intervenants canadiens, être en mesure de trouver la bonne recette.
Le sénateur Riel: C'est bien. Alors, si j'ai bien compris, vous dites que c'est un problème de communication de la part de Santé Canada?
M. Rivard: Écoutez, si c'est vrai qu'il y a un risque et qu'on n'a pas réussi à faire comprendre cela à l'Assemblée nationale, avec tout le respect qu'on lui doit, d'une façon unanime, même des gens du Parti libéral, et je ne fais pas de critique, lorsqu'on a parlé du fromage parmesan, c'était élémentaire. Donc, il y a un travail qui n'a pas été bien fait selon moi.
Si on avait seulement rendu public, sans nommer de noms... Si on avait dit que les fromages importés avaient été détruits ou renvoyés dans leur pays d'origine en raison de leur teneur en lait cru... Si on les avait laissés entrer au Canada, en se disant qu'on n'avait pas eu de problème depuis 1960, nous aurions pu avoir une épidémie, peut-être des morts, même s'il n'y aurait pas eu de débat médiatique. Il faut éviter cela. On ne peut pas vivre une crise comme celle qui s'est déroulée en Angleterre avec la vache folle. D'est un bel exemple. Si vous détruisez l'industrie laitière au Canada, c'est 112 000 emplois que vous détruisez.
Le sénateur Riel: Quand vous avez été consultés par Santé Canada, est-ce qu'ils avaient, à ce moment-là, soumis des rapports des experts sur les dangers ou si le comité d'experts que l'on consulte maintenant n'avait pas été consulté à ce moment-là?
M. Rivard: Il y a certains avis qui ont été fournis par Santé et Bien-être mais ceux... Un exemple, celui des importations: on n'a obtenu ces chiffres qu'après que le feu eût été bien pris dans l'opinion publique. C'est là où je dis qu'il y a un travail médiatique qui n'a pas été bien fait. Et sous le couvert de la confidentialité, mais sans citer des noms au Canada, lorsqu'il y a un risque, surtout important, et c'est le projet de loi qui est présenté ainsi, on aurait dû, au minimum, informer les consommateurs qu'il y avait tel pourcentage des produits qui étaient contaminés. Moi, cela m'aurait interpellé. Par exemple, on aurait pu, peut-être, déceler combien de femmes avaient avorté au Canada avec la lystérie. C'est un autre exemple. Cela laisse des séquelles. Je connais des enfants qui sont infirmes ou qui ont dû être opérés parce que certains troubles sont liés à cette maladie. Des femmes enceintes avaient consommé certains de ces produits. Cela n'a pas été rendu public. En tout cas, je ne cherche pas de coupable.
Maintenant, le mal est fait, donc comment rétablit-on la réalité, comment trouve-t-on la meilleure solution à ce problème?
Le sénateur Riel: Merci.
Le sénateur Prud'homme: Je vous cède ma place, sénateur Landry.
Le sénateur Landry: J'ai presque oublié ce que je voulais dire. Vous dites que vous êtes un producteur vous-même?
M. Rivard: Oui.
Le sénateur Landry: Est-ce que vous pasteurisez?
M. Rivard: Tout mon lait va à une usine qui s'appelle Natrel, à Amqui, qui est un embouteilleur, et tout mon lait est pasteurisé. Tout le lait... Comme on l'a mentionné, il y a 0,2 p. 100 du lait qui est non pasteurisé pour ce type de produit. Je ne sais pas si vous avez bien saisi. Une ferme moyenne produit, au Québec, 280 000 litres. Ce type de lait qui est requis pour ce type d'industrie... mes sept entreprises, ce n'est pas une ferme, c'est 60 000 litres. Comme tapage médiatique, chapeau, cela a été très bon, on nous a dit qu'on avait vendu des deux types de fromage, donc on n'a pas acheté de temps d'antenne, mais cela n'a pas répondu à l'objectif qu'on souhaitait.
Le sénateur Rivard: Qui nomme les importateurs qui désirent travailler au Canada?
M. Rivard: C'est généralement les mêmes qui sont là, la règle du 60 jours est là. Et eux, bien sûr, voient, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la fermeture d'une industrie intéressante, si jamais ce projet de loi était présenté ou accepté tel quel, sans modifications. Mais je suis quand même d'avis que, même si on est capable de trouver certaines normes pour s'assurer de garder cette production au Canada, je pense que, avec ce que vous avez dans ce papier, des gens qui falsifient, et c'est validé par des gens de Santé et Bien-être ou d'Agriculture Canada. Des gens falsifient des dates, des dossiers. Je pense qu'il faudra, puisque cette question-là a soulevé tant d'intérêt, que les deux niveaux de ministères mettent les énergies nécessaires pour assurer la santé. Si on a les règles, puis qu'on nous dit carrément qu'on ne les fait pas appliquer présentement, on a un problème.
Le sénateur Landry: Moi, je crois qu'on a besoin d'un système d'inspection, parce que ce n'est pas absolument nécessaire que le produit soit pasteurisé, parce que, s'il est assez propre, il ne doit pas y avoir de bactéries. S'il y a un système d'inspection, il n'y aura pas de bactéries. Peut-être vont-ils trouver quel transformateur est assez propre pour qu'il n'y ait pas de bactéries. Je vois cela très semblable à l'industrie du poisson, et c'est très semblable. Pour rentrer aux États-Unis, la tolérance à la lystérie, c'est zéro. Nous avons empaqueté pour une valeur de 50 millions l'année dernière pour les États-Unis, et nous ne pasteurisons pas. Cela revient au même, si le produit est assez propre, il n'y aura pas de bactéries.
M. Rivard: Vous avez raison, il ne faut pas qu'il y en ait dans le produit à l'origine. Sauf que, la seule façon de le détecter dans le lait, ce n'est pas uniquement une question de propreté, je peux vous assurer. La salmonelle, par exemple, se trouve dans le sang. Donc, la vache va la transmettre.
Le sénateur Landry: Un des pires porteurs de lystérie, ce sont les brebis. Autour d'une ferme, c'est très dangereux.
M. Rivard: Je vais vous donner un exemple: nos normes au Canada sont les meilleures en Amérique du Nord. J'en suis convaincu. Nous avons les normes les plus élevées, les standards les plus élevés. Par exemple, je n'ai pas le droit d'avoir de porcs dans mon étable, de poules, de moutons, ce sont des vaches à lait et toutes nos exploitations sont assez sévères à ce niveau. Tout à l'heure, vous mentionniez l'inspection; le système d'inspection est bon, mais, selon moi, il manque de ressources présentement à Agriculture Canada ou dans les divisions responsables de faire cette inspection. Et, à ce moment-là, je pense que c'est important qu'on y voie.
Le sénateur Landry: Aux États-Unis, quand a commencé le trouble de lystérie, il y a eu un gros dîner. Il y avait de la laitue qui avait apporté lystérie et beaucoup de gens sont tombés malades.
Le sénateur Prud'homme: Ce qui fait la beauté du Sénat, comme vous voyez, c'est la tranquillité de nos commissions parlementaires où il y a moins de démagogie qu'à la Chambre des communes. C'est plus calme. On peut prendre notre temps. Vous suggéreriez donc, je vais vous poser trois petites questions, que nous prenions notre temps pour calmer cette hystérie d'un côté ou de l'autre. Ce n'est pas nécessaire que le règlement soit publié immédiatement et entre en vigueur avant que nous poursuivons plus avant nos consultations. Est-ce que c'est dans ce sens-là que vous intervenez?
M. Rivard: Effectivement, le premier point que vous venez de faire va exactement dans le sens de ce qu'on a demandé au ministre de la Santé.
Le sénateur Prud'homme: Deuxièmement, vous avez cité toutes sortes de bonnes statistiques et c'est, à mon avis, très important comme document de base. Auriez-vous l'amabilité de le laisser au comité, ou de nous donner l'original et nous pourrons consulter les statistiques de l'importation, le rejet. Troisièmement, lors de cette fameuse grande exhibition, parce que, en fait, on peut l'appeler ainsi, de fromage cru, qui a été organisée au Parlement, vous en avez sans doute entendu parler, est-ce que vous aviez des représentants? Si oui, quelle était votre connaissance et, si non, à votre meilleure connaissance, y avait-il beaucoup de fromages importés de lait cru à cette exhibition ou y avait-il surtout des fromages de lait cru fabriqués au Canada?
M. Rivard: Je n'ai pas eu l'occasion d'y assister. Cela a eu lieu la journée de mon assemblée annuelle, donc vous comprendrez que j'étais occupé à autre chose. Nous n'avions pas de représentants. Mais, d'après ce qu'on a vu à la télévision, et c'est sous toute réserve, selon moi, il y avait des importations parce que, entre autres, il y avait un fromage à påte molle. Ce que je trouve malheureux, et c'est que je ne fais pas de reproches au ministre, c'est un grand garçon, s'il y avait un fromage à påte molle, il ne peut techniquement pas passer la période des 60 jours. C'est quasiment une risée, jusqu'à un certain point, qu'on apporte cela, ici à Ottawa et qu'on fasse cela devant les caméras.
Qu'on fasse la démarche qui a été faite, et je ne fais pas de politique quand je vous dis cela, de démontrer qu'on peut consommer de façon sécuritaire des produits faits à partir de lait cru qui respectent les normes actuelles au Canada. Cela fait de nombreuses années qu'on fonctionne ainsi, et il n'y a pas eu d'intoxication au Canada. Mais il faut s'assurer que l'ensemble des normes sont respectées. Pour les autres documents que vous avez mentionnés, on pourra vous les fournir.
Le sénateur Prud'homme: Y a-t-il des exportations canadiennes de fromage au lait cru?
M. Rivard: Je ne pense pas. En tout cas, on va le vérifier, puis on pourra vous donner le détail, mais, selon moi, c'est très minime, s'il y en a. Mais je ne croirais pas.
[Traduction]
Le vice-président: Cette question est très intéressante, étant donné que les quotas seront remplacés par des tarifs et qu'il sera peut-être possible d'exporter ces produits. J'y reviendrai une autre fois.
Malheureusement, les fonctionnaires de Santé Canada ne pouvaient pas comparaître devant nous aujourd'hui. Ils pourront nous rencontrer la semaine prochaine. Acceptez-vous, en l'absence du président, que le comité se réunisse la semaine prochaine pour entendre les représentants de Santé Canada?
Des voix: Oui.
Le vice-président: Je tiens à remercier notre invité. Votre témoignage a été fort utile.
La séance est levée.