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DEVC - Comité spécial

La Société de développement du Cap-Breton (spécial)

 

Délibérations du comité sénatorial spécial sur
la Société de développement du Cap-Breton

Fascicule 2 - Témoignages - Séance du matin


OTTAWA, le mardi 28 mai 1996

Le comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton se réunit ce jour, à 9 h 30, pour poursuivre son examen du rapport annuel et du plan directeur de la Société de développement du Cap-Breton et de questions connexes.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Avant d'entendre les témoins, il nous faudrait régler un certain nombre de questions d'ordre administratif. Je demande une motion autorisant l'impression de 400 exemplaires des procès-verbaux du comité et autorisant par ailleurs le président à modifier ce nombre de temps à autre en fonction de la demande.

Le sénateur MacDonald: J'en fais la proposition.

Le président: Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Il me faudrait également une motion autorisant le président à faire des recommandations au personnel de recherche dans la préparation d'études, d'analyses, de résumés et d'ébauches de rapports.

Le sénateur Murray: J'en fais la proposition.

Le président: Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Merci.

Il me faudrait maintenant une motion autorisant le président, en vertu de l'article 32 de la Loi sur la gestion des finances publiques, à engager des fonds, autorisation qui sera conférée au vice-président du comité en l'absence du président.

Le sénateur MacDonald: J'en fais la proposition.

Le président: Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Il me faudrait également une motion autorisant le comité, conformément aux lignes directrices du Sénat relativement aux dépenses des témoins, à rembourser un maximum de deux témoins d'une même organisation de frais de déplacement et de subsistance raisonnables, le versement devant être fait sur demande.

Le sénateur Graham: J'en fais la proposition.

Le président: Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée.

Il me faudrait, enfin, une motion selon laquelle, conformément à la directive 3.05 de l'annexe II du Règlement du Sénat, aucun compte ne sera payé par le comité à moins d'avoir été reconnu conforme à l'article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques par le président, le vice-président ou le greffier du comité.

Le sénateur Anderson: J'en fais la proposition.

Le président: Tout le monde est-il d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Merci.

Je fais savoir aux membres du comité que nous avons un résumé par points de la séance d'hier soir, et qui vous sera distribué ce matin.

Étant donné que nous venons tout juste d'adopter une motion visant notre équipe de la Bibliothèque du Parlement, je vais profiter de l'occasion pour la remercier ainsi que les gens des communications du travail qu'ils ont fait. Les sénateurs se sont vu remettre au moins trois documents préparés par la Bibliothèque du Parlement, documents que j'ai pour ma part trouvés très utiles. Il me semble que ce doit être le cas de nous tous. Ces documents étaient exhaustifs et très faciles à consulter. Merci beaucoup.

Le sénateur MacDonald: Monsieur le président, j'aimerais ajouter que le greffier et le personnel de recherche n'ont disposé que de très peu de temps pour préparer cette documentation et que j'ai rarement été témoin d'un travail aussi exhaustif dans mes 12 années passées ici en tant que sénateur.

Le président: Je souhaite la bienvenue à notre deuxième séance à tout le monde, et tout particulièrement à M. Tom Kent, ancien président de la Société de développement du Cap-Breton, qui a par ailleurs eu, ici à Ottawa, une carrière longue et distinguée au cours de laquelle il a occupé plusieurs postes d'influence importants. M. Kent est un très éminent Canadien.

Si M. Kent pouvait nous faire sa présentation en l'espace d'une quinzaine de minutes, nous pourrions alors passer aux questions. Ce matin, nous sommes assujettis à certaines contraintes temporelles, ce qui n'était pas le cas hier soir. J'aimerais que nous soyons aussi disciplinés que possible aujourd'hui. Cela étant dit, j'invite maintenant M. Kent à nous faire son exposé, après quoi nous passerons aux questions.

M. Tom Kent, ancien président de la Société de développement du Cap-Breton: Inutile de dire que c'est un grand plaisir pour moi de rencontrer le comité sénatorial en vue d'essayer de l'aider. Cependant, ma capacité de le faire est quelque peu limitée du fait que j'ai démissionné de mon poste de président de Devco il y a de cela 19 ans, et j'ai toujours trouvé qu'il est plutôt frustrant d'essayer de faire des conjectures sur les intentions de ses successeurs et je me suis par conséquent toujours efforcé d'éviter de le faire. Je ne suis pas un expert en ce qui concerne la situation actuelle de Devco.

J'espère pouvoir tirer au clair les lignes directrices qui ont été le fondement du fonctionnement de Devco et m'en servir comme base pour discuter de ce qui pourrait être fait maintenant.

Comme vous le savez tous, les charbonnages de la Nouvelle-Écosse ont commencé à bénéficier de subventions fédérales peu après la Première Guerre mondiale. Celles-ci ont augmenté au cours de la dernière année d'activité privée; en 1967-1968, le total dépassait les 30 millions de dollars, ce qui équivaut, bien sûr, à environ 150 millions de dollars actuels. Une subvention de 150 millions de dollars actuels pour une seule année d'exploitation met un petit peu en perspective les coûts de Devco. Devco a coûté cher, mais comparativement au coût du soutien antérieur, c'était une bonne affaire.

Cependant, même cette subvention énorme n'a pas suffi pour une exploitation privée, et Dosco a décidé de cesser son activité minière. Comme vous le savez, le gouvernement a créé la commission d'enquête Donald en 1966, commission qui a convenu avec Dosco que les mines ne pouvaient pas devenir rentables, mais les bouleversements sociaux qu'aurait engendrés une fermeture soudaine ont été jugés tout à fait inacceptables et Donald a par conséquent élaboré un plan ingénieux visant l'abandon graduel des mines sur une période de 15 ans. Dans le cadre de ce plan, c'est en 1981 qu'on aurait sorti le dernier charbon du Cap-Breton.

Donald a, à juste titre, considéré Dosco comme un mauvais candidat pour ce plan et pour le régime proposé de propriété fédérale, que le gouvernement fédéral du jour avait accepté, moyennant certaines légères modifications. Donald a proposé une société de développement distincte chargée de promouvoir l'emploi de remplacement. Le projet de loi n'a pas été conforme à ces conseils. En effet, celui-ci a créé une seule et même société chargée des deux volets. Je tiens à souligner qu'à mon avis, c'était là un élément critique.

Donald avait préconisé un abandon graduel ferme, quels qu'allaient être les résultats sur le plan développement. Le projet de loi maintenait les deux programmes ensemble et demandait à la société mixte de faire en sorte que l'exploitation du charbon tienne compte des progrès enregistrés du côté de l'obtention d'emplois à l'extérieur du secteur charbonnier.

Dans cet esprit, la loi assurait une souplesse supplémentaire. La réduction graduelle sur 15 ans n'éliminait bien sûr pas la nécessité d'équiper les mines délabrées de matériel neuf. Donald a proposé que cela se limite à l'amélioration de certaines des mines existantes mais qu'il n'y ait aucune mine nouvelle. La loi, quant à elle, maintenait cette possibilité.

Devco s'est lancée en mars 1968 dans une entreprise de taille phénoménale, et les premiers résultats ont été décevants. Je ne vais pas en aborder les raisons, à moins que vous ne vouliez qu'on en discute plus tard. L'important est que dès 1971, il était clair qu'il fallait une approche différente, et pendant l'hiver 1971-1972, il y a eu une réévaluation du problème du Cap-Breton. En gros, la conclusion était la suivante: moins d'optimisme face aux emplois de remplacement, mais plus d'optimisme en ce qui concerne le charbon.

Devco, ce qui se comprend, s'était lancée dans une promotion conventionnelle vigoureuse de l'industrie au moyen d'encouragements financiers pour attirer les industries volantes de l'extérieur. C'est ce que voulait la sagesse conventionnelle de l'époque. Dans la pratique, le manque de rigueur était surtout apparent dans le domaine des finances. Certains coentrepreneurs ont pris l'argent, sont venus et sont vite repartis, et il n'en est resté que peu de choses.

Ce genre de développement industriel ayant échoué à la fin des années 1960, l'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il réussisse dans le climat économique moins que porteur qui émergeait au début des années 1970.

Il y a eu un déplacement d'intérêt et l'on a commencé à compter davantage sur le développement d'entreprises et d'entrepreneurs locaux rattachés aux ressources du Cap-Breton. C'était une approche plus sûre, mais plus lente.

De l'autre côté, on a pris des risques avec des projections économiques. L'on a argué que le long déclin des prix du charbon était fini, que les prix du gaz et du pétrole allaient, c'était certain, augmenter, que les coûts de l'énergie hydro-électrique étaient eux aussi à la hausse et que l'énergie nucléaire s'avérait ne pas être bon marché. La tendance de la demande d'énergie dans ces circonstances signifiait que le charbon avait un avenir.

Bien franchement, en 1972, on s'est beaucoup moqué de cette approche. Heureusement pour moi, l'OPEP n'a pas mis longtemps à surgir et les prix de l'énergie ont augmenté au-delà de toutes les attentes. Cependant, il y avait là une réserve: les considérations environnementales.

L'on ne voulait pas de charbon à forte teneur en soufre, même en situation de forte demande d'énergie. Une part importante du charbon du Cap-Breton a une forte teneur en cendre et en soufre. Le seul lavoir que possédait l'ancienne compagnie était très petit et délabré et se limitait à enlever une certaine partie de la cendre, mais rien d'autre. Cela n'était pas acceptable. Nous avons par conséquent entrepris des travaux de recherche et de développement pour établir qu'avec une usine de préparation moderne, le charbon du Cap-Breton pourrait satisfaire les normes élevées du marché.

La meilleure chance pour le Cap-Breton à l'époque n'était pas une suppression progressive devant s'achever en 1981 mais plutôt l'établissement d'une industrie stable pour les 20 ou 25 années suivantes. Elle serait plus petite qu'auparavant, mais plus efficace. Je dis 20 ou 25 ans car c'est là la durée de vie à laquelle on peut s'attendre pour une mine sous-marine moderne à production élevée. Comme vous le savez, au fur et à mesure que vous vous éloignez des côtes pour pratiquer de l'exploitation minière sous-marine, les coûts augmentent sensiblement.

Le plan visant à assurer une certaine stabilité sociale au Cap-Breton comportait un autre élément essentiel: l'introduction de pensions pour les mineurs. L'ancienne compagnie n'en offrait pas. En fait, au début des années 1970, les mineurs qui partaient à la retraite ne pouvaient espérer toucher, à partir de l'âge de 65 ans, que la pension du Régime de pensions du Canada qui était à l'époque très limitée. Nous n'avons pas offert un régime de pension très riche, mais je pense qu'il serait juste de dire que cela faisait toute la différence dans le contexte social au Cap-Breton. J'ai toujours argué que le gros du coût de ces pensions ne faisait en vérité pas partie du déficit de Devco. Les mineurs à la retraite avaient principalement travaillé pour Dosco, qui n'avait rien prévu du tout pour eux. Une industrie caractérisée par une compression des effectifs et qui s'acquitte d'obligations sociales envers d'anciens employés de l'industrie porte en définitive un fardeau du passé qui ne correspond pas à ses activités en cours. Cependant, le ministère des Finances n'a jamais accepté ce point de vue. Il a préféré que les activités de Devco donnent l'impression d'être coûteuses.

En 1972, le gouvernement a entériné le nouveau plan. La meilleure des anciennes mines -- soit la mine numéro 26 -- devait être modernisée. Il devait y avoir une nouvelle mine à Lingan, approuvée antérieurement, mais presque aucun travail n'avait été fait et il n'existait aucun plan définitif. Il s'agissait de s'attaquer vigoureusement à la tâche. Les autres vieilles mines du côté sud du port de Sydney allaient être fermées. La décision au sujet de celle située du côté nord, la mine de Princess, a été reportée en attendant les résultats du forage exploratoire dans la région voisine de Point Aconi. Les résultats ont été plutôt satisfaisants. En 1974, on a entrepris le développement de la nouvelle mine de Prince à la place de Princess.

Pendant un certain temps en tout cas, les résultats ont été relativement satisfaisants. En 1977, la production par quart-homme a doublé par rapport à ce qui avait été enregistré dans les années 1960. En 1977, le déficit d'exploitation avait été ramené à 11,5 millions de dollars en dépit de coûts de pensions et de congés de retraite de 13,5 millions de dollars. En fait, Devco rapportait un profit au Trésor, car nous avions convaincu la Nova Scotia Power Corporation de payer le charbon l'équivalent de ce qu'aurait coûté le pétrole. À l'époque, le gouvernement fédéral subventionnait très généreusement le pétrole importé. J'avais argué que le ministère des Finances pouvait nous verser pour notre charbon ce qu'il aurait payé pour du pétrole. Inutile de dire que je n'ai pas gagné. Cependant, à ce moment-là, il était juste de dire que Devco contribuait dans tous les sens du terme à l'économie nationale. Cela amenait par ailleurs au Cap-Breton des retombées importantes. Des arrangements ont été négociés avec la NSPC en vue du développement de la grosse centrale électrique de Lingan.

Cependant, nous savions que nous n'avions fait qu'acheter du temps. À un moment donné dans les années 1990, Lingan et Prince seraient considérées comme de vieilles mines. Vu la façon dont l'économie nationale a commencé à se comporter à partir du milieu des années 1970, il était impossible d'être très optimiste quant à de nouvelles industries pour le Cap-Breton. La question était la suivante: y aurait-il toujours des mines de charbon une fois que Lingan et Prince et l'ancienne mine numéro 26 réhabilitée seraient devenues de vieilles mines dans les années 1990?

Nous avons pris un pas décisif en faveur de la planification à long terme: en effet, le charbon se trouvant sous la mer, qui avait toujours, jusqu'à ce que les mineurs s'y intéressent, fait l'objet de spéculations, doit faire l'objet d'exploration à l'avance. Nous avons décidé d'imiter l'industrie pétrolière et avons pour la toute première fois fait du forage au large des côtes. C'était en 1977-1978. Certains des résultats ont été encourageants. Ils ont confirmé que Lingan et Prince pourraient vraisemblablement avoir des durées de vie utiles relativement longues et ont signalé l'existence de filons houillers assez épais au large de Donkin.

Je m'empresse de souligner que ce que je vais dire à partir de maintenant ne correspond qu'à la vision de quelqu'un de l'extérieur.

En 1981, les tunnels pour atteindre le charbon de Donkin allaient être partis. J'estimais pour ma part que c'était quelque peu prématuré. Je n'étais pas convaincu que le travail de forage avait été aussi exhaustif que l'aurait réclamé l'envergure du projet. Cependant, à l'époque, l'attitude de la direction de Devco était à bien des égards devenue très coûteuse. Les extrêmes de la fin des années 1970 avaient été encourageants. En 1980, le déficit n'avait été que de 10,5 millions de dollars, ce qui, en dollars constants, était minuscule comparativement au chiffre enregistré par le passé. Ce chiffre, c'était après les 17,5 millions de dollars en congés de retraite et en pensions.

Cependant, des problèmes ont très vite surgi. En 1981, Devco a été durement frappée par une grève prolongée, envenimée par le choix par la corporation d'un style de gestion coûteux. En 1982, la récession économique générale était une réalité et est venue aggraver les effets du bouleversement mondial de l'industrie de l'acier, qui avait commencé à la fin des années 1970, et avait gravement affaibli le marché du coke et du charbon. Le plus sérieux revers fut la catastrophe dans la mine numéro 26. Ce fut une catastrophe du genre de celle de Westray, avec pertes de vies, et cela amena la fermeture de la source du meilleur charbon du Cap-Breton. Tout ce qui avait été investi dans la modernisation de la mine fut perdu.

Pour récupérer le plus rapidement possible cette perte, Devco a décidé de développer la mine de Phalen. Je suppose que cette décision a été l'un des principaux facteurs dans l'abandon du projet de Donkin.

Mon impression est que depuis, Devco vit plus ou moins au jour le jour, sans plan à long terme pour une industrie charbonnière raisonnablement stable, d'où la situation qui existe à l'heure actuelle.

D'autres leçons du passé peuvent être appliquées. Tout d'abord, pour remonter à 1967, il n'y avait à l'époque que très peu de chômage à l'échelle nationale. Néanmoins, le gouvernement -- et je pense qu'il serait juste de dire que c'était également le cas du public -- avait convenu que les bouleversements sociaux résultant d'une fermeture soudaine des mines étaient inacceptables. Si c'était le cas à l'époque, alors ça l'est d'autant plus aujourd'hui. À l'époque, les gens avaient au moins de bonnes chances de se trouver un emploi en s'éloignant un petit peu de chez eux. Aujourd'hui, il n'y a même plus cela.

L'obligation de faire tout ce qui est possible pour soutenir l'emploi au Cap-Breton signifie, dans la pratique, dans une large mesure, soutenir des emplois dans le secteur minier. Légalement, bien sûr, Devco n'a plus cette obligation depuis la séparation de la Division du développement industriel. Mais il me semble que cette obligation appartient néanmoins au gouvernement.

Nous devrions être en mesure de savoir si Donkin offre les meilleures perspectives. S'il existe quelques doutes techniques, comme ce peut fort bien être le cas, alors il faudrait les résoudre en procédant immédiatement à de nouveaux travaux de forage, travaux qui, selon moi, auraient dû être entrepris il y a de cela des années. Sauf le respect que je vous dois, il ne sert à rien de dire que le gouvernement n'a tout simplement pas les moyens de payer cela. Le gouvernement trouve l'argent qu'il lui faut pour faire ce qu'il veut faire, et je songe notamment au graissage de patte qu'il a dû faire pour obtenir des provinces atlantiques qu'elles harmonisent leurs taxes de vente avec la TPS.

Je ne dis pas que le projet de Donkin est faisable, car je ne suis pas en mesure de me prononcer là-dessus. Cependant, ce que je dis c'est qu'il nous faudrait savoir avec certitude s'il est ou non faisable. D'après ce que j'ai compris, ce que d'aucuns disent, c'est que s'il est faisable, la réponse, c'est la privatisation. Ce serait là une situation incroyable vu que la toile de fond c'est une longue histoire d'industrie privée subventionnée. Si Donkin est une entreprise douteuse pour le gouvernement, elle l'est encore plus pour les investisseurs privés sérieux.

Le seul genre de privatisation que je puisse imaginer ce serait qu'un coinvestisseur du type Westray, pensant pouvoir obtenir auprès du gouvernement des conditions suffisamment bonnes pour pouvoir se faire de l'argent en écrémant les mines pendant quelques années pour ensuite partir, se lance dans l'affaire. Mais ce n'est pas cela qui contribuerait quoi que ce soit à la résolution des problèmes sociaux du Cap-Breton.

Que cela plaise ou non, l'histoire a créé un engagement public pour veiller à ce que, si la communauté industrielle des terrains houillers du Cap-Breton doit poursuivre son déclin, alors elle doive au moins le faire avec un gradualisme civilisé. C'est là le minimum, et j'espère, bien sûr, que l'on puisse faire mieux que cela.

Le président: Monsieur Kent, vous voyez devant vous tout un aréopage. Si le Cap-Breton était le siège de la Ligue nationale de hockey, alors ce serait l'Équipe Canada. Il y a énormément d'expérience et de connaissances des deux côtés de la table. Je sais qu'il n'est pas nécessaire que je vous présente les joueurs.

Le sénateur MacEachen: Merci de votre présentation, monsieur Kent. Votre comparution ici me donne l'occasion de dire quelques mots au sujet de votre contribution au pays, contribution qui a été tout à fait remarquable, surtout dans le domaine du développement social et de la politique sociale.

En ce qui concerne le Cap-Breton, on vous doit beaucoup: cela n'est pas généralement compris ni connu, mais vous avez pris un certain nombre de mesures relativement à la création de pensions pour les mineurs. Vous avez fait état de la situation qui existait au début des années 1970: à l'époque, un mineur qui prenait sa retraite à l'âge de 65 ans ne pouvait compter que sur une très maigre pension au titre de Régime de pensions du Canada. Les mesures que vous avez prises relativement aux prestations de retraite ont modifié la perspective de ceux qui approchent de la retraite.

Cela étant dit, j'aimerais que vous nous entreteniez davantage des arrangements de pension, de la façon dont ceux-ci ont été élaborés et de la façon dont vous les percevez aujourd'hui. Je vous inviterais à nous renseigner tout particulièrement sur le financement des régimes de pension. Aujourd'hui, selon vous, est-il légitime pour Devco d'assumer une certaine responsabilité à l'égard des pensions de ceux qui ont été à son emploi pendant la période au cours de laquelle Devco était responsable des opérations? Vous avez fait une distinction entre les employés de Dosco et les employés actuels, dont la plupart ont commencé leur carrière avec Devco.

M. Kent: Merci, sénateur MacEachen, de vos mots gentils. Cela m'a fait plaisir de les entendre, surtout de la bouche de la force motrice de la création de la Société de développement du Cap-Breton et du laird de la circonscription dans laquelle j'ai vécu pendant de nombreuses années.

Je regrette de ne pas pouvoir vous fournir des renseignements à jour sur la taille actuelle du régime de pension. L'une des dispositions importantes est que les prestations devaient augmenter en fonction des mêmes critères que ceux appliqués dans le cadre du Régime de pensions du Canada. Il s'agissait d'un régime non contributif fondé sur les années de service dans l'industrie, que ce soit avec Devco ou l'employeur précédent. Cela était absolument critique au début. Les travailleurs pouvaient, s'ils le désiraient, obtenir des droits de pension supplémentaires moyennant contribution.

Je ne me souviens pas des chiffres exacts. Ce n'était pas une pension extrêmement généreuse, mais c'était en tout cas suffisant pour que cela fasse toute la différence pour le mineur qui prenait sa retraite, comme vous l'avez laissé entendre, sénateur.

À l'époque de son introduction, la quasi-totalité des coûts correspondait à des coûts du passé, si je puis dire, et c'est pourquoi j'ai pensé qu'il n'était pas normal de les imputer aux activités en cours de la corporation. Ce serait moins vrai aujourd'hui, étant donné qu'une part plus importante de l'effectif est composée de personnes qui ont été employées à l'époque de Devco. Cependant, même avec la compression d'effectifs actuelle, une part importante des coûts de pension correspond à des coûts attribuables au passé, et j'arguerais par conséquent qu'il conviendrait de la distinguer des pertes d'exploitation actuelles de la société.

D'après ce que j'ai compris, on a beaucoup parlé de la nécessité de financement, ce qui est l'un des concepts préférés des gens qui appliquent les idées de l'assurance privée à l'assurance publique. Cette obligation revient en dernière analyse et de façon incontournable au gouvernement. Il n'est pas du tout logique d'imputer cela aux activités actuelles de Devco.

Le sénateur MacEachen: Au sujet de cette question importante, il existe une ébauche de plan directeur en vertu de laquelle la société elle-même doit assumer ce que l'on appelle le passif non capitalisé, y compris les pensions. Cela soulève la question de savoir pourquoi l'on ne devrait pas s'attendre de la part d'une société comme la Société de développement du Cap-Breton qu'elle s'acquitte de ses obligations envers ses employés. Cela soulève également la question de savoir pourquoi les mineurs actifs ne devraient pas, en vertu d'un esprit de solidarité, verser des contributions à leurs anciens collègues, qui sont maintenant à la retraite.

Hier, le sénateur Buchanan a dit que l'activité minière était un mode de vie. Elle a une culture propre. L'un des aspects de cette culture, à mon avis en tout cas, était cette solidarité qui existait entre mineurs. Autrefois, ils s'appelaient «camarades». Les membres de l'UMW s'appelaient «camarades».

Dans ce contexte, est-ce une bonne chose d'ignorer cet esprit de solidarité et de dire que la société actuelle n'a aucune responsabilité envers ceux qui ont servi pendant de nombreuses années et qui sont maintenant à la retraite? Où faut-il tracer la limite, si limite il y a?

M. Kent: Vous tracez la limite relativement à la période de service. Il est clair que cette société n'a aucune obligation de continuer de verser des pensions à ceux dont les «droits», qui sont, j'en conviens, établis, s'appuient sur leur travail dans l'industrie avant Devco. Évidemment, il s'agit là d'un groupe qui est en train de rétrécir. Cela me semble parfaitement clair.

Il importe de reconnaître que l'industrie a continué de voir ses effectifs se comprimer. Demander aux mineurs d'aujourd'hui de payer le coût des pensions des autres, ne serait-ce que de ceux qui ont pris leur retraite relativement récemment, c'est leur demander de porter un trop lourd fardeau étant donné le nombre de mineurs qui travaillent toujours aujourd'hui et qui auraient à payer.

Bien évidemment, la détermination de la part du coût total des pensions qui devrait revenir à l'industrie à l'heure actuelle est une chose très complexe. Je ne dis pas que cela devrait être entièrement supprimé mais je pense que la contribution, qui est un coût pour la société et pour ses mineurs -- qui sont en nombre très réduit --, ne correspond qu'à une faible proportion du coût total.

Le sénateur MacEachen: J'apprécie cette réponse car elle reconnaît que la société et que les mineurs actuels ont une certaine responsabilité envers leurs collègues, leurs camarades, leurs amis et leur communauté. Cette obligation peut être modifiée pour tenir compte de ces autres considérations, notamment les anciens employés de Dosco et, peut-être, une portion des coûts de pension qui est attribuable à la rapide réduction de la main-d'oeuvre.

M. Kent: Oui.

Le sénateur MacEachen: Je pose la question qui suit tout en sachant qu'elle n'est peut-être pas très juste, mais c'est une chose qui arrive. Avez-vous eu l'occasion d'examiner le plan d'entreprise en vigueur?

M. Kent: Non. Je m'excuse, sénateur, mais je ne l'ai pas vu. Que je sache, il n'a pas fait l'objet d'une distribution très vaste. En tout cas, il n'est pas venu jusqu'à moi.

Le sénateur MacEachen: Nous tâcherons de vous en fournir un exemplaire. Vous pourrez peut-être le lire. Si vous aviez par la suite quelques commentaires à faire à son sujet, le comité serait heureux de les connaître.

Le président: Je demanderai au greffier de vous en envoyer une copie, monsieur Kent. Vous voudrez peut-être alors nous communiquer vos réactions.

M. Kent: Avec plaisir.

Le sénateur Murray: J'aimerais ajouter aux mots de bienvenue prononcés par le sénateur MacEachen, ce pour la gouverne de nos collègues, que M. Kent est également l'auteur de deux livres assez récents que je vous recommanderais de lire: premièrement ses mémoires autobiographiques, chroniquant surtout son séjour à Ottawa, intitulés A Public Purpose, écrits il y a quelques années et, deuxièmement, un livre intitulé Getting Ready for 1999. Les deux ouvrages sont fort intéressants. Je tiens à avertir les sénateurs que M. Kent n'épargne pas le Sénat.

M. Kent: J'aimerais tout simplement qu'il soit élu.

Le sénateur Murray: C'est assez radical pour nous.

Le sénateur MacEachen: Pas pour ce Sénat-ci!

Le président: Vous pourriez peut-être, pour la gouverne de ceux qui nous écoutent, nous donner le nom de l'éditeur et nous dire où l'on peut se procurer ces ouvrages.

Le sénateur Murray: Je pense que l'éditeur de A Public Policy c'est la McGill-Queen's University Press; dans le cas de Getting Ready for 1999, l'éditeur est l'Institut de recherches en politiques publiques.

Le président: Ces livres sont-ils en vente chez Books Canada?

M. Kent: Plus aujourd'hui sans doute.

Le sénateur Murray: J'ai récemment eu l'occasion de lire votre premier livre à cause de certaines réflexions que vous y faites sur le développement régional, sur les débuts du ministère de l'Expansion industrielle régionale, dont vous avez été le premier sous-ministre, et sur l'attitude dominante à Ottawa avec laquelle vous avez dû composer. Vous ne serez peut-être pas surpris d'apprendre que cette attitude -- en tout cas selon mon expérience -- n'a pas beaucoup changé au cours de toutes ces années. Si j'ai lu votre livre c'était en vue de me préparer à un débat sur un rapport du comité sénatorial sur les banques, rapport dont les auteurs recommandaient que les organisations régionales comme l'Agence de promotion économique du Canada atlantique et d'autres soient intégrées à la Banque de développement du Canada. Je ne vous demanderai pas de vous prononcer là-dessus à moins que vous ne le désiriez.

J'aimerais enchaîner sur les questions du sénateur MacEachen relativement à ce que l'on appelle les «coûts sociaux». Quelle part de ces coûts appartient proprement à Devco et quelle part devrait éventuellement être assumée par le Trésor fédéral? Cette question fait partie du débat en cours.

En novembre dernier, M. Shannon, alors président par intérim et aujourd'hui président du conseil d'administration, a dit que l'une des conditions préalables à la viabilité retrouvée de Devco était que les «coûts sociaux» soient transférés à Ottawa. Plus tard dans le cadre de la même présentation il a dit que, si les coûts sociaux n'étaient pas transférés à Ottawa, alors il lui faudrait 70 millions de dollars en aide financière au cours des quelques prochaines années.

Cela semble quantifier les coûts sociaux qui devraient selon lui être assumés par Ottawa. Hier soir j'ai tenté, en vain, d'obtenir de lui qu'il fournisse des explications supplémentaires là-dessus. Si je n'ai pas réussi c'est, il me semble, parce qu'il est satisfait du plan actuel qui vient tout juste d'être approuvé par le gouvernement, et il ne veut par conséquent pas poursuivre trop vigoureusement la question des coûts sociaux. Je lui ai posé la question suivante: si Devco était aujourd'hui candidat à la privatisation, quelle part de ces coûts le gouvernement pourrait-il, de façon réaliste, espérer voir un acheteur assumer? Il a refusé de se lancer dans cette discussion. J'ai ensuite évoqué un chiffre qu'il avait utilisé, soit environ 640 millions de dollars, représentant le coût de la fermeture de Devco. Selon lui, de ce montant, environ 380 millions de dollars représenteraient un coût permanent pour le gouvernement fédéral, à titre, par exemple, de pensions et d'autres coûts sociaux.

En réponse à la question du sénateur MacEachen quant à savoir où tracer la limite, je me demande si cette limite ne se situerait pas aux environs de l'année 1982, date à laquelle, je pense, le régime de pensions contributif est devenu obligatoire. L'un des témoins d'hier soir a déclaré qu'il reste encore un nombre étonnamment élevé de personnes qui ne sont toujours pas couvertes par le régime de pensions contributif. Avez-vous des idées quant à la quantification des coûts sociaux qui ne devraient pas être intégrés au calcul du bénéfice net de Devco?

M. Kent: J'aurais voulu pouvoir vous être plus utile. À l'époque où je m'occupais activement du dossier, la quasi-totalité des coûts sociaux étaient, en définitive, des coûts du passé et ne relevaient donc pas proprement, selon moi, de la société à ce moment-là. Bien sûr, cela a changé pour les raisons qu'a évoquées le sénateur MacEachen, et l'année 1982 n'est peut-être pas une date pivot déraisonnable. Il est certain qu'à partir de ce moment-là les coûts revenaient plus justement à la société actuelle et aux mineurs actifs devant soutenir leurs camarades.

Bien franchement, je ne pense pas être compétent pour dire si ce serait là la bonne solution ou non. Si la volonté était là, il est certain qu'il serait possible de tracer une limite quelque part, une limite qui serait raisonnable, étant donné la compression dramatique des effectifs et l'injustice d'exiger d'un mineur actif qu'il soutienne quatre de ses camarades. D'aucuns ont prôné ce rapport comme étant raisonnable.

Le sénateur Murray: Devco a identifié cela dans ses états financiers, et cela a peut-être toujours été le cas, car l'avant- dernière ligne est intitulée «marge d'autofinancement avant pensions». En règle générale, la marge d'autofinancement avant pensions est positive. Il est prévu, d'après les projections, qu'elle soit positive au cours des cinq prochaines années. Ce n'est que lorsque vous incluez les pensions et quelque chose que l'on appelle la «stratégie des ressources humaines», soit la fermeture de Lingan et la compression des effectifs en cours, qui représentent plus ou moins 50 à 60 millions de dollars, que vous avez un résultat négatif pour la société.

Le témoin suivant sur notre liste est le maire de la municipalité régionale du Cap-Breton. La municipalité régionale et d'autres ont recommandé que Devco soit scindée en deux divisions, une division responsable de l'activité charbonnière et une autre qui serait appelée «division du passif accumulé».

Je ne vais pas vous demander de vous prononcer sur les chiffres, monsieur Kent, à moins que vous ne le désiriez. Je réserve cette question aux témoins suivants. Leur recommandation est que le passif non capitalisé historique soit transféré à cette division du passif accumulé. Les montants sont de 160 millions de dollars pour les pensions et les avantages sociaux, 180 millions de dollars pour les accidents du travail et 150 millions de dollars pour le volet environnemental, ce qui est considérable. En un sens, le chiffre pour le volet environnemental est un chiffre récent car notre sensibilisation à la nécessité de nous occuper de l'environnement est une chose relativement récente. Il y a également 10 millions de dollars pour les pertes de l'an dernier. Le passif total a été estimé à 500 millions de dollars.

Que pensez-vous de cette idée de diviser Devco en deux entre ces deux divisions et de tout reprendre à zéro?

M. Kent: Je ne suis pas certain d'apprécier le concept de deux divisions distinctes. Que fera la division du passif accumulé sauf, ce qui serait normal, rencontrer les différentes obligations financières aux frais du Trésor? Il me semble que l'on obtiendrait le même effet en refaisant tout simplement les comptes de Devco de façon à ce que ce passif du passé figure à titre d'entrée distincte dans les comptes. Il faudrait que ce soit un petit peu plus sophistiqué qu'une seule entrée pour les pensions, ce pour les raisons dont nous avons discuté, même si certaines obligations en matière de pensions sont véritablement des obligations actuelles.

Peut-être que l'important n'est pas la structure. Je suis tout à fait favorable à l'idée d'une séparation et c'est justement ce que j'ai revendiqué il y a de cela de nombreuses années.

Le sénateur Murray: Il y a un résident de Sydney du nom de M. Peers -- j'imagine qu'il ne s'opposera pas à ce qu'on utilise son nom -- qui a envoyé un fax aux sénateurs MacEachen, Graham et Buchanan ainsi qu'à moi-même, relatant un argument que vous connaissez bien, je pense, monsieur Kent. L'argument est le suivant: «Donnez-leur à tous une pension. Donnez-leur une pension qui sauvegarde leur dignité. Arrêtez de gaspiller votre argent. Investissez votre argent dans des technologies de l'information ou d'autres choses du genre». Je vous ai remis une copie du fax tout à l'heure. Je suis certain que vous avez déjà entendu cet argument. Pourriez-vous nous dire comment vous y réagissez?

M. Kent: L'âge moyen des mineurs est de 40 ans, ce qui signifie que bon nombre d'entre eux sont plus jeunes que 40 ans. Mettre des gens de cet âge-là à la retraite me semble être une chose extrêmement cruelle. Leur subsistance sera peut-être assurée, mais le plus important dans la vie d'un homme c'est d'avoir un rôle à jouer et de se sentir utile à la société. Une pension n'assure pas du tout cela à un jeune homme. Il me semble que cela passe tout à fait à côté du vrai problème, qui est celui d'assurer des emplois, que ce soit dans le secteur charbonnier ou ailleurs si cela est possible, même à l'extérieur du Cap-Breton. Ce serait mieux que de mettre tous ces gens à la retraite.

Malheureusement, étant donné l'état actuel de l'économie, comme je l'ai déjà dit, pour nombre de personnes, même s'éloigner un petit peu plus de chez eux n'offre pas de solution. Par conséquent, je dirais que les pensions ne sont pas une solution de remplacement du travail. S'il n'est pas économique de poursuivre l'exploitation du charbon, alors je recommanderais la création d'une société de développement communautaire remaniée, chargée d'occuper les gens à l'assainissement de l'environnement, par exemple, chose dont nous savons tous la nécessité impérative.

Pour être juste envers Devco, comparativement à ce qu'elle avait fait par le passé, elle a tenté, en puisant dans ses propres ressources, de faire du nettoyage environnemental. Cependant, il reste encore beaucoup à faire. J'aurais pensé que la solution aurait davantage résidé dans une société de développement communautaire, pour reprendre ce terme, que dans un régime de pension universel.

Le sénateur Graham: J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Kent. J'avais une place sur le parquet lorsqu'on l'a convaincu de venir à Devco occuper le poste de président au début de l'année 1971. J'ai été témoin, comme nombre d'autres, des pouvoirs de conviction magiques de M. Kent, tant sur la scène du Cap-Breton qu'ici à Ottawa, où cela était tout particulièrement important pour la société. J'ai beaucoup apprécié l'expérience que j'ai vécue sous la présidence de M. Kent.

D'ailleurs, comme bon nombre d'entre vous le soupçonnent peut-être déjà, la personne assise tout de suite à ma gauche, le sénateur MacEachen, a joué un rôle dans ma venue à Ottawa, lorsque j'ai été nommé au Sénat en 1972. Lorsque je réfléchis à ces 24 années, il m'arrive de penser que M. Kent a peut-être lui aussi exercé une influence indirecte sur ma venue à Ottawa car il a peut-être voulu accélérer mon départ de Devco. Quoi qu'il en soit, j'ai d'excellents souvenirs rattachés à l'énorme contribution que M. Kent a faite à ce secteur et, comme l'a dit le sénateur MacEachen, à notre pays.

Monsieur Kent, je vous inviterais à retourner un petit peu en arrière pour nous décrire l'état des relations patronales-syndicales à Devco lorsque vous étiez président.

M. Kent: Les relations étaient dans l'ensemble plutôt bonnes.

Cependant, j'aimerais tout de suite préciser que l'une des raisons pour lesquelles je suis critique à l'égard de l'idée d'un Sénat non élu est que ce qu'a dit le sénateur Graham est tout le contraire de la vérité. Cela m'a beaucoup ennuyé qu'il soit nommé au Sénat peu après mon arrivée à Devco. Pendant mes premiers mois là-bas il avait été, et de loin, mon collègue le plus proche et le plus important.

Pour revenir maintenant à la question qui a été posée, il serait difficile de donner une réponse simple. Dans l'ensemble, les relations étaient bonnes, mais il y avait quelques problèmes. Le plus gros, en un sens, était l'inclinaison de l'UMW à toujours vouloir des salaires les plus uniformes pour l'ensemble des mineurs. Il y avait beaucoup de résistance face aux écarts qui devaient être prévus pour les électriciens, les mécaniciens, et cetera étant donné que les opérations étaient de plus en plus mécanisés.

Lors des négociations, j'ai souvent eu à défendre le principe de rémunérations supérieures pour les travailleurs les plus qualifiés. L'UMW a toujours eu tendance à s'y opposer, disant que cela viendrait diminuer l'importance de l'augmentation possible pour les travailleurs dans leur ensemble. C'était là une question fort épineuse.

L'autre question était que la volonté de s'adapter à des opérations plus mécanisées était inférieure, et de loin, à ce qui était dans l'intérêt à long terme des mineurs. Ils étaient conservateurs dans leur façon d'envisager leur travail.

L'autre problème -- ou en tout cas un autre aspect de leurs relations de camarades -- était leur désir excessif de traiter tous les accidents et maladies comme ayant été causés dans la mine, même lorsqu'il était assez clair que certains d'entre eux n'étaient pas du tout le fait de la mine, pour profiter au maximum des prestations d'accident du travail. C'est pour cela qu'on nous en a dans une certaine mesure voulu d'avoir introduit dans les mines des services médicaux et paramédicaux. Cependant, ces problèmes étaient dans un certain sens faciles à comprendre et ils n'ont en rien changé le fait que les relations étaient essentiellement des relations de coopération.

En ce qui concerne le leadership syndical, il n'y a pas eu de grève pendant mon séjour là-bas, mais il y a eu plusieurs arrêts de travail illégaux. Ces conflits ont toujours été résolus assez rapidement, avec un niveau de coopération raisonnable de la part des chefs syndicaux. Je considère avec satisfaction la mesure dans laquelle nous avons réussi lentement, mais dans un esprit de collaboration, à changer ce qui, ce qui se comprend fort bien, avait fait l'objet de ressentiment de la part de la compagnie et avait suscité la méfiance quant à tout changement hérité.

Le sénateur Graham: Y avait-il un problème d'absentéisme?

M. Kent: Étant donné la nature du travail, il y un problème d'absentéisme dans le cas de toute activité minière.

Il y avait un problème, oui. Il y avait plus d'absentéisme que ce qu'on aurait aimé voir, mais je pense que c'était inhérent à la nature de l'industrie. On l'a réduit de façon appréciable. Au fur et à mesure que les mines se sont mécanisées et que l'on a mieux compris la nature changeante des besoins, le sens des responsabilités, le désir de se porter pâle soudainement pour bouleverser toutes les opérations, se sont nettement améliorés.

Le sénateur Graham: Quelle importance avez-vous accordée aux ventes à l'exportation?

M. Kent: Avec la station de préparation du charbon, les ventes à l'exportation sont devenues chose possible. Bien sûr, c'était avant le développement de Lingan et avant que les besoins de la Nova Scotia Power Corporation n'atteignent les niveaux qu'ils devaient atteindre plus tard. Nous avons beaucoup mis l'accent sur le développement des ventes à l'exportation et nous avons assez bien réussi. Une fois la station de préparation du charbon bien lancée, nous avons vendu du coke et du charbon à de nombreuses compagnies un peu partout dans le monde. Nous avons mieux réussi dans ce domaine que nous ne l'avions précédemment du côté des ventes de charbon thermique.

Le sénateur Graham: Au fil des ans, le mot «privatisation» a été mentionné de temps à autre. Je suis certain qu'il en a été question à votre époque. Avez-vous quelque opinion sur la privatisation de Devco?

M. Kent: Mes opinions sur cette question sont de deux ordres. Dans la mesure où j'espère qu'une opération viable sera possible pour les 20 à 25 prochaines années avec les nouvelles mines ou en tout cas avec une nouvelle mine, je pense que rendre cela aux mains de l'entreprise privée, étant donné la lourde histoire de l'industrie et certains événements récents en Nouvelle-Écosse, serait un risque, un mauvais risque à prendre. S'il y a une opération viable après tout ce que l'État fédéral y a mis, alors l'exploitation et les avantages de ce développement devraient continuer d'appartenir au public canadien.

Cela étant dit, je pense qu'il y a un danger dans le cas d'un type de privatisation, en ce sens que cela pourrait aboutir à des opérations d'écrémage rapide qui épuiseraient assez vite certaines des ressources existantes, ce qui pourrait être profitable à court terme, mais ce qui ne durerait pas très longtemps et nous laisserait dans une situation pire que toutes celles que nous avons connues jusqu'ici.

Le sénateur MacDonald: Monsieur le président, si l'on a l'impression qu'aujourd'hui est la journée Tom Kent, cela se fait attendre depuis longtemps, pour des raisons qui ont déjà été mentionnées. J'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue à M. Kent et lui exprimer mon appréciation de l'aide énorme et des conseils qu'il m'a donnés lorsqu'il était sous-ministre de l'Expansion économique régionale alors que je m'efforçais d'attirer et de financer des industries secondaires dans toute la province de Nouvelle-Écosse.

Grâce aux réponses aux questions que je vais vous poser, j'espère que nous arriverons à la conclusion que le charbon s'est avéré être le seul produit auquel nous pouvons nous raccrocher au Cap-Breton, si nous pouvons nous y raccrocher de façon pratique et praticable.

Lorsque vous avez quitté le ministère pour aller à Devco, étiez-vous arrivé à la conclusion que la recommandation de la Commission Donald en matière de diversification ne fonctionnait pas?

M. Kent: Elle ne fonctionnait clairement pas. Avant que je n'aille au Cap-Breton, je n'avais pas d'idée quant à ce qu'il fallait faire à la place. Là où le développement devait se faire, c'était au Cap-Breton, et pas à Ottawa. Je m'y suis rendu en me disant qu'il devait y avoir une nouvelle approche, mais il fallait que je sois sur place pour constater quelle allait être cette approche.

En ce qui concerne la question plus générale, la conclusion qui s'est vite dessinée est qu'essayer de faire venir de l'industrie de l'extérieur fonctionne jusqu'à un certain point dans certaines circonstances, mais cela n'est possible sur une grande échelle que si l'économie nationale dans son ensemble est porteuse. Par conséquent, la présence d'une main-d'oeuvre disponible devient extrêmement importante pour les compagnies. Cependant, s'il existe une main-d'oeuvre disponible dans de nombreuses autres régions du pays, attirer ce que l'on appelle les «industries flottantes» dans des régions relativement éloignées du centre de l'économie n'est possible que s'il s'agit d'industries entièrement nouvelles qui n'ont pas de localisation naturelle ou qui, bien franchement, ne survivraient pas en l'absence d'un énorme investissement public externe. Dans ce dernier cas, le risque qu'elles ne survivent pas longtemps est énorme. En d'autres termes, ce que je dis c'est que dans les circonstances -- pas tant celles qui existaient dans les années 1950 ou 1960, mais celles qui se dessinaient dans les années 1970 et qui sont malheureusement restées les mêmes depuis -- il est vrai que le charbon demeure la meilleure chance pour le Cap-Breton. La situation est peut-être différente aujourd'hui, mais la seule autre conclusion possible en 1972 était que l'idée de fermer progressivement les mines devait définitivement être abandonnée.

Il était possible de créer une opération charbonnière viable, et le fait de deviner justement les circonstances naissantes d'un secteur énergétique à l'époque a certainement compté pour beaucoup. Le secteur charbonnier est devenu profitable, si l'on laisse de côté les vieux coûts sociaux.

Le sénateur MacDonald: Si je me souviens bien, au cours des six ou sept dernières années pendant lesquelles vous avez été président de Devco, vous vous êtes plus ou moins consacré à ce que laisse entendre, sous toutes ses formes, le titre Société de développement du Cap-Breton. Vous avez mis à l'essai toute une gamme de choses. Lors d'une réunion en particulier, vous avez parlé de choses qui cadreraient avec le genre de vie ou la culture des habitants du Cap-Breton. Je me souviens, par exemple, que vous avez mentionné l'élevage de moutons.

M. Kent: Oui, c'était un exemple. Il s'est avéré que cette activité n'a remporté qu'un succès limité. Nous avons décidé que courir après des industries flottantes n'était pas un programme très faisable. Nous avons décidé que les tentatives industrielles en matière de développement devraient être concentrées sur le développement d'entrepreneurship local dans des activités ayant un lien naturel avec la communauté, son mode de vie et ses ressources.

Nous nous y sommes consacrés sur une très grande échelle. Il y a eu de nombreuses initiatives de petite échelle dans le secteur touristique et dans différents domaines agricoles. Ce ne sont pas tous les essais qui ont réussi, mais bon nombre de ces initiatives ont apporté des changements appréciables à l'île du Cap-Breton dans son ensemble.

Malheureusement, ce n'était pas le cas dans le secteur industriel. Aujourd'hui encore, dans le domaine industriel, l'on ne voit en réalité pas de meilleure perspective qu'un secteur charbonnier stabilisé et encore plus efficient. Il me faut avouer ne pas avoir vu le dernier plan d'entreprise de Devco, mais j'espère que c'est toujours là sa conclusion.

Le sénateur MacDonald: Votre expérience vous amènerait à conclure ce que vous venez juste de dire: c'est le charbon, et c'est tout.

M. Kent: Oui. Il ne s'agit pas d'exclure tout le reste, mais il faut miser sur ses meilleures chances, et le charbon continue certainement d'être la meilleure chance.

Le président: Je vais maintenant boucler la période des questions, car il nous faut laisser du temps pour la Cape Breton Regional Municipality. Je sais que le sénateur Buchanan a une question, mais je l'inscrirai en tête de liste pour le témoin suivant.

Le sénateur Buchanan: Ma question est pour M. Kent. Elle est très courte et très importante.

Le président: Je ne voudrais pas que le maire élu de la municipalité régionale soit venu jusqu'ici du Cap-Breton pour se faire bousculer.

Le sénateur Buchanan: Je sais, mais M. Kent et moi avons...

Le président: Je vais exercer la prérogative du président, prendre mon marteau et dire merci beaucoup à M. Kent. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez accordé et de votre aide.

Le sénateur Buchanan: Je parlerai à M. Kent à l'extérieur de la salle.

Le président: Le corridor est souvent plus important, comme vous le découvrirez.

Je souhaite maintenant la bienvenue à M. John Coady, maire de la municipalité régionale du Cap-Breton. L'ont accompagné Jim MacCormack, administrateur des services généraux de la municipalité régionale du Cap-Breton, ainsi que Steve Farrell, président de Farrell & Associates, conseiller auprès de la municipalité régionale du Cap-Breton.

Monsieur le maire, bienvenue. Allez-y, je vous prie.

M. John Coady, maire de la municipalité régionale du Cap-Breton: Merci, monsieur le président, d'avoir accordé à la municipalité régionale du Cap-Breton l'occasion de se faire entendre. Je m'excuse de devoir partir sous peu pour prendre mon avion. Je tiens à vous remercier, monsieur le président, d'avoir accéléré le processus.

Notre mémoire écrit, tel que présenté au comité, est une ébauche. Nous y avons apporté certaines modifications et je vous fournirai plus tard la version finale.

Notre présentation comporte deux volets. Tout d'abord, un résumé des préoccupations de la communauté relativement à l'incidence de Devco et de l'exploitation charbonnière sur la localité. Deuxièmement, il y aura une présentation plus technique. C'est pourquoi nous avons le rétroprojecteur et des transparences que nous vous montrerons un petit peu plus tard pour vous expliquer les ramifications de la proposition de notre municipalité, telle que déposée auprès de Devco, et pour aborder un certain nombre d'autres questions susceptibles d'intéresser le comité.

L'annonce récente de l'approbation du plan quinquennal de la Société de développement du Cap-Breton par le gouvernement du Canada est la première étape dans l'affirmation de la stabilité précaire mais vitale de l'industrie charbonnière au Cap-Breton. Cette injection essentielle de capitaux permettra à Devco d'exécuter le mandat de taille qui lui a été donné: celui de réaliser la viabilité commerciale. Bien que réalisable, la réussite pourrait lui échapper faute du plein engagement de tous les intervenants à l'égard des différents éléments du plan.

La municipalité régionale du Cap-Breton était heureuse d'avoir eu la possibilité de contribuer au processus de consultation lancé par Devco. Nous nous en sommes servis pour la saisir de nos opinions sur son plan stratégique proposé, soulignant la nécessité de prendre des mesures courageuses mais responsables, notamment la poursuite de nouvelles technologies minières agressives, conformément aux recommandations du rapport Boyd. Je reviendrai un petit peu plus tard sur ce rapport.

Dans la deuxième partie de notre présentation, nous passerons en revue notre mémoire à Devco, dans lequel nous proposons un plan minier de rechange, englobant les conclusions de Boyd dans son évaluation indépendante de Devco.

S'appuyant sur une hypothèse de viabilité commerciale au bout de trois ans, notre plan comportait un important élément ressources humaines, avec amélioration de la formation et conservation des jeunes travailleurs. La municipalité régionale du Cap-Breton a été heureuse de constater que certaines de ses suggestions ont été intégrées au plan approuvé, aux côtés de celles d'autres représentants de la communauté.

Nous appuyons et endossons la philosophie sous-jacente de viabilité commerciale et de compétitivité. Pour réussir sur ce plan, il nous faut nous consacrer collectivement à la réussite de son application. Comme nous l'avons souligné dans notre présentation initiale à Devco, la crise à laquelle se trouve confrontée notre communauté, mesdames et messieurs, ainsi que le secteur minier, est en réalité une crise communautaire. La compression des effectifs non seulement affecte la vie des mineurs, de leur famille et de nos communautés minières, mais a également une incidence directe sur l'économie et sur le tissu même de la communauté du Cap-Breton dans son ensemble. Cependant, en dépit des annonces rassurantes relativement à une aide gouvernementale, la situation demeure critique, exigeant des solutions locales et un soutien et une intervention positifs.

Les problèmes historiques auxquels se trouve confrontée l'économie stagnante du Cap-Breton ont été très bien documentés. Notre économie continue de reposer sur nos industries primaires du charbon et de l'acier, défiant la tendance mondiale voulant que les économies nationales soient davantage axées sur la connaissance. Nous nous trouvons parfois aux prises avec un dilemme, incapables ou refusant de laisser partir ce que nous avons, de peur que tout s'écroule et craignant que les emplois perdus par notre main-d'oeuvre insuffisamment formée ne soient pas remplacés.

De nombreux habitants du Cap-Breton comprennent la direction de la nouvelle économie et l'embrasse avec une conviction étonnante. De jeunes entrepreneurs entreprenants lancent des entreprises de pointe un petit peu partout dans l'île du Cap-Breton. Ils s'appuient sur des communications de pointe et ce qu'offre la nature virginale du Cap-Breton pour en faire un environnement accessible et compétitif pour l'entreprise. Mais ces industries nouvel-âge ne pourraient pas survivre dans nos localités sans la présence d'industries primaires axées sur les ressources, comme l'industrie charbonnière.

L'un des effets immédiats du plan approuvé de Devco est la réduction du nombre d'emplois perdus, qui passe de 800 -- la projection originale -- à 660. D'autre part, le fait que la plupart des travailleurs vont pouvoir bénéficier du programme de retraite anticipée viendra annuler certaines des projections alarmantes que nous avons présentées dans notre première réponse à Devco.

Dans notre tentative visant à mettre en perspective la perte de 800 emplois, avec la perte connexe de 1 600 autres emplois lorsqu'on intègre dans le calcul le multiplicateur de deux pour un, nous avons présenté le tableau qui suit, indiquant ce que ces mises à pied auraient représenté dans d'autres économies. Les 800 résidents du Cap-Breton mis à pied dans notre secteur minier équivaudraient à une perte de 42 000 emplois à Toronto. À Ottawa-Hull, région dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, cela représenterait une perte de 10 000 emplois, et à Halifax, ce serait l'équivalent d'une perte de 3 400 emplois. Si l'on fait intervenir le taux de chômage actuel au Cap-Breton, des mises à pied de l'ampleur de celles proposées au départ auraient des effets équivalant à la perte de 289 000 emplois à Toronto, 75 000 ici dans la région d'Ottawa-Hull et 22 000 à Halifax.

Nous vous fournissons ces chiffres pour vous donner une idée de l'incidence économique qu'aurait une telle réduction de notre population active au travail.

Assurément, le programme d'avantages sociaux amélioré et la réduction du nombre des mises à pied résultant du nouveau plan nuiront moins à l'économie et viennent modifier ces chiffres. Néanmoins, une fois que les mises à pied envisagées auront fait pleinement sentir leurs effets, l'on constatera une importante incidence négative sur notre économie.

La meilleure façon de caractériser l'économie du Cap-Breton est de dire qu'elle est stagnante, le taux de chômage moyen tournant autour de 20 p. 100, ce qui est le double de la moyenne provinciale et deux fois et demie la moyenne nationale. L'effet cumulatif des compressions d'effectifs dans les secteurs et public et privé, le fléchissement des pêcheries, les coupures du côté des soins de santé et des services sociaux, les «réformes» de l'assurance-emploi et les réductions du côté des dépenses consenties dans le domaine de l'éducation, ajoutés à des impôts accrus, ont déjà durement frappé notre économie.

Au cours des dernières années, les Produits de la mer nationale Ltée ont déplacé 700 emplois; Micronav en a déplacé 150; et la rationalisation à l'échelle de la province de Maritime Tel a réduit de 800 sa liste de paye. Le ministère de la Santé prévoit supprimer 800 emplois dans le domaine des soins de santé en établissement... ce sont des emplois qui vont disparaître au Cap-Breton par suite de réformes provinciales. Malheureusement, la liste ne cesse de s'allonger.

Dans toutes nos localités, nous voyons chaque jour des preuves de l'effet cascade de ce que nous appelons des «rationalisations». Les réponses informelles des exploitants de points de vente au détail laissent entendre que les affaires ont chuté de 25 p. 100; la Chambre de commerce parle d'incertitude au sein des milieux d'affaires. Enfin, les gens ont le sentiment que l'actuelle situation industrielle a temporairement immobilisé notre économie locale, et que tout est en suspens.

Les récents changements annoncés au titre du Programme d'assurance-emploi infligeront encore d'autres effets néfastes aux habitants du Cap-Breton. À l'heure actuelle, les demandes d'assurance-chômage du Cap-Breton représentent 17,5 p. 100 du nombre total enregistré pour la Nouvelle-Écosse. Les prestations d'assurance-chômage comptent pour 4 p. 100 des revenus totaux en Nouvelle-Écosse mais pour 7,9 p. 100, soit près du double de la moyenne nationale, dans notre région. Il est clair que les réductions proposées de ces paiements de transfert supprimeront de façon disproportionnée des emplois dans notre région comparativement aux régions métropolitaines.

Les profils démographiques offrent encore d'autres preuves de la détérioration de notre municipalité. Nous avons un taux de chômage élevé, un taux de participation à la population active qui ne cesse de reculer et une population vieillissante et de moins en moins nombreuse. Des statistiques récentes font ressortir que le taux de participation pour le Cap-Breton était de 50,7 p. 100 en 1993, comparativement à 60 p. 100 à l'échelle provinciale. Lorsqu'on intègre aux chiffres ceux qui ont quitté les rangs des actifs ou qui n'ont jamais pu s'y joindre, le taux de chômage réel au Cap-Breton approcherait davantage des 35 ou 40 p. 100.

Notre population totale diminue, et la catégorie des personnes âgées est la seule à avoir enregistré une augmentation. L'exode des jeunes atteint des proportions critiques. Le dernier recensement a révélé que pendant la période de cinq ans se terminant en 1991, 2 700 personnes âgées de 18 à 24 ans ont quitté notre comté, pour ne pas revenir. L'existence de possibilités d'emploi pour nos jeunes gens instruits est critique si nous voulons renverser cette tendance.

Qu'en est-il de l'avenir? L'avenir est la raison pour laquelle chaque emploi au Cap-Breton est si critique et pour laquelle tout plan pour cet avenir, surtout en ce qui concerne l'industrie du charbon, doit optimiser toutes les possibilités de maintien et de création d'initiatives d'emploi. Cela ne veut pas dire que les emplois chez Devco doivent être conservés à tout prix. La viabilité est essentielle. Le rapport Boyd est tout à fait catégorique là-dessus et prédit qu'avec des interventions stratégiques appropriées, les mines peuvent avoir un avenir commercial viable à long terme. Cela exigera une nouvelle culture industrielle chez Devco, une culture qui, selon Boyd, devrait permettre des améliorations considérables sur les plans productivité et coûts, si toutes les parties -- c'est-à-dire Devco, la direction, le syndicat, les pouvoirs publics et la communauté -- font leur part.

Les économistes prédisent qu'à l'avenir notre région ne pourra pas compter sur le gouvernement fédéral ou les sociétés d'État fédérales pour créer de nouveaux emplois ou augmenter les paiements de transfert pour soutenir notre économie locale.

Avant l'ère des paiements de transfert, notre île, comme beaucoup d'autres, s'est bâtie sur une culture d'autosuffisance et d'indépendance. Les paiements de transfert, tout en soutenant les économies locales, ont une incidence négative sur la capacité de la région visée de se débrouiller par elle-même. La responsabilité locale diminue. Si nous voulons être concurrentiels dans l'économie nouvelle, le Cap-Breton doit prendre en mains son propre avenir. Il s'agit d'encourager les changements d'attitude et de nourrir l'autosuffisance. Il nous faut saisir les possibilités découlant de la crise. L'avantage des initiatives locales est que celles-ci peuvent cerner, mobiliser et combiner diverses ressources locales tout en établissant les structures nécessaires pour composer avec les factions et les antagonismes locaux qui accompagnent souvent la restructuration.

Le gouvernement fédéral a fourni un certain capital d'exploitation qui devrait aider Devco à réaliser les améliorations technologiques primaires nécessaires à l'augmentation de la sécurité et de la production minière. Le défi revient maintenant au Cap-Breton. La société, tant la direction que le syndicat, doit aborder toute la question de la structure de la gestion et des politiques et relations de travail pour créer une culture axée sur la production à l'intérieur de la communauté minière. La communauté du Cap-Breton est inextricablement liée à tout ce processus.

Le problème côté ressources humaines, décrit dans le rapport Boyd comme étant «le problème le plus grave et le plus fondamental» auquel l'industrie minière locale est confrontée, est un problème que notre communauté est la mieux en mesure de régler. Ce ne sera pas chose facile. Il faudra, pour renverser le sort de l'industrie, leadership, vision, initiative, compréhension et patience ainsi que coopération et conciliation. Il est important que les ordres supérieurs du gouvernement reconnaissent l'énormité du défi et, tout en reconnaissant que leurs interventions directes ne peuvent pas déboucher sur les solutions nécessaires, admettent qu'un soutien doit être assuré aux initiatives locales visant ces soi-disant problèmes sociaux. Le rôle du gouvernement devrait être de faciliter l'accès permanent à l'information au niveau local et de promouvoir notre capacité d' utiliser ces renseignements au mieux.

Ce ne sont pas là que belles paroles. L'économie de notre île doit s'adapter si nous voulons maintenir le mode et le niveau de vie que la plupart d'entre nous chérissent. Trop souvent, il a été plus facile de tout simplement distribuer de l'argent que de confronter directement les problèmes. Le moment est venu de mettre en branle une intervention prudente et avertie. Il nous faut bâtir sur nos forces: la ténacité, la détermination et les connaissances de nos mineurs; notre infrastructure minière moderne; la capacité technique locale de la société; notre culture et notre patrimoine de mineurs et la détermination de notre communauté à survivre. Avec une intervention appropriée, nous émergerons de la crise plus forts, plus indépendants et mieux en mesure d'être compétitifs sur le marché mondial.

Cela résume le concept qu'a la communauté de ce qui se passe au Cap-Breton relativement à l'exploitation du charbon, à Devco et aux initiatives qui y ont été prises. Nous allons maintenant passer très rapidement en revue la proposition que nous avons soumise à Devco il y a de cela quelques semaines, suite au processus de dialogue public auquel nous avons participé. Nous avons un certain nombre de transparences à vous montrer. C'est moi qui vais ouvrir le bal et mon adjoint et notre expert-conseil prendront le relais lorsqu'on abordera les aspects plus compliqués.

L'objectif, comme vous pouvez le voir à l'écran, est de structurer la Société de développement du Cap-Breton de façon à ce que celle-ci soit viable et commercialement capable d'ici trois ans.

Le président: Monsieur le maire, avez-vous des copies sur papier de ces transparences que vous pourriez nous distribuer?

M. Coady: Nous pourrons fournir cela au comité.

Le sénateur Murray: Cela se trouve assez bien résumé dans la partie II de la présentation, monsieur le président.

M. Coady: C'est exact.

L'objet visé est de structurer la Société de développement du Cap-Breton de façon à ce que celle-ci soit viable et commercialement capable d'ici trois ans. Nous nous proposons de réaliser cet objectif de la façon suivante: en faisant tourner les mines de Phalen et de Prince à pleine capacité; en chargeant le lavoir de Victoria Junction de laver le charbon de Phalen; et en chargeant l'International Coal Pier à s'occuper des ventes à l'exportation que nous envisageons.

La première étape amènerait ce dont le sénateur Murray a parlé tout à l'heure, notamment la séparation de la société en deux divisions, une division de l'exploitation du charbon et une division du passif accumulé. En vertu de cette proposition, la division du charbon ne serait responsable que des coûts liés aux activités minières courantes. La direction changerait d'orientation pour se consacrer uniquement aux questions qui sont pertinentes dans le contexte de l'activité charbonnière actuelle. La division du passif accumulé serait administrée séparément de la division de l'exploitation du charbon. Il est très peu probable qu'une société privée dispose des ressources nécessaires pour réussir sous le poids d'une telle dette non capitalisée.

À notre avis, pour que la Société de développement du Cap-Breton soit une compagnie minière viable et progressive, il importe que ce passif soit retranché aux coûts de l'activité minière en cours.

La deuxième étape serait de prévoir une meilleure direction des travailleurs et de supprimer toute accumulation de dette future. Il faudrait, pour ce faire, renégocier les contrats et les primes payées en fonction des objectifs en matière de sécurité, de production et d'administration. Pour être concurrentiel, le matériel très coûteux utilisé de nos jours dans l'exploitation du charbon doit fonctionner de façon continue. Les listes de quarts, les horaires et les heures de travail doivent être souples pour que la compagnie puisse exercer son droit de maximiser le rendement sur son investissement.

Afin d'être en mesure de réagir aux changements sur le plan travail qui surviennent dans toute compagnie dynamique, le droit de déplacer des employés d'un site à un autre et de les mettre à pied temporairement sans réorganiser tout l'effectif s'impose.

Il importe également d'appliquer à l'ensemble des employés un régime de pension contributif. Seule une minorité d'employés de la Société de développement du Cap-Breton contribue à un régime de pension. Pour réduire l'endettement futur, tous les employés doivent commencer à y contribuer.

Il doit y avoir un renforcement des comités mixtes patronaux-syndicaux. Le présent mode de relations antagonistes doit disparaître. Un élément clé de la réussite future de la société est qu'employés, dirigeants syndicaux et cadres travaillent ensemble pour que chacun donne à l'autre une certaine marge et assume sa part de responsabilité.

La troisième étape fait appel au plan trois de John Boyd. Je suis certain que le comité est maintenant bien au courant de l'étude Boyd. Cette étude passait en revue trois scénarios distincts pour le développement de l'industrie charbonnière et ses auteurs ont, dans le troisième cas, décidé qu'avec une réduction des effectifs de 34 p. 100, des améliorations technologiques et une gestion dynamique, le potentiel commercial pourrait atteindre le seuil de rentabilité en l'an 1999-2000.

Nous pensons que Boyd a utilisé les heures supplémentaires comme méthode commercialement prudente de réduire les coûts fixes d'emploi. Dans une région caractérisée par un taux de chômage élevé, comme c'est le cas de la nôtre, nous ne pensons pas que cela soit acceptable. Boyd prônait, comme norme, 25 p. 100 d'heures supplémentaires, mais nous recommanderions plutôt un taux d'heures supplémentaires de 8 p. 100. Cela résulterait en la conservation de 148 emplois en 1996-1997.

On ferait appel à des employés supplémentaires pour développer des galeries d'aérage à Phalen, pour compenser pour la baisse d'efficience due à l'augmentation de la profondeur et de l'angle et pour étirer l'exploitation par longues tailles. Cela nécessiterait une réserve de capitaux de 16 millions de dollars pour les cinq premières années.

La quatrième étape concerne la formation à tous les niveaux. Nous recommandons la formation dans le domaine des méthodes de gestion de mines commerciales, la formation en gestion pour les superviseurs et la création d'une section de formation pour le travail souterrain qui était responsable de l'enseignement des techniques minières et de l'utilisation du matériel. Nous avons intégré les coûts de ces modules de formation pour 1996-1997 et 1998. Vous remarquerez que les coûts baissent sensiblement pendant la période de trois ans car la quantité de formation requise après trois ans est minimisée.

À la cinquième étape, il s'agit de réorganiser, de renforcer et d'améliorer la gestion. Nous avons élaboré un plan en vertu duquel un poste de directeur du génie et de la sécurité serait créé et le département des ressources humaines amélioré, avec l'inclusion d'un gestionnaire des opérations en surface. Au niveau de la mine, il y aurait renforcement du poste de gestionnaire des opérations, création d'un poste de coordonnateur des longues tailles et transfert des services d'ingénierie en double au niveau administratif avec l'ajout, pour faire bonne mesure, d'un gérant de la construction.

L'étape six concerne la production charbonnière. L'on a beaucoup discuté de la question de savoir si les deux charbonnages devraient fonctionner à pleine capacité et commercialiser le produit. Ce que vous avez devant vous est un tableau qui indique que selon nous chaque tonne de charbon qui peut être extraite des mines de Phalen et Prince peut être vendue à la Nova Scotia Power, au marché d'exportation ou aux employés. Nous maintenons par ailleurs que nous pourrions vendre jusqu'à 900 000 tonnes par an de plus à la Nova Scotia Power d'ici l'an 2001 si celle-ci élargissait son réseau et mettait en vente cette électricité supplémentaire.

L'étape sept serait l'exploration de la mine Donkin. Je sais que le sénateur Buchanan avait une question là-dessus un petit peu plus tôt. Notre plan montre qu'il pourrait y avoir des fonds disponibles pour l'exploration souterraine de la mine Donkin, exploration qui est selon nous essentielle pour déterminer si Donkin se prête à une exploitation commercialement viable.

Un autre aspect de ce que nous examinons est la stratégie en matière de ressources humaines que j'ai évoquée tout à l'heure. Il s'agirait, en gros, de conserver la main-d'oeuvre jeune et de trouver le moyen de permettre aux travailleurs plus âgés de prendre leur retraite avec dignité. Nous offririons une prestation de départ de commisération aux employés qui ne peuvent pas travailler ou ne vont pas travailler. Ils seraient mis à pied ou en retraite et recevraient un versement annuel de 17 000 $. La création d'un encouragement à la retraite anticipée permettrait aux employés plus âgés ayant accumulé les années de service voulues à se retirer et aux jeunes travailleurs de garder leur emploi. En gros, le seuil serait 50 ans plus 25 années de service, ce qui autoriserait 285 employés à prendre leur retraite à raison d'un coût annuel moyen de 20 500 $ pour chacun d'entre eux.

Enfin, il y aurait un bassin de 30 employés auxquels nous pourrions faire appel pour remplacer des travailleurs pendant que ceux-ci suivraient les programmes de formation intensive dans les deux premières années de la proposition et dont nous avons parlé il y a quelques instants. Tout cela comporte cependant un coût, y compris la formation, qui s'élèverait à 35 millions de dollars par an.

Je vais maintenant demander à Steve Farrell de passer en revue avec vous les aspects techniques de notre plan minier.

M. Steve Farrell, président, S. Farrell & Associates, expert-conseil auprès de la municipalité régionale du Cap- Breton: Honorables sénateurs, cette stratégie de ressources humaines vise à conserver les jeunes travailleurs et à mettre les travailleurs plus âgés à la retraite. La première ligne de chiffres provient de l'étude de John Boyd. Par exemple, il est prévu qu'en 1996 il y ait 1 638 employés. Avec le rajustement du côté des heures supplémentaires, 148 employés seront conservés, pour le même coût. Il y a un certain nombre d'employés qui ne se rendent pas au travail, pour quelque raison. Nous nous proposons, sur une période de cinq ans, de rayer de la liste de paye 101 employés, qui recevront une pension de commisération. Ce groupe atteindra 60. Le nombre de postes qui seraient éliminés par voie d'attrition normale serait de 154.

Le président: Pour que tout le monde suive bien, ce tableau se trouve à la page 23 de la partie II du mémoire de la municipalité.

M. Farrell: Deux cent quatre-vingt-cinq employés seront visés par un régime de retraite anticipée. La réduction totale du nombre des employés sur une période de cinq ans sera de 600.

La transparence suivante donne un résumé graphique de ce qui se passera. La ligne rouge représente la proposition de la municipalité et la ligne bleue celle de M. Boyd. La différence entre les deux résulte de la réduction des heures supplémentaires de 25 p. 100 à 8 p. 100.

La transparence suivante illustre les nombres, par année. Dans la première année, l'effectif est réduit de 311 personnes, pour être ensuite réduit successivement de 103, de 84, de 56 et, enfin, la cinquième année, de 45 employés. Trente employés seront gardés pour être affectés à la formation.

La transparence suivante montre les avantages sur le plan amélioration de la production que procurent les nouvelles techniques d'exploitation et la formation. Nous aurions un flux positif de l'encaisse en 1996-1997. Nous devrions avoir à Phalen une augmentation de la production supérieure de 30 p. 100 à ce qui a été proposé. La mine Prince tournerait avec trois quarts et produirait 1,5 million de tonnes. Le plan actuel vise faire tourner la mine de Prince avec deux quarts, pour une production de un million de tonnes.

Cette transparence-ci montre une comparaison entre ce qui est proposé par Devco et ce qui a été proposé par la municipalité. Le coût opérationnel par tonne est à peu près le même. Pour la cinquième année, la projection de Devco était de 47,70 la tonne, tandis que celle de la municipalité était de 47,27 la tonne. Ces chiffres s'appuient sur des tonnes de charbon tout-venant.

Cette transparence montre les coûts de la division de l'exploitation du charbon. Les revenus et les frais d'exploitation sont tirés directement de l'étude Boyd. Les coûts sur le plan ressources humaines comprennent un régime de pension contributif ainsi qu'un certain financement du régime de pension non contributif. Le capital est inclus avec l'ajout par la municipalité d'environ 15 millions de dollars, si on démarre avec Donkin en l'an 2001. Le résultat est qu'en 1996-1997, il y a un encaissement positif immédiat. Cela inclut le capital nécessaire pour acheter du matériel neuf.

Comme vous pouvez le constater, le capital s'accumule assez rapidement. Au fur et à mesure que le plan progresse et que les réussites se succèdent, on commence à accumuler des capitaux.

La transparence suivante montre, de façon graphique, la dernière ligne du tableau. Dans la première année, il y a un surplus de 1,5 million de dollars. À la fin de la période de cinq ans, le total est de 134 millions de dollars, ce sans l'effet de la division responsable de l'engagement.

Passant maintenant à la division de l'engagement, on transfère à compter du 31 mars 1996 tout le passif qui n'est pas lié aux activités minières en cours. On a un passif correspondant à des pensions et à des prestations relativement à des départs en retraite anticipée accordées par le passé, notamment lors de la fermeture de Lingan, ainsi que des pensions de commisération. Tout cela est évalué à 160 millions de dollars. Le passif correspondant aux accidents du travail se chiffre quant à lui à 180 millions de dollars. Il ne s'agit pas d'une dette actuelle mais d'une dette du passé. Devco débourse à ce titre environ 13 millions de dollars par an.

Divers groupes ont évalué les coûts environnementaux, et nous avons quant à nous retenu le chiffre de 150 millions de dollars pour la catégorie passif environnemental. Cela englobe toutes les vieilles mines de charbon et tous les sites connexes de l'ensemble de la région industrielle du Cap-Breton.

La perte pour 1995-1996 a été évaluée à 10 millions de dollars, ce qui donne un passif de 0,5 million de dollars. Cela devra être payé soit à même le surplus de la division de l'exploitation du charbon, ce qui nuira directement à sa viabilité, soit par le gouvernement fédéral.

La transparence suivante montre ce à quoi la municipalité chiffre la division des dettes passives. L'administration est de 0,5 million de dollars par an. Cela couvrirait le paiement du passif plus la gestion de l'assainissement environnemental des vieux sites.

En ce qui concerne les pensions, les deux tiers de la pension non contributive actuelle sont inclus dans ces chiffres. Le tiers restant, qui n'a pas été capitalisé, est imputé à la division de l'exploitation du charbon. Depuis 1991, Devco a contribué plus de 200 millions de dollars à ce fonds de pension non contributif. Il reste encore 65 millions de dollars à verser. En définitive, donc, ces 200 millions de dollars sont sortis de Devco pour des pensions et des prestations depuis 1991, en plus de ce que la société verse régulièrement aujourd'hui.

En l'an 2001, lorsque le flux de l'encaisse entre la division des dettes passives et la division de l'exploitation du charbon sera positif, il est prévu d'augmenter les pensions de ceux qui sont aujourd'hui à la retraite pour les porter au niveau industriel.

Les chiffres relatifs à l'environnement qui figurent ici correspondent au nettoyage systématique d'un certain nombre de vieux sites dans la zone industrielle.

Cette transparence donne une illustration graphique de ce qui se passe côté remboursement de passif. Le montant ne cesse d'augmenter. En 1996, 42 millions de dollars seront versés, et l'augmentation est cumulative. Au bout de cinq ans, on paiera 177 millions de dollars à ce titre. À l'heure actuelle, cet argent doit provenir de l'exploitation du charbon.

Cette transparence-ci pourrait s'appliquer soit à la proposition de la municipalité soit à celle de Devco. La ligne en pointillés au-dessus du zéro représente les rentrées cumulatives attribuables à l'exploitation de charbon. La ligne en pointillés en dessous du zéro représente les pertes accumulées de la division des dettes passives. Le rouge correspond à l'écart entre les deux. Les deux doivent s'annuler en l'an 1999-2000.

Si Devco était à vendre aujourd'hui, la société aurait peu ou pas de valeur. Ici, on voit qu'en 1999, selon une formule d'encaisse nette, la société aurait comme valeur 250 ou 300 millions de dollars.

La transparence suivante illustre la proposition de la municipalité concernant l'atteinte de certains repères. J'aimerais commencer par dire qu'aucun plan ne devrait tout de suite démarrer pour une période de six mois. Il doit y avoir, pour tout plan, une période préparatoire. La société doit s'organiser en vue d'administrer le plan et de mettre en place les différents éléments.

Nous proposons comme date repère le 1er mai 1996. Toutes les parties concernées consentiraient les diverses concessions que nous demandons dans la proposition. C'est ce qui déclencherait la création de la division de l'endettement et le consentement par le gouvernement fédéral, pour ce passif, d'un financement relais.

Nous avons prévu que la paroi centrale à Phalen serait prête à être entamée en janvier 1997. La section de formation que nous avons proposée serait en place et donnerait des résultats positifs. Cela déclencherait l'achat de nouveau matériel, comme proposé.

En résumé, les mines de Phalen et de Prince tournent à pleine capacité avec un flux d'encaissement positif en 1996-1997. Les méthodes minières ont changé, tendant vers un système plus moderne et plus productif. Les installations VJ et les embarcadères internationaux sont maintenus afin que la SDCB reste active sur le marché de l'exportation.

Ce plan s'appuie sur la formation pour l'avenir et la conservation des jeunes travailleurs. Il minimise les effets socio-économiques négatifs dans la région en ramenant la compression des effectifs à 28 p. 100. Il assure d'autre part au Cap-Breton une activité commerciale viable et soutenable capable d'être concurrentielle sur les marchés mondiaux.

M. Coady: En guise de conclusion, monsieur le président, j'aimerais tout simplement déclarer que ce que nous venons de vous présenter est le plan général qui a été soumis à Devco par la municipalité régionale du Cap-Breton. Nous avons investi beaucoup de temps et d'argent dans l'élaboration de cette proposition. Nous croyons que les éléments qui le composent sont viables et renferment un énorme potentiel. L'important pour nous est de conserver un nombre maximal d'emplois pour les jeunes mineurs dans le secteur minier pour le long terme, reconnaissant l'impact que cela aura sur notre économie.

Une question soulevée tout à l'heure concernait la division du passif, comme on l'appelle, même si d'autres parlent de coûts sociaux. Nous pensons qu'il importe que le gouvernement fédéral décharge à long terme Devco de ces coûts sociaux afin que cette société soit en mesure de devenir une compagnie charbonnière plus viable.

Le président: Monsieur Coady, vous n'avez pas lu la dernière page de votre mémoire qui reprend un éditorial paru dans le Chronicle-Herald. Permettez-moi de le lire afin que cela figure au procès-verbal. Il s'agit d'un dessin humoristique. Le dessin de gauche montre une enseigne sur un édifice qui dit «Analystes économiques Inc.». La légende est la suivante:

La réduction de la distribution interrégionale de dépenses fédérales ajoutée au prolongement de la désintégration des principales industries à forte demande de main-d'oeuvre auront un effet dévastateur sur l'économie.

Dans le dessin de droite, l'enseigne sur l'immeuble dit «Taverne et usine à penser de la ville de l'acier». La légende est la suivante:

...Les gars, il semble que tout vient de se casser la gueule...

M. Coady: Monsieur le président, nous avons jugé approprié d'inclure cela dans la conclusion à notre rapport.

J'ajouterais que j'ai apporté une production de Folkus Atlantic, réalisé par Joan Weekes, de la région du Cap-Breton, intitulée «The Men of the Deep Join Canada's Only Coal Miner's Chorus for: A Day Underground». On y parle des chants sur les charbonnages, avec un vidéo d'accompagnement qui traite des activités souterraines, au fond de la mine. Je vous remets ceci, monsieur le président, au nom de la municipalité régionale du Cap-Breton et de Mme Joan Weekes. Il s'agit d'une excellente production.

Le président: Merci beaucoup.

Le sénateur Buchanan: Monsieur le président, j'aimerais souhaiter la bienvenue au maire ainsi qu'aux autres représentants de la municipalité régionale du Cap-Breton. La présentation qu'ils nous ont faite était excellente. Elle a certainement couvert tous les points pertinents.

Monsieur le président, je ne vais pas aborder l'aspect financier de toute cette question, étant donné que cela a été abondamment traité hier soir et de nouveau ce matin. Ce qui m'intéresse, c'est l'avenir des charbonnages du Cap-Breton.

Il y a longtemps, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, un plan énergétique a été mis au point par Devco et le ministère des Mines et de l'Énergie de la Nouvelle-Écosse. Le MEIR ou MEER -- je ne sais plus quel nom portait le ministère à l'époque -- y a participé. Y ont joué un rôle à l'époque des gens qui étaient très compétents en ce qui concerne l'exploitation du charbon au Cap-Breton. Je pense que M. Farrell en a sans doute parlé à l'époque avec Bill Shaw. Coady Marsh a définitivement participé, ainsi que beaucoup d'autres de Devco et des ministères provinciaux.

À l'époque, si l'on a entrepris une étude approfondie des charbonnages c'est qu'il était devenu assez clair que la mine numéro 26 aurait une durée de vie très limitée. Bien sûr, elle a fini par fermer dans les années 1980 à cause d'un incendie et de nombreux autres facteurs. Les mines de Prince et de Lingan ont été les seules survivantes. Depuis, Lingan a été fermée. Les filons de Phalen sont en exploitation, ainsi que ceux de Prince.

À l'époque, on a entrepris du sondage carotté. Je pense que M. Farrell sait ce qui s'est passé.

Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec Tom Kent à la table ce matin, mais j'ai parlé avec lui à l'extérieur de la salle de comité. Il m'a dit qu'à l'époque il siégeait au conseil d'administration de Devco. Il avait été très favorable à l'idée de faire du forage-carottage au large des côtes, à Donkin, et à la construction des tunnels pour la nouvelle mine de Donkin. Il a dit qu'il aurait préféré à l'époque que l'on fasse davantage de carottage pour mieux cerner les filons, mais ce qui est clair c'est qu'ils étaient sur la bonne voie en cherchant une nouvelle mine pour remplacer les mines existantes.

J'ai entendu dire -- et j'ai discuté avec beaucoup de gens dans l'industrie -- qu'en ce qui concerne Prince et Phalen et leurs problèmes à l'époque, il était très important qu'il y ait une solution de remplacement à l'une ou l'autre ou aux deux mines dans un avenir proche ou dans les dix ou 15 ans.

Monsieur Farrell, quelle est votre opinion quant à la viabilité d'une nouvelle mine? Le bloc de Donkin renferme comme vous le savez beaucoup de charbon. Il s'agit de charbon de bonne qualité. Il contient près d'un milliard de tonnes de réserves prouvées. On me dit qu'environ 30 p. 100 de cela pourrait être récupéré, avec la technologie minière d'aujourd'hui, soit environ 350 ou 400 millions de tonnes de charbon. Il semble que s'il fallait une solution de rechange dans un proche avenir, ce serait là une solution très viable. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous en pensez.

M. Farrell: Il n'y a aucun doute que l'on pourrait pendant 100 ans sortir chaque année de Donkin trois à quatre millions de tonnes. À l'heure actuelle, le filon à forte teneur en soufre est situé sur le plafond et le plancher. Un certain travail s'impose pour vérifier si l'on pourrait y faire une exploitation sélective, ce qui donnerait un bien meilleur produit. La pente est beaucoup plus favorable là qu'à la mine de Phalen, alors on pourrait mieux utiliser certaines des nouvelles techniques américaines. L'on pourrait y ouvrir et exploiter une mine qui serait très précieuse. La grosse question, bien sûr, est la suivante: peut-on y effectuer une exploitation sélective? Si nous prenons tout le filon, alors il nous faut le laver en entier pour éliminer le soufre, qui doit, je pense, représenter environ 3,5 p. 100. Je parle ici du filon Harbour, l'un des trois gros filons. Cependant, si nous pouvions l'exploiter sélectivement, nous pourrions vraisemblablement laisser le gros du soufre dans la terre et sortir un produit à 2 ou à 2,5 p. 100.

Le sénateur Buchanan: Qui pourrait être relavé.

M. Farrell: Je pense que CANMET a obtenu de bons résultats de lavage. La formule «1,9 p. 100 de soufre» me dit quelque chose. Avant de dépenser 100 millions de dollars ou autre sur une mine de cette envergure, il conviendrait de faire un peu d'exploration souterraine et de mener une enquête pour déterminer comment le charbon serait exploité et quelles sont les conditions véritables. À mon avis, cela vaudrait vraiment la peine d'investir de l'argent dans de l'exploration souterraine.

Le sénateur Buchanan: D'après ce que j'ai compris, les tunnels ont déjà été forés jusqu'au front de taille.

M. Farrell: C'est exact, sur une longueur de trois kilomètres et demi.

Le sénateur Buchanan: Bien sûr, l'exploitation du charbon à Donkin serait plus efficiente, sur le plan coût, qu'ailleurs, car ce serait tout de suite sur le front de taille au lieu d'être sous la mer.

Le coût de développement de la mine Donkin au milieu des années 1980, y compris les tunnels qui ont été percés et le dégagement du site qui a déjà été effectué, a été évalué entre 200 et 240 millions de dollars. On me dit que ce coût atteindrait maintenant 300 ou 350 millions de dollars, moins l'argent qui a déjà été dépensé pour faire les tunnels.

Comme nous l'a appris George White hier soir, ces tunnels ont depuis été inondés. Ils sont toujours en excellent état et ils pourraient être pompés et utilisés. Si vous déduisiez le montant d'argent qui a déjà été dépensé, cela coûterait un maximum, en dollars de 1995-1996, de 240 à 250 millions de dollars pour terminer la mine avec deux fronts de taille. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Farrell: Les 250 millions de dollars vous donneraient une opération Cadillac, cela est certain.

Le sénateur Buchanan: J'opte toujours pour la limite supérieure, espérant que vous la rabaissiez.

M. Farrell: Si vous commenciez par procéder par étapes, vous pourriez lancer à Donkin une mine qui produirait un million de tonnes moyennant un investissement d'environ 120 millions de dollars. Ce sont là des estimations. Par la suite, si la mine devait s'agrandir, il vous faudrait davantage de tunnels. Les tunnels sont longs de trois kilomètres et demi et coûtent très cher.

Au fur et à mesure que vous agrandissez la mine, le coût n'augmente pas proportionnellement. Cependant, à un moment donné le coût fera un bond à cause des besoins en matière de ventilation et autre. Si vous vouliez une production de un million de tonnes, vous pourriez sans doute vous en tirer pour environ 120 millions de dollars d'après moi. Pour quelque chose de plus gros un petit peu plus tard, la note atteindrait sans doute les 250 millions de dollars dont vous avez parlé.

Le sénateur Buchanan: Les chiffres que j'ai ici correspondent exactement à ce que vous dites. Pour une production d'un million de tonnes, si vous prenez des dollars de 1996, il faudrait compter 120 millions de dollars de plus. Si vous passez à deux millions de tonnes et à deux parois, alors, en dollars de 1996, vous dépasserez les 200 millions de dollars. Convenez-vous que la mine pourrait être ouverte et produire jusqu'à un million de tonnes avec 120 millions de dollars en argent nouveau?

M. Farrell: Oui.

Le sénateur Buchanan: Merci.

Le sénateur MacEachen: Je remercie le maire et ses collègues de l'excellente présentation qu'ils nous ont faite. Cela montre que vous avez fait vos devoirs. Vous avez fait une contribution très importante.

Dans votre présentation, vous faites des déclarations que j'ai jugées très positives quant aux politiques visant l'avenir du Cap-Breton. Pour prendre un exemple, vous avez souligné la nécessité d'assurer la viabilité commerciale des charbonnages. En un sens, il s'agit là d'un changement d'attitude très marqué, car il y avait autrefois dans la culture du Cap-Breton une croyance sous-jacente voulant que la dure nécessité de la viabilité soit reportée à plus tard. Il est intéressant de constater que vous avez abandonné cette opinion et que vous dites aujourd'hui que la viabilité commerciale est une nécessité. Dans ces circonstances, la réalisation d'une opération viable sur le plan commercial est la meilleure garantie de l'avenir de l'industrie et la seule façon d'attirer de nouveaux investissements dans l'industrie.

Le sénateur Buchanan et M. Farrell ont parlé de Donkin comme d'une nouvelle possibilité. J'ai soulevé la question hier car je crois moi aussi qu'il faut, dans tout cela, avoir de l'espoir. Il nous faut une vision de l'avenir.

Aujourd'hui, M. Farrell nous a donné certains chiffres relativement à ce que coûterait la mine de Donkin. Hier, M. White nous a fourni des chiffres. Bien qu'il ne nous ait pas donné des chiffres précis pour Donkin, il nous a donné des chiffres concernant l'ouverture de nouvelles mines. Quels que soient les chiffres que nous acceptons, cela représente un investissement énorme, investissement qu'aucun entrepreneur privé ne pourrait jamais faire, quelles que soient les circonstances que je puisse imaginer. Quiconque parle de la privatisation des charbonnages comme solution à notre époque vit dans un monde de rêves.

La barrière entre la privatisation et la fermeture de mines est la Société de développement du Cap-Breton, et si vous perdez la Société de développement du Cap-Breton, vous perdez tout. Voilà ce que je pense.

Je pousserai la chose plus loin encore. La Société a élaboré un plan que nous avons examiné hier soir, et nous avons maintenant un plan de la municipalité: les deux plans proclament, appuient et expliquent la nécessité d'une viabilité commerciale. Il ne faudra pas, à la fin de la période de cinq ans, compter sur une injection de fonds fédéraux. Voilà ce que tous vous nous avez dit, et c'est très bien.

Si le sénateur Buchanan, M. Farrell ou M. White songent à une nouvelle mine, le seul moyen d'y parvenir c'est de faire déboucher sur des résultats ce plan de développement. J'en suis fermement convaincu. Les mineurs, la direction et la communauté auront beaucoup à espérer si le plan réussit. S'il ne réussit pas, étant donné l'ambiance générale qui règne au pays et les avis qui nous ont par exemple été présentés hier soir par le sénateur Ghitter, que je respecte, ce ne sera pas facile.

Vous parlez d'une nouvelle culture de production. Je trouve cela très intéressant.

Si vous me permettez, monsieur le président, voilà mon analyse de la situation.

J'ai également relevé le réalisme de ce plan, même si la municipalité a souffert pour chacun des emplois perdus. Chaque emploi perdu est une crise pour la municipalité, comme on peut le lire dans le mémoire, et je comprends cela. Néanmoins, dans son plan, la municipalité préconise le renvoi de 600 employés sur une période de cinq ans. Il s'agit là d'une dose de réalisme. Il est important de souligner que cela n'est pas très inférieur à ce qui est proposé dans le plan approuvé. Cela m'intéresserait de savoir comment la municipalité en est arrivée à cette conclusion. Pourquoi dites-vous, en dépit du martyr que vous avez souffert que, quel que soit le plan, il est nécessaire de comprimer les effectifs?

M. Coady: Je ne sais trop si je peux vous donner une réponse définitive. Le processus que nous avons suivi nous a menés à cette conclusion lorsque nous avons tenu compte du concept de la viabilité commerciale.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que la municipalité régionale et que le conseil ont endossé le concept de la viabilité commerciale. Nous l'avons fait en reconnaissance du fait qu'en l'absence de viabilité, nous ne pensons pas pouvoir retourner voir le gouvernement fédéral, la main tendue, pour lui demander plus d'argent. Il nous a fallu dire au fil du temps que nous endossons le concept de la viabilité commerciale comme aboutissement de cet exercice et que si cette viabilité n'est pas réalisable, alors nous ne sommes pas certains que l'avenir de l'activité minière au Cap-Breton sera assuré.

Cela nous amène à toute la question de savoir comment dégraisser la société pour réaliser cette viabilité économique. Notre objectif a été de conserver ce qui représente selon nous un élément majeur dans la réussite de la société, soit la main- d'oeuvre jeune. Pour ce faire, il nous a fallu offrir aux travailleurs plus âgés et à ceux qui, pour diverses raisons, se trouvent dans l'incapacité de travailler, la possibilité de prendre leur retraite avec dignité.

Nous avons intégré le coût de cela dans le plan dont M. Farrell a parlé. Vous avez raison de dire que nous n'avons pas adopté la viabilité commerciale comme principe directeur. Nous avons reconnu qu'il nous faut dégraisser pour réaliser cette viabilité. Mais pour dégraisser, n'oubliez pas, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous répondions à la présentation originale de Devco le 9 janvier de cette année.

Dans cette présentation, les compressions proposées par le président et le président du conseil d'administration visaient la suppression de 800 postes, 400 devant disparaître immédiatement et le restant au cours des quelques prochaines années. Cela aurait eu un impact énorme sur notre économie. Nous avons cherché un moyen de recommander des compressions d'effectif qui nous mettent à l'abri de l'incidence de la perte de 800 emplois et de faire un engagement sur le plan revenu.

Vous remarquerez que nous avons recommandé la retraite dans la dignité, la retraite avec un revenu de sorte que, bien que les postes soient perdus, il reste toujours dans notre communauté des revenus et la possibilité pour un résident de maintenir au moins un niveau de vie minimal aux abords de sa retraite.

Le sénateur MacEachen: Monsieur le président, il ressort clairement que la municipalité a consacré beaucoup de travail et de réflexion à ce plan. Dans sa déclaration, le maire Coady a dit que plusieurs de leurs propositions ont été intégrées au nouveau plan remanié approuvé par le gouvernement. Je pense que cela est positif.

Nombre des propositions techniques que vous avez faites, sur la façon dont les mines devraient être exploitées et sur les changements d'orientation, débordent de la compétence de moi-même et du comité. Il ne nous est pas facile de juger de ce genre de questions. Cependant, il s'agit de causes que vous pouvez continuer de plaider auprès de la direction qui doit prendre les décisions. La direction occupe la place du conducteur. Elle doit livrer la marchandise. Cela ne veut pas dire que vos idées ne pourront pas être poursuivies à l'avenir. Voilà ce que vous devriez, je pense, faire.

J'aurais une autre question à vous poser, celle-ci relativement à la mine Prince. Vous brossez un tableau plus rose pour Prince que ne le fait le plan du gouvernement avec trois quarts, une production accrue et plus de tout ce qui est bon. J'aimerais vous demander comment vous pouvez réaliser cela. Vous allez supprimer 600 employés, or vous dressez un tableau très prometteur pour la mine, et j'aime cela. Je n'ai pas beaucoup aimé la première proposition pour Prince. Cela m'a fait plaisir lorsqu'il a été décidé d'y prévoir deux quarts. Vous en proposez maintenant trois, ce qui veut dire une production accrue. Comment cela est-il possible? Où le plan du gouvernement s'est-il trompé, si c'est bien le cas, pour Prince?

M. Farrell: La mine Prince, depuis son ouverture avec un système d'exploitation par longue taille, a régulièrement produit son budget de charbon. À l'heure actuelle, la mine produit environ 1,4 million de tonnes par an. Le rapport John T. Boyd, sur lequel nous avons appuyé nombre de nos propositions, prévoyait la vente de tout le charbon. Cela incluait la vente de 1,5 million de tonnes de la mine Prince. Ils ont vendu du charbon sur le marché international pour rattraper la différence.

Avec la mine Prince, les installations sont en place. Les longues tailles, toute l'infrastructure, tout est là. En ajoutant un troisième quart, le coût par tonne pour ce quart est sensiblement inférieur. La clé, c'est d'être en mesure de vendre la production. Il faut réussir à la mine Phalen et augmenter la production là-bas, car c'est ce charbon-là qui est lavé et mélangé au charbon de Prince pour que celui-ci soit vendable.

Si Phalen continue de réussir aussi bien qu'aujourd'hui, personnellement, je ne vois aucune raison pour laquelle il ne devrait pas y avoir un troisième quart à la mine Prince. Phalen doit venir en premier. C'est là la clé du problème.

Le sénateur MacEachen: Lorsque vous dites que Phalen doit venir en premier, qu'entendez-vous par là?

M. Farrell: Phalen doit améliorer sa production. Celle-ci doit augmenter par rapport aux niveaux actuels. Devco prévoit 2,3 millions de tonnes par an à la mine Phalen et une mine moderne exploitée par longue taille peut sortir beaucoup plus de charbon que cela. Ce chiffre comporte un bon facteur de sécurité. John T. Boyd prévoyait pour la mine Phalen presque trois millions de tonnes de charbon tout-venant exploité grâce à du matériel moderne.

Essentiellement, on utilisait certaines méthodes d'exploitation américaines. Comme vous le savez, les Américains sont sans doute les meilleurs exploitants de charbon au monde à l'heure actuelle. Boyd a proposé l'introduction de certaines techniques américaines. Lors de l'introduction de ces techniques, je pense que Phalen sera plus productive. La mine Prince pourra par conséquent fonctionner pendant plus longtemps.

Le sénateur MacEachen: En gros, vous envisagez le potentiel avec beaucoup plus d'optimisme que le plan dont on nous a parlé hier soir. C'est peut-être là le genre de garantie que la direction a ajoutée dans son plan pour donner certaines assurances au sénateur Ghitter. M. Farrell me dit que si certaines choses se font, il y aurait moyen d'avoir une production accrue, plus d'emplois et un meilleur rendement. Cela n'a pas été intégré dans le plan du gouvernement. Si cela devait fonctionner, tout irait pour le mieux. Peut-être qu'ils ont cela derrière la tête. Je n'en sais rien.

Le sénateur MacDonald: Avez-vous un représentant au conseil d'administration de Devco?

M. Farrell: Non.

Le sénateur MacDonald: Le sénateur MacEachen recommande un genre de surveillance pour s'assurer que cela fonctionne. Cela m'étonne, car ça me fait l'impression d'un contrôle un peu à la «Gestapo». Avez-vous un membre du conseil d'administration qui défend vos intérêts?

M. Farrell: Non.

M. Coady: Non.

Le sénateur Ghitter: Je compatis à la situation dans laquelle vous vous trouvez. Aujourd'hui, la situation démographique joue contre vous, et avec les déficits et les fixations de dette qui s'opèrent, l'approche du gouvernement est contre vous. Lorsque je songe aux problèmes auxquels vous vous trouvez tous les jours confrontés dans la pêcherie, aux pertes d'emplois que vous avez subies et à la pression exercée sur vous par tout cela, je compatis à tout ce que vous vivez.

Cependant, il me semble que vos chiffres sont très différents, et pour des éléments très importants, de ceux qui nous ont été fournis par Devco. N'y a-t-il aucune communication entre vous en ce qui concerne vos aspirations et les leurs et n'y a-t-il pas de conciliation possible entre vos chiffres afin que ce que vous nous présentez ici aujourd'hui rejoigne d'une façon ou d'une autre ce que Devco nous a présenté hier soir?

M. Coady: Il y a eu une certaine communication entre nous-mêmes et Devco, par l'intermédiaire du conseil d'administration et de M. Shannon. Merrill Buchanan a parcouru notre plan et nous a donné certaines réactions au sujet de chiffres qui étaient peut-être selon lui trop mous ou inexacts. Je ne peux pas dire qu'il n'y a eu aucune communication à ce niveau-là.

Au départ, nous avons eu du mal à obtenir l'étude Boyd, mais elle a fini par nous être fournie. Nous avons ainsi été en mesure d'examiner ces chiffres et de mieux en cerner les ramifications. En dernière analyse, je ne sais pas si ce sont les chiffres qui sont si radicalement différents ou si c'est la façon dont nous les abordons qui est différente. Notre approche a été sensiblement différente de celle de Devco, dans son plan. Pourtant, en dernière analyse, le plan final adopté par Devco reflète certaines des questions que nous avons soulevées et des suggestions que nous avons faites.

Le sénateur Ghitter: Prenons, par exemple, la dette accumulée. Premièrement, je ne comprends pas l'avantage qu'il y a à séparer la dette accumulée des activités charbonnières. La dette est toujours là et il faut s'en occuper.

Vous pourriez peut-être m'expliquer quel avantage cela vous procure, selon vous, de déplacer les 500 millions de dollars de ce côté-ci, sauf peut-être votre espoir, d'après ce que je vois sur une ligne, que le gouvernement fédéral s'occupe de cette dette de 500 millions de dollars. Si c'est cela que vous espérez, j'aimerais que ce soit tiré au clair.

En dehors de cela, votre façon de faire est différente de celle de Devco. Vous prenez la dette de 500 millions de dollars et vous la radiez sur une certaine période de temps, conformément au tableau que vous nous avez montré. Or, les chiffres de Devco montrent que dans les premières années, il y aura radiation de 35 millions de dollars, puis de 26 millions, puis de 9 millions. Je n'ai pas eu l'impression hier soir qu'il allait falloir s'occuper de toute la dette de 500 millions. Il s'agit d'un aspect important, et vous l'abordez très différemment de Devco. Vous pourriez peut-être m'aider à comprendre pourquoi j'ai du mal à concilier votre approche et celle de Devco relativement à ce très important élément des coûts sociaux.

M. Coady: M. Farrell pourra aborder l'aspect technique avec vous. Si nous avons envisagé la création d'une division distincte c'était afin que la division du charbon puisse se consacrer principalement à la production de charbon et élaborer de bonnes techniques de gestion et d'exploitation.

Ce que nous croyons c'est qu'une partie de l'énergie des gens est à l'heure actuelle en train d'être utilisée à mauvais escient parce qu'ils doivent consacrer tellement de temps au passif. Je ne sais pas s'il faudrait tout englober sous le titre de «dette».

L'un des éléments de passif qu'ils tirent derrière eux c'est le passif environnemental. Celui-ci reste encore à être déterminé en ce qui concerne l'avenir à long terme de la société. Combien cela coûtera-t-il à l'avenir de nettoyer certains des problèmes causés par l'exploitation charbonnière actuelle ou passée? Il nous faudra examiner l'incidence de la réglementation environnementale provinciale et fédérale et tenter d'assainir nos activités de façon à respecter toutes les nouvelles règles. Bien évidemment, ce passif devra être assumé par les opérations futures.

Quant aux chiffres et à la raison pour laquelle nous recommandons la création de deux divisions, il me faudrait faire appel à M. Farrell, car c'est lui l'expert dans ce domaine.

M. Farrell: Depuis 1991, Devco a versé plus de 200 millions de dollars à un régime ne pension non capitalisé. Il s'agit là d'une dette héritée du passé. En même temps, il y avait en place un plan visant à assurer la viabilité à Devco sur une période de cinq ans. Cent soixante-cinq millions de dollars ont été utilisés pour des améliorations aux immobilisations tandis que 200 millions de dollars ont été consacrés à la capitalisation de régime de retraite. Une compagnie privée n'aurait pas ce genre de dette; elle ne pourrait pas se le permettre. Si quelqu'un devait acheter Devco aujourd'hui, il n'achèterait jamais une dette de 500 millions de dollars.

Les administrateurs de la Société de développement du Cap-Breton devront sans cesse venir à Ottawa demander de l'argent pour supprimer ces éléments de passif. Vous avez peut-être déjà entendu l'expression «Lorsque les rois sont forts, les barons sont faibles». Si le roi est à Ottawa, alors le baron qui dirige la Société de développement du Cap-Breton est faible. Mais si nous pouvions transférer tous nos pouvoirs en matière d'administration de la société au Cap-Breton, alors le baron qui serait à la tête serait fort.

Le sénateur Ghitter: Êtes-vous en train de dire que le seul espoir en ce qui concerne la viabilité économique de la société est que le gouvernement fédéral s'occupe de cette dette de 500 millions de dollars?

M. Farrell: Non. Voici ce que nous disons: que l'on ne confonde pas le coût de l'exploitation minière aujourd'hui à cause de dettes qu'aucune autre compagnie n'aurait. Nous utilisons le véhicule qu'est une autre division. Mettons ce passif de côté et accordons un juste prix à l'activité houillère aujourd'hui.

On a parlé du fait que Devco aurait perdu 10 millions de dollars l'an dernier: qu'a-t-elle versé au titre de ces éléments de passif? Je ne suis pas certain du chiffre, mais je dirais que le montant doit se chiffrer à environ 40 millions de dollars.

Le sénateur Ghitter: J'aimerais dire à ma banque: «J'ai accumulé cette dette au cours des cinq dernières années, mais je sais que je vais réaliser un profit cette année. Pourriez-vous me dispenser du remboursement de cette dette?». Cela ne fait pas partie du monde réel. La dette ne va pas disparaître du simple fait de séparer la dette accumulée de l'exploitation charbonnière. Elle sera toujours là et il faudra s'en occuper. Êtes-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Farrell: Elle sera toujours là. Si la compagnie réalise les résultats qui sont prévus pour les cinq prochaines années, alors les revenus -- c'est-à-dire l'encaisse positive découlant des activités de charbonnage -- essuieront tout le passif.

Il y a toujours le facteur source de ces éléments de passif. Lorsque Devco s'est lancée, l'on comptait peut-être 6 000 mineurs. L'intention était de ralentir progressivement l'exploitation minière pour la supprimer. On a maintenant pris le coût du dégraissage de Devco et on l'a laissé sur le bilan de l'exploitation minière. Ce qu'on dit maintenant c'est qu'il n'est pas rentable d'exploiter le charbon parce qu'on a comprimé les effectifs et qu'on a inscrit ces coûts dans les livres. La politique visait la compression des effectifs. Il y a une impasse: les coûts du dégraissage sont maintenant imputés au charbonnage. Ce que nous disons, c'est que cela n'est plus rentable; cela coûte trop cher. Si vous vous contentez d'exploiter le charbon par quelque moyen et de parler du coût de l'exploitation du charbon aujourd'hui, alors Devco peut survivre et être une compagnie viable.

Le sénateur Buchanan: Nous avons eu une situation semblable avec Sysco, et il a fallu que la province absorbe une dette énorme. C'est la même situation ici avec la dette au titre des charges sociales.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, je suis d'accord avec le sénateur MacEachen lorsqu'il dit qu'il est important que la municipalité se soit elle-même engagée envers le concept de la viabilité commerciale de Devco. Elle a accepté, avec ce concept, un certain nombre de conséquences très difficiles. C'est vous qui êtes le gouvernement qui est le plus proche des gens sur place, et cela n'a pas dû être facile pour vous.

Cela étant dit, nous sommes tous engagés en faveur de la viabilité commerciale. La question est de savoir si votre plan ou si le plan de Devco approuvé par le gouvernement sont en mesure d'assurer cette viabilité commerciale.

Si j'ai tendance à être sceptique c'est pour la raison que voici: en novembre dernier, lorsque M. Shannon a défini le concept de viabilité commerciale, le scénario pour sa réalisation était beaucoup plus drastique que celui que nous avons devant nous aujourd'hui. En janvier, comme l'a mentionné le maire Coady, le scénario était plus drastique qu'il ne l'est aujourd'hui. Au printemps, lorsque Devco s'est lancée dans le processus de consultation, le scénario était plus dur que celui qui est ressorti du plan approuvé. D'après ce que je vois, la plus grosse différence entre les plans précédents et le plan approuvé est que le gouvernement du Canada est prêt à contribuer quelque 79 millions de dollars. Il s'agit peut-être là d'une impression superficielle. Nous aurons l'occasion d'aller voir derrière les chiffres qui nous ont été présentés hier soir par M. Shannon et Devco.

Entre le plan du printemps et celui qui a finalement été approuvé, il a été découvert que la société pourrait produire trois millions de tonnes de plus de charbon sur la période de cinq ans, qu'elle pourrait les vendre et faire de l'argent. Il s'agit là d'une situation dans laquelle les marchés d'exportation se verront accorder moins d'importance. La société vendrait entre 700 000 et un million de tonnes par an sur les marchés d'exportation.

En ce qui concerne les marchés d'exportation, votre plan est encore plus ambitieux. L'an prochain, Devco vendrait 1,4 million de tonnes sur les marchés d'exportation, pour passer à 1,7 million de tonnes en l'an 2000-2001.

Hier soir, les témoins ont fait état d'une perte de 23 millions de dollars au titre de la vente de charbon sur les marchés d'exportation. Je ne suis pas certain de l'année et j'ignore si cela est typique. Si c'était typique, alors la rentabilité de la chose est assez douteuse.

Vous avez à cet égard épousé les projections de Boyd. Avez-vous cherché à regarder derrière? Comment la société peut-elle faire de l'argent sur les marchés d'exportation? Comment peut-elle vendre les volumes de charbon que vous prévoyez? Je reconnais qu'il est arrivé au cours des dix dernières années qu'elle vende plus que cela sur les marchés d'exportation. La vraie question est de savoir si elle peut, ce faisant, gagner de l'argent.

M. Farrell: John T. Boyd a fait une étude de marché dans le cadre de laquelle il était prévu qu'un tel volume de charbon puisse être vendu. Son plus bas prix de vente du charbon, par exemple, était de 47,50 $ la tonne. Si vous prenez un prix de 47,50 $ la tonne isolément, ça ne suffira peut-être pas. Cependant, si vous pouviez vendre 500 000 tonnes à 47,50 $ la tonne, vos coûts d'exploitation d'ensemble baisseraient peut-être du fait de l'augmentation du volume que vous produiriez. Au fond, le charbonnage, c'est une question de volume. Il faut avoir un certain volume pour pouvoir étaler vos coûts.

Par conséquent, je pense que ce que vous voyez dans la proposition Boyd c'est un prix composite pour le charbon. Je pense que leur prix composite pour tout ce charbon était d'environ 58 $ la tonne. Une certaine partie du charbon aurait peut-être été à 47 $ la tonne, et une autre partie à 65 $ la tonne.

Le sénateur Murray: Cela vaut-il pour le charbon d'exportation ou le charbon devant être exporté ainsi que vendu à la Nova Scotia Power?

M. Farrell: Cela vaut pour tout le charbon.

Le sénateur Murray: Dites-vous qu'ils mélangent le prix pour le marché national et le prix à l'exportation?

M. Farrell: Ils ont une grille qui montre où vont les différents charbons et à quel prix. Ce que je dis, c'est que si vous retranchiez ce 1,4 million de tonnes du marché de l'exportation et si vous ne le produisiez pas, alors vos coûts d'exploitation pour les 2,2 millions de tonnes restants, destinés à la Nova Scotia Power, seraient de loin supérieurs.

Le sénateur Murray: Je comprends cela. Mais que répondez-vous alors à ce qui a été dit hier soir, soit qu'ils ont perdu 23 millions de dollars en une seule année en vendant du charbon outre-mer? Je constate que nos amis de Devco sont toujours présents. M. Buchanan et(ou) M. White, savez-vous de quel exercice financier ils parlaient?

Le président: Nous pourrions peut-être inviter M. White à s'asseoir à la table afin qu'il puisse participer à la discussion.

Le sénateur Murray: Ce serait utile.

Le sénateur MacDonald: Ont-ils jamais gagné de l'argent en vendant du charbon sur les marchés d'exportation?

Le sénateur Murray: Connaissez-vous la réponse à cette question, monsieur White?

M. George R. White, président-directeur général, Société de développement du Cap-Breton: J'aimerais connaître la réponse à cette question, sénateur. Je travaille pour la compagnie depuis six semaines et je ne connais pour l'instant pas la réponse à cette question.

Le sénateur Murray: Vous étiez là autrefois. Vous étiez le gérant de Prince et de Phalen.

M. White: C'est exact. En tant que gérant, ce que j'essayais de faire c'était de produire le charbon dans le respect des coûts prévus dans le budget d'exploitation. Il y a d'autres coûts qui sont, eux, liés à la commercialisation, à la distribution et au transport.

Le sénateur Murray: Lorsque vous parlez de Donkin, parlez-vous de Donkin en tant que successeur de Phalen, ou bien parlez-vous de la possibilité de lancer Donkin pendant que Phalen et Prince sont toujours en exploitation? Je pose cette question parce que certains des renseignements dont nous disposons relativement à Phalen laissent entrevoir qu'il y a de sérieux obstacles à sa viabilité future. Selon une déclaration que j'ai vue, tout le charbon exploitable de façon rentable à Phalen a déjà été sorti.

M. Farrell: Les rapports géologiques sur la mine de Phalen sont selon moi «mauvais» étant donné la situation actuelle de la mine. D'après les renseignements dont je dispose, les données au sujet des trous de forage et autres perdent de leur justesse au fil du temps.

Le sénateur Murray: Vous voulez situer cela par rapport au développement?

M. Farrell: Ce travail géologique est maintenant sans objet.

Le sénateur Murray: C'est une proposition coûteuse; c'est à cela que veut en venir la direction de Devco. M. White pourrait sans doute nous expliquer un peu mieux cela.

M. White: Nous exploitons présentement le côté est de Phalen, à la 7 Est, et ce sera terminé dans le courant de l'exercice financier en cours. Du côté est, nous avons la 8 Est et la 9 Est où les conditions géologiques actuelles sont difficiles. En dehors de cela, je suis de l'avis de M. Farrell lorsqu'il dit que les conditions vont s'améliorer.

Le sénateur Murray: En ce qui concerne Donkin, le rapport Boyd dit qu'une exploitation sélective n'est pas réalisable. Il dit par ailleurs qu'il ne serait pas rentable de lancer Donkin à un quelconque moment dans l'avenir prévisible... je suis en train de paraphraser le rapport.

M. Farrell: Sur le plan rentabilité, il ne serait pas logique d'ouvrir Donkin maintenant et d'avoir davantage de charbon à vendre, car la qualité du charbon de Donkin est semblable à celle du charbon de Prince, qui est difficile à vendre.

Ce que propose la municipalité c'est que l'exploration souterraine commence en l'an 2000. De cette façon, si l'on forait des tunnels sous la terre, on pourrait déterminer la qualité du charbon, connaître les conditions d'exploitation et cerner les possibilités d'exploitation sélective. À mon avis, il est raisonnable de supposer que l'on puisse faire de l'exploitation sélective à Donkin. Cependant, on ne se lance pas dans un investissement de 120 à 250 millions de dollars en fonction d'hypothèses raisonnables. Il faut disposer de données sûres, en provenance de travaux exploratoires, pour pouvoir aller plus loin.

Le sénateur Murray: Vous devez savoir que bien que cela figure dans votre plan, cela ne figure pour l'instant pas dans le plan qui a été approuvé par le gouvernement.

M. Farrell: Nous avons pris la liberté d'ajouter trois années à notre plan pour montrer ce qui se passera au fil du temps. Si vous examinez la situation à court terme, les perspectives semblent bien pires que ce qui est prévu.

J'en reviens toujours à l'étude de John T. Boyd, car il s'agit d'un cabinet de conseils en matière de charbonnage de renommée internationale. Cette compagnie prévoit un bon avenir pour la société. Les résultats, l'argent, viendront plus tard. Il faut contourner le passif qui existe à l'heure actuelle.

Le président: Monsieur le maire, je tiens à vous remercier, vous et vos collègues, d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Comme l'a dit le sénateur Ghitter, la situation démographique joue contre nous, mais c'est le cas depuis le XVe siècle. J'ai lu le texte du dessin humoristique afin qu'il figure au procès-verbal car je pense que la seule chose qui nous sauve, c'est notre sens de l'humour. Cependant, cela masque le dilemme auquel nous nous trouvons confrontés. Bien que nous n'ayons pas encore de solution facile, je souhaite vous dire avant que vous ne nous quittiez que nous prenons ce travail très au sérieux. Nous savons que les gens qu'il est le plus difficile de retenir au ciel sont les habitants du Cap-Breton, car ils veulent toujours rentrer chez eux.

La séance est levée.


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