Délibérations du comité sénatorial spécial
sur
la Société de développement du Cap-Breton
Fascicule 2 - Témoignages - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le mardi 28 mai 1996
Le comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton se réunit aujourd'hui, à 15 h 30, pour poursuivre son examen du rapport annuel et du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je souhaite la bienvenue à la United Mine Workers of America, au Syndicat canadien de la fonction publique et au Syndicat national des travailleurs de l'automobile. Nous vous remercions de votre présence. Nous aimerions que chacun de vous fasse une déclaration, après quoi les membres pourront vous interroger.
M. Steven Drake, président, district 26, United Mine Workers of America: Monsieur le président, mon collègue et confrère est John McLeod, administrateur international au conseil de la United Mine Workers of America.
Au nom de l'UMWA, je veux vous remercier de nous donner l'occasion de prendre la parole ici aujourd'hui. Je félicite tous ceux qui participent à ces audiences, et tout spécialement le sénateur Murray qui, je crois, en est l'instigateur.
Nous sommes ici pour obtenir une opinion réfléchie du Sénat et, essentiellement, pour déposer publiquement le plan que proposent les employés ainsi que pour mettre à votre disposition les compétences de 1 600 mineurs de charbon qui, collectivement, possèdent plus de 40 000 années d'expérience dans la solution des problèmes miniers.
En septembre 1983, l'UMWA a fait à George Khattar, président du conseil de la Devco, une honnête proposition de coopération patronale-ouvrière. Les relations patronales-ouvrières à la Devco se caractérisaient par une longue suite de problèmes. Nous avons fait valoir qu'il suffirait de quelques petits pas pour regagner la confiance des employés après une période aussi troublée et difficile. Nous avons aussi proposé à M. Khattar et au conseil d'administration un programme de coopération pour exploiter la mine Donkin et assurer un bel avenir à la Société.
M. Khattar a beaucoup coopéré avec les syndicats. Mais la haute direction, en particulier M. Ernie Boutilier, le président, n'était pas du tout enthousiaste à l'égard de la proposition à ce moment-là, en particulier la proposition concernant la mine Donkin.
Entre septembre 1993 et juin-juillet 1995, lorsque M. Joe Shannon a été nommé président et président du conseil d'administration de la Devco, la Devco est retournée à ses anciennes habitudes. L'orientation était mauvaise, personne ne rendait de comptes et il y avait des pratiques comptables douteuses ou farfelues.
Lorsque M. Shannon a pris les rênes, de nombreux employés de la Société de développement du Cap-Breton se sont inquiétés de ses intentions, parce que, comme tout le monde le sait, M. Shannon a été président en 1984-1985. Son premier mandat à la présidence a été court, et le sénateur MacDonald l'a évoqué hier. Il a été marqué par une décision très controversée qui a suscité une certaine méfiance envers M. Shannon. Je parle de la décision d'abandonner le transport ferroviaire du charbon de la mine Prince en faveur du transport par camion. Si je ne m'abuse, Seabord, la société qui appartient à M. Shannon, est encore le principal transporteur du charbon de la mine Prince.
En 1995, les employés ont brandi les drapeaux rouges. Nos dirigeants nous ont dit d'entreprendre un intense programme de recherche et d'exercer des pressions en faveur de l'industrie houillère. C'était après que M. Shannon a de nouveau été nommé président.
Notre position a changé un peu lorsque, au début de son mandat, M. Shannon a pris la parole à une réunion de l'UMWA. Il a indiqué que son personnel avait trouvé des écarts dans les chiffres de la Devco. Il s'agissait des 20 millions de dollars dont il a été question à la séance d'hier soir.
M. Shannon a affirmé catégoriquement que, lorsque son personnel ferait la lumière sur le problème financier, il ne s'inquiéterait pas si certaines personnes étaient jetées en prison. Nous ne sommes pas d'accord pour jeter des gens en prison, peu importe le problème. Mais cette attitude a confirmé les soupçons des employés que 20 millions de dollars de la houillère Phalen étaient disparus ou avaient été détournés. Je ne sais pas quel est le bon terme à employer, mais nous avons laissé entendre que 20 millions de dollars n'avaient pas été placés au bon endroit.
Nous avons attendu avec une certaine prudence mais aussi un certain optimisme le rapport de M. Shannon sur cette question. À l'époque, nous lui donnions le bénéfice du doute. Le rapport n'est jamais venu. Nous avons demandé les renseignements de base, des chiffres et des statistiques, et on nous a répondu qu'ils étaient confidentiels et pouvaient mettre en danger la relation entre la Devco et la Nova Scotia Power Corporation.
Je veux indiquer très clairement qu'aucune des personnes que je représente et certainement pas celles qui sont autour de cette table ne veulent autre chose que le bien de la Société. Nous n'avons pas envie de faire du tort à la Société, ni financièrement ni autrement.
La situation en 1985, puis celle de 1995, a incité nos membres à demander à l'exécutif régional de la United Mine Workers of America de faire ses devoirs. Cela dure depuis juillet 1995 et nous a menés au point où nous en sommes aujourd'hui.
Nous perdons 715 emplois dans la période de cinq ans et demi qui a commencé en novembre 1995. Le plan des travailleurs vise à épuiser tous les autres moyens avant de mettre des gens à la porte.
Notre raisonnement repose en grande partie sur des chiffres que nous ne pouvons pas confirmer. Nos tentatives d'obtenir de l'information se sont butées à des réponses évasives. Si notre démarche ne fonctionne pas, si nos solutions proposées n'entraînent pas assez d'économies pour mettre fin à ces pertes d'emplois, alors, les réductions d'emplois doivent se faire dans la dignité, ce qui veut dire des pensions convenables pour les mineurs de charbon.
Après avoir entendu pendant quatre mois les chiffres avancés par M. Shannon, qui ont changé à plusieurs reprises, il faudrait un acte de foi considérable pour croire aveuglément aux chiffres actuels de la Devco, sans des données financières détaillées pour appuyer les projections hypothétiques qui ont été faites. Nous les avons demandées à plusieurs reprises, je le répète.
J'attire votre attention sur le livre rouge de l'UMWA. Il s'intitule «Creating Opportunity, A Plan for Cape Breton». Il y a trois grandes propositions dans ce document. Premièrement, Ottawa devrait assumer les coûts sociaux et environnementaux liés à la Devco; deuxièmement, il faut établir de nouvelles relations patronales-ouvrières et troisièmement, il faut moderniser les opérations de la Devco pour assurer son avenir à long terme.
Ces propositions ont été faites par les employés de la Société de développement du Cap-Breton. Je ne traiterai que brièvement de la première, parce qu'on en a discuté en profondeur hier soir et ce matin. Je demanderai ensuite à M. McLeod de donner son exposé sur la deuxième, après quoi je présenterai des diapositives.
Le sénateur Murray a demandé hier soir, et de nouveau ce matin, quelle partie de ce passif doit être assumée par la Devco. Le scénario le plus positif serait qu'aucun passif du régime de retraite ne relève de la Société. M. Shannon a mentionné hier qu'en 1991, le surintendant des pensions a découvert ce passif et les coûts permanents qu'il représentait et déclaré qu'il fallait le capitaliser avant 1998.
Je me reporterai brièvement à un mémoire concernant l'incidence du passif du régime de retraite sur l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton. On y lit qu'en mars 1993, la Société s'est fixé comme objectif d'éliminer ce passif avant 2001. Un an plus tard, cet objectif était révisé, afin de prévoir une capitalisation complète du régime en 1998, ce qui entraînait une hausse importante du paiement annuel nécessaire.
Si, comme l'a déclaré M. Shannon, le surintendant des pensions a fixé un calendrier des paiements en 1991, ne serait-il pas logique de supposer qu'il a approuvé un échéancier raisonnable, par exemple de 1993 à 2001, comme l'indique le rapport?
Je crois comprendre que quelqu'un aurait dû approuver cette capitalisation. Qui a approuvé l'échéance plus courte et les paiements plus élevés? Nous avons entendu quels résultats nets la Société de développement du Cap-Breton prévoit au cours des trois prochaines années. Au lieu de rembourser 10 millions ou 8 millions de dollars par année, nous en payons actuellement de 22 à 25 millions environ, ce qui est presque une tâche impossible.
M. McLeod parlera maintenant des nouvelles relations patronales-ouvrières.
M. John McLeod, administrateur international, United Mines Workers of America: Monsieur le président, je vous remercie de nous donner la possibilité d'exprimer nos inquiétudes au sujet de la restructuration de la Devco ou de la réduction de ses activités. Nous vous présenterons de l'information et nos points de vue sur les tentatives antérieures en vue d'assainir les relations avec la Société et essaierons de vous donner un aperçu du type de relations que l'UMWA aimerait établir.
J'aborderai d'abord les problèmes sociaux qui frappent certains de nos travailleurs.
À la fin de 1994, la Société a réduit quelque peu ses effectifs. Vingt-neuf jeunes employés devaient perdre leur emploi. La plupart d'entre eux travaillaient à la mine Prince. À ce moment-là, les dirigeants syndicaux venaient d'entrer en fonction. Ils ont dû annoncer à une réunion syndicale locale que 29 personnes perdraient leur emploi. C'était difficile à annoncer, parce qu'il n'y avait pas d'autres possibilités d'emploi pour ces jeunes au Cap-Breton. Nous nous sommes battus pour maintenir ces emplois, mais la direction avait pris sa décision et nos efforts n'ont pas réussi à empêcher les mises à pied.
Environ un mois plus après les mises à pied, j'étais à l'aéroport lorsqu'un de ces employés licenciés est arrivé avec sa famille. Il s'en allait s'établir à Calgary, où il travaillerait dans les mines. Il avait été conduit à l'aéroport par son père, qui avait pris sa retraite de la Devco peu de temps auparavant. Il attendait son vol et j'étais déçu de moi comme syndiqué, parce que je ne m'étais pas battu assez farouchement pour sauver son emploi. Il partait. Le père était fier que son fils déménage afin de pouvoir s'occuper de sa famille. Il devait partir. Il n'avait pas le choix. Mais le père n'a pas enlevé ses lunettes de soleil lorsque ses petits-enfants sont partis. Ils ne se rendaient pas compte de ce qui se passait. Le père a regardé dignement son fils partir.
Je me suis senti un peu trahi. L'année 1994 a été déclarée Année internationale de la famille par les Nations Unies. De nombreux organismes canadiens ont publié des rapports pour inciter la famille à rester forte, unie. Ils parlaient du pouvoir de la famille. Pourtant, un fils partait avec sa famille et son père le regardait partir.
Je me suis senti trahi. Des situations comme celles-là engendrent la méfiance. Des gens nous disent qu'ils nous feront du bien, pourtant d'autres sont forcés de partir.
Au fil des années, nous nous sommes battus pour défendre les droits des travailleurs. Nous avons dû nous battre pour obtenir une indemnisation des accidents du travail. Tout cela accentue la méfiance que nous ressentons lorsque nous avons affaire à certains services gouvernementaux ou certaines compagnies. Nous avons raison d'être méfiants. La méfiance ne surgit pas du jour au lendemain. Nous ne décidons pas simplement un bon jour que nous nous méfions d'une entreprise ou de quelqu'un.
Hier soir, le président de la Devco, George White, a indiqué qu'il faudrait demander aux syndicats de «monter au créneau» pour assurer la viabilité de l'industrie. Je réponds que nous sommes «montés au créneau» à de nombreuses occasions. M. White a parlé du front de taille 7 Est à la mine Phalen. Les mineurs n'ont ménagé aucun effort pour essayer de sauver ce front de taille. Nous espérons qu'ils y parviendront. Ils y travaillent encore. C'est un travail de longue haleine, mais les mineurs sont prêts à travailler. Ils sont «montés au créneau».
On peut aussi donner l'exemple de la mine Lingan. La production de cette mine a dépassé tous les autres records. Il y avait un risque de catastrophe majeure lorsqu'un incendie s'est déclaré au front de taille 4 Est. Malgré l'imminence du danger, des mineurs sans vêtements de protection ont lutté pour éteindre le brasier. Là encore, des mineurs sont «montés au créneau» pour éteindre un incendie.
Comme l'a fait remarquer le sénateur Buchanan hier soir, un désastre a coûté la vie à 26 mineurs. Là encore, les employés sont montés au créneau lorsqu'ils ont dû retourner dans la tranche où des collègues avaient perdu la vie.
Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que les syndicats monteront au créneau lorsque le besoin s'en fera sentir. Ils ne le feront pas si l'arbitre favorise l'autre équipe. Nous ne le ferons pas non plus si l'autre équipe peut reprendre ses billes et partir.
En 1991, les services d'experts-conseils ont été retenus pour mettre en oeuvre un nouveau programme de coopération patronale-ouvrière. Le ministre Tom Hockin y a participé également. Des comités ont été créés et une formation a été donnée afin d'acquérir les compétences nécessaires au fonctionnement du programme. Peu de temps après la création des comités, le gouvernement fédéral a ordonné la fermeture de la mine Lingan, entraînant ainsi 800 pertes d'emplois.
Les comités ont fait face à la situation grâce à un processus conjoint. Les syndicats ont eu accès à toute l'information. On a ainsi établi un climat de confiance. Les retraites anticipées, des prestations de raccordement et des départs volontaires ont permis d'atténuer les contrecoups de la fermeture. Ces solutions semblaient les meilleures possibles. Le processus n'a pas été facile à accepter. Mais le syndicat a défendu les décisions qu'il avait fallu prendre.
En 1993, la Société a annoncé qu'elle voulait déplacer les ateliers centraux. Le comité patronal-ouvrier a demandé à examiner cette décision afin de faire des recommandations. La proposition faite par la compagnie a été rejetée. Première prise.
En octobre 1994, les membres de l'UMWA ont rencontré le conseil d'administration de la Devco. George Khattar venait d'être nommé président. Nous avons demandé que la compagnie essaie de rétablir un climat de confiance avec les employés en apportant certains changements afin de montrer qu'elle était disposée à travailler avec les employés et à tenir compte de leurs idées. Nous leur avons dit que s'ils pouvaient établir ce climat de confiance, nous travaillerions avec eux pour mettre en place un mécanisme quelconque de relations patronales-ouvrières. Le conseil voulait coopérer. Mais la Société n'a pas réagi. Deuxième prise.
En mai 1995, l'UMWA a invité la Société à désigner des représentants pour accompagner le syndicat à d'autres mines et pour y étudier les relations patronales-ouvrières. Ils se sont d'abord rendus à la mine de New Warwick en Pennsylvanie. Il y avait là-bas un programme de règlement par objectif. Nous avons étudié ces mécanismes et estimé qu'ils pouvaient être mis en oeuvre à la Devco.
Nous sommes aussi allés à Hinton, en Alberta, en compagnie de représentants de la Devco, pour observer les relations patronales-ouvrières à la mine Cardinal River, appartenant à Luscar. Nous avons alors convenu que ce type de processus pouvait fonctionner à la Devco. Nous avons convenu de nous réunir à notre retour à Glace Bay, pour rédiger des propositions en vue d'un mécanisme semblable.
L'UMWA a présenté nos propositions pour qu'elles soient examinées et a attendu que la Société indique si elle voulait apporter des changements ou donner son accord. L'UMWA n'a pas reçu de réponse concernant les propositions qui avaient été faites. Troisième prise.
En novembre 1995, le président de la Devco, Joe Shannon, a fait appel à des experts-conseils pour établir un mécanisme patronal-ouvrier. Son représentant a présenté au syndicat l'ébauche d'un processus et des équipes ont été formées. Ils ont fait venir un groupe appelé Tennessee Associates pour participer aux consultations.
Le syndicat n'a participé à aucune discussion jusqu'à ce moment-là. Le représentant de M. Shannon nous a déclaré que la Société irait de l'avant, avec ou sans l'accord du syndicat. Le syndicat a exercé des pressions afin de participer. On nous a finalement permis de le faire.
La Société s'est alors retirée complètement du processus et y a mis fin. Ils ont repris leurs billes et sont rentrés chez eux.
Le 9 janvier, M. Shannon a annoncé un plan approuvé par la Devco et appuyé publiquement par la ministre des Ressources naturelles, Anne MacLellan, et par le ministre de la Santé, David Dingwall, le 10 janvier 1996. Le syndicat a mis en doute quelques chiffres avancés par M. Shannon. Le sénateur Ghitter s'est inquiété lui aussi de ces chiffres lorsqu'il a interrogé M. Shannon hier soir.
L'UMWA a demandé à la Devco de lui permettre d'examiner les chiffres présentés. Nous étions d'accord pour signer un accord de confidentialité garantissant que l'information ne serait pas employée pour mettre en danger les relations d'affaires avec nos clients. Cette demande a été refusée. Là encore, la Société ne nous a pas fait confiance.
Honorables sénateurs, la méfiance qui existe entre la Devco et les syndicats n'est pas née du jour au lendemain; et elle ne peut pas disparaître non plus du jour au lendemain. Il faut prendre le temps d'établir des liens. Il faut y aller lentement. Il faut quelqu'un pour surveiller le processus et s'assurer que tous les participants sont sur un pied d'égalité. C'est à ce niveau-là que le gouvernement doit intervenir.
Nous pensons que les politiciens doivent jouer leur rôle, contrairement à ce que déclarait M. Shannon hier soir au sujet de la participation des politiciens.
Nous avons écrit au ministre du Travail, M. Gagliano, pour lui demander que le gouvernement participe au processus. Si quelqu'un surveillait ce processus, nous pensons qu'il serait juste et que les deux parties devraient remplir leurs engagements.
Le syndicat est bien déterminé à améliorer les relations patronales-ouvrières à la Devco. Reste à savoir si la Devco l'est elle aussi.
M. Drake: Avec votre permission, monsieur le président, je voudrais présenter des diapositives. Il y a un document dans notre dossier intitulé «Future of Coal Mining in Cape Breton -- Overview».
Nous regardons maintenant un graphique sur l'emploi dans le secteur de la production minière, établi par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en 1994. Il montre que 54 p. 100 des 4 300 employés du secteur de la production minière oeuvrent dans les charbonnages. Cela représente 2 320 emplois. Environ 2 100 d'entre eux se trouvent à la Société de développement du Cap-Breton au Cap-Breton. C'est donc un facteur important de l'économie néo-écossaise.
Il y a environ 2 100 emplois directs à la Société de développement du Cap-Breton et 6 000 emplois indirects. Nous croyons qu'il s'agit d'une estimation relativement stable, de trois emplois indirects pour un emploi dans l'industrie, dans une économie comme celle du Cap-Breton où le taux de chômage se situe à 20 p. 100. En réalité, le taux de chômage devrait être de 35 ou 40 p. 100.
L'industrie houillère injecte directement plus de 200 millions de dollars par année dans l'économie. Mais quand on regarde les revenus de 1990 à 1995, tels qu'indiqués dans les états financiers annuels de la Devco, on voit que les revenus directs tirés des ventes de charbon varient de 216,3 à 266 millions de dollars. Cela représente de fortes retombées économiques sur le Cap- Breton. En 1995, le président du conseil d'administration, George Khattar, a estimé les répercussions économiques sur l'ensemble de la Nouvelle-Écosse à 1 milliard de dollars.
La prochaine diapositive porte sur les charbonnages canadiens. Plusieurs entreprises houillères privées de l'Ouest canadien sont données en exemple. Il s'agit de Teck Corporation, de Fording Corporation, de Luscar Corporation et de Smoky River Coal. Si vous regardez le graphique, vous verrez qu'elles prennent de l'expansion à cause de l'augmentation de la demande sur les marchés européens et asiatiques. Les marchés prennent de l'expansion, alors les charbonnages de l'Ouest canadien suivent le mouvement.
D'après les renseignements dont nous disposons, la Devco s'engage dans un programme de réductions des coûts afin d'assurer son indépendance financière. Elle va exactement à contre-courant non seulement des autres charbonnages au Canada mais aussi des charbonnages dans le monde entier.
La Devco réduit ses ventes à l'exportation après avoir cultivé les marchés étrangers durant 15 ans et après avoir soigné sa réputation en investissant récemment 15 millions de dollars pour agrandir ses installations d'exportation à Sydney. Nous avons dépensé 15 millions de dollars à Sydney en 1992.
Hier soir, M. Shannon a déclaré qu'il ne se retire pas du marché à l'exportation. Au cours des quatre derniers mois, nous avons découvert que, dans le plan de la Devco, 34 des 38 emplois au quai international de Sydney deviennent excédentaires. La première mesure qu'a prise M. Shannon lorsqu'il est devenu président et président du conseil a été de renvoyer le vice- président aux ventes à l'exportation, M. White. Même s'il affirme le contraire, il semble aux employés que nous nous éloignons du marché à l'exportation. Son plan original des 9 et 10 janvier, qui a été approuvé par le gouvernement, montrait qu'aucun bateau ne transporterait du charbon de la Société de développement du Cap-Breton au cours des quatre prochaines années. En ce qui nous concerne, cela veut dire qu'il n'y aurait pas de marché à l'exportation. Nous sommes tout à fait contre. Nous pensons que c'est un pas dans la mauvaise direction.
En ce qui concerne les ventes récentes, j'ai vérifié les chiffres récemment avec M. Tom Fleming, notre vice-président à la commercialisation. C'est lui qui a été chargé de vendre notre charbon. Les ventes récentes à nos clients en Allemagne, au Danemark, en Suède et en Afrique du Sud étaient très satisfaisantes.
La prochaine diapositive porte sur les estimations des réserves de combustible fossile établies par l'Association charbonnière canadienne. Le charbon est le combustible fossile le plus abondant au monde. Ses réserves sont quatre fois plus importantes que les réserves de pétrole. Elles sont deux fois et demie plus importantes que les réserves combinées de gaz naturel et de pétrole.
Si vous regardez les réserves de pétrole et de gaz naturel sur le graphique, vous verrez que l'offre diminue quand la demande augmente. Lorsque l'offre ne peut répondre à la demande et que les réserves diminuent, les prix augmentent.
Pour ces raisons, de nombreuses économies en expansion, surtout les pays du bassin du Pacifique, agrandissent leurs infrastructures. Leurs économies sont en expansion. Ils construisent des centrales thermiques au charbon pour répondre à cette demande. Ils investissent des milliards de dollars dans ces centrales. À l'heure actuelle, le charbon produit 50 p. 100 de l'électricité dans le monde. Les principaux analystes prévoient que le charbon deviendra le combustible de l'avenir. C'est le plus important produit de base transporté par les chemins de fer canadiens. Il appuie le chemin de fer Railtex, une société privée de Sydney.
Une question clé soulevée hier soir est liée au prochain graphique portant sur les importations mondiales de charbon thermique. M. Shannon a affirmé que le prix international du charbon est meurtrier. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette affirmation. Ce n'est pas le prix international qui est meurtrier. Il faut abaisser notre prix à la tonne suffisamment pour être compétitifs sur le marché à l'exportation. Cela n'a rien à voir avec le prix international. Si nous pouvons abaisser efficacement notre coût à la tonne, alors nous pouvons rivaliser avec n'importe qui. Nos mineurs sont des experts, c'est un fait.
L'un des problèmes auxquels nous avons été confrontés par le passé touche à certaines situations et certaines décisions de la direction de la Devco. Lorsque ces décisions sont prises, les employés ne peuvent pas donner leur avis. Il peut s'agir de décisions aussi simples que l'achat d'une pelle à un prix exorbitant ou l'achat d'une machine qui, d'après un mineur ayant 35 ans d'expérience, ne fonctionnera pas. Ces décisions sont prises arbitrairement. On nous donne rarement l'occasion de dire ce que nous en pensons.
J'en ai un bel exemple entre les mains. Il s'agit de la plus petite pièce qu'achète la Société de développement du Cap-Breton. C'est une diode. Il s'agit d'un dispositif électronique. Je peux l'acheter chez Radio Shack pour environ 75 cents. Si je l'achète en dehors du service des achats immédiats de la Devco, je peux probablement l'obtenir pour environ 20 cents. Il s'agissait ici d'une commande ponctuelle. L'article a été acheté avec un autre. La Devco a payé 4,83 $ pour cet objet.
En 1992, la Société de développement du Cap-Breton a acheté à un coût de 3 millions de dollars une machine appelée ABM-20. Il s'agit d'une haveuse pour les tranches d'abattage. Ils s'en servent à la houillère Phalen et nous disent et disent à tout le monde que ces tranches d'abattage ne produisent pas comme elles le devraient. Nous sommes d'accord. Mais ils ne répondent pas à cette question: pourquoi la production n'est-elle pas à la hauteur des attentes? L'achat du matériel doit y être pour quelque chose.
Cette machine a coûté 3 millions de dollars. Après cet achat, la production a diminué d'environ 40 p. 100 dans la tranche. Nos mineurs leur ont dit que la machine ne fonctionnerait pas dans nos conditions d'extraction. Ils l'ont achetée quand même. Nous sommes descendus et avons travaillé dans des tranches où nous n'avons pas pu tout abattre. La Devco a acheté une autre machine au même prix. Ils en ont acheté deux.
La deuxième est à la surface. Le coût estimatif de la réparation de cette machine flambant neuve dont on a enlevé des pièces pour réparer celle qui se trouvait dans la mine pourrait atteindre jusqu'à 1 million de dollars environ. Nous avons donc payé 6 millions de dollars pour deux machines qui n'ont pas fonctionné.
Nous pensons que le coût à la tonne augmente de manière spectaculaire à cause de ces décisions. Si la Société tient vraiment au marché à l'exportation, elle devrait savoir que ce n'est pas vraiment le prix du charbon sur le marché à l'exportation qui est meurtrier. Des décisions fatales ont été prises par le passé et le sont encore, comme celle de payer 4 $ pour cette petite diode.
Sur les marchés au comptant, les analystes prévoient une hausse mondiale du commerce maritime du charbon d'environ 100 millions de tonnes d'ici l'an 2000 et d'un autre 100 millions de tonnes jusqu'en 2015. D'après les chiffres qui ont été donnés hier soir, 2,2 millions de tonnes sont garanties avec la Nova Scotia Power. Ce dont nous avons besoin sur le marché à l'exportation représente une très petite partie du tonnage prévu par les analystes mondiaux, soit environ 1,6 à 1,8 million de tonnes de charbon à exporter.
Les marchés au comptant sont très compétitifs. Tout le monde le sait. La solution ultime est la même qu'il y a 30 ans. Elle n'a pas changé. Nous pouvons nous passer de tous les chiffres compliqués. J'ai beaucoup de difficulté avec certains d'entre eux. Si nous pouvons aller au-delà de ces chiffres et réduire notre coût à la tonne, nous pouvons rivaliser avec n'importe qui. Nous avons les mineurs. Nous avons l'équipement nécessaire. Nous avons l'infrastructure et beaucoup de charbon au Cap-Breton.
Le dossier contient un document que j'ai signé. Au verso de la dernière page de ce document, il y a une annonce de la Société de développement du Cap-Breton faite sur Internet il y a environ deux mois et demi. La Société se présente au marché mondial et affirme que nous avons 2,4 milliards de tonnes de réserves connues et un port situé à un endroit stratégique. Je cite:
[...] Des ventes de charbon cokéfiable et de charbon thermique sont effectuées sur les marchés canadiens et internationaux, en Europe, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique.
La Société de développement du Cap-Breton produit du charbon cokéfiable et du charbon thermique lavé de haute qualité pour le marché à l'exportation...
Nos systèmes spécialisés de contrôle de la qualité permettent de répondre aux exigences strictes de nos clients en ce qui concerne le charbon thermique et métallurgique.
Cette annonce indique que les sommes que nous avons investies dans le lavoir de houille de Victoria Junction ont été de bons investissements parce que nous pouvons répondre aux besoins des clients en lavant et en mélangeant notre charbon. Nous ne vendons pas de charbon brut à la Nova Scotia Power Corporation ni sur le marché à l'exportation et nous ne devrions pas le faire. C'est une grande erreur dans l'industrie, à notre avis.
On ajoute:
Les grands atouts que sont une qualité constante, une faible teneur en cendres, une fluidité élevée et une grande teneur calorifique ont assuré la présence du charbon de la Devco sur le marché international.
Il en est ainsi depuis 15 ans.
L'emplacement stratégique est l'un des éléments clés. Si vous regardez la carte, nous sommes juste de l'autre côté de l'océan, près du marché européen, qui constitue l'un de nos plus gros clients potentiels. Nous connaissons beaucoup de succès sur ce marché depuis deux ans et demi.
Nous faisons remarquer qu'en 2005 la France devrait avoir cessé complètement d'extraire du charbon. Ils importeront du charbon à partir de 2005. C'est un autre client pour nous. Nous avons exporté du charbon au Brésil cette année.
Certains problèmes ont été évoqués hier soir à propos de la Nova Scotia Power Corporation. Il faut se rappeler que les coûts du transport sont très élevés pour le charbon de l'Ouest ou le charbon américain. L'Alberta se trouve à environ 1 200 kilomètres de la côte de Vancouver, point de départ des exportations vers les pays du bassin du Pacifique. Aux États-Unis, c'est un peu la même chose. Nous avons l'avantage d'être tout près de notre principal client, la Nova Scotia Power Corporation, et tout près d'un port en eau profonde où nous avons dépensé 15 millions de dollars pour rénover nos installations.
En ce qui concerne la Nova Scotia Power et la possibilité d'importer du charbon à meilleur marché, il faut reconnaître que la Nova Scotia Power aurait besoin d'installations pour entreposer le charbon importé. Ils n'en ont pas parce que nous leur livrons ce dont ils ont besoin directement tous les jours. Ils font une bonne affaire parce que la Société de développement du Cap-Breton leur fournit un produit de qualité grâce à une main-d'oeuvre fiable.
S'ils importent du charbon, ils devront en entreposer suffisamment pour tenir compte de l'hiver, des problèmes d'expédition et des troubles politiques. Qui sait ce qui peut arriver dans un pays qui exporte du charbon à la Nova Scotia Power Corporation? Cette société n'a pas de chemin de fer et pas d'expérience dans l'expédition du charbon. Elle n'a pas d'emprise ferroviaire. La Devco est propriétaire des voies. Si j'étais propriétaire de la Devco et que la Nova Scotia Power Corporation n'achetait plus mon charbon, je ne la laisserais pas transporter de charbon importé des États-Unis ou d'ailleurs sur mes rails.
Ils n'ont aucune expérience dans l'expédition du charbon. Ils n'ont pas d'installations de déchargement. Même s'ils peuvent faire livrer leur charbon à Canso, qui se trouve à une bonne distance de Sydney et de deux de leurs grandes centrales, ils n'ont pas d'installations de déchargement, et de telles installations coûteraient très cher. Je ne pense pas que les actionnaires de la Nova Scotia Power Corporation permettront à la société d'effectuer un tel investissement. En tant qu'actionnaires, tout ce qu'ils veulent c'est plus d'argent. Ils veulent que le cours de l'action monte.
Il s'agit de dépenses énormes. Comme l'a indiqué M. Shannon hier soir, certains membres du conseil d'administration de la Nova Scotia Power Corporation soutiendraient qu'ils peuvent obtenir leur charbon ailleurs. Je ne pense pas qu'ils le puissent. On m'a dit qu'il en coûtait 66 $ la tonne pour le transporter ici, si c'est possible, et je doute qu'il s'agisse d'approvisionnements fiables. Ce ne serait certainement pas comparable à ce que nous pouvons leur offrir.
Je crois que les administrateurs de la Nova Scotia Power Corporation se sentent obligés de faire des déclarations de ce genre parce que des négociations sont en cours et que c'est de bonne guerre.
Le principal défi, peut importe les autres facteurs dans l'industrie, c'est de réduire notre coût à la tonne. Si vous oubliez tout le reste de ce que nous vous avons dit aujourd'hui, souvenez-vous de cela. Nous en sommes capables. Les propositions des employés visent exactement à réduire notre coût à la tonne.
En janvier, le plan de M. Shannon exigeait encore 90 ou 80 millions de dollars. Nous ne connaissons pas le montant exact, mais c'était de cet ordre-là. Il y avait d'autres coûts. Au bout du compte, 781 emplois devaient être éliminés.
Le plan Boyd exigeait lui aussi un financement semblable, 80 millions de dollars, mais il maintenait les deux mines en exploitation 24 heures par jour. Il y aurait trois équipes et une production accrue à la mine Prince et trois équipes à la mine Phalen.
Au chapitre 5, vers la page 15 du rapport Boyd, on affirme que rien n'empêche la houillère Prince ni la houillère Phalen d'être des très productives et modernes. Cela veut dire que nous pouvons travailler si on nous laisse le faire.
La meilleure solution, telle que définie par la direction de la Devco, est très discutable. Voilà pourquoi nous sommes ici. C'est pour cette raison que nous présentons cette proposition.
Vous avez devant vous un extrait du rapport annuel de 1985. M. Shannon était alors président de la Société. La Société de développement du Cap-Breton a toujours été à la fine pointe de la technologie minière au Canada. Ce rapport indique à la page 3:
La première usine d'extraction du méthane au Canada -- une usine qui fait remonter à la surface les émanations de méthane dans les mines -- a été construite durant l'année à la houillère Lingan Harbour.
Nous soutenons, comme l'a déclaré M. Shannon hier soir, que le méthane des bassins gaziers de Cumberland pourrait bien être concurrencer le charbon de la Société de développement du Cap-Breton. Pourquoi ne pouvons-nous pas utiliser notre propre méthane ou lui trouver un autre marché? Un projet a été mis en place en 1982 par une société appelée Nova Scotia Coal Gas Venture, si je me souviens bien. Cette société dirigée par M. John Hopkinson, proposait de produire quatre mégawatts d'électricité dans le cadre d'un projet avec les petites centrales, pour la Nova Scotia Power Corporation.
La Nova Scotia Power Corporation a accepté le projet, mais à cause de certaines décisions controversées prises par la direction de la Devco, la houillère Lingan a été inondée et ce projet a avorté.
Si je comprends bien, bien que je n'en sois pas absolument certain, le projet devait rapporter 54 millions de dollars en 20 ans. La Devco devait tirer, sans frais, environ 20 millions de revenus d'un sous-produit naturel du charbon. L'utilisation de ce sous-produit est l'une des propositions des employés.
La standardisation du matériel est très importante. La Devco a été très nonchalante à cet égard. On ne peut pas acheter 15 machines différentes et s'attendre à pouvoir stocker les pièces et à former le personnel pour que l'exploitation minière soit efficace. Je suis convaincu que M. Shannon ne le ferait pas avec ses camions.
Pour vous donner un exemple, la Ford Motor Company soutient qu'elle peut économiser 11 milliards de dollars d'ici cinq ans en écoutant ses employés et en travaillant de manière plus intelligente. Un changement très simple qui fera réaliser d'importantes économies consiste à fabriquer un seul type d'allume- cigarettes au lieu de 15. Il suffisait d'y penser. C'est très simple. Tout le monde peut comprendre. Au bout du compte, les coûts unitaires sont abaissés. C'est à cela que nous songeons.
D'autres idées des employés portent sur une vérification de l'efficience énergétique et des changements au niveau des achats. La responsabilisation des employés fonctionne très bien à la Falconbridge, une société que la ministre des Ressources naturelles connaît très bien.
Pour éviter un monopole de la Nova Scotia Power Corporation, il faut absolument accroître les exportations. Là encore, je citerai M. Shannon, parce que nous étions ici hier soir et que nous avons eu un long entretien avec lui. Il a déclaré que la Nova Scotia Power Corporation se sert du contrat avec Trenton comme moyen de pression. Ce contrat représente environ 700 000 tonnes, c'est vous dire la pression.
Qu'arrivera-t-il si la Nova Scotia Power devient l'unique client? Quel type de pressions pourra-t-elle exercer à ce moment-là? Ils pourraient nous frapper durement lors du prochain contrat, qui sera négocié dans quatre ans. Nous pensons que nous devrions faire en sorte que la Nova Scotia Power continue d'être très satisfaite, mais que nous devrions aussi avoir un autre client afin qu'elle sache que nous ne dépendons pas entièrement d'elle, qu'elle n'est pas notre seul client.
La galerie nord-sud de la mine Prince est un élément clé de la longévité de cette mine. Si la Devco présente encore une autre étude, nous serons dans le pétrin à la houillère Prince. Nous croyons comprendre, d'après les renseignements techniques que nous avons reçus, que les fronts de taille de la houillère Prince doivent diminuer à mesure que la mine devient plus profonde. Vient un moment où il est impossible d'aller plus loin. Les fronts de taille deviennent trop étroits et l'extraction du charbon devient inefficace. La galerie nord-sud de la mine Prince élimine ce problème.
L'an dernier, la direction de la Devco a présenté ce projet comme la meilleure solution pour la mine Prince. Cette année, ce projet a été vérifié par M. Bob Cooper, vice-président du génie, à la Devco. Il a été vérifié par M. Freddy Howard, directeur général de la mine Prince et considéré comme la meilleure solution à cette mine. Il a aussi été vérifié par l'ingénieur de la planification de la houillère Prince, M. Joe Shay, qui a conçu le plan.
Nous soutenons que ce qu'ils font actuellement à la houillère Prince est une erreur épouvantable. Le graphique montre également l'utilisation du lavoir de Victoria Junction. Nous avons investi des dizaines de millions de dollars dans ce projet. Il faudrait utiliser ces installations au maximum pour mélanger et laver le charbon.
Les employés croient que l'industrie est viable. Nous pensons qu'elle peut être concurrentielle. Nous sommes convaincus que le gouvernement fédéral ne nous donnera pas plus d'argent dans cinq ans. Nous avons donc proposé à la Devco des solutions pour empêcher certaines de ces pertes d'emplois. Nous avons proposé un plan des employés, afin d'accroître les revenus en apportant quelques changements très simples, inspirés des processus employés dans les industries minières du monde entier.
Ces propositions sont négociables. Nous les avons présentées à tous les autres syndicats et tout le monde a convenu qu'elles pouvaient être négociées.
La Société de développement du Cap-Breton ferme ses portes l'été. Si les congés prévus étaient pris sans fermer la mine, il y aurait 20 jours de production de plus. Cela représente une hausse de la production de 6,5 p. 100 aux deux houillères. Si cette production était ajoutée aux prévisions faite par la Devco juste avant janvier, il y aurait une hausse des revenus.
Le prix de vente moyen à la Nova Scotia Power Corporation et sur les marchés à l'exportation, tel que confirmé par M. Cooper et M. Fleming, de la Devco, est de 55 à 57 $ la tonne. Sur une période de cinq ans, changer simplement le calendrier des congés durant l'été ferait économiser 51 837 500 $.
Là encore, cette mesure a été proposée pour essayer une autre solution avant que la Devco ne licencie arbitrairement 715 personnes. Elle n'a pas été considérée et ne figure pas dans le plan quinquennal proposé par la Devco. Les chiffres n'ont pas été pris en considération. M. Shannon l'a mentionné le 10 janvier.
La prochaine proposition a été évoquée elle aussi hier soir: se relayer sans temps mort. C'est l'une des raisons pour lesquelles notre coût à la tonne est légèrement plus élevé que dans les mines australiennes ou américaines. Dans une mine sous-marine, plus on creuse, plus on creuse rapidement et plus on descend profondément, plus il faut de temps pour descendre de la surface jusqu'au lieu de travail. C'est un peu comme stationner sa voiture à une heure du travail et marcher pendant une heure pour se rendre au travail et partir une heure plus tôt pour marcher jusqu'au stationnement en fin de journée.
Nous pensons que se relayer sans temps mort permettrait d'augmenter de 22 p. 100 le temps d'exploitation, soit le temps nécessaire pour extraire le charbon. À l'heure actuelle, un mineur se rend au travail à 7 heures et rentre à la maison à 15 heures. Lorsqu'il arrive à la surface, un autre mineur quitte la surface et descend dans la mine. La machine est arrêtée pendant l'heure qu'il faut compter pour remonter à la surface et pendant environ une autre heure pour descendre de la surface jusqu'au lieu de travail.
Un changement simple consisterait à faire descendre le mineur qui prend la relève à 13 heures. Lorsque l'opérateur éteindrait la machine avec la télécommande, le mineur de relève serait prêt à prendre la télécommande pour faire démarrer tout de suite la machine. C'est ce que nous entendons par se relayer sans temps mort.
Ce changement porterait les chiffres aux houillères Phalen et Prince à 55 $ la tonne. Si vous prenez les estimations de la production données par la Société de développement du Cap- Breton pour les deux houillères, cela représente une hausse d'environ 175 millions de dollars. Ces chiffres ont été confirmés par les représentants de la Devco.
Nous pensons que ces changements peuvent être négociés. Je ne le soulignerai jamais assez. Au lieu de mettre à pied des mineurs et de les jeter à la rue, examinons toutes les autres solutions possibles. Si nous pouvons réaliser des profits et être compétitifs, pourquoi devrions-nous mettre à pied des Canadiens? Je ne vois aucune raison de le faire.
Passons maintenant aux économies d'échelle. Le sénateur Murray a posé plusieurs questions à ce sujet hier soir. On n'a pas donné de chiffres exacts, mais plus on produit de charbon au même coût, plus on réduit le coût à la tonne.
Le graphique montre les coûts à la tonne, les frais fixes, les bureaux généraux et, comme je l'ai dit, des revenus de 57 $ la tonne. Les frais fixes des bureaux généraux se situent autour de 1,2 million de dollars. Pour simplifier les calculs, nous sommes partis d'une production de 1,2 million de tonnes de charbon.
Les tonnes par année et le coût à la tonne sont indiqués ici. Si l'on produit 1,2 million de tonnes de charbon et que les frais fixes sont de 1,2 million de dollars, le coût est de 1 $ la tonne. C'est simple. En doublant la production à 2,4 millions de tonnes, le coût à la tonne est réduit de 50 p. 100. On pourrait la doubler de nouveau et la porter à 4,8 millions de tonnes. Nous en sommes capables. Dans l'étude Boyd, on projetait que la houillère Phalen pourrait produire environ 3 millions de tonnes et la houillère Prince, 1,5 million de tonnes. À 4,8 millions de tonnes, le coût à la tonne est de 25 cents la tonne. Réduire le coût à la tonne permet de rester concurrentiel sur le marché à l'exportation.
Si vous avez des revenus de 57 $ la tonne et que vous produisez 1,2 million de tonnes, le revenu global est d'environ 68 millions de dollars par année. En doublant la production pour la porter à 2,4 millions de tonnes, les revenus montent à 136 millions de dollars par année. En les doublant de nouveau, les revenus dépassent la courbe du graphique et atteignent environ 276 millions de dollars par année.
C'est à cet endroit sur le graphique que nous aimerions nous trouver, là où les coûts unitaires sont faibles et les revenus, élevés. Les dépenses d'exploitation et autres dépenses seraient incluses. Il serait possible de payer toutes les factures et, si le coût unitaire est faible, de réaliser quand même des profits. Mais en allant dans l'autre direction, ce n'est pas rentable. C'est ce que nous craignons et c'est pour cette raison que nous voulons que quelqu'un vérifie les chiffres qui ont été avancés par la Société de développement du Cap-Breton.
Une baisse du tonnage pourrait entraîner un coût unitaire très élevé, des coûts d'exploitation très élevés eux aussi mais des revenus très faibles. C'est ce qui s'est produit avec la potasse de la Saskatchewan il y a quelques années. Ainsi, quelqu'un pourrait dire: «Nous nous retirons du marché à l'exportation. Nos coûts sont trop élevés et nos revenus, trop bas. Bon sang, il vaudrait peut-être mieux vendre cette entreprise.» Puis, quelqu'un arriverait avec une baguette magique. Ils achèteraient l'entreprise et commenceraient à réaliser des profits. C'est exactement ce qu'a fait la Nova Scotia Power Corporation. Ils ne faisaient pas de profits, puis, tout à coup, ils ont réalisé un profit de 94 millions de dollars. La même chose s'est produite pour la potasse en Saskatchewan. Aujourd'hui, les actions valent environ 80 $, mais avant la privatisation, ils ne réalisaient aucun profit.
L'industrie sera rentable. M. Shannon était d'accord avec cette affirmation. Notre solution consisterait à accroître la production et à rester de ce côté-ci du graphique.
Il y a un objectif visé, à savoir parer à toute éventualité. Il faut inclure la mine Donkin dans les plans sinon l'industrie ne survivra pas.
Voici le graphique sur le coût marginal, établi à partir des chiffres indiqués par la Devco et dont l'exactitude n'a pas pu être confirmée parce que la Société ne nous a pas fourni les chiffres.
Le prochain graphique illustre une comparaison économique des propositions. Les tonnages ont été projetés par la Devco en janvier. La Devco prévoyait environ 2,29 millions de tonnes par année, à un coût d'environ 53,52 $ la tonne, ce qui donne des revenus de 122,7 millions. L'étude Boyd a projeté la rentabilité commerciale à 3,07 millions de tonnes par année et les frais fixes pour la première portion -- je parlerai du coût marginal dans un instant -- étaient identiques, soit 53,52 $ la tonne. Nous avons aussi inclus les projections de l'UMWA, pour plus de commodité. C'est un exemple. L'UMWA a prévu 3,8 millions de tonnes par année.
Si les projections de la Devco visent à payer tous les frais fixes, produire la même quantité de charbon coûterait la même chose. L'équilibre représente le coût marginal. Avec la même infrastructure, dans cet exemple, on produit 777 000 tonnes de charbon de plus. C'est indiqué sur cette diapositive. Le coût marginal est réduit, parce que les frais fixes sont payés. Le coût est donc de 43,37 $ la tonne. C'est la même chose avec les projections de l'UMWA. Le montant diminue. Cette diapositive indique le coût et le coût marginal. Il y a aussi un autre coût marginal de 41,14 $ la tonne pour cette partie de la production.
Ces calculs sont effectués seulement pour donner un exemple. À cause des économies d'échelle, quand le tonnage augmente, le coût unitaire diminue. Par exemple, si un camion de 100 tonnes fait le trajet du Cap-Breton jusqu'à Vancouver, il y a des frais d'amortissement, des frais d'essence, le salaire du chauffeur, et cetera. Supposons qu'on mette 50 tonnes de pommes dans ce camion de 100 tonnes et qu'on les transporte à Vancouver. Le transport par camion coûte 1 000 $. On charge ensuite 100 tonnes d'oranges à Vancouver. Le coût ne double pas. Il y a un coût marginal et il diminue.
Je passerai maintenant au plan proposé par les employés. La plupart de nos idées sont d'une simplicité étonnante. Il suffit d'y penser. Ces solutions ont fait leurs preuves et les économies ainsi que les hausses de la production sont incalculables.
Que font les employés de la Devco? Le prochain graphique illustre la production et l'emploi depuis dix ans. Nous n'avons rien modifié; les chiffres sont tirés exactement de la proposition faite par la Société de développement du Cap-Breton lorsque M. Khattar a déclaré qu'afin de maintenir la rentabilité de l'industrie, il ne fallait pas dépendre seulement de la Nova Scotia Power Corporation. Pour être efficients, nous devons produire autant de charbon que possible avec l'infrastructure en place. Les représentants de la Devco ont calculé ces chiffres. Essentiellement, il y a le même effectif actuellement.
En 1984, il y avait environ 4 200 employés. Au fil des années, nous sommes descendus jusqu'à 2 200 employés environ en 1994. Durant cette période, notre productivité est montée, à partir d'un peu moins de 3 millions de tonnes. En 1992, la production a atteint un sommet de 4,2 millions de tonnes. Il y avait 2 550 employés. Nous estimons que c'est notre niveau optimal.
Le rendement est passé de 5,9 tonnes par poste-personne -- c'est ainsi que nous mesurons notre productivité -- à un sommet de 11,6 tonnes en dix ans. Le tonnage le plus élevé est indiqué ici. Il est réalisé dans les conditions optimales.
On a posé une question hier soir au sujet de notre compétitivité par rapport aux mines de charbon australiennes ou américaines. Jusqu'ici, nous avons atteint un tonnage maximal dans chaque mine que nous avons exploitée. Nous avons brisé tous les records mondiaux en ce qui concerne les mines sous-marines. Bon an, mal an, nous produisons 45 000 tonnes par semaine, dans chacune des deux mines. C'est notre production habituelle, à moins de problèmes inévitables, comme la géologie ou l'eau. Ces 45 000 tonnes nous placent parmi les meilleures houillères au monde. Si M. Shannon, ou n'importe qui d'autre en réalité, veut contester cette affirmation et comparer des pommes et des oranges, les représentants syndicaux autour de la table sont prêts à se défendre. Nous sommes aussi concurrentiels que n'importe qui.
Le rapport Boyd indiquait que notre principale contrainte est la vétusté et la conception de nos houillères. Nos mines ont été conçues pour optimiser la production avec du matériel moderne. Nous employons des convoyeurs très étroits. Imaginez-vous un tuyau d'incendie. Il y a la capacité du tuyau d'incendie. Vous y installez un raccord de réduction, puis attachez un tuyau d'arrosage au bout du raccord. Vous ouvrez ensuite la borne-fontaine au maximum. La production obtenue est celle que permet le tuyau d'incendie à son extrémité.
L'équipement dont nous disposons sur nos fronts de taille est comparable à ce qui existe ailleurs dans le monde en ce qui concerne le maniement, les taux de production, et cetera. Nous ne sommes limités que par la taille de nos convoyeurs. Les mines auxquelles nous sommes comparés ont des convoyeurs de 72 pouces. Celui de la houillère Prince mesure 42 pouces. Nous ne pouvons pas mettre la production maximale de la mine Prince sur le convoyeur. Nous produisons presque au maximum de la capacité actuellement. La mine Phalen a un convoyeur de 52 pouces.
Le président: Pouvez-vous me dire quel pourcentage des houillères représentent les mines sous-marines?
M. Drake: Un petit pourcentage actuellement. Il en reste quelques-unes au Royaume-Uni, mais je n'en connais pas d'autres. La plupart des mines sont à ciel ouvert. Nous comparer aux mines souterraines américaines n'est pas juste. C'est comme comparer des pommes et des oranges. On peut descendre trop bas dans une mine, quand on tient compte de la durée de la descente et de la remontée, comme je l'ai déjà expliqué. Mais si la mine se trouve à flanc de montagne, par exemple, et que les mineurs doivent entrer à trois quarts de mille ou un mille dans la mine et que la durée du déplacement réduit le temps d'abattage, il suffit de creuser un nouveau puits dans le flanc la montagne et d'installer un nouvel ascenseur pour amener les mineurs au front de taille. C'est un avantage pour les mines souterraines. Il y a aussi un avantage aux fins de l'aération.
Nous sommes aussi compétitifs qu'il est possible de l'être. Nous devons seulement abaisser notre coût à la tonne. C'est de cela dont il s'agit ici. Pour y parvenir, il faut notamment une coopération entre les syndicats et la direction. C'est ce que nous demandons.
Il faut aussi parer à toute éventualité et prévoir l'exploitation de la mine Donkin. Il y a un tunnel de 25 mètres de diamètre au front de taille, à 3,5 kilomètres sous l'océan.
Nous avons investi environ 88 millions de dollars de fonds publics dans la mine Donkin. La qualité du charbon a été mise en doute hier soir et ce matin. Je vais vous donner quelques précisions à ce sujet.
Cette diapositive n'est pas incluse dans le graphique. Elle porte sur les échantillons pris en rainure. C'est ce qu'on fait dans une mine souterraine pour évaluer la qualité du charbon. Quelqu'un a indiqué hier soir que nous devrions faire plus de trous de sonde. Ce n'est pas une bonne façon de procéder. On n'est pas assuré de trouver des carottes qui permettent de vérifier la qualité du charbon. Chaque trou coûte 1 million de dollars. C'est très cher.
Ce qu'a déclaré M. Farrell ce matin est exact. Nous avons besoin d'un programme d'exploration à la mine Donkin. Il en a été question dans un rapport en 1981. Nous sommes au bord du front de taille. Nous devrions y aller et vérifier la qualité du charbon.
En ce qui concerne la qualité du charbon à la mine Donkin, ou plutôt la teneur en soufre et en cendres, la teneur en cendres est relativement faible, à environ 5 p. 100, mais la teneur en soufre varie selon l'endroit où l'on se trouve dans la couche. Elle varie de 0, à 5 et 10 p. 100. Elle est d'environ 5 p. 100 pour le premier demi-mètre de la couche. La couche mesure environ 3,5 mètres. La teneur en soufre est d'environ 5 p. 100 ici et elle diminue ensuite jusqu'à 0 p. 100, jusqu'ici environ. Cela nous donne environ 9 pieds de charbon de haute qualité, très facile à laver. Peu importe la teneur en soufre, nous pouvons nous servir du lavoir de Victoria Junction pour laver la houille et avoir un produit très commercialisable pour la Nova Scotia Power Corporation ou pour le marché à l'exportation.
Les taux qui ont été avancés -- 4,5 ou 3,8 p. 100 de soufre -- ont été donnés pour une couche de charbon de 12 pieds. Nous ne voulons pas extraire cette couche de 12 pieds à moins que le projet de la Synfuels ne démarre. S'il démarre, nous l'appuierons parce que nous pourrons alors vendre environ 400 000 tonnes de charbon et exploiter toute la couche et j'ai eu l'impression lors d'une rencontre avec M. Gillespie que la Synfuels se servirait d'un produit riche en soufre. Alors, ce charbon serait parfait pour ce qu'ils veulent faire là-bas. M. Gillespie a déclaré que la mine Donkin a probablement le meilleur charbon au monde pour le produit de la Synfuels.
Mais nous ferions de l'extraction sélective à la mine Donkin.
J'aimerais lire un rapport de la Devco qui remonte à 1974 et que j'ai trouvé dans un vieux dossier du Bras D'Or Institute au Cap-Breton. À la page 3 du rapport de la Société de développement du Cap-Breton, et la Société en a copie, on fait quelques observations au sujet de la mine Donkin. Cette mine se trouve dans la région de Port Morien. Le rapport disait:
Dans la région de Port Morien, la couche monte à fleur d'eau et la couverture la plus mince se trouve le long de la pente la plus faible. Elle s'aplatit vers la mer. L'analyse de la couche dans cette région a révélé un taux de soufre de 1,86 p. 100.
Il s'agit de charbon de haute qualité. C'est le premier rapport.
Interrogé à ce sujet au cours d'une tribune radiophonique, M. Shannon a affirmé ne pas être au courant de ce rapport. Mais au bas de la page 4 du rapport annuel, on dit: «De plus, les résultats de l'analyse de 2 700 tonnes de charbon extraites à cet endroit étaient particulièrement encourageants.»
Environ 5 500 tonnes de charbon ont été extraites de la mine Donkin, dans un tunnel latéral, en dehors des tunnels principaux. Ce charbon a été envoyé à quatre laboratoires. Nous avons eu beaucoup de mal à obtenir ces rapports. Mais l'échantillon indiquait que, par une extraction sélective -- M. Shannon parlait déjà d'extraction sélective en 1985 -- en laissant en place un mur de couche et en extrayant 70 p. 100 de la couche de 3,4 mètres, la teneur en soufre pouvait être abaissée à environ 1 p. 100.
Je ne conteste pas tous ces chiffres, parce que trop de gens affirment que la mine Donkin est une bonne mine. Je ne sais pas d'où est venue la rumeur que la mine Donkin ne contenait pas du bon charbon. Je n'entrerai pas dans cette controverse. À mon avis, la mine Donkin sera très rentable.
Je vous laisserai ce rapport; je n'en ai pas de copie.
Nous avons une analyse détaillée, que nous avons remise à la Société de développement du Cap-Breton et à John Manley il y a un an et demi. C'est une proposition détaillée. Il ne s'agit que d'une proposition parce que nous avons eu beaucoup de difficultés. La United Mine Workers l'a préparée au cours d'une période de recherche intensive qui a duré un an et demi, à partir de septembre 1994.
La première page du résumé, que je vais vous laisser, montre que si l'on commence par une exploitation sur petite échelle de la mine Donkin, les revenus tirés du charbon au cours de la période de transition entre le démarrage et le fonctionnement à plein régime trois ans et demi plus tard seraient d'environ 28 millions de dollars. C'est une estimation conservatrice.
Le coût total de l'ouverture de la mine Donkin, sans compter les revenus, serait de 63 millions de dollars. C'est un projet de très petite envergure, pas un mégaprojet, pas le nec plus ultra. Nous ne sommes pas en 1975 mais bien en 1996 et nous le savons. Des mines de ce genre ouvrent un peu partout dans le monde. Je déteste mentionner la mine Westray du même souffle, mais cette mine a été ouverte à un coût d'environ 100 millions de dollars et elle n'avait pas deux tunnels de 88 millions de dollars comme nous. C'est le bon sens qui parle.
La Société de développement du Cap-Breton a abandonné une mine à ciel ouvert à la houillère Lingan. Nous pouvons nous servir de cet équipement. Il fonctionnait très bien quand la mine a été fermée. De nombreuses machines inutilisées dans les mines de la Devco peuvent être réparées à peu de frais et être utilisées. Ils le font dans l'Ouest canadien; nous pouvons le faire au Cap-Breton. Nous avons les meilleurs mineurs au monde.
Quand on exclut les revenus, le rapport est assez conforme à ce que déclarait M. Farrell ce matin. Pour environ 100 millions de dollars, la mine Donkin peut être ouverte pour une exploitation de petite envergure d'environ 1 million de tonnes par année. Tous les chiffres sont ventilés. C'est très détaillé, mais ce n'est qu'une proposition parce que nous avons eu beaucoup de mal à obtenir de l'information de la Société.
Le sénateur Stewart: Quelle envergure, monsieur Drake?
M. Drake: Environ 100 millions de dollars, quand on exclut les revenus houillers.
Le sénateur Buchanan: Vous voulez dire les revenus de l'abattage du charbon.
M. Drake: Oui, exactement.
La mine Donkin n'est pas une panacée. Ce n'est pas une panacée d'aider la Société de développement du Cap-Breton. Cela exigera beaucoup d'efforts de la part de bien des gens. Tout le monde doit rendre des comptes. C'est la clé. Il faut des rapports trimestriels de la Société de développement du Cap-Breton. Nous recommandons aussi que M. Steve Farrell examine les aspects financiers afin de déterminer s'ils sont erronés ou si l'on s'est engagé dans la mauvaise voie. Si les taux d'abattage et de production sont inférieurs aux prévisions, nous aimerions savoir pourquoi; nous aimerions savoir ce qui s'est produit, qui est responsable et quelles mesures seront prises pour corriger la situation.
Nous ne voulons pas d'autre étude. J'en vois tous les ans à la Devco. Jusqu'ici, elles n'ont pas signifié grand-chose, parce que tous les ans, il y en a une nouvelle. Nous voulons qu'on rende des comptes et qu'on coopère. Nous pouvons le faire et sauver certains de ces emplois. Nous sommes prêts à tout pour sauver cette industrie. Je vais vous faire une déclaration très catégorique: cette industrie peut fonctionner. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.
J'ai lu dans le Financial Post d'aujourd'hui que la Société de développement du Cap-Breton extrait du charbon depuis 30 ans, mais au Cap-Breton, nous le faisons depuis 300 ans. Je ne suis pas du tout d'accord avec la déclaration d'hier soir que nous devons apprendre comment extraire le charbon. Je ne suis pas d'accord que nous devons apprendre à gérer la Société. Nous avons seulement besoin de la coopération de toutes les parties en cause, qui doivent rendre des comptes. Si nous pouvons obtenir ces deux éléments essentiels, l'industrie survivra.
L'un des éléments clés a été évoqué par M. McLeod: la coopération patronale-ouvrière. Commencez à écouter les mineurs de charbon. Ce sont vos experts. Nous n'avons pas besoin d'experts des États-Unis pour nous dire comment extraire le charbon. Nous prendrons certaines de leurs idées, mais nous n'avons pas besoin qu'ils nous disent comment extraire le charbon au Cap-Breton.
Le Financial Post parlait de Winston Churchill et de son leadership qui a permis à la Grande-Bretagne de résister aux hordes nazies durant la guerre. Il était un orateur brillant. Après la guerre, Winston Churchill a été évincé sans ménagement par une population épuisée qui voulait de bons soins de santé et une réforme de l'éducation. On a été choqué à l'étranger du verdict de l'électorat britannique, mais Churchill a répliqué simplement: faites confiance au peuple.
Le président: Merci. Avant de laisser la mine Donkin, nous avons entendu plusieurs témoins affirmer que les problèmes de la qualité et de la productivité à la mine Phalen devaient être réglés avant de faire démarrer cette mine. Qu'en pensez-vous? On soutient, si je comprends bien, qu'il faudrait faire des essais d'application de la nouvelle technologie à la mine Phalen avant d'ouvrir la mine Donkin.
M. Drake: Je ne suis pas d'accord. La proposition de M. Shannon met tous nos oeufs dans la mine Phalen. N'importe quel mineur qui travaille à la houillère Phalen vous dira que la base d'exploitation de cette houillère varie d'une semaine à l'autre. Nous avons eu trop de problèmes géotechniques. Trois mines sont inondées au-dessus de la houillère Phalen. Il y a des éboulements. Les problèmes ne se comptent plus à cette houillère. Nos mineurs sont prêts à chercher des solutions. Mais si nous mettons tous nos oeufs dans le panier de la mine Phalen et qu'un pépin survient la semaine prochaine, le mois prochain ou l'an prochain, nous serons vraiment dans le pétrin. Nous ne pourrons pas approvisionner notre principal client, la Nova Scotia Power, ni les marchés à l'exportation.
Il faut ouvrir la mine Donkin pour parer à toute éventualité. Il faut compter une période de transition de trois ans à trois ans et demi avant de produire 1 million de tonnes à la mine Donkin ou de produire davantage si on le veut. Si nous attendons qu'un problème survienne à la mine Phalen ou la mine Prince, l'industrie houillère sera en difficulté.
L'industrie a-t-elle un avenir? Existera-t-elle dans 20 ans? Si nous sommes trois ans et demi sans vendre de charbon à nos clients, comment pourrons-nous revenir sur le marché? Il faudrait faire démarrer la mine Donkin maintenant. Plusieurs études le recommandent, notamment l'étude Kilborn il y a des années. M. Kent a mentionné ce matin que la mine Donkin devrait être prioritaire.
Il y a eu en 1995 une étude réalisée par Travaux publics Canada sur le projet Donkin; il s'agit du dossier de Travaux publics Canada no 02SQ.23440-4-1213. On y évalue la technologie du contrôle de l'horizon lors de l'extraction sélective dans des mines de charbon souterraine. On dit à la page 118 que du charbon a été laissé en place au plancher et au toit dans les mines Phalen et Prince. Nous l'avons fait. Nous avons réussi en partie parce que l'opérateur choisissait manuellement l'horizon. Cela veut dire que le mineur décidait par exemple de laisser en place deux pouces de mauvais charbon au toit. Cela se faisait à l'oeil, mais il existe maintenant de nouvelles technologies. Le rapport indique également que 48 mines américaines sur les 324 étudiées ont laissé avec succès du charbon au toit, et 31 en ont laissé au plancher. Il est raisonnable de conclure que du charbon peut être laissé en place à la houillère Donkin.
M. Gillis, représentant le Syndicat des travailleurs de l'automobile, en discutera en détail. Cette étude a été réalisée par Associated Mining Consultants pour Travaux publics Canada et elle est datée du 14 avril 1995.
S'ils délaissent la mine Donkin et font tout ce qu'ils proposent à la mine Phalen ou à la mine Prince, alors nous serons vulnérables pendant les trois ou quatre prochaines années. Mais nous ne pouvons plus l'être davantage dans cette industrie. Nous devons parer à toute éventualité et la mine Donkin doit figurer dans nos plans.
Le président: Je vous remercie pour cet exposé très complet et très clair. Nous avons certainement beaucoup appris.
Je souhaite la bienvenue à M. Michael Baker, président du Syndicat canadien de la fonction publique. Je lui demanderais de présenter les personnes qui l'accompagnent et de faire ensuite sa déclaration.
Je rappelle au comité que nous entendrons M. Gillespie à 18 heures. Il est maintenant près de 17 heures. Nous n'avons pas les réponses, mais au moins nous avons quelques questions. Je crois que si les exposés sont relativement brefs, nous pourrons employer le temps de manière très utile en interrogeant les témoins. Au comité, nous avons des membres qui savent au moins quelles questions poser.
Le sénateur MacEachen: Pour revenir à l'horaire, nous avons entendu un très bon exposé. Il était complet et a duré presque une heure et demie. C'est important de poser des questions. Pouvons-nous nous entendre sur la durée des exposés et sur le temps qui sera consacré aux questions d'ici 18 heures?
Le président: Je demanderais aux autres syndicats de présenter un exposé de cinq à dix minutes chacun au maximum. Est-ce raisonnable? Il me semble que si c'est impossible, nous pouvons peut-être renoncer tout de suite à l'idée de poser des questions. Je pense que c'est raisonnable dans les circonstances. Nous devons comprendre clairement les problèmes et certaines solutions possibles. Vous devez nous donner le temps de vous interroger.
M. Kevin MacNeil, représentant national, Syndicat canadien de la fonction publique: Monsieur le président, je suis le représentant national du SCFP, qui représente la section locale 2046, c'est-à-dire les superviseurs, les infirmiers et infirmières, le personnel de sécurité et les cheminots. M. Baker est président de la section. Je présenterai l'exposé. En plus de M. Baker, il y a Brian Kanne, secrétaire de la section, et Bonnie Ferguson, du service de recherche du SCFP au niveau national, qui a rédigé l'un des documents dont Steve a cité des extraits. Les quatre syndicats ont essayé de coordonner leurs efforts à ce sujet. Il y a aussi M. Fraser Morrison, secrétaire de la section 2046 du SCFP et président provincial du SCFP en Nouvelle-Écosse.
Je tenterai d'être très bref. Ce que M. Drake de l'UMWA vous a dit est exact. De concert avec le STUA et l'AIM, nous avons uni nos efforts pour tenter d'examiner la situation de l'industrie et voir comment nous pourrions être utiles.
Je dois d'abord reconnaître avec lui qu'il y a un problème de relations de travail. À notre décharge, je dois dire qu'une partie ne provoque pas un problème de relations de travail toute seule. Même moi, je n'y parviens pas. Mais il y a des difficultés. Je ne suis pas un mineur, mais sauf Bonnie, tous ces gens-là en sont et possèdent de nombreuses années d'expérience dans l'industrie.
Les relations de travail à la Société de développement du Cap-Breton n'ont pas été des plus positives ces dernières années, malgré nos efforts. À cause des nombreuses pressions et difficultés dans les mines et tout le reste, cela n'a pas été facile pour personne.
Néanmoins, ils ne cessent de changer les hauts dirigeants et d'importer de nouvelles idées, de nouvelles techniques de relations de travail et ils ne semblent pas se rendre compte que c'est une vieille industrie. Les relations entre les employés et les employeurs ne datent pas d'hier. Chaque groupe a ses traditions et ses coutumes. Ils réfléchissent de leur côté et disent qu'ils vont essayer un programme tout à fait nouveau. Comme l'a déclaré Stephen, ils ont essayé de le faire et on le voit dans leur proposition actuelle.
Je regrette, mais nous devons participer aux décisions. C'est un processus de négociation collective, de coopération mutuelle, ce qui veut dire qu'une partie ne peut pas décider unilatéralement comment procéder. On essaie ces programmes, on les fait démarrer et invariablement, jusqu'ici, ils ont échoué. Ce n'est pas entièrement de notre faute, mais nous avons une part de responsabilité, je ne le nie pas.
Comme ils disent, et comme l'a déclaré M. Drake, nous devons travailler très fort à améliorer les relations si nous voulons que cette industrie progresse. Mais nous ne sommes pas convaincus que l'intention réelle soit de faire progresser l'industrie. Ce n'est pas une critique des audiences du comité. Nous apprécions beaucoup ces audiences, parce que nous avons tenté de parler au gouvernement du Canada, par l'entremise de la Devco, et que nous n'avons pas été très bien reçus, pour employer un terme charitable.
On nous a indiqué en janvier quel était le plan. On n'en a pas beaucoup parlé sur la place publique. En mars, on nous a dit: «Nous voulons des consultations. Venez nous voir. Nous vous expliquerons ce que nous comptons faire. Vous avez une semaine pour réagir. Non, nous ne pouvons pas vous donner l'information dont vous avez besoin pour donner une réponse sensée.»
Le SCFP a été chargé d'examiner le problème du passif du régime de retraite qui, d'après la Devco, constituait un problème majeur. Nous essayons toujours d'obtenir des autorités ici à Ottawa l'information à laquelle les membres du régime sont censés avoir droit. Nous devrions l'obtenir d'ici trois ou quatre semaines. Mais nous ne l'avons pas encore. Nous avons glané des éléments à droite et à gauche. Je dirai à la décharge de la Devco du Cap-Breton, des gens des bureaux généraux à Glace Bay, que lorsqu'ils ont pu mettre la main sur des renseignements que nous avions demandés, ils nous les ont fournis, mais ils n'ont pas pu nous donner toute l'information chronologique dont nous avions besoin.
L'une des difficultés est que M. Shannon n'a cessé de se reporter au mandat qui lui a été confié et qui a été confié à la Société. Je pense que le mandat a changé. Je sais qu'il a changé parce j'ai vécu au Cap-Breton toute ma vie. J'ai dû purger une peine d'un an d'emprisonnement en Ontario. À part cela, j'ai eu de la chance et je suis rentrer chez moi. Mais au moment de mettre sur pied la Société de développement du Cap-Breton, on croyait que le secteur privé avait pris tout ce qu'il pouvait et qu'il s'en allait. Il nous plantait-là.
Le gouvernement du Canada a déclaré à l'époque qu'il s'agissait d'un désastre économique et social, et il est intervenu. Il y a eu au départ une société dont le mandat consistait à se retirer graduellement et méthodiquement de l'industrie houillère, comme vous le savez tous, je crois. Puis, d'autres événements sont survenus, notamment la crise du pétrole. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, et il faut l'en féliciter, a saisi l'occasion et déclaré qu'on pouvait continuer d'investir à l'extérieur du Canada et de la Nouvelle-Écosse pour acheter une source d'électricité ou bien exploiter à notre avantage une ressource d'utilité publique qui existait déjà. C'est ce que nous avons essayé de faire jusqu'ici.
C'est étrange, parce que nous sommes en train de réaliser une petite étude secondaire à ce sujet. Nous découvrons maintenant que la devise de la Société de développement du Cap-Breton à partir de cette année est de devenir une société rentable du point de vue économique, en termes financiers et comptables. Cela n'a jamais été l'intention, à ma connaissance. C'était un objectif, c'est évident, mais l'intention était d'exploiter les ressources dans la collectivité, en Nouvelle-Écosse et au pays dans les meilleurs intérêts de la population du pays. L'intention était de continuer de faire travailler les gens, de les faire fonctionner, de les garder dans la région en tant que travailleurs canadiens au meilleur coût économique possible qui, à mon avis, est rentable. C'est mon opinion. Ce n'est certainement pas celle d'un économiste ni celle des comptables qui dirigent l'entreprise actuellement, pour qui seuls des résultats financiers positifs comptent. Et bien, leurs résultats financiers positifs n'apportent absolument rien de bon ni à la nation ni à la population du Cap-Breton ou de la Nouvelle-Écosse.
Ils prétendent avoir renversé la vapeur. Il y a cinq ans, le gouvernement du Canada a dit à la Devco de devenir une entreprise qui s'autosuffit et se débrouille toute seule. Nous y étions presque parvenus. Ce n'était pas si pénible. Mais ils ont oublié une chose; ils ont oublié de nous donner ce dont il était tant question à l'époque de l'accord de libre-échange: des règles du jeu équitables.
Depuis la création de la Société, d'après ce que nous avons pu découvrir jusqu'ici dans nos recherches et nous y travaillons encore, il y a un passif du régime de retraite. M. Dingwall parle du passif total de la Société si nous fermons nos portes et compte tenu de la conjoncture et de tout le reste. Je ne parle pas de cela. C'est un passif, qui existera peu importe ce qui arrive. Il y a un passif et M. Drake y a fait allusion. En cinq ans, dont trois sont encore à venir, c'est-à-dire prochain exercice financier, il faut verser environ 120 millions de dollars dans la caisse de retraite pour éliminer le passif non capitalisé qui s'est accumulé depuis plus de 25 ans. Nous le savons avec certitude. Au fil de ces années, et nous ne critiquons personne, on a laissé ce passif grandir parce que la Société appartenait au gouvernement, je suppose, car les autorités qui régissent les pensions au Canada sont très responsables.
Joe Shannon affirme que c'est arrivé, selon lui, et je pense être d'accord avec lui, en partie parce que l'un des présidents ou des présidents du conseil ou je ne sais trop qui a décidé de réduire la taille de la Société lorsqu'il n'avait pas les fonds nécessaires pour le faire, alors il s'est servi du régime de pension non contributif, des dispositions concernant les pensions de commisération.
Il y a ici des personnes, dont deux en particulier, qui se battent depuis huit mois pour obtenir des pensions de commisération et qui ne peuvent en obtenir parce que la Société passe tout à la loupe. Même si des pensions sont prévues dans le régime, la Devco a peur de les accorder. Mais ce qu'elle a fait, c'est se servir du régime, ou détourner des fonds du régime, en réalité.
Puis, le surintendant des pensions au niveau provincial -- et vous savez de qui il s'agit -- a décidé d'examiner la situation en profondeur. Il l'a examinée et conclu qu'elle devenait grave. Le gouvernement avait demandé à la Société de se tenir debout toute seule et il existait un passif non comptabilisé de 120 millions de dollars au titre des pensions. Il a ordonné de rembourser cette somme dans un délai de cinq ans.
Le président: Je déteste intervenir, mais je dois le faire si nous voulons respecter notre horaire. Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
Je cède la parole à Lynn Pollock et Bob Gillis.
Le sénateur Murray: Monsieur le président, il y a un résumé assez détaillé de la situation que décrit M. MacNeil dans son exposé. Je ne l'ai pas lu en entier, mais je peux voir que c'est assez détaillé.
M. MacNeil: Pour résumer mon exposé, premièrement, nous avons examiné le plan proposé par la Société. Je peux vous assurer qu'il ne fonctionne pas et qu'il ne fonctionnera pas. En moins de deux ans, ils seront de nouveau dans le pétrin parce qu'ils n'ont pas la bonne solution. Ils doivent verser 80 millions de dollars dans la caisse de retraite d'ici trois ans. C'est là que le bât blesse le plus. La solution du gouvernement a été de prêter 80 millions de dollars en cinq ans. Mais c'est comme accrocher une pierre au cou d'une personne en train de se noyer. Il faut régler le problème.
L'autre observation que je veux faire est que, pour 10 millions de dollars, ce qui représente le déficit de la Devco au cours des deux dernières années, malgré le remboursement du passif du régime de retraite, le gouvernement du Canada ou de la Nouvelle-Écosse a créé 2 200 bons emplois directs, recouvré environ 22 millions de dollars en impôts et appuyé 4 000 autres personnes en Nouvelle-Écosse. C'est ce qu'on a obtenu pour 10 millions de dollars et c'est une opération rentable pour un gouvernement. Ce n'est pas rentable pour une entreprise, mais ce l'est pour un gouvernement dans une société.
Le président: Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant les représentants du Syndicat national des travailleurs de l'automobile. Je cède la parole à Bob Gillis et Lynn Pollock.
M. Bob Gillis, vice-président, section locale 4504, Sydney, Syndicat national des travailleurs de l'automobile: Monsieur le président, je représente la section locale 4504 du Syndicat national des travailleurs de l'automobile. Je suis tireur, examinateur de mine et géomètre. Je ne suis pas habitué à parler en public, alors je vous prie d'être patients. Mon exposé au comité sénatorial porte sur l'extraction sélective à la Société de développement du Cap-Breton.
Pour commencer par un bref historique, le 26 mars 1996, l'ancien président de la Société de développement du Cap-Breton a présenté son plan d'entreprise aux dirigeants syndicaux et aux médias. M. Shannon visait uniquement à assurer la rentabilité de la Société; pour nous et pour tout le monde dans la collectivité, l'objectif consiste à assurer la rentabilité mais aussi à tenir compte des répercussions sociales et des effets sur notre collectivité.
D'après les chiffres du pdg, il y a une perte de 9,4 millions de dollars alors que nous aurions dû réaliser des profits, mais nous savons tous pourquoi il en est ainsi. Nous avons éprouvé au front de taille 7 Est de la houillère Phalen des difficultés géologiques qui ont presque paralysé complètement notre industrie, mais nous avons corrigé la situation ou nous l'aurons corrigée dans quelques semaines.
Le plan de M. Shannon consistait à exploiter la houillère Prince quatre mois par année et à jeter 700 personnes à la rue. Le syndicat, les employés, la population et le clergé se sont opposés au plan de réduction des effectifs et le gouvernement a donc décidé d'intervenir.
Le 7 mai 1996, le gouvernement du Canada a approuvé le plan quinquennal de la Société de développement du Cap-Breton. Les employés, les syndicats et la collectivité ont conjugué leurs efforts et il en est résulté un plan qui mènera la Société de développement du Cap-Breton à la rentabilité commerciale.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples des solutions que nous avons proposées. Premièrement, l'abattage multifronts à la houillère Phalen; deuxièmement, le contrôle de la qualité; troisièmement, la standardisation de l'équipement; quatrièmement, des rapports d'étape trimestriels; cinquièmement, aucune fermeture annuelle prolongée à la houillère Prince; et sixièmement, une étude de 300 000 $ sur l'extraction sélective proposée à la houillère Prince par le Syndicat national des travailleurs de l'automobile.
À mon avis, l'extraction sélective permet de continuer d'exploiter nos deux mines. Dans sa proposition, l'ancien président voulait que le charbon de la mine Phalen serve uniquement à alimenter la Nova Scotia Power Corporation et il voulait abandonner les marchés internationaux. Nous savons que le contrat de la Devco avec la Nova Scotia Power Corporation arrivera à échéance en l'an 2000 et nous aurions alors pieds et poings liés. Ils pourraient fixer le prix qu'ils accepteraient de payer pour notre charbon, s'ils en voulaient, et ce serait probablement la fin de l'industrie houillère.
Grâce à l'extraction sélective, nous pourrions continuer d'exploiter la houillère Phalen pour nos marchés étrangers et exploiter la mine Prince pour approvisionner la Nova Scotia Power.
J'ai choisi l'extraction sélective pour deux raisons. Premièrement, le charbon de la houillère Prince contient le plus de soufre, ce qui le rend difficile à vendre. L'extraction sélective réglerait ce problème. Deuxièmement, la Devco et la Nova Scotia Power ont signé avec notre gouvernement un contrat en vue d'améliorer «volontairement» la qualité des émissions de soufre. En brûlant du charbon qui contient moins de soufre, nous réduirions encore plus les émissions dans l'atmosphère. L'extraction sélective réglerait ces deux problèmes.
J'ai d'abord tenté de déterminer à quel endroit le charbon était le plus riche en soufre. Nous avons pris des échantillons en rainure. Nous avons découvert que la teneur en soufre est la plus élevée de six à douze pouces au bord de la couche. À certains endroits, elle monte jusqu'à 18 pouces. Nous devons maintenant décider s'il est possible de laisser en place ou de prendre de six à douze pouces de charbon au mur de la couche. Je pense que si nous pouvions trouver un procédé technogénique, l'industrie serait rentable.
La technologie existe en ce qui concerne les systèmes de contrôle de l'horizon. Elle est appliquée actuellement dans les mines de charbon souterraines. Ces systèmes reposent sur des mesures des émissions de rayons gamma dans les strates du toit et du plancher.
Il y a trois façons de procéder. Premièrement, on peut perfectionner la technologie choisie afin que les données fournies par les senseurs parviennent à l'opérateur et lui permettent de régler efficacement et manuellement l'horizon au niveau souhaité. Vous vous souviendrez peut-être que lorsque l'UMWA a parlé de l'extraction sélective, elle a dit que l'opérateur le faisait à l'oeil. Grâce à cette technique, l'opérateur obtient du régulateur des données sur la hauteur et la profondeur des tambours ravageurs et effectue lui-même périodiquement et manuellement les réglages nécessaires. Le régulateur laisserait en place de six à douze pouces ou peut-être même 18 pouces de charbon.
La deuxième méthode consiste à intégrer, à long terme, les signaux du senseur aux commandes de la machine. Le senseur détecterait les rayons gamma. Il existe des logiciels pour ce faire.
Le troisième moyen consiste simplement à laisser de six à douze pouces de charbon au mur de la couche, sans recourir à de nouvelles technologies, en faisant plutôt appel aux machines et aux compétences actuelles des mineurs. Par exemple, il faut une teneur en soufre de 2,8 p. 100 pour répondre aux exigences aux mines Lingan et Tupper et pour pouvoir vendre le charbon de la mine Prince. Si nous ne traitons pas le charbon, nous nous retrouvons avec une teneur en soufre de 3,4 p. 100, ce qui est trop élevé pour la vente. Si nous laissons un mur de six pouces, alors nous avons une teneur en soufre de 3,1 p. 100. Il faudrait donc un léger mélange. Si nous laissions un mur d'un pied, alors la teneur en soufre serait de 2,82 à 2,9 p. 100, ce qui répondrait aux exigences, ou presque.
Le procédé est très simple. Avec une couche de sept pieds à la mine Prince, on abattrait de six pieds à six pieds et demi à l'aide de la haveuse. Pour ceux d'entre vous qui ne savent pas ce qu'est une haveuse, il s'agit de la machine qui fait le va-et-vient le long du front de taille pour extraire le charbon. À la mine Prince, je pense que le front de taille mesure 450 pieds, mais au front 15 Ouest, il atteint 650 pieds. On passerait cette machine le long du front de taille. Le charbon serait ensuite transporté hors de la mine sur des convoyeurs. Puis, on ramènerait la haveuse, on extrairait les six à douze pouces de charbon du mur et on l'enverrait dans la trémie souterraine. Puis, on se déplacerait et on recommencerait.
Il y a dans la mine Prince une trémie de 500 tonnes. Elle sert à d'autres fins actuellement, mais quand nous avons deux équipes, nous pouvons y entreposer le charbon riche en soufre et le vider à la fin du quart ou même deux fois par semaine. Lorsque la trémie souterraine est pleine, on peut en remonter le contenu à la surface et séparer ce charbon qui contient beaucoup de soufre de celui qui est vendable. Nous avons fait des calculs et établi que la teneur en soufre est probablement autour de 8,3 p. 100.
Ce procédé permettrait d'exploiter la mine Prince douze mois par année pour alimenter nos centrales électriques et réserver le charbon de la mine Phalen aux marchés à l'exportation, ce qui permettrait aussi de faire fonctionner notre quai international. Je crois que c'est une façon rentable de vendre le charbon de la mine Phalen et d'améliorer volontairement la teneur en soufre pour la Devco, ce qui est aussi avantageux pour la Nova Scotia Power.
En conclusion, je crois que nous respectons le mandat de création d'emplois du gouvernement en permettant à la Devco de continuer de fonctionner, en étudiant les techniques d'extraction sélective et en contribuant à remplir les obligations des contrats entre la Devco et la Nova Scotia Power tout en réduisant volontairement les émissions de soufre.
Je propose aussi au comité sénatorial de demander à la Nova Scotia Power d'investir elle aussi au moins 300 000 $, comme la Devco se propose de le faire, pour réduire les émissions de soufre dans l'atmosphère.
Le sénateur Buchanan: Monsieur Drake, je veux féliciter l'UMWA pour son exposé que j'ai trouvé excellent.
Je suis tout à fait d'accord que l'avenir à long terme des charbonnages du Cap-Breton dépend de l'ouverture d'une nouvelle mine. C'était la même chose à la fin des années 70. Il fallait ouvrir de nouvelles mines pour assurer la survie de l'industrie minière au Cap-Breton. C'est la même chose aujourd'hui.
Nous avons beaucoup entendu parler de la mine Donkin. Il ne fait aucun doute que le charbon de cette mine proposée est excellent, puisqu'il ne contient en moyenne qu'un peu plus de 3 p. 100 de soufre. Dans la tranche médiane de huit pieds, il n'en contient cependant qu'environ 1 p. 100, ce qui est excellent. Cela ne fait aucun doute.
Mais nous devons évaluer les coûts. J'ai lu que les coûts pourraient atteindre 400 ou 500 millions de dollars, ce qui est absolument ridicule, d'après ce que j'ai lu. J'ai participé aux décisions au début de 1979, lorsque les premières carottes de la mine Donkin ont été prélevées. La province a dépensé 500 millions de dollars pour faire démarrer le prélèvement des carottes. Nous entendons ces chiffres, puis nous avons entendu Steve Farrell déclarer ce matin que la production d'un million de tonnes de cet excellent charbon dans la tranche médiane coûtera de 120 à 125 millions de dollars environ. M. Drake a indiqué les mêmes montants cet après-midi. Quand on enlève le charbon d'abattage, qu'on pourrait vendre, on descend à environ 100 millions de dollars.
Il faut se rappeler qu'environ 100 millions de dollars ont déjà été dépensés à la mine Donkin pour dégager le site, percer les tunnels, et cetera. Je pense qu'il est très important que le comité ne rejette pas la mine Donkin du revers de la main. Nous devons déterminer le coût de la mise en valeur de cette mine pour qu'elle produise 100 millions de tonnes de charbon.
Le charbon de la mine Donkin est idéal pour la liquéfaction. Les concentrations au toit et au plancher seraient excellentes. Je le sais pertinemment.
Je suis allé à Trenton au New Jersey, vers 1984-1985, avec HRI Technologies, une filiale de NOVA, établie dans cette belle province qu'est l'Alberta. Ils ont analysé du charbon provenant d'un peu partout en Amérique du Nord et conclu que le meilleur pour la liquéfaction était celui de la mine Donkin. Ils en avaient et ils l'ont analysé. Quel serait la plus forte teneur en soufre du charbon de la mine Donkin lorsqu'ils le liquéfieraient, produiraient du pétrole, enlèveraient le soufre et le vendraient? Ce que je veux démontrer c'est que la mine Donkin possède de nombreux atouts. Compte tenu de tout ce que j'ai entendu de la part de tous ceux à qui j'ai parlé depuis que nous avons commencé en 1979, il me semble que la mine Donkin ne pourrait qu'avoir des retombées positives sur l'industrie houillère.
Nous reviendrons sur la liquéfaction plus tard, parce que c'est un autre projet dont je rêve depuis que le sénateur MacEachen, Alastair Gillespie et moi-même avons signé le document original il y a 16 ans.
Monsieur MacNeil, il ne fait aucun doute que, lorsque nous avons décidé de convertir les centrales de la Nova Scotia Power du mazout au charbon parce que les prix du pétrole grimpaient en flèche, nous avions du charbon qui pouvait alimenter la NSP. Au départ, presque toutes les centrales, sauf la centrale Seabord, étaient alimentées au mazout. Nous avons commencé la conversion à la fin des années 70, quand nous étions au pouvoir, et l'avons poursuivie dans les années 80, pour convertir Lingan 1, 2, 3 et 4, Point Tupper et Point Aconi. Nous nous servons désormais à 70 p. 100 du charbon du Cap-Breton pour produire notre électricité.
Quand on considère ces deux sociétés, la Devco et la Nova Scotia Power, la première produisant le charbon et la seconde l'utilisant, les avantages pour l'économie de la Nouvelle-Écosse sont énormes. Songeons à tous les gens à qui ces sociétés donnent du travail et à l'utilisation d'un combustible que nous avons chez nous. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut prétendre que nous devrions abandonner le charbon. Il est incroyable qu'on puisse même envisager de faire venir du charbon de la Colombie, pays dont le gouvernement est si instable. Nous avons d'excellents gouvernements très stables au Canada et en Nouvelle-Écosse. Le Canada n'est pas instable, mais la Colombie, si.
J'ai critiqué le gouvernement du Nouveau-Brunswick lorsqu'il a importé du charbon de la Colombie, sous prétexte qu'il était un peu moins cher que celui du Cap-Breton.
Je suis d'accord avec Steve Drake lorsqu'il parle du coût de la construction d'entrepôts pour stocker du charbon américain ou colombien à la Nova Scotia Power. Il y a des frais pour les droits de passage, les installations de stockage, les quais et tout le reste. La Nova Scotia Power n'importera pas de charbon. Elle peut menacer de le faire, mais elle ne le fera pas.
Le sénateur MacEachen: J'ai été intéressé par les propos de M. MacNeil au sujet de l'objet ou de l'orientation de la Devco.
Le sénateur MacDonald: M. MacNeil a employé le mot «mandat».
Le sénateur MacEachen: J'ai été intéressé par les propos de M. MacNeil au sujet de l'objet de la Devco à l'origine. Il a raison d'affirmer que c'était l'objet au départ.
J'ai relu la déclaration du premier ministre Pearson lorsqu'il a annoncé la politique charbonnière qui a mené à la création, par le Parlement, de la Société de développement du Cap-Breton. Il a déclaré, et je paraphrase, que le gouvernement du Canada considérait la situation au Cap-Breton comme un problème social. Il a évoqué les difficultés qu'éprouveraient les collectivités, les familles et les individus si ce problème n'était pas réglé dans une optique sociale.
Nous étions cependant dans les années 60. Nous sommes actuellement dans les années 90. Nous sommes peut-être encore de cet avis, vous et moi, monsieur MacNeil, mais nous sommes clairement en minorité.
M. MacNeil: Effectivement.
Le sénateur MacEachen: Les temps ont changé et cette idée n'est plus aussi facile à faire accepter. Les gens ne l'acceptent plus comme autrefois. Je le reconnais et je pense que nous devons tous en tenir compte et essayer de faire de notre mieux. Nous essayons de faire de notre mieux -- comme l'a déclaré hier M. White, avec beaucoup de sagesse, selon moi -- pour survivre de notre mieux, parce qu'il est évident que les temps changent. Les temps changent et les circonstances changent. L'humeur peut changer dans un pays.
Le pays est aux prises avec des difficultés financières. Toutes les provinces et le gouvernement du Canada sont convaincus, on dirait, que l'une des plus grandes priorités consiste à éliminer nos déficits budgétaires ou à les contrôler. C'est un problème que nous devons régler. Voilà pourquoi je crois que le gouvernement dont le sénateur Murray est un digne représentant a confié à la Société en 1991 ou vers 1991 le mandat de parvenir à la rentabilité économique. Ce mandat, si je ne m'abuse, a été réitéré par le gouvernement actuel. De nos jours, la municipalité régionale du Cap-Breton convient que ces opérations doivent être rentables. Autrement dit, nous ne pouvons pas nous projeter éternellement dans un avenir indéfini et affirmer que le gouvernement du Canada versera des subventions ou des contributions.
J'ai écouté attentivement M. Drake et tous les autres témoins. J'essaie de trouver dans tous les témoignages les éléments constructifs sur lesquels nous pouvons nous appuyer. M. Drake en a certainement fourni quelques-uns. Il est revenu sans cesse sur l'importance des coûts et la compétitivité. Il est convaincu que l'industrie houillère peut maîtriser les coûts de manière à rendre la production compétitive sur tous les marchés. Voilà une autre attitude qui a changé, à mon avis.
Autrefois, si je me souviens bien, les porte-parole de l'industrie houillère ne plaçaient pas les coûts en tête des priorités, comme l'a fait M. Drake aujourd'hui. Mais vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec mes souvenirs.
J'ai grandi dans une ville où il y avait une mine de charbon. J'entendais constamment les discussions des mineurs. Quand j'écoutais mon père et ses amis, ils parlaient toujours du charbon. Une chose est certaine. Chacun de ces mineurs était convaincu qu'il était un meilleur gestionnaire que tous les autres.
Tous les mineurs actuels en sont convaincus eux aussi. Ils connaissent tellement leur métier qu'ils pensent pouvoir bien administrer les mines. Lorsque M. Drake parle de la sagesse des mineurs, il touche un aspect essentiel. Il faut les écouter.
Le contrôle des coûts et la coopération viennent en tête des priorités. Le président de la United Mine Workers nous a déclaré que la coopération entre les ouvriers et la direction est essentielle au succès de l'industrie houillère. Il a aussi parlé de comptes à rendre. Ses propos m'ont plu.
Alors, il y a maintenant des plans. Allons-nous simplement les ranger sur une tablette? Ne reviendrons-nous pas dans six mois ou un an nous demander quels sont les résultats? Comment nous y prendrons-nous? Je pense que le comité devrait se demander comment ce processus, si important pour l'avenir de l'industrie, sera surveillé et par qui. Qui fera le point dans un an et déterminera si le plan a été réalisé? Quelqu'un doit le faire.
Nous discutons entre nous, mais d'une certaine façon, nous devons parler aux gens qui sont touchés par ce problème. Que nous réserve l'avenir? Nous avons deux mines. Mais afin d'instaurer un climat qui stimulera l'activité, la confiance et l'effort, il faut songer à l'avenir. C'est ce que tente de faire M. Drake au sujet de la mine Donkin. Je pense que c'est nécessaire et important.
J'ai déclaré ce matin que la mine Donkin représente un investissement énorme. De nos jours, il n'est pas facile d'obtenir du gouvernement du Canada une somme de 120 millions de dollars, chiffre que le sénateur Buchanan n'a cessé de répéter.
Le sénateur MacDonald: Et qui n'est peut-être même pas exact.
Le sénateur MacEachen: En tous cas, ce chiffre a été avancé. Je conviens que nous devons le vérifier. Mais quelle est la conjoncture? Je pense que le comité doit se poser cette question. Que faut-il faire à court terme pour qu'on discute de la mine Donkin et que l'actionnaire s'intéresse à un investissement majeur dans l'avenir des charbonnages du Cap-Breton?
M. Michael Baker, président, section locale 2046, Syndicat canadien de la fonction publique: Sénateur, j'ai travaillé à la Dosco et à la Devco pendant 42 ans. J'ai vu plus de politiciens depuis un an et demi que je veux en voir d'ici la fin de mes jours. Les politiciens aiment bien déclarer qu'ils vivent dans un monde bien difficile. C'est évident qu'ils vivent dans un monde difficile, mais ils doivent se rendre compte que c'est aussi drôlement difficile de vivre dans le nôtre. Nous perdons une foule de bons travailleurs. De nombreuses familles ont été séparées; beaucoup de familles s'en vont. C'est difficile pour vous, mais c'est beaucoup plus difficile pour nous.
M. Drake: En réponse à la question de savoir ce qui doit arriver à court terme pour qu'un actionnaire envisage sérieusement d'investir dans la Société de développement du Cap-Breton, il y a environ cinq ans, lorsque la Devco a reçu le mandat de devenir autonome financièrement, la clé du succès était -- et elle l'est encore aujourd'hui -- rendre des comptes. Si l'industrie réussit à rendre des comptes, je suis fermement convaincu qu'elle peut être rentable.
Nous ne pouvons plus continuer comme nous le faisions par le passé et prendre des décisions qui représentent des dépenses énormes et augmentent nos coûts en capital ou diminuent nos revenus. Si tout le monde rend des comptes, je pense que l'industrie houillère deviendra rentable. Si l'industrie houillère est rentable et compétitive, je ne vois pas pourquoi le gouvernement fédéral ne considérerait pas sérieusement l'exploitation de la mine Donkin. Les marchés existent et prennent de l'expansion. Nous avons le produit. Nous avons de 1,5 à 2 milliards de tonnes de charbon. Nous devons pouvoir prouver que nous sommes compétitifs. Rendre des comptes est la clé du succès.
Comme l'a déclaré éloquemment le sénateur MacEachen, quelqu'un doit surveiller ce processus. Si la Société effectue elle-même cette surveillance, dans deux ou trois ans, nous nous retrouverons au même point qu'il y a un, deux ou trois ans. Il faut une surveillance externe. Je demande au comité de trouver quelqu'un pour surveiller de près la Société au cours des trois ou quatre prochaines années et de passer toutes ses activités au peigne fin. Je pense que c'est possible.
Le sénateur MacEachen: Je prends note de l'observation de M. Drake que, pour remporter des succès, il faut devenir compétitifs et rentables d'ici quelques années. Je conviens que si ces objectifs sont atteints, l'humeur serait peut-être plus positive.
Mais en ce qui concerne la reddition des comptes, à qui les divers intervenants doivent-ils rendre des comptes et comment le feront-ils? Quel mécanisme prévoyez-vous pour qu'on rende des comptes?
M. Drake: Je n'ai pas de réponse précise à cette question. Mais il faut d'abord rendre des comptes à soi-même. Il faut donner une bonne journée de travail, dûment rémunérée. Je pense aussi bien au mineur sur le front de taille qu'au vice-président des finances et au président de la Société. Il faut commencer par soi-même. Puis, il faut rendre des comptes aux contribuables canadiens.
Lorsqu'un membre de la direction prend une décision et que cette décision ne fonctionne pas et coûte cher à la Société, il faudrait la considérer comme une erreur. Si cette personne continue de faire des erreurs, elle devrait être réprimandée. Elle n'est peut-être pas à la hauteur de l'emploi. Je ne dis pas qu'il faudrait la renvoyer, mais on pourrait peut-être lui confier d'autres tâches.
Mais il y a eu dans l'industrie des erreurs qui ont coûté très cher à la Société et aux contribuables, sans qu'elles portent à conséquence. Lorsqu'un mineur commet une erreur, sa convention collective prévoit des conséquences. Pour une première erreur, il y a une réprimande. Il existe une procédure pour les erreurs ultérieures. Nous avons signé une entente à ce sujet.
Je pense qu'il devrait exister un mécanisme semblable pour les membres de la direction. Lorsqu'ils commettent de graves erreurs, au lieu d'obtenir une promotion, ils devraient être rétrogradés ou tout au moins être gravement réprimandés.
Le 7 novembre dernier, il y a eu un éboulement majeur au front de taille 7 Est. Les mineurs avaient informé la direction de la Société de développement du Cap-Breton qu'il aurait fallu travailler dans cette tranche en fin de semaine pour éviter des ennuis. Les mineurs savaient ce qui allait arriver, mais personne ne les a écoutés. Nous avons demandé la tenue d'une enquête, mais il n'y en a pas eu. Personne n'a été tenu responsable. Si les procédés et les procédures actuels sont maintenus, l'industrie ne survivra pas. Je n'ai pas de réponse précise, mais je suis fermement convaincu qu'il faut absolument rendre des comptes à soi-même et au contribuable.
Qui tient la direction responsable de ses actes? Certainement pas les employés. Je crois que les politiciens devraient peut-être envisager sérieusement de tenir la direction responsable des chiffres et des projections qui ont été présentés ici. Je ne suis pas d'accord avec M. Shannon, qui estime que les politiciens ne devraient pas se mettre le nez dans les affaires de la Société. Qui tiendra la direction de la Devco responsable si les politiciens s'en lavent complètement les mains? Personne. Ils auront le champ libre et nous serons dans le pétrin.
Le sénateur Murray: Monsieur le président, je ne veux pas freiner les élans du sénateur Buchanan et du sénateur MacEachen ni des témoins qui ont parlé de la mine Donkin, et je comprends pourquoi la mine Donkin les attire, parce qu'elle semble plus prometteuse à long terme. Mais l'actionnaire, le gouvernement du Canada, vient de dépenser un demi-million de dollars, je crois, pour obtenir l'étude John T. Boyd. J'ai le résumé devant moi. Vous l'avez tous vu, mais permettez-moi de lire quelques phrases aux fins du compte rendu. Premièrement, on y parle des mines Phalen et Prince en des termes qui ne sont pas tout à fait encourageants. Je cite:
Le plus grave problème géologique à Phalen est le risque de coups de grisou semblables à celui de septembre 1994. Pour pouvoir continuer à exploiter la mine, il est essentiel de trouver une solution à ce phénomène.
On dit ensuite, à propos de la houillère Prince:
À la mine Prince, le principal problème géologique qui touche l'exploitation et le North Block est le chenal d'érosion qui traverse la zone d'avancement actuelle. Il n'est pas possible de prévoir exactement l'action érosive. Nous concluons qu'il se peut que la mine atteigne le chenal dans l'avenir, ce qui aurait de graves conséquences sur ces opérations.
Voilà des affirmations sur les deux mines exploitées actuellement. Je pense qu'elles devraient nous porter à réfléchir. On dit ensuite:
On doute que Donkin puisse être exploité comme mine dans un quelconque contexte commercial au niveau actuel de réalisation, à cause des facteurs suivants: coût considérable d'immobilisations, long délai avant l'exploitation, données douteuses sur les réserves, qualité inférieure du charbon, et cetera. En outre, nous sommes d'avis qu'on ne peut exploiter sélectivement la tranche médiane de bonne qualité de la couche Harbour à cause de la minceur de la couche et faute de repères nets. En même temps, les spéculations sur l'ouverture d'une nouvelle mine détournent l'attention des graves problèmes immédiats qui empêchent la SDCB de revenir rentable,
Mettez-vous à la place des ministres du Cabinet et de hauts fonctionnaires qui considèrent l'avenir de la Devco et vous verrez que ce sont les conclusions les plus récentes et les plus concluantes sur la possibilité d'une mine Donkin.
M. Drake: Premièrement, vous devez comprendre qu'on indique à plusieurs reprises dans l'étude John T. Boyd que l'information donnée par la Société était insuffisante, pour employer un terme poli, et ne pouvait se comparer aux autres industries minières. Les données de la Devco étaient insuffisantes, c'est le moins qu'on puisse dire.
J'ai relu l'extrait que vous venez de lire, sénateur Murray. Si vous lisez bien, on dit «au niveau actuel de réalisation».
Le sénateur Murray: Oui.
M. Drake: En ce qui concerne nos problèmes aux mines Phalen et Prince, si nous les avions à la mine Donkin, cela ne changerait rien à la situation. Cela ne fait aucun doute. Les mots sont pesés dans le rapport Boyd. Les niveaux de réalisation projetés à la mine Donkin ne sont pas les mêmes qu'aux mines Prince et Phalen. Il y a trois couches exploitables dans la mine Donkin. Des estimations de Montreal Engineering, de Kilborn Engineering et d'Associated Mining Consultants Limited révèlent que nous pourrions probablement produire 4 millions de tonnes si la mine Donkin était bien conçue, de manière à permettre l'exploitation sur plusieurs fronts de taille. Cela ne correspond pas au niveau actuel de réalisation. L'étude John T. Boyd était une étude de 500 000 $, qui a abordé de manière très superficielle la couche de la mine Donkin.
L'étude de Travaux publics Canada dont j'ai parlé plus tôt indique qu'il est raisonnable de conclure que du charbon peut être laissé en place au toit et au plancher à la mine Donkin. Si vous voulez faire quelque chose à la mine Donkin et espérer de façon réaliste que la technologie puisse être en place en 1998, alors vous devriez faire démarrer immédiatement ce projet.
Le sénateur Murray: En ce qui concerne l'investissement que le sénateur MacEachen...
M. Drake: Avec votre permission, monsieur, pour revenir à votre déclaration au sujet de la qualité inférieure du charbon, j'ai assisté à un exposé de 15 minutes portant exclusivement sur la mine Donkin. Selon qui nous en parle, le charbon de la mine Donkin est de bonne ou de mauvaise qualité. D'après les renseignements que nous avons obtenus, le charbon de la tranche médiane de la couche est aussi bon que n'importe quel charbon que nous avons extrait au Cap-Breton depuis au moins 300 ans, et la plus grande partie se trouve dans la couche Harbour. Cette couche est la couche des champs houillers de Sydney que nous avons exploitée le plus intensément. Quand on remonte dans le temps, on voit que tout a été vendu. L'étude Boyd a abordé très superficiellement la mine Donkin.
Permettez-moi une autre observation. Vous affirmez qu'il est impossible de faire de l'extraction sélective? Nous l'avons fait aux houillères Prince et Phalen. Le rapport d'Associated Mining Consultants Limited daté du 14 avril 1995 et préparé pour Travaux publics Canada indique qu'on le fait dans 48 mines américaines. De plus, le contrôle de l'horizon se fait dans les mines de charbon souterraines au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie, en Allemagne, en Pologne et en Russie.
Ce que je veux démontrer c'est que les conclusions de l'étude Boyd au sujet de la mine Donkin ne tiennent pas et qu'elles ne tiendraient pas si cinq ingénieurs les analysaient.
En ce qui concerne les immobilisations, le projet que nous avons présenté pour la mine Donkin prévoit environ 9 millions de dollars la première année. Les investissements sont échelonnés sur trois ans et demi et on prévoit 9 millions de dollars la première année. Je ne me souviens plus du montant pour la deuxième année. J'ai remis le rapport au greffier. Il s'agit d'un investissement d'environ 100 millions de dollars. Cet investissement de 100 millions de dollars ou de 120 millions peut-être, est assez exact, sénateur. Il y a de 28 à 30 millions de dollars en revenus des charbonnages durant cette période, avant que la mine Donkin ne fonctionne à plein régime, avant de produire vraiment du charbon. Il s'agit de charbon d'abattage extrait pour abattre les tranches de la mine Donkin.
Grâce à la mine à ciel ouvert de la houillère Lingan, nous pouvons économiser des dizaines de millions de dollars en recyclant du matériel que la Devco possède déjà. Un ancien vice-président du génie à la Société de développement du Cap-Breton, M. Bob Cooper nous l'a confirmé. Il a confirmé que beaucoup de machines pourraient servir à la mine Donkin. Nous n'avons pas besoin du nec plus ultra. Il y a longtemps que l'on se contente de moins. Nous soutenons qu'il faut ouvrir la mine Donkin pour parer à toute éventualité.
Certains aspects de l'étude Boyd étaient excellents, mais je pense qu'il aurait mieux valu investir 500 000 $ dans la Société de développement du Cap-Breton.
Le sénateur Murray: Vous ne contestez pas l'affirmation qui a été faite autour de cette table que, peu importe qu'il s'agisse de 100 millions de dollars ou d'un peu plus, il est peu probable que cette somme soit investie si le plan que nous avons devant nous, ou un autre plan qui viserait la rentabilité financière, n'est pas réalisé?
M. Drake: Comme je l'ai déjà déclaré aujourd'hui, si tout se déroule comme prévu et que le plan proposé par la Devco fonctionne, il y aura d'énormes profits d'ici trois à cinq ans. Je ne comprends pas pourquoi ils ne pourraient pas en consacrer une partie au financement partiel de la mine Donkin. Je ne pense pas que nous demandions de cadeau au gouvernement fédéral. Je pense que l'industrie peut s'autofinancer. Je le répète depuis 18 ans. Je travaille dans l'industrie depuis 18 ans, dans une houillère souterraine. Beaucoup d'erreurs ont été commises. Je ne pense pas que nous les répéterons à l'avenir. Je pense que la mine peut s'autofinancer si nous sommes prêts à mettre l'épaule à la roue.
Le sénateur Murray: Quel âge aviez-vous quand vous avez commencé?
M. Drake: J'avais à peine 22 ans.
Le sénateur Murray: Vous n'avez pas parlé, et aucun des représentants syndicaux ne l'a fait, en ma présence tout au moins -- et j'ai dû m'absenter quelques minutes, je le regrette -- du problème de l'absentéisme et du taux élevé des accidents. L'étude Boyd indique que le taux moyen d'absentéisme aux mines de la Devco, y compris les congés annuels et les congés fériés, se situe entre 24 et 29 p. 100, ce qui est bien supérieur au taux de 14 à 16 p. 100 observé aux États-Unis.
L'étude signale que les données sur l'absentéisme à la Devco comprennent les absences autorisées pour activités professionnelles et les congés de maladie de plus de 90 jours, mais aussi que le nombre d'absences de ce genre représente une petite partie de toutes les absences. Elle ajoute que la fréquence des accidents à la Devco est plus du quadruple de la moyenne américaine. La gravité de ces accidents, mesurée par le nombre de journées de travail perdues, est au moins cinq fois plus élevée qu'aux États-Unis.
M. Drake: Personne ne m'a interrogé à ce sujet. Je vais en parler maintenant. J'attendais que vous me posiez la question, sénateur Murray, parce que vous l'avez posée hier soir et je ne pense pas que vous ayez obtenu une réponse satisfaisante. Je parlerai de l'absentéisme en dernier.
Presque tous ceux qui oeuvrent dans cette industrie travaillent dans des conditions très difficiles. Certains accidents sont épouvantables; ils entraînent parfois la mort ou des amputations. Les blessés reçoivent des prestations de la Commission des accidents du travail et des pensions de la Société de développement du Cap-Breton. Mais certains mineurs ont travaillé 30 ans sous terre; ils ne peuvent plus respirer. Ils sont toutefois considérés comme des travailleurs absents par la Société de développement du Cap-Breton et placés dans le même panier qu'un collègue qui n'entre pas au travail un vendredi soir. La Société ne fait aucun effort pour placer les absences de ces mineurs dans une autre catégorie.
Nous soutenons que les critères des prestations pour accident du travail et de l'absentéisme aux États-Unis sont peut-être bien différents de ceux de la Société de développement du Cap-Breton. M. Boyd aurait calculé ses chiffres en fonction de ces critères. On ne peut pas comparer des pommes et des oranges, je le répète.
À plusieurs occasions, nous avons demandé à la Société de développement du Cap-Breton de nous donner une analyse détaillée des critères employés pour mesurer l'absentéisme. Nous ne l'avons jamais obtenue. Nous pensons que la Société de développement du Cap-Breton utilise certains critères discutables pour obtenir ce taux de 18, 20 ou 21 p. 100. J'ai à mon bureau un imprimé d'ordinateur que je peux vous télécopier et qui porte sur un de mes amis. J'ai rayé son nom et son numéro de chèque afin que personne ne puisse l'identifier. Il a été absent 32 jours en un an et demi. La légende de la Devco figure à côté du graphique. Elle indique qu'il a été absent 15 jours. Dans son dossier, ces 15 jours sont représentés par un V, pour désigner un congé. Un jour de congé correspond à ceux qui sont prévus dans la convention collective.
En ce qui concerne la formation, si je travaille au fond de la mine et que je participe à un programme de formation au même endroit, mais en surface, on considère que je suis «absent du travail», afin de déterminer où je me trouve, je suppose. Le code de la formation figurait à côté du nom de l'ami dont je viens de vous parler. En tout, je pense qu'on l'a considéré absent durant 21 jours.
Je ne sais pas comment la Devco fait ses calculs. Je ne dis pas qu'ils se trompent. Je dis seulement que les chiffres sont discutables. Si nous pouvions obtenir les chiffres exacts, ce serait bien.
Le syndicat n'a jamais pardonné l'absentéisme inutile et non motivé. Jamais. Une partie de ce que nous faisons pour nous assurer que la Société possède les outils nécessaires pour faire face à l'absentéisme figure depuis longtemps dans notre contrat de travail. Je parle de notre convention collective. L'article 3 porte sur la régularité du travail et l'article 3.6, sur les mesures correctives en cas d'absentéisme. C'est l'entente que l'UMWA a conclue avec la Société de développement du Cap-Breton.
À la première infraction, il y a une entrevue et un avertissement oral. À la deuxième infraction, il y a une entrevue et un avertissement par écrit. À la troisième infraction, il y a une entrevue, une suspension d'un jour avec salaire, confirmée par écrit. La quatrième infraction entraîne le renvoi.
Quelque 2 200 membres de l'UMWA ont signé cette entente. Nous avons donné les outils nécessaires à la Société. Celle-ci a une tâche à accomplir. M. George White, le président, le sait très bien. Nous en avons une nous aussi. Notre tâche consiste à protéger nos membres, notamment contre le harcèlement inutile. C'est exactement ce que nous ferons.
On n'a pas parlé non plus des heures supplémentaires. Il en a été question hier soir. La Société de développement du Cap- Breton soutient que le taux d'absentéisme est de 18 ou 20 p. 100 mais qu'elle prévoit un budget de 10 p. 100. Ce sont les chiffres indiqués par M. Shannon hier soir. Si vous prévoyez 10 p. 100 d'absentéisme et qu'il y en a 18 p. 100, alors j'en déduis qu'il y a un manque de personnel, peu importe pour quelle raison. La Société de développement du Cap-Breton prévoit 10 p. 100 et met à pied 715 personnes. Je n'y comprends vraiment rien.
Un mineur de charbon gagne en moyenne environ 30 000 $ ou 31 000 $ avant impôt. Dans l'économie actuelle, ce n'est pas beaucoup pour une famille, pour élever quelques enfants, avoir une automobile, payer l'hypothèque ou les autres dépenses. Si ce mineur a une possibilité légitime de faire des heures supplémentaires, c'est une décision de la Société. J'ai fait des heures supplémentaires toute ma vie. Je travaillais toujours de 60 à 70 heures par semaine pour payer les factures et me payer quelques gâteries. La Société établit le calendrier des heures supplémentaires. Le mineur qui accepte le fait librement et je ne le blâme pas. Si la Société veut réduire les heures supplémentaires, alors les travailleurs devront s'adapter.
Un monsieur a déclaré hier soir qu'en 1966 la houillère no 26 risquait de fermer. Il a alors réduit considérablement les heures supplémentaires. Les mineurs étaient en colère, ils ont frappé du poing sur la table et ont dit qu'ils ne l'accepteraient pas. Mais ils se sont adaptés. Cette année-là, la houillère a produit 1 million de tonnes de charbon. Ce monsieur est ici ce soir. C'est ce qu'il m'a raconté hier soir quand nous étions ici.
C'est une décision de gestion. Si vous ne voulez pas payer d'heures supplémentaires, alors ne donnez pas la possibilité d'en faire. Nos membres s'adapteront et nous ferons des économies.
Le sénateur Murray: Monsieur MacNeil, j'ai jeté un coup d'oeil au mémoire sur l'incidence du passif du régime de retraite sur l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton. Je crois que c'est l'exposé le plus complet que j'aie jamais vu. Je ne l'ai pas encore lu en entier. Répondez simplement à cette question si vous le pouvez. Quel montant demandez-vous au gouvernement fédéral d'assumer? Quelle portion du passif demandez-vous au gouvernement fédéral d'assumer et comment justifiez-vous ce montant?
M. MacNeil: Je ne m'attends pas raisonnablement qu'il assume quoi que ce soit. Après qu'on nous a demandé de nous autofinancer, le surintendant des pensions a dit -- et je ne pense pas que le gouvernement le savait non plus -- «En passant, l'autonomie financière signifie qu'il faut rembourser cette dette de 120 millions de dollars qui s'est accumulée avec le temps». C'est injuste. Comme l'a déclaré le sénateur MacEachen, les temps ont changé. Nous savons que les coffres sont vides.
Je peux vous assurer, messieurs, que tout comme il est vrai que je suis devant vous, et vous savez que c'est vrai, dans cinq ans, ils ne seront plus en affaires dans le secteur minier avec un plan d'entreprise de ce genre. D'ici cinq ans, ils vont se privatiser. Dans le cadre de cette privatisation, le gouvernement du Canada assumera la dette qu'il refuse actuellement d'assumer au nom de la Devco.
Le sénateur MacDonald: Je veux revenir à la reddition des comptes. Êtes-vous conscients qu'en 29 ans, il y a eu 10 pdg? Qui les a nommés? Ils ont tous été nommés par patronage.
M. Drake: Je suis d'accord.
Le sénateur MacDonald: Ils ont un président du conseil, un pdg qu'ils appellent le président et cinq administrateurs. Qui dirigera la Devco? Le conseil d'administration. Ils sont tous nommés par patronage. La plupart d'entre eux ont été incompétents au fil de ces années.
M. Drake: Je suis d'accord.
Le sénateur MacDonald: Il est impossible que 2 200 personnes dirigent une entreprise, même si elles s'entendent bien et qu'il y a une nouvelle vision. Il faut un conseil d'administration plus gros. Le gouvernement doit convenir que lorsqu'un pdg est nommé, il faut nommer dix administrateurs -- pas cinq -- d'origines diverses. Il faut leur payer un bon nombre de réunions du conseil. Environ 20 000 $ par année permet d'obtenir dix administrateurs. Ce sera votre processus de surveillance.
Vous avez dit de ne pas laisser les politiciens se laver les mains. Je vous dis de laisser les politiciens prendre conscience que c'est la seule façon dont l'entreprise pourra fonctionner.
Certaines personnes dont les noms figurent sur ces listes d'administrateurs sont des amis à moi. J'ai travaillé chez les conservateurs avec eux.
M. MacNeil: Certains étaient compétents, cependant.
Le sénateur MacDonald: Je sens une certaine tension. Je viens moi aussi du Cap-Breton et je connais la culture des gens de la presqu'île. Je connais nos antécédents. Nous ne pouvons pas nous leurrer les uns les autres encore bien longtemps.
La seule recommandation que je ferais, monsieur le président, est un conseil d'administration formé de gens compétents et qualifiés. Ils feront les chiens de garde et dirigeront l'entreprise.
M. Drake: Nous avons recommandé l'an dernier qu'un membre du syndicat soit nommé au conseil d'administration. Le ministre de l'Industrie nous a donné à ce moment-là la permission d'assister aux réunions du conseil à titre d'observateurs, essentiellement, pour surveiller le processus.
Cette proposition n'a pas eu de suites. Ils ont refusé de donner à un syndiqué un siège au conseil d'administration. Nous pensons que ce serait aussi une bonne idée et qu'il faudrait y réfléchir.
Le président: Merci à tous les témoins d'être venus ici et d'avoir répondu à nos questions si franchement et de façon si détaillée. Nous vous en sommes reconnaissants.
Honorables sénateurs, nous entendrons maintenant M. Alastair Gillespie, qui n'a pas besoin de présentations. Il a eu une carrière très remplie au Parlement et est lié à ce projet depuis un certain temps déjà. Nous sommes heureux de l'accueillir et nous voulons examiner avec lui ce projet plus en profondeur.
Monsieur Gillespie, si vous avez une déclaration à faire, nous l'entendrons avec plaisir avant de vous interroger.
M. Alastair Gillespie, président de Scotia Synfuels Ltd.: Monsieur le président, j'ai été ravi d'accepter l'invitation à comparaître devant vous. Il n'y a pas si longtemps, j'ai comparu devant un comité semblable, le comité sénatorial de l'énergie. Vous vous penchiez à ce moment-là sur les perspectives du projet de la Scotia Synfuels. Vous avez produit le troisième rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Les coins sont écornés par de nombreuses lectures, mais le voici. Il faudrait peut-être rappeler son existence à vos attachés de recherche, parce qu'il traite assez en profondeur des éléments du projet.
Le sénateur MacDonald: Nous en avons tous un exemplaire.
M. Gillespie: Je crois comprendre aussi que vous avez tous la chronologie du projet de la Synfuels que j'ai établie pour les 15 dernières années. J'ai pensé faire une brève déclaration avant de répondre aux questions.
Les activités de la Scotia Synfuels Ltd. en ont fait un chef de file de la recherche-développement dans le domaine des nouvelles applications pour le charbon de la Devco. Je pense que personne ne le conteste.
Voici quelques faits. La Scotia Synfuels Ltd., ou SSL, et ses prédécesseurs ont consacré au moins 10 millions de dollars à la recherche et au développement d'hydrocarbures liquides à valeur élevée à partir du charbon de la Devco. La SSL a acheté la raffinerie vétuste de Point Tupper pour un de ses futurs projets. Nous l'avons sauvée du pic du démolisseur. Avec nos associés, nous l'avons restaurée et amélioré le terminal pétrolier maritime à un coût de 100 millions de dollars. Il n'y a eu aucune aide fédérale. Tout a été financé par le secteur privé. C'est probablement le plus gros investissement privé en Nouvelle-Écosse des cinq dernières années et, je suppose, de loin le plus gros investissement privé au Cap-Breton depuis de nombreuses années.
La SSL a établi que la cotraitement du charbon et du pétrole lourd, à un coefficient de 40/60 produira des combustibles à valeur élevée et pauvres en soufre pour le transport et les centrales thermiques.
Chaque tonne de charbon du Cap-Breton peut être convertie en cinq barils de pétrole. Dernier élément de cette brève liste de faits, le projet de la Synfuels créerait ou appuierait près de 500 nouveaux emplois permanents.
Certaines questions se posent dans ce contexte. Premièrement, qui sont les alliés du projet? Le gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse. Deuxièmement, qui sont les opposants? Les premiers ont été la Devco. Pourquoi la Devco? Parce qu'elle considérait le projet de la Synfuels comme une menace à son principal marché monopolistique, celui de la Nova Scotia Power Corporation. La direction de la Devco n'a pas prisé que la SSL insiste pour obtenir le prix du marché international. Le message était le suivant: Si vous construisez votre usine à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse, nous vous vendrons notre produit au prix international, mais nous ne le ferons pas si vous vous installez en Nouvelle-Écosse.
Le deuxième opposant a été le ministère fédéral de l'Énergie, des Mines et des Ressources -- qui s'appelle depuis peu Ressources naturelles Canada. Vous vous demanderez peut-être pourquoi? Pas parce qu'ils doutaient de la faisabilité technique du projet; au contraire, ils nous ont assuré qu'ils étaient satisfaits de la technologie. Ils craignaient que la Scotia Synfuels, ou son projet, n'aggrave la situation sur le marché puisque le raffinage était déjà excédentaire dans la région de l'Atlantique. Ils n'ont accordé aucune importance à l'énorme marché américain ni à l'accès préférentiel des produits pétroliers raffinés sur ce marché à cause de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Nous étions considérés comme des fauteurs de trouble.
Le troisième opposant, d'après moi, est le ministère fédéral de l'Industrie. Les bureaucrates fédéraux estimaient que le Cap- Breton avait eu largement sa part d'éléphants blancs coûteux et financés par les deniers des contribuables et semblaient craindre que le projet de la Synfuels, axé sur le charbon, n'accentue les pressions sur le gouvernement pour qu'il continue à subventionner l'exploitation à perte de la Devco.
Je peux donner des explications plus précises quand vous poserez des questions, mais voilà les trois opposants qui ne nous ont vraiment pas aidés.
En conclusion, j'ai découvert durant cette période que la culture de la Devco en est une de forte dépendance. Ce n'en est pas une d'autosuffisance. La Devco semblait disposée à accepter l'idée qu'elle ne peut pas être concurrentielle en tant que mine souterraine. Mais ce point de vue ne tient pas compte de son avantage géographique, située comme elle l'est en bordure d'océan, ce qui est unique en Amérique du Nord. Elle a des avantages importants du point de vue des coûts de transport par rapport à d'autres houillères en Amérique du Nord. Oui, son charbon contient beaucoup de soufre et oui, ce type de charbon n'est pas un combustible souhaitable dans les centrales thermiques. Mais le charbon du Cap-Breton est de qualité supérieure, comme l'ont déjà fait remarquer le sénateur Buchanan et d'autres. C'est un charbon de qualité supérieure pour la conversion en hydrocarbures liquides non sulfurés, à l'aide de la technologie du cotraitement. Le charbon du Cap-Breton possède un avantage sur les autres charbons sur ce marché.
Enfin, je crois que la SSL a démontré les possibilités de cette nouvelle utilisation, de ce moyen de valoriser une ressource néo-écossaise. Mais le potentiel ne sera exploité que si la culture de la Devco se transforme pour s'orienter vers l'autosuffisance.
Ainsi se terminent mes remarques, monsieur le président.
Le sénateur MacDonald: Monsieur Gillespie, en quelle année la Devco s'est-elle opposée pour la première fois? C'était il y a longtemps?
M. Gillespie: C'était une rengaine. C'était certainement le cas au début des années 90. J'ai eu des discussions et un échange de correspondance avec le président de la Devco au début des années 90, par exemple.
J'ai essayé de les inviter à participer avec nous dans une espèce de consortium. Il me semblait qu'il y avait un nouveau débouché très important pour eux. Mais il n'y a pas eu grand intérêt. Apparemment, la question du prix était importante à leurs yeux. Le président a indiqué qu'ils seraient très intéressés à fournir le charbon, mais mon insistance à l'obtenir à un prix concurrentiel avec le prix international les a refroidis. Mon raisonnement était que si nous devions vendre notre produit sur les marchés internationaux, nous ne pouvions pas payer plus que le prix international pour nous approvisionner en matières premières.
Le sénateur MacDonald: Que faudrait-il maintenant pour faire renaître votre enthousiasme?
M. Gillespie: Il me faudrait voir un fort soutien fédéral, qui a fait défaut jusqu'ici. Ma dernière rencontre avec les fonctionnaires des Ressources naturelles a été une surprise pénible, pour tout dire. Je recherchais l'accord de principe du ministère des Ressources naturelles. La réponse officielle qu'on m'a donnée a été qu'il y avait une capacité de raffinage excédentaire dans la région de l'Atlantique et qu'une usine de combustibles synthétiques ne ferait qu'accroître l'excédent. J'ai fait remarquer que le plus gros marché au monde est à nos portes, dans l'Est des États-Unis. D'ailleurs, on importe plus de produits pétroliers, d'essence et de diesel sur la Côte Est américaine chaque jour que toute la consommation du Canada.
L'un des avantages importants de l'accord de libre-échange pour le Canada était l'accès préférentiel au marché américain. Un produit pétrolier fabriqué au Canada serait considéré comme s'il avait été fabriqué aux États-Unis. Il n'y aurait pas de barrières tarifaires pour empêcher ce produit d'entrer, tandis que les produits pétroliers fabriqués ailleurs devraient surmonter ces barrières.
Je ne peux que supposer, et c'est purement hypothétique, que le ministère de l'Énergie a accepté l'argument de l'industrie pétrolière qu'une capacité de raffinage excédentaire pose des problèmes. Si vous regardez l'évolution de l'industrie du raffinage du pétrole dans l'Est du Canada, elle ne se caractérise pas par l'expansion -- à une exception près, soit celle d'Irving -- mais plutôt par la contraction, par des tentatives en vue d'évincer les indépendants et d'accroître la marge bénéficiaire à la pompe. Une capacité de raffinage excédentaire est considérée comme un fléau.
Le sénateur MacDonald: Je ne comprends toujours pas très bien pourquoi la Devco accepterait cet argument. Pourquoi seriez-vous considérés comme un concurrent? Je ne comprends tout simplement pas.
M. Gillespie: Ils approvisionnaient la Nova Scotia Power Corporation à un prix légèrement supérieur au prix international. Ils pensaient donc ne pas être en mesure de fournir du charbon à un autre client national à un prix inférieur à celui qu'ils exigeaient de leur principal client. C'est pour cette raison qu'ils nous ont considérés comme une menace. Accepter de vendre à un client national au même prix qu'à un client étranger créait trop d'ennuis avec leur principal client.
Le sénateur MacDonald: La situation a-t-elle changé un peu avec la privatisation de la Nova Scotia Power?
M. Gillespie: Je suis convaincu que la situation a changé, mais je ne saurais dire si la Devco approvisionne actuellement la NSPC au prix international. Il est certain qu'elle n'exige pas le même prix que par le passé.
Je signale en passant que j'ai été très rassuré par les propos du dirigeant syndical, M. Drake, et son engagement envers la compétitivité et les profits. C'était très rassurant. Je n'avais jamais entendu cela auparavant. Je ne l'avais pas entendu non plus de la bouche des dirigeants de la Devco.
Le sénateur MacDonald: Il me semble l'avoir entendu de la part des dirigeants de la Devco. Je me demande si je l'ai lu. M. Shannon a fait une remarque en ce sens, n'est-ce pas?
Le sénateur Buchanan: Oui, c'est exact.
Le sénateur Anderson: Je crois comprendre que le projet de la Synfuels exige le cotraitement du pétrole et du charbon. Dans quelle mesure ce procédé de fabrication du pétrole synthétique a-t-il été soumis à des essais? Où en est la société à ce sujet?
M. Gillespie: Il y a certainement eu des essais. Je serai très clair: nous ne prétendons pas que le procédé nous appartient. Nous avons participé avec l'entreprise qui a mis au point le procédé et qui en est propriétaire. Le procédé a été mis au point par une entreprise appelée Hydrocarbon Research Inc., établie à Princeton, qui en est propriétaire. Cette société existe depuis une cinquantaine d'années. Il s'agit d'une adaptation des techniques de valorisation du pétrole brut qu'ils ont exportées dans le monde entier, notamment à l'usine de valorisation de la Husky Oil, en Alberta et en Saskatchewan. C'est une technologie commerciale.
Le sénateur Anderson: Qu'est-ce qui nous prouve que ce procédé pourrait être exploité sur une base commerciale?
M. Gillespie: Nous avons consacré des millions de dollars à des programmes d'essais dans les laboratoires de Hydrocarbon Research, en mêlant du charbon du Cap-Breton à divers pétroles lourds. Par suite de ces essais, nous pouvons affirmer avec confiance que nous produirons un produit de qualité supérieure, un produit à valeur élevée et un produit non sulfuré. Le soufre devient un dérivé. Sur le plan environnemental, c'est une contribution extrêmement positive.
Pour les combustibles thermiques, par exemple, le soufre est un problème très grave. Il y a deux façons d'éliminer le soufre actuellement. On peut recourir au lavage après la combustion ou encore au système du lit fluidisé durant la combustion. Le sénateur Buchanan connaît cette technique puisqu'elle est employée à Port Aconi. Nous pensons qu'il y a une meilleure façon, c'est-à-dire d'éliminer le soufre avant la combustion. Nous produirions donc un combustible non sulfuré.
Le sénateur Anderson: Ce combustible est-il liquide ou solide?
M. Gillespie: Liquide. Il y a deux types de base. On peut produire un combustible destiné au transport, c'est-à-dire des naphtes pour l'essence, le diesel et le mazout ou encore un combustible destiné aux services d'électricité, c'est-à-dire un combustible non sulfuré destiné aux centrales thermiques. Les deux sont possibles, tout dépend de la conjoncture du marché à un moment donné.
Le sénateur Anderson: Merci.
Le sénateur Buchanan: Comme le sait bien M. Gillespie, en ce qui me concerne, il n'a pas de mal à défendre le projet de la Synfuels au comité, parce que le sénateur MacEachen et moi-même avons signé avec lui, Gulf Canada et Nova Scotia Resources le premier accord relatif à ce projet, en 1981, à Port Hawkesbury. La Devco n'était malheureusement pas à la table à ce moment-là, ce que nous trouvions tous bien dommage. Nous étions très en faveur du projet, tout comme Gulf. Malheureusement pour Port Hawkesbury, mais peut-être heureusement pour vous parce que vous avez maintenant la raffinerie, Gulf a fermé sa raffinerie et a cessé de participer au projet de la Synfuels.
Au cours des 15 dernières années, mon appui à ce projet n'a jamais faibli. Au contraire, il s'est renforcé. Au fil des ans, le sénateur MacEachen a continué d'appuyer le projet. Nous appuyons le projet parce qu'il constitue un autre débouché pour le charbon et une autre raison d'ouvrir la mine Donkin, où se trouve du charbon riche en soufre au toit et au plancher. Le projet de la Synfuels pourrait consommer 400 000 tonnes de ce charbon par année, ce qui, ajouté au charbon ne contenant que 1 p. 100 de soufre dans la tranche médiane de la couche, justifie amplement l'ouverture de la mine.
Il y a une dizaine d'années, je suis allé à Trenton, au New Jersey, avec HRI Technologies, Montreal Engineering et Kilborn, des entreprises albertaines qui appuyaient toutes fortement le Cap-Breton, la mine Donkin et le projet de la Synfuels. Ces entreprises ont analysé divers types de charbon provenant de diverses régions en Amérique du Nord et conclu que le charbon de la mine Donkin était le meilleur pour la liquéfaction.
Il ne fait aucun doute que le projet aurait dû aller de l'avant il y a des années, mais il y a toujours eu des bâtons dans les roues. J'ai toujours été d'avis que la bureaucratie ici à Ottawa est le grand responsable. On a mis des bâtons dans les roues parce qu'on était mal informé sur la rentabilité du projet. Je l'ai répété à maintes et maintes reprises, si le projet n'était pas rentable Alastair Gillespie et son groupe ne parviendraient pas à obtenir le financement qu'ils voulaient obtenir, parce que le montant exigé du gouvernement fédéral n'a pas été très élevé au fil des ans. Alastair peut peut-être donner son avis à ce sujet.
En 1991 ou en 1992, j'ai demandé aux fonctionnaires d'EMR quelle était leur objection. Ils ont répondu que la compagnie voulait trop d'argent. Quand ils ont découvert qu'elle n'en voulait pas autant, ils ont prétendu que lorsque le projet aurait démarré, les fonds auraient fini par manquer et que la société se serait empressée de demander l'aide du gouvernement. C'est ridicule. Les sources privées n'investiront pas au début si on leur dit que la société devra ensuite s'adresser au gouvernement pour obtenir du financement supplémentaire.
Vous vous souviendrez peut-être que ces gens ont reculé et admis que c'était peut-être vrai, mais qu'ils devaient examiner une autre proposition. Vous avez probablement fait cette autre proposition, mais nous n'avons jamais plus entendu parler des ministères.
Pourquoi les ministères se sont-ils opposés au projet dans les années 80 et 90?
M. Gillespie: J'ai donné quelques raisons il y a un moment, sénateur. Je vais parler un peu plus en détail du ministère de l'Énergie. Mes remarques se fondent en partie sur des hypothèses, mais aussi sur ma connaissance de l'industrie et sur des conversations que j'ai eues durant ces années.
L'industrie pétrolière canadienne cherche des façons d'accroître ses marges bénéficiaires. C'est un secret de polichinelle. Dans une certaine mesure, elle a contribué à la naissance des indépendants. Elle a eu une capacité excédentaire. Ses propres points de vente ne suffisaient pas pour écouler la production. Elle a vendu cette capacité excédentaire aux indépendants. Puis, il y a quelques années, elle s'est aperçue soudainement qu'elle avait créé sa propre concurrence et a voulu commencer à réduire sa capacité excédentaire. Nous avons donc observé des réductions du raffinage au Canada et des tentatives visant à éliminer les indépendants et à accroître les marges bénéficiaires.
Cela ne fait aucun doute. Certains d'entre eux peuvent affirmer avec une certaine fierté qu'ils ont effectivement accru leurs marges.
L'industrie pétrolière ne voit donc pas ce projet en Nouvelle-Écosse d'un très bon oeil. Ainsi, nos partenaires qui ont redonné vie aux installations de Point Tupper, en réactivant le terminal pétrolier maritime, étaient des pétrolières américaines; des sociétés indépendantes, pas de grandes pétrolières. Ils avaient l'indépendance, la souplesse et le pouvoir de financement nécessaires pour pouvoir se joindre à nous. Je ne pense pas que l'industrie pétrolière canadienne était bien contente, en tous cas, certainement pas les grandes pétrolières canadiennes.
Dans la mesure où Ressources naturelles Canada demande des conseils aux grandes sociétés pétrolières, on peut voir que la position du ministère qu'il existe déjà une capacité de raffinage suffisante en Nouvelle-Écosse été influencée. C'est une position à courte vue et incroyable, mais elle semble avoir été érigée en politique.
Le sénateur Stanbury: Monsieur Gillespie, vous vous souviendrez peut-être qu'il y a de nombreuses années, vous et moi avons tenté de convaincre les Canadiens d'exporter. J'ai eu le plaisir de diriger une ou deux missions commerciales, à votre demande. Nous avons déclenché le mouvement, qui a bien évolué, je crois. Les Canadiens savent désormais à quel point il importe de pouvoir exporter leurs produits.
Jean-Luc Pepin m'a dit un jour: «Les Canadiens n'exportent pas, ils laissent les étrangers importer des produits canadiens». Il me semble que c'est la même chose ici. Ils n'ont tout simplement pas compris l'importance des exportations pour le bien-être de leur industrie.
Je suppose que le hic, c'est que la Devco craint que si elle abaisse son prix pour vous, une autre industrie nationale, la Nova Scotia Power exigera le même prix. Elle a cru que vous pouviez la ruiner, qu'elle perdrait des clients ou de fortes sommes.
Nous avons entendu parler hier et aujourd'hui des baisses du coût de production dans les mines de la Devco. Je pense que le coût est descendu à environ 55 $ la tonne. Le syndicat prévoit qu'il peut descendre à 41 $ la tonne d'ici trois ou quatre ans. Ce coût leur permettra-t-il d'être compétitifs sur le marché international?
M. Gillespie: Je dirais que oui. D'ailleurs, nos calculs reposent sur environ 50 $ CA la tonne. Le prix international du charbon livré était d'environ 40 $ US lorsque nous avons fait nos derniers calculs. Oui, je pense que ce serait concurrentiel. Il aurait été très utile que les dirigeants de la Devco m'assurent qu'ils allaient atteindre ce prix.
Le sénateur Stanbury: Je peux voir que lorsque leur coût était de 77 $ la tonne, ils se seraient dirigés tout droit vers la catastrophe s'ils avaient dû vendre leur produit à 40 $ la tonne. Le volume accru que représente votre projet suffira peut-être pour abaisser leur prix au niveau qui serait compétitif à l'échelle internationale et donc acceptable pour la Nova Scotia Power et pour vous. Le volume supplémentaire dont vous auriez besoin est assez important, si je me souviens bien.
M. Gillespie: Oui, mais vous devez être conscient qu'un autre facteur entre en jeu. La Devco vend près de la moitié de sa production -- pas tout à fait la moitié, mais une portion importante de sa production -- au prix international. Je leur ai fait valoir qu'ils vendaient déjà une grande partie de leur production au prix international. Au lieu de vendre à des étrangers, pourquoi ne pas réduire tout simplement de 400 000 tonnes par année les ventes à ces clients et nous les vendre à nous? Ils ont répondu qu'ils le feraient si nous construisions notre usine à l'étranger.
Le sénateur Stanbury: C'est l'une des oeillères dont je parlais et que nous avons dû combattre il y a de nombreuses années pour essayer de persuader les Canadiens d'exporter à l'étranger.
M. Gillespie: Oui.
Le sénateur Stanbury: Je ne sais pas trop comment vous pouvez vous en sortir sauf que, s'ils voient leurs coûts s'approcher du prix international, ils comprendront peut-être qu'en ajoutant votre volume à leur production actuelle, ils devraient pouvoir devenir tout à fait concurrentiels sur les marchés internationaux, ce qui serait très avantageux pour la population de la Nouvelle-Écosse et aiderait le commerce en général.
Vous ne devriez pas abandonner tout espoir, parce qu'il y a eu un changement très important, d'après ce que nous pouvons comprendre, dans l'attitude de la municipalité et dans l'attitude des syndicats, en ce qui concerne les exportations. Quant à la Devco, ses exportations sont descendues presque à zéro et je ne comprends pas très bien pourquoi. Ils ont besoin du volume tant qu'ils peuvent obtenir un prix raisonnable pour leur produit. Mais si un changement d'attitude est en cours dans la collectivité, le jour approche où votre projet sera un pas logique et où ils pourront voir où ils se situent dans le grand tableau des exportations, ce qui améliorera nettement l'économie du Cap-Breton.
M. Gillespie: Sénateur Stanbury, j'espère que vos souhaits se réaliseront, mais je ne suis pas certain de vivre assez longtemps pour le voir.
Le sénateur Stanbury: Répandre ces idées pourrait peut-être aider un peu.
Le sénateur Buchanan: Le Cap-Breton garde jeune.
Le président: Pour que ce soit clair, vous affirmez que si le Cap-Breton était un pays indépendant, vous n'auriez pas de difficulté à faire avancer votre projet. Je ne recommanderais pas cette solution, c'est évident. Mais si le Cap-Breton voulait se joindre à Terre-Neuve, nous pourrions avoir une économie islandaise.
Le sénateur Graham: Bienvenue, monsieur Gillespie. Je suis avantagé et désavantagé ce soir -- désavantagé parce que je n'ai pas entendu votre exposé et les questions qui ont suivi, mais nettement avantagé parce que je vous connais très bien, et ce, depuis des années. J'ai participé à maintes reprises à vos efforts herculéens pour que le projet de la Synfuels se concrétise. Je me souviens d'un après-midi pluvieux à Sydney où il y avait un grand rassemblement à l'école pour appuyer vos efforts. Il pleuvait si fort que vous aviez chaussé vos bottes de caoutchouc, ce qui est normal, étant donné le genre de produit que vous essayez de fabriquer.
Je le répète, cependant, je suis désavantagé parce que je n'ai pas entendu votre déclaration et les questions qui ont suivi. Cela dit, je connais assez bien le projet et vos efforts. Je vais simplement lire le compte rendu avec beaucoup d'intérêt. J'espère que tout tournera pour le mieux. Nous suivrons les progrès de vos efforts avec grand intérêt et vous donnerons, je l'espère, tout le soutien possible.
Le sénateur Landry: Je voulais poser plusieurs questions au sujet de l'absentéisme, mais les représentants syndicaux ont répondu à la plupart d'entre elles. Ma seule remarque se rapporte à la suggestion du sénateur MacDonald de mettre en place un conseil d'administration compétent. Je pense qu'il faut absolument un conseil d'administration compétent mais que le gouvernement devrait y être représenté. Après tout, si le gouvernement investit dans la Devco, il ne veut pas perdre tout contrôle et toute influence.
Le sénateur Ghitter: Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a publié un rapport en juin 1992 et je suppose que ce qui s'est produit par la suite vous a laissé un goût amer. Je pense toutefois que la conjoncture du marché actuellement confirme peut-être davantage le bien-fondé de votre raisonnement, le prix du pétrole brut étant ce qu'il est, le marché canadien étant ce qu'il est et l'industrie du pétrole et du gaz étant en bonne santé. Ce sont des facteurs positifs, je suppose.
Avez-vous réexaminé votre position depuis votre témoignage au comité sénatorial pour déterminer si la situation s'est améliorée depuis?
M. Gillespie: Je pense qu'il est juste d'affirmer à propos du marché que chaque année qui s'écoule rend le projet et sa viabilité plus positifs. Comme vous l'avez indiqué, les prix du pétrole brut se sont raffermis ces derniers temps. Je ne crois pas que bien des gens pourraient soutenir que les prix du charbon augmenteront plus vite que ceux du pétrole. Je pense qu'à long terme, il y aura un élargissement de l'écart en faveur du pétrole, ce qui favorise des projets comme le nôtre, dont la matière première est le charbon.
Permettez-moi seulement de vous décrire un peu le contexte. Une raffinerie de pétrole ordinaire réalise une marge bénéficiaire d'environ 3,50 $ le baril. Il s'agit du prix du pétrole brut de l'OPEP. Supposons que ce prix soit actuellement de 20 $. Il est peut-être un peu plus élevé. L'OPEP vendra ses produits -- essence, diesel et mazout -- à environ 23,50 $. C'est à peu près le prix du marché actuellement. La marge atteint parfois 4 $, mais 3,50 $ est une bonne moyenne.
Mais le coût de notre matière première est inférieur à 10 $ le baril. C'est le changement vraiment important qui nous a donné un avantage. Si l'on prend du charbon au prix international de 40 $ la tonne et qu'on obtient cinq barils de pétrole, la portion que représente le charbon est 8 $ le baril. Si l'on prend du pétrole lourd qui ne peut pas être raffiné, et c'est le type de pétrole lourd que nous avons importé du Venezuela, et qui coûte 10 $ le baril, on a un coût de moins de 10 $ US le baril pour les deux intrants. Cela veut dire qu'il reste une marge d'au moins 10 $ le baril. On se donne la même marge bénéficiaire de 3,50 $ qu'obtient une raffinerie ordinaire, plus l'autre 10 $. Voilà pourquoi on peut considérer rentable un projet capitalistique de cette nature. Il faut beaucoup de capital, c'est certain, mais parce que la marge est très élevée, le projet devient rentable.
Le sénateur Ghitter: Je suppose que vous soutiendrez que la viabilité dans l'exemple que vous venez de donner serait plus grande que celle de Syncrude ou de Suncorp, compte tenu de ces chiffres.
M. Gillespie: Il n'y a pas de comparaison. L'usine de valorisation de Husky Oil en est un très bon exemple. Ses marges sont une fraction de celles que je viens de vous exposer.
Le sénateur Ghitter: Votre proposition est-elle encore en vie? Où en est-elle actuellement?
M. Gillespie: Je me sens comme un pilote d'avion qui a fait un long vol et qui est sur le point d'atterrir. La tour de contrôle vient de m'ordonner de me mettre en circuit d'attente. J'ai reçu plusieurs messages qui m'ont mis sur ce circuit d'attente. Je ne suis pas certain de pouvoir atterrir.
Le sénateur Ghitter: Vous craignez une panne de carburant?
M. Gillespie: Oui, je manque de souffle. Je ne rajeunis pas.
Le président: Ce n'est pas évident.
M. Gillespie: Nous avons essayé d'effectuer un atterrissage et d'acheter une raffinerie de Dartmouth, la raffinerie du passage de l'est. Nous avons essayé de l'acheter lorsqu'Ultramar l'a mise en vente. L'endroit aurait été idéal pour nous, parce que c'était une raffinerie en exploitation. Cela nous aurait permis de réduire considérablement les dépenses en immobilisations parce que nous aurions pu bâtir une usine de combustibles synthétiques juste à côté et intégrer les deux. Nous n'avons pas réussi. Nous en avons été empêchés par les dispositions du budget fédéral de 1994 sur les crédits d'impôt à l'investissement, qui ont rendu un investissement dans Point Tupper moins intéressant.
Le projet de Dartmouth avait l'air intéressant. Nous avons essayé mais n'avons pas réussi. Nous examinons maintenant d'autres endroits à l'extérieur de la Nouvelle-Écosse. Je ne peux pas en dire plus pour le moment.
Le sénateur Ghitter: Je suppose que votre dossier n'est pas actif au ministère à Ottawa.
M. Gillespie: Il l'est en un sens, parce que nous essayons de faire clarifier la politique du gouvernement. Je me suis rendu au ministère de l'Industrie ce matin justement pour en discuter.
Le sénateur Ghitter: J'ai parlé d'un goût amer. Vous a-t-il été laissé par votre prêt de 260 millions de dollars sans intérêt? Cela fait-il partie du processus.
M. Gillespie: C'est tombé à l'eau il y a des années.
Le sénateur Ghitter: Il en est question dans ce rapport.
M. Gillespie: Nous n'avons jamais effectué nos travaux grâce à des subventions gouvernementales, par exemple. Nous nous sommes penchés sur les crédits d'impôt à l'investissement qui nous obligeaient à trouver tout le financement par nos propres moyens, dépenser ces fonds et faire démarrer l'usine avant d'y avoir droit, mais tout est tombé à l'eau à cause du budget de 1994.
Le sénateur Buchanan: Je veux revenir sur une remarque de M. Gillespie. Ce qui est intéressant à propos du projet, comme il l'a déclaré, c'est que le groupe Synfuels était disposé à trouver le financement dans le milieu financier. Comme on dit au Cap-Breton, si vous voulez faire de l'argent, il faut avoir l'usine pour en faire. Sans usine, il n'y a pas d'argent et pas d'impôt. C'est un raisonnement difficile à faire accepter ici à Ottawa.
Ils étaient prêts à construire l'usine, à y investir, puis à demander un crédit d'impôt. S'il n'y a pas d'usine, le gouvernement ne percevra aucun impôt, de toutes façons. Si l'usine existe, il n'en percevra peut-être pas pendant un certain temps, mais il finira par en percevoir.
Le gouvernement fédéral gagnerait donc sur tous les plans. Le projet ne lui coûterait pas très cher, parce que le financement viendrait du secteur privé, et on utiliserait 400 000 tonnes de charbon du Cap-Breton qui, pour le moment contient trop de soufre pour les besoins de la Power Corporation, parce que nous avons signé dans les années 80 des ententes environnementales qui obligent la société à utiliser du charbon pauvre en soufre. Alors la vente du charbon riche en soufre serait très avantageuse pour la Devco. Je ne peux pas comprendre. Le gouvernement gagnerait sur tous les plans.
Le sénateur Stanbury: Ils ont des oeillères.
Le sénateur Buchanan: Oui, ils ont des oeillères et depuis longtemps chez les bureaucrates à Ottawa. Je me souviens, dans les années 80, nous avons envoyé des représentants ici pour leur parler; nous avons envoyé notre ministre des Mines et notre ministre du Développement -- je suis même venu en personne -- et ils ont tous déclaré que le projet n'était pas faisable. Même lorsque nous leur avons prouvé le contraire, ils étaient encore contre. Je suppose qu'ils le sont encore, monsieur Gillespie.
M. Gillespie: Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration, l'impression que m'a donnée le ministère de l'Industrie est que le Cap-Breton avait eu plus que sa part d'éléphants blancs et qu'ils craignaient deux choses: premièrement, que nous devenions un éléphant blanc, je suppose: et deuxièmement, que, même si nous réussissions à trouver le financement par nous-mêmes, une fois en place...
Le sénateur Buchanan: Vous auriez dû faire vivre l'éléphant blanc, pas eux.
M. Gillespie: Ils craignaient peut-être qu'une fois les installations en place, des pressions se seraient exercées sur le gouvernement pour qu'il continue de les faire fonctionner. Je ne sais pas s'ils ont raisonné ainsi, mais je sais qu'ils ont cru que s'ils appuyaient notre projet, ce serait une autre raison de continuer d'appuyer la Devco et je pense que bien des bureaucrates, pour être franc, n'étaient pas du tout intéressés à ce que la Devco survive.
Le sénateur Buchanan: Vous avez mis le doigt sur le bobo!
Le sénateur Graham: Puis-je poser une question supplémentaire? Je suis désolé d'être arrivé en retard mais mes fonctions de leader à la chambre m'ont retenu là-bas, puisque nous avons siégé tard cet après-midi. Je suis désolé pour la United Mine Workers et les autres syndicats qui sont venus témoigner. J'espérais pouvoir venir mais mes responsabilités m'en ont empêché et mes collègues d'en face comprendront pourquoi.
Je m'interroge, monsieur Gillespie, au sujet de l'approvisionnement en charbon. Le sénateur Buchanan a déclaré que vous en utiliseriez 400 000 tonnes et je suis d'accord avec lui, parce que, si je comprends bien la proposition, lorsque vous avez commencé il y a des années et qu'il y avait un crédit d'impôt pour l'investissement au Cap-Breton, vous auriez trouvé le financement, financé l'entreprise et fait démarrer l'usine avant que le crédit ne s'applique. C'est ce que vous avez déclaré au sénateur Buchanan. C'est ce que j'ai compris. Vous avez commencé à trouver le financement par vous-mêmes et ce que vous demandiez, au fond, c'était le crédit d'impôt.
Il y avait deux autres facteurs, si je me souviens bien. Vous demandiez des fonds pour réaliser une autre étude de faisabilité qui s'imposait, et vous pourriez peut-être donner des précisions à ce sujet. L'autre facteur était le prix à payer pour obtenir les 400 000 tonnes dont vous aviez besoin. Si je comprends bien, la source serait la mine Donkin. Le coût de l'ouverture de la mine Donkin a-t-il été une pierre d'achoppement? Il y a deux questions.
Le sénateur Buchanan: Pas nécessairement le coût de la mine Donkin, mais le coût du charbon de la mine Donkin.
Le président: La question s'adressait à M. Gillespie.
M. Gillespie: Quelle était la première question?
Le sénateur Graham: A-t-on demandé des fonds pour financer une autre étude de faisabilité?
M. Gillespie: Oui. C'est exact.
Le sénateur Graham: Combien aurait-il fallu? La deuxième question est la suivante: les autorités fédérales ont-elles invoqué l'argument du coût prohibitif, comme elles l'auraient qualifié, de l'ouverture de la mine Donkin pour vous approvisionner en charbon?
M. Gillespie: Je répondrai d'abord à votre deuxième question, sénateur. Je n'ai jamais déclaré qu'il était essentiel, du point de vue du projet de la Synfuels, que la mine Donkin soit ouverte. J'ai cru que cette décision revenait à la Devco. Comment la Devco nous aurait approvisionné et d'où serait venu le charbon n'intéressait que la Devco. Nous avons soumis les divers charbons à des essais et ils convenaient tous. En ce qui me concerne, la mine Donkin n'a jamais été un problème.
En 1992, le gouvernement fédéral a conclu une entente avec la province de la Nouvelle-Écosse et avec la Scotia Synfuels pour participer aux derniers travaux de préconstruction, de génie et de faisabilité, ce qui représentait un programme d'environ 15 millions de dollars. Les coûts étaient partagés en trois parts égales. La province versait un tiers du montant. Le gouvernement fédéral en promettait un tiers. La Scotia Synfuels fournissait l'autre tiers. C'était le financement le plus risqué dont nous avions besoin, parce que nous ne savions pas s'il y aurait un projet, au bout du compte. L'entente a été conclue sur cette base.
Nous avons attendu un an. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, M. Cameron, est venu me voir et m'a dit: «Vous avez assez attendu. Êtes-vous prêts à faire démarrer la première phase en partageant les frais en deux, sans la participation du gouvernement fédéral?» La première phase représentait une dépense d'environ 1,5 million de dollars. Je lui ai répondu: «Oui, à condition que la province s'engage avec le gouvernement fédéral pour le reste des travaux, si les résultats sont positifs.»
Le gouvernement fédéral n'a jamais tenu sa promesse. Nous avons effectué ces travaux avec la province de la Nouvelle- Écosse. Nous avons remporté des succès en utilisant le pétrole brut vénézuélien Boscan.
C'est une assez longue réponse à votre question, sénateur. Lorsque le nouveau gouvernement a pris le pouvoir, nous avons réitéré la demande. Mais le nouveau gouvernement a décidé à ce moment-là de s'engager dans un grand programme de compressions des dépenses. Il n'était pas prêt à tenir la promesse du gouvernement précédent.
Le président: Monsieur Gillespie, merci beaucoup d'être venu nous voir et de nous avoir parlé d'une idée et d'un projet intéressant mais très frustrant. Il ne fait aucun doute que nous en entendrons encore parler. Nous le considérerons très sérieusement, c'est certain. Nous ferons rapport à ce sujet.
M. Gillespie: Merci beaucoup de votre intérêt, monsieur le président. Je l'apprécie beaucoup. Je suis certain que le compte rendu contribuera à informer les gens, peut-être même à les sensibiliser.
Le président: Nous en enverrons un exemplaire au ministère des Ressources naturelles.
La séance est levée.