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COMM

Sous-comité des communications

 

Délibérations du sous-comité des Communications
du comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 2 décembre 1996

Le sous-comité des communications du comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 14 h pour étudier la position internationale du Canada dans le domaine des communications.

[Traduction]

Le sénateur Marie-P. Poulin (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Monsieur Ménard, je vous souhaite la bienvenue au sous-comité responsable de l'étude spéciale sur l'état des communications. Qu'est-ce qui va permettre au Canada de demeurer à l'avant-garde des communications sur plan international en l'an 2000, en d'autres mots, demain matin? Même si c'est un sujet complexe qui évolue rapidement, nous nous attarderons à quatre aspects: l'aspect technologique; l'aspect humain au niveau de nos ressources actuelles et futures; le culturel, au niveau du contenu de nos messages et, finalement, nos alliances commerciales.

Mes collègues sont un peu retenus, le sénateur Rompkey que j'attends de Terre-Neuve, est pris dans une tempête dans son coin de pays. Le sénateur Spivak qui arrive du Manitoba a essuyé une tempête de l'autre côté du pays. Je viens tout juste de rentrer de Sudbury. Dans le Nord de l'Ontario, il fait toujours beau, on ne peut pas se plaindre.

Alors il me fait plaisir de vous accueillir. Je vous invite à présenter votre équipe et à aller de l'avant avec votre présentation. On pourrait se donner 45 minutes à peu près. Mon greffier me dit que vous avez des choses tellement importantes à nous communiquer que l'on va vous accorder une heure et quart. Nous serons avec vous jusqu'à 15 h 15.

M. Gilles Ménard, sous-directeur des enquêtes et recherches(affaires civiles), ministère de l'Industrie: Madame la présidente, je suis heureux de m'adresser aujourd'hui à vous et à votre comité, en compagnie de mes collègues et au nom du directeur des enquêtes et des recherches, en vertu de la Loi sur la concurrence. Madame Rachel Larabie-LeSieur est sous-directeur à la direction des pratiques commerciales. Elle est chargée des dispositions de la Loi sur la concurrence traitant de la publicité trompeuse et des questions ayant rapport au télémarketing. David McAllister est agent de commerce principal à la direction des affaires civiles. Il a joué un rôle important dans les activités du bureau dans le domaine des télécommunications au cours des trois dernières années. Je suis Gilles Ménard et je suis responsable de l'application des dispositions civiles de la Loi sur la concurrence et aussi des interventions du directeur des enquêtes et des recherches devant les offices de réglementation.

Au nom du directeur, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer à ces audiences publiques du comité sur la compétitivité internationale du Canada dans le domaine des communications. Je vais d'abord faire quelque remarques, après quoi il me fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Bureau de la concurrence est chargé de l'administration et du contrôle de l'application de la Loi sur la concurrence. Dans le domaine des communications, le rôle du bureau comporte trois volets.

Premièrement, faire des interventions devant le CRTC sur des questions ayant rapport à la concurrence; deuxièmement, veiller à l'application des dispositions de droit criminel et de droit civil de la Loi sur la concurrence; troisièmement, conseiller Industrie Canada et le gouvernement fédéral dans son ensemble sur la politique de concurrence.

Pour aider les membres de ce comité à mieux comprendre la position prise par le bureau sur les importantes questions de concurrence dans le secteur canadien des communications, nous avons fourni des copies d'un certain nombre de déclarations dont les plus récentes présentations du bureau au CRTC et au gouvernement.

Ces présentations portaient sur différents aspects de la politique en matière de convergence, de concurrence dans le domaine des communications interurbaines et locales, de l'abstention de réglementer et de l'avenir de Téléglobe. Je ne souhaite pas alourdir inutilement vos délibérations. Mais j'espère que ces présentations seront des documents de référence utiles permettant d'étayer nos propos d'aujourd'hui.

[Traduction]

Presque tous conviennent que les progrès réalisés dans le domaine des communications sont ce qui déterminera l'avenir du Canada sur les plans de l'investissement, de la croissance économique, de la création d'emplois et de la compétitivité internationale. Aussi, il est généralement admis que la concurrence et le jeu des forces du marché sont des moyens bien plus efficaces que ne l'est la réglementation de procurer des avantages économiques aux consommateurs de services de communication.

Lorsque s'exerce une concurrence efficace, les prix diminuent pour se rapprocher des coûts, les entreprises doivent produire les biens et les services qui répondent aux exigences des consommateurs et il existe une incitation à innover les technologies, les biens et les services.

La caractéristique la plus remarquable du secteur des communications est la rapidité du changement et de l'innovation qu'entraînent les progrès technologiques et informatiques. Par exemple, depuis décembre dernier, Industrie Canada a accordé quatre licences pour services de communications personnelles (SCP) et deux licences pour systèmes de communications locales multipoint (SCLM). Ainsi, les entreprises Clearnet et Microcell vendent maintenant des SCP, tandis que CellularVision et Maxlink se préparent à inaugurer leurs réseaux SCLM.

Le mois dernier, plusieurs télédistributeurs ont annoncé le lancement de services Internet et certains ont signalé leur volonté d'offrir des services téléphoniques. Les entreprises de télécommunications interurbaines, telles que Sprint et AT&T Canada, ont également annoncé leur intention de s'implanter sur le marché des communications locales.

Il y a quelques semaines, le système de distribution multivoie multipoint (SDMM), nouvelle forme de télédistribution sans fil, a été mis en marché à Brandon (Manitoba) et des licences semblables seront probablement accordées pour le sud de l'Ontario et en Saskatchewan. Aussi, il faut espérer qu'un service canadien de distribution directe du satellite au foyer sera éventuellement mis en place.

Dans le temps qui m'est accordé aujourd'hui, je souhaite exposer les vues du Bureau de la concurrence sur les principes fondamentaux qui devraient régir la transition du régime de monopole à celui de la concurrence dans le domaine des communications locales au Canada.

Comme vous le savez, le gouvernement du Canada poursuit actuellement des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) où les pays du monde s'efforcent d'accroître la concurrence sur les marchés des télécommunications. Parallèlement, le CRTC achève une série d'audiences interreliées visant à instaurer la concurrence sur les marchés des télécommunications et de la télédistribution locales.

Un des aspects à l'étude dans le cadre des négociations de l'OMC est l'avenir des monopoles de télécommunications. Le gouvernement du Canada procède actuellement à l'examen du monopole confié par la loi à Téléglobe Canada dans le domaine des télécommunications internationales. Dans sa présentation au gouvernement, l'an dernier, le bureau a fait valoir que le monopole de Téléglobe ne devait pas être prolongé au-delà de son échéance du 31 mars 1997.

De l'avis du bureau, les activités de Téléglobe ne peuvent plus être envisagées sans tenir compte des changements qui s'opèrent sur le marché canadien et sur les marchés internationaux des télécommunications. Vu la mondialisation grandissante du marché des télécommunications internationales, il est difficile de justifier la prolongation du monopole confié par la loi à Téléglobe, qui aurait pour effet de priver ses abonnés des avantages que procure une concurrence internationale.

Les résultats des négociations de l'OMC et des instances du CRTC détermineront dans quelle mesure la convergence et la concurrence efficace dans les communications deviendront une réalité plutôt que de simples concepts à la mode. Le bureau estime que la réforme de la réglementation dans le domaine des télécommunications devrait avoir pour objectif d'abord et avant tout d'accroître au maximum les avantages que les consommateurs commerciaux et résidentiels peuvent tirer de la concurrence entre des réseaux de communication.

Un important aspect que les décideurs ont à déterminer à l'heure actuelle est la manière dont doit s'effectuer la transition d'un régime de monopole à celui de la concurrence dans le secteur des communications.

Combien de temps doit durer cette transition? Quelles règles et mesures de protection des consommateurs doivent s'appliquer durant la transition? À qui ces règles devraient-elles s'appliquer?

Je vous signale que le terme «transition» suppose un début et une fin. Or, nous croyons qu'il est inexact de concevoir ainsi la transition puisqu'en fait, dans le secteur des télécommunications, cette transition se poursuivra, à tout le moins sur le plan technologique, à mesure que progresseront l'informatique, la numérisation, la convergence et la concurrence mondiale.

Le bureau croit que le cadre réglementaire dans lequel doit s'opérer l'instauration de la concurrence dans les services de communication doit reposer sur certains principes fondamentaux.

En résumé, ces principes sont les suivants: premièrement, il faut d'entrée de jeu accorder la plus grande place possible à la concurrence et au jeu des forces du marché; deuxièmement, il faut, comme corollaire, limiter le plus possible la réglementation des firmes existantes et éviter d'imposer aux nouveaux arrivants une réglementation économique; troisièmement, il faut le plus rapidement possible laisser le jeu des forces du marché déterminer les prix des télécommunications locales et, au besoin, mettre en place des mécanismes précis et ciblés pour atteindre les objectifs de la politique sociale; quatrièmement, il faut définir des règles claires concernant les obligations qu'ont les entreprises en place de donner accès à leurs réseaux par des concurrents et il faut adopter des principes appropriés d'établissement des prix qui favoriseront une concurrence efficace; cinquièmement, il faut définir des mécanismes rapides et efficaces de règlement des différends pour éviter que les entreprises en place ne tentent de retarder l'accès à leurs réseaux; enfin, il faut assouplir les règles concernant la participation étrangère dans les réseaux de communication pour faciliter la mise en place et l'élaboration rapides des réseaux.

L'investissement étranger direct est l'un des principaux facteurs qui favorisent de plus en plus l'intégration de l'économie mondiale. Pour cette raison, les restrictions imposées à la participation étrangère dans les télécommunications sont un des importants sujets des négociations actuelles de l'Organisation mondiale du commerce.

Depuis plusieurs années, le bureau appuie l'assouplissement des restrictions imposées à la participation étrangère et ce, pour deux raisons. Premièrement, certains ont avancé que le coût de mise en place de l'infrastructure canadienne de l'information pourrait s'élever à 30 milliards de dollars. Les restrictions imposées à la participation étrangère engendrent des coûts importants pour les entreprises nationales des communications parce qu'elles limitent l'accès à des capitaux tant pour les entreprises en place que pour les concurrents éventuels. Par exemple, les télédistributeurs canadiens disposent de peu de capitaux pour moderniser l'infrastructure actuelle des communications et pour financer une expansion par de nouveaux projets de conception et de service.

Deuxièmement, les restrictions à la participation étrangère affaiblissent la concurrence dans le secteur par rapport à celle qui s'exerce dans d'autres secteurs de l'économie et dans des pays n'ayant pas des restrictions semblables. Par la diminution des sources de financement et du nombre de concurrents possibles sur le marché intérieur, nous limitons le choix, la qualité et les prix dont peuvent bénéficier les clients résidentiels, commerciaux et institutionnels du Canada.

La transition d'un régime de réglementation à celui du libre jeu des forces du marché comporte trois aspects sur lesquels je veux insister. Premièrement, lorsque le Bureau de la concurrence préconise une réforme de la réglementation et un plus grand recours au jeu des forces du marché, il ne remet pas en question les objectifs de la politique sociale du gouvernement en ce qui concerne le caractère universel et abordable des services de télécommunications, ni les objectifs culturels de la Loi sur la radiodiffusion.

Ce sur quoi le bureau s'interroge, toutefois, c'est de savoir si les divers moyens d'intervention adoptés en régime de monopoles réglementés sont compatibles avec un régime de concurrence accrue et avec les progrès révolutionnaires en technologie. Le bureau est d'avis que la concurrence peut concourir dans une large mesure à la réalisation des objectifs sociaux, mais que, lorsqu'il est nécessaire pour le gouvernement d'intervenir d'une quelconque façon, il faut choisir les mesures qui restreignent le moins la concurrence.

Deuxièmement, nous visons le même objectif que le CRTC, à savoir de favoriser la croissance de marchés concurrentiels dans le domaine des communications.

Enfin, il importe de souligner le fait que le droit de la concurrence n'est pas un substitut de la réglementation. Lorsque des marchés sont déréglementés, c'est la concurrence qui doit venir remplacer la réglementation. Le bureau n'est pas un organisme de réglementation et la loi ne lui confère aucun pouvoir à cet égard. Le mandat du bureau est de veiller à l'application des dispositions de droit criminel et de droit civil de la loi.

Comme la concurrence s'accroît sur les marchés et le CRTC s'abstient de plus en plus de réglementer en vertu de la Loi sur les télécommunications, le bureau est appelé de moins en moins à intervenir en matière de réglementation et de plus en plus à veiller à l'application des dispositions de fond de la Loi sur la concurrence dans le secteur des communications.

Par exemple, au cours de la dernière année seulement, le bureau a été appelé à examiner des questions de concurrence dans plusieurs industries à infrastructure de réseau où s'opèrent actuellement de profondes transformations technologiques, notamment les télécommunications, la radiodiffusion, les banques, l'électricité et les services postaux et, oui, le réseau par excellence, Internet. À mesure que progresse la déréglementation, le bureau est de plus en plus appelé à examiner des plaintes de prétendue conduite anticoncurrentielle.

La tâche que doit accomplir le bureau dans l'application de la Loi sur la concurrence consiste à faire en sorte que les entreprises en place n'utilisent pas leur puissance commerciale pour retenir la marée, c'est-à-dire pour ralentir le progrès technologique ou pour imposer des restrictions qui privent les innovateurs et les consommateurs de la possibilité de retirer les avantages de la concurrence.

Parallèlement, nous devons veiller à ne pas mal interpréter les signaux du marché et à ne pas nuire au processus de saine concurrence qui existe dans les domaines d'activité où s'opèrent de rapides progrès technologiques.

Le bureau s'attend à ce que l'instauration de la concurrence dans l'industrie des communications soulève des questions relevant des dispositions de droit criminel et de droit civil de la Loi sur la concurrence, notamment les dispositions ayant rapport aux fusionnements, à l'abus de position dominante et à l'exclusivité, dispositions à l'égard desquelles le Tribunal de la concurrence, pour rendre une ordonnance, devra établir si la conduite de l'entreprise ou le fusionnement en question «a ou aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence».

En particulier, nous examinerons les fusionnements d'entreprises qui sont ou peuvent être en concurrence, comme les fusionnements proposés de câblodistributeurs et d'entreprises téléphoniques. De plus, nous nous attendons à recevoir des plaintes au sujet de la conduite d'entreprises verticalement intégrées de la part d'autres entreprises qui rivalisent avec elles à un seul niveau d'activité.

La méthode de commercialisation des services de télécommunications concurrents a donné lieu à des plaintes en vertu des dispositions de la Loi sur la concurrence qui ont rapport à la publicité trompeuse et aux pratiques commerciales déloyales. Le bureau a reçu, de la part de consommateurs, des milliers de plaintes au sujet du maraudage de clients, c'est-à-dire le remplacement du fournisseur de services interurbains d'un client par un autre sans l'autorisation du client. Je signale toutefois que le maraudage de clients en soi, en l'absence de représentation trompeuse, n'est pas sujet aux dispositions de la Loi sur la concurrence.

Le nombre des plaintes de cette nature s'est stabilisé à environ cinquante par mois, mais le bureau s'attend à ce qu'il augmente à nouveau lorsque sera instaurée la concurrence sur le marché des services téléphoniques locaux. Le bureau a entrepris un certain nombre d'enquêtes qui pourraient être référées au procureur général en vue de poursuites. Le bureau continuera de surveiller l'application dans ce domaine des dispositions ayant rapport à la publicité trompeuse et aux pratiques commerciales déloyales et à veiller à leur application.

La diminution des tarifs des services interurbains a facilité l'expansion des activités de télémarketing. Malheureusement, cette expansion s'est accompagnée d'un accroissement des pratiques trompeuses de télémarketing consistant à donner des indications trompeuses pour stimuler la vente de produits qui n'existent pas ou dont le prix a été exagérément gonflé.

Pour échapper à l'application de la loi, les entreprises douteuses de télémarketing se déplacent beaucoup et poursuivent souvent leurs activités depuis une autre région ou un autre pays en ayant recours aux services de plusieurs fournisseurs de services interurbains. Pour cette raison, il est difficile de faire enquête sur ces pratiques de télémarketing frauduleuses ou trompeuses et d'intenter des poursuites contre les exploitants individuels. De plus, ces tâches nécessitent des ressources abondantes.

Pour bien dissuader le recours à des pratiques trompeuses de télémarketing, le ministre de l'Industrie a récemment déposé le projet de loi C-67 devant modifier la Loi sur la concurrence. Les modifications proposées comprennent de nouvelles dispositions concernant le télémarketing trompeur. En vertu de ces nouvelles dispositions, les entreprises de télémarketing seront tenues de divulguer clairement la nature et le but de la communication et l'identité de l'entreprise pour le compte de laquelle la communication est faite. Le projet de loi C-67 renferme aussi d'autres dispositions prévoyant notamment l'interdiction d'offrir des produits à des prix exagérément gonflés lorsque la condition de livraison est le paiement préalable d'une somme d'argent.

En raison du caractère transfrontalier du télémarketing, il est devenu nécessaire de prévoir et d'améliorer la coopération et la coordination des activités de contrôle de l'application de la Loi. En août 1995, le Canada et les États-Unis ont signé un accord sur la politique de concurrence et les pratiques commerciales déloyales. Les deux pays ont convenu de s'efforcer le plus possible de coopérer dans la détection des pratiques commerciales déloyales et de se tenir au courant des enquêtes et des poursuites ayant rapport à de telles pratiques.

[Français]

En conclusion, madame la présidente, il ressort clairement de l'orientation observée dans le reste du monde, que le Canada doit rapidement mettre en place des marchés compétitifs et efficaces dans le domaine des communications s'il veut se livrer à une concurrence efficace sur les marchés internationaux. La manière dont s'opère l'instauration de la concurrence sur les marchés des communications au Canada, se compare favorablement à ce qui se produit ailleurs dans le monde.

Toutefois, si le Canada doit continuer de s'adapter aux conditions toujours nouvelles de la concurrence, le processus de tarification du barème tarifaire des services téléphoniques, l'ouverture à la concurrence des marchés des communications locales et la mise en application de la politique de convergence du gouvernement doivent se conclure au moment opportun. La déréglementation de l'industrie des communications continuera de procurer d'importants avantages à l'économie canadienne. Le Bureau de la concurrence reconnaît qu'à mesure que progresse la déréglementation, il aura un rôle vital à jouer pour maintenir une concurrence vigoureuse et efficace.

Cela étant dit, madame la présidente, nous sommes disposés à répondre aux questions des membres du comité.

La présidente: Je vous remercie, monsieur Ménard. J'apprécie énormément votre présentation. Il est évident que vous et votre équipe avez pris le temps de préparer des remarques judicieuses au moment où nous avons déjà commencé la période de transition en communication.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Il est difficile de savoir sur quoi commencer à poser des questions. La première qui me vient à l'esprit est la suivante: si la concurrence augmente, cela veut-il dire que votre ministère s'agrandit et que votre charge de travail augmente? On a vu par ici des empires prospérer puis décliner. Par exemple, au fur et à mesure que le nombre d'anciens combattants diminue, la taille du ministère des Affaires des anciens combattants diminue également.

M. Ménard: Notre charge de travail est certainement en augmentation. Toutefois, nos ressources n'augmentent malheureusement pas. Elles ont même diminué assez fortement depuis quelque temps. Il est important de se rendre compte que le Bureau de la politique de concurrence n'a pas le même rôle qu'un organisme de réglementation. Quand un secteur est déréglementé, ce n'est pas le bureau qui assume le rôle d'organisme de réglementation; c'est en fait le marché lui-même qui impose sa discipline aux membres de ce secteur. Le bureau doit intervenir comme arbitre ou pour remettre à leur place seulement les entreprises qui contreviennent à la Loi sur la concurrence. Par exemple, nous intervenons seulement en cas de discrimination par les prix, d'ententes illégales ou de publicité trompeuse. Nous comptons fortement sur le fait que le monde des affaires respecte volontairement la loi. C'est pour nous la seule façon efficace d'assurer le respect de ces dispositions.

Au sein du bureau, nous avons mis en place des mécanismes nous permettant de faire notre travail aussi efficacement que possible. En d'autres termes, nous essayons d'utiliser au mieux nos ressources financières. Nous classons les affaires dont nous nous occupons par ordre de priorité et nous mettons de côté celles qui ont moins de conséquences sur l'économie.

Pour répondre à votre question, oui, nous avons des ressources. Elles sont limitées et nous essayons de les utiliser aussi efficacement que possible.

Le sénateur Rompkey: Avez-vous des ressources suffisantes? Il me semble que, même si vous n'êtes pas un organisme de réglementation et même si vous êtes d'une certaine façon un tribunal de dernier recours, vu ce que vous avez dit à propos de l'augmentation de la concurrence et du fait que vous encouragez cette concurrence, vous devez avoir de plus en plus de travail. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Je sais que vous n'êtes pas censé nous dire que vous êtes surmené et sous-payé, mais vous aimeriez peut-être le faire. Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question.

M. Ménard: Si vous voulez recommander que le bureau reçoive plus d'argent, nous n'en serions pas mécontents.

La présidente: Dans la même veine, à part les ressources, quels sont les outils dont vous disposez pour vous assurer d'atteindre vos objectifs? En d'autres termes, à la fin d'une enquête, puisque vous n'êtes pas un organisme indépendant chargé de l'application d'une loi déterminée, de quels outils disposez-vous pour faire en sorte que les lois actuelles soient respectées?

M. Ménard: Le directeur a une politique de communication très importante, nous allons donc rencontrer les gens d'affaires pour leur expliquer les dispositions législatives. Nous insistons également beaucoup sur le respect volontaire de la loi. Le directeur a un programme spécial dans le cadre duquel les gens d'affaires peuvent venir nous expliquer la stratégie ou l'activité commerciale qu'ils veulent mettre en place et demander un avis juridique pour savoir si leur projet serait conforme ou contraire à la Loi sur la concurrence. Nous essayons de faire respecter la loi de façon positive ou proactive. Cela permet de faire de grosses économies.

La présidente: Qu'est-ce que cela rapporte à ces entreprises? Elles s'occupent d'activités commerciales.

M. Ménard: Je pense que, fondamentalement, les entreprises veulent respecter la loi canadienne.

Elles veulent également éviter les longues procédures judiciaires. Elles ne veulent pas qu'on parle d'elles dans tous les journaux pour annoncer qu'un procès leur a été intenté. Elles sont donc prêtes à coopérer de leur propre initiative.

Elles se rendent aussi généralement compte des avantages de la concurrence. Elles font parfois l'objet d'une enquête de notre part; mais, très souvent, c'est elles qui déposent une plainte et peuvent profiter de nos enquêtes et de notre participation. C'est une arme à double tranchant.

La présidente: Si, à la fin d'une enquête, on constate que certaines activités ne sont pas conformes à la loi, à qui l'affaire est-elle renvoyée?

M. Ménard: Je vais vous donner un exemple de ce qui s'est passé récemment dans le marché des télécommunications. Il y a environ un an, au Nouveau-Brunswick, NB Tel a refusé de permettre à Fundy Cable d'utiliser son infrastructure. En conséquence, le directeur est intervenu dans ce conflit et est parvenu à amener ces deux sociétés à s'entendre volontairement. C'était vraiment la façon la plus efficace d'appliquer la loi.

Supposons que NB Tel ait refusé de coopérer et de respecter volontairement les dispositions de la loi. Cela aurait constitué un refus de fournir un bien ou un service et le directeur aurait été forcé de soumettre cette affaire au Tribunal de la concurrence. C'est alors lui qui aurait présenté la demande au tribunal. Ce tribunal fonctionne comme les autres. Il y a une procédure judiciaire, puis un arrêt est rendu.

S'il s'agit d'une autre pratique de nature criminelle -- par exemple certaines pratiques commerciales ou des ententes illégales --, l'affaire est renvoyée devant le procureur général du Canada à qui il incombe de la soumettre à un tribunal normal. C'est ce qui est prévu dans la loi.

La présidente: Pour reprendre ce que disait mon collègue, il me semble que, vu l'évolution du milieu des communications, vous allez avoir plus de travail. Si vous deviez faire des recommandations à votre ministre afin de pouvoir disposer des outils nécessaires pour faire en sorte que tous les intervenants respectent les mêmes règles, que lui recommanderiez-vous?

M. Ménard: Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, le Parlement est actuellement saisi de propositions de modification. Celles-ci augmenteraient certainement l'efficacité de la loi. Ce sont là les outils dont nous avons besoin pour faire en sorte que les marchés soient concurrentiels.

La présidente: S'agit-il des modifications que contient le projet de loi C-67?

M. Ménard: Oui. Il y a également eu d'autres modifications qui ont été proposées et qui ont fait l'objet d'une consultation, mais qui n'ont pas été retenues. Il y a par exemple des dispositions concernant l'échange d'information avec d'autres organismes antitrust du monde. Avec la mondialisation du marché, il est de plus en plus nécessaire, du point de vue de la politique antitrust, de pouvoir échanger des renseignements avec nos homologues du monde entier. Ces dispositions n'ont pas été incluses dans le projet de loi à cause d'une décision récente de la Cour fédérale dans l'affaire Schreiber. Le gouvernement a pensé qu'il valait mieux repousser la présentation de ces dispositions à la Chambre en attendant l'issue des appels interjetés dans cette affaire.

Il y a également d'autres mesures à propos desquelles nous avons effectué des consultations; elles concernent l'accès des particuliers au Tribunal de la concurrence. À l'heure actuelle, seul le directeur peut soumettre une affaire à ce tribunal. Certains membres étaient en faveur de permettre à tout le monde de s'adresser au tribunal. Cette option a fait l'objet d'une étude qui est en cours de publication. Cela représente certainement une autre série importante de modifications qui sont peut-être envisagées ou sont mises de côté temporairement.

En ce qui concerne notre affaire relative à la concurrence locale et au dégroupement dont est actuellement saisi le CRTC, nous lui avons recommandé de mettre en place d'autres mécanismes de règlement des différends. Le CRTC pourrait ordonner à une société de permettre l'accès à son infrastructure et déterminer ensuite dans quel délai le fournisseur et l'acheteur doivent régler les détails de leur entente. Si ces sociétés ne règlent pas leur différend entre elles, un appel pourrait être présenté devant le CRTC ou les tribunaux pour trouver une solution. Ce mécanisme forcerait les parties à arriver rapidement à une sorte d'entente dont elles détermineraient elles-mêmes les détails.

Le sénateur Rompkey: Je crois toutefois me souvenir que, quand nous l'avons entendu à Montréal, le président de <#0130>ONOROLA s'inquiétait du fait que les sociétés américaines étendaient leur infrastructure au Canada. Il a également dit que, dans l'avenir, ce n'est pas l'infrastructure qui comptera, mais la programmation. Il a toutefois signalé que des sociétés américaines comme AT&T sont en position de force sur le marché canadien. On semble accepter qu'il en soit ainsi, que ce soit elles qui nous fournissent des capitaux et que nous ne devrions donc pas limiter leurs activités. Si le dégroupement ne se fait pas rapidement, avez-vous des inquiétudes au sujet de l'infrastructure et de la possibilité qu'ont ces sociétés américaines d'avoir accès au marché canadien aux dépens des sociétés canadiennes qui ne peuvent pas accéder de la même façon aux marchés américains? Le président de <#0130>ONOROLA a dit que son entreprise allait construire une infrastructure chez nos voisins du Sud, mais je crois que c'est une des rares à le faire.

M. Ménard: Il y a toujours un problème qui se pose. En fin de compte, nous aimerions avoir au Canada une concurrence entre de nombreux réseaux, une concurrence basée sur les installations. Toutefois, pendant la période de transition, cela n'est peut-être pas possible.

Le sénateur Rompkey: Les choses temporaires n'ont-elles pas tendance à devenir permanentes?

M. Ménard: Oui, c'est exact.

La méthode choisie par notre directeur est que, si ces installations sont essentielles pour le marché, il faudrait permettre à d'autres sociétés d'y avoir accès. Les conditions d'accès devraient être réglementées pour faire en sorte qu'elles soient équitables afin qu'une société canadienne ayant de telles installations puissent tirer profit de cet accès.

Je ne sais pas exactement comment cela se passe aux États-Unis quand une société canadienne veut avoir accès à des installations, mais le principe du caractère essentiel de ces installations existe également là-bas. Je suppose que les modalités sont analogues.

Le sénateur Rompkey: Vous avez dit que nous avions conclu des arrangements avec les États-Unis. Vous avez parlé de ceux que nous avions pour les pratiques trompeuses de télémarketing, par exemple notre accord avec les États-Unis. Avons-nous avec les États-Unis d'autres accords qui vont plus loin et aident les sociétés canadiennes qui veulent faire des affaires aux États-Unis?

Mme Rachel Larabie-LeSieur, sous-directrice des enquêtes et recherches (pratiques commerciales), Bureau de la politique de concurrence, Industrie Canada: En fait, l'accord Canada-États-Unis qu'a mentionné M. Ménard ne porte pas seulement sur les pratiques commerciales déloyales et les pratiques trompeuses de télémarketing, mais également sur les questions touchant la concurrence. Il a été signé en 1995 et remplace un protocole d'entente qui existait depuis 1984. Il crée un cadre favorisant des relations plus étroites entre les deux pays pour les questions touchant la concurrence et les pratiques commerciales. Il permettra d'améliorer et d'élargir la coopération entre les organismes chargés de l'application de la loi dans les deux pays. En fait, c'est un cadre de référence.

Suite à cela, en septembre, un accord complémentaire est entré en vigueur aux termes duquel la FTC et le Bureau de la concurrence sont convenus de créer un groupe de travail conjoint au sujet des pratiques commerciales transfrontalières. C'est là-dessus que porte cet accord.

Le sénateur Rompkey: Chacun de ces pays offrira-t-il la liberté de circulation à l'autre? Il se passe à peu près la même chose pour la distribution de l'énergie que pour la distribution de signaux, c'est-à-dire le dégroupement et l'accès international.

Je fais ici allusion à notre peur innée des États-Unis. Je voulais vous poser une question à propos des objectifs en matière de politique sociale. Vous en avez fait mention tout à l'heure. Vous dites que la concurrence peut jouer un rôle important dans l'atteinte des objectifs sociaux, mais que, lorsqu'une intervention supplémentaire est nécessaire, on devrait choisir d'autres politiques limitant moins la concurrence.

Je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails. Il me semble que cela touche l'autre question que j'ai posée au sujet de l'accès des produits d'un pays à l'autre pays.

M. Dave McAllister, agent de commerce principal, Direction générale des affaires civiles, Bureau de la politique de concurrence, Industrie Canada: Sénateur Rompkey, pour répondre à votre question concernant la participation étrangère, tout cela fait actuellement partie des négociations de l'Organisation mondiale du commerce.

Vous avez tout à fait raison. Il y a un élément de réciprocité qui entre en jeu quand on supprime ces restrictions sur la participation étrangère ou les investissements étrangers. D'un côté, vous ouvrez votre propre marché, mais en contrepartie, vous obtenez peut-être un meilleur accès à un autre marché.

La semaine dernière, M. Sirois, le président de Téléglobe, a demandé dans un discours la suppression des restrictions à la participation étrangère. Il a fait un commentaire qui me paraît juste: pourquoi voudrait-il être protégé sans sa propre petite mare si cela l'empêche d'avoir accès à tout l'océan? En deux mots, ce sont là certains des compromis qu'il faut envisager dans un scénario de ce genre.

Le sénateur Rompkey: Et les objectifs de politique sociale?

M. McAllister: Un bon exemple en est l'objectif d'universalité de services de télécommunication abordables figurant dans la Loi sur les télécommunications. Au Canada, 98,5 p. 100 des foyers ont le téléphone. À l'heure actuelle, la structure tarifaire du service téléphonique local est quelque peu artificielle au sens où le faible niveau des tarifs locaux résulte du fait que les tarifs interurbains et les tarifs locaux se subventionnent mutuellement. Cela entraîne de nombreuses complications.

Nous pensons que la concurrence dans les services locaux de télécommunication fera suffisamment pression sur les tarifs pour qu'on puisse compter sur la concurrence, au moins dans une large mesure, pour atteindre cet objectif d'un service universel à un prix abordable. Le problème que pose la structure tarifaire actuelle est que les tarifs locaux sont subventionnés. Cela représente un obstacle pour les nouvelles compagnies qui voudraient se faire une place sur le marché local. Cela perpétue la réglementation parce que les compagnies qui offrent des services interurbains doivent verser une contribution aux compagnies du groupe Stentor afin de compenser ce manque à gagner pour les appels locaux. Il y a de nombreux facteurs qui compliquent la situation.

L'interfinancement était un mécanisme efficace quand les compagnies du groupe Stentor avaient un monopole, mais maintenant que le marché interurbain et le marché local sont ouverts à la concurrence, on ne pourra plus maintenir ces politiques très longtemps.

Je vous dirais donc peut-être que, oui, il faut s'appuyer le plus possible sur la concurrence. Si des subventions continuent d'être nécessaires, le mieux serait peut-être d'accorder une subvention directe aux gens à faible revenu qui n'ont pas les moyens d'avoir le téléphone ou un fonds universel de subvention pour les régions rurales et éloignées.

La subvention universelle actuelle, qui est indépendante du revenu, ne pourra plus subsister très longtemps dans ce milieu en pleine évolution. Voilà la situation. C'est une longue réponse, mais c'est une question complexe.

Le sénateur Rompkey: Cela se rattache à une autre question que nous posons depuis le début au sujet des effets des nouvelles technologies sur la structure sociale canadienne. Il y a eu plusieurs articles récemment dans la presse au sujet de la façon dont la technologie crée une nouvelle structure de classes au Canada. Cela s'applique également aux télécommunications. Je m'inquiète particulièrement au sujet du Nord et des régions rurales... allons-nous simplement accroître l'écart qui existe actuellement et que devrions-nous faire pour régler ce problème?

Vous avez abordé cette question dans une certaine mesure. Peut-être pourriez-vous nous donner plus de détails au sujet des politiques spéciales qu'on pourrait envisager pour le Nord.

M. Ménard: Nous ne contestons ni le fondement ni la nécessité de ces objectifs sociaux, mais seulement les moyens utilisés pour les atteindre. Le principe de base que nous avançons est que, chaque fois que le gouvernement intervient, il devrait le faire de façon à limiter le moins possible la concurrence elle-même.

Par exemple, au lieu de créer des monopoles dans certains marchés et d'utiliser le profit que réalisent ces compagnies grâce à ce monopole pour subventionner certaines régions éloignées ou certains services, nous proposons que l'on perçoive une sorte de revenu en utilisant un impôt général ou divers autres moyens. On pourrait créer un fonds qui permettra aux gens des régions éloignées de disposer de l'argent nécessaire pour profiter des services qui sont offerts.

On pourrait, par exemple, avoir des coupons qui pourraient servir à se procurer des services auprès de n'importe quel fournisseur de service, c'est-à-dire pas auprès d'un seul, mais de n'importe lequel d'entre eux. On protégerait ainsi la concurrence qui existe dans ce marché.

Le sénateur Rompkey: Avez-vous présenté cette suggestion par les voies officielles ou souhaiteriez-vous le faire?

M. Ménard: Oui, nous l'avons fait. Nous avons proposé des mesures analogues devant le CRTC.

Le sénateur Rompkey: Avons-nous un exemplaire de cet avis? Sommes-nous au courant de cela?

M. Ménard: Oui. En fait, le directeur a étudié cette proposition. Je ne me souviens pas du nombre exact, mais je pense qu'il a établi huit critères. Ils incluent le fait que le système doit être transparent, que le consommateur final devrait pouvoir choisir le fournisseur de service auquel il donne son argent, et cetera. Cette liste contient diverses dispositions qu'il faudrait mettre en place pour atteindre les objectifs sociaux sans limiter indûment la concurrence.

Le sénateur Rompkey: Je voudrais vous poser une question au sujet de la télédistribution sans fil. Cela a éveillé ma curiosité. À la page 3, vous dites que des entreprises de télécommunications interurbaines comme Sprint et AT&T Canada ont également annoncé leur intention de s'implanter sur le marché des communications locales. Il y a aussi le système SDMM, une nouvelle forme de télédistribution sans fil. Pouvez-vous nous donner plus de détails? Ce système fonctionne à Brandon depuis quelques semaines seulement. Des licences semblables seront vraisemblablement accordées pour le Sud de l'Ontario et la Saskatchewan. J'aimerais en savoir plus au sujet du SDMM et de la DDSF et de tous les autres sigles qui vous paraissent mériter d'être mentionnées.

M. McAllister: SDMM désigne un système de distribution multivoie multipoint. Il s'agit d'une technologie sans fil qui reproduit ou étend le service de câblodistribution que vous recevez traditionnellement au moyen d'un câble coaxial. Les signaux sont captés par une boîte posée sur le poste de télévision.

Craig Broadcasting de Brandon a une licence SDMM et a lancé un service commercial fin octobre. Cela se rattache à votre question précédente au sujet des régions rurales et éloignées. Si cela peut se faire dans une zone rurale du Manitoba -- c'est-à-dire autour de Brandon --, cela peut se faire pratiquement n'importe où.

Le sénateur Rompkey: Y avait-il auparavant un réseau de câblodistribution?

M. McAllister: Oui.

Le sénateur Rompkey: Alors, quel est l'avantage de ce système?

M. McAllister: Premièrement, il desservira des zones rurales que le câble n'atteint pas et, dans le marché urbain, il entrera directement en concurrence avec la câblodistribution.

Le sénateur Rompkey: Il y a donc un service de distribution par câble et le SDMM, n'est-ce pas?

M. McAllister: Oui. CellularVision vous dira tout à l'heure qu'elle est en mesure de fournir son propre service de câblodistribution sans fil.

Le sénateur Rompkey: Comment les licences sont-elles accordées?

M. McAllister: Comme ce système utilise le spectre électromagnétique, les licences sont accordées par Industrie Canada, comme pour le service SCP et le service cellulaire.

Le sénateur Rompkey: En quoi consiste le service DDSF?

M. McAllister: C'est un système de distribution directe du satellite au foyer qui utilise les petites antennes de la taille d'une pizza qui ont fait couler beaucoup d'encre et que vous pouvez voir dans votre quartier si vous regardez attentivement.

Le sénateur Rompkey: Je vois.

La présidente: Si vous deviez faire une recommandation au sujet du niveau de participation étrangère qui vous paraîtrait acceptable compte tenu des objectifs que vous avez énoncés dans votre mémoire et des objectifs de cette étude, que diriez-vous?

M. Ménard: Il y a actuellement des négociations à l'échelle mondiale à propos des choses de ce genre, des négociations à caractère réciproque. Nous sommes en train de formuler une politique.

Il faudrait fondamentalement assouplir les restrictions dans toute la mesure du possible et autoriser des niveaux aussi élevés que possible.

Il y a environ un mois, le président de la FCC des États-Unis a déclaré dans un discours: «Qui se soucie de la source des capitaux? Ce qui devrait nous préoccuper est leur utilisation.» Je pense qu'un membre du Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information a dit des choses identiques. Québec Téléphone et BC Tel appartiennent, par exemple, à des intérêts étrangers. Bien sûr, on pourrait contrôler leur comportement. Je n'ai jamais entendu personne les critiquer parce qu'elles ne se comporteraient pas comme les autres compagnies de téléphone canadiennes. On pourrait peut-être appliquer des règles pour s'assurer qu'elles respectent les règles canadiennes.

Le président de la FCC a également dit une autre chose importante. D'après lui, une fois que l'infrastructure est en place, les étrangers ne peuvent pas s'en aller. L'infrastructure n'est pas mobile. Une fois que des capitaux ont été investis pour construire une infrastructure, celle-ci se trouve dans le pays. Il est donc dans l'intérêt des investisseurs étrangers de se comporter d'une façon qui convienne au pays hôte.

La présidente: En d'autres termes, vous n'auriez rien contre le fait que les services reliés à la distribution soient possédés et exploités totalement par des étrangers. Qu'en est-il des services reliés au contenu?

M. Ménard: Je parle uniquement du point de vue de la politique de concurrence. Le gouvernement a peut-être d'autres objectifs et nous ne faisons aucun commentaire à leur sujet.

La présidente: La concurrence est l'un des facteurs importants que nous examinons. Compte tenu de cela, quelles seraient vos recommandations?

M. Ménard: Franchement, du point de vue de la politique de concurrence, nous serions en faveur de tous les investissements d'où qu'ils viennent. Cela encouragera la concurrence. Peu importe d'où viennent les capitaux.

Toutefois, le gouvernement a peut-être d'autres objectifs politiques. C'est des choses de ce genre que votre comité devra tenir compte.

La présidente: Je veux être sûre de bien vous comprendre. Voulez-vous dire que, même si un fournisseur de service -- et je pense au contenu et non pas à la distribution -- appartenait totalement à des intérêts étrangers, le gouvernement pourrait imposer certaines règles culturelles -- par exemple, sur le contenu -- qui permettraient aux propriétaires étrangers de répondre à ses attentes et que l'origine même des investissements n'aurait aucune répercussion sur le contenu?

M. Ménard: Oui, je pense que cela correspond exactement à ce que j'ai dit.

La présidente: Je vais aller plus loin. Pensez-vous que des propriétaires potentiels canadiens seraient désavantagés du fait que certains investisseurs étrangers disposent de ressources plus abondantes?

M. Ménard: Actuellement, le problème est que certains Canadiens sont désavantagés parce qu'ils n'ont pas les capitaux nécessaires pour installer l'infrastructure requise pour pénétrer dans d'autres marchés. Des capitaux étrangers les aideraient donc à faire face plus efficacement à leurs concurrents sur le marché canadien.

En outre, puisqu'il existe une certaine réciprocité avec d'autres pays de ce fait, il y a certaines compagnies, comme Téléglobe, qui pourraient être actives sur d'autres marchés auxquels elles n'ont pas accès actuellement si on supprimait complètement les limites imposées aux investissements étrangers.

Il y a des avantages et des inconvénients pour chaque chose. Pour ce qui est uniquement du point de vue de la politique de concurrence, l'origine des capitaux ne constitue pas véritablement un sujet de préoccupation.

La présidente: Alors, je vais aller un peu plus loin. Ma question se rattache à celle que mon collègue a posée au sujet des régions peu peuplées. Nous venons, lui et moi, d'une région peu peuplée du pays et nous nous préoccupons des Canadiens qui vivent en dehors des grandes villes comme Montréal, Toronto et Vancouver. Serait-il possible d'établir un règlement dont l'une des dispositions serait que les distributeurs appartenant totalement à des intérêts étrangers devraient assurer un service de distribution électronique dans certaines régions du pays qui ne seraient pas financièrement aussi viables que d'autres? D'après votre expérience de la concurrence, que penseriez-vous de cela? Quelle serait la réaction de ces propriétaires étrangers?

M. Ménard: D'après notre expérience, il ne faudrait pas imposer de telles règles à ces compagnies étrangères. De la façon dont le marché fonctionne, s'il revient plus cher de fournir un signal dans des régions éloignées, il faudrait accorder une subvention aux habitants de ces régions afin qu'ils aient les moyens de payer le prix qu'on leur demande pour la réception de ce signal ou pour les transports ou n'importe quel autre service. Il faudrait mettre de l'argent à la disposition de ces régions afin que les gens qui y vivent aient les moyens de se prévaloir de ce service. Ainsi, toutes les compagnies qui fournissent le service pourraient se faire concurrence sur ces marchés.

Grâce aux avantages résultant de la concurrence, ces compagnies trouveront des façons novatrices de réduire leurs coûts et elles mettront au point les meilleurs procédés technologiques pour desservir ces marchés. Au lieu de partir du principe que ces marchés ne sont pas viables et que personne ne leur fournirait un service, on dit que, même si le prix à payer sera plus élevé dans ces régions éloignées, s'il y a moyen de donner de l'argent aux gens qui y habitent, ils seront alors en mesure de s'en prévaloir.

Nous préférerions que l'on accorde des subventions directes aux régions au lieu d'imposer une réglementation aux fournisseurs de service. Ils devraient faire payer plus à leurs clients de Montréal et de Toronto, mais transmettre le signal ou fournir le service dans les régions éloignées. C'est une question d'interfinancement.

La présidente: Je ne comprends pas pourquoi.

M. Ménard: S'il y a une concurrence à Montréal et Toronto, par exemple, il n'y a pas de rente de monopole. Les compagnies n'accumulent pas des profits supplémentaires dans ces régions qui leur permettent de subventionner un service dans une région où les prix sont inférieurs aux coûts. Si le prix à Montréal et Toronto est supérieur au coût marginal, qui est le critère d'après la théorie micro-économique, de nouvelles compagnies entreront sur ce marché si bien que les prix seront inférieurs au coût marginal. Les fournisseurs de service de ces marchés concurrentiels n'auront donc pas assez d'argent pour fournir un service dans les régions où le prix serait inférieur au coût. Il s'agit de faire en sorte que chaque marché fonctionne dans des conditions telles que le prix soit égal au coût marginal.

Étant donné que, dans ces régions éloignées, le prix pourrait être un peu trop élevé pour les gens qui y habitent, on peut vouloir, en vertu de certains objectifs sociaux, faire en sorte qu'ils reçoivent les mêmes services. Nous disons donc qu'il faudrait trouver une façon de subventionner directement ces gens-là en utilisant des coupons ou un autre système.

On a, par exemple, déjà fortement déréglementé le secteur des transports. On a pris des mesures identiques en ce qui concerne les gens qui vivent dans le Nord. Vu l'augmentation de la concurrence dans les transports, vous constaterez probablement que ce n'est pas un Boeing 747 qui va à Rouyn-Noranda, par exemple, mais un avion à hélices. Les gens de la région bénéficient peut-être d'un service meilleur et plus efficace avec un autre avion qui est peut-être mieux adapté à leurs besoins.

M. McAllister: Je voudrais préciser une chose. Le spectre électromagnétique est un bien public. Dans les licences qui ont été accordées pour les SCLM et les SCP, les compagnies concernées sont tenues de fournir ces services dans tout le pays dans un délai déterminé, sauf peut-être pour les régions situées le plus au nord. Le gouvernement fait en sorte que ces services soient fournis partout où cela est raisonnable, ce qui est important.

Deuxièmement, en ce qui concerne les services par satellite, il n'y a probablement pas de raison de s'inquiéter parce que les satellites couvrent une superficie si grande que les habitants des régions rurales pourront bénéficier de ces services.

Enfin, pour revenir à votre question initiale, si les modalités de service doivent être énoncées dans les licences, il n'est pas bon d'imposer certaines exigences aux compagnies qui appartiennent à des intérêts étrangers et des exigences différentes aux compagnies nationales. Les mêmes règles devraient s'appliquer à tout le monde. Il ne faut pas désavantager une compagnie étrangère en la forçant à fournir le service à tous les gens dans un marché en établissant une autre règle pour les compagnies nationales. Le système devrait être au moins neutre du point de vue de la concurrence.

Le sénateur Rompkey: Le problème que je vois avec les subventions est que nous irions à contre-courant. Les subventions ne sont plus au goût du jour. Je ne pense pas qu'on puisse convaincre Paul Martin, surtout quand les élections s'annoncent, qu'il devrait inclure des subventions dans son budget. Il faudrait les dissimuler d'une façon ou d'une autre.

Il y a un précédent à la Société des postes. Elle reçoit de l'argent de Ron Irwin pour subventionner des produits alimentaires qu'on expédie en avion dans certaines parties du Nord. Cela vient du budget des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je n'imagine pas qu'on puisse faire la même chose pour les transports.

Par exemple, Marine Atlantic va disparaître. Le gouvernement abandonne en règle générale tous les services qu'il fournissait et subventionnait.

Vous avez raison de dire qu'on n'utilise plus tout à fait les mêmes avions dans le Nord. Je me demande toutefois comment régler ce problème. Je ne suis pas sûr qu'on pourrait utiliser les subventions.

Une compagnie ne pourrait pas mettre en place une structure tarifaire telle que ses revenus de l'ensemble du pays soient suffisants pour qu'elle fournisse ce bien ou ce service aussi dans le Nord. Je ne sais pas non plus comment cela pourrait marcher avec des coupons. Pour commencer, il faut que l'infrastructure soit là. Les satellites ne posent pas de problème, mais quand une compagnie doit, en fait, construire quelque chose sur le sol ou fournir une infrastructure, je ne vois pas comment un système de coupons pourrait fonctionner.

M. Ménard: Pour ce qui est de l'impôt, l'argent existe déjà dans le système. Il y a des transferts qui se font. La différence est que ces transferts sont contrôlés par chaque entreprise. Il y a déjà un interfinancement maintenant.

Le sénateur Rompkey: Vous voulez dire entre le service interurbain et le service local?

M. Ménard: Oui, et entre le tarif commercial et celui des particuliers. L'argent est donc déjà là. L'avantage d'un impôt ou d'une subvention directe est que c'est plus visible. Les tarifs qui permettent maintenant d'avoir cet argent vont baisser et le gouvernement peut collecter cet argent et s'en servir pour établir un fonds.

Pour ce qui est de fournir le service dans les régions éloignées, les fournisseurs de service pourraient former une alliance pour utiliser l'infrastructure de la façon la plus efficace possible. Ces alliances ne seraient pas en contravention avec la Loi sur la concurrence ou ses dispositions relatives aux fusions. Cette loi prévoit ce genre de chose. Il peut aussi y avoir des façons de les réaliser de la façon la plus efficace possible.

La présidente: Nous avons parlé de la participation étrangère aux entreprises fournissant des services au Canada. Nous savons que de nombreuses entreprises canadiennes vendent leurs produits et leurs services sur les marchés internationaux aussi bien en matière de télécommunication que de radiodiffusion. Quelles initiatives supplémentaires le gouvernement fédéral pourrait-il prendre pour faire en sorte que les sociétés canadiennes continuent d'être concurrentielles ou le soient même plus encore quand elles offrent des services dans d'autres pays, qu'il s'agisse de produits technologiques, de main-d'oeuvre spécialisée ou de contenu.

M. Ménard: Nous n'interviendrions à cet égard que du point de vue de la politique de concurrence. Nous n'avons pas d'opinion à propos d'autres questions. Nos idées personnelles ne sont pas nécessairement celles du directeur.

La présidente: Vous êtes très diplomate.

M. Ménard: La concurrence fait baisser les coûts. Les télécommunications représentent un élément de coût très important pour le monde des affaires. En diminuant leurs coûts d'exploitation au Canada, les entreprises se retrouvent certainement en meilleure posture pour faire concurrence aux compagnies étrangères dans notre pays ou sur les marchés étrangers.

La politique de concurrence force les entreprises à être plus novatrices, à réduire leurs coûts et à lancer de meilleurs services et de meilleurs produits. Tout cela a des effets positifs sur la compétitivité des entreprises canadiennes à l'étranger.

Le sénateur Rompkey: Le Bureau de la concurrence a-t-il un point de vue particulier au sujet de la vente de parties du spectre aux plus offrants? Craignez-vous que ce système nuise à la concurrence?

M. McAllister: En principe, nous pensons qu'un tel système peut être très bon. Il laisse libre cours aux forces du marché. Si on l'utilise, on peut supposer qu'il donnera lieu à des offres qui permettront d'utiliser le mieux possible les installations ou le spectre en question. En principe, oui.

Il faut toutefois prévoir certaines mesures de protection. Il faudrait par exemple s'assurer que, si on interdit aux étrangers de participer à l'appel d'offres, on ne réduit pas le nombre de soumissionnaires potentiels. Il faudrait s'assurer que le spectre sera utilisé et qu'une entreprise qui domine déjà le marché ne l'achète pas pour le laisser inutilisé et le maintenir hors du marché. En principe, l'appel d'offres est la solution la plus indiquée. C'est la meilleure façon de laisser jouer les lois du marché pour répartir le spectre.

La présidente: Pensez-vous que les grandes compagnies comme Bell Canada ne risqueraient pas de faire des offres supérieures aux autres puisque nous ne sommes entrés que depuis peu dans l'ère des télécommunications?

M. McAllister: Si je regarde l'exemple des SCLM, le gouvernement en a pris conscience et a écarté les compagnies du groupe Stentor et les câblodistributeurs lorsque, sans organiser d'appel d'offres, il a réparti le spectre pour la première fois. Elles seront toutefois autorisées à participer aux prochains appels d'offres.

Il est clair que les compagnies de téléphone sont puissantes. Toutefois, elles ont des ressources et connaissent bien ce secteur et elles ont pour principe de participer aux marchés. Je ne suis donc pas convaincu qu'il serait dans l'intérêt général d'exclure les grandes compagnies simplement du fait de leur taille. Elles pourraient prendre ce spectre et s'en servir pour faire des choses très concurrentielles et très dynamiques. Quand on établit les règles d'un appel d'offres, il faut faire attention à couvrir toutes les éventualités.

[Français]

La présidente: Est-ce que vous avez des commentaires additionnels? Nous avons apprécié énormément votre présentation et vos réponses. Nous vous remercions de votre comparution. Notre équipe de recherchistes va peut-être communiquer avec vous pour des questions additionnelles.

Je vous remercie d'être venu témoigner devant le sous-comité des communications responsable d'étudier la situation des communications au Canada en ce moment pour répondre à la question: comment est-ce que notre pays peut demeurer à l'avant- garde des communications au plan international en l'an 2000. Même si c'est une question quand même complexe, c'est un domaine qui évolue très rapidement.

Nous aimerions nous attarder sur quatre aspects de la question: premièrement, l'aspect technologique; deuxièmement, l'aspect de nos ressources humaines, actuelles et futures; troisièmement, le contenu, c'est-à-dire, la question culturelle, le reflet de notre identité, notre capacité de refléter notre identité culturelle dans d'autres pays; et, quatrièmement, les alliances commerciales.

M. Macerola, je vous invite à nous présenter votre mémoire et ensuite nous passerons à la période des questions.

M. François Macerola, directeur général, Téléfilm Canada: Madame la présidente, je n'ai pas préparé d'exposé écrit étant donné que je pensais que la partie des questions et réponses devrait prendre le pas.

Cependant, je pourrais vous rappeler que Téléfilm Canada est un organisme culturel qui a comme mandat d'utiliser des moyens de nature industriels et commerciaux afin d'aider, dans un premier temps, la mise sur pied de l'industrie canadienne du film et de la télévision en ce pays, et d'autre part, la consolidation et aussi afin de faire en sorte que les citoyens de ce pays puissent jouir de réalités audiovisuelles de très grande qualité. C'est le mandat de Téléfilm Canada.

Pour revenir de façon plus concrète au dossier international, nous pensons à Téléfilm Canada que le prix à payer pour être capable de rejoindre les marchés internationaux, est d'être très profondément Canadien. Il y a eu une période en ce pays où l'on a mis sur pied des programmes qui avaient comme objectif d'augmenter le volume de la production, et très souvent cela donnait comme résultat des films ou des émissions de télévision qui étaient des pâles reflets des Américains ou des Européens. Nous avons réalisé à Téléfilm Canada, après avoir étudié les dossiers, que le prix à payer pour être capable de rejoindre la communauté internationale et faire en sorte que l'entreprise culturelle canadienne de production et de distribution trouve sa place dans les créneaux internationaux; c'était d'être très profondément ce que l'on est.

Cela manque cependant. Je ne vous reviendrai pas avec l'exemple de Céline Dion. Nous avons trouvé un son en musique, en ballet, en théâtre. Au niveau du cinéma et de la télévision, nous en sommes encore à rechercher un son. C'est plus frappant du côté de la télévision où nous sommes de plus en plus reconnus comme un pays exportateur de produits de très grande qualité.

En ce qui concerne la technologie, je ne crois pas que le Canada doit s'embarquer dans des campagnes de compétition avec les Américains ou les Japonais. Je pense que le Canada, tout en essayant de conserver un créneau important au niveau de la technologie, doit devenir ce qu'il est en train de devenir lentement, grâce, dans un premier temps, à une entreprise privée dynamique, et d'autre part, grâce à des programmes gouvernementaux dynamisants et pleins de ressources. Des organismes comme Teléfilm Canada aident à tout cela.

Je pense que le Canada doit être de plus en plus reconnu comme un pays de contenu. Cela ne veut pas que dire que l'on ne doit pas occuper l'espace qui nous revient de droit. Je pense aux nouvelles technologies, aux multimédias, aux sociétés comme Softimage, entre autres.

Cependant il y a un domaine où le Canada est faible, c'est tout le domaine de la distribution satellitaire. Je pense qu'il pourrait y avoir un certain accent mis pour faire en sorte que des gens puissent être confrontés à d'autres réalités, toujours dans le respect intégral de la culture canadienne.

Quant à la fragmentation des marchés, la globalisation des marchés, tout cela nous aide comme pays. Cela nous permet d'avoir accès à plus de créneaux et à plus de qualité. Le cinéma et la télévision sont des domaines où il en coûte très peu cher pour créer un emploi, environ 35 000 $ alors qu'en aéronautique, on parle de 150 000 $. On a des techniciens reconnus, très compétents dans ce pays. La preuve est qu'il y a environ un milliard de documents audiovisuels tournés par les Américains sur le territoire canadien en utilisant nos talents.

Tout cela pour vous dire que pour moi, le bilan de la présence canadienne dans le milieu audiovisuel international est plus que positif. Il va falloir continuer à établir des contacts, à rencontrer des partenaires naturels, qu'ils soient Américains ou Européens. Il va falloir faire partie des grands ensembles géopolitiques comme la Commission européenne, l'Union européenne pour que le Canada perde le statut d'observateur afin de devenir réellement un membre à part entière.

Il va falloir payer le prix. Le gouvernement canadien devra faire preuve d'imagination pour essayer de trouver des fonds. Madame Sheila Copps vient de nous donner un exemple d'imagination en mettant sur pied un nouveau fonds pour la production d'émissions de télévision canadienne de très grande qualité.

Je veux ajouter juste un mot sur Téléfilm Canada. On gère au nom du gouvernement canadien les traités de coproduction. On en gère 30, je ne voudrais pas vous induire en erreur, j'ai les chiffres ici, 36 traités avec 44 pays différents. Ces traités génèrent des activités de l'ordre d'environ 300 millions de dollars annuellement au niveau de la coproduction. D'un autre coté, pour le Canada, si l'on considère non seulement les ventes, mais aussi les coproductions, les minimum garantis au niveau de la distribution, et enfin toute l'activité économique canadienne à l'étranger, on parle d'environ 1,3 milliard de dollars par année, ce qui est une augmentation par rapport aux années précédentes de pratiquement le double.

Toutes les activités audiovisuelles du Canada à l'étranger reliées à la vente des produits, à l'utilisation des techniciens canadiens sur les production étrangères, aux achats sous forme de minimum garanti et non pas d'achats directs pour la télévision ou enfin de compte un «joint venture», tous ces achats ou cette présence internationale totalisent 1,3 milliard de dollars annuellement.

Les chiffres que j'ai sont de 1993, et 1994. En 1992-1993, c'était 800 millions de dollars. En un an, il y a eu une augmentation du double. Cela indique quelque chose.

Tantôt quand je mentionnais ce que l'on devait prendre en ligne de compte, ce sont les pré-ventes, les avances de distribution, les revenus garantis, la production étrangère au Canada, le financement étranger et cetera.

La présidente: Pouvez-vous nous faire parvenir ces chiffres? Cela serait d'un intérêt certain.

M. Macerola: En quelques mots, c'est ma présentation. J'ai essayé de vous situer une certaine vision de Teléfilm Canada au niveau international. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

La présidente: Avant de passer la parole à mes collègues Spivak et Rompkey, nous sommes tous conscients du fait qu'il y a un rapport quand même important qui a été publié récemment sur justement les trois institutions culturelles importantes au pays où se ferait une production importante de contenu.

Si vous aviez le pouvoir de mettre en place immédiatement trois des recommandations, il y en avait 168, lesquelles mettriez-vous en application immédiatement?

M. Macerola: Vous me posez une très bonne question. En ce qui concerne Radio-Canada, CBC, pour moi, sont les organismes les plus importants pour assurer la survie du pays.

Avec la déréglementation, avec la fragmentation des marchés, demain matin, si nous en venons à avoir une distribution satellitaire au pays, vous aurez accès... la semaine dernière on parlait de 500 canaux, on parle maintenant de 1 200 canaux. Radio-Canada a un rôle très important à jouer pour mettre en contact les deux cultures et les citoyens de ce pays. Il y a un prix à payer. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas certaines décisions difficiles à prendre à Radio-Canada. La direction a toute la compétence pour le faire.

J'essaierais, si j'avais une baguette magique -- on est à l'époque de Noël -- je renforcerais Radio-Canada. Quant à l'Office national du film, j'en ai été le président. Ce serait difficile de dire autre chose que nous avons besoin au pays d'une production publique comme l'Office national du film, pas un producteur qui essaierait de plaire mais de défier les citoyens de ce pays, les gouvernements, les élus et l'appareil politique.

C'est la raison d'être de l'Office national du film. Quant à Teléfilm Canada, la seule recommandation est de nous donner les outils pour que l'on puisse continuer à être encore un partenaire significatif pour l'entreprise privée canadienne.

Cela veut dire de l'imagination, des nouvelles façons d'interagir avec le secteur privé et aussi des fonds additionnels. Les fonds additionnels ne doivent pas nécessairement venir du gouvernement. Il faut être imaginatif pour trouver l'argent où il se trouve.

Il y a des pays qui font affaire au Canada. Ces gens retournent chez eux avec beaucoup de millions. Ils pourraient en laisser échapper quelques-uns ici pour nous permettre de mettre sur pied des fonds de production d'émissions et de films canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Spivak: Je voudrais commencer par le financement. À vous entendre, il semble que Téléfilm a changé de rôle au cours des cinq dernières années et collabore plus avec le secteur privé.

Le fonds spécial que le ministre a créé, si je comprends bien, se monte à environ 200 millions de dollars.

M. Macerola: Oui. C'est pour une période de trois ans. Ce n'est pas 200 millions, je suis désolé. C'est 150 millions de nouveaux crédits.

Le sénateur Spivak: C'est parce que 50 millions de dollars sont pris sur votre budget?

M. Macerola: Cela viendra de mon budget, oui.

Le sénateur Spivak: En quoi cela vous aide-t-il?

M. Macerola: À un moment donné, le gouvernement doit concevoir de nouvelles options et de nouvelles façons de distribuer les deniers publics dans notre pays. Il était important de se donner pour objectif d'améliorer les rapports entre le secteur public et le secteur privé.

À un moment donné, nous avons eu une réunion à Ottawa avec la ministre. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'il serait intéressant d'atteindre ces deux objectifs et d'en ajouter un autre, celui d'intégrer les activités télévisuelles ou le financement au sein d'une organisation, le fonds de production pour le câble et la télévision.

Il y avait 100 millions de dollars de nouveaux crédits, 50 millions administrés par les câblodistributeurs et 50 millions par Téléfilm Canada, mais sans qu'il y ait du tout de consultation ou de synergie entre ces deux composantes.

Nous avons décidé de créer un programme de financement de contrepartie. Il y aura 1 $ de nouveaux crédits pour chaque dollar de contribution. Ainsi, nous allons recycler 100 millions de dollars, 50 millions de dollars venant des câblodistributeurs et 50 millions de dollars de Téléfilm Canada; le ministre a ajouté 100 millions de dollars, ce qui fait un total de 200 millions de dollars.

Le sénateur Spivak: On a beaucoup critiqué par le passé le fait que les câblodistributeurs administraient leurs fonds. Cela veut-il dire qu'ils seront moins en mesure de le faire? Je ne vois pas le rapport. J'aimerais que vous m'expliquiez cela de façon plus précise.

Je sais que nous devons traiter de toutes les façons possibles avec le secteur privé. Toutefois, les sociétés privées de télévision n'ont pas respecté leurs engagements. Comme vous l'avez dit, elles se contentent le plus souvent d'être un pâle reflet de la télévision américaine.

Je mélange deux questions. Premièrement, je veux savoir comment ce fonds sera administré et comment vous allez traiter avec le secteur privé.

Ensuite, j'aimerais que vous me donniez franchement votre avis sur la chose suivante. Si nous voulons maintenir une présence publique dans la télévision au Canada, ce qui est très important, pourquoi insistons-nous tant sur la privatisation? Je comprends la nécessité d'aider les producteurs indépendants, mais je ne comprends pas pourquoi il faut se rapprocher du secteur privé.

M. Macerola: Pour ce qui est de l'administration de ces 200 millions de dollars, nous avons mis sur pied les éléments suivants. D'un côté, il y a les fonds propres, c'est-à-dire les investissements et les remboursements, ce qui sera administré par Téléfilm Canada.

Le sénateur Spivak: Expliquez-moi cela. Si quelqu'un veut produire quelque chose, vous investirez de l'argent pour lancer le projet et il devra ensuite chercher lui-même les fonds supplémentaires?

M. Macerola: Oui. Nous investirons jusqu'à 49 p. 100 du budget total. Pour pouvoir s'adresser à Téléfilm Canada, s'il s'agit d'une émission de télévision, le producteur devra avoir une licence payée par un radiodiffuseur privé ou public et, s'il s'agit d'un film, il devra avoir une garantie d'un montant minimum payée par un distributeur canadien.

Nous administrerons les fonds propres de façon sélective. Nous dirons «oui» ou «non» en fonction de la viabilité culturelle et financière du projet proposé.

Les câblodistributeurs s'occuperont d'un autre montant de 100 millions de dollars. Ces 100 millions de dollars correspondront seulement au complément des droits de licence, c'est-à-dire qu'ils compléteront les droits de licence que le radiodiffuseur doit payer pour acheter les droits d'une émission de télévision. Cet argent ne sera pas utilisé de façon sélective. Mais en fonction du principe premier arrivé - premier servi.

Nous avons eu trois ou quatre réunions depuis que le gouvernement a créé un conseil d'administration. Pour le moment, je pense que c'est une décision sage parce que nous essayons d'harmoniser les différentes politiques concernant les fonds propres et les droits de licence.

Le sénateur Spivak: Ma mémoire n'est pas très bonne, mais il semble que de nombreux témoins nous ont dit que les entreprises de ce secteur ou le public demandent non seulement que les câblodistributeurs n'administrent aucun fonds, mais également que les sommes prévues soient fortement augmentées. Dans ce cas, que vaut cette solution? Est-ce que c'est un compromis? Si vous aviez le choix, auriez-vous proposé cette solution pour un tel montant?

M. Macerola: Je peux simplement dire qu'à un moment donné, le gouvernement avait l'intention d'augmenter les ressources financières mises à la disposition des producteurs de télévision de notre pays. Il cherchait des partenaires privés prêts à investir de l'argent et le seul groupe organisé qui était prêt à le faire était le secteur de la câblodistribution.

Je crois personnellement que le fonds des câblodistributeurs s'est révélé très utile.

Le sénateur Spivak: Vous n'êtes donc pas de ceux qui critiquent ce fonds ou pensent qu'il faudrait l'augmenter. Certains nous l'ont dit sans ambages. Après tout, les câblodistributeurs ne font pas cela pour le plaisir. Ils jouissent d'un important privilège dans notre pays.

M. Macerola: Lequel? Celui d'avoir accès aux deniers publics?

Le sénateur Spivak: Non. Ils bénéficient traditionnellement d'un monopole. Ils ne vont plus le garder bien longtemps, mais ils en ont bénéficié.

M. Macerola: Oui. Le CRTC a également joué un rôle très important en invitant les câblodistributeurs à investir de l'argent et en accueillant favorablement leurs initiatives à cet égard. J'étais dans le secteur privé avant de travailler pour Téléfilm Canada. Il était très utile d'avoir accès à ces 50 millions de dollars, ce qui représente beaucoup d'argent.

D'un autre côté, lorsque le gouvernement a décidé d'encourager la coopération entre le secteur public et le secteur privé, il pensait, j'en suis tout à fait convaincu, aux 5 p. 100 de recettes que générera la distribution en six à neuf mois, ce qui fera en fin de compte un montant de 200 ou 300 millions de dollars. Cet argent sera réorienté vers la réalisation de longs métrages et d'émissions de télévision.

Le sénateur Spivak: Je suis plutôt encouragé par cette augmentation des activités canadiennes sur le marché international dont vous parlez.

Pensez-vous que, pour augmenter la production de contenu canadien, il faut procéder comme nous l'avons fait jusqu'ici ou voyez-vous d'autres politiques qu'il faudrait recommander? Je vous pose cette question en particulier en tenant compte du fait que le secteur public est menacé; cela ne fait aucun doute.

M. Macerola: Je suis cependant convaincu que le secteur public et le secteur privé devraient collaborer. Le fait que ce nouveau fonds a été créé et qu'on a trouvé 100 millions de dollars de nouveaux crédits pour le secteur privé ne veut pas dire que cela n'aidera pas le secteur public. Radio-Canada/CBC va recevoir au moins 65 millions de dollars sur ces 100 millions de dollars. Est-ce suffisant? Je n'en sais rien; ce n'est pas de mon ressort. Je peux seulement dire que je ne crois pas que le secteur privé et le secteur public devraient être placés dans cette situation. Je pense que nous devrions élaborer des politiques leur permettant de collaborer.

Nous avons dit qu'il fallait réserver une partie de ce fonds à Radio-Canada/CBC. Nous avons même attribué 12,5 millions de dollars à Radio-Canada/CBC comme contribution au paiement des droits de licence pour les émissions de télévision diffusées sur ce réseau. C'est un atout supplémentaire.

Par ailleurs, je crois que Téléfilm Canada devrait collaborer un peu plus avec le secteur privé. Les émissions d'information, comme les nouvelles et les affaires publiques, devraient relever de Radio-Canada/CBC. Toutefois, à la fin de ce siècle, je ne suis pas sûr que nous aurons besoin d'une infrastructure de services techniques. Je ne sais pas combien de milliers de gens travaillent à la réalisation d'émissions de télévision. J'essaie de dire que le gouvernement devrait inviter Radio-Canada/CBC à collaborer étroitement avec le secteur privé, à lui confier la réalisation d'émissions et à lui sous-traiter certaines activités.

Le Canada a un secteur privé très solide. Notre pays est petit; nous n'avons pas investi des milliards de dollars pour le développement de l'industrie cinématographique et de la télévision. Or, le Canada est considéré comme deuxième au monde pour ses exportations.

La présidente: Monsieur Macerola, quand vous dites que le Canada a l'infrastructure privée nécessaire pour réaliser autre chose que des émissions d'information, pensez-vous que cela s'applique aussi bien au Canada anglais qu'au Canada français?

M. Macerola: Il me semble que oui.

Le sénateur Spivak: Je n'ai rien à redire à vos déclarations, monsieur Macerola, mais j'ai une question à vous poser. Bien sûr, nous avons un secteur privé, mais évaluez le contenu -- il est américain. Nous sommes un pays qui a pour voisin un colosse qui veut uniformiser le monde. Cela pourrait être positif, mais c'est souvent négatif.

Le problème ne concerne pas seulement le secteur privé. Notre secteur public nous a donné quelque chose d'unique mais pas, dans l'ensemble, notre secteur privé. Voilà ce que je veux dire. Il ne l'a pas fait. Il nous offre les produits américains les moins chers qu'il peut trouver. Je crois que cela reflète assez bien la réalité. Oui, le CRTC oblige les compagnies privées à faire certaines choses. Il se peut que, vu l'évolution si rapide de la technologie, il n'y a rien que nous puissions faire. Voilà ce que je vous demande.

M. Macerola: Je suis d'accord pour dire que le secteur privé est très important dans notre pays. N'oublions cependant pas qu'il a participé à la réalisation du Déclin de l'empire américain et d'Anne aux pignons verts. Je peux vous donner toute une liste d'émissions de télévision de grande qualité réalisées par le secteur privé. Nous savons que les Américains sont là. Toutefois, à un moment donné, nous devons prendre des décisions courageuses et difficiles.

On pourrait décider de proposer à ces producteurs étrangers, qui ont pratiquement pris le contrôle de la production et de la distribution dans notre pays, de contribuer au fonds de production s'ils le désirent. Je ne dis pas que cet argent devrait aller directement au secteur privé. Une partie pourrait aller à Radio-Canada/CBC et une partie à l'ONF.

Comme je l'ai déjà dit, je crois personnellement que, avec la fragmentation des différents marchés, Radio-Canada/CBC peut jouer un rôle très utile.

Le jour même où j'ai été nommé, j'ai rencontré mon ministre. Il m'a dit: «Je vous signale en passant que vous devez vous occuper d'un budget de 51 millions de dollars sur trois ans.» Il y a ce fait-là, mais il y a néanmoins beaucoup moins d'argent dans le système.

Pour leur part, les câblodistributeurs, qui jouissent d'une sorte de monopole depuis je ne sais combien d'années, ont investi 50 millions de dollars. Pourquoi n'invitons-nous pas les gens de Télécom à en faire autant? Pourquoi n'invitons-nous pas les producteurs et les distributeurs étrangers, qui ont la haute main sur 95 p. 100 des écrans dans notre pays, qu'il s'agisse de la télévision, des cinémas ou des écoles, de contribuer quelque chose à notre pays, comme on le fait en France ou dans d'autres pays européens?

Le sénateur Spivak: Bien sûr, la situation au Québec est différente de celle du reste du Canada parce que le Québec a une production et une culture florissantes. Il n'est pas aussi menacé par la lourde présence d'Oncle Sam. Je pense qu'il y a probablement un certain déséquilibre de ce côté-là.

M. Macerola: Le problème est le même au Québec, à strictement parler. En 1989, le gouvernement du Québec a adopté un projet de loi qui forçait les Américains à faire une version française dans un délai de deux semaines. Le Québec subit la même influence. La différence c'est que cela ne se passe pas en anglais, mais en français.

La présidente: Vous avez parlé du fonds des câblodistributeurs en disant que ceux-ci y contribuent volontairement. Comment ce fonds a-t-il été créé? Je pensais que c'était un montant prélevé auprès de chaque abonné décidé par le CRTC.

[Français]

M. Macerola: Non, pas sur chaque abonné. Les câblodistributeurs devaient remettre aux abonnés un certain montant d'argent. Après discussion avec le CRTC, il a été décidé qu'au lieu que cet argent soit remis -- c'était de l'argent de capitalisation -- que l'on en ferait un fonds de production.

La présidente: Donc le fonds est un fonds d'argent public.

M. Macerola: Une partie des fonds sont des fonds publics.

La présidente: C'est une forme de taxe, finalement, qui été décidée par une agence de réglementation.

M. Macerola: Il y a une partie importante qui est privée. Je pense que malgré tout ce que l'on peut trouver, dans l'ensemble le geste des câblodistributeurs est assez exemplaire généralement. Après cela on doit regarder d'autres formes de considération. Il y a des compagnies qui ont fait des milliards de dollars et qui n'ont jamais eu cette idée là, à un certain moment donné.

La présidente: Est-ce que vous pensez que le gouvernement ou une agence pourrait inciter d'autres compagnies à poser des gestes aussi exemplaires?

M. Macerola: Oui.

La présidente: De quelle façon?

M. Macerola: Tantôt j'ai mentionné qu'il fallait que le gouvernement prenne des décisions culturelles difficiles. Je ne suis pas un élu, je ne suis qu'un fonctionnaire, je n'ai pas d'avis à donner sauf à mon ministre à l'occasion lorsqu'elle me le demande. Je pense qu'il y a des décisions culturelles difficiles à prendre, entre autres les Télécom et l'exportation de capitaux. Est-ce normal que des compagnies qui ont été profondément subventionnées par le gouvernement du Canada injectent énormément d'argent à l'extérieur du Québec, et que lorsqu'ils font un profit, cet argent, par la suite, ne revienne pas nécessairement dans nos infrastructures? Il y a énormément de questions à se poser. Je ne suis pas un expert mais il est bien évident que gouvernement pourrait, à l'occasion, faire preuve d'une volonté plus ferme auprès de certains partenaires.

[Traduction]

Le sénateur Rompkey: Vous avez dit que Radio-Canada/CBC est l'organisme le plus important pour assurer la survie du pays. Vous avez également dit qu'il met en contact les deux cultures. Voilà ce dont je voudrais discuter pendant un petit moment.

Cela fait maintenant 24 ans que je suis sur la Colline parlementaire; j'écoute CBC non seulement parce que j'aime beaucoup ses émissions, mais également parce que j'appuie fortement CBC aussi bien au niveau national qu'au niveau régional; je ne comprends cependant toujours pas ce qui se passe au Québec.

Je pense que je comprends certaines des choses qui se passent dans l'Ouest du Canada parce que cela fait partie du réseau anglais. Toutefois, en tant que Canadien qui vit à Ottawa depuis 24 ans, je ne suis pas sûr de comprendre ce qui se passe au Québec.

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du maintien de Radio-Canada/CBC sous sa forme actuelle et de l'efficacité d'avoir un réseau français et un réseau anglais en nous disant si cela a unifié le pays? C'est difficile à évaluer. C'est comme clouer du jello contre un mur. Il est difficile d'évaluer qui a unifié le pays et comment.

J'aimerais en savoir plus au sujet de ce qui se passe au Québec. Je ne suis pas sûr que CBC me permet de le faire.

M. Macerola: Comme je l'ai dit précédemment, il y a des choses que l'on pourrait améliorer à CBC/Radio-Canada.

Le sénateur Rompkey: Comment feriez-vous cela?

M. Macerola: On pourrait peut-être consacrer une demi-journée à des émissions déjà diffusées sur Radio-Canada.

Lorsque j'étais à l'ONF, je me souviens d'avoir rencontré tous mes réalisateurs français et anglais -- l'ONF est un microcosme du pays -- et de leur avoir dit: «Pourquoi ne réalisez-vous pas des films ensemble?» Ils m'ont répondu que c'était impossible parce que certains ne parlaient pas l'anglais et d'autres ne parlaient pas le français, qu'ils avaient des origines culturelles différentes, et cetera. Nous y sommes néanmoins parvenus. Un bon nombre de films d'une demi-heure ont été coréalisés par des cinéastes français et anglais à l'ONF.

En fait, on m'a dit que le commissaire à la cinématographie était parvenu à faire réaliser conjointement un film sur le référendum par des cinéastes francophones et anglophones à l'ONF.

Radio-Canada/CBC devrait faire preuve d'une même volonté à un moment donné. Quand je parle de décisions difficiles et courageuses, je ne pense pas seulement au gouvernement. Les dirigeants des organismes culturels devraient faire la même chose. CBC devrait inviter les employés de Radio-Canada à programmer une demi-journée d'émissions sur CBC et vice-versa. Ce n'est pas un voeu pieux, c'est possible. Pendant la première année, le nombre d'auditeurs tomberait peut-être à 25 000. Peu importe. À un moment donné, d'ici trois ou quatre ans, il y aura environ 200 ou 300 Canadiens anglophones qui regarderont la réalité française, et vice-versa. C'est le rôle des organismes culturels. Sinon, nous nous acquittons de notre mandat, mais il manque un élément.

La présidente: Quelle est la fréquence des réunions entre les chefs des organismes culturels s'occupant de production?

M. Macerola: Ils se réunissent environ deux ou trois fois par an avec la sous-ministre, Mme Hurtubuise, et deux fois par an avec la ministre, Mme Copps.

La présidente: Quelle est la fréquence des réunions que vous avez entre vous?

M. Macerola: Nous nous réunissons très souvent. Nous avons des réunions régulières avec Perrin Beatty.

Si Perrin Beatty lit ce que j'ai dit, il dira: «C'est facile à dire». Il demandera alors comment appliquer ce concept. Nous irons ensuite boire un coup et déjeuner ensemble et nous irons de l'avant. Il est toujours plus facile de trouver une solution quand on ne participe pas directement à la prise d'une décision ou à son application.

Je crois que CBC et Radio-Canada devraient en faire plus. Mais ces deux sociétés ont fait certaines choses. Par exemple, CBC a diffusé le Déclin de l'empire américain. Au Québec, nous avons eu accès à Anne of Green Gables et à North of 60. Ailleurs, on a pu regarder Les Filles de Caleb. Je pense que nous devrions en faire plus.

Le sénateur Rompkey: Non seulement en ce qui concerne la réalisation de films, mais également celle d'émissions d'information et de commentaires?

M. Macerola: Certainement, mais c'est plus délicat que la réalisation de films et d'émissions de télévision.

Le sénateur Rompkey: Que vouliez-vous dire alors quand vous avez dit que Radio-Canada et CBC sont les organismes les plus importants pour assurer la survie du pays?

M. Macerola: C'est parce que, lorsque je suis au Québec, c'est seulement par l'intermédiaire de Radio-Canada que je suis en contact avec ma culture. Le fait est que même les écrans de notre pays -- c'est-à-dire dans les cinémas, à la télévision et dans les écoles -- sont occupés par des réalisations étrangères dans une proportion de 95 p. 100. Il est très important de pouvoir rentrer chez soi et avoir accès à sa propre culture et à sa propre identité.

Je me rappelle avoir comparu devant le comité parlementaire de la culture et des communications. J'ai dit que nous devrions être fiers de Radio-Canada/CBC. Mais il y a beaucoup de choses que l'on pourrait améliorer. Il y a des décisions difficiles à prendre, par exemple celle dont nous venons juste de parler, mais Radio-Canada/CBC est un outil important pour le développement et la survie de notre pays.

Dans un an, nous aurons peut-être accès à 1 000 canaux. J'aimerais que mes enfants aient accès à plus de contenu canadien. Je voudrais qu'ils aient accès à notre propre culture et non pas à la culture américaine. Mais c'est difficile. Ils ont accès aux émissions de Walt Disney et à tous les dessins animés américains. Quand ils grandissent, ils vont au cinéma; ils ont accès à la chaîne Blockbuster, qui est américaine. Nous devons leur dire que nous vivons dans un pays dont la culture est différente de celle des Américains.

Au Québec, les mêmes problèmes se posent. Nous devons dire aux gens que nous ne sommes pas des «Français». C'est différent.

Le sénateur Rompkey: Vous avez également dit: «Donnez-nous les outils dont nous avons besoin.» Que voulez-vous dire par là? Quels sont les outils dont vous avez besoin pour faire votre travail, mais que vous n'avez pas maintenant?

M. Macerola: Pour ce qui est de Téléfilm Canada, ce dont j'ai besoin demain matin est un avenant au traité international que notre pays a signé avec l'Union européenne, parce qu'on a oublié d'y inclure une clause audiovisuelle.

Je fais du lobbying depuis maintenant au moins un an et demi; je rencontre des gens à Bruxelles, à Strasbourg et à Ottawa et j'essaie de leur dire qu'il est important pour notre pays d'avoir accès à des émissions administrées par Média II. Ces programmes sont financés par plusieurs pays européens. Ils administrent un programme de production de dessins animés appelé Cartoon ainsi que d'autres. Nous n'avons pas accès à ces programmes.

J'ai rencontré ces gens là et ils ont accepté de nous accueillir parmi eux. Je leur ai donné un chèque de 1 million de dollars pour devenir membre.

Nous avons ensuite constaté qu'il n'y avait pas de clause audiovisuelle dans le traité que nous avons signé avec cet organisme international et nous avons donc dû recommencer. Il est toutefois avantageux pour le Canada de n'être pas seulement observateur, mais membre à part entière de cet organisme.

J'ai parlé d'outils, et en voilà un dont nous j'ai besoin. Il faut qu'il y ait plus de collaboration et de synergie entre Téléfilm Canada et le ministère des Affaires étrangères. C'est très important. On m'a dit que la politique étrangère repose sur trois piliers: la culture, l'économie et le commerce. À Téléfilm Canada, nous administrons au nom du gouvernement canadien des traités de coproduction qui portent sur environ 300 millions de dollars. Le secteur privé investit 1,3 milliard de dollars et je n'ai jamais été invité à une réunion.

Le sénateur Rompkey: Cela veut peut-être dire que, pour les gens, les arts au Canada ne sont pas une industrie; qu'on ne peut pas gagner d'argent dans le secteur des arts; qu'on ne peut pas les exporter; que ce n'est pas un produit. On ne l'a peut-être pas encore compris aux niveaux supérieurs de la bureaucratie.

Vous avez dit que, dans l'industrie cinématographique, la création d'emplois ne coûte pas cher. Or, hier soir, à CBC, je crois, un membre d'une table ronde se plaignait que nous consacrons beaucoup trop de temps dans les universités canadiennes à l'enseignement des humanités et pas assez à celui de l'ingénierie. Nous consacrons beaucoup plus de temps à l'enseignement des humanités dans les universités que, par exemple, le Japon.

Je pense que cela se rattache directement au problème. Il y là certaines contradictions. D'un côté, vous dites que les gens ne sont pas conscients que les arts constituent un produit. Par ailleurs, vous dites qu'il en coûte très peu cher pour créer des emplois dans les arts.

Qu'en est-il du système d'éducation dans notre pays? Qu'est-ce qui forme le genre de gens dont vous avez besoin pour créer ces emplois peu coûteux?

M. Macerola: Nous avons un certain nombre d'établissements professionnels comme l'Institut national des arts de l'écran en Alberta, le Centre du film de Toronto et l'INRS au Québec. C'est de ce genre d'organisations que nous avons besoin dans le secteur. Nous avons besoin d'une formation en milieu de travail. Nous avons besoin de gens capables de produire ou de réaliser un film de dix minutes.

Le problème est que la formation dispensée dans les universités est souvent coupée de la réalité. Nous avons besoin de deux niveaux de formation. Je mettrais l'accent sur les établissements professionnels.

Par ailleurs, nous savons tous que les compétences respectives du gouvernement fédéral et des provinces posent un problème. Ce secteur relève des deux paliers. Il est difficile de trouver l'argent dont nous avons besoin chaque année pour mettre sur le marché les 100 techniciens qualifiés dont nous avons besoin.

Par exemple, à Vancouver, où nous produisons chaque année pour 400 ou 500 millions de dollars de réalisations audiovisuelles pour les Américains en utilisant des spécialistes Canadiens, nous devons importer des techniciens. Au Québec, il va falloir importer des techniciens compétents. Nous devons prendre certaines décisions. C'est une priorité; c'est un secteur qui exige une main-d'oeuvre importante et la création d'un emploi ne coûte pas très cher.

C'est très important. Il va falloir qu'il y ait des discussions entre le gouvernement fédéral et les provinces à ce sujet.

La présidente: Vous avez parlé d'une clause audiovisuelle. De quel accord parliez-vous?

[Français]

M. Macerola: C'est l'accord que le Canada a signé avec l'Union européenne. Je pourrais vous faire parvenir toute la documentation là-dessus, où, enfin de compte, on traite de tous les sujets sauf de l'audiovisuel.

La présidente: Est-ce une entente bilatérale ou multilatérale?

M. Macerola: Multilatérale, et ce n'est pas nécessairement le GATT. Cela découle du GATT mais c'est l'entente personnalisée entre le Canada et les partenaires. Je vous ferai parvenir avec les statistiques une copie de la correspondance échangée à ce sujet. C'est sous l'ombrelle du GATT, oui.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Macerola, le sénateur Taylor vient de l'Alberta.

Le sénateur Taylor: Nous ne sommes pas encore membres à part entière de l'Union européenne, mais je pense que nous avons été acceptés comme observateurs. C'est peut-être la clause dont vous parlez.

Avec l'avènement de l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones, leurs dirigeants ont insisté pour parler de cette question non seulement entre eux, mais également avec le reste du Canada.

Le problème auquel vous ferez face avec les Inuit est assez simple, puisqu'ils parlent tous la même langue, mais pas les Amérindiens.

Qu'en pensez-vous?

M. Macerola: Téléfilm Canada a reçu du nouveau fonds dont je viens de parler le mandat d'administrer un programme de production et de distribution pour les autochtones de notre pays. Nous ne savons pas exactement ce que nous allons faire. Nous allons les consulter.

J'ai reçu des propositions de certaines organisations autochtones. La prochaine étape sera la nomination de quelqu'un à Téléfilm Canada pour se charger de dossier, voyager dans tout le pays, rencontrer ces gens-là et mettre au point un programme en répondant à leurs besoins. J'envisage de demander aux autochtones d'administrer ce programme, peut-être en collaboration avec Téléfilm Canada pendant un an ou deux, et ensuite de le faire tout seuls. C'est comme cela que je voudrais gérer ce programme.

Je ne sais pas combien d'argent nous allons mettre de côté pour cela, mais ce sera un montant important.

La présidente: Monsieur Macerola, nous n'avons pas devant nous le rapport annuel de Téléfilm. À combien se monte le budget annuel?

M. Macerola: Cette année, il dépasse 200 millions de dollars.

La présidente: Quel est le pourcentage de ce budget utilisé actuellement pour la gestion du mandat de Téléfilm?

M. Macerola: C'est 5 p. 100 du nouveau fonds. Pour les autres activités, y compris la production, la distribution et les festivals, c'est 8,7 p. 100. Le 1er avril 1997, ce pourcentage tombera à 6,9 p. 100.

La présidente: C'est un pourcentage excellent.

M. Macerola: Notre objectif est d'atteindre 5 p. 100 pour l'ensemble. Lorsque nous avons pris les rênes il y a deux ou trois ans, c'était presque 14,5 p. 100.

La présidente: J'ai une question à vous poser qui est fondée sur le rapport Juneau et la gestion des projets culturels.

Comme mes collègues l'ont dit, nous savons que l'accès aux deniers publics devient très difficile. Nous savons également que, avant tout, les deniers publics devraient être investis dans le produit final, c'est-à-dire le service au public. Cela inclut la réalisation des émissions à Radio-Canada, les coproductions de Téléfilm et les films de l'ONF.

Certains s'attendaient à ce que le rapport Juneau contienne des recommandations concernant la structure des institutions culturelles. Il y a deux écoles de pensée à ce sujet. La première est qu'il faut voir grand, et la deuxième, qu'il faut savoir se limiter.

En d'autres termes, les gens pensaient qu'on recommanderait la création d'un radiodiffuseur public pour la radio, la télévision, Internet et les services fournis conjointement avec l'ONF ou celle d'une organisation qui chapeauterait l'ensemble de ces services culturels. Après votre expérience dans le secteur privé, à l'ONF et à Téléfilm, à quelle école de pensée appartenez-vous?

M. Macerola: Je crois que nous avons besoin d'une organisation qui regrouperait les différents programmes ou les différentes divisions. J'ai présenté publiquement une recommandation en ce sens à mon ministre. Je crois que nous devrions avoir un conseil d'administration incluant Téléfilm, l'ONF et Radio-Canada/CBC. Tout le monde serait ainsi invité à avoir des relations de travail plus étroites.

La présidente: Comment incluriez-vous dans cette organisation les organismes qui s'occupent entièrement de distribution? Radio-Canada/CBC fait à la fois la production et la distribution.

M. Macerola: Je dirais que 60 p. 100 des sociétés de production de notre pays s'occupent de la distribution. Je ne vois pas de problème à cet égard.

Il va sans dire qu'il faudra beaucoup réfléchir à la façon de mettre au point une telle organisation. Toutefois, si le gouvernement est vraiment décidé à le faire, je suis sûr que nous trouverons la solution appropriée.

Le sénateur Taylor: Voyez-vous une place pour les provinces dans une telle organisation? Il y Access en Alberta, TV Ontario et Radio Ontario. Je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres provinces. Elles abandonnent apparemment leur responsabilité d'essayer de promouvoir la culture canadienne. On dirait qu'il est plus important de construire de nouvelles toilettes ou quelques milles de routes.

Y a-t-il un moyen quelconque d'encourager la participation des provinces, peut-être en contribuant un montant équivalent à une partie des fonds qu'elles consacrent aux activités culturelles dans le domaine de la radio et de télévision? Nous pourrions leur transférer certains crédits fédéraux. Elles sont vraiment poussées dans leurs derniers retranchements.

M. Macerola: Je crois que les provinces devraient avoir un siège au conseil d'administration de cette organisation. En ce qui concerne les rapports au jour le jour, il faudra que nous repensions la définition d'«organisme» pour ce qui est, par exemple, de Téléfilm Canada.

J'ai été nommé à mon poste il y a un an et demi. Je ne me rappelle pas quand j'ai prononcé mon premier discours, bien que je me souvienne que ce n'était ni à Montréal ni à Toronto. J'ai dit que je ne voulais pas qu'on considère Téléfilm Canada comme un organisme basé à Montréal ou Toronto. J'ai dû prendre des décisions difficiles depuis lors. J'ai dû décentraliser.

À un moment donné, je crois que les gens de l'Alberta et de la Colombie-Britannique ont droit à bénéficier des deniers publics. Je ne sais pas comment nous allons atteindre ces objectifs. Je crois que cela devient progressivement une priorité pour tout le monde.

Le sénateur Taylor: Avez-vous pensé à verser des fonds de contrepartie ou à leur donner un incitatif financier en même temps qu'un encouragement du point de vue culturel?

M. Macerola: C'est une possibilité.

[Français]

La présidente: Monsieur Macerola, je vous remercie beaucoup. Nous apprécions énormément votre présence, votre ouverture et votre candeur. Nos chercheurs vont communiquer avec vous. Nous avons d'autres questions à vous poser et nous apprécions beaucoup votre collaboration.

M. Macerola: Nous vous ferons parvenir les chiffres que vous nous avez demandés ainsi que les rapports annuels.

[Traduction]

La présidente: Madame Scheuneman, voulez-vous nous présenter les membres de votre équipe, s'il vous plaît?

Mme Suzanne Scheuneman, porte-parole de CellularVision Canada Ltd.: Je suis contente d'être ici aujourd'hui. Je suis accompagnée de Lorne Abugov, notre conseiller juridique qui travaille au cabinet d'avocats Osler, Hoskin & Harcourt.

Je représente ici CellularVision Canada Ltd., une nouvelle filiale de WIC, Western International Communications Ltd., de Vancouver. CellularVision Canada a été constituée en société en mars dernier pour devenir une nouvelle entreprise assurant une gamme complète de services sans fil dans le secteur des télécommunications locales. Je pense que vous constaterez que nos activités présentent un intérêt considérable pour votre étude, car il s'agit d'un nouveau domaine important des communications, un dans lequel nous sommes fiers de dire que le Canada est en tête dans le monde.

Il n'est pas seulement dans notre intérêt de rester en tête au niveau mondial et nous sommes vivement conscients du fait que nos propres fabricants et experts canadiens peuvent bénéficier grandement de l'exportation de leurs connaissances et de leurs produits à l'étranger.

En outre, le Canada tirera d'autres avantages de sa position de chef de file au niveau mondial en matière de télécommunication, notamment ceux qui découlent de l'amélioration de la compétitivité des entreprises canadiennes en général -- réduction de leurs coûts, augmentation de leur productivité et innovation.

CellularVision Canada a récemment reçu une licence d'exploitation de systèmes de communications locales multipoint, ce que l'on appelle des SCLM.

Le 29 octobre 1996, Industrie Canada a accordé à CellularVision 33 licences de SCLM dans l'ensemble du Canada, de Vancouver, Edmonton et Fort McMurray, à Toronto, Québec et Charlottetown.

Un autre groupe a reçu 33 licences pour les autres grandes zones de service et un consortium qui inclut Les Communications par satellite canadien, c'est-à-dire Cancom, une autre filiale de WIC, a reçu des licences pour desservir 127 localités plus petites dans l'ensemble du pays.

Le gouvernement a ainsi pris une décision difficile, mais judicieuse. Nous avions expliqué qu'il nous fallait avoir une licence à l'échelle nationale et nous avions prouvé que nous avions besoin d'un gigahertz entier pour fournir une gamme complète de services.

Même si nous avons reçu des licences pour la moitié des marchés pour lesquels nous avions présenté une demande, ce qui nous donne accès à approximativement 3,5 millions de foyers et d'entreprises, Industrie Canada a clairement déclaré que les deux gigahertz restants mis de côté pour les SCLM seront attribués dans 24 mois par appel d'offres.

Nous avons l'intention de desservir tous les marchés du Canada et nous présenterons à nouveau une demande dans deux ans. Je parlerai tout à l'heure des implications de la présentation d'offres pour une partie du spectre sur nos plans d'activité.

Laissez-moi vous expliquer un peu ce qu'est un SCLM. Avant tout, ce n'est pas un service mobile, mais fixe. En d'autres termes, cela ne vous permet de regarder la télévision dans votre automobile. Certains le croient. Cela ne fait pas concurrence au câble, même si les journalistes adorent appeler ce système un «câble sans fil» ou un «câble dans le ciel». Le système de CellularVision Canada est beaucoup plus que cela. C'est un système de communication numérique à large bande de haute vitesse. Il est révélateur qu'on emploie aux États-Unis l'expression LMDS, c'est-à-dire système de distribution locale multipoint, ce qui laisse entendre que les signaux sont acheminés dans un seul sens.

Au Canada, nous nous rendons compte qu'une bande de 28 gigahertz peut offrir beaucoup plus qu'une simple distribution d'émissions à sens unique, comme l'indique l'expression employée, SCLM, c'est-à-dire système de communication locale multipoint, qui laisse entendre que la communication peut fonctionner dans les deux sens.

Notre technologie peut assurer la transmission numérique à haute vitesse de signaux vidéo et audio, de voix et de données ainsi que l'accès à Internet et à des applications multimédias et interactives. Industrie Canada a déclaré que les SCLM constituaient la troisième force dans un marché local au côté des câblodistributeurs et des compagnies de téléphone.

Nous nous attendons à ce que les SCLM deviennent un nouveau facteur important stimulant la concurrence. Le caractère économique de notre technologie sans fil nous donne la possibilité d'offrir nos services à un prix très attrayant. Toutefois, il est important de signaler que nous avons demandé à pouvoir fournir nos services au Canada en tant que réseau public de télécommunication. Cela veut dire que nous allons offrir un accès équitable et non discriminatoire à nos services. Nous serions tout aussi prêts à louer ou vendre nos services à une compagnie de téléphone ou un câblodistributeur qu'à un fournisseur de services interurbains ou de services Internet.

Pour ce qui est de la concurrence par rapport à la câblodistribution, une explication est nécessaire, car notre rôle dans ce domaine suscite de nombreux malentendus. Nous sommes très différents d'un exploitant de SDLM qui met en place son infrastructure pour faire concurrence à un câblodistributeur local. Même si nous sommes un exploitant local de télécommunication sans fil, nous installons nos systèmes dans l'ensemble du Canada pour fournir des services locaux de télécommunication, seule chose que nous avons été autorisés à faire. Si quelqu'un veut utiliser nos installations pour offrir au public un bloc de services de programmation en concurrence avec le câble, il lui faudra obtenir du CRTC une licence d'entreprise de radiodiffusion. Nous pensons que le CRTC accordera ces licences aux termes d'un appel d'offres public et nous serons prêts à louer une certaine capacité à l'entreprise choisie dans chaque marché que nous desservons. Notre présence sur le marché permettra donc la création de tout un nouveau secteur d'activité -- des rediffuseurs locaux qui sont en fait des revendeurs puisqu'ils ne possèdent eux-mêmes aucune installation.

Bien entendu, nous faisons beaucoup plus que simplement acheminer des signaux de radiodiffusion pour le compte d'autres entreprises. Le ministère a véritablement fait naître la possibilité de créer une troisième force au Canada en attribuant des licences de SCLM avec un spectre de 1 gigahertz complet. Un gigahertz nous permet de fournir une large gamme de services, ce qui renforcera la concurrence, stimulera la demande de services à large bande et favorisera la création de nouveaux services novateurs.

Pour sa part, notre société a proposé un tel service en manifestant son solide appui à la création d'une «autoroute publique». C'était en réponse à de nombreux groupes de défense de l'intérêt public qui avaient fait part de leur besoin d'avoir accès gratuitement à d'importants services électroniques. Dans toutes les zones que nous desservons, nous réservons gratuitement une capacité de 16 mégahertz pour permettre quatre utilisations différentes: l'accès local au moyen d'un babillard public, l'éducation, la formation professionnelle et les services médicaux. Cette initiative sans précédent a été accueillie très favorablement et nous espérons qu'elle servira de modèle pour d'autres sociétés de communication au Canada et dans d'autres pays du monde entier.

Pour ce qui est de l'historique de nos activités et, de façon générale, de notre avenir, lorsque WIC a commencé à s'intéresser à ce domaine en 1992, rares étaient les gens qui avaient entendu parler des SCLM et encore plus rares ceux qui croyaient que le spectre de 28 gigahertz pouvait être utilisé. WIC a repris un concept américain qui convenait à la transmission dans un seul sens de signaux analogiques de radiodiffusion et a mis en oeuvre des capitaux importants en faisant appel à des Canadiens compétents et dynamiques. Nous avons ainsi pu réaliser un réseau local numérique de télécommunication qui n'a rien à envier à aucun autre.

Le Canada est le chef de file mondial à deux égards. Premièrement, des pionniers canadiens ont mis au point une technologie numérique de SCLM qui a fait ses preuves. Deuxièmement, le gouvernement canadien a accordé des licences à des exploitants de SCLM dans tout le pays. Cette position de pointe ouvre des possibilités d'exportation énormes aux entreprises canadiennes. Nous sommes particulièrement fiers d'avoir étroitement collaboré avec les fabricants et les experts Canadiens pour faire progresser les SCLM au Canada.

Nous sommes en train de négocier des contrats avec plusieurs sociétés implantées au Canada pour qu'elles contribuent au dynamisme de notre expansion. Nos partenaires sont notamment CPI, de Georgetown, Lockheed Martin, de Kanata, IMT, de Winnipeg, et Unique Systems, de Markham. Les relations que ces entreprises et d'autres entretiennent avec nous leur apportent d'importants avantages et nous sommes ravis d'avoir pu favoriser la création au Canada de produits et de connaissances spécialisés reliés aux SCLM qui sont supérieurs à ce qui existe dans d'autres pays. Plus la production de nos fournisseurs d'équipement sera importante, plus notre coût unitaire diminuera, et il est donc également dans notre intérêt de contribuer à la réussite de leurs efforts d'exportation.

En bref, les foyers et les entreprises peuvent ainsi avoir accès à un réseau à large bande grâce à un système de haute qualité, de prix raisonnable et d'utilisation souple. L'antenne parabolique que j'ai ici mesure seulement six pouces de diamètre et peut être placée dans la maison ou sur le toit. Elle est plutôt plus pratique qu'une antenne parabolique pour satellite. Un réseau de cellules nous permet de fournir différentes options de services très souples et pouvant s'adapter à des besoins variés. Une cellule couvre un rayon de quatre à cinq kilomètres. Nos services peuvent être individualisés cellule par cellule pour répondre à des intérêts particuliers d'ordre culturel, social ou économique. Nous pouvons, par exemple, fournir des émissions en espagnol à un coût très raisonnable aux seuls hispaniques. Ce qui est important dans ce modèle est que nous n'imposons pas à nos clients une seule façon de faire les choses; au contraire, ils peuvent tirer profit de notre capacité à répondre aux besoins très spécifiques des entreprises, des groupes locaux et des particuliers.

En bref, nous avons l'intention de permettre à d'autres de prendre les initiatives qui leur conviennent. Les entreprises et les consommateurs veulent pouvoir choisir et disposer de services fiables et peu coûteux. Pour rester concurrentielles, la plupart des entreprises se rendent compte qu'il leur faut trouver des solutions novatrices et peu coûteuses pour répondre à leurs besoins. Nous nous sommes engagés à collaborer avec nos clients depuis le début de la mise en place de notre système pour fournir un tel service.

Je terminerai en disant quelques mots sur un sujet que, je suppose, le comité a examiné -- l'appel d'offres pour le spectre radiophonique. Nous ne sommes pas catégoriquement contre un tel système. Toutefois, nous avons de fortes inquiétudes à son sujet, en particulier du fait que le gouvernement a annoncé qu'il allait recourir à un système d'appel d'offres pour accorder une deuxième série de licences de SCLM, ce qui pourrait avoir pour nous des conséquences directes peut-être négatives.

Le système d'appel d'offres paraît séduisant parce qu'il peut rapporter beaucoup au trésor public. C'est une bonne chose, comme en conviendraient tous les contribuables. Il n'est toutefois pas aussi évident que ses résultats nets servent vraiment l'intérêt général. La façon dont le spectre a été réparti jusqu'à présent au Canada a donné des résultats remarquables et il ne faudrait pas la modifier précipitamment. Lorsque la demande de spectre est supérieure à l'offre, le Canada le répartit traditionnellement en fonction de la façon dont les propositions présentées répondent aux objectifs de la politique gouvernementale, qu'il s'agisse de favoriser la concurrence ou d'apporter des avantages économiques, de créer des emplois, d'avoir des répercussions sociales positives ou de favoriser la recherche et le développement.

Il est vrai, bien entendu, qu'après un appel d'offres, le gouvernement peut encore établir des exigences sociales et économiques minimales. Toutefois, on ne cherche souvent pas à faire plus que le minimum requis. À mon avis, il n'est pas suffisant d'exiger simplement que les titulaires de licences respectent des exigences minimales précises comme un niveau minimum de dépenses consacrées à la recherche et au développement.

En outre, cette méthode n'encourage pas l'innovation comme le fait l'engagement en faveur de l'«autoroute publique» dont j'ai parlé tout à l'heure. C'est un engagement que nous avons pris dans le cadre de notre demande, qui a été choisie à la suite d'une sélection comparative. À la différence de l'appel d'offres, la sélection comparative encourage et favorise ce type d'avantages.

Une autre chose importante qu'il ne faut pas oublier est que le montant élevé des droits de licence qu'impose le système d'appel d'offres empêche des entreprises méritantes de se faire une place et a également pour conséquence inévitable de faire payer aux consommateurs des prix plus élevés. Ce qui semble, au premier abord, constituer un gain pour le trésor public se traduit en fait par une augmentation des sommes que chacun doit payer pour obtenir un service.

On dit également souvent que l'appel d'offres favorise la concurrence. Il permettrait au marché de choisir et d'offrir l'accès au spectre à ceux qui l'apprécient le plus et qui en feront le meilleur usage. C'est peut-être vrai en théorie. Dans la réalité, nous craignons que, lorsqu'une deuxième série de licences de SCLM sera accordée, ceux qui ont les poches les mieux garnies ne puissent faire des offres supérieures à la nôtre. En fait, dans le cas d'un appel d'offres, le spectre est attribué à l'entreprise ou aux quelques entreprises qui peuvent faire des offres supérieures aux autres. Ce n'est pas nécessairement celle qui fournira le meilleur service ou qui prévoit d'apporter des innovations qui l'emporte. Peut-être le plus haut soumissionnaire prévoit-il simplement d'entraver le progrès de ses concurrents, auquel cas ce système servirait seulement à renforcer les positions des sociétés dominantes au lieu de permettre une concurrence réelle et durable.

Voilà le genre de questions que je vous invite à examiner. Si on veut que le système d'appel d'offres serve au mieux les intérêts du public, il faut faire très attention à la façon dont on l'introduit au Canada. Je ne suis pas du tout convaincu que cela puisse se faire de façon simple ou rapide.

Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter CellularVision Canada et de vous faire part de nos idées. Je vous invite à examiner tout ce que nous vous avons remis. Je serais heureuse de vous donner tout autre renseignement nécessaire et de répondre aux questions que vous pourrez vouloir me poser.

La présidente: Merci, madame Scheuneman.

Vous avez abordé des questions qui ont déjà été soulevées par d'autres témoins. Je sais que mes collègues ont beaucoup de choses à vous demander.

Le sénateur Spivak: Ma première question concerne l'appel d'offres. Le comité est allé à Washington où on nous a présenté le système d'appel d'offres de façon très convaincante. Bien entendu, ce qu'on a constaté là-bas, comme vous le savez certainement, est que ce sont les plus grosses sociétés qui l'ont emporté. Votre observation au sujet de la concurrence est très juste.

Savez-vous si le gouvernement a laissé entendre qu'il n'accepterait que les propositions émanant de sociétés canadiennes et, si c'était le cas, quelles en seraient les conséquences?

Mme Scheuneman: Il pourrait seulement accorder des licences d'exploitation ou des licences en vertu de la loi régissant le CRTC à des sociétés canadiennes.

M. Lorne H. Abugov, conseiller juridique auprès de CellularVision Canada: Je suis d'accord. Les sociétés canadiennes devraient respecter les règles sur la participation étrangère contenues dans le règlement d'application de cette loi. À l'heure actuelle, la limite est de 20 p. 100 des actions avec droit de vote pour la société exploitante et 33 p. 100 de ces actions pour la société de portefeuille.

Le sénateur Spivak: N'a-t-on pas laissé entendre que ces pourcentages allaient changer?

Mme Scheuneman: J'ai entendu de telles rumeurs, mais il faudrait alors modifier la loi.

Le sénateur Spivak: Vous nous avez montré cet objet, une antenne parabolique ou je ne sais quoi. Je ne comprends pas très bien quels services cela permettra d'obtenir. Est-ce qu'elle pourra permettre de capter les 1 000 canaux dont on parle? À quoi sert-elle?

Mme Scheuneman: C'est une antenne réceptrice, elle peut donc capter tout signal non codé ou dont elle peut déchiffrer le code.

Le sénateur Spivak: Cela fait donc directement concurrence aux antennes paraboliques pour satellite?

Mme Scheuneman: Oui, entre autres choses. Mais nous sommes un réseau local et nous aurions donc également la possibilité de diffuser le signal des stations de radiodiffusion locales.

Le sénateur Spivak: Cette antenne peut recevoir tout ce qui vient d'un satellite ainsi que les stations locales?

Mme Scheuneman: Oui, tous ce dont le CRTC a autorisé la diffusion.

Le sénateur Spivak: À vous entendre, il ne semble pas que vous alliez demander une licence de radiodiffusion au CRTC. Si c'est le cas, pouvez-vous nous dire pourquoi?

Mme Scheuneman: Nous avons créé cette entreprise dans l'intention d'être actifs dans le secteur des télécommunications. Nous n'avons pas exclu l'éventualité dont vous parlez, mais notre idée est de permettre à d'autres de bénéficier de cette technologie. Nous avons déjà beaucoup à faire pour mettre ce système en place.

Si l'utilisation du spectre n'intéresse personne dans certains secteurs, il serait bien normal que nous cherchions à obtenir une licence pour cela afin de faire en sorte que cette technologie soit utilisée.

Le sénateur Spivak: Donc, à la différence de vos concurrents, vous ne voulez pas être à la fois un radiodiffuseur et un exploitant de télécommunication?

Mme Scheuneman: Notre société mère s'occupe, bien entendu, de radiodiffusion, mais si c'est de la distribution, notamment par le câble, que vous parlez, ce n'est pas ce que nous avons l'intention de faire. Je sais que d'autres ont cette intention.

Le sénateur Spivak: Vous avez mentionné que vos prix seraient très concurrentiels. Pourquoi? Pouvez-vous me donner une idée de la façon dont vous vous y prendrez? Allez-vous offrir un service téléphonique?

Mme Scheuneman: Pas au début. Pour fournir un service téléphonique, il nous faudrait des commutateurs, mais il est assez simple pour nous de fournir des lignes spécialisées. Pour vous donner une idée des chiffres en jeu, les compagnies de téléphone et les câblodistributeurs doivent dépenser entre 1 000 $ et 4 000 $ par foyer pour modifier leurs réseaux existants afin d'empiéter mutuellement sur leurs marchés respectifs.

Nous pouvons fournir ce service initial pour un prix de revient de moins de 250 $ ou 150 $ par foyer, et cette somme est en train de diminuer.

Le sénateur Spivak: De quel service parlez-vous? S'agirait-il d'un service comme le câble permettant aux gens de diffuser leur signal par votre intermédiaire?

Mme Scheuneman: C'est une partie de ce que nous faisons. Nous offrons également aux fournisseurs de service Internet l'accès aux foyers. Nous pourrions offrir des T-1 aux entreprises, des lignes téléphoniques. Au départ, ce type d'initiative est bon pour les entreprises.

Cela a des applications potentielles merveilleuses pour la transmission multimédia parce que ce système a une bande passante suffisante, ce qui n'est pas le cas avec les technologies concurrentes.

Le sénateur Spivak: Pouvez-vous nous expliquer cela un peu mieux?

Mme Scheuneman: Il faut une bande passante très large pour transmettre les signaux vidéo et encore plus pour les transmissions interactives.

Le sénateur Spivak: C'est-à-dire d'un ordinateur à un autre?

Mme Scheuneman: Oui.

Le sénateur Spivak: Ainsi que la possibilité d'avoir accès à Internet à des vitesses élevées et de façon encore plus rapide?

Mme Scheuneman: C'est exact.

Le sénateur Spivak: Ce sera votre principale source de revenus.

Mme Scheuneman: Notre principale source de revenus découle de l'offre d'une gamme complète de services. Aucun ne peut exister isolément. C'est parce que nous avons 1 gigahertz que nous pouvons fournir un assortiment complet de services. Voilà pourquoi nous disons que nous fournissons toute la gamme des services. Plus tard, nous envisagerons peut-être d'entrer sur le marché des communications téléphoniques locales. À l'heure actuelle, il n'en est pas question. La marge de profit est nulle. Nous pouvons toutefois permettre à d'autres de le faire.

Le sénateur Taylor: Je n'ai pas lu votre mémoire de façon suffisamment attentive. Je ne comprends pas très bien. Je remarque que vous indiquez quels avantages votre système présente par rapport au câble et aux compagnies de téléphone, mais pas par rapport à la télévision par satellite, ce qui, comme vous le savez, correspond un peu à ce qui se passait autrefois en matière de sexe: c'est devenu un sujet tabou au Canada. C'est ce qu'on appelle le «marché gris». On n'est pas censé s'abonner à ce que proposent les Américains, pour je ne sais quelle raison.

J'aimerais avoir une explication technique. N'entrez pas dans trop de détails, je vous en prie; cela fait bien des années que j'ai reçu mon diplôme d'ingénieur. Quelle différence y a-t-il entre ce système et l'utilisation d'une antenne parabolique de 10 pouces pour recevoir la télévision par satellite? Fournissez-vous les mêmes services en ajoutant encore certaines choses?

Mme Scheuneman: C'est un système terrestre et local. Nous n'avons recours à un satellite nulle part dans le réseau. Si nécessaire, nous pouvons importer des signaux, mais nous sommes seulement autorisés à diffuser au niveau local. Voilà pourquoi nous avons 33 licences dans l'ensemble du pays au lieu d'une seule.

Le sénateur Taylor: Est-ce que le signal est diffusé en ligne droite, comme les micro-ondes?

Mme Scheuneman: Un des avantages de notre système est que la transmission en ligne droite n'est pas nécessaire. Le signal peut être réfléchi de trois à sept fois sans se dégrader. Nous pouvons également utiliser des répéteurs pour combler les vides.

Le sénateur Taylor: Voulez-vous la même chose que les câblodistributeurs, c'est-à-dire que le gouvernement continue d'interdire la télévision par satellite?

Mme Scheuneman: Non. Nous ne voulons pas empêcher qui que ce soit de faire quoi que ce soit. Nous sommes là pour aider ceux qui veulent être actifs dans le secteur des communications ou élargir leur rôle.

Le sénateur Taylor: J'ai beaucoup de cheveux blancs et je me rappelle donc comment cela se passait quand on a commencé à accorder des licences au Canada, que ce soit pour la radio, la télévision ou la câblodistribution; quand une société reçoit une licence, elle a l'impression qu'elle doit protéger sa place contre tout concurrent éventuel.

J'ai lu hier soir quelque chose d'assez intéressant à propos des sociétés qui exploitent les satellites. Elles pensent qu'elles peuvent entrer dans ce secteur en offrant la distribution par satellite, la distribution sur large bande, l'accès à Internet et d'autres choses encore. C'est actuellement interdit parce que, d'une façon ou d'une autre, nous avons l'impression que, comme nous avons accordé des licences de câblodistribution il y a 10 ou 15 ans et que les sociétés n'ont pas gagné assez d'argent, il ne faudrait pas laisser d'autres entreprises s'immiscer dans ce secteur.

Est-ce que cela va se produire à nouveau dans cinq ou dix ans? Viendrez-vous, en vous essuyant les yeux pour sécher vos larmes, demander qu'on empêche les méchants Américains de nous faire concurrence? Comment cela se passera-t-il? Pourquoi avez-vous besoin d'une licence? L'espace disponible sur les ondes est-il limité, ou quoi?

Mme Scheuneman: En ce qui concerne les SCLM, le gouvernement a réservé trois gigahertz dans chaque marché. Nous en avons seulement un sur les trois. Il y aura de la concurrence entre les SCLM dans deux ans.

Le sénateur Rompkey: Suis-je le seul à ne pas savoir ce qu'est un «gigahertz»?

Mme Scheuneman: C'est 1 000 mégahertz, c'est-à-dire un énorme spectre de radiofréquence.

M. Abugov: Je vais essayer, mais je ne suis très porté sur la technique.

On me dit que la distribution de 150 canaux de télévision nécessite un demi gigahertz. Il resterait un demi gigahertz libre pour les services de télécommunication, par exemple. Cela vous donne une idée. Nous parlons d'un univers de 500 canaux. C'est peut-être beaucoup. Peut-être que 120 à 140 canaux de télévision utiliseraient la moitié de ce spectre et le reste serait disponible pour d'autres services.

Le sénateur Taylor: Quatre-vingt pour cent de notre population vit à moins de 100 milles de la frontière avec les États-Unis. Qu'est-ce qui se passe? Ces petits gigahertz ne vont pas rester au nord du 49e parallèle. Ils ne savent même pas où est le 49e parallèle. Que va-t-il se passer? J'ai du mal à comprendre. M. Manley ou quelqu'un d'autre va-t-il dire: «On risque de nous attraper si quelqu'un qui regarde par la fenêtre voit que nous ne sommes pas branchés sur le bon gigahertz»?

Mme Scheuneman: La zone que nous desservons ne s'étend pas au-delà de la frontière, problème qui se pose souvent avec un satellite. Il peut y avoir des interférences. Nous installons des cellules et chacune d'entre elles a une portée d'environ cinq kilomètres seulement. Nous n'atteindrons aucun point situé à plus de cinq kilomètres de la dernière cellule. Nous ne nous retrouverons jamais à proximité de la frontière. C'est très local.

Le sénateur Spivak: Ce sont les mêmes canaux qui sont diffusés simultanément par le SCLM. Ils sont diffusés par le satellite et par le câble. Est-ce que ce sera comme dans le ciel au-dessus de Beyrouth ou de l'Iraq? Qu'est-ce qui se passe?

Mme Scheuneman: Le spectre qu'on nous a autorisés à utiliser n'était pas utilisé précédemment. Nous ne portons atteinte aux activités de personne.

Le sénateur Spivak: Je comprends ça.

Mme Scheuneman: Il y a trop de choses qui sont diffusées; c'est ce que vous voulez dire?

Le sénateur Spivak: Du point de vue technique, tout le monde pourrait transmettre le même signal en utilisant des méthodes différentes, n'est-ce pas?

Par exemple, l'émission Seinfeld est diffusée à 19 h. À cette heure-là, certains la recevront par satellite, d'autres au moyen du câble et d'autres encore par l'intermédiaire d'un SCLM.

La présidente: Pour être tous sur la même longueur d'ondes...

Le sénateur Taylor: Quel jeu de mots!

La présidente: ... pourrions-nous dire que la particularité de votre service est que vous permettrez à le sénateur Spivak d'avoir accès au moyen de votre service à tous les services locaux de Winnipeg, au Manitoba?

Mme Scheuneman: Oui.

La présidente: En d'autres termes, si elle avait une antenne pour satellite, elle pourrait recevoir Seinfeld, mais pas les nouvelles locales ou Internet. Vous permettez l'accès local à tous les services, mais certains d'entre eux sont également des services nationaux.

Mme Scheuneman: Oui.

Le sénateur Spivak: Alors, cela constitue un bloc. Je ne veux pas m'adresser à 20 sociétés différentes. C'est cela qui compte. Comment la concurrence va-t-elle se faire?

Mme Scheuneman: À vrai dire, dès le départ, nous ne ferons pas de vente directe aux particuliers. Le fournisseur de service Internet devra se constituer sa propre clientèle. La responsabilité sera celle du détenteur de la licence de câblodistribution. Une fois qu'un client a chez lui une antenne parabolique coûtant moins de 150 $, il est beaucoup plus simple pour lui d'ajouter un autre service de son choix. S'il reçoit au moyen de ce service des émissions diffusées par les câblodistributeurs, il lui est également plus facile de se brancher aussi sur Internet.

Le sénateur Taylor: Est-ce que ce système permet également l'accès à un satellite?

Mme Scheuneman: Non. Sa configuration ne permet pas de capter les signaux émanant d'un satellite.

Le sénateur Taylor: Mais le signal venant du satellite passe par le câble et il est donc de toute façon distribué ensuite par ce système.

Mme Scheuneman: En utilisant une tête de ligne, nous pouvons capter les services diffusés par satellite et les distribuer sur notre réseau, mais ils ne viendront pas directement du satellite.

Le sénateur Taylor: Vous ne pouvez pas le faire maintenant parce que c'est interdit au Canada; mais si cela devenait un jour possible, vous pourriez le faire.

Je commence à mieux comprendre. C'est purement un service de transmission. C'est au consommateur de décider ce que vous introduisez à un bout, que ce soit un signal diffusé par câble ou par satellite, des émissions locales ou Internet. Les consommateurs vous disent ce qu'ils veulent que vous transmettiez.

Mme Scheuneman: C'est exact. On peut envisager que, dans certains secteurs, aucun fournisseur de service Internet ne veuille utiliser notre système pour ses clients. C'est possible. Nous ne sommes pas là pour contrôler quoi que ce soit ou veiller à ce que tout le contenu disponible soit offert. Cela dépendra dans une large mesure de la demande locale.

Le sénateur Taylor: J'ai encore du mal à comprendre cela. Il y a des années, on essayait de contrôler le vieux système de diffusion radiophonique par modulation d'amplitude. On a arrêté à cause de la puissance de certaines stations. La nuit, quand il y avait des aurores boréales, on pouvait même capter des signaux venant de Quito, en Équateur, alors que, vers le milieu de la journée, on pouvait seulement entendre ce que CBC et le gouvernement fédéral avaient décidé que vous deviez écouter. Dans le sud de l'Alberta, où j'ai grandi, on pouvait seulement entendre les émissions de CBC diffusées dans une petite ville du nom de Watrous, en Saskatchewan.

D'après vous, la portée est seulement de cinq kilomètres, mais s'il y a un signal qui est réfléchi dans le gigahertz, il sera retransmis jusqu'aux États-Unis et partout ailleurs.

Comment les Américains procèdent-ils pour accorder des licences à leurs radiodiffuseurs? Y a-t-il des restrictions en matière de puissance?

Mme Scheuneman: Les licences sont accordées pour des régions déterminées, et toute infraction aux conditions de la licence fait l'objet de sanctions sévères.

Le sénateur Taylor: Est-ce qu'ils font des appels d'offres?

Mme Scheuneman: Ils ont accordé une licence préférentielle à un de nos partenaires, pionnier dans ce domaine, un groupe avec lequel nous avons commencé à collaborer. Ce groupe a son siège dans la région de New York.

Le sénateur Taylor: Le système de téléphone cellulaire que nous avons ici est totalement différent de celui qui existe en Europe. Le réseau téléphonique cellulaire européen peut-il être raccordé à ce système?

Mme Scheuneman: À ma connaissance, on n'a même pas envisagé la chose en Europe. Nous sommes tellement en avance sur les autres pays, y compris les États-Unis où on utilise un système analogique, que nous sommes vraiment les chefs de file mondiaux en matière de SCLM.

Le sénateur Spivak: Vous avez l'espace. Vous êtes un grossiste, mais je suis une cliente. Est-ce qu'il y a des gens qui vont venir me dire: «Pour tant par mois, vous pouvez avoir Internet, les services informatiques et 150 canaux pour autant que vous vous débarrassiez de votre antenne parabolique et de votre câble»? Cela va-t-il se passer comme ça?

Mme Scheuneman: C'est une façon de faire, oui. Certains pourraient procéder ainsi.

Le sénateur Spivak: Sinon, je ne vois pas comment la concurrence pourra se faire. À l'heure actuelle, la plupart des gens ont le câble. Ensuite, ils branchent leur ordinateur et ils choisissent un fournisseur de service Internet. Beaucoup ont aussi un téléphone cellulaire. Pourquoi changer si j'ai déjà investi dans une antenne parabolique pour laquelle je paie tant de dollars chaque mois? Pourquoi investir chez vous à moins que vous ne m'offriez un service plus simple à utiliser ou plus économique? Comment la concurrence va-t-elle fonctionner?

Mme Scheuneman: Nous pouvons distribuer plus de services à cause du spectre que nous avons. Vous pourriez avoir, par exemple, plus de services à la carte ou véritablement sur demande qu'on en a offert jusqu'ici au Canada.

Vous êtes peut-être tout à fait satisfaite du service de base que vous offre le câble et vous pouvez vous en contenter en prenant CellularVision pour quelque chose d'autre, par exemple seulement pour Internet ou une ligne spécialisée pour votre bureau. Il peut y avoir une utilisation marginale qui vous intéresse.

Le sénateur Spivak: C'est une situation commerciale.

Le sénateur Taylor: Le signal numérique serait meilleur, mais encore faut-il qu'il soit fourni sous forme numérique. Pourquoi un câblodistributeur vous donnerait-il quelque chose à diffuser s'il a déjà installé ses lignes et a ses clients? Pourquoi vous autoriserait-il à transmettre le signal alors qu'il a déjà ses clients?

Mme Scheuneman: Ce ne serait pas nécessairement les câblodistributeurs, mais les diffuseurs et n'importe qui d'autre qui détient une licence pour faire concurrence aux câblodistributeurs de la région. C'est eux qui constitueraient des blocs de services.

Le sénateur Spivak: Mais comment cela fonctionne-t-il? Nous faisons cela pour la concurrence, mais, croyez-moi, ces gens ne vont pas rester les bras croisés pendant que vous mettez la main sur le marché.

Mme Scheuneman: Nous le savons.

Le sénateur Spivak: Comment les règles seront-elles établies?

Le sénateur Taylor: Il faut que vous lisiez le mémoire.

Le sénateur Spivak: Qui fera payer l'accès au foyer? C'est cela qui compte. Comment les gens vont-ils gagner de l'argent avec ce que nous leur versons pour cela afin que tout le monde ait accès aux services pour lesquels ils pourront se faire concurrence? C'est ce que le gouvernement essaie de faire, mais je ne vois pas comment il pourrait y avoir une véritable concurrence. Surtout si on utilise le système d'appel d'offres, toutes les grosses sociétés feront des propositions. Elles achèteront tout le spectre et se feront concurrence, par exemple, à Winnipeg, avec leurs gigahertz. Je ne comprends pas cela. Est-ce qu'il y a beaucoup de sociétés qui vont disparaître avant qu'une sélection ne se fasse?

Mme Scheuneman: D'après les calculs que nous avons faits, il y a de la place pour tous les gens qui sont là actuellement ainsi que pour nous. Il nous suffit d'avoir une petite part de nombreux services différents pour faire de bonnes affaires. Nous n'avons pas besoin de prendre le contrôle de tout ce qui est distribué par le câble.

Le sénateur Spivak: Vous parlez du côté commercial. Mais il y aura une révolte des consommateurs dans leurs foyers; en effet, combien de choses peut-on avoir en même temps? Par exemple, je ne veux pas recevoir encore un appel téléphonique de quelqu'un me disant combien je peux économiser en changeant de compagnie de téléphone. Ce genre de concurrence n'est pas bénéfique tant que les gens ne connaissent pas mieux la situation.

Mme Scheuneman: Il n'est pas bon de faire un marketing trop agressif. Ce n'est pas la meilleure façon de procéder. Les consommateurs l'ont compris avant le CRTC. Ils veulent avoir un choix et nous sommes là pour le rendre possible.

La présidente: Votre société a décidé de fournir ce service comme grossiste?

Mme Scheuneman: Nous ne voudrions pas nous limiter à cela, mais c'est la nature de notre demande initiale.

La présidente: Les deux autres requérants qui ont reçu des licences traiteront individuellement avec les consommateurs, comme l'a mentionné le sénateur Spivak. Ils feront donc concurrence aux câblodistributeurs.

Mme Scheuneman: Cela donnerait une concurrence plus directe, même si le consortium de la division régionale a l'intention de collaborer avec les compagnies locales de câblodistribution et de téléphone.

La présidente: Pourquoi avez-vous choisi de faire surtout de la distribution en gros au lieu de vous placer dans la même situation que les deux autres entreprises?

Mme Scheuneman: Premièrement, la location de capacité aux compagnies de téléphone nous paraît offrir un bon potentiel commercial.

À l'heure actuelle, elles ne disposent pas d'installations leur permettant de fournir, comme elles le voudraient, les mêmes services que les câblodistributeurs. Cela leur donne un accès peu coûteux à ce marché en leur permettant d'offrir une gamme complète de services à leurs clients.

M. Abugov: Certaines entreprises qui n'ont pas pu obtenir une licence de SCLM ont fait savoir qu'elles allaient s'adresser à des câblodistributeurs comme CellularVision pour faire précisément cela. Même si elles n'ont pas de licence d'exploitation d'installations pour traiter directement avec des clients, elles se procureront des installations auprès de CellularVision. Cela se fait déjà.

Mme Scheuneman: C'est un modèle qui est vraiment favorable à la concurrence. Nous n'utilisons pas nos propres installations; nous permettons à d'autres de les utiliser pour proposer leurs services là où il leur semble qu'une demande existe sur le marché.

Le sénateur Rompkey: L'un des autres détenteurs de licence est Cancom, n'est-ce pas?

Mme Scheuneman: Cancom est un de nos partenaires dans le consortium. La société s'appelle RegionalVision.

Le sénateur Rompkey: Où fait-elle affaire?

Mme Scheuneman: Dans 127 localités. Quelle est la province qui vous intéresse? Elle est implantée dans tout le Canada.

Le sénateur Rompkey: À Terre-Neuve et au Labrador?

Mme Scheuneman: Dans la région atlantique, elle est implantée à Amherst, Antigonish, Bathurst, Bridgwater, Campbellton, Corner Brook, Gander, Grand Falls, Kedgwick, Labrador City, Newcastle, New Glasgow, St. Stephen's, Stephenville, Summerside, Wolfville, Yarmouth, et cetera.

Le sénateur Rompkey: Elle ne fait pas concurrence aux câblodistributeurs locaux, n'est-ce pas?

Mme Scheuneman: Je ne peux pas parler en son nom, mais elle a l'intention de collaborer avec les câblodistributeurs locaux pour élargir la gamme des services qu'ils offrent.

Le sénateur Rompkey: En quoi cela permet-il aux consommateurs de faire un choix? Je suppose que le câblodistributeur est alors en mesure de décider à quoi les consommateurs auront accès.

Mme Scheuneman: Les consommateurs ont, d'un seul coup, accès à plus de services.

Le sénateur Rompkey: Mais le câblodistributeur ne décide-t-il pas ce qu'ils vont recevoir et ce qu'ils ne vont pas recevoir?

Mme Scheuneman: Si un câblodistributeur concluait un partenariat avec RegionalVision, ce serait uniquement pour pouvoir offrir plus de services à ses clients.

Le sénateur Taylor: Il pourrait aussi y avoir plus d'un câblodistributeur, n'est-ce pas?

Mme Scheuneman: Je ne peux pas vous expliquer comment RegionalVision gère ses activités.

M. Abugov: Du point de vue de la concurrence, on pourrait imaginer qu'il y ait d'autres modes de distribution, par exemple le satellite ou les SDMM, ce qui permettra aux consommateurs de choisir entre différentes technologies. Les petits câblodistributeurs disent que CellularVision peut leur permettre de toucher de nouveaux clients qui ne sont peut-être pas abonnés au câble et les aider à faire face à la concurrence d'autres technologies comme le satellite, qui, un jour ou l'autre, pourra leur faire efficacement concurrence.

Le sénateur Taylor: Je peux voir où pouvait se manifester la concurrence. C'est pourquoi je suis revenu sur la politique gouvernementale qui consiste à essayer d'imposer des limites à la diffusion par satellite. Or, en même temps, un affrontement se dessine. Si vous diffusez le signal des câblodistributeurs et que les satellites s'intéressent à la même clientèle, les câblodistributeurs passeront par votre intermédiaire alors que les satellites distribueront directement leur signal en utilisant leur système. Il me semble qu'il y a là un conflit potentiel. Puisqu'il va y avoir des élections, ces choses auront l'occasion de se résoudre elles-mêmes.

Le sénateur Spivak: Les câblodistributeurs peuvent également faire concurrence à ce service.

Le sénateur Taylor: Vous avez une portée de cinq kilomètres.

Mme Scheuneman: Par cellule. Nous aurons un réseau de cellules dans chaque ville.

Le sénateur Taylor: Aurez-vous tendance à le faire seulement là où il y a une bonne concentration de clients? En d'autres termes, cette technique ne sera pas appliquée dans les régions rurales ou dans le Grand Nord, mais seulement dans les principales villes et près de la frontière avec les États-Unis. Cela ne vaudrait pas la peine d'installer des cellules dans les régions peu peuplées, n'est-ce pas?

Mme Scheuneman: Nous avons prévu de fournir ce service à Whitehorse.

Le sénateur Taylor: Comment votre signal parvient-il toutefois à Whitehorse?

Mme Scheuneman: Cela dépend de ce qu'on y offre. Le détenteur de la licence pour Whitehorse, RegionalVision, installera sa cellule -- il y en aura vraisemblablement seulement une -- et transmettra localement ce qui fera l'objet d'une demande. Certaines choses viendront d'un satellite et d'autres seront des données d'origine locale.

Le sénateur Taylor: Quelqu'un qui se branche à votre système n'aura pas nécessairement accès à Vancouver, à moins que les cellules ne soient reliées entre elles.

Mme Scheuneman: C'est exact. Les marchés ne sont pas reliés entre eux.

Le sénateur Taylor: Les téléphones cellulaires marchent beaucoup mieux en ville qu'à la campagne. Votre zone de rayonnement sera-t-elle à peu près la même que celle des téléphones cellulaires?

Mme Scheuneman: C'est un peu différent parce qu'il y a des couloirs le long des routes pour le téléphone cellulaire pour que les gens puissent utiliser leur téléphone en voiture, ce qui est important pour eux. Nous sommes implantés dans les marchés centraux, mais, dans certaines régions, notre rayonnement est supérieur à celui des téléphones cellulaires.

Le sénateur Taylor: Vous aurez donc peut-être des milliers de cellules qui ne seront pas nécessairement reliées entre elles, mais transmettront aux clients par la voie cellulaire tout ce qui est diffusé par la station de radio locale ou sur Internet. Le système n'est pas raccordé; ces gigahertz vous sont réservés où que vous vous installiez au Canada.

Mme Scheuneman: C'est exact.

Le sénateur Rompkey: Le problème que je vois est qu'il y a encore quelqu'un qui exerce un contrôle au niveau local. Si vous transmettez seulement localement, quelqu'un décide ce que les gens vont voir et ce à quoi ils ont accès. Par exemple, pour la télévision, il y a de nombreux canaux qui viennent d'un satellite et qui sont diffusés localement. Je suppose que cela ne va pas changer. Les câblodistributeurs qui sont partenaires de RegionalVision continueront de procéder ainsi. Je sais que vous ne pouvez pas répondre en leur nom.

Le problème dont parle le sénateur Taylor au sujet des régions éloignées est qu'il y aura encore quelqu'un qui exercera un contrôle au niveau local et décidera ce que les gens pourront voir et ce qu'ils ne pourront pas voir.

Mme Scheuneman: Pour ce qui est du contenu et en ce qui concerne la radiodiffusion, lorsque le CRTC accorde une licence à ces nouvelles entreprises de radiodiffusion, il cherche à déterminer si ces gens méritent de recevoir une licence en examinant quels nouveaux services ils vont fournir et combien cela va coûter. Les questions comme celle de savoir si les abonnés auront droit à un tarif plus favorable seront examinées en audience publique.

Le sénateur Rompkey: Les licences seront-elles toutes accordées par le CRTC?

Mme Scheuneman: Il faudra obtenir une licence du CRTC pour pouvoir offrir des blocs de services de radiodiffusion.

Le sénateur Rompkey: Je peux imaginer qu'une entreprise locale offre l'accès à l'Internet ainsi que peut-être d'autres services, mais je ne suis pas sûr que cela changerait le choix offert aux gens pour ce qui est des canaux qu'ils pourraient regarder.

Mme Scheuneman: Ce serait possible, parce que ce système peut offrir un service de vidéo sur demande. On pourrait avoir, pour la première fois, accès à un serveur qui pourrait proposer tous les films de l'ONF, des documents venant des musées, et cetera, ce à quoi on ne pouvait pas avoir accès jusqu'à présent depuis chez soi.

La présidente: Le serveur devrait-il être local?

Mme Scheuneman: Pas nécessairement. Le fournisseur pourrait établir une interconnexion en utilisant <#0130>ONOROLA, Sprint Canada ou Bell, entre autres, pour atteindre sa destination, si elle est éloignée.

Le sénateur Spivak: Comment cela pourra-t-il être meilleur marché si plusieurs sociétés doivent faire des profits en fin de compte?

Quels sont les investissements nécessaires pour se lancer dans ce secteur et comment les financez-vous?

Mme Scheuneman: La mise en place de cette infrastructure va nous coûter des centaines de millions de dollars.

Le sénateur Spivak: Combien de millions?

Mme Scheuneman: Cela dépendra en partie des négociations que nous avons actuellement avec les fabricants. Nous nous attendons à ce que cela coûte entre 300 millions de dollars et 500 millions de dollars.

Le sénateur Spivak: Comment allez-vous vous procurer ces capitaux?

Mme Scheuneman: Le conseil d'administration de WIC est en train d'étudier la question.

Le sénateur Spivak: Il y aura apparemment beaucoup d'intermédiaires participant à la fourniture des services. Par exemple, qui sera le serveur? Qui fournira les films de l'ONF? Il pourrait s'agir des câblodistributeurs.

Mme Scheuneman: Ce serait certainement possible. En tant qu'entreprise publique de distribution, nous sommes tenus de fournir un accès sans pratiquer aucune discrimination. Nous n'avons pas notre mot à dire, et c'est bien normal.

Le sénateur Taylor: Comment protégez-vous les renseignements personnels dans ce système?

Mme Scheuneman: La fréquence varie et le système est numérique.

Le sénateur Taylor: Les jeunes gens intelligents qui vont à l'école actuellement seront sans doute capables d'intercepter vos signaux avec un morceau de fil de fer et un fer à souder.

Mme Scheuneman: Il est dans l'intérêt de tout le monde que nous encryptions nos signaux au moment où ils sont émis.

La présidente: Vous avez indiqué que le Canada est extrêmement avancé dans ce domaine. Avez-vous l'intention d'offrir votre service au niveau international d'ici trois à dix ans?

Mme Scheuneman: Nous n'avons pas nécessairement l'intention de le faire, même si nous n'avons pas exclu cette possibilité. Cela intéresse énormément nos fabricants. Ils ont déjà commencé à établir des contacts dans d'autres pays et à y vendre leurs services suite aux relations qu'ils ont nouées avec WIC et CellularVision.

La présidente: Pourriez-vous nous dire quels sortes de fabricants collaborent étroitement avec vous pour vous fournir ces produits?

Mme Scheuneman: Lockheed Martin, dont le siège est à Kanata, fabrique pour nous un émetteur-récepteur qui permet l'accès à Internet, un accès dans les deux sens. Il est deux fois plus gros que cette antenne parabolique. Elle permet seulement la réception alors que leur appareil est aussi un émetteur.

CPI fabrique un amplificateur de puissance qui coûte environ deux fois moins cher qu'une cellule. C'est une composante très importante. Cette entreprise collabore avec nous depuis le début en 1993. Elle est installée à Georgetown, juste à côté de Toronto.

La présidente: Et la technologie de CellularVision?

Mme Scheuneman: C'est un ensemble de composantes intégrées dans notre système. C'est l'ensemble du système qu'on appelle la technologie de CellularVision.

La présidente: Fait-elle l'objet d'un brevet canadien? Comment cela marche-t-il?

Mme Scheuneman: Elle est brevetée au Canada. Il est très difficile d'expliquer comment cela fonctionne.

La présidente: D'où vient cette technologie?

Mme Scheuneman: Le concept vient des États-Unis. C'était un concept analogique que l'on utilise encore là-bas seulement pour l'émission de signaux de radiodiffusion analogues. Dans la région de New York, on s'en sert pour fournir 49 signaux de radiodiffusion à la clientèle et ça marche très bien. Nous l'avons perfectionné considérablement ici et nous avons créé un système numérique.

La présidente: Cela veut-il dire qu'il y a une division de CellularVision qui s'occupe de la recherche et du développement des produits nécessaires?

Mme Scheuneman: Oui. Il y a beaucoup de recherche et de développement qui se font au Canada à ce sujet.

La présidente: Où est installée CellularVision?

Mme Scheuneman: L'entreprise est éparpillée dans tout le pays. Les composantes sont fabriquées à différents endroits. Nous travaillons actuellement en collaboration avec plusieurs pays à propos de l'intégration des cellules, ce qui est déjà tout un programme.

La présidente: Merci beaucoup, madame Scheuneman et monsieur Abugov. Nos recherchistes vous poseront quelques questions supplémentaires un peu plus tard. Si vous avez d'autres renseignements, n'hésitez pas à entrer en contact avec nous.

La séance est levée.


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