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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

Délibérations du sous-comité de la
Forêt boréale
du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 14 avril 1997

Le sous-comité de la forêt boréale du comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 heures pour poursuivre son étude de l'état actuel et des perspectives d'avenir des forêts au Canada, et notamment de la forêt boréale.

Le sénateur Doris Anderson (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Je souhaite la bienvenue ce soir à nos témoins du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Monsieur Ballhorn, je vous prie de commencer.

M. Richard Ballhorn, directeur, Division de l'environnement, Affaires étrangères et Commerce international: Je vous remercie, madame la présidente.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international n'est pas organisé pour avoir des contacts avec l'industrie, mais pour examiner les grandes questions. Par conséquent, mes deux collègues et moi-même sommes ici pour vous entretenir de tous les enjeux forestiers d'intérêt international.

Je me spécialise essentiellement dans les questions environnementales qui touchent les forêts, ce qui comprend les critères et les indicateurs relatifs à un aménagement durable des forêts et la Convention internationale sur les forêts. Nous collaborons étroitement dans tous ces dossiers avec le Service canadien des forêts.

La tâche de mon collègue Graham Lochhead est surtout de faire connaître à l'échelle internationale les réalisations du Canada dans le domaine de la gestion forestière et de collaborer avec l'industrie canadienne et d'autres organismes pertinents à l'élaboration de normes d'accréditation. Il est aussi chargé de mettre au point des méthodes permettant de s'assurer qu'on respecte le principe de la gestion durable des forêts au Canada ainsi qu'à l'échelle internationale.

M. Jack Kepper, pour sa part, est le spécialiste du nématode du pin qui continue toujours de faire des ravages dans les forêts.

Voilà donc nos domaines de compétences respectifs. Vous pouvez nous poser des questions dans d'autres domaines, mais je voulais simplement vous signaler le fait que le ministère ne compte pas une division des forêts comme telle. Mes collègues et moi-même appartenons à des divisions distinctes du ministère qui traitent de divers aspects des sujets forestiers internationaux.

J'aimerais maintenant vous donner un aperçu du travail de la Division de l'environnement. Voici une publication qui est parue la semaine dernière et qui fait le point, à l'intention de la Commission des Nations Unies sur le développement durable, sur la suite donnée à la Conférence de Rio sur l'environnement et le développement. Le document, intitulé «Building Momentum» présente les mesures prises par le Canada. Il s'agit d'une publication interministérielle. Comme la session de cette année portera sur les forêts, nous faisons aussi paraître une publication entièrement consacrée aux forêts.

Pour replacer les choses dans leur contexte, je me permets de rappeler qu'il est ressorti de la Conférence de Rio de 1992 que les avis étaient très partagés au sujet des forêts. On a constaté qu'il y avait opposition entre les vues des pays du Nord et ceux du Sud, ces derniers se montrant très sceptiques ou méfiants à propos de toute initiative visant à imposer à l'échelle internationale une certaine discipline dans le domaine de la gestion forestière. Comme quelques autres pays, notamment des pays européens, le Canada a participé à cette session de la conférence dans l'espoir d'obtenir une convention sur les forêts. Or, la conférence n'a pas abouti à une convention ni même à une ébauche de convention, mais seulement à une Déclaration de principes sur les forêts. Cette déclaration, que nous considérions un compromis de peu de poids, ne nous a pas complètement satisfaits, mais elle représentait tout de même un progrès.

En effet, c'était la première fois qu'on discutait des pratiques forestières à l'échelle internationale.

Depuis lors, le concept de la gestion durable des forêts a suscité passablement d'intérêt tant au Canada que dans le monde. La gestion durable et le développement durable sont des concepts qui découlent de la Conférence de Rio. Le développement durable est un concept qui figurait dans le rapport Brundtland de 1990. On peut dire qu'il est assez récent. Il a pris de l'importance après la Conférence de Rio. Depuis lors, la gestion durable ou le développement durable sont des principes qui entrent en ligne de compte dans tous les domaines.

Après la Conférence de Rio, le Canada s'est trouvé aux prises avec un certain nombre de défis tant sur la scène nationale qu'à l'étranger. La stratégie sur les forêts a été mise en oeuvre en 1992, la même année que la Conférence de Rio. On a créé au même moment au Canada des forêts modèles. On a aussi établi des critères pour la gestion durable des forêts ainsi que des indicateurs permettant d'évaluer l'application de ces critères. Ce processus est en cours depuis environ 1993-1994. Nous saurons à quoi nous en tenir quant aux résultats obtenus à l'échelle nationale dans ce domaine lors de la publication du premier rapport d'étape prévu pour le mois prochain.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les collectivités autochtones se sont aussi intéressés aux aspects scientifiques et technologiques de la gestion forestière. Comme notre ministère ne compte pas de spécialistes des questions techniques, il collabore étroitement avec le Service canadien des forêts ainsi que Ressources naturelles Canada. Notre spécialité à nous, ce sont les relations internationales. Nous nous tenons au courant de ce que fait la communauté internationale et nous savons aussi ce qu'elle pense de nous. Nous savons aussi comment mener des négociations et nous connaissons le fonctionnement des institutions et des organismes internationaux, mais le véritable spécialiste des questions forestières, ce n'est pas le ministère, mais le Service canadien des forêts.

Compte tenu de l'intérêt suscité par le dossier des forêts, nous collaborons étroitement depuis cinq ans à l'étude de certains dossiers avec le Service canadien des forêts. Ces dossiers ont progressé pendant ce temps.

À Rio, en 1992, le Canada a annoncé qu'il souhaitait qu'on applique à l'échelle internationale le concept de la forêt modèle mis en oeuvre au pays. Depuis lors, nous avons créé deux forêts modèles au Mexique, l'une dans le nord et l'autre dans le sud. Le principe intéresse suffisamment les Mexicains pour qu'ils aient décidé de prévoir des fonds pour essayer de créer eux-mêmes une troisième forêt modèle autour de Mexico.

Nous avons aussi aménagé une forêt modèle en Russie dans la région de Khabarovsk en Sibérie. Il s'agit d'une forêt très étendue. La création de cette forêt a posé des difficultés. Au début du projet, on ne pouvait même pas transférer d'argent dans la région parce qu'il n'y avait pas de banques. Il fallait apporter l'argent dans des valises parce qu'il était impossible de transférer de l'argent du Canada à cette partie du monde. La situation s'est cependant améliorée depuis lors.

En 1993, nous avons tenté de faire adopter à l'échelle internationale des critères et des indicateurs en matière de gestion forestière. Une conférence dans ce but a eu lieu à Montréal sous les auspices de ce qui s'appelait alors la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. Tous les pays d'Europe au moins qui ont des forêts tempérées et boréales ont participé à la réunion. Lors de la conférence, on a commencé à mettre au point des critères et des indicateurs relatifs aux forêts tempérées et boréales de l'extérieur de l'Europe. Des pays de la partie méridionale de l'Amérique du Sud, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Chine, la Corée et plusieurs autres pays se sont ensuite joints au processus qui couvrait la majeure partie des grandes forêts du monde.

En 1994, nous ressentions toujours de la frustration du fait que nous ne pouvions pas entamer un véritable dialogue à l'échelle internationale sur les questions forestières en raison de la méfiance suscitée par le processus de Rio. Nous discutions alors avec la Malaisie, le pays qui s'était le plus opposé au Canada à l'époque. Nous pensions que deux ans plus tard, nous pourrions reprendre le dialogue. Nous avons constaté avec surprise que la Malaisie avait changé son point de vue et était prête à entamer un véritable dialogue.

Deux réunions ont eu lieu en 1994, l'une à Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie et l'une à Hull, au Québec. Tant les gouvernements que les ONG du domaine de l'environnement et du développement ainsi que des organismes intergouvernementaux comme la FAO et d'autres organismes spécialisés dans le domaine forestier ont participé à ces réunions qui ont permis de jeter les bases du Groupe intergouvernemental sur les forêts qui a été créé en 1995 sous les auspices de la Commission du développement durable des Nations Unies. Ce processus a pris fin en mars, après deux années de travail. Cette semaine, le groupe présentera son rapport à la Commission du développement durable à New York lors de la session de 1997. La majeure partie des discussions cette semaine et la semaine prochaine porteront sur la question de savoir s'il faut créer un nouvel organisme international dans le domaine forestier et s'il faut adopter une convention internationale sur les forêts.

Voilà qui nous amènera à la session spéciale de 1997 des Nations Unies qui portera sur le développement environnemental et qui débutera la semaine du 23 juin. Bon nombre de dirigeants mondiaux, y compris le premier ministre canadien, participeront à cette session importante qui aura lieu cinq ans après la réunion de Rio. La session, qui sera une mini-version du Sommet de la Terre tenu à Rio il y a cinq ans, porte le nom de Sommet de la Terre plus cinq.

Depuis deux ans, nous travaillons d'arrache-pied pour obtenir une convention internationale sur les forêts. D'après nous, c'est la seule façon de régler certains problèmes qui se posent dans le domaine forestier. Il n'existe pas à l'heure actuelle de bonne tribune pour discuter des questions forestières.

La FAO existe depuis 50 ans, mais cet organisme n'a pas joué un rôle très actif dans le domaine des forêts. La FAO a joué un rôle important dans le domaine scientifique, mais on ne lui a pas vraiment confié comme mandat de coordonner le dossier des forêts. Il s'agit d'un organisme qui est dominé par les ministres de l'Agriculture et qui s'intéresse surtout à la question de l'alimentation. Un très petit pourcentage du budget de la FAO est consacré aux forêts et aux pêches qui passent au second plan. Enfin, seulement 4 p. 100 du budget de la FAO à Rome est consacré aux questions forestières. Nous avons toujours trouvé la situation frustrante, mais nous n'avons pas pu y changer grand-chose au cours des dernières années.

Il faudrait qu'on parvienne à s'entendre sur une définition de gestion durable des forêts. Nous devons donner un sens à ce principe et tirer partie des critères et des indicateurs qui ont été établis à l'échelle nationale, régionale et internationale, et notamment lors de la conférence de Montréal. Le processus de Helsinki est la contrepartie du processus de Montréal pour l'Europe. Il faut donc arriver à s'entendre sur ce que constitue la gestion durable des forêts. De cette façon, tous les pays pourront essayer de mettre en oeuvre les mêmes mesures dans le domaine forestier.

C'est la seule solution qui s'offre à nous. Autrement, nous nous retrouverons avec 10 ou 15 définitions. Si les pays ne s'entendent pas sur une définition du principe, il ne sera jamais possible d'aller de l'avant. Un pays pourra prétexter qu'il ne peut pas accepter les produits d'un autre pays parce que ce dernier n'a pas la même définition de la gestion durable. Cela s'est déjà produit, et, dans certains cas, des groupes non gouvernementaux ont menacé de recourir à cette mesure et d'organiser des boycotts de consommateurs.

Voilà pourquoi nous pensons être à l'avant-garde dans le domaine des forêts. Un certain nombre d'autres raisons militent en faveur de l'adoption d'une définition commune et notamment le fait qu'il faudrait accorder une aide financière accrue, notamment une aide au développement, pour éviter qu'on élève des barrières au commerce des produits forestiers. C'est aussi une façon pour les intervenants non gouvernementaux d'exercer une influence sur le processus.

Nous espérons que nos efforts seront couronnés de succès cette année et que l'idée d'une convention sur les forêts se concrétisera lors de la session spéciale des Nations Unies en juin. C'est certainement notre objectif. C'est aussi l'objectif de plusieurs autres pays et groupes, dont l'Union européenne. Certains autres pays sont moins favorables au principe, et notamment les États-Unis qui sont sans doute le pays qui hésite le plus à y souscrire. Les États-Unis, l'Inde et la Nouvelle-Zélande sont les seuls pays, à notre connaissance, qui s'opposent à la convention. Tous les autres sont favorables au principe, ou ne s'y opposent pas, mais se demandent si le moment est bien choisi maintenant pour adopter cette convention.

Je demanderai à Graham Lochhead, qui travaille dans le domaine des communications et de l'accréditation, de bien vouloir poursuivre. Nos exposés se complètent parce qu'ils portent tous deux sur les questions environnementales. M. Kepper vous parlera ensuite du nématode du pin et d'autres questions se rapportant à l'Europe.

M. Graham Lochhead, directeur, Bureau des forêts et de l'environnement, Affaires étrangères et Commerce international: Ces derniers temps, mon travail a été d'étudier l'accès au marché pour les produits forestiers. Cela m'a amené à me pencher sur deux questions: homologation de la gestion durable et le programme international de partenariat forestier qui est financé par les provinces. Je vais maintenant vous entretenir de ces deux sujets.

J'aimerais d'abord vous parler de l'homologation de la gestion durable des forêts. L'idée est d'amener les propriétaires et les gérants de forêts à adopter les meilleures pratiques possible dans le domaine de la gestion des forêts. Il s'agit de l'un des outils, dont le plus évident est la réglementation législative, pour atteindre cet objectif.

Le public est certainement plus sensibilisé maintenant à la nécessité de mettre au point des directives et des normes dans le domaine forestier. De plus en plus de clients veulent être assurés que les produits forestiers qu'ils achètent proviennent de forêts qui sont gérées selon le principe de la gestion durable.

À mesure qu'augmente la population et qu'augmente également la demande pour les produits agricoles et forestiers, les forêts mondiales font l'objet de pressions accrues. Voilà l'origine du coup d'envoi. Dans le cadre d'une réglementation législative compatible avec le principe de la gestion durable, l'homologation peut jouer un rôle important.

La norme 14001 de l'ISO, l'Organisme international de normalisation, définit ce qu'on entend par des pratiques de gestion environnementale souhaitables. Cette norme a constitué le point de départ du processus d'accréditation. Les normes de gestion répondant à la qualité de l'ISO sont déjà en place. Des économies pourront être réalisées lorsqu'il n'y aura qu'un processus d'accréditation pour les normes 9000 et 14001.

Du point de vue du commerce, la foresterie se situe au carrefour du commerce et de l'environnement. C'est la croisée des chemins où il faut que les intérêts économiques et écologiques se confondent pour permettre l'adoption de mesures commerciales et environnementales qui se complètent les unes les autres.

Le Groupe international d'experts sur les forêts en est conscient et c'est pourquoi il attache la priorité absolue à l'adoption d'un texte législatif exécutoire auquel M. Ballhorn a fait allusion. Après avoir étudié la question de l'homologation, le groupe a conclu que l'idée présentait des avantages et a décidé de prendre un certain nombre d'initiatives internationales dans ce domaine. On y attache beaucoup d'importance du point de vue commercial.

Voici quelques diapositives qui vous présenteront la question sous l'angle économique.

La première diapositive vous montre que la production mondiale de produits forestiers est évaluée à 418 milliards de dollars. Fait assez surprenant, 50 p. 100 de la production mondiale totale sert de combustible pour la cuisson et le chauffage. Environ 27 p. 100 constituent la consommation interne. Les exportations ne représentent que 23 p. 100 du total. Pour le Canada, il s'agit de l'élément le plus important de notre commerce des exportations.

Cette diapositive témoigne du fait malheureux que 50 p. 100 de la production forestière totale n'a rien à voir avec le commerce. Autrement dit, il s'agit d'une question qui touche les pays en développement. Voilà à quoi sert le bois des pays en voie de développement. Lorsque nous parlons d'accréditation de la gestion forestière, cela ne touche que 23 p. 100 de la production totale.

Or, ces 23 p. 100 représentent 3 p. 100 du commerce international total, soit 155 milliards de dollars. Bon nombre d'économies, tant dans le monde industrialisé que dans le monde en voie de développement, reposent sur le commerce des produits forestiers. Au Canada, les produits forestiers représentent 17 p. 100 des échanges commerciaux et constituent aussi une part importante du commerce dans de nombreux pays asiatiques ainsi que d'Amérique du Sud.

Au Canada, l'industrie des produits forestiers joue un rôle important tant à l'échelle régionale qu'internationale. Son apport à la balance commerciale du Canada a augmenté en 1995. La valeur de nos exportations forestières a atteint 41,3 milliards de dollars en 1995. À titre de comparaison, la valeur des exportations automobiles atteignait 12 milliards de dollars.

Le sénateur Spivak: Qu'en est-il des télécommunications?

M. Lochhead: Je l'ignore. Je pourrais me renseigner, mais la valeur des échanges dans ce domaine est beaucoup moins élevée.

Le sénateur Spivak: C'est une industrie importante.

M. Lochhead: Elle vient en première place.

M. Ballhorn: C'est dans le domaine du commerce des biens.

M. Lochhead: L'industrie emploie directement 369 000 personnes dans le domaine des produits du bois dans l'ouest du Canada et dans le domaine des pâtes et papiers dans l'est du Canada. Les deux secteurs sont représentés dans tout le pays, mais c'est à peu près de cette façon qu'elle se répartit. L'industrie emploie aussi indirectement 511 000 personnes et constitue une source d'emplois importante pour les Autochtones. L'économie de près de 350 localités repose entièrement sur cette industrie.

M. Ballhorn vous a donné un aperçu de l'évolution du dossier du développement durable. Dans le domaine sylvicole, un nombre considérable de nouvelles initiatives ont été prises au cours de la dernière décennie à l'échelle mondiale dont l'objet était de définir, d'évaluer et de mettre en oeuvre des plans et des politiques ayant tous pour objectif d'améliorer l'aménagement des forêts. La gestion forestière durable est maintenant considérée comme une priorité mondiale.

J'ai essayé de résumer les choses sur la diapositive suivante. La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement a lancé un appel en faveur de l'établissement de critères et d'indicateurs scientifiquement éprouvés pour la gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêts.

Le secteur privé ainsi que les instances gouvernementales ont relevé le défi en prenant diverses initiatives à l'échelle internationale afin de tenir compte de la diversité des forêts du monde. Cette diversité a été reconnue dans le cadre de différents mécanisme comme le conseil international des bois tropicaux et les processus d'Helsinki, de Montréal et des zones arides d'Afrique.

Comme M. Ballhorn l'a mentionné, le Canada, après avoir participé à ces processus, a décidé de prendre des initiatives à l'échelle nationale. Le Conseil canadien des ministres des Forêts a été à l'avant-garde des efforts visant à s'assurer que les critères et les indicateurs scientifiques établis à l'échelle internationale, sont appliqués à notre pays. Il a sollicité à cet égard la collaboration des universitaires, de l'industrie, des organismes non gouvernementaux, des collectivités autochtones et des écologistes. Cette collaboration a abouti à la mise en commun des meilleures connaissances scientifiques sur l'aménagement durable des forêts au Canada.

L'Association canadienne de normalisation s'est ensuite inspirée de ces critères pour proposer sa propre norme nationale en matière de gestion durable des forêts. Cette norme repose donc sur deux bases.

La diapositive suivante présente le dénominateur commun de la CNUED. Le comité technique 207 de l'ISO s'est inspiré des principes découlant de la CNUED pour établir la norme 14001 de l'ISO, la norme sur la gestion environnementale. La version finale de cette norme sera connue sous peu. Un groupe de travail tâche actuellement d'appliquer la norme 14001 dans le domaine forestier puisqu'il s'agit de normes génériques qui s'applique à toutes les industries. Les travaux en ce sens progressent.

J'ai pensé qu'il serait utile de vous expliquer pourquoi on consacre autant de temps à l'établissement de normes. Les normes facilitent le commerce international et l'absence de normes peut l'entraver, ce qui se constate dans toutes les industries.

Vu la mondialisation des échanges, l'existence de normes rassure les acheteurs éventuels. Lorsque des normes existent, il est plus facile de vendre un produit puisque les acheteurs sont assurés d'une certaine qualité technique et de l'innocuité du produit tant pour la santé que pour l'environnement. Les fournisseurs qui respectent les normes acceptées à l'échelle internationale jouissent également d'un avantage par rapport à leurs concurrents.

Conscients de l'importance des normes pour le commerce international, de nombreux organismes forestiers ont déjà adopté la norme de qualité 9000 de l'ISO et comptent adopter la norme 14000 après que le groupe de travail aura terminé ses travaux.

J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la crédibilité de l'Organisation internationale de normalisation. Il s'agit d'une fédération mondiale regroupant des organismes de normalisation nationaux. À titre d'exemple, le Conseil canadien des normes représente le Canada à cette organisation qui compte 117 membres et aux travaux de laquelle participent 30 000 spécialistes internationaux. L'ISO a établi 9 000 normes internationales dont l'application est volontaire. L'objectif principal de ces normes est de faciliter le commerce.

J'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet de l'importance qu'attache aux normes l'article 38 du GATT, l'Accord relatif aux obstacles au commerce et le Code de bonne pratique. Les gouvernements signataires de ces accords sont invités à adopter des normes nationales qui reflètent les normes internationales.

L'établissement de normes met généralement en place une instance de discussion entre toutes les parties intéressées, ce qui comprend les consommateurs, les gouvernements, les organisations non gouvernementales et le secteur privé. Cette participation équilibrée de la part d'une gamme de groupes d'intérêts représente une importante caractéristique du processus international de normalisation.

Il est très important que toutes les parties intéressées participent à ce processus. C'est ainsi qu'on peut discuter des préoccupations et en tenir compte, et intégrer des idées précieuses dans les normes.

Les gouvernements se rendent compte de ce que la prolifération de normes, chacune d'elles étant assortie de ses propres exigences non coordonnées avec celles des autres pays, conduit inévitablement à une limitation mondiale des échanges commerciaux. C'est pourquoi l'une des priorités actuelles de l'OMC réside dans l'abaissement des barrières dressées par la prolifération de normes divergentes.

La diapositive que vous voyez maintenant combine les deux diapositives précédentes que vous ne pouviez pas lire. Je vais malheureusement devoir en simplifier le contenu. En gros, il se peut que l'ISO ne joue pleinement son rôle dans la gestion écologique de ce secteur clé que lorsqu'un lien en bonne et due forme aura été établi entre les domaines que nous avons abordés: les efforts multilatéraux visant à définir des critères et des indicateurs au sein d'autres instances et les objectifs génériques des normes de gestion de l'environnement adoptées par l'ISO. La case blanche au bas de la diapositive représente le processus d'homologation de la gestion des forêts qui peut établir ce lien, en adaptant les critères et les indicateurs à des fins d'application locale en guise d'instrument de mesure du degré de réalisation des objectifs dans le domaine de l'environnement, et en faisant appel à des tierces parties et aux mécanismes éprouvés du processus facultatif de l'ISO pour vérifier la réalisation de ces objectifs.

Le Groupe international d'experts sur les forêts est conscient du fait qu'à ce jour, on ne possède qu'une expérience concrète limitée de divers processus d'homologation et de processus connexes d'accréditation. Il a donc proposé que les pays envisageant l'obtention d'une homologation, prennent en considération les recommandations suivantes:

Les processus d'homologation devraient s'appliquer à tous les types de forêts. Ils ne devraient pas faire de discrimination entre les propriétaires de forêts, les gestionnaires ou les exploitants. Toutes les parties intéressées, y compris les collectivités locales, devraient participer à l'élaboration de normes sur le plan local. Les processus connexes devraient être transparents et crédibles, tout en présentant un bon rapport coût-efficacité. Ce sont là plus ou moins les normes de l'Organisation mondiale du commerce.

Les normes canadiennes en matière de gestion durable des forêts, CSA Z808 et Z809, semblent satisfaire à tous les critères présentés ci-dessus.

En guise de résumé, plusieurs retombées importantes découlent de la mise au point par le Canada d'une norme nationale de gestion durable des forêts. Les mesures prises par le Canada afin d'élaborer cette norme illustrent aux yeux du monde notre profonde volonté de nous attaquer aux problèmes d'ordre planétaire liés au développement durable. Elles représentent un élément substantiel et significatif de notre suivi des engagements souscrits à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue en 1992, suivi qui s'est traduit par la définition, par notre pays, de la stratégie nationale sur les forêts.

La norme nationale canadienne repose sur des fondements solides et crédibles: les critères et indicateurs nationaux fixés et approuvés par les ministres des Forêts et les normes de gestion écologique, soit la norme ISO 14001.

Les deux processus ont un atout en commun: leur égal attachement à la transparence et l'insistance sur la nécessité d'intégrer les opinions d'un large éventail d'intérêts. On applique une gestion capable de s'adapter afin de parvenir à une amélioration continue, en se servant d'indicateurs choisis à l'échelle locale pour mesurer sur place le rendement des forêts au fil du temps, et en intégrant de nouveaux plans et de nouvelles activités à la lumière de ces informations.

Les normes apportent une importante contribution à la stabilité du commerce international du Canada et représentent pour ceux qui les adoptent, des éléments de preuve de leur gestion réfléchie de leurs forêts.

Le processus d'homologation de la gestion des forêts constitue le lien concret entre les efforts multilatéraux visant à définir des critères et des indicateurs, d'une part, et les systèmes de gestion écologique de l'ISO, d'autre part. Il met à contribution les mécanismes éprouvés du processus facultatif de l'ISO, par exemple, en ce qui concerne l'accréditation et la vérification par une tierce partie, à cet égard. La relation étroite qui unit les normes de la CSA et de l'ISO facilitera l'accès aux marchés de pays qui peuvent dresser des obstacles au commerce en invoquant des inquiétudes d'ordre écologique.

Les normes donnent aux entreprises canadiennes l'occasion de donner une réponse professionnelle approfondie et scientifique lorsque certains groupes d'intérêts transnationaux à l'étranger les accusent de mauvaise gestion.

C'est tout ce que j'avais à dire à propos de l'homologation. Si vous désirez entendre la suite sur le programme international de partenariat dans le secteur forestier, je pourrais vous le décrire. M. Jacques Carette vous en a peut-être parlé lorsqu'il a comparu devant vous.

M. Ballhorn: Une chose dont il faut être conscient au sujet de l'homologation, c'est que la politique du gouvernement canadien sur l'homologation est de l'appuyer, mais ce n'est pas un produit du gouvernement canadien. C'est le produit d'une action du secteur privé. C'est l'Association canadienne de normalisation, un organisme privé, et l'Association canadienne des pâtes et papiers qui se sont réunies et ont entamé une démarche à laquelle le gouvernement canadien participe, mais qu'il ne dirige pas.

Il existe d'autres processus, y compris ceux des groupes environnementaux. Celui avec lequel je suis le plus familier est le Forest Stewardship Council qui a quelque chose d'analogue à ceci, mais ils n'ont pas su employer une approche fondée sur des normes. Ils ont leur propre approche. Évidemment, le gouvernement canadien est moins impliqué parce qu'il a pris la décision de ne pas y faire participer le gouvernement ou l'industrie elle-même. Donc, les gouvernements fédéral et provinciaux ont un moins grand rôle à jouer, mais il y a certaines dispositions concernant les essais qui se font actuellement avec les gouvernements fédéral et provinciaux et la mise à l'épreuve des concepts du Forest Stewardship Council.

La présidente: Nous aimerions entendre vos commentaires sur le programme de parternariat.

M. Lochhead: Le Conseil canadien des ministres des Forêts a été établi en guise de mécanisme de coopération fédérale- provinciale-territoriale à propos des questions touchant les forêts.

Au début des années 90, des campagnes internationales ont été menées par des organismes écologistes transnationaux contre les pratiques canadiennes de gestion forestière, et il y a eu des menaces de boycott et quelques annulations de contrats pour certains produits.

Le CCMF a constitué le programme international de partenariat dans le secteur forestier afin de remédier à cette situation en adoptant une attitude prévoyante et en contrant les critiques d'ordre environnemental en faisant valoir des faits; en veillant à ce qu'on ne dresse pas de barrière commerciale pour des motifs liés à l'environnement; en corrigeant les informations erronées; en garantissant que les produits forestiers canadiens continuent d'avoir accès aux marchés mondiaux et en positionnant le Canada comme étant un pays gérant de manière réfléchie ses ressources forestières.

Le but du volet partenariats était de former des partenariats avec d'autres gouvernements, le secteur privé, des clients étrangers et des écologistes, afin de s'assurer qu'ils sont au courant des plus récentes mesures prises au Canada dans le but de garantir la gestion durable des forêts. À cette fin, on a préparé des fiches documentaires et des communications destinées aux médias, on a parrainé des programmes d'allocutions, de colloques, des missions en partance et à destination du Canada, pour familiariser les intérêts étrangers aux réalités des pratiques forestières canadiennes. Il y a eu une série de visites partout au Canada. Pendant quelque temps, évidemment, le point de mire a été la baie de Clayoquot. Beaucoup de gens ont assisté à cette visite et cela a été bien signalé dans la presse.

Ce programme donne de bons résultats, selon une analyse indépendante effectuée récemment. Il existe un bon courant d'information entre les ambassades et l'administration centrale, entre les ministères fédéraux, les provinces et l'entreprise privée, ainsi que leurs publics respectifs.

On corrige efficacement, dès leur diffusion, les informations incomplètes ou inexactes circulant sur les marchés étrangers. L'image de marque du Canada à l'étranger en ce qui concerne les pratiques forestières s'est améliorée, particulièrement en Europe, continent d'où provenait initialement le gros des critiques.

Un grand nombre des premières questions soulevées se fondait sur d'authentiques préoccupations d'ordre environnemental. Par exemple, on s'inquiétait du blanchiment au chlore du papier, de la coupe à blanc dans la baie de Clayoquot, des aires protégées, et cetera. Bien sûr, ces questions continuent d'être soulevées toutes les semaines sinon tous les jours.

Toutefois, nous avons fait de grands progrès en agissant de concert avec les autres intervenants. Nous sommes beaucoup plus sensibles aux préoccupations les uns des autres. Des initiatives ont été prises dans tout le pays. Comme M. Ballhorn l'a mentionné, le Canada joue un rôle moteur au sein d'instances internationales, en ce qui concerne les travaux du groupe international d'experts sur les forêts, au moyen de son programme des forêts modèles et sur le plan de l'action du secteur privé, que je viens de vous décrire, dans le but d'élaborer et de mettre en oeuvre les premières normes nationales de gestion durable des forêts.

Le sénateur Spivak: Combien d'argent le Canada a-t-il versé dans ce programme?

M. Lochhead: Le budget prévoyait un total de 3,5 millions de dollars au début de ce programme, c'est-à-dire il y a environ trois ans.

Le sénateur Spivak: C'est par année?

M. Lochhead: Non, c'est pour tout le programme. Le montant n'a pas été complètement utilisé. Il y a encore de l'argent dans la petite caisse. Le côté financier est administré par le Service canadien des forêts au nom des provinces.

La présidente: Monsieur Ballhorn, vous avez fait allusion au Réseau international de forêts modèles opérationnelles. Vous avez dit que «nous» les avions établies. Est-ce que vous vouliez parler du Canada?

M. Ballhorn: Le Réseau international des forêts modèles opérationnelles pour le moment n'implique toujours que le Canada. Ce programme a commencé dans ma division aux Affaires étrangères. Nous avons utilisé de l'argent qui était disponible par le biais du Plan vert, qui a commencé en 1990. Ensuite, en 1995, parce que nous savions que le Plan vert allait bientôt prendre fin, nous avons déplacé les fonds dans le Centre de recherche pour le développement international. C'est le centre qui administre le programme depuis le début janvier 1996.

Nous venons d'obtenir des fonds pour ce programme afin que nous puissions continuer pendant encore quelques années. On est en train d'étudier de nouveaux sites dans plusieurs régions du monde. Nous espérons pouvoir faire contribuer de l'argent au programme par d'autres gens et le financer de diverses façons. Une des raisons pour lesquelles nous l'avons remis entre les mains du CRDI est que c'était plus facile pour eux que pour notre ministère de l'administrer comme programme international.

Le sénateur Spivak: Monsieur Ballhorn, vous avez mentionné que le véritable spécialiste des questions environnementales et des forêts c'est le Service canadien des forêts. Lorsque le directeur du Service canadien des forêts a comparu devant nous, il nous a dit qu'il n'a rien à voir avec cela, qu'il ne se préoccupe pas de questions environnementales ou autochtones qui touchent l'industrie forestière.

M. Ballhorn: C'est la première fois que je l'entends dire.

Le sénateur Spivak: C'est ce qu'il a dit lorsqu'il a comparu devant nous.

M. Ballhorn: Le SCF administre le volet sciences forestières. Beaucoup de gens qui travaillent dans ce secteur sont des ingénieurs forestiers qui assurent la liaison avec les gouvernements provinciaux. Ils sont responsables de leurs programmes des forêts autochtones dans les réserves indiennes. Ils ont toute une gamme de fonctions.

Le sénateur Spivak: Oui, c'est ce qu'il a dit.

M. Ballhorn: Ce que je vous dis, c'est que nous ne sommes pas ingénieurs forestiers. Je suis avocat. D'autres chez nous sont des économistes ou ont d'autres spécialisations. Nous envisageons la question dans une perspective internationale.

Le sénateur Spivak: Avez-vous des contacts avec le ministère de l'Environnement? Il s'occupe des forêts sur les réserves. Le témoin nous a dit cela. Il a également dit qu'il n'avait rien à voir avec les compagnies qui abattent des arbres sur les terres qui font l'objet de litiges et ainsi de suite.

M. Ballhorn: Nous ne pouvons fonctionner que dans les domaines où nous avons une autorité sur le plan constitutionnel. Nous n'avons pas le droit de nous ingérer dans un domaine qui n'est pas de compétence fédérale.

Le ministère fédéral de l'Environnement n'a aucun rôle actif à jouer en matière de forêts sauf dans le domaine de la biodiversité, des espèces protégées et des questions concernant la flore et la faune. Ce ministère n'est pas un intervenant sur les questions touchant les forêts et ils ont pris la décision de ne pas l'être.

Le sénateur Spivak: Je ne crois pas que ce soit tout à fait juste. L'environnement est un domaine en responsabilité partagée. Beaucoup de pratiques forestières ont nui aux poissons et aux cours d'eau navigables. Le gouvernement fédéral a un rôle interprétant important à jouer dans ce secteur.

M. Ballhorn: Il a un rôle dans ce secteur, mais il n'en a pas, par exemple, en matière de forêts au plan international. Son rôle à l'intérieur du Canada est différent.

Le sénateur Spivak: Vous parlez du ministère de l'Environnement?

M. Ballhorn: Oui. Ils font des choses qui ont un impact sur les forêts. Ils ont des lois qui peuvent avoir un impact sur la gestion forestière au Canada. Plus particulièrement, le rôle le plus important serait dans le domaine des émissions des usines qui polluent l'air et l'eau.

Le sénateur Spivak: Ainsi que les poissons et les oiseaux migrateurs.

M. Ballhorn: Je dirais que la forêt est accessoire parce qu'ils s'intéressent surtout à...

Le sénateur Spivak: Non, elle n'est pas accessoire.

M. Ballhorn: Non, ce n'est pas accessoire. Voulez-vous bien me laisser finir.

Le ministère s'acquitte de certaines tâches. Il réglemente la qualité de l'eau et de l'air, s'occupe d'espèces migratrices, de la flore, de la faune et de biodiversité. C'est dans ce contexte qu'il s'occupe des questions forestières.

Franchement, il préfère ne pas jouer un rôle majeur au plan fédéral pour ce qui est des forêts proprement dites. Il a un impact là-dessus nécessairement.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vous faites allusion au commerce?

M. Ballhorn: Au commerce, à la politique ou n'importe quoi d'autre, très franchement. Vous devriez les convoquer, parce que nous aimerions bien les voir jouer un rôle plus actif au plan des forêts, ce qu'ils ne font pas.

Le sénateur Spivak: Nous les avons entendus. Le directeur du Service canadien des forêts a comparu.

M. Ballhorn: Il vient de Ressources naturelles Canada. Il ne fait pas partie d'Environnement Canada.

Le sénateur Spivak: Voilà une suggestion très utile.

M. Ballhorn: Ils ne jouent pas un rôle actif. C'est Environnement Canada qui a ce rôle au plan environnemental.

Le sénateur Spivak: Je comprends où vous voulez en venir. Pour ce qui est des normes, il me semble que l'épuisement des forêts est relié directement au nombre de conventions et de mots se rapportant au développement durable. Je dis cela parce qu'en regardant les études menées récemment, par exemple une étude en Grande-Bretagne par l'Environmental Investigation Association, il me semble qu'il n'y a pas eu de progrès mais au contraire un recul pour ce qui est du nombre de forêts épuisées. C'est en grande partie à cause de l'impact extrêmement important des compagnies asiatiques qui sont très agressives dans plusieurs régions du monde.

J'aimerais vous poser une question concernant les normes. Nous avons reçu de l'information tant sur le processus de l'ISO que du Forest Stewardship Council. Il y a également eu des rencontres au sujet de l'environnement comme Globe 96, par exemple. En outre, à Winnipeg, la Commission du développement durable a débattu les mérites relatifs de deux sortes de normes. Ce sont toutes des normes volontaires.

Que se passe-t-il au Canada, surtout dans les régions septentrionales des Prairies et dans certaines régions de l'Est du Canada, où l'on a commencé à s'intéresser à la forêt boréale que depuis cinq ou dix ans? Ces forêts sont toutes sous le contrôle des gouvernements provinciaux. Le gouvernement de ma province, et certainement ceux de l'Alberta et de la Saskatchewan, ont coupé les postes des agents de surveillance à tel point qu'il n'y en a plus. C'est vraiment l'autoréglementation par les compagnies. La plupart ne sont pas canadiennes. Beaucoup sont internationales.

Dans certains domaines, les gouvernements ont un rôle à jouer. Un exemple serait l'Orient Strand Board en Saskatchewan, une compagnie qui fabrique des panneaux à copeaux. La politique provinciale, dans toutes ces provinces, ne s'intéresse pas au développement durable. C'est plutôt le contraire. Elles s'intéressent aux contrats durables. On veut couper autant que possible. Nous avons vu certaines de ces installations. Elles sont monstrueuses et elles fonctionnent 24 heures sur 24.

Le Canada s'est engagé à respecter des normes et ainsi de suite, ce qui est tout à fait admirable. Cependant, où est le mordant? Comment allez-vous faire appliquer ces normes? Peu importe ce qui se passe dans les pays de l'Asie où les ministères de l'Environnement s'emploient à détruire les forêts parce qu'ils en sont propriétaires en partie et qu'il y a corruption, pots-de-vin, et cetera.

Comment envisage-t-on au Canada de faire de ces normes non seulement un outil de marketing mais un processus crédible, vérifiable et authentique sur le terrain?

M. Lochhead: Chaque province a des conditions de foresterie différentes. Or, chaque province est responsable de déterminer la coupe annuelle permise.

La tribune où on discute de ces questions de façon générale est le Conseil canadien des ministres des Forêts. Ils se réunissent régulièrement avec leurs hauts fonctionnaires, de façon intérimaire, et cela s'achemine directement jusqu'au niveau de travail. Au niveau de travail, il y a dialogue dans toutes les parties du pays par des appels conférences. Il y a beaucoup de discussions.

Pour ce qui est du processus suivi par l'Association canadienne de normalisation, le comité technique qui a mis au point la norme était composé de 32 personnes représentant divers secteurs, y compris les provinces. Donc, en fait, les provinces ont effectivement donné leur aval à cette norme nationale.

Je reviens à ce que vous disait M. Ballhorn au sujet du processus international. Il est clair que l'autorité finale sera une convention internationale ou un code de conduite concernant les pratiques forestières. Cela permettrait d'inclure tout le monde.

Le Canada n'est peut-être pas parfait, mais notre secteur joue un rôle de chef de file sur la scène internationale. Il ne fait peut-être pas assez, mais il y a un énorme travail d'information qui se fait, surtout quand on compare à la situation il y a 10 ou 15 ans.

La situation à la baie de Clayoquot a capté l'attention du monde pendant un certain temps et le gouvernement de la Colombie-Britannique a réagi en adoptant des codes et règlements en matière de pratiques forestières, des pratiques bien plus avancées que ce qui se fait ailleurs dans le monde. Le groupe scientifique qui a étudié les conditions dans cette région pendant deux ans était composé de nos meilleurs scientifiques. Il a fait 125 recommandations qui sont toutes en voie d'application par le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Vous êtes sûrement au courant du dernier arrangement, conclu par MacMillan Bloedel avec les Autochtones de l'endroit.

Nous frayons la voie. Si vous prenez suffisamment de recul par rapport à l'actualité quotidienne, vous constaterez que nous faisons effectivement des progrès, même s'ils ne sont pas suffisamment rapides.

Le sénateur Spivak: Je devrais peut-être reformuler ma question. Nous avons des normes nationales en matière de soins de santé. Même si la santé relève de l'administration provinciale, le gouvernement fédéral se voit clairement comme chef dans le domaine de la santé et il a différentes façons de faire respecter ces normes par les provinces.

Ce n'est pas le son de cloche que j'entends de vous en tant que fonctionnaires fédéraux. Je reconnais qu'il y a eu une évolution favorable, avec des progrès dans différents domaines y compris la diffusion de l'information.

Comment comptent faire vos ministres pour assurer que ces gains seront réels et non pas seulement de la poudre aux yeux? Quand on prend l'avion de Victoria à Whitehorse et qu'on observe les énormes bandes de coupe à blanc, on se rend compte que ce n'est pas un phénomène du passé, mais que c'est quelque chose qui se produit aujourd'hui. Il faut se demander si c'est bon ou mauvais signe? Quel est le rôle du gouvernement fédéral dans ce cas?

M. Lochhead: En ce qui me concerne, mon rôle en tant que fonctionnaire fédéral concerne le commerce international.

Le sénateur Spivak: Mais vous avez à vous occuper des normes.

M. Ballhorn: Il faudrait bien comprendre le sens des normes dont on parle ici. Il s'agit de normes adoptées volontairement par l'industrie. Ce ne sont pas des normes gouvernementales. Dans notre jargon, nous parlons de normes qui sont strictement volontaires.

Le sénateur Spivak: Je le comprends.

M. Ballhorn: L'ACPP est en train de rédiger des normes en fonction desquelles des entreprises peuvent décider d'être évaluées plutôt que de se faire imposer des normes par le gouvernement.

Le sénateur Spivak: Je le comprends fort bien mais c'est le gouvernement fédéral qui l'encourage. Je vous pose une question d'ordre théorique plutôt que pratique. Je ne veux pas laisser entendre que vous avez un rôle à jouer dans l'application de ces normes. Je voudrais connaître votre opinion.

C'est très bien d'aider l'industrie à établir des normes volontaires. Comment fera-t-on appliquer ces normes?

M. Lochhead: Souvent les gens ont pris des initiatives dans ce secteur en réponse à des forces du marché, pas parce qu'ils en avaient envie. Il y a eu des menaces, et cetera.

D'une façon générale, on craint pour l'environnement. Nous sommes tous devenus beaucoup plus sensibilisés aux problèmes de l'environnement au cours des dernières décennies. Mais il y a aussi les menaces du marché et la nécessité de se protéger. Nous pouvons effectivement dire que nous avons une norme nationale en ce qui concerne l'aménagement durable de la forêt. Il nous a fallu deux ans pour mettre au point cette norme et nous avons obtenu la participation de tous les intéressés dans la mesure du possible. Il y avait beaucoup de divergences et beaucoup d'enthousiasme, mais nous avons réussi à obtenir un consensus permettant d'établir une norme nationale. Elle n'est pas parfaite, mais c'est un pas dans la bonne voie et il se trouve qu'elle correspond avec la norme internationale en matière d'aménagement écologique. Toute cette question est en train d'évoluer.

Le schéma que je vous ai montré cherche à illustrer que cela est tout à fait compatible avec les discussions générales à l'intérieur de l'ISO et avec le dialogue multilatéral qui se déroule à toutes ces différentes réunions -- Tarapoto, Helsinki, Montréal, et cetera. M. Ballhorn a fait partie du groupe international et le travail évolue, comme il se doit.

Le sénateur Spivak: Vous m'avez donné des explications claires de la façon dont vous envisagez votre rôle, et c'est ce que je voulais savoir.

M. Ballhorn: Ce qui fera évoluer cette norme, comme toute autre norme, c'est le marché.

Le sénateur Spivak: J'aurais préféré que ce soit l'intérêt public plutôt que le marché.

M. Ballhorn: Mais c'est la réalité puisque c'est une norme qui ne s'applique qu'au commerce. Si l'intérêt public influe sur le commerce de détail, les grossistes vont décider d'acheter des produits qui répondent aux normes des consommateurs. C'est ainsi que cela s'est passé au Royaume-Uni et ailleurs.

Le sénateur Spivak: C'est le gouvernement qui représente l'intérêt public, non pas les sociétés. Les sociétés vont respecter les règles qui sont en place, quelles qu'elles soient. En fait, nous avons constaté lors de notre visite que les sociétés avaient de l'avance par rapport aux gouvernements provinciaux dans bien des cas, mais elles ne vont pas respecter les règles si personne ne les y oblige.

M. Lochhead: Notre domaine, c'est le commerce international. Il y a beaucoup de choses étranges qui se passent dans le monde. On commence maintenant à faire intervenir l'accès au marché. Cela peut causer des problèmes. Certains groupes d'acheteurs vont acheter seulement des produits FSC. C'est un problème et c'est une question de gros sous. Si je n'ai rien fait d'autre, j'espère au moins que je vous ai fait comprendre que cette façon de faire ne plaît pas du tout à bien des gens au Canada.

Le sénateur Spivak: Est-ce que vous vous êtes déjà promené dans les bois récemment?

M. Lochhead: Oui. J'habite dans les bois.

Le sénateur Taylor: Je voudrais en savoir plus long sur votre façon de faire respecter les normes. Vous dites qu'elles sont volontaires. En quoi consiste ces normes? Est-ce que le morceau de bois est estampillé? Est-ce qu'on y appose une feuille d'érable avec CSA, comment cela se passe-t-il?

Quand on achète un Mixmaster conforme aux normes CSA, c'est indiqué. Qu'est-ce qu'on trouve sur une planche de bois?

M. Lochhead: Vous ouvrez là une boîte de Pandore, c'est-à-dire la question de l'étiquetage écologique. Cette question de l'écologo ou l'étiquetage écologique fait l'objet d'un travail distinct à l'intérieur de l'ISO, c'est-à-dire le sous-comité 14020.

Le sénateur Taylor: Jusqu'ici il n'y en a pas eu?

M. Lochhead: Le travail n'a pas encore abouti de façon définitive mais on a fait beaucoup de progrès.

Le sénateur Taylor: On va finir par se mettre d'accord sur un tampon à apposer?

M. Lochhead: Je parle de progrès au niveau international.

Le sénateur Taylor: Mais pour l'instant rien ne se fait?

M. Lochhead: Au contraire. Neuf sociétés canadiennes y ont déjà adhéré.

Le sénateur Taylor: Comment un consommateur peut-il savoir s'il achète des produits à l'une de ces 19 sociétés?

M. Lochhead: Il pourra le savoir.

Le sénateur Taylor: Mais maintenant il ne peut pas?

M. Lochhead: Non, la norme ne pourra pas s'appliquer tout de suite. Il faut du temps.

Le sénateur Taylor: Mais vous allez finir par mettre un tampon?

M. Lochhead: On verra une déclaration selon laquelle le produit ou une partie du produit provient d'une forêt aménagée selon les principes de gestion durable.

Le sénateur Taylor: Comment mesure-t-on la coupe à blanc? A-t-on décidé que cela signifie le fait de raser les arbres de toute une montagne ou de prendre seulement 20 acres sur le versant? Comment peut-on le savoir en regardant le tampon?

M. Lochhead: C'est une question plutôt technique qu'il faudrait poser à M. Carette.

Une foule de questions se posent. La question de la coupe à blanc continue à faire l'objet de débat chez les scientifiques. Il y a des personnes éminentes qui préconisent cette pratique. Il y a toutes sortes de techniques de sylviculture. La coupe sélective en est une et une autre façon de faire, c'est de réduire la superficie des coupes à blanc.

Nous pouvons nous inspirer de l'exemple de la Colombie-Britannique où l'on tient compte maintenant des dimensions touristiques, de l'état des collines et des montagnes, de la diversité biologique, du traitement de la faune et cetera.

Le sénateur Taylor: Si un constructeur résidentiel en Allemagne s'inquiétait parce que ses clients ne voulaient pas acheter des maisons faites avec du bois canadien parce qu'ils pensaient qu'on fait trop de coupes à blanc, pourrait-il obtenir un tampon attestant que tel ou tel producteur de bois d'oeuvre n'en fait pas?

M. Lochhead: Il faudrait signaler qu'en Allemagne, la coupe à blanc signifie que tous les arbres sont rasés et le terrain est asphalté de façon à ce qu'il n'y pousse plus un seul arbre. C'est leur façon d'interpréter la coupe à blanc.

Le sénateur Taylor: Comment les assurer que ce n'est pas notre pratique?

M. Lochhead: Il faut leur faire comprendre que la coupe est suivie d'un certain reboisement avec les mêmes essences, certaines plantées par l'homme et d'autres de façon naturelle et qu'on y maintient des corridors. Toute cette science en est encore à ses débuts. Beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine. Le meilleur exemple au Canada est effectivement la côte ouest. Il y a beaucoup d'innovations et d'essais en Colombie-Britannique, surtout sur l'Île de Vancouver.

Le sénateur Taylor: C'est toujours en cours d'élaboration?

M. Lochhead: Oui.

Le sénateur Taylor: Les trappeurs font face au même problème depuis 25 ans.

M. Lochhead: C'est une question très émotive. Néanmoins, je pense que nous faisons beaucoup de progrès.

Le sénateur Taylor: Ce genre d'homologation va-t-il jusqu'à envisager le déplacement des Indiens?

M. Lochhead: Malheureusement je ne suis pas en mesure de parler des revendications territoriales, c'est une autre question.

M. Ballhorn: Comme je l'ai dit, les normes en matière d'homologation relèvent de l'Association canadienne des pâtes et papiers et de l'ACN. Il faudrait donc leur poser la question.

Le sénateur Taylor: Ce n'est pas limité à l'aspect environnemental?

M. Ballhorn: On tient compte de tous les aspects, y compris l'incidence sur les collectivités autochtones, mais nous ne sommes pas des spécialistes dans ce domaine. Cela relève de l'ACPP et de l'Association canadienne de normalisation.

M. Lochhead: Pour ce qui est du processus de l'ACN, le dialogue constitue un élément clé. Autrement dit, il faut consulter la population locale en définissant votre projet d'une région forestière circonscrite. Ces gens définissent quels seront les critères et les indicateurs. Tout cela est bien établi avant de commencer la coupe en forêt et les règles sont suivies.

Il s'agit donc d'une façon d'atteindre un certain objectif. Je pense que la décision de MacMillan Bloedel annoncée la semaine dernière servira de modèle à l'avenir.

M. Ballhorn: Presque toutes ces façons de procéder sont relativement récentes. Dans certains cas, on met des procédures à l'essai pour déterminer si elles marchent bien et quelles adaptations s'imposent.

Le sénateur Taylor: Aucun pays au monde n'a fait plus de progrès que nous.

M. Ballhorn: Pour ce qui est des pays qui sont les plus grands producteurs et exportateurs, je pense que nous les valons tous.

Le sénateur Taylor: L'autre critère concerne le fait de savoir si le bois provient d'une plantation ou de la forêt originale. Est-ce qu'on va en tenir compte? C'est la question de la biodiversité.

M. Lochhead: La norme CSA vise à garder l'éventail d'essences qui étaient là au début. Nous avons tous en tête l'approche européenne en matière de plantation sylvicole, mais ce n'est pas comme cela que nous faisons au Canada. Il s'agit donc d'un mélange de reboisement naturel et une certaine replantation.

Encore une fois, vous abordez des aspects techniques de la sylviculture, et je ne suis pas spécialiste.

Le sénateur Taylor: Nous non plus. Je pense que c'était le président Truman qui a dit que la guerre était trop importante pour que seuls les généraux s'en occupent. Nous constatons que les arbres sont trop importants pour que seuls les spécialistes s'en occupent. Partout où nous allons, les gens sont en mesure de nous dire combien de temps il faut pour qu'un arbre pousse, le temps qu'il faut pour le couper et cetera, mais on a négligé la question de la biodiversité en général.

Les types munis de scies à chaîne n'ont pas de problèmes, alors que tout le monde se demande si un arbre est de compétence fédérale ou provinciale.

M. Ballhorn: Les responsables de la Stratégie forestière nationale, qui s'occupent des critères et indicateurs nationaux, sont bien au courant. Si vous les invitez à comparaître, ils vous expliqueront le problème.

Le sénateur Taylor: Ils ont déjà comparu et leur position était différente de la vôtre. Les représentants du ministère des Affaires indiennes et du Nord ont un autre point de vue. On dirait que c'est un dialogue de sourds. Il y a au moins trois domaines dont il faut tenir compte ici. Ce n'est pas de votre faute, parce que quand on vous a embauchés on vous a donné certaines instructions, tandis qu'on leur a donné des directives différentes. Il ne semble y avoir aucune coordination.

M. Ballhorn: Je crois que vous vous trompez. Vous n'avez pas convoqué les témoins que vous devriez interroger. La Stratégie forestière nationale est à la fois fédérale et provinciale. Vous devez convoquer des témoins appartenant aux divers ministères responsables des forêts, non seulement M. Carette, mais toute une gamme de spécialistes.

Le sénateur Taylor: Je vous ai entendu trois fois essayer de refiler votre responsabilité aux spécialistes en sylviculture et foresterie.

M. Ballhorn: Je ne dis pas cela. Je dis simplement que vous devez parler avec les responsables de la Stratégie nationale sur les forêts, ceux qui élaborent les critères et les indicateurs nationaux et établissent le réseau des forêts modèles. Ils travaillent tous dans le service des forêts. Ils peuvent vous dire ce qui se passe. Il y a beaucoup plus d'une personne dans le service des forêts.

Le sénateur Taylor: Nous avons parlé à environ 50 témoins. S'il y en a d'autres cachés dans des bois, pour ainsi dire, nous essayerons sûrement de les rejoindre aussi.

M. Ballhorn: Ce sont des gens qui connaissent bien la stratégie, les critères, et les indicateurs.

Le sénateur Taylor: Vous avez dit au moins deux fois ce soir, que c'était une compétence provinciale.

M. Ballhorn: J'ai dit que nous ne sommes pas spécialistes des questions forestières, mais le Service canadien des forêts travaille avec les provinces.

Le sénateur Taylor: Vous n'êtes pas non plus spécialiste en droit constitutionnel.

M. Ballhorn: J'espère bien l'être, sinon je ne devrais pas être ici. Les gens qui s'y connaissent en foresterie travaillent dans le Service canadien des forêts. Ils travaillent avec les provinces sur les diverses questions reliées aux forêts, y compris la stratégie forestière. Ils travaillent sur les critères et indicateurs à l'échelle nationale. Ils travaillent sur les forêts modèles. Il y a toute une gamme de spécialistes qui travaillent pour le service.

Le sénateur Taylor: C'est cela que je veux savoir.

M. Ballhorn: Il faut poser la question au Service des forêts.

Le sénateur Taylor: Nous avons parlé avec bien des représentants du Service des forêts, de toutes les questions que vous avez soulevées. Ils peuvent nous dire tout ce qu'il faut savoir sur les arbres. Là n'est pas le problème. Du point de vue constitutionnel, cela relève de votre compétence. Personne ne contrôle la coupe des forêts. Vous dites que c'est une responsabilité provinciale. Pourquoi soutenez-vous cela, alors que les tribunaux ont clairement statué dans des affaires relatives à l'écologie et à l'environnement, que, pour des raisons d'autosuffisance, les Autochtones ont le droit d'exploiter les ressources forestières? Ces derniers peuvent même chasser le gibier hors saison, comme vous le savez, sur les terres domaniales, qu'elles appartiennent à une province ou au gouvernement fédéral.

Dans ce cas-là, si la province seule a le droit de couper les arbres sur des terrains privés, quels sont les droits des Autochtones? Comment peut-il y avoir de la chasse ou du piégeage si la province a le droit de couper les arbres?

M. Ballhorn: À mon avis, c'est une question que doivent régler les tribunaux. De toute évidence, les provinces sont propriétaires des forêts. Personne ne le conteste.

Le sénateur Taylor: En êtes-vous certain? Est-ce que nous leur avons donné cela en 1930?

M. Ballhorn: Je crois que oui.

Le sénateur Taylor: N'y a-t-il pas une clause particulière qui nous permet de les leur reprendre si nous en avons besoin pour régler des revendications territoriales?

M. Ballhorn: C'était seulement dans les provinces de l'Ouest. Il est évident que les provinces sont les propriétaires des terres concernées. Je crois qu'au moins 90 p. 100 de ces terres sont encore entre les mains des différents gouvernements provinciaux. Il est certain que le gouvernement fédéral n'a jamais contesté le fait que ces forêts relèvent de la compétence provinciale. Cependant, comme nous le savons tous bien sûr, le gouvernement fédéral a des parcs nationaux dans les territoires.

Le sénateur Taylor: Mais vous ne pensez pas que le gouvernement fédéral devrait en avoir, à cause des Autochtones?

M. Ballhorn: Vous me demandez mon opinion?

Le sénateur Taylor: Eh bien, vous êtes spécialiste en droit constitutionnel.

M. Ballhorn: Je ne le suis pas.

Le sénateur Taylor: J'ai cru comprendre que c'est ce que vous avez dit.

M. Ballhorn: Je suis avocat et je travaille pour le ministère des Affaires étrangères. Je dis que nous devons nous adapter à la situation actuelle concernant la répartition des pouvoirs constitutionnels. Nous ne pouvons la changer. Nous devons nous en accommoder.

Le sénateur Taylor: Vous parlez du développement durable. Qu'est-ce que cela inclut? Est-ce que vous tenez compte des «produits forestiers», comme le piégeage, la faune et le tourisme?

M. Ballhorn: Il faut absolument en tenir compte, parce que la gestion durable, ou le développement durable, signifie un équilibre entre les considérations économiques, sociales et environnementales qui permet de poursuivre ce qu'on fait. C'est l'idée.

M. Lochhead: On en parle dans les normes et, je l'espère bien, dans la convention internationale.

Le sénateur Taylor: Il est tout à fait clair que vous estimez que les forêts relèvent, surtout dans le cas des trois provinces des Prairies, de la compétence provinciale, et que les gouvernements provinciaux ont les droits de propriété. Si ces derniers décident de couper, le gouvernement fédéral n'a ni le droit, ni le moyen d'intervenir?

M. Ballhorn: Il peut intervenir en se servant de ses pouvoirs fédéraux.

Le sénateur Taylor: Lesquels?

M. Ballhorn: Tout ce qui concerne la Loi sur les pêches et la protection des pêches dans les cours d'eau. Cela pourrait inclure aussi les forêts. Je crois que cela inclurait aussi la pollution des eaux et la pollution atmosphérique. En vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le gouvernement fédéral a adopté des règlements concernant les effluents des usines de pâtes et papiers. Certaines provinces ont aussi adopté des règlements à cet égard. Il est évident que cela a une incidence sur la forêt.

Le sénateur Taylor: Est-ce qu'ils auraient des droits en matière de pollution atmosphérique?

M. Ballhorn: Cette question n'est pas limitée au gouvernement fédéral; elle concerne aussi les provinces. Dans les zones qui subissent des changements climatiques, les forêts sont très importantes, et c'est pourquoi nous voulons les garder. Je ne sais pas ce que le gouvernement fédéral ferait si une province disait qu'elle voulait adopter une autre politique.

Le sénateur Taylor: Est-ce que cela s'applique aussi aux droits des Autochtones; ils ont une incidence, mais vous ne savez pas où, ni comment ils se font sentir?

M. Ballhorn: Je répète que je ne suis pas spécialiste en la matière.

Le sénateur Taylor: Voilà le problème. Nous ne pouvons pas trouver de spécialiste.

M. Ballhorn: C'est une question et une industrie vastes. Elle comporte plusieurs dimensions. Les groupes autochtones ont réussi à utiliser les tribunaux et la constitution pour faire valoir et mieux faire respecter leurs droits.

Le sénateur Taylor: Les réponses qu'on a reçues aujourd'hui démontrent pourquoi il était nécessaire de créer ce comité. Un groupe s'occupe de l'environnement et un autre des arbres, mais il ne semble y avoir aucun effort concerté. Comme vous dites, il y a beaucoup de questions auxquelles il faut répondre, mais ce n'est pas votre domaine.

M. Ballhorn: Le Service canadien des forêts pourrait sans doute répondre à toutes vos questions ainsi qu'à d'autres. Avez-vous parlé avec la personne qui s'occupe du programme des forêts modèles, des critères et des indicateurs?

Le sénateur Taylor: Ils s'occupent tous de la culture des arbres, ce qui est très bien, mais ils ne voulaient pas s'aventurer dans les pêches ou le carbonate de zinc. Des témoins nous ont parlé des changements climatiques. Le Service des forêts croit avoir un mandat assez limité, et c'est pourquoi j'ai posé ma question. Le Service des forêts a 800 employés, ce qui nous semblait un peu bizarre, puisqu'ils nous ont dit que les forêts étaient de compétence provinciale.

M. Ballhorn: Ils s'occupent des sciences forestières et établissent la politique forestière.

Le sénateur Taylor: Pourquoi faites-vous cela pour les provinces?

M. Ballhorn: Le gouvernement fédéral s'est toujours occupé des sciences forestières.

Le sénateur Taylor: Je le sais. Mais comme vous le savez, nous avons cédé la plupart de nos responsabilités dans ce domaine il y a 8 ou 10 ans.

M. Ballhorn: C'est beaucoup plus récent que cela.

La présidente: Monsieur Ballhorn, y a-t-il une différence entre le développement durable et la gestion durable?

M. Ballhorn: Le développement durable est beaucoup plus général. Quand on le réduit au niveau d'un secteur, il faut décider de la meilleure façon de régler les différentes questions économiques, sociales et environnementales. Cela signifie qu'il faut gérer de façon durable. Les gens qui travaillent dans le secteur des forêts aiment parler de gestion durable et de développement durable. Nous utilisons donc ces termes au niveau des secteurs, tout comme on parle de gestion durable, dans certains des autres secteurs des ressources. Il y a même une stratégie de gestion durable au Canada pour le secteur des métaux. Ce dernier a publié un document sur la question.

La présidente: Monsieur Kepper, on vous écoute.

M. Jack Kepper, conseiller principal du commerce, Division des relations avec l'Union européenne, Affaires étrangères et Commerce international: Merci, madame la présidente. Ma spécialité est beaucoup plus restreinte que celles de M. Ballhorn et de M. Lochhead. Elle concerne les restrictions que l'Union européenne a imposées à l'entrée du bois d'oeuvre canadien dans les 15 pays de l'Union européenne.

Depuis le milieu de 1993, les règlements phytosanitaires, de l'Union européenne exigent que tout le bois d'oeuvre -- qui comprend surtout l'épinette, le pin, le sapin, le baume importés du Canada, à l'exception du cèdre, doit être séché au séchoir ou traité thermiquement. Depuis lors, le Canada estime que cette mesure est excessive, compte tenu du danger négligeable que ce produit pose aux forêts européennes.

La raison principale de cette restriction, serait la présence d'un micro-organisme au Canada. Il faut un microscope pour voir un nématode. Il y a deux ou trois millions de types de nématodes sur la surface de la terre, mais cette espèce particulière aime vivre dans le bois d'oeuvre. Le micro-organisme existe au Canada mais ne menace ni la vie ni la croissance des forêts canadiennes, car il ne devient actif qu'à des températures beaucoup plus élevées que celles que nous connaissons généralement au Canada. La température au Canada dépasse parfois 26 degrés, mais ne reste pas assez longtemps à ce niveau pour poser un problème.

Dans des régions comme le sud des États-Unis, le sud de la Grèce ou de l'Italie, les températures peuvent rester assez élevées pour rendre les nématodes de pin actifs. On peut les trouver dans les forêts du Nord, mais ils n'ont aucun effet nuisible.

Le Canada ne nie pas que ces micro-organismes existent ici. On les trouve en grand nombre en Chine, au Japon, ainsi que dans d'autres pays. Cependant, le Canada s'oppose à la décision de l'Union européenne qui exige que le bois d'oeuvre canadien subisse un traitement thermique qui coûte beaucoup plus cher, et à toutes fins pratiques, pasteurise le produit. Les Européens disent que cela éliminerait tout danger et leur permettrait d'importer le produit en Europe. Le problème est qu'il est difficile de concurrencer le bois d'oeuvre non traité, car les fournisseurs européens tels la Suède et la Finlande, peuvent vendre le produit en Europe, sans lui faire subir ce traitement qui réduit le niveau de bénéfices de 5 à 15 p. 100, compte tenu de plusieurs facteurs. C'est la marge concurrentielle.

À toutes fins pratiques, le Canada est exclu du marché de l'Union européenne depuis le milieu de 1993. Encore l'année dernière on a fait une étude détaillée à ce sujet. On a pris des échantillons de toutes les espèces de bois d'oeuvre de la Colombie-Britannique, des Maritimes et du Québec, soit les trois zones de production les plus importantes au Canada et on les a examinées pour déceler la présence du nématode du pin.

En coopération avec des scientifiques du Service canadien des forêts, nous avons fait un exposé très détaillé au comité phytosanitaire permanent de la Commission européenne, le 21 juin 1996, où nous avons présenté un programme canadien qui nous permettrait d'exporter sans danger notre bois d'oeuvre en Europe. Le programme d'inspection serait beaucoup plus rigoureux. Nous l'appelons le programme amélioré d'inspection visuelle.

Le programme porte surtout sur l'intégrité de l'inspection de tout produit échangé, qu'il s'agisse de fruits, de légumes, de céréales ou de produits forestiers. C'est la raison pour laquelle les restrictions ont été mises en place en 1993. Les instances européennes n'étaient pas satisfaites de la documentation ni des inspections et elles jugeaient avoir donné suffisamment d'avertissements pour justifier la prise de mesures draconiennes qui consiste à restreindre les exportations en imposant ce traitement supplémentaire.

Beaucoup de compagnies canadiennes ont expédié du bois d'oeuvre en Europe après l'avoir séché au séchoir ou traité thermiquement. Ce sont deux traitements distincts. Le traitement thermique élève simplement la température du bois à un niveau tel que tous les organismes qu'il contient sont tués. Le séchage au séchoir est à peu près semblable, mais la température élevée est maintenue pendant un certain nombre d'heures, ce qui effectivement réduit l'humidité. Cela ajoute de la valeur du bois.

Les instances européennes, trouvent acceptable l'un ou l'autre traitement. Cependant, les deux coûtent cher. L'industrie forestière s'oppose à ces traitements, qu'elle juge tout à fait inutiles parce que nous ne demeurons plus concurrentiels sur le marché européen.

Il nous faudrait du temps pour passer en revue toutes les statistiques, et ce n'est pas vraiment nécessaire. Cependant, en vertu du programme que j'ai mentionné, le Programme amélioré d'inspection visuelle, on n'exporterait pas en Europe des grumes de récupération. On le savait avant, mais le SCF a prouvé l'année dernière dans une enquête que le nématode du pin se trouvait surtout dans le faible pourcentage d'arbres qu'on avait laissés, pour quelque raison que ce soit, en position horizontale sur le tapis forestier. C'est peut-être arrivé à cause d'orages ou parce que beaucoup de bois était coupé sans être enlevé assez rapidement. Voilà pourquoi ce bois-là ne serait pas exporté en Europe.

La simple exclusion de grumes de récupération de moins bonne qualité éliminait à 90 p. 100 le nématode du pin, au point où la probabilité de la présence de cet insecte dans le bois traité en vertu du Programme amélioré d'inspection visuelle, à l'exception des grumes de récupération, serait de un insecte pour 16,4 millions de pièces de bois. Le chiffre est intéressant, parce que depuis 12 mois, la plus grande quantité de bois exportée était d'environ 48 millions de pièces. Par conséquent, la probabilité est que quatre de ces insectes arrivent en hiver dans un des 15 ports où nous expédions notre bois. Le risque d'infestation en Europe avec un si petit nombre de nématodes du pin est très faible.

À l'heure actuelle, nous expédions de 10 à 15 millions de pièces de bois en Europe. À ce rythme-là, il y aurait un cas de nématode du pin dans une période de 12 mois dans un des 15 ports. C'est tellement négligeable, que nous sommes prêts à faire appuyer le programme par le ministre du Commerce international.

Si les instances européennes n'acceptent pas cette proposition selon laquelle le Canada ne ferait pas de traitement thermique ni de séchage au séchoir du bois d'oeuvre, mais serait autorisé à l'exporter après une inspection visuelle plus exigeante pour garantir que les 16,4 millions de pièces sont sans risque, le Canada n'aura pas le choix mais devra accuser l'Union européenne d'avoir pris une mesure qui constitue une restriction au commerce.

Ils prennent simplement refuge derrière cet argument faisant valoir que leurs forêts seraient menacées. Nous avons démontré clairement que les risques sont négligeables. En langage international, le terme phytosanitaire signifie quelque chose qui est impossible à mesurer. C'est un terme imprécis. En principe, on ne peut pas dire que le risque est nul comme implique le mot «zéro», mais «négligeable» est le terme qui s'en rapproche le plus.

À l'heure actuelle, nous attendons un rapport interne, qui est en préparation depuis quelques mois. On ne nous a toujours pas dit que le rapport a été remis au comité. Cela doit se faire bientôt. Le comité aura besoin d'environ un mois pour le digérer et le mettre au point. On devrait savoir lors d'une série de réunions en mai ou en juin si, oui ou non, les Européens acceptent le programme canadien d'inspection et de production de bois d'oeuvre sans risque. S'ils n'acceptent pas notre proposition, il faudra décider de l'opportunité de soumettre la question à l'Organisation mondiale du commerce pour créer un groupe d'experts qui décidera si l'Union européenne agit ou non dans l'intérêt du commerce.

À cause de ce problème, le Canada perd entre 400 millions et 500 millions de dollars par an en exportation, selon le prix du bois d'oeuvre.

Le sénateur Taylor: Est-ce que les pertes se font sentir au même niveau dans tout le pays, ou est-ce que les exportations proviennent surtout de la côte Ouest?

M. Kepper: La Colombie-Britannique exporte environ deux tiers du bois d'oeuvre et les Maritimes et le Québec environ un tiers.

La présidente: Est-ce que je vous ai bien compris? Avez-vous dit que le Programme amélioré d'inspection visuelle consiste en un examen plus soigneux du bois d'oeuvre?

M. Kepper: Oui, l'examen est fait par la scierie.

La présidente: Et les grumes de récupération ne sont pas exportées du tout?

M. Kepper: Si, bien sûr, mais elles servent à d'autres fins. On s'en sert comme bois de chauffage ou autrement, mais on ne l'envoie jamais en Europe.

La présidente: Est-ce que l'Union européenne achètera du bois d'oeuvre à la Finlande et à la Suède?

M. Kepper: Oui, parce que ces pays font partie de l'Union européenne.

La présidente: Mais ils ont également le nématode du pin?

M. Kepper: Non, il n'existe pas en Europe. Les Européens ne veulent pas que l'insecte s'établisse chez eux, même s'ils reconnaissent qu'il ne pourrait pas faire de tort, tout comme il n'en fait pas au Canada, à cause du froid. Cependant, selon les normes internationales phytosanitaires, un pays peut interdire l'entrée de produits qui pourraient éventuellement poser un problème dans cinquante ou cent ans.

Le Canada a signé cette entente. En effet, le Canada était l'un des auteurs de normes très strictes pour protéger ses citoyens contre tout parasite importé. Nous approuvons certainement ces normes, et nous les respectons. Par conséquent, nous ne pouvons pas nier à l'Union européenne le droit de défendre ses frontières contre des problèmes éventuels.

Nous disons simplement que notre programme montre que notre bois ne contient pas de nématode du pin. L'insecte ne peut tout simplement pas être transporté de cette façon. Deuxièmement, si cela était possible, le nématode ne pourrait pas s'établir. Il faut avoir des conditions bien particulières et des volumes très importants pour que l'insecte puisse s'établir.

Le sénateur Taylor: Cela s'applique-t-il aux exportations aux États-Unis?

M. Kepper: Non, parce que les exportateurs américains sèchent tout au séchoir. L'industrie est différente et les volumes sont différents. Les Américains n'ont pas lutté. Ils se sont trouvés auparavant dans une situation semblable et ils ont alors décidé que dorénavant ils sécheraient au séchoir tout leur bois et délivreraient des certificats à cet effet.

Le sénateur Taylor: Est-ce que le nématode du pin existe aux États-Unis?

M. Kepper: Oh oui.

Le sénateur Taylor: Est-ce qu'il cause beaucoup de problèmes dans les États du Sud?

M. Kepper: Lorsqu'il se reproduit, il retarde la croissance des arbres. Un arbre qui devrait normalement atteindre dix pieds, n'atteint que cinq ou six pieds. Il y a par conséquent une perte de production. Dans les cas extrêmes, l'arbre finit par mourir.

La présidente: Qui rédige le rapport interne auquel vous avez fait allusion à la fin de votre exposé?

M. Kepper: Il s'agit du rapport interne du comité phytosanitaire permanent de l'Union européenne. Il prend énormément de temps à le rédiger. Il l'a refait deux ou trois fois, et nous commençons à être assez impatients. Tout pays importateur a le droit de faire des recherches très approfondies. Ils peuvent prendre jusqu'à deux ans.

La présidente: Vous pensez l'avoir au mois de juin?

M. Kepper: Je ne devrais pas dire que nous pensons l'avoir. Nous pensions l'avoir il y a environ un an.

Le sénateur Taylor: Nous allons être sur un terrain très peu solide. Nous avons fermé nos frontières à tous les bovins de race pure provenant d'Angleterre il y a quelques années à cause de la maladie de la vache folle. Les preuves que nous avions dans ce cas étaient probablement tout aussi minces que les leurs concernant le nématode.

M. Kepper: Je ne vais pas faire de remarques à ce sujet. N'importe quel pays importateur a le droit d'être aussi prudent que nécessaire.

Le sénateur Taylor: C'est la poêle qui se moque du chaudron. Les Européens vont interdire l'entrée de nos bactéries, et nous allons faire de même pour leurs bactéries.

M. Kepper: L'industrie forestière de la Colombie-Britannique peut affirmer que l'exception en Europe de bois d'oeuvre du Canada représente un risque négligeable puisque le produit ne contient pas suffisamment de nématode pour provoquer une épidémie.

Le sénateur Taylor: Je vais devoir vous envoyer une transcription de ma réunion avec le haut-commissaire du Royaume-Uni. Il a utilisé exactement le même raisonnement pour prétendre que la maladie de la vache folle ne présenterait aucun risque ici au Canada. Dans ce cas, les chances étaient encore moindres que les chiffres que vous nous avez cités pour le nématode.

M. Kepper: On peut toujours comparer les chiffres, mais le fait est que la maladie de la vache folle a une incidence sur les personnes. Les produits forestiers, par contre, ne sont pas destinés à la consommation par des personnes.

Le sénateur Taylor: Puisque nos animaux de race pure sont vendus dans le monde entier, nous avons les règles les plus restrictives concernant les importations. Nous allons avoir beaucoup de mal à convaincre les Européens d'adopter une attitude différente.

Vous estimez qu'il s'agit strictement d'une restriction commerciale non tarifaire?

M. Kepper: Ça a été le cas jusqu'à maintenant. Avant l'année dernière, nous n'avions pas suffisamment de preuves pour dire que le produit était sans risque. Mais maintenant la Division de l'hygiène des végétaux d'Agriculture Canada, qui doit se prononcer sur tout ce qui est importé au pays et ce qui est exporté, sait quelles sont les normes scientifiques -- la présence d'un organisme qui pourrait être propagé dans un pays étranger. Cette division examine les fleurs, des produits en provenance de la Chine, des arbres de Noël qui sont exportés au Mexique, et toutes sortes de produits qui pourraient être transporteurs de n'importe quelle sorte d'insectes ou de micro-organismes.

Je travaille en étroite relation avec cette division depuis un an et demi, et avec des exportations de 16 millions de pièces, il n'y a aucune probabilité que l'insecte soit transporté de l'autre côté de l'océan. D'après les scientifiques et les statisticiens, les chances que le nématode s'établisse sont d'environ une sur 1,1 milliard. Nous respectons tout à fait les efforts des Européens d'assurer la sécurité. Nous avons les mêmes préoccupations pour le Canada.

Le sénateur Taylor: Monsieur Ballhorn, comment l'ALÉNA envisagerait-il d'une question comme celle-ci? M. Kepper nous a dit que les Américains sèchent tout le bois au séchoir. Si on nous permet d'avoir accès à un marché même si nous ne séchons pas au séchoir notre bois d'oeuvre, est-ce que cela ne constitue pas un traitement préférentiel?

M. Ballhorn: L'ALÉNA et l'OMC prévoient des ententes sur les questions phytosanitaires. Il est évident qu'un pays peut imposer une restriction que les importateurs doivent respecter.

Au Canada, ceux qui exportent toujours du bois d'oeuvre le sèchent au séchoir. Il va sans dire que les Américains utilisent cette pratique de façon plus générale. À cet égard, il nous incombe de déterminer s'il s'agit d'une restriction valable qui est imposée à la frontière dans l'Union européenne.

Depuis plusieurs années, le Canada fait des efforts pour démontrer que cette restriction n'est pas justifiée ni du point de vue scientifique ni du point de vue du risque. Par conséquent, en vertu des règles commerciales dans ce domaine, nous avons le droit de contester l'imposition de cette restriction.

M. Kepper a dit que bientôt nous aurons à prendre une décision sur la question de savoir si nous allons laisser tomber la question ou la contester devant l'OMC. Je crois savoir que les procédés prévus en vertu de l'ALÉNA seraient semblables.

M. Kepper: Le procédé est le même.

Le sénateur Taylor: Si les Américains sèchent au séchoir leur bois d'oeuvre, est-ce que leur marché intérieur ne s'en trouve pas amélioré également?

M. Kepper: Exactement. Lorsqu'on sèche le bois au séchoir, on modifie le produit. C'est comme si on peignait une vieille voiture. On améliore le produit afin d'obtenir un prix plus élevé. À ce moment-là, on est en concurrence dans un marché différent. On est en train de vendre du bois d'oeuvre séché au séchoir. Lorsqu'on enlève entre 20 et 40 p. 100 de l'humidité du bois, selon la sorte de bois, il ne travaille pas et ne change pas. Je suis sûr que la table à laquelle nous sommes assis a été traitée de cette façon. Ce genre de bois coûte plus cher et fait concurrence à d'autres sortes de bois, du bois américain, par exemple, qui a également été séché au séchoir.

Le bois qui n'est pas séché au séchoir est parfois appelé bois vert ou bois non créosoté. On se sert de ce bois pour diverses choses. On ne s'en sert pas pour fabriquer des portes ou des éléments qui ne doivent pas se déformer. On s'en sert pour des éléments de construction de base comme les clôtures, les échafaudages et les moules pour couler le béton, et on peut même s'en servir plus d'une fois. Avec le bois vert, on n'a pas besoin de dimensions exactes, ce bois peut se déformer, se plier ou n'importe quoi d'autre.

Si votre bois est séché au séchoir, vous vous trouvez à contourner la restriction, et vous la contournez très bien parce que vous avez modifié le produit et vous êtes rentré dans vos frais. Cependant, pour ceux qui ne veulent pas affronter la concurrence sur ce marché, qui constitue à peu près un tiers du marché de la construction, il est absurde de sécher au séchoir du bois qu'on utilisera pour faire des clôtures, par exemple. Il y a un marché pour cela auquel le Canada n'a pas accès. Il n'y a pas que le créosotage qui soit en cause; ça coûte plus cher à produire et ça ne se vend pas pour les mêmes usages.

La Colombie-Britannique produit beaucoup de produits de ce genre auxquels les scieries aimeraient avoir accès.

M. Ballhorn: Et ça exclue du marché de nombreux petits producteurs parce qu'ils ne peuvent pas se permettre le séchage au séchoir.

M. Kepper: C'est juste. Ils ne veulent pas se donner la peine de construire un séchoir ou faire des frais en ce sens.

La présidente: Monsieur Ballhorn, vous avez dit qu'il y a des producteurs forestiers qui ne sont pas favorables pour le moment à une convention sur les forêts. Vous avez mentionné les États-Unis, l'Inde et la Nouvelle-Zélande.

M. Ballhorn: Oui. Je ne suis pas sûr de la raison de la Nouvelle-Zélande s'y refuse. Je pense que c'est parce qu'elle veut peut-être protéger ses plantations d'arbres. L'industrie forestière néo-zélandaise est largement des plantations. Elle ne veut pas d'une nouvelle convention qui comporterait des exigences relatives à la biodiversité qu'elle ne pourrait pas respecter. Ce problème ne la préoccuperait pas si on n'exerçait sur elle aucune pression.

Le sénateur Taylor: Elle n'aurait pas à se préoccuper des exigences.

M. Ballhorn: Je ne suis pas très sûr que ce soit là sa motivation. Chose certaine, la motivation était là à l'époque du Sommet de Rio. Le gouvernement néo-zélandais est très prudent ces jours-ci lorsqu'il s'agit d'adhérer à de nouveaux accords internationaux. Il craint que ces accords ne l'oblige à agir dans certains domaines, et l'on sait que l'économie néo-zélandaise est très déréglementée.

La présidente: S'agit-il de la Convention sur les forêts dont la ministre McLellan a parlé et à laquelle le gouvernement a renouvelé son adhésion aux Nations Unies le 10 avril?

M. Ballhorn: C'est exact. D'ailleurs, mon exposé ressemble beaucoup à ce qu'elle a dit. J'ai collaboré à la rédaction de son texte.

La présidente: Je vous remercie vivement d'avoir été des nôtres cet après-midi.

La séance est levée.


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