Aller au contenu
NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 12 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 25 septembre 1996

Le comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 17 h 15, pour étudier son ordre de renvoi portant sur le Budget des dépenses principal (Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux) déposé au Parlement pour l'exercice 1995-1996.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Comme les membres du comité l'ont entendu pendant notre réunion à huis clos, M. Ketchum, pour des raisons de maladie, ne peut continuer d'assumer ses fonctions. Nous avons demandé à la Bibliothèque du Parlement de nous venir en aide et ils nous ont dépêché M. Guy Beaumier, qui détient une maîtrise en économie de l'Université McMaster. Il travaille comme économiste au Parlement depuis 1980. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Beaumier.

Avant de commencer, quelqu'un pourrait peut-être présenter une motion pour remercier M. Ketchum, qui a travaillé longtemps avec nous. Je peux peut-être envoyer une lettre officielle au nom du comité; si les sénateurs le désirent, ils peuvent à leur gré envoyer des lettres personnelles.

Le sénateur Kelly: Je le propose.

Le sénateur De Bané: J'approuve la motion.

Le sénateur Bolduc: Je crois comprendre que M. Ketchum travaillait pour le Centre parlementaire, qui l'a détaché au Sénat. Nous devrions peut-être y acheminer la correspondance.

Le président: Nous le ferons.

Les honorables sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Cette séance est la sixième d'une série que tiendra ce comité sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Les audiences ont été amorcées au cours de la session précédente lorsque le comité a entendu des témoignages du Caledon Institute, du Fraser Institute, du ministère fédéral de la Santé de même que des gouvernements de l'Alberta et de la Colombie-Britannique. Les notes d'information que nous avions alors reçues ont été redistribuées aux membres du comité pour leur rafraîchir la mémoire. Tous les témoignages se trouvent dans les fascicules 27 à 31 des délibérations du comité de la session précédente.

Nous accueillons ce soir un témoin qui a comparu à maintes reprises devant ce comité à titre de sous-secrétaire du Conseil du Trésor et que le comité connaît et respecte. Nous accueillons donc, du ministère du Développement des ressources humaines, M. Mel Cappe, sous-ministre et M. Jim Lahey, sous-ministre adjoint.

Vous pourriez peut-être nous présenter les deux hauts fonctionnaires qui vous accompagnent.

M. Mel Cappe, sous-ministre, ministère du Développement des ressources humaines: Monsieur le président, je vous présente M. Andrew Treusch, directeur général des relations fédérales-provinciales du ministère des Finances, de même que Mme Barbara Anderson, du ministère des Finances.

Le président: Avez-vous une déclaration à faire?

M. Cappe: J'ai préparé un court exposé, si c'est utile.

Le président: Je vous en prie, monsieur Cappe.

[Français]

M. Cappe: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais remercier le comité de l'invitation à discuter du sujet que vous avez indiqué.

[Traduction]

Le gouvernement dispose d'un important programme de transfert consolidé aux provinces, sous la forme d'argent et de points d'impôt. Il s'agit du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Ce programme englobe la santé, l'enseignement postsecondaire, l'aide sociale et les services sociaux.

Je vais signaler un certain nombre d'objectifs du TCSPS qu'il faut garder en mémoire. La stabilisation de la situation financière a été une initiative importante dans la création du programme. La capacité de mieux assurer les services à la population et de conférer de la souplesse aux provinces a constitué un autre objectif important. Enfin, les efforts déployés pour assurer une plus grande collaboration en ce qui a trait aux relations fédérales-provinciales, de même qu'avec les autres paliers de gouvernement, viennent s'ajouter à ces grands objectifs.

Le TCSPS est en place depuis six mois. Je peux vous donner un bref aperçu de la façon dont nous voyons son fonctionnement.

En ce qui a trait à la stabilisation de la situation financière, le ministère des Finances joue bien sûr un rôle de premier plan. Je crois qu'il est important de reconnaître que tant que nous n'avons pas une situation financière assez stable, la protection du filet de sécurité sociale est menacée. Un des objectifs de la stabilisation est donc de pouvoir préserver les mesures de sécurité sociale.

En 1995, le ministre des Finances a discuté avec les gouvernements provinciaux et territoriaux d'une formule d'attribution permanente et, avant le budget de 1996, des témoins qui ont comparu devant notre comité ont fait ressortir la nécessité pour le gouvernement de continuer à exercer une influence positive sur les programmes sociaux. Des témoins ont aussi signalé à votre comité la nécessité de stabiliser la composante pécuniaire du TCSPS.

Nous avons traversé une période au cours de laquelle le budget de 1996 a réaffirmé l'engagement pris par le gouvernement à l'égard d'un retour graduel à la croissance économique pour ce qui est de l'ensemble des transferts dans le cadre du TCSPS et a fixé à 11 milliards le plancher en ce qui a trait à sa composante pécuniaire. Il a également mis en place une nouvelle formule de répartition. La nouvelle approche tient compte de la migration et du mouvement de la population dans certaines provinces. Le transfert réduit graduellement les écarts de financement actuels qui découlent en grande partie du plafond imposé au RAPC, comme on l'appelait alors, et qui avait été mis en place par le gouvernement précédent; d'ici 2002-2003, il réduira l'écart actuel en ce qui a trait aux allocations par habitant. Il prévoit des mécanismes provisionnels quinquennaux et règle un grand nombre des problèmes qu'avait soulevés devant ce comité le ministre de la Colombie-Britannique. Je ne vous expliquerai pas en détail comment il y parvient, mais je dois vous dire qu'il règle la question de la faculté d'adaptation aux mouvements de la population, augmente en fait l'allocation versée à cette province par rapport à ce qu'elle aurait reçu et lui donne l'occasion de mieux desservir la population.

Comme je l'ai dit auparavant, un deuxième objectif consiste à mieux desservir la population. Si l'on remonte aux années soixante, on ne dénombrait pas autant de personnes aptes au travail qui touchaient des prestations d'aide sociale. La nature de l'aide sociale a changé. Les choses ont beaucoup changé pour ce qui est d'essayer de réduire la dépendance à l'égard de l'aide sociale. Le changement en ce qui a trait aux facteurs qui interviennent dans le besoin d'aide sociale a donné lieu à un changement dans la façon d'en structurer la politique. Dans les années quatre-vingt-dix, nous devons encourager l'autonomie et la souplesse; nous devons également offrir aux gens des stimulants efficaces pour les inciter à retourner au travail lorsque c'est possible et lorsque l'économie le permet. En même temps, nous devons offrir ce filet de sécurité sociale.

L'examen d'un certain nombre d'exemples où les provinces ont essayé de mettre en place des mesures de sécurité du revenu qu'interdisait le Régime d'assistance publique du Canada mais que permettrait le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux permet d'expliquer pourquoi la souplesse a disparu sous le Régime d'assistance publique du Canada. Le TCSPS a fourni cette souplesse qui permet de mieux servir la population.

Le TCSPS témoigne aussi de la très grande priorité qu'accordent le gouvernement et le grand public aux cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Une fois de plus, je pense que cela témoigne de l'importance que la loi revêt pour le grand public.

En 1995, le gouvernement avait dit qu'il inviterait les provinces à collaborer avec lui à l'élaboration des principes non reliés à la santé qui sous-tendent le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et, en fait, je pourrais parler davantage de ce que nous faisons avec les provinces à l'heure actuelle à ce niveau. En juin dernier, les premiers ministres se sont réunis et se sont engagés à les examiner en profondeur.

Je n'entrerai pas plus dans les détails mais je dirais qu'à la suite de la réunion des premiers ministres...

[Français]

Il y avait engagement pour créer un forum des ministres pour examiner le futur de l'Union sociale. Il est important de reconnaître que les ministres des gouvernements fédéral et provincaux vont considérer les principes de fond du Canada Health and Social Transfer.

Monsieur Young, le ministre du Développement des ressources humaines du Canada, va coprésider, avec M. Ralph Goodale, l'autre ministre, un forum pour considérer l'avenir de l'Union sociale. Il nous fait plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur De Bané: M. Cappe, cette première considération dont vous avez parlé, le Fiscal System Hability, est-ce que l'on peut réellement parler de cette dimension sans tenir compte de la performance de l'économie? Je me souviens quand tous ces programmes ont été établis au début des années 1960, jusqu'au début des années 1980, cela ne causait pas de problème aux finances publiques.

Soudainement, à partir du début des années 1980, ces mêmes programmes qui ne causaient pas de problème depuis 20 ans ont causé des déficits énormes, non pas que les programmes ont changé mais au contraire, ils sont devenus plus restrictifs, mais l'économie n'est plus ce qu'elle a été de 1960 à 1980.

Quand vous dites que ce transfert en politique sociale et de santé et cetera va nous permettre de nous payer un système qui est à la mesure de nos moyens, est-ce que l'on peut le faire sans tenir compte de comment l'économie va performer? Si nous continuons d'avoir une croissance lente et cetera, est-ce que l'on va pouvoir continuer d'avoir ces programmes?

M. Cappe: Monsieur le président, le sénateur a bien raison: le montant de transfert va changer dépendant de la performance de l'économie. Auparavant, il était nécessaire de reconnaître la performance de l'économie qui a fluctué avec les choses importantes comme le transfert du côté du transfert de taxes. Maintenant, on a rétabli un plafond de 11 milliards de dollars qui va prévenir la diminution des transferts de l'argent directement aux provinces. En effet, à cause de l'accroissement de l'économie, les transferts d'argent vont augmenter après l'an 2000. À cause des nouveaux arrangements, il y aura une augmentation du transfert qui était prévue à la baisse si l'on avait gardé l'ancien régime.

[Traduction]

Le sénateur De Bané: Que dites-vous à ceux qui voient cette nouvelle caractéristique dans le nouveau programme? Je veux parler de la souplesse? L'autre côté de la médaille, c'est que cela pourrait compromettre des programmes qui revêtent déjà une très grande importance pour les gens les plus démunis, qui sont silencieux. Pour eux, cette souplesse se traduit en incertitude et en instabilité. Que répondriez-vous à ces gens?

M. Cappe: Il faut comparer le régime proposé ou actuel avec l'ancien et voir ce qui était interdit dans le cadre du régime précédent. Nous avons un certain nombre d'exemples.

À un certain moment, Terre-Neuve a proposé un programme de supplément du revenu auquel elle a dû renoncer parce qu'il ne comportait pas une justification fondée sur les moyens. Le gouvernement de Terre-Neuve n'a donc pas pu cibler certains prestataires d'aide sociale. L'Île-du-Prince-Édouard n'a pu obtenir le financement dont elle avait besoin pour un programme qui réunissait des éléments d'ergothérapie et des services de nutrition en raison de chevauchements dans le domaine des soins de santé. Il y a un certain nombre d'autres exemples.

Un programme de soutien à l'emploi pour aider les parents à ne plus dépendre de l'aide sociale a été rejeté parce qu'il ne satisfaisait pas aux exigences du RAPC, et un programme visant à offrir des services de probation aux jeunes contrevenants du Québec a été rejeté parce qu'on l'a considéré comme un service correctionnel, un secteur exclu du RAPC.

L'ancien régime ne permettait pas aux provinces de faire des choses qui auraient pu avoir du sens dans leur situation particulière pour venir en aide à certaines catégories de personnes.

La deuxième partie de ma réponse porte sur la question de savoir s'il existe certains principes directeurs pour assurer la cohérence à l'échelle du pays. Il est important de reconnaître que, dans la loi portant création du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, dans les budgets de 1995-1996 et 1996-1997 de même que dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à collaborer avec les provinces afin de définir par consentement mutuel les principes et les objectifs du programme. En agissant de la sorte, nous espérons être en mesure nous occuper précisément de la question que soulève l'honorable sénateur -- c'est-à-dire la capacité d'assurer que nous sommes en mesure d'offrir l'aide nécessaire à tous ceux qui sont dans le besoin.

Le sénateur Bolduc: J'ai devant moi un tableau de septembre 1996 qui a été préparé par le Fraser Institute et qui porte sur les transferts fédéraux. Il ne se limite pas aux transferts sociaux mais porte sur tous les transferts. Je n'ai rien à dire contre une autre province, mais je vais faire une comparaison.

Dans la province de Québec, nous recevons presque la moitié des paiements de péréquation. Par exemple, sur 8 milliards, nous recevons un peu moins de 4 milliards de dollars. L'Ontario, qui est considérée comme une province riche, ne reçoit pas de paiements de péréquation.

En ce qui concerne le transfert fiscal, la province de Québec reçoit 4,7 milliards et l'Ontario 4,5 milliards de dollars. Quant aux programmes établis, le Québec touche 1,4 milliard et l'Ontario 3,6 milliards de dollars. Au titre du Régime d'assistance publique du Canada, il revient environ 2 milliards au Québec et 2,5 milliards à l'Ontario. Au total, sous forme de transferts en espèces et de points d'impôt, le Québec touche 12 milliards et l'Ontario 11 milliards de dollars. J'ai du mal à comprendre ces chiffres.

Je me souviens très bien de l'argument invoqué par le gouvernement fédéral au cours des 40 dernières années. Nous avions sous Maurice Lamontagne les paiements de péréquation, où l'argent des provinces riches de l'ouest de l'Ontario était transféré au Québec et aux provinces de l'Atlantique. Cependant, les autres transferts ont l'effet contraire. Par exemple, les programmes établis -- ceux qui visent à financer les services de santé et d'enseignement postsecondaire et le Régime d'assistance publique du Canada-- viennent contredire la notion de péréquation.

Même si j'approuve le programme de transfert en matière de programmes sociaux, j'estime qu'il s'agit d'une mesure intermédiaire. Vous nous donnez plus de souplesse, mais en même temps, vous nous versez deux milliards de moins qu'avant. Cela ne nous donne pas beaucoup de jeu. Essayons de comprendre les mécanismes du programme.

Ne croyez-vous pas que nous devrions nous débarrasser de tous ces programmes et en modifier un, à savoir le système de péréquation, afin de le ramener sur une base plus solide? Les provinces les plus riches sont celles qui sont cotées à 120 sur la base d'une subvention par habitant comparativement au Québec, disons, qui est coté à 100.

En fait, c'est moins que 100. Il s'agit plus de 85 ou 90 p. 100. On peut diminuer les paiements pour celles qui sont cotées à 120 et augmenter ceux des autres. Ainsi, au lieu d'être de 20 p. 100 la différence pourrait être de 15 p. 100. Le reste des provinces pourra se débrouiller, sauf peut-être si un changement doit être apporté pour certaines provinces qui sont vraiment démunies, par exemple Terre-Neuve et d'autres.

J'ai l'impression que, d'une certaine manière, la péréquation est un programme pour le Québec et les provinces de l'Atlantique et qu'il s'agit pour le reste de contrebalancer. J'ai du mal à comprendre. Qu'en pensez-vous?

Je sais que c'est une question à caractère politique et que vous êtes des fonctionnaires. Cependant, vous êtes habiles. Ce n'est pas la première fois que vous venez ici. Vous pouvez peut-être nous en parler en vous en tenant aux principes généraux.

M. Andrew Treusch, directeur des relations fédérales-provinciales, ministère des Finances: Sénateur, les chiffres que j'ai pour le Québec et l'Ontario pour l'année en cours au titre du TCSPS et des paiements de péréquation sont à peu près les mêmes que les vôtres. Les paiements de transfert se chiffrent à 11 milliards pour le Québec contre 9,7 milliards pour l'Ontario. Vous avez fait remarquer que la différence n'est pas très grande entre les deux chiffres.

Ce dont on pourrait tenir compte en comparant les deux chiffres, c'est le fait que les populations représentées par les deux provinces soient très différentes. Il faut tenir compte du fait qu'une province est beaucoup plus populeuse que l'autre. D'après mes chiffres, 38 p. 100 de la population du Canada réside en Ontario, alors que le Québec en abrite moins de 25 p. 100. En fait, le Québec reçoit une plus large part des transferts que les chiffres en dollars le laissent supposer. Le Québec reçoit environ 31 p. 100 des deux transferts. La péréquation a une incidence sur une bonne partie de la redistribution.

En vertu d'une formule, le Québec reçoit de l'aide du gouvernement fédéral au même titre que toutes les autres provinces, c'est-à-dire en fonction de leur capacité fiscale.

En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, l'objectif du gouvernement est d'appuyer certains des programmes pancanadiens -- c'est-à-dire le régime d'assurance-maladie, l'aide sociale et l'enseignement postsecondaire. Il s'agit des services qui devraient être offerts d'un océan à l'autre. Pour vous donner un exemple, si tout l'argent devait être versé par l'entremise des programmes de péréquation et aucune somme par l'entremise d'une initiative comme le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le gouvernement fédéral n'accorderait alors aucun appui à une majorité de Canadiens qui ne résident pas dans une province dont la capacité fiscale est inférieure à la norme.

Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que le jugement intervient dans une large mesure. Il y a une question d'impôt sur le revenu des particuliers, de programmes sociaux et de transferts aux provinces. Cependant, je crois que tant la péréquation que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux comportent leurs objectifs. En harmonie avec ces objectifs, les accords financiers peuvent être compris.

M. Cappe: Comme l'a dit M. Treusch, il faut revenir aux objectifs des programmes. La péréquation vise à assurer un mécanisme stabilisateur pour la capacité fiscale. Il n'en va pas de même pour le Transfert en matière de santé et de programmes sociaux qui vise, toutefois, à fournir une aide fédérale aux provinces pour qu'elles soient en mesure d'aider leurs citoyens dans les domaines de la santé, de l'enseignement postsecondaire et de l'aide sociale. La comptabilité peut se faire par programme. Il s'agit d'examiner chaque programme et de porter un jugement. Nous pourrions réunir un ensemble de listes. Je ne suis pas sûr que cela réglerait la question de l'intérêt public au nom duquel ces programmes sont mis en place. Il faut continuer de revenir aux objectifs de ces programmes et déterminer dans quelle mesure le gouvernement du Canada s'acquitte bien de sa tâche lorsqu'il s'agit de desservir ses citoyens.

Le sénateur Stratton: En ce qui a trait au TCSPS, vous avez dit qu'on avait fixé un plancher de 11 milliards pour les transferts en espèces, et cela pour cinq ans, à ce que je crois comprendre, et que le reste est sous la forme de points d'impôt.

M. Cappe: Les chiffres se situent entre 25,1 milliards de dollars pour 1988-1999 et 27,4 milliards de dollars pour 2002-2003.

Le sénateur Stratton: Croit-on que les transferts vont remonter par rapport à la croissance?

M. Cappe: Tant les transferts en espèces que les points d'impôt vont augmenter.

Le sénateur Stratton: Un large débat a cours sur la disparition du plancher pour les transferts en espèces et sur le recours exclusif aux points d'impôt. Vous ne croyez pas que cela va arriver?

M. Cappe: C'est la raison pour laquelle, dans le budget de 1996, on a prévu un plancher permanent de 11 milliards de dollars.

Le sénateur Stratton: C'est seulement pour cinq ans, si je ne m'abuse?

M. Cappe: Le plancher est fixé pour cinq ans. Les gouvernements passent et il est possible qu'ils décident de modifier la loi. J'ai le sentiment qu'on s'est engagé -- il y a certes eu un énoncé de principe -- à fixer un plancher pour les transferts en espèces.

Le sénateur Stratton: Ma deuxième question porte sur le chômage. Cet été, nous avons entendu le témoignage de trois économistes. Un d'entre eux a mentionné le fait que notre taux de chômage, au Canada, se maintient à près de 10 p. 100, alors qu'aux États-Unis, il est de 5,2 p. 100. Je ne propose pas que nous imitions les États-Unis, loin de là. Cependant, un écart de quatre points est plutôt remarquable. On explique une partie de cet écart par la facilité avec laquelle on peut s'inscrire au chômage au Canada. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? L'idée est-elle d'essayer de remettre les gens au travail, de rendre non pas plus difficile, mais plus facile la réintégration du marché du travail, de leur enseigner plus facilement comment être aptes au travail et, par conséquent, faire baisser leur dépendance à l'égard de l'assurance-chômage? Cette dépendance n'explique pas tout, à mon sens. Je continue de croire qu'une importante partie du chômage est attribuable à d'autres causes.

M. Cappe: L'honorable sénateur me facilite la réponse en mentionnant l'assurance-chômage. En fait, la loi a été modifiée. La dépendance à laquelle vous faites allusion n'est qu'une explication partielle de l'écart. La nouvelle loi d'assurance-emploi que l'on est en train d'appliquer a pour objet, en partie, de changer la nature de cette dépendance et d'aider ceux qui en ont besoin, lorsqu'ils se retrouvent sans emploi, par exemple, tout en les encourageant à retourner sur le marché du travail.

Des éléments de la loi d'assurance-emploi contribueront à réduire cette dépendance. Il existe de nombreux autres facteurs déterminants: la mobilité de la main-d'oeuvre, entravée par les barrières au commerce interprovincial qui seront éliminées au moyen d'ententes, par exemple. On espère ainsi améliorer le fonctionnement du marché du travail. D'autres éléments d'un accord commercial interprovincial peuvent favoriser la libre circulation de biens et services. Il existe d'autres facteurs déterminants. M. Lahey a peut-être des précisions à vous donner à ce sujet.

M. Jim Lahey, sous-ministre adjoint, Politique stratégique, ministère du Développement des ressources humaines: Monsieur le président, j'ai plusieurs choses à dire. Au printemps, des chercheurs universitaires avec lesquels nous, du ministère, travaillons ont parrainé la tenue d'une conférence. Ils travaillent, je crois, en tandem avec le Canadian Centre for the Study of Living Standards. La conférence a porté précisément sur cette question du lien entre le taux de chômage au Canada et celui des États-Unis. J'ai le regret de vous informer qu'en dépit de tout ce débat éclairé, on n'a pas trouvé de réponse définitive. Toutefois, je me souviens de certains points. Je vous fournirai avec plaisir un résumé plus détaillé de cette conférence.

Vous parlez d'une impasse dans l'utilisation du régime d'assurance-chômage. De nombreux économistes ont longtemps cru que le régime d'assurance-chômage contribuait à accroître le taux de chômage. Divers économistes ont quantifié le phénomène; cependant, si ma mémoire est bonne, nul n'estimait que l'effet était supérieur à 1 p. 100. Au contraire, la plupart des évaluations étaient inférieures à ce nombre. Cependant, même si c'était vrai, cela n'expliquerait pas tout l'écart. Comme l'a fait remarquer M. Cappe, les changements apportés au régime d'assurance-emploi visent en partie à éliminer ce genre de contre-incitation au travail.

De plus, le bureau de statistique du travail des États-Unis ne mesure pas le chômage de la même façon que Statistique Canada. En règle générale, au Canada, si vous êtes à la recherche d'un emploi, vous faites partie de la population active alors que les États-Unis ont tendance à y intégrer moins de gens. Voilà qui explique, croit-on, une partie de l'écart, mais je ne voudrais pas en exagérer l'importance. Le phénomène explique peut-être 1 p. 100 de l'écart, mais il vaut mieux se fier au résumé que je vous enverrai.

En troisième lieu, il est souvent question de la souplesse et de la capacité d'adaptation des marchés du travail des deux pays. Aux États-Unis, les travailleurs sont moins bien protégés en ce qui concerne l'avis de licenciement. Le niveau d'organisation des syndicats offre une protection aux travailleurs canadiens, mais il introduit aussi une source de friction sur le marché du travail. Parfois, cet élément décourage certains employeurs de créer de l'emploi. Encore une fois, je ne voudrais pas en exagérer l'importance. Je ne suis pas sûr qu'on a fait une évaluation pertinente de cet effet.

En fin de compte, les savants confrères qui ont étudié cette question ont conclu qu'une grande partie de cet écart était inexpliquée et qu'elle pouvait peut-être être causée par un manque de confiance des entreprises. Quant à la cause de ce manque de confiance, je vous laisse en débattre.

Je vous enverrai avec plaisir le résumé, car il représente, que je sache, l'évaluation la plus complète de cette question entreprise jusqu'ici.

Le sénateur Stratton: Les articles que j'ai lus à ce sujet laissent entendre que la situation au Canada ressemble plus à celle de la Communauté économique européenne qu'à celle des États-Unis. Ainsi, la Communauté économique européenne a un taux de chômage beaucoup plus élevé, plus proche du nôtre que du taux des États-Unis.

D'aucuns m'ont demandé: «Est-ce bien vrai?» On cherche à s'expliquer le phénomène parce qu'il est inquiétant. Il y a, au Canada, 4 p. 100 plus de travailleurs au chômage qu'aux États-Unis depuis plus de six ans, la plus longue période de chômage élevé depuis les années 30. Il est inquiétant de voir que l'on favorise l'éclosion d'une dépendance à l'égard de l'assistance sociale. Nous devrions tous nous en inquiéter.

Quand on examine le problème et qu'on entend toutes les réponses que vous nous avez fournies -- ce sont de bonnes réponses, et je ne suis pas forcément en désaccord avec vous --, l'incertitude politique serait-elle un facteur? Je sais qu'elle joue un rôle, mais un rôle difficile à quantifier. J'ai entendu des économistes mentionner l'incertitude politique et dire qu'elle pouvait expliquer un point de pourcentage. Qu'en pensez-vous? Évidement, je suis conscient que c'est de l'ouï-dire.

M. Cappe: Je suis économiste de formation. D'une part, je puis vous donner une réponse et, d'autre part, je puis vous en donner une autre.

Plusieurs études essaient d'évaluer l'impact de l'incertitude politique sur la performance économique et les taux d'intérêt. Des études menées au Mexique et ailleurs dans le monde ont tendance à démontrer qu'il existe un impact. Même au sein de l'Union européenne, la stabilité politique n'est pas la même partout. Quand des changements sont en cours, le marché a tendance à en tenir compte, ce qui se manifeste dans les taux d'intérêt.

M. Lahey: Vous avez posé une question au sujet de la comparaison avec l'Union européenne. Le G-7 a tenu un sommet à Lille, en avril. Cette question figurait bien en vue à l'ordre du jour. Il s'avère, comme c'est si souvent le cas, que le Canada se trouve à mi-chemin entre les États-Unis et les Européens.

Un des points forts de l'expérience vécue au Canada mis de l'avant à la conférence était que, mis à part les États-Unis, le Canada était celui qui avait la meilleure feuille de route en matière de création d'emploi durant la dernière décennie et, certes, durant les cinq dernières années. En Europe, dans des pays comme l'Allemagne et la France, il ne se crée essentiellement pas de nouveaux emplois depuis quelques années, alors qu'au Canada, depuis 1993, nous avons probablement créé entre 500 000 et 600 000 emplois. Ce taux de création d'emploi est inférieur à celui des États-Unis, mais le Canada, les États-Unis et, dans une moindre mesure, la Grande-Bretagne ont été les seuls membres du G-7 à vraiment créer des emplois au cours des cinq dernières années.

Le sénateur Stratton: Grâce à la nouvelle assurance-emploi, comme elle s'appelle maintenant, nous devrions constater une régression du taux de chômage puisque le nouveau régime remet les chômeurs au travail ou les encourage à retourner sur le marché. Je sais que vous en êtes convaincu. Il est très difficile de quantifier ce phénomène parce qu'il faut tenir compte de la conjoncture économique. Lui attribue-t-on la moitié d'un point? Êtes-vous optimiste à ce point ou encore plus optimiste?

M. Cappe: Plusieurs éléments de la nouvelle loi d'assurance-emploi contribueront à cet égard. Des changements ont été apportés à ce qui est désormais la partie I de la Loi sur l'assurance-emploi qui traite de questions comme les travailleurs à temps partiel. Nous n'avons pas encore mis en oeuvre ces dispositions. Nous sommes sur le point de passer d'une méthode de calcul en semaines à une méthode de calcul en heures pour déterminer l'admissibilité à l'assurance-emploi. Ces dispositions entreront en vigueur en janvier. Naturellement, la mise en oeuvre n'est pas très avancée puisque nous n'avons même pas commencé à utiliser certains de ces moyens.

Dans la partie II de la Loi sur l'assurance-emploi, nous prévoyons cinq nouveaux instruments qui sont des mesures actives visant à aider les gens à retourner au travail. Outre de soutenir passivement le revenu et les changements que cela entraîne, ces mesures actives nous permettront d'avoir recours à des subventions salariales ciblées pour, par exemple, faciliter vraiment la réintégration au travail. Nous sommes plutôt optimistes: nous prévoyons que ces mesures auront beaucoup de succès. En mai, M. Young a rendu publique une proposition faite aux provinces en vue de leur laisser le champ libre dans l'exécution de ces mesures actives. Nous sommes actuellement en train de discuter de cette possibilité avec les provinces.

Plus tôt, le sénateur Stratton a soulevé la question de la formation. De toute évidence, les provinces estiment que cette question relève de leur compétence. L'éducation est manifestement une compétence provinciale aux termes de la Constitution, de sorte que nous nous retirerons du champ de la formation. Nous serons disposés à laisser les provinces exécuter elles-mêmes certaines mesures actives -- par exemple, en ce qui concerne les compétences, les prêts et les subventions. Voilà le genre de mesure qui, selon moi, aura un impact considérable. Deux milliards de dollars seront injectés dans ces mesures actives, ce qui peut être fort utile.

Le sénateur De Bané: Je sais qu'à l'origine, la péréquation visait à faire en sorte que tous les Canadiens bénéficient de certains services de base à un coût raisonnable, et ainsi de suite. Après avoir entendu vos échanges avec le sénateur Bolduc au sujet de la dépendance, il est clair, je crois, que la péréquation n'a pas exactement atteint son but.

Dans certaines provinces, elle a encouragé l'inefficacité; dans d'autres, elle a entraîné une croissance excessive de la bureaucratie, certaines provinces allant même jusqu'à créer des ambassades à l'étranger.

Il faudrait que les gouvernements soient soumis aux mêmes contraintes que les particuliers. La péréquation est une dérobade du gouvernement du Canada qui évite ainsi d'avoir à faire le bilan des répercussions qu'ont ses programmes nationaux sur les régions.

Quant aux provinces, la péréquation a créé une dépendance. Il est beaucoup plus facile au gouvernement fédéral de rédiger un chèque et de dire: «À vous d'assumer la responsabilité du développement économique».

À mon avis, quand on examine ce que nous distribuons en termes de paiements de péréquation à sept provinces, ces montants sont sans rapport avec les trois fonds régionaux de développement économique, soit le fonds de l'Ouest, le fonds du Québec et le fonds des Maritimes. Quand on examine le budget de ces trois fonds, il n'y a pas de lien avec la péréquation.

La péréquation n'a été qu'une dérobade pour Ottawa comme pour les particuliers, car elle n'a pas favorisé un développement économique qui tienne compte à la fois des faiblesses et des points forts de chaque province. Au contraire, elle a créé une dépendance.

À l'origine, l'idée était généreuse -- une subvention inconditionnelle versée au trésor public de chaque province qui était libre d'en disposer à son gré. Cependant, si nous consacrions 20 p. 100 de cette subvention au développement économique de ces provinces, en dépit des plus grandes difficultés, nous obtiendrions de meilleurs résultats à long terme.

Les fonds régionaux de ces trois régions sont sans rapport avec votre formule mathématique.

Le président: J'aurais quelque chose à dire. Je suis d'accord avec le sénateur De Bané, car je me souviens du premier ministre de la Saskatchewan, M. Romanow, qui a dit l'an dernier que cette province ne pouvait pas se permettre d'abaisser sa taxe de vente de 9 à 5 p. 100 parce que, son budget étant excédentaire, elle perdrait 400 millions de dollars en paiements de péréquation.

Pour revenir à la question de la péréquation, a-t-on noté un changement du côté des provinces cotisantes depuis l'entrée en vigueur du programme? Y a-t-il des changements parmi les provinces cotisantes et les provinces bénéficiaires, ou la situation est-elle toujours la même?

M. Treusch: La réponse est oui. L'Alberta recevait des paiements de péréquation, mais plus maintenant. La Saskatchewan, elle, reçoit des paiements en fonction de sa situation, vu l'instabilité de ses ressources pétrolières, gazières et naturelles. En fait, on note de grands changements sur le plan des inégalités fiscales.

Le président: L'Ontario a toujours cotisé, n'est-ce pas?

M. Treusch: Oui.

Le président: L'Alberta recevait des paiements de péréquation dans le passé, mais plus maintenant. C'est dans cette province que les impôts sont les plus faibles. Quelles sont les autres provinces cotisantes?

M. Treusch: Je ne les qualifierais pas de provinces «cotisantes». C'est ainsi qu'est conçu le régime fiscal national.

Le président: Et la Colombie-Britannique?

M. Treusch: La Colombie-Britannique ne reçoit pas de paiements de péréquation.

Le président: En a-t-elle déjà reçu?

M. Treusch: Non.

Le président: Le marché n'a pas vraiment changé. En ce qui concerne les provinces de l'Atlantique, le Québec et le Manitoba, la situation est restée essentiellement la même.

Le sénateur Bolduc: C'est comme l'aide étrangère que l'on accorde à l'Afrique. Plus nous leur fournissons de l'aide, plus ils régressent. Il n'y a peut-être pas de lien entre les deux, mais c'est un fait.

M. Treusch: Les inégalités entre les provinces ne sont plus ce qu'elles étaient. L'écart s'est beaucoup rétréci. Cela s'est fait graduellement. Toutefois, nous devrions revenir à l'objectif des paiements de péréquation parce que ce programme ne doit pas servir à remplacer le programme de développement régional; du moins, son objectif n'est pas le même.

Le paragraphe 36(2) de la Constitution consacre le principe de la péréquation. Les paiements de péréquation doivent permettre à toutes les provinces de fournir des services à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables. Ce transfert est effectué sans condition. Il revient aux provinces d'expliquer aux électeurs ce qu'elles font avec l'argent.

S'il n'y avait pas de paiements de péréquation, les services publics assurés par les provinces seraient, bien entendu, beaucoup plus inégaux. Ces paiements peuvent servir à éliminer les inégalités économiques sous-jacentes. C'est l'objet que doit viser toute politique de développement économique régional. Ils peuvent contribuer à faire disparaître ces inégalités.

Le président: La province qui gère bien ses finances et qui prélève des impôts peu élevés ne peut pas participer au même titre que les autres au programme de péréquation.

M. Treusch: Non, sénateur. Si vous habitez une province pauvre, nous ferons en sorte que la province dispose de ressources financières identiques ou comparables à celles d'une province riche pour fournir des services publics à un niveau d'imposition comparable.

Le président: Nous devrions revenir au TCSPS. Nous pourrions peut-être discuter de péréquation avec le Conseil du Trésor.

Le sénateur Bolduc: Monsieur Cappe, vous êtes maintenant le sous-ministre du Développement des ressources humaines. M. Axworthy a déclaré, il y a quelques années, que les programmes d'employabilité et de développement des ressources humaines du ministère étaient un véritable fouillis. Avez-vous mis de l'ordre dans ces programmes depuis votre arrivée au ministère?

M. Cappe: Monsieur le président, je suis ici pour parler du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Je ne les aurais pas qualifiés de fouillis, mais il y a des programmes très importants qui sont offerts aux personnes qui comptent sur l'aide du gouvernement du Canada. Le ministère accomplit de l'excellent travail du fait qu'il cherche à améliorer l'efficacité du marché du travail et à aider les gens dans le besoin.

M. Lahey: Sénateur Bolduc, M. Axworthy faisait allusion aux programmes d'emploi du ministère. La réforme de l'assurance-emploi avait pour but, entre autres, de remplacer -- je ne connais pas le chiffre exact -- une douzaine de programmes par cinq grandes initiatives. M. Axworthy souhaitait rationaliser les programmes. Ces initiatives doivent être appliquées ou adaptées aux besoins des collectivités individuelles. Bien entendu, si cette responsabilité est transférée aux provinces, ce sont elles qui se chargeront de le faire. Toutefois, nous nous sommes débarrassés d'une douzaine de programmes et les avons remplacés par cinq initiatives. En fait, M. Axworthy a atteint son objectif.

Le sénateur Lavoie-Roux: Le sénateur Stratton s'est dit fort inquiet au sujet de l'écart qui existe entre les taux de chômage américain et canadien. Je sais que des changements ont été apportés au régime de l'assurance-emploi pour réduire la dépendance et encourager la formation professionnelle.

Or, à mon avis, le problème, c'est que les gouvernements, aussi bien provinciaux que fédéral, sont incapables de créer des emplois. Il n'y a pas de travail pour les gens qui cessent de toucher des prestations d'assurance-chômage et qui ont suivi des cours. Ce n'est pas le cas pour tout le monde, mais pour bien des gens. Il n'y a pas de travail pour les diplômés des universités, des cégeps au Québec et des collèges dans les autres provinces. Ni les gouvernements provinciaux, ni le gouvernement fédéral ne semblent savoir comment venir à bout de ce problème. Bien entendu, on continue de se demander qui, des provinces ou du gouvernement fédéral, est mieux placé pour assurer la formation de la main-d'oeuvre.

[Français]

Cette incapacité que nous avons de créer des emplois.

[Traduction]

Je suis en faveur de toute mesure qui vise à réduire la dépendance et à encourager les gens à se trouver un emploi. Je pense que la plupart des gens veulent travailler. On exagère quand on dit qu'il y a des gens paresseux qui ne veulent rien faire.

Où se situe le problème?

M. Cappe: Il n'y a pas de solution magique. Le gouvernement peut créer des conditions qui favorisent la création d'emplois. Des centaines de milliers d'emplois ont été créés au cours des trois dernières années. Est-ce le gouvernement qui les a créés? Je dirais que ce sont les programmes gouvernementaux qui les ont créés. Je ne peux pas vous donner la liste de tous les emplois créés, mais je peux vous en mentionner quelques-uns.

L'important, c'est que le gouvernement peut créer des conditions qui favorisent plus ou moins la création d'emplois. La force ou la faiblesse du marché dépendra des politiques qu'adoptera le gouvernement.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est un argument que j'ai souvent entendu. Or, en même temps que l'on crée 4 000 emplois, quelqu'un d'autre en élimine 4 000. Comment se fait-il que nous ayons toujours le même taux de chômage, malgré tous les efforts honnêtes que déploient les gens qui s'intéressent à ce dossier? La situation pourrait être pire, bien qu'elle soit déjà assez grave dans une certaine mesure.

Savez-vous combien d'emplois sont laissés vacants parce que les gens n'ont pas la formation voulue ou pour d'autres raisons? Vous n'avez peut-être pas ces renseignements à la portée de la main.

Le sénateur Kelly: J'aimerais ajouter quelque chose. On dit que le gouvernement crée des emplois ou qu'il devrait créer des conditions qui favorisent la création d'emplois. Or, on ne doit pas oublier que le secteur privé est en train de subir une restructuration majeure. De grandes entreprises fusionnent, ce qui entraîne des mises à pied massives, pour la simple raison que l'heure est à la rationalisation ou à la modernisation des opérations. Je trouve cela très inquiétant.

Le gouvernement a très certainement un rôle à jouer, mais il ne peut tout faire par lui-même. Les institutions bancaires ont elles aussi un rôle à jouer. Là encore, le gouvernement a quelques solutions en vue, et il doit poursuivre ses recherches en ce sens. Il faut de nombreux outils pour créer une économie dynamique. On ne peut compter uniquement sur le secteur privé, comme on ne peut compter uniquement sur le gouvernement.

Il faut pousser la réflexion plus loin. Il est ridicule de dire que la majorité des chômeurs peuvent trouver du travail s'ils le veulent. Il n'y a rien de plus faux.

En ce qui concerne la péréquation -- et je ne veux pas m'éterniser là-dessus --, ce n'est pas parce qu'elle reçoit des paiements de péréquation qu'une province va abandonner ses efforts en vue de trouver des moyens de remettre les gens au travail. Il est ridicule de laisser-entendre une chose pareille. À mon avis, cela ne se produit tout simplement pas.

Nous devons faire preuve de plus d'imagination. Je ne prétends pas connaître la solution au problème. Je voulais tout simplement ajouter quelque chose à ce qu'a dit le sénateur Lavoie-Roux.

M. Lahey: Il ne fait aucun doute que le marché du travail au Canada connaît des hauts et des bas. Il y a jusqu'à trois millions de personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi à un moment ou à un autre au cours d'une année donnée. L'important, c'est le résultat. Je ne connais pas le chiffre exact, mais à ce moment-ci, il y a environ 14 millions de Canadiens sur le marché du travail. Il y a plus de Canadiens qui travaillent à ce moment-ci qu'il n'y en a eu dans le passé. Depuis que le gouvernement est arrivé au pouvoir -- on se sert souvent de cela comme barème --, le nombre d'emplois créés se situe entre 500 000 et 600 000.

Le sénateur Lavoie-Roux: Et qu'en est-il de la croissance démographique enregistrée au cours des 10 dernières années? Nous atteindrons bientôt le cap de 30 millions d'habitants.

M. Lahey: Même lorsque des emplois sont créés, une des raisons pour lesquelles le taux de chômage ne baisse pas autant qu'on le voudrait, c'est qu'au fur et à mesure que des emplois sont créés, que des emplois deviennent disponibles, de plus en plus de gens s'intègrent à la population active. Autrement dit, le rapport entre le nombre de chercheurs et le nombre de travailleurs peut demeurer inchangé. Je crois qu'il se situe maintenant à 9,4 p. 100.

Le président: Êtes-vous en train de dire que la hausse du taux de chômage est attribuable au fait que les gens sortent de chez eux et commencent à chercher un emploi?

M. Cappe: Il y a ce qu'on appelle le phénomène du «travailleur découragé». Lorsque le taux de chômage est élevé, les gens cessent de chercher du travail. Lorsque le taux diminue, ils reprennent leurs recherches.

Le président: Pourquoi ne faisaient-ils pas la même chose au sud de la frontière?

M. Cappe: C'est ce qu'ils faisaient.

Le président: Il reste que l'écart est très grand. Cet argument, à mon avis, ne tient pas. Je ne sais pas si je suis d'accord. J'aimerais bien qu'on m'explique comment il se fait que, si le taux de chômage est d'environ 9 p. 100, c'est parce qu'il y a reprise de l'économie, que plus d'emplois sont créés et que plus de gens se mettent à chercher du travail, ce qui entraîne une hausse du taux d'emploi.

Le sénateur Bolduc: C'est la situation que vivent les femmes depuis 20 ans.

M. Lahey: Je ne dis pas qu'on peut expliquer ce taux de 9,4 p. 100 par le fait que les gens s'intègrent à la population active. Tout ce que je dis, c'est qu'au cours des trois dernières années, entre 500 000 et 600 000 emplois ont été créés. Le taux de chômage a diminué de 2 p. 100 au cours de cette période. Évidemment, ce taux fluctue. Lorsqu'il y a un grand nombre d'emplois créés, les gens commencent à se joindre à la population active, de sorte que l'impact de ces nouveaux emplois ne se répercute pas immédiatement sur les taux de chômage parce que vous avez deux phénomènes qui se produisent -- des gens qui trouvent des emplois et des gens qui s'intègrent à la population active pour chercher du travail.

Le président: On a enregistré une hausse depuis 1993. Toutefois, au cours des années 70, 80 et 90, le taux de chômage a fluctué. Il a déjà été à ce niveau, mais il ne fait aucun doute que le taux est élevé, comme il l'a déjà été dans le passé.

M. Lahey: C'est exact.

Le sénateur Bolduc: Le nombre de travailleurs a augmenté d'environ 2 p. 100 au cours de chaque décennie. Par exemple, dans les années 50 aux États-Unis, 58 p. 100 des personnes âgées entre 15 et 64 ans avaient un emploi. Dans les années 60, ce taux était de 50 p. 100. Dans les années 70, il était de 62 p. 100. À la fin des années 70, il était de 64 p. 100, et il atteint maintenant 66 p. 100. Il n'y a jamais eu autant de personnes qui travaillent aux États-Unis et au Canada.

Le sénateur De Bané: Le taux de participation a augmenté. Le pourcentage de personnes entre 16 et 60 ans a augmenté. Par contre, je crois que notre président a raison. Lorsque j'étais jeune, le plein emploi signifiait un taux de chômage de 4 p. 100. Tous les dix ans, la définition du plein emploi semble s'appuyer sur des taux plus élevés. Maintenant, par plein emploi, on entend un taux de chômage de 9 p. 100.

Le sénateur Stratton: On semble incapable d'expliquer l'écart. Dans les années 60 et 70, le taux de chômage au Canada et aux États-Unis était identique. L'écart s'est nettement creusé dans les années 80 et 90. C'est à mon avis l'aspect fondamental de toute cette question. Avec toute la main-d'oeuvre et les compétences dont dispose le gouvernement actuel, nous devrions être en mesure d'en déterminer la cause et d'essayer de régler cette question. De nombreux articles ont été publiés à ce sujet.

Le sénateur Bolduc: Il y a de toute évidence une absence de mobilité sur le marché du travail.

Le sénateur Landry: Je vous écoute tous comparer le Canada aux États-Unis. Comme nous avons plus d'un économiste parmi nous, l'un d'entre eux pourrait-il nous expliquer pourquoi, ces derniers temps, le taux d'intérêt est plus élevé aux États-Unis qu'au Canada? Il y a une éternité que cela ne s'était pas produit. Il a toujours été d'un 1 p. cent plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Tout d'un coup, il est de 3 p. 100 plus élevé aux États-Unis. Cela signifie-t-il que nous sommes plus faibles ou plus forts?

M. Cappe: Cela signifie que l'inflation est beaucoup moins élevée au Canada. Vous examinez l'écart entre les taux d'intérêt nominal. Les taux d'inflation du Canada y sont étroitement liés. Les taux d'inflation américains sont liés aux taux d'intérêt en vigueur aux États-Unis, ce qui peut expliquer en partie cet écart. Depuis que le taux d'inflation au Canada est inférieur à 3 p. 100, il est maintenant de 1,4 ou de 1,2 p. 100, les taux d'intérêt nominal s'en sont nettement ressentis, ce qui donne la situation que vous constatez.

Le président: Est-il possible que les taux d'intérêt sont plus élevés aux États-Unis parce que leur économie est tellement forte qu'ils craignent l'inflation et que l'augmentation des taux d'intérêt est un moyen de ralentir l'économie? Ils agissent ainsi délibérément par crainte de l'inflation tandis qu'au Canada la banque réduit peut-être les taux d'intérêt pour s'assurer qu'ils restent faibles de manière à stimuler l'économie.

M. Cappe: C'est sans doute un facteur mais c'est le taux prévu d'inflation qui est important, c'est-à-dire ce que le public prévoit que son argent vaudra plus tard. Je suis tout à fait d'accord avec le président.

Le sénateur Landry: Le mouvement féministe est sans doute l'une des causes de notre taux de chômage élevé depuis les années 60. Si nous renvoyons les ménagères au foyer, nous n'aurons plus du tout de chômage.

Le sénateur Lavoie-Roux: Renvoyez-les du Sénat et vous aurez toute la place à vous.

Le sénateur Kelly: Je pense qu'il faudrait décerner une médaille de bravoure au sénateur Landry.

Le sénateur Landry: Je ne dis pas qu'il faudrait les renvoyer au foyer, mais c'est ce qui s'est produit.

Le président: Y a-t-il d'autres questions à propos du TCSPS?

J'ai quelques questions sur la péréquation et la façon dont cela s'applique à l'enseignement postsecondaire. Je vais vous poser quelques questions générales sur la Loi canadienne sur la santé. Quand cette loi a-t-elle été adoptée?

M. Lahey: Je crois que c'était en 1984.

Le président: A-t-elle été adoptée pour réunir un certain nombre de règles concernant l'argent versé aux provinces pour les soins de santé ou visait-elle à établir de nouvelles règles?

M. Lahey: Je crois qu'à l'époque elle a codifié un certain nombre de dispositions énonçant les conditions de fonctionnement du régime d'assurance-maladie. Le financement du régime de soins de santé relevait de la Loi sur le financement des programmes établis.

Le sénateur Lavoie-Roux: Les provinces devenaient trop avides.

Le président: Dans les années 60 et 70, lorsque le Canada a adopté un régime national d'assurance-maladie, nous n'avions pas de loi exhaustive obligeant les provinces à respecter des normes minimales particulières. Il existait un éventail de normes minimales régissant certains aspects clés; est-ce exact?

M. Treusch: L'origine du régime remonte à 1957. Nous avons commencé par l'assurance-hospitalisation, puis nous sommes passés à l'assurance-maladie en 1962. Au départ, il s'agissait dans les deux cas d'ententes de partage de coûts. Au cours de la période de 1957 à 1977, nous sommes passés au financement global en vertu du Financement des programmes établis. La Loi canadienne sur la santé de 1984 à laquelle vous faites allusion a réuni les principes et les conditions qui sous-tendent le régime d'assurance-maladie et a précisé la politique du gouvernement du Canada concernant les frais modérateurs et la surfacturation, en prévoyant également à cet égard une forme un peu plus subtile de pénalité, c'est-à-dire des dispositions qui autorisent des déductions de la contribution pécuniaire à raison d'un dollar pour un dollar. À l'époque, la surfacturation et les frais modérateurs faisaient l'objet de désaccord et de controverse. Comme on l'a souligné, la Loi canadienne sur la santé énonce les principes de l'assurance-maladie. Les pouvoirs de financement ont toujours été distincts.

Le président: Existe-t-il des lois semblables en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire?

M. Cappe: Non. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux est le mécanisme par lequel le gouvernement du Canada aide les provinces en matière d'enseignement postsecondaire et d'assistance sociale.

Le président: J'essaie de dégager les principes constitutionnels concernant ceux qui administrent l'assurance-maladie, ceux qui administrent l'aide sociale et ceux qui administrent l'enseignement postsecondaire. Nous avons des règles assez sévères qui régissent les normes en matière d'aide sociale. Pourtant, à ma connaissance, les sommes que le gouvernement consacre à l'aide sociale au Canada n'ont sans doute jamais été aussi élevées.

M. Cappe: J'aimerais savoir quelles sont ces normes d'après vous. Il y a l'exigence en matière de résidence prévue par le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Le sénateur Bolduc: Il parle des normes provinciales.

Le président: Je veux dire que le gouvernement fédéral a établi certaines normes minimales dans le cadre de la Loi canadienne sur la santé pour s'assurer que nous avons un bon régime de soins de santé. Or, il me semble que notre régime de soins de santé est en train de se détériorer.

M. Cappe: Nous avons les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé. Les seules normes, comme vous dites, que nous avons établies en matière de santé sont...

Le président: Un minimum.

M. Cappe: Mais il y a les cinq principes énoncés par la Loi canadienne sur la santé, à savoir l'universalité, la transférabilité et ainsi de suite. Ce sont les seuls éléments qui existent que vous pourriez qualifier de normes.

En ce qui concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, la norme établie, si vous voulez, ou le principe énoncé par la loi est l'exigence en matière de résidence, qui provient du Régime d'assistance publique du Canada. Si le gouvernement s'est engagé à consulter les provinces pour élaborer les principes et les objectifs du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, c'est pour tâcher d'établir des principes analogues aux cinq principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, qui régiront le transfert. Nous voulons établir ces principes avec le consentement des provinces.

Le président: Ce que je veux dire, c'est que la situation de l'enseignement postsecondaire est loin d'être catastrophique, et ce domaine n'est régi par aucune norme nationale. Ces normes sont toutes régies par les provinces.

M. Cappe: En tant que parent qui a un enfant à l'université, je trouve que j'ai dû débourser beaucoup plus cette année. Il nous faudrait des preuves pour déterminer si les divers régimes sont en train de se détériorer ou non.

Je pense que les responsables de l'enseignement postsecondaire indiqueraient avoir constaté aussi certains changements spectaculaires. Je ne conteste pas les faits que vous présentez. Tout ce que je dis, c'est que nous devons examiner la façon dont nous évaluons le succès relatif du système d'enseignement postsecondaire.

Le président: Nous régissons jusqu'à un certain point ce que nous appelons les normes nationales. Que se passera-t-il si ces normes n'existent plus? Que se passera-t-il si, Dieu nous en garde, nous confions les soins de santé aux provinces?

M. Cappe: Les provinces administrent effectivement le régime de soins de santé. En fait, les soins de santé varient d'une province à l'autre, en raison de la nature même de l'utilisation que les provinces font de l'argent qu'elles reçoivent. Tout ce qui pourrait s'apparenter à des normes -- il ne s'agit pas de normes de soins de santé mais de principes selon lesquels les provinces administrent leurs fonds -- ce sont les cinq principes énoncés par Loi canadienne sur la santé. Ils visent à assurer l'accessibilité et non à établir des normes en matière de soins de santé, car ces normes n'existent pas à proprement parler, pas plus qu'il n'existe de normes en matière d'enseignement postsecondaire.

Le président: Mais ils traitent de l'accessibilité. Les gens qui veulent payer les soins de santé le peuvent. C'est ça l'accessibilité. Pourtant, les provinces soutiennent que le gouvernement fédéral leur interdit de le faire.

M. Cappe: C'est exact.

Le président: Qu'est-ce que cela a à voir avec l'accessibilité?

M. Cappe: J'ai utilisé l'accessibilité pour décrire les cinq principes, mais vous avez tout à fait raison -- je parlais des cinq principes.

Le président: Ne s'agit-il pas de l'administration des soins de santé?

M. Cappe: Les cinq principes en question n'interdisent pas aux provinces d'agir ainsi mais énoncent uniquement qu'elles ne recevront pas leur argent si elles agissent ainsi. Les provinces assurent l'administration, et il est fort possible que les normes en matière de soins de santé varient d'une province à l'autre. J'essaie de faire une distinction entre les cinq principes et les normes.

Le président: Je ne dis pas que tout cela est de votre faute, monsieur Cappe. J'essaie simplement d'éclaircir la question.

Supposons que l'Alberta, la Colombie-Britannique ou la Saskatchewan veulent facturer la population pour certains services. Cela n'enlève rien aux normes, ni à l'accès; en fait, cela pourrait améliorer l'accès. Si elles arrivent à prouver qu'en agissant ainsi, elles peuvent améliorer les normes en matière de soins de santé et assurer une plus grande accessibilité, pourquoi seraient-elles pénalisées par des déductions qui risqueraient de se répercuter sur les démunis?

M. Cappe: J'aimerais préciser que les cinq principes portent sur la transférabilité, la gestion publique, l'universalité, l'intégralité et l'accessibilité. Ils visent à faciliter pour les résidents des provinces un accès satisfaisant aux services de santé sans obstacles d'ordre financier ou autre. Cela comporte l'aspect facturation. Ces principes n'interdisent pas aux provinces de facturer les services mais si elles le font, elles ne recevront pas d'argent du gouvernement fédéral.

Dans les différends en cours, nous avons constaté que le gouvernement fédéral est prêt à refuser de payer si les provinces enfreignent ces principes. Il ne le leur interdit pas puisque l'administration est une responsabilité provinciale.

La seule analogie que je peux faire, c'est avec l'exigence en matière de résidence dans le cadre de l'aide sociale. Cet aspect est à l'heure actuelle l'objet d'un litige avec une province. Vous considérez que d'autres principes devraient régir l'enseignement postsecondaire.

Le président: Je considère que l'enseignement postsecondaire n'est régi par aucun principe. Les provinces font de leur mieux pour maintenir un système universitaire solide dans ce pays. On leur donne de l'argent. Politiquement, elles décideront de l'usage qu'elles en feront. Il y a peut-être des provinces qui n'ont pas d'université. Peut-être n'avons-nous pas besoin de deux universités en Saskatchewan. J'ignore comment tout cela se réglera, mais pourquoi ne pouvons-nous pas agir de la même façon en ce qui concerne les soins de santé? Pourquoi ne pas laisser aux instances provinciales la liberté et la latitude de décider, politiquement, dans leur propre province, comment s'occuper des soins de santé sans être pénalisées et se faire dire qu'elles n'auront pas droit à leurs versements parce qu'elles facturent quelqu'un 5 $ pour se faire enlever un ongle d'orteil, par exemple?

M. Cappe: C'est un choix politique. C'est ce que la loi du pays, la Loi canadienne sur la santé, exige conformément à ces cinq principes. Évidemment un texte de loi peut être modifié. Il n'est pas enchâssé dans la Constitution.

Le président: Comment un hôpital privé en Alberta qui souhaite facturer un service enfreint-il l'un des principes de la Loi canadienne sur la santé?

M. Cappe: Il enfreint le principe de l'accessibilité, lequel suppose que le régime provincial d'assurance-maladie offre les services de santé assurés selon des modalités uniformes, ne fait pas obstacle, financièrement ou autrement, à un accès satisfaisant à ces services, veille à la gestion publique et relève d'un organisme public sans bénéfice. Les fonds doivent être affectés à ces autres activités. Si, dans le domaine du système de santé, on opte pour une gestion privée ou des obstacles financiers, les fonds ne seront pas transférés.

Je prends garde de ne pas répondre à la place de mes collègues du ministère de la Santé.

Le président: Je comprends ce que vous dites, mais je n'en saisis pas le raisonnement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Cela pose la question bien connue de la médecine à deux niveaux. Une personne pourrait avoir plus rapidement accès à un hôpital privé ou à un genre de service, uniquement parce qu'elle est en mesure de payer le supplément qu'on lui demande. On arrive alors à ce que l'on appelle la médecine à deux vitesses. Tel est le principe recherché, mais la transférabilité n'est pas parfaite non plus. Peut-être ne devrais-je pas en parler.

Les Québécois qui se font examiner ou hospitaliser en Ontario doivent payer un supplément, car les honoraires des médecins ontariens sont différents de ceux des médecins québécois. Le principe de la transférabilité n'est donc pas complètement parfait.

Le président: J'aimerais poser une question sur l'accessibilité et une autre de nature fiscale.

Si je dois payer 10 $ ou 100 $ dans un hôpital ou si un patient doit payer une opération ou une visite, c'est que la Loi canadienne sur la santé pose un problème; disons que je vis à Redvers en Saskatchewan et que l'hôpital ferme. Je n'ai plus d'accessibilité à moins de conduire jusqu'à Regina. Quelle est la différence?

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous devriez vous plaindre auprès de votre gouvernement provincial.

Le président: Il s'agit de fonds qui viennent du gouvernement fédéral. Si je vis en ville et que je dois payer pour avoir accès aux soins de santé, cela peut influer sur la capacité du gouvernement provincial d'obtenir des fonds du gouvernement fédéral. Toutefois, la province a le choix de fermer un, 10 ou 50 hôpitaux ruraux. Cela n'empêche-t-il pas l'accessibilité?

M. Cappe: Je ne veux pas revenir constamment à ce que j'ai dit plus tôt, mais je n'en ai plus le choix. Les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé sont les seules restrictions en vigueur. Autant que je sache, aucune loi fédérale n'exige de normes de soins de santé. Je ne veux pas vous recommander d'inviter ma collègue, la sous-ministre de la Santé, à témoigner, mais peut-être pourrait-elle vous donner une réponse plus complète.

Les cinq principes qui figurent dans la Loi canadienne sur la santé visent la transférabilité, la gestion publique, et cetera. La Loi ne stipule pas que vous devez vous trouver à telle ou telle distance de services adéquats de santé. Elle ne dit rien au sujet du caractère adéquat, car il s'agit d'une responsabilité provinciale.

Le président: Vous avez répondu tout à l'heure au sénateur Stratton que les points d'impôt augmentent. Que vouliez-vous dire?

M. Cappe: C'est ce que j'ai également répondu en partie au sénateur De Bané. La marge fiscale accordée aux provinces augmente parallèlement à la croissance économique et à l'augmentation du PIB, alors que le nombre de points d'impôt ne change pas. En d'autres termes, nous accordons une marge fiscale aux provinces. La valeur des points d'impôt augmente parallèlement à la croissance de l'économie, tandis que les transferts monétaires sont un montant fixé en fonction d'une formule, et cetera., qui augmente également.

Le président: Accordez-vous un point d'impôt ou vous contentez-vous de donner une certaine marge de manière que la province puisse prendre le point d'impôt?

M. Treusch: C'est à un moment précis que se fait le transfert d'impôt. Ces transferts existent depuis de nombreuses années. Aucun nouveau transfert d'impôt n'a été ajouté ces dernières années. Dans une année donnée, le gouvernement fédéral diminue ses taux d'imposition du revenu des particuliers et des sociétés pour permettre aux provinces d'augmenter leurs taux d'un montant équivalent. La situation du contribuable n'est pas meilleure ni pire, mais les recettes qui auparavant revenaient au gouvernement fédéral reviennent aux provinces. Ensuite, rien ne se passe au plan du régime fiscal. Toutefois, en ce qui concerne nos ententes fiscales avec les provinces, nous évaluons la valeur du transfert d'impôt chaque année. C'est ce dont parlait M. Cappe. En général, la valeur des transferts d'impôt augmente parallèlement à la croissance de l'économie. C'est ce qui s'est produit jusqu'ici. Nous l'évaluons chaque année. En vertu de la loi, nous devons en tenir compte dans le calcul de la contribution fédérale aux provinces.

Le président: Le taux de croissance de Terre-Neuve serait-il aussi élevé que celui de l'Alberta? Terre-Neuve ne bénéficierait pas autant des points d'impôt, puisque son taux de croissance économique n'est pas le même que celui de l'Alberta.

M. Treusch: C'est parfaitement exact. C'est la raison pour laquelle la contribution fédérale n'est pas déterminée en fonction de l'impôt, mais plutôt en fonction de ce à quoi les provinces ont droit. Par conséquent, les transferts monétaires servent d'égalisateur.

Le président: Vous calculez en fait les transferts monétaires de façon à compenser le manque de croissance de l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard et de celle de Terre-Neuve, contrairement à la croissance de l'économie de la Colombie-Britannique et de l'Alberta.

M. Treusch: Il suffit d'examiner la valeur des transferts fiscaux par province pour s'apercevoir qu'ils sont bien différents. Ils sont pratiquement deux fois plus élevés dans le cas d'une province riche, comme l'Ontario, par rapport à une province relativement moins riche, comme Terre-Neuve. En conséquence, les transferts monétaires sont proportionnellement beaucoup plus élevés dans le cas d'une province plus pauvre, comme Terre-Neuve. Toutefois, il ne s'agit pas ici de péréquation.

Le président: Cela s'en rapproche pourtant beaucoup, n'est-ce pas?

M. Treusch: Non. En matière de santé, d'enseignement postsecondaire et d'assistance sociale, nous apportons un appui aux 10 provinces. Nous ne nous occupons pas de péréquation. Nous apportons un appui comparable à tous les résidents des provinces canadiennes. C'est en cela que c'est différent de la péréquation.

M. Cappe: Si j'ai dit que 25 milliards de dollars environ sont investis dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, c'est parce que cette somme correspond au total de ce que nous avons donné aux provinces. C'est ce qui compte. Le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux représente 25 milliards de dollars. Onze milliards seulement représentent les transferts monétaires.

Le président: Examinons la situation sous un autre angle. Le gouvernement fédéral ne donne rien. Il dit alors: «Nous allons diminuer les impôts de cinq points de manière que vous puissiez augmenter les vôtres de la même façon, si bien que vous percevrez la même chose que l'année dernière.» L'argent va tout simplement à une autre personne.

M. Cappe: Il suffit d'examiner la base de recettes du gouvernement du Canada pour s'apercevoir qu'elle a énormément diminué. Les recettes du gouvernement du Canada ont diminué alors que celles des provinces ont augmenté. Nous disons simplement: «Selon la formule, nous sommes prêts à vous donner 25 milliards de dollars l'année prochaine.» Il y a quelques années, nous avons permis à certaines provinces de réunir une partie de ces fonds elles-mêmes, car elles avaient choisi de le faire. À d'autres, nous avons dit: «Nous allons vous donner une partie de ces 25 milliards de dollars. Vous n'avez pas pu réunir ce montant dans vos propres recettes fiscales.» Il s'agit d'une dépense fiscale du gouvernement du Canada, si vous voulez vraiment voir les choses sous cet angle. Ce n'est pas ainsi que je vois les choses, contrairement à certains.

La valeur de ce point fiscal ne passe pas par le gouvernement fédéral, tandis que les transferts monétaires de 11 milliards de dollars passent par le gouvernement fédéral.

Le président: Pourquoi ne pas transférer le reste sous forme de points d'impôt et ainsi, en finir?

M. Cappe: Certaines provinces seraient en faveur d'une telle solution. Toutefois, nous n'aurions plus de système qui nous permettrait de garantir les principes de résidence et autres.

Les points d'impôt sont un peu fictifs. Lorsque vous donnez à la province la capacité de réunir ces recettes, vous perdez la capacité de fixer les normes dont vous faisiez mention plus tôt au sujet de la question des soins de santé.

Le président: Je ne veux pas que vous fixiez de normes.

M. Cappe: Nous ne fixons pas les normes. Je parlais des cinq principes. Il serait fort opportun que vous recommandiez que nous abandonnions simplement la marge fiscale aux provinces. Elles pourraient alors choisir de ne pas imposer les contribuables ou au contraire d'augmenter les impôts et donc, leurs recettes. C'est une décision fiscale. Ce qui me frappe, c'est que si l'on décide d'accorder plus de points d'impôt, cela revient à dire que l'on ne veut plus s'occuper de ces questions. Si le gouvernement fédéral décide d'accorder plus de points d'impôt, c'est parce que, en fait, il ne tient plus à s'occuper de ces questions.

Le sénateur Landry: On compare l'Ontario avec les provinces de l'Atlantique, mais réalise-t-on que l'on achète tous nos véhicules de l'Ontario? Ces véhicules sont fabriqués par des gens qui gagnent 26 $ de l'heure. Dans les provinces de l'Atlantique, le salaire moyen s'élève à 8 $ ou 9 $ de l'heure. L'Ontario en tire avantage. Nous devons travailler trois heures pour gagner l'équivalent de ce que l'Ontario gagne en l'espace d'une heure.

Le président: J'aimerais revenir à la question des universités. Si nous ne voulons pas effectuer le transfert des points d'impôt, parce que nous voulons sauvegarder certains principes en matière de soins de santé et peut-être certains points pour l'assistance sociale, pensez-vous que ce serait une bonne idée de faire la même chose pour l'enseignement postsecondaire? La question que je pose est la suivante: pourquoi cela n'a-t-il pas été fait dans le domaine de l'enseignement postsecondaire?

M. Cappe: Nous sommes en train de le faire. Le gouvernement s'est engagé à examiner les principes et objectifs du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et de travailler avec l'agrément des provinces pour fixer ces principes. J'ose espérer que certains de ces principes s'appliqueront à l'enseignement postsecondaire. Nous avons demandé aux provinces d'examiner ce point également.

Je prends note de votre remarque, monsieur le sénateur, qui est fort légitime.

Le président: Ce processus de consultation avec les provinces a-t-il débuté?

M. Cappe: La réunion des premiers ministres du mois de juin a entamé le processus. Le premier ministre a demandé à M. Young de coprésider le comité pertinent au sein duquel siégera un représentant des provinces. C'est après la conférence annuelle des premiers ministres du mois d'août que le premier ministre Klein a écrit au premier ministre pour lui indiquer que l'honorable Stockwell Day, ministre des Services sociaux, assurera la coprésidence au nom des provinces. Je suppose que M. Young et M. Day se sont rencontrés.

Toutefois, autant que je sache, aucune séance conjointe des ministres provinciaux n'a encore eu lieu. Nous attendons la réponse des provinces. Nous avons l'intention de les faire participer. Le processus a débuté, mais cela prend un peu de temps.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce parce que l'enseignement relève de la compétence provinciale et parce que le Québec ne veut pas que le gouvernement fédéral s'occupe de l'enseignement que cela n'a pas été fait dans le cas de l'enseignement?

M. Cappe: Absolument. En fait, à la réunion des premiers ministres, le premier ministre du Québec a indiqué qu'il ne participerait pas au processus.

Le sénateur Lavoie-Roux: En ce qui concerne l'enseignement, si nous parlons de vaches sacrées, je pense que cela en est une, puisque cette question entraîne tant de conséquences d'un point de vue social. Toutes les provinces l'ont plus ou moins accepté.

Le président: Nous n'avons pas vraiment étudié la question de l'enseignement postsecondaire autant que nous l'aurions voulu. Toutefois, nous avons réglé beaucoup de questions aujourd'hui.

Je vous remercie d'avoir fait preuve de patience ce soir et d'avoir répondu si librement et si ouvertement aux questions que nous vous avons posées.

La séance est levée.


Haut de page