Délibérations du comité sénatorial spécial
sur
la Société de développement du Cap-Breton
Fascicule 4 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 6 juin 1996
Le comité sénatorial spécial sur la Société du développement du Cap-Breton se réunit aujourd'hui à 13 heures pour poursuivre son examen du rapport annuel et du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous souhaitons la bienvenue au premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Savage, qui est accompagné de l'honorable Robbie Harrison, ministre responsable de la Nova Scotia Economic Renewal Agency, de Russell MacNeil, député provincial, Cape Breton Centre, et de Manning MacDonald, député provincial, Cape Breton South. Messieurs, nous sommes très heureux que vous soyez venus vous adresser à nous aujourd'hui.
Si vous voulez bien, monsieur Savage, je vais vous donner la parole pour votre déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons quelques questions.
L'honorable John P. Savage, premier ministre de la Nouvelle-Écosse: Merci, monsieur le président. Nous sommes très heureux de pouvoir nous adresser à vous aujourd'hui au sujet de Devco. Comme vous pouvez le constater, je suis accompagné de personnes qui représentent la Nova Scotia Economic Renewal Agency, qui attache beaucoup d'importance à l'avenir de la région du Cap-Breton, et de deux députés provinciaux de la région, pour qui l'avenir de Devco est évidemment une question primordiale.
Je voudrais dire dès le départ que je ne suis pas ici pour vous proposer une évaluation technique des perspectives financières de la Société de développement du Cap-Breton, ni pour évaluer la manière dont elle envisage l'avenir des charbonnages. Je crois comprendre que vous avez déjà accueilli des spécialistes de ces questions, qui vous ont présenté leur analyse technique de la situation.
Pour ma part, j'ai plutôt l'intention de vous dire ce que pense le gouvernement de la Nouvelle-Écosse de la Société de développement du Cap-Breton, que tout le monde connaît sous le nom de Devco, et surtout de l'avenir économique du Cap-Breton industriel.
Comme vous le savez, la Nouvelle-Écosse vient de connaître de sérieuses difficultés économiques. Celles-ci peuvent en grande mesure être attribuées à l'énormité de la dette publique accumulée au cours des années et dont mon gouvernement a pris l'exacte mesure lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 1993. À ce moment-là, notre déficit était d'environ un demi-milliard de dollars. Notre dette totale était de l'ordre de 6 à 7 milliards de dollars, selon la manière dont on l'évaluait.
Je suis heureux de pouvoir dire que le gouvernement provincial aura cette année un budget total équilibré, ce qui tient compte à la fois du budget de fonctionnement et du remboursement de la dette, et ce, pour la première fois en 25 ans. Grâce aux mesures sévères mais judicieuses que nous avons été obligés d'adopter, nous avons réussi à reprendre la maîtrise de la situation et à éviter la tempête budgétaire qui s'annonçait, laquelle aurait causé de sérieuses difficultés à une petite province comme la nôtre.
Nous avons résisté à la crise et je peux dire que nous faisons preuve aujourd'hui d'un optimisme prudent. Ces termes sont d'ailleurs ceux que nous avions utilisés pendant un certain temps au sujet de Mobil Gas, à l'égard de laquelle nous avions une attitude d'optimisme prudent ou de prudence optimiste. Nous avons la conviction d'avoir franchi les écueils les plus difficiles et de pouvoir envisager pour la Nouvelle-Écosse une certaine période de prospérité et d'expansion. Nous croyons que notre économie va pouvoir se développer en attirant les investissements nécessaires pour créer de nouveaux emplois. Les dernières statistiques dont nous disposons justifient notre optimisme. Je songe en particulier aux 3 milliards de dollars qui seront investis dans la province dans le cadre du projet Mobil d'exploitation de gaz naturel en haute mer, des 650 millions de dollars que produira la construction de l'usine de pâtes et papiers de Stora Cupleborg, et des autres capitaux qui résulteront de plusieurs autres investissements. Tout cela nous permet d'envisager l'avenir de la province avec confiance.
Je dois cependant convenir, monsieur le président, que nous ne sommes pas encore totalement sortis du bois. Dans les Maritimes, l'expansion économique a tendance à être un processus assez lent. Je devrais d'ailleurs plutôt parler des provinces de l'Atlantique, par respect pour le président. Quoi qu'il en soit, cela veut dire qu'il y a trop de Néo-Écossais qui ne peuvent trouver du travail. À l'heure actuelle, notre économie fait face à beaucoup de problèmes, qui ne sont pas seulement d'ordre financier. Ainsi, les habitants du sud-ouest connaissent des problèmes dans le secteur de la pêche, font face à la clôture des bases militaires et sont confrontés à l'élimination d'un service de traversiers, en hiver, qui était jusqu'à présent assuré par le Bluenose de Marine Atlantic. Pour ce qui est du Cap-Breton, ses habitants font face à la réforme de l'assurance-chômage, dont l'incidence est atténuée par les trois amendements qui ont été adoptés récemment, aux problèmes de la pêche et, bien sûr, à la compression des effectifs chez Devco.
Il est vrai que l'économie de l'île a beaucoup changé au cours des 35 dernières années. En 1961, cinq personnes sur dix travaillaient dans le secteur de production -- essentiellement le charbon, l'acier et le poisson. Je voudrais partager avec vous une idée que j'ai glanée il y a quelques années en lisant les articles de Lorna Innis, journaliste qui parlait de ce qu'était autrefois la vie au Cap-Breton. En 1962, c'était le Cap-Breton qui était la région de l'Atlantique où l'on trouvait les salaires les plus élevés, le plus de prospérité et les meilleures possibilités d'emploi. En moyenne, les salaires étaient largement plus élevés qu'à Halifax, à Fredericton et à Saint-Jean, grâce aux aciéries et aux charbonnages.
C'est quelque chose de très intéressant. À l'époque, 11 000 personnes travaillaient dans les charbonnages et près de 6 000 dans les aciéries. Depuis lors, les effectifs ont beaucoup diminué dans ces deux secteurs et ce n'est pas fini.
Aujourd'hui, huit habitants sur 10 du Cap-Breton travaillent dans le secteur des services, et ce sont donc plus les charbonnages et les aciéries qui fournissent la majeure partie de l'emploi. Les secteurs de croissance sont la technologie de pointe et le tourisme. Ce serait cependant folie d'en conclure que le charbon n'a plus aucun rôle à jouer dans l'économie du Cap-Breton industriel. De fait, nous avons la conviction que le charbon restera un secteur vital de la prospérité à long terme de l'île.
Devco a été pendant des années une source stable de nombreux emplois offrant des salaires supérieurs à la moyenne. Aujourd'hui, la région du Cap-Breton ne pourrait tout simplement pas absorber tous ses effectifs dans d'autres secteurs, en offrant des salaires comparables. En outre, si l'on essayait d'assurer une telle reconversion dans la précipitation, cela perturberait profondément l'économie d'une province qui est déjà en sérieuse difficulté. Ce sont ces facteurs, conjugués aux retombées économiques des emplois offerts par Devco, qui font de cette société d'État l'un des principaux piliers de l'économie insulaire.
Il ne faudrait pas non plus négliger l'effet psychologique que pourrait avoir toute modification brutale du statut de Devco. La disparition de cette entreprise, qui a été pendant si longtemps un facteur crucial de l'économie provinciale, amènerait les gens du Cap-Breton à perdre toute confiance dans leur avenir et dans celui de leur collectivité. Cette attitude rendrait beaucoup plus incertain tout espoir de relance économique. N'oublions pas que, même avec des prévisions d'abolition de 658 emplois sur cinq ans -- près du tiers des 2 100 employés actuels de Devco -- la société d'État fédérale restera quand même le premier employeur du Cap-Breton industriel.
Il faut également comprendre que, malgré l'expansion du tourisme et de la technologie de pointe, l'économie du Cap-Breton est devenue en fait encore plus tributaire du gouvernement, et non pas moins. Dans les divers comtés de la région, la proportion d'emplois qui dépendent du gouvernement varie entre 22 p. 100 et 30 p. 100. Le chômage dépasse 20 p. 100 et, chez les jeunes, il atteint parfois 34 p. 100, ce qui est tout à fait inacceptable. Cette situation ne pourra être corrigée du jour au lendemain, et les changements dramatiques qu'imposerait la fermeture de Devco ne feraient qu'exacerber cette dépendance.
C'est pour toutes ces raisons que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse appuie les efforts déployés pour assurer la survie de Devco. C'est pour cela aussi qu'il félicite tous ceux qui contribuent à cette campagne, comme l'honorable David Dingwall.
Le gouvernement néo-écossais estime que c'est le plan de cinq ans proposé par le gouvernement fédéral qui a les meilleures chances de succès, non seulement pour assurer la rentabilité des mines de charbon mais aussi pour stabiliser l'économie du Cap-Breton et assurer son épanouissement. L'un des objectifs primordiaux du gouvernement de la Nouvelle-Écosse est de stabiliser l'économie de l'île, pour qu'elle puisse se redresser.
Voici un fait intéressant que vous ne connaissez probablement pas: jusqu'en décembre 1995, les gens d'affaires du Cap-Breton ont connu certains succès en matière de création d'emplois. Ces dernières années, quelque 5 000 nouveaux emplois ont été créés dans l'économie de l'île -- trois ou quatre ici, quatre ou cinq là -- essentiellement dans le secteur des petites entreprises, par l'expansion de celles qui existent ou par la création de nouvelles.
En conséquence, le taux de chômage a commencé à baisser. À Noël 1995, il était de l'ordre de 15 p. 100. Certes, c'est encore beaucoup trop élevé, mais c'est quand même un signe de progrès puisqu'il était de 25 p. 100 lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1993. Ce qui est encore plus encourageant, c'est que ce progrès a été réalisé par les petites entreprises, surtout dans le secteur du développement industriel, et dans certains secteurs qui constituent un atout naturel pour la région du Cap-Breton.
Malheureusement, le taux de chômage est récemment remonté à 22 p. 100 environ. Ce chiffre n'est pas garanti car nous n'avons pas eu le temps d'obtenir des données précises avant de venir, mais il s'agit là d'une rechute qui est liée aux problèmes de Devco et à la réforme de l'assurance-chômage, bien que l'incidence de celle-ci ait été atténuée par les trois articles qui ont été ajoutés au projet de loi avant son adoption finale. En outre, la situation a été aggravée par nos propres compressions budgétaires, dont nous assumons pleinement la responsabilité, puisque le programme de compressions mis en oeuvre par notre gouvernement a eu des effets sur toutes les régions de la province.
Après avoir analysé la situation, les spécialistes de notre ministère du Renouveau économique nous ont dit que la province risquait de perdre à très brève échéance jusqu'à 3 600 emplois et 170 millions de dollars de revenus. Autrement dit, les gains obtenus ces deux dernières années en matière d'emploi ont été annulés et l'économie du Cap-Breton part en déliquescence. En outre, les habitants du Cap-Breton qui sont touchés par la compression des effectifs de Devco ont un profond sentiment d'échec.
Face à cette situation tout à fait inacceptable, notre gouvernement a décidé de réagir. Nous avons d'abord communiqué l'urgence de la situation au premier ministre canadien, avec qui j'ai personnellement traité de la question à deux reprises. À notre avis, deux mesures s'imposaient. Premièrement, nous voulions l'assurance que le gouvernement fédéral était résolu à préserver Devco. Deuxièmement, nous avions besoin que certaines modifications soient apportées à la réforme de l'assurance-chômage. C'est avec plaisir que nous avons vu le gouvernement fédéral répondre favorablement à ces deux demandes.
Nous ne pouvions cependant nous contenter de demander l'aide du gouvernement fédéral. Il fallait aussi que notre propre gouvernement mobilise ses ressources pour faire face aux problèmes économiques du Cap-Breton. Nous avons donc consacré de longues heures à dresser un plan d'action pour l'île, essentiellement sous la direction de M. Robbie Harrison, le ministre du Renouveau économique. Certaines parties de ce plan sont déjà en application, grâce à l'action des agences de développement régional du Cap-Breton et à la Division du développement économique communautaire de notre agence de renouveau économique. En outre, notre Division des services stratégiques s'est également penchée sur un mécanisme destiné à tirer le meilleur parti possible des occasions d'expansion économique du Cap-Breton.
Ce plan n'aura cependant aucune chance de succès si la situation ne se stabilise pas à Devco. À cet égard, cependant, nous restons en grande mesure à la merci du gouvernement fédéral. La province de la Nouvelle-Écosse n'a pas l'argent nécessaire pour financer le plan quinquennal de Devco. Je m'empresse cependant d'ajouter -- ce qui ne figure pas dans le texte de mon intervention qui vous a été remis -- que la Nouvelle-Écosse fournit des services aux grandes entreprises de la province et que Devco est admissible comme toutes les autres à ce que nous pouvons offrir à ce chapitre. Mon collègue, Robbie Harrison, qui est responsable de l'agence de renouveau économique, pourra vous donner des précisions à ce sujet pendant la période des questions.
L'an prochain, nous perdrons 130 millions de dollars de paiements de transferts fédéraux, essentiellement dans le secteur des services sociaux. De ce fait, et considérant que nous avons remis de l'ordre dans nos finances en faisant de nombreux sacrifices, il nous sera déjà difficile d'assumer nos responsabilités actuelles et il serait tout simplement impensable que nous en assumions de nouvelles.
Pendant toute leur histoire mouvementée, les mines de charbon du Cap-Breton ont été données en exemple à la fois des excès de l'entreprise privée quand elle n'est pas contrôlée et des erreurs commises par le secteur public en matière de développement régional. À notre avis, aucune de ces deux thèses ne joue un rôle constructif dans la situation critique d'aujourd'hui. Le problème n'est pas de disséquer ce qui s'est fait autrefois mais d'assurer la survie d'une industrie importante pour l'économie néo-écossaise. Les charbonnages du Cap-Breton sont aujourd'hui dans une situation critique et leur disparition est quasiment assurée à très brève échéance si l'on ne parvient pas à rétablir rapidement leur rentabilité, de manière moderne, sécuritaire et responsable.
Le syndicat des mineurs craint que Devco ne finisse par être privatisée. Certes, il se peut fort bien que cette option finisse par intéresser le gouvernement fédéral, considérant l'état de ses propres finances. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse regretterait que les mines passent sous le contrôle du secteur privé, tout comme il a regretté que le CN ait vendu la voie Truro-Sydney à des intérêts privés.
À notre avis, cependant, le système de propriété de l'entreprise n'est pas la question primordiale, pour autant que l'entreprise concernée, qu'il s'agisse de la voie ferrée Truro-Sydney -- qui fait d'excellentes affaires aujourd'hui, comme la plupart d'entre vous le savez -- ou des mines de charbon du Cap-Breton, continue de jouer son rôle crucial au sein de l'économie. En dernière analyse, ce sont les résultats de l'entreprise qui comptent.
Nos intérêts provinciaux sont parfaitement conformes aux intérêts économiques du Cap-Breton industriel. Nous voulons la prospérité de l'industrie du charbon du Cap-Breton. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous sommes prêts à accepter d'assurer le développement économique de ces mines à n'importe quel prix. Quel que soit le système de propriété des mines -- privé, public ou mixte -- l'essentiel est que les propriétaires agissent de manière responsable, qu'ils traitent correctement les travailleurs et qu'ils assurent avant tout leur sécurité. Sachez bien qu'il n'y aura pas d'autres Westray sous notre gouvernement.
À cette étape, la question de la propriété future des mines de charbon est secondaire pour le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. En effet, si les mines ne sont pas rentables, personne n'en sera propriétaire.
Une crise comme celle que traverse actuellement Devco peut être très utile pour amener l'employeur et les employés à prendre vraiment conscience de la situation. Le plan de cinq ans remet tout à fait clairement la responsabilité des opérations aux deux parties, ce qui est tout à fait normal. C'est comme cela que les choses doivent se faire.
Nous savons que des emplois seront sacrifiés dans le processus de restructuration, notamment dans les opérations de surface assurées par les services ferroviaires, les services de lavage du charbon et les services de transport. Bien que cela ne soit certainement une bonne nouvelle pour personne, nous constatons que les employés touchés seront traités équitablement dans le cadre du plan de cinq ans puisque 121 postes environ seront abolis grâce aux départs naturels, 154 autres seront abolis au moyen d'incitations au départ, et 383 disparaîtront par le truchement de deux campagnes de retraite anticipée. Monsieur le président, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, malgré ses réticences, convient que la compression des effectifs est inévitable si l'on veut que l'entreprise ait une vraie chance de survie.
En vertu du plan de cinq ans, la mine Prince restera ouverte 12 mois par an pour produire environ un million de tonnes par an. À mesure que ses coûts de production baisseront, on envisagera d'accroître cette quantité. Dans le plan d'origine de l'entreprise, la mine Prince ne devait fonctionner que quatre mois par an pour produire un maximum de 400 000 tonnes de charbon -- juste assez pour approvisionner la centrale électrique de la Nova Scotia Power Inc. à Point Aconi. Il est clair que le plan de cinq ans est largement préférable. En vertu de ce plan, les deux mines, Phalen et Prince, seront exploitées en continu.
En outre, on n'abandonnera pas les marchés étrangers, qui joueront un rôle plus important que prévu à l'origine pour assurer la stabilité financière de Devco. C'est une bonne nouvelle.
Je puis vous dire, monsieur le président, que j'ai constaté, lors d'un voyage que j'ai fait en février, que Cuba s'intéresse beaucoup au charbon du Cap-Breton. Certes, ce n'est pas le prix de notre charbon qui l'intéresse mais les choses peuvent se discuter. J'ai d'ailleurs constaté le même intérêt dans d'autres pays où je me suis rendu, et nous pensons que c'est là un changement très positif qui résulte du deuxième plan.
Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est également très impressionné par les mécanismes de participation des employés que l'on trouve dans ce plan. Cela augure bien de l'établissement de nouvelles relations, plus positives, entre l'employeur et les syndicats. Les responsables du plan ont pris un engagement très ferme à l'égard d'un programme de gestion de la qualité, ce qui est une excellente initiative. Chaque employé devra accepter la responsabilité de son propre régime de retraite. On prévoit par ailleurs des horaires de travail flexibles, des possibilités d'affectations interprofessionnelles et de formation en gestion et en supervision, le recours à la technologie de multi-accès et un programme de gestion de la qualité.
Pour le gouvernement fédéral, l'avantage du plan est la promesse que les activités de Devco seront préservées grâce à des prêts remboursables plutôt qu'à des subventions pures et simples. Dans le marché d'aujourd'hui, Devco devra réduire ses coûts de production pour pouvoir faire concurrence au charbon étranger, au gaz naturel et à l'électricité. L'avenir des mines de charbon du Cap-Breton dépend de leur compétitivité, ce qui vaut pour n'importe quelle industrie. En dernière analyse, le succès d'une entreprise dépend de ses travailleurs et de ses gestionnaires, pas du gouvernement.
Votre comité sénatorial peut aider la province de la Nouvelle-Écosse en remettant le plus rapidement possible Devco sur le chemin de la compétitivité. Nous croyons que le plan de cinq ans approuvé par le gouvernement fédéral va dans ce sens. L'avenir économique de la Nouvelle-Écosse sera meilleur si vous pouvez offrir une aide quelconque pour inciter Devco et son personnel à assurer le succès du plan. Il est tout à fait probable que c'est la dernière chance qui s'offre à Devco.
Monsieur le président, je vous remercie de votre attention. M. Harrison et moi-même seront très heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur le premier ministre Savage, pour un exposé exhaustif, équilibré et néanmoins très optimiste. Nous sommes très heureux de la position que vous avez exprimée devant le comité et je suis sûr que la période des questions sera très intéressante.
Peut-être devrions-nous cependant donner d'abord la parole à M. Harrison, qui a sans doute des précisions à apporter? Ensuite, nous pourrons passer aux questions. Je vois que vous êtes accompagné de votre «Équipe Cap-Breton».
M. Savage: Oui, c'est l'Équipe Cap-Breton.
Le président: Nous avons notre propre Équipe Cap-Breton dans cette salle. De fait, les sénateurs présents autour de cette table constituent ensemble une véritable mine de connaissances et d'expérience. Je suis sûr que le débat sera très intéressant. Donnons cependant d'abord la parole à M. Harrison.
L'honorable Robbie Harrison, ministre responsable de la Nova Scotia Economic Renewal Agency: Merci, sénateur Rompkey. Il est important que vous ayez parlé de l'Équipe Cap-Breton. Il y a dans notre pays certaines régions qui ont la masse critique pour se débrouiller toutes seules, et puis il y en a d'autres qui n'ont pas cette masse critique mais qui font partie d'un réseau critique, ce qui est notre cas.
La solution du problème de Devco, c'est-à-dire la prospérité économique de l'île et des provinces de l'Atlantique, réside dans notre aptitude à tirer pleinement parti de notre capacité de maillage critique. Nous ne pourrons nous en sortir que si nous avons l'esprit d'équipe. La collectivité, les cadres et les employés de Devco devront tous apporter leur contribution pour assurer le succès de la dernière chance qui est offerte à Devco de rester un élément crucial de l'économie du Cap-Breton.
Les entreprises implantées en Nouvelle-Écosse -- et vous savez qu'il y a beaucoup d'entreprises locales et multinationales, Devco étant certainement l'une des plus grandes -- bénéficient de toutes sortes d'avantages concurrentiels du fait de leur emplacement dans la province. Ne serait-ce que sur le plan de l'harmonisation et du crédit d'impôt sur les intrants, Devco obtient un avantage extrêmement utile.
Le fait que la province parvienne à rééquilibrer ses finances offrira sur le plan fiscal un avantage considérable à toutes les entreprises. De même, le fait que nous ayons pu réformer le régime d'indemnisation des accidents du travail aura des effets positifs sur toutes les entreprises qui feront des efforts sérieux en matière de sécurité.
Les entreprises de la Nouvelle-Écosse bénéficient de crédits d'impôt en matière de recherche et de développement qui sont parmi les plus généreux au pays, et elles recueillent les fruits des missions commerciales que nous organisons pour avoir accès à de nouveaux marchés -- que ce soit au Nouveau-Brunswick pour le charbon du Cap-Breton ou dans les pays étrangers. En outre, le gouvernement provincial collabore avec le gouvernement fédéral à l'élaboration d'un nouveau plan de diversification économique qui sera annoncé pour toute la province.
Vous devez savoir aussi que nous sommes le chef de file des provinces de l'Atlantique en ce qui concerne les centres financiers. La contribution de 180 millions de dollars ne profite pas seulement au Cap-Breton et à la Nouvelle-Écosse, mais fait partie intégrante de la prospérité économique de tout l'Est canadien. Du point de vue de la formation professionnelle et du recyclage, de la gestion de la qualité, des normes ISO 9000, il y a beaucoup d'avantages pour une entreprise à s'implanter en Nouvelle-Écosse. Devco, qu'elle soit sous propriété publique ou, plus tard, comme le dit le premier ministre, sous propriété privée ou mixte, bénéficiera comme toutes les autres entreprises des services essentiels que peut fournir le gouvernement provincial.
Je reviens donc à mon point de départ: le pays a besoin de régions qui constituent une masse critique pour assurer sa prospérité, et ces régions ont besoin d'agir en réseau. Certaines des plus grandes innovations canadiennes sont venues de régions à faible densité de population, et ce sont elles qui ont permis à certains secteurs d'être plus compétitifs. L'objectif du pays doit être d'assurer sa compétitivité internationale.
Devco fait partie de la masse critique industrielle de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement provincial fera tous les efforts possibles pour s'assurer qu'elle bénéficie de tous les avantages possibles.
Le sénateur Murray: Comme vous le savez, monsieur Harrison, la centrale électrique du Nouveau-Brunswick, sur la côte nord, achète des quantités considérables de charbon en Colombie. Je n'ai pas tout à fait compris votre argumentation mais vous pourriez peut-être nous expliquer en détail l'aide que le gouvernement provincial pourrait consentir à Devco pour lui permettre de vendre du charbon du Cap-Breton à cette centrale électrique, afin de la rendre plus compétitive.
M. Harrison: Je peux peut-être vous donner un exemple tiré de la mission Équipe Canada dirigée par le premier ministre. À cette occasion, suite aux contacts pris en Indonésie, Devco a été invitée à fournir des conseils techniques. Vous aurez pu constater que les mineurs ont déclaré, pendant la période de consultation, qu'ils ont la conviction, que partage l'entreprise, que Devco pourrait développer ses exportations. En effet, certains pays ont besoin du savoir-faire technique et des compétences que possède Devco dans le secteur des charbonnages.
Que les marchés futurs se trouvent au Nouveau-Brunswick ou à l'étranger, il est incontestable qu'il y a des possibilités d'exportation du charbon et du savoir-faire du Cap-Breton. D'ailleurs, l'entreprise a exporté environ 1,2 million de tonnes de charbon en 1992-1993, si je ne me trompe. Il faut tenir compte aussi du partenariat avec le gouvernement provincial. Qu'il s'agisse de vendre des matériaux de construction au Japon, ce qui nous rapporte des millions de dollars, ou de vendre du charbon au Nouveau-Brunswick ou à l'étranger, la province est déterminée à faire tout son possible, en association avec le gouvernement fédéral, pour garantir que les entreprises néo-écossaises qui sont capables d'exporter aient la possibilité de le faire.
Le sénateur Murray: À l'heure actuelle, examinez-vous précisément cette question de vente de charbon du Cap-Breton au nord du Nouveau-Brunswick?
M. Harrison: Je crois que vous devriez poser cette question à M. Shannon qui a dit que Devco avait l'intention d'étudier sérieusement tous les nouveaux marchés potentiels de charbon du Cap-Breton, que ce soit dans les autres provinces ou à l'étranger. Pour ma part, je puis tout simplement vous dire que, si Devco demande une aide quelconque à la province pour faciliter l'accès à ces marchés, celle-ci mobilisera toute son énergie, comme elle l'a déjà fait pour d'autres entreprises, afin de l'aider à décrocher ces marchés.
Le sénateur Murray: Mais rien n'a encore été fait à ce sujet, n'est-ce pas?
M. Harrison: Vous devriez poser la question à M. Shannon. Il est clair que rien n'a encore été fait à ce sujet.
Le sénateur Murray: A-t-on pris contact avec vous à ce sujet?
M. Harrison: Vous voulez savoir si Devco a pris contact avec nous pour obtenir ce marché?
Le sénateur Murray: Oui.
M. Harrison: Pas à ma connaissance.
M. Savage: Mais nous avons eu des conversations avec Devco, surtout au sujet de ventes à l'étranger.
Le sénateur MacDonald: Avons-nous déjà fait des profits sur nos ventes de charbon à l'étranger?
M. Savage: Non, essentiellement parce que nous n'avons pas encore atteint le prix mondial. C'est la question primordiale sur laquelle nous revenons constamment: il faut que Devco devienne plus efficiente pour qu'elle puisse exporter son charbon moins cher. Cela exige la collaboration des cadres et des travailleurs.
Le sénateur Murray: C'est une question que nous devrons inévitablement aborder, sénateur MacDonald, mais je ne voudrais pas y consacrer la séance d'aujourd'hui.
Vous vous souviendrez que M. Shannon nous a dit, lors de son témoignage, que Devco avait perdu 23 millions de dollars sur ses exportations de charbon pendant une certaine année. J'ai examiné ce chiffre d'un peu plus près et je puis vous dire qu'il est discutable. Je ne veux pas dire que M. Shannon nous a délibérément donné des informations erronées, je dis simplement que l'on m'a expliqué qu'il y a plusieurs manières de calculer ce chiffre. Quoi qu'il en soit, c'est une question sur laquelle nous devrons revenir plus tard.
Monsieur le premier ministre Savage, je tiens à vous souhaiter la bienvenue. Ceux d'entre nous qui suivent de près la fortune des politiciens, c'est-à-dire nous tous autour de cette table, avons été fort impressionnés par le stoïcisme dont vous avez fait preuve ces dernières années, si je puis m'exprimer ainsi, pendant les hauts et les bas que connaît toute carrière politique. Croyez-moi, nous savons quand nous avons affaire à un survivant. Je ne serai pas aussi audacieux que notre collègue le sénateur Forrestall il y a quelques semaines, mais je dois dire que ses remarques étaient tout à fait pertinentes. Je ne puis cependant m'empêcher de souligner qu'il y a eu à une époque trois anciens premiers ministres de la Nouvelle-Écosse au Sénat en même temps: le sénateur Harold Connolly, le sénateur Henry Hicks et le sénateur Ike Smith, et ce fut une excellente époque pour le Sénat, je crois.
M. Savage: Je n'ai aucune intention de mettre mon nom sur cette liste.
Le sénateur Murray: Quoi qu'il en soit, nous sommes très heureux de vous voir aujourd'hui. Je voudrais vous poser une première question qui ne concerne peut-être pas directement notre mandat, mais c'est un sujet que vous avez soulevé vous-même. Il s'agit du développement industriel général du Cap-Breton.
Vous savez que le gouvernement fédéral a pendant de longues années assumé une certaine responsabilité à cet égard, notamment dans le contexte de la baisse d'activité des charbonnages. Nous pouvons remonter aux années 50, lorsque le premier ministre Diefenbaker a contribué au lancement du projet de Louisbourg pour donner du travail aux mineurs au chômage. Or, aujourd'hui, nous avons au moins un bien national de premier plan à Louisbourg.
Lorsque notre ami le sénateur MacEachen et le gouvernement Pearson ont créé Devco, ils lui ont donné le mandat non seulement de gérer les mines, mais aussi de contribuer au développement industriel.
Plus récemment, lorsque le gouvernement du Canada a décidé de fermer des bases militaires, il a décidé de créer le bureau de la TPS à Summerside dans le but délibéré de compenser les pertes d'emplois locales. Hibernia, à Terre-Neuve, a été lancé avec un mandat relativement identique, en partie pour compenser les pertes d'emplois dans le secteur des pêches.
Le gouvernement actuel discute de la possibilité de créer au Cap-Breton un centre d'enregistrement des armes à feu. C'est en tout cas l'une des options dont on a parlé dans la presse.
Ma question est donc la suivante: que fait le gouvernement provincial, directement par la décentralisation de services provinciaux ou indirectement en encourageant les entreprises privées, pour appuyer le développement économique du Cap-Breton?
M. Savage: Avant de vous répondre, je dois vous remercier pour les remarques préliminaires que vous avez faites à mon sujet.
En ce qui concerne votre question, je dois vous dire que nous avons un plan, que nous abordons avec beaucoup de prudence et qui est fondé sur le plan initial qui avait été élaboré par Enterprise Cape Breton Corporation, ou ECBC, en 1994-1995 pour implanter des industries durables au Cap-Breton. Il y a par exemple un secteur industriel et commercial important au Cap-Breton et nous essayons bien sûr de l'exploiter au maximum, en particulier avec l'UCCB. Nous avons travaillé avec de grandes entreprises, comme Systemhouse, et nous essayons constamment d'en orienter d'autres vers le Cap-Breton.
Cela dit, même si notre politique générale est d'essayer d'attirer le plus possible de nouvelles entreprises en Nouvelle-Écosse, notre marge d'action est souvent extrêmement limitée car, lorsqu'une entreprise a décidé de s'implanter quelque part, nous pouvons difficilement la faire changer d'avis.
Nous avons cependant un plan, fondé sur la conférence qui a été organisée par les gouvernements fédéral et provincial en matière de création d'organisations de développement économique. À notre avis, c'est la bonne méthode. Ce plan sera dévoilé dans les trois à six prochains mois et il sera fondé sur les paramètres de collaboration établis à l'origine entre les gouvernements fédéral et provincial. Des crédits seront trouvés pour favoriser l'implantation de nouvelles entreprises et l'expansion des entreprises existantes.
Pour le moment, je ne peux rien vous dire de plus à ce sujet car l'évolution dépendra de la collaboration des deux paliers de gouvernement. Nous faisons beaucoup d'efforts pour élaborer un plan qui aboutira en fin de compte à créer une Équipe Cap-Breton, et nous comptons évidemment sur votre aide car il est crucial pour nous tous d'assurer le rétablissement de l'économie du Cap- Breton.
Le sénateur Murray: Peut-on cependant envisager que le gouvernement provincial décentralise certaines de ses activités au Cap-Breton? Par exemple, si le gouvernement fédéral décidait d'ouvrir un centre d'enregistrement des armes à feu au Cap-Breton, ce serait une décision politique importante de sa part, décision qui serait prise aux dépens d'autres régions tout aussi méritoires. Ce serait une décision politique importante, et même courageuse.
Pourriez-vous envisager la même chose au palier provincial?
M. Savage: Nous étudions attentivement toutes les options qui s'offrent à nous mais il faut bien convenir, comme le gouvernement fédéral a pu le constater lui-même, qu'il est plus facile d'ouvrir de nouveaux bureaux quelque part que de transférer des bureaux existants. Cela dit, le gouvernement fédéral a déjà donné l'exemple d'une décentralisation positive, par exemple en transférant à Terre-Neuve les services de l'impôt sur le revenu.
Le sénateur Murray: Et le ministère des Anciens combattants.
M. Savage: C'est vrai. Il ne semble pas être particulièrement populaire ces jours-ci, mais il est vrai que la création de nouveaux centres est probablement la bonne méthode, pour ne pas perturber la vie des employés existants. Je puis vous dire que nous maintenons plusieurs fers dans ce feu-là.
Le sénateur MacEachen: Monsieur le premier ministre, je vous remercie d'avoir fait le voyage à Ottawa pour nous faire profiter de votre opinion.
Je constate que vous appuyez le plan quinquennal qui a été proposé pour la Société de développement du Cap-Breton. Vous convenez aussi qu'il est essentiel que l'entreprise devienne plus rentable et plus compétitive, ce qu'avait déjà souligné le maire de la municipalité locale. De même, le président du syndicat des mineurs a clairement déclaré qu'il appuyait ces objectifs généraux pour les mines de charbon.
Vous avez dit par ailleurs, et je vous cite:
Dans le marché d'aujourd'hui, Devco devra réduire ses coûts de production pour pouvoir faire concurrence au charbon étranger, au gaz naturel et à l'électricité.
Je n'ai rien à reprocher à cette affirmation, mais je crois qu'il vaut la peine de souligner que c'est là un critère que l'on n'a jamais appliqué à l'industrie du charbon du Cap-Breton, même avant l'existence de la SDCB.
Comme vous le savez, lorsque les mines étaient gérées par la Dominion Coal Company, il était tout à fait impossible de livrer du charbon du Cap-Breton sur le marché de l'Ontario, par exemple, au même prix que le charbon américain. Les producteurs américains n'avaient aucune difficulté à être plus compétitifs que ceux du Cap-Breton. Pour compenser ce désavantage, le gouvernement du Canada a pendant longtemps offert des subventions au transport du charbon, et cela a continué après la création de la Société de développement du Cap-Breton. Le système était géré par une entité complètement distincte au sein du gouvernement du Canada, l'Office fédéral du charbon. Je rappelle cela simplement pour établir le contraste avec l'orientation actuelle, de plus en plus axée sur la notion de rentabilité commerciale. Tendance à laquelle je ne m'oppose d'ailleurs aucunement.
Cela dit, si l'on avait appliqué ce critère de rentabilité aux mines de charbon à la fin des années 60, on les aurait toutes fermées. Lorsque le gouvernement du Canada a été confronté à la réalité de l'industrie du charbon et au fait qu'aucune entreprise privée ne voulait continuer l'exploitation des mines, l'alternative a été claire: accepter la fermeture des mines ou en assurer la gestion par le truchement d'une société d'État.
Bien que j'accepte l'idéologie actuelle de rentabilité et de compétitivité, je me demande si votre gouvernement accepterait facilement la fermeture des mines s'il devait être confronté à un choix semblable. Pour ma part, si le gouvernement du Canada devait jamais se trouver à nouveau dans la même situation, je suis certain que je lui recommanderais de préserver l'appui national aux charbonnages du Cap-Breton, tout comme on l'avait fait avant Devco par le truchement de subventions.
Pourquoi ferais-je cela? À cause des raisons qui ont été avancées à la fin des années 1960 par M. Pearson, qui avait dit que la décision de créer Devco procédait du social et non pas de l'économique. Si l'on avait appliqué le critère de rentabilité à l'époque, on aurait fermé les mines. Je fais cette remarque, et sachez bien que je la fais pratiquement à chaque réunion, parce qu'elle fait bien ressortir le changement qui est intervenu dans le pays depuis les années 1960.
J'exprime ma philosophie politique. Quoi que puissent dire les autres, j'ai la conviction qu'aucun gouvernement ne pourrait accepter la fermeture pure et simple des mines de charbon du Cap-Breton, même si je partage les principes que vous avez exposés.
Une autre remarque qui me paraît intéressante et pertinente concerne le fait que c'est le gouvernement du Canada qui exploite et possède les mines. Dans un sens, c'est une anomalie puisque les mines relèvent essentiellement des responsabilités provinciales. Historiquement, c'est la province qui en assurait l'administration politique. À la fin des années 1960, tout le monde comprenait que c'était un fardeau que la province ne pourrait assumer seule, puisque c'était le contribuable fédéral qui fournissait les subventions et qui finançait Devco. En conséquence, on a admis que cette industrie était devenue une responsabilité nationale.
Certes, le gouvernement provincial a été directement impliqué dans la création de la Société de développement du Cap-Breton. Je n'ai pas relu récemment l'accord pertinent, mais je suis sûr que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a fourni des crédits de départ dans le contexte de la Division de développement industriel de Devco. Par ailleurs, la province a assumé la responsabilité de toutes les autres mines de la Nouvelle-Écosse, et il y en avait un nombre élevé.
M. Savage: Inverness.
Le sénateur MacEachen: Cependant, comme je le disais plus tôt, la province n'a plus d'autres mines de charbon en Nouvelle-Écosse.
M. Savage: À ciel ouvert.
Le sénateur MacEachen: Oui. J'ai demandé à un autre représentant de votre province qui est venu devant nous -- mais je ne vous poserai pas la même question -- s'il serait prêt, comme chef de son parti, à recommander que la province investisse les sommes considérables qui seraient nécessaires pour ouvrir la mine Donkin. Bien que je n'incite aucunement votre gouvernement à faire de telles dépenses, voilà un secteur dans lequel le gouvernement provincial pourrait contribuer de manière importante à l'avenir de la Société de développement du Cap-Breton.
Je me demande si la présence de représentants nommés ou approuvés par la province au conseil d'administration de Devco ne donnerait pas au gouvernement provincial la possibilité d'influer sur certaines de ces décisions. Au fond, je suis en train de vous dire que, même si nous comprenons votre situation, vous avez la possibilité d'influer directement sur l'avenir de l'industrie du charbon par le truchement de vos représentants au conseil d'administration.
J'ai parlé de Donkin. Chaque fois que nous avons discuté avec un représentant de votre province, monsieur le premier ministre, nous avons toujours fini par parler de Donkin après avoir discuté de Prince et de Phalen. En effet, s'il est vrai qu'il y a aujourd'hui deux mines pouvant être exploitées, Prince et Phalen, on sait qu'il y a certains risques au sujet de cette dernière mais, ce qui est important, c'est de savoir ce que l'on fera lorsque les deux seront épuisées.
D'aucuns recommandent que l'on dresse déjà des plans pour l'ouverture éventuelle de la nouvelle mine de Donkin. Bill Marsh, l'ancien président du syndicat, qui voulait témoigner devant notre comité, m'a dit l'autre jour que Donkin n'est pas une mine de charbon, c'est une véritable mine d'or. Que devrions-nous donc faire à ce sujet? Je sais parfaitement bien qu'aucun investisseur privé ne serait prêt aujourd'hui à investir les centaines de millions de dollars qui seraient nécessaires, et je doute fort que le gouvernement fédéral soit prêt à le faire.
Le sénateur Murray: Si j'ai bien compris, on n'envisage rien à ce sujet dans le plan de cinq ans.
Le sénateur MacEachen: Non, on n'a rien envisagé à ce sujet et je crois qu'on n'y a même pas pensé. Quelle est votre position? Vous êtes accompagné de vos collègues du Cap-Breton qui doivent être conscients de la situation. Quelle recommandation seriez-vous prêt à faire à notre comité à ce sujet? Ou devrions-nous agir en douce, sans rien dire à personne?
M. Savage: Je vous ai écouté avec fascination car il est évident que vous connaissez la situation en détail. Vous étiez là lorsqu'on a établi le mandat de Devco, vous étiez là lorsqu'on l'a changé, vous étiez là lorsque le prix du pétrole a monté et que l'on a décidé de revenir au charbon.
Vous et moi partageons probablement la même idéologie sociale dans la mesure où nous ressentons tous deux le devoir de préserver des emplois qui sont importants pour la collectivité. Après avoir examiné le rôle que nous pourrions jouer à ce sujet, nous sommes parvenus à la conclusion que c'est autant qu'autre chose de diversifier l'économie du Cap-Breton. Autrement dit, nous acceptons, dans le contexte actuel, la présence d'une solide industrie du charbon dans la région.
Notre rôle est de créer des emplois et nous avons encouragé les entreprises de haute technologie à venir s'établir au Cap-Breton, comme nous l'avons fait avec Systemhouse. Il y a cependant aussi toutes sortes de possibilités qui s'offrent à nous en matière de tourisme et d'infrastructure touristique. Notre position fondamentale est que nous devons nous efforcer de créer une base d'emploi au Cap-Breton, ce qui englobe évidemment les mines de charbon, mais notre responsabilité première est la diversification, c'est de créer des autres types d'emplois à long terme.
Nous avons examiné le cas de Donkin. Nous avons étudié le rapport Boyd. Nous avons étudié le rapport de notre ministère des Ressources naturelles et il est évidemment impossible qu'un gouvernement provincial, quel qu'il soit, qui essaie déjà de liquider une dette énorme, puisse investir les 200 ou 300 millions de dollars qu'exigerait un projet de cette ampleur. Ce n'est tout simplement pas envisageable dans le contexte actuel. Nous n'avons pas ce genre de somme à notre disposition.
Par contre, on peut envisager ce projet dans le cadre d'une planification à plus long terme. Il est vrai qu'à une échéance de cinq, 10 ou 15 ans, cette mine offrirait clairement une possibilité de collaboration aux deux paliers de gouvernement. Il ne fait aucun doute que la mine de Donkin contient pour environ 70 années de charbon. Le problème est que les investissements de départ dépassent largement les capacités d'une petite province comme la nôtre, dans le contexte actuel.
Nous estimons que notre responsabilité est de favoriser la diversification de l'emploi dans le but de remplacer peu à peu les emplois très bien rémunérés qu'ont traditionnellement offerts les industries du charbon et de l'acier. Il est évident que remplacer ce genre d'emplois au Cap-Breton est un objectif primordial. Notre politique est de collaborer avec le gouvernement fédéral à ce sujet mais, je le répète, nous n'avons tout simplement pas l'argent qu'exigerait actuellement l'ouverture d'une nouvelle mine à Donkin.
Le sénateur MacEachen: Je le sais bien et je ne recommande aucunement que le gouvernement provincial s'engage à effectuer un investissement aussi énorme. Je crois cependant que vous avez répondu positivement à ma question en disant qu'il devrait être possible d'intégrer ce projet à un processus de planification à long terme. De toute façon, on nous a dit qu'il devrait être possible d'établir avec beaucoup plus de précision le coût réel de cet investissement, car on nous a donné des estimations extrêmement différentes.
M. Savage: Oui.
Le sénateur MacEachen: Il est facile d'abandonner un projet, il suffit de dire qu'il coûtera trop cher. Je suis cependant heureux de voir que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ne se désintéresse pas de la question.
M. Savage: Nous nous y intéressons, mais nous ne pouvons pas financer le projet.
Le sénateur MacEachen: Je suis heureux que vous ayez la capacité de participer à l'analyse.
M. Savage: Je voudrais vous rappeler quelque chose, sénateur. Il y a quelques années, la Mobil Gas Company disait que l'exploitation du gaz naturel en haute mer coûterait extrêmement cher, avec les technologies des années 1970 et 1980. Or, je me trouvais récemment à Aberdeen où la mise au point de nouvelles technologies permet d'exploiter le gaz naturel de haute mer à un prix beaucoup plus bas qu'on ne le croyait possible autrefois. J'aimerais savoir si des progrès technologiques comparables pourraient être envisagés pour les mines de charbon afin de réduire le prix du charbon d'une mine comme Donkin. Je dois dire que c'est l'une des questions dont nous avons discuté lors des audiences que nous avons consacrées aux ressources naturelles.
Le sénateur MacEachen: Lorsqu'il a témoigné devant notre comité, M. Gillespie a relancé l'idée des carburants synthétiques.
M. Savage: Nous l'avons appuyé autant qu'il était possible.
Le sénateur MacEachen: Pourriez-vous nous dire quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet?
M. Savage: Nous avons appuyé M. Gillespie. Nous l'avons souvent rencontré à ce sujet. Par exemple, le cas de l'usine Ultramar à Dartmouth est manifestement un cas dans lequel nous pourrions l'aider. Il semble cependant y avoir de sérieux obstacles juridiques qui nous empêcheraient de pouvoir intervenir comme nous le voudrions. Nous continuons de discuter avec M. Gillespie.
Le sénateur Murray: Monsieur le premier ministre, ce que vous venez de dire au sujet de la technologie d'exploitation du gaz naturel en haute mer m'a rappelé quelque chose dont nous ont parlé plusieurs témoins lors de nos audiences. Il s'agit de la possibilité -- à plus ou moins longue échéance -- d'amener sur le continent le gaz naturel de Sable Island pour approvisionner la centrale électrique de Trenton, ce qui éliminerait un marché important du charbon du Cap-Breton. Je suppose que vous ne faites rien pour accélérer ce processus, n'est-ce pas?
M. Savage: Nous faisons tout notre possible pour que ce gaz naturel puisse être exploité. Certes, nous savons que cela risque de causer des difficultés pour le charbon du Cap-Breton. Cela dit, considérant la forte représentation du Cap-Breton au sein de mon Cabinet, je ne pense pas que l'on prenne des mesures précipitées à ce sujet.
Le sénateur Murray: Cela suffit pour le moment.
Le président: Je pense que c'est clair.
M. Savage: Mais je n'ai rien dit.
Le président: Dans ce cas, ce n'est pas clair.
Le sénateur MacDonald: Je serai bref, messieurs.
Nous avons entendu ces derniers jours des témoins très intéressants, mais je dois dire que ce qui m'a intéressé le plus, c'est ce que vous avez dit au sujet de ce plan de cinq ans. Croyez-vous vraiment que ce soit la dernière chance pour Devco? Si c'est vrai, les gens de Devco vont devoir prier tous les jours qu'il n'y ait pas d'éboulement ou d'inondation, que les cadres font bien leur travail et qu'ils réussiront à atteindre leurs objectifs au bout de cinq ans. C'est seulement alors, si tout marche bien et si Devco a de la chance, que l'entreprise pourra envisager sérieusement son avenir.
Si le sénateur Buchanan était parmi nous, il vous en dirait probablement plus que vous n'en savez ou ne souhaitez en savoir sur Donkin. Nous ne savons pas ce que le projet pourrait coûter. Nous ne savons pas combien de temps il faudrait pour le réaliser. Tout le monde dit que Donkin est une mine viable, mais tout dépend du coût et de l'échéancier. Et on ne sait même pas qui serait prêt à financer le projet.
M. Savage: Nous ne sommes pas pressés. Si vous n'avez pas d'autres témoins, nous pouvons rester un peu plus longtemps. La conversation est tellement intéressante que je ne voudrais pas l'interrompre.
Le sénateur MacDonald: Je suis d'accord avec vous. Le sénateur MacEachen a fait une remarque très intéressante il y a quelques jours. Il parlait de son père, qui était mineur, et de tous les amis de son père qui se réunissaient chez les MacEachen. Il nous a dit ceci: «Tous les mineurs, mon père compris, ont toujours pensé qu'ils pourraient gérer la mine beaucoup mieux que ses cadres». Je dois vous dire que le témoignage de M. Drake ne m'a nullement impressionné. C'était négatif, c'était une critique de la gestion, même si c'était une critique déguisée.
Le sénateur Landry: Tout à fait.
Le sénateur MacDonald: Les remarques optimistes que vous avez faites aujourd'hui au sujet du partenariat sont complètement vides de sens. Vous rêvez en couleurs. Comme je viens du Cap-Breton, je n'aime pas entendre ce genre de déclaration. Je précise à l'intention des autres sénateurs que j'ai prévenu le premier ministre de la province de ce que j'allais dire, lorsque je l'ai rencontré avant le début de la réunion.
Lorsque Drake parle de responsabilité, lorsqu'il parle de «laisser les mineurs dire leur mot» et qu'il dit que «les mineurs ont beaucoup de bonnes idées», il parle de laisser gérer l'entreprise par 1 200 ou 2 200 personnes, ce qui est ridicule. Je prétends, et j'ai l'intention de le dire cet après-midi à la ministre, lorsqu'elle comparaîtra, que le meilleur investissement que puisse faire Devco n'est pas de trouver sept administrateurs, n'est pas de les nommer comme on le fait maintenant -- le sénateur Murray n'est pas d'accord avec moi là-dessus -- mais plutôt de payer correctement 12 ou 14 administrateurs, 12 hommes ou femmes qui savent ce qu'ils font et qui connaissent les mines, du Canada ou des États-Unis, pour appuyer sans réserve celui qui semble être un directeur général de première classe, M. George White, et le président du conseil d'administration, M. Shannon. Et qu'on les laisse ensuite agir. Ce sont eux qui doivent gérer l'entreprise et rendre des comptes.
Si j'examine la manière dont Devco a été gérée ces dernières années -- et je ne vais pas mentionner de noms pour ne pas susciter l'ire du sénateur Murray --, il me paraît évident que l'on doit être capable de faire mieux. Confier toute cette responsabilité à sept administrateurs qui ont été choisis de manière bizarre, par favoritisme politique, ne me semble aucunement être la bonne solution.
J'ai été surpris de constater que très peu de témoins ont parlé de notre obligation sociale de maintenir l'entreprise en exploitation à tout prix. Incidemment, c'est un point sur lequel le sénateur MacEachen, vous et moi nous entendons. Lorsque j'étais outre-mer, en 1945, j'ai eu le droit de vote pour la première fois et j'ai voté pour Clary Gillis, du CCF. Je n'ai donc rien à apprendre de personne au sujet de notre devoir social. Cela dit, les choses ne peuvent pas continuer comme maintenant. Vous ne pouvez pas venir faire ici des voeux pieux en disant: «Il faut que ça marche» et en espérant que tout ne va pas s'effondrer au bout de cinq ans. Je ne pense pas que vous puissiez envisager de recommencer la même chose dans cinq ans. Mais, qui sait, vous allez peut-être revenir à nos portes en disant: «Je sais que nous avons perdu beaucoup d'argent, mais il est arrivé ceci, et il est arrivé cela, et patati et patata, et nous voulons tout recommencer encore une fois.»
Le sénateur Murray: Des événements fortuits.
Le sénateur MacDonald: Des événements fortuits ou n'importe quoi d'autre.
M. Savage: Je ne sais pas si je devrais répondre à une question qui n'en était pas une, mais je ne voudrais pas me défiler. Ce que j'ai dit, et ce que je vous dirai si vous priez encore, ce qui est probablement le cas, c'est que la clé du problème ne dépend ni de vous, ni de nous. Je vous recommande donc de consacrer toutes vos prières à l'amélioration des relations syndicales-patronales. La clé de tout ce projet, c'est la manière dont l'employeur et les employés travailleront et négocieront dans les prochaines années. Pour ce qui est du charbon, il est là. Pour ce qui est des marchés, ils sont captifs, en tout cas pour ce qui est de la Nova Scotia Power.
Laissons le passé de côté -- et je n'ai pas l'intention de faire de commentaire au sujet de M. Drake ou de la direction de Devco -- le succès de ce projet et la survie de l'entreprise ne dépendent ni de moi, ni de vous, ni de M. Dingwall. Tout dépend de la capacité de l'employeur et des employés à établir un objectif commun et à collaborer pour l'atteindre. Quant à savoir s'il y aura d'autres obstacles à franchir dans cinq ans, cela dépendra en grande mesure de la manière dont l'employeur et les employés sont prêts à envisager leur avenir, dans l'intérêt de 1 200 mineurs et de leurs familles, et dans l'intérêt de la région du Cap-Breton. S'il n'est pas parfaitement clair pour tout le monde, à l'heure actuelle, que tout dépend des relations syndicales-patronales, c'est que nous avons complètement raté notre coup.
Voilà pourquoi je dis qu'il s'agit ici de la dernière chance. C'est la dernière chance pour l'employeur et les employés d'assurer ensemble une bonne gestion des mines, en étant sensibles à leurs objectifs mutuels. Si les deux parties ne réussissent pas, nous n'avons aucune chance de succès.
Cela dit, je pense que l'on peut réussir. Il a fallu ce genre de crise pour que les parties commencent à collaborer, alors qu'elles passaient tout leur temps, autrefois, à s'accuser mutuellement.
On trouve dans le plan diverses propositions qui émanent des travailleurs et de la municipalité du Cap-Breton. Il s'agit d'un plan inclusif, dans la mesure où l'on a tenu compte de l'opinion des autres. Pendant les cinq prochaines années, voyons si les cadres et les travailleurs sont capables de retrousser leurs manches et de travailler ensemble. S'ils n'y arrivent pas, nous reviendrons ici dans cinq ans.
Le sénateur MacDonald: Je voudrais revenir sur l'une de vos remarques. J'ai consacré six mois de ma vie, comme président du comité sénatorial des transports, à étudier la vente de la voie d'intérêt local entre Truro et Sydney, et je puis vous dire que je n'ai jamais reçu autant d'informations erronées d'un gouvernement libéral ou conservateur de la Nouvelle-Écosse qu'à ce moment-là. J'ai constaté d'ailleurs que vous avez commencé par dire que vous aviez été déçu du résultat de ce processus, mais vous avez immédiatement ajouté que la nouvelle société s'en tire fort bien.
M. Savage: Non, je n'ai pas dit que j'étais «déçu». J'ai dit que ce n'était pas notre position de départ. À l'époque, nous voulions que le CN continue d'exploiter cette voie ferrée. Lorsqu'il nous a dit qu'il n'en était pas question, nous avons appuyé la société du Texas parce qu'il était important pour nous que cette voie ferrée continue d'être exploitée. Aujourd'hui, elle est très rentable et elle joue le rôle qui lui appartient. Je me suis servi de cet exemple uniquement pour parler de l'avenir des mines du Cap-Breton. Je n'ai peut-être pas été assez clair.
Le sénateur MacDonald: J'attache peut-être trop d'importance à toutes ces questions.
Le sénateur Landry: Si vous ne le faites pas, qui va s'assurer, qu'il y ait quelqu'un du conseil d'administration pour voir à ce que l'entreprise devienne auto-suffisante?
M. Savage: Je pense que la sensation d'être en crise augmente l'importance de ce que je viens de dire. Je crois qu'à présent, les attitudes de la direction et des travailleurs ont changé suffisamment pour permettre une solution viable. Ils savent que la fin est proche, et je pense qu'ils travaillent ensemble.
Le sénateur Landry: Je l'espère, mais je crois qu'il devrait y avoir des gens des deux paliers de gouvernement afin de s'assurer que l'argent n'est pas gaspillé.
M. Savage: Je crois me souvenir que Mme MacLellan a parlé de rapports mensuels ou trimestriels pour suivre l'évolution de la situation. Le gouvernement fédéral est manifestement conscient de votre préoccupation et nous lui prêterons toute l'aide nécessaire.
Serait-il possible, monsieur le président, que les gens du Cap-Breton qui m'accompagnent aujourd'hui disent quelques mots avant la fin de la séance, étant donné qu'ils ont fait tout ce chemin pour venir s'adresser à vous et qu'il serait décevant que leurs remarques ne soient pas rapportées dans le Cape Breton Post à leur retour?
Le sénateur Murray: Ils peuvent bien dire tout ce qu'ils veulent, nous ne pouvons garantir que leurs déclarations seront rapportées dans la presse.
M. Savage: Je peux le garantir.
Le président: Comme nous avons tous exercé des responsabilités publiques, nous sommes sensibles à leur situation. Je dois vous dire que j'ai un autre comité à 14 h 30 et que les autres sénateurs devront également partir à ce moment-là. Quoi qu'il en soit, c'est avec grand plaisir que nous vous donnons la parole, même brièvement.
M. Manning MacDonald, député provincial, Cape Breton South: Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir accorder mon appui au premier ministre de la province. Je tiens à vous dire que tout notre caucus appuie la Société de développement du Cap-Breton ainsi que les mineurs de charbon de la région, leur syndicat et les autres parties touchées par cette industrie. Nous faisons tous beaucoup d'efforts pour assurer la viabilité des charbonnages à l'avenir.
Devco est très importante pour le Cap-Breton, et la viabilité de l'industrie du charbon est cruciale pour notre avenir. Toutes les autres mesures que nous avons déjà prises ou que nous avons l'intention de prendre sont importantes pour assurer l'avenir de l'économie locale, mais pas aux dépens du charbon, comme l'a dit le premier ministre tout à l'heure. Je puis vous donner l'assurance absolue que nous sommes tous favorables à tout ce qui garantira l'avenir de l'industrie du charbon.
Je tiens simplement à répéter que notre caucus partage cette opinion sans aucune réserve. Il faut que le plan de cinq ans réussisse et il faut que l'entreprise ait les outils nécessaires pour le faire réussir. Comme l'a dit le premier ministre de manière si éloquente, la clé de la survie de l'industrie du charbon au Cap-Breton est la coopération entre les travailleurs et leur employeur.
M. Russell MacNeil, député provincial, Cape Breton Centre: Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous, monsieur le président, car le 11 juin est le Jour du souvenir des mineurs dans ma ville. J'ai passé toute ma vie dans l'industrie du charbon. Mon père a été mineur pendant 45 ans. Pour ma part, j'ai vu le puits numéro 12, le puits numéro 7, le puits numéro 18, le puits numéro 14 et le puits 1B. Je les ai tous vus et ils sont tous disparus. Croyez-moi, ce n'est jamais agréable pour quelqu'un qui a toujours vécu dans cette industrie.
J'aimerais vous donner une petite idée de ce que peuvent ressentir les mineurs de la région, les gens comme mon père et les autres qui travaillent aujourd'hui dans l'industrie du charbon. Ils ne savent jamais si leur industrie va survivre. Ils ne savent jamais s'ils auront encore du travail la semaine prochaine, ce qui les place en situation d'insécurité constante. Ils ne savent jamais si leurs enfants auront l'argent nécessaire pour faire des études ou si eux-mêmes pourront payer leur hypothèque. Croyez-moi, c'est une inquiétude qui règne dans la région depuis de nombreuses années.
Le sénateur MacEachen et le sénateur MacDonald connaissent sans doute fort bien la situation. Le 11 juin, nous célébrons Davis Day, qui commémore une crise qui avait éclaté entre l'employeur et les travailleurs et qui avait débouché sur la mort d'un homme. Cette lutte n'a jamais cessé.
Aujourd'hui, nous constatons qu'il y a un plan. Certes, ce n'est pas la première fois, comme vous le savez tous, mais celui-ci semble beaucoup plus concret que tout ce que nous avons vu dans le passé. Je suis sûr que nous allons réussir, ce qui est le voeu le plus cher du gouvernement provincial, et c'est la raison pour laquelle nous l'appuyons.
Bien sûr, il y aura des divergences d'opinions sur la manière dont le projet devrait être mené à bien, et je sais pertinemment qu'il y a beaucoup de gens dans la région qui sont convaincus de pouvoir gérer la mine mieux que ceux qui s'en occupent actuellement. Je suis sûr que le sénateur Murray a déjà entendu cela et qu'il sait parfaitement de quoi je parle puisque son père a été cadre dans une mine. À son époque, déjà, il est probable que tout le monde pensait pouvoir mieux gérer la mine.
Les gens demandent ce que deviendra Donkin. La ressource importante que possède la Nouvelle-Écosse, c'est le charbon. Nous allons examiner de très près toutes les nouvelles technologies qui pourraient nous aider à mieux en assurer l'exploitation. Le premier ministre a donné un exemple au sujet de l'exploitation du pétrole, grâce à une technologie qui s'améliore constamment. Mon espoir est que l'on continuera de chercher de nouveaux gisements de charbon lorsque ceux qui existent auront été épuisés. C'est une ressource importante pour la Nouvelle-Écosse, et c'est une bonne ressource qui est quasiment inépuisable.
Je tiens à vous dire, mesdames et messieurs, que l'industrie du charbon est essentielle pour l'économie du Cap-Breton. J'ai passé toute ma vie dans la région, c'est probablement là que je finirai mes jours et je puis vous dire que l'industrie du charbon a un avenir.
Considérant ce qu'a dit l'agence de renouveau économique et les affirmations du premier ministre sur les mesures prises par le gouvernement, notamment en matière de stabilisation économique, je peux vous dire que nous sommes très optimistes.
Certes, nous allons probablement encore traverser des temps difficiles mais j'ai le sentiment que nous sommes sur le point d'établir dans la région du Cap-Breton une atmosphère d'optimisme pour l'avenir. Si vous pouvez y contribuer, je vous en serais très reconnaissant.
Le président: Merci beaucoup de votre comparution, messieurs.
La séance est levée.
OTTAWA, le jeudi 6 juin 1996
Le comité sénatorial spécial sur la Société du développement du Cap-Breton se réunit ce jour, à 17 heures, pour poursuivre son examen du rapport annuel et du plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Le témoin suivant est Anne McLellan, ministre des Ressources naturelles.
Madame la ministre, vous avez toute notre attention.
L'honorable Anne McLellan, ministre des Ressources naturelles: Merci, sénateur. Je veux d'abord vous dire que je suis très heureuse de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui au sujet non seulement des défis que devra relever Devco, mais aussi de tout ce que la Société représente pour le Cap-Breton.
J'espère que ces audiences feront ressortir de nouveaux points de vue et des idées utiles qui aideront la société à relever ses défis.
Je crois comprendre que votre rôle est d'examiner le rapport annuel et le plan d'entreprise de Devco, ainsi que d'autres questions connexes.
Si vous me le permettez, je vais centrer mes remarques sur la manière dont le gouvernement du Canada voit la société, sur ce que nous avons fait depuis un peu plus d'un an, et sur la façon dont nous entrevoyons l'avenir.
Depuis sa création, en 1967, Devco a reçu plus de 1,5 milliard de dollars du gouvernement du Canada, c'est-à-dire des contribuables canadiens. En 1991, le gouvernement fédéral a approuvé des subventions de 150 millions de dollars sur cinq ans, soit jusqu'au 31 mars 1995, en précisant qu'il n'y en aurait plus ensuite. Il a également donné à la société l'instruction de s'autofinancer d'ici à l'exercice financier 1995-1996. Hélas, comme vous le savez, monsieur le président, cet objectif n'a pas été atteint.
La position de notre gouvernement est très simple: il faut que l'entreprise devienne rentable, et je sais que bon nombre d'autres témoins qui se sont adressés à vous ont exprimé la même opinion.
Cet engagement envers la viabilité commerciale de l'entreprise confirme qu'il y a eu un changement de cap important chez les principales parties prenantes. De fait, je crois que l'honorable sénateur MacEachen a bien résumé ce phénomène en disant que la nécessité d'assurer la viabilité commerciale de l'entreprise est un changement radical par rapport au passé.
Je crois que la viabilité commerciale constitue la meilleure garantie pour l'avenir de l'industrie charbonnière du Cap-Breton et qu'elle est aussi la seule méthode garantissant que des capitaux seront disponibles pour l'avenir.
Permettez-moi de décrire brièvement les mesures qu'a prises le gouvernement du Canada au cours des 15 derniers mois, depuis que le premier ministre Chrétien m'a confié la responsabilité de Devco, qui relevait auparavant de l'honorable John Manley, ministre de l'Industrie.
L'une de mes premières décisions a été de faire appel à l'une des firmes de service-conseil les plus expérimentées au monde dans le secteur minier, la John T. Boyd Company. Cette firme m'a remis un rapport qui nous a permis, à moi et à l'entreprise, de faire une évaluation indépendante des questions financières et techniques et d'analyser divers scénarios susceptibles de mener l'entreprise à la viabilité commerciale. Ce rapport est parvenu à me convaincre qu'il peut y avoir une industrie du charbon viable au Cap-Breton, à condition de faire certains changements difficiles.
Peu après avoir reçu le portefeuille de Devco, le 15 mai 1995, je me suis rendue au Cap-Breton pour visiter les installations et pour recueillir l'opinion des chefs syndicaux et des représentants de la collectivité.
Le 8 juin 1995, j'ai nommé M. Ron Sully, qui est avec moi aujourd'hui, au conseil d'administration de Devco. M. Sully est également le sous-ministre adjoint du Secteur des minéraux et des métaux du ministère des Ressources naturelles. Il apporte au conseil d'administration de Devco une vaste connaissance de l'industrie minière et des politiques et programmes touchant ce secteur. En outre, il est particulièrement bien placé pour donner au gouvernement du Canada des informations précises sur les progrès que va réaliser Devco à l'égard des défis importants auxquels elle est confrontée.
Le 4 juillet 1995, j'ai nommé Joe Shannon président du conseil d'administration. Le 1er août 1995, je l'ai nommé également président-directeur intérimaire, en lui demandant de régler les négociations avec la Nova Scotia Power Inc. et de commencer à dresser un plan d'entreprise destiné à garantir la viabilité commerciale de Devco.
À mon avis, M. Shannon a fait un excellent travail.
Il y a deux mois, j'ai nommé M. George White président de l'entreprise. Comme vous l'a dit M. Shannon lorsqu'il s'est adressé à vous, M. White avait travaillé pour la société au milieu des années 1980 avant d'être recruté par le plus gros client de Devco, la Nova Scotia Power Inc. De ce fait, M. White jouit d'une vaste connaissance et d'une expérience considérable des deux côtés de la barrière, et il possède les compétences et la détermination qu'exige à l'évidence son poste.
Début mai, le gouvernement du Canada a approuvé le plan quinquennal de l'entreprise. Ce plan est le fruit d'un travail acharné et de larges consultations, sans précédent, qui ont été menées à ma demande auprès de tous les secteurs de la collectivité qui ont un intérêt dans l'avenir de la société.
À mon avis, il était important que toutes les parties prenantes contribuent à l'élaboration du plan. De fait, on y trouve des idées excellentes qui ont été formulées pendant les consultations, notamment par des représentants syndicaux et communautaires et par mes collègues fédéraux de la Nouvelle-Écosse.
À titre de président de la société, M. White est chargé de mettre en oeuvre ce plan d'entreprise, lequel comporte des réductions de personnel qui toucheront 658 employés au cours des cinq prochaines années. Nous prévoyons que la plupart accepteront un programme de retraite anticipée mais certains devront être mis à pied.
Toute mise à pied est difficile pour l'employé, pour sa famille et pour sa collectivité. Je sympathise avec les mineurs qui seront touchés et je partage vos préoccupations au sujet de l'incidence que cela aura sur le Cap-Breton. Je tiens cependant à affirmer de manière catégorique, monsieur le président, que le gouvernement du Canada a la conviction que ce plan permettra à la Société de devenir une entité rentable qui continuera de contribuer à l'économie du Cap-Breton. Je suis particulièrement heureuse de constater que les syndicats de Devco conviennent eux aussi de la nécessité pour l'entreprise d'être rentable.
Nous convenons tous, monsieur le président, que le plan d'entreprise exige des changements dans tous les domaines: nombre d'emplois, nouvelles technologies, gains de productivité, meilleure gestion et, surtout, coopération entre la direction et le personnel. Sans cette coopération, le plan échouera. L'avenir de l'entreprise est donc entre les mains des employés et de la direction.
Le Canada est prêt à avancer 79 millions de dollars à la société. Je précise qu'il s'agit là de deniers publics avancés dans un contexte d'extrême rigueur budgétaire.
Je souligne toutefois que ces 79 millions de dollars seront totalement remboursés, avec intérêt, conformément à notre décision de ne plus subventionner la société.
Nous recevrons chaque trimestre des rapports rigoureux qui feront le point sur les principaux indicateurs financiers et techniques pour veiller à ce que l'entreprise respecte ses engagements, à ce que les contribuables soient remboursés et à ce que la viabilité commerciale soit atteinte.
Nous avons fait beaucoup de chemin au cours des 15 derniers mois, depuis que l'on m'a confié la responsabilité de la société. J'ai rencontré à plusieurs reprises des représentants communautaires et des dirigeants syndicaux, aussi bien au Cap-Breton qu'à Ottawa, pour cerner leurs préoccupations et recueillir leur opinion.
Nous avons aujourd'hui la bonne équipe de gestion. Nous avons un contrat avec notre principal client, et nous avons établi de nouvelles relations positives avec lui. Je crois par ailleurs que nous avons dressé le bon plan d'entreprise. Plus important encore, nous commençons à percevoir l'esprit de collaboration que nous souhaitons entre les syndicats, la direction et toutes les parties prenantes.
Monsieur le président, notre objectif ultime est d'assurer la rentabilité commerciale des charbonnages du Cap-Breton, dans l'intérêt économique de la région. Il est indispensable que nous réussissions pour les générations futures. Heureusement, j'ai la conviction que nous allons réussir, en travaillant ensemble.
Le président: Merci, madame la ministre. Sénateur Murray.
Le sénateur Murray: L'automne dernier, M. Shannon et la direction de Devco ont publié un document faisant le point sur Devco, document qui avait été approuvé par le conseil d'administration, comme M. Sully pourra vous le confirmer. À ce moment-là, l'objectif était aussi d'assurer la viabilité commerciale de l'entreprise, mais on considérait alors que cet objectif ne pourrait être atteint qu'en fermant progressivement la mine Prince, en attribuant moins d'importance aux marchés d'exportation et en effectuant une très sérieuse compression des effectifs.
C'est peu après que des problèmes ont éclaté à la mine Phelan. De ce fait, on a décidé en janvier que 1 200 personnes seraient temporairement mises à pied, et on a annoncé que 800 seraient mises à pied définitivement, soit 400 dans l'immédiat et 400 au cours des prochaines années.
Il y a quelques semaines, le Cabinet a approuvé un autre plan d'entreprise. Celui-ci est encore axé sur la viabilité commerciale de l'entreprise et, comme vous l'avez dit, madame la ministre, vous avez la conviction que cet objectif sera atteint. Toutefois, on envisage dans ce plan d'entreprise de produire 3 millions de tonnes de plus au cours des cinq prochaines années, et d'exporter chaque année entre 700 000 et un peu plus de 1 million de tonnes. On prévoit que l'entreprise fera des profits et ce, malgré un nombre moins élevé de mises à pied.
Je ne prends certainement aucun risque en disant que tout le monde autour de cette table préfère le deuxième plan, celui que vous avez approuvé il y a quelques semaines. Mon problème est de savoir si ce plan est plus fiable que le premier -- au sujet duquel j'avais d'ailleurs certains doutes, ce qui m'a amené à proposer la création de ce comité.
L'entreprise s'est-elle trompée, à l'automne, lorsqu'elle a annoncé les diverses mesures qui seraient nécessaires pour atteindre la viabilité commerciale ou se trompe-t-elle aujourd'hui? Qu'est-ce qui vous fait dire que le dernier plan est le bon?
Mon inquiétude provient évidemment des nombreuses assurances qui ont été données par l'entreprise au gouvernement, au Parlement et à l'ensemble de la nation. Assurances qui ont d'ailleurs été réitérées cette année. Si ce plan échoue, j'ose à peine imaginer ce qui arrivera dans quelques années, lorsque nous serons à nouveau confrontés à une demande d'approbation du énième plan de Devco pour assurer sa rentabilité. Que pouvez-vous répondre à cela?
Mme McLellan: Je vais faire d'abord une remarque d'ordre général, qui ne porte pas directement sur le plan d'entreprise de Devco. Comme vous le savez, sénateur Murray, il n'y a jamais de garantie à 100 p. 100 en affaires. Il est donc impossible de dire aujourd'hui -- et je sais que vous ne demandez pas d'engagement de ma part ou de la direction de Devco -- que le plan que nous venons d'approuver ne comporte aucun risque.
On ne fait pas d'affaires si on n'accepte pas de risque. À titre de ministre des Ressources naturelles, je sais que l'industrie minière est toujours une industrie à risque. Ne revenons donc pas là-dessus.
Cela dit, voyons ce qui s'est passé depuis novembre 1995. Tout d'abord, le conseil d'administration et la direction de Devco ont reçu le rapport et les recommandations de la firme Boyd, l'une des principales firmes de service-conseil au monde dans le secteur minier. Ils ont examiné attentivement les recommandations de la firme, à la fois pour cerner leurs chances de rentabilité commerciale à long terme et pour évaluer les problèmes qu'il faudrait surmonter et les possibilités qu'il faudrait exploiter.
Je crois pouvoir dire -- ce qui est un hommage à la sagesse de la direction et du conseil d'administration de Devco -- que les responsables ont alors compris qu'une foule de parties prenantes, notamment les syndicats et les mineurs eux-mêmes, auraient sans doute des propositions valables à faire au sujet de l'élaboration d'un plan d'entreprise définitif pour assurer l'avenir de Devco.
On peut féliciter le conseil d'administration d'avoir décidé de sonder les syndicats et la collectivité locale, après avoir analysé attentivement les recommandations de la firme Boyd. Et c'est le fruit de tout ce processus qui a amené le conseil à revoir son plan d'entreprise.
L'objectif reste le même: la rentabilité commerciale. Vous avez vu que l'on envisage des compressions d'effectif importantes dans les deux plans mais que l'on met plus l'accent sur le développement des marchés d'exportation dans le deuxième.
On a par ailleurs adopté une démarche différente à l'égard de la mine Prince et l'on envisage un système d'accès multiple à la mine Phelan. Considérant ce qui est arrivé en novembre, personne ne devrait être surpris de cette décision.
J'en arrive maintenant à votre question: ai-je la conviction que ce plan permettra à l'entreprise de retrouver sa viabilité commerciale? Absolument. Est-ce que je fais confiance à la direction et au conseil de Devco? Absolument. Ai-je la conviction que les syndicats vont collaborer avec la direction de l'entreprise et mettre fin à la confrontation, dans le but d'assurer la viabilité commerciale de l'entreprise et leur propre avenir économique à long terme? Absolument. Je crois que nous avons affaire à des gens de bonne foi et de bonne volonté.
Certes, sénateur, nous ne pouvons garantir à 100 p. 100 le succès de ce plan d'entreprise. Par contre, considérant toutes les données raisonnables dont nous disposons, j'estime que ce plan a d'excellentes chances de succès.
M. Sully, membre du conseil d'administration, a peut-être quelque chose à ajouter.
Le sénateur Murray: Il fait partie du conseil qui a approuvé le plan de novembre.
Ron Sully, sous-ministre adjoint, Secteur des mineraux et des métaux, ministère des Ressources naturelles: Vous avez raison, sénateur Murray, de dire que le conseil a examiné les propositions de la direction à l'automne, mais je tiens à souligner qu'il ne s'agissait alors que d'une série d'options qui n'avaient fait l'objet d'aucune décision. Il ne serait pas juste de dire qu'elles constituaient un plan d'entreprise.
Nous avons examiné les options formulées par la direction et nous avons conclu qu'il faudrait y intégrer certaines des recommandations de la firme Boyd. Autrement dit, nous avons fait une sorte d'actualisation des options, après quoi nous avons tenu des consultations publiques, comme vous le savez.
Le processus n'a cessé d'évoluer et il ne serait pas juste de dire que le conseil d'administration avait adopté définitivement un plan d'entreprise à l'automne. Il n'a ratifié les deux plans qu'après les consultations et après avoir décidé d'apporter des modifications aux options d'origine.
Je puis vous dire que nous avons reçu d'excellentes propositions de la municipalité régionale du Cap-Breton, des syndicats et des autres parties prenantes. C'est ce processus qui nous a amenés à la version du plan d'entreprise qui a été soumise au gouvernement.
Le sénateur Murray: M. Shannon dit que le document de novembre n'était qu'une option mais il est clair, à la lecture, que la seule option viable pour l'entreprise était déjà la rentabilité commerciale. Et l'on voit clairement dans ce plan ce que l'on pensait nécessaire pour atteindre cet objectif. Si je me souviens bien, la firme Boyd a recommandé des compressions d'effectif encore plus sévères que celles qui viennent d'être approuvées. Pour ce qui est de la différence entre les deux plans concernant la mine Prince, M. Shannon a donné des explications. Les principales différences concernent près de 100 mises à pied de moins et un effort plus soutenu à l'exportation.
Si je me souviens bien, la firme Boyd a recommandé des compressions d'effectif encore plus sévères que celles qui viennent d'être approuvées. Pour ce qui est de la différence entre les deux plans concernant la mine Prince, M. Shannon a donné des explications. Les principales différences concernent près de 100 mises à pied de moins et un effort plus soutenu à l'exportation.
La ministre a parlé de l'accès multiple à Phalen. Avez-vous examiné sérieusement cette option? Lorsqu'il a comparu, M. Shannon nous a dit que la mine avait perdu 23 millions de dollars l'an dernier sur ses ventes à l'exportation, et 2 millions de dollars sur ses ventes à la Nova Scotia Power.
Le conseil d'administration a-t-il examiné attentivement ces chiffres? Vous-même, madame la ministre, et vos conseillers, avez-vous décortiqué les chiffres et avez-vous la conviction aujourd'hui que l'entreprise pourra vendre entre 700 000 et 1 million de tonnes de plus sur les marchés étrangers, et ce, en faisant des profits?
Mme McLellan: M. Sully va répondre.
M. Sully: Je dois vous dire tout d'abord, sénateur, que la différence n'est pas très importante entre les deux plans pour ce qui est de l'orientation sur les marchés d'exportation. Même dans les options qui avaient été présentées l'hiver dernier, on trouvait l'engagement pour l'entreprise de relancer très sérieusement ses exportations une fois qu'elle serait parvenue à réduire ses coûts. Autrement dit, même à cette époque-là, on envisageait que l'entreprise exporterait plusieurs centaines de milliers de tonnes au bout de deux ou trois ans.
Dans la version révisée, qui a finalement été approuvée par le gouvernement, on prévoit des exportations de l'ordre de 800 000 tonnes, mais pas instantanément. On se donne deux à trois ans pour faire baisser les coûts.
Le sénateur Murray: J'entends bien.
M. Sully: Lorsque nous exporterons, nous ne perdrons pas 23 millions de dollars. Nous ferons un peu de profit sur chaque vente.
Le sénateur Murray: D'après moi, la quantité que vous envisagez d'exporter est plus proche de 1 million de tonnes, puisque vos ventes à la Nova Scotia Power vont tomber à environ 2,1 millions de tonnes. Quoi qu'il en soit, je ne pinaillerai pas là-dessus.
J'ai une question à poser au sujet de Donkin. Quelle est la situation actuelle de Donkin, aux yeux du ministère et du gouvernement? Quelles sont les informations les plus récentes que vous ayez reçues?
Mme McLellan: Comme le montre le plan d'entreprise, Donkin reste en suspens pour le moment, et le premier ministre de la province appuie cette position.
Le sénateur Murray: En effet, tant que cela risque de coûter quelque chose à la province.
Mme McLellan: C'est peut-être en effet une question d'argent. Notre objectif est d'assurer la stabilité commerciale de Devco et de veiller à ce que l'entreprise ne coûte plus rien aux contribuables canadiens.
Le plan d'entreprise est axé sur cet objectif. C'est la première et, en fait, pour le moment, la seule obligation qui soit faite à la direction et au conseil de Devco. La firme Boyd a recommandé à l'entreprise de laisser de côté le projet Donkin pour le moment, afin de mettre l'accent complètement sur la rentabilisation des activités actuelles.
Il appartient maintenant à la direction et aux syndicats de Devco de prouver qu'ils peuvent assurer la rentabilité commerciale des activités avant d'envisager l'ouverture d'une autre mine.
Le gouvernement du Canada n'est aucunement intéressé par Donkin pour le moment. Plus tard, si Devco pense que sa situation financière lui permet d'envisager l'ouverture de Donkin, nous reverrons la situation. Il s'agira alors d'une décision commerciale semblable à celle que devrait prendre n'importe quelle autre entreprise se trouvant dans la même situation. Il n'appartient pas au gouvernement du Canada de gérer les opérations quotidiennes des sociétés d'État.
Le sénateur Murray: J'en reste là, monsieur le président.
Le sénateur MacEachen: Madame la ministre, je vous remercie de la confiance dont vous témoignez à l'égard de la direction et des syndicats. Je suis heureux de voir que, pour vous, les charbonnages du Cap-Breton ont un avenir.
Je n'ai pas l'intention d'engager un débat avec vous au sujet de Donkin. Comme vous le savez, Donkin était en quelque sorte la partie cachée de nos audiences. Peu à peu, cependant, c'est une partie qui est devenue de plus en plus visible. Tout le monde s'est mis à parler de Donkin, pour diverses raisons. Si John Buchanan était ici, vous auriez droit à une performance digne des Oscar sur Donkin. Nous, nous ne sommes que des figurants là-dessus.
Le sénateur MacDonald: Vous avez la chance d'échapper à cela, madame la ministre.
Le sénateur MacEachen: Je comprends que l'on attende aujourd'hui un meilleur rendement de l'entreprise, de son personnel et de sa direction. Le président a dit: «Ne parlons pas de nouvelles mines. Assurons d'abord notre survie.» Cela témoigne d'un réalisme de bon aloi.
Il n'en reste pas moins que l'espoir fait vivre. Si l'on fait des affaires, c'est par espoir. Vous-même, madame la ministre, oeuvrez tout particulièrement dans le domaine de l'espoir.
Mme McLellan: J'aime le croire, sénateur.
Le sénateur MacEachen: Voilà pourquoi j'estime que notre comité devrait dire quelque chose d'optimiste et de responsable au sujet de Donkin. Je voudrais votre aide pour que nous puissions rédiger la partie de notre rapport concernant Donkin en tenant compte des réalités, certes, mais en exprimant aussi l'espoir que de nouveaux investissements pourraient être envisagés au Cap-Breton.
Nous savons que les mines actuelles ne sont pas inépuisables et qu'il pourrait arriver des choses très préjudiciables dans l'une des deux. Il faut en tenir compte. C'était ma première ligne de pensée, pour faire suite au sénateur Murray.
Ma deuxième concerne la surveillance des activités de l'entreprise. Je crois que ce sera très important. Vous allez demander des rapports trimestriels, mais je voudrais savoir qui va exercer la surveillance: le ministère? Le Conseil du Trésor? Je crois qu'il nous faudra un système de surveillance relativement transparent pour que la population soit mise au courant s'il y a quelque chose qui ne va pas.
Finalement, en ce qui concerne la direction de l'entreprise, j'appuie certainement votre choix de M. Shannon. J'appuie aussi votre choix de M. White. Toutefois, si quelqu'un comme M. Shannon décidait dans deux ou trois mois de quitter l'entreprise pour aller faire autre chose, je me demande quel effet cela aurait sur la population et sur l'entreprise elle-même. Et la même chose vaut pour M. White. J'espère que vous avez obtenu des engagements raisonnables de leur part et, sinon, que vous allez faire tout votre possible pour les obtenir.
Je n'hésite absolument pas à dire que M. Shannon a autant d'intérêt que n'importe qui d'autre à assurer le succès de Devco et qu'il devrait donc occuper son poste jusqu'à ce que ce succès soit vraiment confirmé. Il ne faut pas qu'il parte simplement parce qu'il y a maintenant un bon plan sur papier.
Pourriez-vous donc répondre à mes questions sur Donkin, sur la surveillance et sur les engagements?
Mme McLellan: Donkin, c'est l'espoir, comme vous l'avez parfaitement dit. Il est vrai que tout le monde espère que l'économie du Cap-Breton va s'épanouir. Or, la meilleure source d'espoir, dans ce contexte, c'est que Devco devienne commercialement viable, pour assurer l'avenir des charbonnages. De cette manière, tout le monde saura que la région a un avenir.
Ensuite, comme dans toute entreprise qui marche bien, la direction pourra se pencher sur la question des réserves et voir s'il est nécessaire de trouver de nouveaux gisements. À ce moment-là, si les profits sont assez élevés pour qu'on entreprenne une étude de faisabilité au sujet de Donkin, ce sera tout à fait acceptable. Voilà, pour moi, ce qui est signe d'espoir. Je crois qu'il serait bon, sénateur, de dire aux syndicats et à la direction de l'entreprise de ne pas se laisser distraire par quelque chose dont nous n'avons absolument pas besoin aujourd'hui. Nous en aurons peut-être besoin dans 15 ou 20 ans mais pas aujourd'hui. D'ici là, l'important est de concentrer toute son attention sur la rentabilité de l'entreprise, pour que les gens aient un avenir. Lorsque cet objectif aura été atteint, on pourra parler de l'ouverture éventuelle d'une nouvelle mine.
Il me semble que c'est comme cela que les entreprises agissent dans le secteur privé. Elles scrutent l'horizon, mais elles ne se mettent pas à ouvrir une nouvelle mine si l'analyse de leur rentabilité leur montre que ce ne serait pas raisonnable.
Si l'on veut que Devco devienne commercialement viable, il faudra qu'elle se comporte comme un commerce. Il faudra qu'elle soit gérée avec cette éthique-là.
Je vais aborder tout de suite votre troisième remarque, concernant les engagements de M. Shannon et de M. White. Il s'agit là de deux personnes qui savent diriger une entreprise, qui savent prendre des décisions difficiles, qui ont déjà connu du succès et qui vont insuffler cette éthique du succès à Devco, ce qui me semble très important.
Vous voulez savoir si j'ai obtenu des engagements à long terme de leur part. Je crois pouvoir vous dire que j'ai toute raison de penser que M. White, président de l'entreprise, occupera son poste pendant une période assez longue. Je n'ai cependant aucune garantie. Cela dit, si horrible cela serait-il, tous deux pourraient se faire écraser demain matin par un autobus. Il n'y a donc aucune garantie. Ne me demandez de vous garantir qu'ils seront encore là dans trois ou cinq ans. Je ne peux pas vous donner cette garantie mais je peux vous assurer que tous deux sont des gens déterminés du Cap-Breton, comme vous-même, et qu'ils sont parfaitement conscients du défi qu'ils ont à relever.
Joe Shannon n'avait pas à devenir président du conseil d'administration de Devco et président-directeur intérimaire pour réussir sa vie. Il a accepté ces fonctions par dévouement pour la population du Cap-Breton et pour Devco. J'ai toutes les raisons de croire que M. Shannon restera président du conseil d'administration tant et aussi longtemps qu'il pensera pouvoir contribuer de manière positive à la prospérité du Cap-Breton et à la bonne gestion de la société.
À mon avis, on ne peut rien lui demander de plus, mais j'ai la conviction que nous avons choisi deux personnes extrêmement compétentes. À mes yeux, c'est très prometteur pour Devco.
Revenons maintenant à votre question sur la surveillance des opérations. Vous avez raison de dire que cette surveillance sera très importante. Il faut fixer des repères. Il faut que la direction de Devco comprenne bien qu'elle doit rendre des comptes autant aux mineurs qu'à la population du Cap-Breton et aux contribuables du Canada.
Pendant son histoire, cette entreprise a fait bien des promesses, mais très peu ont été respectées. Cette fois, nous tenons à savoir si l'objectif du plan quinquennal sera atteint. C'est par la surveillance et la transparence que nous le saurons.
À mon avis, sénateur, il serait probablement avisé de confier ce travail de surveillance à une tierce partie indépendante, en exigeant que les résultats soient communiqués au public, à moi-même et au Conseil du Trésor. Ces rapports trimestriels susciteront beaucoup d'intérêt dans le public.
J'espère que ce processus favorisera le souci de responsabilité et de détermination pour atteindre les objectifs fixés.
Le sénateur MacDonald: Quand les représentants syndicaux sont venus témoigner, madame la ministre, je leur ai demandé ce qu'ils pensaient de vous. Ils m'ont dit que vous étiez quelqu'un de très dur. Je sais aussi que vous êtes professeure de droit et que vous savez donc comment répondre à des questions hypothétiques. D'après vous, ce plan est-il celui de la dernière chance pour Devco?
Mme McLellan: Oui.
Le sénateur MacDonald: La société va donc espérer pendant les cinq prochaines années qu'il n'y aura pas d'inondation, pas d'effondrement de mines, pas d'acte fortuit et, au bout de cinq ans, vous viendrez nous dire: «Ils ne sont pas passés loin».
Si la Société dépasse son objectif, il n'y aura pas de problème. Elle pourra songer à ouvrir de nouvelles mines. Par contre, si elle arrive très près, vous aurez une décision à prendre, d'ordre politique et social.
J'ai lu avec amusement un article récent de Stephen Drake, analyste en qui vous avez beaucoup confiance, sur la coopération avec la direction. Voici ce qu'il dit:
Depuis quelques jours, les gens du Cap-Breton se demandent pourquoi M. Dingwall abandonnerait les mineurs et leurs familles. Ils se demandent: «Quelles solutions nous reste-t-il?» Après ces annonces, le Cap-Breton est-il dans une meilleure situation? Seul M. Dingwall peut répondre à ces questions.
C'est là une attaque virulente contre M. Dingwall.
Je connais Dave Dingwall. Il vient aussi du Cap-Breton. Il a déniché et volé tout ce qui n'était pas fermement amarré afin de le donner au Cap-Breton. On l'a récompensé en lui enlevant ce portefeuille, pour qu'il arrête de voler. Voilà le genre de remerciements qu'il a eus.
Nous avons ensuite entendu l'éloge du sénateur Allan J. MacEachen, qui aurait apparemment «toujours eu à coeur les besoins des familles ouvrières et n'a jamais oublié ses origines». N'en jetez plus, vous allez me faire pleurer.
Vous croyez que Devco sera viable et vous pensez que les gens du Cap-Breton pensent qu'elle le sera. Vous pensez qu'ils vont coopérer totalement avec la société et qu'ils auront confiance. Vous pensez que la seule raison pour laquelle on verra naître là-bas une culture d'espoir, d'efficience et de coopération est que toutes les régions du pays traversent une passe très difficile. Est-ce pour cette raison que vous avez tant d'espoir -- outre le fait que la Société a une excellente direction, ce dont je conviens?
Mme McLellan: J'espère parce que je crois que les gens du Cap-Breton et de la Nouvelle-Écosse sont foncièrement rationnels, et je peux le dire parce que c'est là-bas que j'ai été élevée. La raison pour laquelle je pense que toutes les parties concernées feront tout leur possible pour assurer la viabilité commerciale de Devco est que ces gens tiennent à ce que le Cap-Breton ait un avenir économique.
Vous avez raison, sénateur, quand vous dites que le monde a changé. Notre situation budgétaire est difficile, après des années d'inaptitude et d'absence de volonté politique pour régler le problème du déficit et de l'endettement du pays, autant au plan fédéral que provincial. La population nous a dit que c'est inacceptable et qu'elle ne le tolère plus. Elle exige des gouvernements un degré plus élevé de responsabilité budgétaire et elle exige que l'État remette de l'ordre dans ses finances.
M. Martin a déclaré que les gouvernements n'ont rien à faire dans le secteur des affaires, parce que les affaires sont un domaine risqué et que l'État n'a pas à assumer de risques inacceptables avec l'argent que les contribuables lui remettent de bonne foi.
En conséquence, il me semble que les gens du Cap-Breton, gens rationnels qui savent que la situation a bien changé, à l'échelle mondiale, à l'échelle nationale et au sein de ce gouvernement, comprennent qu'il n'est plus possible de demander aux contribuables canadiens de subventionner des mines qui n'ont aucune chance de rentabilité, quel que soit leur emplacement.
Je crois qu'ils ont les compétences, la formation professionnelle, l'aptitude et l'ingéniosité requises pour redresser Devco et en faire une entreprise rentable.
Vous avez parlé de mon collègue, David Dingwall. Sachez bien que je le tiens en très haute estime. Il a toujours appuyé nos efforts de restructuration de Devco. Il comprend aussi bien que quiconque, si ce n'est mieux, les défis auxquels notre pays doit faire face, et il sait bien que les choses ne peuvent plus continuer comme avant.
Le sénateur MacDonald: Et c'est comme ça qu'on l'a remercié.
Mme McLellan: C'est comme ça qu'on l'a remercié. J'invite toutefois Stephen Drake à adopter une attitude un peu plus positive dans l'intérêt de la prospérité à long terme des hommes et des femmes qu'il prétend représenter.
Ce qu'il faut maintenant, c'est renoncer une fois pour toutes à l'ancienne méthode de confrontation dans les relations syndicales-patronales. Les entreprises du secteur des ressources qui sont syndiquées et qui réussissent, que ce soit Inco ou d'autres, gèrent les relations syndicales-patronales dans une optique tout à fait différente. Elles comprennent que leur concurrence ne se trouve plus seulement en Alberta ou en Ontario, mais dans le monde entier. Elles savent qu'elles doivent faire baisser leurs coûts de production, accroître leur productivité et aller décrocher des marchés.
Voilà pourquoi j'invite M. Drake à cesser de critiquer M. Dingwall qui tient plus que quiconque, sauf peut-être le sénateur MacEachen, à assurer la prospérité des gens du Cap-Breton. Au lieu de critiquer David Dingwall, il ferait mieux de collaborer avec lui et avec les travailleurs syndiqués qu'il représente pour veiller à ce que Devco ait un avenir au Cap-Breton.
Il est déplorable que Stephen Drake fasse preuve d'autant d'irresponsabilité en diffusant ce genre d'allégations au sujet de mon collègue, David Dingwall, ou de tout autre député du Cap-Breton qui a travaillé aussi fort pour qu'il y ait dans la région une entreprise rentable, capable de fournir de bons emplois et des salaires décents à 1 200 ou 1 400 habitants de la région.
Le sénateur MacDonald: Je voudrais aborder une question qui me tient beaucoup à coeur et au sujet de laquelle j'ennuie mes collègues depuis plusieurs jours.
L'une des choses les plus importantes que vous pourriez faire pour aider l'entreprise au cours des cinq prochaines années serait de bien comprendre l'affaire exceptionnelle que vous pourriez faire en choisissant 12 très bons administrateurs, quelle que soit leur origine.
Monsieur Sully, quand vous parlez de responsabilité budgétaire ou de surveillance, pouvez-vous me dire qui gère une entreprise si ce n'est son conseil d'administration? Ce sont bien les administrateurs qui vont demander des comptes à M. White et à M. Shannon?
Or, comment ont-ils été choisis, ces administrateurs, ces dernières années? Puisque vous parlez de surveillance, allez-vous demander à un autre groupe de surveiller le conseil d'administration? Personne ne gère une entreprise de cette manière, alors que vous ne cessez de nous rebattre les oreilles avec cette idée de gestion «commerciale». Tout comme vous, j'estime que l'entreprise doit devenir rentable, mais il faut que quelqu'un l'aide.
Je sais que je soulève la colère de mon collègue, le sénateur Murray, quand je critique certaines des nominations qui ont été faites au cours des 20 dernières années. Je le fais pourtant parce qu'il s'agissait purement et simplement de nominations fondées sur le favoritisme politique. Ce qui ne veut pas dire que je n'apprécie pas parfois le favoritisme politique puisque c'est grâce à lui que je suis ici.
Je parle cependant en ce moment de quelque chose de crucial pour mon pays. M. Sully ne pense-t-il pas qu'il pourrait bénéficier de l'aide de quatre ou cinq autres administrateurs ayant une certaine connaissance de l'activité minière, une certaine connaissance des relations de travail et quelque chose de positif à proposer? Ne pensez-vous pas que ce serait une bonne idée ou pensez-vous que vos collègues actuels réussiront à s'en sortir?
Mme McLellan: Avant de donner la parole à M. Sully, je tiens à préciser que la législation actuelle ne nous permet pas d'accroître le nombre d'administrateurs. Cela dit, on pourrait évidemment amender la loi. Laissons cela de côté.
Sénateur, je n'ai aucune raison de croire que les membres actuels du conseil d'administration de Devco ne sont pas qualifiés. Je crois qu'ils apportent collectivement un ensemble très intéressant de compétences et de savoir-faire. Si je ne me trompe, il y en a un au moins qui est un ancien mineur. Il y a aussi un comptable. On trouve donc au sein de ce conseil d'administration une représentation raisonnable des compétences que l'on peut attendre pour une entreprise qui exploite une mine de charbon en Nouvelle-Écosse.
Je suis cependant intéressée par votre suggestion et je vais y réfléchir. Il se peut que le conseil d'administration manque actuellement de certaines compétences qui pourraient être utiles pour aider Devco à atteindre son objectif de rentabilité commerciale.
Cela dit, je ne suis pas de ces personnes qui croient que le simple fait d'ajouter de nouveaux administrateurs va nous donner une structure de gestion plus compétente, plus rigoureuse ou mieux avisée pour aider les cadres de Devco à relever les défis de demain.
Le sénateur MacDonald: Vous n'avez pas saisi mon argument, madame la ministre. Je ne dis pas qu'il faut accroître le nombre d'administrateurs, je dis qu'il faut gérer correctement l'entreprise.
Mme McLellan: Je pensais que vous vouliez que l'on en trouve d'autres.
Le sénateur MacDonald: Il ne s'agit pas d'accroître le nombre d'administrateurs. Vous donnez l'impression que ce serait une recette miracle. Je dis plutôt que le conseil d'administration est la raison d'être d'une entreprise.
Mme McLellan: Certes, et j'affirme que je n'ai aucune raison de croire que les gens qui en font partie actuellement ne sont pas capables de gérer l'entreprise. Avez-vous des informations objectives qui nous permettent de croire que l'un d'entre eux, M. Sully compris, ne soit pas compétent? Comme je travaille avec eux, je puis vous dire que je n'ai aucune raison de croire qu'ils ne soient pas qualifiés.
Le sénateur MacDonald: J'aimerais pouvoir en discuter plus longuement avec vous.
Mme McLellan: J'en serais très heureuse.
Le sénateur Murray: Qui sont les administrateurs actuels de l'entreprise, à part vous-même et M. Shannon? Le président est-il membre du conseil?
M. Sully: Oui, monsieur White fait partie du conseil. Les autres administrateurs sont Joe McMullen, un comptable de Halifax, Jim MacIntyre, un mineur à la retraite du Cap-Breton, Alastair MacKenzie, également un mineur à la retraite, Alan MacIntyre, qui est actuellement à Travail Canada. Ce sont des gens très avisés en affaires et, si on considère qu'on y trouve Joe Shannon, Joe McMullen et des mineurs à la retraite, ce sont des gens qui connaissent fort bien l'entreprise.
J'ajoute qu'il n'est pas rare qu'un conseil d'administration demande l'aide d'un comité externe en matière de surveillance. Il y a dans le monde entier des sociétés charbonnières qui font régulièrement appel à des conseillers indépendants, comme la firme Boyd par exemple, pour aider la direction de leur entreprise et conseiller son conseil d'administration quant à la qualité des plans d'activité et aux chances de succès des objectifs financiers. Les deux ne sont pas incompatibles -- c'est-à-dire avoir un conseil d'administration très fort et demander de temps à autre l'aide d'organismes indépendants.
Le sénateur Murray: Je ne voulais pas intervenir, mais le sénateur MacDonald ne cesse de dire que je m'oppose à ce qu'il affirme au sujet des administrateurs. Je m'y oppose pour la simple et bonne raison que le conseil d'administration regroupe des personnes qui ont largement fait leurs preuves en affaires depuis 1967 et qui ont toutes les compétences requises pour faire partie de ce conseil. Naturellement, il faut qu'un conseil d'administration comprenne quelques représentants de la collectivité locale. Qu'y a-t-il de mal à cela?
Le sénateur MacDonald: Ah, il y a certainement quelques vedettes dans ce groupe, mais qu'est-il arrivé avant votre nomination?
Mme McLellan: À quel sujet?
Le sénateur Murray: Elle n'est pas responsable des décisions qui ont été prises avant.
Le sénateur MacDonald: Dans ce cas, c'est quelqu'un d'autre qui doit l'être. Il est clair que l'entreprise a été mal gérée. Vous ne pouvez pas venir faire le fanfaron et vous contenter de dire: «J'ai de l'espoir. Je crois, et je viens du Cap-Breton».
Mme McLellan: Je ne viens pas du Cap-Breton. Je viens du continent. Aujourd'hui, je suis de l'Alberta.
Le sénateur MacDonald: C'est trop pour le Cap-Breton pour qu'on laisse cela ...
Le sénateur MacEachen: À des gens du Cap-Breton.
Le sénateur MacDonald: Vous approchez de la vérité.
Mme McLellan: Sénateur, j'ai pris bonne note de votre argument à ce sujet et je puis vous assurer que je vais réfléchir à votre suggestion. Peut-être pourrions-nous reprendre cette discussion une autre fois?
Le président: Je suis heureux que cette question soit éclaircie. Le sénateur Anderson souhaite poser une question.
Le sénateur Anderson: Merci, monsieur le président.
Je ne puis m'empêcher de vous dire, madame la ministre McLellan, que j'admire beaucoup votre optimisme. Il me semble en effet que Devco devra produire énormément plus de charbon qu'à l'heure actuelle pour atteindre son objectif. Croyez-vous vraiment que les deux mines réussiront à accroître leur productivité en cinq ans, avec 800 mineurs de moins?
Mme McLellan: Oui, je le crois. Je vais toutefois demander à M. Sully de vous donner une réponse plus détaillée.
M. Sully: Je n'ai pas les chiffres avec moi, sénateur, mais, de mémoire, je puis vous dire que Phelan retrouvera en deux ou trois ans son niveau de 2,2 millions de tonnes, ce qui est sensiblement inférieur à sa production passée. À Prince, nous allons produire environ un million de tonnes par an, ce qui est également inférieur au niveau de production de ces dernières années. Nous avons régulièrement atteint environ 1,4 million de tonnes.
Nous pensons pouvoir atteindre ces objectifs. Je dois vous dire que ces prévisions ont été établies avec prudence et que c'est précisément pour cela que nous les pensons tout à fait réalistes. Il y a une bonne marge de prudence dans ces estimations de production.
Le sénateur Anderson: Je vous souhaite bonne chance.
Mme McLellan: Merci.
Le président: Madame la ministre, l'une des frustrations inhérentes à la fonction de président de ce comité est de ne pas pouvoir participer à un débat qui est toujours extrêmement intéressant. En contrepartie, on a la chance de suivre certaines leçons de rhétorique tout à fait exceptionnelles. Comme les gladiateurs d'autrefois, madame la ministre, vous vous êtes bien tirée d'affaire.
Mme McLellan: Je vous remercie d'avoir entrepris cette importante étude, monsieur le président. Je tiens à vous assurer que j'examinerai avec beaucoup d'attention vos recommandations.
La séance est levée.