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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 6 -- Témoignages


Ottawa, le jeudi 2 mai 1996

Le comité sénatorial permanent des finances nationales, saisi du projet de loi C-7, Loi constituant le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux et modifiant ou abrogeant certaines lois, se réunit ce jour à 11 heures pour étudier le projet de loi.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Ceci est notre deuxième séance sur le projet de loi C-7. Nous recevons deux groupes de témoins: l'Association des ingénieurs-conseils du Canada et l'Association canadienne des industries de l'environnement. Nous essaierons de limiter chaque groupe à 45 minutes, de façon à pouvoir lever la séance dans une heure et demie. C'est le temps maximum dont nous disposons, mais nous ne sommes pas tenus de l'utiliser si nous en avons fini avec les témoins plus tôt.

Je vais vous demander de limiter vos déclarations liminaires, si possible, à dix ou douze minutes. Cela devrait nous laisser suffisamment de temps pour les questions, car il y a quantité de détails techniques qui ont surgi hier et sur lesquels nous aimerions vos avis. Nous verrons comment les choses tournent.

Je vous présente les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Canada, M. Pierre Franche, son président et directeur général, et MM. Kenneth Hyde, Philippe Lefebvre et Dale Craig.

Messieurs, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire. Monsieur Franche, vous avez la parole.

M. Pierre A. H. Franche, président-directeur général, Association des ingénieurs-conseils du Canada: Je vous remercie, monsieur le président. C'est un plaisir que de comparaître devant votre comité.

[Français]

Je dois vous dire que l'Association des ingénieurs-conseils du Canada n'a aucune objection au projet de loi C-7 en question, sauf les articles 10 et 16, comme vous le savez bien.

Nous avons soumis un mémoire, la semaine dernière, aux membres du comité. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble du mémoire dans le but de sauver du temps.

J'aimerais toutefois faire quelques mises au point à la lumière de la discussion dont j'ai été témoin hier soir et aussi suggérer à la fin une façon de résoudre l'imbroglio auquel nous faisons face.

[Traduction]

Monsieur le président, la ministre a donné hier, je crois, l'exemple d'un cabinet d'architectes qui est partisan du projet de loi. Je laisse évidemment le soin aux architectes d'exprimer leur position, leur association devant comparaître la semaine prochaine. Néanmoins, je peux vous donner l'assurance, ainsi qu'aux membres du comité, que l'association possède dans ses dossiers près de 150 lettres de cabinets membres de l'association, adressées au ministre des Travaux publics précédent exprimant leur opposition à ce projet de loi. Si le comité le souhaite, nous sommes prêts à déposer ces lettres.

Deuxièmement, la ministre a indiqué que mon association, l'AICC, a rencontré le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux précédent. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Nous avons rencontré la ministre Marleau, et nous la remercions de nous avoir reçus, mais c'était la première fois que nous rencontrions le ministre depuis l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement. Le ministre précédent nous avait opposé des refus répétés.

Hier, selon Ronald Quail, la ministre a fait état de la crainte et de la méfiance qui règnent au sein de l'association vis-à-vis de Travaux publics. Je ne peux que confirmer: la crainte est réelle. La méfiance est réelle. Les déclarations faites lors de la deuxième lecture à la Chambre des communes, reproduites dans le hansard, ont semé chez nous la crainte, et c'est d'ailleurs elles qui nous ont fait réaliser les répercussions de ce projet de loi. Je vous donnerai sous peu cet exemple qui montre pourquoi nous éprouvons cette inquiétude.

Oui, il y a méfiance, car lorsqu'on nous dit: «Nous ne voulons pas concurrencer le secteur privé mais nous voulons les pouvoirs prévus aux articles 10 et 16», effectivement, cela nous inquiète car les ministres passent, les fonctionnaires passent, les gouvernements passent. Hier, on a même mentionné que cette législation existe depuis 1867. Donc, oui, cela nous inspire méfiance et inquiétude.

Par ailleurs, au stade de la deuxième lecture à la Chambre des communes, un témoin gouvernemental nous a dit que ce projet de loi ne confère pas de pouvoirs nouveaux; cependant, à mon humble avis, il y a certainement des pouvoirs nouveaux, ne serait-ce que par la présence des termes «ou à l'étranger». Ces deux termes «ou à l'étranger» n'existaient pas, pour autant que nous puissions déterminer, dans aucune des deux lois précédentes.

En outre, le ministre des Approvisionnements et Services Canada possède certains pouvoirs en vertu de la législation actuelle qui sont mentionnés dans ce nouveau projet de loi; c'est vrai, mais ces pouvoirs ne couvrent pas les services de génie et d'architecture, car il est bien précisé qu'il ne peut utiliser ces pouvoirs que dans ses domaines de responsabilité, et c'est le ministre des Travaux publics qui est responsable du génie et de l'architecture et non le ministre des Approvisionnements et Services. Par conséquent, on étend les pouvoirs du ministre au génie et à l'architecture.

[Français]

L'autre aspect qui nous préoccupe monsieur le président, c'est lorsque le ministre Dingwall a dit dans sa lettre au député Marchand que l'article 16 ne vise pas à faire de TPSGC un concurrent acharné du secteur privé.

Il n'en demeure pas moins que, par implication, il pourrait être un concurrent néanmoins, et cela nous préoccupe.

[Traduction]

J'ai dit tout à l'heure que je vous donnerais des exemples et je vais vous en donner sept. Je suis allé fouiller dans mes archives hier soir, après avoir entendu le témoignage.

Le premier exemple est Exécution GIS, projet de relocalisation de Davis Inlet, septembre 1994. Travaux publics Canada a soumissionné et remporté l'adjudication après qu'un cabinet d'ingénieurs-conseils eut soumis une proposition de fournisseur unique.

Le deuxième exemple est une évaluation environnementale de site pour la Newfoundland and Labrador Housing Corporation, juillet 1994. Un cabinet privé avait fait une soumission, Travaux publics en a présenté une également, et le ministère s'est retiré après une plainte de notre association pour conflit d'intérêts, puisque Travaux publics était déjà le propriétaire de terrain et soumissionnait pour faire l'évaluation environnementale de son propre terrain à l'intention de quelqu'un d'autre. Cela m'a paru être un conflit d'intérêts flagrant.

Le quatrième exemple intéresse le ministère des Transports et des Communications de Nouvelle-Écosse, et il remonte à 1992. Le ministère prévoyait de réaliser des travaux d'amélioration routiers dans le cadre d'un accord fédéral-provincial. Le ministère néo-écossais avait avisé certains de nos membres qu'il y aurait un appel d'offres pour le travail environnemental. Il a ultérieurement fait savoir qu'il n'y aurait pas d'appel d'offres vu que Travaux publics Canada ferait le travail environnemental.

Le cinquième exemple est l'aéroport de Fort Nelson, feux d'approche de haute intensité. Un contrat avait été adjugé en 1991 à Moneco Agra. Puis, une fois la conception prête, le projet a été reporté à l'année suivante par manque de crédits. Cela arrive. Cependant, en 1992, et sans avoir informé Agra, Travaux publics Canada a modifié les plans, adjugé les travaux et a assuré lui-même leur supervision. L'explication qui nous a été donnée est qu'il y avait trop de personnel désoeuvré à Edmonton.

Voici le sixième exemple: à l'occasion d'une conférence à Rio de Janeiro, Travaux publics Canada, par le biais de son bureau d'Edmonton, a placé une annonce dans un magazine, ou une brochure de la conférence, indiquant qu'il offre ses services à des gouvernements étrangers. C'est une source de préoccupation, et je vais déposer cette annonce aujourd'hui, avec votre autorisation, monsieur le président.

Mon septième exemple montre que les Services environnementaux de Travaux publics Canada font de la publicité en affirmant avoir mené des études environnementales pour la ville de Brandon, au Manitoba, et Halifax-Dartmouth-Bedford. Je vais également déposer ce document, monsieur le président. Ce sont là les sept exemples que je voulais porter à votre attention.

Peut-être le ministère n'a-t-il pas aujourd'hui l'intention de concurrencer le secteur privé. Je ne mets pas en doute sa parole, mais vous pourrez comprendre notre inquiétude à la lumière de ces exemples, et songer que les responsables passent et sont remplacés par d'autres.

L'un des membres du comité a émis hier l'opinion que les fonctionnaires doivent avoir un travail intéressant si l'on veut attirer des candidats compétents dans la fonction publique. Certes. Nous sommes d'accord. Mais il importe encore plus que le secteur privé ait régulièrement la possibilité de développer son propre savoir-faire en réalisant des projets au Canada, de façon à pouvoir exporter. On ne peut exporter ce que l'on ne fait pas chez soi, monsieur le président. Je vous rappelle que le Canada est le quatrième plus gros exportateur de services de génie-conseil du monde -- un monde où la concurrence fait rage.

Pour cela, le secteur privé doit toujours, à notre sens, être le partenaire dominant et pouvoir demander des détachements de fonctionnaires, dans le cadre de partenariats entre secteur public et secteur privé, chose que la loi actuelle autorise déjà, à mon humble avis.

Quelqu'un a mentionné le contrôle de la circulation des navires à Hong Kong et d'autres exemples ailleurs. Je ne puis croire, monsieur le président, que cela ait été fait illégalement. Je ne le pense pas et je crois savoir, d'ailleurs, que cela s'est fait par le biais de la Corporation commerciale canadienne. Pas de problème.

Donc, oui, il faut dissiper cette crainte et cette méfiance. Nous sommes d'accord là-dessus. Nous étions d'accord là-dessus avec la ministre lors de la dernière réunion. Lorsque Ron Quail a suggéré un protocole d'entente, j'ai dit oui. Nous en avons demandé un -- et je le mentionne dans le mémoire -- en mars 1991. Nous en avons de nouveau discuté en juin de l'année dernière. Enfin, le 15 avril, après la réunion avec le ministre, il a été convenu de rédiger un tel protocole d'entente et l'échéance fixée est le 21 juin. Mais cela ne peut remplacer ce qui figure dans le projet de loi. C'est la loi qui prime, tout le reste en découle.

Si l'on veut restaurer la confiance, la première chose à faire est de modifier ce projet de loi. Cela fera une grande différence. Si les amendements que nous proposons dans notre mémoire ne conviennent pas au ministre ou au gouvernement, pour sortir de cet imbroglio, je suggère, très humblement, une autre modification, sachant que je ne suis pas juriste mais seulement un humble ingénieur.

À la rubrique «Mission du ministère», à l'article 5 de la page 2 du projet de loi, on lit actuellement:

5. Le ministère est un organisme de services communs pour le gouvernement, sa mission en tant que tel consistant surtout à fournir aux ministères et organismes fédéraux des services destinés à les aider à réaliser leurs programmes.

Nous vous proposons d'ajouter les mots:

...étant entendu que le ministère ne se place jamais en concurrence directe avec le secteur privé.

Si nous avions cette assurance, nous n'aurions pas à nous inquiéter des autres changements, car ils seraient tous couverts par celui-ci. S'il y avait un cas très précis où il n'y a pas concurrence, tant pis.

[Français]

Monsieur le président, ceci conclut mon exposé. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions au meilleur de ma connaissance. Entre temps, je veux vous assurer l'AICC, que nous représentons aujourd'hui, veut rebåtir les ponts avec son client, les Travaux publics. Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais déposer ce document, s'il vous plaît.

Le président: Honorables sénateurs, nous pouvons verser ce document au dossier ou bien nous pouvons adopter une motion et faire publier ce document en annexe au procès-verbal. Quel est votre souhait?

Le sénateur Cools: Je propose la motion, monsieur le président.

Le président: Proposé par le sénateur Cools, appuyé par le sénateur Bolduc. Tous ceux en faveur? Opposés? Adopté.

Le sénateur Nolin: J'ai une question. Sera-t-il possible d'avoir le texte de l'amendement proposé à l'article 5?

Le président: Ne figure-t-il pas dans votre mémoire?

M. Franche: Non, il n'est pas dans mon mémoire. J'ai rédigé cela hier soir, en réfléchissant à une solution, et ce n'est pas un libellé dans les règles de l'art; il traduit une intention.

Le président: Eh bien, c'est consigné au procès-verbal, sénateur, mais voulez-vous le texte tout de suite?

Le sénateur Nolin: Ce serait bon d'en avoir une copie aux fins de la discussion, même si ce n'est pas dans les deux langues officielles.

M. Franche: Ce ne sont que des notes manuscrites que j'ai griffonnées hier soir.

Le sénateur Kelly: Monsieur le président, puis-je suggérer que M. Franche répète avec précision ce qu'il recommande comme modification de l'article 5, et nous pourrons le noter.

Le président: Oui. Nous savons tous écrire.

M. Franche: Monsieur le président, je vais relire lentement. Il s'agirait d'ajouter les mots suivants à la fin de l'article 5:

...étant entendu que le ministère ne se place jamais en concurrence directe avec le secteur privé.

[Français]

Le sénateur Poulin: Monsieur Franche, je vous remercie beaucoup de votre franchise!

M. Franche: Cela fait 62 ans que je vis avec ce nom, madame!

Le sénateur Poulin: Je pense que vous portez bien votre nom.

M. Franche: Et j'ai l'intention de continuer longtemps.

Le sénateur Poulin: Je vous remercie beaucoup de votre présentation. Pourriez-vous nous parler un peu de votre Association des ingénieurs-conseils du Canada et des membres que vous représentez?

M. Franche: L'Association des ingénieurs-conseils du Canada est une association qui existe depuis 1925. Elle représente aujourd'hui environ 750 firmes de génie-conseil qui donnent des services de génie-conseil indépendants à différents clients.

Nous avons des membres dans toutes les provinces et tous les territoires. Notre conseil est constitué de l9 membres qui sont nommés par nos associations provinciales, que nous appelons en anglais des «member organizations».

Nous avons aussi une division d'exportation d'environ 60 firmes de génie-conseil qui se spécialisent dans l'exportation.

Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, nous sommes quatrièmes au monde. Je dois vous dire que pendant plusieurs années, nous étions troisièmes; nous avons glissé au quatrième rang, puis au sixième rang et nous sommes revenus au quatrième rang.

Nos compétiteurs sont les États-Unis, l'Angleterre et, chose surprenante, la Hollande au troisième rang. C'est un environnement très compétitif.

C'est le genre d'association que nous sommes. J'occupe le poste de président à plein temps; c'est comme cela que je gagne ma vie. Nous avons un personnel d'environ neuf autres personnes. Nous fournissons des services dans toutes sortes de domaine.

Notre association compte environ 35 000 employés dans l'ensemble de nos firmes dans toutes les régions du pays.

Le sénateur Poulin: M. Franche, les 750 firmes d'ingénieurs-conseils représentent quel pourcentage de l'ensemble de la profession au pays?

M. Franche: C'est très difficile à évaluer. Tout dépend comment Statistique Canada définit les ingénieurs-conseils.

Deux statistiques sont importantes: premièrement, le pourcentage du nombre de firmes qui font du génie-conseil et deuxièmement le pourcentage d'employés.

Normalement, nous représentons environ environ 30 p. 100 des firmes de génie-conseil mais au-delà de 75 p. 100 des employés. Il faut penser qu'il y a beaucoup de firmes de génie-conseil de quatre, cinq, six employés à travers le pays, surtout les plus petites qui décident de ne pas être membres. Elles deviennent membres volontairement autrement. Nous avons des firmes comme SNC, Lavallin, Monenco Agra, avec 5 000 à 6 000 employés. Nous avons toute la gamme.

Je dois vous dire qu'à peu près 80 p. 100 de nos firmes de génie-conseil ont moins de 50 employés.

Le sénateur Poulin:. Quel est l'objectif de l'association?

M. Franche: L'objectif est de promouvoir et de sauvegarder les intérêts de l'industrie du génie-conseil au Canada et à l'extérieur. Quand c'est un problème provincial, nous le laissons à nos associations provinciales. Nous nous occupons surtout de nos relations avec le gouvernement fédéral -- je dois vous assurer que vous nous tenez très occupés -- et beaucoup au niveau international. De plus en plus, nous faisons beaucoup de travail au niveau international.

[Traduction]

Le sénateur Kelly: J'ai été impressionné par la clarté de votre exposé. Il apparaît clairement que vous avez un point de vue qui n'est pas entièrement en accord avec ce que vous avez entendu hier ou ce que suggère le passé. Je me pose quelques questions sur lesquelles j'aimerais obtenir des précisions.

Dans la discussion d'hier avec la ministre et le sous-ministre, il a été question de partenariats. Pouvez-vous nous dire quelle expérience vous avez faite de ces partenariats? Je vois assez mal comment cela fonctionnait. Pourriez-vous m'éclairer un peu?

M. Franche: Je comprends que vous trouviez cela un peu vague, sénateur. Je pense pouvoir dire que cette notion de partenariat entre les secteurs public et privé est à la mode, représente en quelque sorte le parfum du mois, ou peut-être de l'année, car on n'en entendait pas beaucoup parler il y a trois ou quatre ans.

C'est un projet où le client travaille en collaboration très étroite avec l'expert-conseil pour mettre au point une conception et cetera. Mais, dans la plupart des cas, ce n'est pas le client qui s'occupe du génie, il se contente d'assurer la direction d'ensemble. Les personnes qui m'accompagnent en savent plus que moi, ayant plus d'expérience.

Je n'ai jamais été ingénieur-conseil, mais j'en ai engagé beaucoup au fil des ans. Mais il n'existait pas à l'époque de partenariat entre secteurs privé et public. Peut-être le président de notre conseil pourrait-il dire quelques mots à ce sujet.

Le sénateur Kelly: Juste pour assurer que tout le monde comprend bien ce que vous dites, lorsque vous parlez du client, vous parlez du secteur public.

M. Franche: Oui.

Le sénateur Kelly: Voyez-vous, je parle d'un partenariat...

M. Franche: Ce pourrait être un ministère.

Le sénateur Kelly: Des ingénieurs, des architectes, et cetera fonctionnaires?

M. Franche: Oui.

Le sénateur Kelly: Et le secteur privé. Je voulais juste que ce soit bien clair.

M. Franche: Oui.

M. Hyde: Si je puis intervenir à ce sujet, les cabinets du secteur privé -- et c'est probablement là mon interprétation du partenariat entre secteur public et secteur privé -- font de plus en plus appel au savoir-faire du secteur public pour les aider dans certains projets. Est-ce de cela dont vous parlez?

Le sénateur Kelly: Je ne savais pas que la demande émanait du secteur privé.

M. Hyde: Dans les projets qu'entreprend mon cabinet, et particulièrement à l'étranger, il y a presque toujours quelque apport du secteur public. À mon sens, c'est une collaboration qu'il conviendrait peut-être de pousser encore à l'avenir, mais l'initiative devrait toujours en émaner du secteur privé.

Le sénateur Nolin: Je ne veux pas compliquer la discussion, mais il y a une différence entre partenariat et détachement. Vous demandez donc au ministère de détacher ou d'affecter certaines personnes à votre projet ou à votre proposition; si vous remportez le contrat, vous aurez accès à ces personnes?

M. Hyde: Oui, mais nous avons également proposé d'ériger un ministère comme le CNR, par exemple, en partenaire direct.

Le sénateur Kelly: J'aimerais m'attarder là-dessus un instant, si vous le permettez, car cela est en rapport avec la question suivante que j'allais vous poser. Lorsque le secteur privé demande un partenariat pour un projet à l'étranger, est-ce parce que le secteur public possède un certain savoir-faire que vous n'avez pas, ou s'agit-il surtout de vous aider à remporter un contrat dans les cas où les pouvoirs publics jouent un rôle majeur dans la décision d'adjudication?

M. Hyde: Non. Je dirais que c'est lorsque des spécialistes du gouvernement possèdent un savoir-faire que nous n'avons pas. Dans bon nombre d'appels d'offres, il y a un volet institutionnel que notre client étranger veut développer, et le secteur privé n'a pas grande expérience de la gestion de ministères gouvernementaux; c'est pourquoi nous avons besoin pour nous conseiller de personnes qui connaissent bien, par exemple, comment fonctionne le ministère des Travaux publics dans notre pays, afin de pouvoir aider un pays en développement à structurer son organisation. C'est certainement un domaine où nous avons fait appel à des fonctionnaires, au secteur public.

Le sénateur Kelly: Je déclare un conflit d'intérêts; je suis de votre côté, et je ne veux surtout pas vous induire en erreur, mais si je pousse votre raisonnement à la limite, il peut y avoir des cas où le secteur public est plus compétent et pourra remporter un contrat que vous estimerez pouvoir remplir adéquatement, mais où le secteur public sera plus compétent que vous.

Je pense qu'il faut se montrer prudent, si c'est bien ainsi que vous voyez les choses, car il y a des domaines où le secteur public est le plus compétent pour exécuter un contrat donné. J'imagine que, dans ces cas-là, vous n'auriez pas d'objection s'il était en concurrence avec vous et remportait le marché.

M. Hyde: Je réponds oui à la première partie de votre question, mais non à la deuxième, car c'est justement là où nous pensons que nos entreprises privées doivent élargir leur savoir-faire pour être compétitives à l'échelle internationale, et nous pouvons le faire avec l'aide du secteur public.

Le sénateur Kelly: C'est une bonne réponse.

M. Hyde: Et je serais certainement opposé à ce que le gouvernement se mette sur les rangs, en tant qu'entité concurrente. Il devrait nous aider et non pas nous concurrencer. Il peut nous aider, cela ne fait aucun doute dans mon esprit.

M. Franche: Juste un ou deux mots. Même lorsqu'il y a un protocole d'entente, comme c'est souvent le cas, l'un des objectifs devrait être que le secteur public accroisse la capacité du secteur privé, afin que ce dernier puisse se développer et puisse par la suite exporter ses services à l'étranger, et cetera. C'est essentiel.

Le sénateur Kelly: C'est un volet très important aujourd'hui en Europe de l'Est. Votre réponse est excellente. Je vous remercie.

Dans les exemples que vous avez donnés, où le gouvernement était en concurrence avec le secteur privé, avez-vous bien dit qu'il y a eu des cas où une seule offre avait été présentée par le secteur privé, et où le secteur public est arrivé ensuite avec une autre offre et a remporté le contrat. Ou bien ai-je mal compris?

M. Franche: Dans le cas du premier exemple que j'ai donné, monsieur, c'est-à-dire le projet de relocalisation de Davis Inlet, il y avait une proposition de fournisseur unique présentée par un cabinet de génie-conseil, et ensuite il y a eu un concours, ou bien les Travaux publics ont effectué le travail selon quelque autre modalité.

Le sénateur Kelly: Y avait-il plus qu'une offre du secteur privé?

M. Franche: Dans ce cas-là, les renseignements que je possède indiquent qu'il n'y a eu qu'une proposition de fournisseur unique. Je n'ai pas tous les détails.

Le sénateur Kelly: Dans ce cas il me semble normal que Travaux publics ait évalué la proposition et ait songé à proposer une alternative.

M. Franche: Je ne pense pas que Travaux publics doive jamais se mettre en concurrence avec le secteur privé. À mes yeux, c'est fondamental, du moins tant que la capacité de faire le travail existe dans le secteur privé; et c'était le cas en l'occurrence, puisqu'il y avait une proposition de fournisseur unique. Je ne sais pas comment cela s'est passé dans le cas du projet de relocalisation de Davis Inlet. Je ne sais pas qui était le client principal mais, à mon avis, il aurait dû faire un appel d'offres, si cela avait été le cas, au lieu de recourir à la méthode du fournisseur unique. Mais, à l'évidence, il y avait un client qui a dit: «Oui, je veux un contrat à fournisseur unique» et puis cela a changé ultérieurement.

Le sénateur Kelly: J'ai encore une question que j'aimerais poser en guise d'éclaircissement, et je reviendrai pour un tour ultérieur, si vous le permettez, monsieur le président. À la page 4 de votre mémoire, vous dites quelque chose de plutôt surprenant, dans le premier paragraphe:

...les employés du gouvernement oeuvrant dans les domaines de l'architecture et du génie ne sont pas tous tenus de satisfaire aux normes professionnelles rigoureuses...

Est-ce que ces ingénieurs et architectes travaillant pour le gouvernement ne sont pas agréés?

M. Franche: Il y en a. J'en ai encore parlé avec l'IRAC hier soir. Il y a des ingénieurs qui ne cotisent pas, qui ne sont pas inscrits dans les associations professionnelles de leur province. Je n'ai pas le droit d'utiliser le titre «ingénieur» sans payer ma cotisation.

Le sénateur Kelly: Mais eux non plus, n'est-ce pas?

M. Franche: Eh bien, je pense que certains le font et ils font un travail d'ingénieur. C'est ce qu'il me semble. Vous pourrez peut-être voir cela de plus près avec le ministère, mais c'est mon impression. J'en ai parlé avec le président du Conseil canadien des ingénieurs et il m'a répondu: «Oui, Franche, parce que le gouvernement est responsable de l'activité professionnelle de la personne». Il m'a dit: «Oui, c'est certain». Et je pense qu'il se passe la même chose avec les architectes.

Le sénateur De Bané: Nous avons entendu hier la ministre et le sous-ministre dire qu'ils souhaitent instaurer un climat de confiance avec les diverses organisations professionnelles du Canada, et peut-être même conclure avec elles un protocole d'entente. Nous avons entendu dire que les ministères ont de plus en plus la latitude soit de passer contrat avec ces professionnels fonctionnaires soit de s'adresser au secteur privé si le prix proposé par le ministère des Services gouvernementaux n'est pas concurrentiel avec celui du secteur privé.

Nous les avons également entendu dire qu'ils voudraient eux-mêmes essayer de signer des contrats à l'étranger dans les cas où, parce qu'ils sont un organisme public, ils ont plus de chances de les obtenir, par exemple dans le cas de l'OTAN ou de quelque autre gouvernement étranger. Ils voudraient également instaurer des partenariats, devenir partenaires avec des entreprises privées canadiennes.

Ne pensez-vous pas que cette façon de faire, consistant à permettre aux ministères individuels de passer contrat avec le ministère des Services gouvernementaux ou de s'adresser au secteur privé, et à permettre à Services gouvernementaux d'essayer d'obtenir des contrats à l'étranger auprès d'entités gouvernementales ou d'entités internationales comme les Nations Unies, et de vous inviter ensuite à vous joindre à lui comme partenaires, est une bonne chose, dans la mesure où nous voulons que l'administration publique devienne un agent économique efficient et économe de l'argent du contribuable? Ne pensez-vous pas que c'est une bonne orientation?

M. Franche: Oui, nous voulons une administration gouvernementale efficiente, et c'est précisément la raison pour laquelle nous sommes ici, car nous craignons ce qui va se passer lorsque le ministère aura une capacité excédentaire. Cependant, le protocole d'entente avec nous n'est qu'un des moyens de rétablir la confiance. Comme je l'ai dit, un protocole n'a pas valeur contraignante, les gens peuvent changer et cetera. C'est pourquoi je dis que la première mesure est de modifier le projet de loi; la deuxième est le protocole d'entente.

Pour ce qui est de la latitude donnée aux ministères, dont vous avez parlé, sénateur, oui, il y a une certaine latitude. Je ne peux pas vous expliquer toutes les subtilités, mais je pense que les ministères doivent passer quand même par Travaux publics avant de s'adresser à l'extérieur. Il y a toute une procédure, un système spécial à suivre.

Pour ce qui est de signer des contrats à l'étranger, j'estime qu'il y a deux façons de le faire. On peut soit passer par le secteur privé, soit utiliser la Corporation commerciale canadienne. Cette dernière, de plus en plus, signe des contrats et sous-traite l'exécution au secteur privé. D'ailleurs, dans une discussion que j'ai eue avec le sous-ministre le 2 novembre 1995 -- et à l'époque, cela relevait de sa compétence -- nous avons soulevé la question de la Corporation commerciale canadienne et de ce qu'elle pourrait faire pour aider davantage le secteur des services et les petites entreprises à cet égard. Nous n'avons aucune difficulté avec cela. Cela fait partie du tout.

En ce qui concerne les partenariats, je pense avoir déjà expliqué le principe. Nous devrions être le chef de file et nous pouvons faire appel aux compétences du secteur public. Le plus souvent, celles-ci se situeront dans des domaines autres que le génie. Dans le domaine du génie, le secteur privé a presque toujours les compétences requises.

M. Craig: J'aimerais ajouter quelques mots à cela. L'idée que des fonctionnaires parcourent l'étranger pour rechercher des contrats pour le gouvernement, contrats auxquels le secteur privé pourra être convié ou non à participer, n'est pas une chose que nous voyons d'un bon oeil; le seul fait de donner ce pouvoir à l'administration signifie que tôt ou tard, elle va vouloir l'exercer.

Nous dépensons beaucoup de nos fonds propres en quête des mêmes contrats, parfois, et pour tenter de nouer des relations d'affaires, et nous pensons que le secteur privé devrait toujours avoir l'initiative. Croyez-moi, le secteur privé s'informe des besoins des autres gouvernements. Ces derniers publient des appels d'offres. Nos contacts nous tiennent au courant et nous ne perdrons pas de temps à demander l'aide du gouvernement lorsque nous aurons besoin de la crédibilité que donnent des relations de gouvernement à gouvernement ou d'un savoir-faire que nous n'aurions pas dans le secteur privé.

Cependant, si, dans cette loi, vous donnez au gouvernement la faculté de nous concurrencer, et de jouer le premier rôle dans la quête de contrats, nous n'aurons aucun contrôle sur la comptabilisation de ses coûts; nous n'aurons aucune façon de savoir comment l'argent de nos impôts servira à subventionner ces activités internationales ou autres, de gouvernement à gouvernement, au Canada même. Voilà notre crainte.

Je pense que notre industrie serait tout à fait disposée, si le ministère ne reçoit pas l'autorisation législative de faire cela sans aucun contrôle, à rédiger avec lui un protocole d'entente établissant certaines procédures acceptables; en d'autres termes, si les gens de Travaux publics discernent une possibilité, nous pourrions nous asseoir ensemble et dire: «Bon, voici quelque chose que le secteur privé ne peut pas faire; allez-y et faites tout votre possible pour nous y faire participer».

Le sénateur Kelly: En rapport avec ce que vous venez de dire, monsieur, je pense qu'il ne faut pas perdre de vue que, s'agissant de projets à l'étranger, vous êtes en concurrence avec des gros cabinets d'ingénieurs et d'architectes internationaux du monde entier, et le danger, si le secteur public se lance le premier, est qu'il risque de faire perdre le contrat à nous tous parce qu'il ne pourra pas damer le pion à des cabinets qui font à temps plein le travail que vous faites.

M. Craig: Exactement.

Le sénateur Kelly: Néanmoins, il pourrait y avoir des circonstances où vous pourriez collaborer et dire: «Regardez, dans ce cas particulier, gouvernement, ce serait utile que vous y alliez en premier».

M. Craig: C'est juste.

Le sénateur De Bané: Votre attitude me rappelle un peu celle des grandes banques, lorsque le gouvernement fédéral a décidé de créer la Banque fédérale de développement pour aider les petites entreprises. Les grosses banques à charte sont venues se plaindre ici et ont réussi à faire inscrire dans la loi que cette nouvelle petite banque destinée à aider les petites entreprises ne pourrait accorder de prêt à moins que la petite entreprise n'ait déjà été déboutée deux fois -- deux fois -- par deux banques à charte différentes. Elles sont venues dire: «Oh, ils vont nous concurrencer». Finalement, nous avons récemment abrogé cette disposition ridicule qui était là depuis des années.

Je reste donc sceptique devant l'idée que le ministère vous concurrencerait de façon déloyale; et lorsque vous dites qu'un protocole d'entente signé avec lui ne serait pas juridiquement contraignant, je suis avocat moi-même et je sais que nul contrat, nulle entente, ne peut protéger les parties si elles ne se font pas mutuellement confiance. Donc, lorsque vous adoptez ce genre d'attitude, disant qu'un protocole d'entente n'est pas juridiquement contraignant et que les gens peuvent changer et cetera, je ne peux que répliquer que nous vivons dans une démocratie où tout ce qui se fait doit être sanctionné par l'opinion publique. Vous savez très bien qu'ils ne peuvent pas vous bousculer, pas plus que n'importe qui d'autre; ils sont là comme serviteurs du public. Je pense que si nous acceptions votre amendement, cela reviendrait à leur couper les ailes et à en faire un ministère totalement passif, incapable de tout dynamisme ou comportement proactif.

J'ai été ministre des Approvisionnements et Services, et je peux vous dire que plusieurs gouvernements étrangers voulaient traiter exclusivement avec une entité gouvernementale, parce qu'ils ne voulaient pas que le secteur privé se mêle de ce qu'ils nous demandaient de faire. Je suis sûr que vous le savez, et que vous savez qu'en traitant avec des sociétés d'État de pays membres de l'OTAN -- mettons des sociétés d'État britanniques ou allemandes, peu importe -- la seule façon de livrer concurrence sur un pied d'égalité est que notre propre organisme gouvernemental soit le porte-drapeau et se mette sur les rangs, pour donner ensuite une part au secteur privé canadien une fois le contrat signé. Qu'y a-t-il de mal à cela? Mais si vous dites: «Non, non, non; vous n'aurez pas le droit d'acheter un billet pour aller à Bruxelles sans avoir au préalable l'autorisation de notre association et sans que nous ayons fait le tour de tous nos membres pour voir s'ils seraient intéressés à se mettre sur les rangs, et uniquement après pourrez-vous les accompagner à Bruxelles», alors là, je ne suis pas d'accord.

Voyez-vous, c'est une méfiance qui ne me paraît vraiment pas justifiée, avec la nouvelle approche du gouvernement, sa nouvelle philosophie. Je sais qu'il y a des années, l'administration se montrait très arrogante et disait: «Nous sommes le gouvernement et c'est nous qui allons décider». Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui et je vous supplie de faire preuve d'un peu plus d'ouverture d'esprit.

M. Craig: Je ne conteste pas que la collaboration soit une bonne chose. Je dis que la difficulté est que l'on nous présente un projet de loi qui modifie les pouvoirs de Travaux publics par rapport à ce qu'ils ont été tout au long des 120 dernières années. Nous n'avons pas été consultés. On nous a mis, à toutes fins pratiques, devant un fait accompli.

La difficulté est que, en l'absence de toute consultation préalable avant ce changement de la loi, nous nous inquiétons forcément de l'éventualité d'un abus de pouvoir. Je pense que s'il y avait eu un protocole d'entente préalable, s'il y avait eu des consultations préalables et que l'on ait établi des moyens de déterminer ce qui est loyal et ce qui ne l'est pas, la réaction du secteur privé n'aurait pas été la même.

Mais lorsque l'on nous met devant ce qui est, à toutes fins pratiques, un fait accompli, nous ne pouvons que nous inquiéter; et nous ne sommes pas la seule association active à l'échelle internationale à nous inquiéter. Voilà donc la raison. Si nous avions eu la possibilité de mettre les choses au point avant l'introduction du projet de loi, la réaction n'aurait pas été la même.

Le sénateur Stratton: Je suppose qu'il y a deux façons d'aborder cela. La première, bien entendu, consiste à essayer d'apporter un amendement. Nous renverrions ce projet de loi avec amendement au Sénat, qui le renverrait à la Chambre des communes en espérant que cette dernière accepte. Mais le fait est qu'il est beaucoup plus probable qu'il soit accepté tel quel au Sénat, par le seul effet du nombre, et que vous soyez confrontés à la réalité de cette loi.

Ma préoccupation est que Travaux publics, par le passé, a toujours fait le travail à l'interne. Le sénateur De Bané a estimé que, pour attirer des gens compétents, il faut leur donner l'occasion de travailler sur des projets décents, mais je rejette cela avec véhémence. Pour moi, Travaux publics est simplement un organisme de gestion pour le compte du gouvernement du Canada. Son rôle n'est pas de concevoir les projets; il est de gérer les projets pour le compte du gouvernement du Canada. C'est sa fonction, c'est ce qu'il est censé faire.

Me voici donc sachant pertinemment, du fait de mes antécédents, que ce que vous dites est bien réel, que le ministère fait sans cesse le travail de conception lui-même sous le prétexte que c'est plus commode que de s'adresser au secteur privé, ce qui est parfaitement ridicule, car ils ont des égaux, après tout ils sont architectes et ingénieurs eux-mêmes et ils veulent faire la conception. Mais ce n'est pas le rôle de Travaux publics. Ce que je crains avec cette loi, c'est que le statu quo soit tout simplement maintenu et que le ministère décide de faire ce qui lui plaît, de continuer dans cette voie.

Si cette loi est adoptée, et je pense que c'est ce qu'il faut envisager, le ministre et le sous-ministre ont clairement indiqué qu'ils n'allaient pas concurrencer directement le secteur privé. Ils l'ont dit publiquement hier. Ayant cet engagement et du ministre et du sous-ministre, c'est quelque chose qu'il faudrait inscrire dans ce protocole d'entente. Ils l'ont dit publiquement ici.

Ma question est la suivante: pensez-vous vraiment que vous pouvez faire inscrire dans le protocole d'entente cette restriction, qu'il ne va pas vous concurrencer directement, qu'il va jouer le rôle de gestionnaire pour le compte du gouvernement du Canada et non pas celui d'architecte et d'ingénieur, pas s'occuper de la conception proprement dite, et qu'il y aura un mécanisme de plainte tel que si votre association ou d'autres découvrent qu'il fait effectivement du travail en concurrence directe avec vous, il sera obligé d'arrêter? Comment voyez-vous les choses évoluer?

M. Franche: Vous avez tout à fait raison. Nous savons que nous aimerions voir un certain nombre de choses dans le protocole d'entente que nous espérons signer. Mais cela dépendra, tout d'abord, de ce qu'il adviendra de ce projet de loi. S'il n'y a pas de changement, il faudra trouver des façons de contourner le problème; et les ingénieurs sont des gens à l'esprit plutôt pratique, nous trouvons généralement des façons de contourner les problèmes. Mais ces façons n'auront pas force de loi et, comme je l'ai dit, les gens changent.

Il nous faudra un mécanisme plus structuré. Un des moyens pourrait être, si le ministère a besoin d'un décret, que nous en soyons avisés par avance afin que nous puissions faire objection. Mais nous n'arrêterons pas de faire des objections et cela ne contribuera pas à instaurer la confiance entre les parties. Ce sera plutôt un obstacle. Il vaudrait beaucoup mieux que nous puissions nous accorder sur quelque chose et construire à partir de là.

Pour toutes ces raisons, nous préférerions que le projet de loi soit amendé, et construire ensuite les passerelles de coopération. Autrement, nous aurons une situation où nous nous plaindrons sans arrêt, et cela va forcément déplaire dans notre ministère client.

Le président: Sénateurs, certaines de ces questions suscitent beaucoup d'intérêt et je vais faire une proposition dont j'espère que vous l'accepterez tous. Je viens de parler à l'Association canadienne des industries de l'environnement. Leurs arguments sont les mêmes, en substance, que ceux du groupe que nous entendons actuellement. Je ne voudrais pas que les mêmes questions soient répétées, et nous avons tant d'experts ici qu'il semble dommage de laisser un groupe en dehors de la discussion. Donc, avec votre permission, j'aimerais inviter ces représentants à prendre place à la table et à faire leur exposé de dix minutes, tout en gardant les ingénieurs. Ensuite, nous pourrons poser nos questions aux uns ou aux autres. Est-ce que cela vous convient? La liste des intervenants restera inchangée. Nous serons plus efficaces ainsi.

Je voudrais simplement signaler que le comité a reçu deux lettres, l'une du St. John's Board of Trade, exprimant ses objections au projet de loi C-7. Je pense que vous en avez déjà reçu copie. La deuxième lettre émane de Mets Marien Associates, de Whitehorse, au Yukon, et le greffier en distribue actuellement des copies. C'est celle dont le sénateur Lucier, je crois, a fait état.

Le sénateur Stratton: Ma seule question s'adresse aux ingénieurs. Il faut un mécanisme de règlement des différends. Le protocole d'entente doit prévoir un mécanisme de règlement des différends. Je voulais avoir la réponse des ingénieurs à cela.

Le président: Très bien. Nous entendrons la réponse dans un instant, mais je voudrais tout d'abord vous présenter Steve Hart, président de l'Association canadienne des industries de l'environnement, et Rebecca Last, directrice des programmes et politiques de cette association.

Monsieur Hart, si vous pouviez vous en tenir à dix minutes ou moins, cela nous laisserait plus de temps pour poser des questions.

M. G. Steve Hart, président, Association canadienne des industries de l'environnement: Monsieur le président, honorables sénateurs, c'est pour moi un plaisir et un honneur d'être ici aujourd'hui pour faire cet exposé. L'Association canadienne des industries de l'environnement, ACIE en abrégé, est une fédération nationale regroupant neuf associations provinciales des industries de l'environnement. Nous sommes un organisme cadre qui représente des associations provinciales oeuvrant dans l'un des secteurs les plus stratégiques de l'économie canadienne et qui enregistre la croissance la plus rapide. L'ACIE est composée de compagnies, d'associations et d'organismes canadiens qui s'appliquent à assurer un développement économique durable et respectueux de l'environnement en offrant des produits, technologies et services à la pointe de l'innovation. L'industrie canadienne de l'environnement emploie environ 150 000 personnes, dégage un chiffre d'affaires annuel d'environ 11 milliards de dollars et exporte des biens et services évalués à 1 milliard de dollars. En fait, ces chiffres portent respectivement sur les années 1990, 1992 et 1993, mais ils vous donnent une bonne idée des ordres de grandeur.

Nous pensons que le gouvernement fédéral reconnaît le dynamisme et le potentiel de l'industrie environnementale sur le plan du développement économique. Il suffit de mentionner trois exemples: premièrement, la Stratégie du commerce international du Canada fait de l'industrie environnementale un secteur prioritaire du développement des exportations canadiennes. Dans le dernier budget fédéral, l'honorable John Manley a annoncé une initiative intitulée «Partenariats technologiques Canada» -- «L'esprit d'Équipe Canada pour stimuler le progrès technologique». Il s'agit d'un programme spécifiquement destiné à aider les petites et moyennes entreprises de certains secteurs ciblés, dont le secteur environnemental. Une nouvelle entente entre Diversification économique de l'ouest canadien, ou DEO, Environnement Canada et la banque Toronto Dominion met à la disposition des petites et moyennes compagnies du secteur environnemental des quatre provinces de l'Ouest la somme de 40 millions de dollars sous forme de prêts d'investissement à long terme.

Il est d'autant plus difficile de comprendre pourquoi notre secteur risque bientôt de se trouver en concurrence directe avec le gouvernement, celui-là même qui a grandement appuyé notre croissance et notre développement. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-7 donne au nouveau ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux, que nous désignerons par Travaux publics, pour faire plus court -- le droit de concurrencer directement ces mêmes entreprises que le gouvernement dit vouloir activement soutenir.

Nous souscrivons à l'orientation d'ensemble du projet de loi C-7. Il correspond à l'objectif déclaré du gouvernement de réduire activement ses dépenses et de recouvrer le coût de ses services, tout en rationalisant les activités ministérielles. Toutefois, au cours de la dernière année et déjà avant, l'ACIE s'est élevée vigoureusement contre deux articles du projet de loi qui portent atteinte au principe d'une concurrence loyale dans le secteur privé. L'ACIE n'est pas la seule à appréhender les conséquences de ces articles du projet de loi; d'autres groupes partagent notre inquiétude et j'en donne la liste dans notre mémoire.

L'alinéa 10(2) c) et le paragraphe 16 b) disposent, respectivement:

10. (2) Le Ministre peut engager des dépenses ou assurer la prestation de services ou la réalisation de travaux portant...

c) soit, avec le consentement du propriétaire, sur des immeubles, ou ouvrages ou autres biens n'appartenant pas à Sa Majesté du Chef du Canada.

Et le paragraphe 16 b):

16. Le Ministre peut exercer toute activité pour le compte...

b) ...des gouvernements, des organisations ou des personnes

... c'est un mot important ...

au Canada et à l'étranger

... c'est également important car cela lui ouvre le champ international ...

...qui le lui demandent.

Dans la lettre qu'il a adressée à la CIE en date du 21 décembre 1994, l'honorable David Dingwall disait qu'il n'y a aucun changement par rapport aux pouvoirs actuellement prévus dans la Loi sur les travaux publics. L'alinéa 10(2) c) du projet de loi C-7 reconduirait les paragraphes 9(3) et 9(4) de la Loi sur les travaux publics. Le pouvoir prévu à l'article 16 du projet de loi serait semblable à celui de l'article 13 de l'actuelle Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services.

C'est donc là ce que dit une lettre à nous adressée par le ministre Dingwall. Cependant, lors d'une intervention faite le 4 octobre 1994 à la Chambre des communes concernant le projet de loi C-7, le député de Vaudreuil, Nick Discepula, a déclaré:

...Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pourra offrir sur demande aux autres ordres du gouvernement, soit les provinces et les municipalités, des services immobiliers, des services architecturaux et des services d'ingénierie, ce qui n'était pas possible jusqu'à maintenant.

Et je souligne ces derniers mots: «...ce qui n'était pas possible jusqu'à maintenant».

C'était dans un discours à l'appui du projet de loi prononcé à la Chambre le 4 octobre 1994. Donc, à l'évidence, le pouvoir d'offrir des services à d'autres ordres de gouvernement est nouveau; on ne fait pas que reprendre la teneur de l'ancienne loi. De même, les mots «et à l'étranger» du paragraphe 16 b) permettraient au ministère des Travaux publics d'accroître ses activités à l'étranger, une perspective qui préoccupe grandement nos membres.

Dans la même lettre, M. Dingwall disait que l'objectif du projet de loi C-7 est d'intégrer:

...dans un seul ministère presque tous les organismes de services communs (c'est-à-dire Approvisionnements et Services, Travaux publics, le Bureau de la traduction et l'Agence des télécommunications gouvernementales). Cette réorganisation permettra en fin de compte de réaliser des économies plus importantes, d'accroître l'efficacité et d'améliorer la prestation des services offerts aux contribuables canadiens.

Or, le projet de loi C-7, par le biais de l'alinéa 10(2) c) et du paragraphe 16 b), donnerait la possibilité au gouvernement d'accroître son rôle en concurrence directe avec le secteur privé, et ce tant sur le marché canadien que sur le marché international. Cela va totalement à l'encontre de l'objectif fondamental qu'il dit poursuivre, soit de réduire la taille de la fonction publique et de la rationaliser tout en offrant de nouvelles perspectives au secteur public.

Des indications en provenance de diverses régions du Canada montrent que le ministère des Travaux publics a déjà commencé à concurrencer le secteur privé. Par exemple, là où chaque ministère avait auparavant pour coutume de définir, d'administrer et d'adjuger des contrats, Travaux publics est devenu l'intermédiaire commun. Les marchés publics autrefois adjugés par appel d'offres public sont de plus en plus assumés automatiquement par Travaux publics.

Lors d'une réunion tenue en 1994, le sous-ministre des Travaux publics d'alors a informé le président de notre organisation soeur, l'AIIC, et d'autres que seuls 50 p. 100 environ des travaux internes de génie et d'architecture feraient l'objet d'appels d'offres. À notre connaissance, ce pourcentage est resté inchangé depuis. Les renseignements que nous possédons montrent que pour certains types de travaux, tels l'assainissement de terrains contaminés par les BPC, la proportion des travaux soumis à appels d'offres publics est même inférieure à 50 p. 100.

La pratique habituelle du ministère des Travaux publics, lorsqu'il assume la gestion d'un projet, consiste à facturer des frais de gestion fondés sur le nombre d'heures-personnes nécessaires pour superviser le projet et, dans certains cas, sur la durée et le coût de la réalisation des travaux. Cependant, bon nombre des clients ministériels de Travaux publics se sont dotés de leur expertise propre en matière de gestion de projet, une réalité que le ministère des Travaux publics reconnaît dans son plan des services immobiliers. Ainsi donc, les frais de gestion imposés par Travaux publics représentent une dépense inutile qui gonfle le coût payé par le contribuable.

Passons à la question des partenariats entre les secteurs privé et public. Dans la lettre qu'il a adressée à l'Association canadienne des industries de l'environnement, toujours en date du 21 décembre 1994, le ministre Dingwall affirmait que:

L'article 16 est également important en ce sens qu'il offrira la possibilité au secteur privé de conclure des ententes de partenariat avec TPSGC pour exploiter des perspectives commerciales qui s'offrent au Canada et à l'étranger. Gråce à son statut d'organisme gouvernemental et à son savoir-faire, le ministère pourra aider les entreprises canadiennes, et tout particulièrement les petites et moyennes, à pénétrer de nouveaux marchés et à créer des emplois -- des emplois dans le secteur privé.

Si l'alinéa 10(2) c) et le paragraphe 16 b) sont adoptés sans modification, les affirmations du ministre pourraient bien s'avérer. En effet, ces deux dispositions autorisent Travaux publics à travailler avec les gouvernements tant provinciaux que municipaux. Si le ministère est autorisé à pénétrer des marchés qui étaient jusqu'à présent l'apanage du secteur privé, les entreprises pourraient bien se trouver forcées de conclure de tels partenariats. Les avantages que ces partenariats représentent pour les entreprises privées sont, au mieux, discutables. Les partenariats secteurs public-privé devraient être conclus à l'initiative du secteur privé et répondre aux besoins de tous les Canadiens, et non servir à élargir le champ d'action d'un ministère en particulier.

L'ACIE est favorable à l'idée de s'associer au secteur public, mais selon des modalités qui soient mutuellement bénéfiques. Par exemple, nous avons actuellement des pourparlers avec un autre ministère pour établir un processus de détachement sélectif de fonctionnaires à la demande du secteur privé. Cependant, rien dans le libellé des dispositions 10(2) c) ou 16 b) n'indique comment le projet de loi C-7 favoriserait des partenariats mutuellement bénéfiques entre Travaux publics et le secteur privé.

Travaux publics a reconnu que les deux dispositions incriminées lui donnent le droit -- et il nous l'a dit à plusieurs reprises -- de concurrencer le secteur privé, tant au Canada qu'à l'étranger. Cependant, il répète qu'il n'a pas l'intention de s'engager dans cette voie. Cela nous amène à nous demander pourquoi, si le ministère n'a pas l'intention d'utiliser ces pouvoirs, il insiste tant pour conserver ces deux dispositions. Nous n'avons jamais obtenu de réponse satisfaisante à cette question.

Toujours dans sa lettre du 21 décembre, le ministre Dingwall écrivait:

J'estime qu'il n'y aurait aucun avantage à permettre au ministère de concurrencer le secteur privé. De fait, lorsqu'il y a eu concurrence apparente ou réelle avec le secteur privé, le gouvernement a pris rapidement les mesures nécessaires pour corriger la situation.

Malheureusement pour Travaux publics, les documents d'information du ministère donnent un son de cloche différent. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a produit diverses brochures et fiches documentaires, notamment une fiche intitulée «Faits et chiffres» de janvier 1996 dans laquelle il explique que la direction des Services de traduction:

fournit, de façon optionnelle et contre rémunération, des services de traduction et d'autres services linguistiques aux ministères et agences fédérales et à ses autres clients.

Cela semble vouloir dire à des clients en dehors de l'administration fédérale.

Récemment, des architectes paysagistes de la région de Halifax se sont trouvés en concurrence avec Travaux publics lorsque la direction des Services d'architecture et de génie a commencé à distribuer une brochure offrant:

...des services complets touchant tous les aspects de l'analyse de site et de la conception, y compris l'aménagement paysager intérieur et extérieur. Ceci recouvre la planification, la conception, la supervision de chantier, la gestion et l'entretien.

C'est pas mal explicite.

Une autre brochure publicitaire de la même direction affirme que Travaux publics est:

...dévoué à vous, nos clients. Vous représentez un vaste échantillonnage de ministères et d'organismes fédéraux canadiens, d'institutions publiques et de gouvernements étrangers.

Une publication similaire de la direction des Services environnementaux proclame:

Ainsi donc, lorsqu'il s'agit de remplir les objectifs d'un nouveau programme environnemental, n'oubliez pas que nul n'offre un meilleur service que Travaux publics Canada.

On se demande pourquoi un ministère qui entend servir uniquement le gouvernement fédéral ferait de telles déclarations et dépenserait autant pour les disséminer dans des brochures sur papier glacé. Ayant vu comment Travaux publics décrit ses services, voyons maintenant un exemple récent de ses pratiques.

Au printemps 1994, Environmental Design Consultants, EDC, une entreprise de Terre-Neuve, a été invitée par la Newfoundland and Labrador Housing Corporation, NLHC, à soumettre une proposition concernant l'évaluation environnementale d'un terrain situé dans le Parc industriel de Gander que la NLHC prévoyait d'acheter à Transports Canada.

Travaux publics avait précédemment effectué des évaluations environnementales pour le compte de Transports Canada. Le cabinet EDC avait été invité à formuler ses observations sur l'évaluation faite par Travaux publics et à soumettre une proposition concernant la phase suivante du projet. Après avoir examiné la proposition de Travaux publics, celle d'EDC et celle de plusieurs autres cabinets privés, la Newfoundland and Labrador Housing Corporation a adjugé le marché à Travaux publics. L'offre de Travaux publics était inférieure à 20 000 dollars, comparée à la meilleure offre du secteur privé qui se montait à 30 000 dollars.

La différence importante entre les prix offerts, dans ce cas-ci et dans d'autres, est attribuable, à notre avis -- et nous en avons suffisamment de preuves --, à la façon dont le secteur public comptabilise ses coûts. Travaux publics ne procède tout simplement pas à une ventilation complète et adéquate de ses coûts entre les divers projets, ce qui lui confère un avantage important et injuste dans la concurrence avec le secteur privé. Le fait que l'administration gouvernementale soit auto-assurée renforce encore son avantage concurrentiel car elle n'a pas à payer d'assurance-responsabilité, dont nous savons tous combien elle coûte cher par les temps qui courent.

Si ces indications d'une concurrence déloyale en matière de tarification ne suffisent pas, considérons la taille gigantesque du ministère. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est le plus gros organisme de gestion immobilière du Canada. Parlant du projet de loi C-7, alors le projet de loi C-52, le 30 septembre 1994, à la Chambre des communes, la députée de Cumberland-Colchester, Dianne Brushett, a déclaré:

Les ressources que cela implique sont considérables. Le ministère dont ce projet de loi porte création gère un flux de trésorerie de 1,4 billions de dollars par an. Il achète pour 10 milliards de dollars de produits et de services par an. Il conclut environ 175 000 contrats pour l'acquisition d'environ 17 000 catégories de biens et services chaque année... C'est ce que le monde des affaires appelle avoir de la poigne.

Voilà une citation directe de la députée. C'est effectivement avoir de la poigne. Est-il étonnant que le secteur privé réagisse avec inquiétude devant la perspective d'être concurrencé par ce géant?

L'ACIE réitère ses préoccupations concernant le libellé de l'alinéa 10(2) c) et du paragraphe 16 b). Nous demandons respectueusement au Sénat de donner instruction au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux de modifier le libellé de ces deux dispositions avant l'adoption du projet de loi. Nous sommes disposés -- et nous l'avons dit à plusieurs reprises -- à travailler avec le ministère et d'autres représentants de l'industrie pour trouver un libellé qui soit acceptable au secteur privé. Nous demandons seulement que vous nous donniez l'occasion de le faire -- une occasion qui nous a été refusée jusqu'à présent.

Encore une fois, nous vous remercions de nous avoir permis d'exprimer les vues de l'association sur le projet de loi C-7.

[Français]

Le sénateur Nolin: J'aimerais revenir à M. Lefebvre. On a entendu des voeux théoriques sur ce que devrait être l'expansion du génie-conseil à l'étranger, mais vous en êtes un artisan important. Pour le bénéfice nos confrères, de nos collègues qui ne sont pas familiers avec le domaine, les Québécois sont, je pense, les plus actifs dans le domaine du génie-conseil à l'étranger, et l'avis de M. Lefebvre nous sera d'un grand secours.

J'entendais notre collègue, le sénateur De Bané, parler théoriquement de la capacité du gouvernement d'aider l'entreprise privée du génie-conseil. M. Lefebvre pourra nous dire si cela lui est arrivé souvent que quelqu'un du gouvernement fédéral l'appelle pour lui dire que l'on vient de dénicher une opportunité: «Veux-tu te joindre à nous, nous allons ouvrir le chemin avec notre charrue et ton entreprise va suivre?» Est-ce que cela se produit?

M. Lefebvre: Cela ne s'est jamais produit, à ma connaissance. Je ne pense pas que j'aie d'exemples à donner, même pour d'autres entreprises. Il est vrai que les Québécois exportent beaucoup leurs services à l'étranger. Je qualifierais notre entreprise de moyenne, très spécialisée en mécanique et en électricité.

Depuis deux à trois ans, on sent la nécessité d'exporter nos services si l'on veut conserver notre capacité parce que la quantité de travaux disponibles au Canada et au Québec est petite, en particulier parce que l'on est dans une passe économique difficile. On se sent obligé d'exporter nos services à l'étranger.

Pour exporter nos services à l'étranger, il faut utiliser nos propres moyens, donc l'argent de notre compagnie, pour faire la promotion de nos services.

Ce dont j'ai peur, si les projets de loi C-7 et C- 52 sont adoptés exactement comme ils le sont, c'est de l'effet pervers d'un gouvernement qui se donne une possibilité de compétitionner.

Je sais pertinemment qu'actuellement, ce n'est probablement pas l'intention des gens en place de compétitionner avec nous. Mais il y a toujours un effet pervers à une loi qui permet la possibilité future de le faire. Les gouvernements changent, les hommes changent. Éventuellement, quelqu'un va penser à faire la même chose. On sait que les gouvernements provinciaux, municipaux regardent ce qui se fait ailleurs, et souvent imitent et adaptent à leur humeur et à leur environnement une initiative d'un gouvernement provincial ou fédéral.

Je vous rappelle ce qui s'est passé au début des années 1980, lorsque le gouvernement du Québec s'est donné la réglementation pour administrer la sélection des fournisseurs de services et de biens au Québec.

Nous, on l'a qualifié de Rosalie. Ce système est devenu éventuellement à travers le gouvernement fédéral le SPEC. Mais un effet pervers est que lorsque le gouvernement fédéral a aprouvé et mis de l'avant le SPEC, une bonne initiative, on y a ajouté l'élément prix.

On a ajouté que pour être sélectionné, il faut aussi compétitionner sur la base de prix. Depuis l'idée s'est répandue. Cela a fait boule de neige. Cette idée circule à travers les provinces et les municipalités.

Aujourd'hui, la sélection basée sur la compétence se voit de moins en moins et est en train de disparaître au détriment non seulement de notre industrie à nous du génie-conseil mais, à plus ou moins long terme, au détriment du donneur d'ouvrage. La qualité se paie. Si à cause de la situation économique actuelle, les gens compétitionnent sur le prix et réduisent, on va se retrouver avec une industrie faible et des clients insatisfaits. On ne pourra plus exporter notre expertise.

C'est l'aspect à long terme qui est très dangereux.

[Traduction]

Le sénateur Nolin: Ma prochaine question s'adresse à M. Hart. Vous avez dit que le problème essentiel pour le secteur privé, lorsqu'il s'agit de calculer le prix d'une soumission, est le fait qu'il doit intégrer quelque élément que le secteur public n'a pas besoin de comptabiliser. Ou même s'il le voulait, il ne le pourrait pas car sa comptabilité fonctionne différemment. Pourriez-vous nous donner de plus amples explications à cet égard?

M. Hart: L'un des éléments clés est toute la question de l'assurance-responsabilité, que tout un chacun doit acheter pour soi-même ou pour son entreprise. Nous devons l'acheter pour notre cabinet, et c'est très cher de nos jours. Le gouvernement n'a pas à s'en préoccuper, il s'assure lui-même.

Le sénateur Nolin: Combien peut coûter une assurance personnelle?

M. Hart: Je crains de ne pas avoir de réponse précise à vous donner. Un autre élément qui est encore plus important est que les frais généraux, tels que les locaux et toutes ces autres dépenses que connaît le secteur privé -- et je peux comparer, j'ai été fonctionnaire - ne sont pas pris en compte dans le calcul des prix. Cela aussi procure un avantage énorme aux organismes gouvernementaux s'ils sont en concurrence directe avec le secteur privé. Ce sont là les deux éléments que nous jugeons très importants.

M. Hyde: Le coût de l'assurance-responsabilité dans le secteur du génie-conseil varie selon la discipline et aussi selon le marché. Je peux vous dire que lorsque les primes d'assurance responsabilité étaient très élevées dans la période 1984-1985, elles représentaient entre 5 et 7 p. 100 de nos recettes. C'était un chiffre abominable, mais il fallait le payer. Aujourd'hui, je dirais qu'un cabinet moyen paie entre 1,25 et 1,5 p. 100 de ses recettes. C'est donc un coût qu'il faut faire entrer en ligne de compte lorsqu'on présente une soumission.

Le sénateur Nolin: Quels sont les éléments clés que vous devez chiffrer et intégrer dans vos soumissions? Je devrais peut-être poser la question à M. Lefebvre et la limiter aux appels d'offres internationaux, car depuis hier, nous nous concentrons sur l'activité à l'étranger. Nous parlerons peut-être davantage de la concurrence intérieure avec les autres témoins, mais pour le moment, restons-en à la concurrence internationale.

M. Lefebvre: C'est un facteur très simple: le profit. Nous, dans le secteur privé, devons réaliser des profits. Nous devons faire des profits pour pouvoir nous développer.

Le sénateur Nolin: Pour rester en vie.

M. Lefebvre: Pour rester en vie, pour nous développer, pour former notre personnel, et cetera. Nous devons donc réaliser un certain pourcentage de profits, de façon à non seulement survivre, mais encore pouvoir développer l'entreprise et pouvoir conserver des gens compétents dans notre organisation.

M. Hart: Il y a certaines dépenses que le secteur public n'encourt pas pour développer ses débouchés. L'un est le coût du capital. Le fait est que si vous allez chercher des débouchés dans des pays comme l'Indonésie, ceux de l'Asie du Sud-Est, qui connaissent une expansion très rapide, Taïwan, la Corée, il y a déjà les frais de déplacement, plus le fait qu'il ne suffit pas de descendre d'un avion pour signer des contrats. Il faut y retourner probablement deux, trois, quatre ou cinq fois sur une période de deux ou trois ans. Avant même d'être en mesure de faire une offre, vous avez sans doute déjà englouti plusieurs centaines de milliers de dollars. Le gouvernement le fait aussi, et cela n'est pas pris en compte dans le prix de ses offres.

C'est une dépense qu'il faut engager rien que pour être en mesure, peut-être, dans trois, quatre ou cinq ans, d'obtenir des contrats. À l'échelle internationale, c'est un facteur très important, pensons-nous.

M. Lefebvre: Je suis d'accord. Nous sommes une petite entreprise, comptant une centaine d'employés, et au cours des deux dernières années nous avons dépensé un demi-million de dollars en travaux préparatoires, avant même de signer le premier contrat.

Le sénateur Nolin: À l'étranger?

Le sénateur Bolduc: J'aimerais revenir à la scène canadienne, la scène nationale. Il m'a toujours semblé que le rôle du ministère des Travaux publics est de planifier les projets, en particulier s'agissant des services de génie et d'architecture pour les immeubles gouvernementaux et les propriétés publiques. Il y a un concours ou un appel d'offres pour choisir le cabinet d'ingénieurs ou d'architectes qui va faire le travail, et les ingénieurs et les architectes du ministère qui ont établi les paramètres du projet et assuré la planification supervisent la qualité de la conception et de la construction. Ils supervisent l'ensemble du projet. Leur travail en est surtout un de planification et de supervision des professionnels et de tous les autres entrepreneurs.

Comment peuvent-ils le faire, à votre avis, s'ils sont eux- mêmes sur les rangs pour réaliser certains projets? Ne sont-ils pas en conflit d'intérêts?

M. Hart: Pour donner une réponse laconique, oui.

Le sénateur De Bané: Je suis réellement désolé de voir que vous ne pouvez adopter une attitude plus positive. Vous savez, car le gouvernement l'a annoncé, que la fusion de ces deux ministères va réduire les effectifs du nouveau ministère de 4 000 personnes. Une réduction de 4 000, sur un total de 18 000, signifie qu'il va sous-traiter à vos membres beaucoup plus de travail qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant. Je vous renvoie à la lettre que M. Dingwall a adressée à M. Laliberté.

Vous savez également, selon les avis juridiques qui nous ont été donnés et selon la lettre que le ministre a adressée à M. Laliberté, qu'il n'y a pas de pouvoirs nouveaux. Le ministre dit à la première page de sa lettre que «...je tiens à préciser que le projet de loi ne prévoit pas de pouvoirs nouveaux». Il n'y a donc pas de pouvoirs nouveaux.

Puis, au sujet de l'article 10, le ministre indique: «Cet article n'autorise pas le ministère à concurrencer le secteur privé». Au sujet de l'article 16, il dit dans la même lettre:

...le pouvoir conféré dans cet article d'offrir des services en dehors de la fonction publique fédérale n'est pas nouveau; il figure déjà dans l'article 13 de la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services actuel. L'article 16 n'autorise pas le ministère à concurrencer le secteur privé, ni à répondre à des demandes de propositions émanant d'autres ordres de gouvernement ou du secteur privé. Cependant, il autorise le ministère, sur demande, à collaborer avec d'autres paliers de gouvernement pour assurer la prestation la plus efficiente et la plus rentable de services...

À la page 3 de la lettre, il dit:

L'article 16 est également important en ce sens qu'il permet au secteur privé de conclure des partenariats avec TPSGC dans le but d'exploiter des perspectives commerciales au Canada et à l'étranger... le ministère pourra aider les entreprises canadiennes, particulièrement les petites et moyennes, à s'implanter sur de nouveaux marchés et à créer des emplois -- des emplois du secteur privé.

Bien entendu, le ministère ne deviendra partenaire que lorsqu'il existe un besoin avéré... à la demande du secteur privé.

Et il ajoute ceci:

Cela est conforme aux demandes de partenariat privé-public que nous avons reçues, par exemple, de certains cabinets d'ingénierie canadiens.

N'oublions pas que, pour calmer vos appréhensions, l'autorisation doit être donnée à un niveau supérieur à celui du ministre, au niveau du gouverneur en conseil. C'est donc tout le Cabinet, l'ensemble du gouvernement, qui devra approuver ces initiatives. Enfin, le ministre ajoute, et je cite ce qu'il dit à la page 4 de sa lettre:

Je pense que le fait d'autoriser le ministère à concurrencer le secteur privé ne serait d'aucune utilité.

Comme vous le savez, lorsque des entreprises de messagerie privées se sont plaintes récemment que Postes Canada leur livrait une concurrence déloyale, une commission d'enquête a été constituée, laquelle a commencé ses travaux. Lorsque les imprimeurs se sont plaint que le groupe Communications Canada les concurrençait de façon déloyale, parce que tous ces facteurs que vous mentionnez n'étaient pas pleinement chiffrés dans ses soumissions, et cetera, le ministère y a mis fin immédiatement.

Je vous supplie donc, messieurs, madame, d'adopter une attitude positive. Nous savons tous que la source de toutes les richesses, c'est le secteur privé. C'est la philosophie du gouvernement, de tous les gouvernements du Canada. Je vous rappelle également qu'il n'y a rien ici de nouveau. En outre, le ministre a indiqué publiquement ici même, ainsi que le sénateur Stratton l'a rappelé, qu'il n'est pas question de concurrencer le secteur privé, mais uniquement de répondre à ses demandes et de collaborer avec vous.

M. Hart: J'aimerais simplement répondre à certaines des remarques du sénateur De Bané. Premièrement, nous avons dit dans notre mémoire que nous souscrivons presque à l'intégralité du projet de loi. Nous l'approuvons. C'est une excellente loi, hormis deux clauses que nous jugeons -- et le mot est un peu fort -- odieuses.

Deuxièmement, nous croyons savoir que, en réponse à des questions, la ministre a ramené de 4 000 à 2 000 le chiffre des compressions d'effectifs. Il y a bien 4 000 postes en moins, mais seulement 2 000 employés. Je n'étais pas là, mais on m'a rapporté ce rectificatif. Je tenais donc à apporter cette rectification qui vient de la bouche de la ministre elle-même, hier.

Nous convenons avec vous qu'il n'y a pas, dans la pratique, de nouveaux pouvoirs, mais les pouvoirs existants ont été élargis à plusieurs autres directions du ministère. Donc, à toutes fins pratiques, même si le libellé n'est pas nouveau, les pouvoirs ont été considérablement élargis par rapport à ce qu'ils étaient auparavant. Nous en avons parlé dans notre exposé. C'est donc un fait.

Nous avons bien fait ressortir dans nos discussions avec le ministère que nous ne mettons nullement en doute l'honnêteté, l'intégrité et les bonnes intentions de qui que ce soit. Vous me dites que le gouvernement n'a pas l'intention de faire cela, et nous tendons à être d'accord.

Cependant, la nature humaine est ce qu'elle est et le système politique tel que nous le connaissons évolue au fil du temps et, s'il y a des mots écrits noir sur blanc, dans une loi, qui permettent au gouvernement de faire certaines choses, alors, en dépit des bonnes intentions actuelles, il pourrait finir par les faire. Tout le monde meurt, disparaît, prend sa retraite ou part pour une raison ou pour une autre et quelqu'un peut arriver dans cinq, dix, 15 ou 20 ans, considérer ce libellé et l'interpréter et dire, à mon sens à juste titre: «Nous pouvons faire cela».

Notre demande est donc très simple. Nous voulons collaborer avec le gouvernement. Nous pensons que le gouvernement a un rôle réel à jouer pour nous aider à développer nos activités internationales. Le problème n'est pas là. La seule chose à régler, ce sont ces deux dispositions dérangeantes, qu'il serait très facile de modifier sans nuire en rien au contenu du projet de loi. Nous pensons que c'est une requête très simple. C'est tout.

Je suis d'accord avec presque 100 p. 100 de ce que vous dites. C'est tout à fait notre intention. Nous voulons travailler en partenariat avec le gouvernement. Nous voulons travailler de manière mutuellement bénéfique. Mais ce projet de loi ouvre la porte à quelque chose qui contrarie ce souhait.

M. Hyde: J'ajouterais une chose à cela. Ce qui nous préoccupe réellement concernant l'avenir, c'est de voir ce qui se passe à l'heure actuelle dans l'Ouest du Canada, où nos collègues, qui dépendent largement du travail pour les petites municipalités, sont maintenant confrontés à la concurrence des gens de l'ARAP, qui offrent gratuitement des services d'ingénierie à nos anciens clients.

C'est le genre de risque que nous voyons se profiler à l'horizon. Lorsque vous demandez pourquoi nous éprouvons cette inquiétude face au projet de loi, c'est probablement là le meilleur exemple que nous puissions vous donner, car nous voyons cela se passer tous les jours et c'est ce que nous combattons. C'est cette clientèle qui faisait vivre certains des petits cabinets de l'Ouest. Ils ne peuvent tout simplement pas soutenir ce genre de concurrence -- aucun de vous ne le pourrait, si vous étiez dans le secteur privé.

M. Franche: Monsieur le président, je pense que la lettre de M. Dingwall qu'a citée l'honorable sénateur est précisément le genre de lettre qui nous inspire la frayeur car, effectivement, le projet de loi prévoit des pouvoirs nouveaux.

Permettez-moi de vous citer la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services actuelle, à l'article 13:

13. La présente loi n'a pas pour effet d'empêcher le ministre de fournir, avec l'approbation préalable du gouverneur en conseil, les services relevant des attributions qu'elle lui confère aux organismes fédéraux, sociétés d'État, gouvernements et organisations au Canada qui lui en font la demande -- ou encore de fournir de tels services pour leur compte...

Il n'y a pas les mots «et à l'étranger». Dans aucune des deux lois actuelles n'est-il question de l'étranger.

Deuxièmement, les pouvoirs du ministre des Approvisionnements et Services, définis à l'article 12, sont d'offrir la gamme des services suivants:

12. Le ministre fournit... les services suivants:

a) conseil en gestion;

b) informatique;

c) comptabilité;

d) vérification comptable;

e) services financiers;

f) les autres services qui relèvent de sa compétence aux termes de la présente loi.

Les pouvoirs du ministre des Approvisionnements et Services ne couvrent pas le génie et l'architecture, car ces derniers domaines relèvent du ministre des Travaux publics. Mais, maintenant, on élargit tout. Ce ne sont là que deux petits aspects. Il y en a d'autres avec lesquels nous ne sommes pas d'accord. Nous n'avons jamais rencontré le ministre Dingwall.

M. Hart: À titre de complément de réponse, je peux vous indiquer quels types de coopération donnent de bons résultats. Nous avons signé une entente avec un autre ministère, un contrat intitulé IIGE, Initiative internationale de gestion de l'environnement. Je crois que c'est le sénateur De Bané qui a fait état d'accords de gouvernement à gouvernement, nous demandant si nous ne sommes pas en faveur de cela.

Dans le cadre de cet accord, nous constituons une importante base de données, qui regroupe de 300 à 400 entreprises canadiennes ayant manifesté leur désir de travailler à l'échelle internationale. Notre base de données nous donne les antécédents de l'entreprise, son implantation géographique, ses contrats passés. Je vais prendre quelques exemples. Le Mexique s'adresse au gouvernement du Canada, demandant son aide pour rédiger sa réglementation environnementale. Soit dit en passant, 24 sur 25 des règlements environnementaux promulgués par le gouvernement mexicain ont été rédigés par des entreprises canadiennes.

Donc, le gouvernement du Mexique s'adresse au gouvernement du Canada -- il l'a fait avant la signature de cet accord, mais cela montre comment ce genre de chose fonctionne -- et dit: «Nous aimerions votre aide». Le gouvernement s'adresse donc à notre ministère et dit: «Pourriez-vous nous dire quelles entreprises ont manifesté un intérêt à travailler au Mexique et quels sont leurs antécédents»? Nous consultons la base de données, nous sortons les fiches des entreprises et les remettons au gouvernement. Le travail est donc fait par le secteur privé dans le cadre d'un arrangement d'État à État, et nous sommes tous en faveur de cela.

Cela fonctionne très bien à l'heure actuelle et c'est le genre de mécanisme que nous aimerions voir et dans le cadre duquel nous serions ravis de travailler avec ce ministère. Mais ce n'est pas à la demande du gouvernement. C'est plutôt à l'initiative du secteur privé qui exprime un intérêt. Je pense que c'est la clé.

M. Franche: Avez-vous besoin d'inscrire dans une loi quelque chose que vous n'allez pas utiliser? Les avocats me disent souvent...

[Français]

Le sénateur Rizzuto: En ce qui concerne l'explication qui vient d'être apportée, lorsqu'un gouvernement, comme celui du Mexique ou d'autres pays étrangers, contacte le gouvernement ou le ministère des Travaux publics pour donner un mandat ou négocier un contrat, il arrive souvent que l'entreprise privée fasse affaire avec le gouvernement pour recevoir son appui. La compétition est assez forte à l'étranger, nous sommes tous au courant de cela.

Je ne comprends pas les craintes et la méfiance que l'on éprouve envers le ministère à l'effet qu'il va s'approprier des contrats. L'entreprise privée fait appel au ministère. Selon les propos du ministre hier, l'on a demandé si le gouvernement avait l'intention de faire de la sollicitation de contrats à l'étranger. La réponse du ministre a été claire. On n'ira pas solliciter de contrats. Mais si on a des appels, on va les recevoir. J'ai même posé la question suivante: si l'on avait des appels, est-ce que le ministère devrait quand même contacter l'entreprise privée, trouver des associés et les transférer à l'entreprise privée. La réponse du ministre a été positive.

Dans ce sens, je trouve positif le fait que le gouvernement puisse recevoir les appels et qu'immédiatement, il les transfère à l'entreprise privée et l'appuie pour concurrencer d'autres compagnies étrangères. L'on sait que ce n'est pas facile.

Le Mexique peut appeler le gouvernement et notre gouverment lui dira que dans tel domaine, on a une entreprise. Il propose telle ou telle entreprise. Il peut contacter l'association des ingénieurs pour dire qui est compétent, qui peut participer à tel ou tel contrat. Je pense que cela peut donner confiance à des gouvernements étrangers.

Les gouvernements étrangers quand ils s'aperçoivent que le gouvernement canadien s'implique sont plus enclins à faire des affaires. Et je trouverais négatif, vous me corrigerez si je fais erreur, que le gouvernement ou le ministère des Travaux publics réponde au Mexique ou aux autres pays qu'ils ne peuvent rien faire. On va peut-être suggérer des noms, intervenir auprès de l'entreprise privée pour faire les travaux.

Je me demande jusqu'à quel point il est négatif que le gouvernement puisse recevoir les appels et les envoyer à l'entreprise privée. Le gouvernement peut évaluer l'importance du projet et ouvrir le chemin ou même s'associer, si cela est nécessaire.

M. Hart: Je suis cent pour cent en accord avec la façon dont vous avez énoncé cela. Si j'ai bien compris votre situation, ils ont demandé au secteur privé d'intervenir. Le gouvernement a offert un appui pour miser sur ces contrats. Dans ce contexte, nous sommes tout à fait en accord.

Lorsque l'on va dans des pays comme l'Amérique latine ou l'Asie du sud, la présence gouvernementale est un atout. Nous sommes tout à fait en accord avec cela. Je suis cent pour cent en accord avec votre explication.

Mais ce n'est pas la question sur la table aujourd'hui. Le problème, c'est lorsque le gouvernement mise directement sur un contrat, en compétition avec le secteur privé.

M. Franche: Monsieur le président, j'aimerais répondre au sénateur Rizzuto. Nos compagnies, on l'a entendu tout à l'heure, ont investi beaucoup dans le marketing étranger, la mise en marché. Je peux nommer mon confrère monsieur Lefebvre, dont la petite entreprise a dépensé un demi-million de dollars. Je pense qu'on ne veut pas voir le gouvernement fédéral, par l'entremise des Travaux publics, s'ingérer dans un marché et ouvrir une compétition.

Le gouvernement nous parle souvent de «Team Canada». Pourquoi irait-il dans l'autre sens? Ces marchés ont été développés par nos entreprises. Je connais un projet d'une très grosse entreprise de génie conseil -- on en a juste deux ou trois au pays -- qui m'a dit qu'elle avait dépensé 11 millions de dollars et qu'elle n'a jamais eu le contrat. Il y a des investissements incroyables qui se font.

Il ne faut pas que cela vienne déranger les marchés internationaux. C'est une des raisons pour laquelle tant de compagnies se sont opposées à la proposition. C'est la même chose dans nos marchés domestiques.

Monsieur Hart a cité le «Hansard of the other place». Tout y était: la compétition dans les municipalités, les commissions scolaires, les hôpitaux avec 80 p. 100 de nos gens du marché domestique. C'est l'autre aspect.

Il faut comprendre que si on n'a pas l'intention de l'utiliser, on n'a pas besoin de l'inclure dans la loi.

[Traduction]

On n'inscrit pas dans une loi des dispositions que l'on ne va pas utiliser ou que l'on n'a pas l'intention d'utiliser.

[Français]

M. Hart: C'est le noeud du problème.

M. Franche: J'ai fait une suggestion à l'article 5. Hier soir, j'ai dit: comment va-t-on se sortir de l'imbroglio? Je ne suis pas très populaire avec mes amendements. Et j'ai fait une autre suggestion. Le principe est de ne pas compétitionner avec l'entreprise privée.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Je vous remercie d'un exposé extrêmement clair et, ajouterais-je, très réfléchi. À la page 9 -- je le dis pour donner un ton un peu plus léger à ce débat -- vous nous dites à nous, le comité, que vous «nous demandez respectueusement de donner instruction au ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux de modifier le libellé de ces deux articles avant d'autoriser l'adoption du projet de loi».

J'aimerais bien pouvoir «donner des instructions» au ministère. Nous aimerions bien pouvoir «donner des instructions» à quantité de ministres. Cependant...

M. Hart: Excusez notre ignorance des subtilités.

Le sénateur Cools: Oh, ne vous inquiétez pas de cela. En fait, nous avons une certaine influence auprès de nombreux ministres.

Je vous ai écouté très attentivement. Je souscris aux principes que vous exprimez et vous avez réussi à me faire partager vos préoccupations. Je peux dire que la plupart d'entre nous avons reçu ces renseignements.

Je veux vous dire également que je comprends votre angoisse, qui semble très grande. Je comprends aussi votre appréhension. Vous dites essentiellement deux choses. Vous souhaitez une concurrence loyale sur le marché, ce qui est raisonnable et juste, à mon avis, et vous souhaitez protéger, en gros, votre position. Vous nous dites, en substance, en tant que comité sénatorial, que vous devez vous protéger. Cela aussi, je le comprends. Ma préoccupation avec les amendements que vous demandez, et qui sont à peu près les mêmes que les intervenants précédents, c'est qu'ils entravent trop le gouvernement. Je pense qu'il faut veiller à ne pas entraver le gouvernement. Il ne faut pas entraver le ministre et son ministère. Ils s'engagent sur une route toute nouvelle.

En vous écoutant, il m'est apparu que la solution dont vous avez besoin n'est pas réellement de nature législative. Vous n'avez pas vraiment besoin d'un amendement au projet de loi. Ce que vous recherchez, me semble-t-il, c'est de parvenir à certains accords, ou à un consensus, ou à une confiance, appelez cela comme vous voulez, avec le ministre et les ministères, et il me semble qu'il y a des façons pour nous de faciliter cela et de résoudre vos problèmes autrement qu'en amendant le projet de loi.

Le président: Je pense qu'ils demandent un amendement, sénateur.

M. Hart: Pourrais-je juste préciser?

Le président: Pour que ce soit bien clair, je pense qu'ils demandent un amendement.

M. Hart: Absolument.

Le sénateur Cools: Il a parlé de deux articles odieux. Je l'ai écouté très attentivement.

M. Hart: Oui, ce sont les deux articles en question, et nous demandons absolument un amendement, car tout se ramène à une question très simple. Je pense que je me répète, mais si vous avez quelque chose écrit noir sur blanc dans une loi, dans un texte qui a force de loi, un jour quelqu'un, avec les meilleures intentions du monde et sans savoir quelles étaient les intentions à un moment donné, peut utiliser cela de manière complètement différente.

Je voudrais vous faire comprendre très clairement une chose, à savoir que nous avons travaillé de très près, non seulement avec les associations qui nous accompagnent ici aujourd'hui, mais avec près de huit autres. Je n'aime pas avouer qu'il m'arrive d'être d'accord avec les ingénieurs, mais laissons de côté cette querelle professionnelle. Il faut que vous sachiez que nous sommes pleinement d'accord avec la position qu'ils ont adoptée et nous avons travaillé très fort, non seulement avec ces deux associations, mais avec six ou huit autres, à l'élaboration de cette position. Ne pensez pas qu'il y ait divergence de vues entre nous sur cette question.

Le sénateur Cools: Je suis en train de me dire que peut-être mon collègue ici pourrait répondre à ce qui a été dit, et peut-être certains des autres sénateurs. Je veux dire par là que vous avez dit certaines choses extraordinaires. Vous avez dit que vous n'avez jamais rencontré le ministre.

Il me semble qu'il y a une solution à leur problème, qu'il y a une façon de calmer leurs craintes en dehors du cadre de la loi. Je pense que nous, les membres du comité, pourrions défendre leur cause auprès du ministre.

M. Hart: Je voudrais que ce soit absolument clair. Nous voulons collaborer avec le gouvernement. Nous avons besoin du soutien du gouvernement, surtout au plan international. Cela ne fait absolument aucun doute. Mais de la manière dont ce projet de loi est rédigé, et c'est là où nous sommes en désaccord avec vous, il autorise le gouvernement à faire des choses dont il dit qu'il nullement l'intention de les faire. Nous ne comprenons absolument pas pourquoi, au nom du ciel, vous ne pouvez pas tout simplement enlever ces deux dispositions, ou les modifier, de façon à régler le problème.

Le sénateur Stratton: Le ministère des Travaux publics a une très longue histoire de concurrence directe avec le secteur privé. Autrement dit, il a simplement pris le travail et l'a exécuté à l'interne, au lieu de le confier au secteur privé. Il y a donc ce long passé de méfiance qui, manifestement, n'a pas encore été surmonté.

On peut voir très clairement, d'après ce qu'ils disent, qu'à moins que les choses ne soient clairement spécifiées dans la loi, ils ne croient pas que le gouvernement fera ce qu'il dit qu'il va faire. C'est très clair et direct: il n'y a pas de confiance. Ils pensent en outre que, même si l'on signe un protocole d'entente -- et c'est presque comme négocier un accord de libre-échange, ce protocole d'entente contiendrait évidemment un mécanisme de règlement des différends.

Mais celui-ci interviendra toujours après le fait. En d'autres termes, Travaux publics fera ce que bon lui semble, ensuite de quoi il y aura plainte et Travaux publics dira: «Oh, désolé, vous avez raison, mais vous arrivez trop tard». Le ministère pourra faire comme bon lui semble et il l'a d'ailleurs fait par le passé. Croyez-moi, il l'a fait par le passé. Il s'est toujours comporté de façon très arrogante et je pense que cette énorme méfiance est toujours là.

Le sénateur Kelly: Dans le même ordre d'idées que le sénateur Stratton, il me paraît clair, indépendamment de ce qui s'est fait par le passé, que la loi a été révisée et réécrite. Ces organisations ne critiquent pas l'esprit de ce qui est proposé. Le sénateur De Bané nous a rappelé à juste titre tous les engagements et les déclarations de M. Dingwall et de Mme Marleau concernant l'absence de concurrence. Ce que les témoins demandent n'est donc pas déraisonnable, car l'esprit des changements correspond bien à ce que disait le ministre. Tout ce qu'ils demandent, c'est d'apporter un petit changement afin que l'esprit décrit par les ministres soit bien consigné dans la loi.

C'est tout ce qu'ils demandent. Ce n'est pas une refonte, ni un désaccord touchant la fusion des deux ministères. Ce n'est pas une invention des associations. C'est une déclaration du ministre actuel. C'est tout ce que nous disons. Pourquoi ne pas consigner cela sous forme législative? C'est tout.

[Français]

Le sénateur Nolin: Plusieurs constats ont été faits. Le sénateur De Bané a fait un très bon constat de la situation. Il y a deux visions qui s'opposent. L'on ne peut ignorer les engagements presque solennels que le ministre a faits. Par contre, on a un texte de loi qui, pour toutes sortes de raisons, a trait à l'histoire, aux relations entre l'entreprise privée et Travaux publics Canada et Approvisionnements et Services. Il ne faut pas perdre de vue que, devant nous, on a des fournisseurs de services dits de construction. Mais toute une série d'autres fournisseurs de services n'ont pas d'organisation nationale. Je pense aux traducteurs, entre autres, qui sont souvent de petits entrepreneurs de sous-sol et qui n'ont pas les moyens de s'organiser nationalement, comme les ingénieurs-conseils et les entreprises du domaine de l'environnement.

Je pense qu'il n'y a pas de philosophies qui s'opposent. On a entendu des professionnels de la construction nous dire qu'ils appuyaient le projet de loi, mais qu'il y avait un problème quant à la rédaction de deux articles. Une proposition a été faite quant à la rédaction d'un troisième article.

J'ai soulevé un problème qui n'a rien à voir avec la compétition, qui traite du pouvoir réglementaire du ministre. J'allais d'ailleurs suggérer qu'on entende des témoins spécialistes en matière de pouvoir réglementaire. On peut très bien demander à des avocats spécialistes de l'Université d'Ottawa de venir nous informer des effets spécifiques de la rédaction que nous avons devant nous.

Pendant que nous entendrons ces témoins experts, on pourrait demander à la fois aux organismes professionnels et aux employés du ministère des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, d'y mettre de la bonne foi, de part et d'autre, et de nous produire un texte qui ferait l'affaire des deux parties, avant que l'on adopte le projet de loi.

Ce serait une excellente façon de montrer la bonne foi du ministre qui, de toute évidence, a établi un principe. Cette crainte est certainement justifiée par l'expérience des entreprises du secteur privé.

Ce que veut tout le monde, c'est que la loi soit opérationnelle. Et tous les témoins se sont entendus pour dire que, dans l'ensemble, elle était très bonne, mais qu'elle comportait quelques petits irritants.

C'est à nous de favoriser l'émergence d'un texte de loi qui va refléter à la fois l'intention du gouvernement et celle des témoins. Le gouvernement pourrait s'asseoir, il doit le faire pour l'établissement d'un mémoire, et régler tout de suite les deux articles en question. Peut-être que la suggestion de monsieur Franche sera retenue ou une autre, mais je suis convaincu que l'on pourra en arriver à un terrain d'entente.

[Traduction]

M. Hart: Ce que vous avez proposé, sénateur Nolin, est exactement ce que nous avons offert au ministère pendant toute l'année dernière. Nous serions ravis de pouvoir nous asseoir avec lui pour tenter de trouver un libellé. Ce n'est peut-être pas très parlementaire, mais je pars du principe que la plupart des gens sont plutôt honorables et désireux de parvenir à une solution raisonnable.

Je serais ravi si des gens de notre côté, ayant des connaissances juridiques que je ne possède pas, pouvaient s'asseoir avec le ministère pour tenter de trouver un libellé qui convienne aux deux parties. C'est ce que nous demandons depuis un an et nous n'avons pas pu franchir la porte, si je puis exprimer les choses ainsi.

Le président: Avez-vous des suggestions, sénateur De Bané, sur la manière dont cela pourrait être fait?

Le sénateur De Bané: Monsieur le président, je pense que cette idée de superviser la situation de manière continue est pleine de bon sens. Notre comité peut, à la demande de ces associations professionnelles nationales, convoquer une réunion à n'importe quel moment au cours des prochains mois, ou chaque fois que le besoin s'en fait sentir, pour entendre leurs doléances, le cas échéant, et convoquer également le ministère à comparaître.

J'aime beaucoup l'idée que notre comité soit à votre écoute pour tenter de combler les divergences entre vous et le ministère. En revanche, suspendre l'adoption du projet de loi jusqu'à ce que toutes les négociations aient abouti, non, car, comme nous l'avons souligné, les deux articles dont nous parlons, 10 et 16, ne sont pas nouveaux; ils existaient déjà dans l'ancienne loi. Mais pour ce qui est de l'idée de nous rencontrer chaque fois que vous en avez besoin pour nous informer des problèmes que vous rencontrez vis-à-vis du ministère, je pense que c'est la moindre des choses.

Le président: Vous avez essayé de rencontrer les responsables du ministère à ce sujet. Est-ce une question que vous n'avez jamais abordée, ou une question sur laquelle vous ne trouvez pas de terrain d'entente, ou bien êtes-vous dans l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous du ministre, ou quoi?

M. Franche: Monsieur le président, nous avons parlé avec le ministère à plusieurs reprises. Nous avons même eu une réunion le 2 novembre, à laquelle assistait notre président. Notre comité exécutif a rencontré le sous-ministre et d'autres fonctionnaires. Nous avons abordé tout un éventail de sujets, pour tenter d'établir un meilleur climat. La réunion s'est bien déroulée, mais sur cette question, nous avons dû convenir de disconvenir. C'est tout.

Le sénateur Kelly: Mais vous avez rencontré la ministre Marleau?

M. Franche: Oui. Nous avons rencontré la ministre Marleau pour la première fois le 15 avril, et là encore, il n'y a pas eu d'entente. Simplement, à la toute fin de la réunion, le sous- ministre et moi avons parlé de la possibilité de rédiger un protocole d'entente, que j'avais déjà demandé en mars 1991, si je me souviens bien, puis en juin 1995, et on nous avait dit que c'était impossible; mais maintenant, tout d'un coup, oui, c'est possible. Nous voulons donc résoudre le problème, mais nous voulons le faire à partir d'une base législative autre que ce qui est dans le projet de loi.

M. Hart: Nous avons rencontré des gens du ministère, au niveau du sous-ministre adjoint. J'ai passé presque tout un samedi soir avec l'adjoint politique de M. Dingwall. Nous avons tourné en rond pendant deux heures et j'ai fini par me lasser et nous avons convenu de disconvenir.

La conversation se déroulait sur un ton très agréable et nous avons exprimé notre appui au projet de loi; mais dès que nous abordions cette question, le verrou était mis, il n'y avait pas de discussion possible. Terminé. Voilà le problème, et nous ne pensons pas que cela manifeste une bonne volonté.

Le sénateur Stratton: Ce projet de loi a été déposé il y a longtemps. Combien de temps cela fait-il?

Le sénateur Nolin: C'était en 1994.

M. Franche: Cela fait plus de 18 mois, bientôt deux ans. J'ai repéré cet article par accident dans le hansard et immédiatement, nous avons convoqué une réunion et j'ai demandé à comparaître. Le comité de la Chambre des communes devait se réunir le mardi et, le vendredi, j'ai fait enregistrer mon opposition, au nom de l'association. Mais c'était il y a presque deux ans.

Le sénateur Stratton: Si cela fait deux ans qu'il a été déposé, où est l'urgence? Pourquoi ne pourrions-nous pas prendre langue avec l'administration et les associations et régler ce problème? Si ce projet de loi traîne depuis si longtemps, il ne semble pas y avoir grande urgence à l'adopter. Pourquoi ne pourrions-nous pas, en tant que groupe, aider à gérer ce processus afin que les deux parties puissent s'entendre, ainsi que le sénateur Nolin l'a préconisé?

[Français]

Le sénateur Nolin: Monsieur le président, la question du pouvoir parlementaire n'a pas été vidée complètement hier. J'aimerais suggérer au comité d'entendre les témoins experts. On ne parle pas d'un retard de deux mois. Je pense que l'on ne peut pas accepter qu'ils s'entendent de ne pas s'entendre. Nous devons en arriver à une réponse. La pression exercée par notre comité serait très favorable à la résolution du problème.

[Traduction]

Le président: Il y a une chose que je ne comprends pas: ce protocole d'entente dirait que le ministère ne concurrencera pas le secteur privé, les entreprises canadiennes, au Canada. N'est-ce pas? En substance, c'est ce qu'il dirait. Donc, si le protocole d'entente va dire cela, pourquoi ne pas l'inscrire dans le projet de loi?

M. Hart: C'est exactement notre position. C'est sans doute tellement simple que c'est compliqué.

Le président: Non, ce ne l'est pas.

Le sénateur Stratton: C'est réellement très simple.

M. Hart: Reprenez-moi si je me trompe; je ne suis pas parlementaire et je ne comprends pas tous les détails, mais il me semble qu'un protocole d'entente entre les deux parties n'a pas préséance sur une loi. Donc, dans la pratique, il ne vaut rien, c'est juste un morceau de papier, hormis les bonnes intentions et...

[Français]

... les bons voeux et tout cela.

[Traduction]

Il ne vaut rien parce que la loi a préséance.

Le président: Comme un traité international.

[Français]

Le sénateur Nolin: Cela pourrait être, monsieur le président par la rédaction d'un préambule qui pourrait faire l'affaire des deux parties.

Le sénateur Bolduc: Monsieur le président, peut-être que M. Franche pourrait répondre à ma question. Le gouvernement, depuis quelques années comme d'autres gouvernements l'ont fait, privatise un certain nombre d'activités.

Dans la perspective de la privatisation, souvent il confie à ses propres employés des secteurs d'activités qu'il veut voir devenir commerciaux et il leur donne pour cinq ans des espèces de contrats.

Par exemple, pour l'entretien de certains édifices, il va créer une corporation privée et former des employés. Il donne un premier contrat sur une base de cinq ans afin de leur permettre de démarrer leur entreprise avec l'espoir qu'avec ce contrat, ils pourront faire un peu d'argent et en prendre d'autres ailleurs, et cetera.

Au bout de cinq ans, lors du prochain contrat, il n'y a plus de régime de protection pour ceux qui sont là, c'est-à-dire que vous concurrencez n'importe quel autre groupe à l'extérieur. Si vous l'avez, tant mieux, sinon d'autres l'auront. C'est la façon de faire. Ne pensez-vous pas que possiblement dans le cas de services professionels, c'est un peu cela qu'il voit en arrière de l'idée de pourvoir à la requête de quelqu'un? Est-ce possible que ce soit l'idée directrice. Ils veulent se départir d'un certain nombre d'ingénieurs et cela les incite à construire leur propre firme d'ingénieurs-conseils et à soumissionner. Si cela constitue le fond du litige, cela peut être résolu.

M. Franche: Monsieur le président, j'aimerais répondre au sénateur Bolduc que cette approche de confier pour cinq ans un contrat veut dire pour tous ceux qui ont investi dans le marketing et cetera un marché déboussolé. Regardez le hansard de l'autre endroit.

Le sénateur Bolduc: Je n'ai pas parlé des ingénieurs-conseils, je parlais de l'autre endroit. Je ne connais pas assez le secteur mais dans le reste, cela se passe de cette façon.

M. Franche: On a offert, et je l'ai offert en l991 au sous-ministre adjoint à l'époque, notre entière collaboration pour faciliter le transfert des employés de Travaux publics du côté des employés de l'air et que l'on travaillerait ensemble. On ne construit pas des aéroports au Canada à gauche et à droite. Nous devons nous concerter, nous et le gouvernement canadien, pour promouvoir l'exportation de nos services de construction d'aéroport. Nous avons une excellente expertise.

Nous ne sommes pas rendus à ce stade. Nous étendons plus loin notre offre maintenant. Nous serions prêts à collaborer avec eux pour les curriculum vitae, les transferts, pour promouvoir et même les prêter s'il le faut pour une période de deux ans.

Nous avons actuellement un employé qui a travaillé plusieurs années au gouvernement canadien. Avant d'arriver à 55 ans, à sa retraite, et cetera, il voulait quitter. Nous avons conclu une entente avec le Conseil du Trésor. Il est venu chez nous pendant 20 mois. Il a atteint l'åge de 55 ans et ses 20 ans de service pour ensuite être muté chez nous. Cela s'est fait très bien. Il y a des façons de le faire. En anglais, nous appelons cela des «secondment». C'est très facile à faire. C'est ce que l'on voudrait faire. Nous voulons travailler avec eux, mais on ne veut pas avoir cette compétition.

Cela a été plus loin. À un certain moment, ils nous ont même proposé -- Dieu merci, je l'ai rejeté tout de suite -- que Travaux publics s'associe à nous. On allait sur les marchés internationaux et on allait chercher des contrats et on décidait à quelle firme d'ingénieurs-conseils nous allions les attribuer.

J'ai dit: messieurs, c'est suicidaire. Oubliez cela. Nous avons dû l'étouffer.

[Traduction]

Le président: Je suis d'accord avec vous. Je sais que vous voulez éviter cette situation contractuelle à tout prix, car nous avons eu le Conseil du Trésor ici, et c'est ce qu'il faisait, par exemple, dans le cas des parcs. Ils repèrent, mettons, trois types qui tondent les gazons et leur disent: «Bon, voilà ce qui va se passer: nous allons prendre ces trois types qui tondent les gazons et nous allons leur donner un contrat de cinq ans, leur garantissant du travail, et ils ne seront plus salariés de la fonction publique». Et en plus, pendant leur temps libre, dont ils auront tout d'un coup beaucoup, ils pourront aller vous concurrencer, vous les autres tondeurs de gazon. Mais tous leurs frais généraux sont déjà couverts et leurs salaires sont couverts. Ils pourront pratiquement faire le travail pour rien et couper les gazons de tout le monde aux alentours du parc, tandis que le pauvre type qui a sa petite entreprise se retrouve évincé et se demande ce qui lui arrive.

Avec cette privatisation tordue, lorsqu'on touche à un marché, il y a des répercussions sur tous les autres. Il est très difficile de le faire comprendre.

M. Hart: Un bon exemple en est la privatisation des services de Parcs Canada. Cela a mis en jeu des centaines de personnes, et pas seulement deux ou trois. J'aimerais juste faire remarquer une chose. Si je réintègre l'une de mes autres incarnations, celle de fonctionnaire, l'un des problèmes d'ensemble qui se posent au gouvernement, c'est celui du recouvrement des coûts. Lorsque vous êtes forcé de justifier chaque chose que vous faites en vue d'un recouvrement des coûts, cela peut en réalité coûter plus cher. Nous arrivions à une situation où un service coûtait plus cher dans le cadre du recouvrement des coûts, à cause des négociations entre ministères. C'était absolument ridicule. En réalité, cela alourdissait les coûts.

Je pense qu'il y a tant de personnes qui vivent sous cette épée de Damoclès du recouvrement des coûts, en quelque sorte, que je ne les blåme pas d'essayer de justifier leur poste. Je pense que c'est au coeur d'une bonne partie du problème dont nous parlons. Il faut repenser tout cela. Il faut faire une analyse de coûts-bénéfices. Je pense que c'est vraiment le fond du problème qui se pose ici.

Le président: Je tiens à remercier tous les témoins du temps qu'ils nous ont consacré. Ces deux heures ont été intéressantes. Je sais que cela vous a détourné de vos obligations habituelles, alors que nous faisons ici notre travail ordinaire, et je tiens donc à vous remercier.

Honorables sénateurs, nous nous réunissons de nouveau mercredi prochain, pour entendre l'Institut royal d'architecture du Canada et le Canadian Council of Technicians and Geomatics. Ce seront les derniers témoins que nous recevrons au sujet de ce projet de loi.

Le sénateur Nolin: Il y a cette requête dont je vous ai parlé.

Le président: Je vais la transmettre au greffier, car il y a une question qui a surgi hier, je crois, lorsque le sous-ministre a dit que si nous faisions cela, nous ne pouvions rien faire. Je n'ai pas très bien compris car c'était un problème juridico-technique, mais j'ai dit que je ne le croyais pas.

Le sénateur Nolin: Faisons venir un témoin expert qui nous dira exactement ce que cela signifie.

Le président: La prochaine réunion a lieu mercredi à 17 h 15. La séance est levée.

La séance est levée.


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