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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale
du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 1 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 13 mars 1997

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 04 afin de commencer son examen de l'état actuel et des perspectives d'avenir des forêts au Canada: étude de la forêt boréale.

Le sénateur Doris M. Anderson (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous accueillons aujourd'hui M. Jacques Carette, directeur général, Ressources naturelles Canada.

En guise d'introduction à l'intention de nos témoins, permettez-moi de dire que quatre membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se sont rendus dans les trois provinces de l'Ouest, en novembre dernier pour faire enquête sur l'état de la forêt boréale. Nous nous sommes rendus dans trois grandes usines de pâtes et papiers en Alberta, Saskatchewan et au Manitoba et nous avons tenu des séances publiques à Edmonton, Prince Albert, Winnipeg et Swan River sur la question de la gestion des forêts.

On nous a dit que l'exploitation durable de la forêt Athabasca était impossible; que Alberta Pacific Mill se procure des billes à de très grandes distances, même en Saskatchewan; que la coupe annuelle permise en Alberta est trop élevée. On nous a également dit que la mise en valeur des forêts dans le nord de l'Alberta a provoqué un essor économique extraordinaire, mais des membres des réserves des Premières nations, très au nord d'Edmonton nous ont également appris que les Métis avaient été exclus de la stratégie de conservation de l'Alberta. Un membre de l'Association de la pêche et de la chasse de l'Alberta nous a dit que son groupe s'oppose fermement à ce que le gouvernement fédéral cède aux provinces la responsabilité en matière de pêche.

Dans les trois provinces, on nous a beaucoup parlé de coupes à blanc, de coupes sélectives, de programmes de sylviculture et de contaminants dans les eaux. On nous a également parlé du réseau de centres d'excellence financés en partenariat par le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et le CRSNG.

On nous a également signalé le manque d'une base de données sur les pratiques forestières. Par exemple, il existe peu de données qui permettent de déterminer s'il est préférable pour l'exploitation durable des forêts de concentrer les coupes sur des lots de 40 ou de 200 hectares. L'industrie forestière abat un grand nombre d'arbres ce qui a une incidence sur l'habitat des animaux et des oiseaux.

Nous avons appris que les gouvernements et de la Saskatchewan et du Manitoba sont propriétaires, à environ 50 p. 100, des deux plus grandes usines de pâtes et papiers de leur province respective. Certains contestent ce genre de partenariat. Nous avons appris que les données sur la biodiversité au Canada sont rares ou inexistantes.

Vous avez la parole, monsieur Carette.

M. Jacques Carette, directeur général, Politique, planification et affaires internationales, Ressources naturelles Canada: Madame la présidente, nous, du Service canadien des forêts, sommes très heureux de fournir au comité l'information qu'il nous a demandée.

Nous sommes heureux de l'examen ouvert et transparent de l'état des forêts et de la gestion des forêts au Canada. Ces dernières années, plusieurs examens du genre ont été faits, dont récemment une étude par l'OCDE dans le cadre de son examen sur la performance environnementale de divers pays. Je me suis permis d'apporter, à l'intention des membres du comité, la version anglaise et la version française de cette étude. C'est un bon exemple d'un examen des forêts et des pratiques forestières au Canada effectué par une tierce partie.

Un tel examen offre une tribune aux forestiers qui leur permet d'échanger des points de vue tout en donnant à d'autres organismes forestiers une idée des valeurs que les Canadiens attachent à leurs forêts. Ce genre de perspective aide à façonner la politique forestière au Canada, à divers niveaux, ainsi qu'à diriger la recherche vers les secteurs où les valeurs sont incomprises ou pour lesquelles on manque le plus de données concrètes.

On nous a demandé de répondre à six questions dont la première nous demandait de fournir une courte description des forêts du Canada.

Le Canada gère 10 p. 100 des forêts du monde et l'on peut dire que la forêt représente 50 p. 100 du paysage canadien. Les forêts du Canada sont uniques c'est-à-dire que 94 p. 100, sont en régie directe -- les provinces en détenant 71 p. 100 et le gouvernement fédéral et les gouvernements territoriaux 23 p. 100 -- laissant seulement 6 p. 100 des forêts appartiennent au secteur privé.

Les forêts du Canada sont uniques sur le plan biologique en ce sens qu'il s'agit de forêts naturelles. Contrairement à de nombreux pays au monde où les forêts sont plantées ou sont artificielles, la situation au Canada est unique puisque nous gérons une forêt naturelle. On ne sait généralement pas que 57 p. 100 environ seulement de nos forêts sont considérées propres à l'exploitation commerciale.

Le sénateur Taylor: Ces chiffres que vous venez de nous donner portent-ils sur toutes les forêts du Canada ou uniquement la forêt boréale?

M. Carette: Il s'agit de toutes les forêts.

Cinquante-sept pour cent de nos forêts sont classées commerciales en ce sens qu'elles peuvent soutenir des activités commerciales; toutefois, en réalité, 28 p. 100 seulement des forêts du Canada sont gérées à des fins commerciales. Lorsque nous examinons l'état des forêts, nous avons tendance à nous arrêter aux forêts commerciales, mais il ne faut pas oublier que celles-ci représentent moins d'un tiers de l'ensemble des forêts du Canada.

Le sénateur Spivak: Ces chiffres que vous nous citez tiennent-ils compte de toute la mise en valeur commerciale récente au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta qui porte sur presque toute la partie septentrionale de ces trois provinces?

M. Carette: Oui, ces chiffres tiennent compte de la situation actuelle.

Le sénateur Spivak: En 1997?

M. Carette: Non, nos derniers chiffres sont pour 1995-1996. Votre étude porte sur la forêt boréale qui compose environ 55 p. 100 de l'ensemble des forêts du Canada et environ un tiers des forêts boréales au monde. Malheureusement, nous n'avons pas de chiffres distincts pour la forêt boréale, mais nous pourrions faire des calculs nous-mêmes, si le comité a des questions qui portent expressément sur la forêt boréale.

Le comité nous a également demandé d'expliquer le rôle fédéral.

Essentiellement, le gouvernement fédéral protège et fait la promotion des intérêts forestiers canadiens, au pays et à l'étranger. Au Canada, le gouvernement fédéral gère toute une série de questions liées aux forêts dans le domaine de l'économie, des emplois, de l'environnement, des pêches, des changements climatiques et des questions sociales. Comme vous le savez, plusieurs ministères fédéraux tels que l'Environnement, Pêches et Océans, Industrie Canada et Développement des ressources humaines s'intéressent, à divers titres, aux questions qui touchent les forêts.

À l'échelle internationale, le gouvernement fédéral s'intéresse aux questions de commerce et d'élaboration d'ententes internationales telles que les conventions sur la diversité biologique et les changements climatiques signés il y a cinq ans. Bien que ces questions relèvent du ministère des Affaires étrangères, le Service canadien des forêts travaille en étroite collaboration avec celui-ci.

Le comité nous a ensuite demandé de parler du rôle du CNR et du Service canadien des forêts dans le secteur forestier.

Nous avons pour mandat de promouvoir le développement durable des forêts canadiennes et la compétitivité de l'industrie. Nous avons notamment comme défi de maintenir l'équilibre entre les diverses valeurs économiques et sociales dont s'inspire l'idée de gestion durable des forêts. Vu le rôle de nature scientifique de notre organisme et de notre personnel, nous tentons d'apporter notre expertise sur le plan scientifique à ces questions et à intégrer les sciences et la politique en adoptant une approche innovatrice à la gestion forestière.

Nous tentons de mettre au point des technologies et des systèmes pour recueillir et intégrer l'information telle une base de données nationale sur les forêts. Nous fournissons également de l'information à la population au moyen du rapport sur l'état des forêts et de divers rapports scientifiques et techniques.

Depuis trois ans maintenant nous sommes organisés en 10 réseaux nationaux de science et de technologie. Ceux-ci reposent sur des questions de politique stratégique telles que la lutte contre les ennemis des cultures, la biodiversité, les changements climatiques, et cetera, et sont gérés à partir de cinq centres. Chaque réseau fonctionne à l'échelle du pays en étroite collaboration avec les universités, l'industrie, les centres d'excellence, les organismes provinciaux de recherche, et cetera. Je pense que vous avez déjà des renseignements sur la structure des réseaux.

Une exception, c'est ce que nous appelons recherche sur les produits tels que les pâtes et papiers et le bois d'oeuvre, y compris la recherche sur les opérations de récolte. Cette recherche s'effectue en partenariat avec des instituts comme Forintek, FERIC et Paprican. Notre ministère, par l'entremise du Service canadien des forêts, finance ces institutions et dirige leur politique.

Le SCF travaille également par l'entremise du Conseil canadien des ministres des Forêts qui regroupe tous les ministres provinciaux et territoriaux des Forêts. Je suis heureux de dire que ce conseil a entrepris une série de projets très importants ces dernières années, notamment la définition des critères et des indicateurs en vue de mettre en place une structure de gestion forestière durable au Canada dont le premier rapport sera publié très bientôt. Il y a aussi toute une série d'autres initiatives dont je pourrai vous parler plus longuement plus tard, si vous le souhaitez.

Le Service canadien des forêts mène des consultations poussées avec toutes les parties intéressées dans les forêts au Canada. Par exemple, récemment, nous avons participé à des discussions internationales dans le domaine forestier à l'échelon mondial. En préparation, nous avons tenu des consultations avec les groupes autochtones, les groupes écologistes, avec l'industrie et avec les provinces.

Il en va de même pour définir l'orientation de notre programme de recherche. Nous avons un comité consultatif qui regroupe tous les intéressés du secteur forestier et j'ose espérer que nous avons tenu compte des conseils et des opinions qu'ils nous ont donnés.

Ensuite, le comité avait demandé un aperçu rapide de l'économie forestière.

L'industrie forestière est un important employeur au Canada, pour un total de 800 000 emplois dont environ 370 000 sont des emplois directs. Entre 1975 et 1995, l'emploi direct total dans le secteur forestier s'est maintenu à un niveau assez constant d'environ 340 000 emplois. Entre 1992 et 1995, l'emploi a augmenté de 59 000 emplois au total dans le secteur forestier, surtout dans les secteurs du sciage, et des panneaux à copeaux et à particules.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu de changements au niveau de l'emploi. Il y a eu des changements sur deux plans, d'abord, au niveau de la productivité de la main-d'oeuvre. Grâce à la haute technologie et à de meilleures techniques dans les scieries et dans les méthodes de récolte, nous avons pu augmenter la production par travailleur tout en évitant d'augmenter les coûts pour l'industrie.

Le sénateur Spivak: Lorsque vous déclarez «1 sur 15 emplois», parlez-vous d'emplois directs ou indirects?

M. Carette: En tout, directs et indirects.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous nous dire ce que vous entendez par «emplois indirects» et comment en faites-vous le compte.

M. Carette: Essentiellement, on y inclut tout le secteur des services, de l'équipement, ceux qui gagnent leur vie grâce à la forêt. Il s'agit d'un pourcentage calculé par les économistes. On me dit que c'est environ deux sur trois ou deux sur quatre.

Le sénateur Spivak: J'aimerais voir les données et les hypothèses que vous avez utilisées. J'aimerais les avoir par écrit, si vous le voulez bien.

M. Carette: Le premier changement se situe au niveau de la productivité de la main-d'oeuvre. Le deuxième vient du fait que ces dernières années, on exige des compétences différentes de ceux qui travaillent dans l'industrie forestière parce qu'ils doivent utiliser de l'équipement très perfectionné. Je pense aussi que l'on peut dire que dans le secteur forestier, et dans les forêts et dans les scieries, on offre un milieu de travail plus sécuritaire et plus hygiénique.

Nous avons également vu, ces quelques dernières années, un changement dans l'éventail des produits. L'industrie avait tendance à commercialiser des produits pour lesquels la demande était plutôt élevée. Or ces dernières années, il y a eu un changement vers des produits à valeur plus élevée tels que le papier d'imprimerie et le papier d'écriture et divers types de carton -- ce que nous qualifions de produits ouvrés.

Les forêts du Canada ont une grande incidence sur les collectivités. Trois cent trente-sept en dépendent énormément étant donné que plus de 50 p. 100 de leur économie repose effectivement sur des activités liées à la forêt. En outre, environ 1 300 localités dépendent de façon modérée de la forêt pour leur économie, et par «modérée», nous entendons que de 10 à 50 p. 100 de leurs activités dépendent de la forêt.

Pour ce qui est de sa contribution à l'économie nationale, le secteur forestier apporte 20,3 milliards de dollars au PIB et, comme vous le savez, le Canada est l'un des principaux pays exportateurs de produits forestiers.

Le comité voulait en savoir davantage sur les terres forestières appartenant à des intérêts privés.

Comme je l'ai déjà dit, 6 p. 100 seulement des forêts canadiennes appartiennent à des exploitants privés, lesquels se divisent en deux groupes. Il y a d'abord les grandes entreprises du Nouveau-Brunswick et de la Colombie-Britannique, par exemple, mais aussi environ 425 000 propriétaires, surtout des agriculteurs et des pêcheurs, qui, sans participer à l'industrie forestière, tirent de leurs boisés des revenus supplémentaires.

Même si les boisés privés ne représentent que 6 p. 100 de toutes les forêts exploitées commercialement, ils représentent néanmoins environ 18 p. 100 de tout l'abattage annuel. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, les terres sur lesquelles sont situés ces boisés privés sont parmi les plus productives au Canada. Il s'agit généralement de terres agricoles. Deuxièmement, les réseaux routiers sont les mieux développés puisqu'ils sont situés dans des régions peuplées du pays, ce qui en facilite l'accès. Ces deux facteurs ont entraîné un abattage intensif dans les boisés privés.

La gestion des boisés privés ne relève que de leur propriétaire. Ni le gouvernement fédéral ni les gouvernements des provinces n'ont le droit d'imposer une formule quelconque de gestion à l'égard de ces boisés; cependant, certains gouvernements provinciaux ont offert des incitatifs aux propriétaires de boisés privés, soit sous forme d'aide financière, soit sous forme de crédits d'impôt, afin qu'ils gèrent leurs terres selon les normes provinciales.

Le Service canadien des forêts collabore avec les propriétaires de boisés privés principalement en diffusant les résultats de nos recherches en matière de sciences et de technologie. Nous leur offrons de bons conseils, croyons-nous, sur la façon d'aménager leurs boisés. Nous les invitons également à participer à nos diverses consultations, y compris celles au niveau international, puisque les propriétaires de boisés privés jouent un rôle important dans d'autres pays et que leur opinion nous est utile.

Les propriétaires de boisés privés participent également de façon fort active à notre programme des forêts modèles, programme unique et très important que met en oeuvre le Service canadien des forêts. Je crois savoir que votre comité a déjà reçu des renseignements sur ce programme des forêts modèles.

Passons maintenant à la question de l'exploitation forestière et des Autochtones. D'après une statistique que nous vous avons fournie, 52 p. 100 des terres situées sur les réserves sont boisées. Cela représente 1,4 million d'hectares, dont environ un million sont considérés comme terres forestières productives. Même si les forêts représentent un faible pourcentage de la plupart des réserves indiennes, certaines réserves sont suffisamment vastes pour en faire une exploitation commerciale, qu'il s'agisse d'abattage, de loisirs, de tourisme ou d'activités autres que l'abattage.

À l'heure actuelle, les droits issus de traités des Autochtones font l'objet de discussions dirigées par le ministère des Affaires indiennes et, dans bien des cas, par les provinces. Je ne suis pas suffisamment expert dans le domaine pour en parler et je limiterai donc mes commentaires à la seule exploitation forestière.

Certaines provinces ont adopté des lois exigeant que les valeurs et les intérêts des Autochtones soient pris en compte dans la préparation des plans de gestion forestière; certaines provinces ont même adopté des lois sur le patrimoine pour protéger les lieux sacrés autochtones.

Pour sa part, le gouvernement fédéral dispose de deux programmes. Il y a d'abord le programme de foresterie des Premières nations, qui a été annoncé en avril 1996 et qui est administré conjointement avec le ministère des Affaires indiennes. Il s'agit en fait d'un programme qui vise à rendre les collectivités autochtones mieux en mesure de gérer de façon durable les forêts qui se trouvent dans leur réserve et à leur donner davantage l'occasion de participer à des entreprises du secteur forestier. Ce programme est géré conjointement avec les collectivités autochtones et s'est vu attribuer un budget de 24 millions de dollars pour une période de cinq ans. Jusqu'à présent, les activités du programme sont concentrées sur l'élaboration et la mise à jour de plans de gestion forestière, sur la formation en sylviculture, sur la commercialisation des produits forestiers et sur des études de faisabilité relatives à des entreprises commerciales.

Le deuxième programme fédéral est celui des forêts modèles, dont je vous ai déjà parlé. Les Premières nations collaborent à titre de partenaires dans cinq de nos dix forêts modèles.

Récemment, le Service canadien des forêts a parrainé une étude sur les connaissances écologiques traditionnelles en matière de forêts. L'Association nationale de foresterie autochtone a rédigé un rapport dans lequel on trouve six études de cas sur les valeurs traditionnelles que partagent les Autochtones à l'égard des forêts. Je n'en ai pas apporté un exemplaire aujourd'hui, mais je me ferai un plaisir d'en faire parvenir un au comité. Les résultats de cette étude ont été rendus publics à Genève, dans le cadre du groupe international d'experts sur les forêts. On a estimé un peu partout au monde que ce rapport ajoutait un éclairage particulier au débat sur les connaissances écologiques traditionnelles qui a cours à l'échelle internationale sur l'exploitation forestière.

Passons maintenant à la question des zones protégées.

Le Canada a toujours établi des zones protégées pour préserver la diversité de la faune et de ses habitats, pour permettre la recherche scientifique, pour fournir des points de référence afin d'évaluer ou d'améliorer la pérennité de l'écosystème, pour favoriser une meilleure connaissance du milieu sauvage.

À l'heure actuelle, environ 12 p. 100 de toutes les forêts canadiennes sont protégées par des lois, des règlements et des directives. Ces dernières permettent, par exemple, de protéger des bandes tampons et diverses zones où l'environnement est vulnérable.

Il faut toutefois déterminer si ces zones sont représentatives de l'écozone ou de l'écosystème canadien. Nous ne le savons pas encore, mais l'un de nos réseaux, en collaboration avec les provinces, essaie actuellement de définir la représentativité de ces zones. C'est une question que nous comprendrons mieux, il faut espérer, dans quelques mois.

Pour conclure, permettez-moi de vous lire deux extraits d'un communiqué publié par le World Resources Institute, à Washington, le 4 mars. J'ai apporté trois exemplaires de ce rapport à votre intention. On dit dans ce communiqué:

Trois pays -- la Russie, le Canada et le Brésil -- possèdent plus de 70 p. 100 de toutes les forêts inexploitées qui restent au monde. La moitié de ces forêts sont situées dans le Grand Nord, région où l'exploitation des ressources est très onéreuse.

Dans ce cas-ci, on entend par forêts inexploitées de vastes étendues de forêts non exploitées susceptibles de subvenir aux besoins d'une population autochtone, par exemple.

Voici l'autre extrait:

Ce qui est essentiel, c'est que les pays dont les forêts sont en bon état... offrent une excellente occasion d'appliquer une gestion forestière responsable... En changeant leur politique, ces pays ont vraiment l'occasion de conserver la majeure partie de leurs forêts inexploitées originales.

Le WRI est un groupe scientifique indépendant à but non lucratif qui a évalué diverses forêts au monde en fonction de certains critères. D'après ce groupe, il y a encore au Canada de nombreuses forêts non menacées de disparition et le défi que devra relever le pays sera d'aménager ces forêts selon les principes de l'exploitation durable. Nous disposons déjà de nombreux éléments pour cela, dont la stratégie nationale sur les forêts, sur laquelle nous présenterons un rapport. Une évaluation est actuellement en cours, et nous présenterons un rapport en mai 1997. Le Conseil canadien des ministres des Forêts a déjà décidé qu'une autre stratégie fera suite à celle-ci.

Le Canada a également oeuvré sur la scène internationale pour élaborer une convention internationale sur les forêts. Vous avez lu, j'en suis sûr, la nouvelle sur les résultats de la dernière réunion, il y a deux semaines à New York, du groupe international d'experts sur les forêts, qui est appuyé par les Nations Unies. Plus de 60 pays prêtent maintenant leur appui aux négociations et à la convention sur les forêts. Nous sommes également favorables à la mise en oeuvre d'un programme d'action sur lequel se sont déjà entendus les participants à la réunion des Nations Unies. Comme vous le savez, le secteur forestier est très actif. Comparativement à ce qui se fait dans d'autres pays, le Canada est loin d'être en mauvaise posture.

Je vais m'arrêter ici. J'espère avoir répondu aux questions du comité.

Le sénateur Gustafson: Les sociétés étrangères contrôlent quel pourcentage des activités forestières et des droits de coupe?

M. Carette: Je n'ai pas ces données. La plupart des compagnies ont des ententes avec les provinces sur les droits de récolte forestière et obligations de reboisement qui s'étalent de 5 à 20 ans. Pour ce qui est de la propriété étrangère de l'industrie comme telle, des scieries, et cetera, je n'ai pas ces données ici avec moi, mais je peux vous les fournir.

Le sénateur Spivak: Nous aimerions bien les recevoir, de même qu'une liste de toutes les compagnies forestières au Canada.

M. Carette: Il y en a environ 5 000. Ce serait peut-être un peu fastidieux.

Le sénateur Spivak: Cela doit paraître sur microfiche ou un autre format qui nous y donnerait accès. Nous aimerions bien recevoir cela.

M. Carette: Ce que nous pourrions faire rapidement c'est vous fournir une liste des 40 ou 50 plus importantes compagnies.

Le sénateur Spivak: Merci.

Le sénateur Gustafson: Compte tenu de mes antécédents dans le domaine de l'agriculture, je constate avec regret que la population locale ne retire pas grand-chose de cette exploitation. Surtout celles que nous avons vues au Manitoba et en Alberta, il me semble que les gens qui font les tâches les plus difficiles, telles que la récolte forestière qui n'est pas du tout facile, n'en retirent pas grand-chose; tandis que les compagnies étrangères retirent des profits importants de cette exploitation -- des grosses sommes comme l'indiquent nos exportations, notre balance commerciale, et cetera.

Lorsque notre comité s'est rendu à Washington, les membres du Congrès nous ont dit «Ce n'est à nous à nous occuper de ce que les compagnies retirent de votre pays.» Évidemment, il s'agissait de grains à ce moment-là. Mais il me semble que c'est un peu injuste que nous devenions des porteurs d'eau et des scieurs de bois sans retirer grand-chose de cette exploitation au Canada.

Vous direz peut-être qu'il y a des emplois, mais à Alberta Pacific on nous a dit que cela prenait environ 35 emplois pour faire fonctionner cette énorme usine. Le travail pénible, d'après ce que j'ai pu observer, se fait par des gens qui sont dans la forêt et qui coupent le bois, et qui conduisent ces machines sur un terrain très accidenté. C'est une tâche très lourde. Les camions qu'on y voit sont en mauvais état, il y a des raisons à cela. Je me demandais si vous aviez des statistiques à ce sujet.

M. Carette: Premièrement, il fut une époque où les compagnies s'occupaient elles-mêmes de toute la récolte forestière et les gens travaillaient pour ces compagnies directement. Depuis cinq ans, on assiste à un changement important à ce chapitre. De nos jours, la récolte se fait principalement par de petits entrepreneurs locaux. Le transport du lieu de la récolte à la scierie se fait généralement par les entrepreneurs locaux. Les scieries augmentent leur productivité par le biais de la haute technologie, et une fois qu'elles ont fait ça, on voit normalement moins d'employés et plus d'équipement par unité de production.

J'espère que les membres du Congrès à Washington vous ont dit que le nord-ouest des États-Unis exporte plus de rondins au Japon annuellement que nous n'exportons de produits finis, d'une année à l'autre. Nous n'exportons pas comme eux des rondins. Nous essayons de garder ici un certain nombre d'emplois. Je pense que le Canada a fait un excellent travail pour promouvoir les maisons à ossature en bois au Japon, par exemple, mais il faut des deux par quatre et des deux par six pour construire ce genre de maisons. Si vous exportez la technologie à un marché étranger, vous devez fournir la matière brute nécessaire.

Pour ce qui est des salaires, en 1993, l'industrie forestière a déboursé près de 10 milliards de dollars en salaires. Nous ne savons pas dans quelle mesure cette somme s'achemine vers les petites collectivités.

Le sénateur Gustafson: Nous n'avons pas vraiment eu la chance de voir les petits entrepreneurs qui essaient de survivre. Il me semble que ce serait très difficile pour eux de survivre lorsqu'ils doivent faire concurrence à des grandes compagnies comme Alberta Pacific ou Louisiana au Manitoba. D'après moi, ils n'ont aucune chance de survie.

Le sénateur Spivak: Non, ils n'ont aucune chance.

Le sénateur Gustafson: Ensuite il y a toute la question des contingents. Il semblerait que selon le système en place, les très grandes compagnies ont des liens très étroits avec les gouvernements provinciaux; or, ceux-ci, pour protéger leurs propres intérêts, car les enjeux sont importants pour eux, s'assurent que ces grandes compagnies pourront continuer de fonctionner. Y a-t-il une protection quelconque pour les petits entrepreneurs?

M. Carette: Malheureusement, je ne connais pas très bien la situation en Alberta parce que je viens plutôt de l'Est que de l'Ouest. Au Québec et en Ontario, il y a une protection pour les petites scieries. Je sais, par exemple, la Colombie-Britannique attribue une certaine quantité de bois aux petites et moyennes entreprises. Au Québec et en Ontario, la loi protège les petites et les moyennes scieries. Le problème qui se pose alors c'est de savoir dans quelle mesure le gouvernement intervient dans les forces du marché.

Dans une perspective de marché global, le Canada est un participant relativement mineur. Malgré le fait que nous avons ici de grandes scieries, nous avons des compagnies relativement petites comparées à celles qui existent ailleurs dans le monde. Nous sommes des intervenants mineurs dans le marché global. Pour devenir un intervenant important, nous aurions besoin de plus grandes compagnies. Voilà la situation mondiale du marché forestier.

Le sénateur Gustafson: Je trouve cela difficile à comprendre, parce que Alberta Pacifique contrôle 10 p. 100 des terres là où elle détient des contingents. Ai-je raison de dire que 10 p. 100 de la surface terrestre de la province de l'Alberta, y compris les terres agricoles, est la propriété d'Alberta Pacifique?

Le sénateur Taylor: C'est plus grand que le Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Gustafson: Plus grand que le Nouveau-Brunswick. Et elle a 150 camions qui assurent le transport 24 heures sur 24. Je crois que les frais d'usine s'élevaient à près de 5 milliards de dollars. Je comprends mal pourquoi les industries forestières ailleurs au monde récolteraient plus que nous. Si c'est le cas, il ne leur restera pas grand-chose.

M. Carette: Je crois que les terres que cette société détient sont suffisantes pour assurer un approvisionnement continu de bois pendant toute la vie utile de la scierie. Normalement, ces compagnies ont l'intention d'être là pour toujours; elles ne s'installent pas là pour cinq ans. Normalement, le cycle de récolte de la gestion forestière correspond à la régénération de la forêt, et dans la forêt boréale soit probablement entre 80 et 120 ans, selon l'espèce. Les terres qui appartiennent à Alberta Pacifique sont probablement suffisantes pour leur permettre de fonctionner continuellement, ce qui n'est pas rare.

Le sénateur Taylor: Vous avez parlé de gestion forestière, mais vous n'avez pas mentionné les peuples autochtones. On entend des voeux pieux à leur sujet dans chaque exposé, mais lorsqu'il s'agit de faits concrets c'est-à-dire que comment ils s'intègrent au développement des concessions et de la forêt, il semblerait qu'il n'y ait rien du tout sauf quelques conseils concernant l'emplacement des chevreuils et des orignaux. Il n'y a aucun effort véritable de gestion conjointe, ni par le gouvernement fédéral ni par les gouvernements provinciaux, pour aménager ce qui leur appartient essentiellement.

On leur dit: «Ne vous inquiétez pas, le taux de fécondité n'est pas très élevé, et si vous êtes gentils vous allez peut-être obtenir un emploi comme opérateur de scie à chaîne.» Ils ne semblent pas être consultés de façon significative, surtout qu'il est maintenant question d'autonomie gouvernementale. L'autonomie gouvernementale signifie un certain besoin de générer son propre capital, parce que ne sert rien de se gouverner soi-même si l'on doit dépendre d'autrui pour obtenir l'argent nécessaire pour fonctionner. Or, il faut qu'il y ait un système qui intègre les Premières nations dans le développement et les récompenses afférentes, non seulement dans le domaine forestier mais également en matière de biodiversité. Je ne vois pas exactement ce que fait le gouvernement fédéral, hormis quelques voeux pieux -- et cela est vrai pour les gouvernements précédents également -- lorsqu'il s'agit des peuples des Premières nations et de la gestion conjointe. Je ne parle pas de consultations; je parle de gestion conjointe. Avez-vous une réponse à ces reproches?

M. Carette: Je crois que plus tôt j'ai mentionné l'étude sur les connaissances traditionnelles de l'exploitation forestière que nous avons menées conjointement avec l'Association nationale de foresterie autochtone. Une des six études de cas porte essentiellement sur ce qui se produit à la scierie Alberta Pacific et comment les Autochtones ont mis au point une relation de travail avec la gestion d'ALPAC et comment ils intègrent les valeurs de chacun. Nous vous fournirons ce rapport, et je pense que vous y puiserez des informations utiles.

Pour ce qui est du second volet de votre question, le fait est que la gestion forestière relève des provinces. Le gouvernement fédéral est responsable des réserves.

Le sénateur Taylor: Le gouvernement fédéral a signé des ententes avec les peuples des Premières nations qui précèdent la création des provinces et la Cour suprême a bien dit que ces ententes s'appliquent bien au-delà des réserves dans le domaine de la chasse, par exemple. Si l'on estime que les droits de chasse s'étendent sur un territoire très vaste à l'extérieur de la réserve et que cela est nécessaire pour la subsistance des peuples des Premières nations, il ne fait aucun doute que les forêts seraient dans la même catégorie.

Vous avez mentionné ALPAC. Bien que ce soit bien gentil, ALPAC a quand même une attitude très paternaliste. C'est comme si on demandait de meilleures conditions d'habitation pour les esclaves plutôt que de leur permettre d'être cogestionnaires de la plantation.

Je pense que le gouvernement fédéral a abrogé ou abandonné ou négligé un domaine pour lequel il est responsable. L'autonomie gouvernementale des Premières nations ne signifie rien du tout s'ils n'ont pas la gestion conjointe des ressources.

Le sénateur Spivak: Le gouvernement fédéral a des responsabilités pour ce qui est des litiges relatifs aux revendications territoriales. Les gouvernements provinciaux ont également des responsabilités fiduciaires, qu'aucun d'eux n'a respecté, et qui sont reliées à la délégation 1932. Je ne l'ai pas sous les yeux, je ne peux donc pas être plus précise que cela.

Vous êtes le directeur général du Service canadien des forêts. Selon vous, quel est le mandat fédéral dans ce domaine? Comme le sénateur Taylor l'a mentionné, on assiste à un excellent travail de relations publiques concernant la situation des Autochtones, et l'on dit qu'on veut les faire participer. Mais en vérité, la majorité des terres en question leur appartiennent et nous l'avons donné à des tierces parties. Ensuite, nous disons aux Autochtones «Arrangez-vous avec eux».

Quelle est votre interprétation de la loi en matière d'exploitation forestière vis-à-vis les peuples autochtones? Que répondez-vous à cela?

M. Carette: Le mandat du Service canadien des forêts porte essentiellement sur la science et la technologie, la production d'informations, et des efforts de collaboration avec divers partenaires pour mettre au point un consensus sur la gestion forestière durable. Nous n'avons pas de mandat pour nous occuper des questions autochtones, ou autres du genre.

Le sénateur Taylor: Vous estimez que cela ne fait pas partie de votre mandat que de coordonner la gestion forestière avec les Premières nations. C'est ce que vous répétez?

Le sénateur Spivak: C'est ce que vous croyez?

Le sénateur Taylor: Nous essayons seulement de trouver le responsable quelque part.

M. Carette: Selon notre interprétation de notre mandat -- et je crois qu'il est exprimé très bien par le programme forestier indien que nous avons mis au point conjointement avec le ministère des Affaires indiennes -- nous avons un groupe à vocation scientifique dont la tâche est de fournir de l'information à tous les citoyens canadiens y compris les peuples autochtones. Nous avons mis au point un programme conjointement avec eux pour ce faire.

Pour ce qui est des droits, des obligations, des questions de compétence provinciale ou non provinciale, c'est le ministère des Affaires indiennes qui a la responsabilité directe de ces questions. Je pense que c'est à lui que vous devriez poser ces questions et non pas au SCF.

Le sénateur Spivak: Donc, votre réponse est essentiellement que le Service canadien des forêts n'estime pas qu'il ait une responsabilité, et n'a pas reçu comme responsabilité, de déterminer si les compagnies d'exploitation forestière contreviennent au mandat fédéral vis-à-vis des droits autochtones. Estimez-vous que cette affirmation est exacte?

M. Carette: C'est une affirmation très longue pour décrire une situation fort simple du point de vue du SCF.

Le sénateur Spivak: C'est tout ce que nous voulons savoir. Vous avez répondu à cela.

Le sénateur Taylor: Quel genre de coordination y a-t-il dans le domaine de l'environnement concernant la recherche entreprise actuellement, par exemple, dans la forêt de l'Amazonie ou nos propres forêts boréales qui sont considérées comme les poumons de la Terre et nécessaires à la propreté de l'eau, à la salubrité de l'air, et cetera. L'impact sur l'environnement du monde entier est énorme.

Il y en a qui prétendent que la seule question qui réveille le gouvernement fédéral, c'est la question des pêches et même là, il n'ouvre qu'un oeil. Il parle de battre en retraite et il craint de marcher sur les pieds des responsables provinciaux. Pensez-vous que votre organisme a son mot à dire concernant les répercussions écologiques de la gestion des forêts que ce soit à l'échelle canadienne ou mondiale ou laissez-vous ces questions au ministère de l'Environnement? Vous intéressez-vous seulement à la récolte du bois?

M. Carette: Cela pourra vous sembler redondant, mais la responsabilité de la gestion des forêts au Canada relève des provinces. Le gouvernement fédéral a des responsabilités conjointes à propos de certaines questions comme l'eau douce et la protection du poisson. Fondamentalement, la gestion forestière incombe aux provinces.

Le sénateur Taylor: À votre avis, donc, le gouvernement fédéral ne peut intervenir que lorsqu'il est question d'eau et de poisson. Vous ne pensez pas que le gouvernement fédéral puisse intervenir s'il s'agit de la qualité de l'air ou d'autres questions environnementales qui ont à voir avec la foresterie.

M. Carette: On dirait que votre question part du principe que quelque chose de mauvais se trame dans nos forêts canadiennes à l'heure actuelle.

Le sénateur Taylor: Je veux dire tout simplement que si la fameuse «révolution verte» des 10 ou 15 dernières années a servi à faire la promotion d'une cause, c'est de reconnaître l'importance qu'ont les forêts au niveau de l'écologie mondiale. Vous dites que le gouvernement fédéral est responsable de l'environnement seulement lorsqu'il s'agit de questions interprovinciales. Nous serions très inquiets si vous construisiez une cheminée pour fumée sulfureuse en Alberta ou au Manitoba et qu'on ne s'en inquiétait plus jusqu'à ce que la pollution se fasse sentir en Saskatchewan ou à Terre-Neuve.

Les forêts aident à assainir l'air que respirent tous les Canadiens et je me demandais si votre ministère s'occupait de surveiller les conditions environnementales et les changements climatiques ainsi que leurs liens avec nos forêts.

M. Carette: Oui. À vrai dire, un de nos réseaux scientifiques s'occupe de l'influence qu'ont les forêts sur le changement climatique. Je crois comprendre que votre comité rencontrera notre chef scientifique précisément à ce sujet et peut-être pourra-t-il vous donner ce genre de renseignement.

Le sénateur Spivak: J'ai une question précise pour vous. Pourriez-vous me dire quels sont vos antécédents, monsieur Carette? Votre formation? C'est fondamentalement en foresterie?

M. Carette: J'ai un diplôme en foresterie et un diplôme en administration, tous les deux de l'Université Laval.

Le sénateur Spivak: Donc, en gros vos antécédents sont en foresterie.

M. Carette: Oui.

Le sénateur Spivak: Vous nous avez parlé des zones protégées et de l'environnement, mais je crois comprendre que vous vous concentrez surtout sur la foresterie. La foresterie est une industrie et le Service canadien des forêts qui fait partie de Ressources naturelles Canada se trouve orienté surtout dans cette direction.

Au niveau de la conservation et de la préservation, quelles lois gouvernent vos activités? Comment traitez-vous ces questions? À combien se chiffre le personnel? Vous avez beau dire que vous avez pris l'engagement de protéger 12 p. 100 de toute la forêt, mais quelle loi permet au Service canadien des forêts de le faire?

Quelles sont les coupes annuelles permises? Combien coupe-t-on d'arbres au Canada? Vous dites qu'il n'y a rien de répréhensible à ce qui se passe dans nos forêts. J'espère bien que c'est vrai. Tout de même, avec la gestion de l'écosystème qu'on nous propose -- et tous ceux que nous avons rencontrés nous ont dit qu'ils ne savaient guère de quoi il retournait -- nous voyons bien qu'il y aura d'énormes zones de coupes à blanc, pas seulement sur 10 ou 40 acres.

J'aimerais en connaître beaucoup plus sur la possibilité de coupes annuelles permises, la quantité d'arbres coupés et ainsi de suite et comment vous contrôler le tout. De combien de personnel disposez-vous pour contrôler la situation ou, si tout cela est de compétence provinciale, combien les provinces ont-elles de personnel pour contrôler la gestion de l'écosystème?

J'aimerais aussi savoir ce que vous croyez être votre rôle au niveau de la conservation des forêts de veilles futaies, surtout dans le cas des forêts tropicales humides de la Colombie-Britannique. Quel est votre mandat en vertu de la loi à cet égard, et de combien de personnel disposez-vous?

Vous parlez de productivité, et ça épate, mais en réalité, cela signifie que des gens perdent leur emploi. J'ai une bonne idée du nombre d'emplois perdus en Colombie-Britannique depuis cinq ou six ans. Peut-être pourrait-on nous dire combien d'emplois ont été perdus à cause de la technologie dans l'industrie forestière depuis dix ans.

Le vérificateur général, dans divers rapports, nous a dit qu'on ne replante pas suffisamment d'arbres. Quelle proportion de notre forêt perd-on? Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans ce domaine et, si c'est le cas, quels sont vos effectifs? Pour ce qui est de la reforestation, quel est le pourcentage de repousses? Au Manitoba, par exemple, il est impossible de contrôler la situation à cause des coupures budgétaires. Je suis sûr que les diminutions de budget ont eu les mêmes conséquences pour votre ministère.

En pourcentage du PIB, quelle est la part de la foresterie et celle de l'exportation?

Il y a quelques années, on n'avait pas d'inventaires complets de nos ressources forestières. Existe-t-il un tel inventaire à l'heure actuelle?

Voilà certaines des questions précises que j'ai à poser. Je n'exige pas une réponse aujourd'hui, mais il nous faut des réponses à ces questions. J'ose espérer que vous pourrez répondre à certaines, au moins.

Madame la présidente, il y a aussi un certain nombre de questions à poser dans le document de référence dont nous disposons. On pourrait peut-être donner ce document aux témoins pour qu'ils puissent nous revenir avec des réponses à ces questions.

Si vous pouvez répondre à certaines de ces questions aujourd'hui même, nous serons heureux d'entendre les réponses.

M. Carette: Tout d'abord, parlons de cette impression que vous avez que le Service canadien des forêts travaille pour l'industrie.

Le sénateur Spivak: Je n'ai jamais dit cela.

M. Carette: Ou qu'on fait preuve d'un préjugé favorable envers l'industrie.

Le sénateur Spivak: Non, je n'ai pas dit cela non plus. J'ai dit que vous penchez du côté de l'industrie. C'est cela que je voulais dire.

M. Carette: Que nous agissons en fonction de l'industrie.

Le sénateur Spivak: Je ne l'ai pas dit dans un sens péjoratif. Je dis que votre tâche est de travailler de concert avec l'industrie et de l'aider soit à faire son travail de la bonne façon, soit à faire de la promotion.

Il y a quelques années, me semble-t-il, le gouvernement fédéral a versé quelque 5 millions de dollars aux compagnies forestières pour les aider à vendre les produits de la forêt canadienne à l'étranger. Voilà ce que je veux dire. Ça concerne l'industrie forestière, pas la gestion forestière.

M. Carette: Je dois vous contredire. Une des choses que je ne cesse de répéter à mon personnel c'est que la promotion industrielle revient à Industrie Canada, la promotion de l'environnement revient à Environnement Canada et le rôle que joue le Service canadien des forêts c'est de se servir de sa base de données scientifiques pour fournir les meilleurs renseignements et les meilleurs outils et pour faire la promotion des meilleures pratiques dont nous sommes témoins tout en essayant d'amener les divers groupes à forger un consensus. À notre avis, c'est la définition du développement durable. Je ne crois pas que nous fassions la promotion de l'industrie forestière ni que nous ayons un préjugé favorable à son endroit.

Pour ce qui est des 5 millions de dollars, je ne sais pas d'où vient ce chiffre. Ni le Service canadien des forêts ni Ressources naturelles Canada n'a jamais donné un sou vaillant à l'industrie pour défendre les pratiques forestières.

Il a déjà existé un programme conjoint sous les auspices des ministres canadiens des Forêts, qui regroupait les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Croyez-le ou non, ce programme nous a servi à inviter Européens et Américains qui critiquaient le programme de Foresterie canadienne à venir faire un tour au Canada et nous leur avons alors montré ce qui se passait au niveau de nos forêts canadiennes. Nous leur avons donné l'occasion de rencontrer des Autochtones, divers groupes environnementalistes et tous ceux qu'ils voulaient rencontrer pour qu'ils puissent se faire leur propre opinion de la chose.

Ces fonds n'ont jamais servi aux relations publiques. Nous avons cru qu'il était beaucoup plus utile de faire venir ici les Européens pour qu'ils puissent constater de visu ce qui se passe, pour parler aux gens eux-mêmes et leur permettre de se faire leur propre idée à propos du véritable état de nos forêts canadiennes.

J'étais à Bruxelles il y a une semaine et j'ai rencontré certaines de ces personnes qui étaient venues au Canada et je suis heureux de dire qu'elles comprennent maintenant beaucoup mieux toute cette question de la foresterie canadienne. Il faut dire aussi que ces gens-là sont maintenant moins vulnérables à ce que je qualifierais de renseignements biaisés provenant de groupes qui parfois n'ont pas nécessairement les mêmes intérêts.

Vous avez demandé un certain nombre de chiffres et de pourcentages. Évidemment, je n'ai pas toutes ces données sous la main. J'espère que nous les avons quelque part.

Le sénateur Spivak: Prenons seulement une de ces questions. Parlons de la reforestation insuffisante. Vous avez les chiffres?

M. Carette: Oui.

Le sénateur Spivak: Voyons l'usage polyvalent de la forêt. Peut-être pourriez-vous me dire quelles lois et combien de vos employés sont consacrés aux questions concernant la conservation et la protection des forêts de vieilles futaies. Je pourrais passer à autre chose, mais tenons-nous-en là.

M. Carette: Notre personnel se compose essentiellement de scientifiques.

Le sénateur Spivak: Combien y en a-t-il et quelles lois appliquent-ils? Au niveau de la conservation, comme l'a dit le sénateur Taylor, vous devez étudier ce qui se passe au niveau des cours d'eau et ainsi de suite.

M. Carette: En gros, il y a deux lois qui gouvernent directement nos activités. Il y a la Loi sur le ministère des Ressources naturelles et la Loi sur les forêts. Aucune de ces lois ne nous accorde ce qu'on pourrait appeler des pouvoirs de police.

Le sénateur Gustafson: Combien le ministère compte-t-il d'employés?

M. Carette: Lorsque la révision des programmes prendra fin, nous aurons l'équivalent de 800 personnes.

Le sénateur Gustafson: Ce qui me laisse bouche-bée, c'est que vous disposiez de 800 personnes, que vous n'avez aucun pouvoir et que la province a la mainmise sur la gestion forestière. Vous avez dit plus tôt que les provinces prennent toutes les décisions et mettent en oeuvre le programme; mais vous avez quand même 800 employés.

M. Carette; Qui, encore une fois, sont surtout des scientifiques.

Le sénateur Spivak: Vous pourriez peut-être nous résumer la composition de l'équipe, de quel genre de scientifiques s'agit-il, de quels talents disposez-vous? Nous aimerions bien savoir cela. Vous pouvez nous envoyer une réponse écrite.

M. Carette: Nos gens oeuvrent dans les domaines traditionnels de la biologie, de l'écologie, des meilleures techniques de gestion, de la biochimie et ainsi de suite. Nous avons aussi un nouveau réseau socio-économique qui s'occupe de ce que nous appelons les valeurs non traditionnelles «non boisées» comme les loisirs et ainsi de suite.

Le sénateur Spivak: Vous ne vous intéressez pas à la foresterie, mais vous nous parlez de bois et de non-bois. Ça veut dire quoi?

M. Carette: Ce que ça veut dire, c'est que, traditionnellement au Canada -- en fait, je vous enverrai une étude que nous avons effectuée récemment sur l'évolution des lois en matière de forêt au Canada et qui nous aide à comprendre que l'idée de la gestion des ressources renouvelables est relativement nouvelle un peu partout au monde. Heureusement pour nous, le Canada mettait en oeuvre la gestion des ressources forestières renouvelables à l'époque de la Commission Brundtland. Dans le secteur des forêts, au Canada, si on remonte aux premiers temps de la colonie, traditionnellement la question s'est posée en termes de bois/économie/bois et la situation a évolué au fil des ans.

Maintenant, nous étudions toutes les valeurs, mais cela ne veut pas dire que nous savons exactement quoi faire dans tous les domaines. À vrai dire, personne ne sait comment s'y prendre partout.

Le sénateur Spivak: Ou nulle part.

M. Carette: Ça aussi, tant qu'à y être.

Le sénateur Spivak: C'est ce qu'ils nous ont dit dans l'Ouest. Ils ne savent pas.

M. Carette: Nous ne disposons pas de très bonnes données sur tous les aspects socio-économiques. Par exemple, nous parlons de participation du public. Comment mesure-t-on cela? Comment mesure-t-on l'importance de la participation du public? Nous ne le savons pas. Nous faisons des recherches sur cette question. Les provinces travaillent de concert avec nous sur cet aspect de la chose. Il y a 30 organismes, au Canada, qui se sont engagés à travailler dans ce sens dans le cadre de la Stratégie nationale sur la forêt.

La question de la biodiversité intervient. Personne ne sait comment la mesurer. Comment la modifier?

Le sénateur Taylor: Je voudrais faire une observation sur la biodiversité. Le Canada aurait promis de réserver 12 p. 100 de sa superficie à des fins de conservation. Le chiffre de 12 p. 100 est-il un chiffre international?

M. Carette: Douze pour cent, c'est le niveau actuel au Canada, ce n'est pas un engagement que nous avons pris. Le chiffre a été proposé par la Commission Brundtland sur le développement durable. Récemment le Worldwide Fund for Nature a écrit aux chefs d'État de plusieurs pays, y compris le Canada, pour demander que 10 p. 100 de la superficie soit désigné. Il n'y a pas de chiffre absolu. Ce qui est important, c'est de bien choisir les terres qui seront protégées.

Le sénateur Taylor: C'est la question que j'allais vous poser. J'ai déjà fait partie d'une commission de planification qui obligeait les promoteurs à réserver 4 p. 100 de leurs terres à des activités de loisir. Les terres en question se trouvaient toujours à flanc de colline ou bien au fond d'un ravin. Certains se plaignent que les 12 p. 100 des terres réservées au Canada se trouvent dans des vallées où le bois ne présente aucun intérêt économique ou dans des endroits qui ne sont pas accessibles à l'exploitation, et c'est ça que nous appelons la biodiversité.

Si le critère de 12 p. 100 signifie que l'on désigne des endroits sans valeur, il faudrait trouver un meilleur système. Que pensez-vous de la protection de la biodiversité?

M. Carette: La biodiversité, comme le bois d'oeuvre et les activités de loisir, est une valeur parmi bien d'autres. Le grand défi à l'heure actuelle, c'est de bien équilibrer toutes ces valeurs y compris les valeurs économiques et la biodiversité.

Le Canada a l'avantage de couvrir une énorme superficie de terre. Le fait de récolter les arbres dans certaines régions ne veut pas dire que la faune va disparaître, pas du tout. En fait, si vous voulez augmenter la population de certaines espèces de faune, il vaut mieux récolter.

Il y a bien des techniques que l'on peut utiliser. Je ne propose pas d'imiter les méthodes de la nature. La nature a des techniques bien plus draconiennes pour régler cet équilibre que les techniques inventées par les hommes.

Le sénateur Spivak: Il s'agit de quelque chose de durable.

M. Carette: Sur la couverture de ce rapport se trouve une belle carte en couleurs, quelque chose que seul pourrait se payer un organisme sans but lucratif, et on y voit une large bande de forêt qui traverse le Canada. Imaginez cette bande comme un énorme incendie. La plupart de cette forêt est le résultat de différents incendies survenus vers le même moment. Quand vous dites que la récolte ou la coupe à blanc fait des dégâts aux forêts, il faut se rendre compte que la nature est bien plus cruelle.

Le sénateur Taylor: Vous soulevez un argument intéressant que j'apprécie en tant qu'ingénieur ou scientifique. Les experts en sylviculture vont jusqu'à prétendre que nous devons imiter les incendies, c'est leur justification de la coupe à blanc. C'est comme si on allait au Japon en disant que normalement les tremblements de terre auraient rasé ces immeubles, alors nous pouvons obtenir les mêmes résultats avec les bulldozers, cela va stimuler l'économie. On semble dire que si une catastrophe naturelle a des effets positifs, il faudrait l'imiter. Mais les tremblements de terre sont une catastrophe naturelle que nous ne voulons pas imiter.

Que pensez-vous de cette idée que la récolte d'une forêt par la coupe à blanc est semblable à un incendie?

M. Carette: Pour revenir à votre exemple d'un tremblement de terre, il y a quelque temps j'étais membre d'un groupe qui a essayé de mettre au point des logements plus sécuritaires pour les Japonais. Ce que nous essayons de faire. C'est de créer un régime d'aménagement forestier qui résiste aux bouleversements naturels.

Le sénateur Taylor: Alors vous aimez l'idée d'agir comme un incendie?

M. Carette: Non. Je dis que la plupart des forêts canadiennes sont le résultat de grands bouleversements. Il se trouve que nos forêts canadiennes sont en train de vieillir et le risque d'incendie pourrait s'aggraver.

Le sénateur Spivak: À cause du changement du climat?

M. Carette: Non. Nous avons un rapport qui traite de cet aspect du vieillissement des forêts. On y signale, entre autres, que l'accumulation de débris sur le sol de la forêt facilite l'incendie. Quand il y a des incendies fréquents, c'est parce qu'il y a de petites quantités de matières combustibles dans la forêt, l'incendie peut se propager très rapidement dans un peuplement sans tuer les arbres. Si on réussit à éteindre le feu dans la forêt, on crée un autre problème. Nous commençons maintenant à voir quels sont ces problèmes. Les insectes vont commencer à créer un problème à cause de l'âge de nos forêts.

Le principe de l'aménagement forestier, c'est que l'on récolte la forêt avant que sa valeur commence à diminuer et ensuite il y a une nouvelle forêt qui pousse. L'une des caractéristiques de nos forêts, c'est qu'elle repousse.

Le sénateur Spivak: On ne peut pas dire que la coupe à blanc imite l'effet d'un incendie, ce n'est pas le cas. Elle ne laisse pas de semences. De plus, il faut que ces vieux morceaux pourrissent sur le sol afin de créer les bonnes conditions pour une nouvelle croissance. Personne ne sait pas encore grand-chose au sujet de ces conditions du sol. Nous essayons effectivement d'acquérir ces connaissances scientifiques mais entre temps, il y a des coupes à blanc massives qui se produisent en Alberta, en Saskatchewan et au Manitoba où se trouve la forêt boréale. En fait, chaque pied de ces terres a été loué ou donné pour presque rien à des fins d'exploitation commerciale. En même temps que nous essayons d'obtenir ces connaissances scientifiques, nous continuons à couper comme des fous.

Je reviens à la question que j'ai déjà posée. Parlez-nous des coupes annuelles permises et des régions qui ne sont pas suffisamment reboisées? Quelle est la situation? Que faisons-nous maintenant et comment savez-vous que ces méthodes sont durables? Comment les surveillez-vous? Entre-temps, les entreprises continuent à faire ce qu'elles veulent et j'ai bien l'impression qu'il n'y a pas beaucoup de gens pour faire respecter les règles.

M. Carette: D'abord, le principe du rendement soutenu signifie que c'est un rendement constant, ce qui n'est pas quelque chose de nouveau au Canada. C'est un concept qui existe depuis très longtemps.

Le sénateur Spivak: Il y a une grande différence entre le rendement soutenu et le développement durable. Avec le rendement soutenu on coupe suffisamment d'arbres pour permettre aux usines de continuer à fonctionner. Le développement durable implique que la forêt est traitée comme il faut. Il y a une différence importante.

M. Carette: Je faisais remarquer que le principe de rendement soutenu existe depuis très longtemps. Comme vous le dites, le rendement soutenu implique aussi que l'on continue à faire fonctionner les usines ce qui signifie qu'il faut reboiser la forêt. La forêt ne disparaît pas. Même selon les anciens principes, on ne voulait pas laisser la forêt disparaître.

Le sénateur Spivak: Ce n'est ce qu'a dit le vérificateur général. Je ne sais ce qu'il dit dans ses rapports de 1995 et 1996 mais il y a quelques années, le vérificateur général nous mettait en garde contre le fait qu'il n'y avait pas suffisamment de reboisement, il signalait que le Canada était en train de perdre d'énormes quantités de forêts tous les ans.

M. Carette: Cette idée de TIR (terres insuffisamment reboisées) est une notion purement commerciale. Il s'agit de désigner des terrains où des essences commerciales repoussent ou ne repoussent pas. Certaines de ces terres sont insuffisamment reboisées à cause des pratiques de récoltes, d'autres peuvent l'être pour des causes naturelles.

Ce concept de TIR a été inventé vers l'époque où j'étais à l'école de sylviculture où on m'a enseigné ce qu'on appelait le modèle suédois selon lequel il fallait définir les essences voulues. Je me rappelle que j'ai dû remplacer le sapin blanc par l'épinette parce que c'était l'essence qu'on voulait. La terre en question était qualifiée d'insuffisamment reboisée parce qu'elle n'avait pas l'essence commerciale voulue. Cette pratique a été abandonnée. Si c'est une terre à sapin, le sapin va y pousser.

Quant aux chiffres concernant les TIR et cetera, ils se trouvent dans ce rapport sur l'état des forêts. Nous allons vous en donner un exemplaire et vous pouvez trouver les chiffres qui vous intéressent. Vous avez mentionné la CAA, les coupes annuelles autorisées.

La CAA est un concept qui permet, après avoir tenu compte de la perte potentielle, de déterminer la quantité que l'on peut couper, c'est-à-dire la croissance nette de la forêt. On enlève toutes les pertes c'est-à-dire les morts attribuables aux insectes, incendies et maladies et on prend aussi certaines précautions et cetera. Ce qui reste, c'est ce qui peut être récolté parce que cela représente la croissance nette. Le Canada n'a pas dépassé la coupe annuelle permise dans le cas des résineux et quant au bois franc, nous sommes loin d'avoir atteint la limite.

Le sénateur Spivak: Que voulez-vous dire? Quelle quantité coupe-t-on par rapport à quoi? Je ne comprends pas votre explication.

M. Carette: J'ai les chiffres ici.

Le sénateur Spivak: Qu'en pensez-vous par rapport au développement durable et quelles sont vos preuves?

M. Carette: Nous pourrions citer les chiffres maintenant ou vous les donner.

Le sénateur Taylor: Suite aux questions de le sénateur Spivak, si je comprends bien, la CAA est actuellement établie en fonction de principes scientifiques. Vous avez mentionné que l'on tient compte des insectes, des incendies et cetera. Je pense que beaucoup de gens se demandent s'il ne faudrait pas aussi tenir compte des revendications territoriales des Premières nations lorsqu'on détermine la CAA.

Que pensez-vous de l'idée de tenir des audiences publiques relativement à la CAA pour éviter qu'on ait l'impression que ce sont quelques scientifiques qui déterminent cette formule en secret? Vous dites que des facteurs d'ordre social deviennent de plus en plus importants pour la détermination de la CAA. Cela étant, quand pensez-vous permettre au public d'y participer par l'entremise d'audiences publiques sur la CAA?

M. Carette: Cela se passe déjà. La plupart des provinces tiennent des audiences et des consultations publiques non seulement sur la CAA mais également sur le régime d'aménagement forestier. La plupart des plans d'aménagement forestier sont proposés par les entreprises. Des groupes intéressés, y compris des scientifiques peuvent faire connaître leur point de vue. Il existe donc déjà un processus d'examen public des plans d'aménagement forestier, de récolte, de restauration des sites et des pratiques de sylviculture.

Le sénateur Taylor: À votre avis, le processus prend-il suffisamment d'ampleur?

M. Carette: Oui.

Le sénateur Taylor: Alors je vous pose la question suivante. Le gouvernement fédéral est-il jamais présent, représenté par votre organisme ou d'autres, lors de ces audiences publiques afin de présenter l'intérêt national lorsqu'on détermine la CAA au niveau provincial? Ou osez-vous le faire?

M. Carette: Nos scientifiques participent à différents comités de ce genre. Ils ont offert leurs connaissances spécialisées à différentes provinces, y compris le Manitoba, pour la détermination de la CAA.

Le sénateur Taylor: Ce n'est pas la même chose. Je voulais savoir si le gouvernement fédéral intervient lors d'audiences publiques afin de représenter ses intérêts environnementaux et les intérêts des Premières nations, je ne parlais pas de son rôle de consultant auprès de gouvernements provinciaux.

M. Carette: Dans le secteur des forêts, non.

Le sénateur Adams: Il y a quelques ans le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a visité des régions en Nouvelle-Écosse où on avait fait la coupe à blanc. Nous avons parlé à des habitants de l'endroit qui se préoccupaient de questions environnementales et du fait que certains animaux quittaient la forêt. Des fonctionnaires nous ont appris que la Nouvelle-Écosse ne contrôle que 30 p. 100 de sa forêt, le reste étant loué à des entreprises.

Je ne sais pas si votre ministère sait que 7 p. 100 de la forêt de la Nouvelle-Écosse appartient au Washington Post et que certaines entreprises font de la coupe à blanc. Nous avons pris un hélicoptère pour nous rendre à cet endroit et nous avons vu comment on y travaillait.

Nous avons vu des arbres centenaires et l'ampleur des exploitations. Est-ce ça relève du ministère des Ressources naturelles du Canada ou plutôt du gouvernement provincial qui administre la forêt et qui fait la coupe à blanc?

M. Carette: Les terres provinciales sont administrées par les provinces. La loi fédérale s'applique sur les terres fédérales. Quant aux terres privées, il n'y a pas de règlement comme tel autre que le souci du propriétaire de s'inspirer de bons principes d'aménagement forestier.

Le sénateur Adams: Si la province contrôle 30 p. 100 de la forêt et les entreprises en contrôlent 70, comment le gouvernement fédéral fait-il respecter les règlements environnementaux? Les provinces relèvent-elles du gouvernement fédéral à ce sujet?

M. Carette: Divers ministères se partagent la responsabilité des forêts sur les terres fédérales. Le CFC n'a pas comme mandat de contrôler les exploitations forestières sur les terres fédérales. Une bonne partie de la forêt fédérale se trouve dans les Territoires du Nord-Ouest et dans le Yukon et elle est administrée par les autorités locales. Le ministère de la Défense nationale et d'autres ministères ont une responsabilité concernant certaines forêts fédérales. Selon un accord avec ces ministères, nous offrons des services de soutien technique pour l'aménagement de leurs forêts mais la responsabilité comme telle appartient aux divers ministères ou aux gouvernements territoriaux.

Le sénateur Adams: Il y a beaucoup d'incendies de forêt surtout dans la partie ouest des territoires. De plus, les compagnies forestières pratiquent la coupe à blanc dans certains secteurs des territoires. S'il y a un incendie de forêt, est-ce que les coupes annuelles permises pour cette année-là sont réduites en conséquence? Comment fonctionne le système? Savez-vous quels sont les chiffres, étant donné le nombre d'incendies de forêt?

M. Carette: Non, nous avons des systèmes d'inventaire de forêts et une formule pour calculer les coupes annuelles permises. Par exemple, les incendies et les infestations d'insectes sont pris en compte dans le calcul. Nous avons aussi des programmes de restauration: les arbres tués par le feu ou les insectes sont récoltés pour éviter de perdre les fibres.

On tient compte de tous ces éléments au niveau provincial, ou au niveau de l'autorité qui gère directement la forêt.

Le sénateur Adams: Quand il y a un incendie de forêt, la compagnie qui contrôle les terres réduit-elle le nombre de ses employés en conséquence? C'est comme ça qu'on fait?

M. Carette: Non. Étant donné la grandeur du Canada, et la grandeur de la plupart des provinces, les compagnies se déplacent. Leur bois n'est pas toujours récolté au même endroit. Sur la côte nord du Québec il y a à peu près trois ans, nous avons eu une féroce tempête de vent -- en vertu des règlements, toutes les compagnies ont été envoyées dans la région affectée. Et en Colombie-Britannique il y a quelques années, on a vu quelque chose de semblable: après une importante infestation d'insectes, les compagnies ont effectué des coupes à blanc sur une grande partie du territoire. La coupe se voit de la lune. Cela a été fait pour sauver le bois des arbres qui avaient été tués par des insectes. En d'autres mots, la récolte est déplacée pour éviter un plus grand problème.

Le sénateur Adams: Il y a quelques instants, le sénateur Taylor vous parlait des peuples autochtones, surtout en Ontario et en Colombie-Britannique. J'ai entendu dire qu'en effectuant des coupes à blanc avec les Autochtones dans certaines régions, les compagnies ont découvert que les régions en question étaient des cimetières il y a 400 ou 500 ans. Que fait votre ministère en pareil cas?

Disons qu'une grande compagnie forestière en Colombie-Britannique découvre qu'il y avait un cimetière sur ses terres un siècle ou 1 000 ans auparavant? Que faites-vous? Est-ce que vous soumettez la question à la Chambre des communes, par l'entremise du ministère des Affaires indiennes, pour lui signaler qu'on pratique la coupe à blanc sur une terre ce qui était naguère un cimetière, avec des tombes? Qu'est-ce qu'on fait?

M. Carette: Cela n'est pas un problème qui se présenterait dans une réserve autochtone. Dans la réserve, les communautés autochtones peuvent faire ce qu'ils veulent. Si le cimetière est découvert hors de la réserve, il se retrouve probablement sur les terres de la Couronne, qui sont généralement gérées par les provinces. Comme j'ai dit dans mon exposé, certaines provinces ont adopté des lois pour protéger ces sites historiques. Dans certains cas, les peuples autochtones, les autorités provinciales et les compagnies forestières travaillent de concert pour assurer la protection de ces sites.

Il n'y a pas de stratégie uniforme qui s'appliquerait partout au Canada. Ces terres font l'objet de réclamations territoriales et de droits de traités, et d'après moi, c'est le ministère des Affaires indiennes peut répondre à votre question.

Le sénateur Gustafson: Vous dites que un sur quinze emplois se trouve dans l'industrie forestière. Est-ce que cela s'appliquerait partout au Canada, ou seulement dans les communautés qui travaillent dans l'industrie? Dites-vous que un sur quinze emplois partout au Canada est dans un secteur qui est directement ou indirectement relié à l'industrie forestière?

M. Carette: C'est ça. Ce chiffre de un sur quinze se réfère à tous les emplois au Canada.

Le sénateur Gustafson: Votre ministère s'occupe aussi de l'aspect commercial de l'industrie forestière. Vous dites que, en 1995, ce commerce avait une valeur de 34 milliards de dollars. C'est le total?

M. Carette: Le total des produits forestiers, oui.

Le sénateur Gustafson: Donc les exportations?

M. Carette: Oui, c'est la valeur des exportations.

Le sénateur Gustafson: Quelle serait la valeur des produits consommés au Canada?

M. Carette: Cette valeur serait à peu près de 16 milliards de dollars, la différence entre la valeur de chargement et la valeur des exportations.

Le sénateur Gustafson: Donc c'est 16 milliards de dollars qui circulent dans l'économie canadienne?

M. Carette: C'est ça.

Le sénateur Gustafson: On nous dit que la valeur des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis est de 1 milliard de dollars par jour. Donc le chiffre que vous venez de citer -- si on laisse de côté les échanges avec d'autres pays -- représente à peu près 10 p. 100 de tous nos échanges. Avez-vous les chiffres?

M. Carette: Non. Sur le montant total de nos exportations, soit 32 millions de dollars, 68 ou 69 p. 100 de ces exportations vont aux États-Unis. Le reste s'en va vers l'Asie et les marchés européens.

Le sénateur Gustafson: Connaissez-vous la valeur totale des échanges commerciaux canadiens?

M. Carette: Nous n'avons pas ces chiffres-là.

Le sénateur Gustafson: En 1994-95, la valeur des chargements était de 58 milliards de dollars. Pourquoi y a-t-il eu une réduction tellement si importante entre 1994 et 1995? Est-ce à cause des restrictions imposées par les États-Unis?

M. Carette: Citez-vous des chiffres de ce document?

Le sénateur Gustafson: Je cite des chiffres de la page intitulée «Une économie forestière.»

M. Carette: Le chiffre de 58,7 milliards de dollars représente la valeur des chargements. Cela comprend tous les chargements provenant de l'industrie, y compris l'industrie domestique. Le chiffre de 32 milliards de dollars représente la valeur des exportations. Donc pour calculer la valeur des produits consommés au Canada, on doit soustraire le deuxième chiffre du premier.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous nous indiquer aujourd'hui combien d'emplois ont disparu? Les emplois qui nous intéressent le plus sont ceux qu'on retrouve dans les forêts boréales du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Le comité aimerait aussi avoir des chiffres sur les coupes annuelles dans ces régions, et sur les méthodes d'application.

Je sais qu'Environnement Canada est intervenu dans le cas de Louisiana Pacific, qui avait un permis de coupe au Manitoba, à cause de certaines espèces d'oiseaux qui avaient leurs nids dans la région. Mais on n'envoie aucun agent pour veiller à l'exécution de la loi. Est-ce la même chose pour toutes les autres provinces aussi?

Avez-vous une politique pour les vieux peuplements? Vous parlez des forêts naturelles du Canada. Mais ces forêts ne resteront pas naturelles très longtemps si on fait ce qui a déjà été fait dans certaines parties de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire de les transformer en plantations. Elles ne ressemblent pas du tout à des forêts naturelles -- je sais de quoi je parle, je les ai vues de mes propres yeux.

Le Canada a une convention sur la biodiversité. Quelle stratégie a le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère des Forêts, pour assurer la biodiversité? Les conventions et les échanges sont bien la responsabilité du gouvernement fédéral. On ne peut pas toujours reculer, en disant que c'est une responsabilité provinciale. Ce n'est pas vrai.

La forêt ne représente pas seulement une ressource pour l'industrie forestière. Elle est une ressource pour beaucoup d'autres secteurs au Canada. Nous n'avons abordé ni le tourisme ni les pêches. Vous, au ministère des Forêts, devez bien savoir cela.

J'aimerais savoir quels pouvoirs vous possédez et quels principes vous suivez, ainsi que combien de vos employés sont affectés à ces questions importantes qui touchent tous les Canadiens. Si vous avez vu les sondages, vous savez très bien que les citoyens du Canada veulent non seulement maintenir les emplois dans l'industrie forestière, mais veulent aussi maintenir les forêts pour toutes sortes d'autres raisons. Les forêts ne sont pas seulement là pour qu'on récolte du bois.

Donc voilà mes questions. Si vous n'avez pas de réponses à me donner maintenant, vous pourriez peut-être les fournir plus tard par écrit.

M. Carette: Pour ce qui est de l'emploi, Mme Myre a quelques-uns des chiffres que vous avez demandés.

Mme Pauline Myre, directrice, Division des politiques et de la planification, Direction générale des politiques, de la planification et des affaires internationales, Ressources naturelles Canada: Je peux vous donner quelques chiffres sur les emplois directs. Vous avez demandé une moyenne sur 10 ans.

Le sénateur Spivak: Je voulais savoir de combien ils avaient baissé.

Mme Myre: Il n'y a pas eu de baisse. En 10 ans, les emplois directs dans l'industrie forestière ont augmenté par 2 p. 100.

Le sénateur Spivak: C'est donc seulement en Colombie-Britannique que tous ces emplois ont disparu?

Mme Myre: Dans certaines régions du pays, le nombre d'emplois dans certains secteurs de l'industrie forestière a baissé. Comme l'a déjà expliqué M. Carette, le nombre d'emplois dans l'industrie du bois a augmenté, tout comme le nombre d'emplois dans l'industrie forestière. Entre 1994 et 1995, il y avait moins d'emplois dans ce que nous appelons le secteur des services forestiers, surtout la sylviculture. Les emplois ont légèrement augmenté dans les pâtes et papiers et les industries connexes. Mais globalement, depuis 10 ans, le nombre d'emplois a augmenté par 2 p. 100.

Le sénateur Spivak: L'autre chiffre que j'aurais dû demander c'est le nombre d'emplois par unité de volume, qui est considérablement plus élevé au nord-ouest des États-Unis qu'au Canada. Cela dépend de l'industrie, bien sûr, une ventilation de ces chiffres nous serait très utile.

Pour ce qui est des exportations, je sais que le secteur des télécommunications, par exemple, représente un plus grand pourcentage du PIB que le secteur forestier et le secteur agricole réunis. C'était le cas il y a quelques années. Je ne sais pas exactement quel pourcentage des exportations ce secteur représente.

Pourriez-vous nous donner des chiffres sur la valeur relative du secteur des télécommunications, du secteur agricole, forestier et d'autres, en tant que pourcentage des exportations et du PIB?

M. Carette: Certaines de ces comparaisons figurent dans le rapport sur l'état des forêts, mais pas toutes.

Vous avez aussi parlé des vieux peuplements. Le peuplement vieux n'est pas un terme forestier. Dans l'industrie forestière, nous avons des jeunes peuplements, des peuplements en cours de croissance, des peuplements âgés, et des peuplements sur-âgés. Dans l'industrie forestière, nous n'avons pas de vieux peuplements.

Le sénateur Spivak: Mais au début de votre exposé, vous avez dit que vous ne représentez pas seulement l'industrie forestière, mais aussi les forêts. Les vieux peuplements sont très importants dans le contexte des forêts -- ils sont importants dans le cadre de la biodiversité, du développement durable, et de la conservation. Je comprends très bien que l'industrie forestière ne les prend pas en compte. En fait, un ministre des Forêts m'a dit une fois que les meilleurs arbres étaient des arbres morts.

M. Carette: En vieillissant, chaque forêt passe par des phases différentes. Et dans chaque phase, la faune et les plantes sont différentes. C'est un système en évolution, et les vieux peuplements représentent seulement une phase du processus. Pourquoi voulez-vous souligner cette phase seulement? La forêt comprend tout le cycle de vie des peuplements, pas seulement une phase.

Le sénateur Spivak: C'est vrai. La Compagnie Alberta Pacific a déjà expliqué cela. Mais en fait, ceux qui veulent maintenir les peuplements vieux, les forêts originales et les forêts naturelles parlent d'autre chose.

Premièrement, ils disent que si on ne préserve pas assez de peuplements vieux, on ne saura jamais les régénérer.

Deuxièmement, certaines de ces forêts -- par exemple, les forêts tempérées -- peuvent avoir milles ans. On ne peut pas parler de cycle de vie et de conservation. Ce n'est pas une ressource renouvelable au cours d'une vie humaine. Donc un peuplement vieux, ça existe réellement même si ce n'est pas une notion de l'industrie forestière. Est-ce que le Service canadien des forêts a une politique à l'égard des vieux peuplements, étant donné son intérêt pour la biodiversité et la conservation, ainsi que pour l'aspect scientifique de leur régénération?

M. Carette: Nous n'avons pas une politique qui s'applique spécifiquement aux vieux peuplements. Mais pour ce qui est de l'aspect scientifique, nous avons pas mal de connaissances. Mais la question que vous avez soulevée est un peu différente. Il s'agit plutôt d'un débat public pour décider quelle proportion de ces vieux peuplements doivent être préservés.

Le sénateur Spivak: C'est une question de conservation.

M. Carette: Mais il y a une différence entre la conservation, qui comprend le principe de l'utilisation judicieuse, et la protection totale.

Le sénateur Spivak: Il y a une différence. C'est vrai.

M. Carette: Le débat public a tendance à souligner la protection -- en d'autres mots, n'y touchez pas. Mais quelle proportion de nos vieux peuplements doit-on préserver pour nos enfants, de quelle proportion aurons-nous besoin? Comme nous avons déjà dit, le chiffre de 12 p. 100 qu'on retrouve dans le rapport Brundtland n'est que ça, un chiffre. Nous n'avons pas de donnée scientifique à ce sujet. Cela devient une question de valeurs publiques.

Le sénateur Spivak: C'est aussi une question économique. Les forêts de la Colombie-Britannique ou même de certaines parties de la forêt boréale n'existent pas ailleurs au monde, et les gens sont prêts à payer pour les voir.

M. Carette: Ces forêts se trouvent dans une bande assez large qui s'étend de l'Alaska jusqu'aux autres États américains.

Le sénateur Spivak: La question est de savoir s'il faut les préserver. Je comprends cela.

M. Carette: Il ne s'agit pas d'une question de foresterie ou de biodiversité. Il s'agit plutôt d'une question de valeurs publiques.

Le sénateur Spivak: Je comprends ce que vous dites. Je vous remercie de vos observations. Elles expliquent bien votre politique.

Le sénateur Taylor: J'aimerais savoir ce que vous pensez des droits de coupe au Canada. Comme vous le savez, nous avons un système compliqué de contingents pour nos exportations aux États-Unis. Selon le système, nous payons des taxes d'exportation et nous les récupérons plus tard.

Notre comité était aux États-Unis la semaine dernière pour s'entretenir avec des représentants du secteur agricole et de l'industrie forestière. Ils prétendent que nos droits de coupe constituent bel et bien une subvention indirecte. Ils ont signalé, comme l'ont fait d'autres groupes du secteur privé que nous avons déjà entendus, que les droits de coupe imposés par les gouvernements au Canada sont bas. Comme il s'agit d'une question provinciale, vous voudrez peut-être invoquer le cinquième amendement pour refuser de répondre à la question. Que pensez-vous des droits de coupe au Canada? Sont-ils si bas qu'ils sont ni plus ni moins une sorte de subvention, comme le disent les Américains?

M. Carette: Que je sache, le cinquième amendement n'existe pas au Canada. C'est une notion américaine.

Les droits de coupe sont une question assez complexe. Malheureusement, je suis généraliste, et donc je ne suis expert en rien du tout. Il y a au sein du FSC des experts dans ce domaine.

Essentiellement, les Américains nous disent que leur système de ventes aux enchères des forêts résulte en un meilleur prix ou à un prix plus axé sur le marché que ne le fait notre système de forêts publiques et de droits de coupe. L'argument existe depuis 20 ans.

Les droits de coupe sont un élément du montant que versent au gouvernement ceux qui font la récolte forestière. Surtout depuis quelques années, avec les compressions faites par la plupart des gouvernements, on a demandé à l'industrie d'assumer tous les coûts. Les compagnies paient tout maintenant -- y compris les assurances contre les incendies et les insectes, le reboisement par plantation. Dans certaines provinces, les compagnies doivent payer aussi la collecte de données. Selon le dernier budget du Québec, 50 p. 100 de tous les coûts de la recherche seront payés par l'industrie. Les droits de coupe ne sont qu'un élément des coûts assurés par les compagnies forestières.

La question du bois d'oeuvre est complexe. Plutôt que de vous induire en erreur par un commentaire superficiel sur cette question, je préfère vous renvoyer aux experts du FSC. Si vous voulez, nous pouvons organiser une réunion avec eux.

Le sénateur Taylor: Il se peut, madame la présidente, que l'on se penche sur cette question du bois d'oeuvre plus tard, car elle suscite tant de controverses. Nous pourrions discuter uniquement de cette question pendant une heure.

En dernier lieu, que pensez-vous d'une certification de respect des normes environnementales pour nos produits exportés? Estimez-vous qu'une telle pratique avancerait la cause environnementale dans le monde, ou qu'elle entraverait trop la gestion des forêts?

M. Carette: À mon avis, elle n'entraverait pas la gestion des forêts, au contraire. La notion de certification existe déjà depuis quelques années et a été examinée par différents groupes.

L'industrie canadienne a mis au point un processus en collaboration avec l'Association canadienne de normalisation. Les groupes écologiques du Canada sont en train de mettre sur pied un régime sous l'égide du Forest Stewardship Council. Les deux régimes comportent des principes concernant la gestion durable des forêts, mais chacun a une approche distincte. Celui du FSC est fondé sur certains critères qui prévoient les étapes à suivre dans la gestion d'une forêt, alors que celui de l'ACNOR vise davantage les résultats. Il décrit l'utilisation visée, sans préciser les étapes intermédiaires à suivre. Le Service canadien des forêts travaille en collaboration avec l'ACNOR et le FSC. Nous donnons des conseils techniques aux deux groupes.

D'après nous, la certification est un outil qui pourrait améliorer les forêts, mais il dépend de la demande du marché. À l'heure actuelle, il n'y a pas vraiment de demande pour le bois certifié. Il n'y a pas non plus d'acheteurs qui accepteraient de payer les coûts supplémentaires du bois certifié, s'il y en a.

Nous sommes en faveur de l'harmonisation des deux initiatives canadiennes. Nous sommes d'avis quelles se complètent, qu'elles ne sont pas en concurrence. Nous pensons avoir les compétences au Canada pour mettre au point une solution concernant la certification. Et le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont fait des investissements importants pour établir des indicateurs de critères et pour les mesurer. Nous accueillerions favorablement des initiatives de certification dans un tel contexte.

J'ai participé à une réunion sur la certification en Allemagne dernièrement, où 60 compagnies étaient représentées. On a conclu qu'il n'y a pas de demande à l'heure actuelle pour le bois certifié; qu'il faut encourager la certification, mais que la question doit concerner uniquement le consommateur et le producteur; et que les gouvernements doivent s'assurer que la certification ne deviendra pas un obstacle technique au commerce et qu'elle ne sera pas utilisée par les gouvernements étrangers pour empêcher le commerce de leur produits de bois.

Le sénateur Gustafson: Ma question porte sur la durabilité et la possibilité de renouveler les ressources, et sur l'utilisation de la paille pour fabriquer des panneaux de travée. Je me demande si un jour il y aura une pénurie de paille, surtout compte tenu de la culture continue. Dans la région de Regina et dans les plaines autour de Winnipeg, on voit des incendies dans les champs la nuit. Est-ce que vos recherchistes examinent le coût d'utilisation de la paille? Quelle sera la tendance, d'après vous? À mon avis, les progrès dans ce domaine sont très lents.

Les témoins que nous avons reçus, surtout ceux des usines, disent que la paille ne sera pas viable du point de vue commercial, mais je comprends aussi qu'ils ne veulent peut-être pas de concurrence. L'industrie de la construction semble utiliser beaucoup de carton comprimé, d'agglomérés, et cetera.

Est-ce qu'on fait des recherches sur cette question pour examiner les incidences sur l'environnement et sur la possibilité de renouveler la ressource?

M. Carette: Comme je l'ai dit tout à l'heure, le SCF travaille en partenariat avec l'Institut canadien de recherche sur les pâtes et papiers, l'Institut canadien de recherche en génie forestier et Forintek, à qui nous accordons des fonds et fournissons des conseils globaux.

Auparavant, j'ai dirigé un laboratoire de recherches sur les produits, et je peux vous assurer qu'on peut faire beaucoup de choses avec de la paille, comme du panneau, du bois composé et certaines catégories de papier en y ajoutant de la glaise. On peut même fabriquer des panneaux à partir du petit-lait, qui est un sous produit de la fabrication du fromage.

Il est facile de fabriquer un produit de bois à partir de déchets agricoles. La technologie existe déjà. Le problème c'est qu'aucun entrepreneur n'a utilisé la technique pour fabriquer un produit commercial.

Le sénateur Gustafson: Y a-t-il des gens dans votre ministère ou dans tout autre service de recherche qui pourrait expliquer les possibilités de cette technologie au comité? Je pense que cela nous serait utile.

M. Carette: L'aspect commercial relève davantage d'Industrie Canada que du SCF. Le comité aimerait peut-être inviter quelqu'un de Forintek, par exemple, qui connaît bien cette question.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vous nous dites que l'industrie des pâtes et papiers ne cherche pas d'autres sources de fibres et de bois? Il y a une énorme usine au Manitoba qui est très concurrentielle et qui a reçu beaucoup de commandes. La question n'intéresse-t-elle pas Paprican, par exemple?

M. Carette: La compagnie a fait des recherches dernièrement sur le lin et également sur le chanvre, je crois. Cependant, puisqu'elle est payée par les compagnies de produits forestiers, elle concentre ses activités surtout sur le bois.

Le sénateur Spivak: Y a-t-il des obstacles économiques à ce genre de recherche? Je sais que les intérêts des compagnies forestières constituent des obstacles à de telles recherches. Mais est-ce qu'il coûte toujours moins cher de couper des arbres que d'envisager la possibilité d'utiliser le lin, la paille ou le petit-lait? Est-ce que les compagnies ont étudié cette question?

M. Carette: Je pense que les scientifiques ont déjà fait des études de cette question. Que je sache, l'industrie elle-même n'a pas fait d'études des avantages et des inconvénients de ce genre de produits.

Le président: Merci, monsieur Carette.

La séance est levée.


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