Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 5 juin 1996
Le comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 6 mars 1996, se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Je voudrais souhaiter la bienvenue à Barry Campbell et à M. Douglas Wyatt. Avez-vous une déclaration liminaire à nous faire, monsieur Campbell?
M. Barry Campbell, député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Oui, monsieur le président. Monsieur le président, membres du comité, au nom du gouvernement, je voudrais d'abord vous remercier pour la rapidité avec laquelle vous vous penchez sur cette importante mesure législative.
Je commencerai par répéter certaines choses que j'ai dites au cours de la troisième lecture de ce projet de loi à la Chambre. J'avais alors fait valoir que, de toutes les mesures législatives proposées par un gouvernement, ce sont les mesures budgétaires qui sont essentielles, car elles définissent les capacités et les préoccupations fondamentales du gouvernement. C'est particulièrement vrai pour le projet de loi C-31. Cette mesure législative cherche à apporter une toute nouvelle discipline, à modifier la façon dont le gouvernement fonctionne, la façon dont il dépense, établit ses priorités et prend les moyens voulus pour y donner suite.
Ce ne sont pas là des changements proposés pour le plaisir de la chose, de même que nous n'avons pas pris des mesures historiques pour réduire le déficit pour le simple plaisir de le faire. Nos initiatives reflètent une réalité à savoir que les gouvernements du monde entier doivent réévaluer leurs rôles et leurs responsabilités. Cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner les activités qui constituent la raison d'être du gouvernement: promouvoir l'emploi et la croissance économique ainsi que protéger ceux et celles auxquels le changement impose d'énormes difficultés. Ces missions demeurent sacrées. Comme la diminution des ressources et la concurrence mondiale féroce influent sur le fonctionnement de notre économie, nous devons examiner les façons de nous acquitter plus efficacement et plus économiquement de nos responsabilités. Nous devons aussi prendre de meilleures décisions au sujet des priorités qui sont de notre ressort et de celles qui relèvent davantage des autres intervenants. Repenser le rôle de l'État, voilà le défi à relever et qui est au coeur même de ce projet de loi.
Je voudrais souligner plusieurs dispositions de ce projet de loi qui visent à atteindre cet objectif. La première concerne les wagons-trémies. Dans le contexte actuel, le gouvernement ne peut pas gaspiller de l'argent à faire ce que d'autres peuvent faire mieux que lui. C'est pour cette raison que le projet de loi C-31 autorise le ministre des Transports à privatiser le parc de wagons-trémies. Le gouvernement examinera attentivement toutes les propositions sérieuses émanant des divers intéressés. Notre décision tiendra compte des intérêts des producteurs, des expéditeurs et des chemins de fer et nous veillerons à ce que la capacité requise pour le transport du grain soit maintenue. D'autre part, les tarifs-marchandises pourront augmenter jusqu'à 75 cents la tonne en moyenne pour couvrir les coûts d'acquisition. Monsieur le président, nous nous attendons à ce que la privatisation du parc de wagons-trémies se traduise, avec le temps, par un système de manutention du grain plus efficace dont le coût sera moins élevé pour les chemins de fer, ce qui entraînera des tarifs-marchandises plus bas pour les producteurs.
D'autres dispositions du projet de loi vont supprimer le plafond de dix ans qu'on a imposé pour le remboursement de prêts aux étudiants qui ont emprunté de l'argent aux termes de la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants. Les prêteurs auront plus de latitude pour adapter la période de remboursement à la situation financière des emprunteurs. Ces derniers vont certainement en bénéficier et je dois souligner que ces nouvelles règles pourraient permettre au gouvernement d'épargner de l'argent en réduisant le nombre de prêts non remboursés.
Une autre mesure du projet de loi qui vous intéressera certainement est celle qui modifie la Loi sur la radiocommunication pour permettre au ministre de l'Industrie de vendre aux enchères les licences d'utilisation du spectre. Je dois préciser que cette vente aux enchères ne se fera pas dans tous les cas, mais ainsi nous disposerons d'un instrument très utile lorsque le spectre ne sera pas suffisant pour répondre à la demande de tous les usagers. Je ne crois pas que vous verrez d'objection à cette proposition, car elle offre une solution de rechange au processus d'octroi administratif des licences qui peut permettre aux titulaires de celles-ci de faire des bénéfices aux dépens du trésor public étant donné que ce processus ne tient aucun compte des forces du marché.
J'aimerais maintenant passer aux changements que ce projet de loi propose d'apporter à la Loi sur l'assurance-chômage, des changements qui aligneront davantage les prestations sur le salaire industriel moyen pour 1996. À compter du 1er janvier de cette année, le maximum de la rémunération assurable est réduit à 750 $ par semaine alors qu'il serait de 845 $ en vertu de la loi actuelle. Également, les prestations hebdomadaires maximales tombent de 465 $ à 413 $ par semaine.
Les mesures dont je viens de parler permettront d'économiser 200 millions de dollars au cours du deuxième semestre de cette année et elles réduiront les charges sociales que l'assurance- chômage représente pour les travailleurs canadiens. Ce ne sont pas des mesures punitives, monsieur le président. Je demande à votre comité de ne pas oublier que, dans son ensemble, le programme d'assurance-chômage est très progressiste. Les cotisants à faible revenu ont tendance à toucher davantage en prestations qu'ils ne versent en cotisations alors que c'est l'inverse pour les hauts salariés. D'autre part, les prestataires qui avaient droit au taux de 60 p. 100 pour personnes à charge avant l'entrée en vigueur de la Loi sur l'assurance-emploi ne perdront pas ce taux. Pour y avoir droit, il faut qu'ils aient des personnes à charge et un salaire moyen de 422,50 $ par semaine ou moins.
Monsieur le président, le projet de loi modifie également la Loi sur la sécurité de la vieillesse afin d'allonger le délai de résidence exigé avant qu'un nouvel arrivant au Canada ait droit au supplément de revenu garanti ou à l'allocation de conjoint. Comme vous le comprendrez facilement, c'est une simple question de bon sens. Aux termes de la loi actuelle, certains immigrants peuvent toucher la totalité de ces prestations après seulement un an de résidence au Canada. Le fait de restreindre cet accès améliorera l'équité du système et allégera le fardeau des contribuables canadiens. En vertu des nouvelles règles, l'admissibilité sera calculée sur une période de dix ans pour les personnes qui ont droit à des prestations en vertu d'ententes de sécurité sociale avec le Canada. Également, les immigrants parrainés venant de pays qui ont conclu des ententes de sécurité sociale avec le Canada n'auront pas droit aux prestations pour la période de leur parrainage. Monsieur le président, cela reflète le fait que la plupart des immigrants ågés ne peuvent entrer au Canada que parce qu'ils ont été parrainés par un membre de leur famille. Nous n'allons pas pénaliser ceux qui sont déjà ici. Les personnes qui touchent actuellement des prestations ou celles qui sont arrivées au Canada avant le jour du budget et qui deviendront admissibles à des prestations avant le 1er janvier 2001 ne seront pas touchées.
Jusqu'ici, j'ai abordé les éléments du projet de loi C-31 qui visent des programmes externes. Les éléments clés de cette mesure s'appliquent aux opérations internes du gouvernement et visent à jeter les bases d'un rendement plus efficace répondant mieux aux besoins. Ces changements viennent du fait que nous explorons de nouvelles façons d'assurer les services. Au cours des mois et des années à venir, nous allons constituer de nouveaux organismes de service et mettre en place d'autres mécanismes pour desservir les Canadiens en mettant l'accent sur une amélioration des services et de l'efficience.
Plusieurs des modifications législatives que renferme ce projet de loi donneront au gouvernement les mécanismes administratifs nécessaires pour garantir une transition facile vers de nouveaux modes de prestation des services. Ainsi, on propose des changements au Code canadien du travail et à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique afin de pouvoir instaurer des droits de successeur. Cela signifie que les syndicats continueront de représenter leurs membres lorsque des employés passent d'un emploi à la fonction publique à un emploi chez un autre employeur qui relève de la compétence du gouvernement fédéral. Bien entendu, les conventions collectives demeureront en vigueur jusqu'à leur expiration.
Nous voulons également que ces nouveaux organismes de service aient les outils nécessaires pour fonctionner efficacement, à un coût plus abordable. Par exemple, nous allons modifier la Loi sur la gestion des finances publiques pour qu'on soit en mesure d'avoir recours aux crédits pluriannuels dans le cas de ces organisations. À l'heure actuelle, nous n'envisageons cette option que pour les trois nouveaux organismes annoncés dans le budget: une agence Parcs Canada, une agence unique d'inspection des aliments et une Commission canadienne du Revenu. Je tiens toutefois à souligner que, dans chaque cas où le gouvernement désire se servir de crédits pluriannuels, nous devons obtenir l'approbation du Parlement, sous la forme d'une loi portant affectation de crédits ou d'une loi précise et je m'attends à ce qu'en pareil cas je me présente de nouveau devant vous.
Nous devons procéder à ces changements en continuant à porter attention aux employés de la fonction publique fédérale, le bras administratif du gouvernement. Comme vous le savez, la négociation collective dans la fonction publique a été suspendue quand le gouvernement précédent a mis en oeuvre la Loi sur la rémunération du secteur public, en 1991. Cette loi expirera comme prévu en février 1997, date qui marquera le retour à la négociation collective.
Cependant, cette mesure législative suspendra le recours à l'arbitrage obligatoire comme mécanisme de règlement des conflits au cours des trois prochaines années pour les négociations portant sur les modalités et conditions d'emploi. Il reste important, en effet, que le gouvernement continue à progresser sur la voie de la réduction du déficit. Il est crucial que nous puissions atteindre nos objectifs financiers pour faire baisser les taux d'intérêt et stimuler la croissance économique. Étant donné l'importance de ces objectifs, nous ne pouvons tout simplement pas risquer de laisser la décision à des arbitres indépendants, qui n'ont aucun compte à rendre au Parlement. Cependant, les employés de la Chambre des communes, du Sénat, de la Bibliothèque du Parlement et du Service canadien du renseignement de sécurité échappent à cette suspension, parce qu'ils n'ont pas le droit de grève et qu'ils dépendent donc de l'arbitrage obligatoire. Dans leur cas, cependant, les arbitres seront obligés de tenir compte des règlements salariaux applicables à des groupes professionnels comparables dans la fonction publique.
Ce projet de loi conférera aussi le pouvoir d'accorder une augmentation de 2,2 p. 100 aux militaires de rang des Forces canadiennes. Cette mesure corrigera la disparité des salaires qui existait avant le gel des salaires entre les membres des forces armées et les fonctionnaires. Nous modifions également la Loi sur la rémunération du secteur public afin de rétablir la rémunération au rendement, qui était suspendue depuis cinq ans, ainsi que les augmentations d'échelle annuelles pour les employés qui y avaient droit avant que nous ne décidions de les bloquer il y a deux ans.
Je voudrais également aborder les mesures que contient ce projet de loi en ce qui concerne la réforme des pensions. Tous les employés de la fonction publique, tant ceux qui seront mutés ailleurs que ceux qui y resteront, tireront parti des modifications que nous proposons d'apporter à la Loi sur la pension de la fonction publique. Il s'agit notamment de l'acquisition du droit à pension avec blocage des cotisations après deux ans de service et du fait que les prestations de retraite des fonctionnaires qui sont mutés dans d'autres organismes seront intégralement protégées. Monsieur le président, je dois souligner que le gouvernement mènera des consultations approfondies sur ces mesures avant de les mettre en vigueur.
La séance est suspendue pendant 20 minutes.
Le comité reprend ses travaux.
M. Campbell: Monsieur le président, j'en étais arrivé à ma conclusion au sujet de la réforme des pensions. Je parlais de modifications à la Loi sur la pension de la fonction publique qui nous conféreront la flexibilité nécessaire pour étendre pendant un certain temps la protection prévue par la loi aux employés qui sont mutés hors de la fonction publique.
Avant de terminer mon exposé, je voudrais mentionner deux autres mesures que le gouvernement va prendre pour mieux servir la population tout en faisant preuve de responsabilité du point de vue financier. Tout d'abord, nous modifierons la Loi sur la gestion des finances publiques afin d'accorder au Conseil du Trésor le pouvoir d'instaurer des régimes d'assurance collective pour la fonction publique, d'arrêter les modalités de gestion de ces régimes et de procéder à cet égard par voie d'adjudication. La gestion de ces programmes sera ainsi plus conforme aux pratiques d'assurance qui ont cours dans le secteur privé.
Ensuite, nous proposons de modifier la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique pour que le gouvernement puisse mieux s'acquitter des responsabilités qu'il continue d'assumer dans le domaine de l'emploi chez les jeunes. Nous projetons d'offrir aux étudiants des possibilités d'apprentissage et de faciliter leur transition de l'école au marché du travail. Leurs prestations d'emploi refléteront l'état de leur formation.
Je terminerai en faisant la même observation qu'au comité des finances de la Chambre des communes. Ce projet de loi représente le coeur du programme budgétaire du gouvernement tel qu'énoncé dans le budget. Le principe en l'occurrence est tout simple: il s'agit de repenser le rôle du gouvernement. Nous devrions tous être d'accord sur ce principe. Je suis convaincu que la Chambre l'approuvera afin que nous puissions tåcher d'atteindre cet objectif.
Je suis prêt à répondre à vos questions. M. Wyatt, avocat général du ministère, sera là pour m'assister.
Le sénateur Stratton: Est-il exact que les cotisations excédentaires à la caisse d'assurance-chômage se chiffrent à 5 milliards de dollars par an?
M. Campbell: Non, ce n'est pas tout à fait exact. Ce fonds a été déficitaire et il est en train d'enregistrer un excédent. On s'attend à ce que l'excédent atteigne ce niveau d'ici la fin de l'année.
Le sénateur Stratton: La fin de cette année?
M. Campbell: Je peux vous assurer qu'il n'en est pas encore là. Il s'oriente dans cette direction.
Le sénateur Stratton: Vous supposez que, d'ici la fin de cet exercice, l'excédent s'élèvera à 5 milliards de dollars. Quel chiffre visez-vous pour faire face aux moments difficiles? Est-ce 10 milliards, 15 milliards ou 20 milliards?
M. Campbell: Je pense qu'à l'automne, comme c'est normalement le cas, nous établirons le taux des cotisations pour l'année prochaine. C'est une question dont on discutera davantage à ce moment-là. Pour ce qui est de notre planification, nous avons prévu dans le budget une réduction du taux des cotisations, car c'est ce qui préoccupe le plus les travailleurs et les employeurs. Nous avons toutefois prévu une croissance de l'excédent pour les raisons que vous avez indiquées. Nous voulons disposer de ce coussin de protection.
Le sénateur Stratton: Je voudrais seulement savoir quand vous allez le plafonner et à quel niveau?
M. Campbell: Nous sommes tous d'accord pour dire qu'à un moment donné nous atteindrons cet objectif. Comme la caisse devient excédentaire, c'est une question que nous allons examiner.
Le sénateur Stratton: Vous avez des prévisionnistes, des gens très brillants qui travaillent pour vous. Le ministère des Finances doit certainement savoir où cet objectif doit se situer. C'est une question de bonne planification.
M. Campbell: En fait, sénateur, le gouvernement n'a pas encore pris de décision. Nous nous trouvons là dans une situation sans précédent. C'est quelque chose de positif pour le moment. Cette question préoccupe beaucoup le milieu des affaires et les travailleurs, comme vous l'avez dit. C'est donc cet automne que le ministère va sans doute examiner de plus près à combien devra se chiffrer l'excédent.
Le sénateur Stratton: La dernière fois que vous êtes venu, je crois vous avoir fait dire que vous visiez 10 à 12 milliards de dollars. Comme la caisse d'assurance-chômage avait un déficit d'environ 18 millions, vous vouliez constituer une réserve. Je n'essaie pas de vous mettre au pied du mur. Pour une simple question de prudence et de bonne gestion, vous avez certainement un chiffre en vue. Comme j'espère que vous êtes de bons gestionnaires, cet objectif devrait être de l'ordre de 10 à 12 milliards. Le milieu des affaires aimerait le savoir le plus tôt possible et vous avez déjà répondu à cela. Je ne peux pas croire que vous n'ayez pas de chiffre en tête.
M. Campbell: Je n'en ai pas, sénateur, et je ne crois pas avoir émis d'hypothèse à cet égard.
Le sénateur Bolduc: Si j'ai bien compris, le gouvernement va dépenser environ 2 milliards de dollars pour son programme d'incitation à une retraite anticipée ou pour inciter les gens à quitter la fonction publique. Je crois qu'une nouvelle étude laisse entendre que la même réduction d'effectif aurait pu être obtenue au moyen de l'attrition. Est-ce exact?
M. Douglas Wyatt, avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances Canada: Monsieur le président, je pourrais peut-être demander aux fonctionnaires du Conseil du Trésor de répondre à cette question.
Le sénateur Bolduc: J'ai deux questions. Est-il vrai que nous dépensons 2 milliards? Et est-il vrai que nous pourrions obtenir le même résultat au moyen de l'attrition sans dépenser ces 2 milliards?
M. Ric Cameron, secrétaire adjoint, Division du perfectionnement des ressources humaines, Conseil du Trésor du Canada: J'ai deux observations à faire. Premièrement, l'attrition dans la fonction publique est à son niveau le plus bas depuis deux ans et notre analyse n'a pas révélé qu'elle suffirait à réduire les effectifs dans la même proportion que celle que le gouvernement souhaitait dans les délais requis pour atteindre ses objectifs de réduction des dépenses.
Le sénateur Bolduc: S'agissait-il de 45 000 emplois ou postes?
M. Cameron: Oui, 45 000 pour l'ensemble de la fonction publique et environ 33 000 en ce qui concerne le Conseil du Trésor. L'attrition n'aurait pas permis à elle seule de le faire, même sans remplacer ceux qui partaient. L'un des objectifs était d'apporter des changements dans la prestation des programmes si bien que nous devions réduire beaucoup plus les effectifs dans certains secteurs que dans d'autres. Encore une fois, si vos vétérinaires veulent prendre leur retraite, mais si c'est des architectes dont vous n'avez plus besoin, cela ne vous aide pas beaucoup.
Autrement dit, il serait bon qu'il y ait une permutabilité totale, autrement dit, qu'un employé qui parte puisse être remplacé par un employé qui reste. Néanmoins, compte tenu de ces deux facteurs soit de notre taux d'attrition naturel très faible et du fait que le gouvernement envisageait de modifier la prestation des programmes, nous avons vu que cet objectif ne pourrait pas être atteint.
Pour répondre à votre deuxième question, c'était effectivement prévu dans les comptes de l'année dernière. Une somme d'environ 2,3 milliards a été mise de côté pour couvrir le coût total de la réduction d'effectif, sur une période de trois ans.
Le sénateur Bolduc: Je comprends votre exemple au sujet du vétérinaire et de l'architecte. Ils exercent deux professions différentes et leurs spécialités ne sont pas interchangeables. Mais cela ne vise sans doute que le quart environ de la fonction publique. Les employés de soutien et les autres sont sans doute beaucoup plus interchangeables.
M. Cameron: Dans ces cas, on s'efforce de muter les gens là où il y a du travail. L'érosion naturelle des effectifs continue et si ces postes ne sont pas supprimés, nous y mettons des gens qui autrement devraient partir.
Comme je l'ai dit, sénateur, le gouvernement voulait réduire ses programmes, les ministères ont vu leurs budgets réduits d'un montant donné et nous devions trouver un moyen de réduire la masse salariale afin de permettre aux ministères d'atteindre ces objectifs. Nous avons conclu que l'érosion des effectifs ne suffirait pas.
Le sénateur Bolduc: Comment vos programmes d'incitation se comparent-ils à ceux des forces armées et du secteur privé? Je suppose que vous avez fait la comparaison.
M. Cameron: Je dirais que le nôtre équivaut à peu près à celui qu'offrent les bons employeurs. Le programme militaire est quelque peu différent.
Le sénateur Bolduc: Pour une autre raison.
M. Cameron: Oui. La pension des militaires est différente et les dispositions sont donc différentes.
Notre programme visait à être équitable envers les fonctionnaires de même qu'envers les contribuables. Nous avons regardé ce qui se passait chez les gros employeurs du secteur privé et nous avons constaté qu'ils avaient des programmes similaires. Nous avons également reconnu que nous devions adapter nos dispositions touchant la sécurité d'emploi afin de pouvoir atteindre les objectifs du gouvernement.
Le sénateur Stratton: Vous avez mentionné des employeurs du secteur privé que vous avez pris comme exemple. Pourriez-vous en nommer?
M. Cameron: Nous avons examiné la situation chez Imperial Oil, Southam ainsi que certaines entreprises sidérurgiques.
Le sénateur Cools: Notre pays a une population vieillissante comme on le dit souvent. En ce qui concerne la sécurité de la vieillesse, les changements à l'égard de l'åge ont suscité beaucoup d'inquiétudes. Un grand nombre de personnes vieillissantes s'inquiètent vivement. Je sais que le ministre s'est montré très franc et qu'il a rencontré de nombreux groupes de personnes ågées. Pouvez-vous nous assurer que vous allez procéder prudemment et précautionneusement?
M. Campbell: Nous allons effectivement procéder prudemment et précautionneusement. En ce qui concerne les personnes ågées, l'exposé budgétaire parlait de la nouvelle prestation aux aînés et je pense que c'est à cela que vous avez fait allusion. Au moins une bonne partie de votre question s'y rapportait. Je dois souligner que ce projet de loi n'englobe pas ce programme. Je crois qu'il fera l'objet d'un projet de loi distinct en temps voulu.
Le sénateur Cools: Un projet de loi indépendant ou omnibus?
M. Campbell: Je n'en suis pas certain. Ce sera peut-être un projet de loi distinct.
M. Wyatt: Pour le moment, nous nous attendons à ce qu'un projet de loi indépendant soit présenté au cours de l'automne.
Le sénateur Cools: Je me réjouis de l'entendre.
M. Campbell: Ce projet de loi méritera sans doute un examen très attentif.
Pour répondre directement à votre question, sénateur, la prestation dont le ministre a parlé dans le budget n'entrera pas en vigueur avant cinq ans ce qui témoigne de la prudence avec laquelle il agit. Nous voulons en effet donner aux gens la possibilité de faire une planification, de s'adapter et d'examiner les conséquences de ce nouveau régime. D'autre part, comme vous le savez, les personnes ågées d'aujourd'hui, comme nous les avons appelées dans le contexte de cette discussion, et celles de demain auront le choix de se prévaloir du nouveau régime ou de continuer à toucher les prestations existantes.
Le sénateur Gustafson: J'ai une ou deux questions au sujet du transport du grain, et surtout au sujet des wagons-trémies et des prévisions à cet égard. Premièrement, comme le tarif du Pas du Nid-de-Corbeau ne s'applique plus - le ministre de l'Agriculture a comparu devant un autre comité sénatorial hier, mais je n'ai pas eu l'occasion de lui poser la question. Quel montant reste-t-il à payer aux agriculteurs?
M. John Dobson, conseiller politique principal, Direction de la politique et des programmes ferroviaires, Transports Canada: Je ne peux pas répondre à cette question étant donné que le programme de paiement est administré par Agriculture Canada.
Le sénateur Gustafson: Qui doit prendre la décision? Est-ce Agriculture Canada ou le ministère des Finances? Les agriculteurs veulent savoir à combien se chiffreront les nouveaux tarifs- marchandises, s'ils auront encore les moyens de cultiver des céréales. Je voudrais savoir si ce tarif sera abordable pour les agriculteurs?
M. Dobson: Pour ce qui est de la décision concernant les wagons-trémies, comme le gouvernement s'inquiète beaucoup de ses conséquences pour les céréaliculteurs, il a décidé de limiter l'augmentation des tarifs-marchandises à 75 cents la tonne en moyenne. Quand la Loi sur le transport du grain de l'Ouest a été modifiée dans le budget de 1995, le gouvernement a décidé de continuer à réglementer les tarifs-marchandises maximums pour le grain et c'est ce qu'il fait sous réserve de tout examen que la loi prévoit pour 1999.
Encore une fois, dans le cadre de sa décision concernant les wagons-trémies, le gouvernement a limité la hausse des tarifs-marchandises et tenu compte des besoins des contribuables et des producteurs.
Le sénateur Gustafson: Voulez-vous dire que la hausse sera de 75 cents la tonne? ou voulez-vous dire qu'on prélèvera 75 cents sur chaque tonne pour payer les wagons?
M. Dobson: Les 75 cents se rapportent uniquement à la vente des wagons-trémies du gouvernement. Ce dernier s'est rendu compte que l'acheteur des wagons aurait besoin d'une source de financement pour les payer.
Le sénateur Gustafson: Vous avez les 75 cents plus la hausse de tarif pour le transport du grain. Il n'y aura pas de subvention, n'est-ce pas?
M. Dobson: Il n'y a pas de subvention.
Le sénateur Gustafson: La subvention est éliminée.
M. Dobson: La subvention est éliminée. Les tarifs-marchandises pour 1995-1996 ont été établis et joints en annexe à la Loi sur les transports nationaux et ils pourront être augmentés chaque année dans la proportion que décidera l'Office national des transports, à partir des renseignements fournis par les chemins de fer.
Le sénateur Gustafson: À partir de Weyburn en Saskatchewan, le coût du transport du grain était d'environ 35 $ la tonne avec la subvention. Nous avons entendu dire que le tarif pourrait grimper jusqu'à 75 $ la tonne ou plus. Heureusement pour le gouvernement, le prix du grain est en hausse pour le moment et cela laisse sans doute une légère marge de manoeuvre, mais qu'arrivera-t-il si les prix baissent?
J'ai suivi les contrats à terme de très près et, depuis les semailles, ils ont nettement baissé. J'espère que les ministères des Finances, de l'Agriculture et des Transports vont suivre de très près les résultats de ce qui se passe dans le secteur agricole sur le plan du transport du grain.
M. Campbell: Nous partageons largement ces préoccupations et c'est pourquoi le plafond de 75 cents a été fixé à l'égard de la vente des wagons-trémies. Pour ce qui est de l'élimination de la subvention, l'aide de 1,6 milliard accordée aux producteurs devait résoudre le problème que vous soulevez. Par contre, quand nous parlons des subventions laitières, les autres régions du pays préconisent une période d'adaptation, mais pas de dédommagement.
Le sénateur Gustafson: Les producteurs laitiers se sont assez bien débrouillés.
Pour ce qui est du rachat des wagons par divers consortiums, de nombreuses inquiétudes ont été exprimées - et vous en avez certainement entendu parler - quant à la façon dont les wagons seraient répartis et si c'est une mesure souhaitable ou non. Je me pose moi-même des questions à cet égard. Le secteur céréalier est très politisé et on se demande s'il sera possible de compléter la tåche entreprise par la Commission du blé et les chemins de fer.
M. Dobson: Pour ce qui est de la répartition des wagons, le gouvernement a reçu de l'industrie une recommandation tendant à constituer un groupe sur la politique de répartition des wagons. Ce groupe compterait des représentants de la Commission canadienne du blé, des sociétés céréalières et des chemins de fer. Lorsqu'il a pris sa décision budgétaire, le gouvernement a annoncé qu'il appuyait la participation et la représentation des producteurs à ce comité. Comme c'est un groupe dirigé par les représentants de l'industrie, nous incitons le ministère à assurer la participation des producteurs.
Le sénateur Gustafson: Le système de répartition des wagons a très bien fonctionné jusqu'ici, comme vous le savez peut-être. J'ai l'impression que si toutes sortes d'intervenants différents s'en occupent, vous aurez de la difficulté à les satisfaire tous.
Le sénateur Poulin: Monsieur Campbell, je tiens d'abord à vous remercier, vous et votre équipe, pour cet excellent livre. Comme le projet de loi C-31 est un projet de loi omnibus et comme il est long et complexe, ce livre est très utile aux membres du comité. Il nous aide à simplifier et à clarifier bien des choses.
Je voudrais attirer votre attention sur la modification touchant la Loi sur la radiocommunication. Pouvez-vous me dire si elle va se répercuter sur les dispositions de la Loi sur la radiodiffusion qu'administre le CRTC?
M. David Dawson, analyste des politiques de réglementation, Direction de la réglementation des radiocommunications, Industrie Canada: Non.
Le sénateur Poulin: Pourriez-vous donc nous expliquer le lien étant donné que certaines licences radios sont attribuées par le CRTC comme chacun sait? Pourriez-vous nous expliquer la différence?
M. Dawson: Le CRTC émet des licences de radiodiffusion. Le ministre de l'Industrie émet des autorisations de radiocommunication aux gens qui se servent de radios émetteurs-récepteurs, aux services de police et pour les liens micro-ondes. Les radiodiffuseurs n'obtiennent pas vraiment d'autorisation ou de licence de radiocommunication telle que la Loi sur la radiocommunication la définit. Un radiodiffuseur présente au CRTC une demande de licence de radiodiffusion. En même temps, le programme de gestion du spectre fait une étude technique et délivre un certificat de radiodiffusion. Autrement dit, les radiodiffuseurs n'obtiennent pas de licence de radiocommunication; si vous voulez, nous leur donnons le feu vert en même temps qu'ils obtiennent l'autorisation du CRTC. Le certificat de radiodiffusion émis par le ministère de l'Industrie ne coûte rien.
Le président: Vous utilisez une fréquence donnée gratuitement, à la condition d'obtenir la permission du CRTC?
M. Dobson: C'est exact. L'étude technique vise uniquement à assurer la gestion des interférences. Le ministre de l'Industrie s'assure ainsi que le canal 106.9 ou 32, par exemple, peut être utilisé sans provoquer d'interférences pour les autres usagers. Le CRTC s'occupe des autres considérations.
Le sénateur Bolduc: Je ne pense pas que ce projet de loi soit un moyen efficace d'apporter les mesures législatives prévues dans le budget. Le ministre des Finances ou le Conseil du Trésor devrait le savoir. Si j'étais au ministère de la Justice, ce genre de projet de loi m'embarrasserait beaucoup. Il porte sur trop de domaines. Il contient des dispositions touchant la fonction publique - autrement dit, l'appareil gouvernemental, mais également des dispositions concernant le transport, l'assurance-chômage, les programmes sociaux, l'assistance sociale, l'éducation, la santé, la sécurité de la vieillesse, les communications radio et les prêts aux étudiants. Je ne vous en félicite pas. Cela me paraît mal fait. Je ne parle pas du contenu de la loi.
[Français]
M. Campbell: Je comprends très bien ce que vous dites.
Le sénateur Bolduc: Vous êtes un avocat de pratique privée. Vous mêlez le monde à chaque fin de session. On fait des folies à la fin de juin et de décembre.
[Traduction]
Oui, et nous avons ce que nous appelons un projet de loi omnibus. Vous y regroupez tout. Vous devriez dire aux gens du ministère de la Justice que ce n'est plus acceptable au Sénat. C'est une question de principe. Et je sais que vous êtes d'accord avec moi, sénateur.
Le président: Nous pourrons en parler plus tard, mais c'est une excellente question. Nous allons demander au témoin d'y répondre et de nous expliquer pourquoi on procède ainsi.
[Français]
M. Campbell: C'est une bonne idée, je crois, de céder la parole à l'avocat général, M. Wyatt.
Le sénateur Bolduc: Je ne veux pas l'attaquer. J'ai une certaine solidarité avec les fonctionnaires.
[Traduction]
M. Campbell: C'est l'avocat général. Je n'exerce plus le droit et j'éprouve les mêmes frustrations que vous.
Avant de céder la parole à M. Wyatt, je dirais que les choses sont même pires que vous ne les avez décrites, sénateur. Un autre projet de loi accompagne celui-ci. C'est un projet de loi technique - M. Wyatt le confirmera sans doute - qui apporte des changements techniques à la Loi de l'impôt sur le revenu, mais c'est ainsi que nous avons l'habitude de procéder.
M. Wyatt: Monsieur le président, je dois d'abord dire au sénateur que ce ne sont pas les avocats du ministère de la Justice, mais les fonctionnaires du ministère des Finances qu'il faut blåmer. Vous pourrez deviner qui est mon employeur.
Le sénateur Bolduc: Mais vous avez la possibilité de dire «non»; vous avez un droit de veto.
M. Wyatt: Cela fait quatre ou cinq ans que le gouvernement a pour habitude d'inclure les mesures budgétaires dans un projet de loi omnibus. Celui-ci va peut-être trop loin. D'après ce que dit le sénateur on peut sans doute supposer que c'est le cas. Mais il y a certains avantages, monsieur le président, à regrouper dans un seul et même projet de loi plusieurs questions abordées dans un budget, même si elles se rapportent à d'autres lois. Les membres de votre comité et du Sénat peuvent effectivement examiner tout le budget d'un seul coup.
Le problème que pose cette mesure, comme le sénateur l'a souligné, c'est que ces éléments sont assez divers et assez complexes à certains égards. Peut-être aurait-on pu le diviser en deux ou trois projets de loi, je l'ignore. Nous allons certainement tenir compte de ces observations lorsque nous préparerons le budget de l'année prochaine.
Le sénateur Stratton: J'espère vous voir ici. Je l'espère sincèrement.
Le président: Dans ce cas, peu vous importe si nous prenons tout notre temps, au cours de l'été, pour examiner ce projet de loi?
M. Campbell: J'ajouterais que lorsque nous prenons une initiative importante telle que la prestation aux aînés, dont nous avons parlé tout à l'heure en réponse à la question du sénateur Cools, elle fait l'objet d'une loi distincte même si elle est annoncée dans le budget.
D'autre part, quand je reviendrai devant vous la semaine prochaine, nous discuterons de la TPS. La disposition concernant la TPS qui figure dans ce projet de loi est très mineure. Ce n'est pas le projet d'harmonisation, mais seulement l'aide à l'adaptation. C'est assez limité même si ce sujet est intégré dans le projet de loi. Je tenais seulement à le préciser.
Le président: L'un découle de l'autre, dirais-je.
M. Campbell: Je ne sais pas vraiment dans quel ordre, sénateur.
Le sénateur Cools: Pour ce qui est de la question que le sénateur Bolduc a soulevée - et le sénateur Bolduc a l'art de soulever les questions sérieuses avec une touche d'humour; néanmoins, ce sont des questions profondes.
Lorsqu'on conçoit une mesure législative, quel est raisonnement du ministre ou des autres concepteurs du projet de loi? Pourriez-vous nous en parler un peu? M. Wyatt a dit qu'il était pratique d'inclure plusieurs questions dans un seul et même projet de loi, mais monsieur Campbell, pourriez-vous nous dire quel est le raisonnement qui donne naissance à ce genre de mesure?
M. Campbell: Malheureusement, sénateur, je ne suis pas certain de pouvoir vous éclairer. J'ai déjà laissé entendre qu'en tant que nouveau venu - au bout de trois ans j'ai sans doute encore le droit de me qualifier de nouveau venu - je dirais que c'est ainsi que nous procédons depuis trois ans. Cela ne veut pas dire que nous devons continuer de la même façon. Ce sont là des choses que nous examinons chaque année et nous allons prendre au sérieux les observations des sénateurs. Vous m'avez amené à me poser des questions quant à la façon dont tout cela est conçu.
M. Wyatt: Je ne peux pas dire ce qui se passe dans l'esprit du ministre, mais du point de vue des fonctionnaires, plusieurs considérations entrent en ligne de compte, comme l'a mentionné M. Campbell. La prestation aux aînés fait l'objet d'un projet de loi distinct; d'autres dispositions du budget sont dans le même cas.
J'ajouterais qu'il y a quelques années, un membre d'un gouvernement voulait englober absolument toutes les mesures budgétaires dans un seul et même projet de loi; cela devait inclure aussi bien l'impôt sur le revenu que la TPS et tout ce que le gouvernement avait dit. Nous avons cherché à voir avec quelle rapidité la politique annoncée pourrait être traduite sous une forme législative. Il y a plusieurs facteurs à considérer et notamment la rapidité avec laquelle le gouvernement souhaite que la loi soit adoptée. S'il prévoit des réductions de dépenses ou des économies considérables, il voudra évidemment le faire avant l'ajournement d'été. Telles sont les considérations dont les fonctionnaires tiennent compte. Le ministre et ses fonctionnaires doivent également tenir compte du Parlement. Ce n'est pas une science, mais un art, car il faut savoir quels sont les facteurs à inclure, et cela dans de justes proportions, et ceux que vous ne pouvez pas englober.
M. Campbell: M. Wyatt m'amène à ajouter un commentaire. Si nous divisions un budget en un grand nombre de projets de loi, il faudrait énormément de temps pour faire adopter tous ces projets de loi afin de mettre en oeuvre le budget. Il se trouve que j'ai comparu tout à l'heure devant le comité des finances de la Chambre des communes à propos des mesures fiscales de 1995. Comme l'année 1996 est déjà bien entamée, vous pouvez voir quel serait le problème s'il y avait une multitude de projets de loi. Même si je serais ravi de revenir voir le comité sénatorial régulièrement pour l'examen de ces mesures, cela pourrait poser un problème.
Le président: J'ai quelques questions sur le transfert d'emplois de la fonction publique à des organismes de l'extérieur, à des agences, des sociétés sans but lucratif et autres organisations. Comment tout cela fonctionne-t-il?
M. Cameron: Vous pouvez vous reporter aux déclarations faites dans le budget de l'année dernière. Le but visé n'est pas la réduction de l'emploi; il s'agit plutôt de réduire le coût du gouvernement et de trouver de meilleures façons d'assurer les services. Comme l'a dit M. Campbell il s'agit de «repenser le rôle de l'État».
Pour ce qui est du transfert des services de navigation aérienne à une société sans but lucratif, par exemple, il a été établi que cette structure laisserait davantage de latitude pour la gestion des services de navigation aérienne. Comme ces emplois ne seront plus financés au moyen des dépenses du gouvernement, ils seront comptés dans la réduction des dépenses. Encore une fois, il s'agit d'une dépense; cet argent ne fera plus partie de l'entente financière.
Le président: Qui rémunère ces employés?
M. Cameron: Ils seront rémunérés à partir des frais perçus pour le service, les frais de service des compagnies aériennes, les frais d'atterrissage et droits de ce genre.
Le président: Il y aura donc de nouveaux frais, de nouvelles taxes?
M. Cameron: Le gouvernement en a déjà mis plusieurs en place. J'avoue ne pas être un expert du financement des services de navigation aérienne.
Le président: C'est un élément important de votre projet de loi.
M. Cameron: Non, les services de navigation aérienne ont leur propre projet de loi.
Le président: Je le sais, mais il y a toutes sortes de dispositions de ce genre. Si vous mutez un employé de la fonction publique à une société sans but lucratif, qui le paie? Une société sans but lucratif n'a pas d'argent.
M. Cameron: Comme je l'ai dit, les services de navigation aérienne seront financés au moyen des voyages en avion.
M. Campbell: J'ajouterai quelque chose dans l'espoir de pouvoir répondre à votre question, car je veux être certain que nous sommes sur la même longueur d'ondes. Dans ma déclaration liminaire, j'ai mentionné les nouveaux organismes de service en citant trois exemples: l'agence Parcs Canada, une agence unique pour l'inspection des aliments et une Commission canadienne du revenu. J'ai dit que dans chaque cas, il y aurait la possibilité d'affectation de crédits pluriannuels que le Parlement devra approuver dans le cadre d'une loi portant affectation de crédits ou d'un projet de loi distinct. Nous ne nous attendons pas à ce que ces organismes de service comptent entièrement sur de nouveaux droits et de nouvelles sources de financement comme nous venons d'en parler. Le Parlement continuera à leur affecter des crédits afin qu'ils puissent s'acquitter de leurs fonctions.
Le président: Parlons de Parcs Canada. Si j'ai bien compris, un certain nombre de travailleurs seront mutés, par exemple ceux des services d'entretien. Ils obtiendront un contrat de cinq ans, disons. Ce contrat sera suffisant pour payer leurs salaires et leurs avantages sociaux?
M. Cameron: Chaque contrat sera négocié en fonction de la nature du travail à accomplir. J'ignore si ce contrat leur donnera exactement les mêmes conditions de rémunération. Par exemple, dans la plupart des organismes de ce genre, il serait sans doute très difficile d'offrir une pension de retraite semblable à celle de la fonction publique. Il se peut que ces employés soient leur propre employeur, qu'ils établissent leur propre société.
Le président: Mais la rémunération sera à peu près la même, n'est-ce pas?
M. Cameron: Rien ne garantit qu'elle sera la même.
Le président: Quel sera le mode de rémunération d'un employé de Parcs Canada? Mi-temps, plein temps?
M. Cameron: Il faudra commencer par établir l'agence Parcs Canada.
Le président: Ce sera un organisme non gouvernemental?
M. Cameron: Non, ce sera un organisme gouvernemental; il relèvera du ministre du Patrimoine. Notre but est d'établir une structure selon laquelle l'organisme serait l'employeur plutôt que le Conseil du Trésor comme c'est le cas maintenant. Les dispositions du projet de loi qui prévoient la mutation des employés pourront alors entrer en vigueur. Les dispositions prises à l'égard du nouvel organisme détermineront si les employés recevront ou non des avantages au moment de leur mutation.
Le président: Leur nombre sera déduit des 45 000?
M. Cameron: Encore une fois, le chiffre de 45 000 prévu pour la réduction des effectifs se rapporte aux économies. Le transfert en soi ne changera rien à ce chiffre. De nouvelles mesures d'efficacité pourraient le modifier ultérieurement.
Le sénateur Stratton: Vous dites que les employés sont mutés du Conseil du Trésor au nouvel organisme. Ce dernier fait alors payer des droits aux usagers pour couvrir les salaires. Cet organisme est-il une société d'État? Est-il indépendant? En quoi consiste ce que vous appelez un organisme?
M. Cameron: Ce sera déterminé dans la loi établissant l'agence Parcs Canada qui sera présentée à la Chambre des communes et au Sénat. Il n'en est pas question dans ce projet de loi-ci.
Le président: Les dispositions qui y figurent régissent le congédiement des employés.
M. Campbell: Effectivement, il s'agit d'établir le cadre qui s'appliquera aux personnes qui sont actuellement des fonctionnaires et qui pourraient être mutés quand ces organismes seront créés.
Je tiens à souligner, étant donné que c'est directement en rapport avec l'une des questions posées, que les conventions collectives en vigueur seront maintenues. Nous avons créé des droits de successeur, une chose que certains d'entre vous connaissez sans doute. Les conventions collectives en vigueur seront maintenues jusqu'à leur expiration.
Je ne veux pas faire croire aux gens que ces agences compteront uniquement sur les droits ou l'imposition de nouvelles redevances pour assurer leur financement. J'ai parlé d'affectations de crédits parlementaires, mais on peut supposer qu'elles se serviront des recettes de certains droits. Nous ne voulons pas donner l'impression qu'on s'attend à ce que ces organismes imposent de nouveaux droits pour couvrir toutes leurs dépenses.
Le sénateur Stratton: Je vois où vous voulez en venir et vous n'essayez pas de déterminer, dans ce projet de loi, ce que cet organisme sera ou pourra être. Je m'inquiète pour les employés, car ils quitteront la fonction publique pour se joindre à un organisme «théorique» qui pourrait être une société privée.
M. Cameron: Les modalités prévues dans ce projet de loi pourraient s'appliquer au transfert à une société privée.
Le président: Cette société privée obtiendrait-elle un contrat pour faire le travail? De toute évidence, elle en obtiendrait un pour payer les salaires étant donné que vous garantissez que les salaires et les avantages sociaux resteront les mêmes.
Le sénateur Stratton: J'essaie de comprendre comment cela fonctionnera. Vous fournirez le financement de base puis, en faisant payer les usagers, vous aurez de quoi compléter ce montant afin de payer les salaires. S'il s'agit d'un organisme du secteur privé, c'est à lui qu'il reviendra de déterminer quel sera le financement complémentaire.
Est-ce exact? Ou vous fais-je encore dire ce que vous n'avez pas dit?
M. Cameron: Je préfère ne pas parler du financement. Je signale toutefois que nous avons déjà transféré des postes dans d'autres secteurs par le passé, notamment en confiant des services à des sous-traitants lorsque nous pensions que c'était plus rentable. Les employés ont des conventions collectives qui détermineront quels seront leurs droits et leurs avantages si leur emploi est transféré ailleurs. Cela pourrait inclure une indemnité forfaitaire de départ, un transfert de leur contribution au régime de pension, et cetera.
Le président: Vous ne pouvez pas les congédier?
M. Cameron: Tout le problème est là. Nous avons, au sein de la fonction publique, une garantie d'offre d'emploi, sauf dans les cas où cette garantie a été suspendue par le budget de l'année dernière. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons instauré les incitations au départ. Par exemple, avant cette mesure, si nous avions fait de Parcs Canada un organisme distinct dont le gouvernement canadien serait le propriétaire et l'administrateur et qui serait surtout financé par des affectations de crédits, mais en tant qu'employeur séparé, la convention collective permettrait aux employés de refuser d'aller à Parcs Canada. C'est pourtant l'organisme pour lequel ils ont été embauchés et formés et où se trouve leur emploi. Nous devrions soit leur offrir un emploi dans la fonction publique, soit leur donner l'indemnité de départ que prévoit leur convention collective.
Nous essayons de trouver un juste milieu afin d'inciter les gens à conserver leur emploi. Le but n'est pas d'éliminer des emplois s'il y a du travail à accomplir. Il s'agit plutôt d'établir des modalités raisonnables pour inciter les gens à partir avec leur emploi. Les avantages qu'un employé obtiendra lors de sa mutation dépendront du préjudice qu'il subira.
Si un employé doit prendre un emploi dont le salaire est moins élevé, on a prévu un montant forfaitaire et, dans certains cas, un supplément de salaire pendant une certaine période. Si les conditions sont suffisamment similaires à celles de votre emploi actuel et qu'on vous offre de conserver votre emploi, c'est considéré comme une offre d'emploi. Si vous la refusez, cela revient à démissionner.
M. Campbell: Je tiens à signaler autre chose étant donné que nous nous soucions tous des possibilités d'emplois et du taux de rémunération des personnes qui pourraient être touchées par la création de ces nouveaux organismes de service. J'ai parlé des droits de successeur. Cela veut dire que les employés continueront à bénéficier de leur convention collective, qu'ils resteront représentés par leur syndicat et qu'ils pourront toujours négocier leurs conditions d'emploi avec leur nouvel employeur. Sans ce changement, ils n'auraient pas cette protection.
M. Cameron: Ce à quoi les syndicats tenaient surtout c'est le maintien de la représentation par l'unité de négociation et des conventions collectives ce qui, comme l'a dit M. Campbell, n'est pas actuellement prévu dans la Loi sur les relations de travail ou n'entre pas dans le cadre de cette loi en vertu du Code canadien du travail.
Le président: Je crains que les dispositions concernant la sous-traitance, la création d'organismes et le transfert au secteur privé ne représentent beaucoup de risques pour ceux qui sont déjà dans le secteur privé. Je prendrai l'exemple de ma propre province. Je sais qu'on en discute à Waskesiu. Si vous confiez en sous-traitance l'entretien de Waskesiu, ceux qui auront un contrat garanti de cinq ans pour assurer les services d'entretien peuvent maintenant aller concurrencer les autres entreprises d'entretien qui n'ont pas le même genre de garanties. Cela leur confère un gros avantage par rapport à leurs concurrents.
Vous devez parfois éliminer des emplois parce qu'il n'y a pas de travail. Si vous essayez d'éviter d'éliminer un emploi, c'est aux dépens d'autres emplois. Je ne pense pas que ce soit équitable. S'il n'y a pas de travail, il n'y a pas de travail. S'il y a un travail à faire, confiez-le immédiatement à des sous-traitants si c'est la voie dans laquelle vous vous dirigez. Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux, car quelqu'un va forcément en faire les frais.
J'ai bien peur que c'est ce qui se passera pour les 45 000 employés auxquels je fais constamment allusion. Beaucoup de gens vont souffrir de ces mesures. Ce ne seront pas les fonctionnaires qui perdront leur poste, mais ceux qui travaillent actuellement dans le secteur privé et qui se heurteront à une concurrence déloyale. Je ne sais pas comment nous pouvons résoudre ces problèmes, mais je crois qu'ils retomberont sur le nez du gouvernement tôt ou tard. Cela m'inquiète.
M. Campbell: Nous aurons l'occasion de réexaminer ces questions en préparant les projets de loi qui créeront ces organismes. La discussion a été intéressante étant donné que nous avons vu rapidement, avec votre comité, monsieur le président, les deux côtés du problème. D'une part, nous nous soucions des employés de la fonction publique et de ce qu'il adviendra d'eux si l'on décide de créer certains organismes par souci d'efficacité. D'autre part, lorsqu'on les protège comme nous voulons le faire, si vous regardez le revers de la médaille, comme vous le faites, on peut se demander si cela ne va pas créer une concurrence injuste pour le secteur privé.
Nous devons essayer d'établir un juste équilibre. Nous ne pouvons pas laisser de côté les obligations du gouvernement vis-à-vis des fonctionnaires et nous devons veiller à procéder aux transferts en respectant nos engagements.
Je peux vous dire que certains syndicats ont formulé des critiques à l'idée qu'ils pourraient se retrouver dans un autre organisme tandis que d'autres ne sont pas inquiets étant donné les changements prévus dans ce projet de loi.
Je conclurai en disant que nous avons des obligations envers ces employés et que nous essayons de les honorer en apportant les changements qui s'imposent pour assurer une meilleure prestation des services aux Canadiens.
Le président: Merci beaucoup messieurs. Nous avons eu une réunion très intéressante.
M. Campbell a accepté de revenir la semaine prochaine. Je lui ai demandé de le faire parce que le projet de loi C-31 est très complexe et qu'il reste de nombreuses questions à examiner. Il a donné son accord. Merci, monsieur Campbell.
La séance est levée.