Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'agriculture et des forêts
Fascicule 6 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 6 juin 1996
Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 9 heures, conformément à son ordre de référence, pour poursuivre son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir de l'agriculture au Canada, ainsi que son examen des questions relatives à la production du fromage de lait cru.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, permettez-moi de souhaiter la bienvenue à nos hôtes de Santé Canada. Je m'excuse de n'avoir pas pu les convoquer plus tôt, comme ils l'avaient demandé. Nous accueillons aujourd'hui M. George Paterson et M. Joost Harwig, de Santé Canada.
À vous la parole!
M. George Paterson, directeur général, Direction des aliments, Santé Canada: Monsieur le président, nous sommes ici aujourd'hui pour discuter du projet de modification au Règlement, qui a été publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 30 mars dernier. Les modifications que nous proposons visent à réduire à un niveau raisonnable, à l'aide des meilleures techniques de fabrication possibles, le risque que présente pour la santé des Canadiens la présence dans le fromage de bactéries ou d'autres agents pathogènes.
À l'heure actuelle, tous les produits laitiers vendus au Canada doivent être faits de lait pasteurisé, à l'exception du fromage qui doit être gardé en entreposage durant une période d'au moins 60 jours. En gros, les seules variétés de fromage à base de lait cru permises en vertu de dispositions actuelles sont les fromages affinés à pâte dure. Les fromages à pâte molle ont une période de maturation bien inférieure à 60 jours et une durée maximale de conservation à l'étalage d'environ cinq semaines.
La présente proposition publiée dans la Partie I de la Gazette du Canada ajouterait deux exigences à la réglementation actuelle. Premièrement, les fromages à pâte dure ne seraient plus fabriqués à partir de lait cru, mais bien à partir de lait traité à la chaleur ou soumis à la thermisation. Étant donné que dans le procédé de thermisation, la chaleur utilisée est de relativement faible intensité, cette technique est moins efficace pour l'élimination des bactéries que la pasteurisation. La thermisation réduirait tout de même d'environ deux décimales le nombre de bactéries pathogènes présentes dans le lait cru, soit de 99 p. 100.
Deuxièmement, le fromage serait obligatoirement entreposé durant au moins 60 jours et devrait contenir un taux prescrit d'acidité et un faible degré d'humidité, ces dernières conditions favorisant l'élimination d'une partie des bactéries ayant survécu à la thermisation.
Je présume que si on a rédigé ce projet de modification, c'est qu'on a constaté que les consommateurs d'aliments crus d'origine animale, y compris de lait cru, continuent d'être exposés à de nombreux organismes pathogènes, dont diverses variétés de salmonelles, de listeria monocytogènes, de E. coli, y compris de E. coli 0157, qu'on appelle aussi ECPV.
Je sais que beaucoup de ces notions sont techniques, mais nous allons probablement y revenir plus tard.
Une autre raison qui nous a incités à présenter cette proposition était la possibilité que ces organismes survivent au procédé de fabrication du fromage de lait cru et continuent de se développer au point de contaminer certains fromages ayant un faible taux d'acidité et un niveau élevé d'humidité. Selon diverses études effectuées en Ontario, la prévalence de ces organismes dans le lait serait de l à 3 p. 100.
Le taux de prévalence d'E. coli 0157 chez les troupeaux de vaches laitières au Canada est de 10 à 50 p. 100. On a observé au Canada des cas de salmonellose et d'infections à ECPV chez des personnes ayant consommé du lait cru. La présence de ces organismes dans le fromage de lait cru a causé des maladies et des décès un peu partout dans le monde.
En ce qui concerne la conformité aux exigences réglementaires dans le cas des fromages de lait cru importés, je vous signale que les statistiques canadiennes sur la morbidité, bien qu'elles ne fassent état que d'un nombre limité de cas déclarés de maladies, indiquent que la consommation de fromage de lait cru présente un risque relativement plus élevé pour la santé que la consommation de fromage à base de lait pasteurisé.
J'aimerais maintenant vous donner un aperçu des résultats des séances de consultation que nous avons tenues préalablement à la publication de ce projet de modification. Nous avons organisé des rencontres dans toutes les régions du Canada pour savoir ce que pensaient de la proposition les divers groupes intéressés. Ces rencontres nous ont permis de recueillir tout un éventail d'opinions.
Certains ont suggéré que les fromages portent une étiquette indiquant s'ils ont été fabriqués à partir de lait pasteurisé, de lait soumis à la thermisation ou à la chaleur ou de lait cru.
Quant à la proposition d'exiger un étiquetage avertissant le consommateur des risques associés à la consommation de certains fromages, d'aucuns l'appuyaient, d'autres pas.
Pour ce qui est des problèmes que causerait aux producteurs de fromage l'obligation de respecter les normes définies dans la proposition en ce qui a trait au taux d'acidité élevé et au faible degré d'humidité permis, on estime que ces normes devraient s'appliquer dans le cas des fromages à pâte molle, mais non dans celui des fromages vieillis à pâte dure. Des observations ont été formulées sur divers aspects de cette question: la nécessité de définir un certain nombre de procédés de traitement thermique équivalents à celui proposé; l'obligation de vérifier par des analyses, en plus de consigner ce renseignement dans un registre, si tel ou tel fromage a été fabriqué à partir de lait ayant subi un traitement thermique; la nécessité d'autoriser d'autres techniques que la pasteurisation et le traitement thermique; les perturbations créées au niveau des importations de fromage de lait cru si la proposition était appliquée; les lourdes pertes financières qui résulteraient de l'éventuelle obligation de détruire les stocks de fromage fabriqué à partir de lait cru encore au stade de maturation; la perte de saveur des fromages à pâte dure découlant de la pasteurisation ou du traitement thermique du lait; la contingence du traitement thermique ou de la pasteurisation si les règles d'hygiène sont scrupuleusement suivies à la ferme tout au long du processus de production du lait; les dépenses liées à l'achat, à l'installation et au fonctionnement des pasteurisateurs.
Les fabricants de fromages à pâte molle, en particulier, étant généralement de petits entrepreneurs, certaines de ces exigences pourraient représenter pour eux un fardeau singulièrement lourd.
Je vous ai fait part des motifs scientifiques qui nous ont amenés à proposer cette modification dans la Partie I. Je tiens à vous rappeler que ce qui est publié dans la Partie I de la Gazette du Canada vise à alimenter la discussion et à susciter des commentaires. Une telle publication ne signifie nullement dire qu'une réglementation a été adoptée. Dans ce cas-ci, la période de commentaires prend fin la semaine prochaine, le 13 juin. Santé Canada compilera ensuite les opinions recueillies lors des séances de consultation ainsi que celles exprimées dans les mémoires que lui auront fait parvenir les Canadiens, l'industrie fromagère, les organisations non gouvernementales, les gouvernements provinciaux et les gouvernements étrangers, puis il les analysera et les fera réviser. Nous les soumettrons alors à un comité consultatif d'experts scientifiques que nous avons mandaté pour conseiller le ministère et lui faire des recommandations. Ce comité s'est déjà réuni une fois pour examiner son mandat et décider de son mode de fonctionnement. Il se réunira de nouveau les 8 et 9 juillet prochain, après quoi il devra présenter son rapport au ministère en dedans de trois ou quatre semaines. Le ministre l'examinera, prendra l'avis de ses conseillers, puis rendra sa décision.
Le président: Le fromage est un produit agricole qui se bonifie en vieillissant, n'est-ce pas? Le temps est un facteur important dans la production du fromage.
M. Paterson: Vous avez raison, mais dans le cas de certains aliments, il y a des risques associés au vieillissement. Selon qu'il s'agit de fromage à pâte dure ou de fromage à pâte molle, le temps accroît ou réduit ces risques.
M. Joost Harwig, directeur, Bureau des dangers microbiens: Le docteur Paterson ne pouvait pas mieux dire. Dans le cas des fromages vieillis à pâte dure, c'est à ces taux d'acidité et d'humidité que ces micro-organismes ont tendance à mourir. En réalité, non seulement le produit y gagne en saveur pour l'amateur de fromage vieilli à pâte dure, mais il s'en trouve également moins risqué pour la santé.
Quant aux fromages à pâte molle cependant - je songe au camembert et au brie -, ils ont un taux élevé d'humidité et un faible taux d'acidité, conditions qui ne sont pas du tout hostiles ou inhospitalières pour les micro-organismes présents dans le fromage. Non seulement peuvent-ils y survivre, mais ils peuvent s'y développer au point de devenir pathogènes.
Si vous gardez ces fromages trop longtemps en entreposage à une température normale de réfrigération, au moins un des organismes qui nous inquiètent - la listeria monocytogène - risque de s'adapter au milieu et de s'y développer. La réponse à votre question est donc oui et non.
Le président: Ma question s'inspire d'une expérience que j'ai vécue dans mon enfance au magasin général du village où j'habitais. Il y avait toujours une grosse meule de fromage en étalage. On aurait dit que le propriétaire aimait mieux enlever le moins possible de moisissure au bord de son morceau. Ensuite, il s'en régalait. Il est intéressant d'apprendre que l'affinage constitue une étape importante dans le processus de fabrication.
Quel pourcentage de lait cru le fromage contient-il?
M. Harwig: Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question. Quel pourcentage de fromage de lait cru est produit au Canada?
Le président: Oui.
M. Harwig: Au Canada, la très grande majorité des producteurs de fromages à pâte dure utilisent déjà le procédé de traitement thermique que nous proposons. D'après le Conseil national de l'industrie laitière du Canada, ce serait le cas d'environ 95 p. 100 d'entre eux.
Quant aux fromages à pâte molle, il ne s'en fabrique pas depuis très longtemps au Canada. En fait, ce n'est que depuis 1995 que nous sommes devenus conscients de cette réalité à l'occasion de nos consultations et des réactions qui nous sont parvenus au cours de la période de commentaires. Il s'agirait d'environ 0,2 p. 100 du fromage fabriqué au Canada.
Le président: C'est donc un très faible pourcentage, n'est-ce pas?
M. Harwig: Exactement. À l'heure actuelle, nous n'avons que légèrement entrouvert la porte à la fabrication de fromage à pâte molle à base de lait cru. Toutefois, si nous l'ouvrons davantage, ce pourcentage pourrait augmenter, mais nous ne savons pas jusqu'à quel point, car nous ignorons dans quelle mesure les agriculteurs et les fromagers feront preuve de dynamisme, et si le marché ne croîtra qu'au Québec ou s'il s'étendra aux autres régions du Canada.
Le sénateur Riel: Vous avez décidé de modifier le règlement qui avait été adopté, sauf erreur, en 1991. Est-il survenu quelque incident ou menace à la santé pour que vous décidiez de proposer cette modification à ce moment-ci? Le projet de modification a été publié dans la Gazette du Canada le 30 mars. Pourquoi?
M. Harwig: Il y a eu au Canada trois incidents d'intoxication alimentaire à salmonelle associés à la consommation de fromage vieilli de lait cru. Les deux premiers cas n'étaient pas très graves, car ils ne touchaient que trois ou quatre personnes et il s'agissait de fromage de lait cru fabriqué dans le sud-ouest de l'Ontario.
Cela ne veut pas dire que seulement trois personnes ont été malades. Nous avons des preuves que trois personnes l'ont été, mais nos systèmes de surveillance et de déclaration laissent beaucoup à désirer. Quand nous découvrons trois cas qui semblent avoir des liens entre eux, nous pouvons probablement en déduire sans trop risquer de nous tromper qu'il y en a eu 300 ou même 1 000 autres.
Dans cet incident particulier, il nous est apparu évident que, contrairement aux normes du présent règlement qui nous semblaient appropriées, la salmonelle a pu survivre plus de 60 jours. En fait, après analyse, nous avons constaté que certaines salmonelles avaient survécu jusqu'à 125 jours.
Un deuxième incident est survenu dans une usine de l'Île-du-Prince-Édouard en 1984 ou 1985, alors que, par une erreur humaine, un fromage cheddar qui était censé avoir été produit à partir de lait pasteurisé a été contaminé du fait que le lait pasteurisé avait été ultérieurement en contact avec du lait cru. La cuve de pasteurisation avait en réalité été contaminée par de très faibles niveaux de salmonelles présentes dans le lait cru.
Le fromage ainsi obtenu avait des taux d'acidité et d'humidité tout à fait comparables à ceux d'un cheddar normal. Ce fromage a été distribué dans tout le Canada et des malaises ont été observés chez au moins 1 500 personnes. Nous avons raison de présumer qu'un bien plus grand nombre de personnes ont été touchées sans que leur cas ne soit déclaré. Encore là, nous avons immédiatement été en mesure de constater avec certitude que la salmonelle pouvait survivre, même dans cette variété de fromage à pâte dure, pendant aussi longtemps que huit mois. Ce fait nous a amenés à douter de la validité de notre règlement actuel qui prescrit une période d'entreposage de 60 jours.
Voilà deux raisons qui nous ont amenés à revoir cette réglementation et à en proposer la modification. Même s'il se consomme très peu de lait cru au Canada, nous avons vu des Canadiens atteints de salmonellose et d'infections à vérotoxines E. coli, deux agents pathogènes qu'on trouve dans le lait cru. La consommation de lait cru représente environ 1 p. 100 de toute la consommation de lait liquide. Si de tels organismes s'infiltraient dans le fromage de lait cru, ils survivraient à coup sûr.
Le sénateur Riel: Vous avez tenu des consultations avec les producteurs de lait du Québec, bien sûr, et également du Canada. Nous avons entendu le témoignage de M. Rivard le 9 mai. Il nous a parlé d'inspection et d'étiquetage du fromage. Serait-il possible, grâce à ce procédé, d'indiquer sur l'emballage l'âge du lait entrant dans la fabrication du produit ou de mentionner si le fromage a été fait à partir de lait cru, afin que les producteurs n'aient pas à assumer cette responsabilité?
M. Paterson: Ce pourrait être une des nombreuses solutions que nous pourrions envisager. À Santé Canada, nous ne sommes pas convaincus que cette mesure serait suffisante. Nous savons quelle est la position de M. Rivard. Nous attendons la réaction officielle du bureau de la Fédération canadienne des producteurs de lait.
C'est un des éléments de la suggestion à trois volets que la fédération a l'intention de nous présenter à la place de ce que nous proposons. Certes, l'étiquetage a été mentionné par certains, notamment par les producteurs laitiers. C'est une option que nous sommes disposés à examiner. Elle met en lumière tout l'aspect de la responsabilité que doit assumer le consommateur, lui aussi. S'il est mentionné sur l'emballage qu'il s'agit de fromage de lait cru, on saura que sa consommation peut être plus risquée que celle des fromages soumis à la pasteurisation. Nous en sommes conscients et nous examinons la question. Je pense que nous devrions probablement opter pour une solution à volets multiples plutôt que pour une solution à volet unique.
M. Harwig: Si vous me permettez d'ajouter un mot, il y a deux types d'étiquettes possibles. L'une est neutre et mentionne tout simplement que le fromage a été fabriqué à partir de lait cru, de lait pasteurisé ou de lait ayant subi un traitement thermique. Ce serait l'option neutre, mais une telle étiquette ne renseignerait peut-être pas clairement le consommateur.
Le deuxième type d'étiquette pourrait comporter une mise en garde pour les consommateurs soucieux de connaître ce détail. Ce genre d'étiquette renseignerait probablement mieux le consommateur.
Toutefois, les opinions sont partagées chez ceux qui s'intéressent à cette question. Je suis porté à croire que la plupart d'entre eux seraient très heureux d'avoir à fournir une étiquette neutre plutôt qu'une étiquette comportant un avertissement.
En outre, du point de vue juridique, je ne pense pas que le gouvernement pourrait forcer un fabricant à apposer une étiquette comportant une mise en garde. Dans le cas des cigarettes, par exemple, c'est Santé Canada qui émet l'avertissement, et non pas le fabricant de cigarettes.
Le sénateur Riel: Vous forcez les fabricants à imprimer une mise en garde sur l'emballage.
M. Harwig: Exactement.
Le sénateur Riel: Vous pourriez donc faire de même pour n'importe quel type d'aliment.
M. Paterson: Nous pourrions le faire. Comme le docteur Harwig l'a mentionné, on nous a indiqué très clairement qu'une telle exigence ne serait pas bien accueillie par les fabricants et les vendeurs de ces produits. Je suis sûr qu'ils nous pointeraient d'autres secteurs où la politique gouvernementale semble comporter des incohérences. On nous parlerait de l'absence de mise en garde sur les étiquettes des boissons alcooliques, option que n'envisageons pas pour le moment. À ma connaissance, aucun produit alimentaire n'est actuellement visé par une telle exigence. Est-ce bien le cas?
M. Harwig: Jusqu'à maintenant, ce principe d'étiquetage n'a pas été appliqué aux aliments. En fait, les règles d'hygiène établies à l'échelle internationale dans le secteur de l'alimentation attribuent carrément aux fabricants la responsabilité d'assurer la salubrité des aliments offerts sur le marché.
Si nous devions commencer à appliquer ce principe au lait cru et au fromage à pâte molle, il nous faudrait songer à le faire aussi pour d'autres produits, présentant peut-être un risque similaire, comme les viandes crues fermentées, c'est-à-dire les diverses variétés de saucissons de salami, de bratwurst, et cetera. Allez donc savoir où cela nous mènerait. Si nous appliquions ce principe, on nous demanderait probablement de le faire pour d'autres cas.
Le sénateur Riel: M. Rivard prétend qu'il y a une grande différence entre les fromages de lait cru importés et ceux qui sont produits ici. Il a mentionné que 25 p. 100 des fromages importés ne sont pas conformes au règlement de Santé Canada. Est-ce vrai?
M. Harwig: Agriculture Canada nous a fourni des données analytiques à ce sujet et, j'en conviens, cette affirmation nous semble véridique.
Le sénateur Riel: Les aliments que nous importons sont inspectés. Nous avons des inspecteurs, qui travaillent pour votre ministère, je suppose. Est-ce le cas, ou ces inspecteurs sont-ils à l'emploi du ministère de l'Agriculture?
M. Harwig: La responsabilité de l'inspection des aliments incombe maintenant à Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Le sénateur Riel: Êtes-vous satisfait du rapport qu'a produit ce ministère et du travail qui s'y fait en général concernant la santé?
M. Paterson: Quand on vise l'excellence, comme nous le faisons tous, on n'est jamais entièrement satisfait. Dans le contexte de l'évaluation des risques et de l'utilisation rationnelle des ressources, nous sommes satisfaits de la liste des produits qui doivent être inspectés. Nous ne sommes pas satisfaits de la quantité de produits refusés, mais en ce qui concerne le protocole d'inspection, nous sommes raisonnablement satisfaits.
J'aimerais ajouter une chose, cependant. Comme le docteur Harwig l'a mentionné, l'inspection est faite par nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Comme vous le savez, M. Martin a annoncé, dans son énoncé budgétaire de mars dernier, la consolidation de toutes les activités fédérales d'inspection des aliments: celles de Santé Canada, celles d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et celles de Pêches et Océans Canada - il a annoncé la création d'un service unique d'inspection des aliments. Cette mesure a pour but d'harmoniser les services et d'éliminer les chevauchements et le double emploi, mais aussi, nous l'espérons, de jeter les bases d'un futur réseau ou système national d'inspection des aliments, qui coordonnerait toutes les activités d'inspection relevant des provinces et des municipalités. Ce projet est en voie de réalisation.
Ces services sont constamment sujets à réévaluation. Je pense qu'il y a lieu de présumer ou de supposer que dès que l'agence sera bien implantée, tout protocole qui aura besoin d'être modifié ou amélioré sera réexaminé. Si, par exemple, l'inspection des fromages importés se révèle prioritaire, elle sera probablement beaucoup mieux assurée par un service unique d'inspection des aliments que ce n'est le cas dans le moment.
En général, nous sommes raisonnablement satisfaits du travail de nos collègues.
Le sénateur Riel: Que fait-on des 25 p. 100 de fromages importés qui ne sont pas conformes à notre réglementation sur la santé? Est-ce qu'on les détruit?
M. Harwig: Agriculture Canada nous assure que ces produits ne se retrouvent pas sur nos marchés. Ils sont soit détruits, soit retournés à leur expéditeur.
Le sénateur Riel: Le directeur de mon club, à Montréal, m'a demandé si le fromage Stilton, qui est importé de la Grande- Bretagne, était fabriqué ou produit à partir de lait cru. Je suppose que la question lui avait été posée par un de ses clients.
M. Harwig: Le fromage Stilton peut être fabriqué à partir de lait traité ou de lait cru. Étant donné qu'il requiert une période relativement longue d'affinage et aussi qu'il peut être conservé passablement longtemps en étalage, il pourrait être fait à partir de lait cru. Toutefois, je ne saurais vous dire si tel est le cas ou non, car les étiquettes ne donnent pas toujours ce renseignement.
Le sénateur Riel: Je vais suggérer à mon ami de poser la question à son fournisseur. Merci.
Le président: Avant de passer la parole au sénateur Anderson, une question m'est venue à l'esprit en vous entendant parler de la création d'un service unique d'inspection des aliments, de la fusion des services d'inspection d'Agriculture Canada, de Santé Canada, et cetera. Ce service appliquerait-il également les réglementations provinciales?
M. Paterson: Pas pour le moment. Mais, comme je l'ai mentionné, le gouvernement fédéral a clairement indiqué dans son annonce qu'il envisageait de prendre des mesures qui mèneraient à la consolidation de tous les services d'inspection alimentaire.
Il y a déjà une équipe de fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux qui s'affairent à préparer un plan d'action visant l'harmonisation de toutes les législations fédérales, provinciales et municipales ayant trait à l'inspection et à la salubrité des aliments; autrement dit, il y aurait une loi fédérale que les provinces pourraient adopter à titre de loi habilitante. Une autre équipe travaille au niveau opérationnel et s'occupe d'élaborer divers codes nationaux; par exemple, il y aurait un code pour les produits laitiers qui serait vraiment national et qui pourrait être utilisé partout au pays.
Tant au niveau du cadre législatif qu'à celui des codes de bonne pratique, il y a du travail qui se fait. Nous avons bon espoir de parvenir un jour à une plus grande harmonisation et à une meilleure coordination de nos politiques dans l'ensemble du pays. Ainsi, au moins au niveau du gouvernement, nous ferons notre part pour que nos industries soient plus compétitives.
Le président: Je vais vous donner l'exemple d'un cas qui m'a été soumis en tant que parlementaire par un boucher de Cardiff qui voulait vendre des quartiers de boeuf au Manitoba. Il en était empêché pour la simple raison que son bâtiment n'était pas construit selon les normes. Au Manitoba, les bâtiments doivent avoir une structure en béton, être bâtis avec des blocs de ciment, alors qu'en Saskatchewan, ils doivent avoir une structure à revêtement d'acier. Il ne pouvait donc pas satisfaire aux exigences du règlement. Si on ne peut même pas commercer entre la Saskatchewan et le Manitoba, comment pourrait-on le faire dans l'ensemble du Canada? De tels règlements sont très restrictifs. C'est pour cette raison que nous examinons cette question ce matin.
Le sénateur Anderson: Docteur Paterson, j'appuie sans réserve le projet de Santé Canada de modifier la réglementation sur la fabrication du fromage de lait cru non pasteurisé. J'estime que c'est la santé et la sécurité des consommateurs qui sont en jeu. Comme on le mentionne dans la documentation qui nous a été remise, nous avons affaire ici à certains micro-organismes, comme la salmonelle, la brucella, la campylobactérie et la listeria. J'ajouterais à cette liste le bacille de la tuberculose. Je me souviens très bien d'avoir assisté à une réunion il y a quelques années au cours de laquelle le sous-ministre de la Santé de ma province avait signalé que l'incidence de la tuberculose des os chez les humains était directement reliée à la consommation de produits de lait cru.
Je suis entièrement favorable à ce que la réglementation de Santé Canada exige que le fromage soit soumis à un traitement thermique pour le pasteuriser ou pour qu'on oblige les fabricants à respecter les trois exigences que vous énumérez dans votre publication.
Je crois très fermement que lorsque la santé publique des Canadiens est en jeu, on ne devrait prendre aucun risque. Depuis l'avènement du libre-échange, la question de la qualité des aliments en général est devenue beaucoup plus préoccupante, et nous nous devons d'être plus vigilants qu'auparavant en ce qui a trait à la salubrité des aliments offerts sur le marché.
Au juste, quels types de fromage au lait cru sont actuellement fabriqués au Canada? De quelles variétés s'agit-il? Vous avez mentionné le camembert, le brie, le roquefort, le parmesan. Ces fromages sont-ils vraiment fabriqués au Canada?
M. Harwig: Je ne suis pas sûr de la réponse à votre question, mais il est clair que des fromages comme le cheddar - les fromages à pâte dure, autrement dit - sont fabriqués par certains fromagers à partir de lait cru. Mais ils sont généralement gardés en entreposage beaucoup plus longtemps que les deux mois prescrits dans le règlement.
Quant à la production des fromages de lait cru à pâte molle, cette question n'a été portée à notre attention que durant la période de consultation en cours. À l'heure actuelle, au Canada, il est interdit de mettre en vente, avant la fin de la période d'entreposage obligatoire de 60 jours prescrite dans le règlement présentement en vigueur, des fromages à pâte molle fabriqués à partir de lait cru.
Nous ne savons pas trop s'il s'agit d'un élargissement que les producteurs veulent obtenir ou s'il s'agit d'une pratique qui a cours actuellement. Mais ceux qui voudraient que ce procédé soit autorisé sont venus nous dire, au cours de nos séances de consultation, qu'ils aimeraient bien que la période d'entreposage obligatoire de 60 jours soit abolie. C'est logique, car étant donné que ces fromages ont un degré élevé d'humidité et un faible taux d'acidité, leur entreposage prolongé favorise la croissance des bactéries dont nous avons justement peur.
Concernant le bacille de la tuberculose et les autres bactéries auxquelles vous avez fait allusion tout à l'heure, nous partageons entièrement votre point de vue. Dans notre mémoire, il y a un paragraphe dont j'aimerais vous faire lecture pour le bénéfice du compte rendu.
Il est généralement reconnu que le lait cru et les produits fabriqués à partir de lait cru peuvent causer d'autres maladies comme la fièvre Q, les infections à streptocoque, la gastro-entérite due à...
Et, comme vous l'avez mentionné, la campylobactérie est l'un des organismes, mais il y en a d'autres comme:
... la yersinia enterocolitica, la brucellose et la tuberculose;
En ce qui a trait à la brucellose et à la tuberculose, il n'y a pas tellement lieu de nous inquiéter de ces maladies au Canada, car chez nos bovidés, elles sont pratiquement enrayées, quoique pas complètement. Par exemple, dans les années 80, un ou deux cas de brucellose ont été portés à notre attention et ont fait l'objet de déclarations obligatoires.
Si jamais nous nous mettons à importer ces produits, il y aura lieu de nous inquiéter bien davantage. Quant au contrôle de la brucellose chez d'autres espèces que les bovidés, chez les chèvres par exemple, il faudra voir dans quelle mesure les services vétérinaires suivent efficacement la santé des chèvres qui produisent du lait destiné à la production de fromage.
M. Paterson: Le docteur Harwig a très bien couvert le sujet. J'ai déjà été à l'emploi d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Gilles Lavoie, un ancien collègue de travail qui se trouve juste derrière moi, m'a fourni un profil de l'industrie canadienne du fromage de lait cru, que j'aimerais bien déposer auprès de votre comité. Il contient des renseignements très utiles.
Comme le docteur Harwig l'a mentionné, le roquefort, le camembert, certains brie, certains cheddar forts, les fromages de chèvre, de même que deux fromages moins connus à l'extérieur de la province de Québec, le Migneron et le Saint-Basile, sont des variétés de fromage de lait cru que nous connaissons mieux grâce à la courtoisie de nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Le sénateur Rossiter: Vous semblez insister sur les risques que présente la salmonelle dans le fromage de lait cru. Un témoin que nous avons entendu il n'y a pas longtemps, M. Rivard, nous a plutôt parlé de la listeria. Est-ce parce qu'on entend davantage parler de la salmonelle ou est-ce parce que le règlement s'attaque davantage à la salmonelle qu'à la listeria?
M. Harwig: Dans nos réponses précédentes, nous avons exprimé des craintes à propos des dizaines de micro-organismes qui peuvent être présents dans le lait cru. Au Canada, nos craintes portent surtout sur trois de ces micro-organismes. L'un d'eux est la salmonelle, car nous avons observé que des salmonelles avaient survécu dans du fromage vieilli de lait cru et causé des maladies. Bien qu'un nombre relativement faible de cas aient été déclarés, il y a lieu de s'inquiéter, car nous considérons que notre système de déclaration obligatoire n'est pas assez fiable pour nous permettre de nous en tenir à ses données pour évaluer les risques.
Le deuxième micro-organisme à craindre est la listeria monocytogène. Nous sommes maintenant d'avis que certains laits crus sont contaminés par des listeria monocytogènes, l'agent causal de la listériose. Quand une vache est atteinte d'une affection subclinique s'apparentant à la mammite et que sa glande mammaire est infectée, il y a automatiquement passage du micro-organisme dans son lait. Évidemment, cet organisme serait inévitablement présent dans un fromage fabriqué à partir de lait cru provenant de cette vache.
S'il s'agit d'un fromage vieilli à pâte dure, l'organisme cessera d'y croître. Il y demeurera probablement en nombre relativement peu élevé et ne présentera pas beaucoup de risque. Ce fromage serait toutefois rejeté si nous appliquions une norme aussi sévère que celle en vigueur aux États-Unis.
Toutefois, si ce même lait cru faiblement contaminé était utilisé pour la fabrication de certains fromages à pâte molle, ce micro-organisme pourrait y croître jusqu'à des niveaux de 10 000 à 100 000 cellules par gramme, niveaux qui peuvent causer des maladies chez les humains.
Vous vous demandez peut-être pourquoi les consommateurs de ce type de fromage ne sont pas plus nombreux à attraper une listériose.
Le sénateur Rossiter: Quels sont les symptômes de la listériose?
M. Harwig: Parmi les symptômes de listériose les plus graves qui doivent obligatoirement être déclarés au Canada, il y a notamment la septicémie. Après s'être infiltrés dans le courant sanguin, les organismes responsables de la listériose peuvent atteindre le cerveau et causer une méningite, c'est-à-dire une inflation de la membrane du cerveau. Si la personne qui a consommé le fromage est une femme enceinte, il pourrait apparaître chez elle des symptômes bénins de gastro-entérite. Cette infection, si elle est communiquée au foetus, peut entraîner une morti-naissance à terme ou un avortement spontané. Si l'enfant survit, il pourrait être gravement atteint de septicémie et de méningite.
Au Canada, environ 50 cas graves de listériose sont déclarés chaque année. Toutefois, nos systèmes de déclaration sont loin d'être parfaits. Dans certaines provinces, dont le Québec, la listériose n'est pas une maladie à déclaration obligatoire.
En outre, quand un enfant naît avec une infection grave, une culture des listeria monocytogènes n'est pas nécessairement habituelle. Par conséquent, nous ne sommes pas vraiment au courant de la prévalence de cette maladie.
Ce qui n'aide pas non plus, c'est qu'il peut se passer des jours, des semaines ou même des mois entre l'exposition à la bactérie et l'apparition des premiers symptômes cliniques. Il devient alors difficile de déterminer les causes de la maladie. À cet égard, le système de déclaration obligatoire ne peut être d'aucun secours.
Le sénateur Rossiter: Vous avez mentionné tout à l'heure, en réponse aux questions du sénateur Anderson, que notre système de déclaration obligatoire était déficient. Quelles améliorations devrait-on y apporter, selon vous?
M. Harwig: Notre laboratoire de lutte contre la maladie reconnaît qu'il s'agit là d'un problème majeur. Un comité vient d'être formé pour étudier cette question. C'est une situation très complexe, car elle interpelle de nombreux acteurs à différents niveaux, à commencer par les laboratoires de santé publique provinciaux, les laboratoires d'hôpitaux, les laboratoires privés, et cetera. Ce n'est pas une situation à laquelle on pourra remédier rapidement, mais notre intention est de l'améliorer.
Il ne s'agit pas là d'un problème particulier au Canada. Les États-Unis, le Royaume-Uni et de nombreux pays européens sont aux prises avec les mêmes difficultés à cet égard.
Le sénateur Rossiter: Les obstétriciens et les pédiatres participent-ils à ces consultations?
M. Harwig: En ce qui a trait à l'amélioration du système, il y a des fonctionnaires provinciaux des services de santé publique qui siègent à ce comité. En ce qui concerne l'information à donner aux obstétriciens concernant la prévention de la listériose chez les femmes enceintes, par exemple, il y a nombre d'années que notre ministère fournit aux intervenants du milieu médical ce genre d'information dans l'espoir qu'ils la communiquent à leurs patientes.
Il y a un troisième micro-organisme, dont je n'ai pas parlé en réponse à vos questions précédentes, et c'est la vérotoxine E. coli ou le E. coli 0157.H7. Il y a fort à craindre que ce micro-organisme soit présent aussi bien dans la viande de boeuf que dans le lait cru. Des Canadiens ont contracté des infections attribuables à cette toxine après avoir consommé du lait cru, non pas du fromage fabriqué à partir de lait cru, car il ne s'en consomme encore à peu près pas.
Cet organisme peut causer une maladie grave. Il peut y avoir un premier épisode de diarrhée, avec présence ou non de sang dans les selles. Les effets postérieurs sont tout aussi importants. En particulier chez les enfants, cette maladie peut causer une maladie du rein et une insuffisance rénale qui peuvent nécessiter des traitements de dialyse à long terme, voire une transplantation rénale.
Le sénateur Rossiter: La congélation du fromage à pâte dure peut-elle avoir une incidence dans tout cela?
M. Harwig: Pas vraiment, si ce n'est de rendre le fromage très friable. Ces organismes sont très résistants à la congélation.
Le sénateur Landry: Monsieur le président, je ne puis croire que des représentants du gouvernement du Canada essaient de se cacher derrière une étiquette comme si nous étions une bande de mafiosi. Ça n'a pas de sens. Ce genre de mesure conviendrait probablement tout à fait aux habitants d'un pays comme l'Indonésie, par exemple. Ces gens ont un système immunitaire presque à toute épreuve. Si nous mangions ce qu'ils mangent, nous serions tous morts. Il faut dire cependant que leur espérance de vie est d'à peu près 20 ans inférieure à la nôtre.
Selon moi, il n'y a pas de «mais»; nous devons agir, un point c'est tout. Je ne puis croire que Santé Canada ne vérifie pas si les fromages et les autres produits que nous importons contiennent des bactéries. On n'a pas à se demander de quel produit il s'agit. À ma connaissance, toutes les lois en matière de santé sont des lois fédérales. Ces produits ne peuvent être exportés aux États-Unis; aucun d'eux ne pourrait transiter par les États-Unis ou par n'importe quel autre pays. Tous les pays ont leur réglementation en matière de santé. S'il en y a qui veulent fabriquer ce genre de fromage et le manger - comme quelqu'un disait l'autre jour: «Si je veux me suicider avec des cigarettes ou de l'alcool, c'est mon affaire.»
Nous ne pouvons revenir 50 ans en arrière. Nous devons pouvoir fabriquer des produits sans nous cacher derrière une étiquette. Nous devons utiliser les meilleures techniques de fabrication possibles; et, encore là, c'est l'excellence qu'il faut viser.
M. Paterson: J'apprécie vos commentaires, sénateur Landry. Naturellement, tout le monde ne pense pas comme vous. En démocratie, il faut tenir compte de tous les points de vue quand on élabore une politique d'intérêt public. Encore là, on doit se rendre à l'évidence: il n'appartient pas au docteur Harwig ni à moi-même d'établir les politiques. Dans notre système parlementaire, c'est au ministre que revient ce privilège. Nous sommes là pour donner des conseils, suggérer des orientations et formuler des recommandations. C'est à cela que nous nous employons. La publication du projet de modification dans la Partie I de la Gazette du Canada fait partie de ce processus.
Nous avons présenté une proposition que nous croyons responsable, fondée sur des bases scientifiques. Encore là, nous sommes tous au courant de la saga de la vache folle au Royaume-Uni. La science n'est pas infaillible. La science évolue. On fait des découvertes tous les jours.
Même si nous estimons avoir une bonne équipe de scientifiques au ministère, nous n'en souhaitons pas moins connaître le point de vue des milieux scientifiques et technologiques. Nous tenons à consulter les représentants de l'industrie et les consommateurs. Voilà où nous en sommes.
Le sénateur Riel: Monsieur le président, j'ai indiqué que j'aurais d'autres questions à poser. Elles concernent les communications et la publicité.
[Français]
Le sénateur Rivest: Quand j'ai vu le règlement, j'ai eu très peur puisque, ayant vécu quelques 20 ans sur une ferme laitière, toute la famille buvait le lait littéralement du bassin, j'imagine que l'on a couru des risques épouvantables que nous ne connaissions pas puisqu'il s'agissait manifestement de lait cru.
Avant que Santé Canada fasse cette proposition de règlement, pour les raisons scientifiques que vous avez évoquées, existait-il sur le plan international une sensibilisation à ce problème particulier des fromages au lait cru? Est-ce qu'il y a des normes ou des standards? Participez-vous à des conférences ou à des projets où l'on exprime une inquiétude qui est similaire à celle exprimée par Santé Canada?
[Traduction]
M. Harwig: Moi aussi, dans mon enfance, j'ai bu du lait cru à la ferme. Nous devons nous dire que ceux d'entre nous qui ont survécu ont probablement une certaine immunité contre les organismes qui nous assaillent.
Il nous faut aussi comprendre que les organismes que l'on trouve aujourd'hui dans le lait cru sont peut-être différents de ceux qu'on y trouvait dans le passé. La raison en est que ces organismes se multiplient au contact de populations animales et humaines denses; ils évoluent pour pouvoir se multiplier au sein de ces populations.
Quant à votre question relative aux consultations menées au niveau international, sénateur, je vous signale que le Canada est un pays membre de Codex Alimentarius, un organisme international qui relève de l'Organisation mondiale de la santé et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Depuis trois ans que j'assiste aux réunions de cet organisme, la question du fromage de lait cru y a été constamment à l'étude.
Essentiellement, on peut noter, au sein de la Commission Codex Alimentarius, la présence de deux écoles de pensée qui s'affrontent. Il y a un premier groupe, largement dominé par la France, mais qui bénéficie également de l'appui des autres pays de la Communauté européenne, qui soutient que si la production de lait à la ferme s'effectue dans le respect de conditions d'hygiène strictes et est supervisée par des vétérinaires chargés de dépister les cas de tuberculose et de brucellose, par exemple, de veiller au respect des normes, de faire des analyses pour déceler la présence de bactéries dans le produit fini, le fromage qui en sortira sera tout aussi sain que celui qui est fabriqué à partir de lait pasteurisé. C'est une opinion.
Il y a aussi les tenants de la théorie opposée, dont l'orientation est dictée en particulier par les États-Unis, mais qui bénéficie également jusqu'à maintenant de l'appui du Canada, de la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Ils soutiennent que le fromage de lait cru n'est pas aussi sûr pour la santé que le fromage de lait pasteurisé. Ils invoquent comme raison que, indépendamment du respect des règles d'hygiène à la ferme, une certaine contamination fécale - c'est de cette source que viennent les organismes présents dans le lait - est toujours possible. Cette contamination, si minime soit-elle, ne peut être évitée complètement.
C'est ce qu'on constate quand on observe les taux de E. coli. Prenez n'importe quel fromage, en particulier celui fabriqué à partir de lait cru, et vous constaterez qu'on y trouve un nombre passablement élevé de E. coli. Or, il peut y avoir, parmi cette population de E. coli des spécimens qui sont du type qui nous causent de sérieuses inquiétudes. Certaines de ces bactéries sont tout à fait inoffensives; d'autres provoquent des maladies graves.
Deuxièmement, à la ferme, il peut y avoir au sein d'un troupeau donné, comme cela s'est vu au Canada, une seule vache qui soit atteinte de mammite subclinique et dont le lait contient, par intermittence, des salmonelles et des listeria.
Il y a des arguments pour et des arguments contre, et la polémique se poursuit. Je ne puis prédire quand les scientifiques parviendront à s'entendre là-dessus.
M. Paterson: J'aimerais ajouter quelque chose. Comme l'a dit le docteur Harwig, nous avons utilisé le mécanisme de la Commission Codex Alimentarius pour tenir ces consultations au niveau international.
Vous avez parlé aussi des conférences ou des autres organismes internationaux. L'Organisation mondiale de la santé en est un important. Je vous signale en passant que, dans son dernier rapport annuel, cet organisme fait état des risques que présente le lait cru comme source possible d'agents pathogènes.
[Français]
Le sénateur Rivest: Au niveau de la Communauté économique européenne, est-ce que la France a une position?
[Traduction]
M. Harwig: Oui. Comme je l'ai déjà expliqué, la France, qui bénéficie généralement de l'appui de la CEE, soutient que le fromage de lait cru à pâte molle peut être produit en toute sécurité, tout autant que s'il était fabriqué à partir de lait pasteurisé, si on prend les précautions suivantes: surveillance du troupeau par des vétérinaires; respect de règles d'hygiène strictes à la ferme, notamment au moment de la traite; application de normes pour le lait cru; imposition de restrictions rigoureuses concernant les règles d'hygiène à respecter dans le processus de fabrication du fromage de lait cru; et, peut-être, obligation d'imprimer sur l'emballage du fromage une mise en garde indiquant qu'il a été fabriqué à partir de lait cru.
[Français]
Le sénateur Rivest: Est-ce que vous êtes satisfaits ou inquiets à Santé Canada des mesures d'inspections faites au Québec où le gros de la production laitière est localisé au Canada en ce qui concerne les producteurs? Est-ce qu'il n'y a pas de mesures additionnelles? Est-ce que vous êtes satisfaits du travail qui se fait à ce niveau? Est-ce que des mesures additionnelles pourraient être suffisantes afin d'éviter que Santé Canada doive prendre une disposition comme celle que vous mentionnez dans le projet de règlement?
Ce qui m'inquiète un peu, comme vous le savez peut-être, c'est que l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution unanime demandant le retrait de ce projet de règlement. Je ne vous demande pas de le commenter puisqu'il se situe au niveau politique. Sur le plan scientifique, j'espère que cette motion ne vous empêche pas de collaborer avec les différents ministères du Québec et de l'Ontario pour trouver d'autres avenues que celles que vous avez mentionnées dans votre présentation et qui atteindraient les mêmes objectifs.
[Traduction]
M. Paterson: Je crois que vous nous demandez si nous sommes satisfaits des méthodes d'inspection, s'il y a des améliorations à apporter et ce que nous pensons de la collaboration entre le Québec et l'Ontario.
Je le répète, on n'est jamais totalement satisfait. Nous devons toujours nous efforcer d'améliorer nos modes de fonctionnement. Nous devons nous tenir au courant de l'évolution et rectifier le tir au besoin, surtout en matière de réglementation. Le gouvernement a été critiqué par le passé son apathie, son manque de dynamisme.
Si je m'en tenais à une réponse superficielle, je vous répondrais que non, nous ne sommes pas entièrement satisfaits des méthodes d'inspection. Bien sûr, l'inspection est relativement efficace, puisque nous constatons, dans le cas des importations, un taux de rejet de 25 à 30 p. 100.
Encore une fois, je le répète, compte tenu du projet annoncé en mars par le gouvernement et de l'éventuelle rationalisation des services nationaux d'inspection alimentaire, il y aura dans l'ensemble des améliorations, notamment en ce qui concerne l'inspection des fromages.
Oui, nous sommes satisfaits, compte tenu des contraintes que nous avons, tant sur le plan des ressources que de la technologie, des services qui sont offerts actuellement.
Que pourrions-nous faire pour améliorer la situation? Je pense en avoir déjà parlé. Sur le plan institutionnel, nous avons déjà des étapes de franchies qui mèneront à l'établissement d'une meilleure collaboration entre les divers services et à la création d'un guichet unique, si vous me permettez l'expression. Je le répète, à mesure que de nouvelles techniques et de nouvelles connaissances seront disponibles, nous les adopterons. Nous entendons utiliser davantage de techniques d'inspection éprouvées scientifiquement, au lieu de nous en tenir aux bonnes vieilles méthodes de visualisation de type organoleptique. Il se pourrait fort bien que dans deux ou trois ans des inspecteurs aient à leur disposition des instruments d'analyse qui leur permettront, sinon instantanément, certainement dans un intervalle de 30 minutes ou d'une heure, d'obtenir des résultats qui à l'heure actuelle nous prennent 24 ou 48 heures, voire davantage.
Nous entendons accroître sans cesse notre capacité de détecter les bactéries, d'apporter les correctifs nécessaires et de prendre des décisions rapides. Ce ne sont là que quelques exemples de choses qui peuvent être faites. Le docteur Harwig serait peut-être en mesure de vous en dire davantage à ce sujet.
Concernant l'Assemblée nationale du Québec, oui, nous sommes au courant de la situation. Oui, nous collaborons avec le Québec et avec d'autres provinces, mais particulièrement avec le Québec, qui a mis sur pied un comité de consultation. Ce comité a maintenant terminé ses travaux. Il a soumis un rapport au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec. Le rapport est actuellement à l'étude au gouvernement et, si j'ai bien compris, il nous sera remis dans le cadre des consultations visant à recueillir les réactions à la publication de notre proposition dans la Partie I de la Gazette.
Il y a beaucoup d'interaction et de collaboration au niveau des fonctionnaires, tant à Santé Canada qu'à Santé Québec, ainsi qu'entre nos collègues d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada et les représentants du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec.
Il existe un authentique climat de collaboration. Nous escomptons bien que toute l'information technique et toutes les solutions possibles seront soumises et examinées, qu'elles viennent de l'appareil fédéral ou des appareils provinciaux du Québec ou de l'Ontario, ou encore des associations de producteurs comme la Fédération canadienne des producteurs de lait, qui, comme vous le savez probablement - je pense que M. Rivard en a fait mention - a organisé, à l'intention de tous les intéressés, une séance d'étude d'une journée complète pour examiner diverses solutions de rechange à notre proposition. Je pense donc que les meilleurs cerveaux de notre pays sont à la tâche pour étudier cette question.
[Français]
Le sénateur Rivest: Sur le rapport préparé par le gouvernement du Québec, vous n'en connaissez pas les conclusions sur le plan scientifique? Que contient ce rapport?
[Traduction]
M. Paterson: Pas dans le moment, sénateur Rivest. Ce rapport est confidentiel, voire secret. Il est à l'étude au ministère québécois de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Sauf erreur, il sera ensuite présenté en tant que proposition officielle du gouvernement québécois ou en tant que mémoire à Santé Canada. Nous ne l'avons pas encore reçu, mais nous prévoyons le recevoir bientôt.
[Français]
Le sénateur Rivest: Le ministère fédéral de l'Agriculture va attendre de prendre connaissance de ce rapport avant de prendre une décision définitive quant à ce projet de règlement?
[Traduction]
M. Paterson: Oui, cette tâche ou cette responsabilité incombe à Santé Canada. Toutefois, il n'existe pas de questions unidimensionnelles de nos jours - elles transcendent les compétences. C'est pourquoi nous travaillons en très étroite collaboration avec Agriculture et Agroalimentaire Canada, et même avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, car, comme vous l'avez mentionné, cette question a aussi des dimensions internationales. Nous avons un groupe de travail composé de représentants de notre ministère et de collègues des autres ministères qui étudie cette question. C'est à nous qu'il appartiendra de réagir au rapport et aux recommandations du gouvernement du Québec, mais nous le ferons certainement en collaboration avec nos homologues d'autres ministères, notamment avec ceux d'Agriculture et Agroalimentaire Canada.
M. Harwig: Je ne suis pas très sûr d'avoir quelque chose à ajouter là-dessus.
[Français]
Le sénateur Rivest: On dit que pour assurer la sécurité sur le plan de la santé pour l'ensemble des consommateurs, il y a la possibilité de pasteuriser le lait. Il y aussi le vieillissement qui ne semble pas une technique suffisamment importante. Est-ce qu'il y a d'autres techniques qui assurent une sécurité au consommateur? S'il y en a, quelles sont-elles? Pourquoi Santé Canada a-t-il choisi la technique proposée dans le cadre du projet de réglement?
[Traduction]
M. Harwig: Oui, mais peut-être pourrai-je d'abord réagir à vos commentaires concernant la pasteurisation. À notre avis, la pasteurisation de tout le lait qui sert à la fabrication des fromages serait la solution idéale. De toute évidence, ce procédé ne semble toutefois pas, du moins pour le moment, acceptable à l'ensemble de l'industrie, peut-être à cause de la différence de saveur, des préférences du consommateur, et cetera. Nous devons, bien sûr, chercher une solution de compromis. Ce sur quoi on s'entend actuellement, c'est sur le fait que les variétés de fromage à pâte dure, celles qui peuvent supporter une période d'entreposage d'au moins 60 jours, devraient rester en entreposage durant tout ce laps de temps. La plupart de ces variétés de fromage, comme je l'ai déjà dit, sont entreposées beaucoup plus longtemps que cela, parce que l'acidité et la sécheresse qui s'installe dans ces fromages ont tendance à mener à l'élimination des organismes qui nous inquiètent.
Toutefois, ce procédé d'affinage n'est pas une option valable dans le cas des fromages à taux élevé d'humidité et à faible taux d'acidité comme certains des fromages à pâte molle dont j'ai parlé tout à l'heure. Ce n'est pas une solution. En fait, cette option empirerait les choses.
En ce qui concerne votre commentaire à propos des techniques qui pourraient remplacer la pasteurisation, nous nous attendions à des remarques de ce genre. Par exemple, le libellé de ce projet de modification, ou même le libellé du règlement actuel, pourraient être modifiés en ajoutant après le mot «pasteurisation» les mots «ou toute autre méthode équivalente».
Existe-t-il une méthode équivalente, me demandez-vous? À l'heure actuelle, nous savons qu'il existe différentes techniques, dont celles dites de microfiltration ou peut-être d'ultrafiltration. À notre connaissance, elles n'ont pas encore été appliquées de manière opérationnelle. Il paraîtrait que la Californie envisage d'utiliser cette méthode. Nous sommes bien prêts à adopter ces technologies, pourvu qu'il soit prouvé qu'elles offrent vraiment un niveau équivalent de sécurité alimentaire et qu'elles éliminent ces agents pathogènes. Nous ne les connaissons pas encore très bien.
À vrai dire, c'est à l'industrie qu'il revient de les éprouver. Si les producteurs veulent passer de la pasteurisation à la filtration, ils devront en faire la demande à Santé Canada, aux termes de la Loi sur les aliments et drogues et de ses règlements, et nous fournir des données prouvant que le procédé est sûr. Cette réponse vous satisfait-elle?
[Français]
Le sénateur Riel: Je voudrais discuter avec vous de la question de la publicité et de l'information. Sur cette question qui est arrivée sur le tapis abruptement, M. Rivard le dit en toutes lettres, les importateurs de fromage fabriqué à partir de lait cru ont fait une publicité dans tous les journaux de la province de Québec. Elle disait que la publicité était dirigée contre l'industrie naissante du fromage à base de lait cru dans la province de Québec. Il s'agissait donc d'une autre attaque d'Ottawa contre les Québécois. Ce n'est pas toujours vrai, cela dépend du point de vue politique. On peut mal interpréter les situations.
[Traduction]
Le sénateur Rivest a de toute évidence un autre point de vue que moi sur la situation générale au Québec. Vous avez tous les deux été très diplomates dans votre façon d'aborder la question.
Pour revenir à ma proposition, cette situation a été portée à l'attention du public par les médias québécois, et la couverture n'a pas été des plus impartiales.
Pour prouver ce que j'avance, je tiens à vous dire qu'à l'assemblée générale du Parti libéral fédéral à Sainte-Thérèse - et vous y avez fait allusion, je crois - il y avait des importateurs dans l'assistance. Aucun des parlementaires présents à l'assemblée n'était au courant de ce projet de modification au règlement. Ils ne savaient pas - pas plus d'ailleurs qu'un certain ministre d'origine italienne - que le fromage parmesan était fabriqué à partir de lait ayant subi un traitement thermique.
Les médias ont eu la nouvelle facile. Voilà comment la question a été soumise à l'Assemblée nationale du Québec et comment elle a donné lieu à l'adoption à l'unanimité d'une résolution comportant les mots «exige du gouvernement». C'est plus qu'une demande. Cette résolution ordonne au gouvernement canadien d'abolir ce règlement.
La solution réside dans les communications. Le ministère aura probablement l'occasion de proposer d'autres réglementations incessamment. Vous allez probablement nous présenter un document où l'on décrira toute l'horreur des maladies dont nous pourrions être atteints éventuellement. Dieu sait combien la maladie est omniprésente. Nous avons les cigarettes, l'alcool et le sida. Nous n'allons tout de même pas interdire les rapports sexuels parce que certaines gens peuvent attraper le sida.
Votre ministère pourrait rendre un grand service à la population canadienne et québécoise en publiant les raisons pour lesquelles on veut adopter cette modification au règlement. Il devrait également communiquer avec les parlementaires avant de faire des déclarations publiques pour que les parlementaires sachent comment répondre aux questions du public.
Je suis un sénateur. Je ne suis pas un élu. J'ai reçu des appels des fermiers des Cantons de l'Est au Québec. Ils se disaient persécutés par le gouvernement fédéral. J'ai été très bouleversé d'entendre cela. C'est pourquoi j'ai demandé au comité d'entre-prendre une étude sur cette question. Nous sommes mieux informés maintenant. Nous savons que vous faites un bon travail. Mais vous devez faire part aux gens des raisons de vos interventions pour que d'autres ne s'emparent pas de ce que vous faites pour faire de la fausse représentation en disant que la mesure est dirigée contre un segment de la population ou une région du pays.
M. Paterson: Le reproche est justifié, vous avez une vision 20/20, ce qui est parfait.
Avant de publier ce projet dans la Gazette du Canada, nous avons consulté de nombreux experts du gouvernement de la province de Québec, du secteur québécois de l'industrie laitière, du Conseil national des produits laitiers, de la Fédération canadienne des producteurs de lait ainsi que divers autres intervenants, mais les questions soulevées étaient généralement techniques. Ce processus a duré beaucoup plus qu'un an.
Une autopsie plus minutieuse de ce processus s'impose donc. Vous avez raison en tout point. Pour le moment, je ne puis qu'accepter le blâme.
Nous nous sommes ensuite concentrés sur la préparation du projet de règlement, ce qui nous a pris plusieurs mois. Certains diront que le processus a été trop long. Durant tout ce temps, nous n'avons pas sensibilisé et informé, comme nous aurions dû le faire, certains groupes importants que l'aspect technique ne préoccupe pas. Vous avez mentionné les parlementaires, les ministres, les médias et d'autres intervenants. Quand le projet de modification a été formulé, comme l'a dit le docteur Harwig, le monde n'était plus tout à fait le même. Dans l'espace d'à peine neuf mois, il y avait déjà une industrie florissante, notamment au Québec. Il y avait eu le référendum d'octobre. Je suis sûr que tous et chacun d'entre nous étaient rivés sur le petit écran ce soir-là. Nous ne nous préoccupions pas de communiquer cet élément pourtant important et d'informer le public. En conséquence, quand la modification a été publiée dans la Partie I de la Gazette du Canada, nous n'étions pas prêts à affronter la réaction.
En tirerons-nous une leçon? Assurément. Nous avons d'autres projets sur le métier, qui n'ont pas nécessairement à voir avec les micro-organismes. Prenons, par exemple, le cas de l'Olestra, ce substitut de matière grasse que certains d'entre vous connaissent peut-être et que les États-Unis viennent d'approuver. C'est un produit très controversé. Au ministère, nous avons reçu une demande d'examen de ce produit. Quelle que soit notre décision, il nous faudra faire mieux que cette fois-ci, tirer la leçon de ce qui nous arrive. Je vous assure que nous veillerons à mieux informer le public, et en temps opportun, cette fois, de ce que nous faisons, de nos motifs de le faire et des mesures que nous entendons prendre.
Le reproche est bien mérité, et nous n'avons pas d'excuse.
Le sénateur Landry: Le sénateur Riel a dit qu'il avait reçu un grand nombre d'appels téléphoniques. Moi aussi. Nous avons vécu exactement la même chose dans le domaine des pêches il y a vingt-cinq ans. Le ministère des Pêches et des Océans nous avait dit à l'époque que nous devions nous débarrasser des tables de bois et les remplacer par des tables en acier inoxydable. Les vieux étaient dans tous leurs états. Mais c'était pour notre bien.
On ne doit pas compter uniquement sur la pasteurisation. J'ai déjà vu des gens commettre cette erreur. Quand nous avons reçu l'ordre du ministère des Pêches et des Océans d'adopter le procédé de pasteurisation, certains ont eu tendance à oublier leurs notions d'hygiène et à se dire qu'elles étaient déclassées par la pasteurisation. Il est encore nécessaire de respecter les règles d'hygiène, ce qui ne diminue en rien l'importance de la pasteurisation, car, sans elle, nos corps risqueraient d'être à la merci des bactéries qui nous menacent de toute part.
Je crois à la fois à la pasteurisation et à l'hygiène.
Le sénateur Rivest: Vous avez proposé votre règlement. Quelle est la prochaine étape? Quand le ministre prendra-t-il sa décision?
M. Paterson: Nous avons eu des discussions avec le ministre. Je vous induirais en erreur si je vous disais qu'il ne prend pas ce dossier à coeur.
Le 13 juin est la date limite pour la présentation des mémoires. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, un comité d'experts scientifiques se réunira le 8 juillet. Nous devons laisser le temps à ce comité de débattre de la question et de soumettre son rapport. Ce n'est pas encore officiel, mais je prédis que le comité consultatif d'experts présentera son rapport en août. Cela permettrait aux gens du ministère d'étudier le rapport et de prendre position. Le ministre pourrait se prononcer sur cette question dès la fin d'août ou le début de septembre. Il n'a pas encore dit qu'il était prêt à attendre jusque là. Il a hâte de rendre une décision dans ce dossier, mais il ne le fera pas avant d'avoir pris connaissance des témoignages dont nous avons besoin, et, en ce sens, les délibérations et les recommandations du comité consultatif d'experts nous apparaissent essentiels.
Puis-je poser une question, monsieur le président?
Le président: Certainement.
M. Paterson: Je sais que nous sommes ici aujourd'hui pour répondre aux questions de votre comité, mais pouvons-nous escompter que votre comité nous soumettra un rapport dont nous pourrions nous servir dans le cadre de ce processus? Quand pourriez-vous nous le remettre? Votre contribution serait certes utile.
Le sénateur Riel: Si nous avons tenu à entendre votre témoignage et celui des producteurs, c'était pour être mis au fait de la situation. Nous n'étions pas au courant de l'existence du problème. Maintenant, nous sommes informés. Peut-être que par l'entremise du sénateur Rivest nous pourrions obtenir également une copie du rapport du Québec. Il est possible aussi que M. Rivard puisse nous faire parvenir d'autres rapports. Il se pourrait que le comité tienne une autre séance à huis clos, après quoi nous pourrions vous transmettre quelques commentaires.
Le président: Merci beaucoup, messieurs, de votre exposé.
M. Paterson: Merci. Nous sommes ravis d'avoir eu l'occasion de comparaître devant vous pour vous expliquer notre proposition. Nous vous remercions de nous avoir accueillis avec autant de courtoisie.
Le président: Nous avons plusieurs autres points à l'ordre du jour.
Vous vous rappellerez que les sénateurs Taylor et Spivak s'étaient montrés disposés à examiner le volet de notre mandat se rapportant aux forêts. Nous avons préparé un budget, qui vous a été distribué, je pense. Nous pouvons l'examiner et l'adopter tel quel, ou formuler des recommandations.
M. Blair Armitage, greffier du comité: Si vous me le permettez, je tiens à vous dire, en guise d'explication, que les sénateurs Taylor et Spivak m'ont parlé de cette question la semaine dernière. Ils m'ont informé qu'ils aimeraient bien organiser une mission d'étude pour visiter des usines de transformation des fibres en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba. Ils ont sélectionné quelques usines à certains endroits, et nous avons élaboré un plan pour une mission d'étude à laquelle participeraient quatre sénateurs et trois membres du personnel. Les endroits qu'ils entendent visiter sont Le Pas, au Manitoba, et Prince-Albert, en Saskatchewan; les sénateurs aimeraient bien se rendre aussi à Peace River, à Edmonton et à Athabasca, trois villes situées en Alberta. Je crois qu'il y a une usine de transformation des fibres en circuit fermé quelque part à Peace River. Le sénateur Taylor dit qu'il y a une usine de production de chanvre à cet endroit.
Le président: Je suppose que vous vous êtes interrogés sur l'ampleur à donner à cette étude. Je me demande s'il est possible d'examiner une question forestière sans se rendre en Colombie-Britannique. Le secteur forestier est tellement important dans cette province.
M. Armitage: Les sénateurs Taylor et Spivak sont très conscients du fait qu'on trouve également en Colombie- Britannique et dans les Maritimes d'importantes exploitations forestières et qu'on y est sensibilisé aux problèmes qui se posent dans ce secteur. Ils sont conscients du fait que le comité ne peut déléguer qu'un certain nombre de sénateurs et qu'il dispose d'un budget de déplacement limité pour des missions de ce genre. Il y a déjà des missions d'étude de prévues pour l'automne à la Commission canadienne du blé et à Washington. Ces sénateurs ne veulent pas trop accaparer le temps de leurs collègues. Ils se disent qu'ils pourraient commencer par ce qu'ils connaissent le mieux et qu'ils sont ceux qui ont manifesté le plus vif intérêt pour les questions forestières. Ils pensent en outre qu'une fois qu'ils auront examiné ces questions dans ces trois provinces, ils pourraient ensuite se servir de leurs observations pour entreprendre l'examen du secteur de la sylviculture en Colombie- Britannique, dans les Maritimes et au Québec.
Le sénateur Riel: Quelles seraient les dates?
M. Armitage: Ils n'ont pas encore fixé de dates. Ils songeaient à l'automne, avant la reprise des séances du Sénat. C'est pourquoi il nous tarde de régler cette question même en l'absence des sénateurs intéressés. Je crois que le sénateur Spivak est actuellement en voyage dans l'Ouest dans le cadre des travaux du comité de l'énergie. Nous devons adopter ce budget pour le soumettre ensuite au comité de régie interne la semaine prochaine, avant l'ajournement du Sénat.
Le président: Il me semble que nous aurons un été très occupé de ce côté-ci de la Chambre. Plusieurs projets en sont déjà à l'étape de la planification. La discussion sur le choix des dates pourrait avoir lieu plus tard, lorsque les sénateurs Taylor et Spivak seront présents.
M. Armitage: Si vous me le permettez, je vous propose d'en discuter sommairement en présence de ces deux sénateurs, jeudi prochain, si nous réussissons à convoquer les éleveurs de bovins.
Le président: Devons-nous préciser les dates avant de présenter le budget au comité de régie interne?
M. Armitage: Je vais m'enquérir auprès du comité de régie interne de la façon de présenter ce budget.
Le sénateur Rossiter: Est-ce que la Partie B, portant sur la participation à des conférences par les membres et/ou le personnel du comité a trait aux produits forestiers?
M. Armitage: Nous avons une section similaire dans le volet de notre budget qui porte sur le secteur agricole.
Le sénateur Rossiter: Les frais des témoins, à la dernière page, ont-ils trait aux dépenses des témoins qui sont convoqués à Ottawa?
M. Armitage: Exactement. Nous avons adopté comme règle générale de fonctionnement de ne rembourser les dépenses que d'un représentant par organisme.
Le sénateur Rossiter: Je n'y vois pas d'objection.
Le président: J'aurais une question concernant les frais de déplacement. Est-ce exact qu'il serait préférable de ne pas utiliser nos points de déplacement pour les travaux du comité?
M. Armitage: C'est exact.
Le président: Je ne suis pas sûr de bien comprendre les raisons de cette politique, car, en ne le faisant pas, nous réduisons notre budget considérablement.
M. Armitage: Les raisons qui sous-tendent cette politique sont les suivantes: premièrement, il ne serait pas très transparent d'utiliser vos points de déplacement pour les travaux du comité; deuxièmement, en subventionnant ainsi les travaux du comité, ceux qui ont déjà de gros budgets de déplacement à cause de leur lieu de résidence seraient injustement pénalisés. À la fin de l'année, on vous reprocherait à tort de trop dépenser en frais de voyage.
Le président: Je suis bien placé pour comprendre cela, étant donné que je viens moi-même de la Saskatchewan. Y a-t-il d'autres question concernant la présentation de ce budget?
Le sénateur Landry: Attendrons-nous le retour du sénateur Taylor?
Le président: Il ne nous reste pas assez de temps.
M. Armitage: Ces deux sénateurs aimeraient que le budget soit adopté avant leur retour.
Le sénateur Riel: Cela me convient.
Le président: Quelqu'un veut-il proposer une motion?
Le sénateur Riel: J'en fais la proposition.
Le président: La motion est appuyée par le sénateur Rossiter. Y a-t-il d'autres questions avant que nous passions au vote?
Le sénateur Anderson: Je ne connais pas très bien les trois endroits au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta, et je crains qu'ils ne soient un peu trop similaires. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'en sacrifier un au profit d'un autre dans les Maritimes.
Le président: Pourquoi pas un en Colombie-Britannique?
M. Armitage: L'intention des sénateurs était de poursuivre cette étude durant le prochain exercice financier et d'aller ensuite visiter des usines en Colombie-Britannique et dans les Maritimes.
Le sénateur Anderson: Très bien.
Le président: Les destinations pourraient probablement être changées.
Sommes-nous en faveur de la motion du sénateur Riel portant adoption de ce budget?
Des voix: D'accord.
Le président: Le ministre de l'Agriculture a convoqué un congrès et une conférence sur l'avenir de l'agriculture et du secteur agroalimentaire à Winnipeg les 25 et 27 juin. Notre attachée de recherche, June Dewetering, nous demande de l'autoriser à y assister. Je pense que ce serait opportun. À son retour, elle pourrait nous soumettre un rapport et nous donner un aperçu général de la question.
Le sénateur Rossiter: J'en fais la proposition.
Le président: La motion est appuyée par le sénateur Anderson. Sommes-nous tous en faveur de la motion?
Des voix: D'accord.
La séance est levée.