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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des finances nationales

Fascicule 2 - Témoignages


TÉMOIGNAGES

Ottawa, le mercredi 27 mars 1996

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, qui est saisi du projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997, se réunit aujourd'hui, à 17 h 15, pour en faire l'examen.

Le sénateur Pierre De Bané (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, j'aimerais inviter le secrétaire parlementaire auprès du ministre des Finances, M. Barry Campbell, à nous présenter ses remarques préliminaires, après quoi nous lui poserons des questions.

M. Barry Campbell, secrétaire parlementaire auprès du ministre, ministère des Finances: Merci beaucoup. Je suis heureux de comparaître devant vous cet après-midi et d'avoir l'occasion de vous parler du projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997.

Notre but est d'obtenir ce pouvoir d'emprunt à temps pour le 1er avril, soit le début d'un nouvel exercice financier pour le gouvernement, afin de maintenir le financement régulier des activités gouvernementales.

Je sais que nombre d'entre vous connaissent bien le fonctionnement des lois portant pouvoir d'emprunt. J'aimerais toutefois vous indiquer brièvement ce que nous tåchons d'accomplir à l'aide de ce projet de loi. Je me ferai ensuite un plaisir de répondre aux questions. Comme je l'ai indiqué avant le début de la séance, les représentants du ministère se joindront à moi sous peu.

Tout pouvoir d'emprunt accordé en vertu de la Loi sur le pouvoir d'emprunt de l'an dernier, y compris les trois milliards de dollars de crédits permanents, sera épuisé d'ici la mi-avril. Si le nouveau projet de loi n'entre pas en vigueur d'ici là, il faudra recourir à l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques pour combler les besoins de financement du gouvernement.

Comme beaucoup d'entre vous le savent, l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques limite les possibilités aux emprunts à court terme. Ce type d'emprunts pourrait coûter cher au gouvernement et aux contribuables canadiens et exposerait le gouvernement au risque supplémentaire, du point de vue des taux d'intérêt, que présente un recours accru à un financement à court terme. C'est pourquoi il est crucial que ce pouvoir d'emprunt entre en vigueur le plus tôt possible.

Avant de commenter les divers articles du projet de loi, permettez-moi de vous situer le contexte dans lequel il s'inscrit. Le projet de loi C-10 accorde au gouvernement le pouvoir de financer les besoins financiers du gouvernement tels qu'ils sont exposés dans le budget de 1996. Ce budget représente la troisième étape du programme adopté par le gouvernement afin de garantir la stabilité financière ainsi que le dynamisme et la compétitivité de l'économie pour les Canadiens. Les mesures énoncées dans le budget de 1996 renforcent et prolongent celles exposées dans nos deux premiers budgets et favorisent l'atteinte de nos objectifs économiques et financiers gråce à la réduction des dépenses de programme et au maintien des impôts à leurs taux actuels. Ces mesures nous permettront de concrétiser notre nouvel objectif de réduction du déficit, à savoir le ramener à 2 p. 100 du produit intérieur brut.

J'aborderai maintenant les divers articles du projet de loi. Au paragraphe 2(1), le gouvernement demande un pouvoir d'emprunt de 18,7 milliards de dollars pour l'exercice 1996-1997. Ce montant représente 13,7 milliards de dollars pour les besoins financiers, 1 milliard pour les gains du Compte du fonds des changes, et 4 milliards pour les crédits permanents.

J'aimerais signaler que le montant de 4 milliards de dollars pour les crédits permanents représente une augmentation de 1 milliard de dollars par rapport aux années précédentes. Depuis 1986, les crédits permanents étaient de 3 milliards de dollars. Cette augmentation prévue par le projet de loi est une mesure prudente qui permettra au gouvernement de gérer les besoins de change plus efficacement, compte tenu de l'accroissement des flux et de la volatilité sur les marchés de change, constatés ces dernières années. Cette augmentation pourra servir durant l'année à gérer les éventualités, comme les besoins de change imprévus, ou pourra être reportée à l'exercice suivant.

Le paragraphe 2(1) permet également de s'assurer que les montants accordés par ce projet de loi pourront être utilisés uniquement après le début de l'exercice financier 1996-1997.

Le paragraphe 2(2) garantit que toute fraction du montant permanent de trois milliards de dollars accordé par la Loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1995-1996 utilisée en 1996-1997, sera déduite du montant accordé par le pouvoir d'emprunt pour 1996-1997. Cette mesure empêche l'utilisation du montant permanent de 1995-1996 et augmente donc le pouvoir d'emprunt de 1996-1997.

L'article 3 du projet de loi énonce que toute fraction non utilisée de l'emprunt autorisé supérieure à quatre milliards de dollars cessera d'avoir effet le 31 mars 1997. Cette mesure permettra de reporter à l'exercice 1997-1998 le montant permanent de quatre milliards de dollars.

L'article 4 prévoit que pour le calcul des montants imputés sur les fonds dont l'emprunt est autorisé, la date d'entrée en vigueur est le 1er avril.

Enfin, l'article 5 traite de l'annulation de tout pouvoir d'emprunt autorisé pour 1995-1996, mais non utilisé. Si le projet de loi est adopté avant le 1er avril 1996, toute fraction non utilisée de l'emprunt autorisé par la Loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1995-1996 est annulée le 31 mars.

Si le projet de loi entre en vigueur après le 1er avril, le montant permanent de trois milliards de dollars autorisé en vertu de la Loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1995-1996 pourra être utilisé entre le 31 mars et la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi.

Le pouvoir d'emprunt est un élément normal des opérations du gouvernement. Il est important pour le bon fonctionnement du programme d'emprunt du gouvernement qu'il soit déjà en place au début d'un nouvel exercice financier.

D'après ce que je sais à propos de la façon dont on procède - et, à certains égards, vous êtes probablement mieux informés que moi à ce sujet -, ce projet de loi ne diffère pas des projets de loi des années précédentes, sauf comme je l'ai indiqué, en ce qui concerne le seul changement que j'ai constaté, soit l'augmentation du montant permanent.

En ce qui concerne tous les autres aspects, je suis convaincu, et je crois que les représentants du ministère le confirmeront, que le projet de loi est conforme aux projets de loi antérieurs.

Avant de vous céder la parole, monsieur le président, pour la période des questions, j'aimerais vous présenter les représentants du ministère qui viennent de se joindre à moi: Jon Cockerline, Paul-Henri Lapointe et Doug Wyatt.

Le sénateur Stratton: Je crois comprendre que l'on se sert des cotisations d'assurance-chômage pour financer le budget. En d'autres mots, il renferme une somme de 5 milliards de dollars qui provient de l'assurance-chômage. Cela équivaut essentiellement à une surtaxe d'affaires. Au lieu de réduire le montant versé à l'assurance-chômage, vous conservez cet argent pour diriger les opérations gouvernementales. Est-ce exact?

M. Paul-Henri Lapointe, directeur général, Direction de la politique fiscale et de l'analyse économique, ministère des Finances: Tout d'abord, il importe de préciser que depuis 1986, le compte d'assurance-chômage a été entièrement fusionné au compte général du gouvernement. Par conséquent, toutes les recettes d'assurance-chômage que nous recueillons font partie des recettes générales. Les prestations versées à même le compte sont incluses dans les dépenses générales du gouvernement. Le compte d'assurance-chômage est plutôt une notion théorique, si je puis utiliser cette expression. Toutes les recettes font partie des recettes générales du gouvernement.

Jusqu'en 1994, le compte d'assurance-chômage avait accumulé un important déficit qui, en fait, avait atteint plus de six milliards de dollars en 1993. Comme les dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage l'indiquent, nous devons maintenant rembourser ou éliminer ce déficit accumulé. À la fin de 1995, nous avions essentiellement éliminé ce déficit accumulé.

Pour éviter d'avoir à augmenter les cotisations d'assurance-chômage en cas de récession ou de ralentissement de l'économie, le gouvernement a indiqué dans le budget de 1995 qu'il accumulerait un surplus de plus de 5 milliards de dollars afin de stabiliser davantage le taux de cotisation à l'assurance-chômage.

Cette année, à la fin de 1996, le surplus accumulé sera d'environ 5 milliards de dollars. Dans un certain sens, il est vrai que le surplus du fonds d'assurance-chômage contribue à réduire le déficit tout comme, en période de ralentissement économique, le compte d'assurance-chômage contribue au déficit général.

Le sénateur Stratton: Vous avez dit que vous êtes en train de constituer une réserve en prévision des périodes difficiles. Votre objectif est-il de 6 milliards de dollars?

M. Lapointe: Non, le budget de 1995 indiquait que l'on autoriserait que le surplus dépasse cinq milliards de dollars. Comme je l'ai dit, à la fin de 1996, nous aurons atteint environ cinq milliards de dollars. Dans ce budget, nous sommes partis du principe, pour la planification, que la cotisation d'assurance-chômage serait réduite de 5 cents en 1997, même si le taux réel sera fixé à l'automne de 1997. Cependant, si nous partons de ce principe et nous établissons le taux selon cette réduction supposée, le surplus frôlerait dix milliards de dollars d'ici la fin de 1997.

Le sénateur Stratton: N'allez-vous pas établir un objectif initial en ce qui concerne le montant de cette réserve? Est-ce que vous vous contenterez de la laisser augmenter de cinq milliards de dollars par année ad infinitum, ou direz-vous aux Canadiens que vous avez l'intention d'établir cet objectif, puis d'abandonner la surtaxe d'affaires? J'espère que ce sera la solution que vous choisirez.

M. Lapointe: Nous sommes toujours en train de déterminer quel serait le montant de la réserve qui nous permettrait de répondre aux besoins futurs en cas de ralentissement de l'économie. Jusqu'à présent, nous sommes partis du principe qu'un surplus de huit à dix milliards de dollars suffirait, compte tenu de notre expérience. Cependant, si le taux de cotisation demeurait inchangé lors du prochain ralentissement économique, nous aurons besoin d'un montant plus élevé. Nous continuons d'examiner cette question.

Le sénateur Stratton: Vous êtes en train de déterminer en quoi consisterait un montant raisonnable. Le déficit du compte d'assurance-chômage n'a-t-il pas atteint 18 milliards de dollars à une époque?

M. Lapointe: Si nous avions empêché une hausse du taux de cotisation d'assurance-chômage au cours de la dernière récession, nous aurions accumulé un déficit d'environ 18 milliards de dollars.

Le sénateur Stratton: Oui.

M. Campbell: Compte tenu de la réforme de l'assurance- chômage qui est envisagée, cette question fera l'objet d'un examen permanent. Votre comité ou un autre comité sénatorial sera sans doute appelé à en débattre. Ces décisions seront prises en temps voulu, une fois cet examen terminé.

Le sénateur Stratton: Je comprends, mais ma seule préoccupation, c'est que vous essayez d'accumuler un surplus de dix milliards de dollars sur deux ans. Pour alléger le fardeau, ne serait-il pas préférable d'échelonner cela sur trois ou quatre ans, ou prévoyez-vous une récession en 1998-1999? Est-ce ce que vous prévoyez? Je trouve que nous imposons un fardeau assez lourd à la petite entreprise.

M. Lapointe: Nous avons déjà réduit le taux.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela, mais si vous êtes en train de constituer une réserve de cinq milliards de dollars par année, vous atteindrez votre objectif en deux ans. Pourquoi ne pas échelonner ce processus sur trois ou quatre ans de manière à atteindre l'objectif de huit ou dix milliards de dollars en trois ou quatre ans plutôt qu'en deux ans? Vous allégerez ainsi le fardeau des petites entreprises en particulier.

M. Lapointe: L'autre chose que j'ai oublié de mentionner, c'est que dans le cadre de cette réforme, nous sommes en train de réduire les gains maximums cotisables. Cette mesure, conjuguée à la réduction du taux de cotisation cette année, réduira de 1,8 milliard de dollars la cotisation totale de l'employé et de l'employeur.

Le sénateur Stratton: On vient de me remettre des chiffres. Je crois comprendre que selon les prévisions des trois prochaines années, s'il n'y a aucune réduction des cotisations qui s'ajoute à celle que vous avez déjà établie, pour 1996-1997, le montant s'établirait à 4,7 milliards de dollars, pour 1997-1998 à 4,6 milliards de dollars, et pour 1998-1999, à cinq milliards. Par conséquent, vous ne seriez pas loin d'atteindre 15 milliards de dollars.

M. Lapointe: Ce serait le cas si les taux de cotisation demeuraient inchangés, mais comme je l'ai dit, les taux sont déterminés à l'automne de l'année suivante.

Le sénateur Stratton: Je comprends cela. Si votre objectif se situe entre huit et dix milliards de dollars, en 1998-1999, vous seriez assurément en mesure de réduire les taux de façon considérable. Si vous disposez de cinq milliards de dollars supplémentaires, vous n'aurez aucun mal à accorder un sacré répit à l'employé et au petit entrepreneur. Ou avez-vous l'intention de conserver ce taux et d'utiliser cette mesure pour réduire le déficit?

M. Campbell: En toute justice, il s'agit d'une question politique plutôt que technique. Je crois que nous avons déjà prévu une certaine réduction dans la préparation des ces chiffres. Si d'autres réductions s'imposent, nous les examinerons à ce moment-là.

Le sénateur Stratton: Je pense qu'il vous est difficile de répondre à cette question mais si vous atteignez votre objectif, c'est-à-dire accumuler plus de neuf milliards de dollars de surplus sur deux exercices financiers, l'exercice suivant, soit en 1998-1999, vous aurez cinq milliards de dollars supplémentaires. Vous pourrez alors sûrement dire aux Canadiens et à la petite entreprise en particulier qu'un certain répit leur sera accordé en ce qui concerne l'assurance-chômage.

M. Campbell: Je crois que nous attendons tous ce jour avec impatience, sénateur.

Le sénateur Stratton: Merci.

Le sénateur Bryden: J'aimerais, monsieur Campbell, revenir à votre déclaration. Au deuxième paragraphe de la page 3, vous nous indiquez toutes les mesures positives que le gouvernement est en train de prendre pour réduire les dépenses de programmes et éviter d'augmenter les impôts.

Cela semblera peut-être étrange à certains, venant de moi, mais des augmentations des impôts réels sont en fait prévues et j'en ai remarqué une en particulier que je trouve difficile à expliquer. Dans le cadre du programme de REER, les frais d'administration étaient auparavant déductibles d'impôt s'ils étaient payés à l'extérieur du régime.

Il existe entre autres un nouveau compte, le compte RPA, dans lequel des fonds en commun sont administrés à peu près comme un fonds de pension. C'est un formidable moyen d'investir de façon passive. Le compte particulier auquel je pense comporte des frais de gestion de 25 p. 100. Ce sont les seuls frais qui s'y rattachent. Par conséquent, un compte RPA de 50 000 $ comporterait des frais d'administration de 2,5 p. 100. L'année dernière, ces frais de 2,5 p. 100 étaient déductibles d'impôt. Il est maintenant très clair que ce 2,5 p. 100 ne sera plus déductible. Par conséquent, si vous avez un taux marginal d'imposition, vos impôts auront augmenté d'environ 600 $ pour un investissement de 50 000 $.

J'ai appris que si l'on continue à payer ses frais d'administration en dehors du compte, c'est-à-dire en faisant un chèque pour payer les frais d'administration, le montant de ce chèque est ajouté au compte au même titre qu'une contribution. En d'autres mots, vous écopez deux fois. Vous ne pouvez plus déduire 50 p. 100 des frais de gestion et en fait, les frais de gestion sont ajoutés au montant que vous avez déjà déposé dans votre compte.

Cela me paraît très étrange, mais c'est l'interprétation donnée par les maisons de courtage. Cela touche beaucoup de gens et il s'agit de dollars d'impôt réels.

M. Lapointe: Je ne suis pas sûr de pouvoir bien répondre à votre question. Je ne suis pas un fiscaliste. Tout ce que je peux vous dire à propos du raisonnement derrière cette mesure, c'est que nous ne permettons pas la déduction des frais d'administration parce que les gains en ce qui concerne ce compte ne sont pas imposables. Donc, permettre de déduire les frais d'administration d'un fond d'investissement qui n'est pas imposable équivaudrait à accorder un double allégement fiscal. Il s'agit d'un traitement parallèle à un investissement normal où vous payez de l'impôt sur les gains réalisés sur votre compte et vous pouvez par conséquent déduire les frais d'administration de ce compte. C'est le raisonnement qui sous-tend cette mesure.

Je ne peux malheureusement pas répondre à l'autre partie de votre question.

Le sénateur Bryden: Cette question devrait-elle être adressée au ministère du Revenu national?

M. Lapointe: Les responsables de la direction de la politique fiscale pourraient y répondre.

Le sénateur Bryden: Il n'est pas rare d'accorder un allégement fiscal pour encourager les gens à faire des économies. C'est la raison d'être du REER. En ce qui concerne les comptes à l'extérieur de ce régime, on paye de l'impôt sur les gains et on peut déduire ses pertes, ce qu'il est impossible de faire dans le cadre d'un REER. Jusqu'à cette année, il était également possible de déduire le coût des frais d'administration.

Même si les taux d'imposition n'ont pas changé, les modifications proposées auront pour effet d'accroître les impôts que versent les citoyens. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres concernant le REER.

Le fait de ramener l'åge de 71 à 69 ans aura un impact considérable. On finira probablement par le ramener à 65. Il s'agit d'une décision politique. On propose ici des mesures aux objectifs contradictoires. Nous demandons aux Canadiens d'être plus autonomes et de s'occuper de leur propre retraite parce que le gouvernement ne sera plus en mesure de le faire. Ces mesures n'encouragent pas les gens à faire des économies en vue de leur retraite comme le faisait le REER.

M. Campbell: Vous devriez discuter de cette question avec les fonctionnaires du ministère. C'est la première fois que j'entends parler de ce problème particulier. Les fonctionnaires non plus n'en ont pas entendu parler.

Pour ce qui est des REER, il ne faut pas oublier les autres changements proposés qui, je crois, encourageront ceux qui cherchent à assurer leur retraite. Je pense en particulier à l'élimination du plafond de sept ans pour les cotisations. Il s'agit là de bonnes nouvelles, surtout pour les Canadiens plus jeunes qui ne sont pas en mesure de verser le plein montant auquel ils ont droit. N'oublions pas que les cotisations versées à un REER atteignent, en moyenne, environ 4 000 $.

Le sénateur Bryden: Je suis d'accord avec vous. Je crois tout simplement que nous devons faire preuve de prudence lorsque nous annonçons de telles mesures en raison des problèmes qui existent. Le traitement fiscal de certaines mesures ne sera plus le même par suite de ce budget.

Le sénateur Cools: J'aimerais souhaiter la bienvenue à Barry Campbell, qui en est à sa première rencontre avec le comité sénatorial permanent des finances nationales. Je crois que c'est la première fois qu'il comparaît devant un comité sénatorial.

M. Campbell: C'est exact, sénateur.

Le sénateur Cools: Vous dites au paragraphe cinq de la première page de votre déclaration que:

Si cette mesure n'entrait pas en vigueur à temps, il faudrait avoir recours à l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques pour combler les besoins de financement du gouvernement.

Que dit l'article 47?

M. Campbell: Je vous ferai gråce du jargon juridique, mais la Loi sur la gestion des finances publiques oblige le gouvernement à obtenir un pouvoir d'emprunt pour chaque exercice financier. En l'absence d'une telle autorisation, le seul pouvoir que possède le gouvernement est celui que lui confère l'article 47, qui l'autorise à emprunter pour une courte période seulement, avec tous les risques et taux d'intérêt élevés que cela peut entraîner.

Le sénateur Cools: Le jargon juridique ne m'ennuie pas. Sentez-vous libre de lire l'article en question.

M. Doug Wyatt, avocat général, Division des services juridiques généraux, ministère des Finances: L'article 47 se lit comme suit:

Dans le cas où il estime le Trésor insuffisamment approvisionné pour certains décaissements régulièrement autorisés, le gouverneur en conseil peut, à concurrence du montant qu'il juge nécessaire à cette fin, donner au ministre le pouvoir de contracter un emprunt à six mois au maximum.

Le sénateur Cools: C'est un article que nous avons longuement étudié en comité.

Nous semblons vivre la même situation tous les ans. On nous dit que si le projet de loi n'est pas adopté en 24 heures, les conséquences seront désastreuses. Il est intéressant de noter que les fonctionnaires du ministère arrivent parfois à trouver de l'argent pour quelques semaines de plus. Ces gens sont curieux.

Le sénateur Stratton: Des milliards de dollars.

Le sénateur Cools: Ils arrivent à faire tourner les choses pendant un bon bout de temps.

Pendant combien de temps la Chambre des communes a-t-elle été saisie du projet de loi C-10? Quand a-t-il été déposé?

M. Campbell: Il a franchi toutes les étapes jeudi dernier.

Le président: Il a été déposé à la Chambre le 6 mars, et il a franchi l'étape de la deuxième lecture le 18 mars.

Le sénateur Cools: Nous l'avons reçu aujourd'hui, le 27 mars.

Vous n'occupez pas un poste de ministre, monsieur Campbell, mais le gouvernement ne peut-il pas, puisque les libéraux contrôlent le Sénat, organiser ses travaux de manière à nous donner suffisamment de temps pour examiner ces projets de loi? Nous sommes aujourd'hui le 27 mars. Le projet de loi doit être adopté d'ici le 31 mars, ce qui complique énormément les choses pour nous.

M. Campbell: Votre argument est fort pertinent. On me dit que les projets de loi vous sont souvent remis à la dernière minute. Cette année, en raison de certaines circonstances, il nous a été impossible de le déposer plus tôt. Si vous vous souvenez bien, la Chambre n'a repris ses travaux qu'à la fin de février. Le projet de loi portant pouvoir d'emprunt ne peut être présenté et examiné qu'après le dépôt du budget. Il découle du budget. Les besoins financiers sont précisés dans le budget. Par conséquent, notre marge de manoeuvre était plutôt limitée.

Le projet de loi a suivi de très près le dépôt du budget, et la Chambre l'a examiné très rapidement. Au nom du ministre, je remercie le comité de s'être réuni si vite pour examiner le projet de loi afin qu'il puisse franchir toutes les étapes au Sénat dans les meilleurs délais.

Je comprends votre point de vue. Cette année, nous nous sommes trouvés dans une situation un peu particulière. La Chambre n'a repris ses travaux que le 26 février. Le budget a été annoncé une semaine plus tard. Le projet de loi portant pouvoir d'emprunt ne peut être déposé qu'après le discours du budget. C'est là que nous en sommes.

Le sénateur Cools: Je comprends. En fait, la Chambre aurait dû reprendre ses travaux plus tôt.

Le président: C'est une amélioration par rapport au projet de loi C-7, qui fait l'objet d'un examen par la Chambre depuis maintenant un an et demi.

Le sénateur Cools: Pour terminer, j'aimerais vous demander d'envoyer un message au ministre. Nous nous conformons dûment aux exigences, mais cette façon de procéder est en train de devenir pénible et ennuyeuse.

M. Campbell: Je comprends, sénateur Cools. Je transmettrai ce message en votre nom.

En ce qui a trait à l'autre volet de votre question, je tiens à vous rappeler que les 3 milliards de dollars de crédits permanents accordés en vertu de la loi sur le pouvoir d'emprunt de l'an dernier sont reportés au présent exercice, jusqu'à la mi-avril, pour nous donner une certaine marge de manoeuvre au cas où le nouveau pouvoir d'emprunt ne serait pas consenti. Il s'agit d'un emprunt à court terme.

Le sénateur Stratton: Il n'est donc pas nécessaire que nous adoptions le projet de loi demain; nous pouvons attendre jusqu'à lundi.

M. Campbell: D'après les fonctionnaires, les crédits permanents seront épuisés d'ici la mi-avril. Nous devrons avoir recours à la Loi sur la gestion des finances publiques.

Le sénateur Cools: Je dis cela en partie pour rire, parce que nous devons foncer à toute allure pour adopter ces mesures. Ces questions fiscales sont évidemment importantes. Nous travaillons fort, avec soin et sérieux, pour les régler au plus vite. J'aimerais que vous leur fassiez bien comprendre qu'il serait préférable de nous donner plus de temps pour examiner ces projets de loi. Ce qui implique que les députés de l'autre endroit ne doivent pas éterniser le débat.

Le président: Est-ce que le gouverneur en conseil peut invoquer l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques même si le Parlement siège?

M. Wyatt: Monsieur le président, la réponse est oui. Il peut avoir recours aux mandats conférés par le Gouverneur général lorsque le Parlement ne siège pas pour autoriser des dépenses. Mon collègue pourrait peut-être nous dire dans quelles circonstances cet article a été invoqué dans le passé.

M. Jon Cockerline, chef, Section de la politique de la dette et des marchés, ministère des Finances: La dernière fois que l'article 47 a été invoqué, c'était pour la période allant du 15 au 19 avril 1993.

Le sénateur Cools: Savez-vous pourquoi on y a eu recours?

M. Cockerline: Je crois que c'est parce que le projet de loi portant pouvoir d'emprunt n'avait pas été adopté.

M. Campbell: C'est dommage que vous n'ayez pas le tableau devant vous. Si vous l'aviez, vous constateriez que durant les deux années qui ont immédiatement précédé l'année en cours, il n'a pas été nécessaire d'invoquer l'article 47, ce qui témoigne de notre prudence.

Le président: L'article 47 peut donc être invoqué par le gouverneur en conseil, que le Parlement siège ou non.

Ai-je raison de dire que les besoins d'emprunt du gouvernement pour l'exercice à venir seront considérablement inférieurs aux besoins d'emprunt pour l'exercice qui prendra fin dans quelques jours, qui, eux, étaient nettement inférieurs aux besoins d'emprunt pour l'exercice précédent? Pouvez-vous nous dire pourquoi les besoins d'emprunt diminuent?

M. Campbell: Oui. Comme je l'ai expliqué, le montant de 18,7 milliards de dollars comprend plusieurs composantes. Si vous jetez un coup d'oeil sur le tableau du plan budgétaire, qui constitue en fait un état sommaire des opérations, vous allez constater qu'il couvre les périodes allant de 1993-1994 à 1997-1998. Après avoir indiqué les recettes budgétaires pour chacun de ces exercices, les dépenses de programmes, le solde de fonctionnement, et après avoir fait tous les calculs, vous arrivez à ce qu'on appelle les «besoins financiers».

Vous avez raison, monsieur le président. En 1993-1994, les besoins financiers étaient légèrement inférieurs à 30 milliards de dollars. En 1994-1995, ils s'élevaient à un peu moins de 26 milliards. En 1995-1996, ils étaient de 20 milliards, et en 1996-1997, de 13,7 milliards. En 1997-1998, ils seront de 6 milliards.

Si l'on revient à 1996-1997, c'est-à-dire l'exercice dont il est ici question, on remarque que le montant de 13,7 milliards de dollars constitue la composante la plus importante du pouvoir d'emprunt de 18,7 milliards de dollars. La tendance, qui est manifestement à la baisse, se poursuivra au-delà du présent exercice.

Le sénateur Taylor: Connaissez-vous le pourcentage de la dette publique qui est détenu par des étrangers? Il suffit de me dire si ce pourcentage augmente ou diminue.

M. Cockerline: J'ai ici quelques statistiques concernant le total de la dette du gouvernement du Canada qui est détenu par des étrangers. Les statistiques les plus récentes indiquent qu'à la fin de l'exercice 1994-1995, les non-résidents détenaient pour 110,4 milliards de dollars de la dette du Canada, soit 71,3 milliards d'obligations négociables, et 39,1 milliards de bons du Trésor.

Le sénateur Taylor: Ce rapport porte sur l'exercice 1995-1996. Celui de 1994-1995 ne m'est pas très utile. Vous nous avez indiqué le montant de la dette publique pour 1995-1996, 1996-1997 et 1997-1998. Vous ne faites aucune projection concernant le pourcentage de la dette qui est détenu par des étrangers.

M. Cockerline: Non, nous ne faisons aucune projection; les données concernant les chiffres les plus récents ne sont pas très fiables.

Je peux au moins vous dire que durant les deux années les plus récentes pour lesquelles j'ai des statistiques, le montant a diminué légèrement. Il était de 111,7 milliards de dollars à la fin de 1993-1994.

Le sénateur Taylor: À la page 3 de sa déclaration préliminaire, M. Barry Campbell affirme que l'augmentation des crédits permanents est une mesure prudente qui permettra au gouvernement de gérer les besoins de change plus efficacement. Est-ce que cette augmentation est attribuable au fait que vous cherchez peut-être à augmenter la dette extérieure? Vous dites que cette augmentation s'impose pour mieux gérer les besoins de change. Pourquoi vous inquiéter des besoins de change si ceux-ci n'ont rien à voir avec la dette extérieure?

M. Campbell: Sénateur, mes collègues sont peut-être mieux placés que moi pour répondre à cette question, mais, en fait, il n'y a aucun rapport entre les deux. Le budget fait mention d'une hausse possible des réserves. En ce qui concerne les crédits permanents, soit ils serviront à gérer les besoins de change, soit ils seront reportés à l'année suivante, comme je l'ai indiqué. Il n'y a aucun rapport entre les deux. Les réserves servent à soutenir le dollar. Les besoins d'emprunt servent à réduire le déficit.

Le président: Monsieur Cockerline, j'aimerais vous poser une question au sujet de l'argent que nous devons aux étrangers. Doit-on les rembourser en dollars canadiens ou en devises étrangères?

M. Cockerline: Nous devons surtout les rembourser en dollars canadiens. Ce chiffre comprend notre dette en devises étrangères. Toutefois, pour ce qui est de la partie de la dette qui est remboursée en devises étrangères, je ne sais pas au juste ce qu'elle représente en dollars canadiens. Peut-être 12 ou 13 milliards de dollars. Je dirais que 10 p. 100 de ce total est remboursé en devises étrangères.

Le président: Pourquoi le Canada contracte-t-il à l'occasion des emprunts en devises étrangères? Je crois comprendre que vous êtes le chef de la Section de la politique de la dette et des marchés. Pourquoi pensons-nous qu'il est préférable de contracter des emprunts en devises étrangères?

M. Cockerline: Il s'agit d'une question de principe. Le gouvernement contracte des emprunts en devises étrangères dans le seul but de financer ses réserves de devises. Selon les chiffres les plus récents, nos réserves de devises américaines s'élèvent à environ 12 milliards de dollars. Ce chiffre correspond à notre dette en devises étrangères. Le financement des opérations du gouvernement se fait exclusivement en dollars canadiens.

Le sénateur Stratton: Le montant emprunté totalise 18,7 milliards de dollars. Le déficit est de 24,3 milliards de dollars. Les opérations non budgétaires s'élèvent à 10,6 milliards. Les besoins financiers sont donc de 13,7 milliards. Vous ajoutez à cela un milliard pour le compte du fond des changes et 4 milliards pour les impondérables. Vous arrivez à 18,7 milliards de dollars.

M. Campbell: Il s'agit des crédits permanents.

Le sénateur Stratton: Si le budget prévoit déjà un fond de 2,5 milliards de dollars pour les impondérables, pourquoi a-t-on besoin d'un autre 4 milliards? Si l'on additionne les deux, on se retrouve avec une somme de 6,5 milliards de dollars pour les impondérables, si je ne m'abuse.

M. Cockerline: Ces deux postes sont très différents. Dans le cas du budget, ce montant sert à faire face aux éventualités au chapitre des dépenses, des recettes et des frais de la dette, tandis que dans le cas du pouvoir d'emprunt, ce montant sert, comme l'a indiqué M. Campbell, à gérer les besoins de change imprévus...

Le sénateur Stratton: Donc, les 4 milliards seront utilisés pour les besoins de change?

M. Cockerline: Pour gérer les besoins de change et constituer une réserve de crédits permanents.

Le sénateur Stratton: Je comprends. Merci.

Le président: Nous tenons à vous remercier, monsieur Campbell, ainsi que les trois experts qui vous accompagnent.

Quelqu'un peut-il proposer qu'on fasse rapport du projet de loi?

Le sénateur Losier-Cool: J'en fais la proposition, sans amendement.

Le président: Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

Le président: Merci beaucoup.

À la suite du congé de Påques, nous commencerons notre étude du budget des dépenses principal. Le président du Conseil du Trésor sera, à cette occasion, notre principal témoin.

De plus, nous entreprendrons également l'examen du projet de loi C-7, la Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Il se peut qu'on commence à l'examiner avant le congé.

La séance est levée.


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