Délibérations du comité sénatorial spécial
sur
la Société de développement du Cap-Breton
Fascicule 1 -- Témoignages
Ottawa, le lundi 6 mai 1996
Le comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton se réunit aujourd'hui, à 14 h 30, pour commencer à examiner, en vue d'en faire rapport, le rapport annuel et le plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes.
[Traduction]
M. Timothy Ross Wilson, greffier du comité: Honorables sénateurs, nous avons le quorum.
En tant que greffier de votre comité, j'ai l'honneur de présider à l'élection à la présidence. J'attends les motions à cet effet.
Le sénateur MacEachen: Je propose que le sénateur Rompkey soit président du comité.
M. Wilson: Comme il n'y a pas d'autres motions, il est proposé par l'honorable sénateur MacEachen que l'honorable sénateur Rompkey occupe maintenant le fauteuil de ce comité. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
M. Wilson: Je déclare la motion adoptée et j'invite le sénateur Rompkey à occuper le fauteuil.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, je veux vous remercier de la grande confiance que vous me témoignez. Je ne peux qu'espérer qu'il en sera de même tout au long de nos audiences.
Je suis très impatient d'assumer cette fonction et je m'acquitterai de ma tåche avec le plus grand sérieux. Je crois que nous avons quelque chose à apporter et à apprendre.
Nous passons maintenant à l'élection à la vice-présidence. Y a-t-il des mises en candidature pour ce poste?
Le sénateur Buchanan: Je propose que le sénateur Murray soit nommé vice-président du comité.
Le président: Comme il n'y a pas d'autres mises en candidature, il est proposé par l'honorable sénateur Buchanan que l'honorable sénateur Murray soit élu vice-président du comité. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le président: Je déclare la motion adoptée.
Nous passons maintenant à la création du sous-comité du programme et de la procédure qui est composé du président, du vice-président et d'un autre membre du comité.
Le sénateur Stanbury: Je propose que le sénateur MacEachen soit le troisième membre de ce comité.
Le président: Comme il n'y a pas d'autres mises en candidature, il est proposé par l'honorable sénateur Stanbury que l'honorable sénateur MacEachen soit le troisième membre du sous-comité du programme et de la procédure. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le président: Je déclare la motion adoptée.
Honorables sénateurs, j'espérais que le sous-comité pourrait se réunir une première fois demain après-midi à 13 h 30 pour discuter des travaux futurs du comité.
Le sénateur MacEachen: Nous pourrions nous réunir dans mon bureau.
Le sénateur Murray: J'allais le suggérer.
Le président: Très bien. Nous nous réunirons à 13 h 30.
Honorables sénateurs, voulez-vous que nous procédions aujourd'hui avec les motions d'usage ou devrions-nous attendre après la réunion de notre sous-comité pour les adopter? Je suggère que nous tenions notre réunion du sous-comité demain, que nous décidions de toutes les motions que nous souhaitons présenter au comité et que nous en discutions à notre première réunion. Les sénateurs sont-ils d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Y a-t-il un autre point à l'ordre du jour?
Le sénateur Buchanan: Avons-nous examiné la possibilité -- et je suppose que nous le ferons au sous-comité -- de tenir des audiences à l'extérieur d'Ottawa? Nous rendrons-nous au Cap-Breton?
Le président: Nous voudrons explorer un certain nombre de questions demain à la réunion du sous-comité et faire une recommandation au comité. Il y aura de toute évidence, un certain nombre de décisions importantes à prendre.
Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, j'imagine que le sous-comité peut discuter demain des témoins éventuels. Si un autre membre du comité a des idées, il serait bon qu'il nous en fasse part maintenant pour que nous puissions y réfléchir.
Le sénateur Buchanan: Il y a un témoin avec lequel le sénateur MacEachen serait d'accord. Je sais qu'il serait très désireux de témoigner devant le comité. Je pense à M. Alastair Gillespie. En fait, il m'a demandé s'il pouvait témoigner au sujet de Synfuels, un projet très important que le sénateur MacEachen et moi-même avons signé il y a longtemps, en 1980.
Le sénateur MacEachen: C'est une bonne suggestion. Nous pouvons y réfléchir demain.
Le sénateur Murray: Monsieur le président, je crois que, outre le ministre responsable et la direction actuelle, nous devrions entendre au moins un des anciens présidents ou premiers dirigeants de la société d'État. Nous voudrons convoquer de toute évidence des représentants du syndicat. Mon idée n'est pas encore faite mais nous devrions peut-être à un moment donné entendre des représentants de la Commission d'énergie de la Nouvelle-Écosse et du gouvernement de la province. Je crois que nous aurons besoin de l'opinion de spécialistes sur des questions comme les marchés charbonniers mondiaux, actuels et futurs, afin de déterminer quels seraient les débouchés réalistes pour Devco. Il va sans dire que les municipalités du Cap-Breton voudront également être entendues. Nous voudrions au moins leur en fournir l'occasion.
Le sénateur Buchanan: J'ai quelques autres noms que j'aimerais proposer. Il y a entre autres quelqu'un qui s'y connaît probablement plus que n'importe qui d'autre en ce qui concerne les terrains houillers de Sydney. Le sénateur MacEachen le connaît bien. Je parle bien sûr de M. William Shaw d'Antigonish.
Le sénateur Murray: Il a été sous-ministre.
Le sénateur Buchanan: Oui. Il a préparé le premier plan énergétique de la Nouvelle-Écosse en 1980-1981. Au moins 40 ou 50 p. 100 de ce plan porte sur l'industrie houillère du Cap-Breton.
Si vous voulez quelques autres noms, monsieur le président, je vous les donnerai.
Le président: Aimeriez-vous les consigner par écrit?
Le sénateur Buchanan: Je proposerai les noms de Coady Marsh et de Steve Farrell de Glace Bay.
Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, en ce qui concerne les municipalités, il n'y a maintenant qu'une seule municipalité qui en remplace un certain nombre. Je sais que le maire, M. John Coady, serait un bon témoin. Je crois qu'il accepterait de comparaître. Le sénateur Murray a mentionné la possibilité d'inviter l'ancien président ou président du conseil d'administration de la Société.
Le sénateur Murray: Au moins un. Si celui-ci accepte de comparaître, j'aimerais que l'on entende Ernest Boutillier, le président sortant. Il peut y en avoir d'autres.
Le sénateur Rompkey: Derek Rance occupe à l'heure actuelle le poste de président de la Iron Ore Company of Canada. Il a assumé la présidence de Devco.
Le sénateur Murray: Il l'a assumée un certain temps. Tom Kent a été le premier, le deuxième ou le troisième président. Je ne sais pas combien de présidents il nous faut convoquer.
Le sénateur Buchanan: Maintenant que vous avez mentionné Tom Kent, je vous signale que l'ancien maire de Glace Bay a aussi demandé à comparaître; il s'agit de Donald MacInnis, un ancien député du Parlement.
Le sénateur MacEachen: Ce sont tous de bons témoins. Nous devrions songer à inviter Tom Kent qui nous apportera un certain éclairage sur le passé.
Le sénateur Murray: Et sur l'avenir.
Le sénateur MacEachen: Davantage sur l'avenir.
Le sénateur Murray: Il écrit beaucoup.
Le sénateur MacEachen: Il est plus futuriste qu'autre chose.
Le président: Les sénateurs sont-ils d'accord pour que nous nous réunissions demain afin de discuter de ces noms et d'autres?
Sénateur Stanbury, avez-vous quelque chose à jouter?
Le sénateur Stanbury: Non. Je suis le représentant-alibi du «Haut-Canada» pour l'instant. Je ne m'y connais absolument pas à cet égard.
Le sénateur Rompkey: Ça ne durera pas longtemps.
Le sénateur Murray: Nous nous attendons à ce que vous fassiez appel à votre expertise pour interroger certains témoins que nous vous désignerons.
Le président: S'il n'y a pas d'autres questions, sénateurs, je suis prêt à recevoir une motion d'ajournement.
Le sénateur MacEachen: Je propose que nous ajournions les travaux.
La séance est levée.
Ottawa, le mardi 7 mai 1996
Le comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton se réunit aujourd'hui, à 14 h 30, afin de poursuivre son examen du rapport annuel et du plan directeur de la Société de développement du Cap-Breton et des questions connexes.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
Le comité délibère à huis clos.
La séance publique reprend.
Le président: À propos de l'horaire des séances, nous confirmons aux fins du compte rendu que nous avons décidé de nous réunir le soir du 27 mai et toute la journée du 28 mai. Nous essaierons alors de trouver un lieu de réunion pour le 31 mai et le 3 juin.
Le comité de direction recommande que le comité ne voyage pas, mais qu'il tienne ses audiences à Ottawa et prévoit un budget pour faire venir des témoins à Ottawa. Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Le budget que nous proposons est un budget minimum de 66 900 $. Nous ne l'avons pas présenté, mais nous aimerions avoir votre aval. Une somme de 38 000 $ est affectée aux services professionnels et spéciaux; une somme de 28 000 $, au transport et aux communications et une somme de 200 $ à toutes les autres dépenses.
Le sénateur Murray: Devons-nous englober le transport dans notre budget de comité? Je pensais que c'était une enveloppe à part.
M. Tim Wilson, greffier du comité: On avait auparavant un montant distinct, mais ce n'est plus le cas.
Le sénateur Murray: Merci.
Le sénateur Gigantès: Êtes-vous en train de dire que les frais de déplacement des témoins ne font plus partie du budget du comité?
Le président: Ils font partie du budget du comité.
Le sénateur Murray: Auparavant, on avait une enveloppe distincte pour de telles dépenses.
Le président: Êtes-vous d'accord pour ce budget?
Le sénateur Finlay MacDonald (Halifax): Qu'en est-il des coûts professionnels?
Le président: Pour les services professionnels et autres services spéciaux, nous proposons un montant de 38 500 $. Nous allons en parler maintenant. Nous pouvons déposer le budget après avoir discuté de ce point, ou nous pouvons simplement accepter ce budget. Il s'agit ici de prévoir du personnel pour nous aider à organiser le comité. Je crois que nous devrions avoir un peu d'aide au plan des communications et de la rédaction. Tout le monde ici présent est parfaitement capable de rédiger ses propres communications, mais il peut y avoir des cas où nous pourrions demander de l'aide. En outre, il serait utile d'avoir une personne pour toute la durée du comité, qui prendrait des notes et rédigerait une ébauche de rapport que nous pourrions examiner assez tôt. C'est ce à quoi je pensais.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Nous n'aurions pas recours à la Bibliothèque du Parlement?
Le président: Nous avons recours à la Bibliothèque du Parlement pour la recherche. Le personnel de la Bibliothèque du Parlement sera chargé de préparer nos séances, de rédiger des questions pour nous et peut-être de faire des résumés à la fin de la séance ou avant la séance suivante, de nous offrir un service continu de ce genre. Il serait encore plus utile qu'une personne ait une vue d'ensemble de toute la question et puisse en fait commencer à rédiger des textes que nous pourrions utiliser. C'est ce à quoi je pensais.
Si nous prévoyons un montant d'argent pour cela et prenons une décision à cet égard, nous pourrions toujours débattre plus tard de la manière dont nous dépenserons cet argent.
Le sénateur Murray: Oui, ou si nous optons pour cette solution.
Le président: C'est exact.
Le sénateur Murray: Comment en sommes-nous arrivés à ce chiffre?
M. Wilson: Après avoir examiné le temps dont nous disposons, nous avons pensé qu'en raison de la date précoce du rapport, nous pourrions avoir besoin d'aide supplémentaire.
Le sénateur Murray: C'est entendu, mais comment en êtes-vous arrivés à ce chiffre?
M. Wilson: Pour les communications, nous avons estimé 30 jours à 500 $ par jour, soit 15 000 $; pour les services professionnels, la recherche, la rédaction, le travail éditorial, la révision, nous avons estimé 20 000 $.
Le sénateur Ghitter: C'est beaucoup pour les communications. Je ne sais pas comment nous pourrions dépenser 15 000 $ là dessus. Envisagez-vous d'avoir quelqu'un ici tout le temps à 500 $ par jour? Pourriez-vous expliquer comment vous en êtes arrivés à ce chiffre?
M. Wilson: C'est un chiffre assez arbitraire qu'il est possible de diminuer. Nous avons pensé que cela pourrait poser un problème, étant donné que le comité ne voyagera pas et qu'il faudrait peut-être prévoir une communication de grande envergure avec la région visée.
Le sénateur Murray: Je n'ai pas d'avis quant au montant, car je n'en suis pas absolument sûr. Je ne m'opposerais pas à autoriser le président à conclure un contrat de services avec un fournisseur, précisant les fonctions et attributions de la personne engagée, au lieu d'approuver 38 500 $, qui seront probablement dépensés. Peut-être, monsieur le président, pourriez-vous négocier un contrat pour ce que vous prévoyez dans ce cas présent, soit essentiellement un travail de rédaction, d'après ce que je comprends. Nous pouvons alors approuver le contrat que vous proposez avant de le conclure.
Le sénateur Gigantès: La question des communications m'intéresse, puisque nous ne voyagerons pas. Les médias régionaux visés voudront être complètement informés, mais ils n'ont pas nécessairement de correspondants ici ou sinon, leurs correspondants ont trop de travail. Peut-être devrions-nous embaucher quelqu'un pour tenir ces médias au courant, par l'entremise de télécopies, des travaux du comité et des propos tenus par les témoins. Cela pourrait être un service offert à la région.
Le sénateur Murray: Voulez-vous une liste?
Le président: Je peux certainement vous présenter une proposition à cet égard.
Le sénateur Murray: Ce serait sans doute la meilleure façon de procéder.
Le sénateur Stanbury: Je suis d'accord avec ce que vient de souligner le sénateur Gigantès. Il ne sert pas à grand-chose de faire ce travail, à moins qu'il ne soit communiqué aux gens de la région. Ce n'est pas une région fortement représentée à la tribune des journalistes. Il nous faudrait prévoir suffisamment de fonds pour les communications.
Le sénateur Bonnell: Avez-vous envisagé de contacter la chaîne parlementaire pour qu'elle puisse téléviser les témoignages?
Le président: Nous allions justement en parler. C'est un autre point.
Le sénateur Bonnell: C'est un service gratuit qui est offert dans tous les foyers, jusqu'à l'Île-du-Cap-Breton, pratiquement dans les mines.
Le président: C'est un point distinct dont il faut débattre. Ceci mis à part, je pensais embaucher une personne qui aiderait le comité dans le domaine des communications, qui serait là pour faire de la rédaction.
Le sénateur Murray: Au lieu de simplement fixer un chiffre, vous devriez obtenir une proposition.
Le président: Êtes-vous d'accord que j'obtienne une proposition à vous présenter?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Le point suivant vise la télévision. Le comité de direction recommande que nous autorisions la télédiffusion des audiences, avec le moins de perturbation possible, et que les audiences télévisées soient celles où nous allons entendre premièrement, la ministre; deuxièmement, la gestion; troisièmement, les syndicats; quatrièmement, les municipalités. Nous déciderons après de la suite des événements.
Nous vous proposons que le comité autorise aujourd'hui la télédiffusion des témoignages des personnes suivantes: la ministre, les représentants de la gestion, ceux des syndicats et ceux des municipalités. Nous pouvons revoir la question plus tard et décider de la suite des événements, mais nous proposons de prendre cette décision aujourd'hui.
Le sénateur Bonnell: C'est très bien de l'autoriser ici aujourd'hui, mais en avons-nous le pouvoir?
Le président: Non.
Le sénateur Bonnell: Nous devons transmettre notre décision au Sénat pour obtenir l'autorisation de ce dernier.
Le président: C'est exact, mais j'essaye ici d'obtenir l'appui du comité avant d'aller au Sénat demander cette autorisation. Je ne veux pas aller devant le Sénat, si je n'ai pas votre appui. Je ne veux pas prendre de risques. J'ai pensé qu'il était démocratique de poser la question au comité en premier lieu et ensuite, d'aller au Sénat. Cela vous convient-il?
Des voix: D'accord.
Le président: Adopté.
Pouvons-nous simplement approuver maintenant un budget de 28 400 $? Nous devons être en mesure de payer les frais des témoins, et cetera. Laissons de côté les services professionnels et spéciaux.
Le sénateur MacEachen: En ce qui concerne les témoins, offrons-nous de payer les frais des témoins dont les organismes sont en mesure de payer, ou est-ce en fonction des besoins?
Le président: Quels sont les usages, monsieur Wilson? J'imagine que s'il est possible de ne pas faire payer le contribuable canadien, nous devrions peut-être opter pour cette solution. Quelles sont les directives?
M. Wilson: Normalement, nous n'offrons pas de rembourser les frais raisonnables de déplacement et de séjour. Normalement, nous attendons que les témoins le demandent.
Le sénateur MacEachen: C'est ainsi que nous devrions procéder.
Le sénateur Gigantès: Au bout du compte, c'est le contribuable canadien qui paye pour tout.
Le président: C'est exact.
Le sénateur Bonnell: Deux témoins seulement sont prévus par organisme. Il n'est pas possible de faire venir des quantités de gens en voiture ou en avion.
Le président: Dans le cas des syndicats, il y a plus qu'une personne. Nous proposons que les syndicats comparaissent en groupe. Il se peut qu'ils veuillent avoir un représentant de chacun d'eux, j'imagine.
Êtes-vous d'accord que nous approuvions un budget de 28 400 $?
Le sénateur MacEachen: Il semble étrange d'approuver 28 400 $, lorsque nous savons que chaque organisme est capable de payer. N'est-ce pas le cas? La Société de développement du Cap-Breton n'est pas un syndicat.
Le président: Nous n'avons pas à payer 28 400 $. Nous avons simplement besoin d'une approbation de dépenses, en cas de besoin. Nous ne décidons pas ici de dépenser 28 400 $, mais nous demandons simplement que ce montant soit approuvé. Nous pourrons alors décider au cas par cas.
Le sénateur MacEachen: D'accord.
Le sénateur Murray: Une fois qu'une personne est inscrite sur notre liste de témoins, je crois que nous sommes tenus de payer ses frais en vertu de la politique, si elle en fait la demande, indépendamment de ses moyens.
Le président: Il n'est pas inusité de payer pour des services.
Le sénateur Murray: Le syndicat peut très bien le demander. Le cas échéant, nous devrons lui indiquer le nombre de personnes dont nous sommes prêts à payer les frais.
Le sénateur Stanbury: Telle a toujours été la politique. Nous ne les invitons pas à faire une telle demande, mais s'ils la font, nous ne discutons pas.
Le sénateur Murray: Qu'allons-nous faire? Prévoyons-nous deux personnes par groupe?
Le président: Le greffier du Sénat est autorisé à verser à chaque témoin invité ou convoqué à comparaître devant une commission spéciale une somme raisonnable pour les frais de séjour et de déplacement. Il n'est pas indiqué qu'il doit le faire, mais il est autorisé à le faire. Le témoin doit être invité ou convoqué.
Nous demandons une somme budgétaire fictive de façon à pouvoir commencer à fonctionner en tant que comité. Nous pouvons toujours décider plus tard quels témoins rembourser, mais il faut d'abord avoir une cagnotte.
Le sénateur Bonnell: Peut-on dépenser cet argent avant que le comité de régie interne ne l'approuve?
Le président: Non. Il s'agit simplement de l'approbation de notre comité.
Le sénateur Bonnell: Vous allez donc demander au comité de régie interne de l'approuver?
Le président: Absolument.
Le sénateur Stanbury: Je le propose.
Le président: Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: C'est tout ce dont nous devons traiter aujourd'hui.
Le sénateur Gigantès: Qu'en est-il des heures de séance?
Le président: Nous avons convenu de nous réunir le soir du 27 mai et toute la journée du 28 mai.
Le sénateur Murray: Sous réserve de l'autorisation du Sénat, bien sûr.
Le président: Effectivement, sous réserve de cette autorisation. Nous envisageons également le 31 mai et le 3 juin comme autres dates. Il s'agit de dates temporaires, dans la mesure où tout se met en place.
Le sénateur MacEachen: En ce qui concerne la séance prévue le 27 mai au soir, compte tenu du fait que le sénateur Buchanan et moi-même serons à bord de l'avion de retour, à quelle heure proposez-vous de commencer?
Le président: Nous proposons de commencer dès votre retour dans la capitale. Quand aimeriez-vous que débute la séance? Est-ce que 19 h 30 vous convient?
Le sénateur MacEachen: Cela me convient.
Le sénateur Buchanan: À moi aussi.
Le président: D'accord.
Y a-t-il d'autres questions ou décisions?
Le sénateur MacDonald (Halifax): Quels documents seront préparés à notre intention avant la première séance? Qu'envisage le président pour informer ceux qui ne connaissent pas le contexte ou le sujet entier?
Le président: Nous allons demander à la Bibliothèque du Parlement de rédiger un document général qui expose l'évolution de la question, présente toutes les facettes du débat dans la mesure où cela est possible, nous informe du point où nous en sommes et peut-être propose quelques questions. Avons-nous besoin d'autre chose? Si vous voulez, nous pourrions également demander une compilation des informations de presse et nous pourrions ajouter également, si vous le souhaitez, les allocutions qui ont été prononcées à ce sujet. Nous pouvons vous fournir tout ce que vous demandez.
Je crois tout d'abord que nous avons besoin d'une vue d'ensemble ou d'un document complet que la Bibliothèque du Parlement pourrait rédiger; ensuite, il serait peut-être utile d'obtenir une compilation des articles saillants des journaux, si vous voulez. Nous pouvons également englober quelques allocutions, si vous le souhaitez.
Le sénateur MacEachen: Pour donner suite à la question posée par le sénateur MacDonald, il serait utile que la Bibliothèque du Parlement fasse l'historique de ces mines ou charbonnages. Il sera question de Prince, Lingan, Phelan, Donkin et peut-être d'autres encore. Il serait en particulier utile d'être au courant des divers plans -- certains réalisés, d'autres, non -- des différends, des possibilités futures, et cetera.
Il faudrait une personne qui connaisse bien la question pour ce faire. Ce ne sera pas chose facile. La Bibliothèque du Parlement devra chercher des ressources sans doute hors de ses murs.
Le sénateur Buchanan: Il est important d'obtenir tout l'historique des mines dont parle le sénateur MacEachen. Le ministère de l'Énergie devrait avoir toute l'information sur la quantité de charbon des terrains carbonifères de Sydney dans les divers filons, ainsi que leur emplacement. Il est important de connaître la quantité de charbon qui peut être exploité au cours des 25 ou 40 prochaines années, ainsi que la qualité de ce charbon dans les divers filons.
Le sénateur Gigantès: Je suis sans doute ignare, mais qu'en est-il de la combustion du charbon in situ?
Le sénateur Murray: Vous êtes à l'endroit tout indiqué pour le savoir.
Le sénateur Buchanan: Nous avons des spécialistes dans ce domaine au sein du comité.
Le sénateur Gigantès: Puis-je y revenir?
Le président: Tout d'abord, nous devrions terminer la discussion sur le document que produira la Bibliothèque du Parlement.
Le sénateur MacEachen: Des propositions ont été faites de temps à autre au sujet de programmes de forage, d'exploitation et de reconnaissance. Je ne veux pas être catégorique à ce sujet, mais je crois qu'il est arrivé que des programmes de forage proposés n'ont pas été entrepris ni terminés. J'aimerais obtenir des informations complètes à ce sujet, car il en sera nécessairement question. Si l'industrie minière doit continuer au Cap-Breton, quelles sont les possibilités futures? Quelles mines sont susceptibles de créer des emplois bons pour l'économie? Il serait utile d'avoir de l'information à ce sujet. Sinon, nous ne serons pas complètement informés, lorsque le débat commencera.
Le sénateur Buchanan: Dites à la personne qui fera cette recherche que je dispose de la plupart de cette information dans mon bureau. J'ai des données sur les galeries de reconnaissance qui ont été forées, ainsi que sur la qualité et la quantité de charbon.
Le président: Kevin Kerr, de la Bibliothèque du Parlement, pourrait entreprendre ce travail. Il demandera aux membres du comité s'ils ont des renseignements à lui donner.
Le sénateur MacDonald (Halifax): J'ai un précis du rapport Boyd, monsieur le président. J'ai également le tableau chronologique de la situation des combustibles synthétiques, ainsi que des rapports annuels sur dix années.
Le président: Il est indiqué dans le rapport que j'ai lu qu'il n'y a pas de mémoire de l'organisation à Ottawa en ce qui concerne la Société de développement du Cap-Breton.
Le sénateur Murray: C'est ce qu'ils croient.
Le sénateur MacEachen: J'aimerais ajouter un autre point qui pourrait être utile aux membres du comité. Depuis les débuts de la Société de développement du Cap-Breton, des femmes et des hommes compétents ont occupé les postes de président et de président directeur général de cette société. Il serait intéressant d'avoir une liste de ceux qui ont dirigé la société, ainsi que de connaître leur mandat et ce, depuis le début.
Le président: Nous l'avons.
Le sénateur MacEachen: Il serait bon de la faire circuler. Certaines personnes assez importantes ont dirigé cette entreprise.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Pensez-vous qu'elles pourraient servir de témoins éventuels?
Le sénateur MacEachen: Certains pourraient avoir un témoignage utile, effectivement.
Le sénateur Murray: Lorsque j'ai voulu me rafraîchir la mémoire au sujet de certaines de ces questions avant de parler au Sénat, j'ai demandé que l'on m'envoie les rapports annuels de la société depuis pratiquement ses débuts. J'ai dû faire appel à la Bibliothèque. Je ne pense pas que la Bibliothèque ait de nombreux exemplaires à sa disposition. Il serait utile de photocopier et de distribuer aux sénateurs intéressés la partie du rapport qui est celle du président, à tout le moins -- c'est-à-dire, l'exposé que rédige le président chaque année, qui résume le rapport, ainsi qu'un tableau financier de ventilation, qui remonte à 11 ans et qui fait état de la production et des ventes.
Deuxièmement, à propos des témoins, j'aimerais répéter aux fins du compte rendu ce que j'ai dit au comité de direction. Nous avons convenu d'entendre la gestion de la Société de développement du Cap-Breton en premier, puis, les syndicats et la municipalité. Si, comme on l'entend dire, le gouvernement fait une annonce à propos de l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton au cours des prochains jours, il nous faudra convoquer la ministre, puisque le contexte de la situation serait quelque peu nouveau. Si une telle annonce est faite avant que nous nous réunissions, nous devrions alors l'inviter à comparaître en premier pour débattre de la question avec nous. Sinon, nous choisirons le moment lui convenant le mieux pour comparaître devant le comité à une date ultérieure.
Le président: Terminons la discussion sur le document d'information qui doit être préparé. La Bibliothèque du Parlement rédigera des notes d'information complètes pour nous, y compris des notes sur les points que nous avons soulevés aujourd'hui. Les attachés de recherche rechercheront l'information indiquée et parleront également aux membres du comité qui ont des sources susceptibles de nous être utiles. J'ai certainement envie d'apprendre et je veux faire quelques lectures. Je ne connais pas suffisamment le contexte de la Société de développement du Cap-Breton. Si nous devons faire un travail sérieux -- chose que nous voulons tous faire -- nous devons connaître l'évolution de la situation.
Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, j'espère parler du même sujet. La documentation de base est un point qui m'intéresse. Le premier témoin ne sera pas convoqué avant le 27 mai. Nous avons beaucoup de temps. Il serait utile de contacter immédiatement ces témoins éventuels et de leur demander de nous envoyer leur exposé ou leur mémoire le plus tôt possible, de manière que nous puissions les étudier et que des questions puissent être préparées en conséquence, afin que les travaux puissent être terminés le plus rapidement possible.
Le sénateur Gigantès: Peuvent-ils donner leur point de vue à propos des questions environnementales?
Le président: Nous demanderons aux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement de le faire, ainsi qu'aux témoins.
Le sénateur Ghitter: En ce qui concerne la documentation, j'aimerais avoir le rapport le plus récent de la Société de développement du Cap-Breton concernant son plan quinquennal. C'est probablement là-dessus que nous nous arrêterons. D'après ce que je comprends de la presse, la société a publié en janvier un plan quinquennal sous la direction de M. Shannon. Il serait important de le lire.
Quelles seront nos fonctions si le cabinet décide de renflouer la société, ainsi que l'ont suggéré les médias, et décide également des mesures à prendre? Quel est le rôle de ce comité si les décisions ont déjà été prises? Avons-nous des directives qui vont au-delà de ce que pourrait décider le cabinet, ou nous coupera-t-on l'herbe sous les pieds et prendra-t-on une décision, lorsque nous serons en plein milieu de nos délibérations? Puis-je avoir quelques éclaircissements à ce sujet?
Le président: Nous devons remplir nos fonctions comme prévu. Nous nous occuperons de tout problème éventuel en temps et lieu.
Jusqu'à présent, il s'agit de rumeurs, d'informations données par les médias, et cetera. Nous avons chacun notre point de vue sur la manière de vérifier de telles rumeurs.
Nous devons poursuivre notre route et ce n'est que si nous rencontrons un obstacle que nous changerons alors de cap.
Le sénateur Ghitter: Pourrions-nous formuler des observations au gouvernement indiquant que nous examinons la question et que, peut-être, notre travail pourrait lui être utile avant qu'il ne prenne une décision définitive?
Le président: Normalement, il faudrait d'abord faire notre travail. De toute évidence, nous allons faire des recommandations. Il serait raisonnable de nous laisser délibérer et ensuite de faire ce rapport.
Le sénateur Gigantès: Je crois que le sénateur Ghitter a raison, monsieur le président. Il faudrait essayer de savoir si l'on ne va pas nous couper l'herbe sous les pieds.
Le sénateur Murray: Monsieur le président, je ne peux parler qu'en mon nom propre à cet égard. Toutefois, si le gouvernement décide, ainsi que le dit le sénateur Ghitter, de renflouer la société ou d'essayer de résoudre son problème financier, il y aura toujours beaucoup de questions à poser à la gestion, au syndicat et, certainement, au gouvernement, quant à l'avenir de l'industrie houillère dans cette région et quant à l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton. Nous savons tous que le fait d'injecter un peu plus de capitaux lui permettra de tenir encore quelque temps; nous aimerions toutefois analyser les perspectives réalistes de l'industrie houillère au Cap-Breton à long terme.
Depuis l'époque des conservateurs, le gouvernement a le mandat, à compter de l'exercice 1994-1995 ou 1995-1996, de ne plus faire de subvention. Le plan financier et commercial présenté par la gestion de la Société de développement du Cap-Breton a tenu compte de cette réalité. Certains d'entre nous ne sommes pas d'accord avec la gestion, lorsque cette dernière déclare que la seule façon pour elle de s'adapter à cette réalité et d'être autosuffisante consiste à mettre à pied presque la moitié de sa main-d'oeuvre. Telle est la question à examiner.
Si le gouvernement injecte quelques capitaux de plus, cela permettra à l'entreprise de tenir un peu plus, mais cela ne permettra pas de répondre aux questions soulevées par le plan de gestion quant à l'avenir de l'entreprise à plus long terme.
Je veux aller de l'avant, indépendamment de ce que le gouvernement pourrait décider comme mesure temporaire.
Le sénateur Buchanan: Si je comprends bien, notre mandat est double. Je comprends également que si le gouvernement fédéral devait faire une annonce, elle ne serait pas relative à l'avenir de l'industrie houillère au Cap-Breton, mais à la manière de régler le cas de 200 personnes qui doivent être mises à pied, par l'entremise d'un programme d'indemnités de cessation d'emploi ou de retraite anticipée.
Comme le dit le sénateur Murray, cela ne répond pas au principal mandat du comité.
Le sénateur MacEachen: Quel est le mandat? Peut-on le lire?
Le sénateur Buchanan: Notre mandat est le suivant:
... examiner le rapport annuel et le plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et les questions connexes, et en faire rapport;
Cela signifie également examiner l'avenir et la longévité des charbonnages actuels de Prince et Phelan, ainsi que l'avenir de la nouvelle mine de charbon de Donkin. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de renseignements sur tous les divers filons; le filon du port et tous les terrains carbonifères de Sydney. Si le gouvernement fédéral propose un plan d'indemnités de cessation d'emploi ou de retraite anticipée pour quelques centaines de mineurs, cela ne nous empêche absolument pas d'examiner le plan d'entreprise complet, l'avenir de ces deux charbonnages existants et les marchés de charbon pour la Power Corporation et autres sociétés, ainsi que d'examiner la nouvelle mine.
À mon avis, la nouvelle mine est très importante, car on y a déjà injecté 80 millions de dollars. Je suis parfaitement au courant de la situation, car nous avons amené le premier bateau au début des années 80. En 1979, nous avons amené le premier bateau de forage pour localiser les filons et déterminer la qualité du charbon dans la mine de Donkin et dans le filon du port. Plus tard, le gouvernement fédéral s'en est chargé et a commencé à forer ces deux galeries au coût de 80 millions de dollars. Les galeries existent. Elles sont inondées, ce qui est la chose à faire. Il faut inonder les galeries pour les préserver. Nous devons nous pencher là-dessus pour savoir s'il est possible d'aller de l'avant en ce qui concerne la nouvelle mine de Donkin, qui renferme du très bon charbon, soit dit en passant.
Le sénateur Gigantès: Plus j'entends les experts, plus je me demande si nous avons suffisamment de temps. Devons-nous vider toute cette question d'ici le 15 juin, ainsi que faire d'autres travaux?
Je sais que les gens pensent que nous n'avons rien à faire au Sénat, mais vous savez tous que tel n'est pas le cas.
Le sénateur Murray: Lorsque nous entrerons dans le vif du sujet, vous le trouverez tellement intéressant que vous ne voudrez pas vous occuper d'autre chose!
Le sénateur Gigantès: Allez le dire à mon whip.
Vous demanderez probablement à un ou à plusieurs spécialistes en communication de vous donner un plan. Pourriez-vous leur demander de prévoir des articles -- sous réserve bien sûr, de l'approbation des deux côtés du comité -- à remettre à des hebdomadaires? On me dit que plus de gens lisent d'hebdomadaires que de quotidiens.
Le président: C'est parce que l'on y trouve le TV Guide et qu'on les laisse sur la table du salon toute la semaine.
Le sénateur Gigantès: Nous devrions également avoir des rapports pour de courtes émissions radio, aussi bien oraux qu'écrits, et nous devrions savoir quelles publications et stations radio il est possible d'atteindre par télécopie. Il faut obtenir les numéros de télécopieur. Il faudra connaître l'heure à laquelle la copie doit arriver pour qu'elle puisse paraître dans le prochain numéro ou la prochaine émission. Les spécialistes doivent s'occuper de toutes ces questions.
Le sénateur Buchanan: Je peux vous assurer que cet examen fera les manchettes dans toute l'Île-du-Cap-Breton. Cela ne fait aucun doute. Il y a trois stations radio et un quotidien sur l'île. Ils sont déjà prêts.
Le président: Souhaitez-vous que je demande au Sénat l'autorisation d'embaucher les spécialistes dont nous parlons?
Le sénateur Murray: Cela n'est-il pas prévu dans le cadre de l'embauche d'un tel personnel, selon les besoins?
Le président: Effectivement.
Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Y a-t-il d'autres points sur les communications? Y a-t-il d'autres thèmes à traiter?
Le sénateur MacDonald (Halifax): Il ne devrait pas être difficile de rédiger un communiqué, puisqu'il ne s'agit pas d'un comité accusatoire.
Le sénateur Murray: Pas pour l'instant.
La séance est levée.
Ottawa, le lundi 27 mai 1996.
Le comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton se réunit aujourd'hui, à 19 h 30, pour poursuivre son étude du rapport annuel et du plan d'activité de la Société de développement du cap-breton, ainsi que des questions connexes.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette première réunion du comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton.
Conformément à notre ordre de renvoi, nous devons examiner le rapport annuel et le plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton, ainsi que des questions connexes, et faire rapport à ce sujet. Les «questions connexes» nous donnent beaucoup de latitude quant à la nature de notre examen, et je suis sûr que celui-ci portera notamment sur la viabilité commerciale de la société. Nous allons aussi examiner les facteurs humains et l'incidence de la société sur toute la collectivité du Cap-Breton, ainsi que des questions environnementales. Du point de vue financier et social, nous allons nous pencher sur l'avenir des mineurs qui travaillent actuellement pour la société, ainsi que de ceux qui ne travaillent plus pour elle.
Nous accueillons notre premier témoin, monsieur Joe Shannon, président du conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton.
M. Joseph P. Shannon, président du conseil d'administration, Société de développement du Cap-Breton: Je suis accompagné ce soir de monsieur George White, président de la société, et de monsieur Merrill Buchanan, vice-président responsable des finances.
Le président: Nous sommes très heureux de vous accueillir. Je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons quelques questions. Vous avez la parole.
M. Shannon: Monsieur le président, mesdames et messieurs, je ne sais pas si je dois vous remercier de m'avoir invité à comparaître devant vous ce soir, mais je vais vous donner le bénéfice du doute. De toutes façons, je suis heureux que vous me donniez l'occasion de venir vous parler de la Société de développement du Cap-Breton, dont la survie est extrêmement importante, non seulement pour ses employés mais pour la collectivité et pour toute la région.
Je précise tout de suite, monsieur le président, que je ne suis ni ingénieur, ni mineur. Je suis un ancien camionneur de Port Hawkesbury qui est devenu président du conseil d'administration et président suppléant de la Société de développement du Cap-Breton il y a dix ou onze mois. Je voudrais vous dire quelques mots de mon expérience professionnelle, étant donné qu'elle a suscité beaucoup de commentaires et qu'elle est probablement la raison pour laquelle votre comité a été constitué. Je vais vous dire ce que j'ai fait depuis mon arrivée au sein de la société jusqu'à aujourd'hui. Ensuite, nous essaierons de répondre à vos questions. S'il y en a auxquelles nous ne pouvons répondre immédiatement, nous ferons le nécessaire pour trouver les réponses et pour vous les communiquer plus tard.
Mon rôle au sein de la société fait suite à une discussion que j'ai eue avec le ministre Dingwall, ministre responsable du Cap-Breton. Évidemment, je suis originaire du Cap-Breton, où j'ai reçu toute ma formation et où je vis encore aujourd'hui. Je suis donc depuis fort longtemps l'évolution de la Société de développement du Cap-Breton et je suis parfaitement conscient de son importance pour la région. Comme tout le monde, je me suis inquiété de l'évolution de la société et, surtout de son avenir. Et j'ai constaté que le ministre Dingwall partage mes préoccupations.
Suite à cette discussion, j'ai reçu des appels téléphoniques de la ministre MacLellan, qui était alors responsable de la société. Après plusieurs conversations, nous avons fini par nous rencontrer et nous sommes parvenus à une entente. À mon avis, la ministre tente sincèrement et honnêtement de résoudre les problèmes de la Société de développement du Cap-Breton et elle ne cherche pas seulement à marquer des points politiques.
J'ai donc accepté -- en mai ou en juin -- de devenir président du conseil d'administration et président suppléant de la société. J'ai dit alors à la ministre que mon objectif serait de stabiliser la situation et de redresser l'entreprise.
Pour ce faire, j'ai pensé que nous avions trois objectifs à atteindre. Premièrement, il fallait rétablir les relations avec la Nova Scotia Power Corporation, notre principal client. Ces dernières années, la NSPC a acheté la quasi-totalité du charbon que nous avons produit. L'an dernier, par exemple, sur une production d'environ 2,6 à 2,8 millions de tonnes, elle nous en a acheté 2,6 millions. C'est donc à l'évidence un client très important de la Société de développement du Cap-Breton mais nos relations s'étaient détériorées. Deuxièmement, il fallait remettre sur pied l'équipe de gestion de l'entreprise. Troisièmement, il fallait élaborer un plan d'entreprise cohérent qui permettrait à la Société de développement du Cap-Breton d'être en bonne position pour aborder le 21e siècle, tout en respectant le mandat établi par le gouvernement fédéral en 1991, soit qu'elle devienne financièrement autosuffisante.
Parlons d'abord de notre premier défi. Comme je l'ai dit, les relations entre la Nova Scotia Power Corporation et la Société de développement du Cap-Breton s'étaient détériorées, c'est le moins que l'on puisse dire. De fait, la situation était tellement mauvaise que les présidents des deux sociétés ne se parlaient plus. Cette situation, qui s'est développée au cours des années, a fini par affecter l'ensemble du système.
Nous avons toujours fourni à la NSPC du charbon répondant aux normes. Nos approvisionnements répondaient aux objectifs annuels, mais pas de manière cohérente. La plupart du temps, nous fournissions du charbon de très mauvaise qualité. Or, nous vendions notre charbon de bonne qualité à l'étranger, à un prix beaucoup moins élevé que celui payé par la NSPC. C'est cela qui a entraîné la détérioration des relations entre les deux sociétés, d'autant plus que le client devait assumer des frais de maintenance supplémentaires parce qu'il était obligé d'utiliser du charbon de mauvaise qualité dans ses centrales.
Nous avons un contrat de 33 ans avec la NSPC mais trois de ses dispositions peuvent être renégociées tous les cinq ans. Il s'agit de la quantité de charbon fournie pendant les cinq années suivantes, des tolérances de qualité concernant ce charbon, et du prix.
Si l'on parvient à s'entendre sur la quantité et sur les marges de qualité mais pas sur le prix, il y a dans le contrat une clause qui permet d'aller en arbitrage devant une tierce partie. Par contre, si l'on ne peut pas s'entendre sur la quantité ou sur les marges de qualité, il y a dans le contrat une clause donnant à chaque partie la possibilité de dénoncer le contrat avec un préavis de deux ans.
La NSPC nous a donné ce préavis de deux ans en disant qu'elle ne parvenait pas à s'entendre avec nous sur la quantité ou sur les marges de qualité. Autrement dit, elle nous a prévenus qu'elle veut dénoncer le contrat dans deux ans. Considérant son interprétation du contrat, son action était parfaitement légale. Voilà la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés.
En même temps, la société a refusé de payer le prix qui lui était facturé. Elle ne nous a payé qu'environ 70 p. 100 des factures qui lui étaient adressées. Vous comprendrez que cela nous a causé d'énormes problèmes de trésorerie.
Je me suis rendu à une réunion du conseil d'administration de la NSPC pendant laquelle on a demandé à son président de me rencontrer pour entreprendre des négociations sérieuses afin de régler les questions en instance. Il m'a fallu un certain temps pour y parvenir. Au début, la NSPC voulait une baisse de tarif d'environ 35 p. 100, qu'elle a finalement ramenée à 25 p. 100. En fin de compte, nous nous sommes entendus sur une baisse de 18 p. 100 pendant trois ans. Pendant les deux dernières années de l'entente sur cinq ans, on a prévu un taux d'inflation maximum de 4 p. 100 . Si le taux d'inflation réel ne dépasse pas ce chiffre, nous n'aurons pas de problèmes. Sinon, nous aurons tous de sérieuses difficultés. Le contrat a donc été signé et cette question est réglée.
L'un des problèmes que nous avons rencontrés est que, lors des négociations concernant l'ouverture de la mine Westray, le gouvernement du Canada a révisé notre contrat de 33 ans avec la NSPC pour donner à la mine Westray le droit de fournir 700 000 tonnes de charbon à la centrale de Trenton de la NSPC. Malheureusement, on n'avait pas prévu dans l'entente que cette quantité serait rendue à la Société de développement du Cap-Breton si le projet de la mine Westray n'allait pas de l'avant. La NSPC a donc utilisé cet argument pendant ses négociations avec nous et, depuis plusieurs années, le prix auquel nous avons dû approvisionner la centrale de Trenton est sensiblement inférieur à celui établi pour les autres centrales.
Quoi qu'il en soit, nous avons fini par régler ce problème de manière satisfaisante.
Notre deuxième objectif était de reconstituer l'équipe de gestion de l'entreprise. Lorsque je suis arrivé, le président de la société et le président du conseil d'administration avaient démissionné et j'ai donc été nommé aux deux postes. Après avoir fait le point de la situation, nous avons décidé de modifier la structure de l'entreprise. Nous avons aboli sept postes de cadres supérieurs. Nous avons éliminé plusieurs postes de vice-président qui existaient entre le service de l'exploitation et le président de l'entreprise. Nous avons fait des directeurs des mines Prince et Phalen les deux personnes les plus importantes de l'entreprise car, s'ils ne parviennent pas à atteindre leurs objectifs de production, nous n'aurons aucune raison de conserver les autres cadres. Nous avons décidé que les directeurs des mines relèveraient directement du président.
Nous avons commencé à décentraliser nos activités. Ainsi, les géologues et toutes les personnes responsables de l'exploitation des mines ont été transférés sur les sites miniers eux-mêmes, afin d'être sur place pour comprendre les problèmes et être mieux à même de les régler. Nous avons pensé qu'ils pourraient être plus efficaces s'ils pouvaient parler directement aux mineurs.
Nous avons fait de la publicité pour trouver un nouveau président, mais sans succès. En juillet ou août, j'ai demandé à George White s'il serait prêt à revenir à la Société de développement du Cap-Breton, pour laquelle il avait travaillé pendant dix ans. Il était parti à la fin des années 1980 ou au début des années 1990 pour devenir vice-président principal de la Nova Scotia Power Corporation. Quand je lui ai parlé, au mois d'août, ma proposition ne l'a pas intéressé car il estimait que le gouvernement n'essayait pas sérieusement de trouver une solution durable aux problèmes de l'entreprise. Nous n'avons cependant pas complètement renoncé et nous avons attendu que George faiblisse.
C'est finalement en février ou mars de cette année que nous avons réussi à le convaincre. Je dois dire que nous sommes très heureux de le retrouver parmi nous. Il connaît fort bien le nord du Cap-Breton, où il est né et où il a toujours vécu. Il a un diplôme en génie et il a dirigé avec succès la mine Prince, pendant trois ans, au milieu des années 1980, après quoi il a pris la direction de la mine Phalen, qui était en difficulté. Il y a fait un excellent travail et c'est ensuite qu'il est parti à la NSPC. Nous sommes extrêmement heureux qu'il ait accepté de revenir chez nous pour occuper le poste de président-directeur général de l'entreprise. Avec lui, nous savons que l'entreprise sera bien gérée. Si elle a une chance de survivre, c'est George qui peut la lui donner. J'ai toujours pensé que nous réussirions à convaincre George de revenir chez nous, même si lui-même n'y croyait pas. Quoi qu'il en soit, l'étape suivante de notre stratégie consistait à faire le point sur les atouts de l'entreprise. Afin de bien vous faire comprendre la situation, j'ai apporté avec moi une série d'acétates que j'aimerais vous présenter.
Nous avons d'abord analysé l'entreprise pour bien en cerner les problèmes. Certains d'entre vous ont peut-être reçu un exemplaire du document que nous avons utilisé pour analyser les différentes branches de l'entreprise. Nous avons réparti le processus global en une série de petits processus autonomes, que nous avons ensuite analysés l'un après l'autre du point de vue des besoins et des coûts en main-d'oeuvre. Je vais vous donner un exemple.
Le tableau que vous voyez en ce moment contient trois colonnes représentant le personnel de la mine Phalen. La colonne bleue correspond aux chiffres réels de 1994-1995, la colonne rouge, au budget de 1995-1996, et la colonne jaune aux chiffres réels de 1995-1996.
Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, nous n'avons pas les tableaux et nous ne pouvons pas voir l'écran.
Le président: Avez-vous cela sur papier, monsieur Shannon?
M. Shannon: Non, monsieur le président, mais nous pourrions vous remettre le document plus tard.
Le président: Si vous pouviez vous déplacer un peu, les membres du comité pourraient mieux voir l'écran. À cause des caméras de télévision, nous ne pouvons pas baisser l'éclairage de la salle.
M. Shannon: Comme je le disais, vous voyez sur le tableau les chiffres réels de 1994-1995, le budget de 1995-1996, et les chiffres réels de 1995-1996. En outre, les données sont réparties en plusieurs éléments. Vous pouvez voir le secteur de la mise en valeur, la face d'abattage, ainsi qu'une analyse des coûts de transport du charbon et de transport des hommes et des matériaux.
Nous avons analysé l'entreprise pour voir ce qui n'allait pas. Le facteur important est la relation qui existe entre le budget, c'est-à-dire la ligne rouge, et les chiffres réels, la ligne jaune.
Vous pouvez voir les coûts salariaux moyens de la mine Phalen pour tous les éléments. Je rappelle que le facteur important est la comparaison entre le budget et les dépenses réelles.
Le sénateur MacEachen: Il y a une série de barres qui commence à gauche du tableau. De quoi s'agit-il?
M. Shannon: Il s'agit du coût salarial moyen pour l'élément de mise en valeur de la mine Phalen. Vous voyez sur ce tableau les chiffres réels de l'an dernier, le budget de cette année et les chiffres réels de cette année.
Nous présentons les chiffres pour la mise en valeur, la face d'abattage, le transport du charbon à l'arrivée et au départ de la mine, et le transport des hommes et des matériaux à l'arrivée et au départ. Finalement, vous avez ici le coût salarial moyen de chaque élément pour la mine Phalen.
Le sénateur Murray: Quand vous parlez de cette année, s'agit-il de l'année qui a commencé il y a un mois et demi?
M. Shannon: Il s'agit de l'année qui s'est terminée en mars 1996, puisque nous avons fait ce travail en juin ou juillet denier.
Le sénateur Murray: Je vois. L'exercice en cours a commencé il y a six semaines.
M. Shannon: Ce qui veut dire que nous avons un peu de retard par rapport à vous.
Comme je l'ai dit, le facteur important est la relation qui existe entre le budget et les dépenses réelles.
Nous avons fait la même analyse pour le secteur du développement de la mine Phalen à partir d'avril 1991. La ligne noire correspond au budget mensuel entre avril 1991 et juin 1995. La ligne rouge correspond aux dépenses réelles. Comme vous pouvez le voir, les prévisions budgétaires n'ont jamais été respectées, pendant aucun mois, pour le secteur de la mise en valeur de la mine Phalen.
Le sénateur MacEachen: Que voulez-vous dire par «mise en valeur»?
Le sénateur De Bané: S'agit-il de la production?
M. Shannon: La mise en valeur désigne la construction des routes pour transporter le charbon.
Vous voyez ici les dépenses de mise en valeur pour l'année qui s'est terminée en mars 1995. En examinant les barres rouge et bleue, vous voyez que le budget n'a pas été souvent respecté.
Le sénateur MacEachen: Qu'est-ce que cela veut dire, monsieur le président? Je ne voudrais pas interrompre M. Shannon mais, lorsqu'il parle d'une barre correspondant au budget, veut-il parler des dépenses qui avaient été prévues dans le budget par la direction de l'entreprise?
M. Shannon: Exactement, sénateur. C'est le plan d'entreprise.
Le sénateur MacEachen: C'est donc les sommes que l'entreprise envisageait de dépenser dans ce domaine. C'est ce que représente l'une des barres, l'autre correspondant aux sommes effectivement dépensées?
M. Shannon: C'est cela.
Le sénateur MacEachen: Si je comprends bien, dans tous les cas envisagés, on a fait moins que ce qui était prévu.
M. Shannon: C'est vrai pour ce qui est du travail effectué mais c'est exactement le contraire pour ce qui est des sommes dépensées. Autrement dit, on a fait moins de travail que prévu dans le budget, mais on a quand même dépensé plus que ce qui était prévu -- alors que ça aurait dû être exactement le contraire.
Le sénateur MacEachen: Et cela vaut depuis 1991?
M. Shannon: Oui. Le graphique correspond au budget de la mine Phalen. Il montre que les travaux effectivement réalisés ont été inférieurs à ceux qui avaient été prévus dans le budget.
Quand nous avons fait ce constat, nous nous sommes interrogés sur la qualité du processus budgétaire.
Le sénateur Ghitter: Quels sont les chiffres correspondants?
M. Shannon: Ils figurent sur le tableau.
Le président: Il nous est difficile de les lire.
M. Shannon: Vous voyez que l'on avait au budget une somme de 53 millions de dollars et que l'on a dépensé réellement 33 millions de dollars, ce qui veut dire que nos dépenses de mise en valeur ont été inférieures de 20 millions de dollars à ce qui était prévu au budget.
Le sénateur Forrestall: Parce que vous n'avez pas pu dépenser toute la somme?
M. Shannon: Je ne connais pas la raison. Il n'en reste pas moins que cela montre qu'il y a un sérieux problème dans le secteur de la mise en valeur à la mine Phalen, et que les chiffres du budget sont inexacts.
Le graphique suivant donne les chiffres totaux de l'entreprise pour l'an dernier. Il s'agit des ventes et des dépenses d'exploitation. Vous constatez que les dépenses d'exploitation ont atteint 245 millions de dollars, pour des ventes de 224 millions.
Le graphique suivant est une ventilation des données correspondant à nos deux clients, la Nova Scotia Power Corporation et le marché d'exportation.
Vous voyez ici les données pour la Nova Scotia Power Corporation. La ligne bleue correspond aux ventes, la rouge, au coût des ventes.
Le sénateur Graham: Quels sont les chiffres correspondants, M. Shannon?
M. Shannon: Environ 175 millions de dollars pour les ventes et 177 millions de dollars pour les coûts.
En ce qui concerne l'exportation, les ventes ont atteint environ 45 millions de dollars pour des coûts de 65 millions.
L'acétate suivante illustre les résultats réels. Nous avons perdu environ 2 millions de dollars sur nos ventes de charbon à la Nova Scotia Power Corporation, et environ 23 millions de dollars sur nos ventes à l'étranger.
Si nous avions conservé les 851 000 tonnes de charbon que nous avons vendues à l'étranger l'an dernier, afin de les vendre à la Nova Scotia Power Corporation aux prix convenus avec celle-ci, nous aurions réalisé un profit de 3 millions de dollars au lieu d'une perte de 20 millions. Voilà la différence qu'il y a entre le prix de vente à l'étranger et le prix de vente à la NSPC.
Le sénateur Forrestall: S'agit-il du cours mondial du charbon?
M. Shannon: Oui. C'est la différence entre le prix figurant dans le contrat de la NSPC et le cours mondial. Elle n'est pas négligeable.
L'acétate suivante contient les chiffres réels pour 1994, la situation en mars 1995 et le budget de 1996. C'est le budget avec lequel nous avons travaillé l'an dernier lorsque nous tentions de faire le point sur les problèmes de l'entreprise.
Nous exploitons deux mines de charbon, Prince et Phalen. Fin mars 1995, la production réelle de la mine Prince était de 1 373 000 tonnes. Pour l'année suivante, on avait prévu 1 427 000 tonnes dans le budget, soit 54 000 tonnes de plus. Les coûts d'exploitation de la mine Prince étaient de 49 527 000 $, pour une production de 1,3 million de tonnes, et ils seront de 47 300 000 $ pour 1,4 million de tonnes, soit une baisse de 2,5 millions.
Fin mars 1995, la mine Phalen avait produit 1 880 000 tonnes, et l'on avait prévu 2,4 millions de tonnes dans le budget de l'année suivante, soit 558 000 tonnes de plus. Les coûts d'exploitation de la mine Phalen, pour 1,8 million de tonnes, s'élevaient à 73 500 000 $. Les coûts prévus dans le budget pour 2,4 millions de tonnes étaient de 9,5 millions de dollars de moins.
À mes yeux, il y a manifestement quelque chose qui ne va pas dans ce budget. Après avoir analysé les chiffres, j'ai conclu que l'on avait établi un budget de convenance pour essayer de convaincre Ottawa que la mine gagnerait de l'argent cette année.
Le sénateur Buchanan: Qui avait préparé ce budget?
M. Shannon: L'entreprise. On a adapté le budget aux besoins, mais je suis sûr que la Société de développement du Cap-Breton n'est pas la seule à agir ainsi.
Je voudrais vous montrer trois indicateurs clés auxquels nous allons attacher beaucoup d'importance à l'avenir. Je parle ici de la mine Prince. Ces indicateurs sont les suivants: les heures supplémentaires, l'indemnisation des accidents du travail et l'absentéisme. Pour l'année terminée en mars 1995, on avait prévu dans le budget 850 000 $ d'heures supplémentaires mais les dépenses réelles ont été de 3,3 millions de dollars. En ce qui concerne l'indemnisation des accidents du travail, il y avait 1,7 million de dollars dans le budget mais les dépenses réelles ont atteint 2,3 millions. Pour ce qui est du taux d'absentéisme, on avait prévu 10 p. 100 dans le budget mais il a été en réalité de 18 p. 100.
L'année suivante, on avait prévu dans le budget 1,7 millions de dollars au chapitre des heures supplémentaires mais, en juillet -- c'est-à-dire quatre ou cinq mois seulement après le début de l'exercice financier -- nous avions déjà dépensé 931 millions de dollars à ce chapitre. En ce qui concerne l'indemnisation des accidents du travail, il y avait 1,6 millions de dollars dans le budget mais nous avons dépensé en réalité 655 000 $; finalement, alors qu'on avait prévu dans le budget 10 p. 100 d'absentéisme, le taux réel a été de 17 p. 100.
La même chose vaut pour la mine Phalen. En ce qui concerne les heures supplémentaires, il y avait 2,7 millions de dollars dans le budget, contre 5,5 millions de dollars en réalité; pour les accidents du travail, 2,1 millions de dollars dans le budget, contre 3,4 millions en réalité; pour l'absentéisme, 10 p. 100 dans le budget, contre 20 p. 100 en réalité.
Lorsque nous avons commencé à préparer le plan d'entreprise pour l'année suivante, nous savions qu'il fallait réduire ces chiffres. Nous avons donc prévu 2,1 millions de dollars d'heures supplémentaires, 1,9 million d'indemnisation des accidents du travail, et 10 p. 100 d'absentéisme. Malgré cela, en juillet 1995, le taux d'absentéisme atteignait 21 p. 100.
Le sénateur MacEachen: Si je vous comprends bien, ces données historiques sont destinées à faire la lumière sur le processus de planification, n'est-ce pas? Autrement dit, quand vous parlez de «budget», vous voulez dire que la direction de l'entreprise a estimé qu'il y aurait 10 p. 100 d'absentéisme, ce qui correspondait à certains coûts qu'elle avait intégrés à son budget.
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ces questions, il est important que tout le monde comprenne bien ce que dit M. Shannon.
M. Shannon: C'est cela. En fait, après cette analyse, nous ne pouvions nous fier ni au plan d'entreprise, ni au processus de budgétisation.
Qu'avons-nous fait? Nous avons invité tous les directeurs généraux à une réunion au cours de laquelle nous avons revu chaque activité comme si elle avait cessé. Je veux dire par là que nous avons demandé aux gestionnaires de nous dire combien d'employés leur seraient nécessaires pour chaque processus. Ensuite, nous avons comparé les résultats à la situation réelle.
En vertu de notre mandat, nous devrons fournir au gouvernement -- qui est notre actionnaire -- à l'automne une version actualisée du plan d'entreprise. Nous ne sommes pas loin de l'automne et nous devrons avoir un nouveau plan d'entreprise pour le reste de l'année.
Nous avons ensuite fait le point général de la situation en novembre 1995. Le ministre nous avait demandé de proposer plusieurs options au gouvernement. Nous en avons examiné deux: le statu quo et la fermeture. La fermeture pourrait être envisagée soit de manière immédiate, c'est-à-dire au printemps de 1995, soit de manière plus ordonnée, c'est-à-dire par étapes jusqu'en 1998 environ. Nous devions également établir un plan de rentabilité et un plan de privatisation.
Nous avons évalué le pour et le contre de chaque option, avec les coûts correspondants. Pour chaque secteur d'activité, nous avons calculé les coûts d'exploitation avec une équipe de travail, deux équipes et trois équipes, puis nous avons combiné le tout pour voir comment l'entreprise fonctionnerait. Nous avons fait ce travail à l'automne.
À ce moment-là, les gestionnaires de nos divers sites commençaient à enregistrer des progrès. Si nous revenons aux trois indicateurs dont je parlais plus tôt, les heures supplémentaires qui étaient de 9 p. 100 en avril 1995 étaient tombées à 9 p. 100 en décembre; le taux d'absentéisme était passé de 23 p. 100 à 16 p. 100, et le taux de fréquence des accidents, de 38 p. 100 à 14 p. 100.
Le système de gestion que nous nous efforcions de mettre en place commençait donc à produire des effets sur l'entreprise et à convaincre les parties concernées qu'il devait être possible de maintenir l'entreprise en exploitation, à condition de lui donner un bon système de gestion.
Voyons maintenant les données financières de décembre 1995, soit le budget et les dépenses réelles.
Alors qu'on avait prévu un excédent de trésorerie et de revenu d'exploitation de 2,5 millions de dollars, nous avons enregistré une perte de 11 millions de dollars. Nous avons eu aussi des dépenses d'amortissement de 29 millions de dollars et des dépenses d'investissement de 4,8 millions. Si on élimine l'amortissement, pour calculer les liquidités réelles, on constate des pertes d'environ 16 millions de dollars fin décembre.
Je vous rappelle que le gouvernement du Canada avait donné en 1991 à la Société de développement du Cap-Breton le mandat d'être financièrement autosuffisante en cinq ans. Pour atteindre cet objectif, l'entreprise avait besoin de 155 millions de dollars. Après le 1er avril 1995, le gouvernement n'allait plus donner d'argent à la Société de développement du Cap-Breton.
Voilà donc la situation où nous en sommes. Nous avons des pertes de 16 millions de dollars, nous en informons le gouvernement, et celui-ci nous dit qu'il n'a aucune idée d'où viendra cette somme. Il n'y a aucune possibilité, dans l'énorme système qu'est le gouvernement fédéral, de couvrir ce manque-à-gagner.
Nous avons fait des projections jusqu'à la fin de l'année, pour voir où nous en serions à ce moment-là. N'oubliez pas qu'un plafond s'est effondré à la mine Phalen, fin novembre, ce qui complique la situation. Étant donné que l'on prévoyait en décembre que le puits 7 Est aurait été remis en état et aurait repris ses activités beaucoup plus rapidement que cela n'a été le cas, nous avions prévu de finir l'année avec un excédent de trésorerie de 500 000 dollars. Dans la version révisée de novembre de notre budget, nous envisagions des pertes de 9,3 millions de dollars, mais nous prévoyons aujourd'hui qu'elles atteindront 20 millions de dollars. Nous perdons environ 1,5 million de dollars par mois. Ce chiffre ne comprend pas l'amortissement mais simplement les pertes mensuelles.
Rien n'est encore prévu à Ottawa pour payer cette facture. Voilà pourquoi nous avons dû prendre le 9 janvier la décision terrible que nous avons annoncée, soit la mise à pied de 1 200 personnes. Nous avons négocié avec nos employés une mise à pied de 1 200 personnes pendant 8 à 10 semaines. À ce moment-là, nous envisagions que cela nous permettrait de réduire nos dépenses d'environ 1 million de dollars par mois, ou 200 000 $ par semaine, pour combler la différence entre les 9,4 millions de dollars de pertes que nous avions annoncées au ministre et les 20 millions de dollars de pertes que nous allions probablement enregistrer. Nous n'avions pas d'autre choix que de mettre 1 200 personnes à pied en janvier.
Vous avez vu quel était le processus de budgétisation. Je vous ai parlé un peu de la situation avec notre principal client, la Nova Scotia Power Corporation, qui est en fait notre seul client depuis deux ans parce que notre production n'a pas été assez élevée pour pouvoir vendre du charbon à n'importe qui d'autre ou à l'étranger. En même temps, nous avons fait face à toutes sortes d'autres problèmes.
Nous avons demandé au vérificateur général d'analyser notre situation financière au 31 octobre 1995 car nous avions perdu complètement confiance dans les chiffres de l'entreprise et que nous voulions savoir exactement où nous en étions.
Le vérificateur général a fait ce travail mais, au lieu de présenter un nouveau rapport annuel ou un rapport spécial en octobre, il a décidé d'intégrer cette vérification à la vérification de fin d'année qui devait être faite pour le 31 mars et qui était déjà en préparation. Nous avons reçu une ébauche des conclusions du comité de vérification, ce qui nous a permis de mieux comprendre la situation de l'entreprise.
Au même moment, une enquête relativement approfondie était en cours de la part de nos agents de sécurité interne, des services de police régionaux et de la GRC au sujet d'une activité concernant la Société de développement du Cap-Breton. Cette enquête a duré 3 ou 4 mois. Je n'en parlerai pas en détail car l'enquête n'est pas complètement terminée, mais celle-ci a déjà abouti au renvoi de certains de nos employés qui feront l'objet de poursuites pour vol et pour d'autres choses.
Pour vous donner une idée des résultats de l'enquête, elle nous a appris qu'il y avait à l'usine de lavage de Victoria Junction 3 665 paires de gants pour 121 employés, soit 29 paires par employé. À Phalen, il y en avait 11 000 paires, soit 13 par employé. Le 28 février, l'usine de lavage de Victoria Junction était fermée. Pourtant, ce jour-là, des paires de bottes d'une valeur totale de 1 000 $ ont été remises au personnel. En 1995, 252 paires de pantalons protecteurs pour les employés des brûleurs ont été livrés, alors qu'il y a au maximum 30 personnes qui en ont besoin.
Cela vous donne une idée de la situation. Pratiquement n'importe qui, même un sénateur, pouvait avoir accès à notre système informatique, commander pour 10 000 $ de baguettes de soudage, par exemple, indiquer qu'elles avaient été reçues et passer un ordre de paiement. Il n'y avait aucune sécurité dans notre système.
Il n'est pas exagéré de dire qu'il y avait beaucoup de failles dans l'entreprise. Il y avait très peu de contrôle. Tout était accessible. En fait, si l'on m'a recruté, c'est peut-être parce que j'étais autrefois camionneur et qu'on aurait pu faire passer un camion dans les failles de l'entreprise.
Au départ, la ministre m'avait demandé de voir si les charbonnages pouvaient être une industrie viable au Cap-Breton. Si ma réponse était négative, elle voulait pouvoir prendre les mesures requises, c'est-à-dire fermer les charbonnages et les remplacer par autre chose. Dans le cas contraire, elle voulait voir ce qu'il fallait faire pour que l'entreprise soit rentable.
En fait, dès le début de l'année, j'ai pu la convaincre qu'il était possible d'exploiter une industrie viable du charbon au Cap-Breton puisque nous avions du charbon, du personnel et un client. Il s'agirait simplement de bien coordonner ces trois éléments. Ça ne paraissait pas très compliqué.
En outre, si le gouvernement fédéral devait rester présent dans l'industrie du charbon du Cap-Breton, la ministre estimait que les autres parties prenantes devraient jouer un rôle plus important dans le développement de l'entreprise. C'est dans ce contexte que nous avons entrepris un large débat public. J'ai organisé des séances d'information avec les médias une fois toutes les deux semaines pour stimuler l'intérêt de la population locale et favoriser les débats. La ministre voulait qu'il y ait des consultations sérieuses de toutes les parties prenantes, ce dont nous nous sommes occupés.
Nous avons entrepris des consultations avec 5 syndicats, soit les United Mine Workers, le SCFP, l'AIM, et les TCA, ainsi qu'avec les cadres, le gouvernement provincial, les municipalités, les gens d'affaires et la collectivité. Notre objectif était d'organiser une réunion avec chacun de ces groupes pour communiquer un plan. Nous avons donc préparé un plan préliminaire, que nous appellerions probablement un Livre blanc si nous venions du Haut-Canada. Ce plan contenait la série d'options dont j'ai parlé plus tôt. On y trouvait l'analyse de toutes les options puis un plan préliminaire intégrant divers éléments des options. Chacun de ces groupes nous a communiqué une semaine plus tard son opinion et ses recommandations sur les options proposées. La participation au projet a été excellente.
Ensuite, l'entreprise devait revoir son plan préliminaire en tenant compte de la contribution de toutes les parties consultées. Le conseil d'administration devait l'examiner et l'approuver, après quoi nous devions adresser le plan au ministre pour obtenir l'approbation du gouvernement fédéral. C'est le processus qui avait été envisagé.
Voici quelques-uns des facteurs pris en considération dans l'élaboration du plan d'entreprise. Le premier était de rétablir de bonnes relations avec notre principal client, la Nova Scotia Power Corporation, afin d'entreprendre de bonnes négociations à l'expiration du contrat, en l'an 2000. Je vous rappelle qu'il y a trois éléments du contrat qui doivent être renégociés tous les cinq ans.
Le deuxième facteur est que nous allions faire concurrence non seulement à des sociétés étrangères pouvant fournir du charbon au cours mondial mais aussi, vraisemblablement, à des fournisseurs étrangers de gaz naturel ou de méthane.
Nous savons combien nous allons recevoir d'argent de la Nova Scotia Power Corporation jusqu'à l'an 2000 mais, plus tard, les négociations seront difficiles. Il est donc essentiel que nous devenions rentables d'ici là, en réduisant nos coûts.
Évidemment, notre principale préoccupation doit être la Nova Scotia Power Corporation. Nous n'allons pas abandonner l'exportation, mais ce ne sera pas notre priorité. Dans les trois ou quatre dernières années, l'entreprise a axé tous ses efforts sur l'exportation. Nous continuerons de vendre à l'étranger lorsque nous aurons du charbon à vendre et que le prix sera satisfaisant. Considérant nos niveaux de production, nous allions devoir vendre 3 000 à 5 000 tonnes de charbon par an à l'étranger.
Autre facteur à prendre en considération, les propositions reçues du syndicat et des employés. Nous avons communiqué toutes ces informations aux groupes que nous avons rencontrés, y compris à des représentants du clergé, à des gens d'affaires et à des élus municipaux. Suite à ce processus, on nous a recommandé un système de relations par objectifs, c'est-à-dire un processus de résolution des problèmes axé sur la coopération syndicale-patronale. L'opinion des parties consultées était que le gouvernement devrait assumer le passif annuel du régime de pensions, réviser le programme de retraite anticipée et reporter une partie des paiements annuels relatifs au passif du régime de retraite sans capitalisation, et qu'il faudrait élaborer un plan pour la mine Phalen, avec une étude de génie exhaustive.
Les autres propositions concernaient l'extraction du méthane du lit de charbon, l'évaluation de l'efficience énergétique, la politique d'achats, le rétablissement d'un bail de 20 ans pour la mine Donkin avec la Nouvelle-Écosse et l'étude de l'option nord-sud de la mine Prince.
D'autres recommandations formulées par le syndicat et par les employés concernaient la technologie d'exportation, c'est-à-dire la formation, la sous-traitance et la consultation, la normalisation de l'équipement, qui est un secteur problématique de la Société de développement du Cap-Breton, et l'exploitation du méthane.
Nous avons tenu trois réunions avec chaque groupe. Lors de la première, nous avons présenté notre plan préliminaire, avec une série d'options et diverses informations. Lors de la deuxième, nous avons recueilli les réactions et les propositions. Lors de la troisième, nous avons présenté le plan d'entreprise accepté par le conseil d'administration et par le gouvernement. Cela nous amène au printemps de cette année.
Le gouvernement fédéral a donné à la direction de la Société de développement du Cap-Breton l'instruction de devenir rentable sur le plan commercial. Cela veut dire que nous devons être capables de faire concurrence aux entreprises du secteur privé et aux fournisseurs de combustibles de remplacement. Il ne suffit pas que nous soyons une société minière rentable, il faut aussi que nous soyons compétitifs. Il existe au Canada bien des exemples d'entreprises qui ont échoué parce qu'elles n'étaient pas compétitives, même si elles étaient rentables. Je songe en particulier à la société minière Dennison, qui bénéficiait d'un contrat favorable avec Ontario Hydro mais qui a fait faillite lorsqu'elle a dû faire face à la concurrence.
Vous trouverez beaucoup de détails dans le plan d'entreprise, et c'est George White qui vous le présentera, mais il y a plusieurs points auxquels le conseil d'administration portera une attention particulière. L'entreprise et son conseil sont résolus à mettre en oeuvre un plan multi-accès à la mine Phalen, ce qui a fait l'objet d'une vigoureuse recommandation du groupe Boyd recruté par le gouvernement fédéral pour étudier les charbonnages de la Société de développement du Cap-Breton. C'est également une recommandation que la municipalité a adressée au nouveau gouvernement régional du Cap-Breton.
Nous nous sommes également engagés à consacrer 300 000 $ à l'étude de l'exploitation minière sélective à la mine Prince. Cela faisait l'objet d'une recommandation des TCA, et M. White pourra vous donner des précisions à ce sujet.
M. George R. White, président-directeur général, Société de développement du Cap-Breton: Les TCA sont le syndicat qui représente les inspecteurs des mines. En 1984, nous avions des problèmes à la mine Prince car il y avait trop de cendre dans le charbon. À l'époque, nous avions demandé aux employés si nous pourrions modifier nos méthodes d'exploitation pour améliorer la qualité du charbon. Je suppose que les représentants des TCA s'en sont souvenus car, dans le cadre des consultations, ils ont dit que l'on pourrait peut-être transformer nos méthodes d'exploitation pour rehausser la qualité de notre produit. C'est une recommandation que nous avons retenue.
Il existe de nombreux exemples de sociétés minières, pas seulement dans le secteur du charbon, qui peuvent contrôler la qualité de leur production en organisant correctement le travail d'extraction. Cela permet d'économiser de l'argent car la cendre et le soufre peuvent être séparés au fond du puits et n'ont pas à être ramenés en surface. Cela permet d'amener un produit de meilleure qualité à l'usine de lavage et, en fin de compte, de réduire les coûts.
En revanche, cette procédure exige une technologie de pointe et n'est pas aussi simple dans l'industrie du charbon que dans d'autres industries minières. Selon nous, si nous pouvions apprendre à nos employés à utiliser les ordinateurs pour automatiser le processus d'extraction, cela serait d'excellent augure non seulement pour les activités actuelles mais aussi pour l'avenir. Lorsque l'entreprise se sera rétablie et qu'elle voudra étendre ses activités dans de nouvelles mines, par exemple à Donkin, elle pourra avoir immédiatement recours à cette technologie.
Vous entendrez dans quelques jours des représentants des TCA et je puis vous dire que leurs recommandations à ce sujet étaient excellentes. Nous avons l'intention d'en tirer parti et c'est le genre de coopération que nous attendons de nos employés.
M. Shannon: Nous avons également décidé d'adopter un programme de gestion de la qualité, comme nous l'ont recommandé le syndicat et les employés. Il est très important de continuer à normaliser l'équipement et à regrouper les stocks. Ces dernières années, l'entreprise a réussi à réduire ses frais d'entreposage d'environ 12 millions de dollars mais, considérant les informations que je vous ai données plus tôt au sujet des gants et des vêtements de protection, nous pouvons faire encore mieux. Nous allons nous y efforcer.
Nous allons également continuer les efforts déjà entrepris pour réduire notre consommation d'énergie.
La dernière chose dont je voudrais vous parler concerne un rapport d'étape trimestriel sur nos indicateurs clés. Plusieurs groupes qui s'intéressent à nos activités nous ont recommandé de produire un tel rapport, notamment des représentants du clergé. Ils tiennent en effet à suivre de près l'évolution de nos progrès pour redresser l'entreprise. Comme les sociétés du secteur privé publient des rapports trimestriels, nous allons faire de même. Ces rapports seront mis à la disposition du public et de toute partie intéressée. Ils porteront sur certains indicateurs clés. Nous n'en avons pas encore fixé le format définitif mais nous espérons le faire bientôt.
Considérant l'importance de l'entreprise pour la collectivité, et la nécessité d'établir une relation de confiance entre les deux, Steve Drake a recommandé l'intervention d'un groupe externe. En règle générale, le rapport annuel des sociétés cotées en Bourse est approuvé par un cabinet comptable. Nous discutons de cette proposition avec un cabinet comptable indépendant pour savoir combien cela nous coûterait et ce qu'exigerait la préparation d'un rapport trimestriel. Voilà le genre d'idées que nous avons glanées pendant les consultations.
Comme on n'a pas manqué de le souligner, l'un des problèmes de la Société de développement du Cap-Breton concerne la formation professionnelle. Cela a été l'un des thèmes principaux des consultations avec la municipalité. Nous allons consacrer beaucoup d'efforts à la formation de nos gestionnaires et de nos superviseurs. L'une des difficultés vient de ce que les superviseurs de première ligne de la Société de développement du Cap-Breton font partie du SCFP et que les gens qui travaillent pour eux font partie des United Mine Workers. Or, il y a de temps à autre des conflits entre les deux syndicats et les relations sont parfois très difficiles. Il n'en reste pas moins que nous tenons à rehausser les compétences de nos gestionnaires et de nos superviseurs.
Nous devrons également déployer des efforts considérables pour préparer le recours à la technologie d'accès multiple au cours des prochaines années. Nous allons financer un programme de formation à la gestion de la qualité, comme l'a recommandé le syndicat.
La production de la mine Phalen sera de 1,9 million de tonnes et se stabilisera ensuite à 2,3 millions. Pendant les premières années, l'exploitation ira jusqu'à 8 000 à 10 000 mètres, après quoi elle se stabilisera à 7 400 mètres. Cela s'explique par le fait que nous avons une année et demie à deux années de retard dans nos activités de mise en valeur. Nous avons beaucoup de rattrapage à faire. Il faudra que notre rythme annuel de mise en valeur augmente considérablement si nous voulons être compétitifs. D'ici environ un an et demi, nous voulons mettre en oeuvre le programme de formation à l'accès multiple dont nous avons parlé, au fond du puits 9 Est et en haut du puits 10 Est. Le succès de la mine Phalen est crucial pour la survie de l'entreprise.
Le sénateur Murray avait demandé que nous fassions des comparaisons. J'ai donc apporté avec moi un exemplaire de notre plan préliminaire et vous pourrez voir à la deuxième ligne les changements qui ont été effectués pour arriver au plan définitif.
Vous pouvez ainsi constater que nous avions envisagé dans le plan préliminaire de produire 1,6 million de tonnes et que nous allons finalement en produire 1,9 million. C'est une question d'échéancier.
Le sénateur Murray: Cette année, monsieur Shannon?
M. Shannon: Oui. Je parle du plan de cette année, qui va d'avril 1996 à mars 1997.
Le sénateur Murray: En examinant le plan du printemps, qui a fait l'objet des consultations, et le plan approuvé un peu plus tard par le gouvernement, je constate qu'il y avait une projection de cinq ans. J'ai les chiffres sous les yeux et j'ai l'intention d'en discuter avec vous un peu plus tard.
M. Shannon: La différence entre ces deux chiffres résulte de la date de mise en exploitation du puits 7 Est. Dans le plan préliminaire, le puits devait entrer en production un peu plus tôt et une partie de sa production aurait donc été attribuée à l'année passée. Le seul autre changement concerne la production par équipe de mineurs. Les autres éléments du plan quinquennal n'ont pas changé. La production par équipe va passer de 9,9 dans le plan d'origine à 11,5 car nous allons produire 300 000 tonnes de plus avec le même nombre d'employés.
Je voudrais parler aussi des coûts, qui devaient être de 48 dollars la tonne la première année et qui seront ramenés à 41 dollars gråce à la production de 300 000 tonnes supplémentaires.
Je n'ai pas l'intention d'aborder les options qui ont été examinées lors des consultations. Il y en avait plusieurs pour la mine Prince, dont l'une était d'utiliser trois équipes pendant 4 mois, ce qui correspondait au scénario de base, pour produire environ 380 000 tonnes. Une autre option consistait à produire la même quantité de charbon avec une seule équipe pendant 10 mois. Nous aurions pu également envisager d'utiliser deux équipes en continu, avec un plan d'exploitation normal. C'est la solution que nous avons retenue dans le plan. Vous avez vu également ce qui est prévu pour la mise en valeur de l'option nord-sud. Je vous ai exposé certaines des propositions du personnel et celle du groupe Boyd. C'est ce qu'il y avait dans le Livre blanc, si vous voulez.
Cette année, 1996-1997, nous produirons 688 000 tonnes à la mine Prince. L'année suivante, qui commencera en avril, nous passerons à deux équipes, ce qui nous permettra de produire 1 million de tonnes par an. Nous aurons des activités de mise en valeur de deux équipes pour 3 800 mètres par an, et nous irons de l'avant avec l'option nord-sud recommandée par le syndicat. Il y a encore des études à faire à ce sujet mais l'argent est prévu dans le budget. La seule décision qui reste à prendre est une décision technique confirmant les plans de génie qui ont été élaborés. C'est une décision que nous n'avons pas à prendre avant mars 1997.
Le sénateur De Bané: Par rapport à l'an dernier, quelle hausse de production envisagez-vous à la mine Prince? Si vous atteignez vos objectifs, quel sera le pourcentage d'augmentation?
M. Shannon: Par rapport à quoi?
Le sénateur De Bané: Vous avez parlé de la production prévue à la mine Prince. Par rapport à la production de l'an dernier, quelle sera l'augmentation?
M. Shannon: Nous avons produit environ 1,4 million de tonnes pendant l'année qui s'est terminée en mars 1996. Il y avait trois équipes de travail. À partir de l'an prochain, nous aurons deux équipes, ce qui ramènera la production à 1 million de tonnes. Nous allons donc baisser la production. Cependant, comme nous allons continuer de réduire nos coûts, nous aurons plus tard la possibilité de rehausser la production en faisant appel à une équipe supplémentaire.
Voici une comparaison entre le plan préliminaire et le nouveau plan. Le sénateur Murray connaît sans doute cela mieux que moi. Dans le plan préliminaire, on envisageait 659 000 tonnes alors que nous allons en produire 688 000. En outre, au lieu de 387, qui est le chiffre de l'année précédente, nous aurons 1 million de tonnes.
Notre main-d'oeuvre va diminuer. Nous allons passer à 384 employés, contre 550, et l'effectif se stabilisera ensuite à 376. Pour 1996-1997, les coûts d'exploitation de Prince augmenteront sensiblement car il y aura des activités de mise en valeur que nous n'avions pas prévues auparavant. Les coûts vont donc passer de 43 $ à 48 $ la tonne. Pour ce qui est du reste du programme, il est pratiquement identique à celui du plan préliminaire.
En ce qui concerne les activités de surface, nous allons essayer de minimiser nos dépenses en restant le plus souples possible pour tirer parti des possibilités de profit. Les activités du personnel seront ajustées pour tenir compte de la baisse du niveau des ventes. Certaines installations seront entretenues pour qu'elles restent en disponibilité. Nous aurons des possibilités d'accroissement des activités de surface à mesure que nous réduirons nos coûts, que nous deviendrons compétitifs et que nous vendrons plus de charbon.
Tout ce plan concerne la vente de charbon non lavé, avec l'exportation de 700 000 tonnes de charbon ordinaire. Les coûts des activités de surface sont fondamentalement les mêmes que ceux du plan préliminaire. Il y a une différence de 80 cents à 1 dollar la tonne parce que nous allons manutentionner des quantités plus importantes et obtenir une production plus élevée.
J'ai aussi apporté nos prévisions de vente et de production. Nous vendrons 2,6 millions de tonnes la première année, puis 3,2 et 3,3 millions de tonnes. La Nova Scotia Power Corporation nous achètera entre 2,2 et 2,4 millions de tonnes, le reste étant destiné à l'exportation.
Le sénateur Buchanan: Le reste sera-t-il du charbon ordinaire?
M. Shannon: Oui. C'est sur cette hypothèse que nous avons fait nos calculs. Si nous avons l'occasion de vendre du charbon métallurgique, à un prix plus élevé, et nous espérons que ce sera le cas, nous ferons le lavage nécessaire.
Vous voyez sur l'acétate suivante les prévisions financières pour cinq ans. Il y a plusieurs lignes qui représentent les recettes, les frais d'exploitation, l'excédent d'exploitation, le capital et la marge brute d'autofinancement, ce qui est un facteur très important. C'est l'argent que nous obtenons en extrayant du charbon.
Le président: Il semble que certains sénateurs n'ont pas le document.
M. Shannon: Nous veillerons à ce que tout le monde en reçoive un exemplaire.
Le sénateur MacEachen: Pourriez-vous nous dire de quel document il s'agit?
Le président: Du Sommaire du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton, 1996 à 2000.
Le sénateur MacDonald (Halifax): C'est le plan du gouvernement.
Le sénateur Murray: Non. C'est celui qui a été approuvé par le gouvernement.
Le sénateur MacDonald (Halifax): C'est ce que je dis, c'est le «plan du gouvernement».
Le sénateur Murray: D'accord.
M. Shannon: Comme je le disais, la marge brute d'autofinancement avant les coûts de la retraite est très importante.
Si nous atteignons les objectifs établis pour cette année, nous aurons une MBA de 20 millions de dollars; l'année suivante, elle sera de 30 millions de dollars; l'année suivante de 49,5 millions de dollars, et l'année suivante de 58,5 millions de dollars. Pensant la dernière année, le chiffre devrait atteindre 61 millions de dollars.
Nous avons cependant une responsabilité supplémentaire, celle des pensions de retraite que nous devons payer à tous nos anciens employés. Cette année, cela nous coûtera 55,5 millions de dollars. Les années suivantes, nous paierons successivement 57 millions de dollars, 58, 35 puis 34. Sur cinq ans, cela fait un total de 241 millions de dollars. De ce fait, l'entreprise perdra 80 millions de dollars dans les trois premières années d'exploitation.
La première année, nous aurons 20 millions de dollars de profit mais nous devrons payer 55 millions de dollars, ce qui produira une perte de 35 millions. Nous obtiendrons cette somme du ministère. L'année suivante, nous perdrons 26 millions de dollars, après avoir payé 57 millions de dollars de pensions de retraite, et nous pourrons tirer 26 millions de dollars de plus. Ce sera la même chose la troisième année. Ensuite, nous pourrons tirer 9 millions de dollars, ce qui aura fait en tout près de 79 millions. Cela représente le montant du prêt que le gouvernement du Canada est prêt à consentir à l'entreprise. Je souligne qu'il s'agit d'un prêt avec intérêt qu'il faudra rembourser.
Si nous atteignons les objectifs du plan d'entreprise, nous enregistrerons la quatrième année un excédent de 23 millions de dollars, après avoir payé les pensions de retraite.
Le sénateur Murray: Je suis en train de comparer les informations de l'acétate à celles du sommaire du plan d'entreprise. J'ai l'impression qu'il manque dans ce dernier la ventilation des coûts de retraite et de la stratégie des ressources humaines. C'est ce que vous allez nous donner? Vous allez ventiler le chiffre de 55 567 000 $?
M. Shannon: Oui. Je vais vous donner les trois composantes. Voulez-vous que je le fasse maintenant?
Le président: Avez-vous ces acétates sur papier, M. Shannon?
M. Shannon: Nous en produirons des copies sur papier avant de quitter Ottawa.
Vous voyez sur l'acétate les chiffres de 30 millions de dollars, 29 millions, 29,5 millions, 6,5 millions et 6,3 millions. Il s'agit du coût des pensions de retraite. Le montant tourne autour de 30 millions de dollars pendant chacune des trois premières années, mais il n'est plus ensuite que de 6,5 millions.
La Société de développement du Cap-Breton a un généreux programme de pensions d'invalidité qui n'est pas capitalisé. À la fin des années 80, la direction de l'entreprise a décidé de comprimer ses effectifs et, pour ce faire, elle a eu recours au programme de pensions d'invalidité. Après avoir découvert cette pratique, quelques années plus tard, le Surintendant des institutions financières y a mis un terme. En 1991, il a déclaré que l'entreprise devait capitaliser totalement ce régime de pensions d'invalidité, dans le cadre de son plan d'entreprise. De ce fait, nous avons dû payer 23 à 24 millions de dollars de plus par an pour capitaliser le régime.
Le régime sera complètement capitalisé en mars 1999. À ce moment-là, notre passif au titre des pensions passera de 30 millions de dollars à 6,2 millions.
Nous nous sommes adressés à de nombreuses reprises au Bureau du Surintendant des institutions financières, notamment lorsque la NSPC ne payait pas ses factures. Comme nous manquions désespérément de liquidités, nous avons demandé au Surintendant des institutions financières de nous autoriser à prolonger la période de capitalisation du régime, de façon à réduire les paiements effectués à ce titre de 10 ou 12 millions de dollars par an. Nous avons essuyé un refus complet. Il y a eu de longues discussions mais cela n'a rien donné pour nous.
La ligne suivante du graphique porte sur l'indemnisation des accidents du travail.
Le sénateur Murray: Je devrais peut-être attendre que vous ayez terminé pour vous poser des questions sur ce sujet mais, puisque vous avez les informations à votre disposition, je vais vous interroger tout de suite.
Je suis troublé par l'ampleur du passif du régime de pensions. J'ai compris ce que vous avez dit au sujet du régime de pensions d'invalidité et des exigences du Surintendant des institutions financières, mais j'ai entre les mains une note -- je crois qu'elle provient de l'un des documents préparés par nos chercheurs -- disant que la société cotise à deux régimes de pensions. Le premier est un régime valable pour toute l'industrie, sans contribution, qui existait avant 1982.
M. Shannon: Oui.
Le sénateur Murray: Selon nos informations, son passif serait de 67,5 millions de dollars.
M. Shannon: Il s'agit du passif à vie, c'est-à-dire en vigueur jusqu'à ce que les gens qui en bénéficient cessent de recevoir leur pension.
Le sénateur Murray: Mais il y a aussi un autre régime, avec contribution, qui a été mis sur pied assez récemment et qui enregistre un léger excédent.
J'essaie de calculer le total net du passif non capitalisé. J'ai vu aussi d'autres chiffres concernant les frais environnementaux dont l'entreprise a hérité. Voulez-vous en parler maintenant ou plus tard?
M. Shannon: Nous pouvons en parler maintenant, si vous voulez. Cela fait partie des facteurs dont nous devrons tenir compte pour les cinq prochaines années. Évidemment, nos responsabilités en matière de pensions ne seront pas éteintes au bout de cinq ans. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il s'agit là d'une responsabilité à vie. Le fardeau est très lourd en ce moment, à cause des conditions qui nous ont été imposées par le Surintendant des institutions financières en 1991. Il ne nous a pas donné beaucoup de temps. Il veut que le régime de pensions soit complètement capitalisé d'ici à mars 1999, et c'est lui qui a fixé le barème des paiements. C'est pour cette raison que nous payons 24 ou 30 millions de dollars de plus par an pendant les trois premières années du plan d'entreprise. Cela dit, nous aurons toujours des pensions à payer après cette période, tant et aussi longtemps que ces personnes auront droit à une pension.
Voulez-vous connaître le passif total de l'entreprise au titre des pensions, en cas de fermeture?
Le sénateur Murray: Ma question est beaucoup plus simple que cela. L'automne dernier, quand vous prépariez cette nouvelle version du plan d'entreprise, vous avez dit que l'une des conditions indispensable au redressement des finances était de transférer les «coûts sociaux» au gouvernement fédéral. La question est donc évidente: quelle est la somme qui relève directement de l'entreprise? Je soupçonne que vous avez un avis à ce sujet.
Au paragraphe suivant du plan d'entreprise, vous dites que vous auriez besoin de 70 millions de dollars pendant toute la période, pour faire face à vos obligations, si ces coûts sociaux n'étaient pas assumés par Ottawa. Je suis frappé par la coïncidence qu'il y a entre les 70 millions de dollars de passif et le prêt de 78 ou 79 millions de dollars que vous allez obtenir du gouvernement fédéral, dont 8 ou 9 millions de dollars visent à apurer la perte de l'an dernier. Autrement dit, les 70 millions de dollars semblent correspondre parfaitement au coût dont vous vouliez vous débarrasser l'automne dernier. Vous me comprenez?
M. Shannon: Je ne suis pas sûr de bien vous comprendre.
Quand je suis venu ici, l'automne dernier, j'ai mis toutes les informations sur la table et j'ai demandé au gouvernement fédéral de trouver l'argent nécessaire pour continuer de financer l'entreprise. L'une des options que j'avais présentées consistait à éliminer les coûts sociaux. C'est de cela que je parlais.
Le sénateur Murray: Qu'est-ce qui aurait justifié cette élimination des coûts sociaux?
M. Shannon: On parle couramment de «coûts sociaux».
Le sénateur Murray: Je sais. Qu'est-ce qui aurait justifié que le gouvernement fédéral les assume? Est-ce parce que ce sont des coûts dont l'entreprise a hérité ou est-ce parce que ce sont des coûts que l'entreprise n'aurait pas à assumer si elle n'était pas une société d'État?
M. Shannon: Je ne sais pas si une société autre qu'une société d'état aurait pris la même décision.
Le sénateur Murray: Devez-vous en assumer la responsabilité?
M. Shannon: Tout dépendra de la négociation.
Je cherchais une solution pour convaincre Ottawa de continuer à appuyer l'entreprise. Pour être tout à fait honnête, je dois vous dire que cela aurait été ma dernière solution. J'ai aussi proposé au gouvernement d'éliminer complètement le problème en nous débarrassant de ce passif de 90 millions de dollars.
On trouve dans le texte de loi une ligne d'exploitation de 50 millions de dollars définie de façon très restrictive. J'avais donc aussi proposé qu'on élargisse cette définition et qu'on fasse passer le montant de 50 à 70 millions de dollars. Quand je suis venu à Ottawa, l'automne dernier, j'étais aux abois. Si nous avions dû faire faillite, j'aurais approuvé que l'on fasse quelque chose avec ces coûts sociaux, mais cela aurait clairement été mon dernier choix.
Le sénateur Murray: Vous avez dit que c'était l'une des conditions essentielles au redressement de la situation. J'y reviendrai.
Je voudrais savoir si ces sommes relèvent vraiment de votre responsabilité.
M. Shannon: Je pense que oui parce qu'il s'agit de pensions versées à des gens qui ont travaillé pour l'entreprise. La plupart d'entre eux ont travaillé pour l'entreprise depuis sa prise de contrôle par le gouvernement.
Il y a un montant pour les pensions et un autre pour l'indemnisation des accidents du travail. Sur ce deuxième point, la Société de développement du Cap-Breton est auto-assurée. Quand quelqu'un a un accident, le processus est le même que dans n'importe quelle entreprise. L'employé s'adresse à la Commission d'indemnisation des accidents du travail, qui analyse le cas et paye la pension. Ensuite, la commission nous envoie une facture correspondant au montant de la pension augmenté de frais administratifs de 15 p. 100.
Le sénateur Murray: Le maire Coady sera l'un de nos témoins demain. Les municipalités régionales ont recommandé que le gouvernement du Canada assume ce passif, et bien d'autres choses en plus, c'est-à-dire qu'il assume une bonne partie de ces coûts en créant une division distincte afin de remettre vos compteurs à zéro. Peut-être pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet avant de conclure.
Le sénateur Ghitter: J'ai du mal à comprendre vos chiffres, M. Shannon. J'ai sous les yeux un document intitulé «Sommaire de l'ébauche du plan d'entreprise, Société de développement du Cap-Breton, printemps 1996», qui contient des chiffres différents de ceux que vous nous avez montrés. J'y vois par exemple une perte de 44 millions de dollars, et non pas de 35 millions. De même, les chiffres relatifs aux pensions sont différents. Quel est le bon document?
Le président: Les bons chiffres figurent dans le document que nous a préparé la Bibliothèque du Parlement.
M. Shannon: Je reviendrai sur les 13 millions de dollars par an relatifs à l'indemnisation des accidents du travail. Il ne s'agit pas vraiment d'indemnisation des accidents mais plutôt de pensions de retraite. Les chiffres actuels à ce chapitre se trouvent à la ligne «frais d'exploitation». Ils se situent entre 4 et 6 millions de dollars par an. Il s'agit de pensions qui ont été accordées aux employés de l'entreprise par la Commission d'indemnisation des accidents du travail, et c'est un passif à vie.
La troisième ligne comporte le chiffre de 15 millions de dollars pour la stratégie des ressources humaines. Il s'agit de la fermeture de la mine Lingan et du programme actuel de compression des effectifs. Toutes ces dépenses figurent sur cette ligne.
Il y a donc trois catégories de dépenses: les pensions de retraite, les pensions de la Commission d'indemnisation des accidents du travail et les nouvelles pensions pour la mine Lingan et pour le programme de compression des effectifs.
La ligne du bas vous montre que nos frais d'exploitation seront de 77 $ la tonne, puis 67 $, 62 $ et 53 $. Voilà pourquoi il était important, dans nos négociations avec la Nova Scotia Power Corporation, que celle-ci accepte les réductions sur une période de trois ans et non pas d'un seul coup. Vous pouvez voir l'incidence qu'une baisse de 6 p. 100 peut avoir sur nos résultats. Si nous avions obtenu une baisse de 15 p. 100 ou de 18 p. 100 la première année, l'incidence aurait été tellement prononcée qu'il nous aurait été difficile d'obtenir l'appui d'Ottawa pour la continuation des opérations.
Le sénateur Buchanan: Pouvez-vous nous donner le chiffre des frais d'exploitation à la tonne, en excluant les pensions de retraite, l'indemnisation des accidents du travail et la stratégie des ressources humaines?
M. Shannon: Je n'ai pas ce chiffre mais il ne serait pas difficile de le calculer.
Le sénateur MacEachen: Peut-être pourrions-nous demander à M. Shannon de conclure son exposé, monsieur le président, afin d'aborder la deuxième étape?
M. Shannon: Je vais donc maintenant parler du réaménagement des effectifs. En vertu de la législation fédérale du travail, nous avons mis sur pied un comité mixte de planification composé de membres des United Mine Workers, de tous les autres syndicats, des cadres et de la direction de l'entreprise. C'est ce comité qui a dressé le plan d'élimination de 411 postes dans la première phase du programme de compression des effectifs. Ces postes ont pu être éliminés gråce à la réduction naturelle des effectifs et à l'octroi de primes de départ entre novembre 1995 et mars 1996. Cinquante-sept personnes ont quitté l'entreprise pendant le dernier exercice financier.
Pour la première et la deuxième années, les départs naturels concernent 65 employés. Sur la période de cinq ans, le programme normal de départs en retraite touchera 237 personnes. En une année, des primes de départ ont été accordées à 59 personnes.
Pour la suite du plan, c'est-à-dire pour les années 3 à 5, les départs naturels et les primes de départ concerneront 151 employés, ce qui nous donnera un total de 562.
L'une des préoccupations de l'entreprise concerne l'åge moyen de ses employés. En avril 1996, cet åge moyen était de 45,5 ans. Ce n'est pas vieux. En mars, cinq années plus tard, l'åge moyen sera de 49 ans.
En vertu de nos conventions collectives, les personnes sont mises à pied en fonction de l'ancienneté. Il est important, dans notre secteur, de garder le plus possible de jeunes. En conséquence, le gouvernement nous a autorisés à mettre en oeuvre un programme supplémentaire de retraite anticipée, qui commencera la deuxième année et qui concernera 153 employés.
Du fait des dispositions législatives et des conventions collectives, l'entreprise est tenue de fournir une pension de retraite ou un emploi à quiconque travaillait pour elle en août 1968. Le nombre d'employés touchés par cette disposition et qui travaillent encore pour l'entreprise est de 108. L'objectif de cette mesure était notamment d'intégrer le plus grand nombre possible d'employés.
Nous avons également un certain nombre d'employés plus ågés, à la fin de la cinquantaine ou au début de la soixantaine, qui n'ont pas 30 années de service mais 27, 28 ou moins. Nous voulons leur donner la possibilité de quitter l'entreprise avec une pension de retraite. C'est l'explication des mesures prises pour les 153. L'entreprise collaborera avec le comité mixte de planification pour élaborer un programme à l'intention de ces 153 employés. Voilà les deux éléments sur lesquels nous voulions attirer votre attention.
Les idées et propositions que nous avons formulées ne peuvent cependant réussir qu'avec l'appui et la coopération de tout notre personnel. Nous allons discuter de concessions avec les syndicats. Nous voulons que ceux-ci s'engagent fermement à l'égard d'un programme de gestion de la qualité. Nous voulons également un programme cohérent de planification des congés. Nous voulons une souplesse interprofessionnelle. Nous voulons discuter de la structure des échelles salariales et des primes et nous voulons assouplir les transferts d'employés entre les mines pour faire face aux urgences. Nous voulons discuter sérieusement de toutes ces questions dans le cadre de la négociation des conventions collectives.
Nous allons également demander à nos employés d'accepter des responsabilités individuelles. Nous voulons que chaque employé commence à assumer la responsabilité de son travail et assume une certaine responsabilité à l'égard de sa pension de retraite. Ce facteur est important car nous avons environ 1 600 personnes qui ne participent pas au programme de cotisation à la retraite. C'est seulement depuis 1982 que les employés sont obligés de cotiser au régime de retraite, mais cette clause ne peut être rétroactive. Nous avons donc des employés qui, pour des raisons variables, n'ont pas cotisé. S'ils prennent leur retraite à 55 ans, ils recevront une retraite de 170 $ par mois. S'ils la prennent à 65 ans, ils recevront 375 $ par mois. Nous voulons que nos employés commencent à assumer une certaine responsabilité à l'égard de leur pension de retraite en commençant à cotiser. Nous allons mettre sur pied immédiatement un programme d'éducation des conjoints et des familles de nos employés, afin que tout le monde comprenne bien l'avantage de la participation à un régime de retraite. L'entreprise fournit une cotisation de contrepartie de 5 p. 100. Je suis sûr que la plupart de nos employés ne le savent pas, sinon ils accepteraient tous de cotiser. Le régime de retraite est excellent.
Nous voulons que les dirigeants syndicaux assument leurs responsabilités et fassent preuve de leadership à l'égard de leurs membres. Nous opérons dans une entreprise dont la direction a toujours reproché aux syndicats d'être à l'origine de tous les problèmes, et vice-versa. Il est temps que cela cesse et que tout le monde collabore pour assurer le succès de l'entreprise. Il n'est plus acceptable aujourd'hui que la direction accuse les syndicats de ne pas vouloir s'entendre avec elle, et que les syndicats accusent la direction.
Je vais en rester là pour que nous puissions passer à la période des questions.
Le président: Je vous remercie beaucoup de cet exposé fort complet.
Tout le monde sait qu'il y a autour de cette table beaucoup de gens qui connaissent très bien la Société de développement du Cap-Breton. Je suis donc certain que leurs questions seront très pertinentes. Je serai aussi souple pendant la période des questions que je l'ai été pendant l'exposé car il me semble important que nous puissions tous bien comprendre la situation. Je rappelle cependant à tout le monde que la brièveté est la mère de toutes les vertus. Bien que nous ayons cette salle à notre disposition pendant toute la soirée, je ne pense pas que nous voulions rester ici trop tard. J'invite donc tout le monde à poser des questions à la fois très pertinentes mais aussi concises que possible.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Monsieur Shannon, les membres de ce comité vous connaissent fort bien et ont une opinion favorable à votre égard. Il est clair que vous n'aviez pas besoin de ce poste puisque vous connaissiez beaucoup de succès dans vos affaires. J'aimerais cependant vous poser quelques questions d'ordre personnel.
Le conseil d'administration de la Société de développement du Cap-Breton comprend un président, un président-directeur général et cinq administrateurs. Depuis la création de la société, en 1967, celle-ci a eu dix présidents. Vous-même avez été président suppléant à deux reprises, en 1984-1985 et en 1995-1996. Pourquoi aviez-vous accepté cette responsabilité en 1984 et qu'est-ce qui vous a amené à l'abandonner au bout d'une année?
M. Shannon: Je ne sais pas ce qui m'a poussé à accepter à l'époque. On m'a fait une proposition et des gens m'ont convaincu que j'avais quelque chose à offrir à l'entreprise. Lorsque je suis devenu président, je me souviens qu'Ed Lumley était le ministre responsable de la société et qu'il avait décidé de ne plus lui donner de fonds parce qu'elle enregistrait des pertes énormes. Le sénateur Buchanan s'était également intéressé au dossier à l'époque. L'entreprise était alors complètement désorganisée. Le sénateur MacEachen m'avait demandé de rencontrer monsieur Lumley et je suis venu le voir à Ottawa. Nous avons eu une discussion fort vigoureuse pendant la première demi-heure, comme c'était pratiquement toujours le cas avec monsieur Lumley, je suppose, puis nous avons fini par nous entendre.
J'ai accepté à l'époque de faire sensiblement la même chose qu'aujourd'hui. J'ai pris mon poste, j'ai mis de l'ordre dans l'entreprise et j'ai essayé de lui insuffler un certain esprit d'entreprise et de responsabilité commerciale.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Mais, dix ans plus tard, vous n'étiez plus aussi naïf?
M. Shannon: Non, sénateur, mais la situation était redevenue assez semblable. Personne ne voulait accepter le poste et je suppose que l'on est finalement arrivé à la colonne des «S» dans l'annuaire téléphonique.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Je voudrais savoir ce qui est arrivé en janvier dernier. Je me souviens de l'effondrement du plafond de la mine et de la nécessité de mettre à pied la moitié de l'effectif, soit environ 1 200 personnes. C'est cependant à la même époque que vous avez annoncé la mise à pied définitive de 400 personnes dès le mois d'avril -- c'est à dire le mois dernier -- dans le but d'arriver à terme à un total de 800 mises à pied, si le gouvernement acceptait votre plan.
Si j'ai bien compris, outre le plan d'entreprise accepté par le gouvernement, trois autres plans ont été proposés pour la Société de développement du Cap-Breton. Je veux parler du plan du groupe Boyd, du plan des syndicats et du plan de votre conseil d'administration.
Entre parenthèses, les mises à pied décidées en janvier dernier suite à l'effondrement du plafond de la mine et les mises à pied permanentes ont-elles été décidées par le conseil d'administration?
M. Shannon: Oui.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Ensuite, les municipalités régionales sont entrées en jeu et vous avez tenu des consultations avec toutes les parties prenantes. Or, malgré toutes ces «interférences» -- ce n'est peut être pas le mot exact mais ce n'est pas loin de la réalité -- vous êtes quand même arrivés à un chiffre très proche. Au lieu de 800 vous en êtes maintenant à 656.
M. Shannon: Je voudrais d'abord finir de répondre à votre première question. Vous m'avez demandé pourquoi je suis parti. En 1984, je voulais atteindre des objectifs très précis. Nous avons restructuré l'entreprise et nous avons dressé un plan d'activité. Après avoir mis sur pied une nouvelle équipe de gestion, j'ai considéré que mon travail était terminé.
A l'époque, après la nomination du président, on m'a demandé si je voulais devenir président du conseil d'administration mais ça ne m'intéressait pas. J'avais toujours considéré que mon affectation serait de courte durée et je voulais reprendre mes activités antérieures.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Ma question était fort simple: pendant toutes les consultations que vous avez organisées, avez-vous constaté que certaines parties s'ingéraient tellement dans vos affaires, par exemple le groupe Boyd, qu'il vous serait impossible de mettre en oeuvre le plan optimiste que vous aviez établi pour l'avenir?
M. Shannon: Non, sénateur. Comme je l'ai dit, la ministre tenait à ce que les parties prenantes soient plus impliquées et assument une certaine responsabilité à l'égard du plan. Elle voulait que les gens appuient l'entreprise, pour la consolider. Voilà pourquoi nous avons dressé notre plan préliminaire. Ensuite, nous avons retenu certaines idées des municipalités, du groupe Boyd et des syndicats. Mais nous en avons aussi trouvé ailleurs.
Nous avons choisi dans les diverses propositions qui nous ont été faites celles qui devaient nous permettre d'améliorer notre plan d'entreprise. N'oubliez pas, sénateur, que cette entreprise s'adresse depuis 30 ans au gouvernement fédéral en prétendant avoir un plan efficace. Son capital de confiance à Ottawa n'est certainement plus très élevé. Notre rôle était donc d'élaborer un plan prudent et susceptible de recueillir l'assentiment du gouvernement fédéral. Il fallait qu'il soit réaliste mais assez exigeant pour assurer la survie de l'entreprise.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Vous étiez pourtant prêt à abandonner le secteur de l'exportation?
M. Shannon: Non, nous n'avons jamais envisagé de cesser nos exportations.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Même pas dans l'ébauche de votre plan?
M. Shannon: Non. Je vais vous expliquer la situation.
À l'origine, nous avions mentionné le chiffre de 800 mais le chiffre réel était 781. Pendant les cinq années commençant le 1er avril 1996, 658 personnes quitteront l'entreprise. Il y en a cependant 57 autres qui sont parties entre novembre et mars, ce qui nous amène à 715. Donc, si le plan d'entreprise est rigoureusement appliqué pendant cinq ans, 715 personnes auront quitté l'entreprise depuis novembre 1995. Les deux chiffres sont donc exacts. La différence concerne la période allant de novembre à mars.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Je vais vous lire un article de journal dont je ne peux malheureusement pas identifier l'origine. Voici la citation que l'on vous attribue: «Nous avons décidé de devenir une entreprise saine, viable et autosuffisante, dont la survie ne dépendra plus d'Ottawa. Nous allons nous débrouiller tout seuls. Nous aurons entre 1 300 et 1 400 employés, ce qui fera de nous une entreprise fort respectable».
M. Shannon: Oui, j'en suis convaincu. Évidemment, nous avons dû obtenir de l'aide car, comme je le disais plus tôt, rien n'était prévu pour couvrir les pertes de l'entreprise après mars 1995.
Le gouvernement a accepté de nous prêter 79 millions de dollars à cause du manque-à-gagner qu'il y aura dans les trois premières années du plan d'entreprise. Cela dit, les chiffres montrent que nous pourrons rembourser cette somme pendant les trois années suivantes. Ensuite, l'entreprise sera complètement autonome.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Cela semble être un appel à la privatisation, n'est-ce pas?
M. Shannon: C'est l'actionnaire qui décidera, pas nous.
Le sénateur MacEachen: Je ne sais par où commencer mes questions car ce n'est évidemment pas la première fois que nous sommes obligés de reprendre tout ce débat. Nous l'avons déjà fait en 1984, lorsque M. Shannon est devenu président du conseil d'administration pour la première fois.
La question la plus importante à nos yeux est évidemment de savoir si nous pouvons assurer la viabilité à long terme de l'entreprise. Nous savons qu'elle joue un rôle crucial pour l'économie de la Nouvelle-Écosse et du Cap-Breton. Si nous perdons ces 1 300, 1 400 ou 1 500 emplois -- quel que soit le chiffre exact -- ce sera une catastrophe sociale de premier ordre pour les collectivités et les familles de la province. Ce sera la fin des charbonnages au Cap-Breton. Notre objectif est donc d'essayer de préserver les familles et les collectivités pour assurer leur avenir.
M. Shannon nous a présenté un plan d'entreprise qui représente à l'évidence un progrès puisqu'il y a maintenant deux équipes de travail à la mine Prince. On y trouve également un programme de mise en valeur de cette mine. En outre, si j'ai bien compris, vous étudiez actuellement les possibilités de relance de la mine Phalen. Ce qui est peut-être le plus important pour tout le monde, c'est d'avoir la volonté d'assurer le succès de ce plan d'entreprise pour que ces chiffres ne reviennent pas nous hanter dans cinq ans. Nous ne tenons certainement pas à ce que quelqu'un revienne ici nous dire: «Voici ce qu'il y avait dans le budget, voici quels ont été les résultats». Ce serait le pire qui puisse nous arriver.
Lorsqu'on a créé la Société de développement du Cap-Breton, il y avait des forces importantes au sein du Cabinet dont l'objectif était de créer une entreprise qui n'aurait pas le pouvoir d'ouvrir de nouvelles mines. Ce n'était évidemment pas une stratégie très visionnaire, dans la mesure où le fait de ne pas pouvoir ouvrir de nouvelles mines aurait inévitablement mené l'entreprise à sa perte. L'histoire nous a montré que c'est parce qu'elle a pu ouvrir de nouvelles mines qu'elle a survécu.
Nous avons donc aujourd'hui deux mines, Phalen et Prince. Nous avons un programme de cinq ans et la possibilité d'exploiter la mine Prince avec trois équipes, si tout marche bien. Qu'est-ce qui permettrait d'exploiter la mine Prince avec trois équipes? Pendant combien de temps cette mine sera-t-elle en exploitation?
M. Shannon: La mine Prince sera probablement exploitée pendant 15 à 18 ans, selon son volume de production annuel. Si nous maintenons la production actuelle, qui est de 11 millions de tonnes par an, nous en avons pour 15 à 18 ans.
Le sénateur MacEachen: Qu'en est-il pour la mine Phalen, et avec combien d'employés?
M. White: Selon le volume de production, nous devrions pouvoir exploiter Prince pendant 20 ans et Phalen pendant 25 ans. Évidemment, les frais d'exploitation vont augmenter avec les années. Cela ne fait aucun doute. Plus nous nous éloignons de la surface, plus l'extraction coûte cher. En revanche, si nous améliorons nos méthodes d'exploitation et notre recours à la technologie, nous aurons beaucoup plus de chances de stabiliser nos frais d'exploitation. Nous devrions donc pouvoir exploiter ces mines pendant plus d'une vingtaine d'années.
Le sénateur MacEachen: Vous avez mentionné en passant la mine Donkin, M. White.
M. White: Oui.
Le sénateur MacEachen: Nous avons donc deux mines qui devraient pouvoir être exploitées pendant une vingtaine d'années, avec les niveaux de production et les effectifs prévus. Est-ce le mieux que l'on puisse envisager? N'y a-t-il aucune possibilité d'expansion? Ne peut-on rien envisager avec la mine Donkin, au bout de vingt ans? N'avez-vous aucun plan d'ouverture de nouvelle mine?
Quand nous avons créé la Société de développement du Cap-Breton, on indiquait dans le préambule du projet de loi que la durée de vie des charbonnages du Cap-Breton était estimée à 15 ans. Manifestement, nous avons déjà fait mieux. Trente ans plus tard, nous envisageons 20 années de plus. Doit-on donc vraiment penser qu'il n'y aura plus aucune activité minière au Cap-Breton lorsque les deux mines existantes seront épuisées, dans 20 ans?
M. White: Évidemment, la direction de l'entreprise s'efforce de savoir quelle sera la situation dans cinq ans, 10 ans ou 20 ans. Considérant les changements importants du marché, de l'économie et de la conjoncture mondiale, il est de plus en plus difficile de faire des prévisions à long terme. Toutefois, si l'entreprise est viable -- autrement dit, si nous pouvons obtenir la confiance de l'actionnaire, le gouvernement fédéral -- et si notre plan quinquennal s'avère un succès, je pense que ce sera de très bon augure pour les charbonnages.
Pour ce qui est des marchés, ce sont des facteurs extérieurs à l'entreprise qui nous diront, par exemple, si nous pourrons vendre du charbon au Canada dans les 15 ou 20 prochaines années. Cela dit, si nous sommes efficients et efficaces, nous aurons plus de chances de tirer pleinement parti du potentiel de cette industrie.
Si nous pouvons démontrer au cours des cinq prochaines années que l'entreprise peut survivre et prospérer, ce sera de très bon augure.
Le sénateur MacEachen: Croyez-vous qu'il pourrait y avoir à l'avenir d'autres mines que Phalen et Prince?
M. White: Bien sûr. Il pourrait y avoir de nombreuses possibilités d'expansion de l'entreprise. Si celle-ci assure sa viabilité et obtient la confiance de toutes les parties prenantes, son potentiel sera beaucoup plus intéressant qu'aujourd'hui. C'est précisément ce que nous visons.
Le sénateur MacEachen: Avez-vous besoin de nouvelles mines pour ce faire?
M. White: Nous aurons besoin de nouvelles mines si nous manquons de charbon à court terme.
Le sénateur MacEachen: Le potentiel existe?
M. White: Absolument.
Le sénateur Murray: M. Shannon évoquait tout à l'heure l'étude du Vérificateur général du 28 octobre 1995, en disant qu'elle serait intégrée au rapport annuel de l'entreprise qui sera adressé au Parlement. Je crois qu'il serait utile que vous demandiez au gouvernement, au nom de notre comité, de nous communiquer les résultats de cette étude. Je ne proposerai pas de motion officielle à ce sujet, à moins que l'on ne s'oppose à la production de ce rapport.
Puisque nous parlons du vérificateur général, vous savez qu'il examine une fois tous les cinq ans la situation des entreprises telles que la Société de développement du Cap-Breton pour évaluer leur efficience et leur efficacité. Je crois comprendre que le dernier examen quinquennal concernant la Société de développement du Cap-Breton a été adressé au gouvernement en 1992. Je vous invite à demander au gouvernement d'en adresser un exemplaire au comité.
Finalement, le ministre des Finances avait déclaré, dans le cadre du budget de 1992, que la Société de développement du Cap-Breton serait l'une de plusieurs sociétés d'état dont la situation ferait l'objet d'un examen en vue d'une éventuelle privatisation. J'ai tenté de savoir, ces dernières semaines, si l'examen avait été effectué et s'il était terminé. Je me suis laissé dire qu'il existe à ce sujet un document interne du ministère des Finances ou du Conseil du Trésor, mais que ce document n'est peut-être pas complet. Encore une fois, il serait intéressant pour le comité d'en obtenir un exemplaire pour mieux saisir la situation de l'entreprise.
Le sénateur MacDonald (Halifax): Je crois que l'examen a été fait par Nesbitt Burns.
Le sénateur Murray: Peut-être bien. De toutes façons, on m'a dit que le gouvernement dispose d'une étude au moins partielle concernant l'éventuelle privatisation de la société. J'aimerais pouvoir le consulter.
Vous parliez tout à l'heure de deux plans, monsieur Shannon. Le premier est celui qui a fait l'objet des consultations au Cap-Breton, au printemps, et l'autre, celui qui a été approuvé par le Cabinet fédéral. J'aimerais faire quelques remarques à ce sujet, ou vous poser quelques questions, avant d'exprimer ma conclusion.
Si je comprends bien, il y a une différence de production commercialisable de 3 millions de tonnes sur cinq ans entre le plan 1 et le plan 2. On voit en effet 12,4 millions de tonnes dans le plan 1 et 15,4 millions dans le plan 2.
M. Shannon: Si vous faites le calcul...
Le sénateur Murray: Je ne l'ai pas fait.
M. Shannon: Moi non plus, mais je suppose que vous avez raison.
Le sénateur Murray: Je crois que mes chiffres sont exacts.
M. Shannon: Bien. Nous vous croyons sur parole. Après tout, vous venez de New Waterford.
Le sénateur Murray: Je ne voudrais pas faire honte à l'école de New Waterford qui m'a enseigné les mathématiques. En ce qui concerne votre marge brute d'autofinancement avant les pensions, qui est à vos yeux un chiffre très important, elle augmente de 16,6 millions de dollars entre le plan 1 et le plan 2. C'est la différence entre 219,9 millions de dollars et 203,2 millions de dollars. En outre, vos résultats nets, qui correspondent au financement net du gouvernement fédéral, s'améliorent aussi. Certes, vos frais d'exploitation vont augmenter parallèlement à la hausse de la production, mais votre excédent d'exploitation est également plus élevé dans le plan 1 que dans le plan 2, malgré une compression des effectifs moins importante que prévu. Je veux dire par là que la compression des effectifs est moins importante dans le plan approuvé par le gouvernement que dans le plan d'origine.
Voici où je veux en venir. Au printemps dernier, vous envisagiez de produire 12,4 millions de tonnes sur la période de cinq ans. Aujourd'hui, le chiffre est passé à 15,4 millions de tonnes. Vous avez obtenu l'approbation du gouvernement à cet égard et vos résultats nets vont s'améliorer considérablement. Cela veut dire que, plus vous vendrez de charbon, meilleurs seront vos résultats. N'est-ce pas ce qui ressort du plan approuvé par le gouvernement, lorsqu'on le compare à celui du printemps dernier?
M. Shannon: Je continue d'accepter votre raisonnement. J'ai un exemplaire du plan de cette année mais pas du précédent.
Le sénateur Murray: Vous pouvez me croire sur parole.
M. Shannon: La production va passer de 12 à 15 millions de tonnes, avec 66 employés en moins.
Le sénateur Murray: Il y a entre le plan 1 et le plan 2 une hausse de production totale de 3 millions de tonnes.
M. Shannon: Oui.
Le sénateur Murray: Qui vous donnera 125,3 millions de dollars de revenus supplémentaires, avec une hausse de près de 100 millions de dollars au chapitre des frais d'exploitation. Votre excédent d'exploitation va augmenter de 21 millions de dollars, puisque vous allez aussi augmenter vos investissements de 4 millions environ. En fin de compte, votre marge brute d'autofinancement avant les pensions va s'améliorer d'environ 7 millions de dollars, ce qui est presque votre profit. À partir de là, vous allez payer les frais des pensions et de la stratégie des ressources humaines. Donc, votre résultat absolument final -- celui qui compte pour le ministre des Finances -- a été sensiblement amélioré entre le plan du printemps et celui qui a été approuvé par le gouvernement.
Je dirais simplement que cela paraît cohérent: plus vous vendez de charbon, plus vous devriez gagner d'argent.
Quels ont été cependant les paramètres stratégiques qui vous ont amenés à modifier le plan 1 pour produire le plan 2? Est-ce la décision d'être plus actifs sur les marchés d'exportation? Vous avez décidé de transformer la mine Prince, qui était une mine à temps partiel, pour l'exploiter avec deux équipes pendant toute l'année. Il doit y avoir une raison stratégique à cela. Quelle est-elle?
M. Shannon: M. Buchanan pourra vous donner des précisions sur les chiffres. La différence stratégique provient du fait que, pendant les consultations sur le plan préliminaire, nous avons formulé l'option qui a été soumise au conseil d'administration, c'est-à-dire trois équipes pendant quatre mois, avec fermeture de la mine ensuite.
D'un point de vue technique, on a décidé que cette option n'était pas acceptable. Le fait de laisser les mines fermées pendant 8 mois posait des risques trop élevés. On a longuement discuté de cette question et des arguments intéressants ont été avancés des deux côtés. En fin de compte, le conseil a décidé que le risque était trop élevé.
Nous avons alors étudié les paramètres économiques d'une mine exploitée avec une seule équipe. Si je me souviens bien, pour la période de cinq ans envisagée, la production de la même quantité de charbon avec une équipe aurait coûté 7 millions de dollars de plus. Cela n'était pas raisonnable. Produire la même quantité de charbon nous aurait coûté 7 millions de dollars de plus. La solution la plus rentable était donc d'exploiter la mine avec deux équipes, en prévoyant des travaux de mise en valeur. C'est l'option que nous avons retenue.
À cause de la teneur en soufre du charbon dont a besoin la Nova Scotia Power Corporation, nous ne pouvons extraire qu'une certaine quantité de charbon de faible qualité et à forte teneur en soufre de la mine Prince. Nous ne pouvons mélanger qu'une certaine quantité de ce type de charbon au charbon ordinaire. Avec une production d'un million de tonnes, nous atteignons la production maximale du charbon de la mine Prince que nous pouvons mélanger et vendre à la Nova Scotia Power Corporation, tout en continuant de respecter les engagements environnementaux que nous avons pris avec celle-ci.
Le sénateur Murray: En ce qui concerne les marchés d'exportation, monsieur Shannon, vous dites que le plan que vous avez fait approuver par le gouvernement prévoit l'exportation d'environ 700 000 tonnes par an. Or, lorsque j'examine les chiffres, je vois que vous allez vendre 2,4 millions de tonnes par an pendant les premières années à la Nova Scotia Power Corporation, après quoi les ventes tomberont à 2,1 ou 2,2 millions de tonnes.
M. Shannon: Oui, c'est de cet ordre-là.
Le sénateur Murray: Comme vous allez produire jusqu'à 3,1 ou 3,2 millions de tonnes commercialisables, cela me porte à croire, mais il se peut que je me trompe, que vous allez vendre non pas 700 000 tonnes sur les marchés d'exportation mais plutôt entre 800 000 et 1 million de tonnes. Ma question est donc évidente: s'il est vrai que vous avez perdu 23 millions de dollars à l'exportation, comme vous nous l'avez dit, cela en vaut-il la peine? Pourquoi continuer?
M. Shannon: Nous travaillons avec la Nova Scotia Power Corporation. Pour le moment, nous avons fait trois offres conjointes d'exportation d'énergie avec cette société. Au lieu d'exporter notre charbon, nous le vendons à la NSPC qui a de temps à autre la possibilité de vendre de l'électricité aux États de la Nouvelle-Angleterre, sur un marché déréglementé. Nous avons fait trois offres dans ce contexte et deux ont été acceptées. Nous espérons pouvoir livrer plus de charbon à la centrale Lingan dont l'électricité sera exportée.
Cette année et l'année dernière, nos exportations auront été très faibles. Vous avez pu le constater à l'écran lorsque nous vous avons présenté les chiffres. Si vous examinez nos coûts de production à la tonne, vous verrez qu'ils baissent sur une base annuelle, de 77 $ à 67 puis à 62. Nous devenons beaucoup plus concurrentiels.
Le sénateur Murray: Oui, à mesure que votre production augmente.
M. Shannon: À mesure que la production augmente, que nous comprimons nos effectifs et que nous faisons des gains d'efficience. Lorsque nous mettrons en oeuvre nos programmes de gestion de la qualité et que nous deviendrons plus efficients sur le plan des achats et de la gestion du matériel, en éliminant les vols, nos frais d'exploitation vont baisser. De ce fait, nous deviendrons plus concurrentiels. La perte de 20 millions de dollars que nous avons essuyée à l'exportation va manifestement se rétrécir.
Le sénateur Murray: Entre le plan du printemps et celui approuvé par le gouvernement, vous avez décidé que vous pouviez produire plus et vendre plus. Pourriez-vous cependant produire encore plus et vendre encore plus que vous ne l'envisagez dans le plan quinquennal?
M. Shannon: Considérant les divers scénarios sur lesquels nos nous sommes penchés -- deux équipes, trois équipes ou une équipe; laver le charbon ou non; exporter ou non -- le plus favorable est celui que nous avons présenté au gouvernement et qui a été approuvé. Il ne faut pas oublier que nous devions dresser un plan que la direction de l'entreprise, sous le leadership de George White, serait en mesure de mettre en oeuvre, mais aussi qui, comme je l'ai dit plus tôt, serait assez prudent pour convaincre Ottawa qu'il était réaliste.
Le sénateur Murray: À quoi servira le prêt que vous allez obtenir du gouvernement fédéral? Je vous pose cette question parce que j'ai lu plusieurs déclarations à ce sujet. Ainsi, selon un communiqué de presse du 9 mai, la ministre a déclaré que:
Le gouvernement du Canada fournira à l'entreprise les prêts remboursables dont elle a besoin pour mettre ce plan à exécution pendant les trois prochaines années, dans le but de parvenir à l'autonomie financière. Ces fonds seront complètement remboursés avec intérêt, a ajouté la ministre MacLellan.
Au même moment, le gouvernement déclarait ceci au sujet du plan approuvé:
Les trois premières années de la période de planification exigeront des crédits totaux de 70,3 millions de dollars, étant donné que les deux dernières années produiront un excédent en espèces de 49,3 millions de dollars. La transformation du déficit en un excédent s'explique avant tout par l'élimination du passif de pensions non capitalisé et l'amélioration des résultats d'exploitation.
Ces deux déclarations sont du 9 et du 10 mai. Dans sa conférence de presse, M. Dingwall avait parlé d'un prêt fédéral de 79 millions de dollars pour financer divers investissements. Finalement, selon le Chronicle Herald, vous-même, monsieur Shannon, auriez dit que le prêt de 78 millions de dollars remboursable serait compensé par le passif de pensions non capitalisé accumulé depuis 1967.
À la fin de cette période, vous aurez toujours 79 millions de dollars de passif en plus, n'est-ce pas? Le gouvernement ne fait qu'accroître votre endettement.
M. Shannon: Non. Pendant les trois premières années du plan, nous obtiendrons 79 millions de dollars, soit 10 millions au titre de l'an dernier et le reste pour les trois prochaines années -- l'année actuelle et les deux suivantes. Ensuite, nous aurons un excédent de 23 millions de dollars et de 26 millions de dollars, que nous utiliserons pour rembourser notre dette. À la fin de la période de cinq ans dont nous parlons, conformément au plan approuvé par Ottawa, le solde de notre dette auprès du gouvernement sera de 21 millions de dollars.
Le sénateur Murray: Et le passif de pensions non capitalisé aura été réduit?
M. Shannon: Il aura été sensiblement réduit gråce aux paiements que nous aurons effectués. Le passif sera complètement capitalisé en mars 1999, soit trois ans après le début du plan quinquennal.
Le sénateur Murray: J'en reste là pour le moment parce que j'ai besoin de consulter quelqu'un.
M. Shannon: Le document montre que les pensions actuelles coûteront 30 millions de dollars, 30 millions de dollars et 30 millions de dollars, puis 6 millions de dollars. Autrement dit, lorsque nous aurons effectué le dernier paiement de 30 millions de dollars, en mars 1999, le régime de pensions aura été complètement capitalisé et nous n'aurons plus que 6 millions à payer pour faire face au passif courant.
Le sénateur Murray: Et vous allez obtenir 79 millions de dollars du gouvernement?
M. Shannon: Si nous atteignons les objectifs fixés dans le plan, les 79 millions de dollars seront tombés à 21 millions de dollars en mars 2001.
Le sénateur Murray: Vous aurez remboursé la différence en cinq ans?
M. Shannon: Oui. Vous comprenez bien?
Le sénateur Murray: Je pense que oui, monsieur Shannon. Je vais cependant y repenser et je poserai peut-être des questions à d'autres témoins là-dessus.
Vous alliez faire des remarques au sujet de la proposition formulée par le syndicat et par la municipalité régionale du Cap-Breton, et je suppose que nous en entendrons parler demain, lorsque nous accueillerons le maire. Il s'agissait du fait que la seule manière pour vous de devenir viable est que le gouvernement fédéral assume une bonne partie du passif non capitalisé et de vos autres coûts -- que vous avez appelés coûts sociaux en novembre dernier -- afin de remettre les compteurs à zéro. Qu'alliez-vous ajouter à ce sujet?
M. Shannon: Comme je vous l'ai dit, sénateur, il faut que nous devenions viables sur le plan financier. Pour cela, nous devons atteindre trois objectifs: réaliser des profits, être compétitifs, et pouvoir faire concurrence aux autres formes d'énergie.
Nous pouvons faire des profits si le gouvernement nous libère de ce que nous appelons les coûts sociaux: les pensions de retraite, l'indemnisation des accidents du travail et la stratégie des ressources humaines. Si nous n'avons plus à assumer ces dépenses, nous pouvons devenir rentables puisque nos résultats seront excédentaires de 20 millions de dollars, 30 millions de dollars, et ainsi de suite.
Le sénateur Murray: Le critère définitif est ce que l'on appelle la marge d'autofinancement des pensions.
M. Shannon: C'est cela.
La raison pour laquelle nous devons payer 55 millions de dollars de pensions est que nous devons verser des prestations à un nombre élevé d'employés qui ont pris leur retraite. C'est une responsabilité de l'entreprise qui avait décidé de les mettre à pied et de les payer. C'est ce que nous faisons, à concurrence de 55 millions de dollars. Cette année, nous aurons un excédent d'exploitation de 20 millions de dollars. Je pense que l'entreprise a la responsabilité de payer ses pensions de retraite, comme n'importe quelle autre. Cette année, cela va nous coûter 20 millions de dollars. Nous demandons au gouvernement du Canada de nous faire un prêt pour le reste, soit 35 millions de dollars. À terme, nous deviendrons autosuffisants et nous pourrons assumer cette responsabilité totale. C'est important à nos yeux et c'est une responsabilité que nous pourrons assumer si nous atteignons les objectifs établis dans le plan.
Le sénateur Murray: Je me dois de soulever une autre question que j'ai abordée lors d'un discours que j'ai prononcé au Sénat. Il s'agit des chiffres figurant dans l'état financier pour l'exercice financier terminé le 31 mars 1995. J'ai indiqué en effet à ce moment-là qu'on pouvait lire, dans le sommaire statistique de 11 ans déposé avec le rapport annuel, que les revenus miniers étaient de 13,7 millions de dollars. Ensuite, ces revenus de 13,7 millions de dollars sont devenus une perte de 7 millions.
Je crois me souvenir, d'après des rapports de presse, que vous avez donné des explications à ce sujet, monsieur Shannon. Il faut dire cependant que je n'ai toujours pas compris comment ce changement s'expliquait ou qui, du vérificateur général ou de la direction de l'entreprise, a décidé de transformer un profit en perte.
Pourriez-vous, ou M. Buchanan qui vous accompagne, nous expliquer cela?
M. Shannon: Je n'ai pas l'habitude de parler aux journalistes. Il arrive cependant que mes propos soient mal rapportés ou qu'ils le soient hors contexte. Quel que soit le journal que vous lisez, je vous invite à vérifier les propos que l'on m'attribue.
Le sénateur Murray: D'accord.
M. Shannon: J'ai probablement dit que le budget de mise en valeur de la mine Phalen avait été réduit de 20 millions de dollars pendant l'exercice financier dont vous parlez. J'ai sans doute dit ensuite que l'entreprise avait réalisé un profit d'exploitation de 13 millions de dollars. En conséquence, si les objectifs du budget avaient été atteints et que les travaux de mise en valeur de la mine Phalen avaient été effectués, il n'y aurait pas eu de réduction de 20 millions de dollars de ce budget et il n'y aurait pas eu de profit de 13 millions de dollars. Il y aurait eu plutôt une perte de 7 millions. Voilà l'explication.
Le sénateur Murray: Mais le chiffre de 1995 est 13,7 millions de dollars. Il n'a pas changé.
M. Shannon: Non. C'est simplement une remarque que j'ai faite.
Le sénateur Murray: Ce rapport a été déposé devant le Parlement et je crains que...
M. Shannon: Le rapport n'a jamais été modifié. J'ai simplement fait un commentaire au sujet des 20 millions de dollars. Si nous avions dépensé l'argent prévu pour le développement de la mine Phalen, nous n'aurions probablement pas eu de profit de 13 millions de dollars mais une perte de 7 millions.
Le sénateur Murray: C'était donc une hypothèse que vous formuliez?
M. Shannon: Absolument.
Le sénateur Murray: Vous n'avez aucune raison de dire aujourd'hui que le chiffre fourni au Parlement était faux?
M. Shannon: Non.
Le sénateur Murray: En avez-vous parlé au vérificateur général ou aux parties compétentes?
M. Shannon: Je ne m'en souviens pas.
Le sénateur Graham: Je souhaite la bienvenue à M. Shannon, M. White et M. Buchanan, et je les remercie de l'exhaustivité de leur exposé.
Vous avez dit au début, M. Shannon, que vous étiez retourné à la Société de développement du Cap-Breton avec trois objectifs: rétablir les relations avec la Nova Scotia Power Commission, reconstituer l'équipe de gestion et élaborer un plan d'entreprise pour préparer la Société de développement du Cap-Breton au 21e siècle.
J'ai été un peu surpris de ne pas vous entendre en mentionner un quatrième: améliorer les relations avec les syndicats. J'ai par contre eu le plaisir de vous entendre dire, à la fin de votre exposé, que vous souhaitez un partage des responsabilités. Vous avez affirmé qu'il est temps que la direction et les syndicats cessent de s'accuser mutuellement.
Dans ce contexte, pensez-vous que les relations se sont déjà améliorées entre la direction et les syndicats, ces derniers mois? Comment les qualifieriez-vous aujourd'hui?
M. Shannon: Question difficile, sénateur. La raison pour laquelle je n'ai pas parlé des relations syndicales-patronales dans mes remarques liminaires est que cela fait partie du plan d'entreprise. Nous avons en effet l'intention très précise de båtir un programme de gestion de la qualité associant la direction et le syndicat. C'est un élément central du plan, et ce dernier n'a aucune chance de succès sans cet élément. Si nous ne réussissons pas à ce chapitre, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs fixés dans le plan et quelqu'un d'autre que moi viendra dans cinq ans vous parler de la fermeture ordonnée de l'entreprise.
Comment qualifier les relations aujourd'hui? Je n'en sais rien. Les indicateurs que je vous ai donnés plus tôt montrent qu'il y a déjà eu des améliorations au chapitre des heures supplémentaires, de l'absentéisme et des accidents. Les choses évoluent donc dans le bon sens.
Il y a d'ailleurs plusieurs raisons à cela. L'une est que nous gérons un petit peu mieux nos activités. L'autre est qu'il y a eu un changement d'attitude au sein de l'entreprise. Beaucoup plus de gens comprennent beaucoup mieux ce qui se passe et sont plus conscients de la gravité de la situation, suite aux débats publics. Une troisième raison est que la Nouvelle-Écosse a modifié son programme d'indemnisation des accidents du travail, qui n'est plus aussi généreux qu'autrefois. C'est probablement un facteur, même si je ne peux pas le prouver.
Le sénateur Graham: Vous avez parlé à plusieurs reprises de vos problèmes de trésorerie. J'aimerais savoir comment vous les réglez. Les banques vous appellent-elles parfois pour obtenir des informations sur votre situation? Pensent-elles encore que le gouvernement vous sortira toujours d'affaire?
M. Shannon: Nous ne dépendons pas des banques, seulement du gouvernement fédéral. C'est vous, à Ottawa, qui nous donnez de l'argent. C'est l'argent des contribuables qu'Ottawa nous envoie.
Le sénateur Graham: Et Ottawa vous a dit que vous n'auriez pas un sou de plus.
M. Shannon: Cette fois, nous avons obtenu un prêt. Si nous atteignons nos objectifs, nous pourrons le rembourser.
Le sénateur Graham: Vous dites avoir perdu 23 millions de dollars l'an dernier sur vos ventes à l'étranger, et 2 millions de dollars sur vos ventes à la NSPC. Est-ce à cause du cours mondial du charbon, des frais de transport ou des deux? Vos frais de transport sont-ils très élevés?
M. Shannon: Ils se situent entre 5 et 10 $ la tonne. C'est le cours international du charbon qui nous tue. Je dois dire que c'est peut-être aussi le fait que nos frais d'exploitation sont trop élevés.
Le sénateur Buchanan: Veuillez m'excuser, j'étais en train d'écrire quelque chose. Que venez-vous de dire?
M. Shannon: Les frais de transport se situent probablement entre 5 et 10 $ la tonne, selon le port d'embarcation.
Le sénateur Graham: Vous avez dit qu'il y a beaucoup de problèmes à la mine Phalen. Relativement parlant, y en a-t-il plus là qu'à la mine Prince?
M. Shannon: Oui.
Le sénateur Graham: Pourquoi?
M. White: Tout d'abord, la mine Prince est relativement plus ancienne. Elle est exploitée depuis 1975. Ça n'a pas été un succès dès le départ. La première méthode d'extraction était celle de la colonne romaine, après quoi on a eu recours à une autre méthode, mais nous y avons connu du succès dès le départ avec la méthode d'extraction à reculons le long d'un long mur d'abattage.
Il y a plusieurs facteurs à prendre en considération. Tout d'abord, les conditions d'exploitation de la mine étaient prévisibles, depuis longtemps. Le matériel choisi au début est encore utilisé aujourd'hui. Il n'y a pas eu beaucoup de changements quant aux techniques d'extraction. Le personnel a fait preuve de coopération dès le départ. Certes, nous avons eu quelques difficultés de lancement, mais c'est une mine qui a toujours très bien marché.
Le sénateur Graham: Cela veut-il dire, pour vous, que le personnel de Prince est plus coopératif que celui de Phalen?
M. White: Je ne présenterais pas les choses comme cela, sénateur. Je dirais que l'on a eu moins de raisons de changer les choses à Prince qu'à Phalen. Ce qui cause des tensions dans les relations avec les syndicats et avec les employés, c'est la nécessité de changer les méthodes d'exploitation.
Le sénateur Graham: Dans l'un des documents qui ont été distribués, les syndicats parlent de politique d'achat et de normalisation de l'équipement. Vous avez dit par ailleurs que c'est quelque chose que vous allez examiner. Les syndicats ont aussi parlé de sous-traitance et, si je me souviens bien, ils affirment que 75 p. 100 du travail sous-traité pourrait être effectué par les employés actuels de la Société de développement du Cap-Breton. Qu'en pensez-vous?
M. White: J'aimerais d'abord finir de répondre à la première question en précisant une différence qui existe entre Prince et Phalen.
À Phalen, nous avons connu des problèmes géotechniques dès le départ. Les opérations ont été compliquées par l'existence d'une autre mine, au-dessus, qui cause des problèmes opérationnels. Nous sommes obligés de contrôler les écoulements d'eau, ce qui n'est pas le cas à la mine Prince. En outre, les choses ont été compliquées par notre incapacité de choisir l'équipement minier adéquat. Beaucoup de changements ont dû être apportés à ce chapitre avant de trouver la bonne solution. Finalement, nous avons aussi changé la méthode de soutènement du plafond. Nous utilisons des boulons de soutènement au lieu de poutrelles d'acier. Il y a donc eu beaucoup de changements à Phalen depuis le début. Or, c'est cela qui rend les relations difficiles avec les employés.
En ce qui concerne la sous-traitance, nous pourrions fort bien recruter les gens et acheter les camions pour tout faire nous-mêmes, mais il nous serait très difficile de le faire de manière aussi rentable que le secteur privé. Dans une entreprise normale et syndiquée comme la nôtre, il y a certaines activités qui peuvent être exécutées par les employés et d'autres qu'il est préférable de confier à l'extérieur. Ce qui assure la prospérité de l'entreprise, c'est de trouver la bonne combinaison. C'est cela qui profite en fin de compte aux employés et à l'entreprise.
Le sénateur Graham: En revoyant les tableaux, il me semble que la production par employé a augmenté au moins quatre fois depuis la création de la Société de développement du Cap-Breton, ce qui est intéressant. Pouvez-vous comparer la production par employé à celle des autres mines du Canada, des États-Unis ou d'autres pays? Je sais bien que les techniques minières peuvent être différentes, tout comme les conditions d'exploitation.
M. White: Il n'est pas rare que nos concurrents des États-Unis puissent produire 4 fois plus par employé que nous. Dans certains cas, c'est même encore plus élevé. Il y a certaines mines aux États-Unis qui produisent 7 à 10 millions de tonnes par an avec 500 employés, ce qui est 3 fois notre production avec un tiers de notre personnel. Et je parle ici de mines en sous-sol, pas à ciel ouvert.
Le sénateur Graham: Cela s'explique-t-il uniquement par la nature de l'exploitation?
M. White: Il y a plusieurs facteurs, mais les conditions d'exploitation varient considérablement. On trouve en Europe des mines exploitées sous l'océan ou, en Allemagne, des mines très profondes exploitées dans des conditions très difficiles, et il y a de nombreuses mines qui avaient une production semblable à la nôtre mais qui ont disparu. Celles qui restent produisent au moins autant que nous, sinon plus.
Pour être compétitifs, nos mineurs doivent travailler plus fort que la moyenne. Je pense qu'ils le savent. Le défi est d'élaborer une organisation qui le leur permette.
Le sénateur Graham: M. Gillespie, le président de Scotia Synfuels, comparaît devant notre comité demain soir. La Société de développement du Cap-Breton a-t-elle étudié sérieusement les carburants synthétiques? Quelle est votre position à ce sujet?
M. Shannon: Nous nous sommes penchés sur les carburants synthétiques la dernière fois que j'occupais ce poste, en 1984-1985, et ils ne paraissaient pas viables à l'époque. Nous n'avons pas revu la question depuis.
Le sénateur Graham: Pourriez-vous envisager cela comme une de vos options?
M. Shannon: Peut-être bien.
Le sénateur Graham: Le sénateur MacEachen et M. White ont parlé de la mine Donkin, qui revient sur le tapis chaque fois que les United Mine Workers parlent de l'avenir des charbonnages du Cap-Breton.
Si le gouvernement vous donnait le feu vert pour la mine Donkin, que feriez-vous? Selon les estimations, les coûts pourraient se situer entre 100 et 600 millions de dollars.
M. Shannon: Combien nous donneriez-vous, 100 ou 600 millions?
Le sénateur Graham: Si l'on vous donnait 100 millions de dollars, pensez-vous que Donkin serait viable?
M. Shannon: M. White voudra peut-être répondre à cette question. Le fait est qu'il y a un marché pour notre charbon. Nous devons apprendre à extraire le charbon de Phalen. Nous devons réduire nos coûts. Nous devons accroître notre production par employé. Nous devons être compétitifs à l'échelle internationale. Comme l'a dit le sénateur Murray, nous devons vendre 7 000 tonnes sur le marché international et faire des profits sur ces ventes.
Nous voulons également mettre en oeuvre l'une des recommandations des TCA, concernant le processus minier sélectif. Si nous voulons exploiter la mine Donkin, il faudra le faire avec un tel processus que nous devrons donc d'abord avoir appris. Le charbon dans la couche supérieure et la couche inférieure de la veine est de mauvaise qualité. C'est dans la couche centrale qu'il est bon, selon ce qu'on me dit. Si nous pouvons extraire cette couche centrale sans toucher aux couches supérieure et inférieure, nous aurons un produit commercialisable.
Il nous faut donc apprendre à utiliser le processus d'extraction sélective à Donkin, mais il nous faut aussi apprendre à gérer l'entreprise. Nous devons apprendre à devenir une société minière viable et compétitive.
Le sénateur Graham: Ma dernière question porte sur la durée de vie des charbonnages du Cap-Breton. On parle de 20 à 25 ans pour Prince et Phalen. Quelles sont les réserves globales? Si tout marche bien, quelles sont vos projections après le plan quinquennal? Si les marchés mondiaux se maintiennent et que la Nova Scotia Power survit, aurions-nous des gisements suffisants pour l'avenir?
M. Shannon: Il y a deux types de réserves, sénateur. Il y a la réserve économique et la réserve en sous-sol. M. White vous parlera de la réserve en sous-sol.
Le sénateur Graham: Allez-vous nous parler de la réserve économique?
M. White: Le chiffre que j'ai toujours à l'esprit est qu'il n'y a dans les charbonnages de Sydney que 5 p. 100 du charbon existant au Canada. Autrement dit, 99 p. 100 de nos réserves se situent ailleurs qu'au Cap-Breton. Cela vous donne une idée de la taille de nos opérations par rapport au reste du pays.
La mine Phalen, par exemple, a des réserves récupérables de 70 millions de tonnes. Au rythme de 3 millions de tonnes par an, nous avons des réserves pour 20 à 25 ans. À Prince, les réserves sont estimées à 45 millions de tonnes, soit 45 ans au rythme de 1 million par an. Après cela, il faut aller vraiment très profondément.
Nous avons donc 70 et 45 millions de tonnes, 115 millions en tout, pour les 20 à 25 prochaines années. Je ne sais pas quelles sont les réserves de Donkin mais je crois qu'elles sont plus élevées.
Le sénateur Buchanan: M. Shannon sait bien, comme beaucoup d'autres, que j'ai consacré une période de ma vie à la Société de développement du Cap-Breton, à la Power Corporation et à SYSCO. Je connais donc assez bien la situation.
J'ai examiné attentivement vos chiffres et vos plans. Si vous réussissez, vous vous retrouverez en l'an 2000 avec un passif de pensions réduit, avec un taux d'absentéisme moins élevé -- et cela a toujours été un boulet pour la Société de développement du Cap-Breton, et avec moins d'heures supplémentaires -- ce qui a aussi toujours été un problème pour l'entreprise. En outre, vous allez avoir recours à de nouvelles technologies.
Autrefois, la Société de développement du Cap-Breton était un chef de file sur le plan technologique, comme vous le savez, mais cela a changé. Des gens comme John Terry et son frère ont eu recours à de nouvelles techniques dans les années 50 et 60. Si vous continuez à utiliser les nouvelles technologies jusqu'en l'an 2000 et que vous faites tout ce que vous avez proposé, il ne fait aucun doute que vous pourrez passer de pertes nettes de 35 millions de dollars à des profits de 23 millions ou plus. Ces résultats peuvent être atteints si vous faites tout ce qui est prévu.
J'ai participé au cours des années à de nombreuses réunions comme celle-ci, tout comme le sénateur MacEachen, Ed Lumley, des présidents de la Société de développement du Cap-Breton et des ministres fédéraux. Nous avons beaucoup parlé de ces choses-là, et nous avons aussi discuté avec divers présidents de la NSPC.
Pendant ces réunions, tout le monde convenait que la Société de développement du Cap-Breton avait un avenir brillant car elle allait avoir recours à de nouvelles technologies, elle allait réduire l'absentéisme et les heures supplémentaires, et tout irait bien. Le problème est peut-être que nous n'avions pas étudié la situation d'assez près. Je n'ai pas eu grand-chose à voir avec tout cela, sauf à titre d'observateur, mais je sais que nous n'avons pas accordé beaucoup d'attention à cette question de passif des pensions. Je n'ai cependant aucune hésitation à dire, après avoir longuement réfléchi, que le plan proposé nous permettrait de passer du négatif au positif.
Comme l'a dit le sénateur MacEachen, la survie des charbonnages préoccupe depuis fort longtemps la région du Cap-Breton, et cela n'a pas changé. Je me trouvais par exemple samedi dernier dans la région pour célébrer un quatre-vingt-dixième anniversaire. J'ai rencontré des gens de New Waterford, de Glace Bay et de Sydney Mines qui ne faisaient que parler de vos plans. Tous se demandaient s'il y aurait encore une industrie du charbon dans la région dans 5 ou 10 ans.
Croyez-vous que l'entreprise existera encore dans quelques années ou qu'elle s'oriente vers la cessation ordonnée de ses activités? Cette expression a été utilisée ce soir. Je ne dis pas que c'est ce qui est envisagé pour la période qui suivra le plan quinquennal mais vous savez fort bien que c'est quelque chose dont on parlait déjà dans les années 80.
C'est cela qui intéresse avant tout les gens du Cap-Breton -- pas tous vos chiffres. Leur principale préoccupation est de savoir s'il y aura encore une industrie du charbon dans la région. Comme vous l'avez dit, l'åge moyen des mineurs est de 45 ans. Dans cinq ans, il sera de 50 ans. Lorsque ces mineurs prendront leur retraite, il y en aura d'autres pour les remplacer car, qu'on le veuille ou non, les mines sont au centre de la vie de la région. C'est le cas depuis les années 1800. Mes grands-parents travaillaient dans les vieilles mines de Port Morien et de Dominion 1A. Toutes les mines qui existaient autrefois ont été fermées et remplacées par les mines 12, 11, 16, Caledonia. Elles ont toutes été remplacées.
En 1979, 1980 et 1981, on se demandait s'il y aurait une industrie viable du charbon. La NSPC faisait tout son possible pour remplacer le pétrole qui lui coûtait très cher. De 1,5 $ dollar le baril, le prix venait de passer soudainement à 10 $ le baril, puis à 15, et le prix de l'électricité avait explosé. La question que l'on se posait alors était de savoir s'il y aurait assez de charbon pour faire marcher les centrales de Lingan 1, 2, 3, 4, de Point Tupper, de Trenton et, plus tard, une centrale qui était prévue pour le Cap-Breton et qui est finalement devenue la centrale à lit fluidisé de Point Aconi.
À l'époque, tout le monde disait que le puits 26 serait fermé et c'est finalement ce qui est arrivé, malheureusement à cause de l'explosion qui a fait beaucoup de victimes. Tout le monde savait que la vie de la mine Lingan était limitée. Donc -- et le sénateur MacEachen s'en souviendra -- la question en 1979-1980 était de savoir s'il y aurait assez de charbon au Cap-Breton pour approvisionner la NSPC. La réponse était alors que non parce que Lingan allait fermer dans un certain nombre d'années et que la nouvelle mine Prince, ouverte autour de 1971, ne pourrait être exploitée que pendant 25 à 30 ans. Tout le monde pensait donc qu'il allait falloir ouvrir une nouvelle mine.
Je ne conteste pas les chiffres de M. Shannon mais j'en ai vu d'autres selon lesquels, si l'on pouvait extraire le charbon qui se trouve entre le Cap-Breton et Terre-Neuve, on aurait environ 20 milliards de tonnes de réserves. Elles ne seront cependant jamais exploitées.
M. White: J'ai parlé de réserves «récupérables».
Le sénateur Buchanan: À moins que l'on ne trouve des îles entre le Cap-Breton et Terre-Neuve. Sinon, ça ne se fera pas. Par contre, dans la région de Donkin, il y a environ 3 milliards de tonnes de réserves. Je crois comprendre que 25 p. 100 à 30 p. 100 de ces réserves seraient récupérables, dans la veine de Harbour. Il y a donc là un gisement considérable, et il s'agit de charbon à taux relativement faible de soufre, environ 3,5 à 4 p. 100, et à environ 6 à 7 p. 100 de cendre. C'est bien cela?
M. White: D'après les normes mondiales, c'est une teneur en soufre assez élevée.
M. Shannon: Pour que le charbon soit commercialisable, il ne faut pas plus de 1 p. 100.
Le sénateur Buchanan: Mais le lavage permettrait d'en éliminer 1,5 ou 1 p. 100. Cela s'est fait dans le passé. Quoi qu'il en soit, nous avions demandé à l'époque au gouvernement fédéral de prélever des carottes dans la veine de Donkin. Au début, le gouvernement a refusé mais la province s'en est chargée. Elle a fait venir un bateau de forage en 1979, à ses frais -- qui furent de l'ordre de 5 millions de dollars -- ce qui a permis d'évaluer la quantité de charbon de Donkin.
Je dois dire au sénateur MacEachen que la province a récupéré ses 4 ou 5 millions de dollars en 1981. Je pense que vous avez remboursé cette somme à la province, ce qui était tout à fait juste.
Le sénateur MacEachen: Naturellement.
Le sénateur Buchanan: Nous avons donc fait tous ces forages.
Le président: Je ne voudrais pas vous interrompre mais je voudrais rappeler aux sénateurs que le temps qui nous est imparti est limité.
Le sénateur Buchanan: Je vais bientôt me taire. Si je me souviens bien, mais le sénateur MacEachen a peut-être une meilleure mémoire que moi, deux tunnels ont été percés entre 1981 et 1983. Ils existent encore. Le charbon est là. Ensuite, les tunnels ont été inondés, ce qui était tout à fait normal pour les préserver, sinon ils se seraient détériorés. Tout ce que je veux dire, c'est que la principale préoccupation à l'époque était que les mines de charbon allaient fermer et qu'il allait falloir en ouvrir de nouvelles pour assurer la survie des charbonnages du Cap-Breton.
Ce soir, vous avez dit que la mine Prince serait exploitée pendant 25 ans.
M. White: 20.
Le sénateur Buchanan: Et celle de Phalen, 25. Je ne pensais pas que c'était autant. J'avais entendu parler de 10 à 15 ans pour chacune.
Je suis descendu dans les mines. Je suis descendu au puits 26 où il nous a fallu deux heures pour atteindre la face d'abattage. La fois suivante, 4 ans plus tard, il nous a fallu deux heures et demie à trois heures pour y arriver. Le coût d'exploitation de ces mines est incroyable à cause des distances qu'il faut parcourir pour arriver à la face d'abattage. On en est à cette étape-là avec Prince et Phalen: à mesure qu'on avance, les coûts augmentent sensiblement.
M. White: C'est vrai, mais nous avons en contrepartie de meilleurs systèmes de transport et de ventilation dans les nouvelles mines. On ne peut même pas comparer Phalen ou Prince au puits 26.
Le sénateur Buchanan: Je suis un partisan de la mine Donkin, peut-être parce que la province a fait faire les forages en 1979-1980. J'avais la conviction à l'époque, comme tout le monde dans les ministères fédéraux et provinciaux, que la bonne décision était de préparer cette mine pour le jour où les autres devraient fermer. Si ce que vous dites ce soir se confirme, ce sera nécessaire à terme.
Ce que je voudrais savoir, c'est ce qui arrivera au bout de cinq ans. Et aussi ce qui arrivera au bout de 10 ans, lorsqu'il n'y aura plus de charbon à Prince et à Phalen, et que les coûts d'exploitation seront très élevés parce que vous vous éloignerez sous l'océan. Avez-vous calculé les coûts de production du charbon à la mine Donkin, où le gisement est immédiatement accessible et est très proche de la surface, au bout des tunnels? Quand sera-t-il rentable de commencer à exploiter Donkin et de fermer Phalen?
M. White: Si l'on tient compte des investissements nécessaires pour installer des systèmes de transport en surface et en sous-sol, afin de réaliser tous les aménagements nécessaires, la mine Donkin ne peut actuellement être rentable par rapport à celle de Phalen.
Le sénateur Buchanan: Je sais.
M. White: Nous avons aujourd'hui les faces d'abattage à portée de mains et la mécanisation va nous permettre d'appliquer notre plan pour tirer parti des ressources disponibles aujourd'hui. Considérant que le total des réserves récupérables de ces deux mines est respectivement de 45 millions et de 70 millions de tonnes, ce qui permettra une exploitation pendant au moins 25 ans, il n'y a aucune raison d'exploiter autre chose que ces mines-là dans les cinq prochaines années, si nous pouvons le faire aussi efficacement que nous l'envisageons avec ce plan.
Le sénateur Buchanan: Comme je le disais il y a un instant, je suis allé dans les tunnels de Donkin lorsqu'on les perçait. Aujourd'hui, ils sont inondés. Pendant combien de temps croyez-vous qu'ils peuvent rester inondés sans se détériorer, si jamais l'on voulait ouvrir la mine?
M. White: Les deux tunnels sont comme deux gros tuyaux de ciment. Ils resteront longtemps dans le même état.
Le sénateur Buchanan: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Vous savez qu'il y a eu beaucoup de controverses lorsque la société a décidé de les inonder. Les gens disaient: «On inonde les tunnels, c'est la fin de Donkin». J'ai cependant vérifié auprès de quelques personnes qui m'ont dit que votre décision était la bonne, c'est-à-dire qu'il fallait inonder les mines. La bonne chose était d'inonder les tunnels pour qu'ils restent en l'état.
Je suis assez heureux -- et je suis sûr que cela a aussi donné satisfaction au sénateur MacEachen -- d'apprendre que la Société de développement du Cap-Breton n'a pas renoncé pour toujours à la mine Donkin. Selon mes informations, ce serait la nouvelle mine la plus viable si l'on décidait d'en ouvrir une autre au Cap-Breton.
M. White: Il y a deux tunnels d'accès qui sont en parfait état. Cela ne fait aucun doute. Et il y a beaucoup de charbon au bout. Il est certain que si l'on avait absolument besoin de ce charbon, à cause de problèmes ailleurs, cette mine serait beaucoup plus facilement exploitable que n'importe quelle autre.
Le sénateur Buchanan: Je suis heureux de vous l'entendre dire. D'après moi, il est fort possible qu'une nouvelle mine soit bientôt nécessaire. Voyez d'ailleurs l'histoire de la Société de développement du Cap-Breton! Personne n'aurait jamais pensé que l'on aurait besoin de plus que la nouvelle mine Lingan, mais c'était une erreur parce qu'il a fallu ouvrir celle de Prince. Aujourd'hui, il y a de bonnes chances que l'on ait besoin, d'ici un certain temps, de la nouvelle mine Donkin.
Avec le type de charbon qui s'y trouve, on prévoit que l'aménagement de la mine pourrait coûter jusqu'à 400 millions de dollars. En 1980, le coût total d'aménagement des trois faces était évalué à 240 millions, et je crois comprendre qu'on en a déjà dépensé 100 pour percer les tunnels. Même en tenant compte de l'amortissement, qu'est-ce qui vous fait penser que l'aménagement d'une nouvelle mine à Donkin coûterait 400 millions de dollars?
M. White: Quand on a aménagé la mine Phalen, il a fallu payer 254 millions de dollars, et c'était au milieu des années 80. Il a fallu investir 254 millions de dollars à cette époque-là pour une mine capable de produire 2 à 3 millions de tonnes par an.
Le sénateur Buchanan: Mais Donkin pourrait aussi produire 3 millions de tonnes avec ses trois faces d'abattage.
M. White: Mais les coûts ont explosé depuis. Ouvrir cette mine coûterait très cher.
M. Shannon: La différence est qu'il y avait à l'époque un autre banquier à Ottawa.
Le sénateur Ghitter: M. Shannon, M. White, je viens de l'autre bout du pays. Je suis donc peut-être un peu désavantagé -- mais c'est peut-être le contraire -- car je connais fort peu votre région. Bien qu'il y ait beaucoup de charbon en Alberta, je connais fort mal les charbonnages, et encore moins l'exploitation de mines sous la mer. En outre, contrairement au sénateur Buchanan, je n'ai pas fait d'insomnies au sujet du Cap-Breton car je ne connais pratiquement pas la région.
Cela dit, j'ai trouvé vos informations très intéressantes. Si je lisais l'un des rapports annuels produits par la société il y a une dizaine d'années, j'y trouverai probablement des choses peu différentes de celles que vous nous avez dites ce soir, du point de vue de leur optimisme irréductible. Je sais qu'on parlait aussi dans ces rapports de gains d'efficience et de réduction des coûts de main d'oeuvre. On disait que les choses allaient s'améliorer.
Considérant que l'on nous a dit à chaque fois que l'année suivante serait «meilleure», je peux calculer que les contribuables du Canada ont versé environ 1,5 milliards depuis 1968 dans l'attente de cette année meilleure. Pour ce qui est de vos propres chiffres, je conviens que vous avez franchement exposé les difficultés que vous avez rencontrées pour préparer le deuxième scénario, mais je crois que vos chiffres reposent sur des hypothèses qui ne sont pas justifiées, tout comme ceux des années passées.
Je vois par exemple, dans vos prévisions de recettes et de dépenses, que vous envisagez une hausse des recettes. Vous dites qu'elles passeront de 165 millions à 188 puis à 191, mais je ne vois rien dans vos documents qui justifie cette hausse. Pis encore, je vois que les recettes provenant de votre principale source, c'est-à-dire de vos ventes, vont baisser de 18 p. 100 dans les prochaines années. Je constate que vos exportations vont également diminuer. En fait, l'un des graphiques que vous nous avez montrés, révèle que vos revenus d'exportation vont chuter considérablement, et délibérément, au cours des prochaines années. Je ne sais pas quels engagements la Nova Scotia Power Corporation a pris avec vous, mais je sais que le contrat doit être renégocié tous les cinq ans. Si la NSPC est votre principal client, quel devra être votre niveau de production minimum? À mon avis, vos affirmations sont fondées sur des hypothèses non vérifiées. Je n'ai trouvé dans les documents que j'ai lus jusqu'à présent rien qui justifie vos déclarations. Pourtant, vous venez nous dire encore une fois que vous aimeriez obtenir 70 millions de dollars du gouvernement fédéral pour éponger vos dettes ou régler vos coûts sociaux. Au fond, ce que cela veut dire, c'est que vous allez remplacer une dette par une autre. Vous allez capitaliser vos coûts sociaux mais, en contrepartie, vous aurez une dette envers le gouvernement fédéral. Je ne vois dans vos tableaux aucun calcul des intérêts que vous devrez acquitter au gouvernement fédéral. Je ne vois non plus aucune réserve pour éventualités dans vos états financiers.
Dans chaque rapport que j'ai lu, j'ai vu des choses comme celles-ci: «Nous avions prévu une bonne année, mais la mine Phalen a connu des problèmes. Nous avons dû effectuer des investissements que nous n'avions pas prévus». De ce fait, je devrais m'attendre à ce qu'il y ait dans vos états financiers un fonds pour éventualités de 10 p. 100 pour couvrir vos frais d'exploitation exceptionnels, car il y a probablement eu des situations exceptionnelles dans le passé.
J'ai beaucoup de mal à accepter les informations que vous nous avez fournies. J'ai du mal à les comprendre et vous ne m'avez donné aucune information qui en garantisse la véracité. Suis-je passé à côté de quelque chose? Sommes-nous obligés de vous croire sur parole? Avez-vous quoi que ce soit qui justifie les chiffres que vous avez donnés ce soir?
M. Shannon: M. Buchanan répondra à la deuxième partie de votre question car nous avons les données justificatives dont vous parlez.
Sachez bien qu'il nous est difficile de venir encore une fois à Ottawa du Cap-Breton, la casquette à la main, pour demander aux contribuables canadiens de continuer à aider cette industrie, alors que cela se fait depuis 30 ans et que nous n'avons jamais réalisé ce que nous avions annoncé. Sachez bien que la cause a été difficile à défendre au ministère des Ressources naturelles, au Conseil du Trésor et au ministère des Finances. Je vais vous donner deux exemples des difficultés que nous avons rencontrées.
Il y a eu en novembre un grave accident à la mine Phalen. Le plafond s'est effondré et un certain nombre de gens, dont des employés de l'entreprise, ont immédiatement entrepris une campagne pour obtenir l'ouverture de la mine Donkin. Ils disaient qu'il ne valait pas la peine de continuer à exploiter Phalen. Ils ont profité de cet accident pour encourager les actionnaires à appuyer Donkin. Au même moment, nous tentions de convaincre la bureaucratie et les politiciens d'Ottawa qu'il fallait aider l'entreprise. Nous leur disions que la production recommencerait bientôt à Phalen, mais il a été difficile de les convaincre.
Des gens m'ont dit que l'un des graves problèmes que connaît l'entreprise depuis des années concerne les relations syndicales-patronales. Si l'entreprise garde la même attitude, comment pourra-t-elle jamais résoudre ce problème?
Voilà certains des arguments que nous avons dû réfuter de la part des sceptiques. C'est pour cette raison que nous avons dressé un plan assez prudent et crédible pour pouvoir convaincre les gens d'Ottawa.
La bataille n'a pas été facile, sénateur. Ce que vous dites est parfaitement cohérent. Nous avons eu ce genre de discussion avec beaucoup de gens à Ottawa et nous sommes ici ce soir parce que nous avons la conviction que ce plan peut marcher. Nous pensons être capables de båtir un système de gestion garantissant le succès du plan. Cela dit, ce succès dépend de deux choses cruciales. Premièrement, il nous faut la coopération pleine et entière de chaque employé. Dans notre plan, il n'y a aucune place pour les tire-au-flanc. Il faut que tout le monde vise le même objectif. Deuxièmement, il faut que le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement régional du Cap-Breton ne mettent pas leur nez dans nos affaires. Il faut laisser la politique en dehors du dossier. La solution doit reposer sur le plan d'entreprise qui a été accepté et approuvé à Ottawa, sans ingérence des politiciens à l'échelle fédérale, provinciale, ou municipale.
Il faut que ces deux conditions soient respectées. Je suis ici aujourd'hui parce que je crois que la direction de l'entreprise peut réussir. Je crois que les employés vont tout faire pour aider l'entreprise à sortir de cette crise.
Je vais maintenant demander à Merrill Buchanan de vous parler des documents justificatifs et de vous expliquer d'où viennent tous les chiffres que nous vous avons donnés.
Le sénateur Ghitter: J'attends ces informations avec beaucoup d'impatience, M. Shannon, mais je dois préciser, malgré tout le respect que je vous dois, que vous seriez bien naïf de croire que les politiciens ne mettront pas leur nez dans vos affaires. En effet, l'une des raisons même de la préservation de la société est son incidence sociale sur la collectivité du Cap-Breton. Si les politiciens ne s'intéressaient pas à l'emploi et aux aspects sociaux et culturels de l'entreprise, ce qui relève éminemment du politique, la mine n'existerait peut-être déjà plus aujourd'hui. On ne peut donc jamais faire fi du politique. Si c'est l'une des conditions de votre plan, je puis vous dire qu'il n'ira pas très loin.
M. Shannon: Je ne partage pas votre avis, sénateur, cela dit sans vouloir vous offenser. Certes, votre argument était valide autrefois. Cependant, la situation a beaucoup changé dans le pays, dans la région et dans notre collectivité. Des hôpitaux et des écoles ferment leurs portes, et des fonctionnaires sont mis à pied partout au pays. Il y a plus de gens mis à pied à Ottawa que dans n'importe quelle autre ville du Canada. Le gouvernement du Canada et les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de l'Ontario mettent des gens à la porte. La situation est donc bien différente, et les attitudes aussi.
J'estime que la ministre MacLellan est fermement résolue à ce que l'entreprise soit gérée en fonction de saines pratiques commerciales. Elle a donné son appui au président du conseil d'administration, au conseil lui-même et au président de l'entreprise. Si cet appui se maintient, je crois que nous avons une chance de réussir, malgré tout ce que vous avez dit. Votre argument était peut-être légitime autrefois, et je pense que les sénateurs Graham, MacEachen et Buchanan partagent mon opinion. Aujourd'hui, les circonstances ont beaucoup changé.
Le sénateur Ghitter: Dans ce cas, essayez de me convaincre que les revenus de l'entreprise en 1997-1998 seront de l'ordre de 188 millions de dollars.
M. Merrill D. Buchanan, vice-président, Finances, Société de développement du Cap-Breton: Je vais aborder trois questions relatives au budget. Pour ce qui est de la préparation du budget et des données justificatives, le travail a été entrepris l'automne et l'hiver derniers alors que nous avions déjà commencé la décentralisation dont on a parlé plus tôt ce soir. Le budget des trois unités opérationnelles -- les mines Prince et Phalen et les activités de surface -- a été élaboré dans ces trois unités. Autrement dit, ce sont les gens qui seront chargés de mettre en oeuvre ces budgets qui ont fourni toutes les données nécessaires à leur élaboration. Tous les détails ont été établis site par site pour être intégrés ensuite au budget global de l'entreprise.
En ce qui concerne les revenus, nous avons tenu compte de la baisse de prix négociée avec la Nova Scotia Power. La baisse a commencé en 1995-1996. Nous en sommes aujourd'hui à la deuxième année et les projections pour 1997-1998 tiennent compte de la troisième année de baisse. Pour ce qui est des hausses, elles proviennent de la hausse de production sur laquelle nous tablons.
Vous avez parlé aussi d'un fonds pour éventualités. Je pourrais répondre en parlant des améliorations que l'on aurait pu apporter au budget. Certes, nous n'y avons pas intégré toutes les améliorations qui nous semblent possibles au sein de l'entreprise. On a parlé tout à l'heure de gestion de la qualité totale. Si nous pouvons mettre en place des programmes de cette nature, il est certain que nous pouvons améliorer encore les chiffres du budget. À nos yeux, c'est la soupape de sûreté dont vous parlez. Et il y a d'autres mesures que prendra l'entreprise mais qui ne figurent pas encore dans ces budgets.
Le sénateur Ghitter: Pourriez-vous nous communiquer les données justifiant cette hausse des ventes? D'où proviendront les revenus supplémentaires? Pourrions-nous voir les détails pertinents de votre entente avec la Nova Scotia Power Corporation qui justifient la hausse des ventes sur laquelle vous comptez, afin de convaincre le comité?
Monsieur le président, je demande ces informations. Je pense qu'elles seraient utiles.
Le sénateur Stanbury: L'avantage que j'ai en prenant la parole en dernier, c'est que les autres ont déjà posé la plupart de mes questions. Je tiens cependant à vous dire que je suis d'accord avec mon collègue, le sénateur Ghitter. Il a parlé tout à l'heure de l'appui dont aura besoin George White pour réussir ce coup. Je ne doute aucunement qu'il en soit capable, considérant ce que l'on nous a dit à son sujet, et nous comptons sur lui, comme tout le monde. M. Shannon devra d'ailleurs lui aussi lui donner son appui pour qu'il obtienne les systèmes et les techniques de gestion nécessaires à ce redressement de l'entreprise. C'est une tåche énorme qu'il entreprend, peut-être même intimidante, mais j'espère et je crois qu'il réussira.
Je m'intéresse moi aussi au contrat négocié avec la NSPC. Certains aspects en ont déjà été mentionnés, comme la baisse des prix vers la fin de la période de cinq ans et la possibilité qu'elle ait recours à d'autres combustibles à l'expiration du contrat, ou à du charbon vendu meilleur marché par d'autres fournisseurs. Quelqu'un a déjà dit que la productivité des mineurs américains est 5 fois supérieure à la nôtre et que celle des mineurs australiens est 3 fois supérieure. Il doit donc y avoir dans le monde beaucoup de charbon coûtant beaucoup moins cher que le nôtre. La compétitivité de la Société de développement du Cap-Breton est absolument cruciale si celle-ci veut conserver son principal client, la Nova Scotia Power Corporation.
On a aussi parlé des problèmes environnementaux résultant de la teneur en soufre du charbon, alors que les normes environnementales sont de plus en plus rigoureuses. Nous pourrions aussi discuter de cette question dans le contexte des relations avec la NSPC. Je ne sais pas si le sénateur Murray ou quelqu'un d'autre souhaitait aborder cette question, mais vous pouvez commencer à y répondre.
M. White: Sur le plan des ventes, nous bénéficions d'un avantage stratégique dans la mesure où nos concurrents nord- américains qui voudraient approvisionner la NSPC devraient assumer de gros frais de transport pour acheminer leur charbon du centre des États-Unis jusqu'à la côte est. Nous bénéficions aussi d'un avantage stratégique sur les marchés internationaux puisque nous sommes sur l'océan Atlantique. Nous n'avons peut-être pas beaucoup d'avantages, mais ces deux-là sont incontestables.
Je connais bien la Nova Scotia Power Corporation. J'y ai travaillé pendant près de six ans. Je connais également très bien, en tout cas je le crois, la notion de service à la clientèle, parce que c'était mon domaine d'activité pendant une bonne partie de cette période. Quoi que nous fassions au cours des cinq prochaines années, nous ne pouvons absolument pas nous permettre de tenir ce client pour acquis. Et cela vaut aussi pour nos employés et pour nos actionnaires. Nous devons absolument fournir un meilleur service que jamais, et je crois que c'est ce que nous sommes en train de faire. Mais nous avons l'intention de continuer à l'améliorer.
Nous entretenons des contacts réguliers avec la NSPC. Je discutais d'ailleurs ce matin avec son président parce que nous avons eu un problème à la mine et je craignais qu'il n'en ait entendu parler par la presse. J'ai tenu à l'informer moi-même de la situation. Et je puis vous dire qu'il y a des contacts de cette nature à tous les paliers des deux organisations.
En dernière analyse, le charbon n'est qu'une denrée de base pour la NSPC, et les pressions environnementales ne peuvent que s'intensifier, non seulement pour réduire la teneur en soufre mais aussi pour réduire les émanations de CO2 et pour encourager le recours au gaz naturel. Comme l'a dit le président du conseil, les contrats de Trenton avec la NSPC ont été gérés séparément de nos contrats principaux, ce qui nous a causé beaucoup d'inquiétude. En effet, cela veut dire que ces contrats seraient en danger si quelqu'un dans la province négociait un contrat d'approvisionnement en gaz naturel. Si du gaz naturel était disponible, la NSPC pourrait l'utiliser dès maintenant.
Je ne crois pas que ces choses menacent nos relations, car nous allons travailler pour les améliorer. Les relations sont bonnes aujourd'hui, et bien meilleures en tout cas qu'il y a un an et demi, mais nous allons continuer à les améliorer.
La déréglementation des utilités publiques aura également des conséquences financières. Les coûts de la centrale de Point Aconi, qui absorbe environ 400 000 tonnes du charbon de notre mine Prince, ne sont pas encore comptabilisés et ne se retrouvent donc pas encore en totalité dans les factures d'électricité des Néo- écossais. Lorsqu'on commencera à en tenir compte, les tarifs de l'électricité vont augmenter. La NSPC va donc encore essayer de faire baisser les prix, d'autant plus qu'elle aura bientôt une très grosse facture fiscale à acquitter.
Sa structure de coûts va changer considérablement et elle va donc tenter de faire baisser encore nos prix. Nous devons nous y préparer. Ce sera un facteur inévitable de nos relations. Nous allons faire tout notre possible pour améliorer encore notre service à la clientèle mais, en dernière analyse, la question sera de savoir si nous pouvons ou non fournir à la NSPC le combustible dont elle a besoin à un prix qu'elle est capable de payer, puisque c'est elle notre client.
Nous parlions tout à l'heure de la capacité de notre personnel à fournir ce que nous allons lui demander, et on nous a demandé si nous avions prévu un fonds pour éventualités dans notre budget. Vous direz peut-être que je vous demande de faire un acte de foi, mais le président du conseil évoquait tout à l'heure les problèmes que nous avons eus au puits 7 Est, notre principale unité de production à Phalen. Environ les deux tiers du charbon que produira la mine cette année proviennent de ce puits. Or, c'est là qu'il y a eu un incident grave à l'automne de 1995. Si notre personnel n'avait pas été exceptionnel, on aurait pu renoncer à cette unité de production.
De fait, nous avons abandonné il y a quelques années une face d'abattage qui n'était probablement pas en aussi mauvais état que celle du puits 7 Est. Les mineurs ont réalisé que la survie de l'opération était en jeu. Ils ont fait toutes les réparations nécessaires, ce qui a pris longtemps parce que les opérations n'étaient pas très mécanisées, mais l'unité est aujourd'hui prête à reprendre sa production. Les mineurs ont travaillé jour et nuit avec des pics et des pelles pour remettre la mine en état. La direction et les syndicats ont collaboré à ce projet et je suis prêt à parier que les sénateurs autour de cette table n'ont reçu aucun appel téléphonique à ce sujet. Le travail a été fait, dans le calme et la sérénité, pendant de longs mois.
Je sais que tous les employés de l'entreprise ont la ferme volonté de réussir, mais cela ne peut pas être indiqué par des chiffres. Comme l'a dit le sénateur Buchanan, la mine est un mode de vie au Cap-Breton et les gens n'hésitent pas à se dévouer, comme ils l'ont prouvé dans le passé et comme ils le feront encore à l'avenir. Vous entendrez dans quelques jours des représentants des syndicats. Posez-leur simplement cette question: «Êtes-vous prêts à monter au créneau?» Vous verrez ce qu'ils vous diront.
Voilà le genre de choses qu'on ne peut pas intégrer à des états financiers mais, si vous venez au Cap-Breton, je vous en donnerai la preuve. Nous allons vous donner les chiffres mais, si ceux-ci ne parviennent pas à vous convaincre, j'aimerais que vous veniez chez nous pour voir ce dont les gens sont capables. C'est ça qui fait toute la différence. C'est ça qui nous a permis de réussir dans le passé.
Le sénateur Stanbury: C'est très encourageant. Merci beaucoup.
Le sénateur Murray: J'appuie la demande du sénateur Ghitter au sujet des données justificatives de votre plan. Je comprends bien la position de M. Shannon au sujet de l'ingérence politique mais je dois lui rappeler que la décision de prêter 79 millions de dollars de plus à l'entreprise est une décision éminemment politique. Je dis cela pour défendre les politiciens, y compris ceux qui nous gouvernent aujourd'hui.
Mon problème n'est pas de savoir s'il s'agit d'une décision politique ou non mais plutôt si c'est une décision cohérente et justifiée ou simplement une nouvelle improvisation. J'appuie la demande du sénateur Ghitter car, entre le plan qui a fait l'objet des consultations, au printemps, et celui que vous avez fait approuver par le gouvernement, vous avez constaté que vous pourriez produire et vendre 3 millions de tonnes de plus. Alors que vous envisagiez un certain retrait des marchés d'exportation, vous nous dites maintenant que vous allez vendre entre 700 000 et 1 million de tonnes à l'étranger.
Je vous dirai honnêtement que ma première pensée, lorsque j'ai appris que votre plan était approuvé, a été: «Eh bien, ils viennent de s'acheter un sursis». Je ne suis pas nécessairement contre cela, considérant votre situation, mais nous aimerions tous avoir la conviction que ce que vous allez faire n'est pas de l'improvisation et va plutôt donner à l'entreprise une chance réelle de se redresser.
M. Shannon: Tout ce que je puis vous dire, sénateur, c'est que nos allons vous donner toutes les données justifiant nos états financiers. Quand vous les aurez lus, vous verrez que nos chiffres sont parfaitement légitimes.
Le sénateur Murray: Outre le fait que vous ayez perdu de l'argent sur l'exploitation à temps partiel de la mine Prince, il y a un objectif stratégique plus général derrière la décision de produire 3 millions de tonnes de plus que vous ne l'aviez prévu lors des consultations du printemps.
M. Shannon: Le plan qui a fait l'objet des consultations était une ébauche. C'était un scénario de base que nous avions produit pour susciter un débat. Nous aurions pu y inclure d'autres options. De toutes façons, ce n'est pas le plan qui a été approuvé par le gouvernement. Le plan approuvé est celui qui a été élaboré suite aux discussions suscitées par l'ébauche, et il comprend certaines des options que j'ai exposées ce soir.
Le sénateur Murray: Ma question était la suivante: est-ce la somme supplémentaire de 79 millions de dollars qui rend le plan B possible? Est-ce que c'est cela le facteur stratégique important?
M. White: Du point de vue stratégique, puisque nous parlons de plan stratégique pour la Société de développement du Cap-Breton, je dois vous dire que notre seule stratégie pour les cinq prochaines années est de survivre. Certes, nous aimerions que l'entreprise s'épanouisse et se développe, afin de pouvoir aborder l'avenir en toute confiance.
Dans la plupart des entreprises, les cadres se réunissent pour élaborer la stratégie qui leur permettra d'atteindre des objectifs de cette nature. Notre stratégie à nous est de survivre, d'assurer la viabilité de l'entreprise au cours des cinq prochaines années, et de veiller à ce que notre actionnaire ait la conviction que nous sommes capables de gérer l'entreprise pour l'avenir. De ce point de vue, la production supplémentaire permettre d'accroître les revenus de l'entreprise sur la période envisagée, ce qui nous rendra plus forts.
Du point de vue technique et opérationnel, cependant, nous ne pouvons pas tout faire. Certes, vous pourriez nous dire de produire plus de charbon mais il y a des limites incontournables à ce chapitre. Il faut faire des travaux de mise en valeur. Il faut résoudre des problèmes de logistique, concernant par exemple le nombre de machines à installer, le nombre de puits à exploiter, les exigences de ventilation, et cetera. Il se trouve simplement que, dans le cas de la mine Prince, nous avons pu choisir une option permettant à l'entreprise d'accroître son chiffre d'affaires tout en garantissant de l'emploi à une partie de notre personnel. Cette suggestion, que nous avons retenue, émane des consultations.
En outre, si la mine Phalen fonctionne bien, la production de Prince profitera au reste de l'organisation. Elle ne profitera pas simplement aux 66 employés supplémentaires qui y travailleront. Si nous pouvons améliorer les activités à Phalen, cela nous permettra d'accroître la rentabilité de l'usine de lavage et des quais internationaux. Nous croyons donc avoir pris la bonne décision. Et vous en comprenez maintenant la stratégie.
Le sénateur Murray: J'ai été heureux d'apprendre plus tôt, M. White, que la Société de développement du Cap-Breton jouit d'avantages compétitifs dans ses relations avec son principal client, l'un d'entre eux étant que les centrales électriques de la NSPC sont...
M. White: Stratégiquement situées.
Le sénateur Murray: ... dans l'ensemble très proches de vos mines. Certains, en Nouvelle-Écosse, s'imaginent parfois que la NSPC achète le charbon du Cap-Breton par charité chrétienne, parce qu'elle veut faire preuve de bienveillance à l'égard des mineurs du Cap-Breton, et que les consommateurs d'électricité de Nouvelle-Écosse subventionnent les mineurs depuis de nombreuses années. Nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails mais je soupçonne que les relations avec la NSPC, comme toute relation commerciale, ont connu des hauts et des bas au cours des années. Il n'en reste pas moins que vous bénéficiez incontestablement de certains avantages compétitifs par rapport au charbon importé, même sur le plan des prix, n'est-ce-pas?
M. White: Nous avons certainement certains avantages en ce qui concerne notre capacité d'approvisionner ce client. C'est pourquoi nous avons avec lui des contrats qui remontent à très longtemps. Chaque entreprise connaît fort bien les activités de l'autre. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de rupture d'approvisionnement, ce qui compte pour quelque chose dans le monde d'aujourd'hui. Vous avez déjà parlé du transport. Soyez certain que nous nous efforçons aussi de livrer du charbon de qualité et que nous collaborons avec la NSPC sur les questions environnementales. Les deux entreprises ont donc de nombreuses raisons de travailler ensemble.
Le sénateur Murray: M. Shannon paraissait un peu sceptique lorsque je suis intervenu, mais je suppose que, si vous vendez plus de 70 p. 100 de votre production à un seul client, vous devez connaître sa situation économique aussi bien que lui. Sinon, M. White est là pour vous l'expliquer, puisqu'il a travaillé des deux côtés de la barrière. Quoi qu'il en soit, la Nova Scotia Power n'aurait sans doute aucun intérêt à dépendre de contrats d'approvisionnement avec des négociants de charbon américains parce que ce seraient probablement des contrats à court terme, n'est-ce-pas? Il y a une question de taux de change qui n'est pas négligeable. Il y a aussi les frais d'expédition, des questions de fiabilité d'approvisionnement, et cetera.
M. Shannon: Je suis sûr qu'il y a bien des membres du conseil d'administration de la NSPC qui ne seraient pas d'accord avec vous là-dessus. Ils ont reçu des offres légitimes de sociétés réputées qui sont prêtes à leur vendre du charbon sur une base régulière à un prix largement inférieur à celui que demande la Société de développement du Cap-Breton.
Le sénateur Murray: C'est donc bien une question de charité chrétienne.
M. Shannon: Je ne suis certainement pas prêt à reconnaître qu'il s'agit de charité chrétienne entre les habitants de la province et les gens du Cap-Breton, malgré tout le respect que je dois au sénateur MacDonald assis à côté de vous. Je considère toujours qu'il vient de Mabou, bien que certaines personnes connaissent son adresse de Halifax.
Il ne s'agit pas de charité chrétienne. Pas du tout. Je dis simplement que certains membres du conseil d'administration de la NSPC croient qu'ils pourraient obtenir du charbon, pour leurs centrales de la Nouvelle-Écosse, à meilleur prix que le charbon de la Société de développement du Cap-Breton
Le sénateur Buchanan: Le croyez-vous vraiment, monsieur Shannon?
M. Shannon: Je n'ai pas d'opinion à exprimer à ce sujet. Je ne ferai aucun commentaire là-dessus.
Le sénateur Murray: Je voudrais poser une dernière question sur les fameux «coûts sociaux».
M. Shannon: Allez-y.
Le sénateur Murray: Si la Société de développement du Cap-Breton devait être privatisée, quelle partie des ces coûts sociaux le gouvernement pourrait-il raisonnablement espérer transférer à un acheteur éventuel?
M. Shannon: Je n'ai pas vraiment l'habitude la vie publique, sénateur, mais je sais qu'il est préférable de ne pas répondre à des questions hypothétiques.
Le sénateur Murray: Vous avez dit, à un certain moment, qu'une fermeture immédiate pourrait coûter 900 millions de dollars. Une fermeture mieux planifiée coûterait 643 millions. Quelle partie de cette somme finirait par être assumée par l'actionnaire, du fait des pensions de retraite, par exemple?
M. Shannon: Probablement 380 millions.
Le sénateur Murray: Ce serait la facture pour le gouvernement?
M. Shannon: Ce serait le passif à vie pour les anciens employés.
Le sénateur Murray: Donc, s'il y avait une cessation ordonnée des activités, le gouvernement devrait assumer 380 millions de dollars sur un total de 643?
M. Shannon: Il y avait une liste. Avez-vous la liste ou simplement le total?
Le sénateur Murray: Simplement le total, mais je serai également heureux de voir la liste.
M. Shannon: Elle est quelque part. C'est un document public. Nous l'avons communiqué à tous nos interlocuteurs. Je suis surpris que vous n'en ayez pas un exemplaire.
Le président: Cela met un terme à cette séance. Je remercie les témoins de leur patience et de la qualité de leurs réponses. Ces informations nous seront très utiles dans nos délibérations. Je vous remercie d'être venus nous rencontrer à Ottawa.
Sénateur, nous reprendrons demain matin à 9 h 30. La séance de ce soir a été enregistrée par le réseau CPAC et devait être diffusée demain matin. Toutefois, comme elle a été assez longue, la diffusion se fera plus tard. La séance de demain sera également enregistrée.
La séance est levée.